contrats - home | | université de fribourg · les contributions réunies dans ce volume ont pour...

40
contrats Edité par Pascal Pichonnaz Franz Werro La pratique contractuelle 3 Symposium en droit des contrats

Upload: truongdiep

Post on 14-Sep-2018

216 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Pich

onna

z / W

erro

(édi

t.)

La p

ratiq

ue c

ontr

actu

elle

3

cont

rats

Edité par

Pascal Pichonnaz Franz Werro

La pratique contractuelle 3

Symposium en droit des contrats

Le présent ouvrage fait suite au troisième colloque de la pratique contractuelle qui s’est tenu à l’Université de Fribourg le 22 novembre 2012. Ce colloque entend pré-senter l’actualité en droit des contrats et livrer quelques analyses de fond en cette matière.

Les contributions réunies dans ce volume ont pour objet le contrat de leasing, le contrat de franchise, le contrat de distribution, le contrat de licence, les négocia-tions et les accords précontractuels. L’une d’elles livre une analyse de l’évolution de la jurisprudence fédérale en matière de conflits d’intérêts de l’avocat.

L’ouvrage contient par ailleurs un résumé de la jurisprudence récente relative à l’ensemble du droit des contrats.

59647_Pichonnaz Werro_la pratique contractuelle_UG.indd 1 18.10.12 09:50

Edité par

Pascal Pichonnaz / Franz Werro

La pratique contractuelle 3

Edité par

Pascal Pichonnaz Franz Werro

La pratique contractuelle 3Symposium en droit des contrats

Information bibliographique de la Deutsche NationalbibliothekLa Deutsche Nationalbibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse http://dnb.d-nb.de.

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2012 ISBN 978-3-7255-6693-8

www.schulthess.com

1

Table des matières

Franz Werro

Le contrat de leasing dans la pratique 3

Pascal Pichonnaz

Le contrat de franchise : état de son évolution 41

Benoît chaPPuis

Les conflits d’intérêts de l’avocat et leurs conséquences à la lumière des évolutions jurisprudentielle et législative récentes 69

thomas ProBst

Le contrat de licence 105

Dominique Dreyer

Contrats de distribution : deux questions 129

nicolas Kuonen

Négociations et accords précontractuels : incartades à l’unité des acteurs, du lieu et de l’action 149

anne-christine Fornage/Pascal Pichonnaz/Franz Werro

Jurisprudence choisie en droit des contrats 177

41

Pascal Pichonnaz*

Le contrat de franchise : état de son évolution

IntroductIon 42

I. La notion et les caractéristiques du contrat de franchise 42 A. La notion de contrat de franchise 42 1. Les questions de droit international privé 44 2. L’enjeu de l’interprétation du contrat de franchise 45 3. Les éléments caractéristiques et les grands types 46 B. Les délimitations avec d’autres contrats 50

II. Les règles applicables à la résiliation anticipée du contrat de franchise 52 A. L’application des règles du contrat de bail 52 B. L’application des règles du contrat de travail 54 C. La résiliation pour justes motifs 57

III. Les dommages-intérêts et l’indemnité de clientèle (co 418u p.a.) 60 A. Le droit à des dommages-intérêts en cas de résiliation injustifiée 61 1. La résiliation (justifiée) pour justes motifs 61 2. La résiliation anticipée injustifiée 62 B. Le droit à une indemnité de clientèle 64

conclusIon 67

* Professeur à l’Université de Fribourg. Je remercie M. Martino Rizzello, assistant à la Faculté, pour l’aide qu’il m’a apportée à la relecture

de ce texte et à la mise au point de l’appareil critique.

Pascal Pichonnaz

42

InTroducTIon

Le contrat de franchise est traditionnellement considéré comme un contrat innommé mixteousui generis1. Il peut dès lors sembler curieux de parler de l’évolution d’un contrat qui ne correspond pas à un type légal prédéfini, mais qui est le résultat du regroupement d’obligations principales ressortissant à des contrats très divers.

De par son importance pratique, le contrat de franchise est toutefois devenu un contrat commercialement nommé2, avec des caractéristiques relativement précises. Comme le relève toutefois le Tribunal fédéral, le contrat de franchise est concrétisé en pratique sous des formes multiples. Partant, montrer l’évolution, c’est surtout chercher à dresser un état des lieux des délimitations et des conséquences de celles-ci, essentiellement à la lumière de la jurisprudence, même si le domaine a donné lieu à une littérature relativement importante3.

Nous commencerons dès lors par examiner la notion et les caractéristiques du contrat de franchise (I.), pour aborder ensuite la question de la résiliation unilatérale du contrat (II.) et évoquer enfin la possibilité d’appliquer au contrat de franchise la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’indemnité de clientèle (III.).

I. La notion et les caractéristiques du contrat de franchise

Après avoir présenté la notion de contrat de franchise (A.), nous délimiterons celui-ci par rapport à d’autres contrats (B.).

A. La notion de contrat de franchise

Le Tribunal fédéral définit le contrat de franchise comme le contrat « tendant à la distribution de marchandises et de services par des commerçants ou des entrepreneurs indépendants (les franchisés), mais selon une conception de distribution unifiée, mise en place par le

1 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.1 ; ATF 118 II 157 c. 2c, JdT 1993 I 648 ; la majorité des auteurs et des arrêts en Allemagne y voit un contrat mixte (Mischvertrag), cf. not. BGH, arrêt du 3.10.1984 – VIII. Senat Zivilrecht (ZR) 118/83, NJW1985, 1894 s. (arrêt „Mc Donald’s“) ; pour les références, cf. notamment giesler, in : giesler/nauschütt, Franchiserecht, 2e éd., Luchterhand 2007, n. 71 s., p. 382 (Kapitel 5 – Franchising und Schuldrecht).

2 thévenoz/De Werra, CR CO I (2e éd., 2012), n. 5 ad Intro. art. 184-529 CO.3 Pour une liste d’ouvrages et d’articles en droit Suisse et étranger, cf. avant tout amstutz/morin/

schlueP, Basler Kommentar, 5e éd. 2011, n. 129 ad Einl. ad art. 184 ss CO (IV. Franchisevertrag, p. 1010 s.) et les références, ainsi que CHK-Ch. WilDhaBer (Zurich, 2e éd. 2012), avant n. 1 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag ; tercier/Favre, Les contrats spéciaux, 4e éd., Zurich 2009, n. 8009.

Le contrat de franchise : état de son évolution

43

franchiseur »4. Toujours selon le Tribunal fédéral, le franchiseur laisse en principe au franchisé l’usage du nom, de la marque, de la présentation et des droits de protection d’une marchandise et lui prodigue assistance, conseils et assume régulièrement la formation du franchisé5.

Cette définition correspond à celle donnée initialement par schlueP6, qui s’est inspiré des travaux allemands7. Elle a ensuite été reprise par d’autres auteurs8. Elle correspond également à celle que l’on retrouve dans d’autres systèmes juridiques9, puisque l’origine du contrat de franchise remonterait à une idée développée d’abord en France en 1928 par la marque Lainière de Roubaix pour la vente de laine et de bas10. Le développement important du contrat de franchise s’est toutefois fait aux Etats-Unis, notamment avec des acteurs tels que McDonald, puis le contrat s’est propagé en Europe11.

Toujours selon le Tribunal fédéral12, les franchisés indépendants distribuent les marchandises produites ou mises à disposition par le franchiseur pour leur propre compte et à leur propre risque, mais doivent suivre un concept unique de vente et de publicité, mis à disposition par le franchiseur.

Cette définition et la détermination générale des caractéristiques de base du contrat de franchise n’apportent toutefois que peu d’informations pour traiter d’un cas spécifique. En effet, non seulement il existe divers degrés d’intégration, d’indépendance entre franchiseur et franchisés, mais surtout en cas de lacune du contrat, il n’est pas aisé de déterminer si des règles du Code des obligations peuvent ou non être appliquées par le juge pour trouver une solution équitable.

4 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.1 : « Franchiseverträge dienen dem Vertrieb von Waren und Dienstleistungen über selbständige Händler oder Unternehmer, aber nach einer einheitlichen Vertriebskonzeption » ; cf. ég. ATF 134 I 303/308 c. 3.2, n.t. et déjà TF, 4C.228/2000 (11.10.2000) c. 3 ; ATF 118 II 157/159 c. 2a, JdT 1993 I 648.

5 ATF 134 I 303/308 c. 3.2, n.t., qui se réfère expressément à l’ATF 118 II 157/159 c. 2a, JdT 1993 I 648 ; TF, 4C.228/2000 (11.10.2000), c. 3 ; ég. amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 129 ad Einl. vor Art. 184 ff ; CHK-WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 1 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag et les réf.

6 schlueP, Innominatverträge, TDP VII/2, Bâle 1979, (§ 110, Der Franchisevertrag), p. 853, auquel se réfère expressément l’ATF 118 II 157 c. 2a.

7 Il cite textuellement sKauPy, Wirtschaftliche und rechtliche Probleme der Franchise-Systeme in USA und Europa, AWD 1973, p. 297.

8 Cf. parmi d’autres tercier/Favre, CS (cit. note 3), n. 8011 ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 129 ad Einl. vor Art. 184 ff ; CHK-WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 1 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag.

9 Pour tous les autres, giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 27 s. ad Einleitung (C. Begriffsbestimmungen).

10 höPFner claus, Kündigungsschutz und Ausgleichsansprüche des Franchisenehmers bei der Beendigung von Franchiseverträgen, th., Münster 1997, p. 6 s.

11 giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 21 ad Einleitung (B. Herkunft), p. 9 ; BauDenBacher, Die Behandlung des Franchisevertrages im schweizerischen und im europäischen Recht, in : Kramer (édit.), Neue Vertragsformen der Wirtschaft : Leasing, Factoring, Franchising, 2e éd., Berne 1992, p. 366 ss.

12 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.1.

Pascal Pichonnaz

44

Comme pour tous les contrats innommés, les questions à résoudre sont ainsi généralement au nombre de quatre13 : (1°) Quelle est la juridiction compétente ratione materiae ? (2°) Quel est le droit applicable lorsqu’il y a un élément d’extranéité ? (3°) Comment combler une lacune du contrat ? (4°) Doit-on appliquer des règles impératives à ce contrat ? Nous allons en aborder l’une ou l’autre ci-dessous.

1. Les questions de droit international privé

Laquestiondelajuridiction compétente se pose avant tout si le contrat a une composante internationale ou si l’on devait retenir que le contrat de franchise est suffisamment proche du contrat de travail pour justifier d’être soumis à la juridiction des prud’hommes. La définition même souligne le caractère « indépendant » du franchisé, ce qui devrait exclure de soumettre le contrat à une telle juridiction spécialisée.

En outre, en l’absence de règles spécifiques, la juridiction compétente en matière de contrat de franchise se déterminera selon la Convention de Lugano (art. 5 I a et b CL) ou les art. 112 et 113 LDIP. Il s’agira notamment du juge du lieu d’exécution de la prestation caractéristique. Encore faut-il déterminer quelle est la prestation caractéristique. On peut toutefois admettre que l’activité des deux partenaires contractuels se passera en principe au lieu où le franchisé exerce son activité, que l’on considère le comportement de celui-ci ou les services que lui prodigue le franchiseur qui lui met à disposition un paquet de droits pour exercer son activité en ce lieu.

La question du droit applicable en cas de contrat de franchise international n’est pas réglée expressément dans la LDIP. Partant, en l’absence d’accord entre les parties (art. 116 LDIP14), il faudra appliquer le droit de l’Etat dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou son établissement (LDIP 117 II).

