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CREATIVE METROLOGY, UN GROUPE DE TRAVAIL DU COLLÈGE FRANÇAIS DE MÉTROLOGIE Notre métrologie se déploie à trois niveaux. D'abord sur la mesure du produit avec le contrôle des pièces . Puis sur la mesure du procédé avec le contrôle process. Enfin avec des moyens offline N°68 SEPTEMBRE 2019 41 CFM | L es technologies clés La photonique est utilisée pour le contrôle des pièces et des process Le groupe de travail Creative Metrology lancé par le Collège français de métrologie continue son travail de veille et d’inventaire des pratiques actuelles et de leurs évolutions afin de dresser un portrait de la métrologie du futur. Parmi les technologies clés qui ont été identifiées par le groupe travail, la photonique occupe une place de choix. De plus en plus de capteurs utilisent la lumière comme les capteurs sans contact pour la mesure des états de surface, pour ne citer qu’un exemple. Pour parler de cette technologie et du rôle clé qu’elle joue dans la mesure et la métrologie, nous avons interrogé François Houbre, directeur général et CTO de l’entreprise Savimex, basée à Grasse (06), spécialisée dans les optiques polymères pour les marchés des visières de casques, des HUD (Head-up Displays) pour l’automobile et des composants optiques pour l’industrie.

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CREATIVEMETROLOGY,

UN GROUPEDE TRAVAIL

DU COLLÈGEFRANÇAIS DEMÉTROLOGIE

« Notre métrologie se déploie à trois niveaux.D'abord sur la mesure du produit avec le contrôledes pièces . Puis sur la mesure du procédé avec lecontrôle process. Enfin avec des moyens offline »

N°68 � SEPTEMBRE 2019 — 41 —

CFM | L es technologies clésLa photonique est utilisée pourle contrôle des pièces et des processLe groupe de travail Creative Metrology lancé par le Collège français de métrologie continueson travail de veille et d’inventaire des pratiques actuelles et de leurs évolutions afin dedresser un portrait de la métrologie du futur. Parmi les technologies clés qui ont étéidentifiées par le groupe travail, la photonique occupe une place de choix. De plus en plus decapteurs utilisent la lumière comme les capteurs sans contact pour la mesure des états desurface, pour ne citer qu’un exemple. Pour parler de cette technologie et du rôle clé qu’ellejoue dans la mesure et la métrologie, nous avons interrogé François Houbre, directeurgénéral et CTO de l’entreprise Savimex, basée à Grasse (06), spécialisée dans les optiquespolymères pour les marchés des visières de casques, des HUD (Head-up Displays) pourl’automobile et des composants optiques pour l’industrie.

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Quelle est l’histoire deSavimex et son activité ?François Houbre : Savimexest spécialisée dans lafabrication d’optiquespolymères de précision. Nousfaisons le lien entre deuxmondes très différents : lemonde de l’optique où règnela précision, les petites sérieset celui du plastique où àl’inverse on travaille engrande série et avec destolérances généralement plusgrandes. Notre force c’est demaîtriser les contraintes et lescodes de ces deux mondes.L’entreprise compteaujourd’hui 147 personnes eta réalisé en 2018 un chiffred’affaires de presque 16 M€.Le personnel se répartit de lamanière suivante :30 personnes en R&D etgestion de projets,15 personnes dans la directiongénérale et administrative etle reste (100 personnes) enproduction, avec desopérateurs et des chefsd’équipes, techniciens deproduction (20 p). Noussommes donc une usine deproduction et nos équipesfonctionnent en 3/8. Dans lecycle de développement denouveaux produits, nousintégrons le développementjusqu’à la production série.

Nous adressons trois marchésprincipaux :1 - les protections

individuelles, écrancasques de chantier,pompier, motos, pilotes dechasse qui ont desspécificités importantes,sont des produits

techniques et doiventrépondre à des normescontraignantes. Ilsreprésentent 45 % de notrechiffre d’affaires ;

2 - les composantsautomobiles avec visée têtehaute avec 30 % du CA ;

3 - les composants optiques deprécision : capteurs pourl’industrie, applicationsophtalmiques, etapplications défense etprojection d’image pour25 % du CA.

L’entreprise créée en 1954 aconnu une croissanceconstante depuis les années1970 avec l’intégration desmatériaux plastiques puisensuite une reprise en 2007,après laquelle la croissances’est accélérée avec unpremier contrat pour PSA en2008 et en parallèle une prisede position croissante sur lemarché des casques depompier depuis 2012 pourarriver aujourd’hui à uneposition de numéro mondial.

