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COUPEAU Audrey Déposé le 13 / 05 / 2014
Soutenu le 06 / 06 / 2014
UE 5.6 S6 Compétences 7 et 8
Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles
La violence et sa répercussion sur la relation soignant-soigné
Sous la direction de Mme Isabelle BABIN
Promotion 2011 – 2014
Centre Hospitalier du Mans
Remerciements
Je tiens remercier tout particulièrement Mme Isabelle Babin, ma directrice de mémoire
qui m’a accompagné tout au long de ce travail.
Je souhaite aussi remercier les infirmières du service d’accueil des urgences, pour avoir
consacré du temps personnel à mes entretiens.
Enfin, je remercie ma famille et mes amis pour m’avoir soutenue lors des différentes
étapes mon mémoire de fin d’études.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
1. SITUATION DE DEPART 2
2. QUESTIONNEMENT DE DEPART 4
3. CADRE CONCEPTUEL 6
3.1. Le Service d’Accueil des Urgences (SAU) 6 3.1.1. Définitions 6
3.1.2 Législation 6
3.1.3 Rôles des urgences 7
3.1.4 L’infirmière aux urgences 7
3.1.4.1 Rôles et compétences de l’infirmière au SAU 7
3.1.4.2 L’Infirmière d’Accueil et d’Orientation (IAO) 8
3.1.5 Agencement des services 8
3.1.6 Pathologies dominantes 9
3.1.7 Notion de tri 9
3.2 Concepts d’agressivité et de violence 10 3.2.1 Définitions 10
3.2.2 Epidémiologie de la violence dans le service des urgences 10
3.2.3 Expression de l’agressivité du patient, de l’agressivité du soignant 11
3.2.3.1 Agressivité du patient 11
3.2.3.2 Agressivité du soignant 11
3.2.4 Causes 12
3.2.5 Prévention de la violence 13
3.2.6 Prise en charge de la violence 14
3.2.7 Prise en charge du soignant agressé 14
3.3 Relation soignant / soigné 15 3.3.1 Définitions 15
3.3.2 Capacités du soignant 16
3.3.2.1 L’empathie 16
3.3.2.2 La congruence ou « état d’accord » 16
3.3.2.3 L’écoute active 16
3.3.2.4 L’acceptation inconditionnelle 17
3.3.3 Relation soignant-soigné et service d’accueil des urgences 17
3.3.4 Répercussion de la violence sur la relation 18
3.4 Répercussion principale : le stress 18 3.4.1 Définition et physiologie 18
3.4.2 Epidémiologie 18
3.4.3 Causes 19
3.4.4 Conséquences du stress 20
3.4.5 L’épuisement professionnel 20
3.4.6 Proposition de soutien 21
3.4.6.1 Collective 21
3.4.6.2 Personnelle 21
4. METHODOLOGIE DE RECHERCHE 21
4.1. Méthodologie initiale 21
4.2. Critique de la méthodologie 22
5. COMMENTAIRE DE L’ANALYSE 23
5.1 Les urgences 23 – La prise en charge 23
– Le public accueilli 23
– Réponse des urgences à ses missions 24
– Les problèmes majeurs des urgences actuellement 24
– Compétences professionnelles aux urgences 24
– Difficultés rencontrées lors de l’arrivée aux urgences 24
5.2 La violence et l’agressivité 25 – Expression de la violence 25
– Mécanismes de la violence 26
– Prise en charge de la violence 26
– Le soignant agressé 27
– La formation du soignant 28
5.3 La relation soignant-soigné 28 – Ressentis du soignant 28
– Différence dans la relation avec les autres unités 29
– Répercussion de l’agressivité sur la relation soignant-soigné 29
– Attitude du soignant face à l’agressivité 29
– Répercussion sur le soignant 30
5.4 Le stress 30 – Présence du stress aux urgences 30
– Signes 30
– Moyens de contrôle 31
– Le stress masculin 31
– Motivation à rester 31
6. DISCUSSION 32
6.1 Constat : augmentation de la violence à l’hôpital 32
6.2 Une nécessité : expliquer la prise en charge au patient 34
6.3 Un défaut de soutien institutionnel 37
6.4. Le stress : une composante peu visible par les professionnels des urgences 39
CONCLUSION 41
1
Introduction
Selon SARTRE, « la violence, sous quelque forme qu’elle se manifeste, est un échec ».
Dans le cadre de son exercice aux urgences, l’infirmière est souvent confrontée à l’agressivité
des patients. Ceux-ci pour de nombreuses raisons, peuvent avoir une réaction violente envers
les soignants. Nous pouvons donc entendre que lorsqu’un patient à une réponse agressive, il y
a eu échec dans la prise en charge, échec dans l’écoute des besoins, des attentes. Le patient n’a
pas réussi à exprimer ses difficultés, sa détresse autrement que par la voie de la violence. Cette
réponse est souvent difficile à comprendre pour les soignants, étant donné qu’ils cherchent
toujours à faire pour le mieux, pour chacune des personnes se présentant à eux. De ce fait, la
relation soignant-soigné est différente pour les infirmières, il leur faut donc accepter le
comportement du patient bien qu’elles ne le comprennent pas. A partir d’une situation
d’agressivité lors d’un stage en médecine et de lectures autour de la violence à l’hôpital, je me
suis questionnée sur l’impact de la violence aux urgences. Suite à ce questionnement, j’ai
effectué des recherches théoriques afin d’étayer mon cadre conceptuel. J’ai réalisé des
entretiens auprès d’infirmières des urgences. Après analyse de ces données et confrontation
avec celle du cadre théorique, j’ai construit ma question de recherche.
2
1. Situation de départ
Au cours de la troisième semaine de stage en rhumatologie, alors que je suis en deuxième
année, je m’occupe de six patients dont Mme B., qui vient pour un bilan pré-anti-TNF-α dans
le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde évoluant depuis 12 ans. Nous sommes le jour de son
admission programmée. Elle est installée dans sa chambre et accompagnée de son mari. Elle
doit être vue par l’interne en fin d’après-midi.
L’interne me prévient qu’il vient de voir Mme B. et qu’il a fait des prescriptions de bilan
pour le lendemain. Il doit encore voir le bilan sanguin de ce matin. Il me dit que l’INR de la
patiente est à 1,8 alors qu’elle est traitée par Coumadine® pour un antécédent d’embolie
pulmonaire. L’interne augmente donc le traitement d’un quart de comprimé.
Je vais voir Mme B. pour savoir si elle a son traitement vers elle et si elle souhaite le gérer
seule. Je dois lui dire à ce moment qu’elle doit augmenter son traitement anticoagulant. Dans
la chambre, je me présente en tant qu’étudiante infirmière, prends ses constantes et vérifie son
traitement avec elle. Je m’assois auprès d’elle, sur une chaise et commence la vérification des
traitements, tout est correct. Mr B., son mari est très actif, il répond très fréquemment à la place
de sa femme. J’annonce donc à Mme B. que l’INR d’aujourd’hui est en dessous de la zone
thérapeutique indiquée pour sa pathologie et que par conséquent, l’interne a augmenté le
traitement d’un quart de comprimé.
Mr B. s’emporte alors violemment contre moi. Il me dit que « c’est n’importe quoi », que
le laboratoire de l’hôpital « n’est pas fiable » et que ce résultat est « faux » car l’INR de contrôle
de sa femme la semaine passée était de « 2.06 », preuve à l’appui de la feuille d’analyse de la
semaine précédente.
Face à cette attitude, à laquelle je ne m’attendais pas, je reste stoïque, ne sachant ni quoi
faire, ni quoi répondre. Je me risque à expliquer que la décision a été prise par un médecin après
qu’il ait examiné les résultats d’analyses sanguines.
Cette réponse ne semble pas convenir à Mr B. qui hausse encore plus le ton et s’agite sur
son fauteuil. Il me traite de « menteuse » et me dit que si elle prend plus de Coumadine® « son
INR serait à 4 d’ici à deux jours et que je le regretterai ».
Face à cela, je ne veux pas montrer que Monsieur B. m’a offensé et je ne veux surtout pas
envenimer la situation, je ne réponds que par le silence en espérant que Mr B. ne recommencera
3
pas à crier et m’insulter. Pour essayer d’apaiser la tension régnante et d’établir une relation de
confiance avec Mr B., je lui propose d’aller chercher les résultats de ce matin. Il accepte.
Cela me permet donc de sortir de la chambre et ainsi de pouvoir extérioriser tout ce que je
ressens. Je suis en colère contre lui et contre moi même n’ayant pas réussi à calmer la situation.
Je me sens démunie et surtout victime de cette agression, que je ne comprends pas. J’ai une
appréhension à retourner dans la chambre : de me retrouver face à lui et de devoir encore garder
mon calme, je ne sais pas si j’en suis capable. Je décide donc de demander à l’infirmière en
charge du secteur de m’accompagner. C’est elle qui parle à la patiente et à son mari. Je m’efface
et lui laisse gérer la situation.
A la fin de cette après-midi de travail, j’étais encore blessée par l’attitude du mari de cette
patiente, j’avais du mal à me détendre. Toute cette après-midi, il y avait eu différents incidents
qui m’avaient stressé. De plus, cette situation m’a fait « dépenser beaucoup d’énergie »,
notamment pour lutter contre l’énervement de ce monsieur. En finalité, j’ai toujours une
appréhension de savoir comment réagir de façon adéquate lors de ce genre d’évènement. J’ai
ressenti que j’étais jugée sans que Mr B. ne me connaisse. De plus, j’ai eu l’impression de ne
pas être respectée ni en tant que soignante ni en tant qu’être humain. En effet, je n’avais même
pas la possibilité de m’exprimer. Le respect est une valeur fondamentale qui est précieuse à mes
yeux. Celui-ci a été bafoué.
Cette situation se passant dans un service de médecine m’a fait réfléchir plus amplement
sur la place que prend la violence dans les services de soins. Des recherches épidémiologiques
sur ces évènements ont montré que la violence était plus particulièrement présente dans trois
types de service : la psychiatrie, les urgences et enfin la gériatrie. Les récents évènements
d’agression de soignants aux urgences largement relatés dans les médias m’ont interpellé.
Dernièrement, c’est un infirmier des urgences d’un hôpital marseillais qui était attaqué sur son
lieu de travail. Les faits sont exposés dans l’article1 paru le 19 août 2013 : « Un infirmier des
urgences de Marseille blessé par arme blanche …
L'infirmier a été victime d'une coupure à l'avant-bras qui a nécessité "trois ou quatre points
de suture", a indiqué Bastien Ripert, directeur de cabinet du directeur général de l'AP-HM,
Jean-Jacques Romatet. Le soignant a été immédiatement pris en charge aux urgences. Même
1 www.infirmiers.com (consulté le 05/10/2013)
4
si la blessure est "superficielle", il a été "très traumatisé" par l'agression. Il a reçu 10 jours
d'arrêt de travail et se repose à présent chez lui.
Les faits se sont produits vers 5h50 du matin. "Environ trois personnes" se sont présentées
au service d'accueil des urgences pour faire soigner l'une d'elles après "une rixe en centre-
ville", a indiqué le responsable. L'infirmier d'accueil et d'orientation (IAO) est venu évaluer la
gravité de ses blessures mais "le ton est monté" lorsqu'il lui a demandé ses papiers d'identité,
suivant la procédure habituelle. L'infirmier a été blessé par une arme blanche, apparemment
un couteau.
Les individus ont pris la fuite après l'agression. Seul l'infirmier a été blessé mais d'autres
agents ont subi des insultes, notamment au bureau des entrées. […] »
Si mon projet professionnel est de travailler dans un service d’urgence, la répétition de ces
actes d’agression m’interroge beaucoup. C’est pourquoi j’ai décidé de traiter ce thème dans le
cadre du mémoire de fin d’étude.
2. Questionnement de départ
La violence prend une place importante dans la société actuelle au point qu’elle rentre à
l’hôpital avec une certaine aisance. De nombreuses actions sont menées par les différents
responsables pour tenter de l’enrayer des zones sensibles des villes mais très peu le sont pour
protéger l’hôpital (qui rappelons-le est un lieu d’accueil et de soins qui devrait être épargné).
Mon questionnement est le suivant : pourquoi la violence rentre-t-elle aussi facilement à
l’hôpital ? Le constat est-il le même en structure privée ? Est-elle plus présente actuellement
qu’il y a quelques années ? Avec les récents évènements, je me demande si la sécurité des
soignants est assurée pour travailler dans de bonnes conditions ? La violence est-elle révélatrice
d’un malaise sociétal ?
Des études ont montré une prévalence de la violence au SAU2. Quelles en sont les
causes ? Peut-on la prévenir ? Les urgences sont régulièrement engorgées. En quoi la surcharge
de travail au SAU peut-elle entrainer une réaction d’agressivité de la part des deux partenaires
de soins ? L’agencement de ce service influe-t-il sur la réaction agressive des patients ? Des
formations, dans le cadre de la formation continue, sont-elles proposées aux soignants des
services les plus exposés à ce genre d’évènements ?
