compensation articulatoire dans la production …fulltext/2309.pdfocclusives du franÇais thèse de...
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UNIVERSITE AIX-MARSEILLE I-Université de Provence
U.F.R. L.A.C.S
Formation Doctorale : Langage et Parole
Discipline : Phonétique
COMPENSATION ARTICULATOIRE
DANS LA PRODUCTION DES
OCCLUSIVES DU FRANÇAIS
Thèse de doctorat présentée par
Sandrine Clairet
Le 18 Novembre 2004
Sous la direction du professeur
Noël Nguyen.
Jury composé de :
Danielle Duez, Directrice de recherche CNRS, Université de Provence
Yves Laprie, Chargé de recherches CNRS Université H. Poincaré, Nancy (rapporteur)
Noël Nguyen, Professeur, Université de Provence
Rudolph Sock, Professeur, Université Marc Bloch, Strasbourg (rapporteur)
Même le désert a des présents
Pour ceux qui essayent de le traverser.
Le chameau progresse à sa juste allure.
Tracez votre route.
Organisez votre voyage.
Perdez-vous dans les tours et détours de la vie.
Suivez le chemin le moins emprunté et
Atteignez chaque jour votre but.
S’égarer est question de point de vue.
Soyez prêtes, mais voyagez avec peu de bagages.
Le Tao de la Femme, Voyager, 1995.
5
REMERCIEMENTS
Avant tout, Merci tout particulièrement à mon Ange-gardien qui m’a tant donné de sa
force, de sa personne, de sa patience. Merci, Ange, de continuer à me convaincre avec ton
optimisme que le monde est ‘bo’ et que tout est si simple !
Merci ma métou et mon pétou pour leur ENORMESQUE soutien,
MERCI, MERCI, MERCI et encore bien plus que ça, une phrase ne pourrait suffire…
Merci à mon papa de m’avoir fait confiance dans tous mes choix de vie, de loin et de
près…pour son soutien, pour sa patience, et à sa Clo aussi…
Merci à ma Steph qui a toujours su m’écouter et me rassurer, me conseiller sagement
depuis tout ce temps…et qui m’a donné deux beaux petits fruits frais…
Merci ma KK-dorée pour avoir été plus que présente et plus que constante, tout
simplement, merci de la confiance que tu as mise en moi et Merci mon Faïli-Faïli pour tes
aisselles, tes rigolos gadgets et compagnie hihihi…
Merci à mon Heckell qui m’a souvent aidée à ramer pour faire avancer ma barque, à écoper
pour éviter plus d’un naufrage…plus d’une fois…pour tout ce que nous avons franchement
partagé durant ces loooongues années d’entraide et d’encouragements.
Merci ma Miweille pour avoir toujours été là durant tout ce temps, avec son sourire et ses
encouragements.
Merci à la Fabulous Fig’ Team pour toutes les rigolades, tapenades et figolades en tout
genre et pour avoir été sacrément patients…
Merci à toutes les Cocottes pour les «apéros-re-faisons-un-monde-meilleur-d’amour-et-de-
partage, pour leur énorme soutien.
6
Merci à tous les amis l’autre coté de l’océan, Elsa, Lourdes, Manuel, Nina, Berenice, Hubert
pour qui j’ai fidèlement œuvré avec grand grand plaisir, merci de m’avoir franchement fait
confiance.
Merci à Elsa pour m’avoir montré la face cachée des difficultés de façon simple et sage,
avec toujours un ENORME sourire.
Merci à mon super-PIT pour avoir toujours trouvé un peu de son temps, pour prodiguer ses
précieux, aimables et judicieux conseils…
Merci mon super-Yoh pour m’avoir aussi longtemps écoutée, rassurée, supportée et pour les
conversations articulesques, epgiques et jenpasse et surtout pour les nombreuses et
nombreuses corrections…
Merci mon Super-Cyril pour avoir volé à mon secours, très souvent et très
sûrement…toujours prêt !!! Il y aura toujours une bonne soupe …
Merci super-Robert pour les nombreux coups de pouces…
Merci Christine et Merci Christian pour les bons conseils et les encouragements
Merci Ben et Yo d’avoir accepter de baver à outrance sous la menace des palais, mèches et
bite-blocks en tout genres…
Merci Will pour le portable, ouffff…
Merci à mes amis du labo qui se reconnaîtront (surtout ma voisine !!!) et avec qui j’ai
volontiers taillé un bout de chemin durant ces années…
Merci à Bernard Teston pour m’avoir permis de squater son bureau pour bricolages et bite-
blocages.
Merci à Jacqueline et Louis pour leur constante gentillesse.
7
Merci à M. El Ahmadi pour avoir gentiment accepté de partager son expérience en
statistiques.
Merci M. Di Cristo de m’avoir donné le virus de la phonétique, depuis la licence, qui m’a
embarquée jusqu’ici
Merci à Rudolph Sock et Pascal Perrier pour les nombreuses recommandations et les
discussions constructives …
Merci à Didier Demolin pour m’avoir assistée dans le choix de ce sujet…
Merci surtout aux membres du jury d’avoir accepté de critiquer et de juger ce travail et
d’avoir été présents.
Merci M. Nguyen d’avoir accepté de diriger ce travail.
8
9
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES.............................................................................................. 9
INTRODUCTION ........................................................................................................ 17
PREMIERE PARTIE................................................................................................... 21
ASPECTS THÉORIQUES : CONTRÔLE MOTEUR ET PROCESSUS DE
COMPENSATION DANS LA PAROLE ................................................................... 21
CHAPITRE 1 ................................................................................................................ 21
LA PRODUCTION DE LA PAROLE........................................................................ 21
1.1 DES REPRÉSENTATIONS MENTALES AUX SONS ....................................................... 22
1.1.1 Quelques rappels sur la neurophysiologie de la parole ................................ 22
1.1.2 Planification : des représentations phonétiques aux ordres ......................... 22
1.1.3 Exécution : des mouvements articulatoires au signal de sortie..................... 23
1.2 LES THÉORIES DE PRODUCTION DE LA PAROLE....................................................... 25
1.2.1 Les théories orientées sortie acoustique........................................................ 25
1.2.2 Les théories orientées système....................................................................... 30
1.2.3 Le modèle Hypo-articulation Hyper-articulation de Lindblom..................... 34
1.3 CONCLUSION ......................................................................................................... 37
CHAPITRE 2 ................................................................................................................ 41
COMPENSATIONS ET STRUCTURES COORDINATIVES................................ 41
2.1 PRÉSENTATION DE LA NOTION DE COMPENSATION................................................. 41
2.1.1 Définition générale : perturbation et compensation articulatoire ................ 41
2.1.2 Définition neurophysiologique ...................................................................... 43
2.2 LES INFORMATIONS SENSORIELLES ........................................................................ 45
2.2.1 Modèle à boucle ouverte................................................................................ 45
2.2.2 Modèle à boucle fermée................................................................................. 45
2.2.3 Les différents feedbacks ................................................................................. 46
2.3 MODÈLE DE SIMULATION PRÉDICTIVE DE LINDBLOM............................................. 48
2.3.1 Rôle des Modèles internes ............................................................................. 49
10
2.3.2 Les avantages de cette conception des modèles internes...............................51
2.4 STRUCTURES COORDINATIVES ET ÉQUIVALENCES FONCTIONNELLES......................52
2.4.1 Structures coordinatives.................................................................................52
2.4.2 Equivalences fonctionnelles ...........................................................................54
CHAPITRE 3.................................................................................................................59
COMPENSATIONS ET COMPLEXE MÂCHOIRE/LANGUE.............................59
3.1 LES COMPENSATIONS DANS LES ÉTUDES ANTÉRIEURES ..........................................59
3.1.1 Les études avec perturbation dynamique .......................................................60
3.1.2 Les études avec perturbation statique : les bite-blocks..................................62
3.1.3 Propriétés des compensations........................................................................70
3.2 LE COMPLEXE LANGUE / MÂCHOIRE .......................................................................71
3.2.1 La langue et ses mouvements .........................................................................71
3.2.2 Le rôle phonétique de la mâchoire.................................................................73
3.3 CONCLUSION SUR LES COMPENSATIONS INTER-ARTICULATOIRES...........................78
DEUXIEME PARTIE...................................................................................................81
PROBLÉMATIQUE ET MÉTHODE EXPÉRIMENTALE ....................................81
CHAPITRE 4.................................................................................................................81
PROBLÉMATIQUE.....................................................................................................81
4.1 LES CONSONNES OBSERVÉES : LES OCCLUSIVES LINGUALES /T/ ET /D/. ..................82
4.1.1 La formation d’une occlusive linguale...........................................................82
4.1.2 Occlusive linguale et segments adjacents ......................................................84
4.2 LES QUESTIONS SUR LES MOUVEMENTS LINGUAUX ................................................85
4.2.1 Le timing inter-gestuel ...................................................................................85
4.2.2 Le timing intra-gestuel ...................................................................................85
4.2.3 Les déplacements linguaux.............................................................................86
4.3 A PROPOS DES CONTRAINTES DE PRODUCTION .......................................................86
CHAPITRE 5.................................................................................................................89
MÉTHODE EXPÉRIMENTALE................................................................................89
5.1 INTRODUCTION.......................................................................................................89
5.2 DESCRIPTION DU CORPUS .......................................................................................89
11
5.2.1 Cadre expérimental........................................................................................ 89
5.2.2 Le corpus........................................................................................................ 90
5.2.3 La réalisation des bite-blocks ........................................................................ 94
5.3 L’ÉLECTROPALATOGRAPHIE .................................................................................. 97
5.3.1 Les plus et les moins de l’EPG ...................................................................... 99
5.3.2 Les caractéristiques des consonnes linguales ............................................. 101
5.3.3 Le traitement des données............................................................................ 103
5.4 LES MESURES ÉLECTROPALATOGRAPHIQUES ....................................................... 107
5.4.1 Les paramètres spatiaux. ............................................................................. 108
5.4.2 Les paramètres temporels............................................................................ 110
5.4.3 Les paramètres spatio-temporels................................................................. 111
5.5 LA MÉTHODE STATISTIQUE D’ANALYSE DES VARIATIONS .................................... 112
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX ............................... 115
CHAPITRE 6 : LES RÉSULTATS SPATIAUX ..................................................... 115
6.1 ASPECTS QUANTITATIFS DE LA RÉPARTITION DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX 116
6.1.1 Les contacts linguo-palataux (LP) sur la totalité du palais ........................ 116
6.1.2 Les contacts linguo-palataux dans la région alvéolaire.............................. 119
6.1.3 Les contacts linguo-palataux dans la région vélaire................................... 122
6.1.4 Sur les variations d’amplitude des contacts LP........................................... 124
6.2 L’ASPECT QUALITATIFS DE LA RÉPARTITION DES CONTACTS : LES PATRONS DE
CONTACTS.................................................................................................................. 126
6.2.1 Les patrons de contacts du locuteur BL....................................................... 127
6.2.2 Les patrons de contacts du locuteur YM...................................................... 131
6.3 RÉSUMÉ SUR LES RÉSULTATS SPATIAUX .............................................................. 135
CHAPITRE 7 : LES RÉSULTATS TEMPORELS................................................. 139
7.1 LE CONTRÔLE DES DURÉES................................................................................... 139
7.2 DURÉE TOTALE DES CONSONNES.......................................................................... 142
7.2.1 Influence générale des variables sur la durée des consonnes ..................... 142
7.2.2 Durées des consonnes du locuteur BL. ........................................................ 143
7.2.3 Durées des consonnes du locuteur YM........................................................ 145
7.3 DURÉE DES FERMETURES LINGUO-PALATALES (LP)............................................. 146
12
7.3.1 Influence générale des variables sur la durée du geste de fermeture linguo-
palatale..................................................................................................................146
7.3.2 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur BL .....................147
7.3.3 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur YM ....................149
7 4. DURÉE DES TENUES .............................................................................................151
7.4.1 Influence générale des variables sur la durée de la tenue...........................151
7.4.2 Durées des tenues du locuteur BL................................................................152
7.4.3 Durées des tenues du locuteur YM...............................................................154
7.5. DURÉE DES MAXIMA............................................................................................156
7.5.1 Influence générale des variables sur la durée du maximum de contacts.....156
7.5.2 Durées des maxima du locuteur BL .............................................................157
7.5.3 Durées des maxima du locuteur YM ............................................................159
7. 6 DURÉE DES OCCLUSIONS .....................................................................................161
7.6.1 Durée de l’occlusion du locuteur BL ...........................................................161
7.6.2 Durée de l’occlusion du locuteur YM ..........................................................163
7.7 DURÉE DE L’OUVERTURE LINGUO-PALATALE (LP)...............................................165
7.7.1 Influence générale des variables sur la durée de l’ouverture linguo-palatale
...............................................................................................................................165
7.6.2 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur BL .........................166
7.6.3 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur YM ........................168
7.7 RÉSUMÉ DES RÉSULTATS TEMPORELS...................................................................170
7.7.1 Les résultats temporels du locuteur BL........................................................170
7.7.2 Les résultats temporels du locuteur YM.......................................................171
QUATRIEME PARTIE..............................................................................................175
INTERPRETATION ET DISCUSSION...................................................................175
CHAPITRE 8...............................................................................................................175
LES RÉSULTATS SPATIO-TEMPORELS ............................................................175
8.1 L’AMPLITUDE DES MOUVEMENTS ARTICULATOIRES .............................................176
8.1.1 La pente de fermeture linguo-palatale (LP).................................................176
8.1.2 La pente d’ouverture linguo-palatale (LP) ..................................................179
8.2 LES VITESSES D’ÉLABORATION DES PENTES .........................................................182
8.2.1 La vitesse de fermeture linguo-palatale .......................................................182
13
8.2.2 La vitesse d’ouverture linguo-palatale (LP)................................................ 183
8. 3 RÉSUMÉ DES RÉSULTATS SPATIAUX ET TEMPORELS ............................................ 185
8.3.1 Le locuteur BL ............................................................................................. 185
8.3.2 Le locuteur YM............................................................................................. 187
CHAPITRE 9 : DISCUSSION................................................................................... 191
9.1 LES VARIATIONS INTER-INDIVIDUELLES............................................................... 191
9.1.1 Stratégie de compensation du locuteur BL .................................................. 193
9.1.2. Stratégie de compensation du locuteur YM ................................................ 193
9.1.3 Relations entre morphologie et articulation................................................ 194
9.1.4 Relations avec une perturbation dite ‘naturelle’ ......................................... 195
9.2 PHÉNOMÈNE D’APICALISATION............................................................................ 196
9.3 HIÉRARCHIE DE LA COMPENSATION ..................................................................... 200
9.3.1 En fonction de la pertinence des évènements articulatoires........................ 200
9.3.2 En fonction du poids des contraintes........................................................... 202
9.3.3 Une hiérarchie dans le contrôle moteur ...................................................... 205
9.4 ADAPTATION IMMÉDIATE OU APPRENTISSAGE : RÔLE DES FEEDBACKS................ 206
CONCLUSION ........................................................................................................... 211
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................... 217
TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................. 229
ANNEXES ................................................................................................................... 237
ANNEXE 1 : TABLEAU DE RECENSEMENT DE QUELQUES ÉTUDES
UTILISANT DES PERTURBATIONS EXPÉRIMENTALES.............................. 238
ANNEXE 2 : LES DURÉES MOYENNES DE LA PHRASE PORTEUSE, DE LA
VOYELLE ET DE LA CONSONNE C1 DANS LES QUATRE CONDITIONS
D’ENREGISTREMENT. ........................................................................................... 243
YM................................................................................................................................ 243
ANNEXE 3 : TABLEAUX DES DURÉES MOYENNES DE CHAQUE PHASE DE
LA CONSONNE. ........................................................................................................ 244
♦Durées consonnes BL puis YM. ......................................................................... 244
♦Durée fermeture de BL ...................................................................................... 245
14
♦Durée fermeture de YM. .....................................................................................245
♦Durée tenue BL...................................................................................................246
♦Durée tenue YM..................................................................................................246
♦Durée maximum de contacts BL........................................................................247
♦Durée maximum de contacts YM........................................................................247
♦Durée occlusion BL............................................................................................248
♦Durée occlusion YM. ..........................................................................................248
♦Durée ouverture BL............................................................................................249
♦Durée ouverture YM...........................................................................................249
ANNEXE 4 : LES MOYENNES DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX .......250
♦Les contacts linguo-palataux de BL...................................................................250
♦Les contacts linguo-palataux de YM :................................................................251
ANNEXE 5 : LES MOYENNES DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX À
CHAQUE SESSION D’ENREGISTREMENT. .......................................................252
ANNEXE 6 : LES PATRONS DE COARTICULATION DANS LES QUATRE
CONDITIONS D’ENREGISTREMENT..................................................................255
Locuteur BL...........................................................................................................255
Locuteur YM..........................................................................................................256
ANNEXE 7 :LES MESURES DES PALAIS DES LOCUTEURS..........................258
ANNEXE 8 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ SANS
BITE-BLOCK, LOCUTEUR BL...............................................................................261
Séquence /dad/.......................................................................................................261
ANNEXE 9 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ AVEC
LE B3, LOCUTEUR BL.............................................................................................262
Séquence /dad/.......................................................................................................262
ANNEXE 10 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ SANS
BITE-BLOCK, LOCUTEUR YM .............................................................................263
Séquence /dad/.......................................................................................................263
15
ANNEXE 11 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /D/ AVEC
LE B3, LOCUTEUR YM ........................................................................................... 264
Séquence /dad/ ...................................................................................................... 264
ANNEXE 12 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ SANS
BITE-BLOCK, LOCUTEUR BL. ............................................................................. 265
Séquence /tat/ ........................................................................................................ 265
ANNEXE13 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ AVEC
B3, LOCUTEUR BL................................................................................................... 266
Séquence /tat/ ........................................................................................................ 266
ANNEXE 14 : COURBE DE CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ SANS
BITE-BLOCK, LOCUTEUR YM............................................................................. 267
Séquence /tat/ ........................................................................................................ 267
ANNEXE 15 : COURBE DES CONTACTS LINGUO-PALATAUX DE /T/ AVEC
LE B3, LOCUTEUR YM. .......................................................................................... 268
Séquence /tat/ ........................................................................................................ 268
16
INTRODUCTION
17
INTRODUCTION
La production de la parole est considérée comme un acte à la fois cognitif et social. Par
cognitif nous entendons que toute production phonétique est liée à l’activité motrice des
organes articulatoires, activité régie par les processus mentaux. Acte social car il est
reconnu que la production de la parole répond aux exigences communicatives du
locuteur qui choisit les énoncés qui répondent le mieux à ses intentions. L’approche de
ce travail présenté ici est fondée sur l’idée que la parole en tant que phénomène
biologique répond fermement à une organisation adaptative. Son intelligibilité dépend,
en partie du contenu et de la qualité du signal et, en partie des connaissances
linguistiques et situationnelles présentes dans le cerveau de l’auditeur comme du
locuteur.
Les travaux relatifs au contrôle de la production de la parole montrent que cette faculté
d’adaptation aboutit à une certaine variabilité dans l’expression linguistique d’un
énoncé. Cette variabilité est due à la fois aux nombreuses contraintes
physiques/mécaniques du système de production et bien sûr à l’objectif énonciatif du
locuteur. Afin d'éclairer les connaissances à propos de cette variabilité de production, il
existe notamment un paradigme fort intéressant basé sur les phénomènes de
compensation articulatoire. Pour illustrer cette notion de compensation, nous pouvons
citer l’exemple bien connu des fumeurs de pipe pour lesquels une élocution correcte et
intelligible reste possible même avec une pipe coincée entre les dents. Certains travaux
portant sur ces phénomènes de compensation montrent que le système de production est
intrinsèquement organisé pour permettre à un groupe d’articulateurs d’effectuer une
action même si un articulateur est indisponible.
L’objectif de cette étude est d’observer et de quantifier ces phénomènes de
compensation articulatoire. A plus large échéance, nous espérons confirmer qu’une
même stratégie d’encodage peut commander plusieurs réponses articulatoires pour
atteindre un unique but communicationnel. D’autre part nous tenterons de valider
l’hypothèse que le contrôle du système de production de la parole peut varier selon le
niveau de traitement : un contrôle orienté sortie existe au niveau sous jacent
(préparation conceptuelle du traitement de l’information) puisque le but du locuteur est
effectivement de se faire comprendre. Un contrôle orienté système existe au niveau
18
biomécanique, le but du locuteur étant de réaliser les constrictions conformes à ce qu’il
cherche à produire dans le conduit vocal en déplaçant ses articulateurs. Grâce à la mise
en place de stratégies de compensations articulatoires, la variabilité des signaux de
parole pourrait être mieux expliquée et mieux comprise, aussi bien en parole normale
qu’en parole perturbée, voire en parole pathologique.
Concernant ces aspects, peu d’études portent sur le français, et sur les consonnes,
segments qui requièrent un agencement complexe des articulateurs supra-glottiques et
du larynx. Pour notre part, nous avons choisi d'étudier les mouvements compensatoires
qu’effectue la langue lorsque la mâchoire est fixée par des « bite-blocks » (cales inter-
dentales). Nous comparons les mouvements de la langue en parole normale et en parole
intentionnellement perturbée. Nous nous sommes penchée plus particulièrement sur la
production des consonnes occlusives /t /et /d/ du français en position initiale d’une
séquence CVC, intégrée dans une phrase porteuse. Nous exploitons la dimension
spatiale (amplitude des mouvements) et la dimension temporelle (timing des
mouvements) des mouvements linguaux au moyen de la méthode d’analyse qu’est
l’électropalatographie.
Notre thèse est composée de quatre parties sous-divisées en neuf chapitres.
La première partie présente les aspects théoriques relatifs à notre étude. Dans le chapitre
1, nous proposons une présentation générale des théories de la production de la parole.
Dans le chapitre 2, nous présentons les différentes conceptions qui s’articulent autour
des phénomènes de compensations. Dans le chapitre 3, nous proposons un recensement
des études ayant mis à jour des phénomènes de compensation. Nous insistons notament
sur les études soulignant le lien fonctionnel entre la mâchoire et la langue.
La deuxième partie présente la problématique et les choix expérimentaux. Dans le
chapitre 4, nous exposons la problématique qui synthétise les questions posées par les
parties précédentes et présente nos hypothèses de travail. Nous justifions notre choix
des occlusives linguales comme terrain d’investigation. Le chapitre 5 est consacré à la
méthode expérimentale choisie pour rechercher des compensations articulatoires dans
les mouvements linguaux, le corpus, le protocole expérimental et la méthode d’analyse
articulatoire qu’est l’électropalatographie.
La troisième partie se consacre à la présentation des résultats expérimentaux. Le
chapitre 6 aborde les aspects spatiaux de la variation des mouvements linguaux en
parole normale et perturbée. Les aspects temporels de cette variation sont traités dans le
chapitre 7.
INTRODUCTION
19
La quatrième partie est consacrée à l’interprétation générale de nos résultats. Le chapitre
8 présente les aspects spatio-temporels. Il met en relation les deux niveaux d’analyse
cités ci-dessus et propose un bilan interprétatif des résultats. Le chapitre 9 propose une
discussion plus élargie de nos interprétations.
20
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
21
PREMIERE PARTIE
Aspects théoriques : contrôle moteur et processus de
compensation dans la parole
______________________________________________________________________
CHAPITRE 1
La production de la parole
Ohala (1983) définit le mécanisme de production de parole comme un mécanisme qui
convertit l’énergie musculaire en énergie acoustique. Effectivement, la parole rassemble
contenu linguistique et signal acoustique, le tout, engendré et contrôlé par un système
biomécanique contrôlé par le Système Nerveux Central.
Figure n°1.1 : Schéma simplifié de production de parole : de la planification aux mouvements.
Si l’on shématise, la première étape de préparation conceptuelle implique la préparation
d’une intention de communication. A un niveau sous jacent, existent des représentations
mentales phonétiques stockées dans le cerveau. Ces représentations requièrent
l’existence de cibles articulatoires, acoustiques et perceptives. Une commande motrice
issue du système nerveux central, est transmise par voie nerveuse efférente vers les
muscles des articulateurs. L’activation des muscles modifie l’état initial des
articulateurs en fonction de l’ordre établi. Les mouvements des articulateurs entraînent
des modifications de forme du conduit vocal. Ainsi, les transformations des cavités de
résonance tout le long du conduit vocal se traduiront par des changements du signal
Activation
muscle
Position
articulateur
Forme conduit vocal
Signal
acoustique
Représentation
mentale
22
acoustique exprimés par des variations des valeurs des formants. On obtient alors le
signal de parole en sortie. Un retour de l’information auditive est alors produit vers le
système nerveux central par voie afférente grâce au feedback externe. Il peut y avoir
alors correction et genèse d’une nouvelle commande du système nerveux central si le
but de départ n’est pas réalisé.
1.1 Des représentations mentales aux sons
1.1.1 Quelques rappels sur la neurophysiologie de la parole
Les impulsions nerveuses venant du cerveau sont omniprésentes dans notre corps. Le
système nerveux peut être divisé en deux grands axes. Le système nerveux central qui
comprend le cerveau et la colonne vertébrale. Le système nerveux périphérique
constitué de nerfs crâniens, qui émergent du cerveau pour ravitailler la région de la tête
et de nerfs spinaux, partant de la colonne pour alimenter le reste du corps. Les neurones
apportent les influx du système nerveux central vers les organes périphériques par les
nerfs efférents. D’autres neurones sont dits afférents, ils apportent les informations sur
l’état des organes périphériques vers le système nerveux central par voie sensorielle.
1.1.2 Planification : des représentations phonétiques aux ordres
La parole est générée en deux étapes essentielles, planification et exécution, comme
d’ailleurs l’ensemble des actions contrôlées que nous effectuons. Les processus
articulatoires ont lieu durant l’étape d’exécution. Rappelons rapidement la phase de
planification pré-motrice. Quand on parle, on ajuste constamment les paramètres
caractéristiques de la production (durées des segments, pauses, schémas intonatifs,
rapidité d’élocution, force d’articulation), en fonction de l’auditoire (Lindblom 1996).
La connaissance partagée permet un nombre de variations dans la production des
phrases. Ces variations se font en fonction de la connaissance implicite que l’on a de la
situation d’énonciation et aussi en fonction des facultés de l’auditeur. En l’état actuel
des recherches sur les processus de production, il est présumé que la programmation a
pour objet de spécifier des séquences de segments phonétiques discrets, par exemple des
cibles, qui incluent les informations sur le réglage temporel (timing). Les séquences de
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
23
cibles introduisent les modifications des caractéristiques acoustiques et articulatoires
des formes canoniques stockées dans le cerveau (Perkell 1995). Les processus
articulatoires sont des actes moteurs qui convertissent les séquences discrètes de cibles
en mouvements articulatoires. La résultante acoustique, le son, est le produit de ces
conversions. Ainsi, ces cibles discrètes peuvent être caractérisées en terme de
mouvements des articulateurs et de paramètres acoustiques. Nous pouvons considérer
que la sortie de la phase de programmation est en même temps l’entrée de la phase
d’exécution.
1.1.3 Exécution : des mouvements articulatoires au signal de sortie
Nous savons que l’exécution d’un énoncé oral implique l’utilisation coordonnée d’une
centaine de muscles permettant ainsi la production de quinze sons à la seconde. La
production de parole est un processus moteur complexe, régi par une orchestration
temporelle des articulateurs, organisés dans le temps et aussi dans l’espace, pour
contribuer à l’émergence des sons spécifiques d’une langue. En termes fonctionnels, le
processusde produciotn de parole consiste en l’utilisation des systèmes respiratoire et
laryngé. Ces deux systèmes opèrent ensemble pour la génération des sons de la parole.
L’air expiré des poumons est converti en vibrations audibles grâce aux différents
organes à l’intérieur du conduit vocal. La source de vibration la plus importante est dans
la région inférieure du conduit vocal, le larynx, là ou sont logées les cordes vocales dont
les mouvements d’ouverture et de fermeture dépendent des vibrations d’air. Une fois
que le flux d’air est passé à travers le larynx, il entre dans les cavités supra glottiques où
il est affecté par l’action de plusieurs articulateurs mobiles comme la langue, le palais
mou, les lèvres et la mâchoire.
La parole en tant qu’activité motrice volontaire est régie par un système très complexe
qui se doit de tenir compte d’une multitude de contraintes. Nous proposons un résumé
de ces contraintes d’après Zerling (1993b) classées par niveau d’apparition dans le
processus de production.
Les contraintes articulatoires pèsent globalement sur l’articulation des sons, c’est à dire
sur la réalisation des cibles, et peuvent voir plusieurs origines :
-phonologiques et linguistiques quand elles sont imposées par le système phonologique
à travers les phénomènes et leurs traits distinctifs. Elles sont propres à chaque langue.
24
-physiologiques et bio-mécaniques quand elles proviennent des limites articulatoires du
conduit vocal, les limites de déplacement des organes phonatoires.
-acoustico-perceptives dans la mesure où les sons émis ne présentent un intérêt que s’ils
peuvent être entendus et perçus comme distincts les uns des autres par notre appareil
auditif.
Les contraintes coarticulatoires ou combinatoires découlent nécessairement de
l’enchaînement des sons sur le plan temporel. Ceux-ci ne sont pas réalisés de la même
manière que s’ils étaient articulés individuellement : ils sont soumis à l’influence des
sons voisins et leur réalisation va différer en fonction du contexte phonétique.
Les contraintes prosodiques agissent aussi sur le plan temporel. Les phénomènes
d’accentuation et d’intonation vont imposer des contraintes dépendant en partie de la
langue parlée. Les contraintes prosodiques s’appliquent à la fois sur l’ensemble de la
chaîne parlée mais aussi individuellement à chaque maillon.
Les contraintes situationnelles sont liées à la fois aux dispositions du locuteur, à son
environnement, au milieu, à la situation globale, à la présence interactive d’un inter-
locuteur. Zerling (Zerling1993b) les qualifie de « contraintes libres » dans la mesure où
elles peuvent être contrôlées et modifiées par le locuteur.
Les contraintes stratégiques découlent de la « base articulatoire » ( Zerling 1991) de
chacun. Elles sont qualifiées de stratégiques dans la mesure où elles découlent des lois,
des habitudes et des tendances articulatoires propres à la langue mais surtout propres à
chaque individu. Ces contraintes sont néanmoins essentielles puisque responsables du
réglage affiné de l’émission des sons.
Nous concluons que des influences de toutes sortes agissent sous formes de contraintes
à tous les niveaux de la production de la parole. Cet état donne un aperçu des difficultés
rencontrées par les phonéticiens pour mettre en œuvre des modèles visant à fournir une
reproduction complète des caractéristiques articulatoires et acoustiques de la parole. En
réponse à ces nombreuses contraintes le système de production fait preuve d’une large
variabilité dans ses réalisations. Cette variabilité est l’objet de nombreuses questions à
propos du contrôle des mouvements de la parole. La dialectique de l’invariant et de la
variabilité a débouché sur de nombreux courants théoriques. Quand les contraintes
articulatoires et acoustiques le permettent, la cible est atteinte. Quand les contraintes
pèsent au point d’empêcher l’atteinte de la cible, le message peut tout de même être
discriminé car les cibles sont intégrées de manière intuitive et inconsciente par les
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
25
locuteurs. Autrement, l’articulation est compensée afin d’atteindre au minimum la cible
acoustique à défaut de la cible articulatoire. Si aucune des deux n’est atteinte, la
perception et la compréhension sont alors sérieusement altérées. Le processus de
décodage de la perception de la parole permet de reconnaître une cible acoustique même
quand il y a des « undershoots » et « overshoots » (Lindblom 1990). Une des
orientations spécifiques des théories phonétiques est de se demander quels sont les
invariants dans la production de la parole. Il existerait des points de passage obligés
dans les régions cibles sous forme d’invariants spatio-temporels. Nous pouvons associer
à cette tâche abstraite un chemin dans l’espace spatio-temporel qui respecterait certaines
contraintes locales.
1.2 Les théories de production de la parole
Les théories de production tentent de décrire les problèmes de base de la production de
la parole : les cibles, le contrôle moteur, le timing des articulateurs, les contraintes…
Diverses théories de production de la parole se proposent de définir la production de la
parole de deux façons correspondant à deux grands courants de pensée. Les théories
orientées sortie prônent que le but du locuteur est de se faire comprendre. Les théories
orientées système prêchent l’idée que le but de la parole est de produire des
mouvements des articulateurs.
1.2.1 Les théories orientées sortie acoustique
A l’image de la pensée de Jakobson (1963), le locuteur parle pour être entendu et cela
dans le but d’être compris. Quand le locuteur parle, il cherche avant tout à faire
comprendre à son auditoire les concepts et informations qu’il veut exprimer par la
parole, de même que des informations sur son état. Il cherche ainsi à atteindre une cible
acoustique et perceptive. Les théories orientées sorties donnent à supposer qu’il y a peu
de variabilité sur le plan acoustique.
26
1.2.1.1 La théorie de Lindblom
Une des théories les plus exploitées concernant la variabilité dans la parole est celle de
Lindlom (1971, 1983, 1990, 1996) qu’il reprend et réactualise avec près de trente ans de
recul et d’expériences et qui fait toujours foi en phonétique. Les locuteurs ont pour
habitude d’ajuster leurs productions en fonction de la situation de communication : ce
que Lindblom appelle « l’organisation adaptative » de la parole. Le locuteur choisit la
forme grammaticale ou lexicale qui sert le mieux ses intentions communicatives. Dans
chaque situation, ce choix dépend d’une façon cruciale de l’information qui est
disponible à l’auditeur. De nombreuses données expérimentales montrent que
l’intelligibilité de la parole dépend, en partie de la qualité et du contenu du signal et, en
partie du fait que ce signal engage des processus dont l’origine est dans les
connaissances linguistiques et situationnelles présentes dans le cerveau de l’auditeur au
moment du traitement perceptuel. Autrement dit, il faut supposer qu’une unité
phonétique ne reste jamais constante mais subit continuellement des fluctuations. En
production et perception de la parole, la variabilité des signaux de la parole est le
résultat de présuppositions phonétiques.
Les expressions les moins claires sont dites « réduites » dans le sens où quelques uns
des traits acoustiques peuvent être modifiés ou occultés. Les auditeurs sont capables de
comprendre sans avoir accès à la totalité des paramètres acoustiques car ils utilisent leur
connaissance pour retrouver les informations manquantes. Ainsi un locuteur agit en
évaluant de manière continue la capacité qu’a l’auditeur à comprendre ce qui est dit. Le
locuteur transmet son message le plus efficacement possible tout en contrôlant les
mouvements de ses articulateurs le plus aisément possible. De ce point de vue, autant
l’auditeur que le locuteur ont un rôle actif dans l’interaction. Ils évaluent tous deux la
qualité du bruit environnant, la familiarité avec la langue... Les variations des
expressions des paramètres qui définissent les catégories de sons sont connues et
reconnues par les deux parties. Dans des cas extrêmes de réduction, les frontières des
régions articulatoires et acoustiques entre les segments peuvent être franchies ou
modifiées. En conséquence, l’expression des paramètres acoustiques responsables des
contrastes des sons n’est pas invariante. Les mouvements articulatoires sont
programmés pour contraindre les variations acoustiques parmi les situations différentes,
dans des limites perceptuelles acceptables qui peuvent être assez larges. L’entrée du
système de programmation motrice de la parole consiste en des cibles qui sont définies
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
27
en terme de paramètres acoustiques et/ou articulatoires (Lindblom et al. 1979). Ces
cibles sont des corrélats des traits distinctifs qui spécifient les items lexicaux. Une autre
proposition de Lindblom (1983) à propos de la formation des sons de la parole est que
les valeurs des paramètres acoustiques sont déterminées par deux principes : le principe
de contraste suffisant et le principe d’effort articulatoire minimal. Ces principes sont
expliqués dans le paragraphe 1.2.3 concernant la théorie Hypo-articulation et Hyper-
articulation de Lindblom (1996) défend l’idée que la perception est basée sur des cibles
acoustiques et non articulatoires. Cette théorie de la perception favorise une
représentation de la parole en termes acoustiques et perceptifs. Elle semble négliger le
fait que les mouvements articulatoires aient aussi un rôle actif quant à la réalisation des
sons et surtout en ce qui concerne l’atteinte ou non des cibles du locuteur.
1.2.1.2 La théorie quantale de Stevens
Le phonéticien ne peut ignorer la théorie quantale de la parole quand il évoque les
théories traitant d’articulation, de cible, de compensations du contrôle moteur. Le cadre
théorique instauré par Stevens à propos de l’existence des invariants phonétiques est
appelé théorie quantale, théorie notable qui relate de la formation des traits acoustiques
et de l’existence de l’invariance acoustico-auditive. Elle est proposée par Stevens dès
1972, puis il la reprendra en 1985, 1989 et 1991. Les cibles sont définies comme des
régions dans l’espace acoustique et articulatoire, par les principes quantal, dynamique et
distributionnel.
L’espace de contrôle en parole est acoustique dans le sens où le locuteur fait de son
mieux pour doter le signal de parole des indices temporels et des propriétés spectrales
invariants en association directe avec le code phonologique. Stevens et Blumstein
(1991) montrent l’existence de propriétés acoustiques invariantes permettant de
caractériser le lieu d’articulation de la consonne indépendamment du contexte
vocalique, suite à une série d’expériences sur la perception du lieu d’articulation des
plosives /b/, /d/ et /g/ dans des stimuli de synthèse Consonne-Voyelle. Les propriétés
acoustiques restent invariantes à travers les locuteurs et les contextes phonétiques et ont
un rôle perceptuel démontré. Cette théorie prône l’existence d’une relation non linéaire
entre l’articulation et les propriétés acoustiques des sons en sortie du système de
production. Lorsqu’un paramètre articulatoire varie de manière linéaire, il arrive que les
28
conséquences acoustiques varient de façon non linéaire. Autrement dit, dans certaines
zones articulatoires on peut observer des mouvements qui peuvent être sans
conséquence acoustique (le résultat acoustique est stable). Inversement, il existe des
zones articulatoires dans lesquelles une petite variation du paramètre articulatoire
implique une variation abrupte du paramètre acoustique. Les relations articulatori-
acoustiques sont de nature quantale dans le sens où les variations acoustiques se font par
paliers et les variations articulatoires se font de manière continue. Le même type de
relation quantale existe aussi entre l’onde acoustique et les sons perçus. La théorie
suggère que ces relations quantales entre les paramètres acoustiques, perceptifs et
articulatoires sont un facteur déterminant dans le choix des attributs articulatoires et
acoustiques utilisés à des fins distinctives dans la parole. Cette théorie rend compte des
facteurs qui façonnent l’ensemble des attributs acoustiques et articulatoires utilisés par
le locuteur pour signaler les distinctions du langage. C’est une théorie des traits
distinctifs qui donne une explication sur l’origine des traits à partir de l’observation des
phénomènes articulatoires et des résultats acoustiques associés. La théorie quantale
présente l’avantage de corréler la sortie acoustique et le niveau articulatoire. Ladefoged
(1983) quant à lui fait remarquer que certains objets peuvent être regroupés en famille
car ils ont un « air de famille » (family resemblance) mais ne sont pas pour autant
corrélés. Si les langues du monde favorisent certains sons sur l’échelle des réalisations
possibles, ce n’est en aucun cas parce que ces sons sont de nature quantale, mais
simplement parce qu’ils sont plus faciles à réaliser. Il n’existerait pas de qualité
vocalique préférentielle, à l’exception peut être des voyelles [i, u, a]. Elles ne sont pas
préférées parce qu’elles seraient des voyelles quantales pour lesquelles des variations
articulatoires importantes n’auraient que peu de conséquences acoustiques, mais parce
qu’elles sont des points extrêmes de l’espace articulatoire et offrent un maximum de
distinctions entre elles. Browman et Goldstein (1989), quant à eux, admettent en partie
la théorie quantale de Stevens car elle pourrait permettre non seulement d’expliquer les
gestes que les langues peuvent choisir à des fins contrastives mais également comment
ces gestes peuvent s’organiser.
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
29
1.2.1.3 Les théories de Guenther et Perkell
Pour Guenther (1995), les cibles sont spécifiées dans un espace acoustique. Elles
prennent la forme d’un ensemble de valeurs acceptables de patrons formantiques mais
aussi de trajectoires formantiques. Il s’oppose à la traditionnelle présentation des cibles
du « tout ou rien ». Son modèle DIVA fait l’hypothèse de l’existence d’un contrôleur de
haut niveau qui permettrait à tout instant de viser vers la cible à atteindre. C’est un
modèle de contrôle où la trajectoire distale est caractérisée par un ensemble discret de
cibles dans le conduit vocal. Le contrôleur prend en compte la position de l’effecteur
final (constriction dans le conduit vocal), la compare à la position cible désirée et fait
évoluer les variables de contrôle de façon à réduire la distance séparant les deux
positions. Les positions des articulateurs sont donc associées à la trajectoire de
l’effecteur final dans l’espace des variables géométriques du conduit vocal. La chaîne
de phonèmes est produite par des mouvements continus des articulateurs.
Pour Perkell et al. (1993, 2000) les séquences de segments qui constituent les mots sont
représentées dans le système nerveux central comme des régions auditives spatio-
temporelles. Les mécanismes de contrôle moteur visant la production de sons de parole
sont basés sur des cibles auditives. Les cibles sont des régions dans un espace
dimensionnel acoustique perceptif. (En terminologie du contrôle moteur, c’est le task
space). Il existe plusieurs cibles acoustiques pour chaque son de parole. Par exemple,
les cibles des voyelles sont une source de son voisé et une région particulière dans
l’espace formantique. Les cibles acoustiques les plus stables sont celles des voyelles. Il
peut y avoir des variabilités à cause de l’effet quantal, à cause de la relation non linéaire
entre les paramètres d’entrée et de sortie : il existe une région dans laquelle le paramètre
de sortie est stable. Pour les consonnes obstruantes, la cible est un bruit du burst avec
certaines caractéristiques spectrales. Différents style de parole peuvent faire varier
l’espace de cibles : pour une parole plus rapide, l’échelle de temps des régions des
cibles serait compressée. Pour une parole plus lente, la dimension acoustique serait plus
large. Perkell et al (1993) postulent que les cibles sont des combinaisons de paramètres
acoustiques et articulatoires. Ainsi, ils argumentent aussi en faveur d’un contrôle orienté
vers des cibles acoustiques, contestant l’hypothèse de Browman et Goldstein (1989 et
1992) et de Kelso et al. (1986) qui prônent des cibles seulement articulatoires.
30
1.2.2 Les théories orientées système
« La parole s’assimile davantage à une séquence de mouvements rendus audibles qu’à
une séquence de sons engendrés par des mouvements » (Stetson 1928). Pour les tenants
de cette conception, le but du système de production serait d’activer les articulateurs. Le
but de l’acte de parole du locuteur serait de faire bouger ses articulateurs d’où la
prédominance des cibles articulatoires. Dans ces modèles, on n’observe pas autant de
considérations sur le plan acoustique et perceptif que dans les modèles orientés sortie.
1.2.2.1 La théorie de Chomsky et Halle
Chomsky et Halle (1968) définissent les mouvements des articulateurs en terme de traits
articulatoires. Le trait correspond à un ensemble universel de capacités que les locuteurs
ont à produire, permettant de percevoir les sons avec des propriétés linguistiques
distinctives. La théorie des traits articulatoires admet que les items lexicaux sont
représentés phonologiquement comme des séquences de segments discrets caractérisés
en terme de primitives appelées traits distinctifs. Ces traits sont composés (i) d’un lieu
articulatoire, défini par des articulateurs particuliers (par exemple, le trait labial pour les
lèvres, coronal pour la lame de la langue) et (ii) d’un mode articulatoire (par exemple
constrictif pour /z/, latéral pour /l/, vibrant pour /r/). Ces traits nous informent sur les
déplacements des articulateurs et sur les propriétés acoustiques qui en résultent. Définis
de cette façon, mode et lieu d’articulation permettent de décrire les sons de toutes les
langues du monde sous forme d’une classification dont l’Alphabet Phonétique
International se sert. La génération d’un segment exige habituellement la coordination
de mouvements de plusieurs articulateurs. Dans le cas d’une consonne, le trait
segmental spécifie l’articulateur majeur (par exemple les lèvres, le dos de la langue,
l’apex) qui forme la constriction dans le conduit vocal. D’autres traits spécifient les
mouvements des articulateurs secondaires (comme la glotte, le velum) qui doivent être
coordonnés avec le premier articulateur. Le trait premier génère des repères acoustiques
et les traits secondaires sont repérables au voisinage de ces repères acoustiques ou
bornes. Quand les traits spécifiques d’une expression sont convertis en sons, les cibles
finales des mouvements articulatoires sont des patrons acoustiques qui permettent à
l’auditeur de comprendre ce qui est dit. Dans le mécanisme de production, les cibles
sont définies avec plus d’un type de paramètres et leur nature peut varier d’un segment à
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
31
l’autre. Ainsi, quand une expression est produite, certains traits spécifiques ou cibles
peuvent être modifiés ce qui affecte alors la taille et la localisation de leur région dans
l’espace articulatori-acoustique.
La théorie des gestes postule que ce sont les gestes articulatoires rendus audibles qui
sont à l’origine de la parole articulée. Dans cette théorie les primitives correspondent à
des gestes dynamiques définis en terme de lieu et de degré de constriction dans le
conduit vocal, en terme de configurations spatiales. Les propriétés dynamiques du geste
déterminent les aspects du timing articulatoire et de la cinématique. (Saltzman et
Munhall, 1989). La coordination inter-gestuelle (timing relatif et magnitude du geste)
est spécifiée par une partition gestuelle (Browman et Goldstein, 1989).
1.2.2.2 La Phonologie Articulatoire
La phonologie articulatoire commence avec l’acceptation des domaines physique et
cognitif de la parole comme points forts pour la description d’un système complexe.
L’importance de cette approche est l’identification des unités phonologiques avec des
unités spécifiques dynamiques de l’action articulatoire appelées gestes. Ainsi, une
émission d’un son est décrite comme un acte qui peut être décomposé en petit nombre
d’unités primitives (gestes) à l’intérieur d’une configuration spatio-temporelle
particulière. L'unité phonologique de base est le geste articulatoire qui est défini comme
un système dynamique spécifié par un ensemble caractéristique de paramètres. Pour
l’articulation d'un son, les tâches sont distribuées à chaque ensemble d'articulateurs
différents à l’intérieur du conduit vocal (lèvres, langue, glotte, velum…). Pour les
tenants de la Phonologie Articulatoire, le geste articulatoire est invariant. Les variables
de contrôle sont le lieu et le degré de consriction, donc des paramètres géométriques.
Cette théorie gestuelle est basée essentiellement sur le niveau articulatoire. Browman et
Goldstein (1989, 1992, 1993) exploitent la possibilité de réduire l’étude de
l’organisation de la parole à l’étude de l’organisation des gestes articulatoires. Les
gestes sont considérés comme ayant une spécification temporelle et spatiale. Ils sont
définis dans l’espace du conduit vocal en terme de lieu et d’aire de constriction
maximale. Pour un phonème donné, les positions des articulateurs sont variables selon
le contexte d’exécution car il est possible que certains articulateurs puissent contribuer à
32
la réalisation de plusieurs segments à la fois. Ainsi, l’articulation d’un son est modelée
comme une constellation de plusieurs gestes articulatoires qui peuvent potentiellement
s’imbriquer et/ou se chevaucher dans une partition gestuelle. Chaque cible fonctionnelle
pour un geste est réalisée par une action coordonnée d’un ensemble d’articulateurs,
autrement dit par une structure gestuelle coordinatrice. Ces chevauchements et
recouvrements de gestes traduisent la coarticulation entre segments.
1.2.2.3 Le modèle de la Dynamique des Tâches
Avec le modèle de la Dynamique des Tâches (Task Dynamics), Kelso et ses
collaborateurs (Kelso et al. 1986) visent à réconcilier l’invariance profonde de la parole,
dégagée des analyses linguistiques traditionnelles, et la variabilité de surface telle
qu’elle est observée dans les expériences acoustico-articulatoires. Les unités
phonologiques de base, concaténées pour former les mots du langage sont de nature
gestuelle. Les formes canoniques de la parole sont des structures coordinatives ou
groupements fonctionnels des muscles recrutés en fonction de la tâche à effectuer. La
trajectoire dans l’espace distal est décrite par un ensemble d’objectifs articulatoires
discret (place de la constriction, ouverture de la glotte…). Cet ensemble est spécifié par
des variables d’activation gestuelle dont l’évolution est donnée par ce que Browman et
Godstein (Browman et Goldstein 1992) appellent la partition gestuelle. Associés à la
phonologie articulatoire, Kelso et al. (1986) mettent en avant les propriétés dynamiques
inhérentes au système articulatoire et soulignent l’importance des relations de phase
entre les mouvements articulatoires. Le modèle de la Dynamique des Tâches a pour but
de rendre compte de la cinématique des articulateurs, de comprendre les actions dirigées
vers une cible, de révéler le rôle des synergies entre les articulateurs lors de la
production de parole.
Dans le modèle, les actions sont définies initialement en termes fonctionnels, c’est-à-
dire en terme de tâche à atteindre. Kelso et al. (1986) expliquent comment l’action
acquiert et maintient son caractère «dirigé vers une cible » (goal-directed). Afin
d’essayer d’expliquer simplement le modèle de la dynamique des tâches, prenons
l’exemple de la réalisation d’un /b/. Les diverses actions discrètes qui tendent vers la
fermeture bilabiale sont décrites dans un espace des tâches (task space). Le contrôle
dynamique qui implémente une action est premièrement fonctionnel et l’atteinte d’une
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
33
cible discrète, la fermeture bilabiale, est caractérisée par un point d’attraction. Un
système de points attracteurs possède des points de stabilité, les trajectoires du système
sont attirées par un point où le système est en équilibre. Dans le cas de la fermeture
bilabiale : le système d’aperture des lèvres est attiré vers le point où les lèvres se
rencontrent. La fermeture est alors caractérisée par ce point qui est le point d’équilibre
du système.
