comment reussir avec itil - it expert- mars 2010

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16 IT-expert n°84 - mars/avril 2010 Technique 17 IT-expert n°84 - mars/avril 2010 Ce qu’est ITIL et ce qu’il n’est pas Au-delà d’une présentation de ce qu’est ITIL, il est également important de préciser, en quelque sorte « en creux », ce qu’ITIL n’a jamais prétendu être. ITIL s’appuie sur les processus ITIL traite les questions d’organisation par l’angle des processus. Points communs aux approches processus, elles recherchent traditionnellement à identifier les « clients » de chaque processus (qui dit « client », dit qu’il a des objectifs, des attentes, des besoins), ces approches raisonnent en processus et sous- processus, activités et tâches (avec des vocabulaires variables selon les différentes approches). En conséquence, ITIL ne traite pas les questions d’organisation par l’angle des structures organisationnelles (services, départements, organigrammes…). ITIL ne traite pas non plus (jamais, nulle part dans la bibliothèque ITIL) la question de trancher quel « acteur » doit être en charge de telles activités ou opérations ou tâches. Comme toutes les approches processus, ITIL est transverse aux organisations. Il ne faut pas s’attendre à une aide d’ITIL sur la question de décider sur ces points. La réponse à ces questions doit être prise en charge par l’entreprise elle-même. En effet, les réponses ne tomberont pas toutes faites de la lecture de cette bibliothèque ITIL des bonnes pratiques. Un des intérêts majeurs du raisonnement par processus (plutôt que par organisations) tient dans la possibilité d’aller au-delà des problèmes liés à l’organisation en place, et de donner envie aux opérationnels de travailler ensemble à la réussite d’un processus pour lequel chacun trouvera une motivation à son bon fonctionnement. En conséquence, dans le cours de toute méthodologie de mise en place d’ITIL, il s’avère indispensable de disposer des points d’appui, des structures et des espaces nécessaires (comités pour validation des décisions…) pour progresser sur le traitement de ces questions, dont ITIL fait le choix (pertinent) que la réponse ne soit pas toute faite. Un recueil des meilleures pratiques, pas une norme ITIL recense et décrit de façon détaillée la compilation des meilleures pratiques, afin qu’elles soient réutilisables, pour éviter de réinventer les éléments qui sont présents dans la bibliothèque. A contrario, ITIL ne prétend pas normaliser des fonctionnements, interdire de procéder d’une manière ou d’une autre. ITIL ne fixe pas de fonctionnement figé, il se cantonne au rôle de collection (bibliothèque) d’éléments. Ces éléments découlent de l’expérience accumulée et reflètent des pratiques collégialement jugées bonnes par des promoteurs d’ITIL. Et qu’il est donc bon de partager pour ne pas les réinventer, surtout lorsqu’ils sont éprouvés depuis des années dans de nombreux organismes. ITIL, kesako ? ITIL signifie « Information Technology Infrastructure Library », il s’agit d’une « bibliothèque » des métiers de l’infrastructure IT. Bibliothèque s’entend au sens de « conservation de la documentation sur les métiers de l’Infrastructure ». Les objectifs d’ITIL visent à documenter certaines des « meilleures pratiques » en matière de gestion des services informatiques, afin de constituer un standard de fait. ITIL concerne les activités liées au support, à la production et à la maintenance. Il permet aux DSI de contractualiser avec les métiers sur le « bon » service (efficace, rentable, aligné sur les objectifs business…) et de le réaliser. ITIL a pour ambition d’apporter une forte valeur ajoutée à la DSI et à l’entreprise. Historique et acteurs autour d’ITIL ITIL a été créé dans les années 80, en Grande-Bretagne, par la Central Computer & Telecommunications Agency, une agence du gouvernement britannique, avec pour objectif de recenser les bonnes pratiques en matière de gestion des infrastructures IT. Aujourd’hui, ITIL est devenu la propriété de l’OGC (Office Government of Commerce). Dans les années 90, ITIL s’est répandu et consolidé, principalement en Grande- Bretagne, avec constitution du forum utilisateur ITSMF (IT Service Management Forum), développements sous l’impulsion de la mise en concurrence systématique des services internes de l’administration britannique. En 2007, des mises à jour ont amené la sortie de la V3 d’ITIL. Les principaux acteurs sont : l’OGC (Office Government of Commerce), l’Office public britannique du Commerce, qui vise à travailler avec le secteur public comme catalyseur pour améliorer l’efficacité dans la livraison des programmes et des projets. ITIL ® et IT Infrastructure Library ® sont des marques déposées de l’OGC. ITSMF est un groupe d’utilisateurs, indépendant, et à but non lucratif. ITSMF est le seul forum reconnu autour d’ITIL. Il appartient et est animé par ses membres. EXIN aux Pays-Bas, et ISEB (Information Systems Examination Board) en Grande-Bretagne sont des contributeurs officiels, en charge de travaux de certification ITIL, organismes accrédités pour délivrer, après examen, les certifications. Des acteurs privés (éditeurs, SSII, sociétés de conseil) fournissent des logiciels, des services de conseil, et de formation. On assiste depuis 10 ans à une montée en puissance d’ITIL. En 2004, moins de 30 % des DSI interrogées avaient entendu parler d’ITIL, en 2007 la notoriété était de 87 % dans les DSI, et aujourd’hui toutes les DSI en ont entendu parler, sans que cette notoriété ait toujours débouché sur des actions concrètes de mise en œuvre. De multiples opinions se font entendre à propos d’ITIL, on entend parler d’échecs coûteux où des démarches ITIL se sont enlisées, où des projets se sont avérés lourds, complexes, mal acceptés dans les DSI, et finalement inefficaces. Cet article tentera de montrer comment des incompréhensions à propos de la véritable nature d’ITIL peuvent amener à des utilisations inappropriées, des actions infructueuses, ressenties comme des échecs, quand elles contrarient la qualité et la richesse d’ITIL par un usage inadéquat. Avant tout, il s’avère indispensable d’expliquer concrètement ce qu’est ITIL, et surtout ce qu’ITIL n’est pas. Quelques recommandations seront détaillées pour favoriser des mises en œuvre réussies. Comment réussir avec ITIL ?

