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Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
Christian Cremona, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées
58 boulevard Lefebvre, F75732 Paris Cedex 15
Résumé
L'évaluation des ponts existants est très semblable au calcul des ponts neufs, mais nécessite
des principes fondamentaux moins conservatifs afin d'éviter toute prise de décision inutile aux
lourdes conséquences financières. L’élimination de certaines des incertitudes, mais également
le traitement de nouvelles non prévues lors du dimensionnement est une approche rationnelle
qui peut être traitée par la théorie de la fiabilité des structures, qui exprime la sécurité
structurale en termes probabilistes. L’article introduit les concepts de performance, de cycles
de performance et d’indicateurs de performance utilisables (semi-probabiliste simple et
actualisé, probabiliste simple et actualisé). Ces indicateurs sont présentés au travers
d’exemples, et un cadre général d’application est également proposé. L’article regroupe
ensuite ces concepts pour proposer une évaluation globale de la performance sur la durée de
maintenance d’un élément de structure. Cette optimisation technico-économique de la
maintenance est illustrée sur le cas d’un assemblage soudé fissuré par fatigue. L’article se
conclut par des considérations générales sur la mise en œuvre d’une démarche probabiliste del’évaluation des ponts existants.
Abstract
The assessment of existing bridges is very similar to the design of new bridges, but requires
less conservative principles in order to avoid useless decision-making with heavy financial
consequences. The elimination of some of uncertainties, but also the treatment of new
information not taken into account during the design phase, is a rational approach which can
be treated by the structural reliability theory, which expresses structural safety in probabilistic
terms. The paper introduces the concepts of performance, performance cycles and
performance indexes (simple and updated, probabilistic and semi-probabilistic). These
indexes are presented through examples, and a general application framework is also
proposed. The paper gathers those concepts to propose a total assessment of the performance
over a given maintenance period for an element of a structure. This technico-economical
maintenance optimization is illustrated by the case of a welded joint damaged by fatigue. At
last, the paper concludes by general point of views regarding the application of a probabilistic
approach for the assessment of existing bridges.
1. Introduction
La gériatrie des structures pourrait se définir comme la discipline traitant de l’ensemble des
actions relatives au suivi des ouvrages anciens ou existants, c’est-à-dire l’inspection,
l’auscultation, la pathologie, l’entretien, l’évaluation de la sécurité structurale, les différents
types de maintenance (curative, préventive). Le processus d’évaluation d’un ouvrage est donc
d’une importance cruciale pour maintenir une structure dans des conditions d’aptitude au
service et de sécurité acceptables. Ces conditions sont précisées par le maître d’ouvrage ou
l’autorité technique responsable de l’ouvrage. Elles peuvent reposer sur :
des critères de sécurité qui procurent un niveau de sécurité pour les usagers,
des critères de fonctionnalité qui assurent un fonctionnement continu de l’ouvrage
durant des événements particuliers comme les tremblements de terre,
des critères de durabilité, de service, économiques ou autres imposés par les autorités.
Différents cas doivent alors être distingués suivant que la structure est en bon état, n’est pas
en bon état mais la sécurité du public n’est pas compromise, ou dangereuse. Diverses options
sont possibles : la structure peut être maintenue en l’état ou la structure peut être modifiée.
Afin que les décisions de maintenance (réparation, réhabilitation, renforcement ou
modification des conditions d’usage de l’infrastructure, comme la limitation du tonnage pour
un pont) ne soient pas excessives, il est essentiel que la procédure d’évaluation ne soit pas
indûment conservatrice.
De façon courante et dans une grande majorité d’ouvrages de génie civil, les règles utilisées
dans l’évaluation d’un ouvrage proviennent essentiellement des règlements de conception
avec éventuellement des règlements additionnels portant sur les charges exceptionnelles,
l’instrumentation, la surveillance ou les essais de chargement. Il convient également d’insister
sur le fait que les règles inscrites dans les règlements de conception ne sont valides que dans
un certain contexte. Pour une évaluation, des situations peuvent survenir rendant inapplicables
les règlements à cause de conditions structurales particulières ou à cause de la présence de
détails constructifs non conformes. Les coefficients partiels de sécurité sont en fait destinés à
couvrir un large ensemble d'incertitudes et peuvent ainsi s'avérer très peu représentatifs du
besoin réel d'évaluation de la sécurité d'une structure particulière. Ils sont sensés tenir compte
de l'évolution des matériaux et des sollicitations de manière forfaitaire. Pour des ouvrages
exceptionnels ou endommagés, l'évaluation de la fiabilité peut être sur- ou sous-estimée. De
plus, les règlements incluent également un large degré de généralisation en termes de sécurité
et de chargement. Ceci peut être efficace pour les études de conception parce que les calculs
deviennent aisés et parce que les coûts induits sont marginaux dans le budget d’un ouvrage
neuf. Dans le cas d’une réparation ou d’un renforcement, le niveau de sécurité demandé ne
peut parfois pas être obtenu à partir de règlements généraux.
Les règlements présentent des marges de sécurité qui, en général, dépassent celles qu’il est
raisonnable d’admettre pour l’évaluation d’ouvrage existant. Ceci s’explique par le degré de
connaissance de l’état de la structure et des actions extérieures, dès lors qu’ils peuvent être
observés ou mesurés. Aussi, les coefficients partiels de sécurité peuvent-ils être réduits tout en
maintenant un degré de sécurité identique.
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L'utilisation de tels principes aboutit à une certaine complexité des calculs d'évaluation. Le
choix du niveau de sécurité acceptable est actuellement très difficile à fixer en raison du
manque de règles sur la façon dont un tel choix est fait, notamment en termes de
conséquences socio-économiques. Il apparaît donc clair que l’établissement de principes et de
procédures propres à une évaluation de pont existant est souhaité parce que certains aspects de
l’évaluation sont basés sur une approche qui diffère substantiellement d’une conception et
nécessite une connaissance bien au-delà des champs d’application des règlements.
2. De la notion de fonction à la notion de performance
Toute structure de génie civil est destinée à remplir une ou plusieurs fonctions. Un pont
permet ainsi d'assurer la continuité d'un itinéraire. Cette fonction primaire de continuité est
doublée par des fonctions secondaires comme la traversée de câbles électriques, de
télécommunication ou de canalisations. La fonction de l'ouvrage peut être également précisée
en spécifiant la nature du trafic à supporter, le nombre de voies, la durée de vie... La plupart
des fonctions sont permanentes et actives, mais quelques-unes sont passives et parfois
activées sur demande (phase de levage d’un pont levant par exemple). Un ouvrage est un
système complexe généralement constitué de plusieurs éléments qu'il est possible de classer
suivant leur importance structurale et fonctionnelle. Au niveau supérieur du système, une ou
plusieurs fonctions doivent être remplies (continuité d'itinéraire) et au niveau inférieur les
éléments du système peuvent perdre leurs fonctions à cause d'actions extérieures, d'erreurs
humaines ou de processus de dégradation. Cette décomposition ne sera pas sans effet sur les
actions de maintenance qui devront être mises en place et en œuvre sur les divers éléments.
En effet, la stratégie de maintenance menée au niveau de l'élément doit être replacée dans le
contexte de la perte de fonction de l'élément, mais aussi (et peut-être surtout) dans le risque de
perte d'une fonction de l'infrastructure [Cremona, 2003].
Les fonctions d'une structure ne sont pas nécessairement constantes dans le temps. Les
fonctions initiales, c'est-à-dire celles qui ont motivé la construction de l'ouvrage, peuvent être
modifiées soit volontairement à cause d'un changement voulu des fonctions ou d'une
extension de la durée de vie, soit involontairement à cause d'actions externes ou de
dégradations. Trois grandes causes peuvent conduire à la perte de fonctions initiales :
le vieillissement de la structure. Le vieillissement des éléments d'un ouvrage de génie
civil peut conduire à une perte soudaine ou graduelle de leur résistance, et donc à une
perte de fonction partielle ou complète de l'élément. Suivant la capacité de la structure
à répondre à ces changements, une ou plusieurs fonctions de la structure peuvent être
affectées.
les causes extérieures (prévues ou imprévues). Divers exemples de cause extérieure
peuvent être cités : pollution, environnement agressif, chocs de véhicules, de navires,
vandalisme, terrorisme, tremblement de terre, tempête… Suivant leur fréquence
d'occurrence et l'importance de la structure, certaines de ces actions extérieures
devront être prises en compte dans la conception. Les chargements exceptionnels
pourront être inclus dans des chargements extrêmes. Signalons également que, pour un
pont par exemple, l'accroissement du trafic constitue également une cause externe
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pouvant affecter les fonctions de la structure par une augmentation des charges à
supporter.
les causes humaines s'exerçant par des erreurs ou des actions inopportunes. Les erreurs
humaines peuvent intervenir à différents instants de la vie d'un ouvrage :
o à la conception (par exemple, erreur de ferraillage) ;
o à l'exécution (par exemple, mauvaise qualité du béton) ;
o à l'utilisation (par exemple, surcharges) ;
o à l'inspection (par exemple, défauts ou dégâts non détectés) ;
o à la maintenance (par exemple, utilisation excessive de sels de déverglaçage).
