concurrence monopolistique[1]

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Chapitre 2 : Commerce international et concurrence monopolistique Armel JACQUES PremiLre mise en ligne : 18 fØvrier 2007 Cette version : 8 avril 2007 1 Introduction Dans les modLles de Ricardo, de Heckscher-Ohlin-Samuelson et dans les modLles de concurrence la Cournot du chapitre 1, le nombre de biens produits est exogLne. Il existe un petit nombre de biens et tous sont produits dans lØquilibre dautarcie et dans lØquilibre de libre Øchange. Louverture des frontiLres ne permet pas aux consommateurs daccLder de nouveaux biens qui ne sont pas produits dans leur pays. Dans ce chapitre, au contraire, le nombre de biens produits est endogLne. Il existe un grand nombre de biens potentiels et seule une partie de ces biens potentiels est produite dans chacun des pays. Louverture des frontiLres va permettre aux consommateurs daccØder de nouveaux biens. LinterprØtation la plus courante est quil existe un nombre ni de "biens de base" (voitures, vŒtements, lms de cinØma, DVD, CD, etc), mais, que chacun de ces "biens de base" peut se dØcliner en une innitØ de variØtØs. La di/Ørence entre deux variØtØs dun mŒme bien est beaucoup plus faible quentre deux biens di/Ørents. Par exemple, le bien "repas au restaurant" se dØcline en un grand nombre de variØtØs di/Ørentes : restaurants chinois, indiens, japonais, franais, italiens, etc. De mŒme, on peut distinguer di/Ørentes variØtØs de lms : lms franais psychologiques, lms dactions amØricains, massala movies, lms japonais, dessins animØs, etc. Chacune de ces catØgories de lms regroupant des lms di/Ørents. Certaines variØtØs potentielles peuvent ne pas Œtre produites. Le nombre de variØtØs de voitures imaginables est supØrieur au nombre de modLles CERESUR, UniversitØ de La RØunion, FacultØ de Droit et dEconomie, 15, avenue RenØ Cassin, 97715 Saint-Denis messag cedex 9. Email : [email protected]. 1

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Page 1: Concurrence Monopolistique[1]

Chapitre 2 : Commerce international etconcurrence monopolistique

Armel JACQUES�

Première mise en ligne : 18 février 2007Cette version : 8 avril 2007

1 Introduction

Dans les modèles de Ricardo, de Heckscher-Ohlin-Samuelson et dans les modèles de concurrence à la

Cournot du chapitre 1, le nombre de biens produits est exogène. Il existe un petit nombre de biens

et tous sont produits dans l�équilibre d�autarcie et dans l�équilibre de libre échange. L�ouverture

des frontières ne permet pas aux consommateurs d�accèder à de nouveaux biens qui ne sont pas

produits dans leur pays. Dans ce chapitre, au contraire, le nombre de biens produits est endogène.

Il existe un grand nombre de biens potentiels et seule une partie de ces biens potentiels est produite

dans chacun des pays. L�ouverture des frontières va permettre aux consommateurs d�accéder à de

nouveaux biens.

L�interprétation la plus courante est qu�il existe un nombre �ni de "biens de base" (voitures,

vêtements, �lms de cinéma, DVD, CD, etc), mais, que chacun de ces "biens de base" peut se

décliner en une in�nité de variétés. La di¤érence entre deux variétés d�un même bien est beaucoup

plus faible qu�entre deux biens di¤érents. Par exemple, le bien "repas au restaurant" se décline en

un grand nombre de variétés di¤érentes : restaurants chinois, indiens, japonais, français, italiens,

etc. De même, on peut distinguer di¤érentes variétés de �lms : �lms français psychologiques,

�lms d�actions américains, massala movies, �lms japonais, dessins animés, etc. Chacune de ces

catégories de �lms regroupant des �lms di¤érents. Certaines variétés potentielles peuvent ne pas

être produites. Le nombre de variétés de voitures imaginables est supérieur au nombre de modèles

�CERESUR, Université de La Réunion, Faculté de Droit et d�Economie, 15, avenue RenéCassin, 97715 Saint-Denis messag cedex 9. Email : [email protected].

1

Page 2: Concurrence Monopolistique[1]

réellement disponibles.

Pour représenter formellement cette di¤érence entre biens di¤érents et variétés di¤érentes, on

peut introduire des fonctions d�utilité à deux niveaux :

U = U [u1 (:) ; u2 (:) ; :::; uI (:)]

où ui (:) est la "sous-utilité" engendrée par la consommation du bien i et U (:) est une fonction

d�utilité d�un niveau plus élevé qui transforme les sous-utilités associées à chacun des biens en un

niveau global de bien-être. On va supposer que si le bien i est un bien homogène (blé, eau, électricité,

etc) alors ui (:) ne dépend que de la quantité du bien consommée Di, et plus particulièrement, on

va poser : ui (Di) � Di. Si, au contraire, le bien i est un bien di¤érencié, alors ui (:) va dépendre dela quantité de chaque variété consommée.

Le goût pour la variété peut être modélisé de deux façons di¤érentes. On peut supposer que

pour certains biens, les individus ont un goût pour la diversité. Par exemple, en matière culinaire,

les individus peuvent apprécier de varier : manger chinois, indien, japonais, libanais, etc plutôt

que toujours chinois. De même, les individus peuvent préférer voir un �lm romantique indien, un

�lm policier hong-kongais et un dessin animé japonais plutôt que trois �lms policiers hong-kongais.

Les consommateurs considèrent que toutes les variétés sont de qualités équivalentes. Des �lms

avec Sharukh Khan, Gérard Depardieu, Al Pacino ou Takeshi Kitano1 sont considérés comme des

produits di¤érents mais de qualité égale. A l�inverse pour d�autres biens, on peut supposer que

les individus ont une variété idéale et essayeront d�obtenir une variété qui s�en rapprochera le plus

possible. On peut, par exemple, penser que c�est le cas pour les automobiles. Si, cependant, cette

variété idéale est di¤érente pour chacun des individus composant la population, au niveau agrégé,

on aura une préférence pour la diversité comme dans le cas précédent. Plus il y aura de modèles

proposés et plus les individus auront de chance de trouver un modèle proche de celui de leurs rêves.

Le bien-être de l�ensemble de la population aura, donc, tendance à augmenter lorsque le nombre de

variétés disponibles augmente. Dans ce chapitre, on va développer la première approche2 : chacun

des individus a un goût pour la diversité3 .

On a vu, dans le chapitre sur la di¤érenciation horizontale du cours d�économie industrielle, que

les �rmes peuvent développer des stratégies assez sophistiquées de positionnement de leurs produits

1Alternative : Scarlett Johansson, Virginie Ledoyen, Zhang Ziyi ou Rani Mukherjee.2Cette approche est basée sur les travaux d�économie industrielle de Spence (1976) et Dixit

et Stiglitz (1977).3Les étudiants intéressés par la seconde approche peuvent se reporter à Helpman et Krug-

man (1985) ou à Lancaster (1980).

2

Page 3: Concurrence Monopolistique[1]

par rapport à ceux des �rmes concurrentes. Intégrer ce type de stratégies dans un modèle d�équilibre

général serait trop compliqué. On supposera, donc, que les consommateurs considèrent que toutes

les variétés d�un même bien sont symétriques. Le bien-être des consommateurs dépendra, donc,

du nombre de variétés disponibles et non de leurs caractéristiques précises. On supposera aussi que

l�évaluation des biens par les consommateurs ne dépend pas de leur lieu de production. Par exemple,

les consommateurs ne supposent pas a priori qu�une voiture produite en Allemagne est de meilleure

qualité qu�une voiture produite en Italie. Autre exemple, un cinéphile français attribue la même

valeur à un �lm étranger qu�à un �lm français. On évacue, donc, tous les problèmes de di¤érences

de qualité, de préférences nationales, d�information imparfaite sur les biens importés, etc4 .

Dans ce chapitre, la variable stratégique choisie par les �rmes sera le prix. On sait que la con-

currence en prix peut rendre la résolution des modèles assez complexe. Pour simpli�er l�analyse, on

supposera que le nombre de �rmes est "grand", ce qui permettra de supprimer les aspects stratégiques

liés à la �xation du prix.

On fera, donc, des hypothèses assez restrictives sur les préférences des consommateurs et sur les

fonctions de coût des �rmes a�n d�essayer de conserver des modèles relativement simples.

Dans ce chapitre, on va présenter trois modèles, tous dus à Krugman. Le premier permet de

rendre endogène le nombre de biens et d�étudier l�e¤et des échanges sur le nombre de biens produits

et le niveau de production par �rme. Le deuxième modèle étudie les e¤ets dans ce type de modèles

de di¤érences factorielles entre les pays. Le troisième modèle étudie l�impact de l�introduction de

coûts de transport.

2 Modèle de Krugman (1979)

L�une des premières études formalisées qui endogénise le nombre de biens produits est due à Krugman

(1979)5 , qui a transposé à l�économie internationale le modèle de Dixit et Stiglitz (1977).

4Ces problèmes feront l�objet (sous réserve de temps) d�un autre chapitre (en coursd�écriture).

5L�idée était dans "l�air du temps" et plusieurs autres études ont développé des modèlessimilaires a peu près simultanément : Helpman (1981), Lancaster (1980), Lawrence et Spiller(1983), parmi d�autres. Une première synthèse de ces travaux a été réalisée par Helpman(1984).

3

Page 4: Concurrence Monopolistique[1]

2.1 Hypothèses du modèle

L�économie ne contient qu�un seul facteur de production : le travail. Ce facteur peut être utilisé

pour produire un grand nombre de biens. Le nombre de biens produits, n, est grand mais inférieur

au nombre de biens pouvant potentiellement être produits.

Tous les individus ont la même fonction d�utilité :

U =nXi=1

v (ci) avec v0 > 0 et v00 < 0

où ci représente la quantité consommée du bien i. La fonction v (:) est concave. Le bien-être d�un

individu augmente donc lorsqu�il consomme un peu plus d�un bien mais de moins en moins. En

revanche, la fonction U est additive. Le bien-être apporté par la consommation de l�un des biens ne

dépend pas des quantités consommées des autres biens. Avec ce type de fonction d�utilité, si tous

les biens sont vendus au même prix, le consommateur va acheter la même quantité de chacun de ces

biens. En outre, si n augmente et que le prix des biens reste identique, le bien-être du consommateur

augmente. Il y a donc un goût pour la diversité.

