chapitre 1. quels sont les sources et les defis de la
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CHAPITRE 1. QUELS SONT LES SOURCES ET LES
DEFIS DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ?
Pourquoi la croissance économique ? (Présentation orthodoxe…)
La croissance économique depuis le XIXe siècle a permis, dans les pays aujourd’hui
développés, une impressionnante hausse du niveau de vie de la population. En effet, la
croissance économique, qui correspond à une augmentation des quantités de biens et services
disponibles pour la population, a favorisé un plus large accès à ces biens et services : le
niveau de vie moyen de la population augmente. Dans nos sociétés complexes dans lesquelles
la division du travail1 sociale est grande, la production réalisée n’est évidemment pas
directement appropriée par l’individu producteur. Cet individu, en produisant, obtient un
revenu qu’il pourra utiliser pour acheter une multitude d’autres biens et services produits par
d’autres individus.
Vous comprenez donc pourquoi la croissance économique est recherchée.
Comprendre le processus de la croissance économique.
Il s’agit donc de comprendre d’où vient la croissance économique, notamment à long terme,
quels facteurs sont en cause. Il s’agira aussi d’expliquer les variations dans le rythme de la
croissance économique car, vous le savez, la croissance connait des phases d’accélération et
des phases de ralentissement. Tout cela fera l’objet de la première partie. Nous verrons
notamment qu’à partir du XIXe siècle, en dehors de la croissance des facteurs de
production2, la révolution industrielle et le progrès technique expliquent l’essentiel du
1 La division du travail est, dans l'entreprise, la décomposition de la production en de nombreuses
opérations ou tâches élémentaires, limitées et complémentaires. A la limite, chaque tâche peut alors
être effectuée par un seul travailleur. Quoi qu’il en soit, la division technique du travail est donc le
fondement de la spécialisation des travailleurs. 2 Les facteurs de production regroupent les moyens de production durables qui contribuent à la
production : le travail, le capital et, parfois, la terre. Précisons que le capital regroupe les biens ou
services qui peuvent être utilisés lors de plusieurs cycles de production, car ils ne sont pas détruits au
cours d’un de ces cycles. Il s’agit des machines, des outils, des matériels de transport, etc. Quant au
travail, il correspond à l’ensemble des heures de travail effectuées par les travailleurs.
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dynamisme de la production. Il ne faut cependant pas minimiser le rôle des institutions3
favorables à la production et au progrès technique.
Les défis de la croissance économique ?
Dans une seconde partie, nous verrons que, si la croissance économique permet la hausse du
niveau de vie moyen, elle peut s’accompagner de divers problèmes sociaux et notamment
d’inégalités4 économiques : les revenus des plus riches pouvant plus augmenter que ceux des
plus pauvres, en tout cas durant certaines périodes. Il faudra préciser et comprendre ces
évolutions. Enfin, vous le savez, la croissance nécessite l’exploitation souvent excessive de
ressources naturelles et peut être à l’origine de pollution. Nous tenterons de décrire et
d’expliquer ces phénomènes avant de voir comment le progrès technique peut limiter les
effets pervers de la croissance économique.
3 Les institutions, du point de vue économique, sont des règles, des conventions, des normes de
comportement qui structurent les relations entre agents économiques. Elles peuvent être formelles
(les règles, les lois, les Constitutions) ou informelles (les normes de comportement, les conventions,
les codes de conduite auto-imposées). 4 Les inégalités sont des différences entre individus ou groupes sociaux qui se traduisent en termes
d’avantages ou de désavantages et qui fondent une hiérarchie entre ces individus ou groupes. Les
différences sociales, inhérentes à la vie en société, peuvent tout à fait conduire à des traitements
différents entre personnes ou groupes sociaux. Lorsque ces traitements différents avantagent un groupe
social ou une personne par rapport à une autre, ils constituent une hiérarchie sociale, et on parlera
d’inégalités sociales.
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Section 1. Le processus de la croissance économique
s’explique par de nombreux facteurs.
I. La croissance économique dépend de l’accumulation des facteurs de production et de
la hausse de la productivité globale des facteurs.
A/ La production nécessite des facteurs de production : l’analyse néoclassique5 de base.
L’analyse économique de base qui a permis de déterminer et de mesurer les sources de la
croissance est partie d’un constat simple : pour produire, il faut des travailleurs et des
machines ! Les sources de la croissance économique seront donc les deux facteurs de
production que sont le travail6 (nombre de travailleurs et heures de travail effectuées) et le
capital7 (machines, locaux, etc.). Cette analyse ne met donc en avant que les facteurs
d’ « offre » et non de « demande », supposée s’ajuster sans problèmes : les revenus dégagés
de la production permettent l’achat de biens et services de consommation ou l’accumulation
du capital par les entreprises (l’investissement8), sans fuite ni perte. Précisons les choses car
cette analyse permet de comprendre et surtout de mesurer certains facteurs fondamentaux de
la croissance économique.
5 L’école néoclassique, née dans les années 1870, regroupe des économistes rattachés au courant
marginaliste. Ses théories sont en grande partie encore dominantes aujourd’hui et elles se basent sur
les notions d’utilité marginale et d’équilibre du marché et sur une conception de l’individu en tant
qu’Homo œconomicus. L’école néoclassique emploie une base microéconomique fondée sur
l’individualisme méthodologique : elle analyse les comportements des individus et en déduit des
phénomènes collectifs, notamment l’offre, la demande et l’équilibre sur le marché. Ce même
présupposé théorique se retrouve aussi dans la théorie des choix publics. Libéraux, les économistes
néoclassiques s’opposent à l’intervention de l’Etat dans l’économie. Ils font confiance au marché
pour allouer efficacement et justement les ressources. Parmi les critiques de l’approche néoclassique
on retrouve les régulationnistes. [A noter : l’école néoclassique est l’héritière directe du marginalisme,
né à la fin du XIXᵉ siècle, et qui se basait sur l'hypothèse de maximisation de l'utilité par chaque agent
économique ; des trois fondateurs du marginalisme à savoir le français Léon Walras, les anglais Carl
Menger et William Stanley Jevons, le premier nommé est celui qui a la plus forte influence sur
l’école néoclassique au début du XXIᵉ siècle.] 6 Le travail désigne en économie toute activité rémunérée en vue de produire un bien ou un service. Le
travail est l’un des deux facteurs de la production, avec le capital. 7 Au sens économique, le capital est l’ensemble des moyens de production durables permettant de
produire des biens ou des services. Il se constitue grâce aux investissements. Attention : le capital
regroupe aussi toutes les formes de capital susceptibles de favoriser la croissance (capital humain,
capital naturel, capital institutionnel). 8 L’investissement est l’opération réalisée par l’agent économique décidant d'acheter des biens de
production c’est-à-dire des biens durables qui permettent la production d’autres biens et services.
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La croissance économique s’explique donc facilement tout d’abord par l’augmentation du
facteur travail. La croissance de la population est donc un facteur positif de croissance : les
capacités de production, en termes de travail, augmentent. Toutefois, bien sûr, il faut que cette
croissance de la population corresponde à une population en âge de travailler et qui se porte
sur le marché9 du travail : des facteurs sociologiques et institutionnels jouent donc aussi leur
rôle. À côté de l’augmentation de la population, celle du taux d’emploi10
, c’est-à-dire de la
part des actifs ayant un emploi dans la population totale, qui synthétise ces facteurs
institutionnels et sociologique permet de mesurer l’augmentation du facteur travail. Prenons
l’exemple de la France après la seconde guerre mondiale pour détailler tout cela.
Durant les Trente glorieuses (en gros les 30 années après la seconde guerre
mondiale)11
, le baby-boom a pu apparaître comme un facteur positif de la croissance
économique. Toutefois, cela s’est fait avec un décalage d’une vingtaine d’années, le temps
que ces enfants soient en âge de travailler (d’autant que les femmes ne travaillaient que très
peu et donc se retiraient du marché du travail pour accoucher et s’occuper des enfants). Un
autre facteur explique aussi la croissance de la population et de la population active12
, en tout
cas jusqu’au milieu des années 1970 : l’immigration. En effet, il a été fait appel à
l’immigration de travail pour pouvoir accroître les capacités de production dans l’agriculture
ou l’industrie. De plus, après une baisse de leur taux d’activité du début du XXe siècle
jusqu’au début des années 1960, les femmes, dans un processus général d’égalisation des
conditions et d’émancipation vis-à-vis des hommes, se sont de plus en plus portées sur le
marché du travail notamment comme salariées et ont donc à nouveau de plus en plus participé
à l’accroissement des capacités de production (on parle de la féminisation des emplois).
9 Le marché est la rencontre entre une offre et une demande qui permet d’établir les quantités
échangées et de fixer le prix de ce qui est échangé. Ce qui est échangé peut être très divers des biens
(voitures, carottes, machines-outils, etc.), des services (celui des coiffeurs, des médecins, des
comptables, etc.) mais aussi de l’argent (emprunté et prêté sur les marchés financiers), du travail
(effectué par un salarié pour un employeur), etc. Ainsi, le marché du travail est le lieu de rencontre de
l'offre et de la demande du travail (un des facteurs de production) et le lieu où se fixe le montant de la
rémunération du travail (c'est-à-dire son prix). 10
Un emploi est un poste occupé pour exerce rune activité professionnelle rémunérée. L’emploi est
aussi l'ensemble des personnes ayant un emploi. 11
L’expression « les Trente glorieuses » est reprise du titre d’un livre de Jean Fourastié consacré à
l’expansion économique sans précédent qu’a connu la France, comme les autres grands pays
industriels, du lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au choc pétrolier de 1973. Jean
Fourastié a choisi de donner ce nom à cette période en référence à la révolution de 1830 qualifiée
traditionnellement de "Trois glorieuses". Pour lui, 1830 marque un tournant politique majeur en
France, et la période 1945-1973 des "Trente Glorieuses" peut-être considérée comme son équivalent
sur le plan économique. 12
La population active regroupe l’ensemble des personnes exerçant ou cherchant à exercer une activité
professionnelle rémunérée.
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Deux changements ont, par contre, eu un rôle négatif sur l’évolution des capacités de
production.
- Le premier est l’allongement de la scolarité qui fait qu’à un âge donné, 18 ans par
exemple, de plus en plus de jeunes ont continué leurs études et ont réduit les capacités
de production, à court terme tout du moins (nous verrons plus tard les aspects
dynamiques positifs de cette évolution en termes d’amélioration du capital humain13
et de productivité14
).
- Le second facteur est lié aux changements de comportement de la population mais
aussi institutionnels, à l’évolution de certaines règles comme l’âge légal de départ à
la retraite. Si celui-ci baisse comme dans les années 1980, la proportion de personnes
âgées en activité baissera (notons, vous le savez, qu’avec les différentes réformes des
retraites, l’inverse se produit depuis quelques années).