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16 IT-expert n°84 - mars/avril 2010

Technique

17IT-expert n°84 - mars/avril 2010

Ce qu’est ITIL et ce qu’il n’est pas

Au-delà d’une présentation de ce qu’est ITIL, il est également important de préciser, en quelque sorte « en creux », ce qu’ITIL n’a jamais prétendu être.

ITIL s’appuie sur les processus

ITIL traite les questions d’organisation par l’angle des processus. Points communs aux approches processus, elles recherchent traditionnellement à identifier les « clients » de chaque processus (qui dit « client », dit qu’il a des objectifs, des attentes, des besoins), ces approches raisonnent en processus et sous-processus, activités et tâches (avec des vocabulaires variables selon les différentes approches).

En conséquence, ITIL ne traite pas les questions d’organisation par l’angle des structures organisationnelles (services, départements, organigrammes…). ITIL ne traite pas non plus (jamais, nulle part dans la bibliothèque ITIL) la question de trancher quel « acteur » doit être en charge de telles activités ou opérations ou tâches. Comme toutes les approches processus, ITIL est transverse aux organisations. Il ne faut pas s’attendre à une aide d’ITIL sur la question de décider sur ces points. La réponse à ces questions doit être prise en charge par l’entreprise elle-même. En effet, les réponses ne tomberont pas toutes faites de la lecture de cette bibliothèque ITIL des bonnes pratiques. Un des intérêts majeurs du raisonnement par processus (plutôt que par organisations) tient dans la possibilité d’aller au-delà des problèmes liés à l’organisation en place, et de donner envie aux opérationnels de travailler ensemble à la réussite d’un processus pour lequel chacun trouvera une motivation à son bon fonctionnement. En conséquence, dans le cours de toute méthodologie de mise en place d’ITIL, il s’avère indispensable de disposer des points d’appui, des structures et des espaces nécessaires (comités pour validation des décisions…) pour progresser sur le traitement de ces questions, dont ITIL fait le choix (pertinent) que la réponse ne soit pas toute faite.