2.1. Changement de fonction
Il est également possible que les fonctions initiales soient modifiées non à cause de
déficiences de l'ouvrage, mais par volonté du maître d'ouvrage ou du gestionnaire. Ainsi, la
réutilisation de certains ponts-rails pour le passage de lignes à grande vitesse conduit à se
poser la question de la capacité de ces ouvrages à supporter des effets dynamiques. Il y a donc
changement de fonction (passage d'un trafic ferroviaire standard à un trafic à grande vitesse),
car changement de la nature des actions extérieures. Ce changement de fonction requiert donc
de requalifier l'ouvrage vis-à-vis de ses nouvelles fonctions. Ce problème se pose pour de
nombreux ouvrages de génie civil pour lesquels la réglementation et l'exploitation évoluent
(réglementation sismique par exemple).
2.2. Extension de la durée d'utilisation
Les ponts routiers sont généralement conçus pour être utilisés et utilisables sur une période de
référence ou de service donnée (100 ans en général pour les ouvrages courants). Cette durée
d'utilisation est souvent implicite dans les règlements, pour l'évaluation des actions variables.
Cette durée d'utilisation peut se trouver être remise en cause, notamment dans les cas où
l'ouvrage atteint la fin de cette période dans un état satisfaisant. Il est alors nécessaire de
requalifier la structure, c'est-à-dire de réévaluer la capacité de la structure à remplir ses
fonctions sur une durée d'utilisation étendue.
2.3. Performance
Les fonctions d’un ouvrage décrivent en général les exigences auxquelles elle doit répondre.
La capacité d'une structure à remplir ses exigences est alors dénommée performance. La
plupart des textes officiels regroupent ces exigences (comme la Directive Européenne 89/106
relative aux produits de construction) en exigences de sécurité ou d’intégrité (notion décrite
dans les sections précédentes), d’aptitude à l’emploi ou au service et de durabilité. Le titre de
l’opération de recherche est donc restrictif et trompeur ; les champs d’investigations de
l’opération ont dépassé le simple aspect de l’aptitude au service pour traiter de l’ensemble des
problèmes de performance.
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2.3.1. Sécurité structurale
Un ouvrage doit être en mesure de résister à toutes les actions qu’elle aura à subir pendant sa
construction et son utilisation prévue en situation normale. Cela sous-entend la capacité des
matériaux constitutifs de la structure à assurer l’équilibre statique aux sollicitations de
situation normale, l’absence de dommages irréversibles ou cumulatifs. Un comportement
satisfaisant à des sollicitations non prévues doit être également attendu. Dans ce dernier cas,
l’ouvrage doit être capable de conserver sa forme générale et sa stabilité. Dans ces situations
exceptionnelles, des déformations importantes, des dommages irréversibles sont acceptables
dans la mesure où la sécurité des usagers n’est pas mise en question. La remise en service de
l’ouvrage sera cependant dépendante des conclusions d’une inspection détaillée et des
réparations mises en œuvre.
2.3.2. Aptitude au service
Cette exigence recouvre celles nécessaires au maintien de l’exploitation de l’ouvrage. Leur
non-respect entraîne rarement une remise en cause de la sécurité des usagers, mais peut
engendrer des coûts directs ou indirects liés à l’exploitation de l’ouvrage. Il s’agit dans la
plupart des cas d’exigences sur la déformabilité de l’ouvrage vis-à-vis d’actions permanentes
(fluage…) et d’actions variables (flèches…), d’effets dynamiques (résonance et confort…).
2.3.3. Durabilité
Cette exigence est souvent difficile à définir et plusieurs sens lui sont donnés en pratique.
Dans le cadre d’un ouvrage en béton, il est ainsi essentiel que la structure puisse conserver sa
résistance sans que sa gestion technique ou sa fonction soient modifiées de façon
significative, afin de ne pas compromettre sa durabilité. Il convient de rappeler que la
durabilité n’est pas la garantie d’une durée de vie infinie à la structure, mais un objectif de
qualité orientant aussi bien la conception de l’ouvrage que celle du matériau [AFGC,2004].
Cette réflexion permet l’identification de deux concepts distincts vis-à-vis de la durabilité :
celle du matériau et celle de la structure. La durabilité du matériau se vérifie à partir de sa
capacité de conserver ses caractéristiques et son intégrité pendant la durée de vie prévue pour
la structure. La durabilité de la structure dépend de celle du matériau ; cependant elle ne se
résume pas exclusivement à la qualité du matériau employé. C’est pourquoi la durabilité de la
structure (complète ou d’un élément) consiste dans l’accomplissement de ses performances de
sécurité structurale et d’aptitude au service dans des conditions prévues d’utilisation. De plus,
la durabilité d’une structure doit prendre en compte sa durée de vie. Ce concept peut être vu
sous trois aspects différents : la durée de vie en fonction de périodes de dégradation du
matériau, la durée de vie in situ ou la durée de vie vérifiée à partir d’une approche probabiliste
[AFGC, 2004].
L’Eurocode EN1990 « Basis of structural design » ajoute un élément supplémentaire à cette
definition de la durabilité: celle de maintenance [EUROCODE 1, 1990]. La durabilité d’une
structure est alors sa capacité à remplir ses fonctions durant la durée de vie prescrite avec une
maintenance appropriée. L’ouvrage doit alors être conçue de sorte qu’aucune dégradation
significative n’est susceptible d’apparaître entre deux inspections successives.
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D’une façon générale, la durée de vie ou de service d’un ouvrage peut être définie comme la
période au cours de laquelle l’ensemble des endommagements cumulés subis au cours du
temps ne dépasse pas un niveau critique ou, en d’autres termes, un ou plusieurs états limites
donnés. La durée de vie peut être prise égale à la durée d’usage sans précaution initiale
particulière, sans entretien spécialisé et sans réparation importante du gros œuvre ou de la
structure [EUROCODE 1, 1990]. Cela correspond à un fonctionnement normal et à une
maintenance courante pour un niveau de service donné qui peut également faire intervenir des
considérations d’esthétique [Cremona, 2003].
La durée de vie réelle ou durée d’usage est la période au bout de laquelle la structure est
reconnue structurellement ou fonctionnellement obsolète. Cette notion de durée d’usage est
importante, surtout pour une structure qui a déjà fait l’objet de lourdes réparations ou de
renforcement. En d’autres termes, si une structure qui est structurellement déficiente continue
à être exploitée, son état est situé entre les conditions requises d’aptitude au service et les
conditions de sécurité structurale. Il est à noter que la durée de vie d’une structure peut être
prolongée si l’on la maintient dans une condition d’exploitation réduite. Cependant, une telle
situation n’est pas toujours souhaitable, l’ouvrage pouvant être difficile à gérer.
Lors de la conception d’un ouvrage, il est admis qu’il sera construit, mis en service et exploité
en conformité avec les hypothèses adoptées. Cependant, l’ouvrage peut acquérir certaines
spécificités au cours du temps, soit par le changement d’usage ou des charges d’exploitation,
soit par des phénomènes de dégradation, qui provoquent une réduction de sa résistance. Ces
modifications introduisent de nombreuses incertitudes. C’est pourquoi, il est souhaitable que
la prédiction de la durée de vie d’un ouvrage en service soit réalisée en utilisant une approche
probabiliste. Dans le cadre de l’évaluation de la durée de vie d’une structure existante, les
charges d’exploitation, le poids propre de la structure ainsi que les résistances du matériau et
de la structure sont des paramètres qui possèdent une certaine variabilité. Ainsi,
(sollicitations) et (résistance) ne peuvent pas être comparées d’une façon déterministe. Dans
ces circonstances, une description aléatoire des paramètres concernés (puisque leurs valeurs
ne sont pas parfaitement connues) semble constituer une approche appropriée. Les modèles de
dégradation des matériaux doivent aussi traités de manière probabiliste. Ceci permet de
décrire l’évolution au cours du temps du profil de dégradation de la structure et des étapes
principales de l’évolution de la performance. Avec cette démarche il est possible de vérifier si
les conditions d’aptitude au service et de sécurité structurale fixées sont ou non atteintes.
Dans l’opération « Aptitude au service des ouvrages », l’approche probabiliste a été retenue
afin de caractériser notamment la durée de vie de certains éléments de structure.
3. Quelques mesures de performance
La notion de performance n'a d'intérêt que si elle est quantifiable, donc caractérisée par une ou
plusieurs mesures. Ces mesures de la performance sont nombreuses suivant la nature de la
structure et de ces fonctions. Ce sont en réalité des exigences qui décrivent des états de
fonctionnement de l’ouvrage. La séparation entre le domaine des états de fonctionnement
possibles (c’est-à-dire susceptibles de se produire) et le domaine des états de fonctionnement
à éviter est alors décrit par des états dites limites. Les actions de sécurité auront alors pour
objectifs de s’assurer que les états de fonctionnement possibles n’atteignent pas les états de
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fonctionnement non désirés. Les critères d’états limites visent à prémunir la construction des
états de dysfonctionnement au travers de marges de sécurité. Plusieurs approches sont
possibles : coefficients de sécurité, coefficients partiels de sécurité, probabilités de défaillance
acceptables. Ces approches sont valables quelle que soit la performance considérée :
durabilité, aptitude au service ou sécurité structurale.
