comas non traumatiques -...

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Les symptômes généraux 9 Du diagnostic à la prescription © 2014, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés I 2 Comas non traumatiques E. Mathieu Prise en charge immédiate d'un patient comateux Vérification et évaluation de la profondeur du coma Évaluation et maintien des fonctions vitales Réalisation d'une glycémie capillaire En cas de surdosage en opiacé Anamnèse Prise en charge hospitalière Étiologies des comas Coma toxique Coma métabolique Coma neurologique Diagnostic différentiel des comas Traitement Le coma est défini par une altération profonde de l'état de conscience, liée au dysfonctionnement de la substance réticulée activatrice du tronc cérébral responsable de l'éveil physiologique. Les atteintes de la conscience peuvent être plus ou moins marquées (obnubilation, stupeur, coma), mais répondent à des étiologies similaires. Dans le coma, stade ultime, il n'y a pas de communication ni d'ouverture des yeux, et le patient peut être diffi- cilement, ou non, réveillé. Un coma peut être le terme de l'évolution d'une pathologie chronique par altération progressive de la conscience ou entrer dans le contexte d'un poly- traumatisme grave. Prise en charge immédiate d'un patient comateux Le coma est une urgence qui peut engager rapide- ment le pronostic vital. Sa prise en charge nécessite le recours rapide à une structure hospitalière de réanimation via le SAMU (centre 15). En attendant les secours médicalisés, le patient doit être pris en charge de la manière suivante. Vérification et évaluation de la profondeur du coma On recherche une ouverture des yeux spontanée ou à la demande, la réalisation d'un ordre simple verbal et la réaction à une stimulation douloureuse. L'échelle de Glasgow (de 3 à 15 points) est la plus pratiquée et permet, par sa bonne reproductibilité, d'évaluer l'état de conscience et de suivre son évolu- tion (tableau 2.1). Un score de 15 points témoigne de l'absence de troubles de la conscience. La réponse motrice est cotée après stimulation douloureuse. Une résistance à l'ouverture des yeux oriente vers une manifestation oppositionnelle post-critique ou une simulation. La persistance d'une ouverture des yeux et de mou- vements de suivi des globes oculaires évoque un « locked-in syndrome» (atteinte ischémique bilaté- rale du pied de la protubérance). Évaluation et maintien des fonctions vitales L'altération de l'état de conscience retentit sur la ventilation et la perméabilité des voies aériennes supérieures. Les manœuvres de libération des voies aériennes et le maintien d'une oxygénation satisfai- sante sont nécessaires. Lorsque le coma est profond, sans autres atteintes vitales (respiratoires ou hémodynamiques), la mise en position latérale de sécurité diminue le risque d'inondation bronchique en attendant un médecin capable de réaliser une intubation endotrachéale. Les constantes hémodynamiques devront être main- tenues si nécessaire au moyen d'un remplissage. La mise en place d'une voie veineuse est nécessaire dès que possible. Réalisation d'une glycémie capillaire L'injection de glucosé 30 % doit être réalisée au moindre doute d'hypoglycémie, ou s'il s'agit d'un patient diabétique traité par insuline ou par sulfa- mides hypoglycémiants. En cas de surdosage en opiacé Si le contexte est évocateur d'un surdosage en opiacé (myosis, point d'injection, etc.), l'injection de naloxone (une demi-ampoule en intravei- neuse lente) peut être réalisée en cas de pauses respiratoires. Tableau 2.1 Score de Glasgow. Points 1 2 3 4 5 6 Ouverture des yeux Nulle À la douleur Aux ordres Spontanée Réponse motrice Aucune Extension stéréotypée Flexion stéréotypée Mouvement de retrait Localise la douleur Répond aux ordres Réponse verbale Aucune Inintelligible Propos incohérents Propos confus Propos adaptés

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Les symptômes généraux

9Du diagnostic à la prescription© 2014, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

I

2Comas non traumatiques

E. Mathieu

�� Prise en charge immédiate d'un patient comateuxVérification et évaluation de la profondeur du comaÉvaluation et maintien des fonctions vitalesRéalisation d'une glycémie capillaireEn cas de surdosage en opiacéAnamnèse�� Prise en charge hospitalière�� Étiologies des comasComa toxiqueComa métaboliqueComa neurologiqueDiagnostic différentiel des comas�� Traitement

Le coma est défini par une altération profonde de l'état de conscience, liée au dysfonctionnement de la substance réticulée activatrice du tronc cérébral responsable de l'éveil physiologique.Les atteintes de la conscience peuvent être plus ou moins marquées (obnubilation, stupeur, coma), mais répondent à des étiologies similaires. Dans le coma, stade ultime, il n'y a pas de communication ni d'ouverture des yeux, et le patient peut être diffi-cilement, ou non, réveillé.Un coma peut être le terme de l'évolution d'une pathologie chronique par altération progressive de la conscience ou entrer dans le contexte d'un poly-traumatisme grave.