Un recueil des meilleures pratiques, pas une norme

ITIL recense et décrit de façon détaillée la compilation des meilleures pratiques, afin qu’elles soient réutilisables, pour éviter de réinventer les éléments qui sont présents dans la bibliothèque. A contrario, ITIL ne prétend pas normaliser des fonctionnements, interdire de procéder d’une manière ou d’une autre. ITIL ne fixe pas de fonctionnement figé, il se cantonne au rôle de collection (bibliothèque) d’éléments. Ces éléments découlent de l’expérience accumulée et reflètent des pratiques collégialement jugées bonnes par des promoteurs d’ITIL. Et qu’il est donc bon de partager pour ne pas les réinventer, surtout lorsqu’ils sont éprouvés depuis des années dans de nombreux organismes.

ITIL, kesako ?

ITIL signifie « Information Technology Infrastructure Library », il s’agit d’une « bibliothèque » des métiers de l’infrastructure IT. Bibliothèque s’entend au sens de « conservation de la documentation sur les métiers de l’Infrastructure ». Les objectifs d’ITIL visent à documenter certaines des « meilleures pratiques » en matière de gestion des services informatiques, afin de constituer un standard de fait. ITIL concerne les activités liées au support, à la production et à la maintenance. Il permet aux DSI de contractualiser avec les métiers sur le « bon » service (efficace, rentable, aligné sur les objectifs business…) et de le réaliser. ITIL a pour ambition d’apporter une forte valeur ajoutée à la DSI et à l’entreprise.

Historique et acteurs autour d’ITIL

ITIL a été créé dans les années 80, en Grande-Bretagne, par la Central Computer & Telecommunications Agency, une agence du gouvernement britannique, avec pour objectif de recenser les bonnes pratiques en matière de gestion des infrastructures IT. Aujourd’hui, ITIL est devenu la propriété de l’OGC (Office Government of Commerce). Dans les années 90, ITIL s’est répandu et consolidé, principalement en Grande-Bretagne, avec constitution du forum utilisateur ITSMF (IT Service Management Forum), développements sous l’impulsion de la mise en concurrence systématique des services internes de l’administration britannique. En 2007, des mises à jour ont amené la sortie de la V3 d’ITIL.

Les principaux acteurs sont : l’OGC (Office Government of Commerce), l’Office public britannique du Commerce, qui vise à travailler avec le secteur public comme catalyseur pour améliorer l’efficacité dans la livraison des programmes et des projets. ITIL® et IT Infrastructure Library® sont des marques déposées de l’OGC.

ITSMF est un groupe d’utilisateurs, indépendant, et à but non lucratif. ITSMF est le seul forum reconnu autour d’ITIL. Il appartient et est animé par ses membres.

EXIN aux Pays-Bas, et ISEB (Information Systems Examination Board) en Grande-Bretagne sont des contributeurs officiels, en charge de travaux de certification ITIL, organismes accrédités pour délivrer, après examen, les certifications.

Des acteurs privés (éditeurs, SSII, sociétés de conseil) fournissent des logiciels, des services de conseil, et de formation.

On assiste depuis 10 ans à une montée en puissance d’ITIL. En 2004, moins de 30 % des DSI interrogées avaient

entendu parler d’ITIL, en 2007 la notoriété était de 87 % dans les DSI, et aujourd’hui toutes les DSI en ont entendu

parler, sans que cette notoriété ait toujours débouché sur des actions concrètes de mise en œuvre. De multiples

opinions se font entendre à propos d’ITIL, on entend parler d’échecs coûteux où des démarches ITIL se sont enlisées,

où des projets se sont avérés lourds, complexes, mal acceptés dans les DSI, et finalement inefficaces.