4. Evolution de la performance et conséquences
L'évolution de la performance n’est que le reflet de la capacité d’un ouvrage à remplir ses
fonctions au cours du temps. Elle sera donc caractérisée par la trajectoire d’un ou de plusieurs
indicateurs dans un domaine délimité par des frontières à ne pas violer. La modification de sa
performance va donc entraîner des actions de maintenance pour y remédier. Ces actions
jouent un rôle essentiel dans la maintenance de certaines structures de génie civil dès lors qu'il
s'agit d'une perte d'accessibilité se traduisant par des pertes financières, directes dans le
premier cas, indirectes (temps d'attente, détour…) ou directes (pertes de droits d'entrée de
péage) dans le second.
Les détériorations encourues par la structure affectent sa résistance et peuvent entraîner la
perte d'une fonction de celle-ci. Les ponts n'échappent pas à cette règle, mais doivent assurer
en permanence et en toute sécurité les services pour lesquels ils ont été construits. Il est donc
nécessaire de surveiller systématiquement et attentivement leur état et leurs conditions
d'utilisation et d'exécuter, en temps utile, les opérations de sauvegarde, d'entretien ou de
réparation qui permettent de les maintenir en état de service.
5. Profils de dégradation
En pratique, la durée d’usage se termine lorsque l’ouvrage n’est plus utile, ou lorsqu’il
devient dangereux, obsolète, ou incapable de procurer les exigences de performance
[Cremona, 2005a] en termes de fonction, même en recourant à des réparations. L’expérience
tend à prouver qu’en moyenne cette durée d’usage est de 50 ans dans les pays développés.
Cette valeur doit être prise avec prudence [Cremona, 2005b], car les ouvrages exceptionnels
(comme le viaduc de Millau) ont une durée d’usage prescrite bien supérieur (à savoir
120 ans), et que dire dans 120 ans !
En réalité, cette durée d’usage est assez peu utile. En effet, les durées de service d’un ouvrage
et de ses éléments sont en principe entachées de nombreuses incertitudes. La maintenance des
ouvrages (notamment si elle repose sur une analyse en coût de cycle de vie) implique alors le
choix d’un horizon temporel d’intervention défini par la période sur laquelle les coûts sont
estimés. Cet horizon peut être ainsi très différent de la durée d’usage. Un pont aura toujours
une durée de service bien supérieure à cet horizon d’intervention dans une analyse de coût de
cycle de vie. L’ouvrage aura par exemple fourni des années de service adéquat avant que
l’analyse soit menée, ou en procurera bien après la période utilisée pour l’analyse.
La durée de service est en théorie la durée au terme de laquelle certains critères d’exigence de
performance ne sont plus remplis. Toutes les structures créées par l'homme s'usent et se
dégradent avec le temps à cause de phénomènes de dégradation divers. Ces dégradations sont
principalement dues à l'environnement, qui inclut les conditions atmosphériques et la nature
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du sol, et aux conditions d'utilisation (chargements). Les mécanismes de détérioration ou
profils de dégradation (Figure 1) ont des évolutions différentes suivant la nature du matériau
(acier, béton) et du processus de dégradation (corrosion, fatigue...) :
l'exemple le plus simple est le processus de dégradation qui est linéaire dans le
temps (1). Dans certains cas, ce modèle peut être utilisé pour décrire et prédire le
processus de corrosion (phase de propagation) sur plusieurs années ;
le processus de dégradation peut aussi se ralentir, comme dans des processus tels que
la carbonatation ou la pénétration de chlorure dans le béton (2). Mathématiquement,
ces processus sont décrits par des fonctions logarithmiques ;
lorsque la dégradation est causée par des effets de chargements répétés et s'accélère
dans le temps, suivant une courbe exponentielle (3), le processus peut être associé à la
fatigue ;
dans les cas de collisions, la dégradation est principalement due à des chargements
importants et le processus de dégradation est discontinu (4) ;
dans les cas extrêmes, il n'y a pas de dégradation, mais seulement un chargement
important qui cause la ruine immédiate de la structure (5) ;
plusieurs éléments de génie civil sont conçus de telle manière que le processus de
dégradation est en deux phases. Dans la première phase, c'est la couche protectrice qui
est attaquée, tandis que, dans la seconde, c'est la partie proprement structurale (6) ;
enfin, certains phénomènes de dégradation peuvent combiner divers types précédents,
comme l'alcali-réaction dont la courbe de vieillissement est supposée en forme de S.
(1) (2) (3)
(4) (5) (6)
Figure 1. Processus de dégradation
L'existence de plusieurs types d'éléments – génie civil, électrique, mécanique – introduit des
mécanismes de dégradation (cause, conséquence) très différents. Ainsi, les parties de génie
civil ont fréquemment un petit nombre de mécanismes de dégradation dominants, et pas
forcément prévisibles ou anticipables. Comme ces parties ou éléments sont la plupart du
temps uniques au regard de leur conception, construction, chargements et conditions au
limites, les inspections sont les seuls moyens d'évaluer l'existence ou non d'une dégradation,
et donc leur état. Les parties mécaniques présentent la plupart du temps un nombre très limité
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de processus de dégradation (par exemple, la fatigue). Comme ils sont pour la plupart produits
en série, il existe une information statistique plus importante sur le comportement temporel de
ces dégradations. Cependant, la complexité de certains de ces systèmes mécaniques les rend
souvent difficiles aux inspections. Les parties électriques et électroniques ont également un
nombre très limité de processus de dégradation. Leur production en série permet aussi de
mieux estimer la cinétique de dégradation. Cependant, leur durée de vie relativement courte
rend peu pratique le recours à des inspections régulières.
Ces profils de dégradation sont généralement construites pour inclure les actions de
maintenance de routine durant la durée de service. Elles influencent la vitesse de dégradation,
et les négliger conduirait à des durées de service plus courtes, mais sous ces actions de
maintenance seules, sans réparations ou réhabilitations substantielles, un ouvrage aura une
durée de service en réalité bien inférieure aux valeurs habituelles de 75 et 100 ans.
Indépendamment du caractère vieillissant d’une structure, l’obsolescence est également un
paramètre qui peut réduire la durée de service d’un ouvrage. Elle se traduit par un changement
dans les exigences de performance (liées à des évolutions réglementaires), ou à une
exploitation différente. Ces changements conduisent à relever les exigences de performance et
donc le seuil admissible. Un tel problème se rencontre dans l’augmentation des charges
routières qui peuvent imposer des contraintes et des efforts plus importants ou plus fréquents.
On peut cependant identifier trois facteurs à cette obsolescence :
les changements technologiques influencent les objectifs et les niveaux de service ;
c’est le cas des charges d’exploitation plus élevées que celles utilisées pour la
conception de l’ouvrage ;
les changements réglementaires impliquent de nouvelles contraintes de sécurité qui
nécessitent la modification des voies de circulation ;
les changements socio-économiques peuvent altérer substantiellement la demande,
comme la création de zones industrielles qui mènent à un accroissement du trafic en
volume et en poids.
Dans la plupart des cas, les structures obsolètes continuent souvent de remplir leurs fonctions,
mais avec des niveaux de performance inférieurs aux nouvelles exigences. Dans ce cas, un
ouvrage peut être conserver avec une limitation de tonnage.
Dans la majorité des cas (et ce devrait être même un principe de bonne gestion !), un ouvrage
n’est pas laissé suivre la courbe de dégradation jusqu’à consommer les exigences de
performance sans interventions. L’autorité responsable de sa gestion aura engagé de temps en
temps des actions de réparation qui conduiront à améliorer le niveau de performance
(Figure 2). Le challenge qui est posé au gestionnaire est alors de spécifier de manière
économiquement et techniquement réaliste ces interventions sur l’horizon d’intervention.
Cette séquence d’interventions et d’actions est souvent dénommée profil d’activité du cycle
de vie.
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Horizon d’intervention
Temps
Per
form
ance
Performance admissible
Maintenance Temps
Co
ûts
Const
ruct
ion
Rép
arat
ion
s
Rép
arat
ion
s
Maintenance Maintenance
Figure 2. Profil d’activité et de dépenses sur un ouvrage (réparations ou remplacements)
Les différentes activités ou interventions sont en général associées à des coûts comme
l’indique la figure 2. Ce profil de dépenses (pouvant également inclure les coûts d’usager liés
à des détours) montre leur importance et leur moment d’occurrence.
