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Métier 28• L’enseignement des sciences• Évaluation en collège

Catégories 30• Retraités• Fin du mouvement inter• Classe exceptionnelle• Résultat des élections Psy-ÉN

Sur le terrain 32• La médicalisation de la difficulté scolaire

Fenêtre sur 34• Les 70 ans de la décentralisation théâtrale

Culture 36• Livres/Revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions• Le temps de lire, d’entendre et de voir

Entretien 42• Réjane Sénac

International 44• COP23 à Bonn• Entretien avec Souleymane Diallo,

secrétaire général du SELS (Sénégal)• Manuela Mendonça, secrétaire nationale

de la FENPROF (Portugal)

Droits et libertés 46• Usage du cannabis• Liberté de la presse et justice sociale

L’Université Syndicaliste, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13.Tél. standard : 01 40 63 29 00). Directeur de la publication : Xavier Marand ([email protected]). Rédacteur en chef : Thierry Ananou. Secrétairede direction : Bénédicte Derieux. Collaborateurs permanents : Nicolas Béniès, Jean-François Claudon, Hamda El Khiari, Thierry Pétrault, VéroniquePonvert, Stéphane Rio, Nicolas Sueur, Doriane Spruyt. Régie publicitaire : Com d’habitude publicité, Clotilde Poitevin, 7, rue Émile-Lacoste, 19100 Brive,tél. : 05 55 24 14 03, fax : 05 55 18 03 73, www.comdhabitude.fr. Publicités : GMF (p. 2), Association de protection des fonctionnaires de l’atelierpublic (p. 5), CASDEN (p. 47), MAIF (p. 48). Compogravure : C.A.G., Paris. Imprimerie : Roto France, Lognes (77). C.P. N° 0118 S 06386. I.S.S.N. N° 0751-

5839. Dépôt légal à parution. Photo de couverture : © PedroRibeiroSimoes. Prix du numéro : 3 €. Abonnement : 1) Personnelsde l’Éducation nationale : France 30 € ; étranger et DOM-TOM : 44 €. 2) Autres, France : 42 € ;étranger : 56 €. Pages spéciales jointes sous film : 16 p. Programmes collège ; 16 p. Réformecollège ; 36 p. Néotitulaire – Poursuivre l’entrée dans le métier ; lettre réadhésion 2017-2018.

SOMMAIRE30 jours 4

Portrait 6• Emmanuel Khérad

Actualité 8• Concours• Jour de carence• Grève à l’AEFE• Recteurs et Régions• Services publics attaqués

Spécial réforme du bac 10

Rattrapage 15• La CSG

Dans la classe 16• Les revues pédagogiques

Changer d’ère 17• La vidéosurveillance

dans les établissements

Éco/social 18• La flat tax• La mobilité sociale• Faire de l’économie

Dossier 21• Enseignement technologique

et professionnel : espace de réussite ou voie de relégation ?

21 DossierEnseignement technologiqueet professionnel : espace deréussite ou voie de relégation ?

ÉditoQuand le budgetdicte sa loi«  Sortons de l’entrée par lesmoyens quand on parled’éducation, travaillons lequalificatif plutôt que lequantitatif. » Telle est, peu ouprou, la teneur des propos duministre de l’Éducation nationalepour tenter de justifier a prioriles réductions budgétaires.Le couperet est désormaistombé : les postes mis auxconcours du second degréviennent d’être publiés etse traduisent par une baissede 20 %.Les diminutions ne touchent passeulement les disciplines danslesquelles des difficultésde recrutement existaient.C’est globalement le seconddegré qui est touché alors quela démographie, elle, est enhausse.Cela préfigure de nouvellessuppressions d’emplois lors desbudgets suivants, traduction dela quote-part de l’Éducationnationale à la réduction dunombre de fonctionnaires. Cettepolitique va à rebours du combatmené par le SNES-FSU ayantdébouché sur un plan deprogrammation et un début derevalorisation des carrières,toutes mesures de nature àenrayer la crise du recrutement.Le signal ainsi donné auxétudiants par cette diminution estdésastreux. Il fait plus que jeter ledoute sur les intentions affichéesde résorption des inégalités,d’activités culturelles pour tous,d’éducation aux médias et àl’information, et laissesoupçonner des arrières-penséesde recherche d’économies àl’occasion de la réforme du lycée.Finissons quand même par unebonne nouvelle, celle du succès

des listes SNES-FSU,SNUipp-FSUaux électionsdes Psy-ÉN.

Frédérique Roletsecrétaire générale

6Portrait

Emmanuel Khérad

34 Fenêtre surLes 70 ans de ladécentralisation théâtrale

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4 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

BILLET D’HUMEUR

Belle alchimie

30 JOURS

Monsanto exulte et Bayer, encours d’acquisition du se-

mencier, est rassuré. Le glypho-sate a obtenu une nouvelle au-torisation européenne pour cinqans. Le ministre allemand del’Agriculture pourra se prévaloirde ce vote dans sa Bavière agri-cole. Il sème le trouble à Berlinen désobéissant à une chance-lière gênée dans ses négociationsde coalition avec le SPD. EnFrance, la décision mi-chèvre mi-chou de la réduire à trois ans nesatisfait personne.  La FNSEA etles agriculteurs sont vent debout

au nom d’une concurrence dé-loyale et le ministre de l’écologie« un peu triste ».Les consommateurs, eux, se re-trouvent les dindons de la farce !Ni le sondage qui montrait que80 % des personnes interrogéesen Europe voulaient son interdic-tion, ni la pétition de plus de1,3 million de personnes, ni l’avisdu Parlement européen n’ont per-mis d’aboutir à une interdictionbien légitime. Les agriculteurscontinueront à utiliser un produitconsidéré comme cancérigène.n

Thierry Ananou

Commode. La Cour suprême cambodgienne interditla principale formation d’opposition du royaume.

18nov.

Grande dameDécès de Françoise Héritier.

14nov.

Cochonneries. Selon Guillaume Coudray, le risquede cancer colorectal est accru de 18 % pour une consommationde seulement 50 grammes de charcuterie par jour.

14nov.

Help ! Quinze mille scientifiques appellent à tout mettreen œuvre pour «  freiner la destruction de l’environnement ».

13nov.

Sucré-salé. 3,3 millions de personnes sont aujourd’huisous insuline. Le coût s’élèverait à 8 milliards d’eurospour l’Assurance-maladie.

15nov.

Toujours plus loinNouvelle baisse envisagée des cotisations sociales patronalespour les salaires supérieurs à 2 500 euros.

20nov.

Crise des missiles, saison 2 ?En tirant un missile à 4 500 km d’altitude,Pyongyang affirme pouvoir frapper le territoire américain.

29nov.

RacketLe nombre de médecins pratiquant des dépassementsd’honoraires ne cesse d’augmenter.

30nov.

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Nein ! Les libéraux du FDP mettent fin aux pourparlersengagés depuis plus d’un mois avec les Verts et la CDU-CSUde Merkel en vue de former une coalition.

21nov.

Prédateurs. Des dizaines d’anciennes adhérentes de l’UNEFdénoncent les violences sexuelles qu’ont imposées des dirigeantsdu syndicat étudiant.

27nov.

LobbysL’Europe a réautorisé le glyphosate pour cinq ans.

28nov.

Yes ? Paris pourrait bénéficier d’une relocalisationdes banques suite au Brexit.

22nov.

Offshore. Les Paradise papers révèlent que 20 milliardsd’euros échappent à l’impôt en France tous les ans.

8nov.

Jusqu’à quand ? Un homme ouvre le feu sur des fidèles de lacommunauté de Sutherland Springs, près de San Antonio (Texas).

5nov.

Enfin entenduesLʼexpression est sur toutes les lèvres depuis plus dʼun mois :

« la parole sʼest libérée ». Cʼest ainsi quʼil est convenu dʼévoquerle vaste mouvement de dénonciation des actes de harcèlement, nésuite aux révélations sur les agissements du producteur Harvey Weins-tien. Les hashtags #BalanceTonPorc et #MeToo ont permis à desmilliers de femmes – célèbres comme anonymes – de rappeler unevérité dérangeante : les violences sexuelles et sexistes gangrènent enprofondeur nos sociétés que lʼon a coutume de présenter comme sitolérantes et policées. Cette mobilisation des femmes dʼune ampleurinégalée donne lʼimpression trompeuse que cʼest la parole des victimesqui sʼest libérée. En réalité, leurs voix ne sʼétaient jamais tues. Cʼestlʼattention des opinions publiques qui sʼétait dissipée. Pour beaucoup– même dans nos rangs –, ce que les femmes avaient arraché lors desgrands combats des années 1970-1980, elles l’avaient gagné à jamais.Combiné à la perte d’influence des organisations féministes, ce sen-timent avait suscité une démobilisation telle que des actes sexistesunanimement réprouvés jusque-là ont fini par être tolérés. Recouvertdu voile pudique de la « grivoiserie », le harcèlement était devenupresque banal. Ses victimes étaient face à des murs. Depuis quelquessemaines, tout semble changé. Le cri des femmes, lézardant les mursde lʼindifférence et de lʼincrédulité, est maintenant entendu. Répercutéen dʼinnombrables échos, il suscite prise de conscience et pressionsociale. Les harceleurs se terrent et les pulsions, considérées hiercomme «  naturelles  » et «  irrésistibles  », sont refrénées. Gageonsque ce nʼest quʼun début.

Big brother. Dans plus de 300 applications mobiles,des chercheurs ont détecté 44 « mouchards » différents. Le but ?Récupérer toujours plus de données personnelles.

26nov.

Amen(e) !Stéphane Bern propose de faire payer l’entrée de la cathédralede Paris.

12nov.

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6 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

La librairie francophone est uneémission au concept unique à laradio : coproduite par quatre radios

publiques francophones, en France, enSuisse, en Belgique et au Canada, elleest diffusée à grande échelle dans toutela francophonie, et remporte uneaudience très large. C’est une émissionculturelle sur les livres, et non une émis-sion littéraire. E. Khérad attache beau-coup d’importance à cet intitulé : pourlui, il s’agit avant tout de s’adresser àtous les publics, sans élitisme d’aucunesorte, de permettre à chacun d’avoiraccès à la culture grâce à son émission :« je voulais une émission culturelle àtravers les livres, avec une tendancelittéraire. Une émission culturelle quirende compte de tout ce qu’on peuttrouver dans une librairie, et qui donneenvie d’aller aux livres. C’est une émis-sion grand public. On veut faire popu-laire et intelligent ».(1) La Librairie fran-cophone est une émission singulière :l’animateur rassemble sur le plateau desauteurs et des artistes ; tout au long del’émission, des libraires-chroniqueursdes quatre radios interviennent en duplexet échangent avis et critiques sur leslivres de la programmation, aussi diverseque possible : il est question de cuisine,d’essais, de BD, de poésie, de littérature, devoyage... tout ce que le monde des livres peutnous offrir, avec la volonté d’axer les discus-sions sur les thématiques sociétales et socio-logiques. E. Khérad s’attache à écouter lesauteurs : « l’entretien est centré sur la théma-tique beaucoup plus que sur le style ou l’écri-ture. Je veux qu’on s’intéresse à l’humain quiest dans chaque auteur, à ses positions, sesengagements, sa vision du monde ». Dansl’émission, la parole des femmes est privilégiéecar E. Khérad « insiste beaucoup sur la parité :il existe de nombreuses femmes auteures, maismalheureusement, on interroge plus facilementles hommes ».E. Khérad cherche « à établir des passerelles,faire des liens entre les auteurs et les artistes » :c’est ainsi qu’il permet à ses auditeurs d’assisterà de grands moments de radio, comme ce11 novembre, un exemple parmi d’autres,

lorsque MC Solaar lit un extrait du romand’Olivier Guez(2), sur fond musical de Wagner.Un moment d’exception...

L’évidence d’un parcours culturelet humanisteLa direction de France Inter a sollicité E. Khé-rad pour prendre en charge cette émission àla dimension internationale, coproduite parquatre radios : il faut dire qu’il avait déjà initiéune démarche semblable, bien que locale, àMarseille. Et cette première émission de radio,diffusée conjointement par toutes les radiosde la région PACA, était à l’époque une pre-mière en France...E. Khérad est né à Nice : fils d’enseignants,bon élève et voué à des études plutôt scienti-fiques, il fait cependant très jeune l’expériencede la radio, une expérience qui le détournerade ce parcours. Il raconte avec simplicité les

rencontres qui ont tracé sa voie jusqu’aujournalisme : « J’étais jeune, élève aucollège, et j’avais un ami très malade :j’ai fait passer un appel à don de moelleosseuse pour le sauver de la leucémie,et cet appel a circulé sur toutes lesradios locales ; l’appel a même prisune dimension nationale, car desmédias, émus par l’affaire, sont venusde Paris. L’Éducation nationale (leproviseur, l’infirmière...) s’est beau-coup impliquée pour gérer avec moicette situation un peu improbable. Undes animateurs d’une radio locale m’aembauché pour animer avec lui uneémission. C’est comme ça que ça acommencé ». C’est donc dans desconditions très particulières qu’il prendcontact avec les médias, mais il y prendgoût. Ensuite, au lycée, il s’engage dansun club santé et, à la fac, il crée Lafondation nationale des étudiants contrele Sida et milite pour obtenir le pré-servatif à un franc. Cette initiative estelle aussi relayée par les médias. Sonparcours scolaire se poursuit, il fait unepremière année en DUT d’ingénieur...Parallèlement, il crée une émission qu’ilproduira et présentera pendant douzeans – « Quartiers Libres » –, diffuséeà la télévision sur la chaîne LCM et sur

toutes les radios locales de la région marseillaise(dix radios). Il se rend à l’évidence, décidefinalement de passer le concours de l’école dejournalisme de Marseille. C’est cette voie qu’ilchoisit : il concentre son étude au départ à laville de Marseille, sa vie des quartiers, sontissu social et associatif ; spécialiste des thé-matiques urbaines, il animera quelque temps« Cultures urbaines » sur France Culture.

Rayonnement internationalComment une émission avec un spectre aussilarge, et des collaborateurs à l’autre bout dumonde peut-elle se préparer collectivement ?C’est le défi qu’E. Khérad relève chaquesemaine : vingt personnes travaillent surl’émission, tiennent des réunions de program-mation, préparent les interventions. « On veilleà alterner les thématiques, comme les maisonsd’édition ; on essaie de changer d’univers,

PORTRAIT EMMANUEL KHÉRADLES JOURNALISTES RADIO ne sont pas forcément les plus connus du grand public, surtout quand ils relèventle défi d’animer une émission culturelle. La réputation d’Emmanuel Khérad s’est forgée de longue date à FranceInter  : la qualité de ses émissions, le bouche à oreille, l’attrait dès la première écoute forcent les auditeursà y revenir. C’est ainsi qu’il anime, durant dix étés, Escale estivale, un magazine d’actualité culturelle :dans la programmation de l’été, c’est une touche de légèreté, de diversité, d’éclectisme qui permet à chacunde trouver  son échappée culturelle, et qui annonce l’émission phare qu’il produit désormais : La librairiefrancophone, l’émission culturelle la plus écoutée à la radio, rassemble 3 millions d’auditeurs dans le monde.

L’hommequi valait 3 millions

«  Changer d’univers, mettre en place

un relief, faire voyager, croiser les

cultures, en abordant tous les genres »

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de mettre en place un relief, de faire voyager,et de croiser les cultures, en abordant tousles genres, de la cuisine à la philosophie. »E. Khérad consacre tout son temps à La librai-rie francophone et reconnaît qu’il s’agit làd’un très gros travail : « je mets un point d’hon-neur à lire tous les livres dont on parle, j’ytiens beaucoup. Au moins un de mes colla-borateurs les lit aussi, on s’échange des fichespour avoir une vision équilibrée de l’ouvrage,par respect pour l’auteur. J’écris toute l’émis-sion à l’avance, même si évidemment, je laisseplace à la spontanéité au cours de l’enregis-trement. Mais cela m’angoisse beaucoup :j’ai toujours peur de ne pas réussir l’émission,je veux dire par là, ne pas faire l’émissionque je veux, par respect pour l’auditeur ».Les auditeurs le lui rendent bien, il reçoit denombreux témoignages de gratitude sur lesréseaux sociaux, il y est très sensible, et répondà tous. Il aime les livres, il témoigne le plussouvent une grande admiration, non feinte,aux auteurs qu’il reçoit ; néanmoins, il ne s’in-

terdit pas la critique, anime l’émission avecune liberté de ton et un humour qui en fonttoute la saveur. Tous les libraires livrent unavis, une critique, et chaque radio proposetour à tour un focus sur un ouvrage belge,puis canadien, etc. Ce concept permet de cou-vrir largement la création et la culture fran-cophone. Au reproche que l’on peut faire àE. Khérad de tenir une émission francophonelimitée à des pays européens et nord-améri-cains, il s’inscrit en faux : « bien au contraire,l’émission est la plus écoutée dans les terri-toires d’Outre-mer, tout le monde la connaît.La francophonie a une résonance particulièrelà-bas, Césaire, Senghor, nous sommes touscréoles, c’est-à-dire composés d’une multitudede cultures. Je donne l’heure à la fin deLa librairie francophone dans un pays d’Outre-mer et il y a un Bonus créole à la fin de chaqueémission rediffusée sur place, c’est très impor-tant pour moi ». Il insiste aussi sur l’importanceet le sens de la francophonie en Afrique : unefois par mois, un libraire africain intervient àla place du libraire français sur le plateau, RFI

Supplément au no 773 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 7

coproduit et diffuse l’émission l’été, des émis-sions spéciales ont été réalisées, notammentau Caire ou au Congo : ce rayonnement d’uneculture métisse lui tient à cœur.

La culture comme rempartLe parcours d’E. Khérad et son engagementdans cette ouverture à de larges formes deculture tiennent à ses profondes convictions :«  la francophonie est le premier rempartcontre les fondamentalistes ; la culture, l’édu-cation sont des remparts contre l’extrémismeet l’obscurantisme ». Il évoque le sort de Cabu,son ami, qui aimait beaucoup l’émission etqui lui manque  ; il parle de ces auteurs duMaghreb qui prennent un vrai risque en par-ticipant à l’émission, et affirme que ce n’estpas normal. « Je reçois des menaces, régu-lièrement, sur les réseaux sociaux, par desgroupes djihadistes. C’est inacceptable. Quandj’interviens à Nice, ma ville, pour rendre hom-mage aux victimes de l’attentat, je suis entouréde policiers  : être obligé d’être protégé, ce

n’est pas acceptable non plus. » E.Khérad est inquiet du recul d’un certainnombre de libertés, notamment la libertéd’expression, car c’est une liberté ina-liénable. Il participe avec d’autres jour-

nalistes de France Inter à l’émission Interclass,une émission conçue comme un travail d’édu-cation aux médias, animée par des profession-nels du journalisme qui initient des élèves deSaint-Denis. « Nous avons des débats avecles jeunes lycéens qui disent, au sujet de l’at-taque contre Charlie Hebdo, “ils ont eu cequ’ils méritaient”. Au passage, à chaque fois,j’ai constaté le travail remarquable des ensei-gnants qui interviennent pour recadrer les

débats, d’où l’importance de l’éducation. Maissi l’on va plus loin, les élèves n’acceptent pasdavantage une caricature de Jésus, ou encorede Macron. Ils refusent toute caricature. Poureux, on ne peut pas tout dire. Or, moi jedéfends la liberté d’expression, de création,je suis inquiet d’une jeunesse qui se censureavant même qu’on la censure. C’est notrerôle à tous, celui des médias et celui de l’Édu-cation nationale, de défendre la liberté de lapresse pour éduquer la jeunesse. »E. Khérad va poursuivre l’émission, il vamême étendre sa diffusion de différentesmanières : il prépare une version télé men-suelle, il envisage aussi de publier un recueildes grands entretiens de La librairie. Il se doitde continuer, pour répondre à l’attente desauditeurs. Il reconnaît également travaillerdans des conditions formidables : il possèdeune liberté totale sur la programmation et laréalisation de son émission, alors que les enjeuxsont importants compte tenu de l’audience.E. Khérad poursuit donc cet engagement  :faire le pari de la diversité culturelle, de l’ou-verture sur le monde, déjouer l’intolérance etdéfendre les libertés. Engagement humaniste,et à forte portée politique. n

(1) Toutes les citations sont d’Emmanuel Khérad.(2) La disparition de Josef Mengele, Édition Grasset,prix Renaudot 2017.

«  La francophonie est le premier

rempart contre les fondamentalistes »

LA LIBRAIRIE FRANCOPHONETous les samedis, de 15 à 16 heures sur France Inter (rediffusion à 1 heure du matin)

◗ Le concept : l’émission est coproduite par quatre radios publiquesfrancophones, Radio Canada, RTBF (radio belge), RTS (Radio TélévisionSuisse) et France Inter. Elle est financée à parts égales par chacunede ces radios, diffusée dans ces différents pays, mais aussi à traversle monde francophone, en Outre-mer, en Afrique aussi. RFI et TV5 mondeen assurent la rediffusion.Emmanuel Khérad dirige l’émission : il la prépare avec ses collaborateursde France Inter et des radios partenaires. C’est également lui qui l’anime,il fait intervenir des libraires français, belges, canadiens et suisses quiparticipent chaque semaine à l’émission et commentent des livres parusdans chacun des pays. Il reçoit également des invités sur le plateauauxquels il consacre un grand entretien.