1.2.2.4 Le modèle de Bell-Berti et Harris
Pour Bell-Berti et Harris (Bell-berti et Harris 1981) aussi les gestes sont invariants et
relatifs à chaque segment. C’est en se chevauchant plus ou moins partiellement par les
phénomènes de coarticulation que les gestes donnent lieu à une certaine variabilité de
surface. Le processus d’anticipation est vu comme le résultat d’un processus « time-
locked » entre les gestes sous-jacents. Dans cette conception, l’anticipation résulte du
chevauchement de deux gestes consécutifs. L’influence, par anticipation, du second
geste débute alors que le premier est encore en cours de production. L’initiation du
second geste est relativement stable par rapport à l’instant où se finira le premier geste.
L’anticipation articulatoire du geste est relativement fixe (time locked) par rapport à son
début acoustique. Ceci est possible car chaque segment est muni d’une dimension
temporelle intrinsèque. Le recouvrement des gestes associé à deux segments voisins se
fait de façon partielle. Les effets d’anticipation sont donc à durée fixe. Les conflits entre
gestes sont résolus en ce qui concerne la planification. Le début d’un mouvement
articulatoire est indépendant de la longueur de la chaîne phonétique antérieure et
commence à un instant fixe avant le début acoustique du segment auquel il est associé.
Dans le même esprit, Löfqvist (1990) envisage les gestes comme invariants, relatifs et
propres à chaque segment. Lorsque les gestes se chevauchent partiellement, on observe
une variabilité de surface. Les gestes phonétiques sont définis dynamiquement et ont
une dimension temporelle intrinsèque, à condition qu’ils ne soient pas en concurence
avec les voisins. Durant la production, la variabilité observable dans l’activité du
conduit vocal (associée à un geste) résulte d’un chevauchement temporel entre
gestes. Ainsi, l’influence des gestes associée à plusieurs segments adjacents présente
des traces dans le continuum acoustique et articulatoire. La dimension temporelle
intrinsèque permet une organisation dans le temps : le même geste de recouvrement
34
couvre les effets d’anticipation (influence des segments suivants) et de persévération
(influence des segments antécédents).
Nous tenons à souligner les avantages des théories orientées système. Ces modèles dits
biomécaniques ou neurophysiologiques, s’inscrivent dans un cadre dynamique pour
expliquer les contraintes de la production de la parole et les variations qu’elles
induisent. La parole étant une activité motrice humaine, elle résulte de l’évolution
temporelle d’un système physique comprenant des éléments de masse, viscosité et
élasticité, comme chaque activité motrice humaine. Ces éléments pourraient contribuer
à expliquer un certain nombre de phénomènes fondamentaux de la parole comme
l’anticipation, la coarticulation, la réponse aux perturbations et la coordination inter-
articulateurs. Il nous semble aussi fondamental de garder à l’esprit les concepts des
théories orientées sorties, la sortie acoustique et la perception étant une finalité absolue
dans la communication.
1.2.3 Le modèle Hypo-articulation Hyper-articulation de Lindblom
Cette théorie propose un compromis entre les deux conceptions précédentes : elle
propose un système de contrôle de la parole orienté sortie acoustique qui est capable
d’expliquer la large variabilité observée dans la production de la parole. La théorie de la
variabilité adaptative souligne l’existence de deux principes antagonistes spécifiques du
contrôle moteur de la parole : l’exigence d’une distinction perceptive du point de vue de
l’auditeur et la demande d’économie articulatoire du point de vue du locuteur. Le
concours de ces deux principes est à l’origine d’un grand nombre de phénomènes de
variabilité en parole. Cette variabilité peut s’exprimer par le paradigme d’hypo-
articulation et d’hyper-articulation. Le locuteur est obligé d’adopter une stratégie de
variabilité adaptative en essayant de trouver un compromis entre les exigences pour la
compréhension et son effort d’articulation. Cette théorie se fonde sur la notion
d’adaptabilité du locuteur afin de permettre la récupération de l’information de
l’auditeur. Ainsi, cette théorie explique pourquoi les paramètres physiques de
description de la parole peuvent être variables à tous les niveaux pour un message
linguistique invariant.
Le langage et la parole sont des produits de l’évolution et y sont soumis. La théorie
Hypo-articulation et Hyper-articulation est compatible avec le modèle Darwiniste de
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
35
l’évolution prônant la variation et la sélection biologique et culturelle. Dans un tel
cadre, la théorie Hypo-articulation et Hyper-articulation a pour but d'approfondir la
nature systématique de la variation phonétique intra-locuteur et aussi inter-locuteurs.
Elle présume que les communicants doivent accorder leurs performances en harmonie
avec les exigences situationnelles, d’une part, et avec les connaissances linguistiques et
phonétiques, d’autre part. Le but commun des inter-locuteurs est toujours de produire
une parole intelligible. Les facteurs qui influencent la variation phonétique intra
locuteur sont basés sur un continuum Hypo-Hyper. Le locuteur fait une estimation
continuelle de l’information qu’il doit mettre dans le signal et il adapte sa production de
parole selon cette évaluation. Cette parole adaptative se manifeste par des formes hyper-
articulées avec plus de force (force articulatoire) et par des formes hypo-articulées
produites moins vigoureusement. La production de parole nécessite un contrôle des
acteurs de production et des contraintes de sortie (signal acoustique) : elle répond à un
système d’organisation adaptative. Les segments phonétiques constituant la chaîne de
parole sont gérés par une chaîne de commandes distribuées sur un temps très court.
Elles peuvent toujours bouger d’une cible à une autre. L’action des articulateurs se
trouve restreinte dans la parole rapide ou face à une autre contrainte articulatoire ce qui
fait que les articulateurs ne peuvent pas toujours compléter une réponse donnée avant la
commande de la configuration articulatoire suivante. Ainsi, les articulateurs n’atteignent
pas toujours la cible voulue et répondent simultanément à plus d’un signal d’entrée
(phénomène d’undershoot ou d’overshoot).
1.2.3.1 L’Hypo-articulation
Le système moteur tend à engendrer un comportement de moindre effort. Il répond à un
principe biomécanique d’économie, principe qui régit tous les mouvements, pas
seulement ceux spécifiques à la production de la parole. Cette notion est associée avec
le concept d’atteinte de cible phonétique. Prenons une cible vocalique. Premièrement,
plus la voyelle est courte, plus l’extension du mouvement vers la cible sera réduite. De
la même façon, quand une commande arrive trop vite ou que l’extension d’un
mouvement n’est pas suffisante, alors la cible visée est manquée (undershoot) et le
système est réorganisé afin de pointer sur une autre. Mais le locuteur a le «choix» de
pouvoir éviter les undershoots, il a alors recours à des manœuvres compensatoires au
36
détriment de la loi du moindre effort. Par exemple, si le timing d’une commande est
trop rapide, alors le locuteur peut augmenter la vélocité de la commande par
augmentation de l’amplitude du geste. En définitive, il s’adapte aux contraintes de
production tout en faisant en sorte de conserver une parole compréhensible. Si le
système de parole opère pour minimiser les efforts articulatoires, nous pouvons attendre
à ce qu’il s’écarte des cibles phonétiques par undershoot assez souvent. L’exemple de la
production de la voyelle fermée /i/ illustre ce principe d’économie, car pour prendre la
configuration requise par le /i/, la langue dévie très peu de sa configuration neutre de
repos.
1.2.3.2 L’Hyper-articulation
Il existe un principe de plasticité adaptative orienté vers une cible. Ce principe est un
des traits généraux du contrôle moteur. Nous venons de voir que le locuteur peut
compenser ou non (en terme de réajustements). Notons que plus les durées des
segments seront petites, plus le locuteur devra redoubler d’effort (en terme de coût
biomécanique) au détriment de la loi du moindre effort. L’élaboration de la
représentation de la sortie (finalité) précède l’exécution d’un ensemble de mouvements.
Ici, les mouvements articulatoires apparaissent comme étant un but. Le locuteur choisit
de « sur-articuler » pour s’adapter aux conditions de communication qui jouent un rôle
décisif. L’atteinte de la cible est en accord avec la demande de l’auditeur et la situation
de production. Les contraintes de perception sont décisives. Dans ce cas, le locuteur
prend en compte le bénéfice de la boucle de feedback perceptif et utilise les
informations sensorielles. Pour illustrer ce principe de plasticité, prenons l’exemple de
la production de la voyelle fermée /i/ en présence d’un bite-block (Lindblom et Sunberg
1971). Le système est capable de compenser, la sortie acoustique (formants) est
similaire à celle d’un /i/ normal, ce sont les mouvements articulatoires qui sont
différents. Lors de la production d’un /i/ perturbé, si le système est capable de réaliser
des compensations, c’est qu’il est gouverné par un principe de plasticité adaptative.
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 1 : La production de la parole
37
1.2.3.3 Les avantages du modèle Hypo-Hyper articulation.
Les avantages de la théorie de Lindblom, s’agissant des phénomènes de compensation,
sont nombreux. Les variations intra-locuteurs ne sont pas considérées comme des
invariants enchâssées dans une variabilité linguistique devenue peu pertinente, elles sont
plutôt de réelles adaptations en ligne au grand nombres de demandes fonctionnelles
satisfaites par la parole. Le paradigme Hypo-Hyper montre la capacité du locuteur à
répondre à de nombreuses contraintes, dans la mesure où la parole est un acte
volontaire. Les principes traditionnels bio-mécaniques qui régissent tous nos
mouvements, à savoir ceux de plasticité, de flexibilité et de moindre effort, sont utilisés
pour expliquer la variabilité de la parole. Pour définir la variabilité dans la parole, ce
modèle est très séduisant car il est capable d’expliquer toutes les perturbations du
système : des plus naturelles (effets de l’action d’un articulateur sur un autre) aux plus
provoquées (par un expérimentateur) sur un même paradigme : parole Hypo-articulée et
Hyper-articulée.
1.3 Conclusion
Dans les pages qui précèdent, nous avons présenté un ensemble de théories et modèles
qui concernent le contrôle moteur de la production de la parole. Nous avons vu, d’une
part, un contrôle qui serait orienté-sortie reposent sur des cibles acoustiques, d’autre
part un contrôle qui serait orienté-système, basé sur des cibles articulatoires. Nous
n’avons pas le projet d’opposer de manière drastique ces deux types de contrôle car il se
pourrait qu’ils oeuvrent de concert à des étapes différentes du contrôle de la production
de la parole. Nous avons constaté que la production de la parole passe par deux grandes
étapes: la planification et l’exécution. Au moment de la planification le but du locuteur
est effectivement de communiquer et de se faire comprendre par son entourage : les
cibles qu’il cherche à atteindre sont de nature acoustique. Ainsi la boucle planification-
exécution admet un contrôle orienté-sortie. Le contrôle des articulateurs serait plutôt
fondé sur des critères définis dans un espace distal, l’espace perceptif désiré pour un
locuteur estimé, un espace caractérisé par exemple par des valeurs formantiques. A
38
partir des trajectoires formantiques perçues, il est possible d’inférer les commandes
motrices envoyées aux muscles.
Au niveau biomécanique, pour permettre l’exécution des mouvements des articulateurs,
le but du locuteur est de réaliser les constrictions correctes dans le conduit vocal et/ou
de bien placer les articulateurs. Durant cette étape d’exécution du mouvement, les cibles
sont spécifiées dans une partition gestuelle et peuvent être articulatoires et ne
constituent pas une finalité mais un passage obligé vers les paramètres acoustiques
demandés. Un contrôle orienté-système se ferait au niveau physique des mouvements
des articulateurs. Cependant un contrôle acoustique donne plus d’importance à l’objectif
du locuteur.
39
40
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
41
CHAPITRE 2
Compensations et Structures Coordinatives
2.1 Présentation de la notion de compensation La définition de la compensation du Larousse consiste à dire que l’on compense quand
on « équilibre un effet par un autre ». Si nous apposons cette définition au système de
production de parole, l’action de compenser est une habileté du système à réagir face à
une perturbation qui peut être statique (bite-blocks pour fixer la mâchoire dans une
position ouverte) ou dynamique (ressort qui tire aléatoirement la mâchoire). Des
perturbations statiques existent dans la vie de tous les jours durant la production de la
parole, par exemple il nous est facile de parler en tenant un stylo ou une paille entre les
dents. Cette situation de perturbation, à condition que l’objet ne soit pas démesuré,
n’empêche pas la production intelligible des sons de parole. Ainsi, déjà l’expérience
quotidienne nous informe sur le fait que les compensations face à des perturbations
inattendues, s’opèrent rapidement et de manière fonctionnelle.
Un des précieux paradigmes expérimentaux pour aider à comprendre le contrôle et la
coordination des mouvements articulatoires est d’introduire des perturbations
inhabituelles. Nous pouvons ainsi observer comment le système de production se
comporte pour pallier ces perturbations. La nature de la réponse, et le temps de réponse,
peuvent dévoiler la nature de l’organisation de l’acte moteur. Un certain nombre
d’études a utilisé ce paradigme par le biais d’expérimentations afin de connaître mieux
le contrôle moteur de la parole. (Folkins et Abbs 1975, Folkins et Zimmerman, 1982,
Kelso et Tuller 1983, Munhall, Löfqvist et Kelso, 1994, Shaiman, 2001).
2.1.1 Définition générale : perturbation et compensation articulatoire
Les phénomènes de compensation articulatoire sont définis en terme de mouvements
compensatoires des articulateurs. Pour parler de compensation nous avons besoin de
deux ou plusieurs articulateurs qui fonctionnent ensemble, dépendant les uns des autres,
42
comme une synergie. Si l’activité d’un articulateur est diminuée ou neutralisée
complètement, un autre articulateur, qui de coutume travaille en association avec lui,
peut réaliser une action souvent inhabituelle pour pallier cette défaillance. Ainsi, sur le
plan articulatoire, on peut dire que les compensations sont effectuées grâce à l’existence
de cette coordination inter-articulateurs. En terme plus fonctionnel, la trajectoire initiale
exigée par le système nerveux central étant changée et le but reste, tant bien que mal,
d’atteindre la cible acoustique requise, grâce à la synergie entre articulateurs. Un
articulateur bloqué ou gêné va générer un message d’erreur via le feedback
proprioceptif et va entraîner une nouvelle commande motrice vers un autre articulateur.
Comment ce phénomène est-il appréhendé par le système nerveux central ? Nous
savons que dans la parole naturelle, et pas seulement face à une perturbation extérieure,
des compensations s’opèrent entre les articulateurs. Geumann et al. (1999) montrent,
grâce à des enregistrements électromagnétiques, qu’en parole forte, la mâchoire adopte
des positions plus basses, forçant ainsi la langue à adopter des patrons différents pour
garder la constriction nécessaire à la production des consonnes alvéolaires allemandes.
Ils observent des changements dans la coordination inter-articulatoire et confirment
aussi les résultats de Schulman (1989) qui observe les même changements. Gay (1981)
montre aussi que lorsque le débit de parole est rapide, les commandes motrices ne
subissent pas une simple accélération linéaire mais sont réorganisées temporellement de
manière non linéaire. Il déduit cette conclusion des études précédentes qui ont montré
qu’en cas de débit rapide, la durée des voyelles est plus réduite que celles des
consonnes. La coarticulation qui influence la coordination inter-articulateurs et/ou le
changement de force d’articulation et de vitesse d’articulation peut être désignée comme
perturbation naturelle (Lindblom 1990).
En phonétique articulatoire, les procédés compensatoires sont des articulations
différentes qui permettent d’obtenir le même effet acoustique. Ainsi dans la
prononciation de la voyelle [ø], réalisée habituellement comme une voyelle
relativement antérieure, semi-ouverte et arrondie, le trait d’arrondissement peut
disparaître sans que cela se traduise par une modification acoustique, s’il est remplacé
par un léger retrait de la langue. Ce retrait a pour effet d’augmenter le volume de la
cavité buccale et d’abaisser sa fréquence propre entraînant une bémolisation du timbre
vocalique. Ainsi, au niveau acoustico-perceptif, nous percevons une seule et même
voyelle même si ses réalisations vocaliques sont caractérisées par des formants voisins.
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
43
A cette alternative acoustique, correspond nécessairement une alternative articulatoire:
la même production acoustique peut être obtenue à l’aide de positions différentes des
articulateurs les uns par rapport aux autres. Tout mouvement articulatoire peut être
compensé par un autre afin que les conséquences acoustiques et perceptuelles
demeurent inchangées.
Déjà au début du siècle Rousselot (1901) parlait des compensations articulatoires et des
contraintes extérieures imposées artificiellement. Il exprimait ces concepts en d’autres
termes, soixante-dix ans avant les premières études avec des perturbations qui ont fait
date (Lindblom et al. 1971, 1977) : «…on peut, en effet, très bien arriver à émettre
toutes les voyelles labiales en les écartant (les lèvres) avec les doigts…» (Rousselot,
1901, p.689).
2.1.2 Définition neurophysiologique
Les études en physiologie et en pathologie montrent que la plasticité et l’adaptation sont
deux propriétés phares des réseaux centraux et périphériques impliqués dans
l’organisation de l’acte moteur. Ces fonctions servent à caractériser les réseaux
corticaux impliqués dans l’organisation de l’acte moteur. Ces réseaux ont été façonnés
par l’expérience et par l’apprentissage pour (i) prédire les conséquences de l’action et
(ii) anticiper par les commandes appropriées (Massion 2001). C’est un mécanisme qui
réconcilie l’infinie variabilité des entrées sensorielles et des sorties motrices, comme
nous l’explique Lindblom dans sa théorie Hypo-articulation et Hyper-articulation.
(Lindblom 1990). Pour expliquer la plasticité du contrôle moteur de la parole, un
modèle de production devrait avoir les trois modes d’opération suivants :
-contrôle à boucle ouverte
-contrôle à boucle fermée adaptative
-contrôle à boucle fermée prédictive pour la capacité à prédire les nouvelles commandes
motrices sans pratique préalable et pour justifier de la flexibilité du système.
Les mécanismes de vicariance éclairent sur les capacités du système nerveux central à
compenser les déficits (mise hors service de certaines structures cérébrales par
exemple). Ce qui est défini comme vicariant se substitue à autre chose. Un système
vicariant est doté d’une pluralité de processus redondants, vicariants c’est-à-dire
susceptibles d’être substitués les uns aux autres pour remplir une même fonction. Une
44
même fonction adaptative peut fréquemment être assurée par plusieurs processus. En
somme, ce sont ces processus vicariants qui génèrent de la variabilité et qui accordent
fiabilité et flexibilité au système. La production de parole est donc un système vicariant.
Le traitement de l’information peut se faire par une aire corticale qui n’a pas l’habitude
de le faire, l’apprentissage moteur provoque un remodelage des cartes corticales
sensorielles et motrices. Les stratégies de substitution utilisent des circuits peu utilisés
auparavant et permettent la réalisation de la tâche à partir d’autres entrées sensorielles.
La commande centrale est le résultat de l’acquisition des modèles internes de
l’environnement, des caractéristiques biomécaniques du corps et de leurs interactions.
Les réseaux centraux sont façonnés par l’expérience et l’apprentissage, ils peuvent
prédire les conséquences de l’action et anticiper sur les perturbations. Deux propriétés
distinctes caractéristiques du contrôle moteur émergent des études en physiologie: (i) le
codage du contexte sensoriel de l’auditeur et (ii) la génération d’une commande motrice
de plasticité. Ces propriétés sont propres à une production normale de parole, mais elles
jouent aussi un rôle dans la production des articulations de compensation. Elles sont
fortement impliquées pour la conception « d’équivalence motrice » (MacNeilage
1970) : comment les événements moteurs dirigés vers une cible peuvent être générés
face à une situation nouvelle, comme une perturbation statique momentanée (bite-
block). Nous nous retrouvons confrontés à une information sensorielle qui n’a jamais
été éprouvée auparavant et qui n’est donc pas stockée dans le cerveau du locuteur. Afin
de tenter d’expliquer l’existence des articulations compensatoires, une hypothèse est
posée : la programmation de la parole est déjà complètement compensatoire par
essence. Le contrôle moteur est organisé pour avoir des fonctions de compensation
inhérentes, pas seulement concernant les gestes de la parole mais l’ensemble des gestes
du corps. Ces situations sont omniprésentes. Les différences entre les articulations
normales et compensatoires ne dépendraient pas de différentes stratégies d’encodage.
Les deux comportements articulatoires réclament des réponses musculaires différentes
et variables en fonction du contexte imposé et ont pour but le même résultat, la même
cible.
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
45
2.2 Les informations sensorielles
Le rôle des différents feedbacks peut être présenté selon trois modèles existants. Le
modèle à boucle ouverte issu d’une conception centraliste, le modèle à boucle fermée et
le modèle de simulation prédictive basé sur l’existence des modèles internes.
2.2.1 Modèle à boucle ouverte
Cette conception traditionaliste de type centraliste voit le programme moteur comme
unique responsable de l’organisation de l’action motrice. Cette conception nous dit que
le cerveau et les aires spécialisées du cortex cérébral sont responsables de
l’enchaînement des opérations liées au but de l’action, à l’intention de la réaliser, à sa
préparation et à son exécution. Des réseaux spécifiques fonctionnent en parallèle, et
spécifient les paramètres des mouvements volontaires. Ces réseaux sont activés même
quand le locuteur fait une simulation de l’action, quand il imagine l’action. Ce dernier
point confirme le fait que le cerveau soit le principal responsable de l’organisation du
mouvement puisque les réseaux impliqués dans l’organisation peuvent fonctionner en
l’absence de mouvement réel. Le système nerveux central serait un système capable
d’agir sans le recours d’un mécanisme de régulation et pourrait seul définir les schémas
moteurs à envoyer aux muscles des articulateurs afin de réaliser une cible articulatoire
donnée. Ce modèle procède « aveuglément » sans que les conséquences sensorielles
d’un geste articulatoire jouent un rôle. Il opère seul une sorte de traduction d’un patron
d’une cible sensorielle en un patron de commande motrice. Ce type de production,
directement issue du contrôle moteur fonctionne lors des exécutions très rapides qui
nécessitent une synchronisation tout aussi rapide. Cependant, par sa rapidité d’exécution
et l’insuffisance des conséquences sensorielles, ce modèle ne semble pas pouvoir
prendre en compte les cas de réajustements immédiats des articulateurs.
2.2.2 Modèle à boucle fermée
Ce modèle est basé sur un principe qui va dans un sens opposé de celui présenté
précédemment. Il trouve ses origines dans la cybernétique (Fairbanks 1974) et se base
sur le fait que les feedbacks peuvent provoquer des modifications articulatoires. Dans le
46
contrôle en boucle fermée, une information sensorielle a une influence évidente sur les
formes des signaux moteurs. Autrement dit, la production de parole serait un
mécanisme régulé par feedback. Le système nerveux central tient compte des
informations sensorielles pour élaborer et envoyer un nouvel ordre. (MacNeilage 1970,
1979).
Si nous décomposons le processus, une cible sensorielle est convertie en commande
motrice qui est envoyée aux muscles par le système nerveux central. La réponse des
récepteurs périphériques est renvoyée au système nerveux central via un feedback
proprioceptif. Ces conséquences sensorielles permettent de transformer la commande
motrice en signal d’erreur. Ce signal d’erreur est la différence entre la cible visée et les
effets sensoriels de la commande et sera utilisée pour générer une nouvelle commande
adaptée. Les commandes vers l’organe articulateur prennent en compte sa position pré-
phonatoire, et seulement ensuite, calculent les moyens pour atteindre une position
demandée.
Cette théorie semble présenter l’inconvénient d’une lenteur semblant peu compatible
avec la rapidité nécessaire aux ajustements effectués en production de parole. Ce
mécanisme semble être trop long pour expliquer les réajustements articulatoires
immédiats.
2.2.3 Les différents feedbacks
La production de parole requiert l’utilisation coordonnée et simultanée des mécanismes
de respiration, de phonation et d’articulation. Cette activité complexe s’accompagne de
feedbacks différenciés aussi complexes. Les feedbacks nous avertissent si les cibles
articulatoires et acoustiques sont atteintes ou non. Il existe quatre sortes d’informations
disponibles qui peuvent être utilisées dans un contrôleur par feedback : auditive, tactile,
proprioceptive et centrale. A chaque phase de traitement de l’information, il y a un
feedback. Ainsi, plusieurs sortes d’informations sont disponibles pour le locuteur à
partir des feedbacks central, proprioceptif et externe.
Premièrement, le feedback interne ou central. Ce système opère rapidement dans le
système nerveux central au niveau des commandes motrices. Il sert à transmettre
l’information sur la commande motrice (antérieure à la réponse motrice elle-même). Il
est capable de prédiction rapide à un niveau élevé de préparation de la commande
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
47
motrice (feedforward). Il opère un va et vient incessant entre les commandes motrices et
les informations spatio-temporelles des patrons de parole stockés dans le cerveau.
Deuxièmement, le feedback proprioceptif. Ce système est moyennement rapide, c’est
lui qui apporte les réponses proprioceptives du système nerveux périphérique vers le
système nerveux central. Il est capable d’un bon contrôle du mouvement dans les
activités motrices exigeant de la précision. Les nerfs résidant dans les fuseaux
musculaires transmettent, dans les deux sens, l’information motrice autant que
l’information sensorielle. Les nerfs afférents portent le feedback proprioceptif des
périphéries vers le système nerveux central. Les nerfs efférents portent l’information
motrice du système nerveux central vers les organes périphériques concernés. Ce
système de feedback opère aussi bien pour des gestes réflexes que pour des gestes
volontaires.
Enfin, le feedback externe. Ce système rend compte des effets externes des actes
moteurs qui peuvent se traduire par le signal acoustique, les variations de pression d’air
et/ou les contacts entre les articulateurs. C’est un feedback plus lent que ceux
précédemment cités. Le feedback tactile se fait par l’intermédiaire des récepteurs
sensoriels de surface et le feedback auditif se fait via la cochlée. Quand le système est
arrivé à maturité, le feedback auditif joue deux rôles essentiels: (i) maintenir une
stabilité des paramètres des cadres phonémiques (ii) assurer une intelligibilité adéquate.
Figure n° 2.1: Schémas comparant les contrôles en boucle ouverte, à gauche, avec le contrôle en boucle fermée, à droite.
Un troisième modèle de contrôle est proposé afin d’expliquer la faculté d’adaptation du
système de production. Ce modèle de simulation prédictive (Lindblom 1979) adhère au
Système Nerveux Central Système Nerveux Central
sensations activité
motrice
sensations activité
motrice
feedbacks
48
fait que le feedback joue un rôle important (à la différence du modèle à boucle ouverte)
dans le contrôle des articulateurs. Cependant, il ajoute une dimension de simulation qui
fait qu’il est rapide à exécuter (à la différence du modèle à boucle fermée). Il est aussi
entièrement en relation avec la conception des modèles internes.
2.3 Modèle de simulation prédictive de Lindblom
Ce modèle est proposé par Lindblom et al. (1977, 1979) et nous l’illustrons par la figure
2.2. suivante. Le processus de contrôle est le même que celui en boucle fermée mais
présente un simulateur de la boucle périphérique: la commande motrice est simulée. La
différence entre la cible sensorielle et les effets sensoriels produit une erreur qui génère
les instructions motrices ultérieures. Cette fonction est attribuée au système de parole
afin d’accroître ses performances, avec la rapidité d’exécution et l’aptitude à modifier
une commande motrice avant que ses conséquences sensorielles soient devenues
disponibles par le feedback périphérique. Ainsi, ce mode de simulation prédictive
contribuerait à donner au système la faculté de sélectionner les réponses motrices
adéquates avec flexibilité et plasticité. Le système est capable d’apprendre lui-même ses
erreurs (simulées) qui lui donnent accès à bien plus d’informations qu’un seul modèle à
boucle fermée périphérique. A l’origine de ce modèle, nous retrouvons aussi les travaux
d’Eccles (1969) qui introduit l’idée que le cervelet fonctionne comme un simulateur de
la boucle « commande-action-sensation-correction ». Ainsi cette simulation de la boucle
« commande-action-sensation-correction » opère un gain de temps par rapport à la
durée d’un feedback réel mais ne correspond pas pour autant à un modèle à boucle
ouverte. L’expérience de Lindblom et al. (1979) sur le /i/ produit avec un large bite-
bite-block de 22.5mm illustre parfaitement cette idée. L’information sensorielle
revenant au système nerveux central constitue une nouvelle situation pour aider à la
genèse de la voyelle. De nouvelles questions émergent : comment sont recrutés les
muscles adéquats et comment la qualité de la contraction musculaire peut elle être
régulée automatiquement. La difficulté du système est de recruter les muscles activés en
parole normale et de leur faire exécuter des contractions plus ou moins amples pour
provoquer des configurations articulatoires différentes avec un même but. Une réponse
à ces questions pourra aussi être fournie par l’existence des équivalences motrices.
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
49
Figure n° 2.2: Schéma du modèle de production de parole par simulation prédictive de Lindblom et al.1977
Il apparaît que la stratégie de simulation prédictive offre une approche intéressante pour
les études des compensations articulatoires. Ce modèle de production présente
l’avantage de pouvoir améliorer les performances sur des tâches non familières avec la
rapidité et la précision nécessaire à la production de parole. Il permet au système de
production de s’adapter à des perturbations.
En résumé, ce modèle attractif présente une composante de simulation qui opère une
confrontation entre les sensations afférentes réelles et leurs simulations relatives à la
commande motrice. Il permettrait donc un réajustement immédiat de la commande pour
développer des réponses face à des situations nouvelles.
2.3.1 Rôle des Modèles internes
La conception du geste volontaire régi par l’apprentissage des modèles internes est
attirante pour aborder la parole comme acte moteur. Comment le système moteur
contrôle-t-il les mouvements articulatoires ? Comment suivent-ils une trajectoire
acoustique ? Comment le locuteur est-il sûr que la trajectoire est bien suivie ? Une
hypothèse serait de dire que la production de parole évite les problèmes de lenteur d’un
contrôleur par feedback, grâce à l’utilisation des modèles internes. Avec les modèles
50
internes, il n’y aurait pas besoin de feedback auditif direct dans le contrôle des
mouvements de parole. Les modèles internes sont appris durant l’apprentissage avec
l’aide des feedbacks auditifs, somato-sensoriels et visuels (Massion 2001). Le feedback
auditif aide à maintenir les modèles internes et fournit des informations pour réguler les
aspects suprasegmentaux (Laboissière et al. 1995). Le système de contrôle trouve un
moyen d’expliquer les interactions entre les mécanismes suprasegmentaux et
segmentaux : la trajectoire acoustique planifiée est influencée par les ajustements des
paramètres suprasegmentaux qui affectent l’intelligibilité. Nous savons bien que le
locuteur utilise le feedback auditif pour évaluer les facteurs tels le bruit, la qualité de
parole, la fréquence fondamentale. Cependant ce feedback auditif n’est pas employé
pour les ajustements rapides des postures et des mécanismes de respiration, du larynx et
des articulateurs supra-glottiques : c’est là un des rôles des modèles internes. Arrivés à
maturation, les modèles internes deviennent plus précis et le feedback auditif est utilisé
pour les maintenir stables. Le feedback auditif ne serait alors utilisé qu’avec
intermittence. Les modèles internes directs sont une représentation du monde extérieur,
du système musculo-squelettique et des interactions qui en résultent. Ainsi ils informent
sur les caractéristiques prévisibles du mouvement. Ils sont prédictifs et évaluatifs, ils
permettent de planifier l’action et de prévoir son déroulement. Pour un mouvement
volontaire précis, le modèle interne permet l’analyse de la position dans l’espace en
calculant la position initiale d’un articulateur et la trajectoire à établir pour atteindre la
cible demandée (par l’intermédiaire des réseaux corticaux associatifs).
De ce modèle interne prédictif, se construisent des modèles internes inverses qui
assurent les commandes musculaires appropriées afin de diriger le mouvement vers son
but en façonnant les déplacements articulatoires (cinématique inverse) et les forces
musculaires appropriées (dynamique inverse). Ainsi, l’exécution de la trajectoire du
mouvement repose sur les modèles internes inverses.
A partir de l’existence de ces modèles internes, s’est fondée la théorie du point
d’équilibre qui se base sur les propriétés visco-élastiques des muscles. Perrier et al.
(1996) ainsi que Laboissière et al. (1995) s’appuient sur la théorie du point d’équilibre
pour expliquer le contrôle des mouvements dans la production de la parole. Le cerveau
dispose de modèles internes et donc de points d’équilibre ou points de stabilité vers
lesquels les trajectoires du système sont attirées pour maintenir le système stable. Ces
représentations permettent au système de production de prédire les différentes
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
51
configurations posturales. La commande centrale prévoit des postures nouvelles
déterminées par des points d’équilibre définis par la contraction des muscles. Ces points
d’équilibre ou points attracteurs du système de production définissent des
configurations posturales indépendamment de la dynamique (forces actives et forces
passives d’interaction entre les segments qui peuvent faire changer la trajectoire
initialement planifiée). Ainsi, les perturbations du système peuvent être minimisées par
la raideur articulaire et les circuits automatiques de correction.
2.3.2 Les avantages de cette conception des modèles internes
En résumé, nous pouvons dire que les modèles internes directs sont prédictifs et
représentent l’état actuel de l’environnement et des positions articulatoires. Alors que
les modèles internes indirects sont responsables de l’exécution du mouvement en
fonction de la prédiction faite par le modèle interne direct. La commande centrale est le
résultat de l’acquisition de modèles internes de l’environnement, des caractéristiques
biomécaniques du corps et de leurs interactions. Cette conception des modèles internes
insiste sur les propriétés biomécaniques du corps et sur les interactions de celui-ci avec
l’extérieur. Les caractéristiques des forces externes sont déterminantes pour la
réalisation des performances et le système nerveux central doit les apprendre pour
pouvoir exercer son action. La commande nerveuse s’adapte aux contraintes
mécaniques associées à l’exécution du mouvement par le jeu d’activation des muscles
agonistes et antagonistes.
Revenons sur l’idée de synergie. Nous avons vu qu’il existe des sous-ensembles
fonctionnels musculaires régulés en bloc. Après l’apprentissage, les synergies
permettent de corriger les effets d’une éventuelle perturbation : il y a anticipation de la
commande par rapport aux effets mécaniques qu’elle est susceptible de produire.
L’anticipation suppose que le système nerveux central a construit un modèle interne du
monde extérieur, des propriétés du corps et de leurs interactions qui permet de prédire
les effets de la commande adéquate. Tout porte à penser que les modèles internes
participent à la boucle de simulation prédictive du modèle de production de parole de
Lindblom (1971, 1977, 1979) : les anticipations et les réajustements peuvent être
réalisés rapidement grâce à l’existence des modèles internes. Les stratégies de
52
compensation articulatoires pourraient être alors générées à partir de cette boucle de
simulation prédictive.
2.4 Structures coordinatives et équivalences fonctionnelles
2.4.1 Structures coordinatives
2.4.1.1 La coproduction
Fowler et al. (1980, 1995) présentent une théorie de la coproduction. A l’origine de
cette théorie, se trouvent les notions de synergie et de coordination entre les
articulateurs. Le pilier de cette théorie de la coproduction est la notion de structures
coordinatives. Si l’action d’un articulateur est neutralisée, les autres articulateurs vont
subir une réorganisation spatio-temporelle de manière à atteindre ensemble la cible
visée. Les structures coordinatives révèlent des dépendances fonctionnelles entre les
articulateurs. Par exemple, prenons la production d’une consonne bilabiale exigeant le
geste de fermeture labiale. Un lien fonctionnel est établi entre la lèvre supérieure, la
lèvre inférieure et la mâchoire. Une diminution de la contribution d’un articulateur est
automatiquement compensée par l’augmentation de la contribution d’un autre.
Les manœuvres compensatoires trouvent leur racine dans la coordination entre
articulateurs pour produire un but gestuel. Pour expliquer la coproduction entre les
gestes, il est évident qu’il est préférable de se fonder sur l’idée de coordination entre les
articulateurs. Le chevauchement entre les gestes est le reflet de la coordination
temporelle exprimée comme étant un phasage inter-gestuel. Le phasage entre les gestes
est contrôlé à un niveau de la planification : si on note un agrandissement du
chevauchement inter-gestuel, on observera une baisse des durées segmentales et les
effets de la coarticulation seront moindres. Les changements quantitatifs du
chevauchement peuvent justifier des différences de coarticulation entre la parole lente et
la parole rapide. Le plus souvent, les processus de parole continue, comme
l’assimilation, la réduction vocalique ou la délétion, sont dus à des modifications telles
que la diminution de la magnitude du geste et/ou l’augmentation du chevauchement
temporel (Browman et Goldstein 1992, Farnetani et al. 1999). Par exemple, sur le plan
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
53
spatial, Fowler et Saltzman (1993) ont étudié la séquence /VbV/. Sur cette séquence, les
gestes de constriction consonantique et vocalique impliquent plusieurs articulateurs: le
corps de la langue et les lèvres dont l’action est portée par la mâchoire. Les gestes
vocaliques ont besoin à la fois du dos de la langue et de la mâchoire. L’effet de cette
interférence est un changement du lieu de constriction. L’idée générale de la
coproduction vue par ces auteurs est de dire que les gestes mélangent leurs influences
sur l’articulateur standard avec des sorties variées possibles.
2.4.1.2 La théorie de l’action
Fowler et Turvey (1980) montrent que les phénomènes de compensation s’interprètent
mieux à la lumière de la théorie de l’action. La théorie de l’action fait aussi référence à
un ensemble de muscles participant à une fonction et qui forment une structure
autonome à l’intérieur de laquelle chaque mouvement est régi par une ou plusieurs
équations de contraintes internes jouant sur les voies efférentes et afférentes. Les
auteurs voient la notion de structures coordinatrices comme la conception la plus
adéquate pour la description des unités phonologiques comme des unités de production
et pour expliquer la variabilité. Il est difficile d’expliquer les réajustements immédiats
(compensations) si l’on s’en tient aux théories traditionnelles de production. Il est
légitime d’envisager un mécanisme de contrôle et d’exécution basé sur un ensemble de
muscles qui s’ajustent en fonction de l’état de chacun. Cet ensemble fonctionnerait par
autorégulation interne (Bonnot et Bothorel 1989). Tuller et al. (1979) voient dans ces
synergies un comportement typique d’un système masse-ressort qui serait
intrinsèquement équilibré dans le sens où chaque cible finale est atteinte en regard de
l’état des modalités initiales. S’agissant d’un système de ressorts supportant une masse,
la modification de la tension de l’un des ressorts a pour conséquence le déplacement du
centre de gravité du système. Les relations tension-longueur entre les ressorts modifient
les positions résultantes, mais pas les coordonnées spatiales, ni la trajectoire du
mouvement. Du point de vue de la dynamique, leur expérience montre que l’ablation ou
la réduction de certaines sources afférentes ne dérange pas forcément la capacité d’un
collectif de muscle à atteindre un état stable grâce au fait que le système soit justement
autorégulé.
54
2.4.2 Equivalences fonctionnelles
MacNeilage (1970) présente une théorie d’équivalence motrice, inspirée des idées de
Hebb (1961) qui défini le phénomène psychologique appelé « équivalence motrice »
comme «… a variability of specific muscular response, with circumstance, in such a
way as to produce a single result …» (Hebb, 1961, pp.153-154). Cette théorie se base
sur l’existence de structures coordinatives. La notion d’équivalence motrice renvoie au
recrutement de plusieurs articulateurs pour atteindre une seule cible acoustique
invariante. Un des exemples qui illustrent parfaitement cette notion est appelé le «pipe
speech» chez les fumeurs de pipe. C’est une capacité du locuteur à parler bien que
l’activité de l’un de ses articulateurs supra-glottique soit altérée. Pour chaque segment
particulier, le locuteur peut montrer des formes du conduit vocal correspondant à
différentes positions. Dans le cerveau, nous l’avons vu, nous avons une représentation
spatiale des zones du conduit vocal, grâce notamment aux modèles internes. Pour
atteindre une cible voulue, le locuteur doit ajuster des positions variées des articulateurs
vers la position cible. Cette théorie pose la production de parole comme étant un
système à boucle ouverte, avec une série de cibles spécifiées à l’avance. Ce concept de
cible est explicité aussi par Lindblom (1971, 1977) à partir de ses expériences sur les
réductions vocaliques en terme de fréquence de formant (cible acoustique). Le locuteur
vise des cibles acoustiques invariantes mais il se peut qu’elles soient déplacées lors d’un
débit de parole rapide. Le locuteur est capable de rétablir les cibles des voyelles et ainsi
de se corriger. La cible est une idéalisation psychologique de la production de la
voyelle. Pour Perkell et al. (1994), le but du locuteur est d’être compris et la cible serait
donc premièrement acoustique. Les cibles spatiales peuvent varier puisque différentes
configurations du conduit peuvent produire à un même phonème. Par contre, les cibles
perceptuelles seront les mêmes grâce aux représentations internes de l’espace perceptif
auditif. Le cerveau utilise des règles relatives à ces représentations spatiales et auditives
pour calculer la commande motrice nécessaire à l’atteindre d’une cible depuis l’état
articulatoire stable. Perkell et al (1993 et 2000), dans leur étude sur les répétitions du
/u/, observent que l’élévation du corps de la langue, couplée à l’arrondissement des
lèvres contribue à faire baisser les valeurs de F2. Ils soulignent l’existence de
contraintes articulatoires par le fait que les locuteurs rétractent la langue vers une
constriction palato-vélaire. Ils suggèrent qu’il est physiquement difficile de produire une
constriction dans la partie vélo-pharyngale du conduit et c’est pour cela que les
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 2 : Compensations et structures coordinatives.
55
locuteurs font leur constriction du /u/ dans la partie palato-vélaire. Pour ces auteurs,
cette stratégie relèverait plus d’une préférence articulatoire, peut être liée à la loi du
moindre effort, que d’une limitation physiologique.
Une autre expérience de Guenther et collègues (1999) sur l répétition du /r/ a permis de
conclure sur deux positions de la langue pour produire /r/. Les sept sujets présentent une
relation entre la longueur de la cavité antérieure et la longueur de la zone de
constriction, ce qui permettrait de maintenir un F3 assez bas, caractéristique du /r/.
Ainsi, la cible acoustique est achevée par différentes configurations de la langue dans
différentes situations. Se basant sur ces observations, ils en concluent que la cible est
plus acoustique qu’articulatoire.
Deux constrictions contrôlées et indépendantes dans le conduit vocal peuvent atteindre
la même cible acoustique par le biais des équivalences motrices. Ces équivalences
motrices articulo-acoustiques véhiculent l’idée que les cibles acoustiques sont des
variables contrôlées en production. Un mécanisme de contrôle qui utilise les relations
d’équivalence motrice augmenterait la stabilité acoustique, particulièrement dans des
situations ou une telle stabilité ne résulte pas d’un effet de saturation. Quand de forts
effets de saturation biomécaniques ou acoustiques existent, il y a une moindre nécessité
à ce que la relation d’équivalence motrice préserve la stabilité acoustique.
Perkell et al. (2000) argumentent en faveur des équivalences motrices mais envisagent
le contrôle moteur de la production de la parole comme un regroupement de principes
essentiels pour l’atteinte des cibles acoustiques.
(i) L’effet de saturation aide à définir des cibles acoustiques et simplifie le contrôle
moteur. Les cibles sont aussi déterminées en partie par l’effet de saturation défini
comme une relation non linéaire entre le degré d’activation des muscles et les fonctions
d’aire du conduit vocal. Il existe un effet de saturation biomécanique lorsqu’un
articulateur entre en contact avec un autre. Les changements continus des commandes
motrices des muscles conduisent à une saturation ou stabilisation de la position des
articulateurs, d’où une saturation ou stabilisation des paramètres acoustiques. Ainsi, cet
effet de saturation biomécanique peut aider à atteindre une cible acoustique stable pour
la voyelle /i/ fermée mais aussi au moment du barrage pour les consonnes obstruantes
(les plus résistantes face à d’éventuelles dégradations), malgré d’éventuelles variabilités
dans l’entrée motrice. Par exemple, en pressant les côtés du corps de la langue
fermement sur le palais dur on obtient une fonction d’aire stable du conduit vocal dans
56
la région palatale qui correspondrait aux patrons formantiques de la voyelle /i/
(contraction du genioglossus postérieur pour réaliser la pression). Cependant, certains
sons tels que les voyelles centrales ou ouvertes ne sont pas caractérisées par un effet de
saturation biomécanique. Ces sons sont réalisés plus largement de façon plus variable et
sont plus sujets aux distorsions, par dégradation dans leurs modèles internes.
(ii) Le système nerveux central contrôle la production en se basant sur les modèles
internes des relations entre les formes du conduit vocal et leurs conséquences
acoustiques.
(iii) La relation entre les variations temporelles des commandes motrices et les
caractéristiques cinématiques des mouvements articulatoires est influencée par les
contraintes biomécaniques : collision inter-articulateur, anatomie individuelle,
propriétés dynamiques du systèmes. Les contraintes biomécaniques sont prises en
compte quand a lieu la planification du mouvement pour la production de séquences de
sons. Ces contraintes peuvent aussi justifier un comportement proche du principe
d’économie de l’effort.
Un système dynamique tel celui de la production de la parole semble être gouverné par
plusieurs mécanismes complexes qui opèrent de concert. Un mécanisme de simulation
prédictive anticipe les situations (Lindblom et al. 1979) avec l’assistance d’un feedback
périphérique en boucle fermée (par les récepteurs tactile sur les articulateurs) (Abbs,
1986). Nous soulignons l’existence de structures coordinatives comme seules unités
auto-régulées pour permettre des réajustements immédiats. Le principe d’équivalence
motrice, couplé à l’effet de saturation et à la loi du moindre effort, influence les
trajectoires articulatoires à travers l’espace acoustique et les cibles acoustiques. Quand
la trajectoire acoustique aboutit sur une fermeture du conduit vocal, les contraintes
biomécaniques, les propriétés des articulateurs puis l’effet de saturation, entrent en jeu.
57
58
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
59
CHAPITRE 3
Compensations et complexe mâchoire/langue
Dans cette partie, nous présentons des études utilisant une méthodologie basée sur
l’utilisation de perturbations expérimentales dynamiques ou statiques. Différents
moyens d’analyse sont exposés et pas seulement les analyses articulatoire, toujours dans
le but d’étudier les phénomènes de compensation. Nous invitons le lecteur à se référer
aussi au tableau de l’annexe 1 pour un recensement plus exhaustif des études concernant
les perturbations expérimentales.
3.1 Les compensations dans les études antérieures
La littérature concernant le contrôle moteur de la production de la parole est axée
notamment sur l’importance de la variabilité et de la dépendance du contexte. Beaucoup
de théories de l’articulation de la parole (contrôle moteur) introduisent, la notion
d’équivalence motrice c'est-à-dire que plusieurs patrons de réponses musculaires
peuvent être orientés vers un seul et même mouvement. Cette capacité du système
expliquerait l’ensemble des articulations compensatoires issues de perturbations dans
l’environnement oral.
Les études concernant les phénomènes de compensation se sont révélées fondamentales
pour l’analyse des processus de parole, dès les années 70. C’est alors le début de la
conceptualisation des compensations en tant que phénomène omniprésent dans la
production de parole. Abbs (Abbs et al. 1984) nous affirme qu’il suffit de parler pour
que les échanges fonctionnels inter-articulatoires s’opèrent constamment et
spontanément. Cette nature compensatoire ne peut être expliquée ni par le modèle de
boucle ouverte, ni par le modèle de boucle fermée seulement.
Le premier modèle qui tient compte des phénomènes de compensation est le modèle de
production par prédiction de Lindblom, Lubker et Mc Allister (1977) Il est le résultat de
plusieurs expériences. La première est menée en 1971 par Lindblom et Sunberg
(Lindblom et Sunberg 1971) qui développent un modèle articulatoire des corrélats
60
acoustiques des voyelles du suédois. La plupart des auteurs préconisent qu’il existe des
possibilités de compensation à chaque niveau de production : des configurations
musculaires différentes (Abbs et Gracco 1984), des positions articulatoires différentes
(Lindblom et Sunberg 1971), et une géométrie différente du conduit vocal (Maeda
1990), qui peuvent être à priori associées à un seul patron formantique. Face à ces
nombreuses possibilités, les difficultés à comprendre les stratégies de contrôle de la
production de parole sont réelles. Concernant la nature des paramètres contrôlés, on
peut se demander auquel de ces niveaux ils sont relatifs. Cette question est directement
liée au débat sur la nature de la cible et aux interprétations des études avec des
perturbations, dynamiques ou statiques.
3.1.1 Les études avec perturbation dynamique
Certaines études examinent les compensations en introduisant des perturbations
dynamiques sur les articulateurs de la parole. Dans l’étude de Kelso et al. (1984), une
masse a été attachée à la mandibule et est activée par l’expérimentateur aux dépens du
locuteur. Les réponses compensatoires de la lèvre inférieure, de la lèvre supérieure et de
la langue sont examinées avec des enregistrements électromyographiques. Les
expérimentateurs tirent la mâchoire vers le bas durant la production d’une fricative
dentale. Ils remarquent un renforcement de l’activité du muscle génioglosse 20 à 30 ms
après le début de la perturbation. De la même manière, lors de la production d’une
consonne bilabiale, l’activité de la lèvre supérieure est renforcée 35 à 60 ms après le
début de la perturbation. Ce retard n’est pas fixe, mais dépend du moment où la
perturbation agit en relation avec le début de l’activité de la lèvre supérieure (Abbs et
Gracco 1984). Un court retard implique que les réponses ne sont pas dues à un
processus lié au temps de réaction les sujets puisqu’ils ne sont pas conscients de leurs
compensations. Les auteurs précédemment cités s’accordent à dire que les
compensations sont fonctionnelles et flexibles. Les réponses ne sont pas stéréotypées
mais adaptées aux exigences de l’acte moteur en cours. Par exemple, si la mâchoire est
tirée au moment de la transition entre une voyelle et une occlusive bilabiale, alors les
réponses compensatoires sont observées en ce qui concerne les deux lèvres. Une telle
réponse cherche à atteindre la cible de l’acte moteur, c’est-à-dire la fermeture bilabiale.