2 Service d’Accueil des Urgences
5
En me sentant personnellement agressée, lorsque le mari de ma patiente m’a insulté en
me disant : « vous êtes une menteuse », cela m’a fait réagir et notamment je me suis questionnée
sur comment garder une relation soignant-soigné respectueuse quand les patients viennent nous
agresser sans raisons apparentes ? Comment rester calme et prodiguer des soins de qualité, sans
méfiance, rejet ou arrières pensées dans une telle situation ? Que signifie l’expression de cette
agressivité ? Peut-on garder de l’empathie face à une personne agressive ?
Lors de la répétition de ces situations éprouvantes, le soignant stressé ne peut-il faire
augmenter la violence ou l’agressivité du patient (s’il ne se sent pas écouté ou encore pas pris
en compte) ? Quelle influence la violence a-t-elle sur la prise en charge du patient au SAU ?
Quels sont les liens entre agressivité et stress ?
Lorsqu’un soignant se fait agresser comme c’est le cas de l’infirmier de Marseille,
quelles sont les répercussions (physiques, psychologiques, familiales) que peut avoir une
agression sur le lieu de travail ? Quelle prise en charge est possible pour les soignants lorsqu’ils
sont agressés ?
Personnellement, ayant reconnu être stressée après cette situation, n’y étant pas exposée
tous les jours, je me demande comment l’infirmière au SAU fait-elle pour gérer son stress ?
Qu’est-il possible de proposer aux soignants pour gérer leur stress au travail ? Quels sont les
indicateurs permettant de reconnaître le stress chez le soignant ? Quels sont les facteurs
déclencheurs de stress au travail ? Enfin, les études montrent qu’un infirmier aux urgences ne
reste en poste que trois à cinq ans, ceci est-il dû à l’épuisement professionnel ? Est-il plus
présent chez les soignants des urgences que chez les autres soignants ?
Ce questionnement et des recherches théoriques préalables m’ont permis de poser la
question de départ suivante :
En quoi l’agressivité des patients envers les soignants au service
d’accueil des urgences a-t-elle une répercussion sur la qualité de la relation
soignant-soigné ?
6
3. Cadre conceptuel
3.1. Le Service d’Accueil des Urgences (SAU)
Le SAU est l’ouverture de l’hôpital sur la ville. Il est bien souvent la principale porte
d’accès aux soins dispensés à l’hôpital.
3.1.1. Définitions
Chaque service de l’hôpital a une spécialité. De ce fait, les urgences sont « le service
hospitalier chargé d'accueillir et de prendre en charge les malades et les blessés qui se
présentent d'eux-mêmes ou sont amenés par les services de secours (pompiers...). »3
Le Dictionnaire du Larousse définit l’urgence comme une « nécessité d’agir vite » ou
encore une « situation pathologique dans laquelle un diagnostic et un traitement doivent être
réalisés très rapidement. »4
L’Urgence médicale répond à cette définition : « Toute circonstance qui, par sa survenue
ou sa découverte, introduit ou laisse supposer un risque fonctionnel ou vital, si une action
médicale n’est pas entreprise immédiatement. L’appréciation de l’urgence est instantanée et
appartient autant à la victime qu’au soignant »5
3.1.2 Législation
C’est en 1965 que la première législation est mise en place notamment pour le
développement des procédés de fonctionnement des urgences. Ce n’est qu’en 1980 que les
premiers services ouvrent leurs portes. Deux décrets ont ensuite été élaborés concernant
l’accueil et le traitement des urgences (le 9 mai 1995) puis sur les conditions techniques de
fonctionnement (le 30 mai 1997).
Le décret le plus récent concernant les urgences a été édité le 22 mai 2006, il revoit les
modalités de fonctionnement notamment pour la prise en charge (rapidité et spécificité de celle-
ci). Il désigne les personnels médicaux et paramédicaux devant être présents, les notions de
seuil d’activité minimum et d’infirmière assurant la fonction d’accueil. De plus, il impose à la
structure ayant un service d’urgences de posséder des lits d’hospitalisation de médecine, un
plateau technique de chirurgie, d’imagerie médicale et d’analyses médicales ou d’être en réseau
avec un établissement qui en possède.
3http://www.hopital.fr, (consulté le 01/10/2013) 4 Dictionnaire Le Larousse 5 http://www.institut-upsa-douleur.org, (consulté le 05/10/2013)
7
3.1.3 Rôles des urgences
Les missions des urgences sont d’accueillir les populations se présentant d’elles-mêmes ou
transportées par les pompiers, par le Service Médical d’Urgence et de Réanimation (SMUR) ou
encore par les ambulanciers privés. Les patients peuvent aussi être adressés par le Service
d’Aide Médical d’Urgence (SAMU), par leur médecin traitant ou encore par un autre
établissement. L’accueil se fait 24/24h, tous les jours de l’année. Il n’y a pas de discontinuité
dans les soins ainsi la permanence des soins est assurée. L’accès aux soins se fait de façon
équitable selon un ordre de priorité en fonction du degré d’urgence de prise en charge. Ainsi,
l’accès est autorisé à l’ensemble des populations quel que soit leur âge, leur sexe, leur
nationalité, leur niveau social, leur origine, leur culte, leur ethnie ou leur croyance ou encore
leur état de santé. Aucune discrimination ne doit être faite lors de l’accès aux soins6.
Ceci constitue la mission principale des urgences mais elles ont aussi d’autres rôles
notamment de participer au développement des connaissances en matière de médecine
d’urgence afin de faire progresser la qualité de la prise en charge des patients. Le service des
urgences se doit de collaborer afin de former les professionnels à la gestion de l’urgence. Ce
service s’inscrit dans un réseau de partage d’informations servant dans le cadre de la veille et
l’alerte sanitaire. Enfin, elle met en place des actions de prévention et d’éducation à la santé7.
3.1.4 L’infirmière aux urgences
L’infirmière des urgences a un rôle bien précis, elle développe de nombreuses
compétences pour cette unité. Il existe un poste particulier, l’infirmière d’accueil qui est le
premier acteur de santé que le patient rencontre lors de son admission.
3.1.4.1 Rôles et compétences de l’infirmière au SAU
Tout d’abord, l’infirmière doit accueillir le patient et / ou sa famille, ce rôle est accompli
par l’infirmière d’accueil et d’orientation (ce rôle sera décrit plus précisément dans une partie
ci-dessous). Le patient est ensuite installé dans un box de consultation : l’infirmière prépare le
patient pour l’examen du médecin. Elle réalise un entretien d’accueil permettant notamment de
recueillir des informations concernant le motif de consultation, les antécédents, les traitements
pris par le patient. Elle prend ses constantes. Lorsque le médecin a examiné le patient, elle
applique la prescription médicale ou agit sur son rôle propre, elle fait pratiquer les examens
nécessaires. Elle trace l’ensemble des soins sur le dossier du patient. Enfin, elle coordonne la
6 NAUDIN D., PAILLARD F., LOSSER M-R. (2011), Cahiers des sciences infirmières Soins d’urgence et de
réanimation, Elsevier Masson, pp. 86 7 Article R123-32-10 du Code de la Santé Publique
8
sortie ou le transfert du patient en fonction de ses besoins. Elle doit posséder de bonnes
connaissances de physiopathologie et avoir un bon jugement clinique. Elle doit savoir passer
du soin relationnel (écoute active, patience, calme) au soin technique (pose de perfusion,
sondage, réanimation …) avec une grande aisance. Elle se doit aussi de connaître parfaitement
ce qui relève de son rôle propre, du rôle prescrit et savoir déléguer8.
3.1.4.2 L’Infirmière d’Accueil et d’Orientation (IAO)
L’IAO est un poste qui a été instauré dans les services d’urgence depuis la circulaire du
14 mai 1991. Ce poste a été repris dans le décret du 22 mai 2006. Celle-ci est régit par un
référentiel édité par la Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU). L’IAO propose un
accueil individualisé des patients se présentant aux urgences. Elle effectue le tri des patients en
fonction de leur état de santé, réalise un premier recueil de données, assure une surveillance
régulière pour éviter la dégradation de leur état. Enfin, elle rassure le patient ainsi que sa famille.
3.1.5 Agencement des services
L’accès au service des urgences doit se faire aisément. Il est nécessaire qu’il se situe au
rez-de-chaussée du bâtiment. Les ambulances et les véhicules sanitaires doivent pouvoir
l’atteindre facilement. Il doit y avoir un parking à proximité et un accès sur la rue9.
Une première zone, la zone d’accueil, permet au patient de se présenter à l’IAO et à
l’agent administratif afin d’effectuer son admission.
Une salle d’attente est nécessaire pour faire patienter les malades. Ils peuvent être assis
ou couchés sur un brancard selon leur état. Un affichage permettant l’information des patients
et de leur famille est souvent mis à disposition dans cette salle. Dans certains hôpitaux, il existe
deux salles d’attente : l’une pour les orientations de médecine et l’autre pour les indications
chirurgicales. C’est un lieu qui se doit de rester calme et le plus accueillant possible.
La zone de soins est composée de boxes, de bureaux médicaux, de réserves, de zones
d’évacuation des déchets. Elle permet ainsi la prise en charge du patient par l’équipe médicale.
La Salle d’Accueil des Urgences Vitales (SAUV) et le « déchoquage » permettent la prise
en charge des défaillances uniques ou multiples des fonctions vitales. Son emplacement permet
un accès facile des ambulances ainsi qu’au plateau technique (réanimation, bloc opératoire,
8 NAUDIN D., PAILLARD F., LOSSER M-R. (2011), Cahiers des sciences infirmières Soins d’urgence et de
réanimation, Elsevier Masson, pp. 89-90 9 Article R6123-25 du Code de la Santé Publique
9
imagerie médicale ...). Son emplacement doit être connu de tous. Le patient peut y être admis
avant d’être transféré dans une unité de réanimation ou de surveillance continue.
Enfin, une Unité d’Hospitalisation de Courte Durée (UHCD) est intégrée dans le service
des urgences. Elle vise à accueillir des patients nécessitant une continuité de surveillance, une
investigation ou une mise en place de traitements.
3.1.6 Pathologies dominantes
Les urgences sont tenues d’accueillir toutes les personnes se présentant. Cependant, des
motifs de recours prévalant se dégagent : selon l’enquête de la Direction de la Recherche des
Etudes de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) intitulée « Les usagers des urgences
Premiers résultats d’une enquête nationale »10, 48% des patients adultes se présentent aux
urgences des centres hospitaliers généraux pour des troubles somatiques ou des traumatismes.
Les troubles psychiatriques ne sont mentionnés que dans 2.5% des cas. Les traumatismes les
plus présents sont ceux lié à un accident domestique (26%), l’accident du travail concerne 19
%, puis viennent les accidents de sport et de la circulation avec respectivement 15 et 11 %.
Dans une autre enquête11 menée par téléphone par la DREES après un passage aux
urgences, 59% des personnes interrogées donnent comme motif de recours l’accident, puis 43%
la douleur. D’autres motifs ont été évoqués : la fièvre et le malaise (9%), les saignements (8%),
les vomissements et l’angoisse (5%).
3.1.7 Notion de tri
Elle a été initié par le baron Dominique-Jean Larrey sur les champs de guerre
napoléoniens. Le tri a pour but une « analyse rapide du motif de consultation des patients,
d’évaluer les besoins thérapeutiques de leur donner une priorité »12. Cela permet de d’adapter
les soins du patient. Chaque hôpital a son propre outil de tri. Mais tous se basent sur le même
principe. Un outil fiable et précis a été élaboré : la Classification Clinique des Malades des
Urgences (CCMU)13. Elle comporte cinq classes (de C1 à C5, du moins grave au plus urgent)
complétées de la classe P pour les patients souffrant de problèmes psychologiques sans
10 BAUDEAU D., CARRASCO V., (2003), Etudes et résultats : les usagers des urgences, premiers résultats d’une
enquête nationale, http://www.drees.sante.gouv.fr, (consulté le 25/01/2014) 11 BAUDEAU D., CARRASCO V., (2003), Motifs et trajectoires de recours aux urgences hospitalières,,
http://www.drees.sante.gouv.fr, (consulté le 25/01/2014) 12 NAUDIN D., PAILLARD F., LOSSER M-R. (2011), Cahiers des sciences infirmières Soins d’urgence et de
réanimation, Elsevier Masson, pp. 87 13 Confère Annexe 1
10
problèmes somatiques. Et une classe D pour les patients décédés (aucune réanimation n’ayant
été entreprise par le médecin des urgences ou du SMUR).
3.2 Concepts d’agressivité et de violence
« Le constat d’une augmentation de la violence dans notre société, fait par de nombreux
observatoires, n’épargne plus le milieu hospitalier, lieu traditionnellement protégé […] »14
voici une des observations qui sont faites en France.