On dé�nit la variable, ", qui sera très utile dans la suite, de la façon suivante :

"i = �v0

v00ci

et on fait l�hypothèse que @"i@ci

< 0. Cette hypothèse est importante et conditionne une partie des

résultats obtenus. La variable "i va se révéler être l�élasticité de la demande à laquelle un producteur

individuel est confronté.

La quantité de travail nécessaire pour produire un bien se décompose en un coût �xe de mise au

point du bien et un coût variable constant :

li = �+ �xi �; � > 0 i = 1; :::; n

où li est la quantité de travail utilisée pour produire le bien i et xi est la quantité produite de ce

bien. Le coût moyen est, donc, décroissant et le coût marginal de production est constant.

L�o¤re de travail est exogène. Elle est égale à L. On note w le taux de salaire.

2.2 Equilibre en autarcie

On commence par déterminer l�équilibre d�autarcie avant de le comparer à l�équilibre de libre échange

pour caractériser les e¤ets des échanges.

4

Page 5: Concurrence Monopolistique[1]

2.2.1 Conditions d�équilibre

Pour que l�économie soit au point d�équilibre, trois conditions doivent être remplies.

1) Le marché de chacun des biens produits doit être en équilibre. L�o¤re du bien i, égale à xi,

doit être égale à la demande du bien i, égale à la quantité demandée par un consommateur multipliée

par le nombre de consommateurs.

xi = Lci

2) Le marché du travail doit, lui aussi, être en équilibre. On suppose que le taux de salaire est

parfaitement �exible et qu�il s�ajuste pour assurer l�équilibre du marché du travail.

L =nXi=1

(�+ �xi)

3) Il y a libre entrée et libre sortie, donc, le pro�t des �rmes à l�équilibre doit être nul.

2.2.2 Calcul de l�équilibre

On cherche à déterminer les valeurs de trois variables : le prix auquel est vendu chacun des biens

(prix relatif par rapport au taux de salaire), le niveau de production de chaque bien et le nombre

de biens produits. Comme le modèle est symétrique, tous les biens seront proposés au même prix et

les quantités produites seront identiques : p = pi et x = xi, pour tous les i.

On va d�abord déterminer la demande qui s�adresse à chacune des �rmes. On déterminera,

ensuite, le prix et la quantité choisis par chaque �rme. On utilisera, en�n, la condition de pro�t nul

pour déterminer le nombre de biens e¤ectivement produits à l�équilibre.

Comportement des consommateurs : Les consommateurs maximisent leur utilité sous leur

contrainte de revenu. Le revenu de chaque consommateur est constitué de la rémunération de son

travail et égal à w.

Le programme du consommateur représentatif est :

maxc1;:::;cn

nXi=1

v (ci) s=cnXi=1

pici � w

Les conditions de premier ordre du programme de maximisation des consommateurs sont :

v0 (ci)� �pi = 0 i = 1; :::; n

5

Page 6: Concurrence Monopolistique[1]

où � est le multiplicateur de Lagrange et peut être interprété comme l�utilité marginale du revenu.

On en déduit :

pi = ��1v0 (ci) = �

�1v0�xiL

�i = 1; :::; n

Si le nombre de biens est grand, l�e¤et du prix d�une �rme sur l�utilité marginale du revenu d�un

consommateur est négligeable et chaque �rme va considérer la valeur de � comme indépendante

de sa décision de prix. Dans ce cas, l�élasticité de la fonction de demande de la �rme i va être

(approximativement) égale à "i = � v0

v00ci.

Rappel : L�élasticité de la demande d�un bien est égale à6 :

" = �dqq

dpp

= �p� dqq � dp = �

p

q

dq

dp= �p

q

1dpdq

Dans l�exemple :

"i ' ���1v0 (ci)

ci

1

��1v00 (ci)= � v0 (ci)

v00 (ci) ci

Comportement des �rmes : Chaque �rme est très petite par rapport à la taille de l�économie.

Chaque �rme considère, donc, que son prix n�a pas qu�une in�uence négligeable sur les prix choisis

par les autres �rmes. Le grand nombre de �rmes permet, donc, de négliger les e¤ets stratégiques.

Le pro�t d�une �rme i est égal à :

�i = pixi (pi)� (�+ �xi (pi))w

Pour trouver le prix choisi par la �rme i, on dérive sa fonction de pro�t par rapport à son prix

et on recherche la valeur de ce prix qui annule cette expression.

d�idpi

= 0, xi (pi) + pidxidpi

� dxidpi

�w = 0, xi (pi) + (pi � �w)dxidpi

= 0

, pi � �w = �xi (pi)dxidpi

, pi � �wpi

= �xi (pi)pidxidpi

, pi � �wpi

=1

"

, pi � �w =1

"pi , pi �

1

"pi = �w ,

"� 1"pi = �w , pi =

"

"� 1�w

On a donc :

pi ="

"� 1�w

6Attention : La dé�nition de l�élasticité change d�un manuel à l�autre. Certains manuelsdé�nissent l�élasticité comme : " = � p

qdqdp, tandis que d�autres la dé�nissent comme " = p

qdqdp.

Le plus simple est souvent d�employer la valeur absolue de l�élasticité, j"j, qui est la mêmepour les deux dé�nitions.

6

Page 7: Concurrence Monopolistique[1]

D�où :p

w=

�"

"� 1

On ne connaît pas encore la valeur du prix de chacun des biens puisque la valeur de l�élasticité

dépend du point de la fonction de demande où elle est mesurée, donc, du prix choisi par les �rmes.

Pour déterminer simultanément les valeurs de p et de x, on va combiner la relation que l�on vient

de trouver et la condition de pro�t nul à l�équilibre de long terme. On peut construire un graphique

en plaçant c en abscisse et pw en ordonnée. La relation p

w = �""�1 est une fonction croissante dans

ce graphique, notée PP, (car, on a supposé que " est une fonction décroissante de c). La seconde

relation s�écrit :

px� (�+ �x)w = 0, px = (�+ �x)w , p

w=�

x+ �

Or :

x = Lc

d�où :p

w=�

x+ � =

Lc+ �

On obtient donc une fonction croissante, notée ZZ. L�intersection de ces deux courbes détermine

l�équilibre du modèle et les valeurs de c et de pw .

graphe

On peut obtenir le nombre de biens produits à l�équilibre, en utilisant la condition d�équilibre

sur le marché du travail :

L = n (�+ �x), n =L

�+ �x

On ne peut pas déterminer quels sont les biens produits. Mais, comme les biens sont parfaite-

ment symétriques, la seule information importante est le nombre de biens produits et non pas leurs

caractéristiques.

Pour obtenir des expressions précises de p, x et n, il faudrait préciser la forme de la fonction

v (c). Cependant, si on prend une forme simple pour v (c), certains e¤ets potentiels disparaissent.

Il semble, donc, préférable, pour l�instant, d�adopter une approche graphique et de déduire les

principaux résultats du graphique précédent.

7

Page 8: Concurrence Monopolistique[1]

2.3 E¤et du commerce international

Avant d�étudier directement les e¤ets du commerce international, on analyse les e¤ets d�une aug-

mentation du nombre de travailleurs dans l�économie. Beaucoup des e¤ets du commerce seront dus

à une augmentation de L.

2.3.1 E¤et d�une augmentation de L

Une augmentation de L n�a pas d�e¤et sur la courbe PP mais elle entraîne un déplacement vers la

gauche de la courbe ZZ. Une augmentation de L entraîne, donc, une diminution du prix des biens

par rapport au salaire (p=w diminue) et une diminution de la quantité de chaque bien consommée

par chacun des individus (c diminue). Cependant, l�économie comprend un plus grand nombre de

personnes et, malgré la diminution de c, la consommation totale, x, de chaque bien augmente. En

e¤et :p

w=�

x+ � , p

wx = �+ �x, x =

�pw � �

Une diminution de pw entraîne, donc, une augmentation de x. Une augmentation du nombre de

travailleurs dans l�économie entraîne une augmentation de la production de chaque �rme. Ce qui

se traduit par une diminution du coût moyen de production et une diminution du prix de vente des

biens (mesuré en unités de travail).

Une augmentation de L et une diminution de c entraîne une augmentation de n.

n =L

�+ �x=

L

�+ �Lc

Le rapport p=w a diminué et c a diminué. Les consommateurs ont un pouvoir d�achat plus

important et ils consomment moins de chaque bien, il faut donc que le nombre de biens augmente

pour que la contrainte budgétaire des consommateurs continue d�être saturée.

Le bien-être des travailleurs augmente. Leur pouvoir d�achat a augmenté et ils ont accès à un

plus grand nombre de biens.

2.3.2 E¤ets du commerce international

On suppose que le monde est composé de deux économies identiques à celles décrites dans la section

précédente. Les deux pays sont identiques, L = L�. Il n�y a pas de di¤érences de préférences entre

les consommateurs des deux pays. Il n�y a pas non plus de di¤érences de technologies entre les deux

8

Page 9: Concurrence Monopolistique[1]

pays. Et, comme il n�y a qu�un facteur de production, il n�y a pas de di¤érences de dotations relatives

en facteurs de production. Les théories traditionnelles du commerce international (Ricardo, HOS)

prédisent, donc, qu�il n�y aura pas de commerce entre les deux pays. On va, cependant, montrer

qu�il y a du commerce à l�équilibre de libre échange et des gains à l�échange.

Gains à l�échange : On suppose que les deux pays peuvent échanger des biens avec un coût de

transport nul. L�ouverture des frontières a le même e¤et dans chacun des pays qu�une augmentation

de la force de travail. Les deux pays mettent en commun leur dotation en travail et la nouvelle

économie dispose d�une force de travail égale à L+L�. Le rapport p=w diminue dans les deux pays

et la quantité produite par chaque �rme, x, augmente dans les deux pays. Chaque consommateur

voit son pouvoir d�achat augmenter et a accès à un plus grand nombre de biens. Le bien-être des

habitants des deux pays augmente.

Dans chaque pays, l�ouverture des frontières va entraîner la fermeture de certaines entreprises. x

augmente dans chaque �rme. Le nombre de personnes travaillant à la production des biens augmente

donc. Comme la quantité de travail disponible est �xe, il faut parallèlement réduire le nombre de

personnes travaillant à la conception des biens. Le nombre de biens produits dans le monde diminue

après l�ouverture des frontières. Mais, comme les consommateurs ont accès à l�ensemble des biens

produits et non plus seulement à ceux produits dans leur pays, ils ont accès à un plus grand nombre

de biens.