Si la mâchoire est tirée au moment de la transition entre une voyelle et une consonne
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
61
dentale, la réponse srea trouvée dans l’activité essentielle de la langue pour effectuer la
constriction.
Munhall et al. (1994) tirent la lèvre inférieure pendant la transition entre /i/ et le premier
/p/ dans la séquence /ipip/. Ils ont enregistré la pression intra-orale pour montrer qu’en
situation perturbée, la coordination normale entre les gestes oraux et laryngaux est
interrompue au moment du relâchement de l’occlusion. Ils observent que le système est
capable de réaliser l’occlusion exigée en augmentant la pression d’air dans la cavité
orale. Ainsi, le phasage entre les gestes oraux et laryngaux est un principe crucial pour
maintenir l’intégrité d’un segment. Leur conclusion est que la coordination normale
entre les gestes oraux et laryngaux est interrompue au moment du relâchement de
l’occlusion et que les compensations sont effectives : c’est-à-dire que la cible prévue par
l’acte moteur est atteinte. Avec la perturbation, la durée de la voyelle précédant la
consonne est allongée. Cet allongement est reflété par un retard du geste d’abduction de
la glotte. Ils confirment ainsi les résultats obtenus par Folkins et Abbs en 1976. Le but
de l’activité motrice qu’est la production de parole est de produire un signal acoustique
qui transmet l’information. Dans les occurrences perturbées, aucune déviation
acoustique saillante n’est perceptible.
Ohala (2003) introduit des perturbations aérodynamiques selon deux techniques : un
tube coincé entre les joues et les molaires supérieures (the buccal vent method), un
cathéter dans le pharynx par voie nasale (the nasal vacuum method). Avec les deux
méthodes de perturbation, il observe que la pression pharyngale est plus basse dans le
cas des consonnes voisées. Les variations de F0 des voyelles suivant les consonnes
voisées et non voisées ne sont pas significativement affectées par les perturbations
aérodynamiques. (variation de la pression trans-glottale) Il en conclut que la tension des
cordes vocales jouerait un plus grand rôle dans les différences de contours de F0 que les
variations de la pression à travers la glotte. Ses résultats préliminaires montrent que les
variations phonétiques seraient dues aux variations de la pression trans-glottique ou à
des variations de la pression dans la cavité buccale. Il souligne aussi que certaines
variations contextuelles peuvent être dues à des causes physiques et phonétiques.
62
3.1.2 Les études avec perturbation statique : les bite-blocks
Les études sur la production de parole avec des bite-blocks qui réduisent les
mouvements de la mâchoire s’accordent à indiquer que les locuteurs peuvent
rapidement ajuster les mouvements de la langue ou des lèvres. Si les bite-blocks
perturbent réellement la position de la mâchoire inférieure, ils n’empêchent pas les
effecteurs finaux, tels la langue ou les lèvres, d’atteindre les configurations
géométriques du conduit vocal nécessaires aux constrictions propres à la réalisation des
segments phonétiques.
Une des plus anciennes études acoustiques est celle de Lindblom et Sunberg (1971). La
position de la mâchoire détermine la valeur des trois premiers formants : plus
l’ouverture de la mâchoire est grande, plus les valeurs de formants augmentent (surtout
notable sur F1). Leurs prédictions, par rapport à leur modèle, sont testées en étudiant les
spectres des voyelles produites et enregistrées avec des bite-blocks, ce qui oblige les
locuteurs à parler avec un écart inter-incisives non naturel. Les auteurs ont choisi un
bite-block est de 2,5 mm d’épaisseur pour les voyelles /a/ et /o/ (l’écart est plus étroit
que de coutume pour leur réalisation), et un bite-block de 22,5 mm d’épaisseur pour les
voyelles /i/ et /u/ (l’écart plus large que de coutume pour leur réalisation). Malgré une
ouverture inhabituelle de la mâchoire, les spectres des voyelles avec bite-block sont
analogues à ceux sans bite-block. Pour que cette rapidité soit effective, différentes
postures possibles de la langue et autres articulateurs supra-glottiques ont pu être
utilisées. Les spectrogrammes analysés écartent la possibilité qu’un feedback auditif
puisse être utilisé pour effectuer une compensation directe. De plus, les réalisations
optimales des voyelles suédoises peuvent être obtenues en l’absence de feedback tactile,
par blocage des récepteurs buccaux, et ceci, sans entraînement. Ainsi, le processus
moteur utilise un contrôle prédictif pour développer de nombreux profils articulatoires
appropriés aux changements de la position de la mandibule : la compensation est
immédiate et ne nécessite aucun apprentissage, ni de feedback auditif et tactile.
Warren et al. (1980) étudient les fricatives /s, f, v, z/, avec bite-blocks et masquage
auditif. Généralement, des adaptations sont produites de façon satisfaisante puisque la
dimension de l’orifice vélo-pharyngé reste constante quels que soient les aspects
expérimentaux et les degrés d’ouverture (tailles des bite-blocks). Par contre, concernant
le phonème /s/, ces adaptations sont moins précises, surtout en cas de masquage auditif
et le taux d’erreurs s’accroît avec l’augmentation de l’ouverture de la mâchoire. Les
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
63
adaptations sont améliorées avec le temps sur les conversations sans masquage auditif.
Pour ces auteurs, à l’image du modèle de Lindblom et al.(1979), c’est le contrôle
continu qui permet d’anticiper un problème de modification spatiale et d’initier une
tactique de compensation structurale précédant la phonation.
Gay, Lindblom et Lubker (1981) vont dans le même sens en montrant que pour les
voyelles /i/ et /u/ la compensation est plus évidente. Les formants des voyelles produites
avec bite-blocks sont très proches des formants des voyelles en production normale.
Leurs données X-ray montrent cependant des configurations différentes du conduit
vocal avec les bite-blocks. La constriction pour /i/ est préservée, notamment par un
mouvement de « super-palatalisation » de la langue (contraction plus forte du
génioglosse) et par le recul de l’os hyoïde. Ils observent aussi un mouvement
compensatoire d’arrondissement des lèvres et une baisse de la hauteur du larynx sur la
réalisation des voyelles /u/ et /o/ perturbées. La plus minime différence entre les deux
conditions se note au point de constriction maximale, c’est à ce moment que la
compensation serait la plus complète. Leur conclusion est que les écarts non compensés
par rapport aux positions normales sont aux points où l’aire du conduit vocal est la plus
grande. La compensation serait sélective. Ces auteurs estiment que leurs données
argumentent en faveur d’un mécanisme d’atteinte de cible perceptuelle. L’étroite
constriction pourrait fournir une augmentation de l’excitation sensorielle entre les
récepteurs tactiles, ce qui pourrait faciliter l’atteinte de la cible.
Folkins et Zimmerman (1981) ont effectué une stimulation électrique des muscles qui
abaissent les lèvres pendant la transition d’une voyelle et d’une consonne occlusive
bilabiale /pQ/, séquence répétée en série. L’activité des muscles de la mâchoire est
enregistrée par électromyographie avec et sans bite-block. La présence d’un bite-block
n’élimine pas l’activité du masseter et des ptérygoïdiens (le ptérygoïdien latéral est
responsable du mouvement d’avancement de la mandibule et le ptérygoïdien médial est
responsable du mouvement d’élévation). La durée de l’occlusion est augmentée de 300
à 500 ms. Le résultat de l’activité musculaire est identique avec et sans bite-block. Les
auteurs cités ci-dessus en déduisent qu’une réorganisation complète de l’activité motrice
aurait pour effet la suppression de toute activité musculaire inutile. La contraction
musculaire de la mâchoire existe bien même s’il est évident que la force musculaire ne
suffit pas à bouger la mâchoire. Ces résultats infirment l’existence d’une stratégie
centrale de simulation qui coordonne l’action des articulateurs lèvre et langue avec
64
l’action de la mâchoire. Si les mouvements compensatoires de la lèvre et de la langue,
dans les expériences en bite-blocks, sont accomplis par une réorganisation centrale du
mouvement, alors on s’attend à ce que cette simulation centrale modifie aussi les
patrons de l’activité des muscles de la mâchoire. Ainsi, quand la mâchoire est fixée, la
simulation centrale devrait éliminer l’activité musculaire inefficace. Si les mouvements
compensatoires de la lèvre et de la langue sont contrôlés à un niveau périphérique, les
patrons d’activité des muscles de la mâchoire ne sont pas nécessairement influencés par
le blocage de la mâchoire. Folkins et Zimmerman appuient l’importance des
mécanismes périphériques dans le contrôle des mouvements compensatoires des lèvres
et de la langue.
Cette étude, ainsi que d’autres travaux de Folkins (Folkins et Lindville 1983) expliquent
les coordinations inter-articulateurs par l’existence d’un système de contrôle moteur à
un niveau périphérique. Une interprétation de leurs résultats est que le processus
neuromoteur périphérique n’implique pas de simulation centrale et les procédures
d’erreur-correction sont importantes pour la production des compensations des lèvres et
de la langue.
Putnam, Shelton et Kastner (1986) mesurent les changements de pression sous glottique
durant la production d’une fricative sourde alvéolaire durant la réalisation de la syllabe
/si/ avec et sans bite-block. Ils observent que le flux d’air oral augmente avec
l’accroissement des bite-blocks qui augmentent la l’ouverture buccale. La pression
intra-orale, par contre, ne montre pas de changements pertinents. Le flux d’air émis
durant la voyelle /i/ ne subit pas systématiquement les effets des bite-blocks mais des
changements sont observés en fonction des performances des locuteurs. Ils confirment
aussi les expériences de Warren et al. (1980, 1984) sur la production du /s/ avec bite-
block dans lesquelles les pressions d’air sont gardées relativement constantes. Les
ajustements articulatoires sont possibles pour normaliser les conditions aéro-
mécaniques et l’habileté à compenser une ouverture plus grande de la mâchoire par la
pression intra- orale est variable selon les locuteurs.
L’étude de McFarland et Baum (1995) porte sur les voyelles /i, u, a/ et les consonnes /p,
t, k, s/ du français du Québec. Ils ont effectué leurs enregistrements tout de suite après
l’insertion du bite-block et après 15 min de pratique. Pour ces auteurs, les
compensations ne sont ni immédiates, ni complètes dans le sens où ils observent de
petites différences significatives en ce qui concerne les paramètres acoustiques des
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
65
voyelles et des consonnes produites en condition normale et avec bite-block. Avec bite-
bite-block, la durée du bruit de friction du /s/ non voisé est plus courte alors que le bruit
de friction du /s/ est plus long sans bite-block. Pour les voyelles, les valeurs de F1 et de
F2 (surtout pour /u/) sont relevées avec les bite-blocks. La constriction incomplète du
conduit vocal et l’agrandissement de la cavité antérieure font augmenter les valeurs
formantiques. Les durées des voyelles et des consonnes ne sont pas grandement
affectées par la présence des bite-blocks. Il en va de même concernant les résultats de
Flege et al. (1988) qui ne rapportent pas d’effet significatif des bite-blocks sur la durée
de [e]. La compensation serait incomplète dans la mesure où les stratégies se
développent avec le temps. McFarland et Baum (1995) observent que les valeurs
formantiques des voyelles produites avec bite-block sont plus proches des valeurs
normales après 15 min de pratique. Les petites différences non significatives des valeurs
de F1 et F2 trouvées entre les deux conditions pourraient indiquer que les stratégies de
compensation se développent dans le même temps que se déroule la conversation. Ces
auteurs argumentent en faveur d’un feedback sensoriel qui permettrait de corriger les
erreurs pour l’exécution des gestes articulatoires. Ils soulignent ainsi le rôle potentiel du
feedback sensoriel dans les développements des processus de compensation. Par contre,
les consonnes réclameraient une plus longue période d’adaptation que les voyelles car
ils n’ont pas observé de similitudes acoustiques même après dix minutes d’adaptation.
Les consonnes nécessitent une plus grande précision articulatoire. Les sons des classes
différentes de phonèmes ne sont pas affectés de la même manière. Leur conclusion est
qu’il existe moins de flexibilité dans l’articulation des consonnes que dans celle des
voyelles. Les auteurs confirment l’importance du rôle du feedback sensoriel. Les
théories d’un contrôle moteur comptant uniquement sur la prédiction (Lindblom et al.
1979) ne peuvent justifier facilement les progrès compensatoires dans le temps lors de
la production des voyelles avec bite-block. La variabilité individuelle dans les aptitudes
à compenser apporte une preuve aussi de la façon dont chacun va exploiter ses canaux
sensoriels pour adapter sa propre production de parole.
McFarland, Baum et Chabot (1996) reprennent l’expérience de 1995 mais seulement
avec les palais qu’ils considèrent comme étant déjà des perturbations : un palais de 3
mm et un palais de six mm. Les enregistrements sont faits immédiatement après
insertion de la perturbation et après quinze minutes de pratique. Il y a des différences
acoustiques et perceptuelles significatives sur les voyelles et les consonnes entre les
66
productions normales et les productions avec une perturbation (que ce soient des bite-
block ou des palais) Les compensations semblent améliorées avec le temps ce qui
apporte un argument en faveur du rôle du feedback sensoriel dans l’adaptation des
gestes articulatoires. Les auteurs confirment leur conclusion de l’expérience
précédente : les sons des classes de phonèmes sont différemment atteints par la
perturbation (les sibilantes sont les plus affaiblies) et la façon de compenser dépend des
variabilités individuelles. Notons que les écarts relevés sont beaucoup plus importants et
significatifs entre les productions normales et les productions avec bite-block qu’entre
les productions normales et les productions avec palais artificiel.
Savariaux, Perrier, Orliaguet (1995) observent la production de la voyelle arrondie
/u/ avec un tube tenu entre les lèvres qui empêche de produire un son perceptible, et
avec un bite-block. Le but de leur étude est d’évaluer les exigences acoustiques et
géométriques (articulatoires) du contrôle de la production. Les changements
articulatoires qui résultent de ces perturbations sont différents selon les locuteurs. Les
auteurs les ont classés en trois catégories de réponses : (i) un mouvement de recul de la
langue qui n’est pas suffisant pour permettre d’atteindre le patron formantique adéquat
même si F2 décroît, (ii) un recul de la langue qui bascule d’une constriction vélo-
palatale à une constriction vélo-pharyngale ; les patrons formantiques de F1 et F2
correspondent à ceux observés en production normale, (iii) aucun geste de recul de la
langue, pas de compensation en dépit de la dégradation du résultat acoustique (F2 est
trop élevé). L’observation des variabilités inter-locuteur amène les auteurs à conclure
que ces mouvements articulatoires sont activement contrôlés. De plus, ce contrôle
dépend de l’habileté de chacun à réexploiter une relation articulo-acoustique déjà
éprouvée et mémorisée dans ses modèles internes. Après écoute du signal acoustique,
une amélioration des patrons formantiques pour F1 et F2 est observée. L’écoute
permettrait de réaliser une compensation plus complète. Ils concluent au regard des
équivalences motrices, dans le même sens que les conclusions de Perkell et collègues
(1993). La capacité d’effectuer une compensation sur les articulateurs, effecteurs finaux,
n’est pas toujours suivie avec succès, et ne permet pas une interprétation du contrôle
moteur en terme articulatoire uniquement. Le contrôle moteur doit tenir compte de la
tâche vocalique définie dans l’espace acoustique (valeurs formantiques). Le rôle de
l’apprentissage permet au locuteur d’associer une configuration du conduit vocal à un
patron acoustique donné. Les régularités articulatoires observées chez onze locuteurs
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
67
sur douze (Savariaux et al. 1999) sont les conséquences de mécanisme volontaire de
contrôle de la parole. Leur hypothèse, qui est aussi celle de Gay et al. (1981), est de dire
qu’il subsiste une amélioration des stratégies articulatoires acquises durant
l’apprentissage pour permettre un lien entre le contrôle articulatoire et les exigences
auditives.
Demolin et al. (1997) étudient avec l’IRM les articulations compensatoires quand les
locuteurs tiennent une bouteille de deux centimètres de diamètre entre les dents durant
la production de /uiu/. Le larynx est maintenu dans une position stable quand la
mâchoire inférieure est bloquée. Ils observent une déformation de la langue : seul le
corps de la langue bouge de l’avant vers l’arrière de la cavité buccale. Même si l’activité
des lèvres est neutralisée, ils perçoivent un arrondissement quand la langue passe de la
position de /i/ à la position pour /u/. Cette technique est très prometteuse pour observer
les mouvements des articulateurs dans les trois dimensions (coronal, transversal et
oblique), mais aussi pour étudier la coarticulation, et les articulations compensatoires.
On peut se rendre compte des effets d’anticipation et de rétention entre les consonnes et
le contexte vocalique adjacent.
3.1.2.1 Les bite-blocks et l’électropalatographie.
D’autres travaux ont attaché un intérêt à la production des consonnes sous l’emprise de
bite-blocks en utilisant la technique de l’électropalatographie, travaux dont nous nous
sommes inspirée. Flege et al. (1988) se sont penchés sur les paramètres articulatoires du
/s/ et du /t/ arabe et anglais. Concernant le /t/ arabe, les contacts linguo-palataux sont
réduits et durent moins longtemps avec le bite-block. Alors que pour les sujets anglais,
ils observent une augmentation des contacts linguo-palataux. Ces auteurs ont montré
qu’une production adéquate du /t/ afin qu’il soit perçu comme tel ne nécessite pas
forcément une constriction complète de la langue. Une constriction partielle est
suffisante pour générer l’information acoustique nécessaire pour une bonne
identification de la consonne dans des tests de perception. La constriction du /s/ arabe
est rétrécie par la présence des bite-blocks, alors que la constriction du /s/ anglais reste
inchangée. Ils concluent de leurs résultats, que la constriction complète du /t/ n’est pas
un paramètre critique alors que la rainure du /s/ l’est. Les paramètres critiques sont
encodés dans le système nerveux central et sont préservés quand la mâchoire est
68
bloquée avec un bite-block. Ils soulignent aussi l’existence d’un lien entre les
compensations et le lieu d’articulation de la consonne : le /t/ anglais est réalisé sur la
partie la plus arrière des alvéoles. Les compensations dans la production des consonnes
ne sont pas immédiates : il a été montré que dix minutes de pratique permettent une
amélioration des réponses. Les locuteurs ont utilisé leur feedback afférent pour
améliorer leur production. Ils ajoutent qu’il existe des stratégies individuelles de
compensation dues à des facteurs biomécaniques. Pour leurs conclusions, la
compensation est incomplète et non instantanée.
Horga (2002) étudie les phonèmes du croate produits avec des bite-blocks. Les durées
de /ts/ et /s/ ont tendance à être réduites par la présence des bite-blocks mais pas les
durées de /t/. Sur le plan acoustique, il est noté une influence significative de la présence
du bite-block sur les valeurs formantiques. Les valeurs de F1 du /i/ sont plus hautes et
celles du F2 sont plus basses, ce qui traduit une prononciation plus ouverte. Les valeurs
formantiques du F1 de /a/ sont plus basses et celles de F2 sont inchangées ce qui traduit
une articulation plus avancée. L’énergie spectrale des fricatives tend vers des valeurs
plus faibles, exepté pour /s/ produit avec entraînement. L’intensité des fricatives est
réduite et l’intensité des voyelles augmente sous l’influence de bite-block. Son étude
montre qu’au moyen d’un simple contrôle orosensoriel immédiat, certains paramètres
temporels sont immédiatement réorganisés, soulignant le rôle important de
l’entraînement. Durant la période d’adaptation, l’articulation est en cours de
réorganisation et c’est pour cela qu’elle montre un caractère instable. Après une période
d’adaptation plus longue, la production avec bite-block peut être améliorée.
3.1.2.1 Les bite-blocks avec blocage sensoriel
Afin d’affiner l’interprétation du rôle des feedbacks dans la mise en place des stratégies
de compensation, d’autres études ont conçu des enregistrements en neutralisant
complètement certaines informations sensorielles. La compensation est immédiate si le
feedback sensoriel ne joue pas de rôle particulier. Lindblom et al. (1977) introduisent,
en plus des bite-blocks, un anesthésiant (la xylocaïne) dans leur protocole expérimental.
Ce couplage de deux perturbations n’empêche aucunement les locuteurs de produire des
voyelles avec des patrons formantiques proches des valeurs de référence. Ils en
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
69
concluent que c’est la diminution du feedback tactile qui aurait un effet sur les modes de
compensation par l’intermédiaire de récepteurs tactiles.
Moon et Folkins (1991) perturbent le feedback auditif lors de la production d’un /s/. Ils
agissent par une dégradation de 30 décibels de l’intensité du bruit de friction. Ils
observent que des compensations aérodynamiques sont réalisées en réponse à cette
perturbation. Les changements qui traduisent un comportement compensatoire se voient
sur la durée et sur les pics de la pression intra-orale. Cependant, ils n’observent pas de
changement systématique quand ils font de plus petites manipulations auditives
(inférieures à trente décibels). Ces changements sont très variables en fonction des
sujets. La priorité de la régulation auditive sur la régulation aérodynamique n’est qu’en
partie vérifiée. Dans l’étude de Kelso et Tuller (1983), les différents feedbacks sont
neutralisés par plusieurs anesthésies. Les enregistrements sont effectués avec bite-block
et avec anesthésiant de l’articulation temporo-mandibulaire qui réduit les informations
proprioceptives, et avec un anesthésiant sur la muqueuse afin de réduire l’information
tactile. Leur expérience montre que les F1 et F2 des voyelles perturbées sont très
proches des valeurs produites sans perturbation. Cette stabilité est observée aussi bien
quand les relations entre articulateurs sont empêchées par le bite-block, que quand les
informations sensorielles sont réduites. La suppression du feedback sensoriel ne
perturbe pas davantage les mouvements. Leurs résultats ne vont pas dans le sens d’un
contrôle à boucle fermée ou par simulation prédictive qui requièrent l’information
sensorielle. Ils sont plus en adéquation avec les travaux indiquant que les buts des
mouvements seraient atteints par un collectif de muscles en coopération. L’anesthésie
afférente empêche le système nerveux central de programmer des commandes tenant
compte des modifications engendrées par la présence du bite-block. La production
d’items exigeant une compensation ne pose pas de problème : si une partie du système
est bloquée, les autres parties remédient à ce blocage. Ils ont souligné le caractère
instantané des compensations dans le but de conserver une intelligibilité maximale. Les
compensations étant immédiates, le rôle du feedback paraît bien secondaire. Comme
dans l’étude de Fowler et Turvey (1980), les compensations apparaissent réussies
immédiatement et avec peu ou pas du tout de pratique. Fowler et Turvey (1980) ont
effectué des tests de perception qui ont révélé que 71 à 90 % des voyelles anglaises
produites avec bite-block sont très bien identifiées. Cependant ce résultat s’oppose à
70
celui de Flege et al. (1988), qui concluent de leurs tests de perception que les jugements
perceptifs sont moins bons sur les productions avec perturbation.
3.1.3 Propriétés des compensations
Nous avons distingué de nombreuses expérimentations fondées sur l’observation de
divers paramètres : les pressions d’air qui fournissent l’énergie nécessaire à la formation
de sons de parole, les contacts entre articulateurs qui modifient les formes du conduit
vocal et enfin la sortie acoustique. A chaque niveau, des compensations plus ou moins
complètes sont observées de manière systématique par tous les auteurs. Nous avons vu
qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des compensations complètes absolues, ou parfaites.
Elles doivent cependant être suffisantes pour maintenir l’intégrité du signal acoustique
d’autant plus que la perception catégorielle des sons prend en compte la variabilité
acoustique. Ces études confortent le fait que le but du système de parole est de produire
un message le plus stable possible afin de rester dans une fenêtre acoustique réduite.
Nous avons vu aussi que les informations sensori-motrices à court terme jouent un rôle
mais le feedback auditif n’est pas essentiel pour achever une compensation à succès en
temps réel. D’un point de vue physiologique, il est légitime d’envisager que les
articulations des compensations présupposent le besoin d’une information intacte
provenant des sens tactiles comme le préconisent Kelso et al. (1986). Alors que
McFarland et Baum (1995) estiment que les compensations nécessitent plutôt de la
pratique pour être réalisées de la manière la plus complète possible.
En résumé, les compensations en réponse aux perturbations (aussi bien dynamique que
statique) sont instantanées et rapides, même si elles peuvent être incomplètes. Du fait
qu’elles sont fonctionnelles et effectives, le but de l’acte moteur est réalisé. Les
réponses ne sont pas stéréotypées mais façonnées par les besoins de l’acte. Nous avons
remarqué aussi que ces compensations sont sélectives, elles s’opèreraient plus
pleinement aux points de constriction maximale dans le conduit vocal.
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
71
3.2 Le complexe langue / mâchoire
Nous venons de voir que nombre d’étude se sont penchées sur la problématique de
l’interaction entre la langue et la mâchoire par l’étude des compensations articulatoires
avec des bite blocks. Ces deux articulateurs sont reliés mécaniquement et de façon
fonctionnelle et oeuvrent ensemble pour produire une constriction dans le conduit vocal.
Afin de souligner l’importance de la relation fonctionnelle existant entre la langue et la
mâchoire, nous nous attarderons sur les mouvements de la langue et le rôle phonétique
de la mâchoire dans la production de la parole. Nous tentons ainsi de légitimer notre
choix de travailler sur les mouvements de la langue quand la mâchoire est bloquée.
3.2.1 La langue et ses mouvements
La langue est sans aucun doute le plus important et le plus actif des articulateurs supra-
glottiques. Elle œuvre pour modifier les formes du conduit vocal et ainsi les résonances
caractéristiques de la cavité orale et du pharynx. Elle agit pour couper ou canaliser le
courant d’air en contactant ou en avoisinant les dents, les alvéoles, le palais, le voile du
palais ou le pharynx.
Il existe un découpage fonctionnel de la langue en plusieurs sections. La pointe de la
langue la plus proche des dents de devant est l’apex. La distinction entre les
articulations de l’apex et de la lame de la langue vient de Ladefoged (1971): un
paramètre qu’il appelle apicalité. Ensuite de l’avant vers l’arrière de la cavité buccale,
se trouvent la lame (sous les alvéoles), le corps de la langue (sous le palais dur) et la
racine en vis-à-vis avec le pharynx.
Comme nous le voyons sur la figure 3.1, la langue est accrochée dans sa partie
pharyngale à l’os hyoïde et au styloïde. Notons que la racine étant attachée à la structure
squelettique, elle est forcément moins mobile que la partie antérieure, la lame et l’apex.
Il est important de souligner que ses mouvements sont dus aussi aux rotations de la
mâchoire car elle est attachée à la surface interne de la mandibule. Elle peut donc
bouger avec la mandibule ou dans des directions opposées en même temps car les côtés
et la pointe peuvent bouger indépendamment de sa masse principale. Elle a un grand
nombre de degrés de liberté du fait qu’elle est considérée comme ayant plusieurs
sections.
72
La langue est capable d’effectuer différentes configurations très rapidement car elle est
grandement innervée. Ses mouvements sont dus à l’activité des muscles extrinsèques,
qui la raccrochent aux autres structures adjacentes du squelette (la mandibule, l’os
hyoïde, le styloïde) et intrinsèques, qui sont entièrement à l’intérieur.
Figure n° 3.1 : Les muscles de la langue, d’après Zemlin, 1981
Les muscles intrinsèques sont les suivants.
Le muscle longitudinal supérieur (superior lingualis) agit pour relever l’apex.
Le muscle longitudinal inférieur (inferior lingualis) agit lors du relâchement des
consonnes alvéolaires.
Le muscle transversal (transverse lingualis) aide à former le sillon des fricatives.
Le muscle vertical (vertical lingualis) aplanit la langue.
Les muscles extrinsèques sont les suivants.
Le génioglosse agit pour presser la pointe de la langue contre les dents ou les
alvéoles ou la rétracter. IL tire la langue vers le bas.
Le styloglosse tire la langue vers le haut et vers l’arrière, antagoniste du
génioglosse.
Le palatoglosse remonte l’arrière de la langue.
Le hyoglosse élève l’os hyoïde
Chaque modification de la langue est le fruit d’une combinaison de contractions de
muscles complémentaires. Un ou deux muscles principaux assurent les modifications
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
73
des mouvements et en même temps, les autres muscles coopèrent pour stabiliser la
langue, à la fois dans son mouvement et au sein des structures adjacentes.
Hardcastle (1976) recense sept paramètres qui pourraient expliquer l’ensemble des
positions de la langue durant la phonation.
Le mouvement horizontal du corps de la langue (arrière-bas / avant-haut)
correspondant à un mouvement /a/-/i/, est exécuté par la partie postérieure du
génioglosse.
Le mouvement vertical du corps de la langue propre aux voyelles centrales et
aux consonnes palatales, est exécuté par le styloglosse et le palatoglosse en synergie
avec les muscles inférieurs longitudinaux.
Le mouvement horizontal d’avant en arrière de l’apex et de la lame est réalisé
par l’activité des fibres transversales et postérieures du génioglosse (ce mouvement peut
aussi effectuer les articulations rétroflexes).
Le mouvement vertical de l’apex et de la lame qu permet le contact, partiel ou
total, avec les alvéoles et les incisives supérieures, est activé par le muscle supérieur
longitudinal ([s], [t], [d] ou [l]). Le mouvement d’avancée/rétraction de l’apex permet la
distinction avant /arrière comme pour différencier /s/ et /S/ par rexemple.
La configuration convexe /concave du corps de la langue sur le plan transversal
est réalisée par les muscles styloglosse, palatoglosse et transversal.
La configuration du sillon central par l’activité du transversal et du vertical, du
styloglosse et du palatoglosse.
L’étirement/aplanissement du dos la langue qui lui permet de se ramasser en
boule vers l'arrière, comme pour le son /u/ ou de se détendre pour le son /a/, est activé
par le muscle transversal et le hyoglosse.
3.2.2 Le rôle phonétique de la mâchoire
Avant la seconde moitié de notre siècle, le manque de moyens techniques n’a pas
permis de souligner le rôle articulatoire important de la mâchoire. Dans la mesure où
l’immobilité de la mâchoire n’entravait pas la communication, comme chez les fumeurs
de pipe notamment, son rôle était considéré comme secondaire. Rares ont été les études
relatives à ses déplacements dans la production des sons de parole. Cependant,
Rousselot (1901), met en évidence le quasi-parallélisme entre l’ouverture buccale et
74
l’aperture vocalique et établit l’existence d’une relation entre l’ouverture mandibulaire
consonantique et le lieu d’articulation buccale. Puis, Straka (1963) déduit de documents
cinématographiques ses affirmations sur l’opposition des voyelles et des consonnes :
l’amplitude des déplacements de la mâchoire dépend du lieu d’articulation pour les
consonnes et du degré d’aperture pour les voyelles. Depuis, la mâchoire est considérée
comme un articulateur non négligeable participant à la production de la parole. Elle
permet aussi la distinction entre la production des voyelles et des consonnes. De
nombreux modèles de production ont alors inclus cet articulateur dans la production de
la parole (Bognar 1983).
Durant l’acte de parole, la mâchoire modifie les résonances caractéristiques du conduit
vocal. Son déplacement antéro-postérieur est de 2 à 3 mm et son déplacement vertical
est de 7 à 18 mm. Son ouverture maximale peut cependant dépasser 50mm. Sa rapidité
de déplacement est aussi surprenante, car c’est une structure massive et parmi tous les
articulateurs seul l’apex, est capable de mouvements plus rapides.
La mâchoire est un articulateur rigide et porteur des dents, de la lèvre inférieure et de la
langue. Son mouvement d’avancée/rétraction est un paramètre essentiel, par exemple
pour produire les consonnes labio-dentales pour lesquelles la lèvre inférieure vient en
contact avec les incisives supérieures. Son mouvement de rotation (ouverture/fermeture)
entraîne un mouvement de bascule de la langue.
La mâchoire est un articulateur rythmique. On sait que les suites de syllabes répétées
sont produites par une alternance rythmique d’ouverture et de fermeture de la bouche,
accompagnée de phonation. Pendant la phonation, un conduit vocal relativement ouvert
caractérise la production des voyelles, tandis qu’un conduit vocal relativement fermé est
plus typique de la production des sons consonantiques. Pour MacNeilage et Davis
(1990) ce cycle d’oscillations de la mâchoire fournit la base du babillage et rend compte
de la forme de ses productions. Ainsi s’expliqueraient les productions de type /bababa/,
/dadada/ ou /mamama/ du début du babillage par le mouvement relativement simple
d’une succession d’ouvertures et de fermetures de la mâchoire. L’oscillation
mandibulaire fournirait le cadre articulatoire dont le contenu serait ensuite donné par les
mouvements de la langue. Le babillage, avec des syllabes répétées, refléterait la
formation de ces cadres dans lesquels les différents segments phonétiques seront insérés
au fur et à mesure qu’ils deviendront accessibles à l’enfant.
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
75
3.2.2.1 La mâchoire et la production des voyelles.
Nous précisons que cette partie concernant les voyelles se veut non exhaustive. Elle a
pour but d’argumenter en faveur du rôle important de la mâchoire qui conditionne
l’aperture vocalique. Il est noté l’existence d’un parallélisme entre les catégories
fermées, mi-fermées, mi-ouvertes et ouvertes qui définissent les voyelles cardinales et
l’écartement croissant de la mâchoire. L’observation des résultats de nombreuses études
a permis de mettre en évidence la rareté des fluctuations entre les catégories linguales et
l’ouverture mandibulaire. Cependant à l’intérieur de ces catégories aucun phénomène
général ne se dessine, si ce n’est la plus grande fermeture de /u/ par rapport à /i/. Les
mouvements verticaux favorisent les mouvements linguaux, malgré leur incapacité à
traduire toutes les oppositions vocaliques. Ladefoged et al. (1972) observent que la
plupart de leurs locuteurs n’utilisent pas la mâchoire comme mécanisme primaire de
distinction de la hauteur vocalique. Nous allons maintenant orienter notre attention sur
le rôle de la mâchoire dans la production des consonnes, notamment des occlusives,
objets directs de notre étude.
3.2.2.2 La mâchoire et la production des consonnes
Nous présentons ci-dessous en figure 3.2 un tableau de comparaison des positions de
certaines consonnes par rapport à l’ouverture mandibulaire.
76
Français Breton
Simon
1967
Zerling
1979
Bothorel
1978
z
Z
p S
f s
t d t
z d
v
s
S
Z
d
j j
¯ b
b ¯
m m
k g k
n g
l l
R R
n
b f
v
Figure n°3.2 : Tableau comparatif de l’amplitude d’ouverture mandibulaire des consonnes françaises. De haut en bas, des plus ouvertes aux plus fermées. (d’après Bognar 1983).
Malgré l’hétérogénéité des consonnes présentées, ces études montrent que
l’augmentation de l’écartement inter-maxillaire est fonction du recul progressif du lieu
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
77
d’articulation (en dehors de certaines exceptions : /t/ plus ouvert que le /s/ et /S/ chez
Bothorel (1978) pour le breton. En français, les consonnes les plus antérieures comme
les bilabiales, les labiodentales et les dento-alvéolaires nécessitent une petite ouverture
mandibulaire. La plupart des auteurs notent que le /p/ est réalisé avec une grande
ouverture mandibulaire qui se traduit par le fait que cette consonne est la plus ouverte
des occlusives (Abbs et al. 1971 et Gay 1974). Bothorel (1978) effectue une étude à
propos de la dispersion relative aux consonnes et aux voyelles du parler breton d’Argol.
Il met en évidence que les consonnes réalisées dans la partie antérieure de la cavité
buccale sont extrêmement stables, que la plupart des autres consonnes et voyelles
fermées et mi-fermées sont moyennement stables et que les voyelles ouvertes et nasales
et les consonnes bruitées, comme /f/, par exemple sont particulièrement instables. On
peut déduire que le maxillaire joue un rôle important dans leur réalisation puisqu’il se
révèle moins sensible aux articulations environnantes.
Lindblom et Sunberg (1971) aussi se sont particulièrement intéressés au rôle de la
mâchoire pour la détermination des formes du conduit vocal et surtout pour la
spécification vocalique. Les travaux de Perkell (1969) et Tuller et al. (1979) confirment
aussi le fait que les consonnes alvéolaires soient plus hautes que les labiales, les
labiodentales et les palatales. Le /t/ est la consonne la plus robuste face aux effets
contextuels, /p/ et /k/ varient en fonction du contexte vocalique, mais /f/ et /t/ non.
L’étude de Keating et al. (1994) concerne l’observation de l’élévation de la mâchoire (à
l’aide du movetrack) lors de la production des consonnes de l’anglais et du suédois. Ces
auteurs montrent que la hauteur de la mâchoire varie en fonction de la langue étudiée :
les consonnes du suédois sont légèrement plus ouvertes que celles de l’anglais. La
hauteur de la mâchoire est aussi fonction du lieu d’articulation de la consonne. Dans les
deux langues, les alvéolaires obstruentes /s/, /t/, /d/ et la labiodentale /f/ sont réalisées
avec une position de la mâchoire plus haute que les autres consonnes. Le lieu
d’articulation joue un rôle important dans le positionnement de la mâchoire. Ces auteurs
soulignent aussi l’effet du contexte vocalique sur la hauteur de la mâchoire. La voyelle
/i/ fermée a une plus forte influence sur la hauteur de la mâchoire lors de la production
d’une consonne que les autres voyelles. Cependant il est paradoxal de constater que les
consonnes produites avec une position haute de la mâchoire sont encore plus hautes au
voisinage de la voyelle basse /a/ qu’au voisinage de la voyelle haute /i/. Keating et al.
(1994) relient ce phénomène à la vélocité nécessaire à la mâchoire pour effectuer un
78
trajet d’une position basse à une position haute. La vitesse d’exécution pousserait la
mâchoire à dépasser la hauteur initiale nécessaire à la production d’un /t/ ou d’un /s/. On
se trouve alors face à un phénomène d’overshoot, effet direct d’une forte coarticulation.
La question du lien entre les consonnes sourdes et sonores et l’ouverture mandibulaire
peut être aussi évoquée. Fujimura et Miller (1979) ont montré que pour les couples
d’occlusives sourdes/sonores, les sourdes, étant plus tendues, par des contraintes
aérodynamiques plus importantes, sont réalisées avec une fermeture mandibulaire plus
nette. Cette tendance est appuyée par les données de Simon (1967) et de Perkell (1969).
Concernant les déplacements antéro-postérieurs de la mandibule nous avons
connaissance de l’étude des voyelles anglo-américaines de Kaneko (1957). Cette étude
porte l’idée que l’ouverture mandibulaire reflète l’aperture linguale. Les voyelles
postérieures labialisées [u :], [u], [o :], et [o] sont réalisées avec une protraction
mandibulaire d’autant plus prononcée que la voyelles est fermée. Les réalisations
antérieures non labialisées [i :], [I], [e] et [a] sont produites avec une rétraction de la
mâchoire et les voyelles centrales comme [´] sont produites avec une position neutre de
la mandibule.
3.3 Conclusion sur les compensations inter-articulatoires
Les études avec des protocoles expérimentaux différents s’accordent à conclure que
l’aptitude à compenser dépend de nombreux facteurs : des caractéristiques
physiologiques propres à chacun, de l’apprentissage des modèles internes, mais aussi de
la facilité avec laquelle chaque personne a accès à sa propre base de données, de
variabilité intra-individuelle et surtout inter-individuelle.
D’autre part, nombreuses études sur la parole perturbée montrent l’existence d’une forte
cohésion gestuelle. L’intégrité d’un acte moteur est maintenue quand une partie du
système est mécaniquement perturbé, ce qui illustre parfaitement l’existence de
structures coordinatives comme par exemple la mâchoire et ses articulateurs portés
(langue, lèvres). Depuis l’achèvement des nombreuses études sur les liens entre la
physiologie et la production des sons, la mâchoire est considérée comme étant un
articulateur non négligeable dans la production de la parole. L’amplitude de ses
déplacements dépend du lieu d’articulation pour les consonnes et du degré d’aperture
PREMIERE PARTIE : ASPECTS THEORIQUES CHAPITRE 3 : Compensations et complexe langue/mâchoire.
79
pour les voyelles. De nombreuses études s’accordent à mettre en avant l’existence d’un
fort lien fonctionnel entre les deux articulateurs langue et mâchoire. Outre le fait que la
mâchoire soit un articulateur rythmique et porteur, la commande de ses mouvements est
traduite par une activité musculaire contrôlée, au même titre que d’autres articulateurs
spécifiques à la parole. Cependant nous savons, sur la base de nombreuses études sur les
bite-blocks dans les années 1970-1980, que sa contribution n’est pas toujours nécessaire
puisque même quand son activité est réduite ou bloquée, la production, la perception et
la reconnaissance des sons de paroles peuvent être préservées.
L’ensemble des travaux et considérations à propos des coordinations inter-articulatoires
et du lien fonctionnel existant entre la mâchoire et la langue ont contribué aussi à
affirmer notre choix d'étude : rechercher des effets de compensation dans l’activité
linguale quand la mâchoire est inactivée.
80
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.
81
DEUXIEME PARTIE
Problématique et méthode expérimentale
______________________________________________________________________
CHAPITRE 4
Problématique
Dans les parties précédentes, nous avons vu qu’en parole, évoquer des théories traitant
d’articulation, de coarticulation, de cibles demande nécessairement que l’on évoque les
théories sur le contrôle moteur. On considère l’acte de parole comme étant un acte
moteur nécessitant toutes les particularités du système moteur. Nous avons résumé les
problèmes relevés par les études avec perturbations : les différences entre les
articulations normales et compensatoires ne dépendraient pas de différentes stratégies
d’encodage. Or, les deux comportements articulatoires réclament des réponses
musculaires différentes et variables en fonction du contexte imposé et ont pour but le
même résultat en terme de cible acoustique. Cette faculté d’adaptation est possible grâce
à une importante composante de flexibilité du système de production.
L’observation des phénomènes de compensation en tant qu’effets directs de la
variabilité en parole est certes reconnue, mais nous ne tenons que peu de résultats
quantitatifs et encore moins de résultats concernant la langue française. Il existe peu
d’études sur les consonnes alors que leur traitement par le système nerveux central
semble plus complexe que le traitement des voyelles, dans la mesure où les
mouvements des articulateurs supra-glottiques sont plus complexes. Les consonnes
occlusives notamment sont réalisées en plusieurs phases articulatoires, chacune étant
caractérisée par des configurations différentes des articulateurs.
82
Nous nous attachons à observer en détail comment la langue compense l’immobilisation
de la mâchoire (par des bite-blocks). Il est nécessaire de chercher à savoir si les
nombreuses contraintes de production peuvent moduler l’effet de cette perturbation.
Nous proposons une observation des réajustements articulatoires (compensations) de la
langue par le biais d’une double analyse, spatiale et temporelle, de ses mouvements.
Grâce à la technique d’électropalatographie, nous parvenons à examiner l’évolution
spatio-temporelle des mouvements linguaux durant la production des consonnes
occlusives en français, plus précisément lors de l’établissement et du relâchement de la
constriction ainsi que pendant la constriction.
Dans un premier temps, nous présentons explicitement pourquoi nous avons choisi les
occlusives linguales comme objet d’investigation, d’après leur description et la
coarticulation avec les segments suivants. Dans un second temps, nous présentons dans
cette problématique les hypothèses et questions qui ont motivé ce travail.
4.1 Les consonnes observées : les occlusives linguales /t/ et /d/.
Les consonnes observées dans cette étude sont les occlusives linguales /t/ et /d/. Afin de
justifier notre choix, nous proposons une présentation de leurs caractéristiques
articulatoires.
4.1.1 La formation d’une occlusive linguale
On produit les consonnes, voyelles, et approximantes lorsque le passage de l'air venant
des poumons est partiellement ou totalement fermé. Il existe deux grands types
d'articulations consonantiques orales :
Soit le passage de l’air se rétrécit mais n'est pas interrompu, on parle dans ce cas
de consonnes continues, dont les fricatives sont les plus représentatives, qu’elles soient
voisées ou non voisées. Un rétrécissement en un point précis du canal buccal permet
l’apparition du bruit de friction lors du passage de l’air, ce qui donne naissance aux
articulations consonantiques constrictives.
Soit le passage de l'air est fermé donnant lieu à une obstruction totale du flux
d’air buccal, on a alors affaire à des consonnes occlusives.
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.
83
La réalisation d’une consonne occlusive se fait en trois étapes : attaque, tenue et
relâchement. Ces trois phases d’articulation seront étudiées en détail.
-L’attaque correspond au moment où les organes entrent en contact et
rétrécissent ou ferment le conduit. C’est la phase de mise en position des organes qui
passent, sous l’effet d’une contraction musculaire, d’un état indifférent ou de la position
articulatoire précédente, à la phase centrale du son à réaliser.
-La tenue est la phase centrale, celle de la position articulatoire caractéristique
du son durant laquelle les organes restent en position au point culminant de
l’articulation. L’air accumulé dans la bouche gagne en pression. Simon (1967) donne
une définition plus formelle de la tenue. Pendant la tenue les articulateurs ne sont pas
« à l’arrêt », la quantité de l’occlusion peut varier à l’intérieur de la tenue. Pour une
consonne occlusive, on y trouve le maximum de contacts et l’occlusion complète. On
peut assister à un déplacement du contact occlusif sans rupture de l’occlusion qui
dépend de l’articulation précédente antérieure ou postérieure. Pour Simon (1967), la
tenue d’une consonne peut être dégradée mais existe toujours.
-Le relâchement se fait quand les articulateurs responsables de la fermeture du
conduit se séparent, abandonnant la position typique et passent soit à l’état initial, soit à
l’articulation du son qui suit. L’air sous pression emmagasiné pendant une fraction de
seconde dans le conduit vocal est relâché brusquement donnant lieu à une explosion.
Souvent cette explosion est accompagnée d’un bruit de friction qui fait partie de la
consonne occlusive.
Il est à noter que la phase essentielle est la tenue, les deux autres sont des phases de
« passage » (Simon 1967). La durée de la tenue consonantique n’est jamais inférieure à
la moitié de la durée totale de la consonne.
Les occlusives alvéolaires /t/ et /d/ sont caractérisées par une mise en contact de l’apex
ou de la lame de la langue avec la face interne des dents ou le bourrelet formé par les
alvéoles. Pour produire une occlusion, il est nécessaire de manipuler le corps de la
langue en accord avec les mouvements de la mâchoire (Stevens 1998). Par exemple, si
on veut produire une occlusion de l’apex contre les alvéoles, le corps de la langue est
plutôt dans une position avancée et la mandibule est relevée. Cette articulation est
propre aux occlusives alvéolaires que nous étudions.
84
4.1.2 Occlusive linguale et segments adjacents
Bien sûr, le lieu d’articulation d’une consonne linguale dépend aussi des segments
adjacents. Nous proposons une rapide présentation de la coarticulation linguale à partir
d’un article de Recasens (1999) afin d’illustrer le fait que nous avons choisi deux
contextes vocaliques, ouvert avec /a/ et fermé avec /i/ pour observer nos consonnes
alvéolaires. Nous nous demandons si les variations observées avec les perturbations
sont aussi dues à la nature de la voyelle adjacente.
Concernant la coarticulation entre consonne et voyelle, le lieu d’articulation de
l’occlusion du [t] est plus avancé lorsque le dos de la langue est abaissé sous l’effet de
l’articulation d’une voyelle ouverte adjacente [a]. Lorsque la voyelle adjacente est
fermée, comme un [i] par exemple, l’occlusion est plus reculée et est réalisée par la
partie laminale de la langue rétractée, le dos de la langue est plus élevé. Par contre le [t]
dental italien est plus résistant à ces effets de coarticulation, sûrement car il est articulé
plus loin avec la lame de la langue (Farnetani et al. 1989). Citons un autre exemple avec
le [l] catalan : quand le dos de la langue est relevé par la présence d’un [i], la
constriction est avancée et devient lamino-alvéolaire. Quand le corps de la langue est
abaissée par la production d’un [a], la constriction est arrière et devient vélaire
(Recasens et al. 1993a). Le degré de coarticulation des consonnes dento-alvéolaires est
traduit par le couplage entre l’apex et le dos de la langue.
Soulignons que la variabilité articulatoire des consonnes dento-alvéolaires est moins
grande que pour les labiales et labio-dentales. Durant la production des dento-
alvéolaires, la hauteur du dos de la langue et l’étendue du contact dorso-palatal
changent habituellement en fonction de la voyelle d’après la progression suivante : [i]
>[u]>[a]. Cela a été étudié comme étant le cas chez plusieurs auteurs et dans plusieurs
langues.
Le voisement est aussi une autre contrainte dont dépendent les effets de la coarticulation
linguale. En effet le corps de la langue est plus sensible aux effets contextuels pour les
consonnes voisées dento-alvéolaires et labiales que pour les non voisées. L’aire de la
cavité orale est plus grande et on observe moins de contacts linguo-palataux pour les
voisées que pour les non voisées (Perkell 1969, Farnetani 1990).