Cet article tentera de montrer comment des incompréhensions à propos de la véritable nature d’ITIL peuvent amener

à des utilisations inappropriées, des actions infructueuses, ressenties comme des échecs, quand elles contrarient la

qualité et la richesse d’ITIL par un usage inadéquat. Avant tout, il s’avère indispensable d’expliquer concrètement ce

qu’est ITIL, et surtout ce qu’ITIL n’est pas. Quelques recommandations seront détaillées pour favoriser des mises en

œuvre réussies.

Comment réussir avec ITIL ?

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Technique

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dans l’entreprise. Et, pendant certaines phases de réflexion ou durant au cours de la transformation, l’entreprise adoptera les concepts induits par le vocabulaire, et parfois le vocabulaire induit par ITIL. Ce vocabulaire commun est un facteur facilitant l’intégration de contributeurs qui proviennent de différents horizons. ITIL induit des concepts précis, pas toujours en phase avec le vocabulaire employé au jour le jour dans une entreprise. Par exemple, ITIL distingue clairement la notion d’incident de la notion de problème. Dans certains cas, il faut faire rejoindre les concepts d’ITIL et les concepts de l’entreprise. Les concepts d’ITIL résultent d’une manière de voir les processus de service, vision partagée de façon consensuelle par de multiples organisations, et dans laquelle la vision du service est fermement implantée. Les concepts employés dans une entreprise proviennent souvent de processus résultant de l’empilement au fil des années de modes de fonctionnement. Cela peut aider à se poser plusieurs questions. Par exemple aujourd’hui une entreprise A utilise 3 notions, celles de « dossiers client », « dossiers back-office » et « dossiers correctifs ». Alors, laquelle correspond réellement à la notion d’incident, ou à la notion de problème ? Laquelle est à cheval entre les deux ? Quelles modifications trouvera l’entreprise A pour clarifier et fluidifier sa manière de prendre en charge les incidents et problèmes ? Etc.

Pas une démarche uniforme, ni une méthodologie toute faite

Il ne suffit pas de décréter que l’on va mettre en œuvre ITIL, pour se doter d’une méthode ou une démarche. Avant de mettre en œuvre ITIL dans une organisation, il lui faut définir proprement quels objectifs concrets elle cherche à atteindre (cela peut être de réparer un processus qui semble « cassé », d’améliorer tel niveau de service, de mobiliser les équipes autour de la résolution de difficultés liées à un processus, de gagner en efficacité sur un sujet…). Ensuite, il convient de déterminer les meilleures démarches à mettre en place (ampleur des moyens, délais…) pour atteindre ces objectifs. Certains passages d’ITIL abordent ces questions, mais on observe souvent que les opérationnels survolent ces passages d’ITIL qui ne leur sont pas forcément destinés, mais intéressent plutôt les décideurs. Malgré leur pertinence, les lignes générales de ces chapitres ne sont pas toujours applicables. Elles mélangent du bon sens (fixer des objectifs, mettre en place les moyens de mesurer leur atteinte…) des notions un peu abstraites (créer une vision...), et des éléments qui résultent de l’effet collection ou bibliothèque (Business Case, métriques, Balanced Score Card, techniques pour la conduite du changement…). Bien qu’intéressants, ces éléments ne sont pas toujours pertinents. Inutile donc de « dérouler un rouleau compresseur ITIL ». Comment réussir l’implémentation d’ITIL ? En prenant du temps et du recul pour décrire ses propres objectifs, atteignables compte tenu de sa situation de départ, et d’en déduire le meilleur chemin. Le facteur clé de succès pour un décideur réside dans cette préparation.

ITIL n’est pas exhaustif, loin de là ! Dans des expériences réussies de mise en place de principes ITIL on observe fréquemment des actions qui vont au-delà de ce que la bibliothèque commune propose. Cela ne retire aucun mérite à cette bibliothèque qui n’a pas pour vocation d’imposer son contenu , mais d’éviter de réinventer de multiples éléments qui y sont déjà présents.