◗ La diversité : l’émission est avant tout culturelle, et permet d’abordertous les thèmes que l’on peut trouver dans les livres, en croisant lesgenres et les cultures à travers la francophonie. Le parti pris de l’ou-verture culturelle donne lieu à des sujets très divers. Les auditeursont ainsi pu écouter la présentation d’un livre de cuisine italienne (émis-sion du 4 novembre) et évoquer le foot en Belgique au cours de lamême émission  ; ou encore entendre Anne Goscinny présenter sondernier livre, avec beaucoup d’émotion (émission du 21 octobre), etévoquer aussi la carrière de son père et l’évolution de la BD Astérix aufil du temps, au moment de la sortie du dernier opus. Le 18 novembre,l’émission s’est déroulée au Canada, à l’occasion du 40e salon du livrede Montréal.

REPÈRES◗ 2005 La librairie francophone : trois millions

d’auditeurs à travers le monde. Le concept etla multidiffusion de ce programme est unepremière dans l’histoire de la radio en France  ;c’est l’émission culturelle de radio qui remportela plus forte audience.

◗ 2017 La librairie francophone estivale : RFI,pour l’été, rejoint la coproduction de l’émissionauprès des quatre pays habituels. L’émissioncomporte une séquence «  Club Franco-phone  »  qui donne le rôle de rédacteur enchef à une personnalité fidèle de l’émission,et une autre, « Escale Francophone », qui sortl’émission du cadre de ses studios et permetà l’auditeur de voyager.

Rubrique réalisée par Véronique Ponvert

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8 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

ACTUALITÉ

MALADE, MOINS PAYÉ : DOUBLE PEINEÀ partir du 1er janvier prochain, tout fonctionnaire perdra une journée de salaire à chaque arrêtmaladie. Supprimé sous le précédent quinquennat, l’actuel gouvernement a décidé de le rétablir.Les députés viennent donc de voter le retour du jour de carence.

Le gouvernement et le président de laRépublique savent pourtant que cettemesure est inefficace et injuste. En

effet, une étude de l’INSEE publiée au

mois de novembre et portant spécifique-ment sur les conséquences du jour decarence dans la Fonction publique en 2012et 2013, confirme, comme toutes lesenquêtes précédentes, que le ou les joursde carence n’ont pas d’effets significatifssur le nombre d’absences pour raison desanté.

Un bien pour un mal...Ainsi, lorsqu’il a été appliqué dans laFonction publique, les arrêts de très courtedurée ont certes diminué, mais parallèle-ment les arrêts d’une semaine à trois moisont augmenté significativement. Le phé-nomène s’est inversé lorsque le jour decarence a été supprimé en 2014. Il y a plusieurs explications à ce phénomène :pour éviter une pénalité financière, cer-tains continuent de travailler alors queleur état de santé est dégradé, ce qui peutengendrer des pathologies par la suite pluslongues à soigner ; dans d’autres circons-tances, des agents en arrêt peuvent avoirtendance à attendre plus longtemps un

rétablissement complet avant de reprendrele travail pour éviter une rechute quidéboucherait sur une nouvelle pénalitéfinancière.

Un congé pour un autre...On apprend aussi grâce à cette étude del’INSEE que la proportion de salariésabsents pour raison de santé est plus élevéedans le privé que dans le public, ce que nemontrent pas clairement les statistiques surles arrêts maladie. En effet, les salariés duprivé, qui sont encore environ 25 % à subirles jours de carence, utilisent plus fréquem-ment leurs droits en RTT pour éviter uneperte de revenus.Cela va peut-être surprendre celles et ceuxqui nous gouvernent et qui souhaitent faire270 millions d’euros d’économies sur ledos des agents, mais la menace d’une pertede revenu n’empêche pas de tomber malade.En revanche, cela va accroître le nombrede personnes travaillant malgré une santédéfaillante. n

Hervé Moreau

BAISSE DRASTIQUEDE POSTES AUX CONCOURS 2018Le signal avait été donné par le projet de loi de finances 2018 qui supprimait 2 600 emplois destagiaires au motif fallacieux que tous les postes ne trouvant pas preneurs, cela serait indolore.

Il n’en est rien. Le SNES-FSU avait dénoncé unebaisse de fait des moyens

dévolus aux académies pour larentrée 2018, moyens que lesRecteurs pouvaient transfor-mer pourr é m u n é r e rdes person-nels.Le verdict esttombé au J.O.du 29/11 : – 20 % depostes aux concours externes du seconddegré touchant de façon plus ou moins fortel’ensemble des disciplines et tous lesconcours.Si l’on considère les résultats de l’an dernieret compte tenu de la baisse du nombre d’ins-crits dans certaines disciplines à la session2018, le nombre d’emplois réellement pour-vus en 2018 risque d’être inférieur auxpostes ouverts, justifiant probablement pour

le gouvernement de nouvelles suppres-sions lors des budgets suivants...C’est ainsi qu’on nourrit la crise de recru-

tement...Aux étudiants ayant choisi de s’investirdans des formations menant aux métiers

de l’Éducation, le gouvernement fermela porte. Cela dans une période où

le nombre d’élèves du seconddegré augmente du fait de ladémographie e t que lesclasses sont surchargéesdans beaucoup d’établisse-ments.

Quant aux concours interneset réservés, le nombre depostes est maintenu, légère-ment augmenté pour les der-niers, mais le volume restenettement insuffisant auregard des besoins en titu-larisation. n

Frédérique Rolet

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QUELQUES EXEMPLES  :• CAPES Anglais  :

—20,2  % (—241 postes)• CAPES Arts plastiques  :

—37,5  % (—75 postes)• CAPES Documentation  :

—28,6 % (—62 postes)• CAPES Histoire-Géographie  :

—20,6 % (—240 postes)• CAPES Lettres modernes  :

—19,2  % (—248 postes)• CAPES Mathématiques  :

—17,8  % (—257 postes)• Agrégation d’Anglais  :

—18,7  % (—38 postes)• Agrégation d’Espagnol  :

—19,4 % (—14 postes)• Agrégation de Lettres modernes  :

—19  % (—28 postes)• Agrégation de Mathématiques  :

—16,6 % (—76 postes)

© Pandore / Fotolia.com

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Supplément au no 774 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 9

L’ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L’ÉTRANGER EN GRÈVEL’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) scolarise dans 137 pays les enfantsdes familles françaises établies hors de France.

Vecteur essentiel du rayonnement de laFrance à l’étranger, elle participe éga-lement à la formation d’une partie de

la jeunesse des pays d’accueil, tout commeelle assume son rôle d’outil de développementde la francophonie. Le SNES et les syndicats de la FSU dénon-cent depuis des années les baisses des subventions de l’État malgré la croissancecontinue du nombre d’élèves. Coup sup-plémentaire porté à l’établissement publicau mois de juillet, le gouvernement a annulé33 millions d’euros de crédits sur le budget2017 en cours. Cette baisse inédite de prèsde 10 % de son budget contraint l’AEFE àprogrammer la suppression de plus de500 postes d’enseignants titulaires (8 %des effectifs actuels) sur les trois ans àvenir, l’arrêt des subventions aux établis-sements (hors sécurité et engagements plu-riannuels) et l’augmentation de leur parti-cipation financière prélevée sur leurs fraisde scolarité.

Fait inédit, unedéclaration com-mune a été luelors du CA del’Agence qui seprononçait sur levote du budget.Le même jour,27 novembre, leSNES et les syn-dicats de la FSU appelaient à la grève dansl’ensemble du réseau AEFE. La grève, doublée d’opé rations « école morte » de cer-taines associations de parents d’élèves, a ététrès massivement suivie.

RevendicationsLes réponses sont évidemment politiques :le SNES-FSU exige d’autres choix budgé-taires, qui donnent à l’établissement publicles moyens nécessaires pour accomplir sesmissions. Nous refusons toute refonte du système de l’AEFE qui conduirait à une

privatisation accrue de l’enseignement fran-çais à l’étranger, des déconventionnementsd’établissements, la multiplication de for-mules éducatives au rabais, ou la remise encause de la situation administrative des per-sonnels détachés, ainsi que la précarisationde l’ensemble des personnels.Comme l’ont montré la mobilisation massivedu 27 novembre et les actions syndicalesdans l’ensemble du réseau, les personnels,dans la lutte avec le SNES et les syndicatsde la FSU, ne lâcheront rien. n

Patrick Soldat

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Ce décret paru le 6 novembre permet àun recteur d’administrer d’autres aca-démies que la sienne à l’intérieur de

la Région académique, en particulier d’as-seoir juri diquement l’expérimentation nor-mande d’un recteur pour deux académies :le 22 novembre, Denis Rolland, recteur deCaen, est devenu ainsi administrateur del’académie de Rouen.

Régionalisation Si les deux académies normandes sont leterrain de la première expérimentation, ledécret peut s’appliquer partout sur le terri-toire national. Rappelons que, depuis lafusion des Régions, de fortes pressions sesont exercées pour faire coïncider les aca-démies avec les nouvelles Régions et quele SNES, avec la FSU, avait réussi à lescontenir. Ce décret ouvre à nouveau la boîtede Pandore et semble avoir une visée déré-gulatrice plus large.Ainsi, dans une interview à AEF, un ancienrecteur, Gérald Chaix, dresse la liste despistes de réflexion ouvertes par ce change-ment réglementaire « susceptibles de trans-

former fondamen-talement notre système de for-mation ».D’abord, il propose de repenser lerôle des collectivités terri toriales.Ensuite, ce décret permettrait de« réfléchir sur la gouvernance », etnotamment l’articulation entre l’échelonlocal et l’échelon national, afin « d’améliorerl’efficacité pédagogique ».

Recrutés à l’échelle localeEnfin, en lien avec la question de la gou-vernance, Gérald Chaix propose de « reposerla question de l’autonomie des établisse-

ments », ceux-ci étant redéfinis commedes réseaux d’école et d’établissementsdu second degré. Les personnels seraientalors recrutés et formés à l’échelle locale,sur la base de projets propres à ces nou-veaux « établissements » correspondant,selon lui, aux étapes du parcours de for-mation dont les écoles du socle.

Face à cespropositions,l e S N E S -FSU rappelleson attache-m e n t a u c a r a c t è r enational del’édu cation,tant pour le

re crutement des personnels que pour la défi-nition des horaires et des programmes.Aucune régionalisation ne doit donc êtreenvisagée. Le SNES-FSU sera très attentifà l’évolution de cette expé rimentation, età ce que veulent en faire les thuriférairesde la régionalisation de l’éducation. n

Marc Hennetier

RECTEURS : L’EFFET PAPILLONCertains partisans d’une réforme radicale de l’Éducation nationale voient dans le décret 2017-1543le moyen de transformer durablement le paysage scolaire.

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10 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

Les lycéens auront à formuler dix vœuxnon classés entre la fin janvier et lami-mars sur une nouvelle plate-forme

inconnue à ce jour (voir encadré ci-des-sous). Les professeurs devront renseignerdes fiches Avenir afin que le chef d’éta-blissement, après avis du conseil de classedu second trimestre, se prononce sur chacundes vœux.L’ensemble doit être obligatoirement trans-mis aux établissements d’enseignementsupérieur concernés. Derrière le prétextede l’orientation améliorée des élèves deTerminale, on accentue les inégalités endonnant à certaines universités davantagede possibilités de choisir leurs étudiants,tandis que d’autres candidats seront surlistes d’attente et susceptibles d’être affectésloin de chez eux ou dans une formationnon demandée.

Les « attendus », clés de la sélection ?Chaque licence universitaire doit formaliserses «  attendus » pour la fin du mois dedécembre. Il s’agit en fait de fixer les règlesd’un classement entre tous les candidats etd’anticiper l’éventuel contingentement fautede place. Selon les formations, cela prendrala forme de tests de positionnement ou devalidation de MOOC (en PACES parexemple) en amont de l’inscription. En règlegénérale, ce seront les bulletins de Premièreet des deux premiers trimestres de Terminale

qui seront pris en compte, l’ensemble desdossiers étant traités localement par desalgorithmes selon des paramètres propres àchaque formation.

Nouvelles missions pourles professeurs principauxL’institution entend faire peser sur les pro-fesseurs du second degré la responsabilitéd’un jugement prédictif sur la réussite oul’échec de leurs élèves. Comment peut-oncroire que les enseignants pourront les infor-mer correctement, compte tenu de la diver-sité des quelque 12 000 formations qui leursont ouvertes ? La maquette des « fiches dedialogue » proposées sur Eduscol et le vade-mecum du Plan étudiants témoignent du

rôle particulier que le ministère veut fairejouer aux professeurs principaux, désormaisen binôme sur la classe de Terminale. Aprèsdes questions assez intrusives sur le vécude l’élève, ses activités extra scolaires, sesmotivations ou son « engagement », il pourraêtre proposé aux futurs bacheliers un servicecivique, une année de césure ou même l’in-sertion dans l’emploi comme alternative àla poursuite d’études.Sans parler de l’évidente charge de travailsupplémentaire imposée aux professeurs, nimême du scandaleux dévoiement des mis-sions des Psy-ÉN, ce projet est fait poursélectionner, dissuader voire interdire l’Université à certains bacheliers. n

Claire Guéville

PARCOURSUP : CHRONIQUE D’UN BUG ANNONCÉLe 16 novembre dernier, une commission parlementaire consacrée à APB a révélé, en creux,les dangers de Parcoursup, la nouvelle plate-forme du ministère.APB a vu sa mécanique grippée par le nombre insuffisant de places dans l’enseignementsupérieur, alors que c’était un système performant et fiable. Comment, en effet, affecter808 000 candidats alors qu’il n’y a que 654 000 places vacantes sur APB ?A contrario, les modalités de fonctionnement de Parcoursup interrogent d’autant plus que lecalendrier des opérations est resserré. En supprimant la hiérarchie des vœux et en étalantl’annonce des résultats jour après jour, cela risque de provoquer l’engorgement du système,voire son blocage. Les candidats auront intérêt à garder les réponses positives qu’ils recevront« en attente », et par conséquent ceux dont le dossier sera le plus faible devront patienterbien plus longtemps encore. L’inconnue sur le fonctionnement des vœux groupés provoqueégalement une grande inquiétude.

PLAN ÉTUDIANTSLA BOMBE À FRAGMENTATIONLe projet de loi sur l’entrée à l’Université, rejeté par la FSU et la majorité des membres du Conseilsupérieur de l’éducation, ne vise ni plus ni moins qu’à remettre en cause le statut du bac comme premiergrade universitaire ouvrant l’accès à l’Université et à instaurer une sélection qui ne dit pas son nom.

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Depuis plus de dix ans, le nombre dediplômés en BTS ou DUT stagne, etnombre de lauréats poursuivent des

études au niveau L3 et au-delà. Ils ne sontqu’environ 60 000 chaque année à entrer surle marché du travail après un bac +2, quandplus de 480 000 jeunes entrent, eux, en for-mation supérieure.

Incohérence gouvernementale« Nous ne formons pas suffisam ment decadres intermédiaires ! » Telle est l’une despréoccupations majeures des recruteursqui voient les difficultés pour satisfaire lesdemandes des entreprises à ce niveau de for-mation. Ceci provient d’une part de la faibleaugmentation du nombre de jeunes dans cesfor mations, et d’autre part du fait qu’unefois diplômés, ils sont de plus en plus nom-breux à poursuivre des études.Il faudrait donc trouver les moyens de renforcer le vivier des futurs diplômés auniveau III. Cela passe nécessairement parun renforcement des séries de la voie tech-nologique qui alimentent avec réussite lesformations supérieures de bac +2.Pourtant, les projets de réforme risquent au

contraire de tarir ces filières. En détournantles bacheliers technologiques des formationsen BTS, en réformant l’accès au bac à partirde parcours où les enseignements technolo-giques risquent d’être dénaturés en modules,et en refusant de considérer la voie techno-logique comme une pièce essentielle dulycée, le gouvernement prend le risque d’ef-

facer des formations qui, d’une part répon-dent à un besoin économique, et d’autre partpermettent à de nombreux jeunes d’atteindrede hauts niveaux de qualification. Aumoment où l’on nous rabâche qu’il faut satis-faire les demandes des entreprises, cela estpour le moins incohérent. n Thierry Reygades

D’après le ministère, « 60 % des bache-liers ne valident pas leur premièreannée à l’Université ». Une présenta-

tion pour le moins biaisée car, selon lesdonnées de l’OCDE, en France 80 % desbacheliers qui entament des études supé-rieures sortent avec un diplôme, contre 68 %

en moyenne dans l’OCDE (et 75 % en Alle-magne, 76 % en Finlande...). Les étudessupérieures françaises ne sont donc pas dutout caractérisées par l’échec et le nombrede diplômés augmente !Certes, 14 % de ces étudiants se sont réorien-tés en cours d’études supérieures. Mais chan-

ger de voie après avoir « essayé », est-cede l’échec ? En fait, la licence accueille desétudiants très divers : certains ont un projetprécis, d’autres viennent «  tenter leurchance » (par exemple en médecine...). Faut-il leur interdire ?

Les bacs pro ont bon dos !D’autres, c’est vrai, y sont un peu «  pardéfaut  » : on pointe souvent du doigt lesbacs pro, dont le taux d’échec est massif.Mais seulement 48 % d’entre eux poursui-vent des études, et seulement 7 % des bacspro vont à l’Université. Pas de quoi parlerd’un raz-de-marée ! Et encore s’agit-il souvent d’une « position d’attente » en espé-rant intégrer un BTS. Question idiote ànos grands argentiers s’improvisant com-municants : et si on y augmentait les capa-cités d’accueil ? n

Romain Gény

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2001 2006 2010 2013

Licence générale etlicence professionnelle

BTSDEA-DESS-MasterDUT

Diplôme d’écolesde commerce

Licence générale

Diplôme d’ingénieur

Doctorat et HDR

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BAC + 2 : UN BESOINDE VOIE TECHNOLOGIQUENombre d’analystes s’inquiètent du manque de jeunes diplômés en capacité d’assurer lesfonctions de cadre intermédiaire. Et pourtant, les projets gouvernementaux risquent de fairedisparaître les formations qui permettent justement d’atteindre ces qualifications.

RÉUSSIR DANS LE SUP’, ÇA ARRIVE !Taper sur l’échec massif en fin de première année : tel est le cœur du plan com’ élaboré ruede Grenelle. Sauf que ces assertions répétées en boucle relèvent largement de la fausse évidence.

Évolution du nombre de diplômes délivrés dans les principalesformations de l’enseignement supérieur (en milliers)

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Elle doit rendre son rapport en janviersur la base duquel le ministre mettraiten discussion un projet en février. Au

gré des informations qui filtrent, se dessi-nent les contours d’un autre lycée organiséautour de parcours individualisés.

Largement verrouillé par le projet prési-dentiel d’un baccalauréat réduit à quatreépreuves et au contrôle continu, les axesde travail ministériels se concentrent surles séries générales réorganisées, voireeffacées, par une spécialisation accrue dela formation des élèves en fonction deleur hypothétique projet d’orientationpost-bac.

Quatre épreuves etparcours individualisésAu détour des audiences, on découvre doncque seraient proposés des parcours avecdeux enseignements dits « majeurs » éva-lués en épreuves terminales. Selon les inter-locuteurs sont ainsi évoqués des binômesSES/maths ou bien SES/histoire-géogra-phie, ou bien encore maths/physique-chimieou maths/SVT.Tout le reste serait évalué au contrôlecontinu sauf le français qui demeureraiten épreuve anticipée et la philosophie enépreuve obligatoire pour tous. Le tableauserait complété par un mémoire sur projetavec une soutenance sur le modèle du« colloquio » italien, en relation avec les

majeurs du parcours choisi par le lycéen.Un tel scénario impliquerait, aux diresmême de ses promoteurs, de repenser lecalendrier scolaire autour de semestres etd’emplois du temps variables en fonctiondu « menu » choisi par l’élève. On mesurel’impact que ce schéma pourrait avoir surles services et plus généralement le métierdes professeurs.

Contrôle continu omniprésentLa plupart des disciplines seraient doncévaluées au contrôle continu, le contrôleen cours de formation ou les épreuves ponc-tuelles étant a priori rejetées car trop chro-nophages et vecteurs de désorganisationdes établissements. Comme pour toutes lesépreuves locales, les enseignants se retrou-vent seuls face à une évaluation au quoti-dien qui devient de fait certificative et cri-tère de tri pour l’affectation post-bac. C’esttoute la relation pédagogique qui se trouveainsi affectée par une pression socialeaccrue qui pèserait ainsi individuellementsur les enseignants.

Un tri précoceLe projet de réforme du baccalauréat estfortement corrélé à la question de l’entréedans le supérieur. Il prend appui sur desparcours individualisés et fait donc peserde gros risques sur l’identité de la voietechnologique, tandis que la voie profes-

sionnelle, absente de la mission Mathiot,est menacée par l’apprentissage.Un lycée modulaire mettrait à mal la cohé-rence des parcours, les lycéens seraientconsidérés comme uniques responsablesde leurs choix, choix dont on sait qu’ilssont traversés par différents biais notam-ment sociaux et genres. Point aveugle desconsultations Mathiot : combien de sup-pressions de postes la réforme des lycéesdevra-t-elle absorber ? n

Claire Guéville

RÉFORME DU BAC ET DU LYCÉE :JEUX DE PISTESLa mission Mathiot a lancé sa campagne d’auditions auprès des associations de spécialisteset des organisations syndicales sur le thème de la réforme du baccalauréat et du lycée.