La question est ici plus délicate à résoudre que celle de la juridiction compétente. En effet, la prestation caractéristique est en principe celle qui n’est pas fournie sous forme de prestation en argent ; or, dans le contrat de franchise, les deux parties fournissent des prestations principales non-pécuniaires. La question est ainsi controversée15. Elle devrait à notre avis être résolue par analogie avec la solution retenue pour le contrat de représentation exclusive. Après avoir considéré que le lien le plus étroit était avec le droit de la résidence habituelle ou de l’établissement du représentant exclusif16, le Tribunal fédéral a considéré

13 Pichonnaz, Les contrats innommés, in : Pichonnaz/Werro (édit.), La pratique contractuelle : Actualité et perspectives, Genève/Zurich 2009, p. 24 ss ; thévenoz/De Werra, CR CO I (2e éd., 2012), n. 21 ss ad intro. Art. 184-529 CO.

14 Pour un tel exemple, TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4 ; ATF 130 III 417 c. 2.2.1, JdT 2004 I 268.15 Keller/Kren KostKieWicz-ZK IPRG, n. 191 ad. art. 117 LDIP ; pour le droit du franchiseur,

cf. sutter-somm/heDinger, Kommentar zur Zivilprozessordnung, n. 31 ad art. 31 CPC.16 ATF 100 II 450/451, JdT 1976 I 89.

Le contrat de franchise : état de son évolution

45

qu’il devait plutôt s’agir du droit du territoire sur lequel s’exerçait l’activité exclusive du représentant (par application directe de l’art. 117 al. 1 LDIP)17.

Pour le contrat de franchise, il faut avant tout procéder à notre avis à une analyse du cas concret pour voir avec quel droit le contrat a les liens les plus étroits ; il s’agira à notre avis toutefois souvent du droit de l’établissement du franchisé18. Le but du contrat de franchise étant d’appliquer dans un territoire donné une technique de vente ou de commercialisation, c’est bien l’activité indépendante du franchisé qui donne tout son sens à cette construction contractuelle. Cela va d’ailleurs dans le même sens que ce qui a été retenu pour les contrats de distribution par le Règlement « Rome I »19.

En admettant que le droit suisse s’applique, il reste alors généralement à examiner comment interpréter et combler les lacunes du contrat de franchise et déterminer, le cas échéant, s’il faut retenir des règles impératives. Nous traiterons ce dernier point en lien avec la résiliation et l’indemnité de clientèle (cf. infra II.C et III.B).

2. L’enjeudel’interprétationducontratdefranchise

La plupart des difficultés liées au contrat de franchise sont d’abord des questions d’inter-prétation du contrat et de son comblement.

Interpréter un contrat de franchise suppose d’appliquer les principes dégagés de l’art. 18 co, en faisant prévaloir d’abord une interprétation fondée sur la volonté réelle des parties, si celle-ci peut être déterminée, puis – le plus souvent – une analyse selon le principe de la confiance pour déterminer ce que l’une ou l’autre partie était en droit de comprendre selon la bonne foi en affaires20.

17 ATF 124 III 188 c. 4b/bb, JdT 1999 I p. 379 ; Dutoit, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4e éd., Bâle 2005, n. 35 ad art. 117 LDIP ; Keller/Kren KostKieWicz-ZK IPRG, n. 192 ad art. 117 LDIP ; schWanDer, Planung und Gestaltung von Vertriebsverträgen im internationalen Verhältnis, in : Furrer/Arter (édit.), Vertriebsverträge II, Berne 2010, p. 119 ss.

18 Du même avis, amstutz/vogt/Wang-BSK IPRG, n. 62 ad art. 117 LDIP ; CHK-WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 51 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag ; Keller/Kren KostKieWicz-ZK IPRG, n. 193 ad art. 117 LDIP ; tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 8020 ; BauDenBacher/rommé, Ausgewählte Rechtsprobleme des Franchisings, in : Mél. Engel, Lausanne 1988, p. 8 s. ; contra not. vischer, Haftung des Kreditkartenunternehmens gegenüber dem Vertragsunternehmen : Überlegungen zu einigen materiell- und kollisionsrechtlichen Aspekten des Kreditskartenfranchising, in : Mél. Schluep, Zurich 1988, p. 530 s.

19 Art. 4.1.f du Règlement du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), JOCE n°L 177, du 4 juillet 2008, qui dispose : « le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle » ; cf. ég. Dutoit, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, Supplément à la 4e éd., Bâle 2011, n. 12 ad art. 117 LDIP ; M. E. ancel, Les contrats de distribution et la nouvelle donne du Règlement Rome I, RCDIP 2008, p. 561 ss.

20 Pour tous les autres, tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations, 5e éd., Genève/Zurich 2012, n. 939 ss.

Pascal Pichonnaz

46

L’interprétation normative (ou objective) suppose que l’interprète (juge ou avocat) ait une bonne compréhension de ce qu’un contrat de franchise suppose en vertu du droit suisse. Cela n’est toutefois pas aisé, puisque le modèle du contrat de franchise est d’abord le fruit d’une évolution internationale. Les grandes lignes sont similaires, parce que les contrats conclus par certains franchiseurs sont identiques quel que soit le système juridique concerné. Toutefois, comme le relève justement le Tribunal fédéral, la multiplicité des formes de contrat de franchise ne permet pas non plus de déterminer précisément l’arché-type des attentes légitimes d’une partie. Il faut bien plus procéder à une analyse du cas particulier21. Cela a pour conséquence que les juges auront tendance soit à se fonder sur la volonté réelle des parties, soit à admettre une lacune du contrat qu’il faudra combler.

Ainsi, pour pouvoir donner des pistes sur le comblement des lacunes du contrat de fran-chise, il nous paraît utile de déterminer les éléments essentiels du contrat en fonction des types de contrat de franchise que l’on peut considérer.

3. Les éléments caractéristiques et les grands types

Le contrat de franchise est d’abord un contrat qui s’inscrit dans la durée. Intermédiaire dans la vente et la distribution de marchandises (Absatzmittler), le franchisé n’agit pas occasionnellement pour le franchiseur, mais bien sur la durée22, parfois même sur une très longue durée23.

En tant que contrat synallagmatique et contrat-cadre24, les obligations principales du contrat de franchise varient d’un type à l’autre. Elles peuvent à notre avis être ramenées à deux aspects au moins :

1° La mise à disposition des droits et des marchandises. Dans tout contrat de franchise, le franchiseur doit mettre à disposition un « paquet de droits de fran-chise » (« franchise-package »25) et, le plus souvent, des marchandises pour la commercialisation (matériel publicitaire etc.) ou pour la vente proprement dite (les marchandises à vendre aux clients du franchisé). Ces devoirs de mettre à disposition (Überlassungsverpflichtungen) comportent notamment26 des aspects de contrats de

21 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.1.22 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 134 ad Einl. vor Art. 184 ff ; CHK-ch.

WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 5 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag ; giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 66 ad Einleitung (E.), p. 28 s. ; venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, th. Fribourg, Zurich/Bâle/Genève 2007, n. 110 : « contrat de durée au sens strict » ; tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 8019.

23 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), un contrat pour 99 ans.24 vogel, Der Franchise-Vertrag : wettbewerbliche Behandlung typischer Bindungen nach Schweizer

Kartellrecht, Zurich 2008, n. 127 ss.25 ATF 118 II 157 c. 3b, JdT 1993 I 648.26 vogel, Der Franchise-Vertrag (cit. note 24), n. 124 ; ATF 118 II 157/160 c. 2c, JdT 1993 I 648.

Le contrat de franchise : état de son évolution

47

licence27, des aspects parfois de contrat de vente (CO 184 ss), év. avec représenta-tion exclusive28, parfois également des aspects de contrat de bail (CO 253 ss) ou de bail à ferme (CO 288 ss). L’aspect de contrat de licence est cependant souvent très important29, bien que le contrat de franchise aille au-delà d’un pur contrat de licence, notamment en raison d’une obligation de promotion de la vente par une coopération verticale, voire une intégration dans le système de distribution30. L’as-pect de contrat de licence est toutefois important pour déterminer les obligations réciproques des parties durant la vie du contrat de franchise.

2° un aspect lié au type de rapport dans le travail. Le contrat de franchise détermine également le degré d’indépendance ou de subordination du franchisé par rapport au franchiseur. En effet, l’une des obligations du franchisé consiste à promouvoir le chiffre d’affaires selon une stratégie de communication, de publicité et de distri-bution fixée par le franchiseur31.

selon le degré d’indépendance, il y aura plutôt un régime proche d’un contrat d’agence (CO 412a ss), voire dans certains cas un régime analogue au contrat de travail32, même s’il n’y a en principe pas un rapport de subordination aussi fort dès lors, que le franchisé est juridiquement indépendant33. La relation de travail peut faire penser également au régime du contrat de société simple (CO 530 ss)34 ; un partie des auteurs s’y refuse toutefois consi-dérant qu’il n’y a pas de communauté d’intérêts, mais uniquement des intérêts financiers qui peuvent aller dans le même sens35. Toutefois, l’obligation de maximiser le chiffre d’af-faires permet d’une part au franchiseur d’augmenter son bénéfice à travers le pourcentage qu’il obtient sur le chiffre d’affaires et d’autre part au franchisé d’accroître son bénéfice ; cela permet de rapprocher le contrat de franchise du contrat de société simple en particulier

27 Pour tous les autres amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 139 et 142 ad Einl. vor Art. 184 ss CO.28 L’aspect de représentation exclusive n’est toutefois pas un élément essentiel ; amstutz/morin/

schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 141 s. ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; pour un exemple de contrat de franchise avec clause d’exclusivité, cf. TF, 4A_148/2011 (8.9.2011).

29 schulthess, Der Franchise-Vertrag nach schweizerischem Recht, th. Zurich 1973, p. 151 nbp 159 ; chK-ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 9 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag.

30 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 134 s. ad Einl. vor Art. 184 ss CO et les réf.31 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 140 ad Einl. vor Art. 184 ss CO et les réf.32 ATF 118 II 157 c. 3b, JdT 1993 I 648 ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 153 ad

Einl. vor Art. 184 ss CO ; WieganD, RSJB 1994, p. 270 ; BauDenBacher/rommé, Ausgewählte Rechtsprobleme des Franchisings (cit. note 18), p. 3, indiquent même que « der Franchisevertrag ist sonach in seinem Kern Arbeitsleistungsvertrag“ ; cf. ég. schulthess, De Franchise-Vertrag (cit. note 29), p. 133 ss.

33 CHK-ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 7 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag.34 BauDenBacher/rommé, Ausgewählte Rechtsprobleme des Franchisings (cit. note 18), p. 6 ;

schulthess, De Franchise-Vertrag (cit. note 29), p. 177 ss.35 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 134 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; CHK-ch.

WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 8 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag ; pour le droit allemand, rejetant les règles de la BGB-Gesellschaft, not. giesler, in : giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 84 p. 388 (Kap. 5 Franchising und Schuldrecht).

Pascal Pichonnaz

48

lorsqu’il y a un collaboration entre des parties se trouvant plutôt sur un pied d’égalité. C’est aussi ce que relève le Tribunal fédéral dans un arrêt récent36. Dans un tel cas, il nous semble toutefois qu’il y ait des arguments pour admettre un aspect de communauté d’intérêts, ne serait-ce qu’en retenant que c’est la vente selon le système mis en place par les partenaires qui permet de produire du bénéfice pour tous les deux. Au-delà des aspects financiers et de l’activité de distribution, les intérêts des parties peuvent être en opposition37, cela ne nous paraît toutefois pas suffisant pour annihiler les aspects de société simple.