La figure 3 donne deux exemples d’évolution de la performance. Le premier (en gras)
représente l’évolution de la performance de capacité portante liée à une dégradation. Cette
dégradation se traduit par trois cycles ; le premier se termine lorsque les exigences en
durabilité (performance de durabilité) sont atteintes ; à cet instant, la performance commence
à décroître et à être entamée. Le second cycle correspond à la perte d’aptitude au service
(performance d’aptitude au service) pouvant être caractérisée par le dépassement d’un état
limite de service ; enfin le troisième cycle est caractérisé par la perte de capacité portante
lorsque le seuil admissible de performance exigé est atteint. Ce type de profil de performance
décrit très bien la dégradation de section en béton armé par corrosion. Le premier cycle
correspond à l’attaque des armatures par des chloruration ou carbonatation. Le second cycle
décrit une ouverture de fissure limite autorisée (ouverture favorisée par le gonflement par
corrosion des armatures). Le troisième cycle est la perte de capacité portante.
La courbe en trait continu illustre le profil de performance dans le cas d’interventions
successives pour « redresser » le niveau de performance au cours du temps. L’instant qui
correspond au franchissement de la performance minimale acceptable est alors le dernier
instant pour engager une action. En effet, au-delà de cet instant, le niveau de performance ne
correspond plus au niveau prescrit. Cet instant n’est d’ailleurs pas nécessairement le plus
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optimal par rapport aux coûts de maintenance. Il dépend également de la qualité des
inspections et de leur fiabilité [Cremona, 2003].
Inte
rven
tio
n
Perte de
durabilité
Mes
ure
de
per
form
ance
Perte d’aptitude
au service
Perte de sécurité structurale Temps
Inte
rven
tio
n
Inte
rven
tio
n
Seuil admissible
de performance
Temps maximal d’intervention
Figure 3. Profils d’évolution de la performance au cours du temps
6. Indicateurs de performance
Toutes les activités de la gestion des ouvrages sont essentiellement destinées à répondre à
deux questions. La première est de déterminer les types d’interventions, si nécessaires. La
seconde est de préciser si la gestion est en elle-même efficace. Pour s’assurer de l’efficacité
d’une stratégie de gestion, il est indispensable de disposer d’indicateurs de performance.
Le concept de base de l’évaluation repose sur la définition d’un indicateur I (rating factor,
dans la terminologie anglo-saxonne) qui représente la sécurité structurale d’un ouvrage. Cet
indicateur peut être déterministe ou probabiliste et peut inclure ou non des données
spécifiques sur l’ouvrage.
Si cet indicateur I prend des valeurs supérieures à 1, la sécurité structurale sera considérée
comme assurée. Dans le cas contraire, cette sécurité ne pourra être assurée sans intervention.
Il convient de signaler que la valeur de cet indicateur peut constituer un outil de
« prioritisation » pour un élément d’ouvrage.
Quatre approches peuvent être employées, chacune nécessitant des efforts de calcul et de
complexité différents. En pratique, les calculs les plus simples devront être menés en priorité
avant de s’engager dans une approche plus complexe. Cette démarche très pragmatique
d’avancer dans l’évaluation en recourant à des modèles et des approches de sophistication
croissante, a largement été développée dans le projet européen BRIME [BRIME, 2001].
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6.1. Approche semi-probabiliste simple
L’approche la plus simple est de réaliser une évaluation semi-probabiliste simple basée sur
les critères de vérification des règlements de conception. Elle est celle la plus pratiquée en
France, en raison de l’absence de règlement spécifique d’évaluation des ouvrages existants.
La vérification d’un élément pour un état limite quelconque peut s’exprimer par la condition :
(1)
où R (.) est une fonction de toute les variables de résistance, S(.) dénotant celle des actions.
Les valeurs ƒic, F jc correspondent à une propriété de résistance de l'élément et une action
appliquée. Pour les résistances, ce sont en général des valeurs caractéristiques qui sont des
valeurs ayant des probabilités très faibles d'être inférieurement dépassées. Les actions sont
définies par des valeurs caractéristiques Fjc estimées ne pas être supérieurement dépassées
plus d'une fois sur 10n pour une période d'occurrence dans la vie de la structure. Les
coefficients fi, Fj sont les coefficients partiels de sécurité. Rd, Sd représentent des
coefficients partiels de sécurité destinés à couvrir d'une part les incertitudes de modèle des
résistances et des propriétés géométriques, et d'autre part celles du modèle structural et des
actions1.
L’indicateur d’évaluation Isp (sp=semi-probabiliste) est donc défini par :
(2)
Si Isp > 1,0, la sécurité structurale est considérée comme vérifiée. Dans le cas contraire, deux
solutions sont envisageables : intervenir sur l’ouvrage (restrictions, renforcements…) ou
affiner l’évaluation.
Nous ne détaillerons pas dans ce rapport cette approche qui présente de nombreuses lacunes.
En effet, il convient d’insister sur le fait que les règles inscrites dans les règlements de
conception ne sont valides que dans un certain contexte. Aussi, afin d’être applicables, un
ouvrage doit donc se conformer aux règles de conception suivant un certain nombre de
points :
les types d’ouvrages réalisés,
les méthodes utilisées dans l’analyse structurale,
la qualité des matériaux et de la construction,
1. Le format semi-probabiliste introduit d'autres coefficients. Par exemple, dans le cas de l'Eurocode 1, des coefficients de
combinaison, jF
, et de conversion, if
sont associés aux actions pour tenir compte des conditions de leurs combinaisons et des
effets de la durée de la charge, des effets de volume, d'échelle, d'humidité, de température… sur les résistance.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
la condition actuelle du trafic,
l’état de l’ouvrage,
les erreurs les plus couramment constatées.
Pour une évaluation, des situations peuvent survenir rendant inapplicables les règlements à
cause de conditions structurales particulières ou à cause de la présence de détails constructifs
non conformes. Ainsi, l'introduction et la prise en compte des incertitudes peut concourir à
répondre à un besoin de rationalisation de l'évaluation de la sécurité. Diverses raisons le
motivent :
on ignore souvent l'évolution des charges dans le temps,
les propriétés des matériaux sont également susceptibles d'évoluer dans un sens
défavorable telle que la corrosion, la perte de durabilité ou la fatigue,
les éléments réels sont souvent différents des éprouvettes sur lesquelles leurs
performances ont été mesurées,
les études de sensibilité aux erreurs de modélisation du comportement des ouvrages
sont généralement omises,
les malfaçons d'exécution sont malheureusement statistiquement inévitables,
des sujétions de réalisation découverte au moment de l'exécution des travaux peuvent
conduire à des solutions de substitution qui entraînent un comportement d'ensemble de
la construction légèrement différent de celui prévu au projet.
Pour des structures existantes, une évaluation rationnelle de la performance nécessite une
connaissance parfaite du comportement des structures et de tous les mécanismes de
dégradation. Ceci est illusoire et ces incertitudes font qu'une vérification semi-probabiliste
simple basée sur des coefficients partiels de sécurité ne tenant pas en compte des spécificités
des ouvrages peut s'avérer très peu représentative de ce que l’on cherche à évaluer ! Il faut
également faire remarquer que les coefficients de sécurité couvrent des incertitudes de mise
en œuvre sur des matériaux récents et donc peuvent être sans rapport avec ceux d'une
structure ancienne. Aussi, les coefficients partiels de sécurité peuvent-ils être réduits tout en
maintenant un degré de sécurité identique.
Les règlements incluent également un large degré de généralisation en termes de sécurité et de
chargement. Ceci peut être efficace pour les études de conception parce que les calculs
deviennent aisés et parce que les coûts induits sont marginaux dans le budget d’un ouvrage
neuf. Dans le cas d’une réparation ou d’un confortement, le niveau de sécurité demandé ou la
capacité portante ne peuvent parfois pas être obtenus à partir de règlements généraux. Le
résultat peut conduire à des projets onéreux.
Il est donc clair que l’établissement de principes et de procédures propres à une évaluation de
pont existant est souhaitable et souhaité parce que certains aspects de l’évaluation sont basés
sur une approche qui diffère substantiellement d’une conception et nécessite une connaissance
bien au-delà des champs d’application des règlements. Une approche prenant en compte les
spécificités et les incertitudes liées aux variables semble constituer un critère réaliste
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
d’évaluation de la performance. Des indicateurs de performance plus évolués que l’indicateur
semi-probabiliste simple existent ; il s’agit de l’approche probabiliste simple, de l’approche
semi-probabiliste actualisée et de l’approche probabiliste actualisée.
6.2. Approche probabiliste simple
Une deuxième approche consiste à recourir à une évaluation probabiliste. Cette méthode peut
apparaître pertinente si des informations spécifiques sont déjà disponibles sur les
caractéristiques du trafic ou sur les variables de résistance. Dans ce cas, l’indicateur
d’évaluation Ip (p=probabiliste) est défini par :
(3)
Comme pour l’indicateur Isp, si Isp > 1,0, la sécurité structurale est considérée comme vérifiée.
Dans le cas contraire, deux solutions sont envisageables : intervenir sur l’ouvrage
(restrictions, renforcements…) ou affiner l’évaluation par des résultats d’investigations
complémentaires. 0
dénote l’indice de fiabilité cible ou admissible imposé pour l’évaluation
(il peut différer de celui utilisé dans le règlement de conception).