Fournir des services en soulignant les relations avec les clients

La bibliothèque ITIL est décomposée selon des processus. La philosophie de la présentation consiste à toujours repartir des notions de service au client, d’aligner les processus par rapport aux résultats attendus, aux attentes, aux besoins et objectifs des clients du processus. À titre d’illustration, dans chaque chapitre ITIL on trouve des listes d’indicateurs clés de performance (Key Performance Indicators KPI), dont la liste s’avère souvent précieuse. Parmi la liste de KPI dans la bibliothèque, plusieurs indicateurs sont déjà identifiés à l’intérieur de l’entreprise. Souvent, ils sont déjà mesurés ou bien déjà identifiés comme importants à calculer (par ex. pour une entreprise X le pourcentage d’incidents résolus dans les temps contractuels), les voir dans la liste des KPI ITIL conforte l’entreprise X sur la réalité de leur importance pour de nombreuses entreprises de tous les pays. Pour d’autres indicateurs, l’entreprise X n’avait pas imaginé les calculer : pour un indicateur qui ne semble pas avoir d’intérêt (par ex. coût moyen de traitement d’un Incident), l’entreprise X en trouve un autre qui résulte d’un angle de vue particulier, auquel elle n’avait pas pensé auparavant (par ex. pourcentage d’Incidents fermés par le centre de services sans support extérieur), et dont la mesure va lui permettre de mieux perfectionner son service rendu.

ITIL contribue à une démarche qualité

ITIL est en phase avec les démarches qualité, avec les représentations processus telles qu’on les trouve dans Six Sigma (par exemple, la bibliothèque ITIL reprend à son compte un schéma très proche de celui du SIPOC de Six Sigma pour Supplier-Input-Processus-Output-Client). Comme ces démarches qualité en général, ITIL contient également les processus d’amélioration continue. À l’opposé d’autres démarches qualité et d’amélioration continue, qui sont volontairement conçues pour être adaptables dans de très nombreux cas de figure et qui héritent d’emblée, par construction, d’un fort niveau d’abstraction. ITIL est centré sur les services de l’infrastructure de l’IT, et la bibliothèque fourmille d’exemples dont l’application concrète se révèle pragmatique et immédiate.

Mieux communiquer avec un langage commun

ITIL apporte de nombreux éléments concrets dans sa bibliothèque et les nomme, ce qui induit un vocabulaire cohérent pour tous

Comment se présente ITIL ?

ITIL v2 était constitué de 8 ouvrages pour décrire les processus alignant les services fournis avec le besoin du business. Depuis la v3 des modifications ont été apportées et concernent : la structure générale, l’introduction de nouveaux outils pour aider à l’implémentation et à la mesure des gains, et l’introduction de nouveaux outils au niveau stratégique pour aider à promouvoir ITIL auprès des responsables métiers en terme d’apport à la chaîne de valeur.

Les 5 ouvrages « cœur » du noyau ITIL v3 sont : Stratégie des Services (Service Strategy), Conception des Services (Service Design); Transition des Services (Service Transition); Exploitation des Services (Service Operation); Amélioration Continue des Services (Continual Service Improvement). Ces cinq manuels de référence présentant les constituants de base de l’ITSM, selon l’approche du cycle de vie des services. Une documentation complémentaire propose des cas particuliers ou des exemples, des produits à valeur ajoutée, tels que des modèles et des schémas de flux de production.

Objectif : inscrire ITIL V3 dans la dynamique d’amélioration continue et surtout énoncer des conseils pertinents pour des cas bien particuliers. De plus, l’efficacité opérationnelle se trouve au cœur de cette nouvelle version. Dans ce sens, ITIL v3 fournit nombre d’éléments avisés : des conseils pour être en conformité avec les diverses normes et réglementations en vigueur, des directives par secteur d’activité et rubrique, de nouvelles rubriques concernant les stratégies de gestion des services (services partagés, cosourcing et externalisation), un système de connaissance très développé favorisant la gestion proactive des services.