DEUX PROFESSEURS PRINCIPAUX EN TERMINALE ?Le «  plan étudiants  » investit les profes-seurs principaux de missions d’orientationplus larges en relation avec les « attendus »fixés par les formations universitaires. Ilest prévu dès le 1er décembre de doter lesclasses de Terminale d’un second profes-seur principal. Pour autant, aucun texteréglementaire ne cadre ce qui reste à cejour un projet. Le ministère s’est engagéà rémunérer le second PP par la part modu-lable de l’Indemnité de suivi et d’orientationdes élèves (ISOE) au prorata de la duréede la mission. Cependant est aussi évoquéela possibilité d’IMP dans le cadre d’un tuto-rat. Par ailleurs, il ne semble pas envisagéde second PP pour les classes dont leseffectifs seraient jugés trop faibles.

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C’est la condition indispensable pour quecet examen et ce diplôme aient la mêmevaleur sur tout le territoire, quel que

soit le lycée de scolarisation, et pour qu’ilpuisse demeurer le premier grade universi-taire. Cela implique de rejeter le dévelop-pement du contrôle local, et plus encore lapiste du contrôle continu avancée par leministère. Cela nécessite aussi que lesépreuves de l’examen soient nombreuses,et permettent de vérifier l’acquisition deconnaissances et de compétences dans deschamps très divers de la connaissance.

Les résultats de l’enquête menée par leSNES-FSU en octobre et novembre 2017montrent que ces principes que nous défen-dons sont très majoritairement soutenus parla profession. 2 263 enseignants ont participéà cette enquête.

Une orientation soutenuepar la professionSur les deux propositions « phare » du gou-vernement, les résultats sont sans appel :64,3 % des répondants sont en désaccordavec la volonté de réduire le nombred’épreuves terminales (et 9,2 % ne se pro-noncent pas) ; 69,8 % des enquêtés refusentle recours au contrôle continu pour évaluerdes disciplines au baccalauréat (seuls 22,1 %sont d’accord avec cette idée).Concernant la situation actuelle, si 60 à 65 %des collègues sont satisfaits du nombred’épreuves et de la durée de l’examen enTerminale, 69,3 % considèrent cependantque « le baccalauréat est devenu un examentrop facile à obtenir ». Comment expliquerce pessimisme ? Peut-être le développementdu contrôle local, massivement critiqué parla profession (69,3 % des répondants consi-dèrent que c’est une menace pour la valeur

du diplôme). Peut-être aussi les « pressionssur les notes » : 47,6 % des collègues décla-rent avoir déjà subi des pressions pour releverdes notes (dont 13,4 % « souvent »). Maisaussi le sentiment que les mentions sont « tropfaciles à obtenir » : 63,7 % des enseignantspensent qu’il faudrait conditionner l’obtentiond’une mention à une note minimale dans lesdisciplines centrales de chaque série. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que lespistes lancées par le ministère ne régleraientcertainement pas le problème ! n

Romain Geny

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En 2016, 79 % d’une génération accèdeau baccalauréat. On note donc que 20 %des jeunes ne vont pas jusqu’au bacca-

lauréat. Et ce chiffre cache des inégalitéssociales profondes : si plus de 90  % desenfants de cadres supérieurs accèdent aubaccalauréat, ce n’est le cas que de 65 %des enfants d’ouvriers (et même à peine40 % des enfants d’ouvriers non qualifiés).Et si l’accès au baccalauréat s’est démocra-tisé, faut-il déplorer cette ouverture crois-sante ? Au contraire : faire en sorte qu’unmaximum de jeunes puissent s’approprierdes connaissances de champs multiples, quileur permettront d’être des citoyens éclairés,réfléchis, critiques, c’est une ambition àlaquelle nous ne pouvons pas renoncer.

Trop complexe ?Autre affirmation : de par sa complexité, lebaccalauréat évaluerait mal les élèves. La

France avec ses épreuves nationales termi-nales serait une « exception » par rapport àses voisins européens, ou plus largementaux pays de l’OCDE. Pourtant, le CNESCO(Conseil national pour l’évaluation du sys-tème scolaire) le dit : « Au milieu des années1990, la très grande majorité des pays lais-saient aux écoles la possibilité de délivrerun titre certificatif « maison » uniquementfondé sur le contrôle continu en cours d’an-née par les enseignants. Désormais, lemodèle français du baccalauréat est devenudominant dans l’OCDE ».Le CNESCO ajoute que la forme des testsnationaux permet de mieux faire progresserles élèves, tout en diminuant les inégalités,puisqu’il y a obligation de suivre un mêmeprogramme pour des exigences communes :« le baccalauréat français qui embrasse unchamp très large de matières et proposeaux élèves une multiplicité d’épreuves com-

plexes correspond bien aux formes d’éva-luations qui peuvent avoir un effet bénéfiquesur les résultats des élèves ». n

Amélie Hart-Hutasse

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ACBACCALAURÉAT : LES IDÉES REÇUES

ONT LA VIE DUREUne des attaques les plus courantes contre la valeur du diplômeconsiste à dire qu’il ne mesure plus rien, puisque « tout le mondea le bac ».

QUEL BAC VOULONS-NOUS ?Pour le SNES-FSU, le baccalauréat doit être fondé sur des épreuves nationales, terminales et anonymes.

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ACTUALITÉ

DISPARITION D’UNE FIGUREMAJEURE DU FÉMINISMEL’ethnologue et anthropologue Françoise Héritier est décédée, le 17 novembre, veille de son84e anniversaire. Spécialiste des questions de parenté et de famille, elle n’a cessé de déconstruireles idées reçues sur le masculin et le féminin.

Seconde femme à entrer au prestigieux ettrès fermé Collège de France, ses travauxfondateurs ont marqué d’une empreinte

durable l’ethnologie, et par là même permisune meilleure compréhension des rapportsde genre qui fondent notre société. 

Élève de Claude Levi Strauss à qui elle asuccédé, elle a démontré que la « valencedifférentielle des genres » est un invariantdes sociétés humaines qui n’a aucun fonde-ment biologique, mais est simplement lerésultat d’une sélection naturelle drastique.Elle a fait l’hypothèse que cette « valencedifférentielle des sexes  », que Bourdieuappellerait « domination masculine », résul-terait de la volonté des hommes, incapablesd’enfanter, de contrôler la reproduction. Lesfemmes paieraient ainsi le « privilège exor-bitant d’enfanter ». Soumises à des interditsalimentaires ou exhortées à la minceur, pri-vées de l’accès aux protéines au profit deshommes, elles sont alors obligées de puiserdans leurs réserves, aboutissant à la diffé-rence « homme grand, femme petite ». 

Militante jusqu’au boutFrançoise Héritier, féministe non militantequi s’est imposée dans un milieu scienti-

fique très fermé, presque exclusivementmasculin et très sexiste, a poursuivi sonengagement toute sa vie, notamment entant que présidente du Conseil national duSIDA, puis en tant que membre du Conseilconsultatif national d’éthique (CCNE) oùelle soutint l’accès à la PMA pour toutesles femmes.Ces dernières semaines, elle se réjouissaitque les agressions sexuelles soient dénoncéespubliquement et que la parole des femmessoit entendue, même imparfaitement : « Quela honte change de camp est essentiel. Etque les femmes, au lieu de se terrer en vic-times solitaires et désemparées, utilisent le#metoo d’Internet pour se signaler et prendrela parole me semble prometteur. C’est cequi nous a manqué depuis des millénaires :comprendre que nous n’étions pas toutesseules ! Les conséquences de ce mouvementpeuvent être énormes ». n

Aurélia Sarrasin

Il s’agit d’aboutir d’ici 2022 à 60 milliardsd’euros d’économies sur les dépensespubliques et à la suppression d’environ

120 000 emplois de fonctionnaires. L’opé-ration a débuté par l’envoi d’une lettre decadrage d’Édouard Philippe aux ministres,fixant les objectifs : « améliorer la qualitédes services publics, offrir aux agents publicsun environnement modernisé, accompa -gner rapidement la baisse des dépensespubliques ».

RGPP le retourAu nom de la modernisation des servicespublics, il faudrait donc faire des économiessignificatives et durables sur l’ensemble deschamps des administrations publiques etenvisager « des transferts de missions entrecollectivités ou vers le secteur privé, voirel’abandon de missions ».

Mais « la méthode sera radicalement diffé-rente » de celles de ses prédécesseurs. À voir...Le comité d’action publique chargé d’établirun rapport après revue des missions et desdépenses publiques est composé d’écono-mistes du FMI ou d’experts anciennementmembres de la commission Attali créée en2008 par Nicolas Sarkozy. Que du neuf !Une grande consultation numérique des usa-gers et des personnels sera lancée. Histoiresans doute de tenter de rassurer ces derniersaprès la suppression du jour de carence, legel de la valeur du point d’indice et la haussede la CSG ! Histoire de vendre à tous queleurs attentes vont être prises en considération.La tonalité de cette consultation éclaire lapensée gouvernementale : donner plus demarges de manœuvre aux managers locaux,reconnaître l’investissement individuel, favo-riser la performance au travail, mettre fin

aux « rigidités » du statut et au recrutementpar concours.Il n’y a à l’évidence rien de bon à attendrede tout cela. Le SNES, avec la FSU, appelleles personnels à faire entendre le plus col-lectivement possible leur point de vue surles nécessaires évolutions des services publicset de la Fonction publique, face notammentaux enjeux de formation, d’emploi, auxenjeux climatiques... n Fabienne Bellin

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SERVICES PUBLICSNOUVELLES ATTAQUESLancé fin septembre, le programme « Action publique 2022 » donne le tonsur les objectifs du quinquennat en matière d’action publique. Diminuer,supprimer... sont les leitmotivs.

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RATTRAPAGELa Contribution sociale généralisée (CSG)Avec 99 milliards d’euros de recettes prévues en 2017, la Contribution sociale généralisée (CSG) représenteun montant plus élevé que l’impôt sur le revenu ! C’est un prélèvement spécifique qui contribue au financement de la Sécurité sociale. Le basculement des cotisations maladie et chômage vers la CSG en 2018 fait courir un risquemajeur de dénaturation de notre système de protection sociale.

Supplément au no 774 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 15

Les tauxLa CSG est prélevée sur tous les revenus despersonnes physiques mais a des taux différentsselon la nature du revenu : 7,5 % sur lesrevenus du travail, entre 6,2 % et 6,6 %sur les revenus de remplacement (allocationsde chômage, indemnités journalières, retraites),8,2 % sur les revenus du capital. Ces tauxprogresseront de 1,7 point au 1er janvier 2018.Les cotisations sociales prélevées sur lessalaires, qu’elles soient extraites du salaire brut(cotisations salariales) ou directement versées

par l’employeur(cotisationspatronales),restent lapremière sourcede financement de

la Sécurité sociale (62 %). Mais la CSG enconstitue le deuxième poste (13 %), le resteétant assuré par d’autres impôts et taxesaffectés (tabacs, alcools...) et des contributionspubliques. n

DénaturationDans le projet dugouvernement, la CSGse substitue aux cotisationschômage payées par lessalariés, l’indemnisation chômage perdrait donc son caractèrecontributif. L’État serait alors en droit de se substituer aux partenairessociaux pour faire de l’indemnisation chômage un outil au service desa politique de l’emploi et un filet de sécurité à la pauvreté. Rien,dans ce cas, ne pourrait le différencier du RSA et la proportionnalitéentre indemnisation et salaires anciennement perçus disparaîtrait ; etavec lui le caractère assurantiel de l’indemnisation chômage. Lepassage d’un système d’assurances sociales, pour tous et doncdéfendues par tous, à un système d’assistance (où la charité n’estjamais très loin) peut rapidement nous faire basculer dans une sociétéoù la protection sociale ne serait perçue que comme une charge et oùune part croissante de la population serait incitée à se tourner vers desassurances privées. Dans cette situation, comme en Angleterre ouaux États-Unis, fiscalisation et étatisation signeraient bien la fin denotre système solidaire. n

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Assurantiel

vs assistanat

Non contributive

L’augmentation du taux de CSG depuis sa créationI Les comptesIL’édition 2017 souligne le netralentissement des ressourcesde la protection sociale en 2015 etprésente les comptes français enles comparant à ceux de nos voisinseuropéens. Cette édition décritaussi la vision qu’ont les Françaisde leur système de protectionsociale à partir du baromètred’opinion élaboré par la DREE.

Fiscalisation de la protection socialeCette fiscalisation croissante comporte le risque d’une mainmisesupplémentaire de l’État sur la Securite sociale, or ces deux institutions nerépondent pas a la même logique sociale. Sur le long terme, depuis 1945,

les recettes de la Securite sociale ontaugmenté pour répondre aux besoinssociaux (vieillissement, amélioration dela qualite des soins...). Mais le mouvement de fiscalisationintroduit en 1991 avec la CSG a inverséla logique pour que les dépenses

sociales s’ajustent aux prélèvements que les gouvernements cherchentsans cesse à réduire pour augmenter les marges des entreprises. C’est vraiaussi dans le budget de l’État. Le cas des allocations logement que, d’untrait de plume budgétaire, le gouvernement abaisse sans autre forme deprocès nous en offre une parfaite illustration. Jusqu’à présent, la CSGcontribuait au financement de prestations qui tendaient à deveniruniverselles (attribuées à tous quelle que soit leur situation : couverturemaladie universelle, par exemple). Mais l’universalisation du risquefamille n’a pas empêché la modulation des allocations familiales. n

Dépenses/

Recettes

Ni impôt, ni cotisationLa CSG se distingue de la cotisation car elle n’estpas « contributive » au sens où elle n’ouvre aucundroit à prestations (alors que, par exemple, lacotisation retraite donne droit à une retraite). Cen’est pas non plus un impôt au sens strict car elleest « affectee » a un emploi particulier alors quel’impôt est perçu sans qu’on en connaisse,a priori, son utilisation. Une nouvelleaugmentation de 1,7 point ferait néanmoins passerla part de l’impôt au sens large de 35 à 38 % dufinancement de la protection sociale. n

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16 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

DANS LA CLASSEUne datei

1909Année de création, en même tempsque la NRF-Gallimard.

Statistiquesi

w Nombre d’abonnés ?La plupart des collèges sontabonnés. Puis abonnementindividuel.

w Nombre de visiteurssur le site ? Très nombreux ! Car accèsgratuit, et puis Facebook etTwitter. Un article publié a plusde 1 000 lecteurs en deux jourssur Facebook.

Quelques chiffresi

1500 articlessur la page « actualités ».

30C’est le nombre d’années que ledirecteur de rédaction, ClaudeRiva, a passé à la tête de la revue.

Plus de 6 000 articlestéléchargeables, dont 1 500sur la page « actualités ».

Une adressei

w L’École des lettres, 11, ruede Sèvres, 75278 Paris Cedex 06.

Des liensi

w http://actualites.ecoledeslettres.frw www.ecoledeslettres.frw twitter.com/ecoledeslettresw www.facebook.com/

ecoledeslettres.fr

Prochain numéro thématiquei

w Des contes de fées à la bandedessinée : lire, rêver, philosopher

L’histoire de l’École des lettres recèle bien desrichesses : née presque avec le siècle, elle adonné naissance aux Éditions de l’École, un

éditeur scolaire classique. Puis un département delivre jeunesse a été mis sur pied : ainsi est née lacélèbre École des loisirs. Aujour-d’hui, l’École des lettres est éditéepar l’École des Loisirs.

Pluralité et exigenceRevue indépendante, l’École deslettres ne dépend pas du ministèreou d’un courant. Les collaborateurssont tous des enseignants en exer-cice, à tous les niveaux. C’est ainsique la revue cultive la diversité desvoix. Ses objectifs sont nombreux :apporter une aide concrète aux jeunes enseignants,transmettre d’une génération à l’autre des savoirs etun goût certain pour la littérature, s’intéresser de prèsà la lecture, et ceci à tous les niveaux enseignés. Ses dossiers prennent la forme d’études ou de proposi-tions de séquences qui ont été préalablement expé -rimentées en classe. C’est aussi ce qui fait la renom-mée de l’École des lettres parmi les enseignants : sila démarche est collaborative (même des élèvespeuvent participer), il y a un véritable – et lourd –travail éditorial. En effet, la revue procède à uneimportante relecture, vérification des sources, réécri-ture afin que les articles soient le plus fiables pos-

TÉMOIGNAGE

« L’École des lettres est une revue plurielle, exigeante et synthétique »Antony Soron est professeur de littérature à l’ÉSPÉ de Paris. D’abord fidèle lecteur,il est aujourd’hui un des auteurs de la revue.

J’ai découvert l’École des lettres dutemps où j’étais professeur en col-lège... dans mon casier. Je l’aid’abord regardée avec curiosité, puisj’y ai trouvé beaucoup d’intérêt caril y avait des séquences mais égale-ment beaucoup d’autres sujets. Puisje suis devenu tout à fait adepte et jela lisais avec avidité. Cette revueparle de tout, ne consiste pas seule-ment à donner des séquences maisfait découvrir la littérature jeunesse,des auteurs pas assez connus, etenfin aborde la réalité de l’éduca-tion, du monde enseignant, ouencore des établissements profes-sionnels. Cette ouverture et cettepluralité des regards sur l’éducationm’ont totalement conquis. Il y a une

véritable corrélation entre l’éducatifgénéral et la didactique/l’enseigne-ment du français en classe. Petit àpetit, et surtout depuis que je suisformateur, je me suis égalementintéressé au blog. Et là, j’ai décou-vert des auteurs qui m’ont pas-sionné, sur le cinéma, la littérature,l’éducation. C’est pour moi une lec-ture coutumière et qui enrichit maréflexion. Et puis il y a des critiques qui sontdes pointures, comme Anne-MarieBaron en cinéma. C’est une revueoù le savoir n’est pas marmoréenmais bien vivant ! Et c’est aussi unvrai patrimoine : il y a des milliersde séquences en ligne maintenant !Enfin, j’avais envie de transmettre

mes expériences et ma réflexion surl’enseignement de la littérature, lelien entre littérature et éducationcitoyenne. J’avais envie de parta-ger cela. J’ai rencontré Claude Rivaet c’est ainsi que j’ai écrit des articlessur des sujets qui m’intéressaient.Nous proposons et Claude Riva dis-pose. Ce dernier est une véritableinstitution : il est ouvert et soutientbeaucoup l’Éducation nationale.Actuellement, nous sommes en trainde concevoir la mise en lumière desprojets qui lient littérature et éduca-tion citoyenne. Nous allons publierdes feuilletons des projets convain-cants, d’ici 2018. n

Rubrique réalisée par Doriane Spruyt

sible. La rigueur et le sérieux sont absolument cen-traux, ce qui distingue le site de l’École des lettresdes sites participatifs. Puisque non contente de dis-poser d’une revue papier, l’École des lettres existeaussi sur les réseaux sociaux. En ligne, on peut

trouver les articles publiés depuis 1990et une page d’actualités sur laquelleest publié un article tous les deux joursdans diverses rubriques. Parmi ces der-nières, on trouve un « feuilleton » sui-vant les CASNAV (Centres acadé-miques pour la scolarisation des élèvesallophones nouvellement arrivés), desarticles concernant l’actualité du romancontemporain, du cinéma, l’éducationaux médias, des dossiers sur les sujetsde culture générale en BTS.

La réflexion sur les problèmes éducatifs qui agitentl’Éducation nationale trouve sa place dans la revue.Mais attention, autant le regard est passionné pourla discipline, autant il est dépassionné au sujet del’actualité des réformes et se veut réflexif.Cependant, la diffusion papier a diminué avec ledéveloppement d’internet et c’est ainsi que l’éditionpour les lycées a disparu. Mais celle pour les collègesest bien vivante et concerne les professeurs delettres, d’histoire et les professeurs documentalistes.L’École des lettres organise également des ren-contres avec des écrivains deux fois par an, en par-tenariat avec l’ÉSPÉ de Paris. n

LES REVUES PÉDAGOGIQUES

Une revue d’envergure :l’École des lettresL’École des lettres, revue pédagogique, se consacre à l’exploration du domaine littéraire, des arts,du cinéma, de l’image, de l’Histoire. Ayant également à cœur les connexions entre les cycles, cetterevue exigeante s’efforce de bâtir des ponts entre les écoles, les collèges et les lycées.

