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Grand Paris contre Valdemarnistan Il était une fois, Youri La leçon de Villejuif La charte d’Ivry-Port Pas de fachos dans nos quartiers CHARIV ARY Numéro 4 • Juin - novembre 2015 Le journal qui déboîte la rénovation urbaine

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Page 1: CHARIVARY · d’Ivry et d’ailleurs sur les logiques financières, politiciennes et sociales à l’oeuvre dans nos espaces urbains. Il est aussi un OUTIL DE LUTTE. Nos articles

Grand Paris contre Valdemarnistan Il était une fois, Youri La leçon de Villejuif

La charte d’Ivry-PortPas de fachos dans nos quartiers

CHARIVARYNuméro 4 • Juin - novembre 2015

Le journal qui déboîte la rénovation urbaine

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L’EDITO

CharIVaRY est d’abord un bulletin permettant d’informer les habitants

d’Ivry et d’ailleurs sur les logiques financières, politiciennes et sociales à l’oeuvre

dans nos espaces urbains. Il est aussi un OUTIL DE LUTTE.

Nos articles sont le produit d’un travail collectif: nous les écrivons, discutons,

corrigeons et validons collectivement. Il n’y a donc aucun sens à signer chaque article par

un nom. Les positions qui sont exprimées sont assumées collectivement.

CharIVaRY est aussi le nom de notre collectif. Chacun d’entre nous est libre

d’avoir ses propres engagements politiques mais nous sommes indépendants, en

tant qu’auteur collectif, de tout parti ou organisation politique.

Inutile de voir en CharIVaRY un groupe instrumentalisé ou manipulateur,

poursuivant des objectifs politiciens qui ne nous intéressent ni de près, ni de loin.

Lors du conseil municipal du 9 décembre 2014, alors que nous distribuons notre troisième numéro, M. Bouyssou, nouveau maire d’Ivry et à l’époque encore intérimaire, prend le temps d’expliquer comment un journal intitulé « Le Charivari » et publié entre le 19ème et le 20ème siècle a été «un journal antisémite d’extrême-droite». Quel honneur ! Être attaqués ainsi par notre cher édile après seulement trois numéros, on ne s’attendait pas à une reconnaissance aussi rapide… Subtile, l’idée de parler de nous sans parler de nous. Malin, de nous traiter ainsi implicitement de fascistes.

Un point pour monsieur le maire : il maîtrise mieux que nous l’histoire de la presse satirique du 19ème. Charivary, avec son y à la fin, ne connaissait pas son douteux prédécesseur. Mais qui nous lit comprendra vite que c’est depuis un anticapitalisme internationaliste et libertaire que nous critiquons les aménagements urbains portés par nos élus. M.Bouyssou lui-même le sait. Il fait simplement ressurgir les vieux réflexes : l’Appareil Communiste est habitué à faire mine d’être le seul représentant possible de la gauche, du peuple, de la révolution sociale. Et donc habitué à considérer comme fasciste tout ce qui les dérange, même lorsqu’il s’agit de défendre les opprimés. Comme le rappelle Le Canard Enchaîné dans son édition du 13 mai 2015, Etienne Fajon, membre du bureau politique du PCF en 1945, avait qualifié devant l’Assemblée de « complot fasciste » la manifestation algérienne du 8 mai 1945 à Sétif, réprimée dans le sang par les colons français.

« Soit tu es avec nous et on parle pour ton bien. Soit tu t’exprimes, et si tu n’es pas d’accord avec nous, tu es forcément de droite, démago, ou manipulateur ». Voilà ce qu’a semblé nous dire M. Bouyssou. Mais ne lui en déplaise, tout n’est pas si simple.

En critiquant des projets mis au point par le parti le plus à gauche de l’échiquier parlementaire actuel, dont le Val de Marne est le dernier bastion, on ferait même le jeu de la droite à ce qu’il paraît. Cette droite, surfant sur le marasme ambiant, se délecte des rudesses de la mairie envers les contestataires de tous poils pour en tirer les fruits avec un cynisme incroyable. Les mêmes qui ouvrent partout les portes aux investisseurs privés se font à Ivry les défenseurs du citoyens spolié et les chantres de l’écologie. La blague… Nous réservons d’ailleurs à cette droite nos plus belles claques dans le prochain numéro.

La question que nous nous posons est la suivante : faut-il taire les aberrations du projet Ivry Confluences porté par les élus communistes, les expulsions, les contrats juteux des promoteurs, sous prétexte que sans eux ce serait pire ? A cela nous répondons non. Pourtant, nous sommes tous persuadés que les autres partis politiques ne sauraient faire mieux.

La critique est un sport de combat

La bande rouge et noir de Charivary

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LE SOMMAIRE

Edito 2

Le projet Ivry Confluences revu et corrigé par Charivary 4-5

Il était une fois, Youri 6-7

Grand Paris, non merci 8-13

Valdemarnistan 14

La leçon de Villejuif 15

Charte de relogement 16-19

Paroles d’habitants 20-21

C’est arrivé près de chez toi 22-23

Le patron Niel @home à Ivry 24

Détente 26-27

Pour tout échange d’infos, questions ou commentaires:

[email protected]

http://journalcharivary.wordpress.com/

Un immeuble du 19e siècle sans ascenseur : des classes aisées au 1er étage jusqu’aux moins fortunés des derniers étages.

source: laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr

Mixité sociale

Sommaire

Page 4: CHARIVARY · d’Ivry et d’ailleurs sur les logiques financières, politiciennes et sociales à l’oeuvre dans nos espaces urbains. Il est aussi un OUTIL DE LUTTE. Nos articles

Le projet Ivry-confluences,

I V R y C o N F L u E N C E S

Un projet utile à partagerRomain Marchand, adjoint au maire en charge du développementurbain, revient pour nous sur l’avenir du secteur Ivry Confluences.

P ouvez-vous nous rappeler le contexte dela mise en œuvre du

projet ivry Confluences ? Le projet est né de deux néces-sités  : celle d’améliorer lesconditions de vie des habitantsdu quartier, dont la lutte contrel’habitat indigne constitue unedimension importante ; et cellede tourner la page de la dés-industrialisation, qui a dévasténotre ville et en particulier lequartier d’Ivry-Port. C’est unprojet avant tout pour lesIvryens. C’est pour cette raisonque nous avons tenu à ce qu’ilcompte 50  % de logementssociaux, à maîtriser les prix del’accession à la propriété... Ceschoix sont tout à fait excep-tionnels quand on regarde cequi se fait ailleurs en Ile-de-France.

Des habitants estiment quel’on va détruire beaucoup delogements encore habita-bles… Le projet suscite des inquié-tudes, ce qui est normal. Ilconvient donc d’être précis.Sur les 243 logements démolis

en première phase, 198 le sontpour des raisons d’habitatindigne. Les 45 restants leseront soit pour pouvoirconstruire plusieurs dizainesde logements à leur place, soitpour permettre la créationd’espaces publics, comme leprolongement de la rueAmpère. Je veux insister surle fait que tous les habitants,locataires ou propriétaires, quile souhaitent ont vocation àrester à Ivry, et nous lesaccompagnons pour cela.Nous travaillons d’ailleursactuellement sur une chartequi sera finalisée en avril.

On entend aussi des interro-gations sur le choix de laSadev 94 comme aménageurde l’opération… La Sadev 94 est une sociétéd’aménagement détenue àprès de 80 % par le conseilgénéral et dix-sept communesdu Val-de-Marne. En tantqu’aménageur public, à l’in-verse des promoteurs quirémunèrent grassement desactionnaires privés, elle réin-vestit ses bénéfices à 90 %

dans les projets que les villeslui confient. C’est l’outil descollectivités locales, et je suisconvaincu que c’est le meilleurpour mener à bien un tel projet.

Quelle place accordez-vous àla participation des habitantsdans le projet ? Elle est fondamentale. Je croisbeaucoup en l’intelligence col-lective, mais personne n’a larecette miracle. C’est pour celaque nous sommes enrecherche permanente : réu-nions publiques, ateliers d’ur-banisme citoyens, baladesurbaines numériques, visitesde chantiers, rencontres infor-melles... Récemment, nousavons inauguré la « revue deprojets citoyenne  », qui estl’espace permanent de concer-tation sur le projet que nousnous étions engagés à créerdans le programme municipal.Je fonde beaucoup d’espoirssur cet outil, qui je l’espèrenous permettra de franchir uncap pour porter ce projet tou-jours plus collectivement.• Propos recueillis parDominique Slimane

CommerceLa réunion publique sur le commerce à Ivry-port,décidée lors du comité dequartier du 15 décembre,se tiendra lundi 9 février en présence de JacquelineSpiro, conseillèremunicipale déléguée à lavie du quartier et pierreMartinez, conseillermunicipal délégué aucommerce et à l’artisanat. rendez-vous à 19 h à laMaison de la citoyenneté :25 rue Jean-Jacquesrousseau.

Repas Le service municipal desretraités propose, jeudi 5février, un repasexceptionnel animé parMadjid. A partir de midi aufoyer Chevaleret : 3 bisplace de l’Insurrection.participation 10 €.Inscription : 01 49 60 29 66.

Thé dansantLe 10 février, c’est Isamusic qui animera un thédansant au foyerChevaleret. À partir de 14 h.Inscription : 01 49 60 29 66.

ExpoLa galerie Quai Estaccueille, du 14 février au 7 mars, une expositionintitulée Carambolages IIregroupant des œuvres detrois artistes : KarineHoffman, Etienne Armadonet Brann renaud.À voir 1 rue paul Mazy –Loft n° 09.ouvert du jeudi au samedide 14 h à 19 h. Sur rendez-vous les autres jours : 06 03 07 20 23.

Ivry-port

En bref

févrIEr 2015 l ivry ma ville l 17

En 2015, cinq programmes de logements, une école et un collège notamment, sortiront de terredans le cadre d’Ivry Confluences.

Quartiers février 10 2015_Mise en page 1 30/01/15 11:08 Page2

I V R y C o N F L u E N C E S

Un projet utile à partagerRomain Marchand, adjoint au maire en charge du développementurbain, revient pour nous sur l’avenir du secteur Ivry Confluences.

P ouvez-vous nous rappeler le contexte dela mise en œuvre du

projet ivry Confluences ? Le projet est né de deux néces-sités  : celle d’améliorer lesconditions de vie des habitantsdu quartier, dont la lutte contrel’habitat indigne constitue unedimension importante ; et cellede tourner la page de la dés-industrialisation, qui a dévasténotre ville et en particulier lequartier d’Ivry-Port. C’est unprojet avant tout pour lesIvryens. C’est pour cette raisonque nous avons tenu à ce qu’ilcompte 50  % de logementssociaux, à maîtriser les prix del’accession à la propriété... Ceschoix sont tout à fait excep-tionnels quand on regarde cequi se fait ailleurs en Ile-de-France.

Des habitants estiment quel’on va détruire beaucoup delogements encore habita-bles… Le projet suscite des inquié-tudes, ce qui est normal. Ilconvient donc d’être précis.Sur les 243 logements démolis

en première phase, 198 le sontpour des raisons d’habitatindigne. Les 45 restants leseront soit pour pouvoirconstruire plusieurs dizainesde logements à leur place, soitpour permettre la créationd’espaces publics, comme leprolongement de la rueAmpère. Je veux insister surle fait que tous les habitants,locataires ou propriétaires, quile souhaitent ont vocation àrester à Ivry, et nous lesaccompagnons pour cela.Nous travaillons d’ailleursactuellement sur une chartequi sera finalisée en avril.

On entend aussi des interro-gations sur le choix de laSadev 94 comme aménageurde l’opération… La Sadev 94 est une sociétéd’aménagement détenue àprès de 80 % par le conseilgénéral et dix-sept communesdu Val-de-Marne. En tantqu’aménageur public, à l’in-verse des promoteurs quirémunèrent grassement desactionnaires privés, elle réin-vestit ses bénéfices à 90 %

dans les projets que les villeslui confient. C’est l’outil descollectivités locales, et je suisconvaincu que c’est le meilleurpour mener à bien un tel projet.

Quelle place accordez-vous àla participation des habitantsdans le projet ? Elle est fondamentale. Je croisbeaucoup en l’intelligence col-lective, mais personne n’a larecette miracle. C’est pour celaque nous sommes enrecherche permanente : réu-nions publiques, ateliers d’ur-banisme citoyens, baladesurbaines numériques, visitesde chantiers, rencontres infor-melles... Récemment, nousavons inauguré la « revue deprojets citoyenne  », qui estl’espace permanent de concer-tation sur le projet que nousnous étions engagés à créerdans le programme municipal.Je fonde beaucoup d’espoirssur cet outil, qui je l’espèrenous permettra de franchir uncap pour porter ce projet tou-jours plus collectivement.• Propos recueillis parDominique Slimane

CommerceLa réunion publique sur le commerce à Ivry-port,décidée lors du comité dequartier du 15 décembre,se tiendra lundi 9 février en présence de JacquelineSpiro, conseillèremunicipale déléguée à lavie du quartier et pierreMartinez, conseillermunicipal délégué aucommerce et à l’artisanat. rendez-vous à 19 h à laMaison de la citoyenneté :25 rue Jean-Jacquesrousseau.