3.2.1 Définitions
La violence et l’agressivité sont deux termes très proches qui seront utilisés dans ce travail
de recherche l’un pour l’autre. Cependant, il semblerait que l’agressivité soit subjective, elle est
menée par la colère ou l’impulsion. Alors que la violence est utilisée en toute objectivité, le
sujet étant menacé, il doit obligatoirement passer à l’acte.
Selon l’article 1112 du code civil : « il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire
impression sur une personne raisonnable, qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa
personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard en cette matière à l’âge,
au sexe, à la condition de cette personne » 15.
Le Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers définit la violence comme un « terme
désignant les brutalités physiques subies par une personne maltraitée mais aussi l’action
brutale qui contraint une personne à faire usage de la force ou de l’intimidation, que ce soit la
force physique ou une contrainte morale »16.
3.2.2 Epidémiologie de la violence dans le service des urgences
Selon le rapport17 de 2012 de l’Observatoire National des Violences en milieu de Santé, les
urgences sont le deuxième service (après la psychiatrie) où s’exprime la violence à l’hôpital.
En 2012, parmi les 11 327 signalements fait par les hôpitaux, 71% concernaient une atteinte
aux personnes, 29% les atteintes aux biens. Les atteintes aux biens concernent le matériel
médical ou administratif ou encore les vestiaires ou bureaux des personnels.
14 MAURANGES A. (2005), Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, Publication de la MNH, pp. 154 15 http://www.legifrance.gouv.fr (consulté le 14/11/2013) 16 POTIER M., LORAUX N. (2002), Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers, Rueil-Malmaison :
Lamarre, pp.356 17FERRARI R. (2012), Rapport annuel 2012, Observatoire national des violences en milieu de santé,
http://www.sante.gouv.fr, (consulté le 01/09/2013)
11
Concernant les atteintes aux personnes aux urgences, 74% des atteintes sont d’ordre verbal
contre 26% d’atteintes physiques. 92% des personnes agressées sont des soignants. Ce sont à
78% les patients qui agressent. Le principal motif (identifiable) de la violence était lié à la prise
en charge (25%). Cependant, dans 53% des cas, le motif n’a pas pu être retrouvé. Les
évènements violents se répèteraient au moins une fois par semaine pour 63% des soignants
français interrogés18.
3.2.3 Expression de l’agressivité du patient, de l’agressivité du soignant
Le patient et le soignant sont tous deux acteurs de la situation dans laquelle nait la violence,
l’un comme l’autre peuvent avoir un comportement qui va engendrer une réponse agressive de
la part de l’autre.
3.2.3.1 Agressivité du patient
L’agressivité du patient se manifeste de différentes manières : les actes d’incivilité se
multiplient. Ils consistent en des intimidations19 (menace d’attendre le soignant à la fin de son
service ou de lui détériorer son véhicule), un ton employé pour faire pression, des insultes
souvent à caractère sexuelle. Les patients peuvent aussi créer le chaos dans un service (cris,
chahut, occupations des locaux). De nombreux patients agressent physiquement les soignants,
ces agressions se font avec arme (blanche, rasoir, scalpel …), elles peuvent aussi être de nature
sexuelle. Lors de ces accès d’agressivité, de nombreux biens sont détériorés.
3.2.3.2 Agressivité du soignant
Ce type d’agression n’est pas souvent perçu mais il existe bel et bien. Le soignant n’agresse
pas « consciemment », il ne le fait pas volontairement. D’après MICHEL et THIRION20, les
émotions peuvent être contagieuses : un soignant étant lui-même agacé ou énervé peut
transmettre, sans le vouloir, cette attitude au patient. Lors des soins, il existe une violence
médicale. En effet, les traitements, la succession du personnel, les contraintes hospitalières
peuvent être vécus comme une agression venant des soignants. La charge de travail importante,
le manque de moyens, l’impossibilité de prendre des vacances, le stress (ayant diverses
origines) peuvent avoir des répercussions sur l’attitude du soignant et abaisser son seuil de
susceptibilité puis provoquer de l’agressivité. Le soignant par négligence peut manquer au
18 ESTRYN-BEHAR M. (2007), « Facteurs liés aux épisodes violents dans les soins », La presse médicale, pp.
21-35 19 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre, pp.
107 20 Ibid., pp. 105
12
principe de base que sont la politesse, l’accueil courtois, l’explication des actes du parcours de
soins. Ce manque d’attention envers le patient se produit plus souvent lorsque les périodes de
travail sont longues et la charge de travail importante. 21
3.2.4 Causes
Les causes de la violence et de l’agressivité sont multiples et parfois multifactorielle22 pour
une seule et même situation. La frustration est l’une des causes majeures de l’agressivité. Il est
décrit deux types de patients : ceux qui ont une faible tolérance à la frustration et ceux qui
l’intériorise, l’accumule au point de ne plus pouvoir la contenir. Le patient peut devenir agressif
à la suite d’une série de frustrations accumulées. Selon les recherches de Robert MENTON23
sur les rapports frustration-agression, les personnes ayant été frustrées de façon sociologique
(perte d’emploi, mauvaise orientation scolaire, inégalité de salaires…) sont plus aptes à devenir
agressives notamment envers les services publics.
Parfois, le patient ne sait ou ne peut exprimer ses émotions, ses craintes … Il se rend compte
de sa mortalité, des changements qu’il va potentiellement devoir faire selon la pathologie dont
il souffre. La violence est alors « le substitut d’une parole non formulée »24. Il en est de même
lorsque le patient n’a pas l’impression d’être reconnu ou entendu : il peut se faire entendre en
répondant par l’agressivité. La personnalité, la culture du patient peut conduire plus ou moins
vite à l’agressivité. En effet, le passage à l’acte est parfois préféré par rapport à l’expression
verbale25.
D’autres problèmes d’ordres psychiatriques ou liés aux addictions (alcoolisation, prise de
toxiques …) sont souvent cités comme potentiels déclencheurs d’agressivité De plus, les
conditions environnementales dans lesquelles se trouve le patient comme le bruit, l’attente, la
promiscuité, peuvent l’agresser. Dans la première partie, nous traitions de la prise en charge
aux urgences et notamment du tri, il est bien souvent incompris par les patients. Ils pensent
souvent que leur situation est beaucoup plus grave que ce qu’elle a été estimée26. Les patients,
ne connaissant pas le système hospitalier, ne comprennent pas le processus de soins (temps de
transmissions, de pause, d’attente pour passer un examen).
21 GBEZO B E. (2011), Les soignants face à la violence, Editions Lamarre, pp. 9-10 et 18-25 22 BEGUE L. (2010), L’agression humaine, Dunod, pp.40 23 Ibid. pp.48 24 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre, pp.
91 25 Ibid. pp. 75 26 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre, pp.
85
13
Actuellement, l’imposition des actes est de plus en plus mal vécue par le public27. Il est noté
un esprit de révolte où l’autorité de la médecine et de la fonction soignante a été remise en
question. Cela peut s’expliquer par la loi du 4 mars 2002 et la charte du patient hospitalisé qui
favorisent la défense du patient et de sa famille, son autonomie et sa responsabilisation mais
aussi le respect de son intimité, sa dignité … Mais le respect du soignant lui n’a
malheureusement pas été souligné …
Ceci constitue une partie des causes connues de la réponse agressive des patients,
cependant d’autres existent (Confère annexe 2).
3.2.5 Prévention de la violence
La connaissance de « la signification des manifestations de violence est surtout nécessaire
pour élaborer des réponses efficaces, c’est-à-dire adaptées »28.
La prévention de la violence peut se faire à différents instants de la prise en charge du
patient. Celle-ci demande de connaître les besoins du patient et ceux de son entourage. La
première étape est de se présenter (son nom, sa fonction …). Par la suite, le soignant doit
s’exprimer de façon claire et avoir un langage adapté au niveau de compréhension du patient.
De plus, « le patient a besoin qu’on lui parle, qu’on le rassure »29, parfois la présence d’un
psychologue dans le service peut permettre de désamorcer bien des situations car le patient se
sent écouté et pris en charge, en considération. Le patient doit avoir le sentiment qu’il gère seul
sa situation et qu’il prend lui-même ses décisions (demander la permission, expliquer les
différentes possibilités).
Il est maintenant proposé aux soignants d’effectuer des formations leur permettant de
reconnaître les indicateurs de violence comme la labilité émotionnelle, la frustration, l’agitation,
la mauvaise expérience passée, la douleur intense, la crainte, l’incompréhension, la perte de
patience …
Enfin, de nombreux hôpitaux ré-agencent les urgences et même l’intégralité de leur
établissement afin de limiter les accès au secteur de soins, se munissent d’un bouton d’appel
27 MANOUKIAN A., MASSEBOEUF A. (2008), La relation soignant-soigné, Editions Lamarre, pp. 10 28 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre pp.
97 29 MAURANGES A. (2005), Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, Publication de la MNH, pp. 51-
52
14
d’urgence pour le personnel et se mettent en lien avec les équipes de sécurité interne (présence
dissuasive, favorise le retour au calme).
3.2.6 Prise en charge de la violence
Lorsque la violence se déclenche malgré une prise en charge optimale de la part du soignant,
il faut mettre en place une communication adaptée. Il faut donner au patient un sentiment
d’identité, lui montrer que son système de valeur est compris et qu’il est inclus au maximum
dans le processus de soins. Selon BIOY30, il faut expliquer au patient la procédure. Il est
conseillé de conserver une distance physique par rapport au patient pour ne pas se mettre en
danger (Confère annexe 3), d’avoir une attitude et une voix calme et de ne pas enchérir dans la
conversation. En effet, l’absence de rétroaction permet de calmer l’agresseur. La prise en charge
de ce type de patient ne doit pas se faire seul. GBEZO31 préconise de rapidement faire appel
aux agents de sécurité dans le but d’intimider la personne et éviter un passage à l’acte agressif.
« Il est essentiel pour les soignants d’apprendre à se protéger pour s’occuper de tous
les patients de façon optimale »32. Des formations sur le thème de la prise en charge de la
violence physique par les techniques d’arts martiaux sont proposées, elles n’ont pas pour but
d’utiliser la force mais simplement de maîtriser l’agresseur en toute sécurité tant pour le
soignant que pour le patient. Elles ne doivent être utilisées qu’en cas d’extrême urgence.
3.2.7 Prise en charge du soignant agressé
La prise en charge du soignant ayant été agressé s’opère tant dans un but curatif que
préventif. Il faut limiter les conséquences du traumatisme notamment le risque de sentiment
d’insécurité. Les conséquences, le plus souvent psychiques, sont très variables. Les soignants
peuvent avoir des réactions émotionnelles (pleurs, peurs, anxiété) allant jusqu’au stress post-
traumatique.
Le soignant peut solliciter le médecin du travail, un psychiatre ou encore un psychologue
pour l’aider dans l’expression de son ressenti. Dans certains cas, il sera prescrit des
psychotropes afin d’accompagner le soignant dans son travail psychologique. Un soutien peut
être apporté par l’assistante sociale pour permettre un retour dans l’unité, envisager un autre
poste ou encore un aménagement33.
30 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal, pp. 72 31 GBEZO B E. (2011), Les soignants face à la violence, Editions Lamarre, pp. 142 32 MAURANGES A. (2005), Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, Publication de la MNH, pp. 142 33 UZAN M., GOZLAN C., DI LORIO E. (2005), « La violence à l’égard des équipes hospitalières : éléments de
réponse », Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, pp. 54-61
15
Selon la loi de sécurité intérieure du 18 mars 2003, article 59 et 60, l’hôpital se doit de
protéger juridiquement ses employés. Le personnel agressé a le droit de se faire accompagner
pour les formalités administratives (main courante, dépôt de plainte, constitution de dossier …)
par un membre du personnel administratif voire de l’avocat de l’établissement.
3.3 Relation soignant / soigné
Depuis longtemps, MASLOW34 considère que la communication est un besoin qu’il est
fondamental d’assouvir.
3.3.1 Définitions
Walter HESBEEN donne une définition du soignant, qui montre bien son implication dans
le prendre soin : « le terme de soignant regroupe l’ensemble des intervenants de l’équipe
pluridisciplinaire, qui ont tous pour mission fondamentale de prendre soin des personnes, et ce
quelle que soit la spécificité de leur métier. » Il offre une autre définition : « le soignant est un
professionnel dont l’action est marquée par l’intention de prendre soin des personnes et pas
seulement de faire des soins » 35.
Selon le Dictionnaire Humaniste, la personne soignée est une « personne en situation de
besoin d’aide pour une durée plus ou moins déterminée. Elle ne parvient plus à exercer
momentanément son autonomie, mentale ou physique, et peut ne plus être en mesure de décider
pour elle-même » 36.
