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2 e édition Construire en pierre sèche Louis Cagin Laetitia Nicolas

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Construire en pierre sèche

Louis Cagin est murailleur, spécialiséen maçonnerie à pierres sèches.Il réalise et restaure des aménagementspaysagers en autonomie avecles matériaux présents sur le site.Retrouvez-le sur son blog :http://pierreseche.over-blog.com

Laetitia Nicolas est ethnologue.Elle s’intéresse aux questions d’identitésrégionales et au lien entre patrimoine bâtiet végétal. Retrouvez-la sur son blog :http://ethnobotanic.wordpress.com

À travers cet ouvrage, les auteurs espèrentfaire partager leurs connaissances afinde mettre à la portée de tous la techniquede la maçonnerie à pierres sèches. C

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À l’inverse de la maçonnerie traditionnelle qui utilise du liant pour sceller lespierres entre elles, la maçonnerie à pierres sèches consiste à maçonneruniquement avec de la pierre, sans liant. Cette technique permet notammentde réaliser des aménagements paysagers respectueux des terroirs où lapierre abonde.

Louis Cagin et Laetitia Nicolas expliquent ici en détail les techniques, les parti-cularités et les gestes permettant de réaliser soi-même et en toute simplicitéun aménagement en maçonnerie à pierres sèches. Photographiées pas à pas,de nombreuses séquences de chantiers réels complètent les règles construc-tives de la maçonnerie à pierres sèches ; elles illustrent – entre autres –la construction d’un escalier, celle d’un arc de décharge, le parementage d’unmur existant ou encore le drainage d’un sol. Du dessouchage au reterrasse-ment, on peut ainsi suivre toutes les étapes d’un chantier de construction et derestauration et admirer la qualité esthétique des ouvrages réalisés par lesauteurs.

Construire en pierre sèche aidera les particuliers à se lancer dans un chantierde construction. Enfin, il séduira les artisans et les paysagistes souhaitantcompléter leurs connaissances techniques et découvrir des exemples debelles réalisations en pierre sèche.

32€

Code éditeur : G12848ISBN : 978-2-212-12848-2

www.editions-eyrolles.comGroupe Eyrolles I Diffusion Geodif

2eédition

Construireen pierre sèche

Louis CaginLaetitia Nicolas

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La pierresèche

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Avant de faire ses premiers pas dans lemonde de la maçonnerie à pierres sèches,il est utile de connaître les différents typesd’ouvrages que cette technique constructivepermet de réaliser.Ceux-ci, à l’exception des cabanons et desremises, sont principalement paysagers.Il s’agit traditionnellement d’aménagements

d’espaces, notamment des murs de soutè-nement ou des murs de clôture ; et deconstructions plus contemporaines pure-ment esthétiques.Nous survolerons également dans ce cha-pitre l’histoire de la maçonnerie à pierressèches afin d’en comprendre la genèse etl’évolution au fil du temps.

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La maçonnerie à pierres sèches consiste, àl’inverse de la maçonnerie traditionnellequi utilise du liant1 pour sceller solidementles pierres entre elles, à maçonner unique-ment avec de la pierre sans faire appel àaucun autre matériau. Le lien entre lespierres est constitué par leur propre équi-libre dans la maçonnerie. En pierre sèche,le liant entre les matériaux réside dans laseule utilisation de leur force de gravité etde l’équilibre qui en résulte. Cet équilibretient non seulement au positionnementdes pierres les unes avec les autres, mais àl’ensemble des forces qui vont s’exercersur la maçonnerie, comme le poids du solpour un soutènement.

Si, au sens propre, la pierre sèche définitune technique particulière de construc-tion, par extension dans le langage cou-rant le terme est couramment utilisé pourqualifier l’ensemble de l’aménagement etdonc les réalisations qu’elle permet de

construire. Les plus emblématiques sontles bories qui offraient un abri saisonnieraux activités agricoles et pastorales, ou lesterrasses de culture, d’olivier ou de vignepar exemple. Dans ces dernières, le murde soutènement en pierre sèche crée unerelation complexe et sophistiquée en réor-ganisant trois éléments composant le sol :la terre, la pierre et la circulation de l’eau.