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iDéfinitioni

◗ Le CIL : «  Avec unefonction située au cœurde la conformité  Informatiqueet Libertés, le CIL veille à lasécurité  juridique et informatiquede son organisme. Le CIL avocation à devenir le déléguéà la protection des donnéesdans le cadre de la nouvelleréglementation, applicable en2018.  » (source : site de la CNIL) :www.cnil.fr/fr/le-cil-et-le-futur-delegue-la-protection-des-donnees

iCNILi

◗ Fiche de la CNIL surla vidéosurveillance dansles établissements scolairesrappelant trèsclairement toutesles formalitésnécessaires à lamise en place d’unsystème de vidéosurveillance :www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/_videosurveillance_ etablissements_scolaires.pdf

◗ Pour saisir la CNIL :il est possible de signaler, defaçon anonyme, à la CNIL undispositif de vidéosurveillance surun lieu de travail. À la charge del’organisme de vérifier si ledispositif est conforme à la loiInformatique et libertés : https://www.cnil.fr/plainte/travail

iPour en savoir plus...i

◗ Article de Tanguy Le Goff,« La vidéosurveillance dansles lycées », publiée en 2007 etinterview en 2010 sur le site Owni :

http://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2010-3-page-447.htm,%20page%20consult%C5%BDe%20le%2020%20septembre

http://www.iau-idf.fr/savoir-faire/nos-travaux/edition/la-videosurveillance-dans-les-lycees-en-ile-de-france.html

http://owni.fr/2010/04/07/videosurveillance-dans-les-lycees-les-resultats-sont-decevants/index.html

Supplément au no 774 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 17

CHANGER D’ÈRELA VIDÉOSURVEILLANCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS

Un cadre légal protecteur« Le chef d’établissement […] prend toutes dispositions, en liaison avec les autorités administrativescompétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens » (code de l’éducation – articleR421-10). Pour atteindre cet objectif de sécurité, les établissements scolaires peuvent être dotésde systèmes de vidéosurveillance, mais non sans un encadrement très strict.

L’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978relative à l’informatique, aux fichiers et auxlibertés fixe quelques principes qui encadrent

l’usage des données personnelles – dont les enre-gistrements vidéo font partie. Ainsi, les systèmesde vidéosurveillance doivent être clairement signi-fiés aux usagers (principe de loyauté), doiventcorrespondre à un objectif de sécurisation très préciset défini au préalable (principe de finalité), et nedoivent pas apparaître comme excessifs au regardde cet objectif (principe de proportionnalité).

Des règles très clairesLa Commission nationale informatique et libertés(CNIL) précise que « la sécurisation des biens etdes personnes peut être obtenue par la mise enœuvre de moyens moins intrusifs. L’utilisation decaméras doit rester limitée et constituer un moyencomplémentaire à d’autres mesures de sécurité ».Elle rappelle aussi que seuls les lieux de circulationet d’accès (couloirs, entrées) ainsi que les abordsde l’établissement peuvent être filmés, en aucuncas les lieux de vie (cour, salles de classe, salledes professeurs, etc.). Les images ne peuvent êtreconservées plus d’un mois et seules les personneshabilitées y ont accès, en premier lieu le chef d’éta-blissement. Ce dernier n’est pas la seule personnedécisionnaire en la matière, le conseil d’adminis-tration doit au préalable délibérer, comme pour

toutes les questions de sécurité (article R421-20du code de l’éducation). Filmer les abords de l’éta-blissement nécessite une autorisation de la préfecturealors qu’une simple déclaration à la CNIL suffitpour en filmer l’intérieur – sauf si l’établissementa désigné un Correspondant informatique et liberté(CIL) (voir ci-contre). Des recours existent : encas d’infraction ou d’abus, les usagers peuventsaisir le service des plaintes de la CNIL (voir ci-contre) ou les services de la préfecture si les camérasfilment les abords de l’établissement.

De la vidéosurveillance à lavidéoprotection : un enjeu politiqueDepuis la LOPPSI 2 de 2011 (Loi d’orientation etde programmation pour la performance de la sécu-rité intérieure), le terme de vidéosurveillance estremplacé par celui de vidéoprotection. Malgré lechoix d’un mot plus rassurant, une questiondemeure : les caméras de surveillance peuvent-elles être efficaces sans entraver nos libertéspubliques et individuelles ? Dans une interview sur le site Owni, le chercheurTanguy Le Goff, s’appuyant sur son article intitulé« La vidéosurveillance dans les lycées » publié en2007, affirme que « par rapport à l’objectif officiel,qui était de lutter contre les intrusions, oui, lesrésultats sont décevants. On constate en effet qu’endépit de la mise en place de cet outil, les intrusionscontinuent. En tant que moyen de dissuasion, deprévention de la délinquance, ce n’est pas efficace.En revanche, sur d’autres points, les résultats sontplus positifs [...]. De manière assez classique, il ya une efficacité reconnue sur les parkings, celaaurait tendance à faire diminuer les vols de deux-roues et les dégradations de véhicule ». Deux questions essentielles se posent : celle desefforts budgétaires nécessaires à l’installation et àl’entretien des caméras (par exemple, la régionHauts-de-France a annoncé en mai 2017, dans lecadre de son plan de sûreté des lycées(1), une enve-loppe de 10 millions d’euros) en période d’austéritéet de gel des embauches, et celle des différentesinnovations technologiques dont les caméras peu-vent être dotées – comme la reconnaissance faciale(2)

– et qui posent d’évidents problèmes légaux etmoraux. La vidéosurveillance reste, malgré la forceet l’ampleur du discours sécuritaire, une questionhautement politique portant de véritables enjeuxde société dont il faut se saisir. n

(1) www.hautsdefrance.fr/plan-de-surete-lycees. (2) www.nextinpact.com/news/100769-des-senateurs-veulent-experimenter-couplage-entre-videosurveillance-et-reconnaissance-faciale.htm.

Rubrique réalisée par Benjamin Decornois

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Publicationi

Réflexionsur le travailL’élargissement de la troisièmerévolution scientifique ettechnique, le «  numérique  »,pose des questions, dans la criseactuelle, pas seulement surl’emploi mais aussi sur le travail,son contenu. Pour son n° 100,Santé et travail, ouvre le débat.«  Demain, le travail  » questionneet appelle de nouvelles réflexions.À lire.

Étude de l’INSEEi

10 ans de criseLa revue de l’INSEE, Économieet Statistiques, propose des étudessur les causes de la crise qui sedéclenche en août 2007. Analysede la baisse de la productivité à lafin des années 1990, les politiques«  non conventionnelles » desbanques centrales, les politiquesbudgétaires… Un numéro précieuxqui fournit des instrumentsau débat nécessaire sans préciserson cadre théorique.

État du mondei

Comprendrele mondeLes éditions Autrement, en lienavec France Info et Courrierinternational, proposent un«  Grand Atlas 2018  » sous ladirection de Franck Tétart. Deuxcents cartes qui passent en revuel’état de notre planète secouée parles crises. Apparaît un mondequi a besoin de solidarités maisqui se lance à corps perdu dans lesguerres pour défendre des intérêtségoïstes. Une grande leçon.

Femmes/Hommesi

Chiffrage desinégalités salarialesD’après le site d’Alter Eco,des chercheurs ont chiffré à 8 000euros par an en moyenne l’écartdes salaires entre les femmes etles hommes. Les causes sontmultiples  : les femmes sont plusfréquemment au chômage et àtemps partiel, elles occupent moinssouvent les emplois les mieuxrémunérés alors qu’elles sont plusdiplômées que les hommes. Cettemoyenne de 8 000 euros cristallisede multiples inégalités, elle n’estbien évidemment qu’uneestimation... révoltante.

ECO/SOCIAL

En finançant des services collectifs qui béné-ficient à tous par des contributions qui dépen-dent de la capacité de chacun, l’impôt réduit

les inégalités. Plusieurs dispositions du projet deloi de finances pour 2018 vont réduire cet effetde redistribution en allégeant de plusieurs milliardsd’euros la facture fiscale des plus fortunés.

Une «  tax » flattant l’égoïsmeJusqu’à présent, les revenus de l’épargne (intérêtsou dividendes obtenus grâce aux placements finan-ciers) étaient imposés de la même façon que lesrevenus du travail, c’est-à-dire par un impôt pro-gressif. Le principe d’un tel impôt est que son tauxaugmente avec le montant des revenus, la dernièretranche étant imposée à 45 %. Précisons que pourles contribuables concernés, cela ne signifie pasque l’ensemble des revenus sont imposés à 45 %,mais seulement ceux qui dépassent un certain seuil.Les revenus du patrimoine étaient par ailleurs assu-jettis à la CSG, avec un taux de 8,2 %.Désormais, les contribuables percevant ces revenuspourront opter pour un prélèvement forfaitaireunique, appelé aussi flat tax, c’est-à-dire un tauxd’imposition non plus progressif mais fixe, à untaux de 30 %, CSG incluse. Cette mesure n’aurapas d’effet sur ceux qui n’ont pas ou peu de revenusde l’épargne, qui auront intérêt à rester sur le régimede l’imposition progressive, mais elle va permettreaux plus fortunés de payer beaucoup moins d’im-pôts. La baisse des recettes fiscales attendue estestimée à 1,3 milliard d’euros, ce qui impliquefatalement de rogner sur le budget de l’État.

Au bonheur des yachtsPar exemple sur les contrats aidés, dont la sup-pression représente une économie d’un milliardd’euros... Il est à noter aussi que la hausse de laCSG ne va pas affecter les plus hauts revenus,puisqu’elle sera incluse dans le prélèvement for-

faitaire. Celle-ci va donc peser sur les salariés etsurtout sur les retraités... sans affecter les rentiers !Autre mesure qui fera plaisir aux plus riches : lasuppression de l’impôt de solidarité sur la fortune(ISF), remplacé par l’impôt sur la fortune immo-bilière (IFI). L’ancien impôt sur le patrimoine,progressif, s’appliquait aussi bien aux biens immo-biliers qu’aux placements financiers. Ces derniersen seront désormais exclus, ainsi que les jets privésou encore les yachts... Alors que les propriétairesimmobiliers continueront de payer ce nouvel impôt,les titulaires de gros portefeuilles d’actions enseront exonérés. Là encore, la facture sera lourde,puisque ce seront 3,2 milliards en moins pour lescaisses de l’État. Sans doute davantage si on prenden compte les stratégies d’optimisation fiscale quine manqueront pas d’apparaître. Gageons en effetque les contribuables concernés sauront trouverles montages financiers leur permettant de recom-poser leur patrimoine et de transformer leurs biensimmobiliers en portefeuilles de titres !

Quelle fuite des capitaux ?L’objectif d’une telle politique est de favoriserl’investissement productif, en supposant que lesplacements financiers soient de cette nature, cequi est plus que douteux quand on sait que lasphère financière est très déconnectée de l’éco-nomie réelle. Il s’agit aussi d’éviter les départsdes plus riches, voire de faire revenir ceux quiseraient partis. En réalité, ces départs sont loind’être massifs puisque, selon un rapport de laDirection générale des dépenses publiques, seu-lement 0,2 % du total des contribuables soumis àl’ISF avaient quitté la France en 2012. Pas sûrque le coût pour les finances publiques et doncpour les services collectifs que représentent cescadeaux fiscaux en vaille vraiment la peine etpermette autre chose que d’améliorer des situationsdéjà très confortables... n Clarisse Guiraud

IMPÔTS : NOËL AVANT L’HEURE ?

E. Macron et E. Philippe invententl’évasion fiscale à domicile !

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En multipliant les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, le gouvernement diminueconsidérablement leur contribution au financement des services publics.

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LA MOBILISATION SOCIALE

Faire des études !Est-ce bien raisonnable ?Adapter les diplômes à l’emploi irrigue toujours une pensée politique conservatrice.C’est pourtant faire fi de la nécessité pour les salariés de disposer d’une capacité d’évolutiondans leur(s) emploi(s).

CETAi

Exigeons un débat !Le CETA (traité de commerce etd’investissement entre le Canada etl’Union européenne) est entréprovisoirement en application le21 septembre dernier, mais lecombat continue. Interpellez vosparlementaires pour exiger la tenued’un référendum pour que chaquecitoyen et citoyenne s’empare dudébat.

Paradise Papersi

Intériale épingléepar Le MondeLa mutuelle Intériale n’est passeulement associée à une sociétéd’assurance, elle a aussi ouvert unefiliale sur l’île de Malte, afin debénéficier d’un taux d’imposition surles bénéfices très avantageux : 5 %au lieu des 33,3 % applicables enFrance. N’est-il pas contradictoirede proposer une assurancecomplémentaire aux fonctionnairestout en mettant en place undispositif d’optimisation fiscale ?

Royaume-Unii

L’économie au ralenti...Alors que l’économie mondialesemble plutôt dynamique, lesprévisions de croissance duRoyaume-Uni sont peu réjouissantes.Elle passerait sous la barre des 1,5 %au moins jusqu’en 2021. En cause, lemanque d’investissements et la trèsfaible productivité des travailleursbritanniques : elle est inférieure de20 % à celle des Français. Certes lechômage est officiellement faible,mais les temps partiels et laprécarité se développent autourd’une économie dite «  nouvelle  », etles coupes dans les investissementspublics des décennies précédentesont sapé le potentiel de croissance,en fragilisant notamment le systèmede formation professionnelle. Àméditer...

Paradis fiscauxi

Manque à gagnerpour tousSelon Gabriel Zucman, économisteet professeur à l’université deBerkley (dans une tribune duMonde), les entreprisesmultinationales localisent 40  % deleurs profits dans les paradisfiscaux, et les particuliers y placent8  % de leur patrimoine financier.Le manque à gagner fiscal esténorme : 350 milliards d’euros paran au niveau mondial, dont20 milliards pour la France.

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Dans l’ouvrage qui a fondé les recherches surla mobilité sociale, en 1927, le sociologuePitirim Sorokin s’inquiétait de la hausse très

forte du nombre d’étudiants dans les universitésaméricaines. Il voyait là de graves risques pour lastabilité de l’ordre politique : trop de jeunes dési-raient obtenir des diplômes élevés, alors que lesemplois très qualifiés n’étaient pas en nombre suffi-sant. Cela ne pouvait déboucher que sur du « déclas-sement scolaire », des désillusions nombreuses, età terme une remise en cause plus ou moins violentede la société. Dans une logique parfaitement adéqua-tionniste, il expliquait que le rôle de l’école étaitd’abord de sélectionner les jeunes, pour mettre les« bonnes » personnes à la « bonne place », en fonc-tion des talents de chacun. Et qu’une école « trop »ouverte, pas assez sélective, pouvait donc déstabi-liser la société.

Pensée conservatriceQuatre-vingt-dix ans plus tard, la peur de la « révoltedes déclassés », l’attachement à la sélection, etsurtout le fantasme adéquationniste – croire quel’on peut ajuster au millimètre les individus, lesformations disponibles et les emplois qui le seront(peut-être) – semblent toujours irriguer une penséepolitique foncièrement conservatrice : que chacunreste à sa place ! Il est d’ailleurs de bon ton derépéter que «  l’ascenseur social est en panne »,que les diplômes sont trop nombreux et dévaloriséspour permettre à leurs détenteurs de s’élever dansla hiérarchie sociale, etc. Il vaudrait donc mieuxêtre raisonnable, et renoncer à vouloir des diplômesplus élevés, ou à vouloir pousser les jeunes à pro-longer leurs études.Problème : la réalité est un peu plus « complexe ».Certes, les dernières données de l’Insee donnentun tableau peu réjouissant des évolutions de lamobilité sociale. Évolutions quasi-nulles depuisplusieurs décennies. Mais le fait que la mobilitésociale – la possibilité d’avoir une autre positionsociale que ses parents – n’augmente pas, ne veutpas dire qu’elle n’est pas forte. En moyenne, environdeux tiers des individus de 40 à 60 ans appartiennentà une catégorie sociale différente de celle de leursparents. Et de très récents travaux de Louis-AndréVallet(1), spécialiste de la question, montrent que la« fluidité sociale » (notion un peu différente) a aug-menté depuis l’après-Seconde Guerre mondiale :l’origine sociale des individus (la classe socialedans laquelle ils ont grandi) pèse de moins en moinssur leur parcours, sur leurs « destinées ». Pourquoi ?En partie parce que la structure sociale évolue. MaisVallet montre surtout que « le changement relatifà l’éducation dans ses deux composantes – l’ex-

pansion de l’enseignement d’un côté, la démocra-tisation en elle-même de l’autre – a joué un rôle-clé dans la création d’une fluidité sociale accrueou d’une plus grande ouverture sociale en France. »

Pratiques d’entreprisesAinsi, la massification de l’école a permis que lesindividus soient moins « déterminés » par leurnaissance à « rester à la même place » que leursparents... L’école française ne serait peut-être pascaractérisée par l’inefficacité qu’on lui prête sou-vent. Et les diplômes ne seraient peut-être pas sidévalorisés qu’on aime à le dire. « Dévalorisation »dont l’idée même est contestable. D’ailleurs, le faitque les employeurs recrutent des jeunes « surqua-lifiés », donc sur des postes « déclassés », ne veutpas dire qu’ils n’utilisent pas tous les savoirs etsavoir-faire que les diplômés ont intégrés pendantleurs études. Et il est curieux de reprocher auxdiplômes et à l’école une situation qui est d’abordproduite par les pratiques de gestion de la main-d’œuvre des entreprises.

Les faits sont donc têtus : la massification del’école, sa démocratisation (relative), n’ont pasprovoqué les «  catastrophes  » sociales que lesconservateurs annoncent régulièrement. Elles neportent pas tous les fruits qu’on en espère, maiscela montre surtout qu’une société de classes sait« résister » aux changements qui pourraient mena-cer ses fractions privilégiées. Par exemple, encherchant à barrer la route des études supérieuresaux jeunes des classes populaires qui oseraientvouloir améliorer leur sort. n Romain Gény

(1) Louis-André Vallet, « Mobilité entre générations et flui-dité sociale en France », Revue de l’OFCE, n° 150, 2017.

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ECO/SOCIAL

Dans son livre Dire non ne suffit plus, sous-titré « contre la stratégie du choc de Trump »,Naomi Klein dresse un réquisitoire contre la

politique que le locataire de la Maison Blanchemet en œuvre ou qu’il voudrait mettre en œuvre.

Une politique faite dedéfense des intérêts desnouveaux milliardaires etdes sociétés multinatio-nales, installées dans lecourt terme, sans projetd’avenir et, souvent, sansvéritable compréhension dupassé. Contre tous les bienscommuns, toutes les soli-darités collectives, pour ladéfense des seules grandes

firmes, avec Trump et ses fake news, le néolibé-ralisme, mâtiné désormais de revendications iden-titaires, broie toutes les oppositions et bafoue ladémocratie pour organiser une société purementrépressive, en s’appuyant sur des groupes fascisteset suprémacistes blancs.

Utopies et réalité socialePour lutter contre cette politique globale, il faut,dit-elle, « oser rêver », renouer avec les utopiespour démontrer que « le temps est venu de bondir ».Son argumentation s’appuie sur une analyse sous-jacente de la crise systémique du capitalismedébouchant sur des mutations climatiques et desdésastres écologiques importants. Naomi Kleinnous invite à réaliser nos utopies pour forger unavenir commun et édifier un autre monde, qu’ellesouhaite « solidaire et bienveillant ».Isabelle Delannoy, ingénieure agronome, se posedes questions similaires. Elle y répond en propo-

sant des solutions qui permettraient à la fois d’éco-nomiser de l’énergie, de lutter contre les crisesécologiques et de développer la production. Ellepasse en revue la permaculture – un procédé quirespecte la terre considérée comme un bien gra-tuit –, l’économie circulaire et beaucoup d’autresprocédés absolument indispensables. Elle nommecet ensemble, qui prétend « faire vivre en harmonieles êtres humains et les écosystèmes », « l’éco-nomie symbiotique ». C’est ainsi qu’elle a intituléson dernier ouvrage, dont le sous-titre manquesingulièrement de modestie : Régénérer la planète,l’économie et la société. Unélément fait en effet défautdans ce livre : la compré-hension du fonctionnementdu capitalisme pour iden -tifier, comme le fait NaomiKlein, les forces socialesopposées à ce projet. Ap -pré hender le passé est vitalpour définir une autresociété qui fonctionne surd’autres critères. Les êtres humains sont insérésdans des enjeux qui les dépassent, ils font leurpropre histoire dans des conditions qu’ils n’ontpas librement déterminées.Dans la construction d’« utopies réelles » – pourreprendre le titre de l’ouvrage d’Erik Olin Wright(La Découverte) – les réponses nécessaires auxcrises, aux inégalités croissantes, sont des pointsde départ pour synthétiser toutes les solutions,même partielles. n Nicolas Béniès

• Dire non ne suffit plus, Naomi Klein, Actes Sud ;L’économie symbiotique, Isabelle Delannoy, ActesSud/Colibri.

L’IMAGINATION AU POUVOIR

Renouer avec les utopiesLes utopies sociales ne peuvent être réduites à de doux rêves que les éditorialistes en vueont beau jeu de révoquer comme matrices des totalitarismes. Fondamentalement régulatrices,elles nous ouvrent des pistes vers un futur plus fraternel.

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Sécurité socialei

Des restes à chargetrès variablesC’est ce que montre l’observatoire dela Mutualité française. En optique parexemple, « les patients disposantd’une couverture complémentaireremboursant 220 euros pour unéquipement unifocal et 345 eurospour un équipement multifocal,auront un reste à charge moyen, toutéquipement confondu, de 4 euros enAriège et de 236 euros à Paris ». Dansces conditions, la promesse ducandidat Macron (100 % deremboursement sur les lunettes etdes prothèses auditives et dentaires)va être difficile à mettre en œuvre...https://placedelasante.mutualite.fr/observatoire-1re-edition/

Bitcoini

10 000 dollarsLe bitcoin a franchi la barre des10 000 dollars. Son cours a étémultiplié par 10 en 2017 ! Cettemonnaie privée, créée de manièreélectronique par l'interconnexion demilliers d'ordinateurs, sans banquecentrale ni État, connaît un succès fou.La totale opacité des transactions,permettant tous les trafics, n'y estsans doute pas pour rien...

