chap 2

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25 CHAPITRE 2 L’hydratation des ciments A. NONAT Résumé L’objectif de ce chapitre est de rappeler les bases scientifiques et techniques né- cessaires à la compréhension des phénomènes qui interviennent dès lors que l’on mélange une poudre de ciment avec de l’eau pour conduire à ce qui consti- tuera la phase liante du béton. Bien que cette transformation d’une suspension de particules en un solide dur et résistant soit assez extraordinaire, elle obéit à des règles simples qu’il convient de bien garder en tête parce qu’elles vont éga- lement fixer la durabilité du béton. Après une présentation sommaire du ciment Portland et de ses composés, on dé- crira le moteur de l’hydratation qui est l’évolution chimique du ciment dans l’eau et les caractéristiques des produits formés au cours de ces réactions. On montre- ra comment la microstructure de la pâte de ciment durcie se construit par l’hydra- tation et pourquoi le solide formé est poreux. Mots-clés CIMENT PORTLAND, CINÉTIQUE, CLINKER, DISSOLUTION/PRÉCIPITATION, HYDRATATION, HYDRATES, MICROSTRUCTURE, THERMODYNAMIQUE.

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Page 1: Chap 2

CHAPITRE 2

L’hydratation des ciments

A. NONAT

Résumé L’objectif de ce chapitre est de rappeler les bases scientifiques et techniques né-cessaires à la compréhension des phénomènes qui interviennent dès lors quel’on mélange une poudre de ciment avec de l’eau pour conduire à ce qui consti-tuera la phase liante du béton. Bien que cette transformation d’une suspensionde particules en un solide dur et résistant soit assez extraordinaire, elle obéit àdes règles simples qu’il convient de bien garder en tête parce qu’elles vont éga-lement fixer la durabilité du béton.

Après une présentation sommaire du ciment Portland et de ses composés, on dé-crira le moteur de l’hydratation qui est l’évolution chimique du ciment dans l’eauet les caractéristiques des produits formés au cours de ces réactions. On montre-ra comment la microstructure de la pâte de ciment durcie se construit par l’hydra-tation et pourquoi le solide formé est poreux.

Mots-clésCIMENT PORTLAND, CINÉTIQUE, CLINKER, DISSOLUTION/PRÉCIPITATION, HYDRATATION,HYDRATES, MICROSTRUCTURE, THERMODYNAMIQUE.

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Page 2: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTIONLe ciment est un matériau que tout le monde croit connaître tant il est courant. Onl’emploie en effet pour fabriquer le béton qui est le matériau de construction leplus utilisé au monde. La raison en est son faible coût, sa facilité de mise en œuvreet sa disponibilité pratiquement universelle. Il suffit, en effet, de mélanger un peude poudre avec de l’eau, du sable et des graviers pour obtenir, à température am-biante et en quelques heures, un matériau dur. Bien que près de deux milliards detonnes de béton soient produites de cette manière par an, tous les processus phy-sico-chimiques à la base de cette transformation ne sont pas complètement biencompris et font encore l’objet de recherches. Dans ce chapitre, on s’intéressera es-sentiellement à l’aspect chimique des transformations, c’est ce qu’on appelled’une manière générale l’hydratation. Ce simple nom cache cependant un ensem-ble de processus physico-chimiques qui obéissent aux lois générales de la thermo-dynamique et de la cinétique. La complexité de l’hydratation du ciment ne vientpas de la complexité des processus élémentaires eux-mêmes, ceux-ci sont en gé-néral bien décrits pour d’autres matériaux, mais de la complexité de la pâte de ci-ment :– le ciment est lui-même un matériau polyphasé, chacune des phases constituti-ves réagissant d’une manière différente ;– les réactions font intervenir une solution dont le volume est faible et confiné ;– les phases hydratées formées sont souvent difficiles à caractériser du fait deleur caractère amorphe ou nanocristallin ;– l’hydratation de chaque phase modifie la solution dans laquelle réagissent lesautres.Pour simplifier l’approche, on adopte souvent la démarche d’étudier d’abord sé-parément chacune des phases qui constituent le ciment. C’est celle que l’on suivradans ce chapitre.

2. LE CIMENT PORTLAND ET LES CIMENTS COMPOSÉS : GÉNÉRALITÉS ET NORMES

Bien que déjà utilisé par les Romains, le béton a eu le développement qu’on luiconnaît grâce à la découverte du ciment Portland au XIXe siècle. Celui-ci a étébreveté par Aspdin sur la base des travaux de Louis Vicat sur les chaux hydrau-liques. Le ciment Portland est un mélange de clinker et de sulfate de calciumdans un rapport d’environ 95-5 %. Le clinker est fabriqué par cuisson vers1450 °C d’un mélange finement broyé et homogénéisé de calcaire et d’argile (oude marnes) dans un rapport d’environ 80-20 % pour former des silicates de cal-cium ainsi que des aluminates et aluminoferrites de calcium.

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Page 3: Chap 2

L’hydratation des ciments

La composition minéralogique moyenne du clinker de ciment Portland est donnéedans le tableau 2.1. Le caractère hétérogène de cette pierre artificielle est illustrésur la figure 2.1.

Tableau 2.1 : composition minéralogique moyenne typique d’un clinker de ciment Portland, d’après [TAY 97].

Figure 2.1 : clinker de ciment Portland.A = cristaux polygonaux de C3S ou alite ; B = cristaux arrondis de C2S ou bélite ; C = phase interstitielle, liquide àla température de cuisson, formée de C3A en microcristaux (gris) enchevêtrés avec C4AF (blanc réfléchissant). Mi-croscopie optique en lumière réfléchie. Section polie attaquée par HNO3 + NaOH (× 200). (Courtoisie H. Hornain).

Constituant Notation cimentaire Formule brute % massique des différentes phases

dans le clinker

Silicate tricalcique (alite) C3S Ca3SiO5 60-65

Silicate bicalcique (bélite) C2S Ca2SiO4 10-20

Aluminate tricalcique C3A Ca3Al2O6 8-12

Aluminoferrite tétracalcique C4AF Ca4Al2O10Fe2 8-10

C

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Page 4: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La notation cimentièreEn chimie des ciments, on a l’habitude d’utiliser une nomenclature particulière pourécrire les transformations chimiques ; celle-ci utilise l’initiale des oxydes en place dessymboles chimiques classiques :C = CaO S = SiO2 A = Al2O3 F = Fe2O3 M = MgO

= SO3 = CO2 H = H2O…

Ainsi les principaux constituants du ciment Portland s’écrivent :– silicate tricalcique, Ca3SiO5 ou 3CaO, SiO2 : C3S ;– silicate dicalcique, Ca2SiO4 ou 2CaO, SiO2 : C2S ;– aluminate tricalcique, Ca3Al2O6 ou 3CaO, Al2O3 : C3A ;– aluminoferrite tetracalcique, Ca4Al2 O10Fe2 ou 4CaO,Al2O3, Fe2O3 : C4AF ;

– sulfate de calcium, CaSO4 ou CaO, SO3 : C .