Le type et l’intensité de la subordination dans la relation de travail joue un rôle important en cas de résiliation, en particulier pour savoir si les règles impératives du contrat de travail ou d’agence doivent s’appliquer par analogie (cf. infra II.B).

Pour déterminer une certaine typologie des contrats de franchise, le prof. martineK s’est fondé en 1987 sur le critère de la constellation des intérêts et des pouvoirs dans le contrat de franchise38, tenant ainsi compte du degré d’indépendance et de subordination du franchisé. Même si cette approche est critiquée39, les résultats ont été repris par le Tribunal fédéral dans deux arrêts récents (ATF 134 I 303/309, c. 3.3 ; TF, 4A_148/2011, c. 4.1), qui distinguent deuxtypesde contrat de franchise, même s’il en existe de nombreux autres40 :

– Le contrat de franchise de partenariat (« Partnerschaftsfranchising »). Ce type de contrat est proche du contrat de société simple, comme nous l’avons dit, à tout le mois en ce qui concerne les relations de service entre les deux parties. En effet, le contrat est conçu pour permettre aux parties de collaborer sur un pied d’égalité, sans que la stratégie du franchiseur ne soit imposée jusque dans les moindres détails. On peut toutefois là aussi envisager plusieurs degrés de collaboration, ce qui a amené martineK à évoquer des Koordinationsfranchising, Koalitionsfranchising ou Konföderationsfranchising41. Ces sous-catégories n’ont d’intérêt que si elles ont un impact sur la manière d’interpréter ou de combler le contrat en droit suisse. Il nous semble toutefois que si l’on tend à retenir les règles du contrat de société simple pour la franchise de partenariat, alors les sous-catégories n’ont que peu ou pas d’intérêts. Elles sont au demeurant critiquées42.

36 ATF 134 I 303/309 c. 3.3 : « Ferner kann im gemeinsamen Ziel der Maximierung des Umsatzes – ähnlich wie bei einem Alleinvertretungsvertrag – ein gesellschaftsvertraglicher Einschlag erblickt werden. ».

37 CHK-ch. WilDhaBer, (2e éd., 2012), n. 9 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag.38 martineK, Franchising, Grundlagen der zivil- und wettbewerbsrechtlichen Behandlung der

vertikalen Gruppenkooperation beim Absatz von Waren und Dienstleistungen, Heidelberg 1987, p. 147 ss ; puis martineK, in : Martinek/Semler (édit.), Handbuch des Vertriebsrechts, 2e éd., Munich 2003, n. 18 ss ad § 18.

39 giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 52 ss p. 22 s. (Einleitung).40 Cf. p.ex. vogel, Der Franchise-Vertrag (cit. note 24), n. 98, qui mentionne : Einzelfranchise,

Masterfranchise, Dienstleistungs-Franchising, Produkt-Distribution-Franchising, Business-Format-Franchising, Straight-Product-Franchise, Subordination-Franchising, Partnerschafts-Franchising.

41 martineK, Franchising (cit. note 38), p. 147 ss ; martineK, Handbuch (cit. note 38), n. 23 ad § 18.42 Cf. not. giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 48 ss p. 20 ss (Einleitung).

Le contrat de franchise : état de son évolution

49

– Le contrat de franchise de subordination (« Subordinationsfranchising »). Ce type de contrat de franchise est caractérisé par un certain rapport de subordination entre franchi-seur et franchisé. L’organisation du contrat est essentiellement verticale, avec une reprise très fidèle du système de stratégie de marketing, de distribution et de mise en place des produits, ainsi qu’une faible interaction entre les franchisés d’un même franchiseur. La doctrine constate qu’il s’agit aujourd’hui du modèle le plus courant du contrat de franchise en pratique43, raison pour laquelle le Tribunal fédéral considère qu’il constitue un modèle « typique »44. Dans un tel type de contrat de franchise, il peut se révéler judicieux d’appliquer par analogie les règles sur le contrat de travail ou d’agence45. Nous y reviendrons encore.

Dans un arrêt non publié du 8 septembre 2011 (TF, 4A_148/2011), le Tribunal fédéral rejette toutefois très clairement toute présomption en faveur du contrat de franchise de subordination ; « il n’y a pas de règle selon laquelle un tribunal devrait partir du fait que le contrat de subordination serait le cas normal et ne devrait admettre un contrat de franchise de partenariat que dans des cas exceptionnels », le tribunal doit bien plus examiner dans chaque cas sur la base de l’ensemble des circonstances de quel type de contrat il s’agit46.

La distinction est dès lors loin d’être anodine, puisque les règles sur le contrat de travail ou d’agence sont parfois impératives et peuvent donc s’imposer aux parties, en dépit de leur accord différent. Il s’agit là d’un aspect que nous avons déjà évoqué dans le premier symposium consacré à la pratique contractuelle47.

En fin de compte, il n’est pas possible d’examiner ici toutes les obligations principales et accessoires des parties à un contrat de franchise tant elles peuvent être diverses et nombreuses48. En revanche, cette diversité montre qu’il serait erroné de subsumer

43 giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 46 p. 20 (Einleitung) ; martineK, Handbuch (cit. note 38), n. 63 ad § 4.

44 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.1 ; ATF 134 I 303/309, c. 3.3 (« typischerweise »).45 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.1 (« Subordinationsfranchising ») ; ATF 134 I 303/309 c. 3.3

(« Subordinationsfranchising ») ; ATF 118 II 157/160 c. 2c JdT 1993 I 648 ; ATF 107 II 211 c. 4, JdT 1982 I 598.

46 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.3.2.2 : « Es bleibt beizufügen, dass entgegen den Vorbringen der Beschwerdeführerin keine Regel besteht, nach der ein Gericht vom Subordinationsfranchising als Normalfall auszugehen hätten und nur Ausnahmsweise ein Partnerschaftsfranchising anzunehmen wäre, wenn auch bei Franchiseverträgen typischerweise ein Unterordnungsverhältnis bestehen mag. Vielmehr ist nach der vorstehen (Erw. 4.1) dargelegten Rechtsprechung, welche die Vorinstanz zutreffend anwandte, in jedem Einzelfall aufgrund aller massgebenden Umstände zu unterscheiden, ob ein Unterordnungsverhältnis vorliegt und entsprechend Schutznormen des Arbeits- oder Agenturvertragsrechts sinngemäss anwendbar sind » ; ATF 134 I 303/309, c. 3.3, ne mentionne que la phrase habituelle « typischerweise ».

47 De Werra, Droit des obligations : Partie générale et contrat spéciaux, JdT 2012 II 253, p. 265 ; Pichonnaz, Les contrats innommés (cit. note 13), p. 27 s.

48 Pour une liste en droit allemand avec une tentative de les intégrer à un contrat spécifique, cf. giesler, in : giesler/nauschütt, Franchiserecht (cit. note 1), n. 101d et 101f p. 403 s. (« Kapitel 5 – Franchising und Schuldrecht ») ; pour une présentation détaillée, amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 139 ss ad Einl. vor Art. 184 ss CO.

Pascal Pichonnaz

50

l’ensemble des obligations principales des parties sous un seul contrat, conformément à la méthode de l’absorption, qui consiste à appliquer à l’ensemble des obligations le régime du type contractuel prépondérant49. L’analyse préconisée par le Tribunal fédéral dans un arrêt récent50 d’une combinaison des divers aspects en fonction de l’obligation considérée (méthode de la combinaison51) tient certes compte du fait que le contrat de franchise est composé de divers aspects très différents, mais sous-estime le fait que l’obligation considérée s’insère dans un contrat plus large.

La méthode actuelle du Tribunal fédéral pour les contrats innommés consiste plutôt à déterminer le « centre de gravité des relations contractuelles » (Regelungsschwerpunkt) et revient à apporter un élément pragmatique à l’approche de la combinaison52, tenant plus compte de la pondération des diverses obligations considérées dans l’ensemble contractuel. Il nous semble qu’il faudrait agir de même pour le contrat de franchise et éviter une approche trop isolée de chacun des problèmes. Partant, la résiliation du contrat de franchise doit être traitée de la même manière quel que soit l’élément consi-déré ; le Tribunal fédéral l’avait d’ailleurs admis dans un arrêt plus ancien53.

B. Les délimitations avec d’autres contrats

Après avoir établi les caractéristiques du contrat de franchise, il est possible de souligner ce qui le distingue en principe d’autres formes contractuelles. Nous évoquerons briève-ment les plus fréquentes, tout en laissant de côté la question du contrat de travail et du contrat de bail, sur lesquels nous reviendrons :

1° Le contrat d’agence. Le contrat de franchise se distingue du contrat d’agence, régi aux art. 418a CO, par le fait que le franchisé agit en son propre nom et pour son propre compte ; l’agent agit au contraire au nom et pour le compte du mandant54. L’indépendance du franchisé par rapport au franchiseur est juridique, même si dans le contrat de franchise de subordination l’indépendance de fait est limitée. Il n’en reste pas moins que le risque commercial est supporté par le franchisé, ce qui n’est le cas pour l’agent que de manière limitée (montant de la provision dépendant des contrats conclus ; CO 418g).

49 Pichonnaz, Les contrats innommés (cit. note 13), p. 36 ss et les nombreuses références ; thévenoz/De Werra, CR CO I (2e éd., 2012), n. 19 ad Intro. Art. 184-529 ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 13 s. ad Einl. vor Art. 184 ss CO.

50 ATF 134 I 303/309 c. 3.3.51 Sur les divers critères de comblement, cf. not. Pichonnaz, Les contrats innommés (cit. note 13),

p. 38 ; thévenoz/De Werra, CR CO I (2e éd., 2012), n. 19 ad Intro. art. 184-529 CO.52 Pichonnaz, Les contrats innommés (cit. note 13), p. 40 s.53 ATF 118 II 157/162 c. 3a, JdT 1993 I 648.54 ATF 134 I 303/309 s. c. 3.4.

Le contrat de franchise : état de son évolution

51

2° Le contrat de commission. Le contrat de franchise se distingue du contrat de commission, régi aux art. 425 ss CO, par le fait que le commissaire n’agit pas pour le mandant sur une longue durée, mais en principe de manière occasionnelle. Certes, le commissionnaire agit en son propre nom, comme le franchisé, mais pour le compte du commettant, alors que le franchisé agit pour son propre compte, même si bien sûr le franchiseur obtient des avantages liés à un chiffre d’affaires élevé par exemple.

3° Lecontratdereprésentationexclusive. Le contrat de franchise de marchandises présente une forte analogie avec le contrat de représentation exclusive55, puisque les deux contrats supposent l’usage d’une marque à l’égard de tiers, le plus souvent dans un territoire déterminé avec un droit d’exclusivité. En outre, franchisés et représentants exclusifs agissent tous deux en leur nom propre et pour leur propre compte. Toutefois, le franchisé est intégré dans un concept global de vente et doit le plus souvent respecter très précisément des stratégies établies par le franchiseur ; il y a en quelque sorte une image commune véhiculée par le franchiseur et le franchisé. L’intégration est ainsi moindre pour le représentant56. En outre, le franchisé verse en principe un montant pour une assistance continue du franchiseur, ce qui n’est pas le cas du représentant exclusif57. La forte similitude entre les deux contrats nous semble toutefois justifier une même solution en matière de conflit de lois (cf. supra I.A.1) ; elle ne suffira toutefois pas à déduire les mêmes conséquences en matière d’indemnité de clientèle (cf. infra III.B).