Repas Le service municipal desretraités propose, jeudi 5février, un repasexceptionnel animé parMadjid. A partir de midi aufoyer Chevaleret : 3 bisplace de l’Insurrection.participation 10 €.Inscription : 01 49 60 29 66.

Thé dansantLe 10 février, c’est Isamusic qui animera un thédansant au foyerChevaleret. À partir de 14 h.Inscription : 01 49 60 29 66.

ExpoLa galerie Quai Estaccueille, du 14 février au 7 mars, une expositionintitulée Carambolages IIregroupant des œuvres detrois artistes : KarineHoffman, Etienne Armadonet Brann renaud.À voir 1 rue paul Mazy –Loft n° 09.ouvert du jeudi au samedide 14 h à 19 h. Sur rendez-vous les autres jours : 06 03 07 20 23.

Ivry-port

En bref

févrIEr 2015 l ivry ma ville l 17

En 2015, cinq programmes de logements, une école et un collège notamment, sortiront de terredans le cadre d’Ivry Confluences.

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Sans remettre en cause le nombre de logements en très mauvais état dans le quartier, il ne pas oublier que des maisons en très bon état ont également été réduites en miettes et que de nombreux logements très agréables à vivre sont promis à la destruction. (voir les photos page 31 du Charivary 3).

Interviewé en février 2015 par le journal municipal à propos de l’aménagement urbain en cours à Ivry-Port, notre premier adjoint Romain Marchand s’en est bien tiré. Nous avons tout de même relevé quelques erreurs et omissions. Voici la copie annotée par l’équipe de CharIVaRY :

Pas forcément pour les plus modestes, dont une majorité vit encore à Ivry-Port.

Des 5 600 logements prévus dans le projet, 50% sont effectivement en logement social. Toutefois, seul 15% d’entre eux seront des logements PLAI, c’est-à-dire accessibles aux personnes qui ont les revenus les plus faibles. Or à Ivry, sur les 5 000 demandeurs de logements sociaux, 80% ne rentrent que dans la catégorie PLAI au vu de leur revenu. (voir page 6 du Charivary 1)

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Un projet utile à partagerRomain Marchand, adjoint au maire en charge du développementurbain, revient pour nous sur l’avenir du secteur Ivry Confluences.

P ouvez-vous nous rappeler le contexte dela mise en œuvre du

projet ivry Confluences ? Le projet est né de deux néces-sités  : celle d’améliorer lesconditions de vie des habitantsdu quartier, dont la lutte contrel’habitat indigne constitue unedimension importante ; et cellede tourner la page de la dés-industrialisation, qui a dévasténotre ville et en particulier lequartier d’Ivry-Port. C’est unprojet avant tout pour lesIvryens. C’est pour cette raisonque nous avons tenu à ce qu’ilcompte 50  % de logementssociaux, à maîtriser les prix del’accession à la propriété... Ceschoix sont tout à fait excep-tionnels quand on regarde cequi se fait ailleurs en Ile-de-France.

Des habitants estiment quel’on va détruire beaucoup delogements encore habita-bles… Le projet suscite des inquié-tudes, ce qui est normal. Ilconvient donc d’être précis.Sur les 243 logements démolis

en première phase, 198 le sontpour des raisons d’habitatindigne. Les 45 restants leseront soit pour pouvoirconstruire plusieurs dizainesde logements à leur place, soitpour permettre la créationd’espaces publics, comme leprolongement de la rueAmpère. Je veux insister surle fait que tous les habitants,locataires ou propriétaires, quile souhaitent ont vocation àrester à Ivry, et nous lesaccompagnons pour cela.Nous travaillons d’ailleursactuellement sur une chartequi sera finalisée en avril.

On entend aussi des interro-gations sur le choix de laSadev 94 comme aménageurde l’opération… La Sadev 94 est une sociétéd’aménagement détenue àprès de 80 % par le conseilgénéral et dix-sept communesdu Val-de-Marne. En tantqu’aménageur public, à l’in-verse des promoteurs quirémunèrent grassement desactionnaires privés, elle réin-vestit ses bénéfices à 90 %

dans les projets que les villeslui confient. C’est l’outil descollectivités locales, et je suisconvaincu que c’est le meilleurpour mener à bien un tel projet.

Quelle place accordez-vous àla participation des habitantsdans le projet ? Elle est fondamentale. Je croisbeaucoup en l’intelligence col-lective, mais personne n’a larecette miracle. C’est pour celaque nous sommes enrecherche permanente : réu-nions publiques, ateliers d’ur-banisme citoyens, baladesurbaines numériques, visitesde chantiers, rencontres infor-melles... Récemment, nousavons inauguré la « revue deprojets citoyenne  », qui estl’espace permanent de concer-tation sur le projet que nousnous étions engagés à créerdans le programme municipal.Je fonde beaucoup d’espoirssur cet outil, qui je l’espèrenous permettra de franchir uncap pour porter ce projet tou-jours plus collectivement.• Propos recueillis parDominique Slimane

CommerceLa réunion publique sur le commerce à Ivry-port,décidée lors du comité dequartier du 15 décembre,se tiendra lundi 9 février en présence de JacquelineSpiro, conseillèremunicipale déléguée à lavie du quartier et pierreMartinez, conseillermunicipal délégué aucommerce et à l’artisanat. rendez-vous à 19 h à laMaison de la citoyenneté :25 rue Jean-Jacquesrousseau.

Repas Le service municipal desretraités propose, jeudi 5février, un repasexceptionnel animé parMadjid. A partir de midi aufoyer Chevaleret : 3 bisplace de l’Insurrection.participation 10 €.Inscription : 01 49 60 29 66.

Thé dansantLe 10 février, c’est Isamusic qui animera un thédansant au foyerChevaleret. À partir de 14 h.Inscription : 01 49 60 29 66.

ExpoLa galerie Quai Estaccueille, du 14 février au 7 mars, une expositionintitulée Carambolages IIregroupant des œuvres detrois artistes : KarineHoffman, Etienne Armadonet Brann renaud.À voir 1 rue paul Mazy –Loft n° 09.ouvert du jeudi au samedide 14 h à 19 h. Sur rendez-vous les autres jours : 06 03 07 20 23.

Ivry-port

En bref

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En 2015, cinq programmes de logements, une école et un collège notamment, sortiront de terredans le cadre d’Ivry Confluences.

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Un projet utile à partagerRomain Marchand, adjoint au maire en charge du développementurbain, revient pour nous sur l’avenir du secteur Ivry Confluences.

P ouvez-vous nous rappeler le contexte dela mise en œuvre du

projet ivry Confluences ? Le projet est né de deux néces-sités  : celle d’améliorer lesconditions de vie des habitantsdu quartier, dont la lutte contrel’habitat indigne constitue unedimension importante ; et cellede tourner la page de la dés-industrialisation, qui a dévasténotre ville et en particulier lequartier d’Ivry-Port. C’est unprojet avant tout pour lesIvryens. C’est pour cette raisonque nous avons tenu à ce qu’ilcompte 50  % de logementssociaux, à maîtriser les prix del’accession à la propriété... Ceschoix sont tout à fait excep-tionnels quand on regarde cequi se fait ailleurs en Ile-de-France.

Des habitants estiment quel’on va détruire beaucoup delogements encore habita-bles… Le projet suscite des inquié-tudes, ce qui est normal. Ilconvient donc d’être précis.Sur les 243 logements démolis

en première phase, 198 le sontpour des raisons d’habitatindigne. Les 45 restants leseront soit pour pouvoirconstruire plusieurs dizainesde logements à leur place, soitpour permettre la créationd’espaces publics, comme leprolongement de la rueAmpère. Je veux insister surle fait que tous les habitants,locataires ou propriétaires, quile souhaitent ont vocation àrester à Ivry, et nous lesaccompagnons pour cela.Nous travaillons d’ailleursactuellement sur une chartequi sera finalisée en avril.

On entend aussi des interro-gations sur le choix de laSadev 94 comme aménageurde l’opération… La Sadev 94 est une sociétéd’aménagement détenue àprès de 80 % par le conseilgénéral et dix-sept communesdu Val-de-Marne. En tantqu’aménageur public, à l’in-verse des promoteurs quirémunèrent grassement desactionnaires privés, elle réin-vestit ses bénéfices à 90 %

dans les projets que les villeslui confient. C’est l’outil descollectivités locales, et je suisconvaincu que c’est le meilleurpour mener à bien un tel projet.

Quelle place accordez-vous àla participation des habitantsdans le projet ? Elle est fondamentale. Je croisbeaucoup en l’intelligence col-lective, mais personne n’a larecette miracle. C’est pour celaque nous sommes enrecherche permanente : réu-nions publiques, ateliers d’ur-banisme citoyens, baladesurbaines numériques, visitesde chantiers, rencontres infor-melles... Récemment, nousavons inauguré la « revue deprojets citoyenne  », qui estl’espace permanent de concer-tation sur le projet que nousnous étions engagés à créerdans le programme municipal.Je fonde beaucoup d’espoirssur cet outil, qui je l’espèrenous permettra de franchir uncap pour porter ce projet tou-jours plus collectivement.• Propos recueillis parDominique Slimane

CommerceLa réunion publique sur le commerce à Ivry-port,décidée lors du comité dequartier du 15 décembre,se tiendra lundi 9 février en présence de JacquelineSpiro, conseillèremunicipale déléguée à lavie du quartier et pierreMartinez, conseillermunicipal délégué aucommerce et à l’artisanat. rendez-vous à 19 h à laMaison de la citoyenneté :25 rue Jean-Jacquesrousseau.

Repas Le service municipal desretraités propose, jeudi 5février, un repasexceptionnel animé parMadjid. A partir de midi aufoyer Chevaleret : 3 bisplace de l’Insurrection.participation 10 €.Inscription : 01 49 60 29 66.

Thé dansantLe 10 février, c’est Isamusic qui animera un thédansant au foyerChevaleret. À partir de 14 h.Inscription : 01 49 60 29 66.

ExpoLa galerie Quai Estaccueille, du 14 février au 7 mars, une expositionintitulée Carambolages IIregroupant des œuvres detrois artistes : KarineHoffman, Etienne Armadonet Brann renaud.À voir 1 rue paul Mazy –Loft n° 09.ouvert du jeudi au samedide 14 h à 19 h. Sur rendez-vous les autres jours : 06 03 07 20 23.

Ivry-port

En bref

févrIEr 2015 l ivry ma ville l 17

En 2015, cinq programmes de logements, une école et un collège notamment, sortiront de terredans le cadre d’Ivry Confluences.

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revu et corrigé par CharIVaRY

Les prix maîtrisés permettent d’éviter certaines formes de spéculation mais en aucun cas ils ne garantissent l’accès à la propriété pour des personnes

Ce qui ne justifie pas le choix systématique de la démolition plutôt que de la réhabilitation.

Mais également des bureaux dont l’utilité est contestable ! La moitié de la surface du projet Ivry-confluences est dédié à des bureaux et des espaces commerciaux.

Qui sont les habitants que la mairie veut bien accompagner et reloger ? La Sadev

rachète au rabais tous les biens immobiliers qui sont occupés, ce qui poussent les

propriétaires à se défaire de leur locataire. Ces locataires, dont le contrat n’est

pas renouvelé à cause d’Ivry-confluences mais qui souhaitent pourtant rester à

Ivry, ne sont, pour une grande majorité, ni suivis, ni relogés. Pensons aussi aux

10% d’habitants impactés par le projet qui n’ont pas de bail :colocataires,

hébergés par des amis ou la famille, sous-locataires, squatteurs… aucun d’eux n’a

droit au relogement ! (voir page 5 du Charivary 2)

Et ces collectivités locales (dont la commune d’Ivry) détiennent non seulement la SADEV, mais également ses dettes ! En 2011, les collectivités locales étaient garantes de 80 % des dettes de la Sadev qui s’élevaient en tout à 133 millions d’après la Chambre Régionale des Comptes (voir p 6-7 du Charivary 2).

En quoi l’investissement des bénéfices dans des projets publics garantit-t-il que ces projets seront utiles pour la population ?