La composition minéralogique du clinker varie légèrement d’une usine à l’autredu fait qu’aucune carrière n’est identique à une autre. En particulier, en l’absenced’oxyde de fer, on obtient du clinker de ciment blanc qui ne contient pas d’alumi-noferrite de calcium. À la sortie du four de cimenterie, après refroidissement ra-pide, les nodules centimétriques durs obtenus sont broyés avec du sulfate decalcium pour donner le ciment Portland. Les ciments composés résultent du mé-lange par cobroyage ou après broyage séparé du clinker avec d’autres constituantsminéraux. La quantité de CO2 émise dans l’atmosphère pendant la fabrication duciment Portland correspond grossièrement à 1 kg de CO2 émis par kg de clinker.Cette libération de CO2 provient pour environ 30 % des combustibles brûlés pourla cuisson et pour 70 % de la décarbonatation du calcaire. Pour limiter l’émissiondue à la consommation d’énergie fossile, on utilise en cimenterie de plus en plusde combustibles de substitution. Ceux-ci proviennent de déchets industriels aussivariés que les pneus usagés, les solvants et huiles ou de la biomasse (sciures debois, boues de stations d’épuration…). Pour limiter la quantité de CO2 émise liéeà la décarbonatation, une des solutions consiste à diminuer la quantité de clinkerdans le ciment. Une partie du clinker est alors remplacée par des composés miné-raux plus ou moins réactifs :– fillers calcaires ;– ajouts pouzzolaniques (fumées de silice, cendres volantes, schistes calcinés) ;– ajouts potentiellement hydrauliques (laitiers de haut-fourneau).On obtient ainsi différents types de ciment, identifiés suivant la nature et la pro-portion des ajouts dans le tableau 2.2.

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Page 5: Chap 2

L’hydratation des ciments

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Page 6: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les matériaux ajoutés au clinkerLes fillers calcaires. Ils sont constitués de calcaire broyé. Leur principale fonction estun rôle de remplissage. Une partie du clinker peut être remplacée sans grand impactsur les propriétés finales par un matériau pratiquement inerte comme le carbonate decalcium qui a une bonne affinité pour les hydrates du ciment. En fait, les fillers cal-caires ne sont pas complètement inertes, ils conduisent à la formation de carboalumi-nates de calcium qui sont les AFm (voir § 3.2.2) les plus stables.Les ajouts pouzzolaniques. Ils tirent leur nom des pouzzolanes, cendres volcaniquesutilisées par les Romains en mélange avec de la chaux pour faire leur ciment. Par ex-tension, un matériau est dit pouzzolanique s’il conduit à des propriétés hydrauliquesen mélange avec la chaux. Ces ajouts peuvent être d’origine naturelle comme les ma-tériaux d’origine volcanique ou des sous-produits industriels comme les cendres vo-lantes obtenues par dépoussiérage des gaz de chaudières alimentées au charbonpulvérisé ou les fumées de silice, sous-produit de l’industrie du silicium.Les ajouts hydrauliques latents. Ce sont des composés constitués au moins des mê-mes oxydes que le clinker, CaO, SiO2, Al2O3 dans des proportions telles qu’ils con-duisent à la formation des mêmes hydrates. Cependant, leur solubilité dans l’eau esttrès inférieure à celle des anhydres du clinker, de sorte qu’il est nécessaire de modifierle milieu pour qu’ils réagissent (activation). Ce sont essentiellement les laitiers gra-nulés de haut-fourneau obtenus par trempe du surnageant de la fonte résultant de lafusion du minerai de fer.

3. L’HYDRATATION DU CIMENT« Hydratation » est un mot utilisé pour décrire de la manière la plus générale, l’en-semble des réactions qui interviennent dès que l’on mélange le ciment avec del’eau. Comme toutes les réactions chimiques, celles- ci obéissent à des lois ther-modynamiques (voir encadré ci-après) et cinétiques.

3.1. La thermodynamique de l’hydratationDès que l’on met un minéral au contact de l’eau, il tend à se dissoudre jusqu’à at-teindre sa solubilité dans le milieu considéré ; c’est la première étape de l’hydra-tation. La thermodynamique de la dissolution est définie par le produit desolubilité : tant que le produit d’activité des ions en solution est inférieur au pro-duit de solubilité, la solution est sous-saturée par rapport à AB, le minéral AB sedissout. Au contraire, si le produit d’activité des ions est supérieur au produit desolubilité, la solution est sursaturée et c’est la réaction inverse, la précipitation,qui est thermodynamiquement possible. Ce comportement est illustré sur les figu-res 2.2a et 2.2b.

30

Page 7: Chap 2

L’hydratation des ciments

Dans le cas de l’hydratation du ciment, les phases anhydres qui le constituent con-duisent en se dissolvant à une solution sursaturée par rapport à des phases hydra-tées moins solubles qui vont précipiter (figure 2.2c).

Figure 2.2 : les trois diagrammes illustrent la thermodynamique de la dissolution et de la précipitation à travers les diagrammes de solubilité. Les axes sont les activités (A) et (B) en solution, la courbe est la courbe de solubilité ; c’est le lieu des points qui satisfont le

produit de solubilité. Sur cette courbe β = 1.(voir encadré ci-après).(a) Si on disperse le solide AB dans l’eau (état initial), il va se dissoudre parce qu’en dessous de lacourbe de solubilité β < 1, la solution est sous-saturée et les activités (A) et (B) vont augmenter ensolution en suivant la flèche. Si la quantité de AB n’est pas suffisante, on n’atteint pas la courbe desolubilité, et il reste une solution limpide (état final 1). Si le solide est en excès, il reste des grains deAB en équilibre avec la solution saturée (état final 2).(b) Si, au contraire, AB est dispersé dans une solution sursaturée, β > 1, les grains vont grossir enconsommant les ions A et B qui sont en solution jusqu’à ce que le produit d’activité (A)(B) en solutionsoit égal au produit de solubilité c’est-à-dire jusqu’à ce que β = 1.(c) Dans le cas où il existe dans le système A-B-H2O, une phase moins soluble que AB (équilibre 2),alors en se dissolvant, AB enrichit la solution qui devient sursaturée par rapport à AB, xH2O par exem-ple (état 1) qui va donc précipiter pendant que AB va continuer à se dissoudre (état 2) : c’est ce quise passe au cours de l’hydratation des liants. Une fois que tout AB se sera dissous, il ne restera quela phase AB, xH2O en équilibre avec sa solution saturée (état final).