Lors de la relation soignant-soigné, le soignant intervient en faveur d’une personne en
joignant ses efforts aux siens, dans le but de favoriser un soin, un dialogue mature, une prise de
conscience. ROGERS37 définit la relation soignant-soigné comme des « relations dans
lesquelles l’un ou moins des deux protagonistes cherche à favoriser chez l’autre, la croissance,
le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une plus grande capacité
d’affronter la vie ». Elle « permet d’entendre les sentiments de l’autre et leur résonance sur soi
et d’aider à clarifier et à résoudre les difficultés des personnes que l’on rencontre dans une
34 Cours sur Les Besoins Fondamentaux, IFSI du Centre Hospitalier du Mans, septembre 2010 35 HESBEEN W. (1999), « Le caring est-il prendre soin ? », Perspective soignante, pp.8 36 PAILLARD C., PIERRE-POULET N. (2013), Dictionnaire humaniste infirmier : approche et concepts de la
relation soignant-soigné, Noisy-Le-Grand : Setes pp. 200-201 37 ROGERS C. (2001), L’approche centrée sur la personne, Edition Randin.
16
pratique soignante »38. Trois attitudes seraient nécessaires : de la disponibilité, de l’objectivité
et les capacités.
3.3.2 Capacités du soignant
3.3.2.1 L’empathie
BIOY39 reprend la définition de l’empathie de BLOUIN et BERGERON40. Selon eux,
il s’agit d’une : « capacité de se mettre à la place de d’autre et de ressentir ses sentiments et
ses émotions ». Il s’agit de « comprendre la vie d’intérieure d’autrui ». Il faut essayer de
comprendre les difficultés de l’autre selon ses croyances et son point de vue.
Il est possible d’opposer deux formes d’empathie celle dite spontanée : elle est
instinctive et faisable lorsque le soignant et le patient viennent du même univers, lorsque leurs
visions du monde sont proches. L’autre forme est l’empathie difficile. Le plus souvent retrouvée
dans des moments de crise pour le patient, la situation de soins est alors pesante pour lui. La
réaction du patient est pour le soignant difficilement compréhensible. Il faut pour le soignant
« percevoir le patient dans sa différence, accueillir ses paroles et ses réactions en dépit de leur
caractère étranger » 41.
ROGERS complète : « […] Les émotions d’une personne sont lisibles sur son visage,
les pensées ne le sont pas. L’empathie est une qualité qui permet de lire le comportement non
verbal, posture, visage, ton » 42.
3.3.2.2 La congruence ou « état d’accord »
Les émotions du soignant doivent être maîtrisées mais pas masquées afin que le soignant
reste authentique. La congruence peut-être définie comme un état d’harmonie avec soi-même
et l’environnement dans lequel nous évoluons, sans tension. La congruence implique la bonne
distance : ni trop proche (prévalence des données personnelles du soignant) ni trop éloignée
(avec une prévalence du statut professionnel). La congruence permet de comprendre le patient
grâce à ses propres valeurs.
3.3.2.3 L’écoute active
L’écoute peut se définir comme une attitude qui « permet d’entendre le patient et sa
souffrance éventuelle, c’est-à-dire de percevoir, au-delà de son humanité : ses craintes et ses
38 CANOUI P., MAURANGES A. (2001), Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson, pp.
59 39 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal, pp. 26-27 40 Ibid. 41 Ibid. 42 ROGERS C. (2001), L’approche centrée sur la personne, Edition Randin.
17
forces, ses doutes et ses certitudes, ses éléments d’équilibre et de faiblesse » 43. L’écoute du
patient nécessite d’abord l’écoute de soi-même : le soignant doit savoir avant de commencer
une écoute qu’il est capable d’écouter. Cela implique aussi une disponibilité psychique et
temporelle. L’écoute nécessite l’apprentissage de techniques, propre à la relation d’aide
(Confère annexe 4).
3.3.2.4 L’acceptation inconditionnelle
Il s’agit de garder une bienveillance quelques soient les dires ou les gestes des patients.
Elle nécessite qu’aucun jugement de valeur ne soit porté sur ce qui est dit ou fait. L’acceptation
de la personne avec ses craintes, ses doutes permet aussi de renforcer la confiance en elle
(notamment de faire face). Il faut avoir la capacité de distinguer « l’être de ses comportements,
symptômes, situation…L’acceptation est inconditionnelle dans le sens où elle est sans réserve,
sans évaluation, sans jugement » 44.
3.3.3 Relation soignant-soigné et service d’accueil des urgences
Les professionnels s’accordent sur le point que la relation soignant-soigné n’est
fondamentalement pas différente aux urgences que dans les autres services d’hospitalisation.
Cependant, l’anxiété est une problématique majeure aux urgences. Elle touche autant les
patients eux-mêmes que leur famille. L’anxiété est souvent une cause d’agressivité. Elle était
probablement la cause de l’emportement de Mr B, l’hospitalisation de sa femme étant pour lui
une source d’angoisse. Selon BIOY45, l’état anxieux est l’un des états le plus retrouvé à
l’hôpital. Pour communiquer avec les personnes angoissées, il faut les rassurer en leur donnant
des repères fixes, faire verbaliser leurs craintes. L’accueil du patient doit être un moment
privilégié pour le rassurer lui et sa famille en lui donnant un maximum d’informations.
L’accueil permet, comme vue dans la première partie, de trier mais aussi de gérer le stress des
patients en leur communiquant leur orientation dans le secteur de soins, la prise en charge dans
un box, le délai d’attente estimé, la prise en charge de la douleur protocolée …
Selon Rosette POLETTI, infirmière suisse, le rapport à la famille du malade doit répondre
à un triple besoin, qui est « l’information : de savoir ce qui peut être fait pour la personne
malade, être informé : des conditions dans lesquelles se trouve le patient et savoir : exactement
dans quel état se trouve le patient ; d’être avec son malade et pouvoir l’aider, pour être utile à
43 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal pp. 31 44 Cours sur La relation soignant-soigné, IFSI du Centre Hospitalier du Mans, septembre 2011 45 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal pp. 56-57
18
la personne […], pour être proche ; d’être soulagé de son anxiété afin d’extérioriser ses
émotions, d’être acceptée, soutenue, réconfortée »46.
3.3.4 Répercussion de la violence sur la relation
Le rapport47 de l’Organisation Mondiale de la Santé de 2002 fait le constat de la violence
contre le personnel soignant et de ses répercussions. Ainsi, il montre que la violence est une
menace pour les services de santé. La violence dégraderait la qualité des soins prodigués.
L’attrait pour la profession de soignant serait aussi diminué du fait de l’agressivité des patients.
Le soignant violenté subirait une paralysie de la pensée, des paroles et des actes : la personne
est comme sidérée. Elle ne sait ni quoi dire, ni quoi faire. Cela augmente le temps de prise en
charge du patient et demande aussi au soignant de se remobiliser pour se rendre de nouveau
disponible pour le patient. Le soignant peut avoir peur de retourner soigner le patient, la relation
soignant-soigné est donc interrompue parfois sans possibilité d’être reconduite48.
3.4 Répercussion principale : le stress
3.4.1 Définition et physiologie
Hans SELYE49, endocrinologue canadien, consacre ses recherches au stress. En 1936, il en
donne une définition : « réponse non spécifique de l’organisme à toute demande qui lui en est
faite ». Cependant, il semble que le stress soit une réponse à une agression. Le stress est une
réaction qui prépare le corps à la fuite. La définition donnée par Le Robert parait plus complète,
il s’agit là d’une « réponse de l’organisme aux facteurs d’agression physiologiques et
psychologiques ainsi qu’aux émotions (agréable ou désagréable) qui nécessite une
adaptation. »50 Il existe deux types de stress l’un aigue et l’autre chronique
Le corps produit une réaction d’adaptation. Il s’agit d’un syndrome d’adaptation général
comprenant trois phases : une phase d’alarme (qui met en alerte le corps), une phase de
résistance (deux attitudes résultent de cette phase : l’adaptation ou de début des maux), enfin
une phase d’épuisement (psychique, comportemental, psychosomatique).
3.4.2 Epidémiologie
Selon la Fondation pour l’amélioration des conditions de travail de Dublin, 28% des
travailleurs européens pensent que le stress cause leurs problèmes de santé. Chaque année, 600
46 http://www.guichetdusavoir.org, (consulté le 04/01/2014) 47 http://www.who.int, (consulté le 12/02/2014) 48 MANOUKIAN A., MASSEBOEUF A. (2008), La relation soignant-soigné, Editions Lamarre, pp. 136 49 STORA J-B. (2010), Le stress, Puf 50 Dictionnaire Le Robert
19
millions de jours de travail sont perdus en Union Européenne ayant pour cause le stress. La
France aurait rejoint récemment le groupe de pays ou le stress est le plus important. Selon le
laboratoire Technologia51, 7 à 10% des salariés seraient concernés par le burn-out. Dans le
milieu du soin, le burn-out toucherait près de 40% des professionnels. Cependant, peu
d’enquêtes ont été menées sur le stress professionnel dans le milieu soignant.
3.4.3 Causes
Les causes de stress dans le domaine hospitalier sont multiples. Elles ne sont pas identiques
pour tous les personnels mais plutôt fonction de la personnalité du soignant, de son expérience
de vie, du moment où le stress survient.
D’après STORA52, les contraintes organisationnelles dans lesquelles évolue le soignant sont
des facteurs déterminants. Lorsque le matériel est manquant, en rupture de stock, non adapté,
rangé à la mauvaise place, il en résulte une pression qui met le soignant en situation de stress.
Le manque d’ergonomie dans les soins provoque bien des tensions musculaires et douleurs mais
aussi une tension psychologique. Les nombreuses interruptions de tâches obligent le soignant à
se multiplier, à être moins concentré et désorganise le travail. Il demande un effort
supplémentaire pour se concentrer de nouveau sur la tâche première. L’enquête SUMER 200353
et BOISSIERES-DUBOURG54 ajoutent à cela le bruit très fréquent à l’hôpital (bruit des scopes,
sonnettes d’appel …) ou encore la lumière souvent agressive (écran d’ordinateur, néons …).
Il évoque aussi la lourdeur des responsabilités, les pressions psychologiques, les conflits
relationnels au sein des équipes de soin. Il souligne aussi la consommation importante
d’excitants comme le café, le tabac ou l’alcool. Ou encore le temps de sommeil réduit du fait
des horaires décalés qu’impose la profession.
Dans « Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants »55 de nombreuses autres
causes sont développées : le manque de communication entre des différents membres d’une
équipe, le personnel insuffisamment formé, l’absence de reconnaissance du travail effectué …
51 OLIVIER V. (2012), Le burn-out (et comment l’éviter), L’Express, n°3264, pp. 40-55 52 STORA J-B. (2010), Le stress, Puf 53 http://travail-emploi.gouv.fr, (consulté le 11/02/2014) 54 BOISSIERES-DUBOURG F. (2012), Les soignants face au stress, Editions Lamarre, pp. 41 55 CANOUI P., MAURANGES A. (2001), Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson, pp.
56-81
20
3.4.4 Conséquences du stress
« Le corps a son langage. Ses manifestations sont des signes d’appel : à trop « mal
faire », il finit par « faire mal » » 56.
Les conséquences du stress sont de différents ordres. Au niveau physique, le stress
provoque fatigue, troubles du sommeil, céphalées, hypertension artérielle, arthralgies,
lombalgies, entorses … Au niveau psychique, le stress expose à des troubles du comportement
ou de l’humeur (irritabilité, nervosité, apathie), à la dépression, à l’épuisement professionnel,
aux addictions57. D’autres signes sont observables. La liste n’étant pas exhaustive et chaque
personne étant différente, les réactions sont diverses et propres à chacun.
Au sein de l’établissement, le stress engendre un désengagement dans le travail pouvant
aller parfois jusqu’à la maltraitance, aux fautes professionnelles ou des accidents du travail. Le
personnel peut-être absent ou en retard. De plus, le stress provoque des conflits qui peuvent
favoriser les agressions physiques et verbales. Le stress plonge l’employé dans ses
retranchements et peut lui faire adopter un comportement qui n’est pas le sien habituellement.
3.4.5 L’épuisement professionnel
L’épuisement professionnel a été développé par FREUDENBERGER en 1974. BENARD
et DUQUETTE ont traduit cette définition comme un « état causé par l’utilisation excessive de
son énergie et de ses ressources, qui provoque un sentiment d’avoir échoué, d’être épuisé ou
encore d’être exténué » 58. C’est une pathologie issue du monde du travail qui apparait lorsque
le stress devient chronique et ingérable. Il est possible de parler d’épuisement professionnel
après une exposition de un à cinq ans à un stress chronique. « Il met en cause la fiabilité de la
dimension d’aide et finit par user le professionnel de santé ». Cette usure « ne permet plus au
soignant d’assurer ses responsabilités professionnelles »59.