Vous le voyez des évolutions contradictoires et changeantes d’une période à une autre
peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur la croissance du facteur travail … et nous
n’avons pas évoqué l’évolution du temps de travail qui a été relativement élevé jusqu’au
milieu des années 1930 pour diminuer ensuite (quatrième puis cinquième semaine de congé
payé15
, passage aux 40 heures16
puis aux 35 heures par semaine17
, etc.18
).
13
Le capital humain est l’ensemble des capacités à produire d’un individu. Ces capacités sont liées
notamment à l’état de santé et de savoir. En effet, un individu en bonne santé est capable de travailler
plus et de manière plus efficace qu’un individu malade ; de même, un individu ayant acquis un savoir
utile à la production par son expérience professionnelle, sa formation initiale ou encours d’activité sera
plus efficace. 14
La productivité est une mesure d’efficacité d’un processus de production. Elle est le rapport entre la
production réalisée et (le ou les) facteurs de production et notamment le facteur travail. Une entreprise
sera d’autant plus efficace qu’elle produira plus avec moins de facteurs de production. Lorsqu’on
utilise le terme « productivité », on sous-entend toujours (ou presque) qu’il s’agit de la productivité du
travail. On peut calculer d’autres sortes de productivité :
la productivité du capital : elle compare la production réalisée à la quantité de capital utilisée ;
on a donc le rapport : productivité du capital = quantité produite / quantité de capital utilisée ;
la productivité globale des facteurs : elle compare la production réalisée à la quantité de
capital et de travail utilisée ; on a donc le rapport : productivité globale des facteurs = quantité
produite / quantité de travail et de capital utilisée.
Remarque de vocabulaire : Quand on parle de l’augmentation de la productivité, on utilise souvent
l’expression « gains de productivité ». 15
En France les premiers congés payés (jours de repos des salariés qui sont payés par l’employeur)
sont apparus pendant l'été 1936, après la victoire électorale du Front populaire. La durée des congés
payés était alors de deux semaines par an. Avant la loi du 20 juin 1936, peu d’employés et d’ouvriers
bénéficiaient de vacances rémunérées, à la différence de l’Allemagne ou des pays scandinaves qui
avaient institué les congés payés dès le début du XXe siècle. Après la guerre, le mouvement va de
nouveau s’amplifier. Véritable « laboratoire social » avec, à sa tête, Pierre Dreyfus, la régie Renault
(début 1945, est créée la Régie Nationale des Usines Renault (RNUR) par ordonnance de
nationalisation) accorde à ses salariés, en 1955, une troisième semaine. Et, contre l’avis des pouvoirs
publics, une quatrième, sept ans plus tard. Elle entraîne dans son sillage plusieurs autres entreprises.
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La croissance économique dépend aussi de l’accumulation de l’autre facteur de production : le
capital. Si le capital accumulé augmente, cela signifie que les entreprises ont plus de capacité
de production. L’investissement est donc source de croissance par le capital accumulé qui
peut être utilisé pour produire plus. Pour les économistes néoclassiques, cet investissement
dépend des capacités de financement des entreprises et donc de leur capacité de
d’autofinancement19
. Il dépend aussi des moyens de financement qui leur sont accordées
par les banques et les marchés financiers et donc d’une épargne préalable recyclée par le
système de financement.
Reprenons l’exemple de la France. Durant les Trente glorieuses, l’effort
d’investissement a été très important. Mesuré par le taux d’investissement20
, il a fluctué entre
22 et 25 %, contre des fluctuations de 16 à 20 % depuis lors pour les seules sociétés non
financières (sans tenir compte donc des banques ou des compagnies d’assurance). Le
développement d’activités industrielles propres à cette période a nécessité un exode
agricole important mais aussi des investissements massifs dans de nombreuses branches
d’activité (automobile, équipement ménager, production d’électricité, etc.).
D’une manière générale, l’accumulation est un facteur qui semble important lors
des phases de démarrage d’une croissance économique accélérée. Ainsi, en Chine, depuis
les années 1980, le taux d’investissement a pu être de plus de 30 % et actuellement, en 2017,
Les gouvernements successifs généraliseront cette mesure par les lois du 27 mars 1956 (Guy Mollet) 3
semaines, puis du 17 mai 1969 (Maurice Couve de Murville), 4 semaines de congés. Enfin,
l'ordonnance du 13 janvier 1982 (gouvernement Mauroy) instaurera la cinquième semaine de congés
payés. 16
La semaine de 40 heures fait référence en France à une loi votée sous le gouvernement du Front
populaire en 1936. 17
Notons d’abord que, au 1er février 1982, le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy abaisse la
durée légale du travail à 39 heures. Puis, la réforme des 35 heures est intervenue. Il s’agit d’une
mesure de politique économique française mise en place par le gouvernement Lionel Jospin à partir de
l’année 2000 et obligatoire pour toutes les entreprises à compter du 1er janvier 2002, par deux lois
votées en 1998 et 2000 fixant la durée légale du temps de travail pour un salarié à temps plein à 35
heures par semaine, en moyenne annuelle, au lieu de 39 heures précédemment, en contrepartie d'une
plus grande flexibilité des horaires. La réduction du temps de travail prônée par la gauche plurielle
(c’est l’union des partis de la gauche française de 1997 à 2002) visait alors officiellement au partage
du travail afin de faire baisser le chômage. 18
Sur le sujet : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/volution_de_la_duree_du_travail-2.pdf. 19
L’autofinancement consiste, pour une entreprise, à se financer "par soi-même" : l’entreprise utilise
ses profits (de l’année ou des années antérieures) pour financer ses investissements. 20
Formule : FBCF/∑ Valeurs ajoutées. La FBCF, ou formation brute de capital fixe, est l’agrégat qui
mesure, en comptabilité nationale, l’investissement en capital fixe des différents agents économiques
résidents. Pour rappel, le PIB = Somme des VA = Somme des rémunérations versées = Somme des
dépenses.
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il serait d’environ 43 % d’après l’OCDE21
! Plus de 40 % de la richesse créée, donc des
revenus distribués, est utilisée pour acheter des machines ! On comprend mieux l’importance
de la croissance économique de la Chine…
Sous réserve de certaines conventions de calcul, il est possible de mesurer la part de ces deux
facteurs de production (c’est-à-dire le travail et le capital) dans la croissance économique, le
détail des calculs pouvant être plus ou moins détaillé pour le calcul de la contribution du
facteur travail (taux d’emploi, nombre d’heures de travail par salarié, etc.).
B/ La mesure de la production et de la croissance économique due à l’augmentation de
chacun des facteurs de production.
Pour mesurer l’impact de la quantité des facteurs de production sur la croissance économique,
il faut bien sûr savoir combien une heure de travail permet de produire et combien une
machine le permet. Ainsi, on suppose que si le nombre d’heure de travail double et si la
quantité de machines double en même temps, la production doublera. On dit que les
rendements d’échelle sont constants.
Par contre, il se peut penser que l’on utilise plus de machines et moins de travailleurs,
donc moins d’heures de travail. Dans ce cas-là, les économistes supposent que la production
supplémentaire apportée par un seul facteur de production est de moins en moins forte : c’est
l’hypothèse de productivité marginale décroissante du capital (c’est bien sûr la même
chose avec le travail dont la productivité est supposée décroissante). Avec ces hypothèses, il
est possible de mesurer ce qu’apporte une augmentation de chacun des facteurs de production.
Enfin, on suppose que l’ensemble de la production se répartit entre des revenus pour le
travail et des revenus pour le capital ; si, par exemple, les deux tiers du PIB reviennent au
travail et le reste au capital, on considère que le poids du facteur travail doit être affecté d’un
coefficient de 2/3 et le travail de 1/3. La fonction de production est dès lors : Production = 2/3
x L + 1/3 x K (avec L : un indice du nombre d’heures de travail et K : un indice de la quantité
de capital).
21
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est une organisation
internationale d’études économiques, dont les pays membres ont en commun un système de
gouvernement démocratique et une économie de marché. Elle joue essentiellement un rôle
d’assemblée consultative. En 2021, l’OCDE compte 38 pays membres et regroupe plusieurs centaines
d’experts. Elle publie fréquemment des études économiques et sociales — analyses, prévisions et
recommandations de politique économique — et des statistiques, principalement concernant ses pays
membres.
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Précisons que les heures de travail correspondent à la totalité des heures de travail de
toute la population ayant un emploi durant l’année (elles tiennent compte de la durée
hebdomadaire du travail, des congés payés mais aussi du nombre de personnes qui
travaillent). À partir de là, avec les hypothèses de rendements d’échelle constants et de
productivité marginale décroissante, il est possible de savoir de combien a augmenté la
production du fait des variations du nombre d’heures de travail et du fait des variations du
capital utilisé. On mesure ce que l’on appelle les contributions des variations des facteurs de
production à la croissance économique.
Remarquons tout de suite que si l’augmentation de la production constatée réellement (hausse
du PIB) est plus élevée que celle mesurée par cette méthode, c’est que d’autres facteurs jouent
pour expliquer la croissance économique.
C/ Les constats des facteurs de la croissance économique : le rôle de l’augmentation de la
productivité globale des facteurs.
Des économistes et statisticiens ont ainsi tenté de mesurer l’impact des variations des facteurs
de production sur la croissance économique. Ils ont, dès les premières mesures de ce type,
constaté que le PIB augmentait beaucoup plus que la hausse de la production mesurée
avec les fonctions de production. On peut légitimement penser que cet écart peut être dû à
des erreurs de mesure du nombre d’heures de travail et des quantités de machines dont la
valeur est d’ailleurs très difficile à mesurer (on n’ajoute pas un nombre de machines mais la
valeur des machines). Mais l’importance des écarts et la simple réflexion économique tend à
faire penser que d’autres facteurs peuvent expliquer ces écarts au vu de l’importance des
écarts constatés. Ainsi, en France, la croissance économique de 5 % en moyenne par an de
1951 à 1969 était expliquée pour moins de 2,5 points par la croissance des facteurs de
production, le reste étant inexpliquée : dit autrement, si les seuls facteurs de croissance
économique étaient la croissance des facteurs de production, le PIB aurait augmenté de
seulement 2,5 % en moyenne par an. Le reste, inexpliqué donc, a été appelé « résidu »
(ou « résidu de Solow », du nom de l’économiste américain ayant trouvé cette méthode de
calcul – Robert Solow) puis productivité globale des facteurs22
(PGF) puisque l’on a pu
22
La productivité globale des facteurs est la part de la croissance économique qui n’est pas expliquée
par l’augmentation du volume du capital et du volume du travail ; elle veut mesurer l’efficacité de la
combinaison productive.
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légitimement penser que les facteurs de production étaient devenus plus efficaces, plus
productifs avec le temps.
Regardons plus en détail ce qu’il en est de la croissance économique à long terme, en
reprenant les différents facteurs mesurés. Les calculs présentés dans le document suivant ont
été réalisés par les économistes A. Bergeaud, G. Cette et R. Lecat et présentés dans l’ouvrage
Le bel avenir de la croissance, Odile Jacob, 2018. Que constatons-nous ?