Thermodynamique de la dissolution (voir aussi chapitre 4)Un minéral AxBy mis au contact de l’eau se dissout jusqu’à atteindre sa solubilité dé-finie par l’équilibre de solubilité :(AxBy)solide xAsolution + yBsolution

La loi d’action de masse associée à cet équilibre s’écrit :

où (A) est l’activité de l’espèce A ;k est le produit de solubilité.La variation d’enthalpie libre liée à la dissolution s’écrit :

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Page 8: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(A)x(B)y est le produit d’activité des ions dans la solution.

Tant que k < (A)x(B)y, ΔdissG est négatif, AxBy se dissout.

On pose par exemple l’indice de saturation, on peut alors écrire :

ΔdissG = RTlnβ.

Tant que β < 1 la solution est sous-saturée par rapport à AxBy,ΔdissG < 0, il se dissout.

Quand β =1 la solution est saturée, ΔdissG = 0 l’équilibre de solubilité est atteint.

Si β > 1, ΔdissG > 0, AxBy ne peut plus se dissoudre. Si la réaction est inversible, ildoit précipiter.

3.2. L’hydratation des principales phases constituant le ciment3.2.1. L’hydratation des silicates de calcium Le silicate tricalcique, Ca3SiO5, ou C3S en notation cimentière, est la principalephase constituant le clinker de ciment Portland. Dans le clinker on le nomme alite,ce n’est pas du silicate tricalcique pur, il contient un certain nombre d’impuretésen substitution dans son réseau cristallin. Dès qu’il est en contact avec l’eau, aprèsune hydroxylation superficielle qui transforme les ions du solide en ions présentsen solution [BAR 79, BAR 86], le C3S se dissout selon :

Ca3SiO5 + 3 H2O → 3 Ca++ + H2SiO42– + 4 OH–

La solution devient rapidement sursaturée par rapport à un hydrate moins soluble,l’hydrosilicate de calcium, noté C-S-H en notation cimentière, selon :

x Ca2+ + H2SiO42– + 2(x-1) OH- + y H2O → C-S-H (ou xCaO, SiO2, yH2O)

La stœchiométrie du C-S-H, généralement définie par le rapport molaire CaO/SiO2(ou C/S en notation cimentière), varie avec la composition de la solution avec la-quelle il est en équilibre. Le rapport C/S varie grossièrement entre 1 et 2 ; il est enmoyenne de 1,7 dans une pâte de ciment Portland ordinaire [TAY 97]. De ce fait,en se dissolvant le silicate tricalcique libère plus d’ions calcium et hydroxyde quele C-S-H n’en consomme, la solution s’enrichit en ces ions et devient sursaturée parrapport à l’hydroxyde de calcium qui précipite sous forme de portlandite :

Ca2+ + 2 OH– → Ca(OH)2

L’ensemble de ces trois réactions par lesquelles procède l’hydratation du C3S estsouvent résumé par l’équation bilan suivante (ce n’est pas une réaction chimique) :Ca3SiO5 + H2O → 1,7CaO, SiO2, yH2O + 1,3 Ca(OH)2qui s’écrit en notation cimentière :C3S + H → C-S-H +1,3 CH

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Page 9: Chap 2

L’hydratation des ciments

Le même enchaînement de réactions entre en jeu dans le cas du C2S pour aboutirà l’équation bilan :

C2S + H → C-S-H + 0,3 CH

3.2.2. L’hydratation des aluminates de calciumLe même type de processus que dans le cas des silicates de calcium intervientlorsque l’aluminate tricalcique est mis au contact de l’eau. Son hydrolyse et sadissolution conduisent à :

Ca3Al2O6 + 6 H2O → 3 Ca2+ + 2 Al3+ + 12 OH–

En milieu basique, du fait du caractère amphotère de l’aluminium, celui-ci setrouve majoritairement sous forme d’anions Al(OH)4

–. Contrairement au cas dessilicates de calcium, il existe plusieurs phases aluminates de calcium hydratésmoins solubles que l’anhydre : outre l’hydroxyde d’aluminium, Al(OH)3, il exis-te, d’une part, Ca2Al2(OH)10,3H2O (C2AH8) et Ca4Al2(OH)14,6H2O (C4AH13)qui sont en fait les limites d’une solution solide dans laquelle le rapport C/A varieentre 2 et 4 selon la concentration en hydroxyde de calcium en solution, et, d’autrepart, un hydroxyde mixte Ca3Al2(OH)12 (C3AH6). C’est ce dernier qui est ther-modynamiquement le plus stable (le moins soluble), c’est donc l’état final vers le-quel le système C3A-eau doit tendre en l’absence de tout autre constituant.Pourtant, les premiers se forment d’abord parce que, pour un même degré de sur-saturation, le temps nécessaire pour former les premiers germes est plus court. Ilsse dissolvent ensuite pour précipiter C3AH6.

On rajoute au clinker du sulfate de calcium sous forme de gypse (CaSO4, 2H2O),de plâtre ou hémihydrate (CaSO4, 0,5H2O) ou d’anhydrite (CaSO4). Dans cesconditions, dans une solution contenant les ions Ca2+, Al3+, OH– et SO4

2–, la pha-se la moins soluble est le trisulfoaluminate de calcium hydratéCa6Al2(SO4)3(OH)12, 26H2O ou ettringite (C6A 3H32 en notation cimentière).C’est cette phase qui se forme tant que la concentration en sulfate en solution estsuffisante. Lorsque tous les sulfates sont épuisés, ce sont les hydroaluminates decalcium comme C4AH13 et ses homologues mono-substitués (monosulfoalumi-nate de calcium, monocarboaluminate de calcium…) qui précipitent.En ce qui concerne l’hydratation du C4AF, elle conduit à la précipitation du mêmetype de composés que ceux qui sont formés à partir de la dissolution du C3A, enparticulier lorsque celle-ci est réalisée en présence d’hydroxyde de calcium. Dansce cas, une partie des ions Al3+ dans les hydrates sont substitués par des ions Fe3+.Dans le cas contraire, une partie importante du fer précipite sous forme d’hy-

S

33

Page 10: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

droxyde de fer, Fe(OH)3. C’est pour cette raison que, d’une manière générique,les hydroaluminates de calcium contenant ou non du fer sont appelés AFm. Unejustification de cette terminologie en relation avec la structure sera donnée au pa-ragraphe 3.4.3. De même les composés de type ettringite sont appelés AFt.