La Sadev est régulièrement dénoncée pour sa manière irrespectueuse de traiter les habitants qu’elle veut exproprier : proposition de prix de rachat orale sans garantie écrite, alternance de coup de pression et silence radio, procédures d’arrêt de mis e en péril douteuses. Tous les moyens sont bons pour racheter à bas prix (voir p 6 et 7 du Charivary 2). Alors la Sadev, le meilleur des outils ? Sans doute pas pour les habitants…

Mais qui participe aux ateliers d’urbanisme citoyens, balades urbaines numériques, visites de chantiers ? Les premiers concernés et les classes populaires sont les grands absents de ces moments de« participation citoyenne . On les croisent plus facilement aux réunions publiques. Là où justement les sujets à discuter sont imposés et le cadre du débat reste de tout façon sans impact réel sur les décisions prises. Cette concertation-séduction, en créant l’illusion par de faux ateliers participatifs sur des questions secondaires, ne sert-elle pas plutôt à embellir et à faire accepter des décisions déjà prises ailleurs sur les points cruciaux ? (voir p10 du Charivary 1)

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6

GAGARINE

J : On s’est donc mis à écrire une histoire, celle de Youri. On a eu la chance de gagner un concours de scénario, « HLM sur court », ce qui nous a permis de tourner ce court métrage avec une super équipe de professionnels.Le film raconte l’histoire d’un jeune de 20 ans qui vit avec sa mère dans cette cité qui l’a vu grandir, et qui apprend que Gagarine va être démolie. Il a du mal à accepter cette idée car il est très attaché à ce lieu, qu’il voit comme un vaisseau spatial! Lui se prend pour un cosmonaute qui essaye de sauver le vaisseau avant qu’il ne disparaisse… C’est l’histoire d’une personne qui va devoir grandir, quitter le décor de ses rêves d’enfant, trouver le moyen de lui dire au revoir.

F : On a voulu regarder la cité à travers l’oeil de quelqu’un qui en voit la beauté. Dans le film, on montre le point de vue de Youri sur sa cité, et sur la démolition. Mais dans la réalité il y a autant d’histoires singulières que d’habitants à Gagarine, et au moins autant d’avis différents sur la future démolition.Assez vite, on nous ont parlé de la démolition. Au début quand on discutait avec les gens, il y avait souvent de la colère. Certains disaient « c’est pourri ici », mais en parlant un peu plus, les souvenirs de vie dans ce lieu revenaient, et les discours changeaient. On a compris l’attachement que beaucoup d’habitants ont pour Gagarine. Certains y vivent depuis près de 50 ans !

Comment s’est passé le tournage ?

F  : Pour préparer le tournage, on a passé quatre mois à Gagarine. Au début, on passait faire des repérages, puis on passait une journée, puis deux, puis de plus en plus de temps. On a vite rencontré des gens géniaux qui nous ont beaucoup aidé. A chaque fois qu’on venait, on rencontrait de nouvelles personnes. Tout le monde nous a bien accueilli, et beaucoup aidé : l’association Voisines Sans Frontières nous a fait des super repas pour toute l’équipe, les jeunes de Gagarine nous ont aidé à trouver des appartements pour les décors, un chien, et l’un d’entre eux a même fini par jouer dans le film !

J : En amont, les femmes de l’association Voisines sans Frontières nous ont aidé à organiser des réunions-projections pour informer le maximum de gens du tournage à venir. On a fait du porte à porte pour trouver des appartements dans lesquels tourner : à chaque porte on entendait de nouvelles histoires… On a rencontré des gens passionnants, de quoi faire plein d’autres films !On voulait faire un film que les gens du quartier puissent

Comment vous est venue l’idée de faire ce film  ?

F : On a découvert Gagarine avec des amis architectes qui menaient un travail de recherche sur la démolition dans les projets urbains, et qui se sont intéressés à la cité Gagarine. Ils essayaient de comprendre pourquoi cette barre d’immeuble allait être démolie, plutôt que rénovée. Quand on a vu la cité la première fois, on a été captivé par ce lieu.

J : Pour nous, Gagarine est un lieu atypique au niveau architectural. L’histoire de la cité aussi est atypique  : l’astronaute Youri Gagarine est venu en personne inaugurer le lieu. Et puis il y a l’histoire de cette plaque commémorative dont personne ne se rappelle où elle est située, l’histoire de l’arbre planté lors de l’inauguration mais qui a été replanté depuis….Toutes ces histoires, qui s’ajoutent à la symbolique du lieu nous ont donné l’envie de parler de cette cité.

F : On a commencé à faire une série de portraits de la cité racontés par des habitants, plutôt sous forme de documentaire. Pour nous, c’était un moyen de montrer la diversité qui habite ces lieux. Puis très vite, on a eu envie de raconter une histoire que chacun pourrait s’approprier, un fiction.

Il était une

fois,

Youri Youri, c’est le prénom du personnage principal du court métrage de Fanny Liatard et Jeremy Trouilh. Ces deux jeunes réalisateurs ont tourné leur première fiction avec leur équipe dans la cité Gagarine. Retours sur leurs impressions.

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GAGARINEs’approprier au maximum, une sorte d’outil de mémoire. On a eu beaucoup de chance de rencontrer toutes ces personnes. On a aussi fait un petit casting pour le film. Au final il y a 2 habitants de la cité qui jouent dans le film : Yvette et Houssam.

F : Pendant le tournage, les gens nous ont raconté plein d’histoires qui ont nourri les personnages du film. Ce projet s’est vraiment construit entre fiction et réalité. On voulait parler autrement de ces endroits. On est un peu tombés amoureux … De la cité et des gens qui l’habitent.

2011, impasse Prudhon, Ivry-port : Un bâtiment d’entrepôts construit pour les entreprises est racheté par la SADEV.

Depuis, cet ensemble de box et de bureaux est laissé à l’abandon : la grille d’entrée ne ferme plus, le chauffage central a été arrêté en 2014, les infiltrations non réparées, le nettoyage n’est plus assuré. En revanche, selon les entreprises encore locataires, les charges ont augmentées.Au fur et à mesure des désagréments, les entreprises sont parties. Ainsi la fa-meuse « désindustrialisation », tant mise en avant pour justifier l’implantation

de bureaux, est donc aussi le résultat de la politique de dégradation volon-taire des bâtiments. Seul RG (décora-tion, collage de grands dessins), Clair Azur (stockage de matériel pour Spa), et Alliance Boisson (stockage bois-son) utilisent toujours leurs locaux. Leur bail n’est pas encore fini, certains payent encore le loyer, d’autres s’y re-fusent étant donné les dégradations. Pourquoi la SADEV agit-elle de la sorte ? Le bâtiment est - aux dires des locataires - voué à la destruction afin de permettre une entrée latérale pour les habitations construites rue Pierre Rigaud. Toutefois pas de solu-tions de relogement dans d’autres lo-caux commerciaux ou d’accords en matière d’indemnisation n’a été trouvé

jusqu’à maintenant avec les locataires. La SADEV attendrait-elle simple-ment que le bail se finisse afin de ne pas avoir à reloger ces entreprises ?

En attendant, certains box vides ont été squattés. Afin d’empêcher de nouvelles occupations, la SADEV a détruit cer-taines parties du toit et des verrières, en entassant les gravas devant les portes. Elle a ainsi rendu inutilisable des es-paces encore en fonction et provo-qué des infiltrations pluvieuses dans les box utilisés par une des entreprises.Enfin, si les charges des locataires ne semblent pas suffire pour faire fonction-ner le chauffage, elles servent en revanche à payer un gardien au rez-de-chaussée.

EXPULSION DES RROMS DE LA RUE ERNEST RENAN

Le 13 novembre 2014, les Rroms installés depuis plusieurs mois rue Ernest Renan se font expulser. Après une occupation du parvis du 115 d’Ivry, puis l’occupation de l’ancien hôpital Jean Rostand quelques nuits d’hébergements en hôtel leur sont proposées. Puis, c’est le retour à la rue pour ces familles.

A l’emplacement de ces habitats précaires, des blocs de pierre ont été posés tout au long de la rue pour éviter de nouvelles installations.

Pour découvrir «Gagarine» le film

RDV le 17 juin à 21h au Luxy

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GRAND PARIS

Cher pirate,

As-tu entendu la rumeur venant du fond des océans ? La soi-disant nouvelle découverte des profondeurs sous-marines ?

Un serpent de mer, le Grand Paris, a été observé par les scientifiques. Il est monstrueux pour certains, merveilleux pour d’autres, protéiforme pour beaucoup. Quelques-uns annoncent son attaque imminente alors que les vieux loups de mer murmurent qu’il est déjà là depuis bien longtemps. Désormais, cette bestiole est dans toutes les conversations, au cœur de nombreuses polémiques. Elle est devenue le symbole de tout ce dont on a peur ou tout ce que l’on désire selon son (ba ou tri) bord. Mais personne n’a pu l’approcher suffisamment pour nous dire qui il est vraiment.

Puisque à CharIVaRY on n’a peur ni des monstres ni des vagues, nous avons enfilé nos plus belles bottes et sommes partis à la pêche aux infos sur ce fameux Grand Paris. Difficile de se démêler autour de tous ses filets, d’entrevoir la totalité de la bête qui se cache sous les rochers. Mais nous allons vous raconter ce qu’on a vu et entendu dire.Il se cache dans un tunnel sinueux, le Grand Paris express, reliant entre elles des grottes de compétitivitéet d’habitations afin d’améliorer les circulations dans la région parisienne. On a aussi pu observer comment ce serpent de mer essaye de mieux organiser son environnement en créant un outil de gouvernance à sa taille.

Mais certains qui le connaissent depuis longtemps nous ont raconté qu’il était encore plus espiègle qu’il n’y parait. Ce bon vieux serpent était là bien avant nous, toujours prêt à sauter sur la moindre occasion de profit. Certains l’appellent depuis bien longtemps l’urbanisation capitaliste ou la métropolisation. Un bon vieux pilleur de territoire ce serpent de mer, qui prend le meilleur de ce qu’il y a à manger pour se renforcer et qui laisse de côté le reste. Il paraît même qu’il n’est pas le seul spécimen de son espèce et que toutes les grandes villes mondiales ont le leur.

Alors marin d’eau douce, sors ta longue vue, prends ta boussole, prépare quelques jurons bien sentis et monte à bord avec les pirates de CharIVaRY pour capturer le Grand Paris. La traversée sera longue pour y parvenir.

Grand Paris, non merci

Le tracé :4 nouvelles lignes de tram ou de métro, toutes circulaires (ligne 15 à 18) + 2 lignes existantes allongées (la 11 et la 14).

Le Grand Paris Express relie les grands pôles  économiques, touristiques et de transport  :Les aéroports Charles De Gaulle et d’Orly, la gare de Massy TGV, mais aussi le Bourget, Versailles, sans oublier les improbables pôles de Saclay et Gonesse où devrait naître, , un centre universitaire de recherche, le plus grand des centres commerciaux et une piste de ski artificielle.

Mais le Grand Paris express relie également les banlieues populaires ou non: Par exemple la ligne 15 passera aux Ardoines, à Vitry centre, à Villejuif...

Le Grand paris Express: Un projet de transport

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La métropole du Grand Paris : un projet politique

La loi de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et l’affirmation des Métropoles (MAPTAM) votée en 2013 puis modifiée en 2014 entend « moderniser » le gouvernement de l’agglomération parisienne et des autres grandes agglomérations. C’est l’acte III de la décentralisation, qui vise à faire des économies dans la gestion des territoires.

Concernant l’agglomération parisienne, plusieurs mesures visent à changer les échelons décisionnels :

1: La création d’une collectivité à statut particulier de la métropole du Grand Paris, le 1er janvier 2016, qui comprendra toutes les communes des départements de Paris, du Val de Marne, des Hauts de Seine et de la Seine Saint Denis et une commune limitrophe. Le conseil de la métropole serait composé d’un élu par commune plus un élu par tranche de 300 000 habitants, avec un maximum d’un quart pour Paris, qui éliront un président.

2: La suppression des départements (à plus long terme)

3: La suppression de toutes les Etablissement Publics de coopération intercommunale (EPCI) dont font partie les communautés d’agglomération et la création de «territoires » d’un minimum de 300 000 habitants. La délimitation de ces territoires est encore en débat et quatre schémas ont été proposés aux communes il y a quelques semaines.

Christian Favier (Président PCF du conseil général du Val de marne) s’est lancé en 2008 dans un bras de fer avec le gouver-nement Sarkozy en présentant un projet de métro indépendant en Val de Marne (ORBIVAL), ceci afin que le métro circulaire du Grand Paris Express ne se contente pas de relier des pôles économiques, mais qu’il desserve

également les banlieues populaires.Résultat en 2012, le Grand Paris Express est rallon-gé d’une quinzaine de gares (45 gares au lieu de 30).

Source: recherche de docto-rat en cours à l’Ecole des Hautes Etudes de Sciences Sociales.

Le projet est financé entièrement par de l’argent

public26 milliards d’euros…

…officiellement. Un budget probablement

sous-estimé.

Les communes perdront probablement la plupart de leurs compétences en termes d’aménagement urbain (notamment les politiques d’habitat et approbation du Plan local d’urbanisme) et environnemental, au profit des territoires de la métropole du Grand Paris. Les négociations actuelles laissent penser que les territoires seront chargé de définir les orientations stratégiques d’aménagement qui vont s’imposer aux communes.

La loi est très peu précise. De nombreux points n’ont pas encore été réfléchis : le transfert des fonctionnaires d’une administration vers l’autre, la gestion des déchets, de l’eau, et surtout la répartition du budget et la redistribution des impôts entre territoires.