ITIL contient 23 processus (dont 3 sont en cours de description) dans ITIL V3 : • Stratégiedesservices:Gestiondelademande,Gestionfinancière,Gestionduportefeuilledes

services• Conceptiondesservices:Gestionducatalogue,Gestiondesniveauxdeservices,Gestiondes

fournisseurs, Gestion de la disponibilité, Gestion de la continuité, Gestion de la capacité, Gestion de la sécurité de l’information

• Transitiondesservices:Gestiondesactifsetdesconfigurations,Gestiondeschangements,Gestiondes mises en production et des déploiements, Gestion de la connaissance, Gestion de l’évaluation (non décrit) , Gestion des tests et validations (non décrit)

• Exploitationdesservices:Gestiondesévénements,Gestiondesincidents,Gestiondesproblèmes,Gestion de l’exécution des requêtes, Gestion des accès

• Améliorationcontinuedesservices:Gestiondel’améliorationcontinuedesservices,Gestiondureporting.

Le sommaire type des données rassemblées à propos d’un processus, à l’intérieur de la bibliothèque ITIL, rassemble les éléments suivants : Objectifs ; Périmètre ; Concepts de base ; Bénéfices/difficultés, coûts ; Activités ; Rôle/responsabilités ; Métrologie, Indicateurs et tableaux de bord ; Outils ; Synthèse et préconisations.

Les objectifs du processus permettent de cadrer le processus, le cadrage est précisé avec l’aide du périmètre. Le paragraphe sur le périmètre fixe les limites du processus tels que vu par ITIL, et précise les concepts, et fait la correspondance entre ITIL et la manière de s’y prendre au jour le jour dans telle ou telle organisation. Les concepts de base permettent de clarifier des notions et du vocabulaire. Les Bénéfices / Difficultés coûts servent à fournir une liste très opérationnelle d’axes de réflexion sur les enjeux objectifs et résultats du processus tel qu’il a été cerné, et peuvent donner lieu à implantation concrète parmi les indicateurs. Les activités permettent de suivre une décomposition logique (plutôt que normative ou organisationnelle), telle que vue par la bibliothèque ITIL, des différentes activités à exercer à l’intérieur du processus. Les rôles et responsabilités sont identifiés de manière générique, sans jamais qu’ITIL se mêle de normaliser et de fixer à quel acteur au sein de l’entreprise devrait revenir telle ou telle responsabilité. Le paragraphe sur la métrologie, les indicateurs et les tableaux de bord est rempli d’outils dans lesquels l’entreprise peut piocher pour sa propre utilisation ; les outils sont un catalogue d’idées d’outils dont l’implantation de certains peut se révéler astucieuse ; la synthèse et les préconisations permettent de redonner plus de sens à la lecture des différents éléments épars du chapitre.

ITIL indique : les bénéfices et les problèmes possibles, le «comment faire en cible», mais pas le «comment implémenter».

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Les quick wins autour d’ITIL

ITIL permet des quick wins. Des exemples de gains rapides sont nombreux, liés de façon très directe ou indirecte à ITIL. Toutefois, ces gains rapides n’apparaissent souvent qu’après une mise en place de quelques semaines dans une grande organisation. En effet, l’organisation doit généralement amender un outil informatique existant (validation de spécifications, mise en production…) ou modifier ses processus opérationnels (planifier, communiquer sur le changement…).