Prise en charge immédiate d'un patient comateuxLe coma est une urgence qui peut engager rapide-ment le pronostic vital. Sa prise en charge nécessite le recours rapide à une structure hospitalière de réanimation via le SAMU (centre 15). En attendant les secours médicalisés, le patient doit être pris en charge de la manière suivante.

Vérification et évaluation de la profondeur du comaOn recherche une ouverture des yeux spontanée ou à la demande, la réalisation d'un ordre simple verbal et la réaction à une stimulation douloureuse.

L'échelle de Glasgow (de 3 à 15 points) est la plus pratiquée et permet, par sa bonne reproductibilité, d'évaluer l'état de conscience et de suivre son évolu-tion (tableau 2.1). Un score de 15 points témoigne de l'absence de troubles de la conscience. La réponse motrice est cotée après stimulation douloureuse.Une résistance à l'ouverture des yeux oriente vers une manifestation oppositionnelle post-critique ou une simulation.La persistance d'une ouverture des yeux et de mou-vements de suivi des globes oculaires évoque un « locked-in syndrome » (atteinte ischémique bilaté-rale du pied de la protubérance).

Évaluation et maintien des fonctions vitalesL'altération de l'état de conscience retentit sur la ventilation et la perméabilité des voies aériennes supérieures. Les manœuvres de libération des voies aériennes et le maintien d'une oxygénation satisfai-sante sont nécessaires.Lorsque le coma est profond, sans autres atteintes vitales (respiratoires ou hémodynamiques), la mise en position latérale de sécurité diminue le risque d'inondation bronchique en attendant un médecin capable de réaliser une intubation endotrachéale.Les constantes hémodynamiques devront être main-tenues si nécessaire au moyen d'un remplissage.La mise en place d'une voie veineuse est nécessaire dès que possible.

Réalisation d'une glycémie capillaireL'injection de glucosé 30 % doit être réalisée au moindre doute d'hypoglycémie, ou s'il s'agit d'un patient diabétique traité par insuline ou par sulfa-mides hypoglycémiants.

En cas de surdosage en opiacéSi le contexte est évocateur d'un surdosage en opiacé (myosis, point d'injection, etc.), l'injection de naloxone (une demi-ampoule en intravei-neuse lente) peut être réalisée en cas de pauses respiratoires.

Tableau 2.1 Score de Glasgow. Points

1 2 3 4 5 6

Ouverture des yeux Nulle À la douleur Aux ordres Spontanée

Réponse motrice Aucune Extension stéréotypée

Flexion stéréotypée

Mouvement de retrait

Localise la douleur

Répond aux ordres

Réponse verbale Aucune Inintelligible Propos incohérents

Propos confus

Propos adaptés

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Les symptômes générauxComas non traumatiques

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AnamnèseLe recueil auprès de l'entourage ou de témoins de données sur le mode d'installation du coma (cir-constances, rapidité d'installation), la présence de symptômes inauguraux (fièvre, céphalées, convul-sions, vomissements, déficit neurologique, etc.), la prise de médicaments, de drogue ou d'alcool, et l'existence d'une pathologie chronique sous-jacente (insuffisance respiratoire, hépatique ou rénale) est particulièrement utile pour la prise en charge ulté-rieure du patient.

Prise en charge hospitalièreL'évaluation et le maintien des fonctions vitales pri-ment sur l'enquête étiologique.L'examen neurologique recherche, dès que la venti-lation et l'hémodynamique sont contrôlées : • un traumatisme crânien passé inaperçu ; • une morsure de langue ; • un déficit focalisé ; • une raideur de nuque.Des signes généraux, tels que la fièvre, une éruption ou des anomalies respiratoires, sont recherchés.Si le coma est profond, l'étude oculaire permet de réaliser une approche lésionnelle en précisant les réflexe photomoteur, cornéen et les mouvements oculaires : • l'examen des pupilles et le réflexe photomoteur représentent le premier élément d'orientation :