3.3. La réactivité des autres constituants du ciment3.3.1. Les ajouts pouzzolaniquesCes composés sont riches en silice et pauvres en oxyde de calcium ; de ce fait ilssont très peu solubles dans l’eau. Dans une solution riche en hydroxyde de cal-cium, du fait du pH élevé, la silice se dissout selon :

SiO2 + 2 OH– → H2SiO42–

En présence des ions calcium de la solution, le C-S-H moins soluble précipite se-lon la même réaction que dans le cas des silicates de calcium :

x Ca2+ + H2SiO42– + 2(x-1) OH– + y H2O → C-S-H (ou xCaO, SiO2, yH2O)

Cependant en présence de silice solide, le rapport C/S du C-S-H est plus faible quecelui obtenu à partir de la dissolution des silicates calciques. L’équation bilan de cesréactions de dissolution et précipitation est souvent appelée réaction pouzzolaniqueen référence au ciment romain constitué d’un mélange de chaux et de pouzzolannes.Il convient de se souvenir que ce n’est qu’un bilan de deux réactions et que ce n’estpas « la portlandite qui réagit avec la silice » comme c’est souvent énoncé.

3.3.2. Les ajouts potentiellement hydrauliquesLes types mêmes de ces ajouts sont les laitiers granulés de haut-fourneau. Ils sontconstitués de CaO, SiO2, Al2O3, MgO. La trempe que le laitier subit à la sortie duhaut-fourneau confère une structure vitreuse à ce matériau. La teneur des diffé-rents oxydes varie d’un laitier à l’autre ; une fourchette de composition en oxydesest donnée dans le tableau 2.3.

Tableau 2.3 : composition chimique donnée en pourcentage en poids des principaux oxydes, d’après [TAY 97].

Les laitiers de haut-fourneau contiennent tous les éléments susceptibles de donnerles mêmes hydrates que les ciments. Cependant, leur solubilité dans l’eau est tropfaible pour conduire à des solutions suffisamment concentrées pour être sursatu-rées par rapport aux hydrates du ciment. Ils doivent être activés, c’est-à-dire quela solution d’hydratation doit être telle que leur solubilité soit augmentée. C’est le

SiO2 Al2O3 CaO MgO FeO

32-37 10-16 38-45 3-9 0,3-10

34

Page 11: Chap 2

L’hydratation des ciments

cas dans une pâte de ciment Portland dans laquelle le pH est suffisamment basi-que. La silice contribue à la formation de C-S-H, l’alumine à des aluminates decalcium et de magnésium. Ces derniers constituent la famille des hydrotalcitesdont la structure dérive de celle de la brucite (Mg(OH)2) selon le même mécanis-me que les AFm dérivent de celle de l’hydroxyde de calcium.

3.4. Les propriétés des principales phases hydratées 3.4.1. La portlandite

La portlandite est le nom minéralogique de l’hydroxyde de calcium cristallisé.Son nom vient, bien sûr, du fait qu’on la trouve dans le ciment Portland hydraté.C’est la phase la plus soluble de la pâte de ciment hydratée.

Sa solubilité dans l’eau est de l’ordre de 22 mmol/L à 25 °C soit environ 1,6 g/L,ce qui correspond à un pH de 12,6. Sa présence dans la pâte de ciment, par sonéquilibre de solubilité maintient le pH élevé de la solution interstitielle. Sa solu-bilité diminue avec la température.C’est également une des phases les mieux cristallisées. Elle cristallise sous formede cristaux hexagonaux plus ou moins développés dans la pâte de ciment, les po-res et l’interface pâte/granulat. Sa structure cristalline est de type hexagonal. Elleest constituée de plans d’ions calcium (plan ab) en environnement octaédrique as-suré par 3 ions OH– de part et d’autre du plan, ce qui constitue un feuillet d’hy-droxyde qui est répété selon l’axe c (figure 2.3).

Figure 2.3 : (a) structure cristalline de la portlandite ; (b) image en microscopie électronique à balayage de cristaux de portlandite (courtoisie D. Damidot).

La morphologie est un reflet de la structure hexagonale.

(a) (b)

c

a

b

OH–

OH–

Ca++

35

Page 12: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.4.2. Les silicates de calcium hydratés (C-S-H)Les C-S-H constituent la majeure partie de la phase liante de la pâte de ciment.On parle souvent de gel de C-S-H se référant à des composés amorphes. Ce sonten fait des composés nanocristallins constitués de particules nanométriquesagrégées les unes aux autres (figure 2.4).

Figure 2.4 : morphologie du C-S-H.(a) Image en microscopie électronique à balayage de C-S-H poussant à la surface de grains d’alite[REG 75]. (b) Image de C-S-H observé en microscopie à force atomique. La différence de morpholo-gie est due au fait que le vide du microscope électronique à balayage déshydrate le C-S-H et modifiela microstructure.

Les dimensions typiques de ces particules sont de l’ordre de 60 × 30 × 5 nm3

[GAU 98]. Elles présentent également une structure lamellaire ; chaque feuillet estconstitué d’un double plan d’ions calcium coordinés de part et d’autre par les oxygè-nes de tétraèdres de silicates [TAY 86, NON 04]. Les silicates se présentent sous for-me de lignes parallèles de dimères (figure 2.5). Une partie plus ou moins importantede ces dimères peuvent être pontés par un troisième tétraèdre formant ainsi des penta-mères. L’interfeuillet contient des molécules d’eau et plus ou moins d’ions calcium.Le nombre de tétraèdres pontants et de calcium en interfeuillet dépend de la concen-tration de la solution interstitielle en hydroxyde de calcium ; c’est cette dépendancequi est à l’origine de la variation du rapport Ca/Si des C-S-H. Il semble bien qu’il exis-te trois phases distinctes de C-S-H, C-S-H-α correspondant à 0,66 < Ca/Si < 1, C-S-H-β correspondant à 1 < Ca/Si < 1,5 et C-S-H-γ correspondant à 1,5 < Ca/Si < 2. Dansun ciment CEM I, on rencontrera essentiellement les C-S-H de plus haut rapport Ca/Si ; en revanche, dans un ciment à la fumée de silice par exemple, on trouvera le C-S-H-α à l’interface avec la fumée de silice. On distingue souvent également les C-S-H

(a) (b)

36

Page 13: Chap 2

L’hydratation des ciments

par leur morphologie, en particulier, les C-S-H externes (outer product) de morpholo-gie plutôt fibrillaire, qui se développent à partir de la surface des grains anhydres dansles pores de la pâte et les C-S-H internes (inner product) de morphologie plus com-pacte, qui occupent l’espace libéré par le grain d’alite qui se dissout.