4° Le contrat de licence. Certains auteurs allemands ont voulu assimiler totalement contrat de franchise et contrat de licence58, tant il est vrai qu’un aspect impor-tant du contrat de franchise est constitué par l’utilisation à titre onéreux de droits de propriété immatérielle et de savoir-faire techniques et commerciaux, éléments essentiels du contrat de licence59. Toutefois, il serait réducteur de ramener l’en-semble des aspects du contrat de franchise au seul contrat de licence, étant donné que le franchiseur fournit une assistance constante moyennant rémunération, que le franchisé doit promouvoir activement la vente du produit et qu’il est intégré dans un système de distribution, ce qui n’est pas le cas pour le preneur de licence.

Nous l’avons déjà dit (cf. supra I.A.3), le contrat de franchise de partenariat – lorsqu’il existe – est proche d’un contrat de société simple, dans lequel les parties qui coopèrent sur un pied d’égalité ont toutes un intérêt à la bonne marche du contrat.

55 Cf. not. ATF 118 II 157/161 c. 2c, JdT 1993 I 648.56 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 134 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; CHK-WilDhaBer

(2e éd., 2012), n. 10 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag57 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 134 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; CHK-WilDhaBer

(2e éd., 2012), n. 10 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag.58 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 134 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; CHK-WilDhaBer

(2e éd., 2012), n. 9 ad Vorb. 184 ff/Franchisevertrag.59 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 134 (Franchisevertrag) et n. 238 (Lizenzvertrag)

ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; CHK-zenhäusern, n. 1 ad Vorb. 184 ff/Lizenz- und Know-how-Vertrag.

Pascal Pichonnaz

52

II. Les règles applicables à la résiliation anticipée du contrat de franchise

Hormis les problèmes de droit de la concurrence qui se posent de manière importante en matière de contrat de franchise60 – mais que nous laisserons de côté ici, une difficulté récurrente des contrats de franchise tient à leur caractère durable. Les contrats de franchise sont en principe convenus pour une période déterminée61. En effet, il faut pouvoir établir une relation entre le montant de la rémunération exigée, la cession de l’usage des droits, l’amortissement d’acquisitions faites par le franchisé. L’intégration dans l’organisation et le système de distribution supposent une planification dans le temps et une stabilité que recherchent des contrats passés souvent pour de très longues périodes.

Le contrat de franchise prévoit généralement des causes spécifiques de résiliation anti-cipée, et parfois aussi une clause générale. Hormis l’interprétation de leur portée, il importe toutefois de savoir à l’aune de quelles règles de résiliation légales ces clauses convention-nelles doivent être appréciées. Nous en aborderons trois : les règles sur le contrat de bail (A.), celles relatives au contrat de travail ou de société simple (B.), et finalement les règles générales sur les justes motifs (C.). On notera que la question de la limitation excessive de la liberté contractuelle, qui pourrait se poser en lien avec des contrats passés pour 99 ans (comme dans l’arrêt du TF, 4A_148/2011), est largement évacuée par la possibilité d’une résiliation pour justes motifs. Il en allait encore autrement dans un contrat de livraison de bière illimité dans le temps, dont le Tribunal fédéral a réduit la durée à 20 ans62.

A. L’application des règles du contrat de bail

Nous l’avons dit, le contrat de franchise contient souvent des éléments de mise à disposi-tion de locaux, ce qui pose la question de savoir quel rôle il faut donner aux règles relatives au contrat de bail ou au contrat de bail à ferme. En particulier, les règles sur l’interpréta-tion que nous avons présentées impliquent de se demander si l’aspect contrat de bail est le

60 Voir à cet égard vortmann, Franchiseverträge : Entscheidungskriterien und Muster für das Franchising, Munich 1995, p. 31, 34 ég. pour les contrats de distribution en général, Dominique Dreyer, Contrats de distribution : deux questions, in : Pichonnaz/Werro (édit.), La pratique contractuelle 3, Genève/Zurich 2012, p. 130 ss ; Julia XouDis, Les accords de distribution au regard du droit de la concurrence, thèse Genève, Zurich 2002 ; huBert orso gillieron, Les contrats verticaux en droit communautaire et suisse de la concurrence, thèse Fribourg, Genève 2004 ; mani reinert, Œkonomische Grundlagen zur kartellrechtlichen Beurteilung von Alleinvertriebsverträgen, thèse, Zurich 2004 ; Marc Amstutz, Mani Reinert, Vertikale Preis- und Gebietsabreden – eine kritische Analyse von Art. 5 Abs. 4 KG, Jusletter 27.9.2004.

61 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011) (99 ans) ; ATF 134 I 303 (durée inconnue) ; TF, 4C.228/200 (11.10.2000) (5 ans) ; ATF 118 II 157 c. 2c, JdT 1993 I 648 (durée indéterminée) ; cf. ég. vortmann, Franchiseverträge (cit. note 60), p. 28 ; stein-Wigger, Die Beendigung des Franchisevertrages, Bâle 1999, p. 144 ss ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 151 ad Einl. vor Art. 184 ss CO.

62 ATF 114 II 159 c. 2c, JdT 1989 I 2.

Le contrat de franchise : état de son évolution

53

« centre de gravité des relations contractuelles », en particulier par rapport à la résiliation du contrat et ses conséquences.

Il y a plus de vingt ans (ATF 118 II 157), le Tribunal fédéral a été confronté à la question de savoir à quelles conditions les règles protectrices du contrat de bail pouvaient s’appliquer à la résiliation d’un contrat de franchise, lorsque celui-ci portait également sur la mise à disposition de locaux63.

L’affaire était intéressante, puisqu’une entreprise détentrice d’une grande marque de produits cosmétiques (Yves St-Laurent) proposa à l’une de ses employées d’exploiter à son propre compte une entreprise propre, dans les mêmes locaux, en concluant avec elle un contrat de franchise. Après deux ans, le franchiseur fit part à la franchisée de son intention de faire passer le pourcentage sur le chiffre d’affaires que celle-ci devrait payer de 1 % à 7 %. Face au refus de la franchisée, le franchiseur mit un terme au contrat, s’empara de la cartothèque contenant la liste des clients et obtint en première instance l’expulsion de la franchisée des locaux commerciaux qu’il lui avait mis à disposition.

Dans l’action en dommages-intérêts du franchiseur, la franchisée expulsée invoqua recon-ventionnellement des dommages-intérêts fondés en partie sur le non-respect des règles du contrat de bail en matière d’expulsion.

Le Tribunal fédéral a retenu que la mise à disposition d’un local commercial (et le cas échéant des installations qui s’y trouvent) en conjonction avec les obligations typiques du contrat de franchise supposait de déterminer si le contrat de bail était « autonome » ou s’il était bien intégré à un contrat innommé (mixte ou sui generis). En retenant cette deuxième solution, notre Haute Cour considéra que l’application des règles de l’un des éléments constitutifs du contrat (en l’occurrence les règles impératives relatives à la résiliation d’un contrat de bail) dépendait de savoir si cet aspect du contrat constituait le centre de gravité de l’accord. En d’autres termes, il s’agissait de déterminer sur quoi portait l’intérêt prin-cipal du partenaire contractuel. Ainsi, il n’y aura application des règles sur le contrat de bail (à ferme) dans le contrat de franchise que si la cession de l’usage des locaux commer-ciaux est l’aspect le plus important de la relation contractuelle.

A juste titre, le Tribunal fédéral a retenu que, dans le contrat de franchise considéré, la cession des locaux à un endroit déterminé pouvait certes présenter un avantage certain, mais l’élément central portait sur le « paquet » de droits conféré par le franchiseur (« fran-chise-package »), c’est-à-dire l’ensemble des prestations que le franchiseur avait fourni au franchisé en vue de promouvoir la vente de produits déterminés. La mise à disposition des locaux n’était ainsi qu’un élément parmi d’autres qui ne saurait imposer ses règles (impé-ratives) à l’ensemble de la relation contractuelle.

63 ATF 118 II 157, JdT 1993 I 648.

Pascal Pichonnaz

54

Cette analyse doit d’ailleurs être identique que les aspects de bail soient formellement intégrés au contrat de franchise ou qu’ils fassent l’objet d’un contrat distinct, mais écono-miquement liés (contrat complexe)64.

Dans l’affaire mentionnée, la franchisée avait en outre invoqué l’interdiction des « tran-sactions couplées » au sens de l’art. 254 CO, pour faire valoir la nullité du contrat de franchise. Le Tribunal fédéral a toutefois rappelé que pour admettre la construction d’une transaction couplée, il faudrait que le preneur veuille uniquement louer les locaux, mais que le bailleur fasse dépendre la conclusion de ce contrat d’une autre transaction secondaire qu’il lui offre de conclure65. Or, le but principal des partenaires contractuels n’était précisément pas de conférer simplement un droit d’usage et de jouissance sur des locaux commerciaux, mais bien de permettre une activité de vente et de promotion de produits selon un schéma de marketing prédéfini. On ne pouvait donc parler de transac-tions couplées.

B. L’application des règles du contrat de travail

La question de savoir si les règles du contrat de travail, voire du contrat d’agence, relatives à la résiliation peuvent ou doivent s’appliquer par analogie au contrat de franchise, par préférence p. ex. aux règles du contrat de société simple, dépend principalement du type de contrat de franchise considéré. La question est importante, puisque les règles relatives à la résiliation du contrat de travail sont impératives (CO 361), ce qui n’est pas le cas pour celles du contrat de société simple66. La règle sur la résiliation judiciaire pour justes motifs est toutefois relativement impérative67.

Dans un contrat de franchise de partenariat, les parties sont typiquement dans une rela-tion horizontale de coopération. Il n’y a en soi pas cette relation de subordination typique du contrat de travail ou d’agence qui justifierait un besoin de protection particulier. C’est la raison pour laquelle en l’absence de règles contractuelles sur la résiliation, la doctrine et la jurisprudence proposent d’appliquer les règles sur la société simple et, en particulier, l’art. 546 al. 1 CO par analogie pour la résiliation ordinaire, si le contrat est de durée indéterminée. Cela signifie donc un « délai d’avertissement » de six mois avant l’effet de la résiliation68.

64 ATF 118 II 157, JdT 1993 I 648.65 ATF 118 II 157 c. 3c, JdT 1993 I 648.66 tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 8052ter ; chaiX, CR CO II (2008), n. 25 ad

art. 545-547 CO.67 tercier/Favre/Bl. carron, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 7727 ; chaiX, CR CO II (2008),

n. 25 ad art. 545-547 CO ; staehelin-BsK, n. 33 ad art. 545/546 CO ; ég. TF, ZR 44 (1945) n. 106.68 amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 151 ss ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; stein-

Wigger, Die Beendigung (cit. note 61), p. 266 ; tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 8051 ; schulthess, De Franchise-Vertrag nach schweizerischem Recht, th., Zurich 1975, p. 7.

Le contrat de franchise : état de son évolution

55

S’il s’agit d’un contrat de durée déterminée, il ne peut y avoir de résiliation ordinaire69 ; seule une résiliation pour justes motifs peut alors entrer en ligne de compte. Pour le contrat de franchise de partenariat, la question se pose dès lors de savoir s’il faut appliquer par analogie l’art. 545 al. 1 ch. 7 CO, qui suppose une résiliation judiciaire, ou si l’on peut s’en tenir à la règle générale de la résiliation unilatérale pour justes motifs de résiliation. Nous y reviendrons ci-dessous (cf. infra II.C.3).