Chômagei

DécevantLes données publiées par l’INSEE le16 novembre font apparaître un reculdu taux de chômage de 0,3 point.Une piètre performance, alors que, àen croire les observateurs, la repriseéconomique est là. Entre juillet etseptembre, le taux de chômages’élevait à 9,7 % de la population, endessous de son point haut de 10,2 %atteint en 2015 mais encore très loinde son niveau d’avant crise de 7,2 %.

Budgeti

Jamais assezSelon Bruxelles, la France devraitterminer l’année 2017 avec un déficitbudgétaire de 2,9 %. Ceux quicroyaient pouvoir contenter laCommission européenne avec undéficit inférieur à 3 % selon le dogmeimposé par la Pacte de stabilité et decroissance devront déchanter. D’abordparce que la moyenne des déficits desÉtats de l’Union européenne estmaintenant proche de 1 % et qu’endessous de 3 %, si la France ne risqueplus d’être sanctionnée, elle doit allerplus loin et viser une réduction de0,6 point de son déficit structurel, celuiqui est calculé indépendamment de lareprise économique. Comme pour unélève dont les résultats s’améliorent, laCommission exige de la France qu’elle« poursuive ses efforts ».

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DOSSIEREnseignement technologique et professionnel

Supplément au no 774 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 21

Àchaque fois, excepté sur l’apprentissage, les diplômes professionnelset technologiques (CAP, BAC pro ou techno, BTS...) sont oubliés desdébats. L’enseignement professionnel et technologique pour les jeunesen formation initiale s’en trouve marginalisé. Pourtant ces enseigne-ments sont loin d’être à la marge : la moitié des bacheliers possèdent

un bac technologique ou professionnel et 25 % des bacheliers poursuivent leurs étudesen BTS, autant qu’en licence.Comment ne pas voir dans les décisions et les projets du gouvernement pour le seconddegré des freins au renforcement de la démocratisation dans l’accès aux diplômeset aux qualifications, pour ne pas dire « un renforcement des ségrégations sociales ».Comment ne pas voir le risque que les formations technologiques et professionnelles,pourtant voies de réussite, se transforment en voies de relégation ! Ce dossier a pourambition de présenter, de manière équilibrée, les formes et les faiblesses des forma-tions professionnelles et technologiques initiales.

Le gouvernement annonce de

nombreuses réformes qui

risquent de modifier

radicalement le paysage

de la formation de notre pays :

ordonnances sur le code du

travail, accès à l’enseignement

supérieur, réforme du bac,

formation professionnelle,

apprentissage.

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Dossier coordonné par Thierry Pétrault. Ont participé à la rédaction : Gilbert Carbonnier, Michel Galin,Claire Guéville, Marie-Agnès Monnier, Thierry Reygades, Frédérique Rolet, Josiane Seigneur

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Espace de réussiteou voie de relégation ?

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Repères

Classiquement, l’enseignement profes-sionnel est présenté comme en tensionentre sa vocation républicaine (« former

l’homme, le travailleur, le citoyen ») et lesattentes des entreprises, qui concernent essen-tiellement le travailleur (préparer au plusjuste à l’occupation des postes de travail).La complexité de l’histoire de cet enseigne-ment tient à ce que les objectifs qui prévalentà chacun de ces deux pôles ne sont pas défi-nis de façon univoque et définitive.

Assurer une formation complèteDe 1892 aux années 1930, le dispositif exis-tant – écoles pratiques du commerce et del’industrie, écoles nationales professionnellesou écoles de la ville de Paris – forme une éliteouvrière et l’encadrement direct de la pro-duction. Ces établissements sont rattachésau ministère de l’Industrie et non à celui del’Instruction publique. Des années 1930 à1959, l’État va étendre progressivement samainmise sur l’enseignement professionnel.

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Et il reste soucieux d’assurer une formationcomplète, qui ne se cantonne pas à l’acqui-sition de savoirs d’action mais équilibre ensei-gnements généraux, théoriques et pratiques.Le Front populaire de 1936 établit le mono-pole de l’État sur la délivrance des diplômes,qui devront désormais garantir non seule-ment l’acquisition de connaissances mais laréalité d’aptitudes professionnelles forméespar le système éducatif, notamment par l’in-troduction des conventions collectives.Entre 1959 et le milieu des années 1970,l’enseignement professionnel devient unefilière dans laquelle on entrera en fin de Cin-quième de collège, et accueille en propor-tion croissante les élèves que l’on pense, àl’époque, incapables de suivre l’enseigne-ment général. À partir de 1973, l’essor d’unchômage de masse permanent et la dégrada-tion qui s’ensuit du rapport des forces capi-tal/travail permettent au patronat d’engager lerétablissement de son emprise sur l’ensei-gnement professionnel. Foin de la formation

de l’homme, du travailleur et du citoyen, etretour à la formation « au plus juste » auxemplois disponibles ici et maintenant.

Accès au supérieurLes trois dernières décennies (de 1985 àaujourd’hui) sont bien sûr marquées par lacréation du bac pro qui complète le disposi-tif des trois voies (générale, techno lo gique,professionnelle), chacune d’entre ellesconduisant désormais au terme du secon-daire. Le bac pro est bien un diplôme de l’enseignement professionnel, privilégiantla définition de référentiels de formation etl’approche par les compétences. Mais c’estaussi une formation qui ouvre sur l’ensei-gnement supérieur. n

En formation initiale, les jeunes ont un sta-tut de scolaires, d’étudiants ou de sala-riés (les apprentis). Ce qui distingue les

deux univers est l’existence pour les appren-tis d’un contrat de travail, c’est-à-dire d’unlien de subordination à l’employeur. Mêmes’ils préparent le même diplôme, scolaireset apprentis ne sont pas dans les mêmesconditions : les heures de formation pourles scolaires sont plus importantes, pour lesapprentis ce sont les périodes en entreprise.Les apprentis touchent un salaire qui ouvreaux prestations sociales.Aujourd’hui, 700 000 élèves préparent unCAP et un bac pro par la voie scolaire, ils sont250 000 à les préparer par apprentissage.Pour le baccalauréat professionnel, 80 % desjeunes suivent leur formation par la voie sco-laire. L’apprentissage se développe essen-tiellement au niveau du supérieur : les entre-prises exigent de plus en plus des apprentisdéjà qualifiés. Il faut préciser qu’un apprentisur deux est au moins diplômé du bac à la

signature de son premier contrat. En Île-de-France, par exemple, il y a plus d’apprentis auniveau master qu’au niveau CAP.

L’apprentissage plus cherGlobalement, les formations en apprentis-sage coûtent plus cher que celles sous statutscolaire ou d’étudiant et sont ségrégatives.L’investissement public pour les apprentis estde 18 700 euros contre 12 200 euros pour lesélèves (donnée CNEFOP). En moyenne,38 % des contrats d’apprentissage sont rom-pus chez les apprentis mineurs suivis à 75 %d’un abandon de la formation (DARES).Constat éloquent, 15 % des jeunes origi-naires d’Afrique noire et 19 % des jeunes ori-ginaires du Maghreb ont réalisé leur der-nière année de formation professionnelle enapprentissage contre 38 % des jeunes origi-naires d’Europe du sud (CEREQ). Enfin, untiers des apprentis sont des filles alors que cetaux est d’environ 50 % dans les lycées pro-fessionnels.

L’insertion professionnelle est légère-ment meilleure pour les apprentis (ce qui s’explique par le fait que les entreprises quisignent des contrats d’apprentissage sont souvent dans une dynamique économiquefavorable). n

L’enseignement professionnel

Une histoire de plus d’un siècleCet enseignement a été ballotté au fil de l’histoire entre l’influence de l’entreprise et l’empreinte de l’État.

Scolaires et apprentis ne sontpas dans les mêmes conditions

Apprentis ou scolaire ?L’ensemble des formations professionnelles sont des formations en alternance.

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253 400étudiants préparent un BTS par la voie scolaire,60 834 par apprentissage(sources : RERS, 2015).

420 000C’est le nombred’apprentis pour l’année2016-2017 soit 7 %des jeunes de 16-25 ans.

Enseignement technolo et professionnel

FormationcontinueElle s’adresse à toutesles catégories d’adultes actifs.Elle leur permet de renforcerou d’acquérir un niveaude qualification reconnue.

FormationinitialeElle concerne tous les jeunes, tantqu’ils n’ont pas quitté le systèmede formation depuis plus d’un an,pour l’obtention d’un premierniveau de qualification.

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Depuis 1983, les Régions détiennent lacompétence sur l’apprentissage, com-pétence renforcée depuis en 1993, 2004

puis 2014 (loi sur la formation profession-nelle). Au-delà des alternances politiquestant régionales que nationales, l’ARF (Assem-blée des Régions de France) puis RF (Régionsde France) ont été des zélateurs de l’appren-tissage.Malgré de nombreuses études qui montrent quele lien entre formation et emploi est complexe,les Régions en restent à une équation simple :pour faire diminuer le chômage, il faut que lesformations, à tous les niveaux, soient adaptéesaux besoins immédiats des entreprises. Pour les

niveaux IV et V (pré-bac), les formations enlycée professionnel ne s’adapteraient pasassez vite et l’apprentissage offrirait unemeilleure insertion dans l’emploi. Les Régionsont donc développé des campagnes de com-munication, ont complété les subventions del’État aux entreprises et ont parfois pesé pourfermer des formations en LP pour ouvrir lesmêmes en centre de formation des apprentis(CFA). Cependant, l’apprentissage stagne etn’a jamais atteint l’objectif de 500 000 appren-tis annoncé à plusieurs reprises. De plus l’ap-prentissage diminue inexorablement pour lesniveaux pré-bac. Au lieu de réfléchir sur lesbesoins de qualification et la demande sociale

Régions et apprentissage

S’adapter aux besoins des entreprisesLes Régions sont devenues les pilotes d’un service qui va de l’orientation à la formation professionnelle.

des jeunes comme des familles, les Régionspratiquent la fuite en avant.

Les dépenses de formation diminuentQui plus est, l’effort financier des Régionsn’est pas à la hauteur de leurs discours : leursdépenses de formation professionnelle (conti-nue et initiale) ont diminué de 10 % en dix ans...Les différents schémas des formations adop-tés récemment par les Régions se ressem-blent tous ; les projections à court terme nepermettront ni aux jeunes ni aux salariés dese former et se qualifier pour faire face auxenjeux que sont la transition climatique etl’adaptation au numérique. n

La «  certification professionnelle »désigne tous les diplômes, titres et cer-tificats à vocation professionnelle. Le

diplôme ouvre à la poursuite d’études, onparle de double finalité des diplômes tech-nologiques et professionnels. On retrouvepour un même « métier », différentes « cer-tifications » : diplômes mais aussi titres (duministère du Travail notamment), ou certifi-cations de branches professionnelles valablesdans la seule branche... Sans compter, dans lecadre européen, des diplômes d’autres pays. Trois registres de certification figurent dans leRépertoire national des certifications profes-sionnelles (RNCP) : les diplômes et titres afinalité professionnelle delivres au nom de l’État, élaborés et/ou validés par une Com-mission professionnelle consultative (CPC)(Éducation nationale, ministère du Travail,

Agriculture, Sports, Affaires sociales, minis-tère de l’Enseignement supérieur et de laRecherche), et les Certificats de qualificationprofessionnelle (CQP), delivres par lesbranches professionnelles, créés a l’initiatived’une trentaine de branches professionnelles.

L’ÉN, premier ministère certificateurS’y ajoutent les certifications délivrées sous latutelle de ministères sans instances consulta-tives incluant les partenaires sociaux et par desétablissements de formation publics ou privés(Défense, Culture, chambres consulaires, éta-blissements...). Les diplômes technologiqueset professionnels s’obtiennent par la formationinitiale, sous statut scolaire ou par apprentis-sage, ainsi que par la formation professionnellecontinue ; il s’agit de formations en alter-nance, les formations sous statut scolaire ou

L’univers de la certification

Diplômes, certifications et emploiLe « diplôme » et plus généralement la «  certification » restent un atout indéniable pour l’insertion professionnelle.

d’étudiant comportant des stages ou despériodes de formation en entreprise (à l’ex-ception de la plupart des baccalauréats tech-nologiques). Par ailleurs, dans le cadre de laValidation des acquis de l’expérience (VAE),toute personne engagée dans la vie activepeut également obtenir « tout ou partie d’undiplôme ou d’un titre à finalité professionnelleen faisant valider les acquis de son expé-rience professionnelle ». L’Éducation natio-nale est le premier ministère certificateur. n

Une certification professionnelle atteste d’une « qualification », de capacités à réaliser des activités pro-fessionnelles dans le cadre de plusieurs situations de travail et à des degrés de responsabilités définis dansun « référentiel ». Celles portant sur une technique particulière (maîtrise d’un logiciel, ex. certification Micro-soft), une connaissance spécifique (niveau d’anglais comme le TOEIC) voire une activité réglementée (commele permis de conduire), ne sont pas des certifications professionnelles au sens décrit ci-dessus et n’ontpas vocation à figurer au RNCP. Le diplôme se réfère généralement à un parcours d’études scolaires, uni-versitaires ou à l’établissement dans lequel ce parcours a été suivi (diplôme universitaire, de grande école...).Le titre s’attache davantage à la fonction qu’il permet d’occuper (titre d’ingénieur, de psychologue...).

L’apprentissage stagne etn’a jamais atteint son objectif

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32 %Le taux de chômage des non-diplômés est de 32 %pour la génération 2004, trois ans après de la sortiedu système éducatif. Alors que pour les displômésd’un masters, il n’est que de 6 % après trois ans devie active et de 4 % pour les displômés des grandesécoles.

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65 % pour les scolaires,

74 % pour les apprentis

ayant un CAP

76 % pour les scolaires,

89 % pour les apprentis.

ayant un Bac pro

84 % pour les scolaires,

90 % pour les apprentis.

ayant un Bac +2

Insertion professionnelleLe taux d’insertion professionnelle (taux d’emploi à trois ans) est de :

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sociale. Le diplôme reste une arme pour lesenfants des classes populaires à condition qu’ilssoient «  forts parmi les faibles  », c’est-à-direqu’ils soient « méritants » et qu’ils obtiennent lesmeilleurs résultats.

L’US Mag : Le baccalauréat va être rénové, sonrôle de sésame vers l’enseignement supérieurrisque d’être amoindri. En période d’individua-lisation des parcours de formation ou profes-sionnels, un diplôme garanti collectivement a-t-il encore raison d’être ?Ph. L. : Le bac n’est déjà plus essentiel pourl’accès à l’enseignement supérieur. En effet,les inscriptions post-bac sont traitées à partir

des résultats scolaires en Première et Ter-minale et non à partir de la réussite aubaccalauréat qui valide uniquement l’af-fectation. Et dans le même temps, y com-pris pour le baccalauréat professionnel, ilest une propédeutique vers l’enseignementsupérieur. C’est d’ailleurs un des para-doxes : le bac professionnel conçu pourl’insertion professionnelle devient, dans lecadre d’une seconde chance, la porte d’en-trée vers des formations supérieures de typeBTS. Et ceci est encouragé par l’institution,notamment par la mise en place de quotaspréservant des places aux bacs pro dans cesformations sélectives. En terme d’insertionprofessionnelle, et quel que soit le niveau, lesnomenclatures des formations et les nomen-clatures d’emplois ne s’emboîtent pas. En cesens le pur adéquationnisme est un mirage. Deplus, la création de diplômes s’inscrit dans

une logique de long terme, or la structure desemplois est donnée à court terme.Par ailleurs, les parcours de formation deviennentmixtes, des années de formations professionnelless’intercalent dans des années de formations géné-rales, ou l’inverse.On continue à penser la dualité entre « pro » et« générale », alors que les frontières semblent s’es-tomper entre ces deux domaines, et on est peut-êtreà la croisée des chemins sur cette problématique. n

(1) Les Sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohé-sion sociale, François Dubet, Marie Duru-Bellat, AntoineVérétout, Éditions du Seuil, 2010.(2) Stratégie nationale de l’enseignement supérieur.

Entretien

L’US Mag : Certains auteurs, à l’image deMarie Duru-Bellat, semblent attribuer audiplôme, ou plutôt à sa suprématie, unepart de responsabilité dans l’affaiblisse-ment de la cohésion sociale : « il semble yavoir une tension entre le rôle social et éco-nomique du diplôme et la cohésion sociale »(1).Que pensez-vous de cette approche ?Philippe Lemistre : Je ne reprendrai pas cetteproblématique en ces termes. Il est vrai quesi le système éducatif est utilisé finement parles classes supérieures, il n’est pas responsabledes tensions sociales, en particulier celles surl’emploi.Il y a une facilité des politiques à donner unelourde responsabilité du chômage au systèmede formation alors que si le système éducatifparticipe au phénomène de reproductionsociale, les causes du chômage se situentd’abord au niveau du marché de l’emploi.Nous restons, en France et en Europe, dans la volontéd’expansion scolaire (objectifs STRANES(2) : por-ter à 60 % de diplômés du supérieur à l’horizon2020), avec l’espoir que cela permettrait d’obtenirde la croissance. Dans ce contexte, au moins doit-on veiller à ce que les inégalités sociales dans lesystème éducatif ne reproduisent pas celles dumarché du travail.

L’US Mag : D’autres, comme Tristan Poul-laouec, voient le diplôme comme étantune arme des faibles, les enfants desclasses ouvrières en feraient un objectifafin de retrouver une ambition à la fois entermes de poursuites d’études commed’insertion pro fessionnelle. En période decrise économique, cette motivation vousparaît-elle pertinente ?Ph. L. : Le diplôme demeure incontesta-blement une protection forte contre le chô-mage même si le système éducatif reproduitégalement les discriminations présentesdans la société.Par exemple, il est très fortement genré, lesfilles réussissent mieux que les garçonsmais elles sont moins présentes dans lesfilières les plus rémunératrices. Et elles sontégalement présentes dans des secteurs oùelles ont du mal à faire reconnaître leur qua-lification, par exemple la santé et l’action

« Le diplôme demeure incontestablementune protection forte contre le chômage »Philippe Lemistre est directeur adjoint du Centre d’Études et de Recherche Travail,Organisation, Pouvoir à l’université de Toulouse (CERTOP) et chercheur au Centre d’Études etRecherche sur les Qualifications (CEREQ). Le diplôme, parfois présenté comme un frein audéveloppement du système de formation, voire de l’emploi, est néanmoins généralement

considéré comme la meilleure arme contre le chômage. Au moment d’un nouveau débat sur le rôle et l’efficacité dubaccalauréat, il nous livre son sentiment sur le rôle social et économique des diplômes.

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Enseignement technolo et professionnel

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teurs professionnels, à l’entréesur le marché du travail. Com-ment expliquer qu’après des formationssélectives comme la restauration et l’obten-tion du diplôme, si peu de jeunes restentdans la branche ? L’illusion qu’il suffiraitd’offrir des informations fiables et objec-tives pour que les élèves choisissent sanshésiter les filières qui leur sont désignées,montre la méconnaissance des aspirationsdes jeunes et l’occultation de l’instabilité dumarché du travail. Or c’est grâce à une solideformation initiale que l’adolescent peut pro-gressivement se construire et construire son

projet de forma-tion. En outre, le

droit à l’erreur, troppeu prévu dans nos pro-

cédures d’affectation, rendencore plus compliqué pour

nombre de jeunes un choix dontils pressentent qu’il sera difficile-

ment réversible. Les mesures annon-cées dans le plan étudiant renforçant la sélec-tion vers les études post-bac risquentd’accroître encore les inégalités d’accès àl’enseignement supérieur et d’accentuer laconcurrence entre les lycées, et entre les éta-blissements supérieurs. Des interventions enamont, pour favoriser la réussite et l’inves-tissement dans les études, une augmentationdes capacités d’accueil, voilà qui pourraitaméliorer l’orientation des jeunes. Mais cecisuppose une réelle volonté politique ! n

Avec une solideformation initiale,

l’adolescentpeut construire

son projet

Quel sens revêt la notion d’échec quand,pourtant, globalement la très grandemajorité des bacheliers technolo-

giques et professionnels finissent finale-ment par être diplômés de l’enseignementsupérieur ? Ils choisissent majoritairementdes filières professionnelles courtes, en par-ticulier les sections de technicien supérieur,et de façon plus marginale, les IUT. Globa-lement, un peu moins de deux tiers des ins-crits obtient son BTS en deux ans et la réus-site en trois ans est à peine plus élevée(67,7 %), avec d’importantes disparités selonla voie de formation initiale (83 % pour lesbacheliers généraux, 71 % pour les bache-liers techno et 48 % pour les bacheliers pro).Pour la minorité inscrite en licence univer-sitaire, les différences de réussite entre lesbacheliers généraux et les autres s’expli-quent par des taux de passage en secondeannée très dissemblables. Seuls 8 % desétudiants issus de bac pro et 23 % issus debac techno parviennent en L2 après un oudeux ans en L1. Une fois passé cet écueil, les

taux de réussite au diplôme rejoignent lestaux moyens, soit plus de 75 %.