Figure 2.5 : représentation schématique de la structure cristalline du C-S-H et relation avec la morphologie.

Du fait de la petite taille des particules qui le compose, la surface spécifique duC-S-H est très élevée (de l’ordre de 250 m2/g) [KAN 61] ; de ce fait les propriétésphysicochimiques de la surface sont aussi importantes sinon plus que les proprié-tés du volume. En particulier, la principale caractéristique du C-S-H est qu’il por-te une forte densité de charges électriques de surface. En effet, les tétraèdres desilicates portent un oxygène à chacun de leur sommet. Si ces oxygènes ne sont pasengagés pour connecter deux tétraèdres ou pour coordiner un ion calcium, ils por-tent des protons et forment des groupes silanols >Si-OH. En milieu basique, lesgroupes silanols de la surface sont ionisés selon :

> Si–OH + OH– → >SiO– + H2O

La densité de sites > Si-OH à la surface est fixée par la structure (4,8 sites/nm2)[VIA 01].

À haut pH, comme c’est le cas dans la pâte de ciment, la plupart des sites sontionisés, ce qui donne une densité de charges de surface parmi les plus élevées desminéraux. Cette haute densité de charges de surface est à l’origine de la cohésiondu ciment et joue un rôle important dans l’interaction des espèces ioniques avecla surface [PEL 97, JON 04].

En ce qui concerne sa stabilité le C-S-H est très peu soluble dans une solution sa-turée par rapport à la portlandite (quelques µmol/L, soit de l’ordre de 1 mg/L), sasolubilité augmente quand la concentration en hydroxyde de calcium en solutiondiminue et si le pH descend en dessous de 10, il se dissout au profit de la silicequi devient moins soluble [GRE 60].

Plan de CaO

Plan de CaO

interfeuillet

feuillet

Dimère de silicate

Tétraèdre pontant

H

H

H

H

60 nm30 nm

5 nm

C

37

Page 14: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.4.3. Les aluminates de calcium hydratésOn distingue les phases hexagonales (C2AH8–C4AH13) et la phase cubiqueC3AH6.

Le C3AH6 ou hydrogrenatLe C3AH6, Ca3Al2(OH)12 est la forme la moins soluble des aluminates de cal-cium hydratés. Il présente la même structure cristalline que le grenatCa3Al2(SiO4)3 dans laquelle chaque tétraèdre de silicate est remplacé par quatreions hydroxydes qui occupent la position des oxygènes des sommets du tétraèdre(figure 2.6). Il existe en fait un domaine de solution solide entre les deux pôlesCa3Al2(OH)12 et Ca3Al2(SiO4)3 (Katoite) [DAM 95]. L’hydrogrenat est le pro-duit de l’hydratation des ciments alumineux (chapitre 14), on le trouve rarementdans les ciments Portland hydratés à des températures normales.

Figure 2.6 : (a) structure cristalline de l’hydrogrenat ; (b) image en microscopie électronique à balayage de cristaux d’hydrogrenat.

Les phases hexagonalesLa structure des aluminates de calcium hexagonaux dérive directement de cellede la portlandite. Certains ions calcium du plan cationique du feuillet sont substi-tués par des ions Al3+. Il en résulte un excès d’une charge positive par calciumsubstitué. Cette charge positive est compensée dans l’interfeuillet par des anions; ces anions sont des hydroxydes OH– dans C2AH8 et C4AH13 mais ce peut êtreégalement tout autre anion mono ou divalent (Cl–, CO3

2–, SO42–…) (figure 2.7).

(a) (b)

38

Page 15: Chap 2

L’hydratation des ciments

Par exemple dans C4AH13, qui peut s’écrire encore 2([Ca2Al (OH)6]+OH-,3H2O), un Ca2+ sur 3 est remplacé par un Al3+, et l’excès de charge est compensépar un OH-. On obtient le même type de composés avec des ions Fe3+. Pour unemole d’oxyde Al2O3 ou Fe2O3 substituant deux moles de CaO, il faut une moled’anions divalents que l’on peut écrire en notation cimentière : C3A, CX. C’est laraison pour laquelle on les nomme AFm (A pour Al2O3, F pour Fe2O3 et m pourmono (1 CX)). Les hydrates les plus stables sont les carboaluminates de calciumqui se forment dans les ciments contenant des ajouts calcaire ou simplement à par-tir des carbonates dissous dans la solution interstitielle du fait du contact avec leCO2 atmosphérique.

Figure 2.7 : représentation schématique de la substitution cationique et de la compensation de charge dans les phases de type AFm.

3.4.4. L’ettringite La structure de l’ettringite est très différente de celles des AFm. Elle est constituéede colonnes de cations coordinés par les oxygènes des hydroxydes et des moléculesd’eau (figure 2.8). Les ions sulfate ne participent pas non plus à la coordination descations, ils n’assurent que l’électroneutralité. Ils sont accueillis dans les canauxcréés par les colonnes cationiques. Ils peuvent également être remplacés par d’autresanions tout comme l’aluminium peut également être substitué par du FerIII.

Insertions d'anions

en interfeuillet

pour compenser la charge

Substitution 1/5 Ca par Al

feuillet chargé positivement

interfeuillet

plans de cations

Ca (OH)2

× 6

Ca2+ OH– anions

(Ca2+ / Mg2+ /

Al3 / Fe3+)

39

Page 16: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

C6A 3H32 s’écrit également C3A, 3C d’où le nom de AFt donné à cette famillede composés.

Figure 2.8 : (a) structure cristalline de l’ettringite ; (b) image en microscopie électronique à balayage de cristaux d’ettringite (courtoisie D. Damidot).

3.5. La cinétique de l’hydratation des principales phases du cimentLa dissolution et la précipitation sont des réactions hétérogènes, elles font inter-venir deux phases : une phase liquide, la solution, et une phase solide, celle qui sedissout ou précipite. Au contraire des réactions homogènes, il n’y a pas de lois ci-nétiques générales pour décrire les réactions hétérogènes, la vitesse de celles-cidépend des caractéristiques de la surface du solide et de l’interface solide-solu-tion. Les deux principaux paramètres qui vont contrôler la vitesse macroscopiquede la réaction sont l’étendue de l’interface, c’est-à-dire la surface développée parle solide en contact avec la solution, et l’écart à l’équilibre autrement dit le degréde sous-saturation, dans le cas de la dissolution, et le degré de sursaturation, dansle cas de la précipitation. Plus l’écart à l’équilibre est grand, plus la vitesse inter-faciale sera grande ; de même, plus l’étendue de l’interface est grande, plus la vi-tesse macroscopique globale sera grande. Par exemple, au cours de la dissolutiond’un solide, si aucune autre réaction n’intervient, la vitesse macroscopique nepeut que diminuer : d’une part, la concentration des ions en solution augmente cequi diminue l’écart à l’équilibre et, d’autre part, la taille des grains diminue éga-lement, ce qui diminue l’étendue de l’interface.Dans le cas d’un processus incluant la dissolution d’une phase et la précipitationd’une autre comme l’hydratation, l’étendue de l’interface de dissolution diminuealors que l’étendue de l’interface de précipitation augmente. Pour maintenir la vi-tesse globale de dissolution égale à la vitesse globale de précipitation, les concen-trations en solution évoluent de telle sorte que l’écart à l’équilibre par rapport à