L’épuisement est physique, psychique et émotionnel. Il est accompagné d’une
déshumanisation du patient avec une attitude négative face à lui. Enfin, le soignant peut perdre
son sentiment d’accomplissement personnel et acquérir une image négative de lui-même.
56 CANOUI P., MAURANGES A. (2001), Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson pp.
118 57 BOISSIERES-DUBOURG F. (2012), Les soignants face au stress, Editions Lamarre pp. 146 58 CANOUI P., MAURANGES A. (2001), Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson pp. 10 59 Ibid.
21
3.4.6 Proposition de soutien
Il existe différentes techniques pour se libérer du stress lorsqu’il est lié au travail.
3.4.6.1 Collective
De façon collective, la libération de la parole en groupe, souvent en présence d’un
psychologue, est un moyen fréquemment utilisé par les établissements de santé. La technique
du « débriefing » est aussi utilisée : c’est une « évaluation post évènementielle à chaud dans
une équipe ayant pris part à un évènement »60. Le soutient de l’équipe permet de porter un
collègue en difficulté. De nombreuses formations sont proposées sur le thème du stress et de la
gestion de celui-ci par les Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
(CHSCT) sur la base des travaux de DEJOUR61.
3.4.6.2 Personnelle
De nombreux auteurs se sont accordés sur le fait qu’il fallait préserver du temps pour
soi lorsque le travail provoque du stress. Ce temps doit permettre de prendre du recul en
profitant des temps de repos (prendre régulièrement des jours de congés, faire du sport, se
relaxer (méditation, yoga …)). ANDRE62 préconise de maintenir des liens amicaux et familiaux
afin d’assurer un soutien. La résilience, qui désigne l’art de s’adapter aux situations difficiles
en développant des capacités mettant en jeu des ressources internes et externes63, est citée
comme une capacité aidante dans la gestion du stress. La notion d’assertivité ou d’affirmation
de soi peut être préconisée comme technique pour s’imposer, ne pas fuir et se dévaloriser, donc
de se préserver des conséquences néfastes du stress.
4. Méthodologie de recherche
4.1. Méthodologie initiale
Au vu de mes objectifs face à ce travail de fin d’étude, j’ai souhaité effectuer une recherche
qualitative. J’ai donc choisi l’entretien comme méthode. En effet, celui-ci permet de recueillir
le point de vue et le vécu de la personne. De plus, cette méthode a été la plus adaptée à ce travail
de mémoire infirmier. L’entretien a été semi-directif afin que la personne puisse exprimer tout
ce qu’elle souhaite mais j’ai dû recentrer la discussion pour qu’elle ne s’éloigne pas trop du
sujet. J’ai utilisé une grille de questions (Confère annexe 5) constituée à l’avance me permettant
60 MANOUKIAN A., MASSEBOEUF A. (2008), La relation soignant-soigné, Editions Lamarre, pp. 148 61 Psychiatre et psychanalyste français, fondateur de la psychodynamique du travail 62 CANOUI P., MAURANGES A. (2001), Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson pp.
114 63 Cours sur La résilience et l’attachement, IFSI Centre Hospitalier du Mans, janvier 2011
22
de guider mon entretien. J’ai prévu des questions de relance afin de faire approfondir certains
points par l’infirmier (e). Les questions étaient ouvertes pour que les réponses soient le plus
complètes possibles.
Lors de mes entretiens, j’ai demandé l’autorisation aux infirmiers (ères) de les enregistrer
afin de faciliter les retranscriptions. Etant donné mon sujet sur le service d’accueil des urgences,
il a donc été convenu que les infirmiers (ères) interviewés (ées) exercent leur métier dans ce
service. J’ai souhaité questionner trois professionnels infirmiers. J’ai désiré effectuer ma
démarche auprès d’au moins un homme pour connaître les différences de point de vue comparé
à celui des femmes face à la violence. Il m’a semblé important d’interviewer des professionnels
ayant des années expériences différentes : un ou une jeune professionnel (le), un ou une
professionnel (le) ayant une dizaine d’années de pratique au sein des urgences. Enfin, j’ai
souhaité qu’un professionnel travaillant de nuit s’exprime sur le sujet. En effet, la nuit est un
moment où la violence s’exprime fortement (la majoration de l’anxiété la nuit peut-être un
facteur déclencheur de violence). Face à la prédominance des unités d’accueil d’urgence dans
les structures publiques, j’ai souhaité que ces professionnels exercent à l’hôpital public.
Cinq infirmières ont répondu à ma demande. J’en ai sélectionné quatre ayant des parcours
professionnels différents. L’infirmière A à sept ans de diplôme, elle a fait le choix de travailler
de jour aux urgences (Confère annexe 6). L’infirmière B a eu son diplôme il y a vingt-six ans,
elle a travaillé aux urgences de 2000 à 2005 et y est revenue depuis 2011 de nuit (Confère
annexe 7). L’infirmière C a trois ans et demi de diplôme, elle a choisi de travailler aux urgences,
elle exerce la nuit (Confère annexe 8). L’infirmière D travaille depuis cinq ans aux urgences,
quatre ans de jour et depuis six mois de nuit. Elle aurait préféré de la chirurgie mais a accepté
les urgences pour le côté technique de cette unité (Confère annexe 9).
4.2. Critique de la méthodologie
J’ai rencontré une difficulté pour qu’un professionnel masculin réponde à mes questions
d’entretien. Aucun ne s’est inscrit malgré ma demande auprès d’une des cadres des urgences.
Cela aurait pu être bénéfique pour comparer le vécu du soignant masculin par rapport au vécu
d’une femme. L’expression de soignant travaillant de jour et de nuit a apporté des ressentis
différents. Le fait de ne choisir que des professionnels exerçant dans le même établissement ne
me permet que de tirer des résultats partiels. Il aurait surement été judicieux d’interroger des
professionnels du secteur privé afin de faire une comparaison : sur le type de travail en fonction
du public accueilli ou encore de la possibilité d’accès à la formation. L’interview de
23
professionnels travaillant dans des établissements de taille comparable (afin d’avoir un nombre
d’admission par jour et des moyens de formation comparables) aurait pu montrer si les
difficultés rencontrées étaient les mêmes quel que soit l’établissement. La variabilité de
l’expérience professionnelle infirmière permet une approche différente sur le vécu aux
urgences.
5. Commentaire de l’analyse
L’analyse des résultats via l’aide d’un tableau (Confère annexe 10) permet de mettre en
commun et de confronter les points de vue des quatre infirmières interrogées.
5.1 Les urgences
– La prise en charge
L’accueil du patient
Lorsqu’il arrive aux urgences, les quatre infirmières indiquent que le patient est pris en
charge par l’infirmière d’accueil et d’orientation.
La priorisation et prise des constantes
Vient le temps (pour les infirmières A, B et C), du tri afin de connaitre la gravité du cas
du patient et donc de son ordre de passage. Seule l’infirmière A évoque la prise des paramètres
et l’évaluation de la douleur lors de l’accueil.
Installation en salle d’examen
Lors de l’installation en salle d’examen, les infirmières A et C parle du déshabillage du
patient. Un point qui semble important à ce moment de la prise en charge. En effet, il reprit par
la suite comme une violence institutionnelle par certaines infirmières.
Avis médical et soins infirmiers
Les quatre infirmières s’accordent sur le temps suivant de la prise en charge : il y a « la
rencontre avec le médecin » (IDE D) puis « l’infirmière va exécuter les soins » (IDE B).
– Le public accueilli
Trois des quatre infirmières trouvent que les prises en charge concernent les personnes
âgées. L’IDE B, elle trouve que « c’est assez hétéroclite comme prise en charge ». Les IDE A
et C complètent en ajoutant qu’il n’y a pas de discrimination en termes de sexe, d’âge, de
milieux sociaux …
24
– Réponse des urgences à ses missions
Les infirmières A, B et D trouvent que « dans la plus part des cas, c’est adéquat » (IDE
A). L’infirmière D précise ses propos, elle trouve cela adapté surtout « pour les personnes qui
ont des problèmes sociaux ». L’infirmière A modère ces dires en indiquant que les urgences
répondent à des besoins qui pourraient être traités en consultation. Elle est rejointe sur ce point
par l’infirmière D notamment pour les problèmes de maintien à domicile de la personne âgée.
Pour l’infirmière C, les urgences ne répondent pas à leur mission quant à la rapidité de prise en
charge.
– Les problèmes majeurs des urgences actuellement
Le temps de prise en charge est évoqué par trois des quatre infirmières interrogées. Le
manque de lit d’hospitalisation est cité par les infirmières A et D. Les infirmières A et B
s’accordent sur les prises en charge mal dirigées dans le système de soins. L’infirmière C admet
que « la violence est quand même grandissante, […] l’alcool devient un problème ».
– Compétences professionnelles aux urgences
Pour certaines des infirmières (IDE A et B), les compétences nécessaires pour travailler
aux urgences sont les mêmes que pour un autre service. Alors que pour l’infirmière D, il faut
« les compétences techniques adaptées aux urgences ». Cependant, les quatre infirmières
trouvent qu’il faut des compétences techniques pour exercer aux urgences. Pour les infirmières
B, C et D, il faut une capacité d’adaptation ou une polyvalence afin de pouvoir passer d’une
situation clinique à l’autre aisément.
– Difficultés rencontrées lors de l’arrivée aux urgences
Les infirmières A et C ont eu du mal à « connaître l’organisation » (IDE C).
L’infirmière D rejoint l’infirmière C sur le point des compétences techniques, non pratiquées
lors des études étant source de difficultés. L’infirmière B, elle évoque plus, les obstacles à être
opérationnelle, à sortir du statut d’étudiant, d’accepter de ne pas savoir faire. L’infirmière D la
rejoint sur ce point en évoquant le fait qu’« il faut essayer de s’intégrer » dans une nouvelle
équipe.
25
5.2 La violence et l’agressivité
– Expression de la violence
Ressentis du soignant
Les quatre infirmières trouvent que les urgences sont un service ou l’expression de la
violence est fréquente. Elles disent être confrontées à des patients violents mais aussi aux
familles qui les accompagnent lors de leur admission. Trois des quatre infirmières (IDE A, C et
D) disent qu’il y a « beaucoup » (IDE A et D) ou « souvent » (IDE C) de patients violents ou
agressifs.
Type de violence
Les infirmières relatent des violences physiques et verbales. Les infirmières A et D
disent se faire insulter ou menacer. Les infirmières B et D trouvent que les violences verbales
sont plus présentes que les violences physiques, « [physiquement] ça arrive moins
régulièrement heureusement » (IDE D). Alors que l’infirmière C dit que « l’agressivité est
pour moi autant verbale que physique ».
Violence institutionnelle
Les infirmières A, B et D soulèvent le problème de la violence qui est induite par le
système ou l’organisation hospitalière. L’infirmière A prend l’exemple du déshabillage
systématique du patient à son arrivée en salle de soin. Elle trouve que c’est « très violent » allant
même jusqu’à dire qu’elle « dépouille en quelque sorte le patient ». L’infirmière B pense que
les soins sont agressifs. L’infirmière D parle des cas de prise en charge ou la contention est
utilisée : elle dit que « à partir du moment où le patient est contentionné, il y a forcément des
gestes de violence » ou encore dans les cas « où l’on fait quelque chose contre la volonté du
patient », c’est un type de violence.
Violence du soignant
La violence provenant du soignant est abordée par les quatre infirmières, elles
s’accordent sur le fait que leurs propos peuvent déclenchés de l’agressivité chez le patient. Pour
l’infirmière C, c’est parfois son attitude qui peut créer de l’agressivité « le fait que je puisse
sourire alors qu’elle n’était pas bien, je pense qu’elle l’a très mal pris ». L’infirmière B pense
que chacun à un seuil de tolérance face aux patients, leur attitude ou encore la charge de travail
importante. L’infirmière D rajoute que « ça dépend des personnalités ».
26
– Mécanismes de la violence
Causes
Les principales causes de violence citées par les quatre infirmières sont le temps
d’attente ainsi que l’incompréhension qu’engendre la prise en charge. Celui-ci provoquerait
selon l’infirmière A de la peur (liée à l’inconnu), l’infirmière B indique que c’est stressant pour
les patients d’être aux urgences. L’infirmière C pense que certains patients sont « fragiles par
rapport à une situation », qu’il y a aussi « les détresses des familles ». L’infirmière D parle elle
de la « non-satisfaction de la prise en charge ». La prise de substance (les drogues mais
principalement l’alcool) est mentionnée par les infirmières B, C et D. Les infirmières C et D
font apparaître que les patients ayant pour motif d’admission un problème psychiatrique
peuvent être violents.