Des chemins de réussiteÀ chaque fois que l’on se donne les moyensde conserver les jeunes dans les formations,ou que l’on met en place des parcours parti-culiers permettant la réussite de chacun, tousles bacheliers peuvent réussir, à des degrés

divers, dans l’enseignement supérieur ! Lesinitiatives de classes de mise à niveau pourl’accès des bacs pro en BTS, opérées dans leslycées il y a une dizaine d’années, donnaientsatisfaction aux enseignants et aux jeunes. Ilexistait à l’Université des parcours licencespécifiquement prévus pour les bacs techno.Et le ministère est en train de supprimer lesformations supérieures d’arts appliqués par-ticulièrement adaptées aux bacs techno etpro du secteur. En réalité, les parcours aty-piques, non-linéaires, sont encore fréquents.Beaucoup de nouveaux bacheliers, quelleque soit leur voie d’origine, ne pourraientréussir sans le droit à l’erreur ou au tâton-nement. Dans cette perspective, l’améliora-tion des conditions d’enseignement et de vieétudiante constitue l’urgence. n

L’élaboration d’un projet d’études et deformation nécessite une lente matura-tion qui ne saurait réussir sans prendre

en compte les aléas et hésitations propres auxadolescents en pleine construction identi-taire qui peinent à se projeter dans un ave-nir incertain. Or, certains et singulièrementles plus fragiles, sont sommés de choisirtrès tôt une « orientation » précise et pré-tendument «  réaliste  ». Sous couvert de«  sécurisation  des parcours  », c’est aussisouvent la pression à la baisse sur les aspi-rations des jeunes de milieu populaire quis’opère. De « l’éducation à l’orientation » àla «  compétence à s’orienter  », les poli-tiques publiques ont souvent cherché à ins-trumentaliser l’orientation pour tenter derégler la problématique des «  métiers entension ». C’est faire peu de cas de la divi-sion sociale du travail et des processus quiamènent les adolescents à choisir des métiersjugés prestigieux.

Difficilement réversibleMais c’est aussi passer sous silence les condi-tions faites aux jeunes, dans certains sec-

Le projet d’orientation

Construction ou gestion des flux ?La « prescription d’orientation », « l’injonction au projet » viennent trop souvent percuter

la dynamique d’adolescents qui peinent à se projeter dans un avenir incertain.

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Parcours de réussite

Faire d’une minorité la majorité90 % des bacheliers technologiques et un peu moins de la moitié des bacheliers professionnels poursuivent des études

dans l’enseignement supérieur mais leur réussite est très variable selon le choix de la formation.

Trouver des voies adaptéesaux poursuites d’études de ces bacheliers©

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Les lycées professionnels et les lycéespolyvalents membres du GRETA(GRoupement d’ETAblissements)

offrent des formations professionnelles qua-lifiantes (spécialisation, perfectionnement),certifiantes (titres professionnels du ministère

du Travail et de l’Emploi, TOEIC, B2iA,TOSA, CléA, SST, blocs de compétences) etdiplômantes (CAP, bac pro, BTS) pour lesadultes salariés, en reconversion ou deman-deurs d’emploi. Les jeunes demandeurs d’emploi, sortis dusystème scolaire et de la MLDS, peuventaccéder à ces formations, notamment dans desdispositifs de retour en formation.

Pas d’apprentissageDes formations en alternance, comme lecontrat de professionnalisation, permettentainsi à ces publics de bénéficier d’un CDD ouCDI de 6 à 12 mois, suivant le besoin deformation, voire de 24 mois (en accord debranche professionnelle, cas du BTS ou bacpro si nécessaire). Les GRETA ne sont pas des Centres de for-mation des apprentis (CFA) et donc ne pro-posent pas de contrat d’apprentissage. Il n’ya pas de contrainte d’âge. Seule la rémuné-

Formation des adultes

Le rôle des GRETAGrâce aux GRETA, le service public de l’Éducation nationale joue un rôle non négligeable pour la formation

des adultes, en particulier ceux les plus en difficulté et les plus éloignés de l’emploi.

ration peut différer suivant l’âge et le niveaude formation du bénéficiaire (entre 55 % et100 % du SMIC). La durée de formationprofessionnelle en GRETA est comprise entre15 % et 25 % de la durée totale du contrat deprofessionnalisation. Elle ne peut être infé-rieure à 150 heures. Elle peut être portée à25 % pour des publics spécifiques (RSA,ASS, AAH...). D’autres formations en alternance, de quali-fication professionnelle, sont offertes par lesGRETA aux demandeurs d’emploi, finan-cées par Pôle emploi, les conseils régionaux,les conseils départementaux, les OPCA(Organismes paritaires collecteurs agréés),l’AGEFIPH (pour les personnes Reconnuesqualification travailleurs handicapés : RQTH).L’accompagnement à la Validation des acquisde l’expérience (VAE) réalisé par lesconseillers VAE des GRETA et les ensei-gnants de spécialités permet à tout public,ayant occupé un ou plusieurs emplois, rému-nérés ou pas, d’obtenir une certification ou undiplôme. Grâce aux GRETA la formationdes adultes ne bénéficie pas uniquement auxsalariés les mieux formés... n

La Mission de lutte contre le décrochagescolaire (MLDS) a deux finalités. Lapremière, réduire, par des actions de

prévention, le nombre de jeunes sortant pré-maturément du système scolaire sans diplômeet sans qualification ; ces jeunes sont appelés« décrocheurs » dans les textes de cadrage. Laseconde, prendre en charge, en partenariatavec les responsables des plates-formes desuivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD),ces jeunes de plus de 16 ans en vue d’uneinsertion sociale et professionnelle durable.Ce cadre national se décline académique-ment et le pilotage de la MLDS prend doncdes formes très variables sur le terrain, enétant géré par un DAPPIC, un CSAIO ouencore un conseiller technique spécifiqueauprès du recteur.

Des actions de remobilisationsLa circulaire du 29/03/2013 crée les réseauxFOQUALE, change la dénomination de laMGI en MLDS et réorganise les troisdomaines d’activité :

– la prévention du décrochage des élèvesencore scolarisés ;

– le conseil et l’expertise auprès des EPLEappelés dorénavant « Intervention » ;

– la remédiation qui comprend le repérage desdécrocheurs et la mise en place d’actionspour leur retour en formation initiale.

Cela se traduit sur le terrain par la mise enplace d’actions de remobilisation (ARTP)permettant aux jeunes de travailler leur projetprofessionnel et de s’inscrire dans une solutionde formation réaliste et réalisable, et d’actionsdiplômantes (MOREA, MORE, ITHAQUE...)leur permettant de repréparer leurs diplômes(bac, CAP) en petit groupe uniquement surles matières à représenter, mais aussi, par lagestion au cas par cas de situation d’élèvesen voie de décrochage.Les personnels MLDS se sentent souvent iso-lés pour mettre en œuvre des directives de luttecontre le décrochage scolaire alors que ces der-nières devraient être portées par les référentsdécrochage scolaire et les équipes éducativessous l’impulsion du chef d’établissement. n

Les dispositifs de retour en formation

Prévention du décrochage au quotidienLa MLDS s’inscrit dans la prévention du décrochage des jeunes de l’École,

c’est une mission permanente obligatoire depuis la loi d’orientation du 10 juillet 1989.

S’inscrire dans une solution deformation réaliste et réalisable

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Le GRETA offre des dispositifsde retour en formation©

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Enseignement technolo et professionnel

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Le second degré construit en diversifica-tion progressive, du collège pour tous aulycée décliné en voies et en séries,

devrait permettre aux jeunes d’obtenir undiplôme, le baccalauréat, garant d’une quali-fication professionnelle et/ou d’un accès auxformations supérieures et à l’Université.Les trois voies du lycée général, technolo-gique et professionnel doivent être construitesen complémentarité, permettant à chaque

jeune de trouver un par-cours de réussite jusqu’aubaccalauréat. La voie pro-fessionnelle, où les ensei-gnements s’appuient surdes champs de métiers,permet aux jeunes d’ac-quérir conjointement descompétences profession-nelles et les savoirs néces-

saires à l’insertion sociale et professionnelle,et aux poursuites d’études s’ils le désirent.

Avec des passerellesLa voie technologique s’appuie sur les prin-cipaux champs technologiques des systèmesde production de biens et de services. Elle per-met aux jeunes une conceptualisation desavoirs exigeants afin de préparer aux pour-suites d’études supérieures de bac +2 et au-

Les propositions du SNES-FSU 

Un droit pour tous à la formationFace à ces politiques de tri et de sélection, le SNES-FSU prône un projet

de formation initiale pour tous les jeunes, dans le cadre d’un «  droit au lycée pour tous ».

delà. La voie générale explore les disciplinesuniversitaires et prépare ainsi les jeunes auxformations supérieures universitaires. Le SNES-FSU propose des passerelles entreles différentes voies et séries, permettant auxjeunes des modifications de leur projet deformation, et de construire des réussites faitesde réelles possibilités de réorientation.L’apprentissage peut être envisageable, au-delà de 18 ans, dans les formations supé-rieures afin de permettre aux jeunes les moinsfavorisés de poursuivre des études supé-rieures. Il ne devrait pas venir en concur-rence avec les formations sous statut d’étu-diant mais, au contraire, enrichir l’offre deformation pour les jeunes qui le souhaitent oudes secteurs de formations pour lesquels l’ap-port des entreprises ou des organisations estnécessaire, à l’image par exemple de l’inter-nat dans les études de médecine (on peutaussi citer la maintenance aéronautique).Ce projet de formation exigeante pour l’en-semble des jeunes n’est pas utopique, il estsimplement nécessaire pour le développe-ment économique de notre pays et le pro-grès social pour les générations à venir. n

Les projets de réformes vontimpacter d’abord les jeunes lesplus en difficulté. On le voit

avec le développement de l’appren-tissage qui a pour but d’orienter versdes formations gérées par lesbranches patronales les collégiens lesplus en difficulté, en leur imposant unmode de formation souvent ségréga-tif, en les mettant précocement dansl’univers du travail (univers où lecode et la réglementation ont déjàété dégradés), alors que ces élèvesauraient besoin d’un meilleur accom-pagnement, dans des dispositifs quiexistent déjà à l’Éducation nationale, mêmes’ils sont sous-dotés.

Inadapté aux formationstechnologiques et professionnellesOn le voit aussi avec la réforme du bac, et sonmodèle en parcours disciplines principalesdites « majeurs » et options dites « mineurs »,qui est déjà contestable pour des parcours

d’enseignement général dans les domainesscientifiques, sciences humaines et sciencessociales, mais qui est complètement inadaptéaux formations technologiques et profes-sionnelles. Ces dernières mettent en œuvredes procédures et concepts de métiers pouracquérir des savoirs et des compétences pro-fessionnelles enrichies par des disciplinesgénérales construites en écho avec les disci-

Analyse des politiques gouvernementales

Les plus fragiles dans le viseurGlobalement, la politique gouvernementale entraîne une mise en difficulté des plus fragiles et favorise l’augmentation

des moyens de ceux qui possèdent le plus. L’éducation et la formation n’échappent pas à cette logique.

plines technologiques et profession-nelles. Nous sommes bien loin desmajeurs/mineurs, principe qui met-trait les jeunes des formations tech-nologiques et professionnelles encoreplus en difficulté et qui risquerait deprovoquer du décrochage scolaire. Et que dire de la réforme de l’affecta-

tion dans l’enseignement supérieur qui faitclairement apparaître que les titulaires de bacpro ne sont pas les bienvenus dans l’ensei-gnement supérieur, et qu’ils devraient plutôt« chercher un premier emploi avant d’envi-sager une poursuite d’études supérieures ».Dans l’éducation comme ailleurs, les plusfragiles sont ceux qui seront les plus mis endifficulté. n

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Pas deconcurrence entreles formations

Une volonté d’imposerun mode de formationsouvent ségrégatif

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28 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

MÉTIERAU MOMENT DE L’OUVERTURE D’AUDITIONS AU MINISTÈRE sur un bac « plus musclé », l’Académie des sciencespublie une note, s’appuyant sur les enquêtes TIMSS et PISA ainsi que la résolution de l’Assemblée nationalede l’hiver dernier pour proposer une série scientifique rénovée au lycée.

L’Académie préconise de restructurer l’en-seignement des mathématiques et de laphysique-chimie. Ses constats sur les

conséquences des réformes du lycée de 2000et 2010 sont édifiants et font écho à ceuxdu SNES-FSU :• inégalités accrues pour les élèves ne maî-

trisant pas les codes implicites de l’institu-tion scolaire du fait d’une contextualisationomniprésente qui brouille les enjeux scien-tifiques et de la juxtaposition d’activités ;le tout peut renforcer les « malentendusscolaires ». Ce sont alors les élèves appé-tents aux sciences qui s’ennuient le plus enclasse d’après une étude de l’IREM ;

• réduction des horaires : perte de 2 h 30 enPremière S avec la réforme Chatel et unprogramme de physique-chimie qui impliqueun travail de type « classe inversée » ;

• image erronée de l’activité scientifiquequi engendre des erreurs d’orientation ;

• déficience des programmes : manqued’axes directeurs et étude superficielle descontenus (partie mécanique bâclée...) ;

• structuration insuffisante des connais-sances :– lacunes en matière de calcul (équations

différentielles et intégrales, nombrescomplexes...),

– étiolement du lien entre mathématiqueset physique-chimie (quasi-disparitionde la géométrie utile pour les symétriesmoléculaires...) ;

• failles dans les raisonnements logiques :manque de précision du vocabulaire, dela syntaxe et de l’argumentation.

Quelles solutions ?Comme le SNES-FSU, l’Académie dessciences souhaiterait de nouveaux pro-grammes de lycée en série scientifique appro-fondissant les sujets étudiés et renouant lelien entre mathématiques et physique- chimie,avec des savoirs et des méthodes, notammentde calcul, ambitieux explicitement donnésà connaître.

Les SVT négligéesLe SNES-FSU regrette que les SVT n’aientpas été davantage citées dans cette réflexion.

Certes les « zones de superposition » desSVT et des mathématiques sont moins largesqu’avec la physique-chimie, mais ellesdemeurent fondamentales dans la formationdes scientifiques. n

Anne-Sophie Legrand, Jean-François Clair

(1) http://www.academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-l-Academie/restructurer-enseignement-physique-chimie-mathematiques.html

Pour une série S plus scientifique

L’Académie fait référence au rapport d’octobre 2016 présenté par quatresociétés savantes de mathématiques et d’informatique(1) : Société mathé-matique de France (SMF), Société informatique de France (SIF), Sociétéfrançaise de statistique (SFDS), Société de mathématiques appliquées etindustrielles (SMAI).Constatant que l’informatique est surtout abordée dans les programmesde mathé matiques, mis à part l’enseignement de spécialité Informationet sciences du numérique (ISN) en Terminale S, de l’enseignement d’exploration Information et création numérique (ICN) de Seconde et del’option Informatique et création numérique des séries générales (maisoubliant la technologie au collège), et rappelant que les sciences ne sontpas indépendantes, elles proposent d’intégrer quatre domaines  aux pro-grammes de mathématiques du lycée : logique, graphes, combinatoire,représentation et modélisation de l’information.Malheureusement, si les contenus de chaque domaine sont assez biendétaillés et souvent mis en relation avec des exemples concrets, il n’estfait aucune mention de ce qui devrait disparaître des programmes actuels.Cette initiative est cependant intéressante car elle fait apparaître pour lapremière fois un corpus détaillé de savoirs et savoir-faire destinés à

l’ensemble des élèves du lycée. Toutefois, si ces propositions étaientreprises pour la réforme du lycée, il faudra que le ministère les accompagnede textes de programmes plus clairs que ceux de la réforme du collège, etd’un plan de formation fondé sur une approche didactique approfondie.

(1) http://smf.emath.fr/sites/smf.emath.fr/files/gt-info-maths-5.pdf

Et l’informatique dans tout ça ?

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Supplément au no 774 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 29

COLLÈGE. Socle commun ou programmes découpés en une multitude d’items, pression pour supprimerles évaluations chiffrées, « moyennes » de couleurs, de pourcentages, opacité du fonctionnementdes applications privées : il est urgent de remettre du sens dans l’évaluation des élèves…

Évaluation : à la recherche du sens perdu

L’utilisation d’applications privées detype Pronote ou Sacoche pour évaluer« au fil de l’eau » les élèves doit relever

du choix d’équipe. Si ce choix est fait, lesenseignants doivent être libres d’élaborerleur éventuel référentiel, et doivent connaî-tre le paramétrage de l’algorithme qui pro-pose un positionnement des élèves sur lesdomaines et sous-domaines du socle com-mun en fin de Sixième et de Troisième.Or, dans la plupart des établissements, lesenseignants n’ont aucune visibilité sur lamanière dont les «  items  » évalués sontpris en compte dans chaque domaine dusocle, différentes pondérations étant pos-sibles, d’une discipline et d’un domaineou sous-domaine à l’autre.L’opacité de gestion des applications rendpossible la mainmise des chefs d’établisse-ment sur le positionnement des élèves. Au-delà, se pose la question de l’égalité de trai-tement des élèves : le contrôle continu n’étaitpas la panacée, mais un cap supplémentairea été franchi avec le renvoi au local du poidsde chaque discipline dans l’évaluation dusocle, et donc du DNB. Pour le SNES-FSU,

les disciplines doivent être prises en comptede la même manière au DNB sur l’ensembledu territoire. En tout état de cause, le paramétrage desapplications doit être décidé collectivement.Les applications ne remplacent pas le posi-tionnement décidé en conseil de classe,contrairement à ce que certains chefs d’éta -blissement affirment.

Garder la mainQuant au LSU, il doit être possible de le ren-seigner directement, sans passer par une appli-cation privée : renseigner une seule fois leséléments de programmes travaillés pour unemême classe à l’aide du menu déroulant prévuà cet effet, en lien avec les programmes dis-ciplinaires, et ne pas avoir à les ressaisir pourchaque élève. Il faut refuser de renseigner àla fois un bulletin et le LSU : un seul suffit. Le SNES-FSU appelle à ne pas renseignerles rubriques directement liées à la réforme(AP, EPI, parcours) qui ne sont pas des ensei-gnements spécifiques et sont intégrés auxdisciplines ou à indiquer « voir appréciationsdisciplinaires ». n Sandrine Charrier

Avec ce numéro de L’US, un spécial «  pro grammes du collège  », éga -le ment disponible en ligne : https://www.snes.edu/College-programmes-2016-Et-maintenant.html. N’hésitezpas à le diffuser. Quel bilan peut-on tirer un an aprèsla mise en place de ces programmeset des nouvelles épreuves du DNB ?Quels constats ? Quelles proposi-tions ? Faisons le point.

DNB : TOUTES LES DISCIPLINES DOIVENT COMPTER ! Le positionnement sur les huit domaines ou sous-domaines du socle pour le bilan de fin de cycle doitêtre abandonné au profit d’une évaluation disciplinaire équilibrée. Le SNES-FSU demande la suppressiondes appréciations (EPI, AP, parcours...) et des éléments de programme travaillés du LSU. L’articulation entre évaluation en classe et certification doit être repensée. Le DNB doit être unexamen national qui prenne en compte toutes les disciplines et certifie l’acquisition d’une culturecommune en terme de connaissances et de compétences définies par les programmes ; il doitêtre conçu non pas comme un examen de fin de scolarité obligatoire, mais comme une étapedans le cadre d’un second degré cohérent, articulant collège et lycée, et reposant sur des ensei-gnements disciplinaires.

Comment la réforme du collège, le nou-veau socle commun de connaissances, decompétences et de culture ont-ils impactél’évaluation des élèves dans la classe ?Comment les applications de type Sacocheou Pronote sont-elles utilisées ? Quel liens’opère dans les éta blis sements entreces applications et le positionnement desélèves sur les domaines du socle en finde cycle ? Qui décide de quoi ? Quelsimpacts sur nos métiers ?

https://www.snes.edu/Enquete-evaluation-college.html

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CATÉGORIES

Ainsi, M. Macron refuse de recevoir lessyndicats et associations du groupe des9 qui représentent 16 millions de

retraités. Le chef de cabinet termine soncourrier en se félicitant « de l’esprit dedialogue qui prévaut ». Bel exemple, effec-tivement, alors que le groupe des 9 demandeà M. Macron de le recevoir, depuis juin 2017.Belle expression du mépris envers 25 % dela population française. Belle illustrationd’une conception de la démocratie qui margi-nalise ainsi une part importante de la popu-lation du pays. Pourtant, les retraités ont unmessage à envoyer à M. Macron : ils ne sontpas seulement des personnes âgées à qui onveut bien accorder des aides sociales maisdes citoyens qui occupent une place légitimedans la société.

Beaucoup de choses à lui direLe groupe des 9 veut aussi dénoncer l’aug-mentation de 1,7 point de la CSG, mesureinjuste et lourde en termes de pouvoird’achat. La suppression de la taxe d’habi-tation, pénalisant les collectivités localeset qui va se traduire par moins de services

Dès la fermeture de SIAM, le 5 décembre,les participants à l’inter et aux mouve-ments spécifiques nationaux recevront

dans leur établissement la confirmation écritede leur demande.