Dans un contrat de franchise de subordination, la relation entre franchiseur et franchisé est nettement plus proche de la structure verticale du contrat de travail ou d’agence. On peut dès lors se demander s’il faut appliquer par analogie les art. 336 ss CO (contrat de travail), et en particulier l’art. 337 CO sur la résiliation pour justes motifs, ou l’art. 418r CO (contrat d’agence) à titre de règles impératives.

Dans son arrêt du 8 septembre 2011 (TF, 4A_148/2011), le Tribunal fédéral avait affaire à une résiliation anticipée d’un contrat de franchise d’une durée de 99 ans, résilié après neuf ans sans « justes motifs », mais en conformité avec les règles contractuelles fixées entre les parties. La question de l’application par analogie des art. 336 ss, en part. de l’art. 337 CO relatif à la résiliation pour justes motifs, prenait toute son importance. En effet, l’art. 337 CO étant de droit impératif70, s’il s’applique par analogie au contrat de franchise de subordination, une résiliation anticipée sans justes motifs, même autorisées par une clause contractuelle, ne serait pas possible.

Le contrat de franchise prévoyait ainsi la possibilité de résilier le contrat sans exiger nécessairement la preuve de la rupture de la confiance entre les parties, condition essen-tielle en cas de résiliation pour justes motifs71. Le Tribunal fédéral a considéré que si le contrat de franchise prévoyait une relation de subordination suffisante entre franchiseur et franchisé, il y avait lieu d’appliquer par analogie les règles impératives sur la rési-liation pour justes motifs. Ainsi, ce n’est pas la qualification de contrat de franchise de subordination qui suffit à appliquer par analogie les règles impératives du droit du contrat de travail, mais bien l’intensité de la subordination et, partant, le besoin de protection comparable dans le contrat de franchise à celui existant dans le travail qui peut justifier un même régime.

Suivant en cela les considérations de l’instance cantonale (Tribunal de commerce zuri-chois), le Tribunal fédéral a examiné l’ampleur de l’indépendance du franchisé selon trois critères. Il a constaté que, dans le cas d’espèce, il y avait une indépendance suffi-sante du franchisé pour exclure d’appliquer par analogie les règles impératives du contrat de travail72 :

69 stein-Wigger, Die Beendigung cit., p. 252.70 De Werra, Droit des obligations (cit. note 47), p. 265.71 De Werra, Droit des obligations (cit. note 47), p. 265 ss.72 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.3.2.

Pascal Pichonnaz

56

1° L’indépendance juridique dans la conclusion des contrats. Le franchisé gérait son entreprise de manière juridiquement indépendante. Certes, il apparaissait face à ses clients sous l’enseigne d’un tiers (« unter fremdem Zeichen »), mais agissait en son nom propre et pour son propre compte (« in eigenem Namen und auf eigene Rechnung »).

2° Une indépendance accrue pour les gains. Conformément au contrat de franchise, le franchisé devait certes payer périodiquement une redevance de franchise, dont le montant dépendait du chiffre d’affaires, mais tous les bénéfices lui restaient entiè-rement acquis.

3° Une indépendance certaine dans la gestion de l’entreprise. Certes, le franchisé recevait des instructions sur la manière d’apparaître (« Erscheinungsbild »), sur le contenu et la qualité des produits/services. Il ne recevait toutefois aucune instruc-tion sur la manière de gérer son entreprise. Il était ainsi libre de gérer l’affaire dans ses propres locaux, avec une organisation du travail qui était indépendante du franchiseur. En particulier, il est était libre dans la manière de choisir ses collaborateurs. En outre, il avait renoncé volontairement (et avait pu le faire !) à des aides qui lui avaient été proposées par le franchiseur et avait la possibilité de décider seul des investissements à faire dans son entreprise. En outre, en parallèle au service découlant de la franchise (base de données partagée sur internet), il gérait aussi un second produit (base de données). Ainsi, la liberté de gestion de l’entreprise n’était que modérément limitée par les exigences découlant du contrat de franchise.

Il est vrai que tout contrat de franchise a un impact sur la liberté entrepreneuriale. Toute-fois, on ne peut pas parler de rapport de subordination, mais on doit admettre un partena-riat, lorsque la limitation de la liberté entrepreneuriale n’est que faible et qu’il n’y a pas un régime d’instructions qui couvre l’ensemble de l’activité du franchisé.

Contrairement à ce qu’affirme une partie de la doctrine, qui paraît retenir une présomption en faveur d’un contrat de franchise de subordination73, le Tribunal fédéral a souligné dans ce même arrêt qu’il n’y a pasdeprésomptionjuridiqueen faveur d’un rapport de subor-dination74. Le fait qu’il a utilisé (et utilise encore) la formule selon laquelle le contrat de franchise est typiquement (« typischerweise »75) un contrat de subordination n’implique aucune présomption ; il faut bien plus tenir compte de l’ensemble des circonstances pour

73 müller, Contrats de droit suisse, Berne 2012, n. 3041 : « la franchise de subordination est la règle », ce qui est plus fort que l’expression utilisée par le Tribunal fédéral.

74 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.3.2.2.75 ATF 134 I 303/309 (c. 3.2) ; TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.1.

Le contrat de franchise : état de son évolution

57

déterminer le type de relation76. En d’autres termes, il n’y a pas de renversement du fardeau de la preuve du rapport de subordination. Ainsi, en particulier, le franchisé qui entend être protégé par certaines règles impératives qu’il veut voir appliquer par analogie doit amener la preuve d’un rapport de subordination suffisant. La décision doit donc se prendre en fonction de l’ensemble des circonstances.

Ce raisonnement intellectuel est correct, puisque le contrat de franchise ne correspond pas à un type légal prédéterminé, mais uniquement à une structure commerciale largement utilisée, mais sous des formes très diverses. La prévisibilité n’est toutefois que peu réduite, dès lors que l’on peut retenir une récurrence pratique de la forme de la subordination. Le Tribunal fédéral lui-même évoque le fait que si le franchisé est une petite entreprise qui se retrouve face à un franchiseur puissant, un rapport de subordination pourrait être plus facilement admis ; il y a en quelque sorte une présomption de l’homme en faveur de la subordination qui facilite l’appréciation des éléments de preuves, sans entraîner toutefois un renversement du fardeau de la preuve77. Il s’agit de fait d’un tempérament de l’élément de l’indépendance juridique, caractéristique du contrat de franchise, qui tient compte d’une réalité des faits.

C. Larésiliationpourjustesmotifs

1. Comme l’a relevé le Tribunal fédéral, l’art. 404 co qui prévoit la possibilité tant pour le mandant que pour le mandataire de mettre un terme au contrat sans justes motifs ne peut s’appliquer par analogie au contrat de franchise78. Le Tribunal fédéral renvoie aux explications de la Cour cantonale, qui ne nous sont pas connus. Toutefois, il faut relever que, d’une part, l’art. 404 CO apparaît comme une règle plutôt inhabituelle fondée sur un lien de confiance très étroit79. En outre, la disposition est critiquée, à juste titre, par une large partie de la doctrine, ce qui justifie également d’examiner en détails les intérêts en

76 TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.3.2.2 : « Es bleibt beizufügen, dass entgegen den Vorbringen der Beschwerdeführerin keine Regel besteht, nach der ein Gericht vom Subordinationsfranchising als Normalfall auszugehen hätten und nur Ausnahmsweise ein Partnerschaftsfranchising anzunehmen wäre, wenn auch bei Franchiseverträgen typischerweise ein Unterordnungsverhältnis bestehen mag. Vielmehr ist nach der vorstehen (Erw. 4.1) dargelegten Rechtsprechung, welche die Vorinstanz zutreffend anwandte, in jedem Einzelfall aufgrund aller massgebenden Umstände zu unterscheiden, ob ein Unterordnungsverhältnis vorliegt und entsprechend Schutznormen des Arbeits- oder Agenturvertragsrechts sinngemäss anwendbar sind ».

77 Sur les incidences de la présomption de de l’homme (die tatsächliche Vermutung), cf. steinauer, Le titre préliminaire du Code civil, TDP II/1, Bâle 2009, n. 657 ; H.P. Walter, BKomm. (2012), n. 473 ss ad art. 8 CC ; cela va donc moins loin qu’une présomption de fait, cf. H.P. Walter, BKomm. (2012), n. 401 ss ad art. 8 CC ; steinauer, Le titre préliminaire, n. 652.

78 TF, 4C.228/2000 (11.10.2000), c. 3a et 4 (dans lequel le franchisé invoquait principalement le fait que le contrat était un contrat de conseil [Beratungsvertrag] auquel devait s’appliquer les règles du mandat, mais ensuite proposait aussi de l’appliquer au contrat de franchise, c. 4).

79 tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 8052 ; Werro-CR CO I, (2e éd., 2012), n. 7 ss ad art. 404 CO.

Pascal Pichonnaz

58

jeu avant d’appliquer l’art. 404 CO par analogie au contrat de franchise. Le fait que le Parlement envisage la modification de l’art. 404 CO80 souligne encore qu’on ne saurait admettre facilement une telle application par analogie.

La doctrine considère à juste titre que l’art. 404 CO n’est déjà pas approprié pour des contrats de durée81. Il ne saurait dès lors s’appliquer sans autres raisons au contrat de franchise. En outre, le contrat de franchise n’est pas caractérisé par une relation personnelle (« intuitu personae ») spécifique qui justifierait une limitation de la force obligatoire des contrats pour préserver le noyau dur de la liberté personnelle.

2. En l’absence de disposition contractuelle spécifique sur la résiliation anticipée du contrat de franchise, celui-ci doit pouvoir prendre fin pour de justesmotifs, à l’instar de tout contrat de durée82. De justes motifs peuvent être donnés que le contrat soit de durée déterminée ou indéterminée. Les contrats contiennent souvent une énumération de ce qui est compris comme justes motifs83. Néanmoins, une partie ne peut pas se fonder sur le caractère éventuellement exhaustif d’une telle énumération dans le contrat pour s’opposer à une résiliation qui ne se fonderait pas sur une cause énumérée ; si la cause invoquée remplit les conditions posées par la jurisprudence pour une résiliation pour justes motifs, elle est suffisante. C’est en effet la seule conséquence possible du caractère impératif de droit de résiliation pour justes motifs.

Il y a justes motifs lorsque la continuation du contrat jusqu’au terme de la durée fixée ou jusqu’au terme de résiliation ordinaire ne peut plus raisonnablement être exigée du partenaire contractuel84. On peut imaginer plusieurscausesjustifiées.Pour le franchisé, il s’agit notamment du non-respect du devoir contractuel ou légal de promouvoir la vente par le franchisé85 ou de l’ignorance (crasse) de directives de procédures fixées pour la production du produit. Pour le franchiseur, on évoque notamment la limitation arbitraire, et surtout contraire au contrat, du champ d’activité géographique du franchisé, ou le rejet arbitraire de commandes.

80 Le Conseil national a adopté la motion Barthassat qui va dans ce sens et la Commission des affaires juridiques du Conseil d’Etat propose à son Conseil d’en faire de même (Rapport du 18.06.12 de la Commission des affaires juridiques CE – Conseil des Etats, Motion n. 11.3909) ; sur l’état d’avancement, cf. le site internet, à la page : http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20113909.

81 stein-Wigger, Die Beendigung (cit. note 61), p. 266 ; huguenin, Obligationenrecht Besonderer Teil, 2e éd, Zurich 2004, n. 1311 ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 152 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; Werro-CR CO I, (2e éd., 2012), n. 17 ad art. 404 CO.