Figure 4. Evolution des indicateurs de performance pour une section de pont en béton armé pour diverses classes de durabilité
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
La figure 4 donne un aperçu de l’évolution de cet indicateur de performance au cours du
temps pour une section de pont soumise à des catégories différentes de risque potentiels par
corrosion [Cremona, 2004], [Silva, 2005]. Ces catégories ou classes reposent sur les
recommandations du guide de l’Association française de génie civil [AFGC, 2004] qui vise à
fournir une meilleure connaissance des propriétés relatives à la durabilité du béton (armé) et
de ses constituants, et des éléments pour mettre en place de moyens pour maîtriser cette
durabilité. Il propose une méthodologie pour la mise en œuvre d’une démarche
performantielle, globale et prédictive de la durabilité des structures en béton (armé), basée sur
la notion d’indicateur de durabilité. Cette méthodologie vise à obtenir un béton apte à
prémunir les ouvrages neufs d’une dégradation donnée et à partir de cela garantir une durée de
vie plus étendue. Elle porte sur les concentrations en portlandite, la porosité du béton, la
concetration critique en chlorures, l’humidité relative… Appliquée à un ouvrage en béton
armé dimensionné par le règlement BAEL89, l’évolution de l’indicateur probabiliste simple
de performance de capacité portante de deux ponts présente des différences notables suivant
l’agressivité (faible à élevé) de l’environnement et du niveau de durabilité du matériau. Cette
figure met en évidence un palier suivi d’une décroissance de l’indicateur. Cette décroissance
est marquée par le début de la corrosion dans certaines armatures, conduisant de fait à une
perte de capacité portante. L’indice de fiabilité cible correspond à celui sous-jacent dans le
dimensionnement par le BAEL. A titre d’illustration, la figure 5 donne les indices de fiabilité
acceptables pour une famille d’ouvrages isostatiques identifiés par leurs longueurs L, leurs
nombres de poutres g, d’entretoises b, et de voies de circulation l. Le cas de chargement le
plus défavorable a été pris en compte dans le calcul.
Figure 5. Évolution des indices de fiabilité 0
des ponts à 10, 20 et 30 m de portée
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
6.3. Approche semi-probabiliste actualisée
L’objectif est de réduire les incertitudes sur les diverses variables pour obtenir une évaluation
plus pertinente. L’indicateur d’évaluation Isp,a (sp=semi-probabiliste, a=actualisée) est défini
par :
(4)
Les coefficients partiels de sécurité des variables de résistance sont également modifiés par
des facteurs correctifs. Ces facteurs correctifs portent sur les actions (iF), sur les résistances
(if) et sur les erreurs de géométrie et de modélisation structurale (
dR,
dS).
Comme pour les indicateurs précédents, si Isp,r prend une valeur inférieure à 1, une évaluation
plus fine, probabiliste mais basée sur des données spécifiques, peut apporter une amélioration
dans l’évaluation de la sécurité structurale. Toute la difficulté d’une telle approche est la
tabulation de ces coefficients correctifs en fonction des informations complémentaires
spécifiques que l’on possède sur les résistances et les sollicitations (ainsi que de leur qualité),
et des modélisations retenues (passage d’un modèle de résistance des matériaux à un modèle
aux éléments finis complexe). Si l’on reprend l’exemple de la capacité portante de sections de
pont à poutres en béton armé (Figure 4), on note très nettement une marge de sécurité dans
l’indicateur de performance. Cette marge est due au fait que l’indice de fiabilité acceptable est
calculé avec les charges d’exploitation les plus défavorables, alors que l’indice de fiabilité de
la section est évalué avec les seules charges de trafic. Ce gain de sécurité peut donc se traduire
de manière duale par une réduction des coefficients de sécurité, résultat particulièrement
intéressant dans l’évaluation de la capacité portante d’ouvrages existants dégradés. Le tableau
1 donne un exemple de la modification des coefficients partiels de sécurité �b, � S, � Q
(portant sur la résistance du béton à la compression, sur la résistance à la traction de l’acier et
sur les charges de trafic, avec pour valeurs initiales 1,5, 1,15, 1,35 – le coefficient partiel de
sécurité des charges permanentes est 1,35 et reste non modifié) pour deux ouvrages et 2
profondeurs d’enrobage standards. Ti, Tfissure, Tservice, Téclat, T10% représentent l’instant
d’amorçage de la corrosion (carbonatation ou attaque par chlorures), celui de la première
fissuration du béton, d’une ouverture de fissure de 0,3mm, d’une ouverture de fissure
excessive de 1,0mm, et de réduction de 10% du premier lit d’armatures.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
L205p5e3v ; enrobage = 4cm
iT fissureT
serviceT
éclatT
10%T
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
µ 1,39 0,92 0,72 1,38 0,92 0,72 1,39 0,92 0,72 1,38 0,92 0,73 1,40 0,93 0,82
0,01 0 0,01 0,01 0 0,01 0,01 0 0,02 0,01 0 0,02 0,01 0,01 0,03
L205p5e3v ; enrobage = 3cm
iT fissureT
serviceT
éclatT
10%T
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
µ 1,40 0,92 0,73 1,39 0,92 0,73 1,39 0,92 0,73 1,38 0,92 0,74 1,40 0,93 0,82
0,01 0 0,02 0 0 0,02 0 0 0,02 0 0 0,02 0 0 0
L204p8e3v ; enrobage = 3 cm
iT fissureT
serviceT
éclatT
10%T
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
1
b
1
s
1
Q
µ 1,39 0,91 0,70 1,39 0,91 0,71 1,39 0,91 0,72 1,39 0,91 0,72 1,40 0,92 0,78
0 0 0,01 0 0 0,01 0 0 0,01 0 0 0,01 0 0 0.01
Tableau 1. Exemple de réduction de coefficients partiels de sécurité
6.4. Approche probabiliste actualisée
Comme pour la méthode précédente, il s’agit d’utiliser les données d’inspection et
d’auscultation pour actualiser la probabilité de défaillance au moment de l’évaluation :
(5)
Si cet indicateur est inférieur à 1, des inspections ou des auscultations plus complètes peuvent
être éventuellement prescrites : le renforcement ou des restrictions de circulation peuvent
alors être nécessaires.
L’analyse bayésienne est un cadre probabiliste adapté à cette actualisation. L’information
additionnelle fournie par les données d’inspection peut être de deux types : quantitative ou
qualitative. Chaque type est un événement associé à une marge d’événement H (construite de
façon similaire à une marge de sécurité ou fonction d’état limite) et à une probabilité
d’occurrence. Les résultats qualitatifs sont des données par exemple sur la détection ou la non
détection d’un événement lié à un phénomène particulier. Les résultats quantitatifs
d’inspection correspondent à des mesures. En clair, l’information quantitative sera utilisée
pour réévaluer la sécurité structurale après une série de mesures. L’information quantitative
sera employée dans la maintenance conditionnelle où seuls des résultats généraux (tels que
détection ou non détection) sont attendus après une inspection. La Figure 6 donne un exemple
de cette actualisation pour une section en béton armé soumise à la flexion. Une mesure de
courant de corrosion est réalisée à 45 ans (6 A/cm2). On constate très nettement que
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
l’actualisation de l’indice de fiabilité est fortement dépendante de l’incertitude sur le résultat
de mesure. Plus grande est cette incertitude, plus petit est l’effet de l’actualisation ; dans le cas
de résultats d’inspection fortement entachés d’incertitude, aucune raison ne justifie que leurs
prises en compte soient plus importantes que les incertitudes du modèle initial. Cette
sensibilité à la qualité des résultats d’inspection est importante et souvent négligée.
Figure 6. Actualisation de la perte de performance de sections en béton armé
Dans un tout autre registre, la Figure 7 donne des exemples de recalage à un instant donné de
l’indice de fiabilité d’un assemblage soudé vis-à-vis du risque de fissuration par fatigue dans
le cas où une fissure est détectée à t=35 ans et pour diverses qualités de matériels de détection
(représentés par des seuils de détection de fissure différents). Ici, l’inspection ne fournit pas
de résultats quantifiés, mais la présence ou non d’une fissure.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
-4.00
-3.00
-2.00
-1.00
0.00
1.00
2.00
3.00
4.00
5.00
6.00
10 20 30 40 50 60 70
Années
Ind
ice
de
fiab
ilit
é
pas d'inspection ad=0.5mm ad=1.0mm ad=2.0mm 5.0mm
35 ans
Figure 7. Evolution de la fiabilité d’un assemblage vis-à-vis de la fatiguesuivant des seuils de détection différents
6.5. Principes de base pour l’évaluation des ouvrages existants
Comme nous l’avons rappelé dans les paragraphes précédents, une évaluation d'un pont
existant peut être lancée pour un certain nombre de raisons :
introduction de nouveaux règlements sur les charges,
modification des fonctions de l’ouvrage,
dégradations impliquant une perte d’aptitude au service ou de capacité portante
La première étape dans une méthodologie d'évaluation est une évaluation déterministe
utilisant les critères de vérification définis dans des normes courantes de conception. Cette
méthode est pertinente lorsque l’ouvrage évalué n'a pas été conçu suivant les règlements
actuels ou a été soumis à des changements de service ou à des altérations structurales.