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La façon dont Paris et son agglomération doivent être gouverné est une question géopolitique majeure en France et ce depuis près de deux siècles. En 2007 quand Sarko annonce son projet d’un grand Paris il récupère en fait une vieille idée de la gauche radicale du début du XXème siècle, qui a cependant été vidée de sa substance par la gauche libérale à la fin de ce même siècle.

La petite histoire du Grand Paris

1860 : annexion-réunion d’une partie du territoire des com-munes de proche banlieue par le couple Napoléon Haussman. Cette confiscation autoritaire laisse un traumatisme impor-tant dans ces communes qui s’opposent à « ce Grand Paris » qui est alors un agrandissement de la superficie de la capitale.

1910-1920 : Henri Sellier et Albert Thomas (SFIO) militent pour le « Grand Paris », un nouveau système de gouvernement de l’agglomération parisienne qui mettrait au même niveau Paris et les communes de Banlieue. L’objectif est de faire face par la coopération à l’extension tentaculaire de l’agglomération qui s’accompagne d’une crise du logement et d’un renforcement des ségrégations sociales. L’idée est d’étendre aux communes de banlieue le niveau d’aménagement et d’équipement parisien. Le Grand Paris est alors bien différent du projet actuel de mise en concurrence des métropoles.

1915 et 1918 : Création de l’Office départemental des habitations à bon marché en 1915 et de l’Office départe-mental de l’hygiène sociale en 1918. Cette départemen-talisation des politiques publiques permet la construc-tion en banlieue de cités-jardins d’habitations à bon marché (les HBM ancêtres des HLM), d’hôpitaux, de crèches et de dispensaires. Cette solidarité à l’échelle du département de la Seine est effective puisque ces réali-sations sont financées au trois-quarts par les parisiens.

1959 : création du district de la région de Paris directe-ment rattaché au Président de la République. Cette instance de planification à l’échelle de l’agglomération est déjà pi-lotée par l’Etat. Elle se soustrait complètement aux mains des élus porte les projets de villes nouvelles et du RER

1968 : suppression du département de la Seine (voté en 1964) qui permet aux gaul-listes de conserver le 92 et le 75 en abandon-nant au PC le 93 et le 94. De plus, avec la disparition du Conseil Général de la Seine, l’Etat a enfin les mains libres dans l’amé-nagement de l’agglomération parisienne

1983 : deux professionnels de l’aménage-ment, Cantal-Dupart et Castro convainquent Mitterrand de transformer la banlieue par l’installation de plusieurs grands équi-pements. C’est la Mission Banlieue 89.

Mars 2005 : Appel en faveur d’un « Paris métropolitain » publié dans Le Nouvel Observateur par une vingtaine de personna-lité de la gauche intellectuelle et libérale. Ils dénoncent « l’anomalie parisienne » du fait de son éclatement institutionnel et soutiennent l’idée d’une « conférence métropolitaine ».

Juillet 2006 : création de la confé-rence métropolitaine (projet porté notamment par Delanoë) : un forum de discussion entre les élus de l’ag-glomération parisienne. C’est une instance informelle qui regroupe des élus volontaires pour discuter des problèmes de l’agglomération.

Juin 2007 : Discours de Roissy de Sarkozy. Selon lui, Paris ne peut pas se laisser distancer par les autres villes mondiales et pour cela une réorganisation des pou-voirs au sein de l’agglomération lui semble indispensable : il sou-haite créer une communauté ur-baine à l’échelle de l’agglomération

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GRAND PARIS

Le Grand Paris n’est pas qu’un projet de transport ou de réforme territoriale. Si on le voit comme une aggloméra-tion dont la commune centrale administre sa banlieue, ça ne date pas d’hier... On nous le vend pourtant comme quelque chose de nouveau. C’est en réalité le mot valise pour présenter la prochaine étape du phénomène d’expan-sion d’une ville qui concentre depuis des siècles les activités d’échange et les lieux de pouvoir. On peut regarder l’évolu-tion des cartes de la région parisienne au fil des siècles pour s’en rendre compte. Durant son histoire millénaire Paris, comme toutes les métropoles grossit et grignote progressi-vement l’espace qui l’entoure. Elle a besoin de plus d’espace que ses limites administratives en contiennent pour vivre. Au fil des développements démographique, économique et culturel, la ville centrale n’a plus de place pour s’étendre.

La comparaison avec les années du couple Napoléon-Haussmann nous éclaire ici. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, au mo-ment des prémisses de l’urbanisme, Paris se sentait déjà à l’étroit. A l’époque c’était éga-lement sa ceinture in-dustrielle et les dé-charges périphériques que Paris convoitait. C’était son vivier et ses chiottes ! En annexant Passy, Les Batignolles, Montmartre, La Chapelle, La Villette, Belleville, Charonne, Bercy, Vaugirard, Auteuil en 1860, Paris devient le Grand Paris d’un temps avant que ces nouvelles limites ne deviennent naturelles dans les esprits, au bout d’une génération ou deux.

Qui se souvient qu’Ivry s’étendait quasiment jusqu’à la gare d’Austerlitz et qu’une bonne partie du 13e arrondissement n’appartenait pas à Paris avant cette date ? A cette occasion les industries sont progressivement repoussées plus loin, à Ivry par exemple, et la plus grande décharge à ciel ouvert du pourtour parisien devient l’un de ces plus beaux parcs, les Buttes Chaumont. Finalement à l’époque, on fait aussi des grands projets, on perce aussi des grandes saillies dans la ville et on jarte aussi les pauvres du centre vers la périphérie.

A Ivry il y a l’exemple du cimetière parisien. Datant de 1861 pour le premier et de 1874 pour le deuxième, leurs surfaces totales représentent presque 5 % de la ville. Ce sont souvent

Le Grand Paris:nouveaux projets,

longue histoire

les choses qu’elle ne veut pas dont Paris se débarrasse : des morts de la Commune enterrés pour partie à Ivry et ailleurs en banlieue ; de ses déchets, avec l’incinérateur qui crache une fumée reconnaissable des kilomètres à la ronde ; de tout ce qui prend beaucoup de place comme les anciens entrepôts du BHV et des tas d’autres choses que « la belle » ne veut ni voir, ni entendre, ni sentir... Ivry est quadrillée par des institutions parisiennes. Le Nord Ouest l’est par le cimetière, le Nord Est par l’incinérateur, le Sud Est par les bassins de traitement des

Aujourd’hui Paris a épuisé son espace vital et cherche à voir plus loin, elle se sent à l’étroit

dans ses limites.

eaux et le Fort au Sud Ouest, qui ne protégeait d’ailleurs pas Ivry mais le centre de l’Etat français, Paris. Et puis à l’époque les malades dont on ne savait que faire finissaient à l’hos-pice des incurables, aujourd’hui l’hôpital Charles Foix. Les rails qui coupent la ville en deux et isolent le Port circulaient jusqu’à Paris sans escale ivryienne. Il a fallu attendre 1900 que les conseillers municipaux de l’époque s’allongent sur les voies ferrées pour réclamer que les trains s’arrêtent et ne pro-fitent pas qu’à Paris. Le développement spatial est fonda-

mentalement inégalitaire, le centre amasse les richesses et pompe la banlieue.

Aujourd’hui Paris a épuisé son espace vital et cherche à voir plus loin, elle se sent à l’étroit dans ses limites. Les activités bruyantes et nau-séabondes ont été délocali-sées, les usines et les entre-pôts logistiques en grande banlieue, voir à l’étran-ger. Malgré tout les activi-tés les plus rentables n’ont plus d’espace pour voir le jour dans Paris intra-mu-ros. La cité du cinéma pro-mise à Saint-Denis suit

quelques décennies plus tard la création du centre d’affaire de La Défense. Le centre riche colonise la banlieue et saute le périphérique avec de nouveaux centres et des activités at-trayantes. Ce ne sont plus les usines que Paris impose à la banlieue mais les activités de services, de recherche et d’in-novation regroupés dans des pôles spécialisés : santé, en-vironnement, création, recherche, événementiel. Des acti-vités parfois bien loin des besoins des habitants sur place.

Ivry, comme toutes les communes de la 1re couronne, est une des premières concernées car nous sommes voisins de Paris et que le foncier est moins cher ici que de l’autre côté du périph : c’est chez nous qu’il y a de la plus-value à réaliser.

C’est comme une barrière de péage dont les prix aug-mentent et qui avance droit sur les banlieusards.

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Participez à la grande course à l’échalote : Qui sera à la tête du grand Paris ?

Depuis le discours de Sarko en 2007, la question du gouvernement de l’agglomération parisienne s’est imposée dans le discours politique. Cette deuxième frise vise à témoigner des paris politiques et imbroglios politiciens que cette course à la tête du Grand Paris a occasionnés. Ces péripéties donnent à voir les rivalités qui opposent les différents acteurs : Etat, collectivités territoriales et principaux élus.

Juin 2007 : discours de Roissy de Sarkozy. Il poursuit trois objectifs :1. Affaiblir le Conseil régional dirigé alors par Huchon (PS), 2. Entraîner la dispari-tion des départements

de petite couronne dont l’un est au mains du PS (93) et l’autre du PC (94) par la création d’une communauté ur-baine du Grand Paris,3. Remettre la main sur Paris (géré par le PS).

Le départ

17 septembre 2007 : Sarko lance l’idée d’une consultation inter-nationale d’architectes sur le Grand Paris. Il ne s’agit pas de projets architecturaux précis mais plutôt d’un concours d’idées.

Mars 2008 : l’UMP se prend une claque aux élections locales. S’il ne fait rien Sarko offre le Grand Paris sur un plateau au PS

Un début de course r a p i d e

La chute brutale

Le départ

Un début de course fulgurant

La chute

L ’ a r r i v é e2012 : Hollande en campagne annonce qu’il faudra renfor-cer la décentralisation en do-tant les grandes aggloméra-tions d’un statut métropolitain.

2013 : Adoption de la loi MAPTAM (modernisation de l’action publique terr itor iale et l’affirmation des m é t r o p o l e s ) : i l s’agit de faire de la métropole une EPCI à fiscalité propre. Les communautés d’agglo existantes seront remplacées par des « territoires

» qui recevront leur budget et leurs compétences de la part de la métropole. Le périmètre de la métropole comprend Paris et sa petite couronne, soit 6,7 millions d’habitants et 124 communes.

Mars 2014 : Le PS se prend une baigne aux élections muni-cipales et se retrouve hors jeu pour la pré-sidence du conseil du Grand Paris. Mais trop tard, la loi est votée…

1er janvier 2016 : création de la mé-tropole, compétences importantes et budget considérable . Cette mé-tropole élaborera un PLU et un PLH métropolitain qui s’impo-seront au PLU et PLH locaux et pourra lancer des ZAC afin de dé-cider des grands équipements mé-tropolitains. Il est prévu qu’un pré-sident de la métropole soit nommé par les représentants des communes qui siègeront au conseil de la métro-pole. La droite y disposera de 187 conseillers, le PS de 76, le Front de Gauche de 60 et 14 pour EELV.

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GRAND PARIS

Ce qui se cache derrière le Grand Paris, c’est l’acceptation des valeurs du capitalisme dans son stade actuel : la concurrence généralisée, les grands projets hors sol et l’exclusion des populations concernées par le « déménagement » du territoire

Qu’est-ce que le Grand Paris ? Certains qui ont de la mémoire disent que c’est Sarko en 2007 qui a lancé un Grand Projet avec tambours et trompettes, annonçant le retour inattendu de l’Etat dans l’aménagement de la capitale. « Le Vrai, le Beau, le Grand et le Juste. Voilà le programme du Grand Paris», disait il dans un discours le 29 avril 2009. Dix équipes d’architectes se battent alors pour inventer la plus belle vision du Paris à venir. On envisage une révision complète du droit de l’urbanisme pour «libérer l’offre de logements». On entend parler de deux Grandes boucles de métro qui vont faire le tour de la ville et qui coûteront des milliards. Et les acteurs politiques, économiques et médiatiques parlent de ça comme d’un « fait métropolitain » incontestable : on ne peut plus régler les problèmes à l’échelle d’une seule ville, il faut se plier au nouvel impératif de la « compétition mondiale » et « unir nos forces » (dixit Bertrand Delanoë en mai 2010). Sinon c’est foutu, Paris et l’Ile-de-France seront en retard dans la concurrence généralisée entre toutes les métropoles hyper compétitives du monde !