Document : Décomposition comptable de la croissance annuelle du PIB entre 1890 et
2017 (en % pour la croissance annuelle moyenne du PIB et en points de % de croissance
pour les différentes contributions).
Commençons par étudier un pays dont la croissance vive a été plus tardive : le Japon. On
remarque que la croissance annuelle moyenne de son PIB est de 3,5 % environ, ce qui est
énorme (par le jeu des taux de variation cumulé sur 127 ans, le PIB a été multiplié par 80
environ du fait de cette croissance de 3,5 % chaque année en moyenne !).
Les deux contributions les plus importantes sont :
- l’accroissement de l’intensité capitaliste (c’est-à-dire le rapport K/L) qui
correspond à l’accumulation du capital (machines, bâtiments, etc.) et qui
contribue pour 1,5 point aux 3,5 % de croissance annuelle moyenne du PIB ;
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on reconnait ici le rôle important de l’investissement dans le démarrage de la
croissance économique ;
- l’augmentation de la PGF qui explique aussi 1,5 point des 3,5 % de croissance
annuelle moyenne du PIB.
Pour la France, la contribution de la hausse de la PGF à la croissance économique représente
environ 1,7 point des 2,2 % de croissance annuelle moyenne du PIB : on parle parfois de
croissance intensive (à l’opposé d’une croissance extensive liée à l’extension de l’échelle de
production, c’est-à-dire à l’augmentation des quantités de facteurs de production). On
retrouve ici la situation d’un pays anciennement industrialisé qui ne peut plus compter
uniquement sur la croissance de ces facteurs de production pour augmenter sa production
mais qui doit augmenter l’efficacité de son processus de production, qui doit innover.
Remarquons par contre, pour le cas des États-Unis, le rôle très important de la croissance de
la population à côté de celle de la PGF : vous connaissez sans doute l’apport important de
l’immigration dans l’économie américaine, ainsi que l’importance de la croissance naturelle
de la population. Vous voyez ainsi l’intérêt de ces calculs qui est de ne pas supposer a priori
le rôle de tel ou tel facteur mais de mesurer la contribution de chacun. Quoi qu’il en soit, il
apparait quand même que l’augmentation de la productivité globale soit un des facteurs clés
de la croissance économique. Expliquons maintenant ce qui peut déterminer son
augmentation.
II. L’augmentation de la productivité globale des facteurs s’explique notamment par le
progrès technique.
A/ À quoi correspond le « résidu » ?
Une part essentielle de la croissance économique est donc due à l’augmentation du « résidu »,
de la productivité globale des facteurs. Évidemment, comme il s’agit de tout ce qui n’a pas
été mesuré, certains économistes disent qu’il s’agit d’une mesure de notre ignorance sur les
sources constatables de la croissance économique.
Toutefois, on peut imaginer, comme on vient de le voir, ce qu’il peut y avoir derrière ce «
résidu ». Comme l’expression « productivité globale des facteurs » (ou « productivité totale
des facteurs ») le laisse entendre, il s’agirait pour l’essentiel d’une amélioration de
l’efficacité du processus de production provenant pour l’essentiel du progrès
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technique23
. En effet, innovations de produit et innovations de procédé24
permettraient aux
deux facteurs de production une plus grande efficacité, une plus grande productivité :
mécanisation, automatisation, robotisation, etc.
À côté de ces innovations, le « résidu » pourrait mesurer aussi l’amélioration des
institutions qui rendent toute activité plus efficace (nous verrons cela dans un prochain
paragraphe).
On pourrait imaginer aussi d’autres facteurs comme les migrations professionnelles
des secteurs moins productifs vers des secteurs plus productifs (exode agricole par
exemple). Ce facteur a pu d’ailleurs être mesuré : en France, de 1951 à 1969, ces migrations
professionnelles auraient contribué pour 0,6 point à la croissance économique de 5 % par an
en moyenne selon les économistes Carré, Dubois et Malinvaud. En Chine, depuis les années
1980, une part importante de la croissance économique pourrait être liée aussi à cette mobilité
professionnelle : des paysans travaillant sur des parcelles peu productives se seraient dirigés
dans l’industrie où la productivité du travail est beaucoup plus élevée notamment sur les
zones côtières et les zones économiques spéciales attirant des investisseurs étrangers. De
même, la hausse du niveau de formation de la population favoriserait la croissance
économique du fait d’une capacité plus grande à utiliser des machines, des ordinateurs, etc.
Mais revenons au progrès technique.
B/ Le progrès technique expliquerait ainsi une grande partie de la hausse de la PGF et
donc de la croissance économique.
Le progrès technique correspond ici à des inventions de nature technique, et non
organisationnelles comme le taylorisme25
, qui sont mises en œuvre dans le système
23
Le progrès technique regroupe, au sens strict, les innovations de nature technique apportant des
perfectionnements aux produits ou aux procédés de production et, au sens large, tout ce qui permet
d’augmenter la productivité des facteurs de production. 24
L’innovation est l'application réussie d'une invention dans le domaine économique et commercial.
Mise en œuvre au sein de l’entreprise, elle se situe en aval de l’invention (qui est souvent le résultat
d’une découverte scientifique). Les travaux de J. Schumpeter montrent que l’innovation peut prendre
plusieurs formes : il distingue entre autres l’innovation de procédé, l’innovation de produit et
l’innovation organisationnelle. 25
Le taylorisme est un mode d’organisation du travail caractérisé par la division horizontale du travail,
par la division verticale du travail et le salaire au rendement. L’organisation scientifique du travail
proposée par Taylor, ingénieur américain (1856-1915) repose tout d’abord sur une division
technique du travail (organisée par postes), au contraire de la situation passée d'une organisation
sociale du travail (organisée par métiers). Les objectifs de Taylor sont de trois ordres :
lutter contre la flânerie systématique des ouvriers dans l’atelier,
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économique et qui peuvent être source de croissance économique. Pensez aux métiers à tisser,
à la machine à vapeur de la première révolution industrielle mais aussi à l’électricité, à la
mécanisation ou à la robotisation mais aussi au téléphone ou à la voiture et plus récemment, à
l’ordinateur ou à l’internet.
- Toutes ces innovations sont donc, tout d’abord, des nouveaux produits qui sont
achetés par les consommateurs qui peuvent relancer la demande et favorisent la
croissance économique.
- Ce sont aussi et surtout des moyens de production plus efficaces que les anciens.
o Imaginez ce qu’ont apporté à l’industrie du transport les inventions du
chemin de fer et des trains, des voitures, des camions, des bateaux à moteurs
(cargos, pétroliers, etc.), des avions ! Il s’agit d’une efficacité démultipliée des
moyens de transports qui permettent d’élargir les marchés et d’accroitre la
production des services de transport.
o Il en est de même pour les inventions des machines-outils, des machines
automatisées, des robots, etc.
Toutes ces innovations ont un impact évident sur la productivité et donc la production.
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En savoir plus : Cette hausse de la productivité se traduit par une baisse du coût moyen de
production pour les entreprises qui deviennent plus rentables. Elles peuvent ainsi décider de
réinvestir, de baisser leur prix de vente ou d’augmenter les salaires ce qui accroit la demande
et les débouchés : la croissance économique peut être plus forte. Le schéma suivant résume
les « canaux » par lesquels le progrès technique est source de gains de productivité et de
croissance :
proposer une méthode de fabrication optimale ("one best way"),
mettre en place une rémunération au mérite ("fair's day work"), en fonction des cadences
constatées.
Pour réaliser ces objectifs, l’organisation du travail doit adopter :
une division du travail horizontale, c’est-à-dire une fragmentation maximale des tâches au sein
de l’atelier entre les différents postes ;
et une division verticale reposant sur une séparation complète de la conception technique du
produit par les ingénieurs et de son exécution par les ouvriers.
À cela s’ajoute une surveillance des ouvriers, par la présence de chronométreurs et d’agents de
maîtrise, qui doivent appliquer les méthodes de travail (outils utilisés, temps, etc.) déterminés par les
ingénieurs des méthodes.
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Prenons deux exemples pour illustrer le rôle du progrès technique dans l’accroissement de la
productivité globale des facteurs : celui de l’électricité et des technologies de l’information et
des communications.
>> L’électricité a eu un impact majeur sur la croissance économique et ses effets sur la
productivité globale des facteurs. Précisons tout de suite que la production d’électricité, elle-
même, a fait des progrès qui se répercutent sur les autres secteurs d’activité : la hausse de la
productivité dans la production d’électricité a pu permettre de la vendre à des prix plus
faibles aux ménages (pour différents usages à commencer par l’ampoule électrique d’Edison)
bien sûr, mais aussi aux entreprises (les machines fonctionnant à l’électricité remplaçant les
machines à vapeur). Ces dernières ont ainsi investi dans des machines fonctionnant à
l’électricité, plus efficaces et de moins en moins coûteuse d’utilisation : les gains de
productivité se sont diffusés.
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>> Il en est de même avec les TIC : la productivité plus grande dans leur production a
permis une plus grande diffusion à de nombreux secteurs d’activité. Or, le matériel
informatique, les logiciels et les matériels de communication plus performants accroissent
aussi l’efficacité du processus de production d’autres entreprises :
- services et gestion de la clientèle (exploitation de grandes bases de données
notamment par des informations personnalisées…),
- fourniture (gestion de l’énergie…),
- commerce,
- santé & autre (gestion des informations, formation continue, etc.).
Bref, une innovation peut donc essaimer des avantages en débordant de son propre secteur
d’activité ce qui accroit la productivité globale des facteurs et donc la croissance économique.
Prenons l’exemple des États-Unis, un grand pays d’innovation – même si l’électricité doit
autant à Volta26
qu’à Edison27
(création de l’ampoule électrique et fabrication de la première
centrale électrique à Manhattan). Les économistes A. Bergeaud, G. Cette et R. Lecat ont
présenté les résultats des contributions de ces deux types de progrès technique à
l’augmentation de la productivité des facteurs aux États-Unis dans l’ouvrage cité ci-dessus, Le
bel avenir de la croissance :
Document : Décomposition de la croissance de la productivité globale des facteurs entre
qualité des facteurs de production et contribution des nouvelles technologies aux États-
Unis (1913-2010, en % pour l’augmentation de la PGF et en points de croissance de la
PGF).
26
Le comte Alessandro Giuseppe Antonio Anastasio Volta, né à Côme le 18 février 1745 et mort dans
cette même ville le 5 mars 1827, est un physicien et chimiste lombard. Il est connu pour ses travaux
sur l’électricité et pour l’invention de la première pile électrique, appelée pile voltaïque. Son nom est à
l’origine de l’unité de tension électrique. 27
Thomas Alva Edison, né le 11 février 1847 à Milan dans l’Ohio et mort le 18 octobre 1931 à West
Orange dans le New Jersey, est un inventeur, un scientifique et un industriel américain. Fondateur de
la General Electric, l’une des premières puissances industrielles mondiales, il fut un inventeur
prolifique (plus de 1 000 brevets). Pionnier de l’électricité, diffuseur, vulgarisateur, il fut également
l’un des principaux inventeurs du cinéma (aux côtés, entre autres, de William Kennedy Laurie
Dickson, Émile Reynaud, Auguste et Louis Lumière, Jules Carpentier) et de l’enregistrement du son
(aux côtés de Charles Cros).