Volume des échanges : Les pays et les biens étant symétriques, il n�est pas possible de prédire

à l�avance quel pays produira quels biens. On peut juste prédire qu�un bien ne sera produit que

dans un seul pays (au plus, certains biens potentiels ne sont pas produits) et que le nombre de biens

produits par chaque pays est proportionnel à sa dotation en travail.

n =L

�+ �xn� =

L�

�+ �x

La valeur des importations du pays H est égale à :

M = wL� L�

L+ L�= wL� � L

L+ L�=M�

Le volume de ces échanges est maximum lorsque LL� est maximum. Donc, lorsque les pays sont

de même taille. Plus les pays sont identiques et plus le volume des échanges est élevé. On avait

exactement la relation inverse avec les théories traditionnelles du commerce international. Dans le

9

Page 10: Concurrence Monopolistique[1]

modèle HOS, lorsque les pays ont les mêmes dotations relatives en facteurs, le volume des échanges

internationaux est nul.

2.4 Conclusion

L�existence d�économies d�échelle donne lieu à des échanges et à des gains à l�échange même en

l�absence de di¤érences de préférences, de technologies et de dotations factorielles. L�ouverture des

frontières permet d�augmenter la taille du marché et de mieux exploiter les économies d�échelle.

On va s�intéresser à deux extensions de ce modèle. Dans la première, on va introduire des

di¤érences de dotations factorielles entre les deux pays. Dans la seconde, on analyse les e¤ets de

l�introduction de coûts de transport.

3 Commerce intrabranche et gains aux échanges

Le modèle précédent a montré que l�existence d�économies d�échelle pouvait être une cause des

échanges internationaux. Il semble intéressant de faire interagir cette nouvelle explication du com-

merce internationale avec des explications plus traditionnelles comme les di¤érences de dotations

factorielles entre les pays. Krugman (1981) a construit un modèle mélangeant économies d�échelle

et di¤érences de dotations en facteurs de production. Cet exercice a deux objectifs principaux

: (1) étudier les déterminants de la décomposition des échanges entre commerce intra-branche et

inter-branche, (2) étudier comment le commerce international modi�e les rémunérations des dif-

férents facteurs de production. Dans le modèle de HOS, on sait que le commerce international

est globalement pro�table pour tous les pays, mais, à l�intérieur de chacun des pays les détenteurs

de certains facteurs de production voient leur bien-être diminuer si des mesures de redistribution

n�accompagnent pas l�ouverture des frontières. Krugman (1981) montre que, dans son modèle, le

commerce international peut, pour certaines valeurs des paramètres, être pro�table pour tous les

agents même en l�absence de mesures de redistribution des gains.

3.1 Hypothèses

Pour pouvoir étudier ces deux problématiques, il faut introduire un second facteur de production

et introduire une distinction nette entre au moins deux secteurs de production. Krugman (1981)

suppose, donc, que l�économie est composée de deux secteurs, chacun produisant un grand nombre

de biens di¤érenciés et il suppose que les travailleurs peuvent produire toutes les variétés de bien

10

Page 11: Concurrence Monopolistique[1]

d�un même secteur mais sont spécialisés dans les méthodes de production d�un seul secteur. La

population des travailleurs est, donc, séparée en deux parties. Une partie des travailleurs ne peut

travailler que dans le secteur 1 tandis que l�autre partie ne peut travailler que dans le secteur 2. La

mobilité inter-sectorielle est nulle.

3.1.1 Consommation

La fonction d�utilité des consommateurs est une fonction d�utilité à deux niveaux. Il existe deux

types de biens. La fonction d�utilité des consommateurs pour ces deux biens est de type Cobb-

Douglas. Ces deux types de biens se déclinent en un grand nombre de variétés. On dé�nit, donc, des

sous-fonctions d�utilité pour prendre en compte la consommation de variétés di¤érentes d�un bien.

La fonction d�utilité suivante permet de capturer ces di¤érents points :

U = ln

N1Xi=1

c�1;i

!1=�+ ln

0@ N2Xj=1

c�2;j

1A1=�

avec 0 < � < 1

où c1;i représente la quantité consommée de la variété i du bien 1. N1 et N2 représentent les nombres

de variétés potentielles du bien pouvant exister. Ces nombres sont supposés être très grands et à

l�équilibre les nombres de variétés e¤ectivement produites (que l�on notera : n1 et n2) seront inférieurs

à ces maxima.

Cette fonction d�utilité a plusieurs propriétés qui vont se révéler très utiles : (1) la maximisation

de cette fonction sous contrainte de revenu conduit chacun des consommateurs à dépenser la moitié

de son revenu dans l�achat de chacun des biens (propriété standard de la fonction Cobb-Douglas), (2)

si le nombre de produits est grand, l�élasticité de la demande qui s�adresse à chacun des producteurs

va être égale à 1= (1� �) et (3) elle permet de calculer les pertes et les gains dus au commerceinternational sans trop de di¢ cultés.

La forme fonctionnelle retenue pour la fonction d�utilité des consommateurs est plus simple que

celle de Krugman (1979). Notamment, l�élasticité de la demande ne dépend plus de la quantité

consommée. Cela va permettre de simpli�er beaucoup les calculs et notamment d�obtenir des for-

mules explicites pour toutes les variables du modèle. La contrepartie de cette simpli�cation est

que le niveau de production de chaque �rme devient indépendant de L (et de z)7 . Les e¤ets du

commerce international sur l�échelle de production des �rmes qui étaient présents dans Krugman

(1979) n�apparaissent plus dans ce modèle.

7z sera dé�ni un peu plus loin.

11

Page 12: Concurrence Monopolistique[1]

3.1.2 Production

Dans cette économie, il n�y a que deux facteurs de production, chacun étant totalement spéci�que

à une industrie. En revanche, les facteurs de production ne sont pas spéci�ques à une variété

particulière d�une industrie. On appelle le premier facteur de production : travail de type 1 et le

second : travail de type 2.

La quantité de travail nécessaire pour produire une variété particulière d�un bien se décompose

en un coût �xe de mise au point du produit et un coût variable constant :

l1;i = �+ �x1;i i = 1; :::; n1

l2;j = �+ �x2;j j = 1; :::; n2

où l1;i est la quantité de travail utilisée pour produire la variété i de l�industrie 1, et x1;i est la

quantité de cette variété obtenue.

On note w1 et w2 les taux de salaires des deux types de travail.

L�o¤re de chaque type de travail est exogène. Elle est égale à L1 = 2�z pour le type de travail 1et à L2 = z pour le type de travail 2. z est un paramètre compris entre 0 et 1, qui va servir plus tard

pour étudier l�e¤et du commerce international sur la distribution des revenus. La quantité totale de

travail disponible dans l�économie est égale à 2 et le paramètre z indique comment elle se répartit

entre les deux secteurs.

Les conditions d�équilibre sur les deux marchés du travail sont :

n1Xi=1

l1;i = L1 = 2� z

n2Xj=1

l2;j = L2 = z

3.2 Equilibre d�autarcie

On s�intéresse, d�abord, à la stratégie des �rmes. Le nombre de produits potentiels étant très grand

et les coûts de production des di¤érentes variétés étant identiques, chacune des �rmes va décider de

produire une variété di¤érente de celles de ses concurrentes8 . Le modèle ne permet pas de déterminer

quelles variétés seront précisément produites mais cette information ne joue pas un rôle important.

8Si deux �rmes produisaient un produit identique, la concurrence en prix conduirait à �xerun prix égal au coût marginal et les �rmes ne pourraient pas couvrir leur coût �xe.

12

Page 13: Concurrence Monopolistique[1]

Les �rmes �xent le prix qui maximise leur pro�t. A l�équilibre, on aura donc :

p1 � cp1

=1

j"jLe coût marginal de production dans le secteur 1 est égal à �w1 ; il reste à déterminer l�élasticité de

la demande qui s�adresse à chacune des �rmes.

Les consommateurs maximisent leur utilité sous contrainte de revenu. Le lagrangien associé à ce

programme est égal à :

Lag = ln

N1Xi=1

c�1;i

!1=�+ ln

0@ N2Xj=1

c�2;j

1A1=�

� �

0@ n1Xi=1

(p1;ic1;i) +

n2Xj=1

(p2;jc2;j)� w

1AEn dérivant par rapport à c1;i et en égalisant à 0, on obtient :

1

��c��11;i

N1Xi=1

c�1;i

� �p1;i = 0, �p1;i =c��11;i

N1Xi=1

c�1;i

, p1;i =c��11;i

N1Xi=1

c�1;i

, c�(1��)1;i =

N1Xi=1

c�1;i

!p1;i , c1;i =

N1Xi=1

c�1;i

!(p1;i)

� 11��

Si le nombre de produits est su¢ sament élevé alors la dépense pour la variété i est faible par rapport

au montant total dépensé pour le bien 1 et le terme

N1Xi=1

c�1;i

!peut être considéré comme constant.

La fonction demande a alors une élasticité constante égale à9 11�� .

En introduisant cette valeur dans la règle de �xation de prix des �rmes, il vient :

p1 � cp1

=1

j"j ,p1 � �w1

p1= (1� �), p1 � �w1 = p1 (1� �)

, p1 � p1 (1� �) = �w1 , p1� = �w1 , p1 = ��1�w1

De même :

p2 = ��1�w2

Les �rmes �xent, donc, un prix égal au coût marginal plus un certain pourcentage de ce coût10 .9

"i = �p

q

dq

dp' �

p1;i0@�N1Xi=1

c�1;i

1A (p1;i)� 11��

�� 1

1� �

�0@�N1Xi=1

c�1;i

1A (p1;i)� 11���1 =

1

1� �

10Cette règle de �xation du prix apparaît à chaque fois que l�élasticité de la demande estconstante.

13

Page 14: Concurrence Monopolistique[1]

Plus � est faible et plus les produits sont di¤érenciés. On remarque que � est égal au rapport du

coût marginal sur le prix, qui est égal au coût moyen (pro�t nul) :

p1 = ��1�w1 , � =

�w1p1

On va, maintenant, déterminer la quantité produite par chacune des �rmes.

Les pro�ts des �rmes sont égaux à :

�1 = p1x1 � (�+ �x1)w1

�2 = p2x2 � (�+ �x2)w2

La condition de libre entrée impose qu�à l�équilibre le pro�t des �rmes est nul : �1 = �2 = 0. Il

vient :

�1 = 0, p1x1 � (�+ �x1)w1 = 0, ��1�w1x1 � (�+ �x1)w1 = 0

, ��1�x1 � (�+ �x1) = 0, ��1�x1 � �x1 = �,�1

�� 1�x1 =

, 1� ��x1 =

�, x1 =

1� �

De même :

x2 =�

1� �

Contrairement au modèle précédent, on constate que la production de chaque �rme est in-

dépedante de L et de z. Cette indépendance vient de l�hypothèse que les fonctions de demande

sont à élasticité constante.