– une pupille en mydriase peu réactive évoque un processus expansif intracrânien,– les deux pupilles en mydriase aréactive évoquent une atteinte mésencéphalique sévère ou une intoxication aiguë aux anticholinergiques,– un myosis réactif bilatéral s'observe dans les encéphalopathies métaboliques et dans les intoxications aux opiacés et aux barbituriques ;

• les mouvements oculaires spontanés et provo-qués doivent être analysés à la recherche d'une atteinte du tronc cérébral (tableau 2.2). Une diver-gence oculaire est normale. L'abduction d'un œil associée à une mydriase évoque une atteinte du nerf crânien III et l'adduction, une atteinte du VI. La « skew deviation » (un œil plus bas que l'autre) témoigne d'une lésion cérébelleuse ou pontique. Une déviation horizontale conjuguée témoigne d'une lésion hémisphérique du côté de la déviation ou d'une lésion controlatérale du tronc ; • le réflexe cornéen (stimulation de la cornée par un coton) entraîne normalement une occlusion palpébrale bilatérale. Son abolition témoigne d'une abolition des connexions pontiques entre le V et les deux VII.Les prélèvements sanguins permettent une analyse biochimique complète (glycémie, calcium, fonction rénale et hépatique, acidose, osmolarité, etc.) et des

recherches toxicologiques (alcool, médicaments, carboxy-hémoglobine, etc.).Une imagerie par TDM ou IRM sera réalisée dès que possible, associée éventuellement à un électroencé-phalogramme (EEG) et une ponction lombaire, si l'origine du coma reste inconnue ou suspecte d'être neurologique.

Étiologies des comasComa toxiqueL'hypothèse d'une intoxication, cause la plus fré-quente, est évoquée devant tout coma. La recherche de toxiques dans le sang et dans les urines est systé-matique, et peut être complétée par spectrométrie de masse.Les comas pharmacologiques sont volontaires ou liés à un surdosage accidentel. Les barbituriques sont responsables d'un coma calme, hypotonique avec dépression respiratoire ; les antidépresseurs tricycliques entraînent un coma avec mydriase et risque de troubles du rythme et de convulsions.

Tableau 2.2 Huit réflexes physiologiques du tronc cérébral.

Réflexes Caractéristiques

Réflexe ciliospinal Dilatation pupillaire après stimulation sus-claviculaire

Réflexe fronto-orbiculaire

Fermeture palpébrale après percussion glabellaire frontale

Réflexe oculocéphalique vertical

Mouvement conjugué des yeux : – dans le sens vertical– dans le sens inverse du mouvement imprimé de flexion/extension de la tête

Réflexe photomoteur

Contraction pupillaire par stimulation lumineuse

Réflexe cornéen Fermeture de la paupière par stimulation cornéenne (arc réflexe V, VII et III)

Réflexe massétérin Contraction du masséter par percussion mentonnière

Réflexe oculocéphalique horizontal

Mouvement conjugué des yeux : – dans le sens horizontal– dans le sens inverse du mouvement imprimé de rotation de la tête

Réflexe oculocardiaque

Ralentissement cardiaque après compression des globes oculaires

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Les symptômes générauxComas non traumatiques

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Les causes exogènes à rechercher sont : intoxi-cation oxycarbonée, alcoolique aiguë, produits organophosphorés, overdose aux opiacés (coma, myosis serré réactif, dépression respiratoire, traces de piqûres).

Coma métaboliqueLes atteintes métaboliques engendrent des troubles de la vigilance allant de la confusion au coma pro-fond (progression rapide), avec des antécédents évocateurs : • les encéphalopathies respiratoires (anoxiques ou hypercapniques), hépatiques (hyperamoniémie) et rénales (hyperazotémie), où les troubles de la vigilance s'associent à des mouvements anormaux (astérixis, clonies, rigidité) ; • les encéphalopathies carentielles (Gayet-Wernicke par carence en vitamine B1) ou accompa-gnant des affections endocriniennes (hypothyroïdie sévère, insuffisance surrénale aiguë) ; • les autres anomalies métaboliques (hyponatré-mies sévères, variations rapides de la calcémie, coma diabétique hyperosmolaire, coma hypoglycémique, etc.).Quelle que soit la cause d'un coma, un facteur métabolique peut être surajouté.