(a) (b)

S S

octaèdres Al (OH)6

tétraèdres SO4

2–

molécules H2O

polyèdres CaO8

40

Page 17: Chap 2

L’hydratation des ciments

l’équilibre de solubilité de la phase qui se dissout augmente pour compenser la di-minution de l’étendue de l’interface ; de ce fait, en même temps, l’écart à l’équi-libre de solubilité de la phase qui précipite diminue, ce qui ralentit la vitesseinterfaciale de précipitation. C’est ce que Barret a appelé le chemin cinétique del’hydratation [BAR 88, BAR 90]. On peut rencontrer différents cas.Le plus simple est par exemple celui de l’hydratation du plâtre en gypse : l’évo-lution du pourcentage d’hydratation, c’est-à-dire le taux de disparition du plâtreou le taux d’apparition du gypse, en fonction du temps est représenté sur la figure2.9 : c’est une sigmoïde pratiquement symétrique qui s’étend entre 0 et 100 %d’hydratation. La vitesse instantanée de l’hydratation est la tangente en chaquepoint de la courbe ; elle est maximale au point d’inflexion. On observe donc suc-cessivement une période accélérée, puis une période décélérée. La période accé-lérée est contrôlée par la croissance du gypse dont l’augmentation de surfaceentraîne une consommation de plus en plus grande d’ions fournis par la dissolu-tion du plâtre. Pendant ce temps, la surface du plâtre diminue, et il arrive un mo-ment où sa dissolution ne suffit plus à fournir tous les ions que pourraitconsommer la croissance du gypse. La vitesse diminue alors comme dans le casde la dissolution pure. La réaction devient limitée par la dissolution.

Figure 2.9 : avancement de l’hydratation du plâtre au cours du temps après malaxage avec de l’eau (eau/plâtre = 2).

La vitesse d’hydratation est la tangente à la courbe. (1) Après le gâchage, la réaction accélère continû-ment jusqu’à 32 minutes : elle est contrôlée par la croissance du gypse dont la surface augmente et con-somme de plus en plus d’ions fournis par la dissolution du plâtre. (2) À cet instant, la surface du plâtrediminuant, sa dissolution n’arrive plus à fournir tous les ions que pourrait consommer la croissance dugypse et la vitesse diminue jusqu’à disparition complète du plâtre.

3.5.1. Cas des silicates calciquesLe cas de l’hydratation des silicates calciques est un peu plus complexe : l’évolu-tion du taux d’hydratation en fonction du temps est représentée sur la figure 2.10

0

20

40

60

80

100

0 10 20 30 40 50 6032

(1)

(2)

temps (minutes)

% h

ydra

tation

41

Page 18: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

pour le silicate tricalcique. Le début de l’hydratation suit le même type d’évolu-tion que dans le cas précédent, même s’il est plus lent.

L’hydratation est contrôlée par la vitesse de croissance du C-S-H. Les particulesnanométriques de C-S-H précipitent à la surface du grain qui se dissout et finis-sent par former une couche continue sur la surface du grain. À partir de ce mo-ment, l’hydratation est contrôlée par la diffusion des ions à travers cette couched’hydrate.

Il est à noter que si les grains de C3S sont suffisamment petits pour être complè-tement dissous avant que la couche ne soit continue, on observe le même typed’évolution que dans le cas de l’hydratation du plâtre en gypse.

Figure 2.10 : avancement de l’hydratation du C3S.

(a) Dans le cas du C3S, l’avancement de l’hydratation peut facilement être obtenu par intégration duflux de chaleur dégagé par la réaction et mesuré par calorimétrie. (b) Au cours du processus de dis-solution du C3S-précipitation du C-S-H, celui-ci se forme par germination hétérogène sur la surfacedu C3S [GAR 99] et des particules de C-S-H déjà précipitées, de telle sorte qu’assez rapidement unecouche continue autour du grain d’anhydre va ralentir le processus de dissolution [GAR 01]. Le pour-centage d’hydratation pour lequel cette couche devient continue dépend de la granulométrie du C3S,de la température et d’une manière générale de tout ce qui peut faire changer localement la concen-tration en hydroxyde de calcium.

3.5.2. Cas des aluminates calciquesEn ce qui concerne la vitesse d’hydratation de l’aluminate tricalcique en particu-lier, le problème de son contrôle est un peu plus complexe et fait encore débat. Enl’absence de sulfate de calcium, l’hydratation est très rapide, elle n’est contrôléeque par la vitesse de dissolution du C3A car la formation d’aluminates de calciumhydratés C2AH8 et C4AH13 est très rapide (figure 2.11b). Cela conduit d’ailleursà un raidissement prématuré de la pâte (prise rapide ou flash set). C’est la raisonpour laquelle on ajoute du sulfate de calcium au clinker. Dans ces conditions, l’et-tringite est la phase la moins soluble, et c’est sa vitesse de croissance, qui est unprocessus beaucoup plus lent, qui contrôle la vitesse d’hydratation. Il se formenéanmoins un peu d’AFm au début de l’hydratation, c’est ce qui est à l’origine du

0

0

200 400 600 800 1 000 1 200

2

6

4

8

0,0E+00

2,0E+04

4,0E+04

6,0E+04

8,0E+04

1,0E+05

1,2E+05

Temps (minutes)

Flu

x d

e c

hale

ur

(mW

/g C

3S

)

0

10

20

30

40

50

0 200 400 600 800 1 000 1 200

Avancem

ent (%

)

[Ca (OH)2] 11 mmol/L

Temps (minutes)

[Ca (OH)2] 22 mmol/L

C–S–H

C–S–H

(a) (b)

Quantité

de c

hale

ur

(mJ)

42

Page 19: Chap 2

L’hydratation des ciments

premier pic intense observé sur la courbe de flux thermique mesuré par calorimé-trie présenté sur la figure 2.11a. Une fois que tout le sulfate de calcium a été con-sommé pour former de l’AFt, on forme à nouveau du C4AH13 très rapidement àune vitesse contrôlée par la vitesse de dissolution du C3A ; c’est le deuxième picsur la courbe de flux thermique de la figure 2.11a. Dans ces conditions, l’ettringiten’est plus la phase la moins soluble, elle se dissout partiellement, les ions libéréscontribuant à précipiter du mono sulfoaluminate de calcium.