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Si nous ne nous intéressons qu’au progrès technique, nous voyons que durant la période 1913
à 1975, le développement de l’électricité a expliqué une part très importante de la hausse de la
PGF : environ 0,5 point sur les 2,4 % de croissance annuelle moyenne de la productivité
globale des facteurs de 1913 à 1950. Le « résidu » – ou PGF’’ – de la croissance de la PGF
explique une part très importante (et la totalité de la PGF…) car d’autres progrès techniques
ont joué aussi un rôle très important tout comme le reste non mesuré, institutions, etc. dans
l’augmentation de la productivité globale des facteurs.
On remarque aussi que les TIC expliquent une part non négligeable de la croissance de
la PGF dès les années 1950 : environ 0,2 point des 0,4 % de croissance annuelle moyenne de
la productivité globale des facteurs entre 2005 et 2010.
On peut donc imaginer que l’ensemble des progrès techniques peuvent expliquer une
part importante de la hausse de la PGF et donc de la croissance économique.
III. Le progrès technique est endogène et s’accompagne d’un processus de destruction
créatrice.
A/ Le progrès technique est endogène : « il ne tombe pas du ciel ».
Les analyses précédentes laissent croire que la croissance est, pour une part importante, liée
au progrès technique. Or, rien ne semble expliquer d’où vient ce progrès technique : « il
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tomberait du ciel » ! Des économistes appelés théoriciens de la croissance endogène28
vont
tenter d’expliquer l’intégration d’inventions dans le système économique par des
comportements d’acteurs. Ils reprennent ainsi une idée de J.A. Schumpeter29
qui pense que
ce sont les entrepreneurs qui innovent en convainquant banques, apporteurs de capitaux
de financer le développement d’innovations porteuses de profits30
importants. Si, pour
Schumpeter, les innovations commencent à apparaître dans des phases de faible croissance où
les profits des entreprises non innovatrices sont faibles, les tenants de la croissance endogène
estiment que la croissance économique à long terme dégage des revenus qui peuvent
financer les innovations et leur accumulation. Les firmes financeraient des dépenses de
R&D31
susceptibles de développer de nouveaux produits. Ainsi, le progrès technique serait
tiré par les innovations dont la découverte serait liée à des objectifs de profits.
En effet, les entreprises ont intérêt à innover dans des nouveaux produits pour être en
situation de monopole32
temporaire sur leur marché et réaliser des bénéfices élevés. Elles
28
La croissance endogène est un modèle théorique de croissance économique auto-entretenue. Pour les
théoriciens de la croissance endogène, la productivité globale n'est pas un « résidu », mais doit être
expliquée par les comportements des agents économiques qui accumulent différentes sortes de
capitaux qui, de plus, profitent à tous (externalités positives) favorisant l'émergence de rendements
croissants ; dès lors la croissance peut s'entretenir indéfiniment. 29
Joseph Aloïs Schumpeter, né le 8 février 1883 à Triesch, en Moravie (Empire d’Autriche-Hongrie),
et mort le 8 janvier 1950 à Salisbury, dans le Connecticut (États-Unis), est un économiste et professeur
en science politique autrichien naturalisé américain, connu pour ses théories sur les fluctuations
économiques, la destruction créatrice et l'innovation. 30
Le profit d’une entreprise est l’excédent des recettes sur les dépenses. Il est destiné aux apporteurs
de capitaux que sont les propriétaires de l’entreprise. 31
La recherche et le développement expérimental (R&D) englobent les activités créatives et
systématiques entreprises en vue d’accroître la somme des connaissances et de concevoir de nouvelles
applications à partir des connaissances disponibles. Elle englobe la recherche fondamentale, la
recherche appliquée et le développement expérimental. Pour être considérée comme relevant de la
R&D, une activité doit remplir cinq critères de base. Elle doit comporter un élément :
de nouveauté
de créativité
d’incertitude
et être :
systématique
transférable et/ou reproductible. 32
Un monopole est une situation de marché dans laquelle un seul vendeur fait face à une multitude
d’acheteurs. Le bien ou le service distribué ne doit pas être substituable. De fait, les vrais
monopoles sont très rares, car dans la plupart des cas, d’autres produits peuvent remplir la même
fonction. Par exemple, avant l’ouverture du transport ferroviaire à la concurrence, la SNCF disposait
d’un monopole mais celui-ci était concurrencé par d’autres modes de transport comme la route ou
l'avion.
Dit autrement, le monopole correspond à une situation économique de concurrence imparfaite où
une seule entreprise est présente sur un marché. Elle n’a pas de concurrent et peut donc pratiquer
les prix qu'elle souhaite. Il existe quatre principaux types de monopoles : naturel, légal, d'innovation et
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peuvent aussi trouver de nouveaux procédés de fabrication, réaliser des gains de
productivité, et donc réduire leur coût de production : elles seront plus compétitives, se
trouveront en situation de monopole et réaliseront donc plus de profits. Avec ces revenus
supplémentaires, elles financeront des dépenses de Recherche et Développement (R&D)
qui aboutiront à de nouvelles innovations, une plus grande productivité. Le progrès
technique est donc bien lié à une activité économique : il est endogène.
Il apparaît aussi que ce processus a un caractère cumulatif33
au niveau
macroéconomique34
: les innovations sont source de croissance économique qui augmente
les revenus susceptibles de financer de nouvelles innovations, etc. C’est ce qui pourrait
expliquer que les pays développés, qui ont connu une accélération de leur croissance
économique au XIXe siècle, n’ont pas été rejoint par beaucoup d’autres pays : ils ont acquis
un avantage décisif.
Ce caractère cumulatif lié au financement est amplifié par les externalités35
positives
liées à l’accroissement du capital technologique qui profite non seulement aux entreprises qui
réalisent ces dépenses de R&D mais aussi à toutes celles qui sont intéressées par les
local. Par exemple, la création du premier Smartphone (iPhone) a propulsé Apple sur un marché en
monopole jusqu’à ce que ses concurrents arrivent à produire eux aussi des Smartphones. 33
V. TLFi, « Cumulatif » (écon.) : « Qui tend à s’amplifier de lui-même en produisant des effets qui
s’ajoutent aux causes initiales, économiques ou monétaires, pour produire une chaîne causale tendant
spontanément à l’accélération et à l’augmentation ». Dit autrement, le progrès technique est un
processus cumulatif car il est largement auto-entretenu, c’est-à-dire que le progrès technique entraine
le progrès technique et qu’il faut du progrès technique pour obtenir plus de progrès technique. 34
La macroéconomie est la partie de la science économique qui étudie les phénomènes économiques
globaux, agrégation de comportements individuels, à une échelle nationale ou internationale ou d’un
secteur de l’économie. Elle se consacre à l’étude des grandes variables économiques nationales ou
internationales (revenu, investissement, consommation…), et aux relations entre ces variables. La
macroéconomie ne doit pas être confondue avec la microéconomie. Cette dernière est une autre
branche de la science économique qui étudie les comportements des agents économiques (individus,
entreprises, autorités publiques) et leurs interactions. La microéconomie s’intéresse ainsi à la manière
dont les décisions sont prises par les individus et aux conséquences de celles-ci. 35
Les externalités sont des effets sur le bien-être d’agents économiques causés par l’action
(consommation ou production) d’autres agents économiques sans que le marché ne la sanctionne
positivement (hausse du prix obtenu par un offreur) ou négativement (baisse du prix pour un offreur).
Ces effets externes peuvent être positifs (ce sont des externalités positives) si elles causent un
bienfait à d’autres agents économiques. Par exemple, une usine chimique, pétrolière
s’implante à proximité d’une boulangerie qui bénéficie donc d’une augmentation de sa
clientèle sans que ces entreprises ne soient rémunérées pour cela (elles ne vendent pas leur
production à des prix plus élevés pour cela !).
Ces effets externes peuvent être négatifs (ce sont des externalités négatives) si elles diminuent
le bien-être d’autres agents économiques. Il s’agit des effets polluants de l’implantation d’une
usine chimique, pétrolière ou autre sur les agents économiques environnant (la boulangerie et
ses clients par exemple). Là encore, ce n’est pas pour cela qu’elles devront vendre leur
production chimique ou pétrolière à des prix plus faibles.
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connaissances, les savoirs développés. La productivité des autres entreprises en bénéficient
aussi : la croissance économique est donc plus forte. De plus, avec l’accroissement de la
production les entreprises (surtout dans ces nouveaux secteurs d’activité) peuvent réaliser
d’importantes économies d’échelle36
: il y a des rendements croissants qui réduisent les
coûts des entreprises et augmentent les profits des entreprises.
Enfin, l’accélération de la croissance économique profite aussi à l’État qui perçoit
plus d’impôts et de taxes (hausse de la production, hausse des revenus, hausse de la
consommation qui sont des bases des impôts ou taxes). Il est donc possible pour l’État de
participer au financement de la R&D, notamment de la recherche fondamentale (mais aussi
en développant un système éducatif de haut niveau formant ingénieurs et chercheurs). On
retrouve ainsi le caractère endogène du progrès technique qui passe aussi par l’intervention
de l’État.
B/ L’innovation s’accompagne d’un processus de destruction créatrice.
Ce processus de croissance et d’innovation modifie la structure des activités économiques :
les activités anciennes peu ou pas rentables sont remplacées par des activités nouvelles source
de profits plus élevés (on a vu tout à l’heure, les machines électriques remplaçant les
machines à vapeur ; les voitures électriques remplaceront-elles d’ailleurs les voitures
thermiques37
? Tesla38
se développera-t-elle au détriment des constructeurs classiques ?) . J.A.