On va utiliser les conditions d�équilibre des marchés du travail pour déterminer le nombre de

variétés produites :

n1Xi=1

l1;i = 2� z ,n1Xi=1

(�+ �x1;i) = 2� z , n1 (�+ �x1) = 2� z , n1 =2� z�+ �x1

n2Xj=1

l2;j = z ,n2Xj=1

(�+ �x2;j) = z , n2 (�+ �x2) = z , n2 =z

�+ �x2

Il reste à déterminer le ratio des salaires des deux secteurs. Le salaire relatif peut être obtenu

très simplement. On sait que les consommateurs dépensent la moitié de leur revenu pour l�achat de

chacun des biens (propriété de la fonction Cobb-Douglas). La recette dans chacune des industries

est, donc, égale à la moitié des revenus. En outre, dans cette économie, les pro�ts sont nuls. Les

14

Page 15: Concurrence Monopolistique[1]

recettes dans chacun des secteurs sont donc intégralement reversées sous forme de salaires. On a

donc :

w1L1 = w2L2

ce qui implique :w1w2

=L2L1

=z

2� z

La valeur de z détermine les salaires relatifs. Si z est faible, le salaire dans l�industrie 2 est

supérieur au salaire dans l�industrie 1. L�industrie qui comprend le moins de travailleurs verse le

salaire le plus élevé.

3.3 Structure des échanges

On va, maintenant, étudier les échanges qui interviennent lorsque deux économies analogues à celles

de la section précédente sont mises en contact. On va montrer que, lorsque les deux économies ont

des dotations en facteurs très proches, l�essentiel du commerce international est de type intrabranche,

tandis que lorsque les dotations en facteurs sont très di¤érentes le commerce est surtout du commerce

interbranche (de type Heckscher-Ohlin). On suppose que les coûts de transports sont nuls.

3.3.1 Dotations en facteurs

On va dé�nir la similarité des deux pays de façon très simple à partir du paramètre z en supposant

que les dotations en facteurs des deux pays sont les suivantes :

L1 = 2� z L2 = zL�1 = z L�2 = 2� z

Où les * désignent les valeurs à l�étranger.

Si z = 1, les deux pays sont identiques. Lorsque la valeur de z diminue, les pays deviennent de

plus en plus di¤érents.

3.3.2 Indice de commerce intrabranche

On commence par dé�nir un indice permettant de mesurer l�importance du commerce intrabranche

:

I = 1�

Xk

jXk �MkjXk

(Xk +Mk)

15

Page 16: Concurrence Monopolistique[1]

où Xk mesure les exportations de l�industrie k et Mk les importations de bien k. Cet indice est égal

à 1 si le commerce est équilibré dans chacune des industries et il est égal à 0 si la spécialisation est

totale.

3.3.3 Equilibre de libre échange

Le modèle se résoud comme dans la section précédente.

La demande qui s�adresse à chacune des �rmes a une élasticité constante et identique à sa valeur

d�autarcie. Les prix qui maximisent les pro�ts des �rmes sont, donc :

p1 = ��1�w1 p2 = �

�1�w2p�1 = �

�1�w�1 p�2 = ��1�w�2

Comme les coûts de transports sont nuls, on a :

p1 = p�1 et p2 = p

�2

Les salaires versés dans chaque industrie sont, donc, identiques dans les deux pays. Comme, en

outre, le nombre de travailleurs est identique dans chacun des secteurs (à l�échelle mondiale), on a :

w1 = w�1 = w2 = w

�2

La symétrie des dotations en facteurs conduit à l�égalisation des salaires entre les pays et entre les

industries.

La condition de pro�t nul entraîne qu�à l�équilibre la taille des �rmes est :

x =��

� (1� �)

La production par �rme reste identique à son niveau d�autarcie. Cette absence d�e¤et des

échanges internationaux sur l�échelle de production des �rmes est due à la constance de l�élasticité

des fonctions de demande.

L�équilibre sur le marché du travail permet d�obtenir le nombre de variétés produites dans les

industries des di¤érents pays :

n1 = n�2 =2� z�+ �x

n2 = n�1 =z

�+ �x

16

Page 17: Concurrence Monopolistique[1]

Dans ce modèle, le commerce international conduit à une égalisation du prix des facteurs tout en

laissant les structures de production inchangées. Chaque pays produit le même nombre de chacun

des biens qu�en autarcie et produit les mêmes quantités de chacun de ces biens. Le commerce

international n�a donc aucun e¤et sur la structure de production de chacun des pays. En revanche,

l�ouverture des frontières va modi�er la consommation des travailleurs et, surtout, elle a un e¤et sur

la rémunération des travailleurs.

3.3.4 Volume et structure des échanges

Chacun des consommateurs va dépenser la moitié de son revenu dans l�achat de chacun des biens.

Il partage, ensuite, cette somme à égalité entre les di¤érentes variétés. La proportion du revenu de

chacun des consommateurs consacrée à l�achat de bien 1 produit dans le pays étranger est égale à

1/2 multiplié par la proportion de variétés du bien 1 produite à l�étranger, soit :

1

2

n�1n1 + n�1

Les taux de salaires étant identiques entre les pays et entre les industries, les revenus dans chacun

des pays sont les mêmes. On note ce revenu : Y .

Il en résulte :

X1 =1

2Y

n1n1 + n�1

=1

2Y

2�z�+�x

2�z�+�x +

z�+�x

=1

2Y

2� z2� z + z = Y

2� z4

X2 =1

2Y

n2n2 + n�2

=1

2Y

z

z + 2� z = Yz

4

M1 =1

2Y

n�1n1 + n�1

=1

2Y

z

2� z + z = Yz

4

M2 =1

2Y

n�2n2 + n�2

=1

2Y

2� z2� z + z = Y

2� z4

Remarque : la valeur des exportations est indépendante de z :

X1 +X2 = Y2� z4

+ Yz

4=1

2Y

Contrairement au modèle de Heckscher-Ohlin, le volume du commerce international ne diminue

pas lorsque les dotations en facteurs des pays convergent. La valeur de ces échanges est indépendante

des dotations relatives en facteurs des pays. En revanche, les variations de dotations relatives

entraînent une modi�cation de la composition des échanges. On le constate, en calculant la valeur

17

Page 18: Concurrence Monopolistique[1]

de l�indice de commerce intrabranche :

I = 1� jX1 �M1j+ jX2 �M2j(X1 +M1) + (X2 +M2)

= 1��� 12Y

2�z2 � 1

2Yz2

��+ �� 12Y z2 �

12Y

2�z2

���12Y

2�z2 + 1

2Yz2

�+�12Y

z2 +

12Y

2�z2

�= 1�

�� 2�z2 � z

2

��+ �� z2 � 2�z2

���2�z2 + z

2

�+�z2 +

2�z2

� = 1� �� 2�2z2 ��+ ��� 2�2z2

���22

�+�22

�= 1� 1� z + 1� z

2= 1� 2� 2z

2= 1� 1 + z = z

On obtient une expression très simple :

I = z

L�indice du commerce intrabranche est égal au paramètre mesurant les di¤érences de répartition

des facteurs de production entre les deux pays. Si les pays sont identiques, I = 1. La totalité du

commerce international est du commerce intrabranche. Si les pays sont diamètralement di¤érents,

z = 0, alors I = 0, et la totalité du commerce international est composée de commerce interbranche.

3.4 E¤ets des échanges sur le bien-être

On va, maintenant, s�intéresser à l�impact du commerce international sur le bien-être des di¤érents

agents. Dans le modèle de Heckscher-Ohlin, le bien-être augmente globalement dans les deux pays,

mais, le commerce international a aussi un e¤et important sur la répartition des revenus à l�intérieur

des pays et certains agents (ceux qui possèdent les facteurs de production relativement rares en

autarcie) voient leur situation se dégrader. Dans ce modèle, le commerce international a aussi un

e¤et important sur les salaires. Le commerce provoque, dans chaque pays, une égalisation des salaires

dans les deux secteurs. Le commerce international provoque une modi�cation de la répartition des

salaires au béné�ce des salariés appartenant au secteur où le nombre de salariés est le plus élevé et

au détriment des salariés de l�autre secteur. Parallèlement, le commerce international permet à tous

les consommateurs d�avoir accès à un plus grand nombre de biens. Comme les consommateurs ont

un goût pour la diversité, ce second e¤et est béné�que pour tous les agents. Le problème que l�on

va, maintenant, étudier est de savoir si ce second e¤et est su¢ samment fort pour que tous les agents

gagnent à l�ouverture des frontières, même si aucune mesure de redistribution des gains de l�échange

n�est introduite parallèlement à l�ouverture des frontières.

Pour le savoir, on va calculer l�utilité d�un individu recevant un salaire w. Cet individu va

consacrer la moitié de son revenu à l�achat de chacun des biens et partager cette somme entre les

18

Page 19: Concurrence Monopolistique[1]

di¤érentes variétés disponibles. Son niveau d�utilité va donc dépendre de son revenu, du prix des

biens et du nombre de variétés disponibles.

U = ln

N1Xi=1

c�1;i

!1=�+ ln

0@ N2Xj=1

c�2;j

1A1=�

= ln

n1

�w

2n1p1

��!1=�+ ln

n2

�w

2n2p2

��!1=�

=1

�ln

n1

�w

2n1p1

��!+1

�ln

n2

�w

2n2p2

��!