Signes précurseurs
Les infirmières trouvent souvent qu’au premier contact, elles arrivent à ressentir si la
prise en charge va être conflictuelle. Le fax du SAMU est un bon indicateur pour savoir si le
patient est violent. Les infirmières B et D montrent que « les personnes qui ont des troubles du
comportement » (IDE B) souvent des patients susceptibles d’être agressif. Il en est de même
pour les patients alcoolisés qui expriment le souhait de ne pas rester (IDE B et C). Selon les
infirmières A, C et D, les patients « qui s’agace[nt] comme ça en salle d’attente ça fait monter
l’ambiance générale » (IDE A) ou encore les « patients qui vont être sur la défensive, ils vont
avoir besoin de se justifier pour n’importe quels soucis » sont potentiellement des personnes
qui peuvent devenir agressives.
– Prise en charge de la violence
Expression du patient
Les quatre infirmières prennent le temps de faire verbaliser le patient sur les raisons de
sa violence. L’infirmière C prend cet exemple : « en demandant ce qui ne va pas aujourd’hui ».
Cela « peut arriver à désamorcer le problème en discutant » (IDE B). Pour toutes les
infirmières, c’est la première chose qu’elles mettent en place lors de situations conflictuelles.
Explications données au patient
Les infirmières A, B et D « réexpliquent les choses, le déroulement de la prise en
charge, comment ça va se passer, combien de temps ça va prendre au niveau des examens »
(IDE A) au patient afin que celui-ci accepte mieux la prise en charge.
27
Attitude du soignant
Les infirmières B et C indiquent qu’elles essayent d’avoir une « attitude calme, posée »
(IDE B) afin de « ne […] pas rentrer dans la spirale » (IDE B) de l’agressivité du patient.
L’infirmière D développe une relation empathique pour comprendre le comportement du
patient.
Contention physique et / ou chimique
Les quatre infirmières ont recours à la contention lorsque le patient devient dangereux
soi pour lui-même ou pour les soignants. La contention peut être de deux ordres soit chimique
avec une prise d’ « un neuroleptique [et] un anxiolytique » soit physique avec l’utilisation d’un
« lit de contention prêt à l’emploi avec une contention ventrale, la contention des mains et des
pieds » (IDE A). Elles complètent en disant qu’elle n’est utilisée qu’en cas de dernier recours.
Autres moyens
Les infirmières A et B « passe[nt] le relai » lorsqu’elles n’arrivent plus à prendre en
charge le patient dans de bonnes conditions. L’infirmière A indique qu’elle doit parfois avoir
recours à la police lorsque le patient devient trop agressif. Elle nous dit aussi faire appel au
« vigile qui est un agent de sécurité incendie, qui vient à l’accueil « se montrer » ». L’infirmière
C emploi un ton « plus autoritaire » lorsque l’utilisation d’outil comme la reformulation ou
l’empathie échouent. L’infirmière D dit avoir l’habitude d’appeler les hommes du service car
selon elle, « physiquement, ils imposent plus que nous ».
– Le soignant agressé
Agression vécue par le soignant
Les infirmières B et C ont été agressées aux urgences. Elles ont été victime de coup de
la part d’un patient : « je me suis faite taper dessus qu’une seule fois » (IDE B) et « je me suis
pris un poing dans la figure par un patient » (IDE C). L’infirmière A a vécu une réaction
violente d’un patient, celui-ci a « jeté [par terre] l’imprimante et l’écran d’ordinateur à
l’accueil ».
Action menée / déclaration
La déclaration des évènements violents sur l’outil institutionnel est mentionnée par les
infirmières A, C et D. L’infirmière A concède qu’elle ne le fait « pas autant qu’on devrait le
faire » tant la violence verbale est fréquente. Les infirmières B et C qui ont été agressées
physiquement ont eu deux attitudes différentes : l’infirmière B n’a pas porté plainte car ça lui
28
« a posé question pour une protection autour de [sa] famille » alors que l’infirmière C a porté
plainte mais de façon personnelle. Les transmissions écrites dans le dossier soin ne sont
évoquées que par les infirmières B et C.
Répercussion de la déclaration
L’infirmière A dit que « ce n’est pas qu’une déclaration, il y a un suivi derrière ». Lors
de sa visite médicale, le médecin lui a demandé ce qu’il s’était passé et si elle avait des
difficultés à gérer cela. Le médecin avait une copie de la déclaration. L’infirmière C dit qu’elle
n’a pas été « accompagnée dans [sa] plainte ». Quant à l’infirmière D, elle pense que « si c’était
vraiment institutionnalisé, on aurait une certaine reconnaissance ».
Ecoute de l’équipe
Les infirmières trouvent que l’équipe soignante est à l’écoute des difficultés de chacun
face à l’agressivité. L’infirmière D remarque que « l’équipe pluridisciplinaire est à l’écoute de
ça ». Les infirmières B, C et D indiquent que les cadres de l’unité (de jour comme de nuit) ont
des disponibilités pour entendre les soignants confrontés à la violence. Cependant, les temps
d’échanges sont « souvent informels » et il n’existe « pas de groupe pour discuter » (IDE A).
– La formation du soignant
En pratique
Aucune des quatre infirmières n’a fait de formation sur la prise en charge de la violence.
L’infirmière B en a fait la demande. L’infirmière C reconnait qu’elle « ne fait pas beaucoup de
formation » pour des raisons de distance entre son lieu de travail et d’habitation.
Attente par rapport à la formation
Les infirmières reconnaissent un besoin de formation. L’infirmière B, C et D souhaitent
avoir de plus de connaissances sur les mécanismes de la violence. Les quatre infirmières
désirent avoir des « des outils pour avoir la bonne attitude, la posture professionnelle » pour
ne pas augmenter la réaction agressive et pour savoir comment répondre à l’agressivité.
Néanmoins, l’infirmière C ajoute qu’elle a « vraiment du mal à savoir ce qu’on peut nous
apporter » lors d’une formation.
5.3 La relation soignant-soigné
– Ressentis du soignant
L’infirmière A trouve que la relation soignant-soigné est initiée aux urgences et que « la
suite de l’hospitalisation ne va pas forcément bien se passer parce que la première impression
29
globale aura été négative » (IDE A). Les infirmières B et D pense que le soignant doit avoir un
côté rassurant pour le patient lorsqu’il arrive aux urgences. La relation soignant-soigné passe
par « la relation de confiance » pour les infirmières B et C. L’infirmière D peut les rejoindre
sur ce point en ne voulant rien « cach [er] au patient » et en lui « disant les choses ». L’infirmière
C reconnait qu’elle n’a pas la même attitude selon le public : « je travaille beaucoup sur
l’affectif et sur la catégorie d’âge, je vais être peut-être plus attentive finalement à des patients
âgés » alors que « sur des patients plus jeunes […] suis peut-être moins patiente ».
– Différence dans la relation avec les autres unités
Pour les infirmières B et C, la relation soignant-soigné n’est pas si différente que dans
les autres services hors contexte de l’urgence. Alors que les infirmières A et D trouvent qu’elle
diverge du fait qu’elle soit initiée aux urgences. Le facteur temps est à prendre en compte pour
ces deux infirmières, elles essayent « au maximum d’instaurer sur une courte période de deux
heures, une petite relation de confiance » et trouvent que dans « les services classiques [les
choses] sont beaucoup plus posées ».
– Répercussion de l’agressivité sur la relation soignant-soigné
Lorsqu’il y a eu agressivité, les soignantes reconnaissent avoir un comportement
différent et donc qu’ « il y a forcément une répercussion » (IDE B). Les infirmières A et B
disent que la répercussion va dépendre « de l’état d’esprit dans lequel on est » (IDE B). Les
infirmières C et D admettent être moins patientes, moins agréables avec le patient. L’infirmière
D complète : « on ne va plus avoir envie d’avoir de l’empathie, de négocier, on va devenir
carré, ça sera comme ça et pas autrement et puis c’est tout, ça sera non discutable ». Alors que
l’infirmière B insiste sur le point suivant « si j’ai réussi à ne pas rentrer dans la spirale ça va
pas me gêner, j’aurai toujours la même attitude ».
– Attitude du soignant face à l’agressivité
Les infirmières adoptent une attitude de recul lors de ces situations. L’infirmière A dit
qu’« il faut vraiment relativiser » et a besoin de « se laisser un peu de temps avant d’y aller ».
L’infirmière D la rejoint sur ce point, elle soulève aussi la difficulté que cela représente et
précise que « ça vient avec le recul, l’expérience, l’échange avec l’équipe ». L’infirmière B a
« besoin de ce recul physique et psychologique » afin de savoir où elle en est dans ses soins.
– La relation empathique
Malgré un acte de violence verbale ou physique, les quatre infirmières essaient de mettre
en place une relation empathique. Elles vont retourner voir le patient afin d’« améliorer la
30
relation soignant soigné » (IDE A). L’infirmière D indique que « l’empathie ça ne va pas
s’installer dans le pic de l’agressivité, mais plus en cours de discussion », plus tard dans la
prise en charge. Cependant, la relation doit être acceptée par le patient et parfois ce n’est pas le
cas.
– Répercussion sur le soignant
« Ça nous touche, ça nous fait du mal » est le ressentis des infirmières B et D. Pour
l’infirmière C, il s’agit avant tout de se protéger physiquement de la violence, même si « c’est
égoïste mais c’est le soignant d’abord, le patient après ». L’infirmière A se dit frustrée et a
aussi un sentiment d’injustice car elle est là pour soigner et non pour se faire agresser et qu’elle
a « l’impression de faire au mieux pour les patients et les familles ».
5.4 Le stress
– Présence du stress aux urgences
Les soignantes ne se sentent pas stressées de manière globale lorsqu’elles travaillent aux
urgences. Cependant, les infirmières C et D reconnaissent que certaines situations les stressent
sur de courtes périodes. Mais d’une manière générale, elles ne se disent pas stressées. Le stress
est vécu comme positif par les infirmières B et C. L’infirmière A dit travaillé sous pression
mais elle ajoute à cela que « c’est ce que l’on aime aussi quelque part » (IDE A).
– Situations stressantes
La situation est reconnue comme stressante lorsque le pronostic vital est engagé « sur
un déchoquage » (IDE C). Les infirmières B et D confirment ces propos. L’infirmière D se sent
plus stressée lorsqu’il y a de l’agressivité dans le comportement du patient ou de sa famille et
a « peur pour moi que ça m’atteigne psychologiquement ». La situation qui « met vraiment sous
pression [l’infirmière A] c’est la foule ».
– Signes
Physiques
Seules les infirmières A et B ont pu décrire les signes qu’elles ressentent physiquement.
L’infirmière A dit qu’ « on peut parler de tension musculaire » alors que l’infirmière B sent
que « le cœur […] il bat vite et puis il y a […] une boule d’angoisse », il lui arrive parfois de
trembler lors de situations stressantes. A distance, elle dit avoir parfois des troubles du sommeil.
Psychologiques
Psychologiquement, les infirmières C et D perçoivent la décharge d’adrénaline que
procure la situation. L’infirmière A a « la peur de passer à côté de quelque chose d’important »
31
d’autant plus lorsqu’elle est l’infirmière d’accueil et d’orientation. L’infirmière D dit qu’elle ne
« tolère plus ce que me dit le patient ».
– Moyens de contrôle
Personnels
Les infirmières tentent de « faire la part des choses » (IDE A) entre ce qui se passe aux
urgences et leur vie personnelle. Cependant, les infirmières A, C et D s’accordent sur le fait que
parfois elles ont besoin de parler avec leurs proches de certaines situations. L’infirmière C
reconnait « pleurer, pleurer et encore pleurer » et que « parfois ça arrive ». L’infirmière D
essaie d’extérioriser « par le sport, les passions, les sorties entre amis… ». Les infirmières A
et B ont parfois besoin « d’un temps de décompression » (IDE B). Pour l’infirmière A « le fait
de se rhabiller en civil, on enlève la tenue d’infirmière et puis le petit laps de temps que l’on a
pour rentrer chez soi » lui permet de ne pas apporter, à son domicile, les soucis professionnels.
Avec les collègues
L’écoute de la part des autres membres de l’équipe soignante est relatée par les quatre
infirmières. Elles trouvent une écoute active de la part de leurs collègues (« avec laquelle on
travaille » (IDE C) ou encore avec « les médecins » (IDE B)). L’infirmière A indique qu’« à la
pause, on parle d’autres trucs ou alors on tourne en dérision certaines situations » afin de
penser à d’autres choses et de pouvoir reprendre les prises en charge dans de bonnes conditions.
– Le stress masculin
Le stress est aussi vécu par les hommes selon les infirmières des urgences. L’infirmière
A trouve qu’ils en parlent moins que les femmes alors que l’infirmière D trouve qu’ils en parlent
autant. Pour l’infirmière C, « le stress est fonction de chacun » et pas du sexe mais plutôt donc
de la personnalité de chacun.