36
Les économistes parlent de rendements d’échelle croissants (ou d’économies d’échelle) lorsque la
variation des facteurs de production engendre une variation plus que proportionnelle de la valeur de la
production. Si on multiplie les machines et les travailleurs par deux, et que la production est aussi
doublée, les rendements d’échelles sont constants. Si la quantité produite a plus que doublé les
rendements d’échelle sont croissants et si elle a moins que doublé, ils sont décroissants. Les
rendements d’échelle sont différents des rendements factoriels, où l’on ne fait varier qu’un seul facteur
de production, l’autre restant fixe. En conséquence, une production se fait à rendements croissants si le
coût moyen de production diminue quand la quantité produite s’accroît. Le coût moyen de
production est ce que l’entreprise doit en moyenne dépenser pour produire une unité de bien ou de
service (on parle aussi de coût unitaire de production ou de prix de revient). Or, pour que le coût
moyen de production diminue, il faut que la quantité de facteur de production (travail ou capital)
nécessaire pour la production d’une unité de bien ou de service soit plus faible, autrement dit il
faut que la productivité augmente. 37
L’expression voiture thermique désigne un véhicule qui fonctionne avec une motorisation
thermique. Une motorisation de ce type brûle du carburant pour produire de l’énergie mécanique, afin
de faire tourner le moteur. Les gaz brûlés sont ensuite relâchés par le pot d’échappement, ce qui
entraîne de la pollution atmosphérique. On oppose souvent les voitures thermiques à des voitures
dotées d’autres motorisations, généralement considérées comme moins polluantes : voiture hybride,
voiture électrique, voiture à hydrogène. En français, l’expression voiture thermique s’utilise surtout
depuis les années 1990. Bien que les voitures ayant ce type de motorisation existent depuis la fin du
XIXe siècle, et qu’elles se soient énormément répandues sur toute la planète durant le XXe siècle, il
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Schumpeter parle ainsi de processus de destruction créatrice39
: la croissance économique
ne correspond pas à la hausse de la production d’activités anciennes mais à un
bouleversement des activités productives. Derrière la croissance économique mesurée par la
hausse du PIB, il y a en réalité une multitude de changements d’activités. Au cours de ces
changements, les activités nouvelles captent non seulement des clients au détriment des
activités ancienne mais aussi des moyens de financement, attirent des salariés compétents,
des fournisseurs, etc. qui ne sont plus disponibles pour les anciennes activités : cela entraîne
des destructions d’activité avec faillites et chômage40
. La croissance nécessite donc des
emplois mais qui changent.
Exemples :
- Dans le domaine de l’énergie, pensez à la disparition, en France, de l’industrie
charbonnière et du développement des industries pétrolières, nucléaires voire,
actuellement, des industries dans les énergies vertes (le solaire, l’éolien, etc.).
semble que leur déclin approche : l’Union européenne envisage de les interdire à la vente à partir de
2035. 38
Tesla Inc., appelé Tesla Motors jusqu’en 2017, est un constructeur automobile de voitures
électriques dont le siège social se situe à Austin, au Texas, sur le fleuve Colorado, aux États-Unis. Le
nom de l’entreprise est choisi en hommage à Nikola Tesla, inventeur et ingénieur américain d’origine
serbe. 39
La destruction créatrice est le processus de disparitions d’activités productives remplacées par de
nouvelles activités du fait du progrès technique. C’est une notion créée et utilisée par J. A.
Schumpeter qu’il définit ainsi (dans Capitalisme, socialisme et démocratie, Bibliothèque historique
Payot, 1990, [1947], p 116) comme un « processus de mutation industrielle (…) qui révolutionne
incessament de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis
et en créant continuellement des éléments neufs ». 40
Le chômage est le fait, pour un individu, de ne pas avoir d’emploi, d’en rechercher un et d'être
disponible pour travailler. Le terme peut désigner aussi l’ensemble des chômeurs. Le chômage est un
problème récurrent de déséquilibre entre demandes et offres d'emploi. Officiellement, deux normes de
définition existent : le chômage au sens du BIT ((le Bureau international du travail est un organisme
rattaché à l'ONU et chargé des questions générales liées au travail dans le monde, il réside à Genève),
et le chômage au sens du Pôle Emploi.
L’INSEE retient les critères établis par le BIT pour donner régulièrement le nombre des
personnes sans emploi à la recherche d’un emploi (PSERE). Quels sont ces critères ?
o Etre sans emploi,
o disponible pour travailler
o et à la recherche effective d’un emploi,
o sans avoir travaillé (même une heure) dans la semaine précédant l’enquête.
Le Pôle emploi recense quant à lui les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) qu’elle
répartit en 5 catégories :
o la première catégorie ("A") étant le chiffre publié chaque mois du nombre de
chômeurs : il s’agit demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche
d’emploi et sans emploi au cours du mois ;
o les autres catégories ('"B" à "E") regroupent des demandeurs d’emplois qui ont une
activité professionnelle plus ou moins longue mais aussi des personnes non tenues de
faire des recherches d’emplois pour cause de formation par exemple ou qui sont en
contrat de sécurisation professionnelle.
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- En outre, n’assistons-nous pas actuellement à une transformation des activités de
commerce avec le développement du commerce en ligne face au commerce classique
dans les grandes surfaces ou les commerces de proximité ?
- De même, les innovations concernant les supports musicaux font que l’industrie de la
musique se transforme profondément : de moins en moins de ventes de CD (qui
avaient déjà éliminé quasiment les disques vinyles) au profit de musique téléchargée
ou écoutée en streaming.
Regardez ces chiffres (qui viennent du site offremedia.com) très parlants :
Document : chiffre d’affaires mondial de la musique enregistrée entre 2001 et 2018 (en
milliards de $).
Vous voyez ainsi que le chiffre d’affaires41
(valeur des ventes réalisées) de musique
enregistrée sous forme physique (vinyle, CD notamment) était de 23,3 milliards de dollars en
2001 (ce chiffre d’affaires était nul pour l’enregistrement en numérique) ; en 2018, il était de
4,7 milliards de dollars seulement contre plus de 11 milliards de dollars pour la musique
enregistrée en numérique. En France, la part de marché du numérique est passée en quelques
41
Le chiffre d’affaires représente le montant des affaires (hors taxes) réalisées par une entreprise avec
les tiers dans l’exercice de son activité professionnelle normale et courante. Il correspond à la somme
des ventes de marchandises, de produits fabriqués, des prestations de services et des produits des
activités annexes.
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années, de 2014 à 2017, de 31 % à 63 % ! Vous imaginez à quels transferts d’activité cette
évolution peut conduire !
IV. Les institutions peuvent favoriser la croissance économique.
A/ De multiples institutions peuvent favoriser ou au contraire freiner la croissance
économique.
On peut penser aussi que la hausse de la PGF n’est pas uniquement liée au progrès technique
mais dépend d’autres facteurs : parmi eux, des institutions42
adaptées semblent
fondamentales (y compris d’ailleurs pour expliquer l’importance des innovations).
L’activité économique nécessite en effet des règles, une confiance entre les différents acteurs
– bref des institutions, entendues donc comme des règles, des conventions, des normes de
comportement qui structurent les relations entre agents économiques.
Ces règles, ces conventions, ces habitudes, qui organisent la vie économique, peuvent être
plus ou moins favorables à la croissance économique.
En effet, la vie économique nécessite, dans les sociétés modernes, une reconnaissance
du droit de propriété43
(dont le respect est garanti par les règles étatiques) : sans droit de
propriété, il n’y aurait pas d’échanges, notamment entre personnes qui ne se connaissent pas
vraiment et ne se font pas a priori confiance, et aussi parce que l’échange marchand est, en
lui-même, un transfert de propriété. De même, le fruit du travail des salariés doit être
protégé et plus largement celui de l’entreprise : sans cette reconnaissance, les entrepreneurs,
42
Les institutions visent l’ensemble des règles qui encadrent les interactions humaines. Pour exister et
fonctionner, le marché exige notamment que les droits de propriété soient bien définis et protégés. 43
Le droit de propriété est un droit réel en vertu duquel le titulaire bénéficie de prérogatives sur le
bien, objet de propriété :
- l’usus (droit d’usage) qui consiste à pouvoir jouir des utilités du bien (pour une TV, la
regarder par exemple),
- le fructus qui consiste à pouvoir récupérer les fruits du bien :
o pour un verger, cueillir les fruits par exemple ;
o pour un appartement, récupérer le loyer du locataire qui l’occupe ;
o les fruits sont ce qui est produit par le bien, sans en altérer sa substance ;
- et l’abusus qui consiste à pouvoir disposer du bien :
o on peut en disposer matériellement et détruire le livre dont on est propriétaire ou en
arracher des pages ou peindre sa couverture ;
o on peut en disposer juridiquement et vendre le bien et donc transférer le droit de
propriété sur ce bien.
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les salariés ne seraient pas incités à innover et à produire si d’autres s’appropriaient le fruit de
leur activité. Si, pour une raison ou pour une autre (vols, accaparement par des mafias, par un
État corrompu, etc.), ils ne pouvaient pas obtenir le fruit de leurs efforts, sans doute
produiraient-ils moins.
De même, des institutions qui confortent l’épargne (règles fiscales, réglementation
des risques pris par les banques, etc.) permettent à cette épargne d’être abondante et de
pouvoir financer l’investissement, qui est source de croissance. Récemment d’ailleurs la crise
de 2008-2009 a montré à quel point des institutions financières défaillantes pouvaient non
seulement réduire la croissance mais être à l’origine d’une véritable crise économique : durant
cette période, non seulement la croissance a ralenti mais la contribution de la PGF à la
croissance a diminué dans de nombreux pays. Les institutions ont donc un rôle extrêmement
important dans le processus de croissance économique. Détaillons un peu plus ces institutions
avant d’approfondir l’exemple du droit de propriété.
S’il existe des institutions qui permettent l’existence d’un marché
- (droit de propriété,
- respect des contrats),
d’autres institutions favorisent la régulation concurrentielle du marché
- (contrôle par l’État, par des tribunaux
- de la concentration,
- des informations données sur les produits,
- de la sécurité des produits alimentaires, financiers, etc.,
- et prévention de la formation de monopoles).
Or, l’existence de la concurrence forte pousse les entreprises à plus d’efficacité et
d’innovations qui permettent la croissance économique. Mais, le libre fonctionnement du
marché, même réglementé, peut se traduire par des crises44
, des récessions45
. L’État par ses
politiques budgétaires et monétaires régule l’activité économique : il s’agit d’un autre type
d’institution qui favorise une croissance forte et si possible sans inflation46
.
44
La crise économique est le retournement de l’activité économique qui passe d’une croissance forte à
une croissance fortement ralentie voire à une baisse de l’activité économique. Cette crise peut
déboucher sur une récession qui peut, elle-même, se transformer en dépression qui correspond à une
baisse profonde et durable de l'activité économique. 45
Période de recul temporaire de l’activité économique d’un pays. Le plus souvent, on parle de
récession si l’on observe un recul du Produit Intérieur Brut (PIB) sur au moins deux trimestres
consécutifs. 46
L’inflation est une hausse générale, durable et cumulative des prix.
Page 23 sur 37
Enfin, le libre fonctionnement du marché ne peut être accepté que si les individus
peuvent être protégés contre les aléas d’une vie économique dépendant du fonctionnement
des marchés notamment de celui du marché du travail : toutes les règles de protection
sociale47
contre le chômage mais aussi les maladies, etc. jouent ce rôle. Ces institutions
protectrices font que l’on acceptera mieux les risques inhérents au fonctionnement du marché
et à une croissance qui se fait sous forme de destruction créatrice.
Bien sûr, suivant les pays et le niveau de développement du pays, les institutions
favorables à la croissance peuvent être différentes voire opposées.