Les différentestypologies d’ouvragesD’une manière générale, la technique dela pierre sèche permet de construire troistypes d’ouvrages : des constructionsnécessitant des murs porteurs comme descabanes ou des remises diverses ; desaménagements d’espace, notamment desmurs de soutènement ou des murs de clô-ture ; et enfin des constructions purementesthétiques (un muret décoratif ou desinstallations de land art3 par exemple).

La construction de murs porteurs enpierre sèche concerne surtout le bâtiannexe : les remises aux utilités diverses,les abris pour les animaux d’élevage et lescabanes provisoires. Certaines de cesconstructions sont techniquement trèsélaborées. C’est le cas des bergeries et descabanons, aussi appelés bories. Leur toi-ture est souvent réalisée en pierre sècheavec une voûte en encorbellement4.

Construire en pierre sèche permet égale-ment de structurer l’espace. Ce sont desmurs de soutènement, des enclos, desmurs de clôture (figure 4), des rampesd’accès ou des escaliers, des pierriers, dessystèmes de drainage et de récupérationd’eau (puits, aiguiers, citernes). Certains deces aménagements, en particulier lesmurs de soutènement, interviennent surla

Figure 1 Terrasses de culture en pierre sèche.

1. Du mortier deciment, de chaux, deplâtre, de terre, etc.

2. L’habitat en pierresèche est

exceptionnel, mais il est néanmoins

attesté, par exempledans le village de

Gordes (Vaucluse).

3. Le land art est unetendance de l’art

contemporainutilisant le cadre et les matériaux

de la nature (bois,terre, pierres, sable,

rocher, etc.) comme,par exemple, dans

les œuvres deGiuseppe Penone et

d’Andy Goldsworthy.

4. L’encorbellementest une technique

de construction devoûte. Il est parfoisdéfini par le terme

de « fausse voûte ».En effet, les pierres y sont installées en

corbeau les unes surles autres et non

en claveau commepour les voûtestraditionnelles.

C’est le contre-poidsdes pierres les unes

sur les autres quipermet à l’ensemble

de tenir.

Quelques fausses vérités sur la pierre sèche Tous les ouvrages dont les pierres restent apparentes ne sont pas des ouvrages enpierre sèche. En effet, ils peuvent aussi être maçonnés au mortier.La pierre sèche, par sa souplesse, peut être plus solide que le béton ou lamaçonnerie avec du liant, notamment dans le cas de murs de soutènement.Il ne faut pas mettre de terre pour caler les pierres entre elles. La pierre sècheest sans liant, quel qu’il soit, c’est dans le vide entre les pierres que réside saqualité.N’envisagez pas de construire une maison en pierre sèche ; cette technique atrès rarement servi à construire de l’habitat permanent2. Cependant, il est pos-sible de construire des bâtis annexes telles que des cabanons, cabanes ou remisesqui, selon les régions, portent différents noms : bories, caselles, gariotes, etc.

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topographie du terrain et nécessitent lagestion du volume et du profil des solsremués.

D’autres, comme les murs de clôture, sontquant à eux construits sans interventionsur le terrain lui-même (à l’exception duterrassement préparatif à leurs propresfondations).

Le dernier type de construction en pierresèche, dont le développement est plusrécent, ne répond plus à des besoinsconstructifs. Les ouvrages sont purementdécoratifs, intégrés à des projets artistiquesde grande envergure tels que le land art, ousimplement mis en scène sur des aména-gements tels que les ronds-points. A unniveau plus modeste, ils peuvent égale-ment servir d’éléments décoratifs dans unaménagement de jardin (une rocaille, unmuret fleuri), ou pour masquer un ouvrageexistant par un parementage ayant l’aspectde la pierre sèche.

L’historiqueMême si la Provence en a fait un de sesemblèmes, cette technique est attestéesur les cinq continents. Elle n’est pas liée àune civilisation particulière, mais plutôt àune nécessité qui relève en général desactivités agricoles. Présente dès la proto-histoire5, la pierre sèche s’impose vérita-blement en France du XVIIe au XIXe siècle,avec le développement agricole, commemoyen d’aménager certains terroirs pouroptimiser l’exploitation des terres. Mêmesi elle semble aujourd’hui une techniquedu passé, son utilisation a pourtant per-duré en France jusque dans les années1950. Elle a alors façonné bien des pay-sages. Ce savoir-faire traditionnel s’estperdu lors de l’exode rural de la fin du XIXe

et du début du XXe siècle, puis avec lamécanisation de l’agriculture dans lescampagnes de l’après-guerre.