– Motivation à rester
Malgré les difficultés rencontrées dans leur travail au quotidien, les infirmières A, B et
C ne souhaitent pas quitter les urgences. Cela vient du fait qu’elles apprennent toujours de
nouvelles choses, de la stimulation intellectuelle qu’elles y trouvent tous les jours. Alors que
l’infirmière D cherche à quitter les urgences : pour elle, « c’est plus suffisant dans le sens ou …
l’agressivité du patient, le … voilà le système social, le public rencontré, j’ai beaucoup de mal
maintenant » de plus, « [elle] fatigue et […] a du mal à encaisser l’agressivité, [elle] trouve ça
difficile, pesant ».
32
6. Discussion
L’analyse des données des entretiens nous conduit à la discussion de celles-ci avec les
apports du cadre théorique.
6.1 Constat : augmentation de la violence à l’hôpital
Une agressivité de la part des patients et de leur famille
D’après le rapport de l’ONVS64, l’augmentation des actes violents est constatée dans de
nombreux hôpitaux. Les quatre infirmières de ce centre hospitalier ont aussi noté cette
augmentation. Elles trouvent que la violence est beaucoup et souvent présente. L’infirmière B
confirme cela ayant eu une première approche au début des années 2000 puis actuellement. De
plus, elle note un changement de comportement des patients. Elle souligne aussi le changement
sociétal : elle trouve la société plus individualiste, moins patiente et surtout plus violente. Les
statistiques et les infirmières montrent que la violence verbale est prépondérante. La violence
physique, dans cet établissement, reste heureusement rare. Cependant, deux des quatre
infirmières ont été agressées physiquement (coup reçu) mais elles reconnaissent toutes que cela
n’arrive pas souvent. Comme vu dans le cadre conceptuel, les actes d’incivilités à type de
menaces ou d’insultes sont relatés par les infirmières comme agressions fréquentes de la part
des patients mais aussi de leur famille.
Mais aussi une agressivité médicale
Un autre type de violence a été souligné dans le cadre théorique : c’est celui de la
violence médiale. Ce type de violence est perçu par les quatre infirmières dans leur pratique.
Lors des soins (piquer pour une perfusion par exemple), de l’utilisation de contention ou encore
le fait de déshabiller systématiquement le patient peut être vécu comme un acte agressif. L’une
des infirmières va même plus loin dans ses propos et est en accord avec les auteurs MICHEL
et THIRION65. Elle admet que lorsque les prises en charge se succèdent, son seuil de tolérance
va être abaissé. Le rythme de travail soutenu et imposé par le nombre d’admission a donc un
impact sur la prise en charge.
Le soignant : un acteur de soin pouvant être violent
Les différents entretiens et les recherches documentaires ont mis en lumière que la
violence n’était pas à sens unique. En effet, les soignants peuvent parfois avoir une attitude, ou
64 FERRARI R. (2012), Rapport annuel 2012, Observatoire national des violences en milieu de santé,
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_2012_ONVS-2.pdf (consulté le 01/09/2013) 65 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre
33
des propos qui peuvent être blessants. Les infirmières pensent surtout que ce sont leurs propos
qui peuvent déclencher de l’agressivité et plus précisément la façon dont elles vont s’adresser
ou le temps qu’elles vont consacrer aux patients. Cette violence n’est, bien entendu, pas
volontaire de la part du soignant.
Une violence aux causes multiples
D’après BEGUE66, la violence peut avoir de multiples causes. Les infirmières citent les
mêmes que celles du cadre théorique. Les frustrations de devoir attendre son tour, de voir que
d’autres patients (même étant plus gravement blessés) passent devant eux sont des causes
retrouvées par les infirmières sur le terrain. Selon MICHEL et THIRION67, les patients ont du
mal à comprendre le tri effectué à leur arrivée malgré les explications données à l’accueil et ce
manque de compréhension combiné avec la longueur de l’attente sont deux causes principales
de l’agressivité, qui sont vécues par le personnel soignant aux urgences. La prise de toxiques et
plus particulièrement l’alcoolisation aigue provoque des comportements agressifs. Les
infirmières notent que l’alcoolisation aigue est une cause d’admission de plus en plus fréquente,
elles sont donc de plus en plus souvent confrontées à la gestion de ce type de patient. Selon
certaines des infirmières (et il est facile de le comprendre), l’admission aux urgences est
traumatisant et les patients ont tous un vécu face aux soins, une certaine fragilité. Cette arrivée
en catastrophe est inquiétante tant pour le patient que pour sa famille. Dans le cadre théorique,
il est confirmé par les auteurs que le patient va prendre soudainement conscience de sa mortalité
et des angoisses peuvent surgir et lui faire adopter un comportement agressif.
Une répercussion sur la relation soignant-soigné différente selon les
infirmières
Lorsque la violence se déclare au cours des soins, la prise en charge se modifie. La
relation soignant-soigné change comme décrit par le rapport de l’OMS68 de 2002 vu dans notre
cadre théorique. Il démontre que la qualité des soins se dégrade. Selon les infirmières du service
des urgences, c’est dans leur comportement vis-à-vis du patient que la relation va changer.
Certaines d’entre elles vont devenir moins patiente, moins à l’écoute du patient voire même
moins agréable avec celui-ci. Toujours d’après ce rapport, le personnel soignant peut prendre
peur face à ce type de patient. L’infirmière C le reconnait et dit qu’elle se protège face à cela.
Elle admet faire passer sa propre sécurité avant la prise en charge du patient et être méfiante
66 BEGUE L. (2010), L’agression humaine, Dunod 67 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre 68 http://www.who.int, (consulté le 12/02/2014)
34
face à eux. De ce fait, comment pouvons-nous avoir une relation soignant-soigné de qualité si
nous avons une crainte face au patient ? L’empathie nécessaire est difficilement concevable
dans de tels cas. Alors, les infirmières trouvent ressource en elle-même. Elles disent arriver à
prendre du recul ou qu’elles ne prennent pas les « choses à cœur »69 afin de pouvoir reconduire
une relation efficace mais surtout bénéfique pour le patient. Certaines arrivent à avoir cette
attitude facilement mais pour d’autres cela est moins naturel. Alors, la relation soignant-soigné
est différente et subit les répercussions de la violence.
6.2 Une nécessité : expliquer la prise en charge au patient
L’écoute et l’expression du patient : des besoins à privilégier
L’écoute du patient est une des capacités du soignant développée par ROGERS70. Les
infirmières sont formées à cette écoute et l’utilisent en priorité en cas d’agressivité aux
urgences. Elles indiquent favoriser la verbalisation du patient afin que celui-ci puisse
s’exprimer sur la situation qui le met en difficulté lors de son admission (et qui lui fait parfois
avoir une réaction agressive). Selon BIOY71 et MAURANGES72, les patients ont besoin d’être
rassurés par le personnel soignant. Deux des infirmières ont insisté sur ce point, le patient doit
être rassuré dans un moment particulièrement angoissant pour lui qu’est son admission. Il en
est de même pour les familles qui accompagnent. Elles sont souvent séparées le temps de faire
les soins. Mais, en effet, comme le souligne POLETTI73, elles ont aussi un besoin
d’information. Les infirmières répondent à ce besoin en communiquant l’ avancé de la prise en
charge tant aux patients qu’aux familles. Elles trouvent que ces explications permettent aux
patients de comprendre la prise en charge et donc de l’accepter. D’après MAURANGES74, les
patients ont un besoin de considération et d’avoir le sentiment de prendre toutes leurs décisions.
Les infirmières utilisent un langage clair et adapté pour le patient, cela lui permet de prendre
connaissance du déroulement de sa prise en charge. Cela abaissera l’anxiété et l’impliquera
dans le processus de soins évitant alors la manifestation agressive.
Une attitude calme pour un patient apaisé
L’attitude du soignant peut déclencher la violence mais elle peut aussi l’apaiser. En effet,
selon BIOY75, une attitude calme, un ton de voix posé permet de ne pas entrer dans la
69 Infirmière C 70 ROGERS C. (2001), L’approche centrée sur la personne, Edition Randin. 71 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal 72 MAURANGES A. (2005), Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, Publication de la MNH 73 http://www.guichetdusavoir.org, (consulté le 04/01/2014) 74 MAURANGES A. (2005), Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, Publication de la MNH 75 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal
35
dynamique du patient énervé. Le patient agressif n’écoutera pas plus en criant plus fort que lui.
Il ne pourra que s’en sentir agressé et donc répondre de façon encore plus violente. Deux des
infirmières essayent de faire attention au ton de leur voix, à leur gestuelle pour ne pas accentuer
l’agressivité du patient. D’après les infirmières, cette attitude semble bénéfique et permet au
patient de se calmer. Ce résultat pourrait provenir de l’effet mimétisme développé par MICHEL
et THIRION76. Les comportements ou les émotions se transmettraient d’une personne à une
autre dans le cadre d’une relation de partage. L’une de ces deux infirmières dit même que le
fait de rentrer ou non dans la spirale de l’agressivité du patient dépendra la suite de la prise en
charge.
Une prise en charge pluridisciplinaire
Lors de la prise en charge de la violence, il est conseillé d’être plusieurs soignants afin
de travailler en toute sécurité tant pour le patient que pour le soignant. Aux urgences, toutes les
prises en charge se font en binôme infirmière – aide-soignante. Cela leur permet d’analyser la
situation, le comportement du patient chacune avec leur système de valeur. Les infirmières
utilisent aussi d’autres ressources lors de la communication de données aux patients. Lorsque
celles-ci ne suffisent pas ou que les patients ne les comprennent pas, elles passent le relai à une
autre collègue ou demande au médecin de venir pour parler aux patients. Cela leur permet de
désamorcer de nombreuses situations. Cela est possible grâce au grand nombre de personnel
soignant présent dans ce type de service. D’après GBEZO77, faire appel à l’agent de sécurité
permet de mettre une limite à ne pas dépasser, le patient est souvent intimidé par la fonction
qu’incarne cet agent. De plus, les infirmières ont tendance à appeler leurs collègues masculins,
qui selon elles, imposent par leur voix grave et leur taille.
L’empathie pour mieux comprendre et accepter le patient
L’empathie est une valeur forte de la profession de soignant. Les patients attendent des
soignants qu’ils soient empathiques envers eux. BIOY78 parle, cependant, de deux sortes
d’empathie. Elles ont été identifiées par les infirmières. En effet, elles reconnaissent que dans
certaines situations, les actes ou les paroles des patients ne sont pas faciles à accepter et
l’empathie n’est pas facile à développer. Cela correspond à l’empathie décrite comme difficile.
Néanmoins, les infirmières essayent de mettre en place cette empathie lorsque le patient
s’apaise et qu’il leur laisse la possibilité de la mettre en place (effectivement, les infirmières
76 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre 77 GBEZO B E. (2011), Les soignants face à la violence, Editions Lamarre 78 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal
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décrivent des patients qui ne sont pas aptes, à ce moment-là, à accepter une relation de confiance
avec l’équipe soignante). Cette capacité soignante ne peut se mettre en place dans les situations
de violence mais plutôt une fois le pic passé. Les infirmières tentent de nouveau de mettre en
place une nouvelle communication (qui souvent a été rompue lors de l’agressivité) afin de
poursuivre la prise en charge.
Dans ce but, les infirmières disent prendre du recul pour, comme le préconise BLOUIN
et BERGERON79, accueillir et comprendre la vie intérieure du patient. Cela leur permet de ne
pas juger le patient ainsi que de lui prodiguer des soins de qualité en prenant en compte de façon
globale le patient et plus particulièrement les difficultés personnelles auxquelles il fait face dans
cette situation.
Pour l’une des quatre infirmières mettre en place une relation empathique après un accès
d’agressivité n’est en aucun cas un problème. Elle utilise l’empathie au sens propre de la
définition donnée par ROGERS80, en tant qu’aptitude à comprendre le comportement du patient
face à elle. En se mettant au plus proche du ressentis du patient, elle tente de saisir ce qui a pu
déclencher en lui de l’agressivité (paroles, actes etc. …). Alors que pour d’autres, la relation est
plus difficile : elles sont moins patientes et moins à l’écoute de ces patients.
La notion de temps dans la prise en charge aux urgences
La relation soignant-soigné est un invariant dans le soin. Tous les auteurs, cités dans le
cadre théorique, pensent que cette relation est la même dans tous les services de soins. Deux
des quatre infirmières interrogées pensent aussi qu’elle ne diffère pas selon les unités. Aux
urgences, elle se passe de la même façon. L’une des deux infirmières s’appuie sur son
expérience dans d’autres services plus classiques de l’hôpital dans lesquels elle a pu travailler.
Cependant, les deux autres infirmières ne sont pas en accord avec les auteurs. Elles se
positionnent en faveur d’une spécificité dans la relation soignant-soigné, dans le sens où celle-
ci est initiée aux urgences. Le fait de commencer la relation est, pour elles, différent que
lorsqu’elle est déjà débutée par une « équipe fixe ». Le patient passe de son univers (non
hospitalier) à la maladie et donc à sa présence à l’hôpital. Pour elles, la notion de temps est
aussi importante : aux urgences la prise en charge est courte, voire très courte. Pour ces
infirmières, la mise en place d’une relation (principalement de confiance), doit se faire dès les
premières minutes de la prise en charge afin que celle-ci soit globale et de qualité. C’est ce qui
79 BIOY A. (2003), La communication entre soignant et soigné : repères et pratiques, Bréal 80 ROGERS C. (2001), L’approche centrée sur la personne, Edition Randin.