Coma neurologiqueUn coma brutal évoque un saignement méningé, un hématome cérébral ou un infarctus du tronc cérébral ; les autres causes intracrâniennes donnent plus volontiers des troubles de la vigilance évoluant secondairement vers un coma profond. L'infarctus cérébral n'est à l'origine d'un trouble de la conscience que lorsqu'il est massif avec œdème cérébral et enga-gement temporal. Le pronostic est alors très sombre.Lorsque l'examen clinique retrouve des signes de localisation (déficits focaux), l'imagerie cérébrale (TDM ou IRM) permet de rechercher des éléments pour : • une hémorragie cérébrale ; • un accident vasculaire ischémique ; • une thrombophlébite cérébrale du sinus longitu-dinal supérieur ou de la veine de Galien ; • une encéphalopathie hypertensive ou un pro-cessus occupant avec hypertension intracrânienne (tumeurs primitives ou secondaires sus-tentorielles ou sous-tentorielles, hématome sous-dural chro-nique, abcès cérébraux, etc.).Une atteinte méningée (raideur de nuque) doit être systématiquement recherchée. Mais lorsque le coma est profond, la raideur de nuque peut disparaître. La ponction lombaire permettra de faire le diagnostic ; elle est réalisée devant tous les troubles inexpliqués de la vigilance. Chez un patient fébrile, en présence d'un purpura ou si un scanner est réalisé avant la ponction lombaire

(signe de localisation), la première injection d'anti-biotique est réalisée immédiatement. En dehors d'un contexte fébrile, on recherchera une hémor-ragie méningée par un scanner cérébral (présence de sang au scanner dans les espaces sous-arachnoï-diens) complété éventuellement par une ponction lombaire. Les étiologies sont essentiellement en rapport avec des malformations anévrismales du polygone de Willis.Une crise d'épilepsie, même en l'absence de notion de crise tonicoclonique, est évoquée devant une perte d'urine, une morsure de langue, une respiration ster-toreuse. La phase post-critique d'une crise d'épilepsie excède rarement 20 à 30 minutes avant le retour à une conscience normal. Au-delà, il faut envisager une complication traumatique, vasculaire, tumorale, infectieuse, toxique ou métabolique. En l'absence de phénomènes convulsifs cliniques, l'hypothèse d'un état de mal épileptique non convulsif justifie la réali-sation d'un EEG (activité paroxystique infraclinique).

Diagnostic différentiel des comasUn patient qui garde les yeux ouverts mais n'obéit pas aux ordres n'est pas dans le coma. S'il est capable de se mobiliser, il peut s'agir d'une aphasie globale ou d'un état psychotique hallucinatoire ou défici-taire. S'il ne bouge pas, on peut évoquer un locked-in syndrome ou un mutisme akinétique (atteinte frontale bilatérale).Le diagnostic de coma hystérique est plus délicat. Le patient : • ne parle pas ; • ne bouge pas ; • et garde les yeux fermés.On recherche des phénomènes d'opposition (résis-tance à la levée des paupières, évitement, tonus de fond lors de la mobilisation brusque contrastant avec l'absence de réactivité aux stimulations noci-ceptives, etc.).

TraitementLes traitements disponibles dépendent essentielle-ment de l'étiologie du coma associée à la prévention des lésions surajoutées.L'hyperthermie, l'hypoglycémie, l'hypercalcémie, l'hypercapnie et l'hypoxie doivent être corrigées le plus rapidement possible.L'hémodynamique est maintenue par remplissage vasculaire et drogues vasoactives.La correction des troubles métaboliques est effec-tuée au cas par cas.La ventilation mécanique avec intubation trachéale est systématique, en raison du risque d'inhalation, lorsque le score de Glasgow est inférieur ou égal à 7. On peut y surseoir lorsqu'une amélioration rapide est attendue : antidote de type naloxone (Narcan®)

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pour les opiacés et l'alcool ou flumazénil (Anexate®) pour les benzodiazépines, phase post-critique d'une crise convulsive.En raison du pronostic sévère des troubles de la conscience associés aux accidents vasculaires isché-miques, l'intubation doit être discutée en fonction du pronostic neurologique.

BibliographieClavier N. Évaluation clinique et paraclinique d'un coma.

In : Conférences d'actualisation SFAR 1997. Paris : Elsevier ; 1997. p. 417–28.

Ille O, De Recondo A. Diagnostic des comas. In : Urgences. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris) ; 1996. 24-001-C-10. p. 14.

www.sfar.org/sfar_actu/cs97_028/97_28.htm.

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