Par exemple, les règles garantissant la concurrence pourraient être perçues comme
défavorables dans les pays peu développés, les entreprises étant peu aptes à la supporter ; à
l’inverse, dans les pays développés, la concurrence serait perçue comme plus favorable à la
croissance en poussant à l’innovation.
De même, certains pourraient supposer que l’effort d’éducation (scolarité obligatoire,
règles de gratuité par exemple) porterait sur l’enseignement supérieur dans les pays
développés (plus que dans les pays en développement) afin de développer l’innovation, source
première de la croissance (tandis que dans les pays en développement, on miserait plus sur
l’application de méthodes de production déjà éprouvées).
Cette hausse doit être générale, c’est-à-dire qu’elle ne concerne pas le prix d’un bien (ou
même d’un même type de biens) ou de quelques biens.
Elle doit être durable. En effet, une hausse des prix qui n’est pas durable est considérée
comme accidentelle. L’inflation doit résulter d’un déséquilibre macroéconomique qui ne peut
se résoudre rapidement. 47
La protection sociale est l’ensemble des dispositifs mis en place pour assurer et aider les individus
devant les risques majeurs de l'existence (chômage, maladie, vieillesse, famille). La protection sociale
a donc à la fois :
des objectifs matériels (permettre aux individus de survivre quand ils sont malades, ou âgés,
ou chargés de familles nombreuses, par exemple)
et des objectifs sociaux (réduire l'inégalité devant les risques de la vie et assurer aux individus
un minimum de revenus leur permettant d’être intégrés à la société).
Elle est assurée par des institutions :
- c’est d'abord la Sécurité sociale (protection contre la maladie, la vieillesse, etc...), mais pas
seulement elle.
- Il s’agit aussi de l’Etat lui-même dont le budget assure certaines dépenses (bourses scolaires,
indemnisation des chômeurs en fin de droits, par exemple)
- et des collectivités territoriales (les Communes peuvent prendre en charge certaines dépenses
des retraités ayant peu de ressources, comme les dépenses de transport, par exemple).
- Enfin, les administrations privées (les organisations caritatives, comme le Secours catholique
ou le Secours populaire, par exemple) prennent en charge également une partie de la
protection sociale, souvent en direction des populations les plus marginalisées.
Page 24 sur 37
B/ L’exemple des droits de propriétés et notamment des brevets d’invention.
Approfondissons le cas des droits de propriété48
. Rappelons que sans droit de propriété
reconnu et protégé par des tribunaux impartiaux, il est évident qu’il n’y aurait pas d’échange
marchand puisqu’on pourrait s’approprier les biens d’autrui sans les payer. Sans échange
possible, ce sont toutes les activités productives qui seraient bloquées : on ne pourrait plus
vendre et obtenir un revenu de sa production ; il n’y aurait plus de division du travail source
de spécialisation49
et de plus grande efficacité. Qu’en est-il du travail effectué par des
individus ? Si les individus savaient que le fruit de leur travail pouvait être approprié
gratuitement par d’autres, on peut penser qu’ils ne feraient pas d’effort dans leur travail
courant ni d’efforts de formation. Le capital humain ne serait donc pas valorisé et la
croissance serait bloquée.
Comme nous avons vu que la croissance économique pouvait s’expliquer par le progrès
technique et les innovations, précisons le rôle d’une institution fondamentale qui les favorise :
le brevet d’invention. Le brevet d'invention est une institution qui permet à l’inventeur qui
dépose un brevet d’invention de bénéficier seul de son invention : c’est un droit reconnu.
Pendant 20 ans, l’inventeur détient donc le monopole d’utilisation de son invention qui
permet de fixer des prix élevés, prix élevés qui financent les dépenses liées à ces inventions et
rémunèrent finalement le risque pris.
48
Le droit de propriété est le droit, garanti par l’Etat, d’utiliser (l’usus), de retirer des fruits (le
fructus), et de disposer (l’abusus) d’un bien (c’est-à-dire de le transformer, le détruire, le vendre, le
donner). Du point de vue économique, le droit de propriété se caractérise par l’exclusivité et la
transférabilité.
L’exclusivité signifie que les individus ou les entreprises peuvent utiliser librement ce qu’ils
possèdent.
La transférabilité signifie que la propriété des biens peut être cédée librement sur un marché. 49
La spécialisation est la concentration de la production d’un pays dans des branches d’activités ou
des produits particuliers. Elle donne lieu à une division internationale du travail (c’est le processus au
cours duquel les pays se sont spécialisés et, du coup, se répartissent les différentes fabrications : ils ne
produisent pas tous la même chose et, de ce fait, échangent entre eux leur production). La
spécialisation internationale dépend de nombreux facteurs. Les économistes mettent en avant
notamment le rôle des avantages comparatifs (ce sont les avantages que tel ou tel pays peut mettre en
avant et exploiter dans l’échange international, justement dans la mesure où les autres pays ne les
possèdent pas ou les possèdent à un moindre degré), de la dotation factorielle (c’est l’importance
relative des différents facteurs de production dans des pays participant au commerce international : ces
facteurs de production sont le travail et le capital et on ajoute parfois la terre.). De manière moins
théorique, le rôle de la compétitivité-prix (proposer des prix relativement faibles) et de la compétitivité
hors prix (caractéristiques des produits par exemple) sont mises en avant.
Page 25 sur 37
Pensez, par exemple, que l’invention d’un médicament peut prendre 10 ans : vous imaginez
les coûts de la recherche et les risques pris par les laboratoires ! D’ailleurs, dans ce domaine,
il existe des règles permettant d’allonger la protection accordée par les brevets, appelées «
certificats complémentaire de protection ». Si ces règles n’existaient pas, on peut penser que
l’invention serait rapidement copiée par d’autres entreprises pour produire les biens qui lui
sont liés. N’ayant pas à financer les coûts de recherche et de développement, ces entreprises «
imitatrices » seraient donc plus compétitives que l’entreprise innovatrice et l’élimineraient.
L’incitation à innover serait très faible. L’institution du brevet d’invention est généralement
perçue comme incitant, donc, à inventer, à innover et favorisant, par là-même, la croissance
économique.
Pour une compréhension différente du brevet, allant à l’encontre de l’idée selon laquelle
il favoriserait les innovations, voir :
https://www.youtube.com/watch?v=x3rptRn6GeA&list=WL&index=12&ab_channel=Philox
ime. Cette vidéo montre que personne n’a réussi à prouver que la propriété intellectuelle
(particulièrement les brevets et les droits d’auteurs) permettait vraiment de favoriser
l’innovation. Il serait même bénéfique dans certains cas de réduire la durée par exemple pour
les droits d’auteurs ou de l’abolir par exemple pour les bases de données.
Page 26 sur 37
Section 2. Les défis de la croissance économique :
inégalités économiques et limites écologiques.
I. La croissance économique et le progrès technique peuvent se traduire par un
creusement des inégalités économiques.
A/ Le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenu.
La croissance économique augmente le niveau de vie50
moyen de la population. Cependant, il
semble que le progrès technique, du fait du processus de destruction créatrice, ait un effet
plus ambigu sur l’enrichissement de tous. Qu’en est-il réellement ? L’innovation a, on l’a vu,
pour objectif et pour effet d’augmenter les profits et l’enrichissement de ceux qui innovent et
donc de ceux qui peuvent capter ce profit. De nombreux innovateurs (ou parfois leurs
imitateurs car le succès d’une innovation n’est pas immédiat et ne retombe pas toujours sur
l’inventeur ou le premier « innovateur ») ont connu la richesse. Pensez aux grands
entrepreneurs américains comme Rockefeller51
qui sont devenus extrêmement riches et plus
récemment Bill Gates52
, Mark Zuckerberg53
ou Jeff Bezos54
. Mais, comme les innovations
concurrencent d’anciennes activités, ces dernières deviennent moins rémunératrices pour
50
On a vu que le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités
de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même
ménage. Le niveau de vie correspond à ce qu’Eurostat nomme « revenu disponible équivalent ». Mais
on également vu que certains estimaient le niveau de vie égal au PIB/Nombre d’habitants. 51
John Davison Rockefeller, né le 8 juillet 1839 à Richford (État de New York) et mort le 23 mai
1937 à Ormond Beach (Floride), à l'âge de 97 ans, est un industriel américain, fondateur de la famille
Rockefeller. Premier milliardaire de l'époque contemporaine, il fait partie du mythe américain des self-
made men. Sa famille a été à la tête d'un empire financier durant près de deux siècles en créant la
Standard Oil qui devient notamment Esso, puis ExxonMobil. Il est le frère du financier William
Rockefeller, lui aussi engagé dans l'exploitation du pétrole. 52
William Henry Gates III, dit Bill Gates, né le 28 octobre 1955 à Seattle (État de Washington), est un
informaticien, entrepreneur et milliardaire américain. Il est connu comme le fondateur de Microsoft en
1975 et son principal actionnaire jusqu’en 20142. Grâce au succès commercial de Microsoft, il est l’un
des hommes les plus riches du monde depuis 1996. 53
Mark Elliot Zuckerberg, né le 14 mai 1984 à White Plains dans l'État de New York, est un
informaticien, chef d'entreprise et milliardaire américain. Il est le cofondateur du site et réseau social
Facebook en 2004, dont il est l'actionnaire majoritaire et également le président-directeur général. Le
magazine Forbes le classe 8e fortune mondiale en 2019, estimée à 74,1 milliards de dollars. 54
Jeffrey Bezos, dit Jeff Bezos, né Jeffrey Jorgensen le 12 janvier 1964 à Albuquerque, est un
entrepreneur, industriel, propriétaire de médias et milliardaire américain. Il est notamment connu pour
être le fondateur, principal actionnaire et ancien président-directeur général d'Amazon et le fondateur
de l'entreprise spatiale Blue Origin, proposant notamment un accès à l'espace pour le tourisme spatial.
Le magazine Forbes le classe première fortune mondiale au 25 juillet 2021, avec des actifs estimés à
209,2 milliards de dollars américains.
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les parties prenantes, notamment les salariés et propriétaires des entreprises. Dès lors,
des écarts de revenu se creusent entre les salariés travaillant dans des activités anciennes et
ceux travaillant dans des activités nouvelles.
De manière plus directe encore, on constate que le progrès technique crée des inégalités de
revenu. En effet, en supprimant des emplois, certains travailleurs s’appauvrissent. Il en est
de même de la mécanisation, de l’automatisation et de la robotisation du travail des ouvriers
non qualifiés. Il semble, d’après certaines enquêtes, qu’actuellement, le progrès technique se
traduise par une polarisation des emplois autour d’emplois très bien rémunérés (chercheurs,
ingénieurs, entrepreneurs, etc.) et d’emplois peu routiniers qu’il est difficile de mécaniser
mais qui ne demandent que peu de qualification55
reconnue et offrent des salaires donc
faibles (personnels de services direct aux particuliers, employés de commerce, ouvriers non
qualifiés de type artisanal ayant un savoir-faire non automatisable). Entre ces deux catégories
d’emplois qui se développent, aux extrêmes de la hiérarchie des revenus, les emplois de
nature intermédiaire se réduiraient : ouvriers qualifiés de type industriel, professions
intermédiaires, contremaîtres par exemple. Les innovations techniques et organisationnelles
expliqueraient le déclin relatif des catégories moyennes et l’accroissement des inégalités.