L’anticipation consonantique est plus forte quand la voyelle est ouverte [a] car une
voyelle basse facilite un effet de forte coarticulation dans l’activité linguale. Ces effets
dépendent de la distance articulatoire entre les deux segments phonétiques. Concernant
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.
85
le [t], le début de l’activité apicale apparaît plus tôt s’il précède une voyelle basse que
s’il précède une voyelle haute (Gay 1977).
4.2 Les questions sur les mouvements linguaux
4.2.1 Le timing inter-gestuel
Notre corpus est constitué de phrases porteuses des séquences CVC dans lesquelles
nous étudions la consonne d’attaque. Dans un premier temps, nous examinons
l’influence des bite-blocks sur la durée de la phrase. Puis nous nous demandons si les
bite-blocks ont un effet sur les durées des séquences CVC, sur les durées des consonnes
étudiées et sur la durée des voyelles. La coordination des évènements articulatoires est-
elle modifiée par la présence des bite-blocks? Nous sommes tentée de préconiser un
allongement temporel dû à la présence des perturbations extérieures parce qu’il faudra
plus de temps au locuteur pour s’adapter à cette nouvelle situation. A l’inverse, si nous
observons une stabilité dans le timing inter-gestuel, alors nous pourrons conclure que
des compensations sur le plan temporel s’opèrent rapidement.
4.2.2 Le timing intra-gestuel
A l’aide de l’électropalatographie, nous avons segmenté les consonnes en plusieurs
périodes : l’établissement de la constriction, la tenue articulatoire, la constriction
maximale et le relâchement de la constriction. Nous nous demandons si le bite-block a
un effet sur chacune de ces phases de la consonne. Si la présence du bite-block allonge
la consonne, cet allongement est-il marqué différemment selon la phase de la
consonne ? La présence des bite-blocks modifie-t-elle les durées des phases
articulatoires, de fermeture, de tenue articulatoire, de constriction maximale,
d’occlusion complète, et d’ouverture ?
Quelle serait alors la phase de la consonne qui ne subit que peu ou pas de changements
temporels ? En supposant que la phase médiane (tenue et constriction maximale) est la
plus pertinente pour une bonne production et une bonne perception de la consonne, nous
ne devrions pas observer beaucoup de changements temporels entre la parole normale et
86
la parole perturbée. Autrement dit, la phase médiane résisterait mieux que les autres
phases à la présence d’une perturbation.
4.2.3 Les déplacements linguaux
Les mesures spatiales sont prises au moment où la constriction (langue palais) est à son
maximum dans le conduit vocal. L’amplitude des contacts est définie dans cette étude
comme étant le plus grand nombre de contacts linguo-palataux. Nous nous demandons
si la présence des bite-blocks modifie l’amplitude des gestes articulatoires. Nous avons
vu dans le chapitre 3 que la mâchoire et la langue sont mécaniquement liées. Nous
pensons que la langue, devenue moins mobile quand la mâchoire est bloquée, ne pourra
pas réaliser une aussi large constriction qu’en parole normale. Plus l’ouverture
mandibulaire est importante, plus la constriction devrait être réduite et l’amplitude des
contacts linguo-palataux réduite. Si la trajectoire de la constriction linguo-palatale est
modifiée, alors le lieu d’articulation de la consonne est déplacé. Nous nous demandons
si les bite-blocks incitent à une postériorisation ou à une antériorisation des contacts
linguo-palataux.
Des aspects spatiaux (amplitude de contacts) et temporels (durée de la fermeture et de
l’ouverture) nous avons déduit les vitesses de fermeture et d’ouverture. La présence des
bite-blocks modifie-t-elle la rapidité d’exécution de l’établissement et du relâchement
de la constriction ? Si avec les bite-blocks nous supposons un allongement temporel et
une réduction de l’amplitude, alors nous pouvons dire les mouvements linguaux sont
plus lents. Si nous supposons un racourcissement temporel, alors les mouvements
linguaux seraient plus rapides.
4.3 A propos des contraintes de production
Les consonnes étudiées sont /d/ et /t/ suivies alternativement des voyelles /a/ et /i/. Bien
que nous ayons conscience qu’il existe en parole normale déjà une étendue de
réalisations, due en grande partie à la coproduction de deux ou plusieurs segments, nous
cherchons à faire ressortir la variabilité dans le geste consonantique qui serait propre à
la seule présence des bite-blocks. Nous nous demandons si les effets des bite-blocks
dépendent de la nature de la voyelle subséquente et du voisement de la consonne. Pour
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 4 : Problématique.
87
répondre à cette question nous devons isoler les effets des bite-blocks et voir s’ils sont
significatifs.
D’autre part, nous nous attendons à observer des différences de réaction entre nos deux
locuteurs. Nous supposons que la stratégie de réponse aux perturbations sera fonction de
leurs caractéristiques physiologiques propres, des contraintes phonologiques,
aérodynamiques et/ou articulatoires. Mais nous espérons parvenir à isoler des réponses
communes aux deux locuteurs, des régularités qui pourront être citées comme des
principes en production de parole afin de préserver la viabilité de l’acte linguistique
malgré la perturbation.
Enfin, nous cherchons des effets d’adaptation à la perturbation. Est-ce que
l’apprentissage, ou le fait que la tâche soit répétée plusieurs fois, aide le locuteur à
réaliser plus facilement ses réajustements articulatoires ? Nous avons enregistré douze
répétitions de chaque séquence à étudier sur trois sessions d’enregistrement. Pour
prendre conscience d’un éventuel effet d’adaptation, nous comparons les résultats de la
première session aux résultats de la dernière session. Ainsi, nous tentons de savoir si les
réajustements articulatoires repérés sont une réaction innée et spontanée du système
(pas de différence significative entre la première et la dernière session) ou sont issus
d’un processus de contrôle volontaire qui s’améliore avec le temps, l’apprentissage et la
mémoire.
88
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
89
CHAPITRE 5
Méthode expérimentale
5.1 Introduction
Nous rappelons que nous voulons quantifier et qualifier les variations des mouvements
linguaux en réponse à une perturbation extérieure : blocage de l’ouverture mandibulaire
au moyen de bite-blocks. Nous effectuons une analyse spatio-temporelle des
mouvements linguaux à l’aide de l’électropalatographie. Le bon déroulement d’un
travail de recherche repose en grande partie sur les moyens et méthodes dont nous
disposons pour répondre à la problématique posée. Nous présentons donc dans ce
chapitre la méthodologie choisie. Nous commençons par exposer comment nous avons
constitué le corpus et comment nous avons réalisé les enregistrements
l’électropalatographiques. Ensuite nous présentons de quelle manière nous avons traité
le corpus. Nous l’avons segmenté et étiqueté afin d’obtenir les mesures articulatoires
des mouvements linguaux de chaque locuteur. Nous justifions nos choix expérimentaux
et de proposons des solutions aux problèmes rencontrés.
5.2 Description du corpus
5.2.1 Cadre expérimental
Les mouvements linguaux compensatoires des locuteurs sont appréhendés en
fonction de plusieurs variables. Ces variables indépendantes font partie des contraintes
de production dont il faudra tenir compte lors de l’interprétation des résultats :
-le lieu d’articulation des consonnes
-la coarticulation en fonction du contexte vocalique ouvert/fermé
-le voisement
-la configuration du palais de chaque locuteur
90
Les variables dépendantes sont les événements observés sur le plan spatial et temporel :
l’amplitude et le positionnement des contacts linguo-palataux, les durées des segments
consonantiques et les durées des différentes phases de la consonne. Nous pouvons
déduire de ces observations spatio-temporelles la vitesse avec laquelle la langue atteint
le point de constriction et la vitesse avec laquelle la langue revient dans sa position
initiale.
5.2.2 Le corpus
5.2.2.1 Préliminaires et limites de notre étude
Seules les consonnes linguo-palatales, qui nécessitent la langue comme articulateur,
retiennent notre attention. Les consonnes bilabiales et labiodentales /p, b, f, v, et m/ sont
ainsi exclues de l’analyse de cette thèse. Au départ de l’investigation, nous avons
enregistré un large corpus qui contenait l’ensemble des consonnes linguales du français:
les occlusives orales et nasale /n, t, d, k, g/, les fricatives /s, z, S, Z/. Nous avons tenu à
travailler sur les deux grandes macro-classes du système consonantique français : les
occlusives et les fricatives. Dans le tableau suivant, nous avons regroupé sous le terme
« Avant » les consonnes qui s’articulent dans la région antérieure du palais (dentale,
alvéolaire, pré-palatale) et sous le terme « Arrière » celles qui s’articulent dans la
région postérieure du palais.
Mode d’articulation Lieu d’articulation
Avant Arrière
Occlusive n, t, d k, g
Fricative s, z, S, Z
Latérale l
Figure n° 5.1: Tableau de toutes les consonnes enregistrées pour notre corpus.
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
91
5.2.2.2 Constitution du corpus
Afin de réduire certaines variables qui risqueraient de nous induire en erreur ou de
fausser nos interprétations (débit de parole, accentuation), nous avons choisi de
travailler sur un corpus contrôlé. Une étude articulatoire, comme la nôtre, demande la
mise en place d’un protocole expérimental particulier, notamment pour utiliser
l’électropalatographie. Nous avons donc constitué un corpus dit « de laboratoire » par
opposition à des corpus oraux plus spontanés comme des entretiens guidés ou des
dialogues. Le corpus est constitué de séquences Consonne-Voyelle-Consonne (CVC)
Chaque consonne étudiée est initiale de la séquence CVC dans laquelle la voyelle est
alternativement la plus ouverte, /a/, et la plus fermée, /i/. Ces deux voyelles extrêmes du
système vocalique français sollicitent deux positions différentes de la mandibule. La
production de la voyelle /a/ exige que la mandibule soit en position basse alors que la
production d’un /i/ se fait en relevant la mandibule en position haute.
Ensuite, nous avons inséré ces séquences à l’intérieur de la phrase porteuse « il ne dit
pas CVC encore ». La construction de phrases porteuses permet au locuteur de produire
la séquence étudiée à l’intérieur d’un schéma rythmique inchangé, sans que ces
séquences ne soient isolées afin de neutraliser les effets de liste, notamment relatifs à
l’intensité et à la finalité. La syllabe cible CV est placée au milieu de la phrase. Nous
avons affecté symétriquement la voyelle /a/ de part et d’autre de la séquence CVC pour
que le contexte vocalique des séquences CVC soit ouvert (a CVC a). Le choix de cette
voyelle repose sur le fait qu’elle est communément décrite comme étant la voyelle qui
exerce le moins d’influence sur les segments contigus. Observée avec
l’électropalatographie, la voyelle /a/ se caractérise par une quasi-absence de contacts
linguo-palataux, si ce n’est parfois quelques contacts latéraux postérieurs. Cette
articulation ouverte facilite le repérage du début et de la fin des constrictions linguo-
palatales des segments consonantiques. Ainsi, au début et à la fin de la séquence CVC,
la langue est en position basse. En résumé, notre corpus compte 20 phrases, et nous
avons étudié les suivantes
Il ne dit pas tit encore
Il ne dit pas tat encore
Il ne dit pas did encore
Il ne dit pas dad encore
92
Dans un second temps, nous avons procédé à une réduction du corpus. Finalement nous
nous sommes concentrée sur l’observation affinée des paramètres spatiaux et temporels
des consonnes /t/ et /d/. Nous avons retenu les occlusives alvéolaires orales pour
plusieurs raisons. Ce sont des consonnes antérieures pour lesquelles l’analyse
électropalatographique donne une information complète. L’analyse temporelle de
l’évolution d’une consonne occlusive peut se faire sur les trois phases articulatoires
(attaque, tenue, relâchement) permettant ainsi d’estimer le timing intra-segmental. Face
aux variations naturelles dans la chaîne parlée (coarticulation, débit, accent) les
occlusives sont des consonnes très résistantes et donc moins déformées. En les
choisissant, nous pensions avoir plus de chance de trouver des variations qui soient dues
à la présence de la perturbation expérimentale.
Nous avons exclu les consonnes vélaires car avec une voyelle ouverte comme le /a/,
nous ne pouvons pas distinguer la constriction au-delà de la limite du palais dur et en
déduire une analyse articulatoire complète
Nous avons analysé la consonne C1 accentuée de la séquence C1VC2. Nous justifions
ce choix en faisant référence aux travaux déjà existants sur la force articulatoire. Une
hypothèse serait de dire que l’accent provoque un renforcement articulatoire local issue
d’une activité musculaire plus importante (Ellis et Hardcastle 1999, Fougeron 1998).
Les consonnes initiales sont plus robustes à la coarticulation et aux changements :
effacement de beaucoup de consonnes finales mais préservation des consonnes initiales.
Straka (1963) rend compte que la parole en tant qu’acte biologique est caractérisée par
la modulation de l’activité musculaire et énergétique accrue en fonction des impératifs
linguistiques tels l’accent, ou extralinguistiques tels une prononciation très marquée. Ce
processus de renforcement par la force articulatoire rend compte des phénomènes de
variations phonétiques et phonologiques.
5.2.2.3 Les locuteurs
Le plus gros écueil rencontré en ce qui concerne la formation du corpus était de trouver
des locuteurs qui avaient déjà leur propre palais artificiel. Les palais artificiels doivent
être réalisés par moulage sur le palais dur de chaque locuteur et le coût de la réalisation
est très élevé. Nous avons pu enregistrer deux jeunes hommes de 29 ans et 30 ans, de
langue maternelle française et résidant à Aix-en-Provence pendant les enregistrements.
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
93
Lors d’une étude antérieure sur les voyelles nasales du français méridional (Clairet,
1997), nous recherchions des locuteurs à l’accent particulièrement marqué à opposer à
des locuteurs ayant un accent plus neutre. Or, les résultats du test de validation réalisé
par dix auditeurs ont donné ces deux locuteurs (YM et BL) comme n’ayant pas d’accent
régional marqué. Nous soulignons que nos locuteurs n’avaient pas de problème de
production ou de perception de la parole, ni d’anomalie physiologique au moment des
enregistrements.
5.2.2.4 Les conditions d’enregistrement
C’est par l’intermédiaire de la station de travail PHYSIOLOGIA que nous avons pu
recueillir nos données électropalatographiques. Cette station de travail a été développée
à l'Institut de Phonétique d'Aix-en-Provence par Bernard Teston, Benoît Galindo et
Alain Ghio (Teston et al. 1990, 1999). Les enregistrements ont eu lieu à l’Hopital
Pasteur d’Aix-en-Provence, où une annexe du laboratoire Parole et Langage est installée
dans le service Neurologie-Rééducation Fonctionnelle du Dr Viallet. Nous avons réalisé
3 sessions d’enregistrement : une première en décembre 1999, une seconde en
septembre 2000 et la dernière en janvier 2001. Les locuteurs étaient enregistrés avec un
micro-casque, leur palais artificiel respectif et leurs bite-blocks respectifs (trois tailles
de bite-blocks). Une période d’adaptation au palais artificiel d’environ trente minutes
était prévue pour chaque locuteur. Durant cette période, nous discutions avec lui et lui
faisions lire le corpus une fois en même temps que nous réalisions les réglages
nécessaires sur l’appareillage de la station de travail. Nous estimions que le locuteur
n’était plus gêné lorsqu’il il ne présentait plus de zézaiement ni de salivation engendrés
par le port du palais artificiel dans la bouche. Les deux locuteurs avaient une certaine
expérience du port du palais artificiel car ils avaient déjà fait l’objet d’autres
expérimentations avec l’EPG. Par contre nous n’avons pas prévu de phase d’adaptation
avec les bite-blocks. Dès que les bite-blocks étaient mis en place dans la bouche, nous
demandions au locuteur de commencer à lire le corpus.
La tâche demandée était la suivante. Les locuteurs devaient lire les 20 phrases, le plus
naturellement possible, avec un débit normal et sans pause. Si phrase nous semblait lue
trop rapidement ou trop lentement nous pouvions la réenregistrer à notre guise afin
d’essayer de contrôler le débit de parole. Dans les cas de réalisations présentant une
94
hésitation, une erreur segmentale ou prosodique (intonation interrogative sur une
assertion ou insertion de pause…) ou d’un problème technique pendant l’acquisition, la
phrase était relue et réenregistrée.
Chaque phrase était lue par le locuteur dans un ordre aléatoire. Les bite-blocks étaient
aussi présentés de façon aléatoire puisque le locuteur les choisissait sans les voir. Nous
avons réalisé trois épaisseurs de bite-blocks. Ainsi, avec la condition de référence sans
bite-block, nous avions quatre conditions expérimentales:
B0 : sans bite-block, enregistrement de référence
B1 : avec bite-block1 (fin)
B2 : avec bite-block2 (moyen)
B3 : avec bite-block3 (large)
5.2.3 La réalisation des bite-blocks
Le choix de l’épaisseur des bite-block s’est fait en référence à ceux trouvés dans la
littérature. Nous rapportons ici un échantillon des différentes épaisseurs de bite-blocks
que nous avons pu recenser à partir des études antérieures. Nous avons choisi nos trois
épaisseurs parmi la gamme proposée dans le tableau ci-dessous, figure 5.2, en essayant
de rester le plus cohérente possible et de respecter les mêmes écarts d’épaisseur entre
les bite-blocks, mais aussi en fonction des outils et possibilités techniques dont nous
disposions.
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
95
Etudes Epaisseur des bite-blocks
Lindblom et al. 1977, 1979 2,5, 6, 21,
22,5 et 25 mm
Warren et al. 1980, 1984 1, 3 et 6 mm
Fowler et Turvey 1980 10 et 14 mm
Folkins et Zimmerman 1981 5 et 15 mm
Gay et al. 1981 2,5 et 25 mm
Kelso et Tuller 1983 5, 17, 23 mm
Putman et al. 1986 2, 4 et 6 mm
Flege et al.1988 5, 8, 9, 14mm
McFarland et Baum 1995 10 et 22,5mm
Savariaux et al. 1995 3, 5 et 8 mm
McFarland et al. 1996 Palais 3 et 6mm
Demolin et al. 1997 Bouteille 2 cm diamètre
Horga 2002 3 et 25 mm
Figure n° 5.2 : Tableau des différentes épaisseurs des bite-blocks utilisés dans les études antérieures.
La réalisation des bite-blocks a été faite manuellement avec la pâte de KERR, réservée à
l’usage bucco-dentaire. Cette pâte est une résine dentale thermo-malléable qui sert
habituellement à faire les empreintes dentaires et qui se présente sous forme de tablettes
de 5 mm d’épaisseur. Nous l’avons faite ramollir en la trempant quelques minutes dans
l’eau bouillante. Ensuite, devenue facilement malléable, nous lui avons donné la forme
voulue. Nous l’avons roulée en boudins d’environ quatre centimètres de long et l’avons
calée entre les molaires du locuteur. Ensuite, le locuteur fermait la mâchoire sur des
mèches tenues coincées entre les incisives, sans bouger, durant les quelques secondes
nécessaires au durcissement de la pâte.
Cette méthode a permis de garder les empreintes des dents sur les bite-blocks pour
éviter ainsi les glissements quand le sujet parlait de façon continue. Une fois le bite-
block installé, nous avons mesuré l’intervalle inter-dental des incisives à l’aide d’un
pied à coulisse. Les mèches utilisées étaient de 5, 10 et 16 mm d’épaisseur pour chaque
96
locuteur. Cependant, les intervalles mesurés entre les incisives ont été soumis à de
légères variations en fonction des dentures de nos locuteurs.
Mèches Locuteur YM Locuteur BL
5 mm
10 mm
16 mm
5,5 mm
10 mm
17 mm
6 mm
11 mm
17 mm
Figure n° 5.3 : Tableau des intervalles inter-incisives de nos locuteurs.
Afin d’obtenir l’aspect final du bite-block il a était nécessaire de raboter et de limer
finement le surplus de pâte qui retombait sur les côtés internes et externes des gencives.
En effet, ce dernier ajustement permit aux locuteurs de ne pas sentir les bite-blocks avec
la langue. Ils n’avaient donc aucun risque de se râper la langue et d’entraver ses
mouvements. Après plusieurs tests, nous obtenions l’aspect final des bite-blocks
présentés dans la figure ci-dessous.
Figure n° 5.4 : Les trois épaisseurs de bite-blocks : de gauche à droite, des plus épais aux moins épais.
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
97
5.3 L’électropalatographie
L’électropalatographie dynamique (EPG) est une technique qui permet d’enregistrer à
intervalles réguliers le contact de la langue sur le palais dur. Cette technique fournit des
informations spatio-temporelles sur l’articulation linguale des sons de la parole, dans les
plans coronal et sagittal. C’est le seul instrument de mesure qui donne des informations
spatiales et temporelles des patrons de contacts entre la langue et le palais (Stone 1997).
Les mouvements articulatoires ne sont pas directement détectés mais sont inférés par les
changements des configurations des patrons linguo-palataux.
Figure n° 5.5: Un exemple d’un palais artificiel (modèle de Reading) moulé sur le palais dur, d’après Meynadier (2003).
L’EPG se compose d’un palais artificiel fabriqué en résine acrylique d’une épaisseur
d’environ un millimètre et demi à partir d’une empreinte du palais de chaque sujet. Il est
moulé pour couvrir tout le palais dur. 62 électrodes sont arrangées symétriquement en
ligne sur l’axe coronal. Au moyen d’une électrode externe, un courant électrique de bas
voltage est envoyé dans le corps du locuteur porteur du palais. L’électrode externe et les
électrodes du palais constituent deux pôles du circuit électrique. La langue agit comme
un commutateur. Lorsqu’elle touche une électrode, le circuit est fermé et le contact est
détecté grâce au passage du courant (Marchal 1988, Nguyen et Marchal 1993). Le
système EPG dont nous disposons à Aix-en-Provence est le système de Reading. Il est
possible d’acquérir un signal émis par les 62 électrodes toutes les 5 millisecondes.
(Hardcastle 1972, 1984, Hardcastle et al. 1989) Comme illustré dans la figure 5.6 ci-
dessous, les électrodes contactées sont noircies et les électrodes non contactées sont en
blanc. Plus il y a d’électrodes contactées, plus la constriction est importante et
inversement. L’on peut se référer aux nombreux travaux de Hardcastle (1991) et de
98
Nicolaidis et al. (1993) pour une revue complète des études EPG. La concentration des
électrodes est plus grande sur les régions antérieures alvéolaire et pré-palatale. L’écart
entre les électrodes varie en fonction de leur localisation sur le palais et donc de la
morphologie du sujet. Il n’existe donc pas deux palais identiques.
Figure n° 5.6 : Un palais artificiel et sa représentation graphique à droite.En noir,nous voyons les électrodes contactées pour la constriction maximale de /t/, d’après Meynadier (2003).
Pour le linguiste il existe plusieurs applications essentielles de l’EPG. Les données
palatographiques peuvent être utilisées pour caractériser l’articulation des sons du
langage (Marchal 1985) à partir de l’observation de la localisation et de l’étendue des
contacts linguo-palataux. Ainsi on peut définir le mode et le lieu d’articulation de
chaque segment phonétique. L’EPG nous permet aussi de différencier les différentes
parties de la langue (l’apex, la lame, le corps ou la partie postérieure) qui entrent en
contact avec les différentes régions du palais (Nguyen et al.1996). L’EPG renseigne sur
tous les sons linguo-palataux des langues du monde qui sont réalisés à partir de contacts
de la langue sur le palais : les sons alvéolaires, tels [t, d, l, n, s, z], post-alvéolaires, [Z,
S], les flaps, et les trills, pour le japonais (Fujimura et al. 1973), pour l’Italien
(Farnetani, 1986), pour le catalan (Recasens, 1991, 1993b), pour l’anglais (Hardcastle
1984). Les sons vélaires comme [k, g, N ] sont moins étudiés car le palais traditionnel de
Reading s’arrête habituellement avant le palais mou.
Pour les fricatives, l’EPG fournit des informations sur la largeur et la longueur du sillon
formé par la langue caractéristique de ce mode d’articulation. (Flege et al. 1988).
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
99
L’effet de coarticulation des voyelles adjacentes sur les contacts de la langue et du
palais pendant la production des consonnes révèle la façon dont nous réalisons les
séquences des sons et quelles sont les stratégies de contrôle (Farnetani 1990, 1991,
Marchal 1983, Recasens 1984, 1999, Gibbon et al. 1993).
Dans l’étude des désordres langagiers, l’EPG est utilisé pour étudier aussi les sujets
pathologiques. C’est un instrument de choix car il est assez peu invasif. Une revue des
aspects clinique de l’utilisation de l’EPG peut être trouvée chez Nicolaidis et al. (1993).
Pour l’étude des articulations compensatoires de la langue en réponse à une perturbation
dans le conduit vocal, Flege et al. (1988) ont utilisé l’EPG pour observer les
mouvements de la langue lors de la production des /t/ et /S/ anglais et arabe quand la
mâchoire était bloquée. Nous pouvons aussi référer aux travaux de Hamlet et Stone
(1988), McFarland et Baum (1995) et certaines études recensées dans le chapitre 3. Au
cours de travaux précédents (Clairet 2000), nous avons aussi utilisé l’EPG pour
observer les mouvements compensatoires de la langue sur les consonnes occlusives et
fricatives du français en situation de mâchoire bloquée.
5.3.1 Les plus et les moins de l’EPG
Les avantages de l’EPG sont notamment que l’acquisition des données peut se faire sur
le plan spatial et temporel. La représentation dynamique est sur trois dimensions : sur
l’axe antéro-postérieur, sur l’axe gauche-droite et sur l’axe temporel.
Les données peuvent être rapides à acquérir
Cette technique est peu invasive et sans risque pour les sujets. Elle permet des
enregistrements sur plusieurs sessions.
Le signal acoustique est retransmis en simultané et peut permettre une analyse
acoustique parallèle.
Reste que les inconvénients de l’EPG sont les suivants.
Le coût élevé de chaque palais et le peu de fabricants rend la démarche longue et
difficile et a pour effet de limiter le nombre de locuteurs.
L’EPG donne des informations seulement quand la langue touche le palais dur. Les
mouvements de la langue dans la cavité buccale entre deux réalisations palatines ne sont
pas connus, notamment quand la mâchoire s’abaisse fortement et que la langue bouge
loin du palais. L’EPG ne permet pas d’obtenir des informations directes sur les
100
caractéristiques cinématiques des mouvements de la langue comme la vélocité ou le
déplacement du corps de la langue.
Les articulations postérieures sur le palais mou ne sont pas toujours visibles. Il est
difficile d’observer des consonnes vélaires telles que /k/ et /g/ sans penser qu’il y a peut-
être des contacts qui ne sont pas visibles, car trop postérieurs.
La question de l’influence d’un palais artificiel a été étudiée, entre autres, par Hamlet et
Stone (1978). Ces auteurs montrent que la mandibule s’abaisse davantage dans la parole
sans palais que dans la parole avec palais. Hamlet et Stone (1978) montrent que les
consonnes alvéolaires les plus affectées restent les fricatives même après une période
d’adaptation de quinze minutes : le palais induit une diminution de la dépression
centrale caractéristique de la réalisation normale de /s/ bien que le lieu d’articulation ne
soit pas changé. Il est important de noter que ces auteurs utilisent un palais artificiel de
3 à 6 mm d’épaisseur et que le port d’un palais d’un millimètre et demi d’épaisseur leur
sert de valeur de référence. L’étude de McFarland et al. (1996) confirme aussi la
fragilité du /s/ par rapport aux autres consonnes alvéolaires, face au port du palais.
Cependant ces études s’accordent à conclure que l’utilisation d’un palais artificiel de
moins d’un millimètre et demi d’épaisseur ne constitue pas une entrave importante à
l’articulation normale. Le débit et la durée des phonèmes ne sont pas significativement
affectés par le port du palais artificiel (Hamlet et Stone 1978, McFarland et al.1996).
Concernant la question d’un éventuel blocage des récepteurs tactiles du palais dur, les
études de Hardcastle (1972, 1976) confirment que le palais ne contient que très peu de
récepteurs tactiles. En effet, c’est une région si pauvre en nerfs qu’elle ne joue pas de
rôle sensoriel. Les informations tactiles sont émises par les nombreux capteurs
sensoriels de la langue : c’est elle qui renvoie le feedback tactile et peut aisément
compenser le port d’un palais artificiel.
Nous avons conscience des éventuelles carences que présente cette technique
d’investigation qu’est l’EPG. D’une part nous avons orienté la formation du corpus sur
des consonnes dont nous sommes certaine de la viabilité de l’analyse
électropalatographique. D’autre part, nous savons par exemple qu’il sera impossible de
rendre compte des vitesses brutes de l’exécution des gestes linguaux. Mais nous
arrivons à déduire quand même le temps que la langue met pour effectuer le passage
d’une cible articulatoire à l’autre. L’EPG nous semble un instrument de choix pour
étudier l’articulation des sons linguo-palataux dans les trois plans, coronal, sagittal et
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
101
temporel. L’EPG permet des analyses multiples sur l’axe spatial (amplitude des
contacts), temporel (timing inter-gestuel et intra-gestuel) et spatio-temporel (vitesse
d’établissement des gestes).
5.3.2 Les caractéristiques des consonnes linguales
5.3.2.1 Sur le plan spatial
Les informations sur le plan spatial permettent de définir le mode et le lieu
d’articulation de la consonne, autrement dit de voir quelle partie de la langue contacte le
palais pour la réalisation d’un segment phonétique. Les différentes parties du palais sont
délimitées en zones de façon empirique avec de fines variations (Recasens 1990,
Hardcastle 1991, Gibbon et Nicolaidis 1999). Les différentes parties de la langue sont
aussi divisées en sections de manière plus fonctionnelle, comme nous l’avons détaillé
dans le chapitre 4 de la deuxième partie (Laver 1994, Hardcastle 1976). De ces
informations, nous obtenons l’amplitude des gestes linguo-palataux qui correspond à
l’aire de contact entre l’articulateur actif (langue) et l’articulateur passif (palais dur).
Physiquement l’amplitude de contacts correspond au nombre d’électrodes contactées au
moment de la constriction maximale dans la cavité buccale. Quand la langue est relevée
dans la cavité buccale, l’amplitude de ses contacts contre le palais est importante, quand
elle est abaissée, l’amplitude des contacts est nulle. Ce degré d’élévation de la langue
dépend de la nature du segment réalisé, mais aussi du contexte vocalique environnant,
des phénomènes accentuels et prosodiques, du débit et du style de parole.
Le lieu d’articulation de la consonne correspond à l’endroit sur le palais où les
électrodes contactées sont les plus nombreuses : c’est le point de constriction maximale.
Les consonnes alvéolaires montrent des contacts dans la région dento-alvéolaire, ou
alvéolaire, caractérisés par un contact de l’apex et/ou de la lame (geste coronal). Les
consonnes palatales montrent des contacts dans la région palatale (centrale) ou dans la
région pré-vélaire, et sont caractérisées par le mouvement du corps de la langue. Les
consonnes vélaires sont articulées avec le dos de la langue dans la région la plus
postérieure du palais correspondant à la limite entre le palais dur et le palais mou. Le
mode d’articulation est déduit par la répartition des contacts sur l’axe gauche-droite. De
102
nombreux contacts centraux traduisent une constriction étroite. Les occlusives sont les
consonnes qui ont le plus de contacts centraux puisque leur production exige un barrage
total du flux d’air. A l’inverse, peu de contacts centraux traduisent une constriction plus
large. Les fricatives ont moins de contacts centraux parce que leur réalisation doit se
faire de façon à laisser libre le passage du flux d’air. Concernant les voyelles qui sont,
généralement plus ouvertes que les consonnes, les informations EPG peuvent s’avérer
pauvres. En effet, seules les voyelles les plus fermées qui nécessitent une plus grande
fermeture mandibulaire, telles /i, y, u/ admettent quelques contacts visibles alors que les
voyelles ouvertes ne montrent pas de contacts linguo-palataux.
Figure n° 5.7 : Illustration de différentes consonnes du français prises au moment de la constriction maximale, en contexte a_a, d’après Meynadier (2003).
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
103
5.3.2.2 Sur le plan temporel
L’EPG peut aussi montrer quelle est l’évolution temporelle des mouvements linguo-
palataux que nous venons de décrire. L’EPG ne montre pas le début et la fin de
d’élévation ou d’abaissement de la langue, mais donne les contacts linguo-palataux à
partir du moment où la langue contacte le palais. Pour le timing intra-gestuel, il est
possible de délimiter et de quantifier les différentes phases d’un geste de constriction :
attaque, constriction maximale et relâchement et aussi l’occlusion totale. Pour le timing
inter-gestuel, on peut quantifier les effets de la coordination inter-gestuelle
correspondant à la coproduction entre les différents segments adjacents dans la chaîne
parlée.
5.3.3 Le traitement des données
Dans cette partie, nous expliquons de quelle façon nous avons effectué les mesures
spatiales et temporelles des consonnes des séquences CVC avec le logiciel M.E.S.
(Espesser 1996). Notamment nous exposons nos critères de segmentation, les problèmes
rencontrés et les solutions proposées. Les mesures sont fondées sur la reconnaissance
des différents événements articulatoires appréhendés de manière discrète et qui nous
semblent les plus pertinents dans la réalisation des consonnes étudiées.
5.3.3.1 Le logiciel MES
Nous avons pu analyser les paramètres articulatoires enregistrés avec le logiciel M.E.S,
développé par Robert Espesser, sous environnement UNIX (Espesser 1996). Ce logiciel
permet d’effectuer des mesures à partir de l’observation des courbes intonatives (F0) et
d’intensité, les sonagrammes, les contacts linguo-palataux (EPG), les mouvements
E.M.A (Articulograph ou Movetrack). Il permet surtout d’effectuer un marquage en
unités discrètes des courbes temporelles grâce à la segmentation, et la création de
fichiers d’étiquettes.
Sur le plan spatial, le palais dynamique nous présente directement les électrodes
activées au fur et à mesure que nous déplaçons le curseur sur le signal de parole, avec
une image des profils de contacts toutes les 5 ms. Il permet d’observer en détail chaque
104
configuration articulatoire (modification spatiale des contacts) propre à chaque phase
consonantique à un moment choisi.
Sur le plan temporel, les événements articulatoires peuvent aussi être représentés par
des courbes d’évolution des contacts linguo-palataux. Ces courbes nous donnent un
aperçu continu de l’évolution des contacts linguo-palataux lors de la réalisation d’un ou
plusieurs gestes articulatoires. Nous pouvons alors mesurer la durée de l’élaboration de
la constriction, la durée de la constriction, la durée du relâchement de la constriction.
Nous pouvons voir sur la figure 5.8 ci-dessous, un exemple de courbe des contacts
d’une séquence /tat/ synchronisée avec le signal acoustique.
Figure n° 5.8 : Evolution temporelle d’une courbe des contacts linguo-palataux sur une séquence /tat/, locuteur YM. En abscisse, le temps et en ordonnées, le nombre de contacts.
5.3.3.2 La segmentation palatographique
Afin d’isoler les contacts linguo-palataux dans la zone d’articulation propre à chaque
occlusive, nous avons défini les zones EPG en fonction du lieu d’articulation des
consonnes, autrement dit selon le lieu de concentration maximale des électrodes
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
105
contactées,. La zone alvéolaire correspond aux trois premières rangées antérieures du
palais. La zone antérieure est définie par les quatre premières rangées. La zone vélaire
correspond aux trois rangées postérieures du palais et la postérieure par les quatre
dernières. Afin de poser des marqueurs, il faut définir un certain nombre de critères de
segmentation. Ces critères sont utilisés pour traiter toutes les séquences CVC, aussi bien
avec les bite-blocks que sans. L’illustration 5.9 ci-dessous représente la courbe
d’évolution schématisée des contacts linguo-palataux d’une consonne /t/ suivie de /a/ et
la segmentation des ses différentes phases.
Figure n° 5.9 : Un exemple de segmentation manuelle d’une séquence /dad/, locuteur BL.
A
BC D
E
F
106
A : Le début de la constriction linguo-palatale correspond au point initial des contacts
linguo-palataux. A ce moment il y a au moins une électrode activée indiquant au moins
un contact dans la zone d’articulation observée sur le palais. Cela se traduit sur la
courbe des contacts par un pourcentage de contacts strictement supérieur à zéro.
B : Le début de la tenue articulatoire dans la zone d’articulation de la consonne est
identifié par la première image EPG qui donne le taux de contacts le plus élevé dans la
consonne : le plus souvent un plateau des valeurs maximales du contact linguo-palatal.
Bien sûr, les critères changent en fonction du lieu d’articulation des consonnes
observées. Concernant /t/ et/d/, le début de la tenue est marqué dès que commencent les
contacts latéraux et dento-alvéolaires : le premier plateau des valeurs sur la courbe.
C : Le début de la constriction linguo-palatale maximale dans la zone d’articulation de
la consonne est identifié dès que nous observons un maximum absolu de contacts (un
maximum d’électrodes activées). L’occlusion complète (sur le palais dynamique,
barrage total du flux d’air dans la zone d’articulation de la consonne) peut apparaître
superposée avec le maximum absolu de contacts, totalement ou en partie.
D : La fin de la constriction linguo-palatale maximale est réalisée dès que nous
observons la fin des contacts maximum absolus, c’est à dire que la courbe commence à
descendre.
E : La fin de la tenue articulatoire est la dernière image EPG d’un plateau plus ou moins
stable des valeurs maximales. Pour les occlusives d’avant /t/ et /d/, la fin de la tenue se
note juste avant que les derniers contacts latéraux et dento-alvéolaires disparaissent.
F : La fin de la constriction linguo-palatale correspond à la dernière image EPG qui
montre au moins une électrode activée, quand la consonne est suivie de /a/. Avec /i/, la
constriction n’est pas finie car il reste toujours les contacts du /i/. Pour passer de la
production d’une occlusive alvéolaire à la production d’un /i/, l’apex se décolle et la
lame est relevée. Nous avons marqué la fin de la constriction dès la perte de contacts
dans la région dento-alvéolaire (deux premiers rangs), et l’apparition des contacts dans
la région postalvéolaire (troisième et quatrième rang) et dans la région palatale.
En résumé, la consonne entière est délimitée par les points A et F. La fermeture est
limitée par les points A et C). L’ouverture est délimitée par les points D et F. La
constriction maximale est délimitée par les point C et D. La tenue articulatoire est
délimitée par les points B et E. Comme Simon (1967), nous considérons que durant la
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
107
tenue, « la partie des organes qui intervient plus spécialement dans la réalisation d’un
phonème, en le rendant distinct d’un autre, reste en position, mais il peut y avoir, et il y
a en général, des modifications par ailleurs » (Simon 1967 p.150). Cette définition
souligne l’indépendance entre l’apex et le corps de la langue. En effet, l’apex peut rester
contactée contre les alvéoles alors que le corps de la langue est sujet à des micro-
mouvements. Inversement, quand le corps de la langue est immobile cela n’empêche
pas l’apex de bouger seul, c’est par exemple le cas durant la production d’une séquence
/tit/.
5.3.3.3 La segmentation acoustique
La phrase porteuse et toutes les séquences CVC sont segmentées et étiquetées à l’aide
du sonagramme caractérisé par une bande passante à 300Hz et une hauteur maximale de
6000Hz. Les critères de segmentation utilisés sont les suivants :
Le début de la consonne est noté dès la fin des formants de la voyelle /a/ qui précède la
séquence.
La fin de la consonne, et le début de la voyelle, est notée aussitôt qu’apparaissent les
formants de la voyelle centrale de la séquence CVC.
La fin de la voyelle est notée dès la fin des formants.
La durée de la séquence CVC est notée au début de la première consonne et à la fin de
la seconde.
La durée de le phrase porteuse est délimitée par la totalité du signal acoustique.
5.4 Les mesures électropalatographiques
Rappelons que le but du travail est de déterminer les caractéristiques spatio-temporelles
des gestes articulatoires en parole normale tout d’abord. Ensuit il s’agit de comparer
ces caractéristiques dans les situations de parole perturbée par les bite-blocks. Toutes les
mesures spatiales, temporelles et spatio-temporelles sont effectuées sans bite-block afin
de fournir un cadre de valeurs référentielles, et avec les trois bite-blocks de différentes
épaisseurs. A partir de la segmentation du signal EPG, plusieurs types de mesures ont
été faites. Les mesures relatives à la temporalité des gestes sont la durée et la proportion
108
des différentes phases de la consonne. Les mesures relatives à la spatialité des gestes
sont l’amplitude des contacts linguo-palataux et leur localisation.
5.4.1 Les paramètres spatiaux.
Sur le plan spatial, nous avons recours au repérage des contacts maximaux pour évaluer
l’amplitude des courbes de contacts, à l’extraction des centres de gravité, et des patrons
moyens de contacts.
L’amplitude est relative au nombre de contacts maximum qui a été relevé
manuellement durant la segmentation palatographique. L’endroit évalué comme étant le
plus pertinent pour ce relevé se situe, au moment de la constriction maximale dans le
conduit vocal. Le nombre de contact maximum est pris sur la totalité du palais, dans la
zone d’articulation de la consonne (région alvéolaire) mais aussi dans la région
postérieure et dans la totalité du palais. Nous avons ensuite calculé le pourcentage
moyen des électrodes activées dans la zone EPG concernée, par rapport à la totalité des
électrodes du palais (62 sur le palais de Reading).
Le taux de remplissage alvéolaire et vélaire est mesuré dans chacune des zones du
palais. Exprimé en pourcentage, ce taux oscille entre 0 et 1 : 0 quand la zone est vide de
contact et 1 quand toutes les électrodes de la zones sont contactées.
Le centre de gravité nous permet de quantifier les déplacements des contacts sur l’axe
antéro-postérieur du palais. Cet indice informe sur la localisation du lieu d’articulation
linguo-palatal de la consonne. Il est aussi mesuré sur la constriction maximale. Le palais
est divisé en huit trames réparties sur deux zones, antérieure et postérieure contenant
quatre rangées d’électrodes chacune. La limite médiane horizontale est un axe zéro de
référence. Les rangées antérieures sont notées de –1 à –4 en partant de l’axe zéro et les
rangées postérieures sont notées de +1 à +4 en partant de l’axe zéro. Plus la valeur est
négative, plus le centre de gravité se déplace vers l’avant du palais. Plus la valeur est
positive, plus le centre de gravité se déplace vers l’arrière du palais. Nous devons la
réalisation de cet indice à R. Espesser qui a confectionné les scripts nécessaires sous
UNIX en s’inspirant des indices de Hardcastle et al. (1991) et Rouco et Recasens
(1996).
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
109
Les patrons moyens découlent d’une moyenne des contacts linguo-palataux sur les
douze répétitions. Les contacts sont moyennés sur chacune des électrodes du palais au
moment de la constriction maximale. Nous obtenons un patron de contacts
caractéristique de chaque consonne, dans chaque condition d’enregistrement et pour
chaque locuteur. Nous présentons, dans la figure 5.10 ci-dessous le patron de contacts
de la consonne /d/ du locuteur YM lors de la réalisation de la séquence /did/ en
production normale. Les électrodes en blanc sur les patrons n’ont jamais été contactées
(0%), les noires ont toujours été contactées (100%). Trois niveaux de gris sont utilisés
pour définir les différents degrés de contact : gris clair pour les contacts jusqu’à 25% ;
gris moyen pour les contacts jusqu’à 50% et gris foncé pour les contacts jusqu’à 75%.
Figure n° 5.10 : Patron moyen pris au moment de la constriction maximale du /d/ de la séquence /did/, locuteur YM.
Les patrons de résistance sont issus de la soustraction des patrons moyens avec chaque
bite-block (B1, B2 et B3) aux patrons moyens en production normale. Ces patrons de
résistance montrent seulement les contacts qui perdurent malgré la présence des bite-
blocks. Nous exposons ci-dessous un exemple de patron de résistance B0-B3 de la
consonne /d/ de /did/ produite par le locuteur BL.
Figure n°5.11 : Patron de la différence de contacts entre B0 et B3, au moment de la constriction maximale du /d/ de la séquence /did/, locuteur BL.
110
Les patrons de coarticulation sont issus de la différence entre les patrons moyens des
séquences avec /i/ et les patrons moyens des séquences avec /a/. La figure 5.12 ci-
dessous illustre un patron de coarticulation du /t/ du locuteur YM en production
normale.
Figure n° 5.12 : Patron de coarticulation d’un /t/ du locuteur YM.
Pour la confection de ces patrons, nous avons mesuré la distance entre chaque électrode
sur le palais de chaque locuteur. Nous tenons à remercier tout particulièrement Noël
Nguyen qui a réalisé les patrons moyens, les patrons de résistance et les patrons de
coarticulation à partir de ces mesures.
5.4.2 Les paramètres temporels
Les mesures de timing intra-segmental concernent l’articulation indépendante des
consonnes. Les durées de chaque phase de la consonne sont calculées à partir des
différences temporelles entre les marqueurs préalablement posés. Dans un premier
temps, il s’agit de calculer les durées absolues en ms des événements articulatoires.
Pour l’illustration, le lecteur peut se référer à la figure 5.9.
-durée du geste consonantique en sa totalité : xF-xA
-durée de l’établissement de la constriction : xC-xA
-durée de la tenue : xE-xB
-durée du maximum de contacts : xD-xC et de l’occlusion complète
-durée du relâchement de la constriction : xF-xD
Ensuite, nous avons établi la proportion de chaque phase par rapport à la durée totale de
la consonne :
DEUXIEME PARTIE : PROBLEMATIQUE ET METHODE EXPERIMENTALE. CHAPITRE 5 : Méthode expérimentale..
111
-Proportion de la tenue dans la consonne : xE-xB/xF-xA * 100
-Proportion du maximum de contacts : xD-xC/ xF-xA *100 et de l’occlusion
complète
-Proportion de la fermeture dans la consonne : xC-xA/ xF-xA * 100
-Proportion de l’ouverture est calculée : xF-xD/ xF-xA * 100
5.4.3 Les paramètres spatio-temporels
Pour calculer la portée de la pente de fermeture, nous avons déduit le nombre de
contacts relevés au début du geste de fermeture, du nombre de contacts relevé au début
de la constriction maximale: yC-yA.
Pour calculer la portée de la pente d’ouverture, nous avons déduit le nombre de contacts
relevé à la fin de la constriction maximale, du nombre de contacts relevé à la fin du
geste de relâchement : yF-yD.
A partir des valeurs d’amplitude des pentes, nous sommes en mesure de déduire les
vitesses d’ouverture et de fermeture linguo-palatale de la consonne d’après la formule
traditionnelle du calcul de la vitesse : Vitesse =Amplitude/Temps. Ces vitesses sont
relatives aux mouvementx de la langue :
-vitesse d’établissement de la fermeture : yC-yA/xC-xA
-vitesse d’établissement de l’ouverture : yF-yD /xF-xD .
Ces mesures fournissent un indice de la rapidité avec laquelle la constriction linguo-
palatale s’établit ou se relâche.
A de stade de l’évolution du travail, nous avons mis en place un protocole expérimental
qui répond à nos besoins : procéder à une analyse comparative de la production des
consonnes linguales alvéolaires avec et sans perturbation. Nous avons préparé notre
corpus en vue d’une analyse électropalatographique des mouvements de la langue
durant la production des consonnes /t/ et /d/ en contextes vocalique différents /a/ et /i/.
112
5.5 La méthode statistique d’analyse des variations
Dans ce paragraphe, nous présentons la méthode d’analyse statistique choisie pour
étudier les variations articulatoires linguo-palatales dans les quatre conditions
expérimentales. La méthode utilisée est l’analyse de la variance ANOVA avec le
logiciel Statview (Statview 1996). L’analyse est faite par l’ANOVA factorielle puisque
nous considérons l’ensemble des variables secondaires comme ayant le même poids.
Dans un premier temps de l’analyse nous cherchons à montrer quels sont seuls les effets
de la variable principale <bite-block> sur l’organisation spatio-temporelle de la
consonne. La variable indépendante ou principale de notre plan expérimental est la
condition d’enregistrement : sans bite-block (B0) avec le bite-block de 5 mm (B1), avec
le bite-block de 10 mm (B2) et avec le bite-block de 16 mm (b3). La variable
dépendante est tour à tour chaque paramètre mesuré : durée de la consonne, de la
fermeture, de la tenue, de la constriction maximale, de l’ouverture, l’amplitude des
contacts, la vitesse de fermeture et la vitesse d’ouverture.
Dans un second temps, nous cherchons à voir si l’effet de la variable principale <bite-
block> est influencé par les autres variables secondaires comme <locuteur>,
<voisement de la consonne>, < contexte vocalique>. Nous effectuons une étude des
interactions entre les différentes variables.
Dans un troisième temps, l’analyse se fait plus précise sur chaque locuteur
indépendamment, toujours en essayant de distinguer les effets des bite-blocks des effets
des autres variables. Nous pourrons alors confirmer que les comportements des deux
sujets sont différents. L’analyse individuelle tiendra compte du fait que l’effectif total
des données N (380) sera alors divisé par deux (380/2=190 données par locuteur).
113
114
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
115
TROISIEME PARTIE : RESULTATS
EXPERIMENTAUX
______________________________________________________________________
CHAPITRE 6 : Les résultats spatiaux
Nous présentons dans cette partie les résultats qui découlent de l’analyse spatiale des
mouvements linguaux durant la production des occlusives. Nous avons relevé le nombre
d’électrodes contactées et leur distribution au moment où la constriction est au
maximum (au moment de l’amplitude maximale), sur chaque séquence et dans les
quatre conditions d’enregistrement, B0, B1, B2 et B3. Les contacts sur chaque électrode
sont moyennés sur douze répétitions, afin de déterminer des patrons de contacts des
occlusives de chaque locuteur.