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diffère des autres services ou le patient est hospitalisé plusieurs jours et où il connait le
personnel qui revient de jour en jour. Finalement, que nous la pensions identique ou différente
de celle développée dans les autres services et malgré la rapidité des soins, chacun s’accorde à
dire que la relation soignant-soigné est une composante dominante de la prise en charge du
patient.
6.3 Un défaut de soutien institutionnel
Dans la formation face à la violence
Alors que MAURANGES81 dit que la connaissance de la signification de l’expression
de violence est surtout nécessaire pour apporter des réponses efficaces, cela ne semble pas être
le cas aux services des urgences. En effet, malgré qu’elles connaissent bien les causes de la
violence, les infirmières se sentent démunies face à celle-ci. Ceci est probablement dû au déficit
de formation, étant donné qu’aucune des quatre infirmières n’en a reçu. L’accès à une formation
n’est disponible que depuis peu dans cet établissement. Une seule des quatre infirmières a été
acceptée pour y participer. Cependant, elles ont toutes des attentes face à cette formation : elles
souhaitent avoir plus de connaissances sur la violence, ses mécanismes, les attitudes et propos
à avoir ou au contraire à ne pas avoir. Quelle réponse donner face à l’agressivité ? De
nombreuses formations sont proposées sur ce thème : elles traitent aussi bien des causes, des
indicateurs de violence… mais aussi des techniques de prises en charge de la violence physique
par l’utilisation d’arts martiaux pour contenir le patient. Néanmoins, pensant que la violence
fera toujours partie de la prise en charge aux urgences, l’une des infirmières ne voit pas l’utilité
finale d’une formation.
Dans l’écoute des soignants confrontés à l’agressivité
Il est connu que tous que les évènements choquants peuvent avoir une répercussion sur
le vécu de la personne (selon sa personnalité, son expérience de vie …). Les épisodes de
violence des patients sont souvent mal supportés par les soignants. Dans le cadre théorique,
MICHEL et THIRION82 ainsi que MANOUKIAN83 et MASSEBOEUF84 propose une méthode
d’écoute des soignants ayant été confrontés à la violence. Cette méthode consiste en un temps
formel de débriefing en équipe accompagné par un professionnel de l’écoute. Ce temps apparait
nécessaire mais peu le sont proposés par la structure. Les temps d’échanges sont donc informels
81 MAURANGES A. (2005), Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, Publication de la MNH 82 MICHEL M., THIRION J-F (2004), Faire face à la violence dans les institutions de santé, Edition Lamarre 83 MAURANGES A. (2005), Stress, souffrance et violence en milieu hospitalier, Publication de la MNH 84 MANOUKIAN A., MASSEBOEUF A. (2008), La relation soignant-soigné, Editions Lamarre
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souvent lors des pauses, entre collègues. Elles soulignent que les équipes mais aussi les cadres
de l’unité sont à l’écoute lors de la survenue de ces situations. Les infirmières ont donc le
sentiment que l’établissement ne les soutient pas assez dans cette difficulté de plus en plus
courante. Les infirmières doivent donc recourir à d’autres moyens de contrôle et de gestions de
leurs émotions.
Dans la prise en charge du soignant agressé
Lors que UZAN85 recommande un suivi du soignant qui a été agressé, tant dans un but
préventif que curatif si le besoin s’en fait ressentir. Les infirmières, elles, notent un défaut de
soutien lorsqu’un soignant se fait agresser. Seule l’une d’entre elle, après une déclaration sur le
logiciel institutionnel de gestion des évènements indésirables graves, a eu lors de son entretien
avec le médecin du travail une suite à sa déclaration. Malheureusement, selon elle, il ne lui a
que demandé si son travail était stressant sans aller plus loin dans son investigation. Comme vu
dans notre cadre théorique et au vu de la loi du 18 mars 200386, le soignant agressé souhaitant
porter plainte, a le droit à un soutien de la part de l’établissement. L’une des infirmières a porté
plainte de façon personnelle. Elle regrette le peu de soutien de la part de l’hôpital. Elle ne s’est
pas sentie accompagnée par l’administration dans ses démarches, ni sur le plan psychologique.
La médecine du travail n’a pas demandé à voir cette infirmière afin de lui proposer, si elle le
souhaitait, un soutien quel qu’il soit. Les infirmières ne manquent-elle pas de reconnaissance
lors de ces épisodes de violence ?
Une conséquence variable pour les infirmières : partir ou rester ?
De nombreuses infirmières, après avoir exercées quelques années aux urgences
souhaitent partir pour découvrir d’autres spécialités moins stressantes, ou l’agressivité est
moins présente ou la prise en charge est plus globale, avec un suivi. Il est reconnu qu’une
infirmière ayant choisi d’exercer aux urgences n’y restera en moyenne que trois à cinq ans. Pour
l’une des infirmières interrogée, la prise en charge aux urgences est difficile à continuer. En
effet, les nombreuses agressions, le public etc. ont raison de sa capacité d’adaptation face à ce
genre de comportement. Elle se dit fatiguée et trouve cela pesant. Elle a donc eu une réflexion
personnelle sur sa pratique et sur ses attentes par rapport à sa profession. Elle souhaite donc
quitter les urgences et a demandé sa mutation vers un autre service de soins techniques afin de
trouver, elle l’espère, ce qui lui manque aux urgences. Alors qu’une des infirmières ne semblent
85 UZAN M., GOZLAN C., DI LORIO E. (2005), « La violence à l’égard des équipes hospitalières : éléments de
réponse », Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, pp. 54-61 86 http://www.legifrance.gouv.fr, (consulté le 14/11/2013)
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plus trouver sa place au sein des urgences, les trois autres ne veulent surtout pas en partir malgré
les obstacles cités précédemment. Leur motivation pour continuer à travailler dans cette unité
provient, selon elles, de la stimulation intellectuelle, de l’absence de « routine » dans leur travail
quotidien. L’une a sept ans et l’autre cinq puis trois ans de présence aux urgences. La
personnalité, la capacité d’adaptation face aux difficultés de l’infirmière n’aurait-elle pas une
influence sur l’aptitude de travailler aux urgences au long cours ? Le nombre d’années passées
aux urgences aurait-il vraiment un rôle ?
6.4. Le stress : une composante peu visible par les professionnels des urgences
Un ressenti différent que dans les enquêtes
Les enquêtes autour du stress professionnel indiquent qu’il est présent dans la société
actuelle. Il atteindrait même les 40% dans les métiers de la santé. Cependant, lors des entretiens
avec les infirmières, elles ne semblent pas avoir le même ressenti. Elles ne perçoivent pas le
stress chronique. Elles expriment toutes être stressées sur de courtes périodes notamment lors
de prise en charge d’urgences vitales. Les autres causes de stress sont différentes pour chacune
d’entre elles. Cela conforte notre cadre théorique, qui indique que le stress est fonction de la
personnalité, de l’expérience et du moment de la vie du soignant. Néanmoins, les auteurs
STORA87 et BOISSIERES-DUBOURG88 citent d’autres origines du stress soignant, origines
auxquelles les infirmières ne semblent pas avoir pensé (comme les conséquences du manque
de matériel, le bruit, les lumières ou encore les conflits entre collègues …). Il reste à savoir si
elles ne ressentent pas cette pression ou si elles n’ont pas souhaité en parler.
Des infirmières ayant des difficultés à s’exprimer sur les conséquences
Les infirmières du service des urgences ne se sentent pas stressées de façon chronique.
Lorsque le stress survient, c’est sur de courtes période ou lors de situations bien particulières.
Lors des entretiens, elles ont eu du mal à décrire les symptômes du stress. Deux des infirmières
n’ont pas réussi à rapporter leurs perceptions. L’infirmière A vient confirmer la sensation de
tension musculaire décrite dans notre cadre théorique par CANOUI89. Quant à l’infirmière B,
elle décrit une sensation d’angoisse sous une forme de « boule dans le thorax » et est tachycarde.
Les conséquences psychologiques, citées dans le cadre théorique à type de troubles du
comportement ou de l’humeur, ne sont pas confirmées pas les infirmières. Elles sont plus dans
une peur de l’oubli d’un paramètre important de la prise en charge ou dans une difficulté à
87 STORA J-B. (2010), Le stress, Puf 88 BOISSIERES-DUBOURG F. (2012), Les soignants face au stress, Editions Lamarre 89 CANOUI P., MAURANGES A. (2001), Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson
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tolérer les dires des patients. Cela ne constitue-t-il pas un envahissement de la pensée par des
parasites liés au stress ? Et ne faut-il pas les considérer comme une répercussion directe du
stress au niveau psychologique ?
Une difficulté d’expression due à de bons moyens de contrôle mis en
place ?
Les infirmières ne ressentent que peu de stress et ont du mal à le définir en termes de
symptômes lorsqu’elles en souffrent. N’est-il pas dû à l’utilisation de moyens de contrôle
efficaces ? L’un d’entre eux, semble reposer sur le fait que les infirmières font la part des choses
entre ce qui se passe aux urgences et leur vie privée : ce qui s’est passé aux urgences doit y
rester. Cependant, il n’est pas toujours facile de faire cette séparation. C’est donc pour cela que
l’infirmière D indique préserver du temps pour voir sa famille et ses amis comme le préconise
ANDRE90 dans notre cadre théorique afin de pouvoir avoir les moments d’évasion totale face
à son travail aux urgences. La notion de résilience n’est pas citée par les infirmières mais le fait
de parler des situations difficiles avec leurs proches leur permet d’évacuer les tensions
accumulées dans la journée ou lors de répétitions de situations difficiles. Ce moyen ne peut-il
être considéré comme une forme de résilience ? Les infirmières ne sollicitent-elle pas ainsi, une
ressource externe pour les aider à trouver leur équilibre ? Enfin, il me semble important de
souligner qu’elles utilisent toutes un moyen que le cadre théorique ne prend pas en compte : le
temps de changement de tenue. Ce temps de passage entre la vie professionnelle (représentée
par la tenue blanche) et la vie personnelle (en civil) puis le temps de retour à domicile leur
permet de vider leur esprit des difficultés rencontrées au cours de leur journée aux urgences. La
conjugaison des méthodes de contrôle apparait comme une stratégie efficace afin de maintenir
un équilibre psychologique pour ces quatre infirmières.
Après avoir entendu les témoignages des infirmières de ce service d’urgence, nous
pouvons dire que les infirmières ont des attentes vis-à-vis de la prise en charge de la violence
au sein de cette unité. En effet, elles ont pu identifier leurs besoins en termes de soutien que
pourrait leur fournir leur établissement. Ainsi, se dégage la question de recherche suivante :
En quoi une meilleure formation sur le thème de l’agressivité, permettrait-
elle au personnel des urgences de mieux appréhender celle-ci ?
90 CANOUI P., MAURANGES A. (2001), Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson pp.
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Conclusion
Aujourd’hui, l’hôpital fait partie des lieux connu de tous, intégré dans les paysages
urbain. Il est même au cœur de la cité dans de nombreuses villes, facilitant ainsi son accès pour
venir se faire soigner à toute heure du jour ou de la nuit. Suite aux recherches menées, il est
difficile de contester l’augmentation du nombre de violences. Ces violences touchent aussi bien
notre société que l’hôpital : ce lieu de soins autrefois sanctifié n’est aujourd’hui plus épargné.
Les urgences, première porte de l’hôpital sur l’extérieur, sont fortement touchées par ce
phénomène. Les soignants y travaillant se sentent souvent démunis par rapport à cette violence
et ne savent souvent plus quoi faire pour la contenir. L’agressivité du patient entraine bien des
répercussions que ce soit sur le plan organisationnel mais surtout sur le plan relationnel.
Cependant, les soignants, avec leur attitude bienveillante, empathique, d’écoute, tentent de
maintenir autant que possible une relation soignant-soigné de qualité afin que le patient reçoive
les soins appropriés à son état. Mais cette augmentation d’actes de violence aux urgences ne
peut-elle pas épuisée les soignants ? N’altèrera-t-elle pas la capacité soignante à mettre en place
la relation soignant-soigné ? Cette répercussion serait détestable autant pour les patients que
pour les soignants, dans le sens ou, ces derniers souhaitent prendre en charge le patient de façon
globale. En effet, le patient ne peut être considéré comme un simple objet de soins dénué de
besoins psychologiques. L’altération de la qualité de la relation soignant-soigné du fait de
l’agressivité du patient ne pourra faire ressentir aux soignants qu’une sorte de dépossession
d’une de leur valeur forte.