Le grand Paris reste un truc flou, à la fois solution miracle pour tous les problèmes des franciliens et réponse obligatoire à la concurrence mondiale, dans laquelle il serait

Ce qui se cache derrière le Grand Paris

2008 : création d’un se-crétariat d’Etat au Développement de la Région Capitale. C’est un moyen pour Sarko de gar-der la main après la dé-faite de l’UMP. Christian Blanc occupe le poste et se voit chargé de deux fonc-tions : monter des dos-siers d’aménagement et ré-pondre aux problèmes de l’Île-de-France (notam-ment l’insuffisance de sa croissance économique). La question de la gou-vernance du Grand Paris

3 juin 2010 : loi sur le Grand Paris qui vise à renforcer l’at-tractivité économique de la région parisienne, considé-rée comme une locomotive pour le développement de l’ensemble du pays. Elle dé-termine des zones de déve-loppement économiques et urbain organisées autour de grands pôles stratégiques qui seront reliés entre eux par un réseau de transport fer-roviaire de 130 kilomètres

L ’ a r r i v é e

Il se relève (un métro automa-tique de grande capacité) 2011 : compromis entre l’Etat et la région sur le tracé du Grand Paris Express qui est un mé-lange entre le projet de ro-cade de métro en proche banlieue porté par la ré-gion (l’Arc Express) et ce-lui de Christian blanc qui devait relier entre eux les pôles de développement (le Réseau du Grand Paris).

est reportée à plus tard.

Avril 2009 : les équipes d’architectes de la consul-tation sur le Grand Paris rendent leurs copies… Un coup de com réussie et des idées toutes plus libérales les unes que les autres. La lutte contre les inégalités sociales, la ségrégation, les logements insalubres ne semblent pas au cœur des préoccupations des starchitectes. Sarko fré-tille de plaisir : lui aussi va marquer de son empreinte l’histoire de paris après Pompidou et Mitterrand !

irresponsable de ne pas jouer un rôle de premier plan. A ce jeu là pourtant, il y a un gâteau au milieu du plateau mais la seule part est réservée au vainqueur, qui concédera peut-être des miettes aux autres joueurs. Tout le monde n’aura pas accès aux meilleurs soins, à une bonne éducation, aux transports de proximité, à un environnement de qualité, à des endroits pour se détendre, se reposer et s’amuser par le seul truchement d’un projet d’urbanisme qui n’abolira rien du cadre où il est mis en place : la guerre économique. Surtout que pour avoir un rayonnement international et être compétitif il faut être attractif. Pour qui ? Pour les activités à haute valeur ajoutée et les populations hautement qualifiées. Faire du fric en attirant les gens qui travaillent dans les secteurs de la banque, de la gestion, du commerce, des assurances, de la recherche technologique, de la culture et des médias. Et donc leur construire un monde qu’ils aiment bien, où ils se sentent chez eux. Un monde de bureaux sécurisés et de pôles de recherche « d’excellence » situés pas trop loin de transports rapides et d’un centre ville « écolo-friendly », tous services compris mais qui ne compte qu’une absence : les pas assez rapides, les sans excellence, les pas assez riches pour habiter là.

Une grande partie de la population va subir les choix politiques et économiques qui réserveront ce Grand Paris pour ceux qui ont assez d’argent pour y accéder. Les forêts, les bords de route et de rails continueront à voir débarquer les gens qui sont dans la mouise. Les immeubles des pauvres un peu trop loin du centre ou éloignés des nouvelles gares continueront à se dégrader.

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GRAND PARIS

Valdemarnistan, Episode 1: 2030, Ivry port n’est pas mort.

C’ est bientôt l’anniversaire des dix ans de l’indépendance du Valdemarnistan. Une fête

somptueuse est prévue  ; elle va durer des jours. Un carnaval dans toute la ré-gion va circuler de places en places, de maisons en maisons pour apporter à tous les valdemarnais de la joie et du rire pour les dix prochaines années. Un banquet de légumes frits, rôtis, confits et en salades va se déployer de Gentilly à Marolles-en-Brie sur des kilomètres en même temps que des coureurs venus du monde entier vont arpenter le che-min de l’ancien « humarathon » pour divertir et mettre en appétit les cen-taines de milliers de convives. Comme les voitures individuelles ont été in-terdites en 2021 et que la plupart des routes ont été remplacées par des ca-naux pour circuler en pédalo, une par-tie conséquente de la course se fera à la nage – occasion pour les sportifs espiègles d’éclabousser le public, qui aura d’ailleurs bien besoin d’être ra-fraîchi tant l’ambiance sera chaude.

Mais aujourd’hui, Sienna n’est pas d’hu-meur à préparer la fête. Elle repense à tout ce que les Valdemarnais ont vécu pour en arriver là  : le siège de la dé-chetterie, la censure du numéro 100 de Charivary, la tentative de coup d’État dit « coup de la place Gambetta », la gestion difficile des premiers camps de

réfugiés parisiens… Et elle repense aux origines de l’indépendance et à la fo-lie qui avait justifiée cette rupture radi-cale, le « grand-paris ». La mégaloma-nie de quelques promoteurs cyniques et le carriérisme de politiciens avaient conduit les habitants de ce qu’on appe-lait encore à l’époque la « région pari-sienne » dans les abîmes d’un projet de ville totale, unifiée sous la houlette d’un gouvernement unique qui, très vite, avait servi de tremplin à l’instauration de l’actuelle dictature. Des émeutes qui fleurirent à l’époque dans tous le pays, seules celles qui éclatèrent en Val de Marne parvinrent à constituer un ré-seau de communes. Par l’entremise d’un certain nombre d’avantages stra-tégiques décisifs, notamment le pont aérien par montgolfières entre Orly et le Kurdistan ou la « prise de Rungis », les communes étaient parvenues à re-pousser les forces de la répression et à soutenir le long siège de l’hiver 2020.

La nuit va tomber. Sienna enfourche un pédalo rapide pour fuir la mélanco-lie que ces souvenirs réveillent en elle et décide de rendre visite à son ami le vieux Jules, un philosophe qui habite de l’autre côté de la Seine, dans les maré-cages de Maisons-Alfort. Elle descend le canal Molière et s’engage sur le grand canal de Brandebourg. Bientôt arrivée à la confluence de la Marne et de la

Seine, elle sent que le courant s’accé-lère et modère prudemment la vitesse de son véhicule avant de se jeter dans les eaux du quartier du port. Avec le réchauffement climatique, une partie importante de la ville est envahie par l’eau et la plupart des constructions ici se font sur pilotis. Soudain, un fracas dans le noir et la chute d’un objet mas-sif dans l’eau. Le cœur de Sienna bat à tout rompre, son regard tente de per-cer l’obscurité. Il y a quelque chose qui approche dans l’eau. Est-ce un danger, une menace ? Est-ce une nouvelle ten-tative d’enlèvement par les drones du gouvernement de celle qui fut une hé-roïne de la révolution valdemarnaise ou bien Nestor l’alligator de Vincennes qui faisait juste sa sieste à proximité ?

Mais qui est Sienna  ? Que s’est-il passé le jour du «  coup de la place Gambetta » ? Quel rôle le projet de sup-pression des départements a joué dans cette histoire  ? La fête d’anniversaire de l’indépendance va t-elle se passer si bien que prévu  ? Et aura-t-on seule-ment un jour la réponse à au moins une de ces questions ? Vous le saurez en li-sant le prochain numéro de Charivary !

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ZOOM

À Villejuif une improbable alliance entre la droite (UMP, UDI), des « divers gauche » et les Verts aremporté les élections municipales, en 2014, après

69 ans de pouvoir communiste.

Oui oui, tout le monde en avait marre des cocos au point de s’allier pour les battre. Il faut dire, le PC avait crée sa petite mafia, subordonné sa politique à la reproduction de sa position de pouvoir, bien encadré toutes les initiatives populaires, empêché les

voix dissidentes de s’exprimer.

Alors les citoyens en sont venu à souhaiter la peste pour échapper au choléra.

La leçon de Villejuif

Mais voilà, la grande coalition anti-coco enchaîne les coups bas et autres attaques contre la population : débaptisation de la place Georges Marchais, répression d’un rassemblement pour la paix, mise en vente de la bourse du travail, placardisation des personnels de l’ancienne administration, baisse des subventions aux associations, amaigrissement de l’enveloppe de la culture et du social au profit de celle de la police, réévaluation à minima du parc HLM…

Une manière de nous rappeler, mais un peu tard, qu’il y a bien pire que le PC dans la gestion d’une

commune.

Extrait d’un entretien avec Anne Clerval et Eric Hazan dans la revue n°2 de Jek Klak et sur le site: jefklak.org

Que va modifier de plus le Grand Paris pour la ville et sa banlieue ?

EH : Je ne pense pas qu’il faille traiter la banlieue comme un tout, ce qu’on a tendance à faire dans trop de débats. La première cou-ronne est en voie de gentri-fication ; par endroits, c’est déjà bien fait. Quand j’étais interne dans les années 1960, Levallois était un im-mense garage : de l’automo-bile d’occasion à perte de vue. (...) Aujourd’hui, c’est Thalès, la Sous-direction anti-terroriste (Sdat) et des résidences pour cadres.(...) Ce phénomène ne se restreint plus à l’Ouest, il fait le tour, au Sud, Malakoff, Montrouge. (...)

Ces avancées des classes moyennes signifient qu’une grande partie de la population qui habitait là est repous-sée vers la couronne suivante. Chasser progressivement les pauvres vers la périphérie est un phénomène vieux d’au moins quatre siècles : c’est un processus historique lent, avec des moments d’accélération comme celui qu’on vit au-jourd’hui, mais c’est un processus continu. Il n’y a jamais eu de retour des classes populaires vers le centre, pour l’instant.

AC : (...) À Neuilly, on ne parle pas de gentrification, ç’a toujours été d’emblée une annexe des beaux quartiers. (...)

À Boulogne-Billancourt, à la fois ville bourgeoise et ou-vrière, la fermeture des usines Renault et le projet d’aména-gement de l’île Seguin ont joué le rôle d’accélérateurs. À Issy et Levallois, la gentrification a été planifiée par la droite. On

a démoli puis construit des sièges d’entreprises et des logements haut de gamme.

Le projet du Grand Paris est un projet d’intensifi-cation de la gentrification, dans un contexte de mé-tropolisation, c’est-à-dire de concentration des acti-vités tertiaires stratégiques (finance, assurance, conseil, conception, etc.). Les fu-tures gares du réseau Grand Paris Express s’accom-pagnent d’un Contrat de développement territorial (CDT), c’est-à-dire d’un

projet d’aménagement urbain, de création ou de restructura-tion des nouveaux quartiers de gare : ce sont souvent des es-paces peu denses qu’on va densifier. Les projets annoncent des bureaux, du logement haut de gamme, des équipements pour les nouvelles populations que l’on souhaite attirer, et aussi des logements sociaux. Tout le monde débat : y en aura-t-il 50%, 30% ou bien 20% ? Dans tous les cas, même si on en fait 50%, la moitié qui reste sera du logement privé neuf, donc cher et destiné aux cadres. Comme pour Paris Nord-Est, cela contri-buera à la gentrification des quartiers actuellement populaires où est prévue l’implantation d’une gare du nouveau réseau.

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CHARTE

Non au cas par cas !

Comment est née l’idée d’une charte ?

H  : On voulait élaborer un docu-ment de base qui regroupe tous les cas de figure dans les grandes lignes. Chaque personne impactée aurait ainsi un support sur quoi elle pour-rait se baser, ce qui empêcherait la SADEV et la mairie de faire n’importe quoi au moment des négociations.

J  : En février 2013, je suis tombé par hasard sur une charte de relogement des locataires d’un projet dans le XIIIème. L’idée est venue de là  : pourquoi ne ferait-on pas un document qui décrive sans ambiguïté ce qui va se passer pour les personnes impactées ? L’important étant que les garanties soient justes et que tout le monde soit traité de la même manière. En amont, d’avril à fin juin 2013, on a travaillé sur une version brouil-lon, avec Elisabeth Loichot de la commission urbanisme de la ville

Que contenait cette proposition de charte ?

J : On a posé notre mode opératoire sans ambiguïté. On proposait des solutions concrètes pour les propriétaires, les bailleurs, les locataires, les maintiens de parcelles et les entreprises. Par exemple  : le propriétaire se verra proposer un bien dans le quartier, d’une surface égale ou supérieure à son bien.On ne connaissait pas bien la ques-tion locative car on n’avait pas beau-coup de locataires dans l’association, donc on a dit qu’on s’appuierait sur la future charte de relogement de la cité Gagarine que doit établir la mairie

H  : Le 8 juillet 2013, on a proposé

Ivry sans toi(t) (IST) est une association d’habitants impactés par le projet Ivry Confluences. Depuis plus de trois ans, ils se battent pour refuser d’être la variable d’ajustement du projet. Ils ont impulsé l’élaboration d’une charte qui donnerait des garanties équivalentes à tous, un document de base servant de support à chacun dans leurs négociations. Rencontre autour de l’histoire de cette charte avec Hélène Ferrer, présidente de l’association et Jamale Lahyane, un de ses fondateurs.

une version de la charte lors d’une réunion entre IST, l’association CLCV (Association nationale de défense des consommateurs et usagers) et M. Montmory (chargé de l’opération Ivry-Confluences à la mairie d’Ivry), M. Marchand (Premier adjoint aujourd’hui, et adjoint en charge de l’urbanisme à l’époque) et M. Lores (directeur du développement urbain). On a eu le sentiment qu’ils voulaient demander la permission à la SADEV avant de dire ce qu’ils en pensaient. A la fin de la réunion, M Marchand s’est engagé à nous donner une réponse en septembre avant le Conseil municipal d’octobre pour qu’ils puissent parler de la charte lors de la présentation des comptes d’Ivry Confluences lors du conseil municipal d’octobre. En septembre 2013 nous n’avons rien reçu. Quand on leur demandait quand on aurait un retour ils nous disaient « on n’aime pas le chantage ». Peu de temps avant le conseil municipal, nous avons finalement reçu une contre-proposition qui n’avait rien à voir avec notre texte.