Voici un récapitulatif des questions que nous nous posons à propos de l’observation des
paramètres spatiaux. Les constrictions maximales sont-elles réduites ou saturées par la
présence des bite-blocks ? Si nous supposons que la constriction est plus faible avec les
bite-blocks, les contacts linguo-palataux seraient moins nombreux. L’amplitude des
contacts serait donc diminuée. Est-ce que le lieu d’articulation de la consonne est
déplacé, le cas échéant, en avant ou en arrière du palais ? L’influence des bite-blocks
est-elle modulée la nature des voyelles et/ ou par le voisement? Observe-t-on un effet
d’adaptation en réponse aux perturbations ? Les locuteurs réagissent-ils de la même
façon ? En premier lieu, nous présentons les aspects quantitatifs des données spatiales,
représentés par un dénombrement précis des contacts linguo-palataux. En second lieu,
nous présentons les aspects qualitatifs sous forme de patrons de contacts afin de
localiser exactement le lieu d’articulation des consonnes.
116
6.1 Aspects quantitatifs de la répartition des contacts linguo-palataux
Nous cherchons à déterminer dans quelle mesure les variations de l’amplitude des
contacts peuvent être expliquées par les effets des bite-blocks, de la voyelle et du
voisement. Avec L’ANOVA factorielle, nous pouvons voir si les interactions entre les
facteurs sont significatives: une interaction entre au moins deux facteurs signifie que
l’effet de l’un des facteurs varie en fonction de l’autre facteur.
6.1.1 Les contacts linguo-palataux (LP) sur la totalité du palais
5
1 0
1 5
2 0
2 5
3 0
3 5
4 0
4 5
5 0
5 5
Cel
l Mea
n
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3
Ce ll
t itta td idd a d
C o u r b e d e s in t e r a c t io n s p o u r T O T A LEf f e t : lo c * c o n d * c v cBa r r e s d 'e r r e u r : 9 5 % In te r v a lle d e c o n f ia n c e
Figure n°6.1: Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions d’enregistrement. En
ordonnée, le nombre de contacts.
Les bite-blocks ont une influence sur le nombre total des contacts [F(3,380)=3,125 ; p<
0,0259]. Nous voyons, d’après la figure 7.1 que l’effet des bite-blocks n’est pas le
même en fonction des locuteurs. En effet, l’interaction entre les variables locuteur et
condition est fortement significative [F(3,352)=36.56 ; p< 0.0001]. Nous observons
qu’avec les bite-blocks, les contacts linguo-palataux du locuteur BL diminuent. Les
contacts linguo-palataux du locuteur YM augmentent légèrement excepté sur la
séquence /dad/, pour laquelle les contacts diminuent aussi. L’effet des bite-blocks
dépend donc du locuteur mais aussi de la séquence étudiée puisque l’interaction entre
les deux variables <séquence> et <bite-block>, est fortement significative
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
117
[F(9,352)=14.935 ; p<0.0001]. La variable <séquence> dépend du locuteur
[F(3,352)=11.387 ; p<0.0001)]. Les réalisations des séquences sont propres à chacun.
D’une manière générale, les effets des bite-blocks sur le nombre de contacts linguo-
palataux ne sont pas constants mais dépendent des variables. Nous proposons une
observation plus détaillée de l’évolution des contacts linguo-palataux pour chacun des
locuteurs.
6.1.1.1 Les contacts du locuteur BL
La totalité des contacts de BL
05
1015202530354045
dad did tat tit
Nom
bre
de c
onta
cts
b0b1b2b3
Figure n° 6.2 : Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur BL. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts
Les bite-blocks seuls ont une forte influence sur le nombre de contacts LP du locuteur
BL [F(3,188) = 8,486 ; p< 0,0001]. Pour celui-ci, l’effet des bite-blocks dépend aussi
fortement de la nature de la séquence : [F(9,176)=4.033 ; p=0.0001]. Nous remarquons
une disposition bien marquée à la diminution des contacts linguo-palataux avec les bite-
blocks. Les effets des bite-blocks dépendent de la voyelle [F(3,184) = 4,012 ; p=
0,0085]. D’une manière générale, les séquences avec la voyelle /a/ perdent plus de
contacts que celles avec la voyelle /i/. Entre la condition de référence B0 et la condition
B3, le /d/ de la séquence /dad/ accuse une perte de 15,5 contacts, le /t/ de la séquence
/tat/ perd 9,17 contact, alors que le /d/ de la séquence /did/ perd 7,41 contacts et le /t/ de
118
la séquence /tit/ perd 3,92 contacts. Par contre le voisement de la consonne ne semble
pas interférer les effets des bite-blocks [F(3,184) = 0,803 ; p< 0,4939].
6.1.1.2 Les contacts du locuteur YM.
La totalité des contacts de YM
05
10152025303540455055
dad did tat tit
Nom
bre
de c
onta
cts
b0b1b2b3
Figure n°6.3: Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur YM. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts
D’une manière générale, il semble que les bite-blocks n’ont pas d’effet significatif sur le
nombre de contacts linguo-palataux de ce locuteur [F(3,188) = 0,892 ; p=0,4462]. Nous
n’avons pas trouvé d’interaction entre l’effet des bite-blocks et les effets de la voyelle
[F(3,184) = 2,228 ; p=0,0865]. Mais l’effet des bite-blocks dépend de la séquence
[F(9,176)=18,124 ; p<0.0001]. En effet, seule la séquence /dad/ semble affectée par les
bite-blocks. Les contacts diminuent seulement sur le /d/ de la séquence /dad/. Nous
observons une perte de 10 contacts de B0 à B3. Entre la condition de référence B0 et la
condition B3, les autres séquences n’admettent pas de variations significatives, mais
notons que le /t/ de la séquence /tat/ gagne 6.42 contacts. Les contacts des consonnes
suivies de /i/ restent stables malgré la présence des bite-blocks. Nous avons trouvé une
interaction significative entre le voisement et l’effet des bite-blocks [F(3,184)=3,112 ;
p=0,0276]. Chez ce locuteur, les variations du nombre de contacts sembleraient
dépendre plus du voisement de la consonne que des bite-blocks eux mêmes.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
119
57 ,510
12 ,515
17 ,520
22 ,525
27 ,530
32 ,5C
ell M
ean
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3
Ce ll
titta td iddad
C o u r b e d e s in te r ac t io n s p o u r A V TEf fe t : lo c * co n d * cvcBar r e s d 'e r r e u r : 95% In te r va lle d e co n f ian ce
6.1.2 Les contacts linguo-palataux dans la région alvéolaire
Figure n° 6.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts alvéolaires. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions
d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.
Premièrement, nous remarquons que le bite-block seul a un effet significatif sur le
nombre de contacts alvéolaires [F(3,380)=5,251 ; p< 0.0015]. Nous voyons sur la figure
7.4 que l’effet des bite-blocks est différent pour chaque locuteur. En effet nous avons
trouvé une forte interaction entre les effets des bite-blocks et les locuteurs
[F(3,352)=39.39 ; p< 0.0001]. Les contacts alvéolaires du locuteur BL diminuent et les
contacts alvéolaires du locuteur YM tendent à augmenter légèrement, excepté
concernant la séquence /dad/. Nous retenons aussi que l’effet des bite-blocks dépend
aussi fortement de la séquence [F(9,352)=10,454 ; p< 0.0001].
L’interaction significative entre la nature de la séquence et le locuteur [F(3,352) =
22.504 ; p< 0.0001] indique que les réalisations phonétiques sont propres à chaque
locuteur. D’une manière générale, les effets des bite-blocks sur le nombre de contacts
LP alvéolaires dépendent fortement des séquences étudiées. Nous détaillons ci-dessous
les changements observés chez chaque locuteur.
120
6.1.2.1 Les contacts alvéolaires du locuteur BL
Nombre de contacts alvéolaires de BL
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
dad did tat tit
Nom
bre
de c
onta
cts
b0b1b2b3
Figure n° 6.5: Graphique des moyennes des contacts LP alvéolaires du locuteur BL. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts
Les bite-blocks seuls ont une forte influence sur les contacts alvéolaires de ce locuteur
[F(3,188) = 14,459 ; p< 0,0001]. Les effets des bite-blocks dépendent de la séquence
étudiée [F(9,176) = 4,760 ; p<0.0001]. Entre la condition de référence B0 et la condition
B3, le /d/ de la séquence /dad/ perd 10,66 contacts, le /t/ de la séquence /tat/ perd 8,17.
Les contacts diminuent au fur et à mesure que la taille des bite-blocks augmente. Avec
la voyelle /i/, le /d/ ne perd que 3,17 contacts de B0 à B3 et le /t/ en perd 3,58. Nous
remarquons que le nombre de contacts diminue dès l’insertion du B1 mais reste
semblable avec le B2 et le B3. Ainsi, les effets des bite-blocks dépendent fortement de
la voyelle subséquente [F(3,184)=7,470; p< 0,0001]. Par contre, le voisement
n’influence pas les effets des bite-blocks [F(3,184) = 0,347 ; p=0,7913]. Il semble que
ce soit surtout la nature de la voyelle subséquente qui influence la diminution des
contacts LP. D’après les barres d’écart-type, il peut également apparaître que plus le
bite-block est large, plus la variabilité articulatoire en nombre de contact augmente.
L’articulation parait moins stable plus la perturbation est importante.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
121
6.1.2.2 Les contacts alvéolaires du locuteur YM.
Nombre de contacts alvéolaires de YM
0
5
10
15
20
25
30
35
dad did tat titséquences
Nom
bre
de c
onta
cts
b0b1b2b3
Figure n°6.6: Graphique des moyennes de contacts alvéolaires du locuteur YM. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts
Les bite-blocks n’ont pas d’influence significative sur le nombre de contacts alvéolaires
de ce locuteur [F(3,188)=1,193 ; p=0,3136]. L’effet des bite bloks dépend fortement de
la séquence étudiée [F(9,176) = 8,999 ; p<0,0001]. En effet, seul le /d/ de la séquence
/dad/ perd des contacts quand l’épaisseur des bite-blocks augmente. Entre les conditions
B0 et B3, nous remarquons une diminution de 5,25 contacts. A l’inverse, le /t/ de la
séquence /tat/ gagne 3,75 contacts de B0 à B3. Avec la voyelle /i/ nous observons une
accentuation des contacts de +1,67 pour /d/ et de + 1,83 pour /t/. L’interaction entre la
voyelle et les bite-blocks n’est pas significative [F(3,184)=1,136 ; p=0,3357]. Le
voisement n’influence pas non plus les variations du nombre de contacts
[F(3,184)=2,820 ; p=0,0403]. Les barres d’écart-type montrent que l’articulation est
moins stable sur la séquence /dad/ avec les bite-blocks B2 et B3.
122
6.1.3 Les contacts linguo-palataux dans la région vélaire
0
5
1 0
1 5
2 0
2 5
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3
C e ll
t itta td idd a d
C o u r b e d e s in t e r a c t io n s p o u r A R REf f e t : lo c * c o n d * c v cB a r r e s d 'e r r e u r : 9 5 % In t e r v a l le d e c o n f ia n c e
Figure n° 6.7 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts postérieurs. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions
d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.
De façon générale, l’effet seul du bite-block n’a pas d’influence réelle sur le nombre de
contacts vélaires [F(3,380)=0,855 ; p=0,464]. Nous notons que l’interaction entre les
deux variables <locuteurs> et <bite-blocks> est significative [F(3,352)=14,092;
p<0,0001]. Ils ne réagissent pas de la même façon. On remarque que les contacts
vélaires de BL diminuent avec les bite-blocks (surtout sur la séquence /dad/) et les
contacts vélaires de YM augmentent avec les bite-blocks, excepté concernant la
séquence /dad/. Les effets des bite-blocks dépendent de la séquence [F(9,352)=10,257 ;
p<0,0001]. L’interaction entre la variable <locuteur> et <séquence> est significative
[F(3,352)=6,65 ; p=0.0002] ; les locuteurs produisent leurs séquences de façon
différente. D’une manière générale, les variations observées sur le nombre de contacts
LP vélaires semblent dépendre plus de la nature de la séquence que des bite-blocks eux-
mêmes. Nous examinons ensuite les contacts vélaires pour chaque locuteur.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
123
6.1.3.1 Les contacts vélaires du locuteur BL
Nombre de contacts vélaires de BL
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
dad did tat tit
Nom
bre
de c
onta
cts
b0b1b2b3
Figure n°6.8: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur BL. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts
Les bite-blocks seuls ont un effet sur le nombre de contacts vélaires de ce locuteur
[F(3,188) = 3,073 ; p= 0,0290]. Concernant ce locuteur, l’effet des bite-blocks dépend
de la séquence [F(9,176= 2,440 ; p=0,0122]. La tendance à la diminution des contacts
vélaires sous l’effet desbite-blocks est observée aussi sur les contacts dans la région
postérieure. Cependant cette tendance est manifestement moindre que dans la région
antérieure. Le changement le plus important se produit sur la séquence /dad/. Les
séquences avec les consonnes non voisées n’observent pas de réels changements. Le
voisement n’influence pas les effets des bite-blocks [F(3,184) = 1,292 ; p=0,2785]. Les
effets des bite-blocks ne dépendent pas de la voyelle [F(3,184) = 1,679 ; p= 0,1731]
124
6.1.3.2 Les contacts vélaires du locuteur YM
Nombre de contacts vélaires de YM
05
10152025303540455055
dad did tat tit
Nom
bre
de c
onta
cts
b0b1b2b3
Figure n°6.9: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur YM. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de contacts
Les bite-blocks n’ont pas d’effet significatif sur le nombre de contacts vélaires de ce
locuteur [F(3,188) = 0,723 ; p=0,5392]. Les effets des bite-blocks pour ce locuteur
dépendent de la séquence [F(9,176=11,808 ; p<0.0001]. Dans la région vélaire, les
contacts LP des consonnes non voisées sont augmentés au fur et à mesure que les
l’épaisseur des bite-blocks augmente. Les contacts vélaires de la voisée /d/ avec /a/
diminuent avec B2 et B3. L’interaction entre la voyelle et les bite-blocks est
significative [F(3,184) = 4,071 ; p=0,0079]. L’interaction entre le voisement et les bite-
blocks est significative [F(3,184) = 2,823 ; p=0,0402]. Nous pouvons conclure en disant
que les variations observées ne semblent pas être dues principalement aux effets des
bite-blocks.
6.1.4 Sur les variations d’amplitude des contacts LP
Dès à présent nous constatons que nos deux locuteurs présentent des réactions
différentes face aux perturbations. Les effets des bite-blocks sont plus marqués chez le
locuteur BL chez qui le nombre de contacts LP diminue de façon significative avec les
bite-blocks. Les effets des bite-blocks sont moins marqués chez le locuteur YM : les
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
125
différences de nombre de contacts avec et sans bite-block ne sont pas statistiquement
significatives, et ce dans les différentes zones du palais. Nous pouvons aussi affirmer
que la nature de la voyelle et le trait de voisement sont deux variables qui jouent un rôle
décisif dans la réaction de nos locuteurs face à la perturbation : le voisement n’a d’effet
que chez YM alors que la voyelle a de l’effet chez les deux. Malgré le fait que nos
locuteurs montrent des manœuvres articulatoires différentes, ils montrent tous les deux
une importante perte des contacts LP sur la consonne voisée de la séquence /dad/. Nous
proposons un bilan des différences observées entre les conditions normales et avec les
bite-blocks, séquence par séquence pour chaque locuteur.
Locuteur BL :
/dad / Dans la partie alvéolaire, nous observons une perte de 10,66 contacts de B0 à
B3 : B0 (19,58) ≥ B1 (13,17) ≥ B2 (10,42)≥ B3 (8,92). Dans la partie vélaire, nous
observons une perte de 4,83 contacts de b0 à B3 : B0 (6,5) ≥ B1 (3,33) ≥ B2 (2,58) ≥ B3
(1,67).
/tat/ Dans la partie alvéolaire nous comptons une différence de 8,17 contacts entre B0
et B3 : B0 (21,50) ≥ B1 (18,17) ≥ B2 (17)≥ B3 (13,33). Dans la partie vélaire, il n’est
pas observé pas de réelle différence : B0 (8,5) ≥ B1 (7,67) = B2 (7,67) = B3 (7,5).
/did/ Dans la zone alvéolaire, on a une différence de 3.67 contacts entre B0 et B3 : B0
(25) ≥ B1 (23,17) ≥ B2 (22,25)≥ B3 (21,33). Dans la zone vélaire on a une différence de
3,58 contacts entre B0 et B3 : B0 (14,33) ≥ B2 (12,67) ≥ B1 (10,67) = B3 (10,75).
/tit/ Dans la région alvéolaire, la consonne perd 3.58 contacts : B0 (25,58) ≥ B1
(22,17) = B2 (22,17)= B3 (22) Dans la région vélaire il y a 2,17 contacts de moins entre
B0 et B1: B0 (14,5) = B2 (14)= B3 (14,17) ≥ B1 (11,83).
Locuteur YM :
/dad/ Dans la partie alvéolaire, nous observons une perte de 5,25 contacts de B0 à B3 :
B0 (19) ≥ B1 (18,75) ≥ B2 (14,17) ≥ B3 (13,75).Dans la partie vélaire, nous observons
une perte de 4,59 contacts de B0 à B3 : B0 (7,17) = B1 (7,75) ≥ B2 (2,83) = B3 (2,58)
/did/ Dans la région alvéolaire, nous notons peu de différences entre B0 et B3 : B0
(25,83) ≤ B2 (26,42) ≤ B1 (27,92) = B3 (27,5). Dans la région vélaire les contacts sont
aussi stables : B0 (15,67) ≤ B1 (16,67) = B2 (16) = B3 (16,08)
126
/tat/ Dans la partie alvéolaire nous observons un gain de +3,75 contacts entre B0 et
B3 : B0 (23,67) ≤ B1 (26,92) = B2 (26) ≤ B3 (27,42). Dans la partie vélaire, on observe
un gain de +2,75 contacts : B0 (9,33) ≤ B1 (10,25) ≤ B2 (11) ≤ B3 (12,08).
/tit/ Dans la région alvéolaire il est relevé peu de différence entre les conditions : B0
(26,42) ≤ B1 (28,25) = B2 (28,17) = B3 (28,25). Dans la partie vélaire, on observe un
gain de +2,75 contacts : B0 (15,58) ≤ B1 (16,92) ≤ B2 (17,33) ≤ B3 (19,33).
Sur l’ensemble des séquences étudiées, nous remarquons que le locuteur BL perd plus
de contacts LP avec les bite-blocks que le locuteur YM pour qui au contraire, les
contacts LP peuvent s’accroître avec les bite-blocks. Nous soulignons aussi que les deux
locuteurs perdent des contacts sur le /d/ suivi de /a/. Notons que les changements se font
surtout dans la partie alvéolaire du palais, lieu d’articulation des consonnes.
6.2 L’aspect qualitatifs de la répartition des contacts : les patrons de contacts.
Nous présentons les patrons moyennés sur les 12 répétitions et dans chacune des
conditions d’enregistrement.
Les électrodes en blanc sur les patrons n’ont jamais été contactées (0%), les noires ont
toujours été contactées (100%). Trois niveaux de gris sont utilisés pour définir les
différents degrés de contact : gris clair pour les contacts jusqu’à 25% ; gris moyen pour
les contacts jusqu’à 50% et gris foncé pour les contacts jusqu’à 75%.
Pour chaque séquence et chaque locuteur, nous montrons de gauche à droite les patrons
de contacts sans bite-block (patron de référence), avec le fin bite-block (B1=5 mm), le
moyen (B2=10 mm) et le plus épais (B3=16 mm).
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
127
6.2.1 Les patrons de contacts du locuteur BL
6.2.1.1 Séquence /dad/
Figure n° 6.10 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur BL.
En production normale, les électrodes des deux 1ères rangées alvéolaires sont totalement
contactées par l’apex. On remarque quatre contacts latéraux sur la 3ème rangée (colonnes
1, 2, 7 et 8, les plus latérales de chaque coté du palais) sûrement effectués par la partie
laminale latérale de la langue. Les contacts latéraux sont symétriques et se prolongent
jusqu’à la dernière rangée postérieure.
Avec les bite-blocks, les contacts alvéolaires diminuent au fur et à mesure que
l’épaisseur des bite-blocks augmente. Avec le B1, la deuxième rangée alvéolaire est
moins souvent contactée entièrement et les contacts latéraux dans la région palatale se
font aussi plus rares. Avec le B2, les occurrences des contacts diminuent encore excepté
sur la 1ère rangée d’électrodes. Avec les B3, seulement les électrodes de la 1ère rangée
alvéolaire (dentale) sont encore contactées. L’aire de contacts est rétrécie. L’amplitude
des contacts est réduite par la présence des bite-blocks. Le lieu d’articulation du /d/ est
avancé par rapport à son lieu d’articulation de référence B0 : seulement l’apex peut
rester en contact dans la région alvéo-dentale, juste derrière les dents. Pour effectuer la
constriction sur la première rangée antérieure d’électrodes, la langue doit s’incurver de
plus en plus de sorte que le corps de la langue soit en position basse et permette à l’apex
de s’élancer vers les dents. L’épaisseur des bite-blocks est distinctive dans la mesure où
plus le bite-blocks est épais, plus la mâchoire est ouverte, plus le locuteur perd des
contacts.
128
6.2.1.2 Séquence /tat/
Figure n° 6.11: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur BL.
En production normale, les deux 1ère rangées alvéolaires sont contactées totalement par
l’apex. La 3ième rangée alvéolaire est aussi souvent contactée (colonnes 1, 2, 3, 6, 7 et 8)
par la partie laminale de la langue. Les contacts latéraux sont symétriques.
Avec lesbite-blocks les contacts de la 3ième rangée alvéolaire se raréfient, mais les
contacts persistent toujours sur les deux 1ères rangées alvéolaires et sur les bords latéraux
de façon symétrique. La 2ème rangée d’électrode perd seulement un contact en B3. Les
patrons sont les mêmes dans les quatre conditions, seulement la fréquence de contact de
la 2ème et 3ième rangée alvéolaire diminue. L’amplitude n’est pas diminuée de façon
drastique. Ce patron est très proche de celui de la consonne voisée, à deux électrodes
près sur la 3ième rangée (colonnes 3 et 6 contactées en plus pour la non voisée). Avec les
bite-blocks, nous observons moins de perte de contacts que sur la voisée
correspondante. Le lieu d’articulation est le même en production normale et avec les
bite-blocks. L’épaisseur des bite-blocks n’est pas distinctive : B0≥ B1= B2=B3.
L’activité de la partie antérieure de la langue (apex et lame) est encore réalisée malgré
les perturbations. Les différences observées entre les conditions normale et bloquées
sont moins marquées que pour la séquence voisée /dad/ : nous notons ici peu de perte de
contacts et de changement de lieu d’articulation. Malgré la présence des perturbations,
l’amplitude des contacts linguo-palataux semble rester stable. L’articulation conserve
mieux les contacts latéraux que sur la voisée /d/ pour laquelle l’amplitude est clairement
réduite par les bite-blocks.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
129
6.2.1.3 Séquence /did/
Figure n°6.12: Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did, locuteur BL.
En production normale, les électrodes des deux 1ères rangées alvéolaires sont toutes
contactées. La 3ième rangée est contactée à l’exception des électrodes de la colonne 5;
(75%). On remarque des contacts latéraux sur la 4ème rangée (colonnes 1, 2, 7 et 8) qui
s’étendent symétriquement de l’avant vers l’arrière du palais. Avec les bite-blocks, on
note seulement une baisse de fréquence de contacts sur les électrodes de la 3ième rangée
(colonne 4, 5 et 6). Les contacts latéraux sont conservés. Les patrons sont quasi les
mêmes en production normale et en production avec bite-blocks, seule la fréquence de
contact diminue. D’une manière générale, on observe peu de perte de contacts entre la
condition normale et les conditions avec bite-blocks. L’amplitude des contacts de /d/
suivi de /i/ diminue peu avec les bite-blocks. On n’observe pas de changement de lieu
d’articulation, comme on l’a observé pour /d/ suivi de /a/. Nous supposons que c’est
grâce à la forte influence coarticulatoire de la voyelle /i/ subséquente que l’occlusive
alvéolaire est résistante, dans la mesure ou les deux segments ont le même lieu
d’articulation. On n’observe pas de différence drastique en fonction de l’épaisseur des
bite-blocks.
130
6.2.1.4 Séquence /tit/
Figure n° 6.13: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur BL.
En production normale, toutes les électrodes sont contactées sur les trois 1ères rangées
(totalité de la partie alvéolaire). Les électrodes sur les bords latéraux du palais (colonne
1, 2, 7 et 8) ont aussi une fréquence de contacts élevée. On constate que ces patrons sont
quasi les mêmes que ceux de la consonne de la séquence /did/ (figure 6.12).
Avec les bite-block, les contacts s’amenuisent seulement sur la 3ième rangée (colonne 4,
5 et 6). Les patrons sont identiques aux patrons en production normale, seulement la
fréquence de contacts diminue avec B1 et B2. Avec B3 la fréquence des contacts
latéraux est même renforcée, nous remarquons que les électrodes des colonnes 2 et 7
sont plus souvent contactées. La voyelle fermée /i/ permet de garder plus de contacts
que la voyelle ouverte /a/. L’épaisseur des bite-blocks ne semble pas être distinctive.
Certes le locuteur réagit à l’intrusion d’une perturbation, mais ensuite le nombre de
contacts est identique en B0, B2 et B3. Nous ne notons pas de changement fort
d’amplitude, ni de changement de lieu d’articulation. Sur le /t/ de /tit/, on observe moins
de perte de contacts que sur le /d/ de /did/ : la consonne non voisée semble plus robuste.
Les contacts de la consonne non voisée sont mieux préservés que ceux de la consonne
voisée, ce qui est également le cas en contexte CaC.
6.2.1.5 Comportement général du locuteur BL
Les consonnes voisées perdent plus de contacts que les consonnes non voisées.
L’épaisseur desbite-blocks est pertinente seulement pour la séquence voisée + /a/. Les
consonnes voisées suivies de /a/ perdent plus de contacts que celles suivies de /i/. Nous
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
131
proposons un classement en fonction du nombre de contacts perdus sur la totalité du
palais entre les conditions B0 et les autres: Voisée + /a/ (-15,5) ≥ non voisée +/a/ (-9,17)
≥ voisée + /i/ (-7,41) ≥ non voisée +/i/ (-3,92).
6.2.2 Les patrons de contacts du locuteur YM
6.2.2.1 Séquence /dad/
Figure n° 6.14 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur YM.
En production normale, les contacts se situent sur les électrodes des deux 1ères rangées
alvéolaires, sur les colonnes 1, 2, 7 et 8 de la 3ième rangée alvéolaire et sur les bords
latéraux (colonne 1 et 8). A partir de B2, le patron de contacts est le même que celui du
locuteur BL (figure 6.10) en utilisant plus les côtés.
Avec le B1, les électrodes latérales sont plus souvent contactées alors que celles de la
2ième rangée alvéolaire le sont moins souvent sur les colonnes 4, 5 et 6 (75%). Les
contacts alvéolaires diminuent au fur et à mesure que l’épaisseur des bite-blocks
augmente. Les contacts latéraux diminuent dès le B2 et disparaissent avec le B3. Seule
la première rangée de la région alvéolaire reste contactée en toalité ainsi que les bords
des trois rangées suivantes. L’apex reste contactée sur la partie alvéo-dentale. D’une
manière globale, le nombre de contacts linguo-palataux diminue avec B2 et B3.
Comme pour le locuteur BL, l’amplitude des contacts est diminuée, et le lieu
d’articulation est changé sous l’influence des bite-blocks. L’épaisseur des bite-blocks
joue un rôle particulier : plus les bite-blocks sont épais, plus la mâchoire est ouverte et
132
plus les contacts diminuent : B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥ B3. L’articulation s’avance sûrement sur
la région dentale en même temps qu’on observe un affaiblissement des contacts
alvéolaires : l’occlusion est moins large.
6.2.2.2 Séquence /tat/
Figure n° 6.15 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur YM.
En production normale, la région alvéolaire est entièrement contactée. La 4ième rangée
admet des contacts symétriques sur les colonnes 1, 2, 7 et 8. Les contacts latéraux sont
symétriques et vont de l’avant vers l’arrière du palais, sur les colonnes 1 et 8. La
consonne non voisée admet la 3ième rangée alvéolaire contactée en plus par rapport à la
consonne voisée. Si on compare avec la production de la même séquence du locuteur
BL (figure6.11), on voit bien que YM contacte la 3ième rangée alvéolaire en plus.
Avec les bite-blocks, les patrons sont les mêmes que sans bite-block. On constate un
gain de la fréquence de contact avec B2 et B3 la troisième rangée est totalement
contactée. Sous l’influence des bite-blocks, l’articulation de la séquence /tat/ de YM
semble renforcée dans la région alvéolaire par l’apex et la lame. Les bords de la langue
ont alors tendance à contacter plus les bords du palais, on en déduit que le corps de la
langue adopterait une forme moins concave. En production normale, l’amplitude des
contacts est supérieure à celle de la voisée /d/. Avec les bite-blocks on observe un gain
de contacts alors qu’on avait une perte de contacts sur la voisée /d/. L’amplitude n’est
pas altérée par l’insertion des bite-blocks, certains contacts sont même renforcés dans le
sens où ils sont plus fréquents. Le lieu d’articulation reste inchangé mais on observe une
petite étendue des contacts vers l’arrière ce qui est la marque d’un renforcement
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
133
articulatoire (Fougeron 1998). La consonne non voisée gagne des contacts alors que la
consonne voisée en perd.
6.2.2.3 Séquence /did/
Figure n° 6.16 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did/, locuteur YM.
En production normale, les deux 1ères rangées alvéolaires ont les électrodes contactées
pleinement. La 3ième rangée alvéolaire est presque entièrement contactée, il manque
seulement la colonne 4. La 4ème rangée est contactée de façon symétrique, colonnes 1, 2,
3, 6, 7, 8. Les contacts latéraux sont symétriques de l’avant vers l’arrière du palais sur
les colonnes 1 et 8 et sont moins fréquents sur les colonnes 2 et 7. Par rapport à la
séquence /dad/, la région alvéolaire admet plus de contacts. En comparaison avec la
même séquence du locuteur BL, YM contacte en plus la troisième et la quatrième
rangée.
Avec les bite-blocks, les patrons de contacts sont les mêmes qu’en production normale.
Les trois premières rangées alvéolaires sont totalement contactées. Les électrodes des
troisième et quatrième rangées gagnent en fréquence de contact, de même que les
électrodes des bords latéraux du palais : les contacts postérieurs sont aussi augmentés.
On peut conclure que sous l’influence des bite-blocks, l’articulation de la séquence /did/
de YM semble renforcée dans le sens où la consonne suivie de la voyelle /i/ permet de
gagner en fréquence de contacts latéraux dans la région alvéolaire par l’apex et la lame
de la langue, mais aussi dans la région pré-palatale par les contacts du corps de la
langue. Les patrons ne montrent pas de différence dans la répartition des contacts, mais
des différences sur la fréquence de contacts.
134
6.2.2.4 Séquence /tit/
Figure n° 6.17 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur YM.
En production normale, les trois 1ères rangées alvéolaires ont leurs électrodes contactées.
La 4ème rangée est contactée de façon symétrique, colonnes 1, 2, 3, 6, 7 et 8. Les
électrodes latérales sont totalement contactées de façon quasi symétrique de l’avant
jusqu’à l’arrière du palais, sur les colonnes 1, 2, 7 et 8. Ce patron est quasi le même que
le patron de la consonne de la séquence /did/ (figure6.16). YM contacte en plus la
troisième et quatrième rangée antérieure par rapport à la même consonne produite par le
locuteur BL (figure 6.13).
Avec les bite-blocks, les électrodes sont plus souvent contactées sur les trois 1ères
rangées alvéolaires. Les contacts latéraux persistent aussi. Ce locuteur gagne
principalement en fréquence de contacts sous l’influence des bite-blocks, le lieu
d’articulation n’est pas modifié et l’amplitude n’admet pas de changement drastique.
6.2.2.5 Comportement général du locuteur YM
Nous soulignons ici encore que les consonnes suivies de /a/ perdent plus de contacts que
celles suivies de /i/. Cependant, nous n’observons pas de perte de contacts si marquée
que pour les consonnes du locuteur BL. Nous n’avons pas relevé de différences
statistiquement significatives et les patrons de contacts sont les mêmes avec et sans bite-
block. Seule la consonne /d/ de la séquence /dad/ subit des pertes de contacts, alors que
les autres séquences ont plutôt tendance à voir la fréquence de contacts renforcée par la
présence des bite-blocks. Le classement des séquences selon le nombre de contacts
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 6 : Résultats spatiaux
135
perdus ou gagnés serait le suivant : Voisée + /a/ (-10) ≥ non voisée +/a/ (+6,42) ≥ voisée
+ /i/ (+2,95) ≥ non voisée +/i/ (+2,41). Soulignons que selon cette même échelle, le
locuteur BL perd des contacts et le locuteur YM en gagne : la séquence la plus variable
est /d/ suivi de /a/ et la plus stable est /t/ suivi de /i/.
6.3 Résumé sur les résultats spatiaux
Nous confirmons ici que les locuteurs ont deux comportements articulatoires différents
en réponse aux situations de perturbations.
De manière générale, le locuteur BL produit ses occlusives en contactant les deux
premières rangées alvéolaires avec /a/ et les trois premières avec /i/. Le locuteur BL a
une production très apicale et en production bloquée il semble renforcer son habitude
articulatoire ce qui expliquerait en partie l’avancement et la perte des contacts. Plus la
mâchoire est écartée, plus les contacts apico-alvéolaires sont réduits.
Le locuteur YM produit ses occlusives sur les trois premières rangées alvéolaires avec
/a/ et sur les quatre premières rangées avec /i/. Il apparaît que le locuteur YM contacte
plus d’électrodes dans la région alvéolaire que le locuteur BL : l’articulation est plutôt
apico-laminale. En production bloquée, non seulement il conserve ses contacts, mais il
est aussi susceptible d’augmenter l’aire d’articulation avec la partie laminale de la
langue : l’action couplée de l’apex et de la lame est conservée. Il est certain qu’il faut
mettre en relation ces articulations différentes avec les différences physiologiques.
Précisément, le palais du locuteur YM est plus étroit que celui du locuteur BL, ce qui
peut aussi contribuer au fait que les contacts soient plus rassemblés dans la partie
alvéolaire, partie la plus étroite du palais.
Le locuteur BL accuse une perte de contacts significative avec les bite-blocks sur /d/
suivi de la voyelle /a/. Les consonnes suivies de la voyelle /i/ ont aussi tendance à
perdre des contacts mais de manière beaucoup moins sévère. Pour ce locuteur, les effets
des bite-block sont significatifs sur le nombre de contacts.
Le locuteur YM accuse une perte de contacts seulement sur la consonne de la séquence
/dad/ à partir du B2. Nous avons observé une tendance à l'accroissement des contacts
alvéolaires sur les autres séquences : l’articulation semble être renforcée dans la zone
136
d’articulation. Les contacts alvéolaires sont maintenus. Les effets des bite-blocks ne
sont pas significatifs sur l’amplitude des contacts.
Nous remarquons que les effets des bite-blocks se font fortement ressentir sur /d/ suivi
de /a/ concernant les deux locuteurs. Avec lesbite-blocks et surtout le B3, la séquence
/dad/ perd des contacts linguo-palataux aussi bien dans la région alvéolaire que dans la
région vélaire. L’épaisseur des bite-blocks est pertinente dans le sens où plus la
mâchoire est ouverte, moins les contacts linguo-palataux sont possibles. L’articulation
apico-laminale du /d/ de BL suivi de /a/ devient apicale au fur et à mesure que nous
écartons la mâchoire. Le barrage du flux d’air phonatoire sur la première rangée
d’électrodes est conservé. Nous en déduisons que seule l’activité de l’apex persiste pour
permettre la constriction nécessaire, alors que les contacts des autres parties de la langue
disparaissent. L’articulation s’affaiblit puisque la zone de contacts ne s’étend plus dans
la partie arrière du palais. La forme de la langue est devenue plus concave projetant
l’apex vers la région dentale directement. Ce résultat confirme la forte indépendance de
l’apex par rapport au corps de la langue mais aussi par rapport à l’activité de la
mâchoire.
La baisse d’amplitude s’accompagne donc d’un avancement de lieu d’articulation dans
la région dentale. Nous reconnaissons que ce résultat commun n’est pas surprenant. En
effet, nous avons vu que les consonnes voisées sont moins résistantes que les non
voisées face aux variations contextuelles ce qui contribue au fait qu’elles résistent
moins bien face aux perturbations extérieures. En tout état de cause, nous pouvons nous
demander si nous avons toujours affaire à la réalisation d’un segment /d/. En effet, il
devient si faible qu’il peut être réalisé comme un autre segment de type « flap » ou
« tap ». Comme l’explique Ladefoged (1998), un « tap » est caractérisé par des contacts
extrêmement brefs entre les articulateurs et «…made by a direct movement of the
tongue tip to a contact location in the dental or alveolar region » (p.231), exactement
comme nous l’observons. Nous allons vérifier cette hypothèse en examinant les
résultats des données temporelles dans le chapitre 7 suivant : si la durée de la
constriction maximale est plus courte et si le geste de fermeture linguo-palatale est plus
rapide avec les bite-blocks, alors nous pourrons conclure à la réalisation d’un « tap ».
137
138
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
139
CHAPITRE 7 : Les résultats temporels
L’organisation temporelle des évènements articulatoires est un souci central en
production de la parole. On sait qu’elle exige un contrôle en temps réel et très précis
mais on se demande encore de quelle manière. Nous cherchons à montrer que
l’organisation temporelle des évènements articulatoires peut être modifiée sous
l’influence des perturbations ce qui reviendrait à affirmer que nous assistons à une
réorganisation temporelle.
Voisi un résumé des questions que nous nous posons à propos de l’observation des
paramètres temporels. Avec la perturbation, observe-t-on un allongement de la phrase
porteuse, de la séquence CVC, de la consonne d’attaque et de la voyelle (CVC) ?
Concernant le timing intra-gestuel, les durées des phases de la consonne évoluent-elles
de la même façon que la durée totale de la consonne ?
Nous présentons les durées absolues et les durées relatives et nous essayerons de
distinguer les différences ou points communs exhibés par cette double observation.
Rappelons que nous entendons par durées relatives le rapport de chacune des phases sur
la durée de la consonne entière. Le lecteur pourra se référer aux nombreux tableaux des
moyennes qui sont présentés en annexe afin de ne pas surcharger la présentation.
7.1 Le contrôle des durées
Avant d’examiner si les gestes linguaux sont compressés ou élargis sous l’influence des
bite-blocks, il est juste de vérifier si les bite-blocks induisent une variation de la vitesse
d’élocution en général. Dans un premier temps, nous avons calculé la durée des énoncés
complets sans bite-block et avec bite-block. Ces durées de référence permettent de
discerner si on observe des changements importants de la vitesse d’élocution qui
pourraient influencer d’une manière générale le timing inter-gestuel et le timing-intra
gestuel. Nous avons calculé le rapport de la durée acoustique de la consonne et de la
voyelle, sur la durée de la séquence. Nous avons fait un regroupement en fonction des
conditions pour dégager les tendances chez les deux locuteurs.
140
durée de la phrase
120012201240126012801300132013401360138014001420
B0 B1 B2 B3conditions
tem
ps e
n m
sYMBL
Figure n° 7.1 : Durée de la phrase porteuse dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.
En observant la figure 7.1, nous pouvons constater que la présence des bite-blocks a
tendance à ralentir le débit de la phrase pour les deux locuteurs. Plus le bite-block est
épais, plus l’allongement est grand : nous voyons un allongement de 100ms en moyenne
entre la situation normale B0 et la situation B3.
durée voyelle de la séquence CVC
80
90
100
110
120
B0 B1 B2 B3condition
tem
ps e
n m
s
YMBL
Figure n° 7.2 : Durée de la voyelle centrale de CVC dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.
La figure 7.2 montre que la voyelle centrale de CVC est allongée de 25 ms en moyenne
avec les bite-blocks pour le locuteur BL et de seulement 8 ms pour le locuteur YM.
Déjà, nous remarquons deux réactions différentes de nos locuteurs, mais cette tendance
reste à confirmer dans l’analyse postérieure.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
141
durée consonne C1 de CVC
80
90
100
110
120
130
B0 B1 B2 B3
conditions
tem
ps e
n m
s
YMBL
Figure n° 7.3 : Durée de la consonne C1 dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.
La figure 7.3 concerne la durée totale de la consonne étudiée. Pour le locuteur YM, avec
les bite-blocks, la durée de C1 reste inchangée. Pour le locuteur BL, nous notons un
faible allongement de 10 ms.
rapport C1/CVC
30
35
40
45
50
B0 B1 B2 B3conditions
% YMBL
Figure n°7.4 : La proportion de la consonne C1 ans la séquence CVC dans les quatre conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, le pourcentage de C1 sur CVC.
La figure 7.4 montre que la consonne étudiée représente environ 40% de la séquence
CVC. Nous ne voyons pas de grandes variations entre les différentes conditions : la
proportion de la consonne semble rester la même malgré la perturbation.
Avec les bite-blocks, la phrase est prononcée plus lentement par les locuteurs,
cependant, ni la séquence CVC ni la consonne étudiée C1 ne sont allongées.
142
7.2 Durée totale des consonnes
7.2.1 Influence générale des variables sur la durée des consonnes
6 0
8 0
1 0 0
1 2 0
1 4 0
1 6 0
1 8 0
2 0 0
2 2 0
Cel
l Mea
n
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3Ce ll
t itta td idd ad
C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d c1Ef fe t : lo c * c o n d * cv cBa r r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ian ce
Figure n°7.5: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée des consonnes. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (B0, B1, B2 et B3).
En ordonnée, la durée.
De manière globale, la variable <condition> (d’enregistrement) influence la durée des
consonnes [F(3,352)=4,223 ; p=0,006]. L’effet de la condition expérimentale, les bite-
blocks, dépend faiblement du locuteur [F (3,352)=2,849 ; p=0,0374]. En effet, nous
remarquons que les locuteurs ont des réactions différentes : nous observons une plus
grande variation des valeurs chez le locuteur BL. L’effet de la condition expérimentale
dépend fortement de la séquence puisque nous relevons une interaction entre ces deux
facteurs [F(9,352)=4,221 ; p<0.0001]. La production de la séquence dépend fortement
du locuteur F(3,352)=18,608 ; p<0.0001).
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
143
7.2.2 Durées des consonnes du locuteur BL.
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n° 7.6: Les durées moyennes des consonnes du locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale (B0), on confirme d’une manière générale que les consonnes
non voisées sont plus longues que les voisées. Les contraintes aérodynamiques sont plus
fortes sur les occlusives voisées, comme nous l’avons souligné dans chapitre 4. Les
consonnes avec /i/ sont plus longues que leurs homologues avec /a/ : /ti/ (144,85) ≥ /di/
(13,31) ≥ /ta/ (128,56) ≥ /da/ (104,11)
Sous l’influence des bite-blocks, on remarque que seules les durées des séquences avec
/i/ sont allongées, et cet allongement semble se faire au fur et à mesure que l’épaisseur
des bite-blocks augmente. Cet allongement est plus marqué sur la non voisé /t/ avec /i/
(45,8 ms entre B0 et B3), que sur la voisée /d/, (+19,8 ms entre B0 et B3).
/di/ : B0 (135,31) = B1 (137,71) ≤ B2 (149,54) ≤ B3 (155,12)
/ti/ : B0 (144,85) ≤ B1 (160,25) ≤ B2 (166,62) ≤ B3 (190,76)
Les séquences avec la voyelle /a/ n’admettent que très peu de variations temporelles. La
voisée /d/ perd 17,55 ms entre B0 et B2 . La consonne non voisée /t/ perd 14,7 ms entre
B0 et B1.
/da/ : B0 (104,11) ≥ B1 (95,78) = B3 (97,12) ≥ B2 (86,56).
/ta/ : B0 (128,54) ≥ B3(122,87) = B2 (119,02) ≥ B1 (113,84).
144
Comme on le voit sur la figure 7.7, l’interaction entre la condition expérimentale et la
nature de la voyelle est fortement significative [F(3,184)=6,030; p=0,0006]. L’effet des
bite-blocks est différent en fonction de la nature de la voyelle.
1 0 0
1 1 0
1 2 0
1 3 0
1 4 0
1 5 0
1 6 0
1 7 0
1 8 0
Moy
. cel
l
b 0 b 1 b 2 b 3Ce ll
i
a
C o u r b e d e s in t e r a c t io n s p o u r d c 1Ef f e t : c o n d * v o y e lle
Figure n° 7.7: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voyelle>. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.
100
110
120
130
140
150
160
170
180
Moy
. cel
l
b0 b1 b2 b3Cell
v o is é
nonv o is é
C o u r b e d e s in te r act io n s p o u r d c1Effe t : co n d * vo is e m e n t
Figure n°7.8: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voisement>. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.
Comme nous pouvons le constater sur la figure 7.8, l’interaction entre le voisement et
les effets des bite-blocks n’est pas significative [F(3,184)=0,411 ; p=0,7452]. L’effet du
bite-block ne dépend pas du fait que la consonne soit voisée ou non voisé.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
145
7.2.3 Durées des consonnes du locuteur YM
0 20 40 60 80
100 120 140 160 180 200 220
Moy
. des
dur
ées
dad did tat titséquences
b3 b2 b1 b0
Figure n°7.9: Les durées moyennes des consonnes de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, les consonnes non voisées sont plus longues que les consonnes
voisées comme nous l’avons souligné aussi concernant les consonnes du locuteur BL.
Les consonnes des séquences avec /i/ sont plus longues que celles des séquences avec
/a/ : /ti/ (144,56) ≥ /di/ (135,75) = /ta/ (131,26) ≥ /da/ (114,21).
Avec les bite-blocks, on remarque un allongement de 17,61 ms entre B0 et B3 sur la
séquence /did/. Par contre, la durée de la non voisée reste stable en fonction les
conditions.
/di/ : B0 (135,75) = B1( 133,26) = B2 (138,098) ≤ B3 (153,36).
/ti/ : B0 ( 144,56)= B1 ( 145,58) = B2 ( 148,91) = B3 ( 147,11)
Les séquences avec la voyelle /a/ affichent un légère diminution de leur durée. La
voisée perd 6,08 ms entre B0 et B alors qu’il n’y a pas de différence ente B0, B1 et B2.
La consonne non voisée perd 11,05 ms entre B0 et B3.
/da/ : B0 (114,21) = B1 (116,13) = B2 (113,20) ≥ B3 (108,13)
/ta/: B0 (131,26) ≥ B1 (127,94) =B2 (126,63) ≥ B3 (120,21)
146
Cela nous parait insuffisant pour conclure à des changements temporels pertinents sous
l’effet des bite-blocks, alors que pour le locuteur BL, on remarquait une tendance plus
marquée à l’allongement des consonnes suivies de /i/.
L’effet général de la variable principale bite-blocks sur la durée des consonnes de ce
locuteur n’est pas significatif [F(3,188)=0,071 ; p=0,9754]. L’interaction entre la
variable <condition> et la nature de la séquence est significative [F(9,176) =2,654 ;
p=0,0066]. On soulignera que l’interaction entre les variables <condition> et <voyelle>
est aussi significative [F(3,184) =4,385 ; p=0,0052]. Le voisement de la consonne
n’influence pas les effets des bite-blocks [F(3,184)=0,929 ; p=0,4324].
7.3 Durée des fermetures linguo-palatales (LP)
7.3.1 Influence générale des variables sur la durée du geste de
fermeture linguo-palatale
0
1 0
2 0
3 0
4 0
5 0
6 0
7 0
8 0
9 0
1 0 0
Cel
l Mea
n
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3
Ce ll
t itta td idd ad
C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d in im axEf fe t : lo c * c o n d * cv cBa r r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ian ce
Figure n° 7.10 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du geste de fermeture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives
(b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée.
La variable principale <condition> a un léger effet sur les durées des fermetures
[F(3,352)=2,686 ; p=0,0464] (seuil de significativité p≤0,05.) Les effets des bite-blocks
dépendent fortement du locuteur [F(3,352)=9,087 ; p<0,0001]. On voit bien sur la figure
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
147
7.10 que les valeurs du locuteur BL sont plus étendues que celles du locuteur YM. Les
effets des bite-blocks dépendent aussi de la séquence [F(9,352)=2,56 ; p=0,0073].
L’interaction entre les variables <locuteur> et <séquence> est significative
[F(3,352)=15,129 ; p<0,0001]. Regardons maintenant les durées des fermetures de
chaque locuteur.
7.3.2 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur BL
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n°7.11: Les durées moyennes de fermeture linguo-palatale de BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, la fermeture linguo-palatale est plus lente sur les consonnes non
voisées que sur les voisées. On remarque que les gestes de fermeture sont toujours plus
longs avec la voyelle /i / qu’avec la voyelle /a/ : /ti/ (50,91) ≥ /di/ (44,20) ≥ /ta/ (38,48)
≥ /da/ (26,06)
Sous l’influence des bite-blocks, seules les consonnes suivies de /i/ tendent à voir leur
fermeture allongée au fur et à mesure que l’épaisseur des bite-blocks augmente. On note
une augmentation de 30,83 ms pour la voisée /d/ entre B0 et B2 et une augmentation de
22,46 ms sur la non voisée /t/ entre B0 et B3.
/di/ : B0 (44,20) ≤ B1 (56,70) ≤ B3 (66,82) ≤ B2 (75,03)
/ti/ : B0 (50,91) ≤ B1 (59,40) ≤ B2 (66,26) ≤ B3 (73,37)
148
Les distinctions entre les conditions sont bien plus marquées sur les séquences avec /i/
que sur les séquences avec /a/. En effet, la voisée /d/ admet un allongement de la durée
de fermeture de 8,91 ms seulement avec le B3 et la non voisée /t/ a un allongement de la
fermeture de 10,75 ms avec le B2.
