Centre d'Etudes et de Recherches marxistes 64, bd Auguste Blanqui 75013. PARIS

LE CALCUL DU TAUX DE PROFIT

Essai sur la théorie de la rentabilité moderne

par Georges XERRI

Présentation de Claude RAVEL

LE CALCUL DU TAUX DU PROFIT

PRESENTATION.-

"Le propre du capitalisme est, en règle générale, de séparer la propriété du capital de son application à la production... " (Lénine. Impérialisme . O.C.T. 22, p. 258).

La domination du capital financier ne se manifeste pas seulement en extériorité par l'existence de grandes banques et de grandes affaires industrielles. Elle se manifeste également par une transformation profonde des pratiques capitalistes et par là même des représen- tations qui s'imposent aux acteurs.

Le passage de la capitalisation à l'actualisation ne doit pas être pensé comme passage de l 'objectif au subjectif, qui conduirait à donner au taux d'actualisation le statut d'une représentation "fausse" de la réalité.Ce taux joue un rôle actif dans le développement capitaliste. On peut bien dire que la théorie bourgeoise de l ' intérêt appar- tient au domaine de l'idéologie , pour autant que l'idéo- logie soit conçue non comme voîle du réel mais comme élé- ment constitutif du mouvement réel, c'est-à-dire indisso- ciable des pratiques dans lesquelles elle s'actualise.

Bref, la représentation de la puissance d'auto-engendre- ment de l'argent ne se situe pas dans une opposition du réel, du vrai, de l'objectif et de l'imaginaire, du faux et du subjectif. Il faut quitter cet axe pour commencer à travailler. Le travail de Xerri y aidera. Il rappelle- ra en particulier qu'on ne saurait aujourd'hui analyser concrètement les situations contrètes sans traverser ces pratiques précises que sont les techniques ,de décision et de sélection des programmes d'investissement par le revenu actualisé. Les analyses de survol ne peuvent que fournir des résultats triviaux sur le rôle des grandes entreprises et les fonctions de l' Etat, résultats que nul ne conteste, surtout pas les "savants" bourgeois.

On pourra approfondir certains points en consultant un état de la question, récent et correct, tel que " Théo rie financière de l 'entreprise par Aftalion et al i i (P.U.F.)

L'intérêt de ces réflexions ne se limite pas au moment actuel de l'impérialisme. Elles permettent également

de mieux comprendre les problèmes pratiques de la tran- s i t ion. Rien n 'est plus absurde que d'opposer les pra t i - ques "quantitatives" (sèchement technocratiques, comme on sait) aux objectifs "quali tat ifs" (d'une grande éle- vation morale) du socialisme. Le calcul économique n 'est pas le résidu calciné de la bouillie du coeur. Les pro- cédures d'actualisation ne disparaissent pas dans le socialisme : la platitude du sens commun le rappelle : on ne saurait tout faire "en même temps" et le dévelop- pement de la production exige la rétention interne des consommations productives et l ' a f fec ta t ion d'une fraction du surproduit à la consommation différée. Ce qui diffé- rencie capitalisme et socialisme n 'es t pas le fa i t de différer activement la production, mais la manière de faire, qui ne doit pas être rapportée à une psychologie de la préférence des sujets, sauf à retomber dans les illusions de la motricité des besoins. Ce n 'es t pas le couple production/consommation qui est déterminant dans la transition mais le couple production/lutte des classes : l 'analyse de la production doit reprendre les catégories et chasser les fétiches. Là encore, i l faut s 'extra i re violemment de l'espace de représentation bourgeois (sujets du besoin, rapport homme/technique/nature, escompte des valeurs futures e t c . . . ) pour t ravai l le r dans le champ des concepts matérialistes (rapports de production, lut te des classes dans la transit ion, rôle de l'avant-garde etc...) Cela ne demande pas moins d'analyse économique mais beaucoup plus.

I l faut tenir les deux bouts de la chaîne : la production socialiste exige l'échange marchand à grande échelle des productions individuées dans les formes héritées de la circulation ; la lut te des classes remet en question ces formes. Le développement socialiste s'appuie sur le pou- voir universalisant de l 'argent dans ses formes développées (crédit e t c . . . ) et le re jet te du même mouvement. Si l 'on ne sa is i t pas le caractère nécessairement oblique de cette progression, on glisse vers les représentations ingénues de la transition : technique productive efficace au ser- vice d'une politique enfin "humaine".

L'OPPOSITION DE L'ECONOMIQUE ET DU JURIDIQUE

Les économistes modernes tendent à se débarrasser du juridique te l qu ' i l est en oeuvre dans la pratique de la représentation financière de la production.