En quoi la charte de la mairie était-elle différente ?

J  : Ils passaient beaucoup de temps sur la partie concertation mise en place par la mairie : les permanences d’accueil, les ateliers de concertation, etc. Mais pour le reste, c’était des vœux pieux. Par exemple pour les propriétaires occupants, il était dit qu’ils bénéficieraient d’un dispositif leur permettant de prendre connaissance des nouvelles constructions à prix maîtrisés avant les autres. Mais il n’y avait aucune garantie concrète, aucun engagement permettant de rendre réalisable le maintien des habitants les plus modestes. Ils reprenaient juste la communication officielle d’Ivry Confluences.On a fait au moins dix propositions qui ont été refusées.

H : Lors du conseil municipal du 24 octobre 2013, on a fait une action si-lencieuse. On s’est levés durant la séance et on a montré des pancartes qui disaient « non aux expropriations ».

J : Puis on a fait une lettre ouverte pour dire qu’on arrêtait les discussions avec la mairie. Puis APPUII (un collectif de chercheurs ayant fait une contre-en-quête sociale sur le quartier du port) a voulu redonner une chance à la discus-sion sur la charte. On a donc retravail-lé avec les services administratifs de la ville (sans M Marchand qui s’est reti-ré).On a passé un mois et demi à dis-cuter de l’intro. Dès qu’on a commencé a vouloir parler du mode opératoire et des garanties, ça ne marchait pas. On a décidé à partir de ce moment de stopper les négociations et de se concentrer sur le lobbying, c’est à dire d’aller voir tous les groupes politiques pour leur parler

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CHARTE

de notre situation et du problème de la charte afin qu’ils prennent position. Nous ne voulons pas de réunion tech-nique mais d’une réunion politique. Le problème n’est pas le déficit de propo-sitions ou leur caractère inimaginable mais un manque de volonté. car La SADEV n’en veut pas et les promoteurs non plus. Puisque la ville dit qu’aucun habitant ne devrait être obligé de quit-ter Ivry, elle doit obliger la SADEV à mettre en œuvre son projet politique.

H  : La campagne pour les élections municipales est arrivée. La charte était évoquée par tous les partis.Les cas problématiques qui blo-quaient depuis plusieurs mois ont petit à petit été débloqués.

J : Le 4 novembre 2014 ça a clashé de nouveau lors de la présentation de l’en-quête de la MOUS. Ils maintenaient qu’ils voulaient faire du cas par cas alors qu’on sait qu’avec le cas par cas les personnes les plus fragiles, les plus fatiguées, les plus endettées, celles qui ont le moins de temps et de capacité à se défendre sont tout simplement es-croquées s’il n’existe pas un document garantissant à tous les mêmes droits.

Le 21 avril 2015, une réunion est organisée par la mairie à la Banque des Confluences pour présenter aux habitants une charte qu’elle a elle-même élaborée. Face aux mécontentements, les élus quittent la salle. Récit d’une ambiance « insurrectionnelle ».

Une quarantaine d’habitants a répondu présent à l’appel de la mairie pour discuter d’une la charte que cette dernière a finalement élaborée seule. Après une présentation du projet, M. Marchand, premier adjoint chargé de l’urbanisme propose de se diviser en petits ateliers « pour que la parole circule mieux ». Mais c’était sans compter sur les habitants plutôt remontés contre le projet d’Ivry confluences qui préfèrent rester « tous ensemble ». Selon eux, au vu du temps imparti pour cette réunion, un moment collectif après les ateliers deviendrait impossible alors que ce moment leur semble essentiel. Une position notamment tenue par le collectif Ivry Sans Toi (IST). La tension monte vite entre les présents et M. Marchand. Aux premières critiques sur la façon dont a été élaborée cette charte, il répond:  « Si vous voulez faire votre propre charte, faites-la. Que ceux qui veulent rester avec IST restent, et ceux qui veulent tra-vailler sur la charte avec la ville, suivez moi ! ». A cette invitation seuls quelques habitants (disons 5 ) répondent en quittant la salle derrière les représentants de la mairie et de la SADEV alors que la grande majorité reste assise en signe manifeste de solidarité avec les impactés du projet.

Après quelques minutes d’hésitation (personne ne s’attendait à ce que les élus et techniciens de la ville quittent la salle et nous laissent entre nous), la parole se libère peu à peu et, pendant plus d’une heure, les discussions s’enchaînent entre les habitants: Pas mal de témoignages d’impactés, locataires, propriétaires et commerçants. Mais quelques propositions de points à faire figurer dans la charte émergent aussi. Pour résumer, c’était une de ces réunions qui donne de la force. Il en faudrait plusieurs de ce type pour faire des propositions concrètes, et établir une charte rééllement co-élaborée par les habitants.

Seule ombre au tableau de cette soirée: la présence de nombreux élus d’opposition qui ont profité de la réunion «  entre habitants  » pour dénoncer les agissements de la mairie. A les entendre, la concertation bidon, les techniques d’usure des habitants, le traitement au cas par cas, le clientélisme, la manipulation des chiffres ou autres manigances sont des spécificités du pouvoir communiste. C’est vite oublier que dans d’autres communes ce sont leurs partis qui mènent la danse, au grand dam des habitants. Sans aller très loin, il suffit de voir le nettoyage opéré par la mairie écolo à Montreuil où de nombreux collectifs d’habitants se sont montés contre les projets de rénovation urbaine, à Paris où la gentrification bat son plein grâce à la mairie PS, sans parler des mairies de droite dont les projets urbains tout comme les programmes électoraux nous font vomir. C’est avec une belle hypocrisie qu’ils profitent ici de leur position dans l’opposition pour se faire ardents défenseurs des citoyens dans le pétrin.

« 21 avril 2015: Une salle sans gouvernants »

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CHARTE

GENTRIFIEURDE VILLE EXPULSEUR

DE PAUVRES

La proposition de charivary :

Les travers des grands projets de rénovation urbaine sont bien connus par les pouvoirs publics : l’éviction brutale des ha-bitants actuels par les expropriations des petits propriétaires, les expulsions de squats et donc des personnes en grande pré-carité, le non-renouvellement de bail de locataires, l’éviction plus en douceur aussi lorsque, au fur et à mesure de la réno-vation du quartier, les prix des loyers augmentent, en pous-sant les habitants les plus pauvres à aller habiter plus loin des

centres, dans d’autres quartiers dégra-dés. Et ces travers, on les retrouve dans tous les projets urbains de grande am-pleur. Ivry Confluences n’échappera malheureusement pas à cette logique.

Poussée par la contestation du projet, la mairie tente de se sortir de cette situation délicate. Pour cela, elle a mis en place différents dispositifs, comme des permanences, et maintenant une charte pour les habitants. Malheureusement, même avec toute la bonne volonté du monde il est impossible de gérer un projet

aussi grand, d’informer toutes les personnes concernées, de prendre en compte leur situation personnelle, de répondre à

leurs besoins.

C’est pourquoi selon nous, la seule chose à faire serait de revoir le projet à la baisse en annulant les expropriations et en abandonnant les destructions prévues. Il y a déjà bien assez de friches et ter-rains disponibles pour construire dessus.

- L’envoi d’un courrier d’information nominatif et direct par recommandé avec accusé de réception à tous les pro-priétaires et locataires connus des parcelles de la ZAC ain-si qu’aux propriétaires et locataires d’immeubles situés à la périphérie ou à proximité de la ZAC dans laquelle l’aménageur intervient. 

- Prise en compte des personnes en convention d’occupation et tous les habitants actuels même s’ils n’ont pas leur nom sur un bail.

- Pour les propriétaires bailleurs, une compensation par un logement s’ils gardent leur locataire avec un loyer plafonné. Ceci permettrait d’éviter qu’ils mettent fin au bail des locataires qui n’auraient dans ce cas droit à aucun relogement.

- Que les commerces et activités figurent dans la même charte que celle des habitants.

- La négociation doit se faire avec la présence de la mairie et non seul face à la SADEV.

- Pour les propriétaires, la compensation doit permettre de retrouver un logement sur Ivry

Quelques propositions qui ont émergé lors de cette

soirée :

Chiffres

250 ménages impactés, c’est le chiffre officiel annoncé par la mairie depuis le début du projet.

610 ménages impactés, c’est le nombre estimé d’impactés, loca-taires et propriétaires selon Ivry sans toi(t). Cette estimation a été élabo-rée d’après la liste de l’enquête par-cellaire de la phase 1 fournie par la préfecture et d’autres documents officiels.

ChiffresLors du départ (controversé) de l’ancien directeur général, la Sadev 94 a organisé une réception qui a coûté 30 825 € HT alors même qu’elle le licenciait pour faute grave. Par contre, lorsqu’un propriétaire dans la ZAC en situation précaire

demande une réévaluation de son bien (extrêmement sous évalué) de 30 000 euros pour lui permettre de racheter dans les nouvelles constructions, la SADEV lui répond qu’elle n’a pas le budget et qu’elle ne peut se permettre de tels écarts.

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CHARTE

C’est l’histoire d’un locataire, à jour de ses loyers, content de son appartement. Un jour, sa propriétaire lui dit qu’elle va vendre car le bâtiment va être détruit mais qu’il ne s’inquiète de rien, il va être relogé. La SADEV, son nouveau propriétaire, le reloge donc mais cette fois-ci en convention d’occupation renouvelable tous les ans et non plus en bail locatif. Sans bail, plus droit aux APL : dommage, se dit-il. Les mois passent, il continue à payer son loyer, jusqu’au mois de novembre 2014 où il ne reçoit plus de quittance prouvant qu’il paye bien ce qu’il doit. Il continue pourtant à payer et finit par appeler la SADEV pour savoir ce qu’il se passe. Après plusieurs appels, on lui dit finalement :« Vous n’avez plus à payer, c’est pour cela qu’on ne vous envoie plus de quittance. A partir de maintenant arrêtez de payer votre loyer ». Heureux d’abord, car qui dit pas de loyer dit des économies en plus, il finit par s’inquiéter : Et si la SADEV utilisait ensuite cet argument pour le faire passer pour un mauvais payeur et le virait sans lui proposer un vrai relogement ? Par chance il croise le chemin du collectif Ivry Sans Toi. Fini l’isolement et l’incompréhension, il se pourrait même bien que sa situation se règle. Mais pour un cas réglé combien d’autres qui ne connaissent pas leurs droits, n’ont pas la chance de rencontrer des gens avertis, combien d’autres qui passent de locataires

à occupants sans droit ni titre ?

Point juridique

Non renouvellement de bail locatif (source: l’en ville)

A savoir: Votre propriétaire vient de vous signifier par lettre recommandée, six mois avant l’échéance de votre bail de location, que vous devez quitter les lieux. Pour que ce congé soit valable, le propriétaire ou le bailleur doit le justifier avec un motif valide prévu par la loi, sinon vous pouvez considérer ce motif comme nul et non avenu.

La loi du 6 juillet 1989 dans son article 15-1 stipule que lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être motivé avec l’un des motifs suivants:

- reprise du bien loué par le bailleur (propriétaire) au profit du conjoint, du concubin notoire (depuis au moins un an), des ascendants (parents) ou des descendants (enfants) du bailleur ou de ceux de son conjoint ou concubin notoire

- vente du bien loué

- faute manifeste du locataire: defaut d’assurance habitation, non paiement répété de loyer ou des charges, degradation du bien, trouble du voisinage, non respect du règlement de copropriété

Sous peine de nullité, le congé doit mentionner le motif invoqué et dans le cas d’une reprise préciser le nom et l’adresse du bénéficiaire de la reprise.

Lu ailleursA l’issue du premier tour des éléctions municipales de mars 2014, le communiqué peu banal transmis d’un village pratiquement inconnu à l’échelon national, semblait porter la marque distincte d’un facétieux canular:

«A Saillans (Drôme), les 1199 habitants ont tous été élus au premier tour»

Et pourtant, agréable surprise, la chose relevait bien d’un fait de société bien concret. (...) En effet, venait d’être élue au premier tour et à une très coquette majorité, une liste collégiale, c’est à dire sans leader spectaculaire et sans programme, ou plutôt dont le programme n’était autre que celui qu’allait bien vouloir établir et conduire la population elle même. (...) L’intrusion populaire dans l’instance locale du pouvoir crée une micro fissure de la muraille de défense des institutions qui sous la poussée de la base, peut aller en s’élargissant. Pour l’heure, la politique municipale est orientée par des commissions ouvertes à tous les habitants.La suite des évènements mérite attention.