/da/ : B0 (26,06) =B1 (29,64) = B2 (29,80) ≤ B3(34,97)
/ta/ : B0 (38,98) = B1 (36,05) ≤ B2 (49,73) = B3 (43,97)
Pour ce locuteur, l’influence de la variable principale <condition> seule est significative
[F(3,188)=5,356 ; p=0,0015]. Les variables secondaires n’influencent pas l’effet des
bite-blocks : <condition> * <cvc> [F(9,176) =1,278 ; p=0,2515] et <condition> *
<voyelle> [F(3,184)=2,038 ; p=0,1102]. L’interaction entre les variables <condition> et
<voisement> n’est pas significative [F(3,184)=0,135 ; p=0,9391]. Les bite-blocks ont
pour conséquence d’allonger de manière significative les durées des fermetures de ce
locuteur, et ce indépendamment des autres variables considérées.
Fermeture de BL
35,3
0
29,8
6
32,2
6
24,6
0
36,5
1
32,1
3
40,8
2
30,6
3
39,1
8
42,0
5
49,9
1
33,8
5
38,5
4
35,5
5
35,4
9
43,2
9
0
10
2030
40
50
60
7080
90
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n° 7.12: Durées relatives des fermetures du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
Au regard de la figure n° 7.12, en production normale la fermeture linguo-palatale
représente environ un tiers de la consonne pour les quatres séquences. Il semble que
cette proportion augmente avec les bite-blocks : /dad/ B0 (24,6%) ≤ B3 (35.49%) ; /did/
B0 (32.26%) ≤ B2 (49.91%), /tat/ B0 (29.86%)≤ B2 (42.05%) mais semble stable sur
/tit/.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
149
7.3.3 Durées des fermetures linguo-palatales (LP) du locuteur YM
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n° 7.13 : Durées moyennes de fermeture linguo-palatale de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, les fermetures sont plus longues sur les occlusives non voisées
que sur les voisées comme nous l’avons vu chez le locuteur BL. La fermeture linguo-
palatale des voisées est identique avec la voyelle /a/ et la voyelle /i/.
/ta/ (47,60)≥ /ti/ ( 42,80) ≥ /da/ (39,35) = /di/ (38,23)
Avec les bite blocs, les séquences avec /a/ montrent une fermeture plus courte. La
fermeture de la voisée perd 20,86 ms entre B0 et B3. La fermeture de la non voisée /t/
perd 15,4 ms entre B0 et B3.
/da/ : B0 (39,35) = B1(39,11) = B2 (34,32) ≥ B3 (18,49).
/ta/: B0 (47,60) B1 ≥ B1 (43,92) = B2 (41,13) ≥ B3 (32,20).
Concernant les séquences avec /i/, la réaction est différente en fonction du voisement.
La fermeture de la voisée est allongée de 13,92 ms entre B0 et B3 alors que l’on
n’observe pas de différence entre B0 et B1. La fermeture de la non voisée /t/ admet une
réduction de 6,99 ms entre les conditions B0 et B3.
/di/: B0 (38,23) = B1 (37,04) ≤ B2 (42,35) ≤ B3 (52,15).
/ti/ : B0 (42,8) = B1 (40,12) = B2 (39,20 = B3 (35,81)
150
Alors que pour BL, les bite-blocks allongent le geste de fermeture des séquences avec
/i/, pour YM la nature de la voyelle ne semble pas être aussi importante.
En fait, la durée de la fermeture linguo-palatale de ce locuteur n’est pas influencée de
manière significative par les bite-blocks [F(3,188)=1,738 ; p=0,1607]. Les faibles écarts
observés entre les conditions B0 et les autres ne sont pas significatifs. Les effets des
bite-blocks dépendent de la nature de la séquence [F(9,176)=2,807; p=0,0042]. Par voie
de conséquence les effets des bite-blocks dépendent de la voyelle [F(3,184)=5,278;
p=0,0016]. Par contre le voisement n’a pas de rôle significatif sur les effets des bite-
blocks [F(3,184)=0,657; p=0,5798]. Nous observons tout de même un raccourcissement
plus marqué de la fermeture concernant la séquence /dad/, avec le B3.
Fermeture de YM
34,5
2
27,7
9
36,2
9
29,5
9
33,1
6
27,7
4
33,8
5
27,3
7
29,7
3
30,9
9
32,4
6
26,6
1
18,6
2
34,5
3
26,9
0
24,0
2
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n°7.14 : Durées relatives des fermetures linguo-palatales du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
Les durées relatives nous montrent que sans bite-blocks la fermeture linguo-palatale
occupe en moyenne un tiers de la totalité de la consonne. La fermeture de /dad/ perd
15,9 % de B0 à B3, la fermeture de /tat/ perd 9,39% de B0 à B3. Seule la séquence /did/
voit sa fermeture s’allonger avec les bite-blocks : la différence entre B0 et B3 est plus
significative qu’avec les autres bite-blocks : 6,74%. La fermeture de /t/ suivi de /i/ est la
plus stable face aux bite-blocks, comme pour le locuteur BL (figure 7.12).
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
151
7 4. Durée des tenues
7.4.1 Influence générale des variables sur la durée de la tenue
4 05 06 07 08 09 0
10 011 012 013 014 015 0
Cel
l Mea
n
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3
Ce ll
titta td idd ad
C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d te n u c1Ef fe t : lo c * c o n d * cv cBar r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ia n c e
Figure n°7.15: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de la tenue. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3).
En ordonnée, la durée.
La variable principale <condition> a une forte influence sur la durée de la tenue
[F(3,352)=10,149 ; p<0.0001). Cependant, l’influence de la condition ne dépend pas du
locuteur [F(3,352)=1,754 ; p=0,1557] : les deux locuteurs réagissent aux perturbations.
Les effets des bite-block dépendent de la séquence [F(9,352)=2,339 ; p=0,0143] : la
tenue de chaque séquence est différemment modifiée par les bite-blocks. L’interaction
entre locuteur et la séquence est significative [F(3,352)=3,932 ; p=0.0088]. Chaque
locuteur a une manière différente de produire les séquences. Nous regardons ensuite le
comportement des tenues de chacun en particulier.
152
7.4.2 Durées des tenues du locuteur BL
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n° 7.16 : Les durées moyennes des tenues pour le locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En condition normale, la durée de la tenue de la séquence /dad/ est nettement plus
courte que celle des autres séquences : /da/ (69,80) ≤ /di/ (90,46) = /ta/ (90,79) ≤ /ti/
(98,15). Sous l’influence des bite-blocks, nous observons les mêmes manifestations que
pour les durées totales des consonnes et les durées des fermetures linguo-palatales :
seules les durées des séquences avec /i/ sont allongées au fur et à mesure que l’épaisseur
des bite-blocks augmente. La tenue de la voisée est allongée de 19,32ms entre B0 et B2
et la tenue de la non voisée est allongée de 25,93 ms.
/di/ : B0 (90,46) ≤ B1 (89,71) ≤ B2 (104,99) = B3 (109,98 )
/ti/ : B0 (98,15) = B1 (95,93) ≤ B2 (113,18) ≤ B3 (124,08)
On notera une tendance au raccourcissement de la tenue avec la voyelle /a/ avec
toujours moins de variation temporelle qu’avec la voyelle /i/. La tenue de la voisée
diminue de 8,97 ms entre b0 et B2 et la tenue de la non voisée diminue de 15,11 ms
entre B0 et B2.
/da/ : B0 (69,89) = B3 (68,21) ≥ (62,72) = B2(60,92)
/ta/ : B0 (90,79) = B3 (86,61) ≥ B2 (80,43) = B1 (75,68)
La variable <condition> (condition d’enregistrement ou bite-block) seule a un effet
significatif sur les durées des tenues de ce locuteur [F(3,188)=3,307 ; p=0,0213]. Par
contre la nature de la séquence n’influence pas les effets des bite-blocks
[F(9,176)=1,774; p=0,0761]. On remarque aussi que les effets des bite-blocks sont
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
153
influencés par la nature de la voyelle. [F(3,184)=4,501 ; p=0,0045]. L’interaction entre
condition et voisement n’est pas significative [F(3,184)=0,135 ; p=0,9393].
Tenue de BL
67,7
1
71,4
6
67,4
8
67,9
0
60,1
6
66,5
6
65,0
6
65,6
3
69,9
1
70,0
5
67,4
6
67,6
365
,33
70,3
3
70,2
8
69,8
6
0102030405060708090
100
dad did tat tit
%B0
B1
B2
B3
Figure n° 7.17 : Durées relatives des tenues du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
La tenue de ce locuteur BL représente les deux tiers de la consonne. Alors qu’en
proportion de la tenue avec la voyelle /i/, les données relatives ne montrent pas de
différences entre les conditions ni en fonction du voisement, ni en fonction de la
voyelle. Ici, la proportion de la tenue articulatoire semble rester relativement stable.
154
7.4.3 Durées des tenues du locuteur YM
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n° 7.18 : Les durées moyennes des tenues de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, la durée de la tenue de /dad/ est nettement à celles des autres
séquences. /ti/ (95,74) ≥ /di/ (88,95) = /ta/ (86,21) ≥ /da/ (71,88). La tenue est la plus
longue sur la consonne non voisée suivie de /i/. Les tenues sont en accord avec les
durées totales des consonnes. Nous avons fait la même observation à propos des tenues
du locuteur BL.
En production bloquée, nous observons une légère tendance à la hausse de la durée de la
tenue, excepté pour la séquence /tat/. Concernant les séquences avec /i/, la tenue de la
voisée s’allonge de 21,51 ms entre B0 et B3 mais il n’y a pas de différence entre B0, B1
et B2. La tenue de la non voisée varie moins augmente seulement de 9,75 ms entre B0
et B3 sans différence entre B0, B1 et B2.
/di/ : B0 (88,95) = B1 (91,56) = B2 (92,76) ≤ B3 (110,46).
/ti/ : B0 (95,74) ≤ B1 (102,94) = B2 (101,12) = B3 (105,49)
Concernant les séquences avec /a/, seulement la tenue de la voisée admet un léger
allongement de 9,76 ms entre B0 et B3, et nous n’observons pas de différence entre B0,
B1 et B2. Les tenues de la non voisée montrent une certaine stabilité entre les
conditions.
/da/ : B0 (71,88) = B1 (71,66) = B2 (71,87) ≤ B3 (81,64)
/ta/ B0 (86,22) = B1 (84,31) = B2 (82,73) = B3 (84,79)
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
155
Nous avons observé plus de variation en fonction des bite-blocks sur les tenues du
locuteur BL. Pour YM, on observe une hausse de la durée de la tenue seulement sur la
séquence /did/. Il n’y a pas de variation temporelle remarquable concernant les durées
des tenues des autres séquences alors que les effets des bite-blocks sont significatifs :
[F(3,188)= 3,575 ; p=0,0150]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas de la voyelle
[F(3,184)= 1,570 ; p=0,1982] et ne dépendent pas de la nature de la séquence
[F(9,176)= 1,573 ; p=0,1265]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas non plus du
voisement [F(3,184)=1,659 ; p=0,1774].
Tenue de YM
62,9
0
65,9
0
65,8
0
66,0
8
61,9
5
68,8
4
66,1
0
70,7
5
63,9
2
66,8
5
65,3
2
67,8
9
74,2
6
71,8
5
70,0
9
71,9
6
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n°7.19 : Durées relatives des tenues du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
Nous remarquons que pour les 4 séquences, les tenues occupent un peu moins des 2/3
(entre 60% et 70%) de la durée totale de la consonne. De plus, cette proportion reste la
même avec les bite-blocks, ce qui nous pousse à croire que cette phase est relativement
stable face aux perturbations. En durée relative (comme nous l’avons observé en durée
absolue), nous observons quand même une différence significative de durée sur la
séquence /dad/, B0(62,90) ≤ B3 (74,26). Les autres séquences ne présentent pas de
variations temporelles aussi drastiques.
156
7.5. Durée des maxima
7.5.1 Influence générale des variables sur la durée du maximum de
contacts.
0
10
20
30
40
50
60
70
Cel
l Mea
n
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3
Cell
tittatdiddad
Courbe de s inte ractions pour dm axc1Effe t : loc * cond * cvcBarre s d'e r re ur : 95% Inte rvalle de confiance
Figure n° 7.20 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du maximum de contacts. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1,
b2 et b3). En ordonnée, la durée.
La variable principale <condition> n’a que très peu d’influence sur la durée du
maximum : [F(3,352)=0,831 ; p=0,04776]. L’effet des bite-blocks n’est pas le même
chez les deux locuteurs [F(3,352)=8,472 ; p<0,001]. On voit bien sur la figure 7.20 les
deux tendances différentes : avec les bite-blocks, le locueur BL perd des contacts et le
locuteur YM en gagne. Les effets de la condition expérimentale dépendent de la
séquence étudiée : [F(9,352)= 2,39 ; p=0,0123]. L’interaction entre <locuteur> et <cvc>
est significative [F(3,352)=10,452, p<0,0001] : chaque locuteur a sa manière propre de
produire les séquences. Nous allons voir précisément comment évolue le maximum de
contacts face aux perturbations chez les deux locuteurs.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
157
7.5.2 Durées des maxima du locuteur BL
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n° 7.21: Les durées moyennes des maxima pour le locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En parole normale, le maximum est plus long pour la séquence /tat/ que pour les autres
séquences. On remarque que le maximum de contacts ne varie pas en fonction de la
voyelle : /ta/ (44,28) ≥ /da/ (36,58) = /di/ (36,21) ≥ /ti/ (27,87).
Avec les bite-blocks, on remarque que les maximums de contacts durent plus longtemps
que sans bite-block, excepté concernant la séquence /tit/ pour laquelle le maximum de
contacts est plus long en B3.
Sur les séquences avec la voyelle /a/, le maximum de la voisée raccourcit de 9,12 ms
ente B0 et B1, B2, B3 et le maximum de la non voisée raccourcit de 17,96 ms entre B0
et B2, B3.
/da/ : B0 (36,58) ≥ B1 (27,63) = B2 (27,32 ) = B3 (28,28)
/ta/ : B0 (44.28) ≥ B1 (36.52) ≥ B3 (29.78) = B2 (26.32)
Avec la voyelle /i/, le maximum de la voisée /d/ est diminué de 16,5 ms entre B0 et B1,
B2, B3. Le maximum de la voisée est augmenté de 11,54 ms entre B0 et B3 et de 19 ms
entre B1 et B3.
/di/ : B0 (36,21) ≥ B1 (20,94) = B3 (22,98)= B2 (19,71)
/ti/ : B1 (20,35) = B2 (21,18) ≤ B0 (27,87) ≤ B3 (39,41)
L’influence des bite-blocks est significative sur la durée du maximum de ce locuteur
[F(3,188)= 6,406 ; p=0,0004]. Il semble que la nature de l’identité phonétique n’ait pas
d’influence sur les effets desbbite-blocks. [F(9,176)= 1,667 ; p=0,1001]. La nature de la
158
voyelle n’influence pas non plus la durée du maximum [F(3,184)=1,657 ; p=0,1778].
L’interaction entre les variables <condition> et <voisement> n’est pas significative
[F(3,184)=0,817; p=0,4861]. Avec les bite-blocks, la tendance de ce locuteur est bien à
la réduction des maximums de contacts, excepté pour la séquence /tit/.
Maximum de BL
35,4
2
26,5
1
35,0
4
19,2
5
15,3
0
29,1
7
31,1
8
12,7
8
32,4
2
12,8
7 21,8
5
12,7
9 18,7
9
24,5
1
14,9
1
30,1
3
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n° 7.22 : Durées relatives des maxima du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
En B0, le maximum absolu de contacts représente environ un tiers des consonnes exepté
pour la consonne /t/ suivie de /i/. Les durées relatives sont toujours plus faibles avec les
bite-blocks. Nous constatons des écarts qui traduisent la tendance à la diminution de la
proportion du maximum.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
159
7.5.3 Durées des maxima du locuteur YM
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n° 7.23: Les durées moyennes des maxima de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, on constate que les durées des maxima de /t/ et /d/ sont
équivalentes, que les consonnes soient suivies de /i/ ou de /a/ : /ti/ (30.07) = /ta/ (33.07)
= /di/ (35.82) = /da/ ( 32.47).
Avec les bite-blocks, les séquences avec /a/ ne répondent pas de la même façon. La
voisée /d/ voit son maximum réduire de 12,19 ms entre B0 et B3. On constate que les
durées en B0, B1 et B2 sont identiques. La non voisée /t/ voit son maximum s’allonger
de 10,39 ms avec le B3 alors qu’il n’y a pas de différences entre B0, B1 et B2.
/da/ : B0 (32,45) = B1 (32,10) = B2 (35,54) ≥ B3 (20,26).
/ta/ : B0 (33,07) = B1(32,10) = B2(35,54) ≤ B3 (43,46).
Les maxima des séquences avec /i/, sont allongés. Le maximum de la voisée /d/ est
allongé de 23 ms avec le B1 et le B3 et de 18,24 ms avec le B2. Le maximum de la non
voisée est allongée de 11,83 ms avec le B1 et le B3 et de 5,97 ms avec le B2. Sous
l’influence des bite-blocks les maxima des consonnes suivies de /i/ admettent une
évolution identique des durées.
/ti/ :B0 (30,03) ≤ B2 (48,27) ≤ B1 (53,92) = B3 (52,83)
/di/ : B0 (35,82) ≤ B2 (41,79) ≤ B1 (47,47) = B3 (47,63)
160
L’effet seul des bite-blocks n’est pas significatif [F(3,188)= 2,522 ; p=0,592].
Cependant, on peut conclure que la nature de la voyelle peut jouer sur les effets des
bite-blocks [F(3,184)= 3,004 ; p=0,0317]. Les effets des bite-blocks dépendent aussi de
la nature de la séquence [F(9,176)= 2,217 ; p=0,0230]. Par contre, le voisement
n’influence pas les effets des bite-blocks. [F(3,184)=1,846 ; p=0,1404].
Maximum de YM26
,94
28,2
8
25,1
0
20,8
328,2
5
35,4
7
27,0
1 37,0
9
31,4
5
29,9
2
27,6
9
31,8
8
18,7
0
30,6
8 35,7
4
36,3
5
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n° 7.24 : Durées relatives des maxima du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
En B0, on peut évaluer la part du maximum de contacts à environ un peu moins d’1/3
de la consonne. Les données relatives indiquent aussi que seulement la séquence /da/
voit ses maxima raccourcis de 9,58% avec B3. Une tendance à l’allongement des
maxima sur les autres séquences se dégage plus clairement : + 8,53% entre B0 et B1
pour /di/ ; +10,64% entre B3 et B0 pour /ta/ et + 15,52% pour /ti/.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
161
7. 6 Durée des occlusions
7.6.1 Durée de l’occlusion du locuteur BL
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n°7.25: Les durées moyennes des occlusions du locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, l’occlusion la plus longue est sur la séquence /tat/, la plus
courte est sur la séquence /dad/. Alors que les occlusions des séquences avec /i/ sont les
mêmes, indépendamment du trait de voisement : /ta/ (90,68) ≥ /di/ (76,24) ≥/ti/ (76,25)
≥ /da/ (68,27). Les occlusions des séquences avec /a/ racourcissent avec les bite-blocks.
L’occlusion de la voisée /d/ diminue de 27,17 ms entre B0 et B2 par contre, nous
n’observons pas de différence importante entre la production en B0 (68,28 ms) et avec
B3 (64,22 ms). L’occlusion de la consonne non voisée /t/ perd 24 ms entre B0 et B2 et
perd 11,37 ms entre B0 et B3.
/da/ : B0 (68,28) = B3 (64,22) ≥ B1 (59,05) ≥ B2 (41,63)
/ta/ : B0 (90,68) ≥ B3 (79,37) = B1 (75,34) ≥ B2 (66,67)
Les occlusions des séquences avec /i/, sont plus longues avec B3 que sans bite-block.
L’évolution des durées d’occlusion est la même pour les deux séquences avec /i/ : la
durée est stable en B0, B1 et B2 puis augmente de avec B3. L’occlusion de la voisée
162
s’allonge de 9,98 ms entre B0 et B3 et l’occlusion de la non voisée s’allonge de 16,11
ms entre B0 et B3.
/di/ : B0 (76,24) = B1 (76,69)=B2 (79,45) ≤ B3 (86,22)
/ti/ : B0 (76,25) =B1 (73,36) =B2 (79,45) ≤ b3 (92,36)
Occlusion de BL
67,1
3
56,1
2
70,9
1
52,9
5
54,7
1
61,9
9
65,9
3
45,2
4
51,6
9
46,5
0
56,1
0
47,6
6
67,3
3
54,8
6
63,4
3
49,1
5
0102030405060708090
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n°7.26 : Les durées relatives des occlusions du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
Les occlusions représentent un peu plus de la moitié des consonnes. Les durées relatives
montrent peu de différences de durées des occlusions de /did/ et /tit/. Alors que les
durées absolues montraient un allongement, la proportion de l’occlusion reste constante
avec les bite-blocks. On notera une différence plus marquée avec la voyelle /a/.
/da/ : B0 (67,13) = B3 (67,33) = B1 (61,99) ≥ B2 (46,50)
/ta/: B0 (70,91) ≥ B1 (65,93) = B3 (63,43) ≥ B2 (56,10)
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
163
7.6.2 Durée de l’occlusion du locuteur YM
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n°7.27 : Les durées moyennes des occlusions du locuteur YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, l’occlusion de la non voisée suivie de /a/ est plus longue que
l’occlusion de la non voisée suivie de /i/ : /ta/ (77,71) = /di/ (73,51) ≥ /da/ (67,10) = /ti/
(65,58).
Avec les bite-blocks, les consonnes suivie de /a/ réagissent différemment. La voisée voit
raccourcir son occlusion de 7,99 ms entre B0 et B3, alors qu’il n’y a pas de différence
ente B0 et B2. Concernant la non voisée, les durées des occlusions sont identiques dans
les quatre conditions d’enregistrement : la durée de l’occlusion reste stable :
/da/ : B0 (67,01)= B2 (63,96) ≥ B1 (53,91) = B3 (59,02)
/ta/: B0 (77,71) = B2 (77,56) = B1 (74,33) = B3 (74,38)
Les occlusions des consonnes suivies de /i/, réagissent de manière contradictoire. Les
occlusions de /d / sont similaires en B0, B1 et B2 et s’allongent de 19,49 ms avec le B3.
Les occlusions de /d/ raccourcissent de 19,19 ms entre B0 et B1, B2, B3, elles sont de
même longueur dans les trois situations de perturbation.
/di/ : B0 (73,51) = B1 (72,44) = B2 (76,05) ≤ B3 (93)
/ti/ : B0 (65,58) ≤ B1 (82,27)=B2 (82,49) = B3( 84,77)
164
Occlusion de YM
58,5
6
54,3
1
59,0
1
45,2
9
46,5
8
54,9
9
57,7
3
56,3
9
56,2
7
54,6
6
61,1
0
55,2
6
60,3
9
62,3
5
61,0
9
57,8
3
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n° 7.28 : Durées relatives des occlusions du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
En production normale, les durées relatives nous montrent que les occlusions occupent
bien la moitié de la consonne, et un peu moins pour /t/ suivi de /i/. Elles durent plus
longtemps que les maxima de contacts qui représentaient environ un tiers de la
consonne. Avec les bite-blocks, on note peu de différences sur la proportion de
l’occlusion de /d/ suivi de /i/ et /t/ suivi de /a/. Notons que les occlusions de /t/ suivi de
/i/ gagnent 12,54% avec B3. Les occlusions de /d/ suivi de /a/ perdent 11,98 % avec B1
et ensuite rejoignent la proportion sans bite-block.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
165
7.7 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP)
7.7.1 Influence générale des variables sur la durée de l’ouverture
linguo-palatale
2 0
3 0
4 0
5 0
6 0
7 0
8 0
9 0
1 0 0
1 1 0
Cel
l Mea
n
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3Ce ll
t itta td idd ad
C o u r b e d e s in te r a c t io n s p o u r d m a xe n dEf fe t : lo c * c o n d * cv cBa r r e s d 'e r r e u r : 95 % In te r v a lle d e c o n f ian ce
Figure n° 7.29: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de l’ouverture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et
b3). En ordonnée, la durée.
Pour les deux locuteurs confondus, les bite-blocks influencent les durées d’ouverture LP
[F(3,352)=3,205 ; p=0,0233]. Les effets des bite-blocks dépendent des locuteurs
[F(3,352)=2,821 ; p=0,0389] : nous remarquons effectivement que les valeurs
correspondantes à BL sont plus élargies, admettent plus de variabilité que celles de YM.
L’interaction entre <locuteur> et <cvc> est fortement significative [F(3,352)=22,864 ;
p<0.0001] puisque les locuteurs ont une façon différente de produire les séquences. Les
effets des bite bocks ne dépendent pas des séquences [F(9,352)=1,345 ; p=0,2120].
Nous détaillons maintenant les durées de l’ouverture LP de chaque locuteur
respectivement en fonction des variables.
166
7.6.2 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur BL
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n°7.30 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale du locuteur BL. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, l’ouverture linguo-palatale est plus longue sur les séquences
avec la voyelle /i/ et la consonne non voisée. L’ouverture linguo-palatale des séquences
avec la voyelle /a/ a quasiment la même durée pour la voisée et la non voisée.
/da/ (41,47) = /ta/ (45,29) ≤ /di/ (54,9) ≤ /ti/ (66,06)
Avec les bite-blocks, l’ouverture linguo-palatale a tendance à s’allonger sur les
séquences avec /i/. L’ouverture de la voisée s’allonge de 10,41 ms entre B0 et B3, alors
qu’il n’y a pas de différence entre B0 et B2. L’ouverture LP de la non voisée /t/
s’allonge de 16,27 ms entre B0 et B3 mais nous n’observons pas de différence de durées
entre B1, et B2.
/di/ : B0 (54,90) = B2(54,79) ≤ B1 (60,07) ≤ B3 (65,31)
/ti/ : B0 (66,06) ≤ B2 (79,17) = B1 (80,51) = B3 (82,33)
Sur les séquences avec /a/, la voisée /d/ admet une ouverture LP plus courte de 12,04 ms
entre B0 et B3 alors que la durée l’ouverture en B0 est identique à celle en B1. En B3,
La durée de l’ouverture LP de la non voisée /t/ dure 3,83 ms en moins qu’en B0 et 7,86
ms en moins qu’en B1.
/da/ : B0 (41,47) = B1 (38,51) ≥ B3 (33,86) ≥ B2 (29,43)
/ta/ : B1 (41,26) = B2 (42,97) ≤ B0 (45,29) ≤ B3 (49,12)
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
167
En fait, ces différences entre les conditions sont minimes puisque l’ouverture LP ne
subit pas de changement significatif de durées sous mla ; seule influence des bite-blocks
[F(3,188)=0,851 ; p=0,4678]. La nature de la séquence ne joue pas un rôle particulier
sur les effets des bite-blocks [F(9,176)=1,633 ; p=0,1091], pas plus d’ailleurs que la
voyelle [F(3,184)=2,279 ; p=0,0810], et le voisement F(3,184)=0,727 ; p=0,5370]. Les
variations observées avec les bite-blocks, ne sont apparemment pas suffisantes pour
conclure à une véritable distinction entre les conditions d’enregistrement.
Ouverture de BL
45,4
5
35,1
1
41,2
3
39,9
7
50,7
1
36,6
9
43,8
7
40,2
0
48,0
3
36,0
9
37,2
2
33,7
334
,38
41,8
1
39,9
4
43,8
30
102030405060708090
100
dad did tat tit
%
B0B1B2B3
Figure n°7.31 : Durées relatives des ouvertures linguo-palatales du locuteur BL. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
En B0, le mouvement d’ouverture linguo-palatale représente plus d’1/3 de la consonne.
Il semble que la proportion que l’ouverture linguo-palatale occupe dans la consonne
reste stable avec les bite-blocks : les fluctuations des valeurs ne semblent pas être dues
aux bite blocks.
168
7.6.3 Durée de l’ouverture linguo-palatale (LP) du locuteur YM
020406080
100120140160180200220
Moy
. des
cel
lule
s
dad did tat titCellule
b3b2b1b0
Figure n° 7.32 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale de YM. En abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.
En production normale, l’ouverture linguo-palatale est plus lente sur les consonnes
voisées que les non voisées. Les séquences avec /i/ montrent une ouverture LP plus
lente que celles avec /a/. B0 : /da/ (42,39) ≤ /ta/ (50,59) ≤ /di/ (61,71) ≤ /ti/ (71,72).
Rappelons que nous avons fait la même remarque concernant le locuteur BL.
Avec les bite-blocks, l’ouverture LP des séquences avec /i/ est raccourcie. L’ouverture
LP de la voisée diminue de 12,95 ms entre B0 et B1 et de 7,22 ms entre B0 et B3. La
non voisée diminue de 20,18 ms entre B0 et B1 et diminue de 14,78 ms entre B0 et B2.
/di/ : B0 (61,71) ≥ B2 (53,96) = B3 (54,49) ≥ B1 (48,76).
/ti/ : B0 (71,72) ≥ B2 (61,57) ≥ B3 (56,94) = B1 (51,54).
Seule la consonne /d/ suivi de /a/ voit son ouverture LP allongée de 27,48 ms entre B0
et B3 alors que nous observons la même durée entre B0, B1 et B2.
/da/: B0 (42,38) = B1 (44,92) = B2 (43,33) ≤ B3 (69,86).
/ta/: B0 (50,59) = B1 (49,68) = B2 (50,12) ≥ B3 (44,55).
A l’inverse, l’ouverture linguo-palatale de la non voisée /t/ diminue avec le B3 bien
qu’aucune différence ne soit remarquée entre B0, B1 et B2.
La seule séquence qui ralentit de façon drastique le mouvement d’ouverture LP est la
séquence /d/ suivi de /a/ et encore l’écart type est beaucoup plus fort.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
169
Les durées de l’ouverture linguo-palatale du locuteur YM sont influencées par la
présence des bite-blocks [F(3,188)=3,410 ; p=0,0187]. Cette influence est donnée
surtout par les changements observés sur la consonne /d/ suivie de /a/. Les effets des
bite-blocks dépendent de la nature de la séquence [F(9,176)=6,246 ; p<0,0001]. La
nature de la voyelle influence aussi les effets des bite-blocks [F(3,184)=6,491 ;
p=0,0003]. Le voisement influence aussi les effets des bite-blocks [F(3,184)=5,579 ;
p=0,0011]. Nous observons un fort allongement de l’ouverture sur /d/ suivi de /a/ avec
seulement le B3, un raccourcissement sur les consonnes suivies de /i/.
Ouverture de YM
37,2
1
45,2
7
38,6
1
49,5
8
38,5
9
36,7
9
39,1
4
35,5
5
38,8
2
39,0
9
39,8
6
41,6
0
63,2
1
35,3
8
37,3
6
38,6
50
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
dad did tat tit
%
B0
B1
B2
B3
Figure n°7.33: Durées relatives de l’ouverture linguo-palatale du locuteur YM. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %.
En B0, l’ouverture représente environ un tiers de la consonne comme pour le locuteur
BL. Avec les bite-blocks ce rapport semble diminuer légèrement avec la voyelle /i/
excepté concernant la consonne /t/ suivie de /a/, pour laquelle il n’y a pas de différence
entre les conditions. Nous observons un allongement considérable de l’ouverture LP de
la consonne /d/ suivie de /a/ avec le B3, accompagné d’un fort écart-type qui traduit une
certaine instabilité des valeurs durant l’allongement de l’ouverture.
170
7.7 Résumé des résultats temporels
Nous venons de confirmer que les perturbations n’ont pas un effet systématique sur
l’organisation temporelle de la constriction linguale duant la production des consonnes
/d/ et /t/. Les effets des bite-blocks sur le timing de la consonne peuvent dépendre
effectivement d’autres facteurs comme le contexte phonétique environnant au sens
large. Les différences bien marquées entre les réactions des deux locuteurs confirment
de fortes variations-interindividuelles. Chacun appréhende les perturbations à sa façon,
en fonction de sa moprphologie, de ses acquis et semble réagir de façon appropriée à ses
propres habitudes de production, ce que Zerling (1991) appelle la base articulatoire.
7.7.1 Les résultats temporels du locuteur BL
Les durées des consonnes occlusives observées ne sont pas modifiées par les bite-
blocks. Par contre les variations observées sont plutôt dues à la nature de la voyelle et à
la nature de la séquence. Les durées des consonnes voisées et non voisées sont plus
longues avec la voyelle /i/ qu’avec la voyelle /a/ ce qui n’est pas surprenant puisque la
voyelle /i/ est allongeante.
Les variations temporelles observées sur la durée de la fermeture linguo-palatale sont
vraiment dues aux bite-blocks, indépendamment des autres facteurs. Les fermetures des
consonnes, voisées et non voisées, avec /i/ et avec /a/, sont ralenties sous l’influence des
bite-blocks. L’établissement de la constriction nécessite plus de temps. Le locuteur a
surement besoin d'un délai plus long pour adapter la trajectoire de la langue vers la
constriction.
Les durées des tenues sont en partie influencées par les bite-blocks puisque la voyelle et
a aussi une influence. Comme pour les durées des consonnes /t/ et /d/, les durée des
tenues sont allongées quand elles sont suivies de /i/ et raccourcies quand elles sont
suivies de /a/.
Les durées des contacts maximaux sont modifiées seulement par les bite-blocks, les
autres facteurs n’influencent pas les durées. La tendance est plutôt au raccourcissement
du maximum. La difficulté à tenir la constriction avec la mâchoire ouverte se fait
ressentir par le raccourcissement de la constriction maximale. Le locuteur atteint la
constriction mais a des difficultés à la tenir aussi longtemps qu’en parole normale.
TROISIEME PARTIE : RESULTATS EXPERIMENTAUX CHAPITRE 7 : Résultats temporels
171
Les occlusions des consonnes voisées et non voisées avec /a/, sont raccourcies, les
occlusions des consonnes avec /i/ sont allongées, comme pour la tenue et la durée totale.
La durée de l’ouverture n’est pas changée de façon significative par les bite-blocks, ni
même par la voyelle.
La fermeture linguo-palatale et la constiction maximale de la consonne sont affectées
par les perturbations. La tenue est affectée aussi mais toujours en rapport avec la voyelle
qui suit. La phase de relâchement de la constriction ne semble pas influencée par les
perturbations.
7.7.2 Les résultats temporels du locuteur YM
Les durées des consonnes ne sont pas modifiées par les bite-blocks. Les variations
temporelles observées sont dues à la nature de la voyelle subséquente. Les consonnes /t/
et /d/ sont allongées quand elles sont suivies de /i/ et raccourcies quand elles sont
suivies de /a/. Il est à noter cependant que les différences sont moins importantes que
chez le locuteur BL.
Les variations temporelles observées sur la fermeture linguo-palatale ne dépendent pas
significativement des bite-blocks, par contre, elles dépendent de la nature de la voyelle.
La fermeture est raccourcie pour les consonnes suivies de /a/ et pour /t/ suivi de /i/.
Seule la fermeture de la voisée /d/ suivie de /i/ est allongée.
La durée des tenues est changée sous l’influence seule des bite-blocks, elle est allongée.
La tenue dure plus longtemps avec les bite-blocks que sans : une tenue plus longue
traduirait un effort de contrôle plus précis de la part du locuteur.
La durée du maximum de contacts n’est pas modifiée significativement par la présence
des bite-blocks. Par contre, les variations temporelles observées seraient dues à la nature
de la voyelle subséquente : les maxima des consonnes suivies de /i/ sont allongés.
Le maximum de la consonne /d/ suivie de /a/ est diminué. Seul le maximum de la
consonne /t/ suivie de /a/ reste stable.
Les occlusions des consonnes voisées et non voisées avec /i/ sont allongées, comme la
durée de la consonne et de la fermeture.
La durée de l’ouverture linguo-palatale est influencée par les bite-blocks mais pas
entièrement puisque la nature de la voyelle joue aussi un rôle : l’ouverture des
172
consonnes suivies de /i/ est diminuée et l’ouverture de la consonne /d/ suivie de /a/ est
allongée. Seule l’ouverture de la consonne /t/ suivie de /a/ reste stable.
La tenue articulatoire est la seule phase sur laquelle on observe des effets directs des
perturbations. Le geste d’ouverture est aussi modifié mais les effets des bite-blocks
dépendent de la voyelle. La phase d’établissement de la constriction et la phase médiane
(constriction maximale) de la consonne sont plus résistantes aux perturbations que les
autres phases.
En réponse aux perturbations, les points communs aux deux locuteurs sont le caractère
stable de la durée de la consonne et l’allongement de la tenue. Les autres phases de la
consonne évoluent différemment pour chacun d’eux.
173
174
QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels
175
QUATRIEME PARTIE
INTERPRETATION ET DISCUSSION
______________________________________________________________________
CHAPITRE 8
Les résultats spatio-temporels
Nous présentons dans cette partie les aspects spatio-temporels des mouvements
articulatoires des consonnes observées. Nous avons calculé les indices de pente
d’ouverture et de fermeture à partir des résultats spatiaux et des résultats temporels. La
pente de fermeture linguo-palatale correspond à l’établissement de la constriction. La
pente d’ouverture linguo-palatale correspond au relâchement de la constriction. Nous
nous demandons maintenant si la portée des pentes de fermeture et d’ouverture est
modifiée par la présence des bite-blocks.
Rappelons que pour avoir un indice de la pente de fermeture, nous avons déduit le
nombre de contacts relevés au début du geste de fermeture, du nombre de contacts
relevé au début de la constriction maximale. Pour calculer la portée de la pente
d’ouverture, nous avons déduit le nombre de contacts relevé à la fin de la constriction
maximale, du nombre de contacts relevé à la fin du geste de relâchement. (cet indice
sera donc négatif). A partir des indices des pentes, nous sommes en mesure de déduire
approximativement les vitesses d’ouverture (la langue se détache du point de
constriction et retourne en position basse) et de fermeture linguo-palatale (la langue va
atteindre la constriction maximale) de la consonne, d’après la formule traditionnelle du
calcul de la vitesse : Vitesse =Amplitude/Temps.
176
8.1 L’amplitude des mouvements articulatoires
8.1.1 La pente de fermeture linguo-palatale (LP).
0
,005
,01
,015
,02
,025
,03
,035
,04
,045
Cell M
ean
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3Cell
tittatdiddad
Courbe des interactions pour pinimaxEffet : loc * cond * cvcBarres d'erreur: 95% Intervalle de confiance
Figure n°8.1: Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la pente de fermeture linguo-palatale. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement
respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente.
Globalement, il semble que les bite-blocks ont un effet significatif sur l’amplitude des
pentes de fermeture LP [F(3,380)=4,650 ; p=0,0033]. L’effet des bite-blocks dépend
fortement des locuteurs [F(3,352)=11,498 ; p<0,0001] car l’interaction entre les deux
variables est significative. Nous pouvons constater que l’indice de pente de fermeture
du locuteur BL est sujet à la diminution avec les bite-blocks. Concernant le locuteur
YM nous notons plus de variabilité en fonction des séquences : les valeurs sont élargies
et les écart-types aussi. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas de la nature de la
séquence [F(9,352)=1,782 ; p=0,0634]. L’interaction entre la variable <locuteur> et la
variable <séquence> est significative [F(3,352)=7,303 ; p<0,0001], effectivement
chaque locuteur a sa façon de réaliser les séquences.
QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels
177
8.1.1.1 La pente de fermeture linguo-palatale du Locuteur BL
0
,02
,04
Moy
. cel
l
dad did tat titCell
b3b2b1b0
Graphique des interactions pour pinimaxEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Déviation(s) standard
Figure n° 8.2 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur BL. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En
ordonnée, l’indice de la pente.
Les pentes de fermeture du locuteur BL sont influencées par les bite-blocks
[F(3,188)=26,097 ; p<0,0001]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas de la nature
de la séquence, l’interaction entre ces deux variables n’est pas significative
[F(3,176)=1,192 ; p=0,3028]. Les effets des bite-blocks ne dépendent pas non plus de la
nature de la voyelle [F(3,184)=1,697 ; p=1,692]. Le voisement n’a pas plus d’influence
sur les effets des bite-blocks [F(1,184)=1,466 ; p=0,2253]. Pour ce locuteur et pour
toutes les séquences étudiées, les bite-blocks ont pour effet de réduire l’amplitude des
pentes de fermeture au fur et à mesure que leur épaisseur augmente. En même temps,
nous avons vu, dans le chapitre 7 (résultats temporels) que les bite-blocks ont pour effet
d’allonger de manière significative les durées des fermetures indépendamment des
autres variables considérées. Rappelons aussi que la constriction maximale était
également réduite par la présence des bite-blocks.
En conclusion, avec les perturbations, l’amplitude du mouvement de fermeture linguo-
palatale est réduite alors que sa durée est allongée. Le locuteur a besoin de plus de
temps pour réaliser la fermeture sans toutefois parvenir à atteindre la constriction
réalisée en parole normale comme s’il s’opérait une réduction spatiale et temporelle du
geste lingual; il semble alors que le locuteur réalise un « undershoot » de la constriction
178
produite en parole normale. C’est surtout vrai pour la séquence /dad/. Pour les autres
séquences, les patrons moyens résistent plutôt bien, voire très bien pour /tit/.
8.1.1.2 La pente de fermeture linguo-palatale du Locuteur YM
0
,02
,04
Moy
. cell
dad did tat titCell
b3b2b1b0
Graphique des interactions pour pinimaxEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Erreur(s) standard
Figure n° 8.3 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur Y.M. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3).
En ordonnée, l’indice de la pente.
Les pentes de fermeture de ce locuteur YM, ne sont pas influencées par les bite-blocks
[F(3,188)=1,909; p=0,1295]. Cependant, les variations observées dépendraient de la
nature de la séquence [F(9,176)=1,945; p=0,0485] (la significativité n’est cependant pas
forte puisque le p est très proche du seuil de significativité p=0.05). L’interaction entre
les variables <voyelle> et <condition> n’est pas significative [F(3,184)=1,269;
p=0,2863], pas plus que l’interaction entre les variables <voisement> et <condition>
[F(3,184)=2,474; p=0,0630].
Nous pouvons dire que les variations des pentes de fermetures de ce locuteur
dépendraient plus de la nature des séquences que des bite-blocks seuls. En même temps,
nous avons vu (chapitre 7) que la durée de la fermeture linguo-palatale n’est pas
influencée de manière significative par les bite-blocks. Au moment de la fermeture LP
des consonnes, ce locuteur paraît moins sensible aux perturbations que le locuteur BL.
Concernant la consonne /t/, plus le bite-block est épais, plus la pente de fermeture est
QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels
179
abrupte. Nous notons que la pente de fermeture LP de la consonne /d/ suivie de /a/
augmente d’amplitude avec le B3 en même temps que la durée de la fermeture LP est
réduite (par la voyelle /a/). A l’inverse du locuteur BL, le mouvement de fermeture LP
est plus rapide avec les bite-blocks. Notre hypothèse de réalisation d’un « flap » paraît
être confirmée par l’observation des ces paramètres supplémentaires. Avec les
perturbations, nous supposons que la langue, par un mouvement plus rapide, va se
projeter sur la partie dentale, l’apex contacte directement les dents. Il se pourrait donc
bien que ce locuteur « overshoot » la constriction effectuée en parole normale. Nous
pourrions même imaginer que sans le barrage dental, la langue serait projetée en dehors
de la bouche. Le lieu d’articulation est bien déplacé vers les dents, et passe d’alvéolaire
ou dento-alvéolaire à dental.
8.1.2 La pente d’ouverture linguo-palatale (LP)
-,027-,025-,023-,02
-,018-,015-,013-,01
-,008-,005-,003
0
Cell M
ean
B, b
0
B, b
1
B, b
2
B, b
3
Y, b
0
Y, b
1
Y, b
2
Y, b
3
Cell
tittatdiddad
Courbe des interactions pour pmaxendEffet : loc * cond * cvcBarres d'erreur: 95% Intervalle de confiance
Figure n° 8.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la pente d’ouverture linguo-palatal. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement
respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente.
Pour les deux locuteurs confondus, l’analyse statistique ne montre pas d’effet
significatif des bite-blocks sur l’amplitude des pentes d’ouverture [F(3,380)=1,139 ;
p=0,3331],. Les effets des bite-blocks dépendent des locuteurs [F(3,352)=11,498 ;
180
p<0,0001]. Nous observons, sur la figure 8.4 que les indices de pentes du locuteur BL
ont tendance à être plus élevés que ceux du locuteur YM. Les effets des bite-blocks
dépendent da la séquence étudiée [F(9,352)=8,773 ; p<0,0001]. L’interaction entre la
variable locuteur et la variable condition est significative [F(3,352)=21,742 ; p<0,0001].
8.1.2.1 La pente d’ouverture linguo-palatale du locuteur BL
-,02
-,01
0
Moy
. cell
dad did tat titCell
b3b2b1b0
Graphique des interactions pour pmaxendEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Erreur(s) standard
Figure n° 8.5 : Les pentes d’ouverture du locuteur BL. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l‘indice de la pente.
Comme les pentes de fermeture, les pentes d’ouverture du locuteur BL sont influencées
par les bite-blocks, [F(3,188)=5,010 ; p=0,0023]. L’interaction entre les deux variables
<condition> et <séquence> est significative : les effets des bite-blocks dépendent de la
nature de la séquence [F(9,176)=2,954 ; p=0,0027]. Les effets des bite-blocks dépendent
de la voyelle [F(3,184)=7,850 ; p<0,0001]. Par contre le voisement n’a aucune
incidence sur les effets des bite-blocks [F(3,184)=0,026 ; p=0,9945]. On remarque
effectivement que les consonnes suivies de /a/ voient leur pente d’ouverture diminer de
façon beaucoup plus marquée que celles des consonnes avec /i/ au fur et à mesure que
l’épaisseur des bite-blocks augmente. Nous avons vu dans le chapitre 7 que la durée de
l’ouverture ne subit pas de changement significatif sous l’emprise des bite-blocks alors
que les pentes d’ouverture sont plus abruptes.
QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels
181
8.1.2.2 La pente d’ouverture linguo-palatale du locuteur YM
-,03
-,02
-,01
0M
oy. c
ell
dad did tat titCell
b3b2b1b0
Graphique des interactions pour pmaxendEffet : cvc * condBarres d'erreur: ± 1 Erreur(s) standard
Figure n° 8.6 : Les pentes d’ouverture du locuteur YM. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l‘indice de la pente.
Les bite-blocks seuls n’influencent pas les pentes d’ouverture du locuteur YM
[F(3,188)=0,874 ; p=0,4554]. Par contre la nature de la séquence a une influence
significative sur les effets des bite-blocks [F(9,176)=3,321 ; p=0,0009]. La voyelle a
aussi influence sur les effets des bite-blocks [F(3,184)=3,060 ; p=0,0295]. Le voisement
a aussi une influence sur les effets des bite-blocks [F(3,184)=3,663 ; p=0,0134].
Rappelons que les durées du geste d’ouverture linguo-palatales du locuteur YM sont
influencées par la présence des bite-blocks (chapitre 7). Nous avons observé un
allongement du geste d’ouverture sur la séquence /dad/ en meme temps que l’amplitude
da la pente diminue et un raccourcissement sur les séquences avec /i/ en même temps
que l’amplitude des pentes augmente.
182
8.2 Les vitesses d’élaboration des pentes
8.2.1 La vitesse de fermeture linguo-palatale
Vitesse de fermeture
0100200300400500600700800900
SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3dad did tat tit
BL
YM
Figure n° 8.7: La vitesse de fermeture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse, chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la vitesse en nombre de contacts par
ms.
Pour le locuteur BL (gris foncé), la tendance générale est au ralentissement. La
fermeture linguo-palatale est toujours plus rapide sans perturbation qu’avec les
perturbations et elle diminue régulièrement au fur et à mesure que l’épaisseur des bite-
blocks augmente. L'exécution de la constriction est ralentie avec les bite-blocks sur
toutes les consonnes, avec un ralentissement plus marqué de la fermeture du /d/ suivi de
/a/.
Concernant le locuteur YM, aucun penchant général ne se dégage. Avec /a/, la
fermeture linguo-palatale accélère avec les bite-blocks. Notons une accélération plus
sévère sur la consonne /d/ avec le B3. Concernant les consonnes suivies de /i/, la
tendance est inversée selon le voisement : la fermeture de /d/ ralentit avec les bite
blocks et la fermeture de /t/ a tendance à accélerer.
QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels
183
8.2.2 La vitesse d’ouverture linguo-palatale (LP)
Vitesse d'ouverture
0100200300400500600700800900
SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3 SB B1 B2 B3
dad did tat tit
BLYM
Figure n° 8.8 : La vitesse de l’ouverture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse, chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la vitesse en nombre de contacts par
ms..
La tendance du locuteur BL (en gris foncé) est au ralentissement de l’ouverture sous
l’influence des bite-blocks. Avec la voyelle /a/, la langue relâche la constriction de plus
en plus lentement au fur et à mesure que l’épaisseur du bite-block augmente. Avec la
voyelle /i/ la vitesse d’ouverture est similaire pour B1, B2 et B3 mais toujours inférieure
à la vitesse d’ouverture observée sans bite-block. Toutes consonnes confondues, avec la
voyelle /a/ l’ouverture est toujours plus lente qu’avec la voyelle /i/ : la langue doit
effectuer une trajectoire plus longue pour retourner à la position basse exige paour
produire un /a/.