=1

�lnn1 +

1

�ln

�w

2n1p1

��+1

�lnn2 +

1

�ln

�w

2n2p2

��=

1

�lnn1 + ln

�w

2n1p1

�+1

�lnn2 + ln

�w

2n2p2

=1

�lnn1 + ln

�w

p1

�+ ln

�1

2

�+ ln

�1

n1

�+1

�lnn2 + ln

�w

p2

�+ ln

�1

2

�+ ln

�1

n2

�=

1

�lnn1 + ln

�w

p1

�� ln 2� lnn1 +

1

�lnn2 + ln

�w

p2

�� ln 2� lnn2

= �2 ln 2 + ln�w

p1

�+ ln

�w

p2

�+

�1

�� 1�lnn1 +

�1

�� 1�lnn2

= �2 ln 2 + ln�w

p1

�+ ln

�w

p2

�+

�1� ��

�lnn1 +

�1� ��

�lnn2

On peut négliger le premier terme, qui est une constante. On va donc s�intéresser à l�évolution

des deux valeurs suivantes :

U1 = ln

�w1p1

�+ ln

�w1p2

�+

�1� ��

�lnn1 +

�1� ��

�lnn2

U2 = ln

�w2p1

�+ ln

�w2p2

�+

�1� ��

�lnn1 +

�1� ��

�lnn2

Lorsqu�on ouvre les frontières, il y a deux e¤ets sur le bien-être des agents. Le premier est une

modi�cation de la distribution des revenus lorsque les taux de salaire convergent. w1p1et w2

p2restent

constant. En revanche, w1p2augmente dans le pays 1 et w2

p1diminue. Le commerce international

provoque une augmentation de la rémunération du facteur relativement abondant et une diminution

de la rémunération du facteur relativement rare. Le second e¤et est une augmentation du nombre

de variétés disponibles pour chacun des biens. La structure de la production reste identique, mais,

chacun des consommateurs a accès aux variétés des deux pays. Sa gamme de choix augmente donc.

Ce second e¤et est béné�que pour tous les agents.

Les deux e¤ets étant favorables pour les travailleurs du secteur 1 (du pays 1), leur bien-être

augmente.

19

Page 20: Concurrence Monopolistique[1]

Pour les personnes travaillant dans le secteur 2 (du pays 1), les deux e¤ets sont de sens opposés.

On doit donc recourir au calcul pour voir lequel l�emporte (les "�" indiquent les valeurs de libre

échange ; l�absence de "�" indique les valeurs d�autarcie) :

U 02 � U2 = ln

�w02p01=w2p1

�+ ln

�w02p02=w2p2

�+

�1� ��

�ln (n01=n1) +

�1� ��

�ln (n02=n2)

= ln

�z

2� z

�+ ln (1) +

�1� ��

�ln

�2

2� z

�+

�1� ��

�ln

�2

z

�= ln z � ln (2� z) +

�1� ��

�ln 2�

�1� ��

�ln (2� z) +

�1� ��

�ln 2�

�1� ��

�ln z

=2� � 1�

ln z � 1�ln (2� z) + 2� 2�

�ln 2

Si � < 0; 5, alors les travailleurs du secteur 2 voient leur situation s�améliorer. En e¤et, le

premier terme est positif (produit de deux termes négatifs) et le troisième terme est plus grand que

le second. Donc si les produits sont su¢ samment di¤érenciés, tous les agents gagnent à

l�ouverture des frontières. Les consommateurs attachent beaucoup d�importance à la diversité

de leur consommation et cet e¤et est su¢ samment fort pour dominer les e¤ets de modi�cation du

pouvoir d�achat.

Si � > 0; 5, alors le résultat dépend de la valeur de z, c�est à dire de la nature intrabranche ou

interbranche du commerce international. Pour ces valeurs de �, on a : (1) U 02�U2 > 0 lorsque z = 1,(2) U 02 � U2 < 0 lorsque z = 0, et (3) U 02 � U2 est une fonction strictement croissante de z. Donc siles pays ont des dotations en facteurs su¢ samment similaires, tous les agents gagnent

à l�ouverture des frontières. Si la di¤érenciation entre les di¤érentes variétés des deux biens est

faible (� > 0; 5), les consommateurs gagnent moins à accéder à une gamme de produit plus large.

Cette augmentation de la diversité de leur consommation va dominer leur perte de pouvoir d�achat si

cette dernière est faible mais pas si cette dernière est forte. Si les deux économies ont des dotations

proches (z proche de 1), la perte de pouvoir d�achat est faible et l�e¤et diversité l�emporte. Si, au

contraire, les deux économies sont très éloignées (z proche de 0), la perte de pouvoir d�achat va être

forte et elle ne sera pas compensée par l�accès à une plus grande variété de biens. Dans ce dernier

cas, il y a un con�it d�intérêt entre les travailleurs des deux secteurs à l�intérieur de chacun des pays.

Une catégorie de travailleurs béné�cie de l�ouverture des frontières tandis que l�autre catégorie voit

son bien-être diminuer.

La suppression des obstacles aux échanges entre pays ayant des dotations factorielles proches

se traduit, donc, essentiellement par l�apparition de commerce intra-branche. Ce commerce ne

modi�e pas sensiblement la répartition des richesses à l�intérieur des pays mais il permet à tous

20

Page 21: Concurrence Monopolistique[1]

les agents d�accéder à des biens plus diversi�és. En revanche, la suppression des obstacles aux

échanges entre nations ayant des dotations factorielles di¤érentes donne, surtout, naissance à du

commerce inter-branche. Ce second type de commerce entraîne une modi�cation des salaires relatifs

à l�intérieur de chacun des pays et si globalement les gains à l�échange sont positifs pour chacun des

pays, dans chacun des pays, certains agents voient leur situation se dégrader. Le premier type de

rapprochement devrait, donc, béné�cier d�un soutien politique important et faire l�unanimité, tandis

que le second type de rapprochement devrait donner naissance à des con�its d�intérêts et à des

oppositions politiques fortes. Ce modèle peut, donc, expliquer (partiellement) pourquoi l�intégration

des pays d�Europe de l�Ouest s�est faite sans véritable opposition politique11 et sans entraîner de

modi�cation importante des salaires relatifs, alors, que l�intégration des pays d�Europe Centrale et

Orientale provoque des oppositions. De même, l�augmentation des échanges commerciaux avec la

Chine et l�Inde provoque beaucoup d�appréhensions chez certaines catégories de travailleurs12 .

4 Coûts de transport

Krugman (1980) montre comment on peut introduire de façon simple des coûts de transport dans ce

type de modèle et étudie les conséquences de ces coûts de transport. Il montre que (1) à l�équilibre,

les salaires sont plus élevés dans le pays qui a le marché intérieur le plus grand et (2) les tailles

relatives des demandes domestiques des di¤érents biens peuvent in�uencer les spécialisations des

pays et la structure de leurs échanges.

On commence par présenter le modèle de base. On introduit, ensuite, les coûts de transport.

En�n, on présente les e¤ets de la demande domestique de chaque pays sur la structure de ses

échanges.

11En simpli�ant beaucoup ! Par exemple, certains agriculteurs français étaient opposés àl�entrée de l�Espagne dans la Communauté Européenne.12Si les échanges internationaux peuvent, théoriquement, provoquer des variations des

salaires relatifs, il ne faut pas exagérer l�importance de cet e¤et en pratique. Depuis lesannées 1970, les salaires des salariés peu quali�és ont tendance à diminuer aux USA tandisque ceux des travailleurs quali�és ont augmenté. En Europe, et tout particulièrement enFrance, les salaires des salariés peu quali�és n�ont pas diminué, à cause de la législation, maisle chômage de cette catégorie de travailleurs a beaucoup augmenté. Théoriquement, le com-merce international pourrait expliquer ces évolutions, mais, beaucoup d�économistes pensentque les véritables causes doivent être recherchées du côté des innovations technologiques, quiont beaucoup augmenté la productivité des travailleurs les plus quali�és et qui ont diminuéfortement les besoins de main d�oeuvre peu quali�ée. Krugman (1996) et Cohen (1997), no-tamment, avancent que les changements technologiques semblent une cause beaucoup plusprobable des évolutions salariales constatées que le commerce international. Voir aussi De-watripont, Sapir et Sekkat (1998), Freeman (1995) et Wood (1998), parmi beaucoup d�autresétudes.

21

Page 22: Concurrence Monopolistique[1]

4.1 Modèle de base

Le modèle de base est une variante des modèles précédents. Le modèle ressemble beaucoup à celui

de Krugman (1979) mais la fonction d�utilité est choisie de façon à ce que l�élasticité de la demande

de chacun des biens soit constante.

4.1.1 Hypothèses

Tous les individus ont la même fonction d�utilité :

U =nXi=1

c�i avec 0 < � < 1

où ci représente la quantité consommée du bien i. Le nombre de biens produits, n, est grand mais

inférieur au nombre de biens pouvant être potentiellement produits.

Il y a un seul facteur de production : le travail. La quantité de travail nécessaire pour produire

un bien se décompose en un coût �xe de mise au point du bien et un coût variable constant :

li = �+ �xi �; � > 0 i = 1; :::; n

où li est la quantité de travail utilisée pour produire le bien i et xi est la quantité produite de ce

bien.

L�o¤re de travail est exogène et égale à L. On note w le taux de salaire.

4.1.2 Conditions d�équilibre

Pour que le modèle soit à l�équilibre, trois conditions doivent être remplies.

1) Le marché de chacun des biens doit être en équilibre :

xi = Lci

2) Equilibre sur le marché du travail :

L =nXi=1

(�+ �xi)

3) Il y a libre entrée et libre sortie donc le pro�t des �rmes à l�équilibre doit être nul.

22

Page 23: Concurrence Monopolistique[1]

4.1.3 Equilibre d�autarcie

On commence par calculer l�équilibre de ce modèle dans la situation d�autarcie. On étudie, d�abord,

le comportement des consommateurs. On en déduit l�élasticité des fonctions de demande. On

constate que cette élasticité est constante. Cela permet de déterminer le prix choisi par les �rmes.

En utilisant, la condition de pro�t nul, on obtient la production de chacune des �rmes. En�n, on

utilise la condition d�équilibre sur le marché du travail pour déterminer le nombre de biens produits.

Elasticité des fonctions de demande : Les conditions de premier ordre du programme de

maximisation des consommateurs sont :

�c��1i � �pi = 0 i = 1; :::; n

On en déduit :

pi = ���1c��1i = ���1

�xiL

���1i = 1; :::; n

pi = ���1c��1i , ci =

���1�

�� 11�� p

� 11��

i

Si le nombre de biens est grand, l�e¤et du prix d�une �rme sur l�utilité marginale du revenu d�un

consommateur est négligeable, le terme���1�

�� 11�� peut donc être considéré comme constant et

l�élasticité des fonctions de demande peut être approximée par : 1= (1� �).