L’indicateur de performance appliqué est l’indicateur semi-probabiliste simple auquel
éventuellement de réductions de charges (si une limitation de tonnage existe) sont introduites.
Dans les cas où la performance n’est pas vérifiée (indicateur inférieur à 1), une analyse
probabiliste en fiabilité peut être engagée pour indiquer que la performance est en fait
adéquate. Cette analyse en fiabilité peut également faciliter la planification de l’acquisition de
données [Cremona, 2004].
Une amélioration de l’évaluation peut être obtenue en recourant à une analyse en fiabilité du
pont en utilisant des modèles probabilistes . La détermination des modèles probabilistes
peut se faire sur la base de connaissances éventuelles des propriétés de l’ouvrage (analyse des
documents disponibles) ou sur la base de données de littérature (bases de données). Le calcul
de l’indicateur de performance probabiliste simple présente l’avantage d’éviter les
simplifications conservatrices qui existent dans les modèles déterministes des sollicitations et
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
des résistances. L'évaluation s'arrête si l’indicateur pour tous les éléments structuraux est
vérifié.
Si la performance du pont n'est pas vérifiée par les analyses semi-probabiliste ou probabiliste
simples en utilisant des modèles par défaut des sollicitations et des résistances, deux
approches restent envisageables ; des données supplémentaires peuvent être rassemblées ,
ou une intervention doit être projetée . Cependant, il est plus approprié de poursuivre
l'évaluation puisque le gain en coûts d’intervention sera probablement plus grand que le coût
en collecte de données.
Des données complémentaires sont rassemblées afin d’actualiser les modèles semi-
probabilistes et probabilistes des sollicitations et des résistances. Dans ces cas il est nécessaire
de déterminer les caractéristiques probabilistes des variables. Ces caractéristiques seront alors
employées directement dans l'analyse en fiabilité ou pour la calibration de coefficients de
réduction à appliquer aux coefficients partiels de sécurité. Des modèles de calcul plus
sophistiqués peuvent également être introduits et nécessiter une modulation des coefficients
de modélisation.
Une fois que des caractéristiques spécifiques sont disponibles, des modèles semi-probabilistes
actualisés peuvent être dérivés pour l'usage dans une évaluation semi-probabiliste . Le
recours à ce stade d’une évaluation semi-probabiliste s’explique par l’usage dominant d’outils
informatiques déterministes dans les bureaux d’études. Si la performance n’est pas vérifiée au
moyen de l’indicateur de performance semi-probabiliste actualisé, le choix entre une
analyse probabiliste actualisée ou une intervention s’impose.
L’approche la plus rationnelle repose sur une analyse probabiliste actualisée . L’indicateur
semi-probabiliste actualisé nécessite une calibration de coefficients de réduction qui, s’ils
peuvent être associés à des spécificités constatées sur l’ouvrage, couvrent des plages
d’incertitudes et induisent donc une perte de pertinence dans l’évaluation. L’indicateur
probabiliste actualisé présente donc les meilleures garanties de prise en compte des données
disponibles. Dans le cas où cet indicateur de performance n’est pas acceptable (inférieur à 1),
deux stratégies sont possibles : réduire les incertitudes par des données complémentaires
ou planifier des interventions de maintenance .
Une action d’intervention peut être décidée pour n’importe quel indicateur de performance.
Mais il est aujourd’hui acté que toute information complémentaire réduit les incertitudes liées
au processus d’évaluation. Les données disponibles doivent être non seulement utilisables par
les modèles, mais également présenter des niveaux de fiabilité suffisant.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
La figure 8 synthétise les différentes étapes de ce processus d’évaluation introduisant les 4
indicateurs de performance.
Figure 8. Méthodologie d’application des indicateurs de performance
7. De la performance à la maintenance
La maintenance des ouvrages a deux objectifs principaux. Le premier est de maintenir les
performances (et donc les fonctions) de l'infrastructure en concevant et menant de manière
efficace les interventions, inspections, réparations, remplacements, renforcements. A ce titre,
les résultats des inspections, des essais et des évaluations doivent être suffisamment précis
pour y répondre. Le second objectif est de fournir l’information pour programmer les besoins
financiers, ce qui implique notamment une hiérarchisation des interventions par priorité.
Afin d’être tenu informé de problèmes éventuels et d’aider à rationaliser les décisions à
prendre sur le plan technique comme économique, des méthodologies de gestion des
ouvrages, souvent connectés à des systèmes informatiques, ont été développés. Initialement,
ces méthodologies se sont limitées à une normalisation des procédures d’inspection et de
constitution de bases de données. Elles s’enrichissent aujourd’hui de procédures de traitement
permettant la prise de décision. L'architecture globale des systèmes de gestion des ouvrages
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
est donc constituée de méthodes, de modèles analytiques, d’outils de traitement, de processus
organisationnels et d’une ou plusieurs bases de données. Ces systèmes fonctionnent sur deux
niveaux : un niveau individuel et un niveau global. Le niveau individuel traite principalement
de la gestion technique et économique d’une structure particulière (un pont, un barrage…) ; le
niveau global porte sur la gestion économique et politique d’un parc d’ouvrages (homogène
ou hétérogène). Bien entendu, ces niveaux interagissent, puisque le niveau global fonctionne
comme la concaténation des informations individuelles et inversement, la politique de gestion
du parc aura une influence sur la gestion des ouvrages individuels. Nous n’aborderons ici que
l’aspect individuel de la gestion des ouvrages.
7.1. Types de maintenance
Deux grandes stratégies de maintenance peuvent s'appliquer aux éléments structuraux d'un
ouvrage. Il s'agit des stratégies de maintenance corrective et préventive. Le recours à l'une ou
l'autre de ces stratégies diffère suivant l'élément considéré, mais aussi le type de structure et la
politique d'exploitation et de suivi.
Une maintenance corrective implique qu'une action n'est engagée qu'à partir du moment où
une perte de performance est constatée. On parlera ainsi de maintenance palliative au coté
provisoire ou curative au caractère permanent. En pratique, cette maintenance est intéressante
si les conséquences de la perte de performance ne sont pas graves et si éviter préventivement
la perte de performance est onéreux. Ainsi, si cette perte intervient, le composant sera réparé
ou remplacé. Ce type de maintenance va induire en général des coûts très faibles pendant les
premières années, puis des coûts élevés. Elle risque également d'induire des coûts indirects de
perturbation de l'infrastructure, ainsi qu'une accumulation de travaux de maintenance.
Une maintenance préventive implique de réduire la probabilité de défaillance ou de
dégradation de l'ouvrage. On distingue alors la maintenance systématique et la maintenance
conditionnelle. Dans le cadre d'une maintenance systématique, les actions de maintenance
sont régulièrement effectuées quel que soit l'état de l'élément. Ce type de maintenance peut
conduire à des coûts élevés, mais réduit le risque de perturbation dans le service de
l'infrastructure. C'est par exemple le cas du nettoyage de petites parties visibles sur les ponts
(caniveaux,…) ou le changement de pièces mécaniques d’usure dans des machines.
Dans le contexte d'une maintenance conditionnelle, les interventions (nombre et type) sont
fonction de l'état de l'élément et des résultats d'inspection. Des réparations peuvent ainsi être
décidées suivant ces résultats. Les instants d'inspections peuvent être prédéterminés, les
intervalles de temps entre chacun de ces instants pouvant être identiques ou différents.
Une maintenance préventive est intéressante si les coûts induits par la perte de performance
sont élevés et si les coûts de réparation et d'inspection sont relativement faibles par rapport
aux premiers.
7.2. Cycles de performance et coûts d’usage
Les concepts de cycle de performance introduits précédemment s’inscrivent idéalement dans
une approche technico-économique de l’évaluation du coût d’un ouvrage pendant toute sa
durée de vie, de sa conception à la fin de sa durée d’usage (y compris sa démolition). Il s’agit
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
donc de quantifier les coûts actualisés (c’est-à-dire ramenés en données monétaires actuelles)
des diverses actions prises durant la vie de la structure. La somme de ces différents coûts
actualisés représente le coût actuel net de l’ouvrage. Cette analyse vise donc à évaluer les
investissements nécessaires aujourd’hui pour réaliser ces actions dans le futur. Ceci permet de
déterminer le coût global d’un ouvrage, incluant les coûts de conception, de construction, de
maintenance, de réparation, de réhabilitation, de perturbation d’exploitation et de démolition.
Dans ce contexte, les décisions relatives à la gestion d’un ouvrage ou structure particulière
sont :
la stratégie de maintenance,
la méthode de gestion,
la durée d’application de la maintenance,
l’âge d’application de la maintenance.
La stratégie de maintenance est souvent une décision politique. Il s’agit en particulier de
retenir la stratégie appropriée qui minimise les coûts et maximise l’efficacité de la
maintenance. Les options de la maintenance incluent :
ne rien faire jusqu’à ce que la structure devienne non sure ou inapte au service, ou
qu’un renforcement ou des restrictions d’utilisation soient nécessaires ;
mener des actions préventives afin de réduire la vitesse de dégradation en évitant ou
retardant des travaux de réparation, de renforcement ou des restrictions d’usage ;
intervenir en fonction des résultats d’inspection suivant des calendriers d’inspection
prédéfinis ou optimisés. Suivant les résultats d’inspection, plusieurs choix possibles du
laisser-aller au renforcement.