Concernant le locuteur YM, seule la consonne /d/ suivie de /a/ admet un ralentissement
de l’ouverture comparable à celle de BL. Les autres séquences ne présentent pas de
différences aussi évidentes. Nous observons une nette accélération de la vitesse
d’ouverture sur la consonne /t/ suivie de /a/ avec le B3 et sur la consonne /d/ suivie de
/i/ avec le B1.
184
En résumé, sous l’emprise de la perturbation, la stratégie du locuteur BL est de ralentir
ses mouvements articulatoires de fermeture et d’ouverture linguo-palatale. L’amplitude
des contacts diminue en même temps que la constriction est réduite. Il lui faut plus de
temps pour réaliser une constriction qui se trouve réduite spatialement et
temporellement et cette réduction est plus marquée sur la consonne /d/ suivie de /a/.
D’autre part, le locuteur YM accélère son mouvement de fermeture excepté pour /d/
suivie de /i/ : la vitesse de fermeture dépend des séquences étudiées. Une fermeture plus
rapide, ajoutée à un renforcement spatio-temporel de la constriction maximale traduirait
un comportement de renforcement articulatoire. La langue va rapidement sur le palais
pour trouver une constriction qui s’en trouve alors plus étendue. Il semblerait que pour
ce locuteur, les bite-blocks n’ont pas d’effet aussi nets et récurrents pour le locuteur BL.
QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels
185
8. 3 Résumé des résultats spatiaux et temporels
8.3.1 Le locuteur BL
Locuteur BL dad did tat tit
Durée totale
absolue
B0(104,11) ≥
B1 (95,78) = B3
(97,12) ≥ B2
(86,56)
B0 (135,31) =
B1 (137,71) ≤
B2 (149,54) ≤
B3 (155,12)
B0 (128,54) ≥
B3(122,87) =
B2 (119,02) ≥
B1 (113,84)
B0 (144,85) ≤
B1 (160,25) ≤
B2 (166,62) ≤
B3 (190,76))
fermeture B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤
B3
B0 ≤ B1 ≤ B3 ≤
B2
B0 =B1 ≤ B3 ≤
B2
B0 = B1 ≤ B2 =
B3
tenue B0 = B1 = B2 =
B3
B0 = B1 = B2
B3
B0 = B1 = B3 =
B2
B0 = B2 = B3 ≥
B1
maximum B0 ≥ B1 = B2 =
B3
B0 ≥ B1 = B2 =
B3
B0 ≥ B1 ≥ B3 ≥
B2
B0 = B3 ≥ B1 =
B2
occlusion B0 = B3 ≥ B1 ≥
B2
B0=B1=B2 =
B3
B0 ≥ B1 = B3 ≥
B2
B0 = B3 ≥ B1 =
B2
ouverture B0 = B1 ≥B2 =
B3
B0 = B1 =B3 ≥
B2
B0 = B1 = B2 ≥
B3
B0 = B3 ≤ B1 =
B2
Contacts totauxB0 ≥ B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 ≥ B1 = B2 ≥
B3
B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 ≥ B1 ≥ B2 =
B3
Contacts
alvéolaires
B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 ≥ B1 = B2 =
B3
B0 ≥ B1 ≥ B2≥
B3
B0 ≥ B1 = B2 =
B3
Contacts
vélaires
B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 ≥ B2 ≥ B1 =
B3
B0 ≥ B1 = B2 =
B3
B0 = B2 = B3 ≥
B1
Lieu
articulation Avancé Inchangé Inchangé Inchangé
Pente
fermeture B0≥B1≥B2≥B3 B0≥B1=B2=B3 B0≥ B1≥B2=B3 B0≥ B1≥B2=B3
Pente ouverture B0≥B1≥B2≥B3 B0=B1=B2=B3 B0≥B1≥B2≥B3 B0≥B1=B2=B3
Figure n°8.9 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur BL.
186
La durée totale de la consonne n’est pas influencée de manière significative par les
bite-blocks. Une légère tendance à l’allongement de la consonne est due à la présence
de la voyelle /i/ allongeante.
Le nombre de contacts linguo-palataux sur la constriction maximale diminue de
manière significative sur la totalité du palais et dans les régions alvéolaire et vélaire.
Cette diminution se note sur toutes les séquences mais plus fortement sur les séquences
avec /a/. Plus la mâchoire est basse, plus il est difficile de tenir une constriction dans la
région alvéolaire du palais.
La fermeture linguo-palatale est réduite en amplitude par les bite-blocks de manière
significative et sur toutes les séquences. En même temps la durée de la fermeture est
allongée de manière significative sur toutes les consonnes avec les bite-blocks. La
vitesse d’établissement de la fermeture est ralentie sur toutes les consonnes
indépendamment du voisement et de la nature de la séquence.
La phase médiane : La tenue consonantique est allongée de manière significative par
les bite-blocks concernant les séquences avec la voyelle /i/, voyelle allongeante. La
nature de la séquence influence les effets des bite-blocks. La durée de la constriction
maximale est diminuée de manière significativement avec les bite-blocks. La durée de
l’occlusion totale augmente avec /i/ et diminue avec /a/.
L’ouverture linguo-palatale est diminuée en amplitude de manière significative par les
bite-blocks mais l’influence de la voyelle est importante puisque cette diminution se fait
surtout concernant les consonnes avec /a/. En même temps, la durée de l’ouverture n’est
pas modifiée de manière significative par la présence des bite-blocks. Elle est cependant
sujette à un allongement concernant la consonne de la séquence /dad/. L’ouverture
linguo-palatale est ralentie pour les consonnes suivies de /a/.
QUATRIEME PARTIE :INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 8 : Résultats spatio- temporels
187
8.3.2 Le locuteur YM
Locuteur YM dad did tat tit
Durée totale
absolue
B0 (114,21) =
B1 (116,13) =
B2 (113,20) ≥
B3 (108,13)
B0 (135,75) =
B1(133,26) =
B2 (138,098) ≤
B3 (153,36).
B0 (131,26) ≥
B1 (127,94)
=B2 (126,63) ≥
B3 (120,21)
B0 (144,56)=
B1(45,58) = B2
(148,91) = B3
(147,11)
Fermeture B0 = B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 = B1 ≤ B2 ≤
B3
B0 ≥ B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤
B3
Tenue B0 = B1 = B2 ≤
B3
B0= B1 = B2 ≤
B3
B0 = B1 = B2 ≤
B3
B0 = B2 ≤ B1 =
B3
Maximum B0 = B1 = B2 ≥
B3
B0 ≤ B2 = B3 ≤
B1
B0 = B1 = B2 ≤
B3
B0 ≤ B2 ≤ B1 =
B3
Occlusion B0 = B2 ≥ B1 =
B3
B0 = B1 = B2 ≤
B3
B0 = B1 = B2 =
B3
B0 ≤ B1 = B2 =
B3
Ouverture B0 = B1 = B2 =
B3
B0 ≥ B1 ≥ B2
≥B3
B0 = B1 = B2 =
B3
B0 ≥ B2 ≥ B3 ≥
B1
Contacts totauxB0 = B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 = B2 ≤ B1 =
B3
B0 ≤ B2 ≤ B1 ≤
B3
B0 = B1 = B2 ≤
B3
Contacts
alvéolaires
B0 = B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 = B2 ≤ B1 =
B3
B0 ≤ B1 = B2 =
B3
B0 ≤ B1 = B2 =
B3
Contacts
vélaires
B0 = B1 ≥ B2 ≥
B3
B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤
B3
B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤
B3
B0 ≤ B1 ≤ B2 ≤
B3
Lieu
articulation Avancé Inchangé Inchangé Inchangé
Pente
fermeture B1≤B2≤B0≤B1 B0=B1≥B2≥B3 B0≤ B1≤B2≤B3 B0≤B1≤B2≤B3
Pente ouverture B0≥B1≥B2≥B3 B0≤B1≤B2≤B3 B0≤B1≤B2≤B3 B0≤B1=B3≤B3
Figure n° 8.10 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur YM.
188
La durée totale de la consonne est inchangée par la présence des bite-blocks. Il semble
que ce soit plutôt la nature de la voyelle qui joue un rôle dans les variations observées.
Les consonnes sont allongées quand elles sont suivies de /i/ et sont raccourcies quand
elles sont suivies de /a/.
Le nombre de contacts linguo-palataux durant la constriction maximale n’est pas
changé de manière significative par les bite-blocks. Seul le /d/ de la séquence /dad/ perd
des contacts avec les bite-blocks. Les consonnes des autres séquences ont plutôt
tendance à conserver, voire à augmenter, l’aire de contact linguo-palatal. L’influence de
la voyelle sur le nombre de contacts linguo-palataux est plus importante que l’influence
des bite-blocks eux-mêmes.
La fermeture linguo-palatale n’est pas significativement influencée dans son
amplitude par les bite-blocks. Notons une baisse drastique d’amplitude avec le B3
seulement concernant la séquence /dad/. Avec les voyelles /i/, l’amplitude de la
fermeture des consonnes a tendance à être diminuée. La durée de la fermeture n’est pas
modifiée significativement par les bite-blocks, mais là encore c’est la nature de la
voyelle qui suit qui entraîne les variations. Avec la voyelle /a/, la fermeture dure moins
longtemps qu’avec la voyelle /i/. La fermeture est plus rapide sur les consonnes suivies
de /a/, notamment sur la séquence /dad/ chez qui le changement est très marqué. Par
contre avec la voyelle /i/ nous ne notons pas de changements aussi drastiques.
La phase médiane : La durée de la tenue est allongée de façon significative par la
présence de la perturbation. L’influence de la voyelle subséquence n’est pas impliquée
ici. La durée de la constriction maximale n’est pas influencée par la présence des bite-
blocks. Les variations observées sont dues à la nature de la voyelle : la constriction
maximale de la consonne /d/ suivie de /a/ est raccourcie. La durée de l’occlusion totale
augmente seulement sur les consonnes suivies de la voyelle /i/.
L’ouverture linguo-palatale n’est pas significativement modifiée dans son amplitude
par les bite-blocks. Les variations observées dépendent fortement de la séquence :
l’amplitude de l’ouverture du /d/ suivi de /a/ est très réduite avec le B3. La durée de
l’ouverture est influencée par les bite-blocks mais aussi par la nature de la voyelle :
l’ouverture de la consonne /d/ suivie de /a/ est fortement ralentie avec le B3.
L’ouverture est plus lente seulement sur le /d/ suivi de /a/.
189
190
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
191
CHAPITRE 9 : DISCUSSION
Au terme de notre étude, nous reprenons les questions de la problématique et au regard
des résultats, nous essayons d’étayer une discussion. Dans un premier temps nous
soulignerons les différences observées entre les deux locuteurs. Dans un second temps
nous reviendrons sur l’importance des contraintes en production de parole quand on
parle de compensation ou d’adaptation à une situation nouvelle. Puis, nous discuterons
nos résultats à la lumière des théories de production.
Nous pensons avoir réussi à discerner et à quantifier des effets de compensation linguale
durant la production des consonnes avec la mâchoire bloquée. La perturbation choisie,
bite-blocks, s’est révélée être efficace dans le sens où nous avons observé des
changements spatio-temporels dans l’organisation des mouvements linguaux. Nous
observons bien des différences entre les productions normales et les productions avec
les bite-blocks. Même si ces différences ne sont pas toujours statistiquement validées,
elles permettraient de confirmer l’existence de stratégies de compensation au niveau
articulatoire et d’en déduire de quelle façon les mouvements articulatoires sont
contrôlés.
9.1 Les variations inter-individuelles
Tout au long de l’étude, nous avons relevé, des différences entre les réactions des
locuteurs concernent la façon d’ajuster les mouvements de la langue en réponse aux
perturbations. Nous estimons qu’il y a peu de chance pour que ces différences inter-
individuelles soient expliquées seulement comme un résultat des effets des bite-blocks
sur les distances inter-incisives. Si c’était le cas on aurait systématiquement une plus
petite zone de contact linguo-palataux avec les bite-blocks, partant de l’hypothèse que
plus la mâchoire est basse, moins les contacts dans la région antérieure du palais sont
nombreux. Or dans la région alvéolaire, notre locuteur YM tend à augmenter ses
contacts alors que le locuteur BL tend à les diminuer avec les bite-blocks. Rappelons
que dans notre étude, nous avons pris soin de mesurer le même écart inter-incisif chez
192
les deux locuteurs pour contrôler que les bite-blocks agrandissaient l’écart inter-incisive
de manière identique pour chacun.
Nous nous sommes volontiers rapprochée de l’étude de Flege et al. (1988). Leur travail
concerne la production des occlusives de l’anglais et de l’arabe avec des bite-blocks.
Leur investigation a porté essentiellement sur la phase de constriction maximale des
consonnes et montre que le /t/ arabe est plus antérieur que le /t/ anglais, et que plus la
production est antérieure, plus les contacts diminuent avec les bite-blocks. Nous notons
des similitudes avec nos résultats. Effectivement le nombre de contacts linguo-palataux
des consonnes du locuteur BL est diminué sous l’influence des bite-blocks, alors que
nous avons noté que ses occlusives sont plus antérieures que celles de YM pour qui le
nombre de contacts linguo-palataux est augmenté. La constriction maximale du /t/
arabe, plus antérieur, est raccourcie avec les bite-blocks (en même temps que le nombre
de contacts linguo-palataux diminue). La constriction du locuteur BL est aussi réduite.
Par contre, la constriction du /t/ anglais (plus postérieure) n’est pas raccourcie et les
contacts linguo-palataux sont plus nombreux. Dans notre étude, nous observons les
mêmes effets des bite-blocks sur la constriction du /t/ du locuteur YM. Flege et al.
(1988) ont conclu que les locuteurs anglais parviennent à compenser plus complètement
car l’articulation normale du /t/ est produite plus en arrière dans le palais. De la même
façon, le locuteur YM semble effectuer une compensation articulatoire plus complète
que BL dans la mesure où il présente moins de différences entre les productions
normales et bloquées, tant sur le plan spatial que temporel. Nos résultats confirment la
conclusion de Flege et al. (1988) sur des compensations incomplètes puisque ils ont
trouvé des petites différences mais significatives (sur la zone et la longueur de la
constriction) entre les consonnes produites avec et sans bite-blocks.
Les bite-blocks n’ont pas empêché nos locuteurs de faire une constriction, qu’elle soit
réduite, renforcée ou délocalisée. Dans la même situation de perturbation, nous avons
relevé une réduction de la consonne chez le locuteur BL et un renforcement chez le
locuteur YM.
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
193
9.1.1 Stratégie de compensation du locuteur BL
Les bite-blocks ont un effet sur les mouvements linguaux de ce locuteur. Cependant, la
durée de la consonne peut aussi être sujette à des variations qui dépendent de la nature
de la voyelle subséquente et non de la perturbation seule : la voyelle /a/ a tendance à
raccourcir la consonne et la voyelle /i/ à l’allonger.
La fermeture est ralentie par la perturbation, ce locuteur a besoin de plus de temps pour
élaborer la trajectoire vers la constriction. De plus, nous avons vu que le nombre de
contacts au moment de la constriction maximale est réduit, en même temps que la durée
de la constriction diminue : sa mâchoire étant différemment positionnée que de
coutume, nous pouvons penser que BL rencontre une réelle difficulté à réaliser et à
maintenir une constriction inhabituelle avec l’apex. La langue met plus de temps pour
contacter le palais : le locuteur a besoin de temps pour réorganiser son mouvement
lingual.
Seule la tenue articulatoire est plus longue avec les bite-blocks, au détriment de la
constriction maximale qui est réduite. Durant la tenue articulatoire il se peut que le
contrôle du mouvement soit plus minutieux et plus précis, du fait que c’est la phase
médiane essentielle de la consonne, de ce fait il lui faut plus de temps. Pour répondre à
la perturbation, BL déploie une manœuvre de réduction globale du geste consonantique,
réduction à la fois spatiale et temporelle. Cependant, il réalise quand même une
constriction linguo-palatale digne d’une occlusive mais avec des caractéristiques spatio-
temporelles différentes de celles observées en parole normale. En d’autres termes, il
« undershoote » la constriction en générant une autre trajectoire linguale que de
coutume.
9.1.2. Stratégie de compensation du locuteur YM
Avec les bite-blocks, la durée de la consonne reste inchangée et la durée de la tenue
varie en fonction de la voyelle : allongée avec /i/ et raccourcie avec /a/. La fermeture de
ce locuteur ne subit pas de modifications, ni temporelle, ni spatiale. Les contacts linguo-
palataux sur la constriction maximale sont conservés, la zone d’articulation est même
saturée, excepté sur la consonne /d/ suivie de /a/ pour qui le maximum est réduit
(spatialement et temporellement). La tenue est allongée par les bite-blocks, comme pour
194
le locuteur BL, il semble que cette phase essentielle de la consonne soit contrôlée plus
singulièrement.
Ce locuteur YM ajuste immédiatement la trajectoire linguale pour atteindre la
constriction qu’il parvient d’ailleurs à garder de la même façon que sans bite-block,
excepté pour la consonne /d/ suivie de /a/. Nous avons relevé que les changements
observés sont davantage dus à la nature phonétique des séquences, notamment à
l’influence de la voyelle subséquente, que par les bite-blocks eux-mêmes. Il semble
donc que des compensations articulatoires soient opérées de façon plus complète. Nous
avons vu que la séquence /dad/ est la plus sujette aux variations de part les contraintes
de production qui gouvernent sa réalisation. Il apparaît que face à de fortes contraintes,
ce locuteur YM réagit de la même façon que le locuteur BL : la trajectoire linguale est
modifiée, mais la fermeture est accélérée, il est alors incapable de réaliser des
compensations articulatoires aussi complètes que sur les autres séquences. Gay en 1981
explique que la vitesse de mouvement des articulateurs varie en fonction de
l’articulateur et du locuteur. Il précise que les délais d’activation des muscles qui
contrôlent les différents articulateurs varient de manière non uniforme, ce qui pourrait
nous aider à comprendre pourquoi, avec les bite-blocks, sur /d/ suivie de /a/, la
fermeture de BL est plus lente et celle de YM est plus rapide.
9.1.3 Relations entre morphologie et articulation
Revenons aux conclusions de Flege et al. (1988) pour qui la stratégie utilisée pour
compenser dépendrait de la magnitude de l’augmentation. Ils suggèrent qu’il est bio-
mécaniquement plus facile pour les anglais que pour les arabes de maintenir des
contacts linguo-palataux normaux avec les bite-blocks car le /t/ anglais est plus
postérieur que le /t/ arabe. Plus la langue bouge vers l’avant, relevant l’apex et la lame,
plus les contacts linguo-palataux vont être augmentés. Pour les Anglais, l’étendue de la
constriction linguo-palatale augmente en même temps que la place de constriction
avance dans le palais. Nous observons l’inverse dans notre étude puisque seule la
séquence /dad/ qui montre un avancement de la place de la constriction montre en
même temps une réduction de la constriction à cause du voisement de la consonne et du
/a/. Pourtant nous observons des différences chez nos locuteurs dans la manière de
compenser : ces différences entre sujets de même langue maternelle confirment
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
195
l’existence de stratégies individuelles de compensation. Ces différences peuvent aussi
s’expliquer en fonction de la forme du palais, de la profondeur de la cavité buccale, plus
généralement des différences morphologiques.
Nous sommes consciente qu’il manque des mesures exactes de longueur, largeur et
profondeur des palais pour avoir une vue précise en trois dimensions de la morphologie
de chacun. Nous avons pu constater cependant que le palais de BL est plus large et
moins incurvé que celui de YM, qui est plus étroit et plus incurvé. Khuen et Moll
(1976) rapportent que la taille de la langue et de la mâchoire est positivement corrélée
avec les déplacements et la rapidité de ces mêmes articulateurs : les plus larges mesures
sont celles des hommes qui ont un plus large palais. Honda et al. (1996) ainsi que
Earnest et Max (2001) soulignent la relation existant entre l’anatomie et la taille des
structures et la cinématique des mouvements articulatoires. Avec la méthode des rayons
X, ils effectuent des mesures du crâne, du maxillaire, des incisives, de la lame de la
langue, durant la production de consonnes linguo-alvéolaires. Il en résulte qu’une large
mandibule est associée à une brève fermeture linguale, une brève phase d’accélération
de la fermeture. Ainsi, la production de la parole est caractérisée par des interactions
complexes entre l’anatomie oro-faciale et les mouvements de la mâchoire. Les variables
cinématiques (pics de vitesse de l’ouverture et de la fermeture) sont influencées par les
différences de genre et de morphologie dans les stratégies de contrôle propres à chaque
locuteur. La relation entre la morphométrie orofaciale et la cinématique articulatoire est
importante en production. Ajoutons que Tiede (1998) rapporte que la profondeur de la
cavité buccale et la forme du palais affecte l’axe de déplacement du corps de la langue
et de la place de la constriction linguo-palatale.
En résumé, nous devons concevoir ici le rôle des contraintes physiologiques et bio-
mécaniques qui se traduiraient par les limites de déplacement des organes phonatoires et
par les caractéristiques anatomiques de chacun. Ainsi, le lieu d’articulation de la
consonne et l’existence des limitations physiologiques du conduit vocal peuvent être
aussi à l’origine de la réalisation plus ou moins complète de la compensation.
9.1.4 Relations avec une perturbation dite ‘naturelle’
Les perturbations naturelles observables en parole donnent aussi des pistes dans l’étude
du contrôle moteur. De façon un peu moins directe, nous pouvons entrevoir des
196
similitudes avec les études qui ont considéré un changement un débit de parole comme
perturbation naturelle. Vaxelaire (1994) ou encore Sock et Lofqvist (1995) et Sock et
Vaxelaire (2001) font varier le débit de parole comme une variable contrôlée. Ils
observent des réajustements dans l’action des articulateurs : les articulateurs font preuve
d’adaptation à un débit de parole plus rapide par des modifications spatio-temporelles.
Vaxelaire a souligné dans sa thèse (1993) la relation entre le débit de parole et le
schéma dynamique des articulateurs: plus le débit est rapide, plus le geste articulatoire
est temporellement réduit. Rappelons que nous avons constaté, dans notre étude, que la
présence de bite-blocks ralentissait le débit : la phrase porteuse est rallongée jusqu’à
100 ms avec le plus gros bite-block.
Un autre exemple de perturbation naturelle peut se retrouver dans une perspective
développementale. Les transformations anatomiques durant la croissance du conduit
vocal peuvent être envisagées comme une sorte de perturbation. En effet, chaque phase
de développement « brouille » la cartographie des liens sensori-moteurs déjà établis à
un stade antérieur. Les capacités de contrôle étant immatures, l’enfant doit
« compenser » avec des moyens limités et les compensations sont donc incomplètes.
Ménard et al. (2000) montrent que des stratégies permettant de compenser la différence
morphologique du conduit vocal du bébé donnent lieu à des commandes articulatoires
différentes. Les voyelles /i, u, y, a/ sont réalisées par des manœuvres visant à modifier le
lieu ou l’aire de constriction. C’est au moyen de l’imitation que l’enfant pourra calibrer
ce qu’il perçoit et ce qu’il produit afin d’ajuster l’étendue de ses mouvements
articulatoires, d’où l’importance du couplage entre la perception visuelle et auditive.
(comme par exemple le fait de montrer l’arrondissement des lèvres pour produire une
voyelle arrondie).
9.2 Phénomène d’apicalisation
Nous commentons ici le phénomène d’apicalisation observé lors de la produition du /d/
suivi de /a/, phénomène commun aux deux locuteurs. Avec les bite-blocks, nous avons
considéré que le mouvement lingual est différent de celui sans bite-block : nous sommes
confrontés à un autre geste articulatoire. En effet, seule la première rangée d’électrodes
est contactée par l’apex et non plus par l’apex et la lame comme on l’a remarqué sans
bite-block. Ainsi, sans bite-block, la partie antérieure de la lame supporte et
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
197
accompagne les mouvements de l’apex vers la région dento-alvéolaire du palais. Avec
les bite-blocks, la lame n’est plus le support de l’apex. En effet, la langue ne peut plus
monter autant dans la cavité buccale puisqu’elle est raccrochée à une mandibule trop
abaissée. La langue prend ainsi une forme plus incurvée et cela va permettre seulement
à l’apex, plus mobile et indépendant que le corps de la langue, d’être « projeté » et de
pouvoir s’étendre jusque vers la région dentale.
Nous proposons une validation de ces considérations par le calcul d’une régression
entre le centre de gravité des contacts qui indique la répartition des contacts sur le palais
sur l’axe avant-arrière (voir chaitre 5 : Méthode) et le taux de remplissage des zones de
contacts, alvéolaire et vélaire. Nous avons effectué une régression simple sur des
paramètres deux à deux, afin de voir s’ils étaient corrélés. Commençons par décrire la
relation entre le centre de gravité et le nombre de contacts dans la partie postérieure du
palais. Rappelons le sens de variation de l’indice du centre de gravité : plus l’indice est
négatif, plus le centre de ravité est avancé dans le palais.
-4
-3 ,5
-3
-2 ,5
-2
-1 ,5
-1
- ,5
0
,5
1
c d gm ax
- ,1 0 ,1 ,2 ,3 ,4 ,5 ,6 ,7 tx v e l
Y = -2 ,2 + 3 ,5 9 6 * X ; R ^2 = ,7 6 4
G ra p h e d e ré g re s s io n E x c lu s io n d e l ig n e s : p a ra m e tre s A _ n u itA .x ls ( im p o r té ) .s v d
Figure n° 9.1 : Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage des contacts dans la région vélaire. En abscisse, le taux de contacts vélaires. En ordonnée, le centre de
gravité
Dans la partie postérieure du palais, le taux de remplissage, est corrélé avec le centre de
gravité : plus le centre de gravité recule dans la partie postérieure du palais, plus le taux
de remplissage vélaire augmente. Plus l’articulation est postérieure, plus la zone de
contact (vélaire) est remplie. Ceci traduit que le corps de la langue ne peut dissocier ses
mouvements, le remplissage de la zone de contacts se fait progressivement. Observons
198
maintenant les relations existant entre le centre de gravité et le nombre de contacts dans
la partie antérieure du palais.
-4 -3 ,5
-3 -2 ,5
-2 -1 ,5
-1 - ,5
0 ,5 1
c d gm ax
,1 ,2 ,3 ,4 ,5 ,6 ,7 ,8 ,9 1 1 ,1 txa lv
Y = -2 ,4 5 2 + 1 ,6 6 2 * X ; R ^2 = ,3 2 9
G ra p h e d e ré g re s s io n E x c lu s io n d e l ig n e s : p a ra m e tre s A _ n u itA .x ls ( im p o rté ) .s v d
Figure n° 9.2: Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage des contacts dans la région alvéolaire. En abscisse, le taux de contacts alvéolaires. En ordonnée, le centre de
gravité
Le taux de remplissage dans la partie antérieure du palais n’est pas corrélé avec le
centre de gravité : ces deux variables évoluent beaucoup moins dans un rapport de
proportionnalité comme on l’a vu précédemment sur la figure 9.1. Dans la région
antérieure, l’apex peut contacter directement les alvéoles sans forcément toucher les
bords du palais. Les contacts ne se font pas de façon progressive mais directement sur
les alvéoles du palais. La langue prend effectivement une forme incurvée ce qui permet
à l’apex de se déplacer seul. Ces résultats confirment que la partie antérieure de la
langue est plus mobile que la partie postérieure et attestent aussi de l’indépendance de
l’apex par rapport au corps de la langue.
Nos résultats spatiaux ont montré, qu’avec les bite-blocks, la trajectoire de l’apex est
dirigée vers une articulation plus en avant du palais lors de l’articulation de l’occlusive
/d/. Des résultats temporels, nous avons déduit que la tenue articulatoire et la
constriction maximale sont raccourcies et que l’amplitude du geste est diminuée.
Ladefoged et Maddieson (1998) définissent le tap alvéolaire comme “…a sound in
which a brief contact between the articulators is made by moving the active articulator
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
199
directly towards the roof of the mounth....Taps are more typically made by a direct
movement of the tongue tip to a contact location in the dental or alveolar region”
(p.231). Avec les bite-blocks, les locuteurs effectuent un geste articulatoire de type
‘tap’, différent de celui de /d/. Partant de cette définition, nous pouvons dire que le /d/
produit avec les bite-blocks par nos locuteurs est alors réalisé comme un /R/. Laver
(1994) ajoute à cette description une dimension dynamique en y incluant le concept de
vélocité “...in the case of a tapped stop, the tongue moves very fast through the onset
phase, the closure is extremely brief, and the tongue then retreats from closure in a very
fast offset phase. (p. 224). Nous avons vu que la fermeture du locuteur YM est accélérée
avec les bite-blocks. Si on considère cette définition nous pouvons aisément conclure
que ce locuteur réalise bien un « tap ». Par contre, ça ne semble plus être le cas du
locuteur BL pour qui l’établissement de la fermeture est plus lent avec les bite-blocks.
Les études de Duez (1995) sur la parole spontanée ont souligné que ce phénomène de
réduction peut avoir lieu sans perturbation extérieure. En effet, quand le poids des
contraintes de coarticulation se fait ressentir en parole continue, les occlusives peuvent
se réaliser comme des « taps » alvéolaires simplement par des procédés d’assimilation
et/ou de réduction indissociables de la parole continue.
D’un point de vue moteur, nous allons dans le sens des conclusions de Recasens (1991)
qui fournit une précision concernant la réalistion du “tap” alvéolaire : “Manner
requirements for the tap (i.e, the execution of a very short apico-alveolar closure)
suggest that the positioning of the tongue body does not involve much articulatory
control” (p. 279). Ainsi, les muscles intrinsèques qui relèvent l’apex, seraint moins
fortement activés pour produire un /R/ que pour produire un /d/. /R/ n’est pas un
phonème de la langue française, en l’occurrence il peut être une réalisation contextuelle
du /d/. L’action musculaire ne serait alors pas aboutie complètement à cause des
perturbations, quelles soient naturelles, comme un débit rapide, ou expérimentales,
comme les bite-blocks. Dans notre étude, avec les bite-blocks, la commande motrice a
toujours pour but de réaliser la constriction d’un /d/, mais la contraction musculaire est
plus faible et entraîne alors un changement de trajectoire des articulateurs, d’où une
réduction du geste articulatoire. Dans ce cas de figure, le système de production de
parole se trouve en hypo-activité à cause des contraintes de production, mais la viabilité
de l’acte linguistique est conservée.
200
9.3 Hiérarchie de la compensation
Rappelons que nous avons utilisé le terme de compensation articulatoire lorsqu’il n’y a
pas ou peu de différence significative entre les productions normales et avec les bite-
blocks. Nous avons observé que certaines phases des consonnes sont touchées par la
perturbation, d’autres sont plus résistantes. Même si la durée de la consonne n’est pas
modifiée par les bite-blocks, les durées de certaines phases le sont. Il s’opère alors un
phénomène de compensation intra-gestuelle de manière sélective : les phases touchées
par la perturbation sont cachées dans le geste global de la consonne. Nous cherchons à
comprendre pourquoi certaines phases sont épargnées au profit d’autres. Nous
supposons que c’est grâce à l’existence de micro-gestes, au sens où l’entendent les
tenants des théories de contrôle orienté-système (Browman et Goldstein, 1989). Il existe
des micro-gestes pour structurer la coordination entre les articulateurs puisque la
génération d’un segment consonantique exige la coordination des mouvements de
plusieurs articulateurs.
Nous estimons que l’organisation hiérarchique des stratégies de compensation est en
fonction de la pertinence des évènements articulatoires et du poids des contraintes de
production.
9.3.1 En fonction de la pertinence des évènements articulatoires
Nous ne pouvons pas conclure à un simple ralentissement ou une accélération du geste
consonantique. Cela semble bien plus compliqué puisque on doit tenir compte de
l’évolution de chaque phase de la consonne. Sur les paramètres les moins critiques de la
consonne, le locuteur se permet des compensations incomplètes alors que sur la phase
critique, phase médiane (tenue et constriction maximale) les compensations sont plus
complètes (peu de différences observées entre les conditions d’enregistrement). Flege et
al. (1988) pensent que la phase médiane n’est pas une phase critique, mais redondante
de la consonne. Leur analyse a montré que les changements observés dans les
paramètres articulatoires suggèrent que l’information acoustique, basée sur une analyse
formantique, est suffisante pour la reconnaissance d’un /t/. Ils qualifient la phase
d’occlusion complète de paramètre redondant se refusant de la considérer comme un
paramètre critique de la consonne. La zone de rétrécissement maximal (constriction) est
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
201
jugée comme étant la plus significative au moins d’un point de vue acoustique mais pas
forcément d’un point de vue articulatoire.
En terme de cible articulatoire, ce n’est pas l’endroit dans le conduit vocal où la
constriction est la plus étroite qui prime, mais il semble que ce soit la trajectoire des
articulateurs et la tenue globale de la consonne qui importent. Finalement, la tenue
articulatoire globale résiste mieux que la constriction maximale puisque nous n’avons
pas observé de différence sur la tenue.
Nous nous référons à une autre définition de la tenue, fondée sur les contraintes. Pour
Zerling (1991 et 1993) la tenue articulatoire est caractérisée par le maintien d’un certain
nombre de contraintes sur tous les articulateurs pendant toute la durée de l’émission du
son. La tenue apparaît comme un passage obligé dans une zone déterminée de l’espace
acoustique qui serait perceptuellement identifiable. Cette zone correspond à ce que l’on
appelle généralement cible acoustico-perceptive. Le processus de décodage lors de la
perception permet de reconnaître une cible acoustique même lorsqu’elle n’est pas
atteinte complètement ou au contraire quand elle est dépassée. Cette définition
expliquerait que les overshoots et les undershoots puisent être reconnus
perceptuellement car ils sont directement en périphérie des cibles articulatoires.
Chaque phase évolue différemment et il semble que les phases d’attaque et de tenue de
la constriction bénéficient d’un contrôle plus précis permettant des ajustements
immédiats des articulateurs, sûrement par des manœuvres d’hyper-articulation. Alors
que la phase de relâchement ne semble pas être aussi pertinente dans le sens où le
contrôle de ce geste relèverait d’une manœuvre d’hypo-articulation, largement soutenue
par la loi du moindre effort. Le système privilégie la production par compensation des
caractéristiques les plus distinctives de la consonne : la compensation est à la fois
sélective et hiérarchique.
Le geste de fermeture volontaire serait contrôlé plus finement que le geste d’ouverture.
Le locuteur consacre plus d’énergie à adapter un nouveau mouvement de la langue, dont
la position initiale est changée par les bite-blocks, pour essayer d’atteindre une
constriction dans le conduit vocal même si elle est réduite. Le geste d’ouverture serait
moins parfaitement contrôlé puisque le locuteur a réalisé sa constriction. Le
relâchement est le chemin de retour à l’état initial et serait plus une trajectoire
balistique. A ce moment là, ce sont sûrement les propriétés visco-élastiques inhérentes
202
au système de production qui entrent en jeu par le biais du relâchement de la contraction
des muscles élévateurs de la langue.
9.3.2 En fonction du poids des contraintes
De faibles contraintes de production permettent au locuteur de mettre en place plus
facilement des stratégies de compensation complète. Nous savons que le nombre de
contraintes qui œuvrent pour permettre la production de la parole est très grand, nous les
avons recensées sommairement dans la première partie de ce travail d’après Zerling
(1991).
9.3.2.1 Les effets du voisement
Les consonnes non voisées ont un plus grand nombre de contacts linguo-palataux que
les consonnes voisées. Nous avons pu constater, tout au long de cette analyse spatiale
que les consonnes voisées sont moins résistantes aux bite-blocks que les consonnes non
voisées. Sous l’influence des bite-blocks, les voisées perdent plus de contacts que les
non voisées : la différence de contacts entre les voisées et les non voisées s’agrandit au
fur et à mesure que l’épaisseur du bite-block augmente.
La production d’une consonne voisée est plus complexe que la production d’une
consonne non voisée dans le sens où elle engage plus de contraintes de production. Pour
qu’il y ait vibration des cordes vocales, il est difficile mais nécessaire de maintenir un
différentiel de pression entre les cavités sous-glottique et intra-orale puisque l’occlusion
a pour effet d’équilibrer les deux pressions de part et d’autre de la glotte. Cependant,
nos résultats montrent que le rôle du voisement ne parait pas autant influer les effets des
bite-blocks que celui de la nature de la voyelle. D’après l’analyse de l’ANOVA, la
variable <voisement> n’a pas eu d’influence significative sur les effets des bite-blocks,
au contraire de la variable <voyelle>
9.3.2.2 Les effets du contexte vocalique
Nous savons que sans perturbation, la voyelle /i/ fermée allonge les durées des
consonnes et la voyelle ouverte /a/ raccourcit les durées des consonnes. Nous rejoignons
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
203
les suppositions de Sock et Lofqvist (1995) concernant l’occlusion de /d/. L’occlusion
de la voisée /d/ est progressivement plus longue quand elle précède la voyelle /u/ puis /i/
puis /a/. Ce phénomène connu est confirmé ici en parole normale mais aussi en parole
perturbée. Les effets des bite-blocks sont plus mis en évidence sur les consonnes suivies
de la voyelle /a/. Les séquences avec la voyelle /i/ résistent mieux à la présence des bite-
blocks. Effectivement pour produire une consonne alvéolaire suivie d’une voyelle
fermée l’apex évolue dans un espace réduit puisque les deux segments ont le même lieu
d’articulation antérieur dans le conduit vocal. Seul l’apex doit modifier ses mouvements
et pas le corps de la langue qui reste en position élevée durant l’émission des deux
segments. Même avec la mâchoire bloquée en position ouverte, les mouvements de
l’apex et de la lame sont encore possibles et optimisés grâce à leur indépendance entre
elles et par rapport à la mâchoire.
Lorsqu’on produit une consonne alvéolaire suivie d’une voyelle ouverte /a/, ce n’est
plus l’apex seul qui modifie son mouvement mais aussi le corps de la langue. La langue
évolue dans un espace plus grand donc ses mouvements sont susceptibles de présenter
plus de variations. La langue doit effectuer une trajectoire plus ample pour passer d’une
articulation avant/fermée/apico-alvéolaire à une articulation arrière/ouverte/dorsale. Le
poids des contraintes de coproduction est plus lourd quand la voyelle adjacente requiert
l’action d’une autre partie de la langue. L’apex et la lame sont sollicités mais le corps de
la langue, très dépendant de la position de la mâchoire, favorise la production de la
voyelle ouverte /a/.
En résumé, nous proposons un classement des séquences observées dans notre étude en
fonction du poids des contraintes coarticulatoires : des contraintes les plus forte aux plus
faibles : Consonne Voisée et Voyelle Ouverte /da/ > Consonne Voisée et Voyelle
Fermée /di/ > Consonne Non Voisée et Voyelle Ouverte /ta/ > Consonne Non Voisée et
Voyelle Fermée /ti/.
D’autre part, nous avons calculé un indice de coarticulation pour chacune des séquences
de chaque locuteur. Cet indice est basé sur les mesures spatiales effectuées, notamment
le nombre de contacts linguo-palataux relevé sur la constriction maximale. La
différence de contacts linguo-palataux entre consonne + /a/ et consonne + /i/ nous donne
l’indice de coarticulation. Plus la différence de contacts entre /a/ et /i/ est grande plus
l’indice est élevé. Nous nous demandons quelle est l’influence des bite-blocks sur cet
indice de coarticulation.
204
INDICE DE COARTICULATION
DE YM
INDICE DE COARTICULATION
DE BL
partie antérieure du palais partie antérieure du palais
cond /d/ /t/ cond /d/ /t/
b0 6,83 2,75 b0 5,42 4,08
b1 9,17 1,33 b1 10,00 4,00
b2 12,25 2,17 b2 11,83 5,17
b3 13,75 0,83 b3 12,42 8,67
partie postérieure du palais partie postérieure du palais
cond /d/ /t/ cond /d/ /t/
b0 8,50 6,25 b0 7,83 6,00
b1 8,92 6,67 b1 7,33 4,17
b2 13,17 6,33 b2 10,08 6,33
b3 13,50 7,25 b3 9,08 6,67
totalité du palais totalité du palais
cond /d/ /t/ cond /d/ /t/
b0 16,17 12,17 b0 13,25 10,00
b1 18,08 8,33 b1 17,42 8,17
b2 25,33 12,25 b2 21,08 11,33
b3 27,42 3,83 b3 21,33 15,25
Figure n° 9.3 : Tableau des indices de coarticulation des deux locuteurs.
L’indice de coarticulation est plus élevé sur les consonnes voisées que sur les non
voisées et l’augmentation est aussi plus marquée sur les voisées. La différence de
contacts entre /a/ et /i/ est plus grande concernant les consonnes voisées. Nous
remarquons que chez les deux locuteurs, plus la mâchoire est en position basse plus
l’indice de coarticulation augmente. Autrement dit, les bite-blocks ont tendance à faire
augmenter l’indice de coarticulation. donc il y a plus de différences entre les contacts
des consonnes suivies de /i/ et les contacts des consonnes suivies de /a/.
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
205
9.3.3 Une hiérarchie dans le contrôle moteur
Quand un sujet compense complètement, le contrôle des mouvements des articulateurs
est plus précis et l’ajustement est immédiat : le geste initial commandé semble être
conservé, avec toutefois une variabilité naturelle dans laquelle l’acte linguistique reste
viable. Pour éviter de faire des undershoots et les overshoots, il met en œuvre une
stratégie d’hyper-articulation directement réalisable grâce à la faculté d’adaptation du
système de production.
Inversement, plus les contraintes sont fortes, plus le locuteur a du mal à mettre en œuvre
des compensations complètes : les différences entre les productions normales et
perturbées sont alors plus marquées. Nous n’observons pas de compensation complète,
mais une recherche d’un trajet plus facile pour atteindre plus ou moins le même but
dans la zone cible, d’où un changement de mouvements des articulateurs. Le geste
devient trop difficile à cause du lourd poids des contraintes articulatoires et temporelles.
Le système opère donc une réorganisation spatio-temporelle totale qui donne lieu à un
autre geste articulatoire, réellement proche du geste exigé mais qui peut déplacer
légèrement son lieu d’articulation. Nous avons vu l’exemple du /d/ réalisé comme un
/R/. Les changements de mouvements des articulateurs sont relatifs aux contraintes
biomécaniques de production : le système ne peut aller contre les lois physiques et
mécaniques des contacts entre les articulateurs ni contre les limitations physiques et
physiologiques. Il n’a donc pas d’autre choix que de se soumettre à la loi du moindre
effort ou d’économie du geste soulignée par Lindblom (1983), et effectue des
undershoot en développant des manœuvres d’hypo-articulation. Nous proposons le
graphique ci-dessous pour résumer de manière globale ces dernières suppositions
appuyées par notre travail. Nous pouvons penser que le rapport entre le degré de la
compensation et le poids des contraintes est un rapport d’inversement proportionnel.
206
Figure n° 9.4: La relation entre degré de compensation et poids des contraintes.
9.4 Adaptation immédiate ou apprentissage : rôle des feedbacks
Flege et al. (1988) n’ont pas observé de compensation instantanée. Dans leur deuxième
enregistrement, les patrons des contacts avec bite-blocks sont plus ressemblants aux
patrons des contacts sans bite-block que ceux du premier enregistrement. Le signal
d’erreur renvoyé par les feedbacks tactiles, proprioceptifs, kinesthésique, auditif semble
permettre de réaliser un patron « normal ». Les locuteurs usent le feedback afférent pour
améliorer leur réponse. Les valeurs spécifiques des paramètres articulatoires sont
encodées dans les représentations centrales. Seul le feedback proprioceptif est
responsable des réajustements immédiats, la mise en oeuvre des autres feedbacks est
plus longue. Une récente étude de Honda et al. (2002) confirme aussi que la
compensation articulatoire s’opère au fur et à mesure que l’on parle : ils observent un
temps de réponse adaptative à la perturbation dès la seconde syllabe, entre 75 et 200 ms.
La réponse rapide suggère que le feedback tactile entre la langue et le palais artificiel est
premièrement utilisé pour développer des compensations rapides alors que le feedback
auditif est finalement utilisé quand l’adaptation est insuffisante pour ajuster plus
finement l’articulation, alors avec un temps plus long.
Dans notre étude, il nous a semblé intéressant de voir si des effets adaptatifs se font
ressentir à long terme puisque les sessions sont espacées de dix mois environ.
Poids des contraintes
Hyperspeech
Hypospeech
compensation
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
207
Rappelons que durant chaque session, 4 répétitions du corpus ont été enregistrées, dans
les quatre situations expérimentales : B0, B1, B2 et B3. Nous avons comparé les
moyennes des contacts linguo-palataux maximaux durant chaque session. Nous posons
la question de savoir si un effet d’adaptation à long terme, un effet d’apprentissage, se
fait ressentir sur la réaction des locuteurs face aux perturbations. Inversement, si on
postule l’existence d'une adaptation instantanée, alors nous n’observerions que peu de
variations des valeurs entre les 3 sessions d’enregistrement.
dad BL
5
10
15
20
25
30
b0 b1 b2 b3
1
2
3
did BL
25
30
35
40
45
b0 b1 b2 b3
123
tat BL
15
20
25
30
35
b0 b1 b2 b3
1
2
3
tit BL
25
30
35
40
45
b0 b1 b2 b3
1
2
3
Figure n°9.5 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois sessions d‘enregistrement pour le locuteur BL. En abscisse, les conditions d’enregistrement. En ordonnée, les
contacts maximaux.
Nous remarquons que les courbes l’évolution des 3 sessions sont relativement similaires
et confondues pour le locuteur BL. Nous devons reconnaître que les variations sont
assez faibles. Seul le nombre de contacts de la consonne /d/ suivie de /a/ diminue sur la
2ème et 3ème session avec le B3. La consonne /t/ suivie de /i/ montre une perte de contacts
sur la 3ème session avec le B3. Ces résultats confirment, comme nous l’avons montré
dans les précédentes parties, la tendance de ce locuteur BL à perdre des contacts avec
208
les bite-blocks mais il a aussi du mal à stabiliser ses productions à travers les sessions
avec le bite-block le plus épais.
dad YM
10
15
20
25
30
b0 b1 b2 b3
1
2
3
did YM
30
35
40
45
50
b0 b1 b2 b3
1
2
3
tat YM
30
35
40
45
50
b0 b1 b2 b3
1
2
3
tit YM
30
35
40
45
50
b0 b1 b2 b3
123
Figure n 9.6 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois sessions d‘enregistrement pour le locuteur YM. En abscisse, les conditions d’enregistrement. En ordonnée, les
contacts maximaux.
Les courbes représentant les trois sessions sont pratiquement confondues concernant
l’ensemble des séquences du locuteur YM. Ce locuteur a le même nombre de contacts
linguo-palataux à travers les trois sessions d’enregistrement. Cette stabilité dans
l’amplitude des contacts à travers les sessions dénote d’une adaptation directe. Ce
locuteur n’a pas besoin d’un temps d’apprentissage à long terme pour améliorer ses
productions : il apparaît que la tâche demandée est réalisée tout de suite. Ceci réaffirme
aussi le fait que ce locuteur soit moins sensible aux perturbations que le locuteur
précédent. Ce résultat confirme les théories qui s’attachent à la représentation d’un
système de production qui aurait sa propre auto-régulation interne permettant des
réajustements articulatoires instantanés, sans l’aide de l’apprentissage et de la mémoire
(chapite 2 sur les structures coordinatives).
QUATRIEME PARTIE : INTERPRETATION ET DISCUSSION CHAPITRE 9 : Discussion
209
D’autre part, nous avons remarqué, dans les chapitres 6 et 7 de résultats, que les écart-
types calculés sur les moyennes sont plus élevés et irréguliers durant les productions
avec bite-blocks que durant les productions normales. Cela dénote de variations
spatiales et temporelles intra-individuelles plus importantes que sans bite-block. Nous
pensons que ces variations sont justement dues au fait que le système est en cours
d’auto-réorganisation, en référence au terme d’auto-régulation interne de Bothorel
(1989). Le système opère si rapidement puisqu’il n’a recours qu’aux informations
sensori-tactiles, que nous observons forcément des variations dans ses réalisations
phonétiques, variations déjà nombreuses en parole normale. Cependant, il faut que le
locuteur prenne le temps d’adapter les nouvelles trajectoires articulatoires générées par
la présence des perturbations même si cette adaptation se fait de façon automatique et
interne.
Concernant les deux locuteurs et par rapport aux bases théoriques que nous venons
d’évoquer, les répétitions ne paraissent pas constituer pas un facteur très influent sur le
nombre d’électrodes contactées. Il semble qu’il n’y ait pas d’effet d’apprentissage
marqué face à la présence des bite-blocks. A l’image des travaux de Abbs et al. (1984)
nous pensons que s’effectue une réorganisation sous-jacente du processus de contrôle,
grâce à une connaissance antérieure des muscles groupés en synergie. L’atteinte d’une
cible phonétique associée à chaque phone reste possible. Le système nerveux central n’a
pas le temps de recevoir l’information sensorielle et de renvoyer une autre commande.
L’adaptation est possible grâce à un système parallèle qui entrerait en jeu et permettrait
d’effectuer rapidement un mouvement automatique contrôlé d’une manière encore
inconnue, mais pas par le système nerveux central. Nos données appuieraient ici
l’existence de la boucle de « simulation prédictive » préconisée par Lindblom (1983,
1990) qui permet une facile adaptation à toutes les situations, et ce, le plus rapidement
possible. Le système de production possèderait bien une composante de simulation
interne qui lui permettrait d’opérer spontanément.