82 ATF 133 III 360, SJ 2007 I 482* ; ATF 128 III 428, JdT 2005 I 284 ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5 e éd., 2011), n. 155 ad Einl. vor Art. 184 ss CO et les réf. ; zen-ruFFinen–venturi M.-N., La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, th. Fribourg, Zurich/Bâle/Genève 2007, n. 167 ss ; zen-ruFFinen–venturi M.-N., La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, SJ 2008 II 1 ss, en part. 2.

83 stein-Wigger, Die Beendigung (cit. note 61), p. 157 ss ; ZR 2001, p. 36 s..84 zen-ruFFinen-venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 187 ; stein-Wigger,

Die Beendigung (cit. note 61), p. 149 avec de nombreuses réf.85 Cf. not. TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), Fait A et brèves rem ad c. 4.4 ; amstutz/morin/schlueP-

BSK (5e éd., 2011), n. 155 ad Einl. vor Art. 184 ss CO et les réf.

Le contrat de franchise : état de son évolution

59

On peut toutefois envisager également des critèresobjectifs, telle la non-rentabilité de la centrale ou des critères liés à la production. Il sera toutefois plus difficile d’admettre de justes motifs sur une seule base objective, il faut bien plus que ces éléments aient un impact déterminant sur l’équilibre contractuel tel que l’avaient envisagé les parties, sans pour autant devoir exiger que les événements aient été imprévisibles.

Si la résiliation invoque àtortdejustesmotifs, il faut à notre avis considérer cette résiliation comme invalide et la convertir éventuellement en une résiliation ordinaire (cf. infra III.A.2).

3. Le contrat de franchise de partenariat est soumis par analogie aux règles sur le contrat de société simple (cf. supra I.A.1). Or, l’art. 545 al. 1 ch. 7 co envisage la seule résiliation pour justes motifs ordonnées par le juge ; une partie de la doctrine considère cette règle comme relativement impérative86, ce qui signifie qu’il est possible d’assouplir ses exigences, mais non pas d’exclure la résiliation pour justes motifs ou la rendre plus difficile. La question est dès lors celle de savoir si la règle doit être appliquée par analogie, sans modification du régime, au contrat de franchise de partenariat. En d’autres termes, faut-il exiger pour la résiliation anticipée pour justes motifs une action formatrice, ou un acte formateur unilatéral pourrait-il suffire ?

En fait, l’application par analogie de l’art. 545 al. 1 ch. 7 CO signifie qu’il faut justement tenir compte des spécificités du contrat de franchise de partenariat. Or, une différence fondamentale entre contrat de franchise et contrat de société simple tient au fait que le contrat de franchise de partenariat est nécessairement un contrat bilatéral, alors que tel n’est pas le cas d’un contrat de société qui est nécessairement un contrat multilatéral87 ; partant, les obligations ne sont pas dans une relation d’échanges. La résiliation judiciaire prévue par l’art. 545 al. 1 ch. 7 CO, solution exceptionnelle par rapport à la règle d’un acte formateur88, se justifie probablement pour des raisons liées à la nature multilatérale du contrat de société simple. La doctrine admet d’ailleurs que les parties à un contrat de société puissent prévoir valablement que la résiliation produise son effet résolutoire dès un acte formateur (en dépit de la lettre de l’art. 545 ch. 7 CO) lorsque la continuation serait contraire à la protection de la personnalité de l’une des parties89.

86 tercier/Favre/Bl. carron, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 7727 ; staehelin-BsK, n. 33 ad art. 545/546 CO ; TF, ZR 44 (1945) n. 106 ; pour admettre un caractère dispositif dans les limites de l’art. 27 al. 2 CC, cf. ZK-hanDschin/vonzun, N 166 ad art. 545-547 CO ; BK-Becker, n. 22 ad art. 545 CO ; BK-hartmann, n. 24 ad art. 574 CO.

87 tercier/Favre/Bl. carron, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 7441 ; stöcKli, Das Synallagma im Vertragsrecht : Begründung, Abwicklung, Störungen, th. hab., Fribourg 2008, n. 42.

88 tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations (cit. note 20), n. 276.89 staehelin-BsK, n. 33 ss ad art. 545/546 CO ; marchanD, Le juge face à la résiliation douteuse

d’un contrat de distribution exclusive, in : Blanc (édit.), L’évolution récente du droit des obligations, Lausanne 2004, p. 109 s.

Pascal Pichonnaz

60

A notre avis, il n’y a dès lors pas de raisons de traiter différemment le contrat de fran-chise de partenariat et celui de subordination sur le plan du mode de résiliation pour justes motifs. La résiliation doit donc être toujours possible par un acte formateur dans les deux hypothèses. Encore faut-il bien sûr que les conditions d’un juste motif soient données, pour autant que le contrat n’ait pas modifié les exigences, p.ex. en les allégeant90. La constatation de l’existence ou non de justes motifs par le juge n’a alors qu’un effet déclaratif91.

Pour admettre de justesmotifsde résiliation, il faut qu’il y ait des faits nouveaux et graves qui ne permettent plus d’exiger du franchiseur ou du franchisé le maintien du contrat jusqu’à l’échéance prévue ou jusqu’au prochain délai de résiliation, compte tenu de l’en-semble des circonstances92, en particulier compte tenu de la durée du contrat déjà écoulée93, de la durée des faits nouveaux invoqués, des conditions personnelles ou essentielles sur lesquelles repose le contrat de franchise ou encore de la période qui doit encore s’écouler jusqu’au prochain terme de résiliation94.

4. La doctrine évoque également le changement de circonstances comment fonde-ment pour une résiliation anticipée du contrat de franchise. Il ne s’agit là toutefois que d’une application des règles ordinaires de l’imprévision, telles que nous les avons présen-tées dans notre dernier symposium95, ou alors d’une concrétisation des règles sur la résilia-tion pour justes motifs.

III. Les dommages-intérêts et l’indemnité de clientèle (co 418u p.a.)

La résiliation du contrat de franchise pose non seulement la question de savoir si la partie qui résilie de manière anticipée doit des dommages-intérêts, mais aussi si le franchisé peut

90 Pour un tel cas d’allègement, cf. TF, 4A_148/2011 (8.9.2011), c. 4.4 ; chaiX, CR CO II (2008), n. 25 ad art. 545-547 CO.

91 tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations (cit. note 20), n. 276 ; cf. toutefois marchanD, Le juge face à la résiliation (cit. note 89), p. 97 nbp 3 et p. 114, qui souhaite prévoir un effet résolutoire dans tous les cas, même si les motifs sont injustifiés ; si cela permettrait de lutter contre une grande insécurité juridique, la solution reviendrait à admettre une sorte de droit à mettre fin à un contrat de durée déterminée à n’importe quel moment, ce qui n’est pas un principe admis en droit suisse.

92 tercier/Favre/Bl. carron, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 7728 ; staehelin-BsK, n. 33 ss ad art. 545/546 CO ; zen-ruFFinen-venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 187.

93 Pour le contrat de société, cf. hanDschin/vonzun, n. 148 ad art. 545-547 CO.94 tercier/Favre/Bl. carron, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 7728 ; staehelin-BsK, n.

33 ss ad art. 545/546 CO ; zen-ruFFinen-venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 404 ss.

95 Pichonnaz, La modification des circonstances et l’adaptation du contrat, in : Pichonnaz/Werro (édit.), La pratique contractuelle 2, Genève/Zurich/Bâle 2011, p. 21 ss.

Le contrat de franchise : état de son évolution

61

avoir droit à une indemnité pour la clientèle qu’il a apportée au franchiseur par son activité. Nous allons brièvement traiter des deux questions.

A. Le droit à des dommages-intérêts en cas de résiliation injustifiée

Outre des règles conventionnelles qui peuvent prévoir les conditions de l’octroi de dommages-intérêts ou d’une liquidation forfaitaire d’un éventuel dommage, déterminer le régime d’indem-nisation dépendra des règles retenues pour la résiliation et du type de résiliation envisagé.

1. Larésiliation(justifiée)pourjustesmotifs

Une résiliation pour justes motifs permet également d’exiger des dommages-intérêts de la partiequiafautivementprovoquélesjustesmotifs de résiliation96. Le responsable des justes motifs devra alors couvrir l’intérêt positif, à savoir le dommage subi par l’autre partie du fait d’une résiliation avant le terme ordinaire ou la durée fixée97. Comme les versements sont souvent fonction du chiffre d’affaires, il doit nécessairement s’agir d’une appréciation en partie hypothétique. Certains auteurs fondent ici aussi l’ampleur de l’indemnisation sur le régime du contrat de travail (art. 337c al. 1 CO par analogie)98, solution que l’on peut approuver lorsqu’il s’agit d’un contrat de franchise de subordination.

Si aucune partie n’est responsable de la survenance des justes motifs ou si toutes les deux en sont responsables, le juge doit apprécier la situation en équité99. Cela se justifie en tout cas pour le contrat de franchise de subordination en raison du parallèle que l’on peut faire alors avec le droit du contrat d’agence (CO 418r qui renvoie à CO 337b II)100.

96 CHK-ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 31 Vorb 184 ff/Franchisevertrag ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 156 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, SJ 2008 II 27 s. ; ég. HGer SG, RSJ 1972, 378 (=SGGVP 1969, 37) ; ZK-Bühler, n. 12 ad art. 418r CO. stein-Wigger (Die Beendigung [cit. note 61], p. 299) applique les règles du contrat de travail.

97 stein-Wigger, Die Beendingung (cit. note 61), p. 299 ; zen-ruFFinen-venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1504.

98 zen-ruFFinen-venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1508 (valeurs moyennes) ; stein-Wigger, Die Beendingung (cit. note 61), p. 299 ; cherPilloD, La fin des contrats de distribution, in : Les contrats de distribution : contributions offertes au professeur François Dessemontet à l’occasion de ses 50 ans, CEDIDAC n. 38, Lausanne, 1998, p. 429 ss ; de manière plus générale, zen-ruFFinen-venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1504 ; ATF 125 III 14 c. 2b, JdT 1999 I 359 (contrat d’agence) ; TC VS, RVJ 2003, p. 282 (contrat de représentation exclusive).

99 stein-Wigger, Die Beendingung (cit. note 61), p. 299 ; cherPilloD, La fin des contrats de distribution (cit. note 98), p. 429 ss ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 156 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; CHK-Ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), N. 31 Vorb 184 ff/Franchisevertrag.

100 tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 8053.

Pascal Pichonnaz

62

2. Larésiliationanticipéeinjustifiée

La résiliation anticipée extraordinaire qui ne se fonde pas sur de « justes motifs » ou sur une cause extraordinaire prévue par le contrat est une résiliation anticipée injustifiée101.

La première question est celle de savoir si une telle résiliation est ou non valide. S’inspirant notamment de la solution allemande102, la doctrine majoritaire103 considère que la résiliation injustifiée estdépourvued’effetetnemetpasfinaucontrat. Elle admet toutefois qu’il est en principe possible de convertir cette résiliation nulle en résiliation ordinaire lorsque le contrat de franchise n’est pas conclu pour une durée déterminée104.

stein-Wigger105, suivie par d’autres auteurs106, applique par analogie la règle du contrat de travail (CO 337c I), considérant qu’on ne peut raisonnablement imposer au franchisé ou au franchiseur de poursuivre une activité qui nécessite une coopération importante lorsque l’une des parties a invoqué (à tort) des justes motifs de résiliation107. La résiliation est alors valable, mais impose des sanctions pécuniaires (CO 337c III par analogie). Le Tribunal fédéral a adopté le même raisonnement pour un contrat d’agence, considérant que la rési-liation – même injustifiée – produisait ses effets108.