Le remplacement de la structure lorsque celle-ci ne remplit plus ses fonctions (perte de
performance) est une alternative au renforcement et le choix entre ces deux stratégies repose
essentiellement sur une décision d’ordre économique.
7.3. Maintenance conditionnelle
Nous nous limiterons dans ce paragraphe à présenter des résultats liés à la maintenance
conditionnelle. Nous renvoyons le lecteur à la référence [Cremona, 2003] pour de plus amples
renseignements sur les autres types de maintenance. Pour une maintenance conditionnelle, les
interventions sont conditionnées par les résultats d’inspection. Les instants d’inspections
peuvent être espacés régulièrement ou non. De façon analogue à la stratégie préventive, une
contrainte de fiabilité exprimée par une probabilité de défaillance acceptable doit être vérifiée.
Supposons que la durée d’usage soit divisée en n inspections. Dans le cas d'une maintenance
conditionnelle, il est important de définir les critères conditionnant les actions à entreprendre
suivant les éventualités rencontrées (Figure 9).
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
Inspection
Intervention
Défaillance
Figure 9. Arbre d’événements pour une maintenance conditionnelle
Nous présentons ici une application particulière de la maintenance préventive à l'optimisation
des inspections d'assemblages soudés fissurés par fatigue. La marge de sécurité est définie par
la non atteinte d'une profondeur de fissure critique. Elle combine donc d'une part un modèle
de propagation de fissure (loi de Paris) pour estimer l'endommagement par fatigue au cours du
temps avec d'autre part un modèle de rupture fragile ou ductile pour la détermination de la
fissure critique. L'efficacité des inspections est introduite dans les marges d'événement au
travers de la qualité d'inspection. Cette qualité est liée à la technique employée et est
représentée par la probabilité de détecter une fissure de dimension donnée. Cette probabilité
revient en fait à définir un seuil de détection d'une fissure pour la technique d'inspection
considérée. Cette plus petite fissure détectable est alors une variable aléatoire pour tenir
compte des incertitudes sur la mesure. Le problème posé consiste à déterminer un instant de
prochaine inspection 1t qui minimise le coût total moyen de maintenance, sous réserve qu'un
seuil de fiabilité 0
ne soit pas dépassé. La stratégie adoptée ici est de réparer toute fissure
détectée. Les figures 10-11 donnent l'évolution des coûts moyens totaux minimaux de
maintenance et des instants d'inspection optimaux correspondants pour diverses qualités
d'inspections exprimées par une valeur moyenne et un coefficient de variation.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
Figure 10. Coûts optimaux de maintenance
Pour des techniques dont les seuils de détection sont compris entre 0,5 et 1,5 mm, des coûts
totaux minimaux sont obtenus. Cela correspond à des instants d'inspection compris entre 20 et
30 ans. Les taux d'intérêts peuvent changer considérablement ces résultats. Une modification
de 4 % (comme dans les exemples précédents) à 8 % fait chuter les coûts totaux d'un facteur
3. L'influence des coûts d'inspection sur le résultat de l'optimisation est par contre assez
faible. La réparation n'affecte pas considérablement les optimaux technico-économiques, sauf
dans le cas de seuils de détection très faibles. Dans la logique d'une réparation systématique
après détection, la réparation intervient trop tôt (seuil de détection très performant) ce qui
conduit à des interventions très certainement prématurées. Le coût de défaillance est par
contre d'une influence considérable sur l'optimisation et la détermination des instants
d'inspection optimaux. Ils incluent divers paramètres : défaillance de l'élément, de la structure,
pertes en vies humaines… Ils sont donc à choisir avec prudence afin d'éviter des résultats trop
conservateurs.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
Figure 11. Instants d'inspection optimaux
Nombre d'inspections 1 2 3 4 5
Coût d'inspection 0.13 0.28 0.43 0.60 0.75
Coût de réparation 1.22 2.26 2.7 2.75 2.88
Coût de défaillance 2.77 0.02 0.0001 0.0022 0.022
Coût total 4.12 2.56 3.14 3.34 3.65
Intervalle 30 20 15 12 10
final 2.24 3.76 4.9 4.1 3.52
Stratégie 1
Nombre d'inspections 1 2 3 4 5
Coût d'inspection 0.13 0.28 0.43 0.60 0.75
Coût de réparation 0.72 0.95 1.00 1.11 1.12
Coût de défaillance 3.8 0.66 0.11 0.02 0.27
Coût total 4.66 1.89 1.6 1.73 2.14
Intervalle 30 20 15 12 10
final 1.98 2.73 3.37 3.64 3.78
Stratégie 2
Tableau 2. Exemple d'optimisation des calendriers d'inspection
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
L'analyse précédente se généralise à la détermination de calendriers optimaux d'inspection. Le
problème est alors de déterminer un intervalle d'inspection qui minimise le coût total de
maintenance sur l’horizon d’intervention T. Le nombre d'inspection est alors fixé et le coût
minimal de maintenance évalué. Cette procédure est appliquée pour plusieurs instants
d'inspection et le nombre d'inspections fournissant un coût minimal est retenu comme
l'optimum global. Une contrainte sur la fiabilité est exercée sur l'optimisation technico-
économique, c'est-à-dire . L'exemple suivant donne les résultats pour deux
stratégies de maintenance préventive conditionnelle : réparation systématique après détection
d'une fissure au cours de l'inspection (stratégie 1), réparation après que la fissure ait atteinte
un seuil conventionnel (stratégie 2). Dans ce second cas, une fissure peut être détectée mais
non réparée. Le temps d’intervention est fixé à 60 ans et l'indice de fiabilité minimal
acceptable à 3,5.
Le tableau 2 donne les résultats des optimisations et les calendriers optimaux pour les deux
stratégies. La stratégie 2 conduit à multiplier les inspections, afin de surveiller l'évolution de
la fissuration. Pour la stratégie 1, le nombre optimal d'inspection est de 2 alors que pour la
stratégie 4, il est de 4 inspections. La stratégie 4 offre cependant des coûts moyens inférieurs à
la stratégie 1 puisque les réparations ne sont pas systématiques et interviennent de façon
optimisée.
8. En guise de conclusions
La performance structurale (durabilité, aptitude au service et sécurité structurale) des
ouvrages est en général régie par des démarches institutionnelles, telles que les règlements de
conception et les systèmes d’assurance qualité. Sont-elles cependant suffisantes dans
l’évaluation de leur performance et de leur durée de vie résiduelle face à des aléas potentiels
(dégradations, chargements extrêmes…) ? Les études menées au LCPC ont mis en évidence
que ce n’était pas le cas. En premier lieu, la prise en compte de l’évolution de la performance
est indispensable pour la gestion d’un ouvrage. En second lieu, il est essentiel de mieux
considérer les spécificités des ouvrages.
Le noyau central du contrôle de la performance structurale réside dans les coefficients de
sécurité ou, dans leurs versions modernes, dans les coefficients partiels de sécurité. Ces
notions sont à relier avec les concepts de probabilité de défaillance. Cependant, pour des
raisons techniques, ces concepts sont simplifiés dans un processus de calibration
réglementaire. Le résultat est que la probabilité de défaillance devient une valeur nominale.
Pour des règlements de conception, cette estimation est de plus basée sur des propriétés de
résistance et de charges prédéfinies. Ce processus de calibration conduit également à définir
des coefficients partiels de sécurité couvrant une grande variété de structures. Parce que ces
coefficients s’appliquent de manière générique et non de manière spécifique, la probabilité de
défaillance réglementaire ne donne pas une estimation correcte de la véritable probabilité de
défaillance d’une structure particulière conçue avec le règlement. Cela explique notamment
pourquoi l’application de règles de conception pour la vérification de la sécurité structurale
d’un ouvrage existant tend à être conservatrice.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
Au cours des dernières années, l'état de dégradation du parc des ouvrages a été tel que le
volume des travaux nécessaires a atteint des proportions ingérables dans de nombreux pays, y
compris développés. Certains d'entre eux se sont vus en outre confrontés à la nécessité
d'augmenter la capacité portante de leurs ponts. Les budgets d'entretien, de réparation et de
réhabilitation étant limités et les besoins toujours croissants, trouver un équilibre optimal
entre coût et sécurité constitue aujourd'hui un enjeu fort en matière de maintenance des
ouvrages d'art.
L'évaluation des ouvrages consiste à déterminer leur capacité portante en fonction du
chargement spécifié. Un pont qui satisfait l'évaluation est un pont dont on peut montrer,
généralement par le calcul et en utilisant des méthodes analytiques courantes, qu'il est capable
de supporter toutes les combinaisons de charges d'exploitation à prendre en compte pour
l'évaluation. Un pont qui n'est pas capable de supporter ces combinaisons de charge peut être
désigné comme sous-dimensionné. L'objectif de l'évaluation d'un ouvrage est donc en premier
lieu d'estimer rapidement et avec un minimum d'efforts le degré de sécurité d'un pont existant.