La confirmationde demandeIl faut impérativementvérifier tous les élé mentsqui y sont portés (situationpersonnelle et administra-tive, vœux, barèmes re te -nus) et porter en rouge leséventuelles corrections.Veil lez à fournir toutes lespièces justificatives afinque les éventuelles bonifi-cations soient prises encompte. L’administrationne ré clame aucune pièce ;pour savoir lesquellesjoindre, consul tez le supplé-ment Mutations (joint àL’US du 13 no vembre et

téléchargeable sur le site du SNES-FSU). Sicertaines pièces ne peuvent être jointes, précisezpar écrit celles qui seront envoyées ultérieure-ment, en tout état de cause avant le GT de véri-

fication des vœux etbarèmes. Conservez undouble du dossier com -plet et joignez-en un à lafiche de suivi syndicale.

La fiche de suiviÀ chaque type demouvement correspondune fiche (téléchar-geable sur notre site).Elle est indispensablepour que les élusSNES-FSU puissentsuivre votre dossierindividuel. Elle per -met de vérifier et decompléter les infor-mations enregistréespar l’administrationafin de faire valoir

tous vos droits dans le respect des règlescommunes et de faire rectifier d’éventuelsoublis ou erreurs.Envoyez une fiche par mouvement auquelvous participez, avec copie de votre dossierde participation. La fiche pour le mouvementinter est à envoyer à la section académiqueSNES-FSU de votre académie actuelle :c’est dans cette académie que se tiendra leGT de vérification des vœux et barèmes etce sont les élus académiques qui suivrontvotre dossier. Pour les collègues relevantde la 29e base, la fiche est à envoyer auSNES national.Les fiches de suivi pour les mouvementsspécifiques sont à envoyer au SNES-FSUnational : ce sont les élus nationaux duSNES-FSU qui suivront votre demande etqui siégeront au ministère. Les fiches doivent être envoyées au plus tôtet avant la tenue des GT afin que les élusdisposent de suffisamment de temps pourles consulter et intervenir si nécessaire. n

Thierry Meyssonnier,Jessica Campain

INTER 2018. La période des vœux aux mouvements inter et spécifique s’achève le 5 décembre. Quelle serala suite des opérations ?

Les vœux sont faits ! Et maintenant ?

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Faites confiance au SNES-FSU !

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pratiques directement

sur le site du SNES-FSU

30 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

RETRAITÉS. Neuf syndicats et associations représentant les retraités demandent à être reçuspar le président de la République. Son chef de cabinet leur a répondu.

Dialogue social avec les retraités :une fin de non-recevoir

les EHPAD qui connaissent une situationexplosive : du fait de moyens insuffisantsleurs résidents souffrent d’une situation demaltraitance institutionnelle tout commeleurs personnels.

Guidé par les économiesMadame Buzyn envisage d’instituer desEHPAD « hors les murs » faisant du domi-cile le lieu de soins de la personne âgéedans le cadre du virage ambulatoire. Cen’est pas la réponse adaptée pour lespersonnes qui sont en EHPAD parce que,justement, elles ne peuvent rester chez elles.Mais c’est pour le gouvernement une sourced’économies, d’autant plus qu’il privilégie,par ailleurs, le rôle des aidants au détrimentdes personnels qualifiés. Rappelons que laprise en charge de la perte d’autonomieexige, au contraire, une prise en charge parla Sécurité sociale et la création d’un servicepublic.Oui, M. Macron, le groupe des 9 a bien deschoses à vous dire. Les retraités sauronts’adresser à vous et se faire entendre. n

Marylène Cahouet

publics, ne compensera pas la mesure pourtoutes et tous. Le groupe des 9 demandeaussi une réponse à son interpellation sur

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Supplément au no 774 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 31

La classe exceptionnelle est un débouchéde carrière après la hors-classe permet-tant l’accès à la hors échelle lettre A

(HEA) pour les professeurs certifiés, CPEet Psy-ÉN, et à la hors échelle lettre B (HEB)pour les professeurs agrégés. Le SNES et laFSU, dans le cadre des discussions relativesau protocole PPCR, ont agi pour obtenir cedébouché au-delà de la hors-classe et sonouverture à tous les personnels. La premièrecampagne de promotion permettra des nomi-nations rétroactives au 1er septembre 2017.

Deux voies d’accèsL’accès à la classe exceptionnelle est ouvertselon deux voies. L’une, imposée par l’ad-ministration, concerne les personnels ayantau moins atteint le 3e échelon de la hors-classe (2e échelon pour les professeurs agré-

gés) et ayant exercé au moins huit ans surl’ensemble de leur carrière dans des condi-tions d’exercice difficiles (établissementsclassés en éducation prioritaire et assimilés)ou ayant été affectés dans l’enseignementsupérieur, ou en tant que DDFPT, ou en tantque DCIO. La seconde voie, gagnée par leSNES-FSU, concerne tous les personnelsayant atteint le dernier échelon de la hors-classe. 80 % du contingent de promotionsera utilisée pour promouvoir les personnelsrelevant de la première modalité d’accès.Les personnels qui pensent relever de cettemodalité devront impérativement faire actede candidature via I-Prof entre le 8 décembreet le 22 décembre.

Barème nationalLe SNES-FSU a obtenu du ministère la miseen place d’un barème national pour l’accèsà la classe exceptionnelle. Celui-ci est consti-tué d’un avis du recteur (Excellent / Trèssatisfaisant / Satisfaisant / Insatisfaisant) etde l’ancienneté dans la hors-classe. Ce der-nier élément de barème ne servira qu’à dépar-tager les personnels ayant un même avis.

AnalyseLa composition du barème et les volumesde promotion risquent de conduire à unesaturation rapide des promotions si les rec-teurs ne privilégient pas les personnels enfin de carrière. En effet, les contingents depromotion dépendront rapidement du nombrede départs en retraite. Pour le SNES-FSU,les modalités d’accès, calquées sur les pra-tiques managériales en vogue dans l’admi-nistration, sont inadaptées à la structure descorps enseignants et assimilés. Les missionsreconnues créeront de fait des inégalitésentre les disciplines, les genres ou les corps,ce que le ministère reconnaît lui-même. LeSNES-FSU agit pour que les promotions quiseront effectuées dès cette année puissentpermettre à tous d’envisager à terme l’accèsà la classe exceptionnelle. n

Christophe Barbillat, Xavier Marand

ÉLECTIONS CHEZ LES PSY-ÉNLE SNES-FSU LARGEMENT MAJORITAIRE

Suite à la création du corps au 1er septembre 2017, le ministère a organisé des électionspour que les personnels élisent leurs représentants dans les CAPA et à la CAPN. Dans unscrutin marqué par une forte participation (plus de 66 %), le SNES-FSU et le SNUIpp-FSU,présents dans toutes les académies et au niveau national, ont remporté 5 sièges sur 7à la CAPN et 79 des 120 sièges disponibles aux CAPA.Le choix d’un corps unique regroupant les psychologues du premier et du second degré– choix porté par le SNES-FSU et le SNUipp-FSU – est validé par les collègues. Ces résultatsconfortent les revendications qu’ils continuent de prôner pour l’amélioration des conditionsde travail et de rémunération des personnels.

CLASSE EXCEPTIONNELLE. Le ministère a publié le jeudi 30 novembre 2017 la note de service pour l’accèsà la classe exceptionnelle avec effet à la rentrée 2017. Le SNES-FSU continue d’agir pour ouvrir ce nouveaudébouché de carrière à tous.

Première campagne de promotionCHAIRES SUPÉRIEURES

DÉBOUCHÉCHEZ LES AGRÉGÉS

Le SNES-FSU a arraché l’accès à la HEBpour les professeurs de chaire supérieure.Toutefois, le ministère a refusé d’ouvrircet accès dans le corps, contrairement ànos demandes. Pour y prétendre, les pro-fesseurs devront postuler dans l’espoird’accéder directement à la classe excep-tionnelle du corps des agrégés. Les moda-lités précises ne sont pas encore définies.D’un point de vue financier (y compris enincluant la rémunération des heures sup-plémentaires), les collègues y gagnerontpar rapport au maintien au dernier éche-lon actuel. Le SNES-FSU continue de por-ter la création de l’accès à la HEB au seinmême du corps des professeurs de chairesupérieure.

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32 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

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Dans son acception la plus courante, lamédicalisation désigne un processuspar lequel un “problème” en vient à

être défini en termes de maladie ou de“trouble”, dont l’interprétation et le traite-ment supposent l’intervention de profession-nels du soin, à commencer par les médecins »,rappelle le sociologue Stanislas Morel (lamédicalisation de l’échec scolaire). On parlede 20 % d’élèves en difficulté scolaire à l’en-trée au collège (rapport annexé à la loi deRefondation de l’école, juillet 2013), soitplus de 162 000 rien que pour ce niveau.Une part de cette difficulté scolaire s’est pro-gressivement « médicalisée ». Le phénomènen’est cependant pas facile à saisir et à mesurer.La catégorie des élèves en difficulté scolaireet suivis par un professionnel de santé n’existe

pas en tant que telle dans les statistiques duministère. Si certains n’hésitent pas à parlerd’« épidémie » (Le Figaro, 25/11/2009) àpropos de la montée en puissance des « dys »,nous ne disposons d’aucune donnée. Pour leministère, ces élèves sont en situation de han-dicap quand ils ont une notification MDPH,ce qui n’est pas toujours le cas. Par ailleurs,le handicap regroupe des troubles de nature,d’origine et aux conséquences diverses(troubles visuels, du psychisme, intellectuelset cognitifs, mais aussi handicaps moteursn’entraînant pas de difficulté scolaire). Parmieux, on distingue les troubles du langage etde parole, qui se sont substitués aux troublesspécifiques des apprentissages, qui compre-naient notamment la dyslexie et la dysphasie.Là encore les contours de cet ensemble sont

difficiles à cerner. Le nombre d’élèves souf-frant de troubles intellectuels et cognitifs n’acessé d’augmenter. Ils étaient 59 000 en 2006contre 112 000 en 2015. Mais, là encore, quefaut-il comprendre par ces termes ?

Naissance des anormauxL’intervention des professions de santé dansle domaine de la difficulté scolaire remonteau début du XXe siècle. Ainsi, le psychopé-dagogue Alfred Binet et le médecin aliénisteThéodore Simon construisent la figure des« écoliers anormaux » (enfants indisciplinés,« arriérés » car en retard). Ces derniers sontclassés en deux catégories : les « anormauxd’école » qui peuvent profiter d’un enseigne-ment spécialisé dans un établissement scolaireet les « anormaux d’asile » qui, eux, doivent

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PHOBIE SCOLAIRE, STRESS, DYSCALCULIE, DYSLEXIE, DYSORTHOGRAPHIE, DÉFICIT D’ATTENTION, ce que l’on appelledésormais les TSA semble se multiplier. Quelle est la réalité du phénomène ?

Difficulté scolaire : objet insaisissable

La médicalisation de la difficulté scolaire

CMPP : Centres médico-psychopédagogiques. Le premierest créé en 1945 au lycée Claude-Bernard. On en comptaittrois en 1960. Ils sont 300 aujourd’hui. Ils figurent parmiles institutions les plus sollicitées pour apporter uneaide aux enfants en difficulté dans le cadre scolaire.Leur gestion s’effectue dans un cadre variable (majo-ritairement privé). CRL : Centres de référence du langage. Ils sont implantésdans les centres hospitaliers régionaux. Ce sont deslieux d’information, de diagnostic et de prise en chargedes TSA. Dans ces centres, les références à la psycha-

nalyse sont remplacées par celles aux neurosciencescognitives.DYS : Préfixe tiré du grec dus-, qui exprime l’idée demal ou de manque. Il renvoie à l’idée de « mauvais fonc-tionnement ». Il a permis de forger de nombreux termesdésignant une difficulté scolaire : dyslexie, vers 1897(trouble de la capacité de lire), dysgraphie, en 1902 (dif-ficulté dans l’acquisition ou l’exécution de l’écriture),dysorthographie, vers 1960 (trouble dans l’acquisitionet la maîtrise des règles de l’orthographe), dyscalculie,en 1970 (trouble dans l’apprentissage du calcul).

ULIS : Unité localisée pour l’inclusion scolaire.MDPH : Maison départementale des personnes handi-capées, créée par la loi de 2005. Une de ses missionsconsiste à évaluer le handicap et les besoins de com-pensation de la personne dans cette situation. Elle éla-bore le PPS.TSA : Troubles spécifiques des apprentissages. Dys-fonctionnements cognitifs causés par des problèmesneurologiques d’origine organique, génétique ou cogni-tive, dont le traitement suppose la mise en œuvre derééducations ou une prescription médicamenteuse.

VOCABULAIRE

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être pris en charge dans des services médicauxspécialisés. Paradoxalement, il s’agit, par cemoyen, de permettre aux premiers d’accéderà l’école et de suivre une scolarité dans lesclasses dites de perfectionnement (financéespar les communes, elles ne se développentque dans les années 1950). Cette anormalitéest mesurée au moyen de l’échelle métriqued’intelligence, déterminée à partir de normesscolaires et non plus d’un acte médical. Dansles années 1950-1960, les professionnels dusoin s’intéressant à la difficulté scolaire sestructurent autour de deux pôles. Le premierregroupe des médecins, des professions para-médicales, certains psychologues, qui mettenten avant les facteurs biologiques et génétiques

dans l’émergence des troubles d’apprentis-sage. Le second regroupe des « psys », quitendent à prendre leurs distances avec lesapproches médicales traditionnelles et insistentsur une approche globale du phénomène (psy-chologie de l’enfant, famille, école).

Démocratisation et échec scolaireUtilisée régulièrement à partir des années1960, l’expression « échec scolaire » a faitflorès au cours des décennies suivantes, pré-cisément au moment où l’école amorce unevéritable démocratisation, notamment dansle secondaire. « Déstabilisés par l’accueilde “nouveaux” publics et par les effets dela réorganisation du système éducatif [...]les enseignants tendent, dans les années1960-1970, à favoriser l’orientation desélèves en grandes difficultés cognitives oucomportementales vers des filières spéciali-sées » (S. Morel). Or, les études menées parl’Institut national d’études démographiques(INED) au même moment montrent qu’unegrande partie de ces élèves sont issus desfractions les plus démunies de la société.C’est précisément à ce moment que la priseen charge médicale, notamment par les psychologues, des élèves« déviants » s’accroît. Lesannées 1980 voient se dévelop-per en France « les professionsparamédicales dont l’activité estliée aux questions scolaires(orthophonistes, psychomotri-ciens, ergothérapeutes)  »(S. Morel). Le phénomène n’estpas propre à la France, il concerneaussi par exemple le Royaume-

Uni. À partir des années 1990, l’échec sco-laire, mesuré à travers les sorties d’élèvessans diplôme, est, pour certains, la preuveque la démocratisation scolaire a fait fausseroute. Deux priorités sont formulées : l’écoledoit se recentrer sur les savoirs fondamentauxet le traitement de la difficulté scolaire doitêtre individualisé.

Inclure et individualiser : un défi qui nécessite des moyensLa mise en œuvre de l’individualisation desapprentissages pour les élèves en difficultéprend aujourd’hui des formes variées au

sein des établissements sco-laires : différenciation au sein

de la classe, mise en œuvre de Programmespersonnalisés de réussite éducative (PPRE),de Projets personnalisés de scolarisation(PPS) ou de Projets d’accueil individualisé(PAI) dans les ULIS. Mais, dans le mêmetemps que le ministère demande aux per-sonnels d’adapter et d’individualiser le suiviscolaire des élèves, il confond, dans unevaste catégorie, des handicaps de naturevariée. La catégorie des « élèves à besoinséducatifs particuliers » est aujourd’hui omni-présente dans les débats sur l’éducation enFrance. La médicalisation de la difficultéscolaire apparaît comme normale. Or, « prèsde six enfants en situation de handicap surdix présentant des troubles intellectuels oucognitifs, et 45 % des enfants présentantdes troubles du psychisme ou plusieurstroubles associés, vivent dans une famillede catégorie sociale défavorisée » (DEPP,2015). Les difficultés scolaires des élèvesdoivent-elles être abordées uniquement sousl’angle médical ? Faut-il individualiser laprise en charge dans la classe ? Mais alors,de quelle manière ? n Nicolas Sueur

Sandrine Garcia, sociologue, professeure en sciences de l’édu-cation à l’université de Bourgogne, elle est l’auteur de plusieurs ouvrages :Mères sous influences, À l’école des dyslexiques aux éditions La Découverte,Réapprendre à lire, aux éditions du Seuil.

L’US Mag : Comment expliquer le dévelop-pement de la médicalisation de la difficultéscolaire ? Sandrine Garcia : C’est un ensemble de phé-nomènes qui concourent à cette médicalisation.Déjà, les enseignants sont peu formés à combattrela difficulté scolaire, autrement qu’en différen-ciant, ce qui peut s’avérer pire que le mal carles contraintes matérielles et le contexte de laclasse conduisent de fait à réduire les exigences,à moduler les tâches, plutôt qu’à donner plus àceux qui auraient besoin de plus d’entraînementou d’étayage. On a également dévalorisé lessavoirs de base, le rôle de l’entraînement, del’incorporation des techniques intellectuelles,qu’il s’agisse de l’orthographe, de l’apprentissagedirect et explicite des relations graphèmes/pho-nèmes (ce qu’on appelle le code), et même del’enseignement systématique de la compréhen-sion orale qui semble au final aussi négligée quele décodage. Et il y a un véritable marché ausside la prise en charge de la difficulté scolaire, eninterne et en externe.L’US Mag : Que faut-il faire alors ?S. G. : Il faut réinterroger les conceptions inté-gratives de la lecture par exemple pour pouvoirpasser un temps suffisamment significatif à entraî-ner des aptitudes précises que l’on exige desélèves de toute façon et, du coup, cibler directe-ment des activités qui vont le plus efficacementdévelopper ces aptitudes (par exemple décodage/encodage ou encodage/décodage pour le déchif-frage). Le problème, c’est plutôt ces supports etces démarches où l’on vise tout en même tempset, au final, ni le décodage n’est sérieusementassez travaillé, ni la compréhension orale quisuppose aussi des dispositifs spécifiques et dis-tincts de l’apprentissage de la lecture, comme

l’ont montré Maryse Bianco et Pascal Bressoux.Qui trop embrasse en même temps mal étreint...L’US Mag : Certains critiquent ce retour aux« savoirs fondamentaux ». Ils y voient unmanque d’ambition pédagogique pour lesclasses populaires.S. G. : J’entends, mais dans les faits, sans lamaîtrise de ces savoirs, pas de construction ulté-rieure solide. Combien d’élèves ont encore desdifficultés de lecture ou d’orthographe, mêmeau collège, au lycée et même à l’université ? Onn’est pas obligé d’opposer les deux, même sicertains le font dans le champ politique. Il mesemble au contraire qu’il y a un enjeu fonda-mental à mieux faire ce que l’on fait à l’écoleprimaire et au collège car c’est le moment leplus opportun pour agir, le plus efficace. Onparle beaucoup de l’échec à l’université en cemoment avec la réforme, mais en réalité, commele montre une étude récente qui confirme ce quesavent de manière pratique une partie des uni-versitaires, ces difficultés sont bien antérieuresà l’université ; anciennes, elles étaient déjà pré-sentes à la fin de l’école primaire (il s’agit d’unarticle écrit par Cédric Hugrée dans la revueRegards croisés sur l’économie). L’apprentissagede l’orthographe, les dictées régulières commeentraînement devraient être poursuivies au collègepar exemple, car, qu’on le veuille ou non, ilexiste « une vérité des prix » et les individusqui ne maîtrisent pas ces compétences de basesont en situation moins avantageuse que lesautres. L’opposition politique entre les savoirsde base, qui seraient méprisables (mais qui sonten fait dispensés directement à leurs enfantslorsque l’école ne suffit plus à le faire), et lesautres plus abstraits, plus complexes, favoriseles plus favorisés.

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Défavorisée Moyenne Favorisée Très favorisée

Troubles du langage, auditif, visuel, viscéral, moteur, autreTrouble du psychisme, plusieurs troublesTrouble intellectuel et cognitif

Une médicalisation qui questionne« Questions d’intelligence », extraitdes Enfants anormaux. Le tests’inspire des idées de Lamarck. Il yaurait une intelligence « naturelle »qui permettrait de nous adapterà notre milieu physique et au milieumoral de nos semblables.

Origine sociale selon la nature des troubles

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LES QUATRE ACTES DE LA DÉCENTRALISATION1946 Jeanne Laurent est chargée d’initier la première politique

étatique pour revitaliser la vie théâtrale. En 1947, le premierCentre dramatique national ouvre à Colmar. D’autres suivent :la Comédie de Saint-Étienne dirigée par Jean Dasté en 1947, puisRennes, Toulouse, Aix et le TNP de Jean Vilar.

1959 André Malraux crée les maisons de la culture en 1959.La première ouvre au Havre en 1961. Un certain nombre d’entre elles deviennent des CDN.

1982 Début de la politique de décentralisation qui transfère des compétences, autrefoisdu domaine de l’État à des entités distinctes, Régions, départements, communes,sans toutefois l’assurance que les ressources financières suivent.

1991 Jack Lang crée, aux côtés des CDN, les scènes nationales.

D’autres suivront. L’essaimage des troupesdramatiques fait connaître partout en Franceles principes du Cartel des quatre (LouisJouvet, Gaston Baty, Charles Dullin etGeorges Pitoëff) : dynamiser le théâtre parle renouvellement de la mise en scène etdu répertoire et par la découverte d’auteursétrangers. Mais la décentralisation restelimitée faute de soutiens politiques forts etde moyens financiers.