101 stein-Wigger (Die Beendingung [cit. note 61], p. 299) envisage ég. les causes des art. 336 ss CO, en raison de l’analogie forte qu’elle retient avec le contrat de travail.

102 Notamment höPFner, Kündigungsschutz (cit. note 9), p. 132.103 zen-ruFFinen-venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1473 ss ; zen-ruFFinen-

venturi, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1459 ss ; venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, SJ 2008 II 28 s. ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 156 ad Einl. vor Art. 184 ss CO ; CHK-Ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), N. 31 Vorb 184 ff/Franchisevertrag ; vuillety, Résiliation extraordinaire injustifiée d’une concession de vente en droit suisse : poursuite ou fin du contrat ?, SJ 2003 II 91 ss, en part. p. 100 ss et 103 ; contra atF 118 ii 157/165 c. 4dd, JdT 1993 I 648 ; atF 125 iii 14, JdT 1999 I 315 (pour le contrat d’agence) et TC VS, RVJ 2003, p. 282 (pour un contrat de distribution exclusive) ; Kull, Verbindlichkeit der fristlosen und ungerechtfertigten Kündigung von Dauerschuldverhältnissen, RSJ 107 (2011), p. 245 ss, en part. p. 249 ss ; marchanD, Le juge face à la résiliation douteuse d’un contrat de distribution exclusive, in : Blanc (édit.), L’évolution récente du droit des obligations, Lausanne 2004, p. 101 ss ; stein-Wigger, Beendigung (cit. note 61), p. 273 pour la résiliation ordinaire (compte tenu du caractère personnel de la relation) et p. 300 (toujours en se fondant sur la justification en droit du travail).

104 venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, SJ 2008 II 28 ; stein-Wigger, Die Beendingung (cit. note 61), p. 161 et 300, et les renvois nbp 750 ; ullrich, in martineK/semler (édit.), Handbuch (cit. note 38), § 15 n. 58.

105 stein-Wigger, Die Beendigung (cit. note 61), p. 273 (pour la résiliation ordinaire) p. 300 (pour la résiliation extraordinaire).

106 tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n. 8053 (en cas de lien de subordination proche du contrat de travail) ; vetter/gutzWiller, Voraussetzungen und Rechtsfolgen der ausserordentlichen Beendigung von Dauerschuldverhältnissen, PJA 2010, 712, qui admettent la validité de la résiliation lorsque le contrat de franchise est proche du contrat de travail ; Kull, Verbindlichkeit […], rsJ 107 (2011), p. 245.

107 stein-Wigger, Die Beendingung (cit. note 61), p. 273 et 300.108 ATF 125 III 14, JdT 1999 I 315.

Le contrat de franchise : état de son évolution

63

Il est vrai que dans un contrat de franchise de subordination, le franchisé reçoit des instruc-tions précises, un mode de comportement qu’il doit respecter, ce qui implique une subordi-nation importante. Toutefois, à notre avis, la résiliation injustifiée ne doit pas être valable. En effet, de deux choses l’une. Soit les motifs invoqués sont suffisants pour fonder une résiliation anticipée, soit ils ne le sont pas. S’ils ne le sont pas, cela signifie que le juge a considéré que les parties devaient pouvoir continuer à travailler ensemble et que – si elle le souhaite – la partie contre laquelle on a invoqué à tort de justes motifs de résiliation doit avoir le droit de poursuivre son activité. Il ne faut pas ignorer ici aussi le caractère juridi-quement indépendant du franchisé notamment, qui justifie à notre sens de ne pas reprendre telle quelle la solution du contrat de travail. D’ailleurs, le Tribunal fédéral a considéré que l’art. 337c CO avait un caractère exceptionnel et qu’il ne pouvait pas être étendu au contrat de représentation exclusive109. La règle est aussi contestée dans son champ d’application originel110. Partant, contrairement à stein-Wigger, nous retenons que la résiliation injus-tifiée est invalide, mais qu’elle peut être transformée – selon le principe de la confiance – en une résiliation ordinaire si le contrat est de durée indéterminée111. Un arrêt récent du Tribunal fédéral a d’ailleurs admis aussi cette conséquence, mais dans un contrat qui portait sur un contrat de franchise de partenariat112. Il l’a fait également pour le contrat de licence113.

La résiliation étant invalide, son auteur sera tenu de continuer à fournir sa prestation, au besoin par la voie de mesures provisionnelles114, notamment en livrant les produits, en prodiguant l’assistance. Il pourrait aussi devoir réparer le dommage découlant de son acte. En effet, en déclarant résilier le contrat, alors qu’il ne le pouvait pas, l’auteur a violé ses obligations contractuelles. Il faut toutefois que cette violation soit fautive ; la faute est certes présumée, mais il n’y aura pas lieu à remboursement des frais de procès notamment si l’auteur n’a pas violé le comportement que l’on était en droit d’attendre de lui dans une telle situation. La solution est directement inspirée du §89a al. 2 du Code de commerce allemand (HGB), appliqué par analogie en Allemagne au cas du contrat de franchise115.

109 ATF 133 III 360, SJ 2007 I 482* ; ég. venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, SJ 2008 II 30 ss ; Kull, Verbindlichkeit […], RSJ 107 (2011), p. 245 ss, en part. p. 248.

110 venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1397 ss.111 De cet avis pour la représentation exclusive, tercier/Favre, Les contrats spéciaux (cit. note 3), n.

7936 ; venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1473.112 Cf. not. TF, 4A.148/2011 (8.9.2011).113 ATF 133 III 360, SJ 2007 I 482* ; ég. venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs des

contrats de durée, SJ 2008 1 ss, en part. p. 33.114 Sur les conditions de ces mesures, cf. ATF 125 III 451, JdT 2000 I 163 (contrat de distribution) ;

sur les conditions, cf. venturi–zen-ruFFinen, La résiliation pour justes motifs (cit. note 22), n. 1535 ss ; iDem, SJ 2008 1ss, en part. p. 31 ss.

115 stein-Wigger, Die Beendigung (cit. note 61), p. 161 ; ullrich, in martineK/semler (édit.), Handbuch (cit. note 38), § 15 n. 58.

Pascal Pichonnaz

64

B. Le droit à une indemnité de clientèle

Un dernier problème qui mérite une attention particulière est celle de savoir si, à l’instar de ce qui vaut aujourd’hui pour le contrat d’agence et le contrat de distribution exclusive, le franchisé a le droit d’obtenir une indemnité de clientèle en cas de résiliation, ordinaire ou extraordinaire.

en matière de contrat d’agence, l’art. 418u CO impose au mandant de verser une indem-nité pour clientèle en cas de résiliation du contrat « lorsque l’agent, par son activité, a augmenté sensiblement le nombre des clients du mandant et que ce dernier ou son ayant cause tire un profit effectif de ses relations d’affaires avec ces clients même après la fin du contrat ». Considérant que cette disposition était extraordinaire, le Tribunal fédéral a pendant longtemps adopté une interprétation restrictive, refusant de l’appliquer par analogie à d’autres contrats innommés.

Dans l’ATF 134 III 497116 toutefois, le Tribunal fédéral est revenu sur sa jurisprudence et a considéré qu’il était juste d’appliquer l’art. 418u CO au contratdereprésentationexclusive. Son analyse s’appuie bien entendu sur une doctrine favorable à l’extension117, mais surtout le Tribunal souligne que l’indemnité de clientèle constitue une contre-prestation due pour le profit que le mandant réalisera après la fin du contrat grâce à cette augmentation de clien-tèle, sans qu’il n’ait plus à rémunérer sa contrepartie118. En effet, « la clientèle acquise par le distributeur restera attachée à la marque, et donc au concédant, après la résiliation du contrat de représentation exclusive.119 » L’indemnité couvre dès lors ce décalage temporel, en ce sens qu’elle consiste à rétribuer à la fin du contrat le représentant exclusif pour des bénéfices que le mandant obtiendra ultérieurement. La situation est donc bien analogue au contrat d’agence.

En outre, l’intégration toujours plus forte du représentant exclusif (indépendant juridique-ment, mais fortement lié dans un axe vertical) à la production rapproche le représentant de l’agent120, ce qui justifie aux yeux du Tribunal fédéral l’octroi d’une indemnité de clientèle au représentant exclusif121.

116 JdT 2009 I 94.117 B. chaPPuis, Le contrat de distribution exclusive, in : in : Pichonnaz/Werro (édit.), La pratique contractuelle :

Actualité et perspectives, Genève/Zurich 2009, p. 90 pour un résumé des points de vue de la doctrine.118 B. chaPPuis, Le contrat de distribution exclusive (cit. note 115), p. 89.119 ATF 134 III 497, JdT 2009 I 94, c. 4.2.1.120 ATF 134 III 497, JdT 2009 I 94, c. 4.2.2.121 Sur les analogies entre représentant exclusif et agent, cf. B. chaPPuis, Le contrat de distribution

exclusive (cit. note 115), p. 91 s. ; sur l’analogie pour les contrats de distribution, cf. avant tout Dominique Dreyer, Contrats de distribution : deux questions, in : Pichonnaz/Werro (édit.), La pratique contractuelle 3, Genève/Zurich 2012, p. 131 ss ; séBastien goBat, L’indemnité de clientèle du distributeur : étude de l’application analogique de l’art. 418u CO aux contrats de distribution thèse Berne, Genève 2011, en part. p. 261 ss ; marie-noëlle zen-ruFFinen, Indemnité pour la clientèle : bonne affaire pour les distributeurs ?, in : Mélanges Anne Petitpierre-Sauvain, Genève 2009, p. 423 ss, en part. p. 427 ss ; Kaveh mir FaKhraei, L’ATF 134 III 497 et l’indemnité de clientèle du distributeur exclusif, PJA 2009, p. 415 ss ; christiana FountoulaKis, Zur Kundschaftsentschädigung bei Beendigung eines Alleinvertriebsvertrags (Vertragshändlervertrags), recht 2008, p. 221 ss.

Le contrat de franchise : état de son évolution

65

On doit dès lors se demander s’il ne serait pas judicieux d’étendre cette solution également au contrat de franchise. Le contrat de franchise ayant des formes multiples, il est proba-blement difficile de donner une réponse unique. On peut toutefois constater ce qui suit :

1° Uneindépendancejuridiquedoubléed’uneforteintégration. Le contrat de franchise de subordination, la forme la plus fréquente, se rapproche du contrat de représentation exclusive, en particulier lorsqu’il s’agit d’un contrat de franchise de produits. Tout comme la représentation exclusive, le franchisé agit en son propre nom à l’égard des tiers, mais en vendant des produits ou en fournissant des services selon une stratégie de vente unifiée par le franchiseur (cf. supra). Tout comme le représentant exclusif, le franchisé a ainsi plus d’indépendance que l’agent au sens des art. 412a ss CO, mais est intégré dans une organisation verticale souvent très forte122. Ainsi, tout comme le représentant exclusif, le franchisé court plus de risques que l’agent.

2° en général, un fort pouvoir d’attraction de la marque. Tout comme le repré-sentant exclusif, le franchisé promeut le plus souvent une marque ayant un grand pouvoir d’attraction, ce qui explique qu’il perdra le bénéfice de l’augmentation sensible de clientèle au profit du franchiseur123. Il y a donc là aussi potentiellement un décalage temporel entre l’augmentation de clientèle et les bénéfices liés à cette augmentation pour le franchisé ; ces bénéfices aboutissent finalement dans l’escar-celle du franchiseur s’il s’agit d’une clientèle réelle, c’est-à-dire d’une clientèle liée à la marque.