Prix et niveau de production des �rmes : Le prix qui maximise le pro�t des �rmes est alors

égal à :

pi = ��1�w i = 1; :::; n

Le pro�t des �rmes doit être nul :

�i = pxi � (�+ �xi)w = 0 i = 1; :::; n

On en déduit :

xi =�

1� � i = 1; :::; n

Nombre de biens produits : En utilisant, la condition d�équilibre du marché du travail, on

obtient le nombre de biens produits :

n =L

�+ �x=

L

�+ � ���1��

=L

��1 + �

1��

� = L (1� �)�

23

Page 24: Concurrence Monopolistique[1]

4.1.4 E¤ets des échanges

Comme dans le modèle précédent, l�ouverture des frontière ne modi�e pas l�élasticité des fonctions

de demande. Les prix choisis par les �rmes et la production par �rme sont, donc, identiques à ceux

d�autarcie.

Nombre de biens produits :

n =L (1� �)

�; n� =

L� (1� �)�

La structure de la production de chacun des pays ne se modi�e pas. Le salaire réel ne change

pas non plus. Cependant, le bien-être des consommateurs augmente car ils ont, maintenant, accès à

un plus grand nombre de biens.

Les habitants du pays 1 dépensent une proportion de leur revenu à l�achat de biens étrangers

égale à :n�

n+ n�

tandis que les consommateurs du pays 2 consacrent à l�achat de biens importés du pays 1 une

proportion de leur revenu égale à :n

n+ n�

Donc, la valeur des importations du pays 1 (mesurée en unités de salaire) est égale à :

Ln�

n+ n�= L

L�(1��)�

L(1��)� + L�(1��)

=LL�

L+ L�

Cette valeur est aussi égale à la valeur des importations du pays 2 puisque le commerce est

équilibré.

4.2 Coûts de transport

On cherche, maintenant, à introduire des coûts de transport dans ce modèle tout en gardant une

structure simple. L�astuce consiste à supposer que les coûts de transport sont de type "iceberg".

Cela signi�e que seule une fraction g du bien transporté arrive à destination. La fraction complé-

mentaire (1� g) "fond" au cours du voyage. C�est ce qui se produirait si on déplaçait un icebergde l�Antartique vers un port situé dans des eaux plus chaudes. On peut aussi imaginer que l�on

déplace du fourrage à l�aide d�un charriot tiré par des boeufs et que les boeufs sont nourris pendant

24

Page 25: Concurrence Monopolistique[1]

le voyage avec une partie du fourrage transporté. La métaphore est moins évidente si on considère

des biens manufacturés. On peut penser qu�une proportion 1 � g est alors détériorée au cours duvoyage et devient inutilisable. L�hypothèse de coût de transport de type iceberg n�est pas faite à

cause de son degré de réalisme mais parce qu�elle permet de conserver la structure "simple" du

modèle. Notamment, ce type de coût de transport ne va pas modi�er l�élasticité des fonctions de

demande. C�est la première chose que l�on va montrer. Les autres résultats en découlent.

4.2.1 Comportement des agents

Comportement des consommateurs : Lorsqu�un agent du pays 1 achète un bien produit lo-

calement, le prix p qu�il paye est égal au prix reçu par le producteur du bien. En revanche, lorsqu�il

achète un bien étranger ayant un prix p�, il doit payer un prix incluant les coûts de transport égal àbp� = p�=g (pour pouvoir consommer une unité d�un bien étranger, il doit acheter une quantité 1=gde ce bien). De même, les consommateurs étrangers payent les produits du pays 1 à un coût unitairebp = p=g.Les conditions de premier ordre du programme de maximisation des consommateurs sont :

�c��1i � �pi = 0 i = 1; :::; n

�c��1j � �bp�j = 0 j = 1; :::; n�

d�où :

�c��1i = �pi�c��1j = �bp�j

�) �c��1i

�c��1j

=�pi�bp�j ,

�cicj

���1=pibp�j

,�cjci

�1��=

pibp�j!, cjci=

pibp�j! 1

1��

Un habitant du pays 1 consomme�pbp�� 11��

unité d�un bien importé à chaque fois qu�il consomme

une unité d�un bien produit localement.

On ne doit pas oublier dans la demande qui s�adresse aux �rmes la quantité de biens qui est

détruite lors du transport. Donc, lorsqu�un individu consomme une unité d�un bien étranger, sa

demande pour le bien est en fait égale à 1=g.

On dé�nit � comme le ratio de la demande de biens étrangers sur la demande de biens nationaux

par un consommateur national. Un consommateur demande � unité de biens étrangers pour chaque

25

Page 26: Concurrence Monopolistique[1]

unité de biens domestiques demandées.

� =

pibp�j! 1

1��1

g=

pip�j=g

! 11��

1

g=

pig

p�j

! 11�� �

1

g

�=

pip�j

! 11��

g1

1���1 =

pip�j

! 11��

g�

1��

�� =

pip�j

!� 11��

g�

1��

La contrainte budgétaire du consommateur doit être saturée :

(np+ �n�p�) d = w

où d est la quantité consommée d�un bien domestique représentatif.

Comportement des �rmes : On étudie, maintenant, le comportement des �rmes. Le point im-

portant à remarquer est que l�élasticité de la demande à l�exportation est égale à l�elasticité

de la demande domestique, qui reste égale à 1= (1� �). En e¤et :

�c��1j � �bp�j = 0() cj =���1�

�� 11���bp�j�� 1

1��

() cj =���1�

�� 11��

�p�

g

�� 11��

() cj =

���1�

g

�� 11��

(p�)� 11��

L�introduction des coûts de transport n�a¤ecte, donc, pas la politique de prix des �rmes :

p =�w

�; p� =

�w�

Les quantités produites et le nombre de biens produit dans chacun des pays à l�équilibre ne

changent pas non plus :

n =L (1� �)

�; n� =

L� (1� �)�

Le seul e¤et de l�introduction des coûts de transport est de rendre possible une di¤érence entre

les niveaux de salaire des deux pays.

Le fait que la structure de production de chacun des pays ne soit pas modi�ée par l�ouverture

des frontières est due, comme dans le modèle précédent, aux hypothèses très spéci�ques faites sur la

fonction d�utilité des consommateurs, sur les fonctions de coût des �rmes et sur la forme des coûts de

transport. Les coûts de transport iceberg permettent de conserver une forme simple pour le modèle.

26

Page 27: Concurrence Monopolistique[1]

4.2.2 Equilibre

Dans ce modèle (très spéci�que), la seule variable qui peut être a¤ectée par l�introduction des coûts

de transport est le taux de salaire relatif :

w

w�� $

On peut déterminer $ de plusieurs façons : (1) à partir de la condition d�équilibre sur le marché

du travail du pays 1, (2) à partir de la condition d�équilibre sur le marché du travail du pays 2 ou

(3) à partir de la condition d�équilibre de la balance des paiements.

On utilise la condition (3). La balance des paiements du pays 1 (mesurée en unité de salaire du

pays 2) est égale à :

B =��n

��n+ n�$L� � �n�

n+ �n�$L

Le premier terme est égal au produit des revenus des consommateurs étrangers, $L�, et de la

proportion de leur dépense en biens importés du pays 1, ��n��n+n� . Le second terme représente la

valeur des importations du pays 1.

B = $

"�� L(1��)�

�� L(1��)� + L�(1��)�

L� ��L

�(1��)�

L(1��)� + �L

�(1��)�

L

#

= $

���L

��L+ L�L� � �L�

L+ �L�L

�= $LL�

���

��L+ L�� �

L+ �L�

�� et �� sont tous les deux des fonctions de p=p�, or p=p� = $. La condition B ($) = 0 peut,

donc, être utilisée pour déterminer la valeur de $. Cette valeur est celle qui annule l�expression :��

��L+L� ��

L+�L� . Cette valeur est notée $.

� est une fonction croissante de $ et �� une fonction décroissante de $, on en déduit que B ($)

est négatif (positif) si et seulement si $ est supérieur (inférieur) à $.

On va se servir de cette propriété pour démontrer la proposition suivante :

Proposition 1 Toutes choses étant égales par ailleurs, le salaire est plus élevé dans le pays le plus

grand.

Pour le montrer, on calcule la valeur de B pour $ = 1. Dans ce cas, on a � = �� = g�

1�� < 1.

L�expression de B se simpli�e et devient :

B = �LL��

1

�L+ L�� 1

L+ �L�

27

Page 28: Concurrence Monopolistique[1]

Cette expression est positive si L > L� et négative si L < L�. Ce qui signi�e que la valeur d�équilibre

de $ doit être supérieure à 1 si L > L� et inférieure à 1 si L < L�.

Ce résultat s�explique assez simplement. Une �rme qui produit dans le pays le plus grand subit

des coûts de transport plus faibles. Pour que certaines �rmes acceptent de produire dans le pays le

plus petit, l�avantage du grand pays doit être compensé dans un désavantage dû à un taux de salaire

plus élevé. Comme les salaires déterminent les coûts des �rmes et leurs prix de vente, les termes de

l�échange p=p� = $ > 1 sont favorables au grand pays.

Ce résultat implique, aussi, que le niveau de bien-être des habitants du grand pays est supérieur

à celui des habitants du petit pays. Ils disposent d�un salaire nominal plus élevé et le nombre de

biens pour lesquels ils doivent supporter des coûts de transport est plus faible.

4.3 Les e¤ets du marché domestique ("Home market" e¤ect)

L�idée qui se dégage de la section précédente est que les �rmes devraient avoir tendance à se localiser

dans les pays qui ont les demandes domestiques les plus fortes. Les rendements d�échelle incitent les

�rmes à concentrer leur production et le désir de minimiser les coûts de transports devrait inciter

les �rmes à se localiser près des endroits où la demande est forte. On peut, donc, s�attendre à ce que

les pays exportent les biens pour lesquels leur demande domestique est forte. Cet e¤et est lié aux

rendements d�échelle croissants. Si les rendements d�échelle étaient décroissants, les pays ayant une

demande domestique forte seraient au contraire importateurs. Pour essayer de montrer cet e¤et, on

va introduire un second secteur dans le modèle.

4.3.1 Une économie à deux secteurs

On suppose qu�il existe un second secteur produisant lui aussi des biens di¤érenciés. Les biens

produits par ce second secteur sont notés avec un ~.

Il existe, dans la population, deux groupes. Les membres du premier ne consomment que des

biens du premier secteur ; tandis que ceux du second ne consomment que des biens du second secteur.