Figure 2.11 : avancement de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse.

(a) Évolution du flux thermique libéré au cours de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse. (b) Avance-ment de l’hydratation du C3A seul et du mélange C3A-gypse. On note l’effet ralentisseur introduit parla formation de l’ettringite. D’après [MIN 03].

L’hydratation du C4AF en présence de sulfate de calcium et d’hydroxyde de cal-cium suit le même type d’évolution que celle de l’hydratation du C3A. Elle conduità de l’ettringite dont les ions Al3+ sont partiellement substitués par des ions Fe3+.

3.6. L’hydratation des cimentsLe ciment est composé de nombreuses phases différentes qui contribuent chacuneen se dissolvant, à alimenter la solution interstitielle de la pâte de ciment en dif-férents ions. En retour, la nature et la concentration des ions en solution influentsur la dissolution des phases anhydres et des hydrates, de sorte que le mélange desphases constituant le ciment ne se comporte pas comme la simple superpositionde l’hydratation de chaque phase. Une illustration de ce comportement en est don-née figure 2.12 sur laquelle sont comparées, d’une part, les courbes de flux ther-miques libérés au cours de l’hydratation du C3S et du système C3A-gypse prisséparément et, d’autre part, au cours de l’hydratation de leur mélange.

Temps (minutes) Temps (minutes)

Flu

x therm

ique (

mW

/g)

Avancem

ent de l'h

ydra

tation

00

2

00

4

6

8

10

12

14

200 400 600 800 1 000 500 1 000 1 500

0,2

0,4

0,6

0,8

1

C3A +gypse

C3A

(a) (b)

43

Page 20: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 2.12 : hydratation de C3S et du mélange C3A-gypse ainsi que du mélange des trois phases.

(a) Flux thermique expérimental libéré au cours de l’hydratation de C3S seul. (b) Flux thermique ex-périmental libéré au cours de l’hydratation de mélange C3A-gypse. (c) Somme algébrique des contri-butions. (d) Flux thermique expérimental libéré au cours de l’hydratation du mélange C3S-C3A-gypse; par comparaison avec la somme algébrique de la contribution des deux sous-systèmes on peut noterque c’est surtout l’hydratation du mélange C3A-gypse qui est affectée. D’après [MIN 03].

De ce fait, l’étude cinétique précise de l’hydratation d’un ciment est toujours dif-ficile et d’autant plus que l’on y incorpore des ajouts plus ou moins réactifs. Néan-moins, on peut considérer en première approximation que les mécanismes del’hydratation des différentes phases ne sont pas sensiblement modifiés. En parti-culier en ce qui concerne l’hydratation de l’alite, qui constitue la phase majeuredu ciment Portland, celle-ci suivra le même type d’évolution que celle décrite auparagraphe 3.2.1. Une partie des C-S-H pourra cependant précipiter sur d’autressupports solides (fillers…), ce qui modifiera le pourcentage de réaction pour le-quel l’hydratation est limitée par une couche continue d’hydrate.En ce qui concerne la nature des phases qui se forment, celles-ci sont les mêmesque celles qui précipitent lors de l’hydratation de chaque constituant du ciment.

0 200 400 600 800 1 000

Flu

x t

he

rmiq

ue

(m

W/g

alit

e)

Temps (minutes)

C3S

0

2

4

6

8

10

12

14

0 200 400 600 800 1 000

Flu

x t

he

rmiq

ue

(m

W/g

)

Temps (minutes)

C3A–gypse

0 200 400 600 800 1 000

Flu

x t

he

rmiq

ue

(m

W/g

)

Temps (minutes)

0 200 400 600 800 1 000

Flu

x t

he

rmiq

ue

(m

W/g

)

Temps (minutes)

(1) + (2) calculé

0

2

4

6

8

10

12

14

0

2

4

6

8

10

12

14

0

2

4

6

8

10

12

14

0

2

4

6

8

10

12

14 Comparaison (1) + (2) calculé /

(1) + (2) mesuré

(b)(a)

(c) (d)

44

Page 21: Chap 2

L’hydratation des ciments

La pâte de ciment hydratée mature est constituée essentiellement de C-S-H ; on ytrouve intimement mélangé avec les C-S-H, de la portlandite et des AFm, sulfoa-luminates et carboaluminates de calcium, de l’ettringite, souvent bien visible dansles pores, et parfois des hydrogrenats, en particulier dans les bétons curés à tem-pérature plus élevée. L’hydratation de l’alite sature la solution interstitielle en hy-droxyde de calcium ce qui confère le pH élevé de la pâte de ciment. Dans le casdes ciments composés, ces conditions sont favorables à la solubilité des ajoutspouzzolaniques et des laitiers de haut-fourneau. Ces ajouts constituent alors unenouvelle source de silice, pour précipiter des C-S-H, et d’alumine, pour former del’ettringite et/ou des AFm. Du fait de la présence d’oxyde de magnésium dans leslaitiers, on trouvera en plus des composés de type hydrotalcite qui consommentune partie de l’aluminium ajouté.

3.7. La génération et les caractéristiques de la microstructure de la pâte de cimentOn s’est intéressé jusqu’à présent aux processus chimiques qui conduisent auxproduits de la réaction avec l’eau, des grains qui constituent le ciment.

La principale propriété du ciment est, bien sûr, que son mélange avec l’eau con-duit à un solide : la pâte de ciment hydratée. Sa microstructure résulte du carac-tère granulaire du produit de départ. Dans le milieu ionique que constitue lasolution interstitielle et dans les secondes qui suivent la fin du gâchage, des forcesattractives maintiennent les grains de ciment encore anhydres en contact[NAC 01] formant ainsi un solide poreux peu résistant. Celui-ci va être renforcéau cours de l’hydratation par la formation des hydrates, d’abord près des pointsde contact entre les grains anhydres, puis tout autour des grains, comblant ainsi,au fur et à mesure que l’hydratation se poursuit, l’espace laissé libre entre lesgrains et occupé initialement par l’eau. Cette évolution est schématisée sur lafigure 2.13.