Trimestriel Régénération hiver 2015 ([email protected])

De locataire à occupant sans droit ni titre.

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PAROLES D’HABITANTS

C’est ici qu’on vit

En arrivant chez Mme Bonidan, je suis accueillie par un petit mot sur le portail : « Je suis chez ma voisine pour boire le café, si vous êtes en avance venez me chercher en face ». Témoignage de cette septuagénaire au large sourire et au rire communicatif qui se bat pour rester chez elle.

« J’ai passé mon enfance dans le Val de marne, à Vitry. Mes parents habitaient une petite copropriété où il y avait un bâtiment en longueur et chacun avait un petit jardin devant sa porte. J’ai eu mon certificat d’étude et puis je me suis formée sur le tas en comptabilité, j’ai-mais bien rire en disant que j’étais OS en compta. J’ai vécu dix ans à Paris, mais je rêvais de revenir en banlieue pour avoir un petit jardin, des animaux, des fleurs, des arbres. Nous avons acheté cette maison en 1976 avec mon mari parce que mes parents habitaient à Vitry et que c’était pratique pour se rendre des services mutuels. Mon mari est décé-dé en 1995 donc je me suis retrouvée toute seule mais je ne suis pas partie. La maison n’était pas très grande, ma mère habitait toujours à côté et surtout parce que j’aimais bien mes voisins.

Au début, j’ai entendu parler du pro-jet Ivry Confluences par des ouï dire. Je n’y croyais pas trop car ça faisait très longtemps que la mairie en parlait sans rien faire. Et puis un jour j’ai reçu une circulaire, ce n’était même pas un cour-rier qui m’était personnellement adres-sé, me disant que mon « lot » était dans la phase deux du projet. J’étais sidérée et atterrée, j’en ai parlé à ma pharma-cienne et tout d’un coup je me suis mise à pleurer. Elle m’a prise dans ses bras et elle m’a dit qu’elle connaissait quelqu’un avec le même problème que moi et qui était en lien avec un collectif. C’est comme ça que j’ai connu Ivry sans toi(t) qui m’a moralement beaucoup aidé.

J’ai rencontré des gens du collectif puis je m’y suis naturellement inves-tie, j’étais soulagée qu’il y ait une as-sociation qui nous défende car c’est très dur de se défendre seule. Je m’oc-cupe de la trésorerie, je me suis même

mise à l’ordinateur grâce à eux  ! Je vais aussi aux rendez-vous, aux réu-nions et aux événements importants sauf quand il faut rester debout car j’ai quelques problèmes d’arthroses.

Suite à ce courrier, j’ai pris un rendez-vous avec ma voisine auprès de la mai-rie et de la SADEV qui m’ont expli-qué les procédures. Il y a aussi eu une commerciale de la SADEV qui est venue chez moi pour essayer de me vendre un appartement mais je lui ai dit que je n’en voulais pas. Rien n’est très clair pour mon cas, ils ne savent pas quand les travaux vont commencer.

Le plus dur, c’est l’incertitude. On comprend qu’ils n’aient pas de dates précises mais on voudrait quand même qu’ils nous donnent un ordre d’idée. Ça fait longtemps que je me pose la ques-tion de faire des travaux. J’en ai assez de voir le plafond s’écailler, le papier peint a besoin d’être rafraîchi. C’est des travaux de réfection assez légers mais comme je ne peux plus rien faire moi-même je dois faire appel à une entre-prise et ça coûte assez cher. Si c’est pour partir dans cinq ans ça m’ennuie, si c’est pour dix ans ça vaut le coup car je pour-rais en profiter quand même. En plus, on a vu un avocat la semaine dernière, il nous a dit d’entretenir nos maisons

car ils vont tenir compte de l’état gé-néral des lieux pour nous indemniser.

C’est quand même absurde, à la fois il faudrait que je garde en bon état une maison qu’ils veulent détruire et en même temps ils détruisent une maison qui est de bonne qualité. Cette maison elle existait avant 1910 alors elle a connu une inondation, deux guerres mondiales et une tempête. Et elle est toujours de-bout et solide. Donc ça veut dire qu’elle est quand même costaud ma maison.

Dans mon quartier je me sentais bien, je n’avais pas envie qu’on y touche. Je reconnais que c’est pas très joli, qu’il y a des choses à améliorer, beaucoup de friches industrielles qu’il faut arranger ou utiliser. Mais dans le quartier les gens sont vraiment gentils. Je connais tous les voisins, on se rend service mu-tuellement, quand il y a de nouveaux habitants on fait un petit apéritif dîna-toire pour se connaître les uns les autres.

Je n’adhère pas tellement à tout ce qu’ils prévoient de faire car ça fait trop de béton, trop de populations les unes sur les autres. Ça ne me dérange pas qu’il y ait de nouveaux arrivants, ils ont besoin de logements. Je comprends bien aussi que c’est très proche de Paris donc on a besoin d’habitations et puis les plus jeunes se réjouissent qu’il y ait des écoles, des lycées, des équipe-ments sportifs car ils ont des enfants, ça se comprend. Mais ce qui m’inquiète, c’est qu’ils n’aient pas prévu assez de

Le plus dur c’est l’incertitude

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PAROLES D’HABITANTS

A voir A Spezzano Albanese, petite ville de 7000 habitants du sud de l’Italie, une fédération municipale de base (FMB) a été lancée en 1992 comme alternative au jeu électoral. Cette organisation véritable contre pouvoir de la municipalité a peu à peu forcer l’administration à tenir compte des propositions des habitants et a notamment réussi à faire annuler plusieurs projets de la municipalité. Pour en savoir plus: «La fédération municipale de base ou la démocratie directe contre le pouvoir municipal», documentaire de David RAPE et Guillaume BURNOUD. (35mn) disponible en ligne

logements à loyer modéré pour ceux qui en ont besoin. Car avec le projet Gagarine il va y avoir énormément de monde à reloger. Qu’est ce qu’ils ont prévu pour reloger tous ces gens   ? Ceux qui n’en auront pas les moyens financiers vont être obligés de partir.

Et il y a un truc que je n’ai toujours pas compris. Comment se fait- il qu’une ville communiste accepte de construire autant de bâtiments pour des gens qui vont être d’un niveau social supérieur aux ouvriers d’Ivry. Ça va changer la donne au niveau des élections. Comment ça se fait qu’ils n’aient pas pensé à ça ?

On aurait pu faire le projet petit à petit. Le projet est tellement grand qu’on a du mal à localiser les différents projets,

Je ne sais même pas si eux

savent ce qu’ils font

Le Grand Paris exproprie à Champigny

A Champigny-sur-Marne la ligne 15 du supermétro du Grand Paris Express doit se séparer en deux branches, une vers le Sud, l’autre vers l’Est. La réalisation de cette fourche nécessite d’exproprier et d’expulser une partie des habitants de la commune proches de l’ouvrage.

Comme pour le projet Ivry Confluence, les habitants n’ont pas voie au chapitre et sont au mieux informés de leur future expro-priation, dans l’attente du mon-tant de leur indemnité. Mais à cette occasion ce n’est pas l’amé-nageur départemental qui s’oc-cupe des travaux et des expropria-tions, la Sadev 94, mais la Société du Grand Paris. Christian Favier, président du Conseil départemen-tal réélu dernièrement, monte au créneau pour exiger que « la so-ciété du Grand Paris adopte le même comportement à l’égard des riverains qu’avec les entreprises [sûrement bien indemnisées] ».

Nous on demande à ce que les élus communistes du Val-de-Marne aient le même compor-tement respectueux de leurs ha-bitants que celui qu’ils exigent des instances métropolitaines.

même avec les promenades qu’ils or-ganisent dans la ville où je suis allé au début. Je ne sais même pas si eux savent ce qu’ils font, je me demande. D’après ce qu’ils disent c’était des pro-jets qu’ils avaient depuis vingt ans dans leurs cartons. Les friches ils pouvaient déjà commencer à faire quelque chose, à les réaménager. Pourquoi ils ont at-tendu si longtemps ? Pour qu’il y ait des immeubles en décrépitude et pour pouvoir les racheter à moindre coût ? Le seul espoir que j’ai c’est qu’ils ont tellement voulu faire grand qu’un jour peut être ça va se casser la gueule. Mais en même temps ça veut dire que c’est la ville qui va payer, donc nous car ce n’est pas la SADEV qui a pris les risques

financiers d’après ce que j’ai compris.

Moi je ne pensais pas finir ma vie comme ça, être embêtée comme ça. J’étais à la retraite, dégagée des soucis de travail, je pouvais avoir une retraite sereine. J’étais logée, j’avais de quoi me nourrir, je n’avais pas de soucis. Et voi-là, ils me cassent tout. Alors des fois je suis désespérée, des fois je suis en colère, je voudrais taper dans le tas. Par mo-ment je suis découragée, désabusée. On passe par toutes ces phases tout le temps et c’est pour tout le monde comme ça.

Enfin il y a plus malheureux que moi. Ceux qui habitent rue Lénine ont sans arrêt des arrêtés de mise en péril alors qu’ils font des travaux et ça ça les casse complètement car ils ne savent pas quoi faire. C’est un truc à se flinguer ça.

D’ailleurs je ne comprends pas qu’ils y aient pas des gens qui aient envie de prendre le fusil dans ces cas là. Parce que certains ont acquis leurs logements avec beaucoup de mal et c’est comme si on ve-nait leur voler. En plus, on se fout vrai-ment de leur gueule. On vous fout en l’air toute votre vie. Je serai plus jeune je ne sais pas si je n’aurai pas eu re-cours à la violence...C’est vrai qu’à mon âge ce n’est plus trop à moi de décider. Mais je me dis : qu’est ce qu’on est en train de laisser aux générations futures ?

En ce qui me concerne je n’ai pas beau-coup d’espoirs. J’espère mourir avant. Je me dis que j’ai soixante dix ans alors j’es-père que ça sera dans dix ans donc je ne serai peut-être plus là. Ou si ça se passe plus tôt je ne sais pas ce que je ferais. Je ne me vois pas du tout vivre ailleurs et sur-tout pas en appartement, en immeuble. Je ne peux pas, ça me ferait mourir. J’ai tou-jours vécu avec un jardin autour de moi. »

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C’EST ARRIVE PRES DE CHEZ TOI

Une loi sortie des oubliettes : taxer les touristes... A Ivry-sur-Seine, on se prépare à ac-cueillir les touristes et les cadres en dé-placement. Suite à la baisse des aides de l’Etat, le Conseil municipal envisage la mise en place d’une taxe de séjour, un impôt prélevé sur les nuits d’hô-tel. «Nous devons également valori-ser notre patrimoine et les liens gran-dissants avec Paris. Notre gare RER est à seulement trois stations de Saint-Michel-Notre-Dame, le cœur de la ca-pitale » dit Mehdy Belabas, adjoint aux finances, dans Le Parisien du 2 mars 2015. On ne saurait dire mieux, cette manne financière qui pourrait rappor-ter 200 000€ par an à la ville accom-pagne les transformations du pourtour Parisien destiné de plus en plus non pas à celles et ceux qui y habitent à l’an-née, mais aux gens de passage, pour

les vacances ou pour le travail. Ivry suit ainsi le Kremlin-Bicêtre, Arcueil ou bien Cachan et prépare son ave-nir de zone d’accueil moins chère que Paris pour les touristes, ce qui parti-cipe comme d’autres facteurs à la mon-tée continue des prix du foncier et de l’immobilier. Mais cette initiative municipale peut donner des idées. Cette taxe de séjour est née d’une loi de 1919 jamais ap-pliquée à Ivry-sur-seine. D’autres lois non appliquées existent dans l’arsenal législatif français et offre des perspec-tives intéressantes à la crise du loge-ment dont tout le monde parle et que beaucoup vivent. L’article L641 – 1 du Code de la construction et de l’habitat, fruit d’une ordonnance de 1948, per-met au préfet, après avis du maire et sur

proposition du service municipal du lo-gement, de réquisitionner des « locaux à usage d’habitation vacants, inoccu-pés ou insuffisamment occupés »... Il ne reste plus qu’à mettre en pratique !

Si vous vous êtes récemment baladé(e)s rue Ernest Renan, vous avez sûrement pu admirer cette magnifique fresque, propre, léchée comme on les aime (ou pas) où est inscrit en blanc « 1984 foot-ball club » sur fond noir. Si on s'approche bien, on remarque sous le logo de ce club de foot fictif cette maxime  : «  Simuler, tricher, faire souffrir ». Tout ça accompa-gné du logo de la mairie d'Ivry sur seine.