Les e¤ectifs de ces deux groupes sont respectivement égaux à L et eL. Les fonctions d�utilité des

28

Page 29: Concurrence Monopolistique[1]

membres représentatifs de chacun de ces groupes sont :

U =NXi=1

c�i avec 0 < � < 1

eU =NXi=1

ec�i avec 0 < � < 1

Les fonctions de production des deux types de biens sont :

li = �+ �xi i = 1; :::; nelj = �+ �exj j = 1; :::; enEquilibre sur le marché des biens :

xi = Lci i = 1; :::; n

exj = eLecj j = 1; :::; enChaque agent ne consomme qu�un seul type de bien, mais, peut travailler indi¤éremment dans

un secteur ou dans l�autre. Si un pays produit des biens des deux secteurs, les salaires dans les deux

secteurs vont être égaux. La condition d�équilibre sur le marché du travail est :

L+ eL = nXi=1

li +enXj=1

eljIl y a libre entrée et libre sortie, donc, le pro�t des �rmes à l�équilibre doit être nul.

Cette économie est très semblable à celle décrite au début de cette section. Les prix, la quantité

produite pour chaque variété et le nombre total de variétés sont déterminés comme précédemment.

La principale di¤érence est qu�il faut, maintenant, décrire comment se répartissent les biens

entre les deux secteurs. Cette répartition va être donnée par la condition suivante : les dépenses

dans chacun des secteurs doivent être égales aux recettes du groupe d�individus correspondant.

Formellement :

npx = wL ; enepex = eweLLes salaires des deux groupes doivent, cependant, être égaux puisque les individus peuvent tra-

vailler indi¤éremment dans les deux secteurs et qu�il n�y a donc qu�un seul marché du travail et,

donc, un seul salaire. De même, l�élasticité de la demande étant la même pour les deux groupes, on

a p = ep et x = ex.29

Page 30: Concurrence Monopolistique[1]

Les conditions précédentes se ramènent, donc, à :

nen = LeLLa part de chaque industrie dans la production totale est égale à la part du groupe qui consomme

ses produits dans la population totale.

4.3.2 Structure des échanges

On va supposer qu�il y a deux économies de ce type et qu�elles peuvent échanger entre elles en

subissant un coût de transport de type iceberg. Le coût de transport est identique pour les deux

industries.

On note f la proportion du premier groupe de consommateurs dans la population du pays 1 :

f � L

L+ eLOn va supposer que le second pays est "l�image miroir" du premier :

L+ eL = L� + eL� = LL = fL

L� = (1� f)L

Si f est supérieur à 1/2 alors le pays 1 a le marché domestique le plus important pour le produit

1 et le plus petit pour le produit 2.

Proposition 2 Le pays 1 va être exportateur net des biens du secteur 1 si f > 0; 5.

Pour le démontrer, on remarque d�abord que, comme le monde est symétrique, les salaires dans

les deux pays sont égaux. De même, les prix et la quantité produite par chacune des �rmes sont

égaux. On a donc :

� = �� = g�

1�� < 1

On cherche, maintenant, à déterminer la structure de la production de chacun des pays. Les

recettes de chacune des industries sont égales à la somme des dépenses des agents domestiques et

des agents étrangers dans cette industrie. On a donc :

npx =n

n+ �n�$L+

�n

�n+ n�$L�

n�px =�n�

n+ �n�$L+

n�

�n+ n�$L�

30

Page 31: Concurrence Monopolistique[1]

On suppose, pour l�instant, qu�aucun des deux pays n�est totalement spécialisé dans la production

d�un seul bien : n > 0 et n� > 0. On peut utiliser les deux égalités précédentes pour déterminer le

ratio : n=n� :�npx = n

n+�n�$L+�n

�n+n�$L�

n�px = �n�

n+�n�$L+n�

�n+n�$L�

�,�px = 1

n+�n�$L+�

�n+n�$L�

px = �n+�n�$L+

1�n+n�$L

) 1

n+ �n�$L+

�n+ n�$L� =

n+ �n�$L+

1

�n+ n�$L�

,�

1

n+ �n�� �

n+ �n�

�L =

�1

�n+ n�� �

�n+ n�

�L� ,

�1� �n+ �n�

�L =

�1� ��n+ n�

�L�

, L

n+ �n�=

L�

�n+ n�, L

L�=n+ �n�

�n+ n�

L

n+ �n�=

L�

�n+ n�, (�n+ n�)

L

L�= n+ �n�

,�L

L�� �

�n� =

�1� � L

L�

�n, n

n�=

LL� � �1� � L

L�

Si L = L� alors n = n�. Si L augmente alors la production du pays 1 dans le secteur 1 augmente

aussi, pour LL� 2

��; 1�

�. En dehors de cet intervalle les pays se spécialisent totalement dans la

production d�un seul secteur.

Donc, si les populations des pays ont des goûts su¢ samment divergents, les pays se spécialisent

totalement dans la production des biens d�un seul secteur. Ils sont, alors, exportateurs de ces biens.

L�importance relative des marchés domestiques détermine, donc, la structure des échanges.

Dans l�intervalle��; 1�

�, la spécialisation est incomplète. Comme � = g

�1�� et �

1�� =�x� , cet in-

tervalle augmente lorsque les coûts de transport sont plus élevés et lorsque le ratio des coûts variables

sur le coût �xe augmente (c�est-à-dire lorsque les économies d�échelle sont moins importantes).

Cependant, même dans le cas de spécialisation incomplète, on va montrer que le pays est expor-

tateur net dans le secteur pour lequel son marché intérieur est le plus grand.

Calculons la balance des échanges pour les biens du premier secteur :

B1 =�n

�n+ n�$L� � �n�

n+ �n�$L = $L�

��n

�n+ n�� �n�

n+ �n�L

L�

�Rappel :

L

L�=n+ �n�

�n+ n�

31

Page 32: Concurrence Monopolistique[1]

D�où

B1 = $L��

�n

�n+ n�� �n�

n+ �n�n+ �n�

�n+ n�

�=

�$L�

�n+ n�(n� n�)

Le premier terme est positif. Le signe de la balance des échanges est, donc, égal au signe du

second terme. On a vu que nn� est une fonction croissante de

LL� et que n > n

� si L > L�. Le pays

ayant la demande intérieure la plus forte pour les biens du secteur 1 est donc exportateur net de ce

type de biens. Il importe certaines variétés de ce biens, mais, il exporte un plus grand nombre de

variétés de ce bien, il est, donc, exportateur net de ce bien. Comme la balance commerciale est en

équilibre, ce pays est importateur net des biens de l�autre secteur. La structure de la demande de

chacun des pays détermine la structure de la production et des échanges. Les �rmes se localisent

près de leurs consommateurs pour minimiser les coûts de transports. Les pays qui ont une demande

domestique forte attirent, donc, un plus grand nombre de �rmes et produisent un plus grand nombre

de variétés, ce qui en fait des exportateurs nets de ce type de biens.

4.4 Les e¤ets de la taille des pays

Krugman (1980) a montré, à partir d�un exemple, qu�il pouvait exister un e¤et marché domestique.

Dans son exemple, l�e¤etmarché domestique est dû à des di¤érences importantes de préférences entre

les consommateurs des deux pays. Cependant, dans la discussion informelle qui conclue son article,

l�auteur avance qu�un tel e¤et peut aussi apparaître si les tailles des deux pays sont di¤érentes. Il

propose de considérer une économie composée de deux secteurs. Le premier secteur est un secteur

agricole qui produit des biens homogènes avec des rendements d�échelle constants. Le second secteur

est un secteur industriel qui produit des biens di¤érenciés avec des rendements d�échelle croissants.

L�auteur suppose que le bien agricole peut être exporté sans coût de transport et que la demande

de ce bien est trop importante pour que ce bien puisse n�être produit que par un seul pays. Ces

hypothèses assurent que le bien agricole est produit dans les deux pays et impliquent que le salaire

est le même dans les deux pays. Les biens di¤érenciés subissent eux des coûts de transport de

type iceberg lorsqu�ils sont transférés d�un pays dans l�autre. Les �rmes industrielles sont incitées

à s�installer dans le pays le plus grand pour minimiser leurs coûts de transport. Parallèlement,

les �rmes souhaitent s�éloigner de leurs concurrentes pour réduire la concurrence de ces dernières.

A l�équilibre, des �rmes industrielles vont être présentes dans les deux pays, mais, le pays le plus

grand attire une proportion de �rmes supérieure à la proportion de sa population dans la population

mondiale. Le grand pays est, donc, exportateur net de biens industriels et importateur du bien

agricole. Le grand pays est, donc, plus industrialisé que le petit pays. Toutes choses étant égales

32

Page 33: Concurrence Monopolistique[1]

par ailleurs, une di¤érence de tailles entre les deux pays su¢ t à introduire des di¤érences dans la

structure de production des deux pays. Ce résultat, avancé de façon informelle par Krugman (1980),

est analysé de façon plus détaillée dans Helpman et Krugman (1985).

L�existence de rendements d�échelle croissants et la di¤érenciation des pays donneraient, donc,

un rôle à la taille des pays dans la spécialisation internationale. Ce n�était pas le cas dans le modèle

HOS, caractérisé par des rendements d�échelle constants, où seules les dotations relatives en facteurs

jouaient un rôle. Dans le modèle HOS, la taille des pays ne joue pas de rôle.

Davis (1998) a exprimé un certain septicisme vis à vis des résultats de Krugman (1980) et Help-

man et Krugman (1985). Il a montré que ces résultats étaient dus à l�hypothèse que le bien agricole

était exporté sans coût de transport. Or, cette hypothèse semble empiriquement contestable. Krug-

man (1980) et Helpman et Krugman (1985) ont supposé que le bien produit avec des rendements

d�échelle constants était exporté sans coût de transport parce que cette hypothèse simpli�ait beau-

coup l�analyse en égalisant les salaires dans les deux pays. Davis (1998) a montré que cette hypothèse

n�était pas seulement une astuce pour simpli�er l�analyse mais qu�elle conditionnait le résultat. Il

reprend le modèle précédent, mais, en supposant que les biens produits par les deux secteurs subissent

des coûts de transports identiques. Dans ce cas, il montre qu�il ne peut pas y avoir d�exportations du

bien agricole à l�équilibre. En e¤et, si le bien agricole est exporté, le salaire dans le pays exportateur

doit être su¢ samment inférieur à celui du pays importateur pour compenser les coûts de transport.