Parmi des gains rapides constatés sur le terrain : • travaillersurl’attributionautomatiséedesincidents.Une

matrice d’assignation peut être mise au point, de façon plus ou moins automatisée. Certaines entreprises ont poussé très loin cette automatisation, au risque de répartir certains incidents de façon erronée. Pour d’autres, la matrice a un rôle d’appui, d’indicateur. Avancer dans cette voie est utile dans le cas où l’analyse des processus révèle des difficultés liées à l’étape d’assignation ;

• mettreenplaceunematricedepriorisationdesincidents.Cette matrice peut déterminer la priorité en combinant l’impact attendu, l’urgence… ;

• simplifieretregrouperlesprocessusdeGestiondeConfi-guration et de Gestion des Mises en Production (GMEP) ;

• souleversystématiquementcertainesquestionsavantchaque mise en production, comme clarifier la nature de l’indisponibilité, clarifier la procédure de retour arrière, identifier les jalons dans le cours de la MEP pour décider des retours-arrière... ;

• séparerplusnettementlesmodalitésdegestiondesincidentset des problèmes (GI et GP) et octroyer du temps sur des tâches de résolution des problèmes ;

• allégertouteslesgestionsdedemandestrèsrégulières(réinitialisation des mots de passe, changements d’habilitations…) et le cas échéant les sortir des circuits de gestion des incidents ;

• avisersystématiquementleséquipesdelahotlinedechacunedes mises en production à venir ;

• …

ITIL présente aussi quelques limites, qui découlent pour partie de la construction de l’approche : son contenu relativement dense et détaillé est plutôt destiné aux opérationnels. Néanmoins, un apprentissage est nécessaire pour « entrer » dans cette documentation. Les préconisations ne sont pas toujours très claires, et restent souvent à décliner par l’entreprise qui définira ses priorités de mise en œuvre.

Il est utile de passer par des quick wins adaptés de manière fine et pertinente à l’entreprise, « découverts » et adoptés par les opérationnels eux-mêmes. Les quick wins peuvent découler d’emprunts directs à la bibliothèque ITIL dans le texte, ou en découler plus ou moins indirectement. Dans les deux cas, l’entreprise tâchera de les relier à ITIL. La démarche mène au succès lorsque les quick wins mis en œuvre sont associés à ITIL, et lorsqu’on en attribue la paternité aux opérationnels de la production. Cela favorise leur intérêt et leur appropriation du contenu. Une manière aussi de convaincre les opérationnels du bon usage et du caractère pragmatique, concret, et utilisable d’ITIL. Par la suite, ils seront alors disposés à poursuivre sur d’autres chantiers d’évolution ou d’autres procédures de fonctionnement, dans le même état d’esprit…

Parmi les recommandations concrètes pour une méthode de mise en place, il faut veiller à rester pragmatique, à procéder par étapes, avec des objectifs d’amélioration bien définis et bien délimités, à partir des problèmes réellement posés sur le terrain et à résoudre. L’entreprise doit agir en priorité là où « ça fait mal », là où il y aura des gains, pour assurer le succès par l’adhésion des opérationnels. Enfin, mieux vaut déployer un savoir-faire soutenu par un outil. Sans pour autant attendre que l’outil soit seul porteur du savoir-faire de l’entreprise. Un projet ITIL réussi est porté et mené par les opérationnels.

Pour éviter déconvenues et déceptions, mieux vaut éviter d’utiliser ITIL comme une norme. Au contraire, les décisions de management appartiennent aux opérateurs de l’entreprise, elles ne seront pas dictées par une norme plaquée de l’extérieur.

D’autres quick wins ont été identifiés dans différentes situations d’aide à la mise en œuvre d’ITIL. Ceux évoqués ci-dessus ne résultent pas tous de la simple lecture et application des informations qui se trouvent dans la bibliothèque ITIL. Et ne sont pas forcément pertinents pour toutes les situations. Il est important d’impliquer les opérationnels pour identifier ces actions de modifications. Mettre en avant les quick wins ne doit pas faire perdre de vue des actions de fond, mais dont la mise en œuvre est également parfois la seule de nature à apporter de profondes modifications indispensables.