5. Cette périodecomprend l’âge du cuivre, l’âge du bronze et l’âge du fer.

Figure 2 Cabane en Haute-Corse.

Figure 3 Cabanon dit pointu dans les Alpes-de-Haute-Provence.

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Cette façon de construire connaît actuelle-ment un renouveau pour deux raisons prin-cipales. C’est, d’une part, une techniquedont les règles de construction sont relati-vement simples, elle est à la portée du grandpublic et de l’autoconstructeur ; d’autre part,l’urbanisation croissante envahissant aussiles terrains pentus, la pierre sèche constitue,pour les aménager, une solution appropriéequi a fait ses preuves. Son emploi ne se limiteplus alors au milieu rural, mais gagne lesvilles. Cette tendance urbaine est d’autantplus accentuée qu’elle participe à l’esthé-tique d’un espace paysager.

Pour certains terroirs, elle est devenue unargument culturel incarnant des idées detradition et d’authenticité, comme dans leLuberon ou en Dordogne. Elle fait ainsi l’ob-jet d’une attention nouvelle de la part dupublic, mais aussi des professionnels. Cesavoir-faire, même s’il a été pratiqué par desbâtisseurs professionnels, est resté empi-rique et issu du monde de l’autoconstruc-tion. Il tend aujourd’hui à être intégré dansune filière organisée6. Plusieurs études sonten cours pour essayer de mettre en placedes Documents techniques unifiés (DTU)et des cahiers de recommandations tech-niques à l’usage des professionnels. Ils sefondent sur des expérimentations scienti-fiques7, l’École nationale des travauxpublics de l’État (ENTPE), entre autres,a commencé à modéliser la résistance desmurs de soutènement en pierre sèche.Les institutions et les collectivités localessont également sensibilisées à la construc-tion en pierre sèche. Elles peuvent, parexemple, apporter des aides financières ouimposer de construire un parement enpierre sèche sur certaines maçonneries,notamment dans des zones de réglemen-tation particulière telles que les parcs natu-rels, les Zones de protection du patrimoinearchitectural, urbain et paysager (ZPPAUP)8.

Figure 5 Rond-point décoré en pierre sèche.

Figure 4 Mur d’enclos d’un potager en Aveyron.

6. Établissementd’annuaires de

murailleurs, stages de formation, etc.

7. Voir labibliographie,

Villemus (2004).

8. Se renseignerauprès du Conseil

en architecture,urbanisme et

environnement(CAUE) pour vérifier

si le terrain estconcerné.

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L’empreinte du bâtisseurIl y a autant de façons de construire enpierre sèche qu’il y a de murailleurs et desortes de pierres. Elles dépendent tant dela personnalité, du savoir-faire et de lapatience du constructeur que de la forme,de la matière et de la densité de la pierreutilisée. Toutes les nuances sont doncpossibles, et chacune donne un aspect

différent à la maçonnerie achevée.Cependant, ces modes de constructions’établissent en référence à deux attitudestechniques opposées : une maçonnerieoù les pierres sont utilisées brutes, c’est-à-dire sans être retaillées (dans la tradi-tion des bâtisseurs paysans), et unemaçonnerie où les pierres sont systémati-quement taillées afin que leurs jointscoïncident parfaitement entre eux – cettefaçon de procéder est appelée maçonne-rie à joints vifs ; étant donné le soin et l’ap-

plication qu’elle demande, elle n’est pastoujours considérée par tous comme dela « véritable » pierre sèche.

C’est selon votre caractère, votre goût etvotre terroir que vous choisirez la façon defaire en vous positionnant entre ces deuxattitudes. Chacune d’entre elle devant detoute façon se plier aux règles techniquesgénérales développées dans cet ouvragepour bien maçonner à pierres sèches.

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Un puzzle à trois dimensions À la manière d’un enfant qui meten relation des volumes avec desformes (une sphère dans uncercle, etc.), construire en pierresèche demande « d’avoirl’œil ». Cela nécessite de mettreen éveil des sens relativementinstinctifs comme le toucher, l’appréhension des volumes.Christian Lassure évoque lamaçonnerie à pierres sèches« comme un jeu de patience envolume, un puzzle dans l'es-pace ». Si vous êtes néophyte,vous verrez que vous affinerezcette aptitude au cours desconstructions, et y prendrez unplaisir certain.

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