Le doute s'est vite installé parmi les habi-tants du quartier sur les auteurs et le but de cette« œuvre d'art ». Détournement d'ar-tistes engagés ou provocation de la mairie ? Provocation selon les futurs expro-priés du projet Ivry Confluences, malmenés par la SADEV. Détournement, pensent alors les CharIVaRYstes. Ces 3 verbes auraient en effet pu être une sorte de dystopie dans laquelle les buts inavoués de la SADEV seraient révélés au grand jour par ces artistes de rue. L'art au service de la lutte en quelque sorte.

Face au tollé provoqué par ce bout de mur, la mairie a ra-pidement rétorqué  via son service de com': «Comment

pouvez -vous imaginer un seul instant que la ville soit l'auteur d'un tel slogan  ? Suite à votre alerte la ville d'Ivry a fait établir un constat d'huissier et une plainte contre X a été déposée en fin de semaine dernière  »  .Constat d'huissier, plainte contre X, et pour-tant plusieurs mois après, le tag est toujours là. Des personnes certainement révoltées par cette farce ont pris soin d' ajouter les mots « = SADEV » près du slogan.

Quelques jours plus tard, nouveaux rebondissements. On apprend via le compte facebook du Soft (squat d'artiste récemment conventionné par la mairie qui se vante d'apporter

une plus value culturelle au projet Ivry Confluences) que cette fresque a en fait été réalisée par le collectif 1984, résidents du «  squat  » et inspirés par l'oeuvre de George Orwell. Ils nous apprennent que ce n'est aucunement une commande de la mairie, et que leur intention n'était absolument pas de dénoncer les expulsions, les expropriations qui ont lieu juste devant leur yeux. Car, comme nous le rappelle le soft, l'association est « génétiquement apolitique  ». Mieux que ça, ils n'ont

même que du mépris pour ces habitants qui se battent depuis plusieurs années pour sauver leur peau (et qui salissent en plus leur belle œuvre d'art), proposant d'ailleurs aux voisins via leur facebook « d'évacuer leur trop plein d'énergie » en participant au soft plutôt qu'en exprimant leur colère sur les murs.

C'est Orwell qui doit se retourner dans sa tombe.

«Stimuler, tricher, faire souffrir»

La révolution des routards

est en marche

« Globetrotteuses et globetrotteurs de tous les pays, réunissez-vous ! «

Philippe Bouyssou, à l’inauguration de la première auberge de jeunesse qui

vient d’ouvrir ses portes à Ivry

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Martiale et art déco, l’imagerie rin-garde de la première évoque une guerre contre un ennemi que ce soldat sans yeux ne voit manifestement pas, quand la seconde porte plus sur la cor-ruption d’une culture grandiose, mo-numentale et inaccessible, par ce qu’on suppose être les goûts des masses po-pulaires, symbolisés par une toge coca-cola. Il s’agit de l’invitation à un événe-ment, la « journée de réinformation  », organisé par le groupe «  Polémia ».

Il se trouve que « Polémia » c’est un or-gane de la « nouvelle droite », évoluant aux côtés du Front National et ani-mé par un certain Le Gallou. Lui, c’est un type qui prétend lutter pied à pied contre ce qu’il appel « l’idéologie poli-tiquement correcte, cosmopolite, mar-chande, mondialiste, immigrationniste, homosexualiste », qui menacerait la culture authentique, occidentale et vi-rile. Les « journées de réinformation » semblent être des moments décisifs de ce combat éminemment raciste, homo-phobe, nationaliste et réactionnaire  : « le mot d’ordre de la journée est que les défenseurs de l’identité ne peuvent pas faire l’économie de la bataille cultu-relle », nous dit-on sur leur site. Contre la « dictature culturelle », le triste sire in-vite à la barre des experts en culture, du genre à caricaturer Christiane Taubira en singe, comme l’a fait l’un d’eux, pour dénoncer «  l’hégémonie de la gauche »

Pas de fachos dans nos quartiers, Pas de quartier pour les fachos !

contre laquelle une « offensive », une «  guerre », devrait être menée. Peut-être parce qu’une telle hégémonie de la gauche nous pourrions la souhaiter nous même, ou parce qu’il n’y avait pas de buffet à prix libre d’annoncé, nous ne nous sommes pas rendus sur place pour vérifier qu’à ces journées il n’y avait personne de plus que Le Gallou et ses invités pour maugréer devant leur glace sur le « déracinement identitaire  » et autres crédos nauséabonds. Désolé.

Des mois sont passés sans que personne ne prenne le temps d’une bonne action anti-fasciste pour égailler sa journée.

Et puis il y a eu les massacres des 7 et 8 janvier. On a vu nombre de tarés sortir au balcon pour crier à l’avènement du choc des civilisations, s’exclamer, em-portés par leurs hallucinations sale-ment racistes, que c’était là le résultat du « Grand Remplacement » des fran-çais de souche par des immigrés isla-misés (idée folle reprise par Michel Houellebecq que les blancs un jour disparaitront à cause de l’immigration). En parallèle, les agressions brutales à l’encontre de personnes musulmanes et juives se sont démultipliées, symé-triquement à l’inflation du discours sé-curitaire et de la répression de l’État.

Des groupes comme Polémia sont la cause et la conséquence de cette époque où la peur de son voisin rem-place l’espoir de construire un monde en commun. Si ces gens parviennent à prendre une place toujours plus im-portante dans nos têtes comme dans nos rues, c’est en partie par la somme de ces petites lâchetés ordinaires qui

consistent à tolérer ici une affiche, là un commentaire islamophobe.

Le 9 janvier, quelqu’un arrachait le papier rendu rigide par le temps et la pluie, formait une boule com-pacte et donnait un grand coup de pied dedans en gueulant : « il n’est ja-mais trop tard pour bien faire ! ».

Pendant des mois, deux curieuses affiches s’exhibaient au port d’Ivry. Juste à votre droite, avant de s’engager sur le pont Nelson Mandela.

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FOCUS

Xavier Niel, vous connaissez ? Le pa-tron de Free, celui qui casse les prix et nous offre des forfaits internet et télé-phone pas chers. Et bien ce gentil mil-liardaire plein de projets a une nouvelle idée et Ivry est aussi son terrain de jeu.Monsieur Niel souhaite faire des halles Freyssinet, grandes verrières en bordure de rails dans le XIIIe arrondissement, le « plus grand incubateur d’entreprises du monde », soit 33 000 m² dédiés à l’innovation et aux start-up, une mini Silicon Valley à la française. Tout ça à deux pas d’Ivry. Toujours aussi gentil, le monsieur veut choyer les jeunes entre-preneurs pour favoriser leur génie créa-teur. Toutes leurs forces seront engagées dans la recherche du meilleur concept paré de mille couleurs chatoyantes pour convaincre la planète entière que leurs idées satisferont tous nos besoins !On en n’est pas là, les travaux de réa-ménagement doivent commen-cer fin 2015. Mais où va-t-on loger tous les 3500 jeunes créatifs annon-cés  ? A Ivry-sur-Seine naturelle-ment, la voisine du XIIIe arrondisse-ment avec un prix au mètre carré de loin inférieur à Paris Rive Gauche.

Le patron de Free dépose donc un projet intitulé «  @home  » auprès de la mairie d’Ivry pour un emplacement stratégique au cœur de la ZAC Ivry Confluence. Mais l’entreprise de télé-phonie ne la joue pas très fine : le pro-jet ne prévoit que du logement pour les jeunes innovateurs et rien d’autre, un chez-soi rien que pour eux. La mai-rie refuse. Romain Marchand, alors ad-joint au développement urbain d’Ivry

l’exprime ainsi dans Le Parisien du 30 janvier 2015, «  Ivry n’est ni une cité-dortoir, ni la base arrière de la capi-tale ». Bien vu. Parce que ça sentait vrai-ment le foutage de gueule à plein nez.

Qu’à cela ne tienne, l’équipe d’archi-tectes de Xavier Niel revient avec un projet « plus bénéfique à la ville » se-lon les demandes du maire. 2 000m² de bureaux et de commerce, soit 20 % de la surface du projet, complètent les m² de logement dédiés aux jeunes en-trepreneurs. A partir de là les deux par-ties tombent d’accord et le mariage est acté. A la place de l’ancienne imprime-rie Martinenq, au croisement des rues Victor Hugo et Jean-Jacques Rousseau, s’élèveront donc 3 tours, une de 17 étages et deux de 11 étages. Si l’on peut saluer la mairie de ne pas avoir cédé immé-diatement aux rêves de grandeur d’un milliardaire, on peut quand même ré-servé quelques remarques sur le projet.

La seul type de logements proposé ? 100 appartements de 95 m² pour des colocations à 6 personnes, si la coloc n’est pas votre truc, allez voir ailleurs. Pas du tout destinées aux Ivryens ac-tuels, ces futures constructions sont l’image même des critiques déjà avan-cées dans nos précédents numéros sur les nouveaux habitants d’Ivry. Les ha-bitants de ces nouveaux logements tra-vailleront dans les secteurs des nou-velles technologies et de l’innovation, et font partie des catégories hautement qualifiées capables de créer une écono-mie à haute valeur ajoutée, ce qui repré-sente un « potentiel de développement

Le patron niel at home à Ivry !

103 000 C’est le nombre de m2

de bureaux qui vont être construits à «City seine»

sur l’ ancien site du BHV

économique considérable  », tou-jours selon Romain Marchand.

Le projet « @home », même revisité, profite seulement des prix du foncier moins élevés qu’à Paris et de la difficul-té de la mairie d’Ivry et de la SADEV à trouver des investisseurs potentiels. Au final c’est bien un projet de cité-dortoir destiné à des jeunes entrepre-neurs pour qu’ils n’aient pas peur de franchir le périph tous les jours, qu’ils sentent bien que la première couronne leur ouvre les bras, sans avoir à se confronter au reste des habitants qui se sentent de moins en moins « @home ».

La SADEV sévit ailleurs :

Le boulanger du 73 avenue Jean Jaurès à Arcueil se voit proposer 40 000 euros par la SADEV qui est en train de racheter l’immeuble où se trouve son commerce. Il avait lui même acheté son fonds de commerce 250 000 euros en 2007.

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FOCUS

Les mathématiques, c’est sympatique

Dans le « Ivry ma ville » du mois de décembre 2014, aucune trace de la réunion «de concertation» du 4 novembre. Et pourtant il y en avait du monde. Une petite centaine diront nous. Ce soir la, la mairie et la SADEV l’ont eu mauvaise. Les critiques fusaient, ca jasait dans tous les sens et les intervenants étaient quelque peu déconcertés. Quelques éléments que nous avons notamment notés concernant le relogement des impactés du projet Ivry confluences. (on vous épargne le contenu plutôt houleux des échanges) :

Selon les enquêtes réalisées par l’organisme Pact de l’Est Parisien, censé organiser le relogement des ménages.

En phase 1 :

81 ménages sont à reloger dans le parc social. (54 en PLAI, 11 en PLUS, 4 en PLS, 2 en PLI prêt locatif intermédiaire)

En 2013, 24 ménages ont été relogés. Puisqu’on aime les produits en croix on vous fait le calcul :

Moins de 30 % de relogés. Pas de quoi être très fier !

60 personnes à reloger dans le neuf ou autre achat. 20 propriétaires ont investi dans le neuf et 7 sont en cours. Ce

qui fait 33 %. Vraiment pas de quoi se la péter !

Rappelons que ces chiffres ne prennent pas en compte la totalité des habitants impactés. Seulement 141 ménages ont

été enquétés sur 250 logements concernés.

Du côté coureur comme du côté supporter, nous

avons répondu présents !

« Coureur si t’es champion

Dis non aux expulsions

Aucune Aucune Aucune Spéculation

Non Non Non à la gentrification

Oui Oui Oui à charIVaRY »

CharIVaRY au pas de course…au 10 km de l’Humarathon 2015 !

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DETENTE

C’est bientôt l’été

On a vu «La fête est finie !»

Ce film de Nicolas Burlaud (collectif Primitivi) nous montre que «Marseille capitale européenne de la culture» n’a pas profité à tous le monde. Elle a accéléré les processus d’urbanisation déjà en cours d’éviction des classes populaires du centre ville pour les repousser vers le nord. Elle a aussi acté le grand partage que font les autorités entre la «bonne» et la «mauvaise» culture. Alors que la culture populaire est dénigrée, dépossédée de ses financements et reprimée, l’autre culture est brandie comme magnifique bouclier pour faire accepter la rénovation urbaine de Marseille.

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«La maison de Barbapapa» est l’histoire de la famille du même nom qui se voit délogée de la maison abandonnée qu’ils occupaient illégalement par d’énormes machines venues démolir la bâtisse.

Un temps relogés dans un imeuble moderne ils décident finalement de le quitter pour construire une maison «à leur façon».

Et quand les machines reviennent les déloger de leur petit paradis, c’est avec des boules de plastique brûlantes qu’ils les reçoivent jusqu’à ce que les machines s’enfuient.

Solution des mots croisés

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