Techniquement, portés parles développements del’industrie plastique, nousavons gagné en dix ans ungain d’un ordre de grandeursur les tolérances mécaniques,avec notamment des procédésd’injections et de dépôt plusperformants. Pour suivre etexploiter les développementsde l’industrie de la plasturgie,nous avons une forteimplication dans la fédérationde la plasturgie et enparticulier avec l’IPC (centretechnique sur l’Innovationplastique et composite).

On parle beaucoup d’Usinedu futur, d’industrie 4.0, est-ce que cela a un sens pourvous de parler d’entrepriseindustrielle 4.0 ?François Houbre : En 2017,avec le soutien de la régionPaca au travers de son agencerégionale de l’innovation,nous avons bénéficié d’unaudit avec un diagnostiquesur les problématiques liées àl’industrie du futur. Enparallèle, nous avons intégréla quatrième promotion del’accélérateur PME de BPI.Ces actions ont mis enévidence des inhomogénéitésd’avancement sur différentssujets: nous sommes enavance côté atelier d’injection,presses connectées, donnéesenregistrées, apprentissageautomatique des presses pouroptimiser les donnéesd’injection. Dans d’autressecteurs, nous sommes moinsen avance sur la traçabilitéautomatique etl’enregistrement automatiquedes données de production.

Le fait de doubler le CA encinq ans a été intense, richeen recrutement et trèsexigeant en termes destructuration de l’entreprise.

Quels sont aujourd’hui lesenjeux pour Savimex et lessolutions que vous trouvéespour être une entrepriseindustrielle 4.0 ?François Houbre : Il s’agitpour nous aujourd’hui dedévelopper la digitalisation, ladématérialisation et letraitement des données. Celapasse par la connexion des

systèmes d’information defaçon cohérente. Nous devonsassurer l’homogénéité del’information, des donnéesnumériques, au service d’unemission visant à assurer laconformité du produit et laconformité du process.

Concrètement, il nous fautmettre en cohérence latraçabilité des pièces, leslogbooks des machines, lamaintenance des machines,notre capacité à retracer unetimeline produit. Tous leséléments existent, mais il fautharmoniser.

En termes de solution, il y al’évidence de l’ERP intégré.C’est une solution peu agile etqui peut être risquée pour unePME à cause des coûtsassociés et le risque dedevenir un client captif. LesERP ont des points forts etdes points faibles.

Chez Savimex, on s’orientevers une configuration avec ledéveloppement de notrepropre outil d’interfaçageentre notre base de données,bibliothèque centralisée etentre différents logiciels. Pource développement, nous avonsune personne et un apprentien interne avec un deuxièmerecrutement à venir.

Du côté de la robotisation,nous avons un robot(polyarticulé) pour vingtopérateurs et nous avons unobjectif d’atteindre un robotpour dix opérateurs qui est lestandard de l’industrieautomobile. On peut aller

cahier

MÉTR

OLOG

IEAVEC LE COLLÈGE FRANÇAIS

DE MÉTROLOGIE

— 42 — N°68 � SEPTEMBRE 2019

Interview François Houbre, directeur général et CTO de l’entreprise Savimex

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CREATIVEMETROLOGY,

UN GROUPEDE TRAVAIL

DU COLLÈGEFRANÇAIS DEMÉTROLOGIE

au-delà dans la production desérie. Le robot fait N fois lamême chose et est capable dechanger de configurationrapidement et de façonmaîtrisée. On voit souventl’enjeu de la robotisation àtravers la réduction des coûts,mais en réalité le pointimportant pour nous c’est lacapacité à répondre à lacontrainte du processconforme associée à lacapacité à fractionner enpetites séries et à gérer de ladisparité.

Nous nous intéressons aussi àl’enregistrement à la volée del’identification des produits,donc l’IoT, les smart sensors,le stockage et la distributiond’informations.

Quelle est la place ducontrôle, de la mesure et dela métrologie chez Savimex ?François Houbre : Pour nous,le contrôle fait partie duprocédé. C’est l’intégration dela métrologie dans le procédéqui nous permet d’atteindreune capabilité 6 sigma. Sur lescombiners automobiles, latolérance de défaut de formeattendue sur une pièce de 150x 100 mm est 20 microns. Onn’est pas capable de legarantir uniquement par lamaîtrise du process. Onaccepte donc de rejeter despièces.