210
CONCLUSION
211
CONCLUSION
Cette étude, orientée sur la recherche des phénomènes de compensation, portait sur une
comparaison des mouvements de la langue en production normale et avec la mâchoire
bloquée. Nous savons que les deux articulateurs (langue et mâchoire) sont
mécaniquement liés, l’absence d’activité de l’un entraîne un changement d’activité de
l’autre. Nous avons montré qu’il s’opère bien un changement spatio-temporel des
mouvements de la langue quand la mâchoire est bloquée par des bite-blocks.
L’articulation de la consonne est donc différente en parole perturbée : nous avons
observé des réductions comme des consolidations de la consonne. Cette expérience
témoigne de l’existence de stratégies de compensation du système de contrôle dans la
production de la parole.
Sur le plan méthodologique, l’utilisation de l’EPG s’est avérée satisfaisante pour
observer les mouvements linguaux des consonnes occlusives alvéolaires sur les deux
plans spatial et temporel. Ces consonnes se réalisent en plusieurs phases bien distinctes
aisément segmentables avec l’EPG. Même si cet outil ne fournit pas un enregistrement
direct du mouvement lingual, cette technique nous a permis justement de restituer les
déplacements et le timing des gestes articulatoires. Les consonnes occlusives choisies
résistent aux variabilités inhérentes au processus de production, nous avons concentré
nos efforts pour distinguer l’influence des bite-blocks de l’influence d’autres facteurs
secondaires comme la nature de la voyelle, le voisement, le locuteur. Nous avons
cherché à baser nos interprétations le plus possible sur les effets seuls des perturbations
(bite-blocks), objets directs de notre étude. Grâce à l’analyse de variance par l’ANOVA,
nous pensons avoir pu faire cette distinction primordiale.
Sur le plan spatial, nous avons analysé la phase de constriction maximale de la
consonne. Les contacts linguo-palataux et l’amplitude du mouvement sont modifiés par
le présence des bite-blocks mais nous n’avons pas observé de régularités prégnantes. En
effet, les contacts peuvent tout aussi bien être renforcés que diminués, comme nous
l’avons observé chez nos locuteurs YM et BL, respectivement. Le geste articulatoire est
certes modifié mais pas de façon uniforme. Les raisons de cette différence dans les
résultats sont dues en partie au poids des contraintes phonotactiques et articulatoires, de
212
la base articulatoire de chaque locuteur, à l’ensemble des nombreuses variables qui
régulent la production de la parole dans sa totalité.
Sur le plan temporel, nous avons comparé le timing inter-segmental et le timing intra
segmental des évènements articulatoires en parole normale et en parole perturbée. Nous
avons souligné que la durée de la consonne n’est pas influencée par les bite-blocks, par
contre le timing intra-segmental, ou la durée de chacune des phase de la consonne,
parait être sujet à des modifications temporelles. Les allongements et les
raccourcissements des phases sont en fait noyés dans le geste global de la consonne,
comme si ces phases répondaient à des micro-gestes qui constituent les différentes
parties de la consonne.
Cette étude a permis de souligner l’importance de la variabilité inter-individuelle dans
les études concernant la production de la parole. Les variations observées sont
largement soumises aux stratégies et à la variété inter- et intra-individuelle, comme tout
phénomène relatif à la parole et plus généralement à tous les processus naturels. Les
caractéristiques physiologiques individuelles, la base articulatoire, les stratégies de
production de chaque sujet peuvent expliquer certaines des différences observées.
Certes, nos résultats d’analyse inter-individuelle ne permettent pas de saisir des
stratégies de compensation articulatoire récurrentes puisque nos deux locuteurs
réagissent de façon opposée. Néanmoins concernant la réalisation de la consonne /d/
suivie de /a/, les deux locuteurs montrent le même affaiblissement articulatoire avec les
bite-blocks.
Ce phénomène articulatoire assez résistant à la variabilité inter-locuteur peut constituer
une information basique pour la conception des stratégies de compensation en rapport
avec le poids des contraintes de production et peut aussi faciliter la compréhension des
processus de production de la parole.
L’analyse de nos données articulatoires nous permet de confirmer certaines des
propriétés des compensations déjà exploitées par des protocoles expérimentaux
différents (chapitre 3). Les compensations sont sélectives, elles s’opèrent plus
complètement sur la phase médiane de la consonne. En effet, c’est sur l’attaque et la
tenue de la consonne que nous avons observé les plus faibles différences entre les
situations de parole normale et perturbée. La mise en place de la constriction et la tenue
articulatoire sont deux phases clés pour la réalisation des consonnes occlusives puisque
c’est sur elles que les locuteurs opèrent les compensations les plus complètes,
CONCLUSION
213
certainement par une manœuvre d’hyperspeech, et ce toujours pour permettre la
viabilité de l’acte linguistique. La tenue de la consonne est très résistante au détriment
des autres phases. Le timing gestuel qui reste inchangé malgré la présence des
perturbations permet de compenser le timing inter-gestuel (la durée des différentes
phases de la consonne) qui est modifié.
Les compensations se mettent en place de façon hiérarchique. Cette hiérarchie de la
compensation est fonction de l’importance des contraintes de production en général. Le
phénomène d’apicalisation commun aux deux sujets (sur la consonne /d/ suivi de /a/),
s’avère être un exemple de compensation incomplète puisque le geste articulatoire est
différent. Rappelons que les locuteur produisent un tap alvéolaire en lieu et place de /d/.
La mise en place de stratégie de compensation est influencée par l’existence de
multiples contraintes de production innées et universelles qui influencent les
représentations phonétiques à tous les niveaux de traitement, de l’acquisition des
représentations mentales à la sortie acoustique. Plus les contraintes sont faibles, plus les
compensations peuvent tendre à être complètes.
Nous avons vu le classement des séquences étudiées en fonction du degré de
coarticulation, de la séquence la plus « contrainte » à la moins, ou d’une compensation
incomplète vers une compensation complète pour les deux locuteurs :
Consonne Voisée et Voyelle Ouverte /da/ > Consonne Voisée et Voyelle Fermée /di/ >
Consonne Non Voisée et Voyelle Ouverte /ta/ > Consonne Non Voisée et Voyelle
Fermée /ti/.
D’autre part, nous avons relevé, dans notre étude, que l’apprentissage ne semble pas
jouer un rôle fondateur. Le fait d’avoir réalisé l’expérience en plusieurs fois n’a pas
influencé les réponses de nos locuteurs. Contre toute attente, l’analyse spatiale des
évènements articulatoires a révélé une stabilité dans le nombre de contacts linguo-
palataux sur la constriction maximale, notamment chez le locuteur YM. Cette stabilité
dans l’amplitude des contacts à travers les sessions dénote d’une adaptation immédiate :
les compensations, complètes ou incomplètes, sont immédiates. Au niveau articulatoire,
les mouvements des articulateurs seraient bien auto-régulés dans le sens où l’entendent
Perkel et al. (1995), pour qui ces réajustements articulatoires immédiats confirment
l’existence des structures coordinatives. Dans la mesure où l’on soutient l’existence de
ces ré-ajustements prédictifs articulatoires, la présence d’un feedback externe auditif ne
serait alors plus essentielle. Pour éclairer cette décision, citons l’étude de Baum et al.
214
(1997) qui ont observé les mêmes comportements compensatoires chez des sujets
aphasiques que chez des sujets sains. Leurs enregistrements sont réalisés avec des bite-
blocks et l’analyse repose sur des observations acoustiques et perceptives. Leurs
données suggèrent qu’un déficit au niveau moteur (exhibé par les patients aphasiques)
n’affecte pas leur capacité à compenser une perturbation articulatoire. Ces résultas
contribuent à suggérer que la capacité à s’adapter à une perturbation articulatoire serait
arbitrée de manière périphérique.
Les réajustements, ajoutés à la flexibilité requise pour réguler un système dynamique
complexe, comme le système articulatoire, permettent une bonne production de parole
dans n’importe quelle situation. Les locuteurs sont capables d’atteindre un but
programmé, vraisemblablement sur le plan spatial et sur le plan temporel lorsqu’on leur
impose des contraintes extérieures. Les mouvements articulatoires sont programmés
pour atteindre des cibles en terme de paramètres articulatoires et acoustiques. Ces cibles
sont alors influencées par un savant compromis entre les principes de contraste
suffisant pour la perception et d’économie de l’effort, si chers au paradigme hyper-
hypoarticulation.
Au terme de cette étude, nous présentons brièvement l’orientation du travail dans un
futur proche, les résultats obtenus ici n’étant qu’une partie de notre large projet. En
premier lieu, nous allons examiner les caractéristiques acoustiques des consonnes /t/ et
/d/ afin d’étudier quels sont les changements entraînés par les nouvelles configurations
linguales dans la cavité buccale, notamment par l’observation du V.O.T., des
trajectoires de formants.
Deuxièmement, un test de perception devrait être effectué afin de discerner si les
consonnes perturbées sont aussi bien reconnues que les consonnes normales. Nous
chercherons à monter un test qui permettrait de calculer le temps de réaction des
auditeurs
Troisièmement et de manière plus générale, nous aimerions exploiter la totalité du
corpus enregistré. A partir de la méthodologie développée dans ce présent travail et en
utilisant d’autres méthodes d’investigation (comme des images aux rayons x ou l’IRM),
il s’agira d’analyser les mouvements compensatoires de la langue lors de la production
des consonnes linguales fricatives /s/, /z/, /S/ et /Z/.
215
216
217
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228
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure n°1.1 : Schéma simplifié de production de parole : de la planification aux
mouvements. ........................................................................................................... 21
Figure n° 2.1: Schémas comparant les contrôles en boucle ouverte, à gauche, avec le
contrôle en boucle fermée, à droite......................................................................... 47
Figure n° 2.2: Schéma du modèle de production de parole par simulation prédictive de
Lindblom et al.1977................................................................................................ 49
Figure n° 3.1 : Les muscles de la langue, d’après Zemlin, 1981 .................................... 72
Figure n°3.2 : Tableau comparatif de l’amplitude d’ouverture mandibulaire des
consonnes françaises. De haut en bas, des plus ouvertes aux plus fermées. (d’après
Bognar 1983). ......................................................................................................... 76
Figure n° 5.1: Tableau de toutes les consonnes enregistrées pour notre corpus............ 90
Figure n° 5.2 : Tableau des différentes épaisseurs des bite-blocks utilisés dans les études
antérieures. .............................................................................................................. 95
Figure n° 5.3 : Tableau des intervalles inter-incisives de nos locuteurs......................... 96
Figure n° 5.4 : Les trois épaisseurs de bite-blocks : de gauche à droite, des plus épais
aux moins épais....................................................................................................... 96
Figure n° 5.5: Un exemple d’un palais artificiel (modèle de Reading) moulé sur le palais
dur, d’après Meynadier (2003). .............................................................................. 97
Figure n° 5.6 : Un palais artificiel et sa représentation graphique à droite.En noir,nous
voyons les électrodes contactées pour la constriction maximale de /t/, d’après
Meynadier (2003). .................................................................................................. 98
Figure n° 5.7 : Illustration de différentes consonnes du français prises au moment de la
constriction maximale, en contexte a_a, d’après Meynadier (2003). ................... 102
Figure n° 5.8 : Evolution temporelle d’une courbe des contacts linguo-palataux sur une
séquence /tat/, locuteur YM. En abscisse, le nombre de contacts et en ordonnées, le
temps en secondes................................................................................................. 104
Figure n° 5.9 : Un exemple de segmentation manuelle d’une séquence /dad/, locuteur
BL. ........................................................................................................................ 105
230
Figure n° 5.10 : Patron moyen pris au moment de la constriction maximale du /d/ de la
séquence /did/, locuteur YM. ................................................................................109
Figure n°5.11 : Patron de la différence de contacts entre B0 et B3, au moment de la
constriction maximale du /d/ de la séquence /did/, locuteur BL. ..........................109
Figure n° 5.12 : Patron de coarticulation d’un /t/ du locuteur YM. ..............................110
Figure n°6.1: Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de contacts.
Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les locuteurs et les conditions
d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts. .......................................116
Figure n° 6.2 : Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur BL. Les
barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le
nombre de contacts................................................................................................117
Figure n°6.3: Graphique des moyennes des contacts LP totaux du locuteur YM. Les
barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le
nombre de contacts................................................................................................118
Figure n° 6.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de
contacts alvéolaires. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les
locuteurs et les conditions d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.
...............................................................................................................................119
Figure n° 6.5: Graphique des moyennes des contacts LP alvéolaires du locuteur BL. Les
barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le
nombre de contacts................................................................................................120
Figure n°6.6: Graphique des moyennes de contacts alvéolaires du locuteur YM. Les
barres représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le
nombre de contacts................................................................................................121
Figure n° 6.7 : Graphe des interactions des effets des variables sur le nombre de
contacts postérieurs. Les barres représentent les écart-types. En abscisse, les
locuteurs et les conditions d’enregistrement. En ordonnée, le nombre de contacts.
...............................................................................................................................122
Figure n°6.8: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur BL. Les barres
représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de
contacts..................................................................................................................123
231
Figure n°6.9: Graphique des moyennes des contacts vélaires du locuteur YM. Les barres
représentent les écart-types. En abscisse, les séquences. En ordonnée, le nombre de
contacts ................................................................................................................. 124
Figure n° 6.10 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur BL.
.............................................................................................................................. 127
Figure n° 6.11: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur BL. . 128
Figure n°6.12: Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did, locuteur BL. .. 129
Figure n° 6.13: Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur BL.... 130
Figure n° 6.14 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /dad/, locuteur YM.
.............................................................................................................................. 131
Figure n° 6.15 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tat/, locuteur YM. 132
Figure n° 6.16 : Les patrons moyens de la consonne /d/, séquence /did/, locuteur YM.
.............................................................................................................................. 133
Figure n° 6.17 : Les patrons moyens de la consonne /t/, séquence /tit/, locuteur YM. 134
Figure n° 7.1 : Durée de la phrase porteuse dans les quatre conditions d’enregistrement.
En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée............................................... 140
Figure n° 7.2 : Durée de la voyelle centrale de CVC dans les quatre conditions
d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée.................. 140
Figure n° 7.3 : Durée de la consonne C1 dans les quatre conditions d’enregistrement. En
abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée. ................................................... 141
Figure n°7.4 : La proportion de la consonne C1 ans la séquence CVC dans les quatre
conditions d’enregistrement. En abscisse, les conditions. En ordonnée, le
pourcentage de C1 sur CVC. ................................................................................ 141
Figure n°7.5: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée des
consonnes. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions
d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. .............. 142
Figure n° 7.6: Les durées moyennes des consonnes du locuteur B. En abscisse, chaque
séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée.... 143
Figure n° 7.7: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voyelle>. En
abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée. ................................................... 144
Figure n°7.8: Graphe des interactions entre les variables <bite-block> et <voisement>.
En abscisse, les conditions. En ordonnée, la durée............................................... 144
232
Figure n°7.9: Les durées moyennes des consonnes de YM. En abscisse, chaque
séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée. ...145
Figure n° 7.10 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du geste
de fermeture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions
d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. ..............146
Figure n°7.11: Les durées moyennes de fermeture linguo-palatale de BL. En abscisse,
chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
durée. .....................................................................................................................147
Figure n° 7.12: Durées relatives des fermetures du locuteur BL. En abscisse, les
séquences et en ordonnées les %...........................................................................148
Figure n° 7.13 : Durées moyennes de fermeture linguo-palatale de YM. En abscisse,
chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
durée. .....................................................................................................................149
Figure n°7.14 : Durées relatives des fermetures linguo-palatales du locuteur YM. En
abscisse, les séquences et en ordonnées les %. .....................................................150
Figure n°7.15: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de la tenue.
En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement
respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. ..........................................151
Figure n° 7.16 : Les durées moyennes des tenues pour le locuteur BL. En abscisse,
chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
durée. .....................................................................................................................152
Figure n° 7.17 : Durées relatives des tenues du locuteur BL. En abscisse, les séquences
et en ordonnées les %. ...........................................................................................153
Figure n° 7.18 : Les durées moyennes des tenues de YM. En abscisse, chaque séquence
dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée....................154
Figure n°7.19 : Durées relatives des tenues du locuteur YM. En abscisse, les séquences
et en ordonnées les %. En abscisse, les séquences et en ordonnées les %............155
Figure n° 7.20 : Graphe des interactions des effets des variables sur la durée du
maximum de contacts. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions
d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. ..............156
Figure n° 7.21: Les durées moyennes des maxima pour le locuteur BL. En abscisse,
chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
durée. .....................................................................................................................157
233
Figure n° 7.22 : Durées relatives des maxima du locuteur BL. En abscisse, les séquences
et en ordonnées les %............................................................................................ 158
Figure n° 7.23: Les durées moyennes des maxima de YM. En abscisse, chaque séquence
dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la durée. .................. 159
Figure n° 7.24 : Durées relatives des maxima du locuteur YM. En abscisse, les
séquences et en ordonnées les %. ......................................................................... 160
Figure n°7.25: Les durées moyennes des occlusions du locuteur BL. En abscisse,
chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
durée...................................................................................................................... 161
Figure n°7.26 : Les durées relatives des occlusions du locuteur BL. En abscisse, les
séquences et en ordonnées les %. ......................................................................... 162
Figure n°7.27 : Les durées moyennes des occlusions du locuteur YM. En abscisse,
chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
durée...................................................................................................................... 163
Figure n° 7.28 : Durées relatives des occlusions du locuteur YM. En abscisse, les
séquences et en ordonnées les %. ......................................................................... 164
Figure n° 7.29: Graphe des interactions des effets des variables sur la durée de
l’ouverture LP. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions
d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, la durée. .............. 165
Figure n°7.30 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale du locuteur BL. En
abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En
ordonnée, la durée................................................................................................. 166
Figure n°7.31 : Durées relatives des ouvertures linguo-palatales du locuteur BL. En
abscisse, les séquences et en ordonnées les %...................................................... 167
Figure n° 7.32 : Les durées moyennes de l’ouverture linguo-palatale de YM. En
abscisse, chaque séquence dans ses quatre conditions d’enregistrement. En
ordonnée, la durée................................................................................................. 168
Figure n°7.33: Durées relatives de l’ouverture linguo-palatale du locuteur YM. En
abscisse, les séquences et en ordonnées les %...................................................... 169
Figure n°8.1: Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la
pente de fermeture linguo-palatale. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs
conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de
la pente. ................................................................................................................. 176
234
Figure n° 8.2 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur BL. En
abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement
respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente..........................177
Figure n° 8.3 : L’amplitude des pentes de fermeture linguo-palatale du locuteur Y.M.
En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs conditions d’enregistrement
respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de la pente..........................178
Figure n° 8.4 : Graphe des interactions des effets des variables sur l’inclinaison de la
pente d’ouverture linguo-palatal. En abscisse, les deux locuteurs (B et L) et leurs
conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En ordonnée, l’indice de
la pente. .................................................................................................................179
Figure n° 8.5 : Les pentes d’ouverture du locuteur BL. En abscisse, les deux locuteurs
(B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En
ordonnée, l‘indice de la pente. ..............................................................................180
Figure n° 8.6 : Les pentes d’ouverture du locuteur YM. En abscisse, les deux locuteurs
(B et L) et leurs conditions d’enregistrement respectives (b0, b1, b2 et b3). En
ordonnée, l‘indice de la pente. ..............................................................................181
Figure n° 8.7: La vitesse de fermeture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse,
chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
vitesse en nombre de contacts par ms. ..................................................................182
Figure n° 8.8 : La vitesse de l’ouverture linguo-palatale des deux locuteurs. En abscisse,
chaque séquence dans les quatre conditions d’enregistrement. En ordonnée, la
vitesse en nombre de contacts par ms.. .................................................................183
Figure n°8.9 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur BL.
...............................................................................................................................185
Figure n° 8.10 : Tableau récapitulatif des résultats spatiaux et temporels du locuteur
YM. .......................................................................................................................187
Figure n° 9.1 : Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage
des contacts dans la région vélaire. En abscisse, le taux de contacts vélaires. En
ordonnée, le centre de gravité ...............................................................................197
Figure n° 9.2: Graphe de régression entre le centre de gravité et le taux de remplissage
des contacts dans la région alvéolaire. En abscisse, le taux de contacts alvéolaires.
En ordonnée, le centre de gravité ..........................................................................198
Figure n° 9.3 : Tableau des indices de coarticulation des deux locuteurs.....................204
235
Figure n° 9.4: La relation entre degré de compensation et poids des contraintes......... 206
Figure n°9.5 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois
sessions d‘enregistrement pour le locuteur BL. En abscisse, les conditions
d’enregistrement. En ordonnée, les contacts maximaux....................................... 207
Figure n 9.6 : Evolution du nombre de contacts linguo-palataux à travers les trois
sessions d‘enregistrement pour le locuteur YM. En abscisse, les conditions
d’enregistrement. En ordonnée, les contacts maximaux....................................... 208
236
237
ANNEXES
238
ANNEXE 1 : Tableau de recensement de quelques études utilisant des perturbations expérimentales.
Légende : EMG = électromyographie ; EPG = éléctropalatographie ; PIO = pression intra-orale
Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats
Fledge, Flecher et Homiedan, 1987
Les paramètres articulatoires devraient disparaître avec le BB
/s/ et /t/ dans phrases porteusesanglais et arabe
résine 5.8.9.14 et 15 mm
EPG Les BB élargissent le chenal fricatif du /s/ et tendent à postérioriser les contacts linguo palataux (LP)
Folkins 1981
Comment l’action d’élévation de la mâchoire est répartie entre les muscles ? Relation entre la synchronisation des muscles et les mouvements de fermeture de la mâchoire : organisation sous-jacente du contrôle moteur
/ip/ /Ip/ /ep/ /Ap/ /Qp/ /Qb/ /Qm/ /Qk/ /Qt/ /Qi/ /pI/, anglais
EMG masseter gauche, temporal antérieur, ptérygoïdes médial et latéral
Le ptérygoïde médial est présent dans tous les mouvements de fermeture, le masseter et le temporalis sont présents dans les mouvements plus larges; l’activité du ptérygoïde médial dure un peu plus longtemps. Dans un ensemble de syllabes, les muscles restent actifs au même niveau mais les pics EMG varient. Flexibilité dans l’utilisation de différentes combinaisons des muscles pour un même mouvement : structures coordinatives
239
Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats
Folkins et Zimmerman 1980
Importance des mécanismes périphériques dans le contrôle des mouvements compensatoires de la langue et des lèvres
/pI/ et /pQ/ isolées; locution lente et rapide
résine 5 et 15 mm
EMG temporal antérieur, masseter, ptérygoïdes, bursts, timing, magnitude
Pas de différence pertinente avec les BB (concernant la présence des bursts, le timing, et la magnitude). Le processus neuromoteur périphérique n’est pas impliqué en simulation centrale. Il existe une procédure erreur-correction pour les compensations langue/lèvres.
Fowler et Turvey 1980
Calcul du temps de réaction, réponse générative ? Mesure de la perceptibilité des voyelles
/i E a ç u/ isolées. 2 groupes de locuteurs(1)sans et (2)avec temps de réaction
Bois 10 et 14 mm
F1 et F2 Les sujets sous l’emprise du temps sont plus affectés par les BB que les autres. Les sujets reconnaissent de 71 à 90% la qualité des voyelles produites avec les BB: l’intelligibilité est conservée au maximum.
Gay, Lindblom et Lubker, 1981
Quelles stratégies pour produire les compensations articulatoires ? Des mouvements de la langue exagérés peuvent-ils laisser la fonction d’aire inchangée par une équivalence acoustique ?
voyelles longues du Suédois /i/, /a/, /u/, /o/
BB 2,5 et 22,5 mm
F1 et F2 et rayons x
Réorganisation de la langue pour effectuer les voyelles. La compensation est au maximum sur la constriction maximale et elle est minimale quand l’aire du conduit vocal est plus large : compensation sélective. La cible de la voyelle est codée neurologiquement en terme de fonction d’aire relative au point de constriction maximale. Les différences inter-locuteurs sont obervées dans la manière de compenser. Le contrôle est sensoriel : excitation sensorielle des récepteurs lors d’une constriction, ce qui facilite l’atteinte d’une cible acoustique.
240
Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats
Geumann, Kroos et Tillman, 1999
La parole forte est une forme de perturbation naturelle : ouverture plus grande de la mâchoire.
/s/, /S/, /l/, /n/, /d/, /t/,allemand avec /a/, /e/, /i/
EMG : 4 électrodes sur la langue, 3 sur la mâchoire
Interaction entre la hauteur de la mâchoire et la hauteur de l’apex.
Utilisation de la langue pour garder la constriction constante lors de la production des consonnes. La position de la mâchoire si précise sur lesfricatives qu’il n’apparaît pas de compensation linguale. Variabilité : fricative<stops<latérale<nasale. Equivalence motrice.
Horga Damir, 2002
Influence des BB sur la parole continue ? Rôle de l’épaisseur des BB, de l’entraînement, de la vitesse d’élocution.
/t/, /s/, /ts/, /n/, /i/ , /a/, /s/, Croate.
BB :3 et 25 mm Durées, F1 et F2, intensité.
Vitesse réduite avec gros BB, F1 plus haut, F2 plus bas. Pas influence de l’entraînement.
Les paramètres temporels sont immédiatement réorganisés grâce au feedback oro-sensoriel. Une plus grande perturbation est aussi compensée mais avec plus d’entraînement. L’articulation des consonnes est instable (beaucoup de variations) durant la phase d’adaptation et de réorganisation.
Kelso et Tuller, 1983
Pas besoin de feedback auditif pour produire une « bonne voyelle »
/i u a / isolées puis /pVp/ dans phrase porteuse
BB acrylique 5mm pour /a/, 17mm pour /i/, 23 mm pour /u/
F1 et F2 (1) anesthésie bilatérale de la jointure temporo- mandibulaire (2) anesthesie de la muqueuse orale (3) masquage auditif par bruit blanc
La compensation est immédiate grâce aux structures coordinatives, groupement fonctionnel des muscles (synergie) Chaque groupement est intrinsèquement équilibré pour atteindre ses cibles : régulation et contrôle du mouvement. Une source auditive n’est pas obligatoire à l’achèvement d’un état équilibré du collectif de muscles.
241
Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats
Lindblom, Lubker et McAllister 1977
La compensation est immédiate, ni liée au feedback auditif à court terme, ni à l’apprentissage.
[i] et [ab:a] du suédois
Bouts de bois 6 et 21mm pour [i] 25 mm pour [ab :a] :
[i] : BB seuls puis couplés avec xylocaïne [ab:a] : masquage du feedback, puis xylocaïne, puis les deux. F1 et F2
Les BB et la xylocaïne n’ont pas empêché le locuteur de produire des patrons formantiques proches des valeurs sasn BB. Avec le BB de 21 mm et la xylocaïne : déviation des formants qui disparaît au bout de 6 répétitions. C’est la diminution du feedback tactile (récepteurs tactiles) qui a un effet sur le mode de compensation. La compensation reste possible sans feedback auditif ni musculaire.
Lindblom, Lubker, Gay, 1979
La compensation est un système instantané, pas lié au feedback auditif.
/i,u,o,a/ isolées suédois
Bouts de bois 2,5 mm pour /a, o/ et 22,5mm pour /i, u/.
F1 et F2 La déviation des formants est systématique : pas besoin d’apprentissage pour compenser. Rôle des informations tactiles dans les muqueuses mais pas du feedback auditif. La qualité de la voyelle est corrélée avec la forme du conduit vocal.
Putman, Shelton et Kastner, 1986
Relation entre la taille de l’ouverture orale et la PIO, perturbation du flux d’air oral : fuite par une plus grande ouverture.
/p√/ avec fuite d’air,/si/ avec BB
BB résine 2,4 et 6 mm
Amplitude de PIO Fuite orale correspond au pic de pression mesurée Flux oral pendant les voyelles /s/ calcul de la zone de constriction
La PIO baisse et le flux d’air oral augmente quand la fuite d’air augmente. Pendant la voyelle, le flux oral ne varie pas. Les valeurs des pressions différentielles sur /s/ varient peu. Les résultats sont en fonction des individus.
242
Auteurs But Corpus Bite-block (BB) Méthode Résultats
Savariaux, Perrier et Orliaguet 1995, 1999
Flux d’air et ouverture en fonction des sujets, contexte phonétique
/u/ Tube en plexiglasse 20 mm de diam + BB 3,5 et 8 mm
RayonsX, coupes sagittales successives, F1 et F2
Les variations inter-locuteurs montrent que les changements articulatoires associés à l’ouverture des lèvres ne sont pas inhérentes à l’anatomie et la neurophysiologie de l’appareil de parole. La compétence articulatoire est en fonction de l’expérience de chacun.
Warren Nelson, Allen et Hall 1979
Les performances des locuteurs sont-elles altérées par les BB ?
/s v z S/ isolées, puis dans phrase porteuse.
Résine 1, 3 et 6 mm
Pression différentielle et flux d’air oral enregistré simultanément
L’aire de constriction est plus large sur consonnes isolées qu’en phrases porteuses, plus large aussi pour les alvéolaires et les non voisées.
Warren, Allen et Nelson, 1980
Quelles sont les conséquences du BB en conversation ?
/sat/ /zat/ /vat/ /fat/ phrases porteuses
Résine 1, 3 et 6 mm
Pression différentielle à travers ouverture orale et flux d’air oral enregistré simultanément
La différence d’ouverture mandibulaire est significative entre BB et sans BB. La capacité d’adaptation serait compromise avec une plus large ouverture. Relation linéaire entre taille de l’ouverture et taux du flux d’air
Warren, Allen et King 1984
Les conséquences des BB avec et sans contrôle auditif.
/s v z S/
Résine dentaire 1, 3 et 6 mm
Pt de constriction entre la langue et palais, pression différentielle, flux d’air oral.
La dimension de l’orifice vélo-pharyngé reste constante quelque soit le BB : adaptation articulatoire. Le contrôle continu de l’environnement buccal est satisfaisant. Les locuteurs anticipent et initient une tactique de compensation structurale. Le feedback auditif est nécessaire pour la qualité mais pas pour la réalisation des comepnsations.
243
ANNEXE 2 : Les durées moyennes de la phrase porteuse, de la voyelle et de la consonne C1 dans les
quatre conditions d’enregistrement.
BL B0 B1 B2 B3
Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart
phrase 1293,13 85,30 1304,50 44,01 1342,13 65,28 1398,50 76,60
voyelle 91,13 10,30 102,25 7,76 106,38 8,98 115,00 9,38
consonne 113,50 14,05 121,25 26,86 121,38 19,94 113,88 14,57
c1/cvc 40,56 3,35 41,56 11,47 40,16 9,20 37,82 3,39
YM B0 B1 B2 B3
Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart Moy. Ecart
phrase 1264,38 45,58 1294,88 33,44 1312,50 29,31 1382,75 32,81
voyelle 92,63 1,41 95,50 2,12 98,00 13,44 99,25 4,24
consonne 109,13 17,68 108,63 13,44 108,13 16,26 112,25 1,41
c1/cvc 40,42 4,05 40,23 2,81 39,68 2,67 39,98 0,41
244
ANNEXE 3 : Tableaux des durées moyennes de chaque phase de la consonne.
♦Durées consonnes BL puis YM.
12 104,109 17,915 5,17212 95,786 16,537 4,77412 86,557 18,415 5,31612 97,120 19,988 5,77012 135,307 20,641 5,95912 137,713 15,366 4,43612 149,537 22,899 6,61012 155,125 32,188 9,29212 128,547 15,487 4,47112 113,839 15,717 4,53712 119,021 12,292 3,54912 122,875 9,762 2,81812 144,844 19,225 5,55012 160,255 25,695 7,41812 166,620 26,886 7,76112 191,156 32,549 9,396
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0 dad, b1 dad, b2 dad, b3 did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dc1 BLEffet : cvc * cond
12 114,210 8,781 2,53512 116,134 13,625 3,93312 113,198 10,776 3,11112 109,204 13,799 3,98312 135,755 16,734 4,83112 133,267 12,437 3,59012 138,096 19,300 5,57112 153,361 13,760 3,97212 131,263 9,308 2,68712 127,939 14,487 4,18212 126,627 8,576 2,47612 120,214 11,672 3,37012 144,562 13,405 3,87012 145,583 7,317 2,11212 148,911 14,625 4,22212 147,113 14,591 4,212
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0 dad, b1 dad, b2 dad, b3 did, b0 did, b1 did, b2 did, b3 tat, b0 tat, b1 tat, b2 tat, b3 tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dc1 YMEffet : cvc * cond
245
♦Durée fermeture de BL
12 26,056 8,644 2,49512 29,635 12,274 3,54312 29,797 12,020 3,47012 34,967 15,356 4,43312 44,197 13,958 4,02912 56,697 13,421 3,87412 75,032 24,448 7,05812 66,823 20,558 5,93512 38,979 16,572 4,78412 36,052 10,195 2,94312 49,728 8,841 2,55212 43,969 18,473 5,33312 50,906 11,761 3,39512 59,385 20,029 5,78212 66,259 22,539 6,50612 73,374 33,181 9,578
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dinimaxEffet : cvc * cond
♦Durée fermeture de YM.
12 39,349 13,563 3,91512 39,113 12,894 3,72212 34,325 16,902 4,87912 20,053 13,987 4,03812 38,230 18,085 5,22112 37,039 13,035 3,76312 42,346 14,331 4,13712 52,150 17,126 4,94412 47,605 12,502 3,60912 43,918 15,789 4,55812 41,134 13,904 4,01412 32,204 10,980 3,17012 42,803 12,418 3,58512 40,119 14,751 4,25812 39,203 10,626 3,06712 35,809 17,600 5,081
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dinimaxEffet : cvc * cond
246
♦Durée tenue BL.
12 69,896 8,491 2,45112 62,724 11,954 3,45112 60,917 14,794 4,27112 68,208 17,945 5,18012 90,463 12,269 3,54212 89,714 17,116 4,94112 104,995 21,393 6,17612 109,984 29,445 8,50012 90,792 8,604 2,48412 75,687 14,760 4,26112 80,432 13,499 3,89712 86,604 13,423 3,87512 98,151 16,080 4,64212 95,932 15,149 4,37312 113,177 23,021 6,64612 122,542 38,113 11,002
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dtenuc1Effet : cvc * cond
♦Durée tenue YM.
12 71,885 10,012 2,89012 71,678 8,833 2,55012 71,869 10,656 3,07612 81,492 15,260 4,40512 88,953 10,564 3,05012 91,559 9,060 2,61512 92,757 17,905 5,16912 110,456 14,035 4,05212 86,218 8,098 2,33812 84,315 9,125 2,63412 82,726 11,514 3,32412 84,790 15,048 4,34412 95,737 15,984 4,61412 102,941 9,314 2,68912 101,119 13,229 3,81912 105,494 13,051 3,767
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dtenuc1Effet : cvc * cond
247
♦Durée maximum de contacts BL.
12 36,583 6,651 1,92012 27,635 12,319 3,55612 27,328 10,870 3,13812 28,286 14,822 4,27912 36,208 11,424 3,29812 20,948 7,679 2,21712 19,708 10,769 3,10912 22,984 9,615 2,77512 44,281 16,761 4,83912 36,521 18,178 5,24712 26,323 12,068 3,48412 29,781 15,656 4,52012 27,875 13,824 3,99112 20,365 10,048 2,90112 21,188 10,616 3,06512 37,500 30,686 8,858
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dmaxc1Effet : cvc * cond
♦Durée maximum de contacts YM.
12 32,474 16,049 4,63312 32,102 10,915 3,15112 35,543 16,037 4,63012 19,998 17,537 5,06312 35,819 16,626 4,80012 47,468 19,760 5,70412 41,790 18,673 5,39012 47,629 18,125 5,23212 33,071 8,906 2,57112 34,336 10,296 2,97212 35,369 20,567 5,93712 43,459 21,631 6,24412 30,036 9,232 2,66512 53,921 18,235 5,26412 48,275 17,910 5,17012 52,826 18,774 5,420
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dmaxc1Effet : cvc * cond
248
♦Durée occlusion BL.
11 68,278 9,541 2,87712 76,245 16,017 4,62412 90,682 8,381 2,41912 76,255 15,920 4,59612 59,047 12,560 3,62611 76,688 18,498 5,57712 75,339 13,659 3,94312 73,359 18,213 5,25810 41,631 19,272 6,09412 79,448 31,847 9,19312 66,667 20,141 5,81411 81,642 22,758 6,862
9 64,222 18,167 6,05610 86,219 18,533 5,86110 79,375 11,154 3,527
9 92,361 29,531 9,844
Nombre Moy. Dév. Std Err. Stdb0, dadb0, didb0, tatb0, titb1, dadb1, didb1, tatb1, titb2, dadb2, didb2, tatb2, titb3, dadb3, didb3, tatb3, tit
♦Durée occlusion YM.
12 67,010 8,409 2,42812 73,515 8,765 2,53012 77,707 13,052 3,76812 65,580 10,655 3,07612 53,911 11,712 3,38111 72,444 13,478 4,06412 74,327 16,680 4,81512 82,274 18,878 5,450
7 63,959 8,969 3,39012 76,054 17,149 4,95012 77,576 11,618 3,35412 82,488 13,316 3,84410 59,020 28,512 9,01611 93,007 13,324 4,01712 74,380 19,988 5,77012 84,768 12,945 3,737
Nombre Moy. Dév. Std Err. Stdb0, dadb0, didb0, tatb0, titb1, dadb1, didb1, tatb1, titb2, dadb2, didb2, tatb2, titb3, dadb3, didb3, tatb3, tit
249
♦Durée ouverture BL.
12 41,469 8,700 2,51112 38,513 8,736 2,52212 29,433 9,238 2,66712 33,866 16,201 4,67712 54,901 8,649 2,49712 60,069 7,692 2,22012 54,795 16,479 4,75712 65,315 27,995 8,08112 45,287 9,138 2,63812 41,266 6,199 1,79012 42,968 7,393 2,13412 49,125 15,687 4,52812 66,064 18,773 5,41912 80,505 10,076 2,90912 79,172 10,971 3,16712 82,327 26,730 7,716
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dmaxendEffet : cvc * cond
♦Durée ouverture YM.
12 42,387 7,008 2,02312 44,918 9,153 2,64212 43,328 11,186 3,22912 69,748 29,688 8,57012 61,707 12,847 3,70812 48,759 9,708 2,80212 53,963 9,641 2,78312 54,495 11,792 3,40412 50,588 7,410 2,13912 49,686 5,017 1,44812 50,122 7,582 2,18912 44,551 9,722 2,80612 71,721 12,257 3,53812 51,544 11,173 3,22512 61,568 8,682 2,50612 56,944 9,875 2,851
Nombre Moyenne Dév. Std. Err. Std.dad, b0dad, b1dad, b2dad, b3did, b0did, b1did, b2did, b3tat, b0tat, b1tat, b2tat, b3tit, b0tit, b1tit, b2tit, b3
Tableau de moyennes pour dmaxendEffet : cvc * cond
250
ANNEXE 4 : Les moyennes des contacts linguo-palataux
♦Les contacts linguo-palataux de BL
contacts alvéolaires contacts vélaires
dad did tat tit dad did tat tit
b0 19,58 25,00 21,50 25,58 6,50 14,33 8,50 14,50
b1 13,17 23,17 18,17 22,17 3,33 10,67 7,67 11,83
b2 10,42 22,25 17,00 22,17 2,58 12,67 7,67 14,00
b3 8,92 21,33 13,33 22,00 1,67 10,75 7,50 14,17
Contacts LP sur la totalité du
palais
dad did tat tit
26,08 39,33 30,00 40,00
16,42 33,83 25,83 34,00
13,00 34,08 24,83 36,17
10,58 31,92 20,83 36,08
251
♦Les contacts linguo-palataux de YM :
contacts alvéolaires contacts vélaires
dad did tat tit dad did tat tit
b0 19,00 25,83 23,67 26,42 7,17 15,67 9,33 15,58
b1 18,75 27,92 26,92 28,25 7,75 16,67 10,25 16,92
b2 14,17 26,42 26,00 28,17 2,83 16,00 11,00 17,33
b3 13,75 27,50 27,42 28,25 2,58 16,08 12,08 19,33
Contacts LP sur la totalité du palais
dad did tat tit
26,17 42,33 33,00 45,17
26,50 44,58 37,17 45,50
17,08 42,42 35,33 47,58
16,17 43,58 39,42 43,25
252
ANNEXE 5 : Les moyennes des contacts linguo-palataux à chaque session d’enregistrement.
répétitions de dad du locuteur BL
de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy écart moy écart
b0 25,00 3,46 26,75 1,50 26,50 1,41
b1 16,75 2,12 14,75 4,79 17,75 1,41
b2 13,00 4,95 10,25 3,77 15,75 3,77
b3 15,00 9,19 8,50 3,11 8,25 3,54
répétitions de did du locuteur BL
de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy écart moy écart
b0 39,50 0,71 40,50 2,65 38,00 1,41
b1 34,00 4,24 34,25 1,41 33,25 4,95
b2 31,75 0,71 35,50 4,43 35,00 2,12
b3 29,25 7,78 32,00 0,71 34,50 4,95
répétitions de tat du locuteur BL
de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy écart moy écart
b0 29,00 1,41 30,75 1,5 30,25 0,71
b1 24,25 2,83 26,5 2,08 26,75 0,00
b2 23,50 0,00 25,25 2,5 28,00 1,41
b3 20,50 1,41 20,5 6,19 23,50 0,71
253
répétitions de tit du locuteur BL
de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy écart moy écart
b0 41,50 0,71 40 0 38,50 0,71
b1 31,75 2,12 34 4,24 36,25 1,41
b2 34,75 9,90 37,25 2,83 36,50 0,00
b3 38,75 5,66 37,25 10,6 32,25 0,71
répétitions de dad du locuteur YM
de 1 à 4 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy ecart moy écart
b0 25,25 3,77 27,75 0 25,50 0,00
b1 25,50 3,54 27,25 2,09 25,00 0,00
b2 18,00 6,36 16,75 3,59 16,50 4,24
b3 16,75 12,73 15,5 3,87 16,25 4,24
répétitions de did du locuteur YM
de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy écart moy écart
b0 42,00 2,83 43,00 2,45 42,00 0,71
b1 43,25 0,00 45,75 2,36 44,75 0,71
b2 42,75 0,00 42,50 1,00 42,00 2,83
b3 44,25 1,41 43,50 1,00 43,00 1,41
254
répétitions de tat du locuteur YM
de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy écart moy écart
b0 33,75 2,83 32,25 5,06 33,00 3,54
b1 39,50 3,11 35,75 0,50 36,25 0,71
b2 37,50 1,41 34,25 2,87 34,25 2,12
b3 40,00 9,90 39,25 3,86 39,00 0,00
répétitions de tit du locuteur YM
de 1 à 4 de 5 à 8 de 9 à12
moy écart moy écart moy écart
b0 42,50 0,00 42,25 0,50 42,50 0,00
b1 45,50 2,12 45,00 1,41 45,00 0,72
b2 45,00 0,00 45,75 2,22 45,75 0,00
b3 49,50 0,00 48,00 2,94 45,25 1,53
255
ANNEXE 6 : Les patrons de coarticulation dans les quatre
conditions d’enregistrement.
Locuteur BL.
256
Locuteur YM.
257
258
ANNEXE 7 :Les mesures des palais des locuteurs.
La prise de mesures s’est faite électrode par électrode sur un axe orthonormé (x’x ; y’y)
afin de pouvoir réaliser les patrons de contacts propres à chaque locuteur.
Locuteur BL
Locuteur YM
x y x y
e1 20 85 14 79
e2 27 86 20 80
e3 34 87 26 81
e4 42 87 34 82
e5 50 86 42 81
e6 58 85 50 81
e7 16 79 10 73
e8 22 80 15 74
e9 27 81 21 75
e10 35 82 27 75
e11 43 82 34 76
e12 50 81 41 75
e13 57 80 48 75
e14 64 78 54 74
e15 16 72 9 65
e16 21 75 15 67
e17 27 77 22 69
e18 35 78 27 70
e19 42 78 34 70
e20 50 77 42 70
e21 57 75 49 69
e22 65 72 57 68
259
e23 15 64 9 58
e24 20 69 15 61
e25 27 73 22 63
e26 35 75 27 66
e27 43 75 35 66
e28 51 73 43 64
e29 58 69 50 62
e30 66 63 57 61
e31 11 51 6 45
e32 18 59 11 49
e33 25 66 20 55
e34 35 67 28 58
e35 44 67 36 58
e36 57 64 45 56
e37 63 59 53 52
e38 70 49 59 49
e39 10 35 6 32
e40 15 42 13 38
e41 24 49 18 44
e42 35 52 29 49
e43 46 50 36 49
e44 60 47 46 47
e45 65 40 54 42
e46 71 36 61 37
e47 5 20 5 16
e48 12 22 11 23
e49 22 31 17 28
e50 33 35 29 34
e51 46 34 39 34
e52 63 32 49 31
e53 69 26 56 26
e54 77 19 65 21
260
e55 0 0 0 0
e56 8 8 9 7
e57 17 13 16 14
e58 31 17 28 20
e59 50 17 40 19
e60 64 13 52 15
e61 72 6 60 8
e62 84 0 68 0
261
ANNEXE 8 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/ sans
bite-block, locuteur BL.
Séquence /dad/
262
ANNEXE 9 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/ avec
le B3, locuteur BL
Séquence /dad/
263
ANNEXE 10 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/
sans bite-block, locuteur YM
Séquence /dad/.
264
ANNEXE 11 : Courbe des contacts linguo-palataux de /d/
avec le B3, locuteur YM
Séquence /dad/
265
ANNEXE 12 : Courbe des contacts linguo-palataux de /t/ sans
bite-block, locuteur BL.
Séquence /tat/
266
Annexe13 : Courbe des contacts linguo-palataux de /t/ avec
B3, locuteur BL.
Séquence /tat/
267
ANNEXE 14 : Courbe de contacts linguo-palataux de /t/ sans
bite-block, locuteur YM.
Séquence /tat/
268
ANNEXE 15 : Courbe des contacts linguo-palataux de /t/ avec
le B3, locuteur YM.
Séquence /tat/
Compensation Articulatoire dans la Production des Occlusives du Français.
La production de la parole se caractérise par une organisation spatio-temporelle hautement complexe des articulateurs. De nombreux travaux visent encore aujourd'hui à mieux comprendre la façon dont le système articulatoire est gouverné. L'une des méthodes utilisables consiste à perturber de manière artificielle les mouvements articulatoires. Les études basées sur ce paradigme ont démontré que le système articulatoire présente une plasticité fonctionnelle remarquable en s’adaptant rapidement à ces perturbations. Nous présentons les résultats d'une étude centrée sur la mise en relief des mouvements compensatoires de la langue quand la mandibule est bloquée par des bite-blocks dans une certaine position ouverte. Un corpus de 12 répétitions de séquences CVC (occlusives linguo-palatales /t/ et /d/ et /a/, /i/) dans phrases porteuses, est enregistré avec l'électropalatographie par deux sujets français avec et sans bite block. Les mesures sont prises sur la base d’une segmentation manuelle des évènements articulatoires et permettent une analyse spatiale et temporelle des mouvements linguaux. Nous avons effectivement constaté des modifications spatio-temporelles: le geste articulatoire est modifié par la présence des bite-blocks et constitue un témoignage de la mise en place de stratégies de compensation articulatoire. Les résultats font apparaître que ces stratégies diffèrent selon le locuteur. Les compensations sont immédiates et sélectives. Les réajustements ont lieu de suite et les variations temporelles intra-segmentales sont cachées dans le geste global de la consonne. Une hiérarchie de la compensation existe et semble régir la production de la parole : quand les contraintes de production sont fortes, la compensation est incomplète, quand elles sont faibles, la compensation tend à être complète. D'une manière générale, cette étude confirme que la variabilité articulatoire est une caractéristique inhérente au système de production, et qu'elle lui confère la capacité de produire les sons désirés dans une grande variété de situations. _____________________________________________________________________________________ Articulatory Compensation in the Production of French Stop Consonants.
The production of speech is caracterized by a hightly complex spatio-temporal organization of the articulators. Lot of work still aim at understand better how the articulatory system is governed. One of method consists on perturbing artificially articulatory movements of the production of speech. Studies based on this paradigm proved that the articulatory system presents a noteworthy plasticity fonctional to reinstate a rapid adapted response. We know, according to studies on bite blocks, that it is possible to retain the intelligibility of the consonants by producing unusual configurations of the vocal tract in order to overcome the removal of the activity of an articulator. So, we neutralised the jaw activity by means of bite blocks in order to observe the movements of the tongue (with Reading’s EPG system). A corpus of twelve repetitions of CVC sequences, of /t/ and /d/ with /a/ or /i/ vowels was recorded with the EPG system by two French native speakers, with and without bite blocks. Measures are taken on the basis of a manual segmentation of articulatory events, allowing a spatial and temporal analysis of the tongue movements. Therefore, spatial and temporal changes of the tongue configurations palliate the immobilization of the mandibule: duration and amplitude of the articulatory gesture are modified by the bite-blocks to compensate the jaw immobility. Compensations are immediate and selective. A hierarchy of compensation could exists and seems to govern the production of speech: strong constraints involve incomplete compensation, weak constraints allow complete compensation. The nature of the compensation seems to depend on interspeaker variability. Implications of these results for studies on motor control in speech production can be discussed. Also, results confirm that the articulatory variability is an inherant characteristic of the speech production system. Formation Doctorale : Langage et Parole Discipline : Phonétique Mots Clés : production, occlusive, compensation, électropalatographie, contrôle moteur, gestes articulatoires. Contact : [email protected] Laboratoire Parole et Langage, UMR 6057 CNRS, Université de Provence, 29, avenue Robert Schuman, 13621 Aix en Provence.