L’espace entre les grains, occupé initialement par l’eau, est la porosité capillaire.Deux caractéristiques de cette porosité capillaire sont particulièrement importantes :– son volume ;– sa connectivité.Le volume de la porosité capillaire dépend de la formulation du matériau cimen-taire. Le premier paramètre est le rapport eau/ciment ; pour une quantité de cimentdonnée, plus le volume d’eau est grand, plus l’espace initial entre les grains de ci-ment est grand et plus la porosité capillaire est grande. Le deuxième paramètre estla distribution granulométrique du matériau cimentaire : on peut diminuer la po-rosité capillaire si des particules plus fines sont capables de combler au moins par-tiellement l’espace entre les plus gros grains. Le troisième paramètre est le degréd’hydratation : le volume molaire des hydrates étant supérieur à celui des anhy-

45

Page 22: Chap 2

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dres, l’espace occupé par le solide va augmenter au fur et à mesure de l’hydrata-tion et la porosité capillaire diminuer. Cependant, le volume molaire des hydratesreste inférieur à la somme du volume molaire des anhydres et du volume d’eaunécessaire pour les former de sorte qu’il peut toujours subsister une porosité ca-pillaire résiduelle si le le rapport eau sur ciment est trop grand même à hydratationcomplète [POW 48].

Le volume de la porosité capillaire est un paramètre déterminant la résistancede la pâte de ciment et donc du béton.

Figure 2.13 : représentation bidimensionnelle de l’empilement de grains de ciment dans la pâte.

Un amas continu est formé dès la fin du malaxage du fait de l’existence de forces attractives entre lesgrains. L’espace laissé libre entre les grains constitue la porosité capillaire. Dans cette représentationconstituée d’une seule couche de grains de même dimension, celle-ci est connectée par les colsautour des contacts intergranulaires. Compte tenu de la taille des grains de ciment, l’ordre de gran-deur des pores capillaires est le micromètre. Au cours de l’hydratation, les hydrates remplissent pro-gressivement les pores capillaires sans les combler totalement. Cette représentation 2D ne rend pascompte d’un élément important, la connectivité des pores capillaires.

Retrait chimique ou contraction Le ChatelierLa formation du C-S-H à partir de l’hydrolyse du silicate tricalcique constitue la plusgrande partie de la formation de la microstructure de la pâte de ciment. Compte tenu dela très faible solubilité des C-S-H, on peut considérer en première approximationqu’une mole de C3S fournit une mole de C-S-H. La stoechiométrie exacte en eau desC-S-H est difficile à déterminer : prise en compte uniquement de l’eau de structure deshydrates (eau non évaporable) ou prise en compte l’eau remplissant la nanoporosité (gelwater). Si on inclut les deux, la valeur de quatre moles d’eau par mole de C-S-H estgénéralement admise [YOU 87]. Le volume d’une mole de C-S-H est plus petit que levolume initialement occupé par une mole de C3S et quatre moles d’eau, il s’en suivradonc une variation de volume absolu associée à l’hydratation. Cette variation de volu-me a été mise en évidence dès 1894 par Le Chatelier, c’est pourquoi on parle de retraitchimique ou contraction Le Chatelier. La valeur du retrait dépend du volume occupépar une mole de C-S-H qui peut varier légèrement suivant les conditions de l’hydrata-tion. La présentation du retrait chimique est complétée aux chapitres 3 et 5.

hydratation

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L’hydratation des ciments

La connectivité du réseau capillaire est un paramètre particulièrement impor-tant pour la durabilité du matériau.

En effet, si l’ensemble de la porosité capillaire est interconnectée, les agentsagressifs extérieurs peuvent pénétrer facilement dans le matériau, et sa dégrada-tion en sera facilitée. La connectivité diminue au fur et à mesure de l’hydratation: les hydrates en se développant sont susceptibles de boucher les entrées des pores(figure 2.14). Lorsque l’hydratation progresse, il arrive un moment où les porescapillaires ne sont plus connectés entre eux que par la porosité des hydrates. Cepoint est traité en détail au chapitre 3.L’origine de la porosité des hydrates est essentiellement de même nature que cellede la porosité capillaire : elle est due au caractère granulaire des produits d’hydra-tation. La plus grande partie de la matière hydratée de la pâte de ciment est cons-tituée par les C-S-H qui sont, comme le montre la figure 2.4, des particulesnanométriques. L’ordre de grandeur de la taille des pores des hydrates, ou nano-pores, est de ce fait le nanomètre. Au cours du temps, la taille moyenne des porescapillaires diminue et la nanoporosité augmente avec la formation de C-S-H. Ceciest encore plus marqué avec des ajouts pouzzolaniques.Il est bien évident que la diffusion de fluides (liquide ou gaz) à travers la matricecimentaire dépendra fortement du fait que la porosité capillaire est seulement con-nectée par la nanoporosité. Cet aspect est détaillé dans le chapitre 3.

Figure 2.14 : évolution au cours du temps de cure, de la connectivité de la structure poreuse d’une pâte de ciment (assimilée à des cylindres connectés entre eux) générée

par simulation numérique.(a) La pâte de ciment vient d’être gâchée, les pores capillaires sont très interconnectés. (b) La pâtede ciment est âgée de 28 jours, les connexions entre pores capillaires sont beaucoup moins nombreu-ses [SCR 05].

(a) (b)

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.8. La caractérisation de la microstructureLa caractérisation de la pâte de ciment hydratée est toujours une tâche difficile par-ce qu’elle doit être décrite sur plusieurs ordres de grandeur en passant du nanomètreau millimètre, voire au mètre pour le béton. Ainsi, sa description requiert une asso-ciation de plusieurs techniques qui permettent une description généralement bidi-mensionnelle qui pourront permettre parfois un passage à la connaissance de lamicrostructure tridimensonnelle. Comme la microstructure est évolutive, on doitessayer de privilégier, quand ceci est possible, des techniques non destructives.

4. CONCLUSIONL’hydratation du ciment est une somme de processus chimiques qui conduisent àla transformation de phases anhydres en différentes phases hydratées. Ces trans-formations chimiques s’accompagnent d’un ensemble de processus physiques quiparticipent à la construction de la microstructure de la pâte de ciment. Les lois quigouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des phases anhydresau contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même manière l’évolu-tion des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un milieu dans lequeldes phases moins solubles sont susceptibles d’exister selon les lois thermodyna-miques rappelées dans ce chapitre. Dans le premier cas, les réactions entre desgrains en suspension concentrée dans une phase aqueuse conduisent rapidementà la transformation partielle du produit de départ en phases hydratées et à la for-mation d’un solide à microstructure complexe. Dans le second cas, c’est-à-direl’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un environnement extérieur,c’est à travers la surface externe et interne, la surface développée par les pores ca-pillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui constituent lesolide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette interactionsera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée ce qui est unecaractéristique de la microstructure. La durabilité du matériau est donc fortementliée à la manière avec laquelle il a été élaboré.

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L’hydratation des ciments

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