Notre métrologie se déploie àtrois niveaux :1 - sur la mesure du produit,

le contrôle des pièces ;2 - sur la mesure du procédé

avec le contrôle processréalisé par deséquipements de mesuressur les machinespermettant de contrôler lesvernis, couches minces, lespresses… ;

3 - la métrologie avec desmoyens offline : utilisés

d’abord dans le cycle dedéveloppement puis dequalification du produit etenfin de supervision duprocess.

Sur ce dernier aspect qui estclé pour les développementsde nouveaux produits, nousréalisons des mesures àplusieurs échelles avecdifférents moyens : desmachines à mesurertridimensionnelles, desmoyens optiques, comme lamicroscopieinterférométrique permettantpar exemple de mesurer larugosité à l’échelle dunanomètre.

Les moyens de mesure sontsupervisés par étalonnageannuel ou par des séquencesd’étalonnage interne (surprofilomètre) avec des étalonsinternes. Les étalons internessont eux-mêmes vérifiés parailleurs. Typiquement, nousréalisons un étalonnage par lefabricant une fois par an etune vérification tous les moissur calibres internes.

Nous n’avons pas aujourd’huid’accréditation Cofrac dulaboratoire de mesure. Ducôté de la qualité, noussommes certifiés ISO 9001avec une certification IATF16949 en cours.

Dans le groupe de travailCreative Metrology, nousavons identifié un certainnombre de technologiesinnovantes qui vont jouer unrôle dans la mesure dedemain : IoT, IA, blockchain,photonique… Quelles sontcelles que vous utilisezaujourd’hui ? Demain ?François Houbre :Aujourd’hui, nous avons despresses à injection quiintègrent des algorithmesd’IA permettant à la presse

d’apprendre toute seule lesbonnes données d’injection.

Côté IoT, nous procédons àdes contrôles de cycles detempérature de fours avec desmodules intelligents, despassagers qui suivent la vie duproduit et les températuresauxquelles il est soumis.Grâce à ce moyen, nousfaisons de la maintenanceprédictive et l’estimation duTRS (taux de service desmachines).

Du côté de la sécurité desdonnées, nous n’avons pasimplémenté de solutions detype Blockchain, mais noussommes à l’écoute de ce qui sefait. C’est clairement unefaçon intelligente de sécuriserles données et les certificatsqui vont avec. La fiabilité del’enregistrement estintéressante.

Du côté de la photonique,beaucoup de mesures sontréalisées avec des moyensoptiques permettant deréaliser des images, demesurer les performancesspectrales des composantsque nous fabriquons,permettant de caractériser lesétats de surface avec descapteurs sans contact. Nousutilisons aussi des systèmes àprojection de mires, desmoyens d’interférométrie, dedéflectométrie, des capteurschromatiques, des systèmesinterférométriquesmultilongueur d’ondes…

Les moyens photoniques sontutilisés pour le contrôle despièces, le contrôle des processet la métrologie offline pour ledéveloppement et laqualification.

Bien sûr toutes ces donnéesne sont rien sans lemétrologue qui les traite et les

analyse. Il doit aussi se poserde plus en plus la question del’organisation efficiente de cesdonnées pour éviterl’engorgement des capacitésde stockage. Avec lesdéveloppements futurs, cettequestion deviendra centrale.Elle doit être traitée de pairavec la possibilité de réaliserdes mesures par d’autresindustriels pour ensuitecomparer nos résultats.

Quid du recrutement et de laformation ?François Houbre :Aujourd’hui nous faisons leconstat de manques decompétences en termes demesure, de personnescapables de répondre auxquestions : quels bonscapteurs pour mesurer quoi etque faire de la mesure ?

On questionne assez peu lachaîne de mesure enproduction (techniciens,opérateurs qualifiés). Ilmanque une sensibilité à lamesure et à la métrologie. Onpratique les mesures de R&R(reproductibilité etrépétabilité), mais ce n’est pasassez fortement intégré dansla culture des gens. Dans laformation interne, on enparle, mais ce n’est pas uneévidence. Les opérateurs parexemple ont uneresponsabilité de contrôleurs,mais ils ne se reconnaissentpas forcément sur cettefonction. Nous devons doncfaire des efforts, peur-être ducôté de la formation continuepour plus sensibiliser nosopérateurs au processus demesure et à la métrologie quila sous-tend �

Propos recueillis par Jérôme Lopez

N°68 � SEPTEMBRE 2019 — 43 —