Si nous nous intéressons aux grandes tendances historiques, l’évolution des inégalités de
revenu dans le long terme pourrait s’expliquer ainsi par l’importance des innovations à
certaines périodes :
1. une première phase d’augmentation des inégalités pourrait provenir des
révolutions industrielles du XIXe siècle aux États-Unis et en Europe notamment
entre ouvriers (dont l’apport provenaient de l’appauvrissement des petits paysans)
d’un côté et industriels de l’autre ;
2. les pays développés auraient connu une phase de réduction des inégalités durant les
50 ou 75 premières années du XXe siècle due à un ralentissement du progrès
technique après sa diffusion ;
3. depuis les années 1970 ou 1980 selon les pays (plus tôt aux États-Unis qu’en France
par exemple), il y aurait une nouvelle augmentation des inégalités lié à des nouvelles
55
La qualification désigne principalement la capacité à exercer un métier ou un poste déterminé. Cette
qualification est essentielle pour assurer l’employabilité des personnes actives. Elle est "mesurée" par
les diplômes acquis ou l’expérience des personnels.
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innovations notamment dans l’électronique, l’informatique et les TIC, favorisant
l’enrichissement de certains (voir ci-dessus).
B/ La croissance économique peut accroître ces inégalités de revenu.
Cette analyse peut se relier facilement et s’élargir avec l’idée de croissance économique
puisque le progrès technique en est un des facteurs essentiels. Les phases de croissance
économique permettraient une augmentation générale du niveau de vie ce qui
mécaniquement rendrait plus facile ou plus probable le creusement des inégalités ; de plus,
la hausse des revenus les plus élevés engendreraient des possibilités de placement ou de
réinvestissement de l’épargne disponible : le patrimoine56
des plus riches s’accroitrait et
leur revenus de ce patrimoine aussi.
Par la suite, la croissance économique provoquerait d’elle-même une réduction des
inégalités de revenu du fait notamment des transferts d’activité réalisés vers des activités
mieux rémunérés (et du fait que les gains liés aux innovations s’éteindraient pour les plus
riches au bout d’un moment). De plus, il y aurait une attente de redistribution57
et de
protection sociale pour les victimes les plus vulnérables de ces changements. Donc, une
phase de réduction des inégalités suivraient une phase d’accroissement de ces inégalités.
Enfin, de nouvelles « vagues de progrès technique » pousseraient à nouveau à la
hausse des inégalités de revenu suivant les cycles suivants présentés dans ce graphique :
56
Le patrimoine est l’ensemble des biens (on dit parfois « les avoirs ») possédés par un individu ou un
ménage à un moment donné. Pour être rigoureux, on doit déduire de ce montant celui des dettes : par
exemple, si un ménage a acheté un appartement grâce à un crédit mais n’a pas encore fini de
rembourser son prêt, le montant de son patrimoine est la valeur de l’appartement, diminuée du
montant restant à rembourser. On parle alors de patrimoine net (brut, dans le cas contraire). Le
patrimoine peut être composé d'éléments très divers :
- des éléments bâtis (appartement, maison) ou non bâtis (terrains),
- des éléments en monnaie (montant des dépôts sur les livrets d'épargne, par exemple),
- des biens (bijoux, livres ou meubles anciens, par exemple),
- des titres représentatifs de créances ou de propriété (obligations et actions, par exemple, ou
Bons du Trésor),
- etc… 57
Transferts monétaires ou en nature (services collectifs par exemple) vers les ménages, effectués par
l’Etat ou la Sécurité sociale, grâce à des prélèvements sur les revenus de certains individus ou
ménages. L’objectif de cette redistribution est d'atteindre davantage de justice sociale.
On parle de redistribution verticale lorsque cette redistribution aboutit à une réduction des
inégalités.
On parle de redistribution horizontale lorsque cette redistribution se contente de couvrir les
risques sociaux quel que soit le niveau des revenus, y compris donc lorsque cette couverture se
fait au sein d’un groupe d’individus ayant le même niveau de revenu ou au bénéfice
d’individus ayant les revenus les plus élevés.
Page 29 sur 37
Source : B. Milanovic, Inégalités mondiales, Édition La Découverte, 2019.
À noter que, pour un économiste comme Thomas Piketty, la tendance naturelle d’une
économie de marché capitaliste serait plutôt l’accroissement des inégalités et l’essentiel des
facteurs de réduction des inégalités proviendrait de facteurs plutôt extra économiques ou
assez indirectement économiques (luttes syndicales, forces idéologico-politiques en faveur de
l’égalité et de la redistribution). Une intervention forte de l’État serait nécessaire… mais nous
débordons du thème de ce chapitre !
Un autre défi de la croissance économique à surmonter est celui de l’environnement. C’est ce
que nous allons étudier maintenant.
II. Les limites écologiques de la croissance économique peuvent être en partie
surmontées par le progrès technique.
A/ La croissance économique nécessite de puiser dans des ressources naturelles.
La production de biens ou de services nécessite d’utiliser des ressources naturelles que ce soit
des matières premières minérales (fer, plomb, etc.), des sources d’énergie (charbon, gaz,
pétrole, uranium, etc.) ou des matières premières « vivantes » (plantes diverses, animaux
comme les poissons). Certaines de ces ressources ne sont pas renouvelables à échelle
Page 30 sur 37
humaine : leur exploitation58
continue se traduit par une plus grande rareté et un coût
d’exploration et d’extraction de plus en plus élevé du fait qu’elles se situent dans des zones
difficiles à exploiter (comme le pétrole en Sibérie ou dans les profondeurs de mers ou
d’océans par exemple) ou parce que la qualité du minerai se dégrade. C’est le cas du cuivre
présent dans le minerai extrait aux États-Unis, qui est de moins en moins important. C’est ce
que montre le graphique suivant :
Document : La baisse de qualité des minerais de cuivre exploités aux États-Unis.
Source : D. Meadows, D. Meadows et J. Randers, dans Les limites à la croissance, Éditions
Rue de l’Échiquier, p. 193
L’exploitation des minerais états-uniens contenant en moyenne entre 2 et 2,5 % de cuivre est
antérieure à 1910. Depuis, on enregistre une baisse continue de la teneur moyenne. Le pic
dans les années 1930 et la légère hausse dans les années 1980 sont dus aux récessions
économiques qui ont entraîné la fermeture des mines marginales, ne laissant en exploitation
que les gisements les plus riches.
58
L’exploitation correspond à du travail non payé aux ouvriers par les capitalistes dans
l’analyse marxiste.
Page 31 sur 37
Tous les produits nécessitant du cuivre voient leur coût s’élever qu’il s’agisse de la
robinetterie, de l’automobile, des industries de l’électronique (ordinateurs, téléphone, etc.) ou
mécanique (condensateur, horlogerie, etc.) ce qui réduit leur rentabilité59
.
Ainsi, avant même que le charbon ne disparaisse réellement (les ressources en
charbon restent gigantesques dans le monde), les mines de charbon ont été abandonnées en
France du fait de leur coût d’exploitation trop élevé par rapport à d’autres ressources.
En dehors de la hausse des coûts, la disparition progressive en elle-même de ces
ressources peuvent poser des problèmes pour satisfaire l’ensemble de la demande. Certaines
prévisions de production de pétrole dans le monde montrent une tendance à la baisse
progressive. Toujours, suivant la même source, on voit que la production annuelle de pétrole
pourrait passer d’environ 25 milliards de barils en 2000 à moins de 10 milliards en 2050 :
Document : Scénario concernant la production mondiale de pétrole (hypothèse de
quantité de pétrole restant à découvrir : 1,8 millier de milliards de barils).
Ce genre de problème ne concerne pas seulement les ressources non renouvelables mais
aussi les ressources renouvelables : cette fois-ci c’est le rythme de leur exploitation qui peut
être trop élevé par rapport au rythme de leur reproduction. Cela est notamment le cas des
59
Le taux de rentabilité des entreprises est le rapport entre un revenu et le capital engagé pour obtenir
ce revenu. Pour une entreprise, on calcule le taux de rentabilité en comparant l’EBE (l’excédent ou
bénéfice brut d’exploitation) ou le résultat net (qui mesurent approximativement les profits) au capital
engagé (c’est-à-dire, schématiquement, les capitaux engagés pour financer l’activité productive).
Page 32 sur 37
biens appelés biens communs60
comme les bancs de poisson dans les océans. Rappelons que
ces biens en commun sont :
- des biens rivaux (pêcher des poissons réduit les quantités que peuvent pêcher d’autres
pécheurs : voyez dans ce sens les conflits qui durent depuis des dizaines et dizaines
d’année entre pêcheurs français et pêcheurs anglais dans les eaux poissonneuses du
littoral anglais !) ;
- et non excluables : si un prix pour ces poissons pêchés existait, personne ne voudrait
le payer tout simplement parce que ces poissons n’appartiennent à personne et que
l’on peut les pêcher librement !
Pour ce type de biens, il y a donc une tendance à la surexploitation : le rythme
d’exploitation peut facilement devenir plus élevé que le rythme de leur reproduction. Vous
connaissez sans doute le cas de certaines espèces de thon rouge dont la surpêche a failli
conduire à sa disparition. D’une manière plus générale, la part du stock de poissons de mer
surexploités serait passée dans le monde de 10 % environ en 1975 à 30 % environ. Bien sûr,
face à ces problèmes, des règles ont été inventées, pour éviter ce risque de disparition de la
ressource. Mais sans ces adaptations, la ressource risque de disparaître et avec elle les
activités qui y sont liées.
B/ La croissance économique est source de pollution.
Si le système économique puise dans les ressources naturelles, il rejette dans la nature de
nombreux déchets, de nombreux gaz polluants. Ces rejets peuvent avoir lieu à toutes les
étapes du processus de production et dans une multitude de secteurs d’activité même si, bien
sûr, certains secteurs d’activité sont plus polluants que d’autres. C’est ainsi que la production
60
Un bien commun est alors un bien non excluable et rival.
- La première propriété de ce type de bien signifie que l’on ne peut empêcher personne de
consommer en mettant des barrières, péages, droits d’entrée, etc. (par impossibilité technique
ou parce que le coût en serait trop élevé) : une transaction avec un prix de marché ne
permet pas l’appropriation du bien ou service, qui reste disponible pour d’autres
consommateurs.
- La seconde propriété signifie, quant à elle, que la quantité de bien disponible est limitée et
que sa consommation par un individu ou une entreprise réduit celle des autres.