3° une stratégie déterminée par le franchiseur. Cet aspect est celui qui impose de traiter différemment franchiseur et représentant exclusif. En effet, la clientèle nouvellement acquise par le franchisé, mais qui le quitterait après la fin du contrat (clientèle réelle, la seule qui nous intéresse ici), est le résultat direct du concept mis en place par le franchiseur et qu’il a livré au franchisé124 – du moins dans un contrat de franchise de subordination qui impliquerait la mise à disposition d’un business model. On peut penser aux franchisés Mac Donald par exemple. Le franchisé a payé pour acquérir un « paquet de droits » et pour pouvoir utiliser ce concept. L’acquisition de clientèle est la preuve du fonctionnement du business model125. Certes, le franchisé ne profitera pas toujours de la clientèle ainsi acquise en raison du décalage dans le temps.

122 Sur les critères concrets pour reconnaître cette intégration, cf. B. chaPPuis, Le contrat de distribution exclusive (cit. note 115), p. 92 ; réticente pour généraliser le critère aux contrats de distribution, zen ruFFinen, Indemnité (cit. note 121), p. 431.

123 B. chaPPuis, Le contrat de distribution exclusive (cit. note 115), p. 90 pour un résumé des points de vue de la doctrine.

124 cherPilloD, La fin des contrats de distribution (cit. note 98), p. 211.125 Dans ce sens, CHK-Ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 43 Vorb 184 ff/Franchisevertrag.

Pascal Pichonnaz

66

L’indemnité de clientèle devrait constituer une contrepartie pour le bénéfice différé qui échoit au franchiseur au-delà de la fin du contrat en raison de l’augmentation significa-tive de sa clientèle par l’activité du franchisé. Toutefois, la justification de ce montant repose sur l’idée que le franchisé aurait mis en œuvre une activité entrepreneuriale créative propre, dont il ne peut pas retirer les fruits en raison de la fin du contrat ; l’art. 418u CO exige en effet que ce soit « par son activité » que le franchisé accroît la clientèle126. Dans un contrat de franchise de subordination avec un business model, il n’y a toutefois que très peu de place pour une telle activité « créatrice » propre127. C’est la raison pour laquelle souvent,l’analogieaveclareprésentationexclusivenefonctionne pas128. Dans la représentation exclusive, il y a en effet encore une part non négligeable d’activité créative du représentant. C’est ce point central que néglige de considérer la doctrine qui admet une indemnité de clientèle aussi pour le franchisé de subordination129.

Tous ces arguments justifient dès lors d’exclureenprincipelapossibilitéd’oc-troyer une indemnité de clientèle, qui serait fondée sur une application analogique de l’art. 418u CO130. Lorsque le franchisé d’un contrat de franchise de subordination a par son activité entrepreneuriale accru la clientèle, alors l’indemnité de clientèle serait due, dès lors que les conditions 1 et 2 ci-dessus plaident en faveur d’une application par analogie

126 cherPilloD, La fin des contrats de distribution (cit. note 98), p. 211.127 CHK-Ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 43 Vorb 184 ff/Franchisevertrag.128 Du même avis, cherPilloD, La fin des contrats de distribution (cit. note 98), p. 211 s.129 Cf. schlueP, Innominatverträge (cit. note 5), p. 857, qui l’admet dans certains cas en invoquant

le fait qu’il y a une redevance initiale ‚initial fee‘) ; amstutz/morin/schlueP-BSK (5e éd., 2011), n. 159 ad Einl. vor Art. 184 ss CO, qui l’admettent si le franchisé doit faire des efforts particuliers („Anstrengungen“) et que ce n’est pas seulement la marque qui attire ; admis largement : BauDenBacher, Anspruch auf Kundschaftsentschädigung ein gesetzlich nicht geregelten Absatzmittlungsverträgen ? , in Mél. Schluep, Zurich 1988, p. 81 ss, en part. p. 89 ss ; BauDenBacher/rommé, Ausgewählte Rechtsprobleme des Franchisings (cit. note 20), p. 7 (qui rejette l’examen de la parenté avec la licence au stade de l’analogie, mais l’admet sur l’appréciation de l’indemntié) ; gürzümar, Der Franchisevertrag unter besonderer Berücksichtigung der immaterialgüterrechtlichen Schutzprobleme, thèse Berne 1991, p. 330 ss ; honsell, Obligationenrecht Besonderer Teil, 9e éd., Berne 2010, p. 453 ; huguenin, Obligationenrecht Besonderer Teil (cit. note 81), n. 1565 (qui avance l’argument que nous relevons dans notre texte pour conclure à l’opposé) ; müller-chen/girsBerger/Furrer, Obligationenrecht, Besonderer Teil, Zurich 2011, p. 387, n. 84-84 ; müller, Contrats de droit suisse (cit. note 73), n. 3070 ; schulthess, De Franchise-Vertrag (cit. note 29), p. 203 ; stein-Wigger, Die Beendigung (cit. note 61), p. 195 ss avec réf. à la situation en Allemagne, ég. p. 332 ; goBat, L’indemnité (cité note 121), p. 264, rejette l’idée qu’il n’y aurait pas toujours une activité créative du franchisé, dès lors qu’il y a « une complexité inhérente à la mise en place d’un système de distribution ».

130 Déjà schlueP, Innominatverträge (cit. note 5), p. 857, lorsque le contrat se rapproche du contrat de licence, ce qui est le cas pour le contrat de franchise de services et de produits ; ég. CHK-Ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 43 Vorb 184 ff/Franchisevertrag ; WilDhaBer, Wachstumsstrategie Franchising – Hinweise zur rechtlichen Organisation, in : Arter (édit.), Vertriebsverträge, Berne 2007, p. 201 s. ; cherPilloD, La fin des contrats de distribution (cit. note 98), p. 212 ; ég. très réticente à généraliser zen-ruFFinen, Indemnité (cité note 121), p. 437 s.

Le contrat de franchise : état de son évolution

67

de l’art. 418u CO. Dans un tel cas, le droit à une indemnité est impératif et ne peut être exclu par contrat131.

Pour le contrat de franchise de partenariat, la situation est plus claire, puisqu’il n’y a pas d’intégration similaire132. Ce sont dès lors plutôt les règles du contrat de société simple qui doivent s’appliquer ; on peut imaginer que si le franchisé a contribué de manière significa-tive à la mise en place d’une stratégie de vente, reprise ensuite par le franchiseur, il pourrait obtenir une indemnité au moment de la liquidation (CO 547133).

concLusIon

Comme contrat économiquement important, le contrat de franchise a fait l’objet depuis plus de trente ans de nombreuses monographies et publications. A la croisée entre contrats nommés et innommés, le droit de la distribution est considéré par certains comme un domaine juridique à part entière ; à tel point d’ailleurs, qu’une revue entièrement consacrée au droit de la distribution vient d’être lancée en Allemagne (ZVertriebsR, vol. 1/2012)134.

En matière de contrat de franchise, nous avons constaté que les controverses doctrinales ne manquent pas. Que ce soit en lien avec le droit applicable ou la qualification du contrat, les controverses sont largement liées au fait que le contrat de franchise a des formes diverses qui s’opposent à une analyse monolithique. Dans les quelques arrêts importants rendus ces dernières années par le Tribunal fédéral, on perçoit derrière une tentative de classification le souci de garantir à chaque fois une appréciation à l’aune de l’ensemble des circonstances. Pour les juges, comme pour les avocats, cela suppose toutefois de percevoir les enjeux des qualifications et des distinctions.

Le principal souci relève de la question de savoir si des règles impératives limitent la liberté des parties. Nous avons vu que tel pouvait être le cas, notamment lorsque le contrat de franchise était marqué par une intégration forte du franchisé dans l’organisation de distribution du franchiseur (contrat de franchise de subordination). En effet, dans un tel cas, le Tribunal fédéral considère que les règles du contrat d’agence, voire du contrat de travail, s’imposent par analogie pour la résiliation pour justes motifs.

131 Du même avis, cherPilloD, La fin des contrats de distribution (cit. note 98), p. 212 ; BauDenBacher, Die Behandlung (cit. note 20), p. 382 ; stein-Wigger, Die Beendigung (cit. note 61), p. 333.

132 huguenin, Obligationenrecht Besonderer Teil (cit. note 81), n. 1562 (« pas de besoin de protection spécifique dans ce cas-là »).

133 Dans ce sens, CHK-Ch. WilDhaBer (2e éd., 2012), n. 43 Vorb 184 ff/Franchisevertrag, mais en appliquant de manière erronée le principe de l’indemnité de clientèle.

134 martineK, Vertriebsrecht als Rechtsgebiet und Aufgabe – Zur Programmatik der neuen VertriebsR, VertriebsR 1/2012, p. 2 ss.

Pascal Pichonnaz

68

Un aspect particulièrement intéressant dans la perspective du développement actuel de la jurisprudence fédéral consiste à déterminer si le franchisé a droit à une indemnité de clientèle en cas de résiliation extraordinaire. Une partie importante de la doctrine retient une situation analogue entre le franchisé et le représentant exclusif. Après avoir admis l’application analogique (et impérative) de l’art. 418u CO au contrat de représentation exclusive, le Tribunal fédéral devra certainement se prononcer bientôt sur l’extension de sa jurisprudence au contrat de franchise. Une part importante de la doctrine l’encourage a admettre largement l’idée d’une indemnité de clientèle pour le franchisé. A notre avis, ce serait probablement une erreur que d’étendre cette jurisprudence au franchisé, dès lors que dans un contrat de franchise de subordination – le seul qui puisse véritablement entrer en ligne de compte – le franchisé acquiert une méthode préétablie de commercialisation qui ne lui laisse pour ainsi dire plus de place à une activité de promotion et de créativité propre. Partant, il devient difficile d’admettre que c’est bien par son activité que la clientèle supplémentaire a été acquise au franchiseur. Il s’agit le plus souvent du résultat d’un système efficace, qui a été mis en place par le franchiseur et transmis contre rémunération au franchisé.

La solution dépendra toutefois souvent de la façon dont l’action du franchisé est réglée. Son comportement et sa stratégie commerciale sont-ils très fortement imposés, auquel cas il n’y aura pas d’indemnité de clientèle, ou au contraire y a-t-il place pour une activité aussi créative, auquel cas le principe de l’indemnité de clientèle doit être admis, et ne peut être exclu par contrat ? Il importe dès lors de tenir compte de la manière dont les obligations du franchisé sont fixées dans le contrat pour déterminer la solution à donner à la question de l’octroi ou non d’une indemnité de clientèle au franchisé.

Pich

onna

z / W

erro

(édi

t.)

La p

ratiq

ue c

ontr

actu

elle

3

cont

rats

Edité par

Pascal Pichonnaz Franz Werro

La pratique contractuelle 3

Symposium en droit des contrats

Le présent ouvrage fait suite au troisième colloque de la pratique contractuelle qui s’est tenu à l’Université de Fribourg le 22 novembre 2012. Ce colloque entend pré-senter l’actualité en droit des contrats et livrer quelques analyses de fond en cette matière.

Les contributions réunies dans ce volume ont pour objet le contrat de leasing, le contrat de franchise, le contrat de distribution, le contrat de licence, les négocia-tions et les accords précontractuels. L’une d’elles livre une analyse de l’évolution de la jurisprudence fédérale en matière de conflits d’intérêts de l’avocat.

L’ouvrage contient par ailleurs un résumé de la jurisprudence récente relative à l’ensemble du droit des contrats.

59647_Pichonnaz Werro_la pratique contractuelle_UG.indd 1 18.10.12 09:50