Les critères et les règles d'évaluation doivent néanmoins être établis avec rigueur et de
manière judicieuse. Si les évaluations sont indûment conservatrices, les structures seront
inutilement renforcées, ou bien des limitations de tonnage seront inutilement imposées.
Inversement, si les règles sont trop souples, certains ponts risquent, de fait, de s'effondrer en
service.
L'évaluation des ponts existants est très semblable au calcul des ponts neufs. Les mêmes
principes fondamentaux sont à chaque fois au cœur du processus. Une différence importante
réside néanmoins dans le fait que, lors du calcul initial, être conservateur est généralement
une bonne chose, qui peut être obtenue moyennant un faible coût supplémentaire, tandis que
lors de l'évaluation d'un pont existant, il est important d'éviter toute disposition conservatrice
inutile à cause des lourdes conséquences financières qu'entraînerait le fait de conclure, sans
raison valable, que le pont est sous-dimensionné. Il convient donc d'élaborer des méthodes et
des outils adaptés de manière à effectuer les évaluations aussi correctement que possible.
Lors de l'évaluation d'un pont existant, l'ingénieur peut éliminer certaines des incertitudes
qu'il avait fallu prendre en compte lors du dimensionnement initial. Il lui est par exemple
possible d'établir la résistance réelle du béton ou de l'acier utilisés ; les dimensions des
composants peuvent également être mesurées et les poids propres déterminés. Ceci signifie
que les coefficients partiels utilisés pour le dimensionnement initial, qui visaient à s'affranchir
des variations de ces paramètres, deviennent relativement redondants dans le cadre de
l'évaluation d’un ouvrage existant. Par ailleurs, un nombre important d'incertitudes demeure et
de nouvelles peuvent être apparues depuis le calcul initial.
Une approche plus rationnelle de l'évaluation consisterait donc à modéliser toutes les
incertitudes sur les variables sous-jacentes (et donc à en tenir compte), puis à calculer la
probabilité de défaillance réelle du pont. La modélisation directe de toutes les incertitudes
présente également l'avantage de permettre la prise en compte des particularités importantes
du pont considéré et éviter ainsi le conservatisme inhérent aux coefficients partiels, calibrés
pour couvrir une gamme de ponts étendue. La théorie de la fiabilité des structures, qui
exprime la sécurité structurale en termes probabilistes, peut constituer une réponse pertinente.
Mais une telle approche présente certaines difficultés, tant numériques que théoriques et
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vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
pratiques. Elle constitue néanmoins une solution originale au recalcul des ponts. Le Royaume-
Uni a fait l'expérience d'une telle approche pour l'évaluation des ouvrages d'art.
La fiabilité structurale conduit à un résultat (probabilité de défaillance, ou, ce qui est
équivalent, indice de fiabilité) qui peut être utilisé comme une mesure de performance
indiquant si l’aptitude au service ou la sécurité structurale (et pourquoi pas, le niveau de
durabilité ?) est satisfaisant ou non. Mathématiquement, la probabilité de défaillance d'un
ouvrage dépend des incertitudes sur les paramètres de charge et de résistance ; elle dépend
également d'autres facteurs tels que toute erreur grossière éventuelle, évènement exceptionnel,
mauvaise qualité d'exécution, etc. Cependant, il est difficile, même dans une approche
probabiliste, d’appréhender les erreurs grossières dues à des facteurs humains ou
organisationnels, dont on sait qu'elles sont la cause de la plupart des ruines d'ouvrages. Elles
ne sont d’ailleurs généralement pas prises en compte, ni dans le dimensionnement initial, ni
dans l'évaluation. L'assurance qualité et le contrôle de la qualité constituent la meilleure
manière de les traiter.
Les méthodes de fiabilité structurale sont de plus en plus couramment employées ; elles sont
considérées comme un outil rationnel pour traiter de certaines incertitudes sur les paramètres
de calcul. L'incertitude sur chaque variable de base est modélisée à l'aide d'une fonction de
probabilité appropriée et on calcule la probabilité de défaillance - ou, ce qui est équivalent,
l'indice de fiabilité - soit pour un composant, soit pour l'ensemble de la structure. Deux types
d'incertitudes doivent être analysés :
les incertitudes sur les connaissances ; elles ne sont pas inhérentes à l'ouvrage, mais
reflètent simplement notre degré de compréhension (ou d'ignorance) du
fonctionnement de la structure ; elles sont une combinaison d'incertitudes statistiques
liées au fait que les données relatives aux variables sont disponibles en quantité
limitée et d'incertitudes "de modèle" dues aux imprécisions des méthodes de calcul
les incertitudes inhérentes aux paramètres de calcul.
Il est très important de comprendre que la fiabilité calculée pour un ouvrage est une valeur
théorique, sans réalité absolue. Elle ne doit pas être considérée comme une mesure absolue de
la sécurité d'un ouvrage donné. Elle trouve tout son intérêt dans la comparaison des fiabilités
relatives de différents ouvrages ou de différents composants.
De manière analogue, la probabilité de défaillance ne doit pas être interprétée comme une
mesure de la fréquence de défaillance que l'on peut attendre d'un ouvrage en service - au sens
où ce pont, pris parmi n ponts, s'effondrerait. D'une part, le nombre d'ouvrages analogues est
insuffisant pour que cela ait un sens et, de fait, il est rare que des ouvrages s'effondrent en
service. D'autre part, les distributions de probabilité utilisées dans une analyse fiabiliste ont
pour objectif de représenter la variabilité inhérente aux paramètres de calcul, telle qu'on
pourrait l'attendre pour les ouvrages conçus, construits, exploités et entretenus conformément
aux règles de l'art.
Les méthodes et les outils de l'analyse fiabiliste sont bien développés et sont couramment
utilisés dans un certain nombre d'industries telles que les industries pétrolières et gazières
offshore, l'industrie nucléaire et plus récemment pour certains bâtiments et ouvrages d'art
particuliers (pont du StøreBelt au Danemark, par exemple). Néanmoins, un problème fréquent
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vers une approche basée sur la notion de cycle de vie
est que les valeurs calculées de la fiabilité sont très sensibles aux lois de probabilité retenues
pour représenter les variables aléatoires de base, à la méthode d'analyse employée pour
l'évaluation des sollicitations (calcul d'un réseau de poutres croisées, calcul aux éléments
finis, etc.) et aux modèles utilisés pour le calcul des capacités portantes des composants ou du
système structural dans son ensemble.
On a montré par le passé que les évaluations probabilistes réalisées pour des ouvrages de type
analogue par des ingénieurs différents conduisaient à des résultats différents. Ceci est
essentiellement dû aux différentes hypothèses faites concernant les distributions des variables
de base et aux différentes méthodes de calcul utilisées. Afin d'assurer une meilleure cohérence
et de tirer le meilleur parti de la méthode, il est essentiel de codifier les procédures de
l'analyse en fiabilité pour les ouvrages d'art.
Pour de nombreux ingénieurs, l'évaluation probabiliste est un concept entièrement nouveau. Il
est donc de la plus grande importance que les diverses recommandations soient faciles
d'utilisation, sans ambiguïtés, et structurées de telle sorte que les ingénieurs spécialistes des
ponts puissent réaliser ces évaluations avec l'aide appropriée de spécialistes de la fiabilité.
Dans la pratique, seuls quelques ingénieurs feront appel à des techniques d'évaluation
avancées et il est réaliste d'imaginer que seuls ceux ayant une connaissance de base en matière
d'évaluation probabiliste s'attaqueront à la tâche. Néanmoins, l’existence de recommandations
est indispensable et doit inclure des exemples clairement illustrés et parfaitement traités pour
un certain nombre d'ouvrages types courants.
9. Bibliographie
AFGC, Conception de bétons pour une durée de vie donnée des ouvrages – Maîtrise de la
durabilité vis-à-vis de la corrosion des armatures et de l’alcali-réaction, 2004.
BRIME, Rapport final du Projet européen BRIME PL97-2220, 2001
Cremona C., Applications des notions de fiabilité à la gestion des ouvrages existants, Presses
de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 2003.
Cremona C., Aptitude au service des ouvrages, Etudes et Recherches du LCPC, N°48, Presses
du LCPC, 2004.
Cremona C., Sécurité structurale des ponts, Cours de Mastère Ouvrages D’Art, Ecole
Nationale des Ponts et Chaussées, 2003-2005.
Cremona C., Analyse des coûts de cycles de vie des ouvrages, Cours de Mastère Ouvrages
D’Art, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 2005.
EUROCODE 1, ENV 1991-1, Norme Européenne : Eurocode 1 : Bases de calculs et actions
sur les structures – Partie 1 : Bases de Calcul, AFNOR, Avril 1996.
Silva R., Approche probabiliste des cycles de performance des ouvrages en béton armé,
Etudes et Recherches du LCPC, N°50, Presses du LCPC, 2005.
Christian CREMONA, LCPC (France)Analyse de la performance des ouvrages existants :
vers une approche basée sur la notion de cycle de vie