Mais, dans ce cas, les �rmes industrielles basées dans le pays importateur de biens agricoles ont

intérêt à relocaliser leur production dans l�autre pays. Le salaire y est su¢ samment plus faible pour

que même en ajoutant les coûts de transport, elles puissent proposer le bien au même coût que

précédemment dans le pays qu�elles viennent de quitter et elles peuvent le proposer à un coût plus

faible dans le pays où elles viennent de s�installer. Les �rmes industrielles peuvent, donc, augmenter

leur pro�t en modi�ant leur localisation, ce n�est donc pas un équilibre. A l�équilibre, il ne peut pas

y avoir d�échanges de produits agricoles. Les échanges de produits industriels doivent, donc, être

équilibrés. Ce qui implique que les �rmes se partagent entre les deux pays proportionnellement à la

taille des populations des deux pays. Il n�y a pas d�e¤et taille du pays. Pour que cet e¤et apparaisse,

il faut que les coûts de transport soient signi�cativement plus élevés sur les biens industriels dif-

férenciés que sur les biens homogènes produits avec des rendements d�échelle constants. Or, la revue

des travaux empiriques faites par l�auteur n�incite pas à penser que cela soit le cas en pratique13 .

13 (1) Les biens homogènes (ex : blé, ciment) sont de plus faibles valeurs que les biens dif-férenciés (ex : ordinateurs, voitures). Les coûts de transport représentent donc un pourcentageplus élevé de leur valeur. (2) Les pays développés taxent plus les importations de produitsagricoles que celles de produits industriels. (3) En revanche, il est possible que les coûts de

33

Page 34: Concurrence Monopolistique[1]

[Amiti, 1998. A complèter]

Holmes et Stevens (2005) étudient un modèle dans lequel la taille des pays in�uence sensible-

ment leur structure de production. La structure de leur modèle est, cependant, très di¤érente de

celles des modèles précédents inspirés de Dixit et Stiglitz (1977). Dans les modèles précédents,

l�augmentation de la taille des pays ne se traduisait pas par une augmentation de la production

de chacun des biens, mais par une augmentation du nombre de biens produits. Dans le modèle de

Holmes et Stevens (2005), le nombre de biens produits est constant. En revanche, l�augmentation

de l�input travail permet d�augmenter la production de chacun des biens. En outre, cela modi�e la

structure de marché de la production de ces biens. Lorsque l�input travail augmente, un plus grand

nombre de �rmes produisent chacun des biens. Dans ce modèle, la production de chaque bien est à

rendements d�échelle croissants lorsque les �rmes produisent des quantités faibles et devient à rende-

ments d�échelle constants à partir d�une quantité seuil appelée l�échelle e¢ cace de production. Cette

quantité seuil varie d�un produit à l�autre. Les produits pour lesquels cette échelle e¢ cace de pro-

duction est faible sont, donc, produits avec des rendements d�échelle constants par plusieurs �rmes

(donc, sur un marché parfaitement concurrentiel) tandis que ceux pour lesquels cette échelle e¢ cace

de production est élevée sont produits par une seule �rme avec des rendements d�échelle croissants.

Une augmentation de la taille du pays entraîne un accroissement du nombre de biens produits de

façon concurrentielle avec des rendements d�échelle constants et une réduction du nombre de biens

produits par des monopoles. Holmes et Stevens (2005) étudient les échanges entre deux pays lorsque

ces derniers ont des tailles très di¤érentes. Ils supposent que tous les biens sont échangés avec

des coûts de transport de type iceberg identiques. Les auteurs obtiennent que les biens ayant une

échelle de production e¢ cace faible sont produits de façon concurrentielle dans les deux pays. Ces

biens ne sont pas échangés à l�équilibre (ce qui ressemble au résultat de Davis, 1998). En revanche,

les biens pour lesquels l�échelle de production est très élevée ne peuvent pas être produits de façon

compétitive par le petit pays. Le marché intérieur du petit pays est trop faible pour qu�une �rme

puisse atteindre l�échelle de production e¢ cace en ne produisant que sur ce marché. En revanche,

le marché intérieur du grand pays est su¢ sant pour qu�au moins deux �rmes atteignent l�échelle de

production e¢ cace. Comme les �rmes se livrent une concurrence à la Bertrand, deux �rmes sont

su¢ santes pour que le marché devienne concurrentiel. Ces biens sont, donc, produits uniquement

dans le grand pays et une partie de cette production est exportée vers le petit pays. Comme les

échanges doivent être équilibrés, le petit pays va développer une spécialisation dans les biens pour

lesquels l�échelle de production est intermédiaire (ce second résultat ressemble à celui de Helpman

mise aux normes et de négociations avec des importateurs soient plus élevés pour les biensindustriels.

34

Page 35: Concurrence Monopolistique[1]

et Krugman (1985)). Ces biens vont être produits par une �rme dans chacun des pays et la �rme du

petit pays va exporter une partie de sa production vers le grand pays. Elle réalise un pro�t positif

sur les unités vendues sur son marché domestique et les unités exportées lui permettent d�atteindre

l�échelle de production e¢ cace.

La di¤érence de tailles entre les deux pays détermine, donc, leur structure de production et

la structure de leurs échanges. Le grand pays exporte les biens pour lesquels l�échelle e¢ cace de

production est très élevée. Le petit pays exporte, en échange, des biens pour lesquels l�échelle de

production est intermédiaire. Les biens pour lesquels l�échelle de production est faible sont produits

par les deux pays et ne donnent pas lieu à des échanges.

Lorsque les tailles des deux pays sont di¤érentes mais pas très di¤érentes, les résultats deviennent

beaucoup moins clairs car le modèle admet simultanément plusieurs équilibres di¤érents.

5 Variantes et extensions

Les modèles combinant concurrence monopolistique à la Dixit-Stiglitz et coûts de transport iceberg

se sont révélés des instruments d�analyse très utiles. Ils ont été utilisés dans de nombreuses études.

On décrit très brièvement, dans cette section, quelques problèmes où ce type de modélisation a

permis des avancées signi�catives.

5.1 Biens intermédiaires di¤érenciés

Ethier (1982) a construit un modèle qui repose sur des hypothèses assez di¤érentes, en apparence,

mais dont, en fait, la structure formelle est assez proche des modèles étudiés dans ce chapitre. Dans le

modèle de Ethier, les biens consommés par les consommateurs sont des biens homogènes produit avec

des rendements d�échelle constants et vendus sur des marchés concurrentiels. En revanche, ces biens

sont produits à partir de biens intermédiaires, qui eux sont di¤érenciés. La fonction de production

des biens de consommation �nale ressemble, donc, beaucoup aux fonctions d�utilité utilisées dans ce

chapitre. Lorsque le nombre de biens intermédiaires augmente la production des �rmes augmente

même si la quantité totale de biens intermédiaires utilisée reste inchangée. L�ouverture des frontières

permet aux �rmes d�avoir accès à un plus grand nombre d�inputs di¤érenciés et elle accroît leur

productivité.

35

Page 36: Concurrence Monopolistique[1]

5.2 Croissance endogène

Grossman et Helpman (1991) ont étudié des versions dynamiques des modèles précédents. Il existe

dans leurs modèles, un secteur de l�économie totalement dédié à la mise au point de nouvelles

variétés de bien �nal (ou de nouvelles variétés d�inputs, selon les modèles). De nouvelles variétés de

biens apparaissent à chaque période et cette apparition est expliquée par les e¤orts consentis par

les agents pour les créer. Il s�agit, donc, de modèles de croissance endogène. Grossman et Helpman

(1991) étudient l�impact des échanges internationaux sur le rythme de croissance du nombre de biens

disponible et sur la répartition des innovations entre les pays.

5.3 Economie géographique

Krugman (1991a et b) reprend les idées développées dans Krugman (1980), mais, il autorise la

migration des travailleurs industriels. En revanche, les travailleurs du secteur agricole ne peuvent

pas se déplacer. Ils sont liés à la terre. L�introduction des migrations se justi�e plus facilement si les

deux "pays" sont plutôt deux "régions". Krugman (1980) avançait l�idée que les �rmes industrielles

étaient plus nombreuses dans le pays où la population était la plus nombreuse et que les habitants

de ce pays béné�ciaient d�un niveau de vie plus élevé que les habitants du petit pays. Les salaires

sont les mêmes dans les deux pays mais l�indice des prix industriels est plus faible dans le grand

pays. Les travailleurs industriels ont, alors, intérêt à quitter le petit pays pour aller travailler dans

le grand. La migration d�une partie des travailleurs industriels accroît la di¤érence de taille entre les

deux pays. Ce qui incite certaines �rmes à quitter le petit pays pour relocaliser leur production dans

le grand pays. Ce déplacement d�une partie des �rmes incite de nouveaux travailleurs industriels

à quitter le petit pays pour le grand. Ce modèle fait, donc, apparaître une causalité circulaire

qui s�auto-renforce. Si les coûts de transport sont très élevés, la concentration de toutes les �rmes

industrielles dans la même région n�est jamais un équilibre. En e¤et, une �rme aurait intérêt à venir

s�installer dans la région agricole. Elle devrait payer des salaires élevés pour attirer des ouvriers mais

elle serait protégée de la concurrence des autres �rmes par le niveau élevé des coûts de transport

et pourrait vendre son produit aux agriculteurs à un prix élevé. En revanche, lorsque les coûts de

transports sont faibles, les activités industrielles se concentrent dans une seule région.

Krugman (1991b) a relancé l�intérêt pour la localisation des activités industrielles et l�économie

géorgraphique et a suscité de nombreux travaux14 .

14Voir Duranton (1997), Fujita, Krugman et Venables (1999) et Baldwin et alii (2003) pourdes synthèses de ces travaux.

36

Page 37: Concurrence Monopolistique[1]

6 Principaux points à retenir

7 Lectures conseillées

Helpman et Krugman (1985) est la principale référence pour l�étude du commerce international avec

concurrence monopolistique.

Les livres de Cohen (1997), Krugman (1991) et Krugman (1996) signalés dans ce chapitre n�ont

qu�un rapport faible avec les problèmes exposés dans ce chapitre. Cependant, leur lecture ne demande

pas beaucoup d�e¤orts (ces livres sont relativement courts et ils ne sont pas techniques) et devrait

enrichir votre culture générale.

La lecture des livres de Grossman et Helpman (1991), Fujita, Krugman et Venables (1999) et

Baldwin et alii (2003) demande nettement plus d�e¤orts. Elle peut, cependant, se révéler très

pro�table et vous devriez l�envisager pendant la prochaine période de vacances scolaires.

References

[1] AMITI M. (1998), Inter-industry trade in manufactures : does country size

matter ?, Journal of International Economics, 44, 231-255.

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phy and Public Policy, Princeton University Press.

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marion (collection : Champs).

[4] DAVIS Donald R. (1998), The home market, trade, and industrial struc-

ture, American Economic Review, 88 (5), 1264-1276.

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Europe : much ado about nothing ?, Clarendon Press, Oxford.

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