Ce que Xerri démontre, c ' es t qu'on ne saurait se dé- barrasser du juridique qu'en l 'assimilant totalement dans la substance même du calcul. Le rejet est la plus profonde intériorisat ion, en ce sens que ne sont prises en compte que les valeurs "fluentes". I l n'y a plus lieu d'expliquer la productivité du capital, c ' es t le posi t i f

absolu, comme être et devoir. Ca doit rapporter parce que ça rapporte. C'est le secret de l ' inspecteur Brasig, la grande pauvreté vient de la grande Armut. Mais i l faut préciser comment s'organisent ces déplacements. I l n 'est nullement évident que l 'ac tual isat ion d'une série temporelle soit identifiable au bénéfice comptable ( voir p. 8 ). La démonstration exige la dévalorisation naturelle de l ' a c t i f . Cela veut dire (en deux mots) que les pratiques de la réappropriation du capital productif (le foyer réel de la combustion auto-entretenue du pro- cès) peuvent s 'effacer pour autant qu'apparaisse au pre- mier plan de la représentation, le foyer imaginaire : la productivité pure du temps. Le procès de l ' ac tua l i sa - tion est l'image (inversée et déplacée) du procès réel de capitalisation dans la chambre obscure de l ' idéologie. Mais la théorie de l 'actual isat ion devient base pratique, achevant la mise en forme mystique, caractéristique du capital porteur d ' in térê ts . Au risque de se répéter, rappelons que cette mystique n 'es t pas un rêve. Si on t ient au rêve, on pensera que, pour Freud, le rêve est une "réalité" d'un type spécifique. La Bourse des valeurs mobilières est,bien sûr, le temple du Veau d'or, mais ce qui s'y passe est bel et bien "réel".

RESSOURCE / RESSOURCES

I l faut, bien entendu, suivre avec beaucoup de précision les opérations réelles de ressource du procès pour comprendre comment la conception du revenu actualisé permet de déporter la ressource dans l ' imaginaire. Le secret c ' es t que "le profit du capital is te provient de ce qu ' i l a à vendre quelque chose qu ' i l n'a pas payé" (Capital, E.S., VI, 61) et que ce profit ne saurait se renouveler que si le capital is te se paye quelque chose qu ' i l n'a pas vendu. Le capital se maintient sur sa base en se revendant continuellement ( i . e . périodiquement) sa capacité productive en termes réels ou monétaires (selon le cycle propre des éléments). C'est cette série d'opérations qui constitue l 'ob je t de l 'analyse de la reproduction des conditions de la production capi ta l i s te . On sai t que Marx l 'é tudie tout d'abord au niveau de l 'un i té de production "promue à l'autonomie" (expression si mal comprise) puis au niveau de la circulation de l'ensemble du capital social. Encore ne fau t - i l pas se tromper : les notions de capital social to ta l , de procès d'ensem- ble, ne sont pas quantitatives (de macroéconomie). I l y a bien sûr de nombreuses unités de capital (sainte véri té) , mais ce qui intéresse Marx, c ' es t le repli de la multi- pl ic i té comme loi coercitive externe. "Les cycles des capitaux individuels s 'entrelacent, se supposent et se conditionnent les uns les autres et c ' e s t précisément cet enchevêtrement qui constitue le mouvement de l ' en - semble du capital social" ( E.S. V, 9).

Lorsqu'on ne suit pas cette démarche rigoureuse, on représente en termes financiers la reproduction des équi- pements. L'investissement appelle comme contrepartie le "periodic investment cost", soit un intérêt f i c t i f plus un fond d'épargne. L'impérialisme est de ce point de vue la pratique de la reproduction financière du procès d'en- semble.

RESSOURCE ET REGAIN

Le procès de la reproduction oblige chaque capital à re- gagner son héritage, à le retranscrire comme dette réf le- xive, en vue de maintenir "activement" sa substance (qui devient ainsi motrice d'elle-même, douée d'une vie propre). Ainsi, se l ient présent et passé capi ta l is te . (was du ererbt von Deinen Vatern hast, Erwirb es, um es zu besitzen,

cite Freud à la fin de l'Abrégé).

La théorie allemande du patrimoine d'affectation reflète correctement cette réal i té lorsqu'el le parle "d'un patr i - moine se soutenant par ses seules forces" (expression de Carbonnier, Droit c iv i l , Themis 1, 299). On oublie trop souvent que la gestion capi tal is te n 'est pas seulement caractérisée par la recherche du profit mais aussi par le maintien de la solvabili té (c 'es t l'A.B.C. du métier). I l ne s ' ag i t pas seulement d'équilibre act i f /passif externe. I l faut aussi rendre des comptes (rendre raison) au pro- cès de reproduction lui-même. Le mouvement vers le gain exige le contre-mouvement, le freinage interne qui reforme la base. Le capital ne peut progresser qu'avec réserve "L'instrument est ce en quoi le t ravail a sa permanence" Hegel, première philo de l ' E s p r i t P.U.F. p. 100, texte précédant la possession et la famille.

Le patrimoine de la personne physique se présente comme l i s t e algébrique et la ménagère t ient ses comptes en par- t ie simple. Le capital productif se doit de tenir ses écritures en partie double, sur le mode "spéculatif".

LA TOPIQUE ANNULEE

"La métamorphose de l'homme aux écus en capi tal is te doit se passer dans la sphère de la circulation et en même temps ne point s'y passer" ( E.S. I, 169). I l ne s ' ag i t pas là d'une formule brillante-obscure. Marx va démontrer (par la théorie de la reproduction) qu ' i l faut poser la métaphore des sphères pour l 'annuler par l 'énergétique du ressourcement. C'est ainsi que, dans la représentation, tout va sembler se mouvoir grâce à l 'énergie pure de l ' au to- engendrement de l 'argent . Le prix naturel du temps équilibre le prix civi l du t ravai l .

BULLETIN D'ADHESION AU C.E.R.M

Je désire adhérer au C.E.R.M. et participer aux travaux de la Section de .....

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Indiquer si possible vos travaux en cours (thèses, essais ou études déjà publiés)

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Pour les étudiants indiquer la discipline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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