Écueils fréquents dans la mise en œuvre d’ITIL

La mise en place d’ITIL n’est pas toujours aisée. Contrairement aux opinions parfois entendues, il ne suffit pas de s’en remettre à des « experts ITIL » pour résoudre les problèmes de l’entreprise : ITIL n’impose ni démarche claire, ni objectifs, ni phasage, ni instances d’étude et de décision. Au mieux, il rappelle des recommandations, comme cadrer, phaser, étudier… L’entreprise qui utilise ITIL ne doit pas attendre qu’il prenne des décisions à sa place. Il lui reste à être au clair sur les objectifs qu’elle attache à la mise en œuvre d’ITIL, à identifier les structures qui vont devoir travailler sur la mise en œuvre, et à prendre les décisions appropriées. ITIL reste un instrument, propose des éléments pour éviter de tout réinventer et fournit de la matière pour aider l’entreprise à résoudre ses problèmes. Cependant, cette bibliothèque n’identifie pas les problèmes, et ne les résout pas.

Conclusion

ITL présente de nombreux apports bénéfiques : il s’agit d’un vivier de bonnes pratiques avec des concepts de bon sens, il présente une organisation claire des processus de production et des relations entre ces processus, il facilite le dialogue en établissant un langage commun (interne DSI, métier, fournisseurs, éditeurs d’outils pour la DSI), c’est une source d’améliorations à la fois à court terme et à long terme.

Mieux vaut aussi éviter d’appliquer la totalité d’ITIL comme un rouleau compresseur, et -au contraire- délimiter des objectifs et un périmètre atteignables, et piocher dans la bibliothèque ce qui est applicable et pertinent.

ITIL est un outil qui ne dicte pas les objectifs, ni les choix d’organisation cible, et qui n’impose pas strictement la démarche d’implémentation. Il nécessite de mobiliser les acteurs nécessaires, internes ou externes, qui ont suffisamment de connaissances sur ITIL pour savoir en exploiter sa matière avec un bon état d’esprit pour réussir. n

Hugues Dieuzeide , Directeur Associé

Hugues DIEUZEIDE intervient notamment auprès de DSI pour aider à mettre en

œuvre des transformations. Il s’est appuyé à plusieurs reprises sur la bibliothèque

ITIL lors de ces opérations de transformation de processus de la DSI.

ORESYS est une société de conseil en organisation et en S.I., de 250 consultants,

à Paris, Lyon et Bruxelles, spécialisée dans les projets de transformation. ORESYS

aide ses clients à piloter leurs activités, améliorer leur performance et mettre en

œuvre leurs projets de transformation. ORESYS intervient sur toutes les dimensions :

métiers, organisation, processus, système d’information, accompagnement du

changement. ORESYS intervient de manière soutenue pour aider les DSI à transformer

leur organisation et leurs processus, ou à transformer l’entreprise.

Site web : www.oresys.eu

Les éditeurs et le marché des outils ITIL

De nombreux outils progiciels sont présents sur le marché ITIL. Ces outils se sont bâtis pour apporter des solutions « d’informatisation » de différents processus de l’entreprise, sur le domaine fonctionnel des services de la gestion des infrastructures : gestion du patrimoine informatique et des inventaires, gestion des incidents et problèmes, gestion actions (interventions…) etc. Ces outils font état d’une conformité avec ITIL. Celle-ci apporte une certaine garantie que des grands concepts issus du consensus sur la manière de voir et la manière de faire sont pris en compte, et aussi une certaine garantie que les éléments présents dans la bibliothèque initialement générée par ITIL sont présents.

En revanche, l’entreprise qui s’en remet au choix d’un outil informatique dit « ITIL » ne doit pas oublier que, comme dans tout projet, même progiciel, l’adoption d’un outil même « ITIL compliant » ne résout pas à lui seul des questions d’organisation. L’entreprise doit participer activement aux spécifications de paramétrage, qui l’obligent à répondre à des questions qu’il faut avoir clarifiées, et comme pour tout projet informatique, l’outil est au service du processus et non le contraire. L’entreprise doit apporter sa participation à la recette de l’outil paramétré, et vérifier que les données inventoriées sont accessibles, que les processus peuvent être suivis comme prévu