L’exemple type est celui des bancs de poissons : tout le monde peut pêcher des poissons dans la mer
(ils n’appartiennent à personne et sont librement accessibles… moyennant quelques équipements sans
doute !). Par contre, le poisson que pêche un pêcheur n’est plus disponible pour un autre pêcheur : les
poissons ne sont pas comme l’air que chacun respire en même temps. Il existe de très nombreux biens
communs, notamment environnementaux, comme les nappes phréatiques, les forêts, les pâturages de
montagne, etc.
Page 33 sur 37
d’ordinateurs comme de voitures ou de ciment mais aussi le commerce ou le transport
nécessitent l’utilisation d’énergie dont la production, elle-même, rejette notamment du gaz
carbonique. De même, l’agriculture nécessite aussi bien de l’énergie que des produits
chimiques qui sont source de pollution des sols.
De plus, vous le savez, la production de biens finaux, de services, de produits semi-finis ou
des biens d’équipement professionnel se fait dans le monde entier. Il faut transporter tous
ces produits dans leurs lieux d’utilisation : le transport par bateau, par avion ou par camion
est source de pollution aussi (CO2 rejeté, particules fines, etc.).
Enfin, l’utilisation de certains biens peut entraîner là encore des rejets : pensez à la voiture
bien sûr mais aussi à internet qui utilise énormément d’énergie pour faire circuler les
informations (voir sur le sujet L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like, de Guillaume Pitron,
publié en 202161
). Ainsi, la production, le transport et l’utilisation des biens et services
produits sont source de rejets polluants.
Cette pollution engendre des coûts importants en termes de santé publique par exemple
(pollution dans les grandes villes, maladies professionnelles) qui doivent être financées par
des impôts ou des cotisations supplémentaires. Cette hausse des dépenses engendre :
- soit une baisse de pouvoir d’achat des ménages,
- soit une baisse des profits des entreprises,
ce qui nuit à la consommation et à l’investissement et donc à la croissance.
61
RÉSUMÉ : Les technologies numériques ont conquis le monde grâce à une mystification : celle de
leur prétendue « dématérialisation ». Nous lorgnons sur le design éthéré du dernier iPhone, accédons
instantanément à nos photos sauvegardées sur des « clouds » duveteux, envoyons des dizaines d’e-
mails par jour, « googlons », « likons », « tweetons », sans soupçonner l’immense infrastructure
nécessaire à tant d’immédiateté. Des datacenters aux confins de la Laponie jusqu’aux mines de
graphite chinoises, le journaliste Guillaume Pitron, déjà auteur de La Guerre des métaux rares (Les
liens qui libèrent, 2018), a enquêté pendant deux ans pour dévoiler les pollutions générées par ce
« Léviathan électronique ». Outre leur fabrication de plus en plus gourmande en ressources et en
énergie, nos objets connectés mobilisent et envoient un flot colossal de données dont la transmission et
le stockage n’ont, eux, rien de virtuel. « Nous avons découvert qu’Internet a une couleur (le vert), une
odeur (de beurre rance), et même un goût, salé comme l’eau de mer. Il émet également un son strident,
semblable à celui d’une immense ruche. Bref, nous avons fait l’expérience sensorielle de l’univers
numérique, prenant par là même la mesure de sa démesure », écrit le journaliste, qui rappelle que tout
cet inframonde – qui ne peut dans un futur proche que se complexifier et se densifier – consomme déjà
10 % de l’électricité mondiale et rejette 4 % des émissions globales de CO2. Un livre qui synthétise
les grands enjeux écologiques et géopolitiques de la numérisation du monde, égratignant au passage
les fausses promesses des écomodernistes, convaincus qu’un tel déploiement pourrait être mis, un jour,
au service de la planète et du climat.
Page 34 sur 37
Certaines pollutions ont des effets mondiaux particulièrement inquiétants : ce sont les gaz à
effet de serre62
dont la concentration croissante depuis le XIXe siècle est source de
réchauffement climatique. Vous trouvez ci-dessous l’évolution de ma concentration de 4
gaz à effet de serre dont la concentration est essentiellement liée à l’activité humaine depuis
les révolutions industrielles.
Document : Concentrations en gaz à effet de serre au niveau mondial.
62
Par gaz à effet de serre, on entend un gaz présent dans l’atmosphère qui retient une partie de la
chaleur reçue par le solaire dans l’atmosphère. L’augmentation de la concentration des gaz à
effet de serre dans l’atmosphère se traduit par une hausse de sa température. Certains gaz sont
d’origine naturelle (vapeur d’eau par exemple) et/ou issues des activités humaines, en particulier les
gaz fluorés. Grâce aux gaz à effet de serre (GES) présents naturellement dans l’atmosphère (vapeur
d’eau, dioxyde de carbone…), la Terre (atmosphère inclus) absorbe une partie de l’énergie qu’elle
reçoit du Soleil, le reste étant renvoyé vers l’espace. Ce phénomène naturel, appelé effet de serre,
rend la vie possible sur Terre : sans lui, la température moyenne de la planète serait en effet de l’ordre
de - 18°C. Ces gaz à effet de serre, notamment leur concentration dans l’atmosphère, jouent donc un
rôle important dans la régulation du climat. La modification de la teneur en gaz à effet de serre dans
l’atmosphère est donc de nature à altérer le bilan énergétique du système climatique terrestre.
Page 35 sur 37
Ce réchauffement climatique a des effets contrastés selon les pays et les régions :
- réduction des surfaces cultivables dans l’agriculture du fait des sécheresses
récurrentes,
- risques d'évènements climatiques extrêmes (tempêtes, ouragan, etc.) qui peuvent
détruire habitations et lieux de production,
- etc.
Dans le monde, de 1998 à 2017, le coût des catastrophes climatiques (tempêtes, sécheresses,
inondations ou encore vagues de chaleur) a été estimée à 2 250 milliards de dollars ! Voici
une évaluation en France des charges supportées par les assureurs liés à des risques
d’inondations, de tempêtes et sécheresse, qui se sont produits de 1988 à 2013. Nul doute que
ces charges seront reportées sur les assurés avec des baisses de pouvoir d’achat et une hausse
des coûts de production ce qui peut nuire sur la croissance économique.
Source : Fédération Française de l’Assurance, Impact du changement climatique sur
l’assurance à l’horizon 2040, 2015.
Pour un exemple d’un effet du réchauffement climatique, voir : Pourquoi la fonte du
permafrost est une menace pour l’humanité, vidéo publiée par Le Monde en 2018 et
disponible à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=othd0BzpnQI. Dans le nord de la
planète Terre, une bonne partie des continents est recouverte de permafrost, c’est-à-dire d’un
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sol qui reste gelé pendant au moins deux années consécutives. Un quart des territoires
émergés de l’hémisphère nord sont concernés. Or, depuis quelques années, le permafrost
fond. Ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. D’abord parce qu’en dégelant, le
sol devient mou ce qui provoque régulièrement l’effondrement de bâtiments dans les zones
habitées. Mais aussi parce que le sol gelé contient plusieurs éléments néfastes pour
l’écosystème et l’humanité (dioxyde de carbone, mercure, virus, bactéries). En se répandant
dans l’atmosphère à la faveur de la fonte du permafrost, ces éléments pourraient menacer
notre planète.
C/ Des solutions techniques à la dégradation de l’environnement ?
Avant d’étudier dans un prochain chapitre ce que les États peuvent faire pour améliorer voire
simplement maintenir en l’état le capital naturel63
de la terre, précisons en quoi, selon
certains économistes, les technologies nouvelles peuvent participer à améliorer la situation.
>> Tout d’abord, des innovations peuvent permettre de réduire les quantités de matière
première ou d’énergie nécessaires pour produire ou utiliser des biens et services. Par
exemple, l’amélioration des moteurs dans l’aviation a permis de réduire leur consommation
de carburant par deux depuis les débuts de l’aviation commerciale … encore faut-il que le
caractère moins coûteux de l’utilisation des avions ne réduisent pas trop le prix du vol et
n’entraîne pas un accroissement de la demande, donc des vols et de la pollution ! C’est ce que
l’on appelle l’effet-rebond64
(sur l’effet rebond, écoutez l’émission France culture de 3
minutes : https://www.franceculture.fr/emissions/le-pourquoi-du-comment-economie-
social/qu-est-ce-que-l-effet-rebond).
>> Ensuite, il est possible d’utiliser des produits de substitution.
63
Le capital naturel regroupe l’ensemble des ressources naturelles utiles directement aux hommes ou
qu’il peut exploiter techniquement et économiquement. 64
L’effet rebond, (également appelé, dans sa forme la plus extrême, « paradoxe de Jevons », du nom
de l'économiste William Stanley Jevons qui l'a mis en évidence en 1865, peut être défini comme «
l’augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie,
ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l’effort, au danger, à
l’organisation… ». Il en découle le corollaire suivant : les économies d’énergie ou de ressources
initialement prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie sont partiellement ou complètement
compensées à la suite d'une adaptation du comportement de la société.
Page 37 sur 37
- C’est ainsi que l’acier et l’aluminium sont peu à peu concurrencés par des matières
plastiques, produit non naturel, dans la production des voitures. Par ailleurs, avec ces
changements, les voitures sont moins lourdes et consomment moins d’énergie ce qui
économise du carburant.
- De même, l’invention par Michelin d’une gomme pour les pneus qui oppose moins de
résistance au roulement réduit la consommation d’essence.
- Le bâtiment lui aussi innove en développant des produits isolants, en utilisant des
matériaux recyclés ou en proposant des maisons produisant leur propre énergie, etc.
- En outre, on pense bien sûr à l’utilisation de source d’énergies renouvelables
(attention : une étude intitulée La guerre des métaux rares. La face cachée de la
transition énergétique et numérique, publiée en 2018 et menée Guillaume Pitron
démonte la vision idyllique de ces alternatives aux sources d’énergie classique comme
le pétrole et le nucléaire65
) :
o panneaux photovoltaïques sur les toits des immeubles
o centrales solaires photovoltaïque (la plus grande d’Europe se situant dans la
région bordelaise)
o éoliennes (terrestre ou en mer).
Bref, il existe de nombreuses solutions techniques pour réduire les coûts environnementaux de
la croissance économique.
65
RÉSUMÉ : En nous émancipant des énergies fossiles, nous sombrons en réalité dans une nouvelle
dépendance : celle aux métaux rares. Graphite, cobalt, indium, platinoïdes, tungstène, terres rares…
ces ressources sont devenues indispensables à notre nouvelle société écologique (voitures électriques,
éoliennes, panneaux solaires) et numérique (elles se nichent dans nos smartphones, nos ordinateurs,
tablettes et autre objets connectés de notre quotidien). Or les coûts environnementaux, économiques et
géopolitiques de cette dépendance pourraient se révéler encore plus dramatiques que ceux qui nous
lient au pétrole. Dès lors, c’est une contre-histoire de la transition énergétique que ce livre raconte – le
récit clandestin d’une odyssée technologique qui a tant promis, et les coulisses d’une quête généreuse,
ambitieuse, qui a jusqu’à maintenant charrié des périls aussi colossaux que ceux qu’elle s’était donné
pour mission de résoudre.