Une série d’engagements fortsEn 1959, André Malraux, qui bénéficie dusoutien du Général de Gaulle, crée les mai-sons de la culture. Le ministère subventionneaussi des troupes permanentes, comme lethéâtre de la Cité de Villeurbanne, dirigé parRoger Planchon. De nouveaux lieux s’ou-vrent au théâtre, en banlieue en particulier :Nanterre avec Pierre Debauche, Aubervil-liers avec Gabriel Garran, Gennevilliers avecBernard Sobel. Dans ces villes les mairesont largement soutenu les compagnies etœuvré pour la création des CDN.En 1968, les acteurs de la culture dénoncentla faiblesse des politiques de l’État en faveurdes arts vivants. En 1991, Jack Lang qui,comme Malraux en son temps, dispose dusoutien du Président, crée les scènes natio-nales. Aujourd’hui la France dispose d’unmaillage théâtral que beaucoup de pays nousenvient : cinq théâtres nationaux (quatre àParis, un à Strasbourg), trente-huit CDNqui ont une mission de créa tion et enfinsoixante-dix-sept scènes nationales char-gées d’une mission de diffusion des œuvres.

Un avenir incertainParadoxalement, la décentralisation des pou-voirs en 1982 n’a pas été sans problème

Au lendemain de la guerre, le Conseilnational de la Résistance envisage laculture comme un vecteur de paix.

Jeanne Laurent est alors chargée de revita-liser la vie théâtrale avec deux objectifs, ladécentralisation (sortir le théâtre de Paris)et la démocratisation. Colmar, seule villed’Alsace dont le théâtre n’a pas été détruit,est choisie pour accueillir le premier Centredramatique national (CDN), en 1947.

FENÊTRE SUR

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Chronologie

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« LA CULTURE POUR TOUS, C’EST LA DÉMOCRATIE TOUT COURT. » L’ancien sénateur communiste du Nord,Yvan Renard, exprime bien là un combat qui a aujourd’hui 70 ans. Un combat initié par le Conseil nationalde la Résistance qui, en plein tourment, pensait une société nouvelle faite d’ambitions collectives et solidaires.Regards sur cette aventure politico-culturelle qui fait l’exception française.

Une histoire entre espoirs et doutes

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l’émancipation, mais comme le pansementdes fractures sociales » et il concluait qu’ilallait falloir relancer une politique culturellepour les 70 ans à venir ! n

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pour ces théâtres issus de la décentralisation.La mise en œuvre des lois sur la décentra-lisation s’est traduite par le transfert decompétences de l’État vers les collectivitésterritoriales qui, aujourd’hui, dépassent encrédits ceux de l’État. Désormais, les sub-ventions à la culture visent plus le retour surinvestissement en terme d’attractivité – unmaître mot – que le développement de lacréation artistique. La baisse des subventionsenvisagées conduit à faire de la place pourles fondations privées avec tous les risquesde cette privatisation. Les CDN s’interrogent sur leur avenir. À Colmardébut octobre, Jean Boillot, directeur du

CDN de Thionville-Lorraine, faisait remar-quer que l’aventure de la décentralisationétait en train de se détricoter. « La culturen’est plus considérée comme le moyen de

Trois questions à...

L’US Mag : Les prin-cipes du Cartel desquatre qui ont inspiré

la politique de décentralisation sont-ils tou-jours d’actualité dans votre travail ?Guy-Pierre Couleau : Nous essayons defaire découvrir de nouveaux auteurs et denouveaux metteurs en scène et la position deColmar au cœur de l’Europe nous y aide.Mais nous ne sommes pas obsédés par laproximité de l’Allemagne et donnons uneplace importante aux femmes et aux hommesdu sud dans les textes que nous créons, pro-duisons ou coproduisons.Je cherche des gens qui se penchent sur lesquestions de société de notre temps : la vio-lence, les migrations, la guerre, le repli sur soi,l’individualisme, les droits humains maisaussi la solidarité, le vivre ensemble, la fra-ternité, les technologies modernes. Depuisl’origine, le théâtre met sur scène les pro-blèmes de la société et il est important qu’onpuisse y débattre des questions qui agitentnotre monde.

L’US Mag : Quelle place pour la démo-cratisation dans votre projet ?G.-P. C. : Nous travaillons beaucoup avec lepublic scolaire. En ce moment, notre artiste

associé Laurent Crovella travaille avec huitclasses de Colmar et des alentours sur lesrêves de la jeunesse. Le projet est né après lesattentats de Paris. Il ne s’agit pas de parler dela violence ou de faire une déclaration mora-lisatrice sur le politique, mais d’inventer unrêve commun. Deux écrivains Luc Tartar etl’Australien Daniel Keene vont reprendre lesmots des enfants pour en faire une pièce.

L’US Mag : Quelles pistes pour le futurde la décentralisation ?G.-P. C. : J’en vois deux essentielles. D’abordaller plus loin dans le travail vers les publics.Nous avons 20 000 spectateurs par saison,dont la moitié a moins de 25 ans. Même sinotre mission donne la plus grande place authéâtre, nous proposons aussi de la danse, duthéâtre de marionnettes, du cirque, du théâtreen langue des signes. On travaille avec lesécoles, les associations et les publics en inser-tion. Seconde piste, l’ouverture. Nous devonscontribuer à éviter le repli sur soi. À l’heureoù le populisme progresse dans notre pays, lethéâtre doit contribuer à réduire les fractures,à faire se rencontrer les gens, à faire circulerla parole. Nous pouvons contribuer à uneEurope de la culture et créer des foyers deliberté de pensée.

Guy-Pierre CouleauDirecteur de la Comédie de l’Est, à l’occasion de la manifestationorganisée à Colmar pour les 70 ans de la décentralisation.

Rubrique réalisée par Nicolas Béniès, Francis Dubois, Stéphane Rio et Micheline Rousselet

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VOYAGE AU PAYS DE LADÉCENTRALISATION THÉÂTRALE

Daniel Cling retrace ici, depuis ses premièresinitiatives, le cheminement militant de direc-teurs de troupes, comédiens, techniciens qui,dans le plus grand dénuement, ont contribuéà amener le théâtre là où il n’allait jamais.Leur forte détermination et leur enthousiasmeont guidé un mouvement dont le but était defaire partager une passion auprès de publicsnovices dans des villages, sur des places,dans des salles des fêtes et autres granges.Une aventure théâtrale se vit comme unvoyage enthousiaste et chaleureux où l’oncroise ceux qui ont poursuivi le travail lancépar Copeau ou Dulin et qui ont été les pion-niers de la décentralisation : J. Vilar, J. Dasté,H. Guignoux ou G. Garran, la légendaire« Comédie de Saint-Étienne » qui, dans untotal dénuement, apportaient « la bonneparole théâtrale » avec des initiatives intel-ligentes, exigeantes et populaires.Daniel Cling a réalisé un documentaire vivant,rythmé et accessible à tous et, outre la dimen-sion historique, il nous engage à nous réin-terroger sur la parole de théâtre dans lemonde des hommes.• Une aventure théâtrale, 30 ans de décentrali -sation, un film de Daniel Cling (France), bientôtdisponible en DVD.

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CULTURE L iv res/Revues

À LIRE

Si elle devait vous raconterson histoire, Adamine Bus-tamante vous dirait sans

doute qu’elle est née dans uneléproserie, en plein cœur du ghettode Spanish Town, un coin malfamé de Kingston, en Jamaïque.Que sa mère, l’authentique Pear-line Portious y tricotait des ban-dages multicolores parce que c’estplus beau. Elle vous dirait aussipourquoi et comment la gardiennedes lieux, Mman Lazare, y vécutjusque ses cent cinq ans. Troisfemmes puissantes, trois destinshors du commun portés par uneécriture d’un lyrisme explosif oùse répondent en écho deux voix :celle de l’écrivain anglais d’abord,langue écrite très poétique, bientôtrejointe par celle d’Adamine, lafausse Pearline Portius, et de tous

les personnages jamaïcains. Ceux-là parlent la langue du peuple,une langue sonore, forte et colo-rée. Elle ne se rapproche de riende familier si ce n’est peut-êtreles accents du reggae. Il faut ren-dre hommage ici au travail excep-tionnel de la traductrice NathalieCarré qui, pour nous frayer unchemin vers ce « patwa » jamaï-cain aussi singulier que pulsatile,a littéralement créé une langue,entrelacs de créole antillais maissurtout haïtien, de trouvailles sty-listiques à partir d’onoma topéeset de néologismes évocateurs(« virer zig-zag », « bouche-can-can », « gratte-papyè » pour dési-gner l’écrivain...). Sans jamaistomber dans l’écueil de l’exo-tisme, Nathalie Carré rend à cettelangue populaire des Caraïbes

toute sa force et sa beauté. Elleporte le souffle des personnagesde ce roman dont la musique etle rythme continuent de résonneren nous longtemps après l’avoirrefermé. Au-delà de cette puis-sance envoûtante, Kei Miller signelà une œuvre politique qui donnela parole aux pauvres et aux fouset interroge avec profondeur l’actemême d’écrire. n

Cécile Exbrayat• L’authentique Pearline Portious,Kei Miller, éditions Zulma.

Du côté des polars...Deux grands détectivesViviane Moore est attirée par cemilieu du XVIe siècle en France quivoit fleurir les alchimistes à larecherche de la pierre philosophale.Ils feront avancer la science sansjamais la trouver. Dans cette série,le détective, Jean du Moncel, com-missaire, mène l’enquête pour trou-ver Le souffleur de cendres. L’ex-plication du titre se trouve dans le

résultat de l’intrigue.Une évocation duParis de 1587, de laCour des Miracles etde la place des femmesvia Sybille obligée dese transformer en

homme pour exercer sa profession. Barcelona, de Daniel Sanchez Par-dos, met en scène, dans la Barcelonede la fin du XIXe, un nouveau dé -tective, Antoni Gaudi, futur archi-tecte, en formation, aumoment où cette his-toire commence. Par-dos se moque descodes chers à ConanDoyle. Gaudi joue audétective et se trompe

sur les données d’un complot. C’estdrôle souvent, enlevé, laborieux pourl’intrigue mais le contexte de cetteEspagne en butte aux luttes de pou-voir est décrit de manière réaliste. Histoires d’un tueur à gages

Lawrence Block ades héros récurrents.Keller, le tueur àgages, en fait partie.Tue-moi ne dit passon nom d’un recueilde nouvelles. C’est

souvent drôle même si certaineshistoires sont un peu téléphonées.On connaît trop bien cet auteur. Iln’arrive plus à nous surprendre. Onle retrouve pourtant avec plaisir,comme un vieux cognac.De la Suède à l’ArgentineTango fantôme em -mêle des secrets defemmes faits de dé -sirs et de peurs, d’an-goisse aussi. Hélèneest confrontée à elle-même au mo ment dela mort de sa sœur qui enquêtait surla mort de leur mère loin dela Suède, à Buenos Aires, en 1977.La référence à « Che » Guevara

Notre sélection� SPORT DU PEUPLE

Qui connaît encore la Fédé-ration sportive et gymniquedu travail (FSGT) ? Pourtant,elle existe toujours, cetteFédération rouge qui trans-forma le sport des élites ensport du peuple et qui se posi-

tionna face à tous les événements deson siècle : Occupation, guerre d’Algérie,Apartheid... L’ouvrage de Nicolas Ksissretrace l’histoire de cette organisationde tous les combats – antifascistes,féministes, populaires. La richesse desdocuments impressionne et ravit,comme ce tract des cyclistes libresrefusant l’Occupation nazie. Bravo à lapetite maison d’édition montreuilloise,La Ville brûle, qui publie cet ouvrageet dont le catalogue recèle des pépitescomme celle-ci. Doriane Spruyt• La FSGT : du sport rouge au sport populaire,sous la direction de Nicolas Kssis, édition LaVille brûle, novembre 2014.

� REDÉCOUVRIR JULES GUESDEAujourd’hui méconnu, ce pro-pagandiste infatigable desidées « collectivistes » devintl’un des leaders de la SFIOaprès  1905. Stigmatisé detoute part — pour son dogma-tisme ou pour son ralliementà lʼUnion sacrée en 1914  —,

Guesde (1845-1922) fut longtemps sta-tufié par des disciples désireux de per-pétuer sa flamme. Jean-Numa Ducangeréalise la première biographie non par-tisane du leader socialiste. Il restituele personnage dans son époque, mar-quée par la montée du mouvementouvrier. Jean-François Claudon• Jules Guesde. L’anti-Jaurès ?, Jean-NumaDucange, Armand Colin, 2017.

� UNE HISTOIRE AMÉRICAINE«  The Carpenters  », Karen etRichard frère et sœur, repré-sente le groupe phare desannées Nixon, le moment oùles populations veulent oublierla guerre du Viêt Nam et mêmeleur Président. Une musique

sirupeuse sauvée par la voix étrangede Karen. Un peu grosse, elle erre derégime amaigrissant en régime amai-grissant. Anorexique, elle mourra à 33ans d’un arrêt cardiaque ouvrant laporte à la dévotion des fans. Clovis Gouxévoque cette Amérique étrange quiconnaîtra la vague hippie à la fin desannées 60. La disparition de Karen Car-penter raconte la descente aux enfersd’une jeune femme trop de son tempset en acceptant toutes les figures dela publicité. Une écriture qui tient à dis-tance son sujet tout en faisant preuvede délicatesse, de pudeur. Ce critiquede rock devrait faire romancier. N. B.• La disparition de Karen Carpenter, C. Goux,Actes Sud/Rocks.

s’impose comme l’indique laphoto de couverture. Quels rapportsentre tous ces événements ? Tove Alsterdal épaissit tous les mystèrespar un aller-retour entre soleil etfroid, lumières et ombres. Unmonde, le nôtre, se défait. Uneintrigue solide, une écriture resserréeet une traduction qui rend hommageà la romancière-journaliste.Apocalypse prévueUne intrigue qui n’est pasoriginale : un engin nu -cléaire doit exploser quelquepart et faire disparaître unebonne partie des habitantsde la planète. Guy-Philippe Goldsteinavec Sept jours avant la nuit, saitraconter une histoire tout en jouantavec nos peurs, nos an goisses. Un« thriller » un peu trop en phase avecnotre réalité, avec les risques que faitpeser un Trump sur l’utilisation del’arme nucléaire. n Nicolas Béniès• Le souffleur de cendres, Viviane Moore ;Barcelona, Daniel Sanchez Pardos, traduit parMarianne Millon, Grands détectives/10/18 ;Tue-moi, Lawrence Block, traduit par SébastienRaizer, Série noire/Gallimard ; Tango fantôme,Tove Alsterdal, traduit par Emmanuel Curtil,Rouergue Noir ; Sept jours avant la nuit, Guy-Philippe Goldstein, Série noire/Gallimard.

UN PREMIER ROMAN JAMAÏCAIN...

Get up ! Stand up !

... et de deuxAvril 1982, Augustown, autre quartier

populaire de Kingston. Un petit garçonrastafari, Kaia, rentre de l’école. Son maître,un noir qui se prend pour un blanc, vient decommettre l’irréparable : il lui a coupé sesdreadlocks. De quoi cet acte sacrilège est-ille nom ? Dans ce deuxième roman traduit

en français, Kei Miller nous plonge dans lapetite et la grande histoire de la Jamaïque,celle de la domination coloniale, de l’assi-milation forcée, des violences policières…Il fait aussi revivre Alexander Bedward alias«  le Prêcheur volant », un prédicateur à lasource du mouvement rastafari qui a fini jetéà l’asile par les Britanniques. n C. E.• By the rivers of Babylone, Kei Miller, éditions Zulma.

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Le coin de la BD Puissance des images

«

Le peuple était dans les ruesdemandant du pain, sonempereur lui a envoyé du

plomb. Alors la plus endurante,la plus patiente, la plus résignéedes nations s’est révoltée. [...] C’estvertigineux » (lettre du 8 marsd’Eugène Petit, envoyé à Moscoupar le gouvernement français). Qui aurait pu penser qu’unemanifestation partie le 23 février(le 8 mars selon le calendrier occidental) des quar-tiers populaires de Petrograd et constituée defemmes réclamant une amélioration de la situationalimentaire, allait être le point de départ d’un ren-versement très rapide du tsar et d’un régime auto-ritaire séculaire ?– Février 1917. Nicolas II abdique. Naissent lessoviets, organes de la nouvelle démocratie révo-lutionnaire, tandis que s’organise un gouvernementprovisoire. – Octobre 1917. Les bolcheviks prennent le pouvoirau nom des soviets après de longs mois d’incerti-tudes. Avec le décret sur la paix, la terre aux paysans,le contrôle ouvrier des moyens de production et ledroit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ils enten-dent répondre aux aspirations de la population del’immense empire russe, et ouvrir une nouvelle ère.– Janvier 1918. L’Assemblée constituante, espoird’une révolution démocratique, est dissoute dansla violence par les bolcheviks qui s’arrogent tousles pouvoirs.– Mars 1918. La paix séparée est signée avec l’Allemagne. La guerre civile se déchaîne. Desexpériences politiques, intellectuelles et artistiquesfleurissent de toute part. De l’Ukraine à l’Arménie,les nations tentent d’affirmer leur indépendance.Catalogue de l’exposition qui a lieu en ce moment

à l’Hôtel des Invalides, Et 1917devient Révolution... nous plongedans les événements. Il permetde découvrir la richesse et lavariété des documents de laBibliothèque de documentationinternationale contemporaine(BDIC). À rebours des révision-nismes historiques et des récitslénifiants, les auteurs montrentle tourbillon qui conduit, au cours

de cette année de tous les possibles, à un régimequi va durer soixante-dix ans et bouleverser ce« court XXe siècle ». n Stéphane Rio• Et 1917 devient Révolution, sous la direction de C. Ajamet alii, Le Seuil/BDIC, 2017. Exposition jusqu’au18 février 2018, BDIC, Hôtel des Invalides, Paris.

Bien vivre ensemble La série Le jour où abordeles différences de cultureset des sujets d’actualitéen les rendant accessiblesaux enfants de 7 à 11 ans.Le fil conducteur est leCM2 de Mme Okili où lesenfants débattent de sujets engénéral introduits par l’un d’eux.Les dialogues amusants donnentsuffisamment d’éléments pour permettre la réflexion.Dans Le jour où papa s’est remarié,Guillaume est soucieux. Il se de mandesi, quand il sera grand, il sera homocomme son papa… qui va se remarieravec un monsieur. Catie Pillé• Le jour où papa s’est remarié, collectionPremiers romans, Nathan, 2017.

FOR THE KIDS

� RACINES D’UN MÉTIERCPE ? Un métier ? Une fonc-tion ? Régis Rémy nousplonge dans l’histoire d’unmétier encore mal cerné.Confondu avec le surveillantgénéral, il est pourtantdéfini par l’inspection géné-rale comme participant au processuséducatif. Un livre nécessaire quiappelle d’autres recherches. N. B.• Conseiller principal d’éducation. Repèrespour une histoire, 1945-1993. Acteurs etévénements, R. Rémy, L’Harmattan.

� UN ANTISÉMITISME DE GAUCHE ?La Gauche radicale et lesJuifs depuis 1968. Sont-ilstoujours des Juifs alle-mands ? est un titre quirésume bien le projet deRobert Hirsch. Un travailde mémoire et un constatlucide de la gauche radicalepartagée entre la nécessité du sou-tien aux Palestiniens et une jeunesseprivée de repères. L’antifascisme arégressé comme le combat contrel’antisémitisme. La haine du Juifreste l’apanage de l’extrême droitemais la gauche oublie trop souventcette lutte essentielle. N. B.• Sont-ils toujours des Juifs allemands,R. Hirsch, Éditions Arbre bleu.

� SE RÉAPPROPRIER L’HÉRITAGEPaul Levi. L’occasion man-quée est un portrait vivantd’un dirigeant du mouve-ment socialiste puis com-muniste qui ne fait pas par-tie de la mémoire collective.Ami de Rosa Luxemburg, il adirigé le parti communiste allemandà ses débuts dans un contexte révo-lutionnaire. Mis au ban de la Troi-sième Internationale, il rejoint lesrangs du SPD sans perdre sesconvictions. Un travail de mémoirequ’il faut poursuivre. N. B.• Paul Levi. L’occasion manquée, Jean-François Claudon et Vincent Présumey,Éditions de Matignon.J

ules Michelet, historien, a appartenuà la première génération de savantsqui pensa qu’écrire l’histoire de

France signifiait, après la Révolutionfrançaise, écrire l’histoire du peuple, dela nation. Dans cet album, SylvainVenayre, historien, spécialiste d’histoireculturelle, et Étienne Davodeau, auteurde bande dessinée qui excelle dans lereportage et les récits réalistes, font revi-vre Jules Michelet de nos jours, en guided’une balade nationale savoureuse etsavante. Le dispositif narratif de ce pre-mier volume d’une Histoire dessinée de la France quidevrait en compter vingt est aussi original que stimulant.Aux côtés de Jeanne d’Arc, de Molière, de Marie Curie,et du général Dumas (le père de l’écrivain), héros révo-lutionnaire oublié du grand public, Jules Michelet sillonnele territoire à la recherche des origines démographiques,politiques et culturelles de « la France ». Jouant le rôle,au sein du groupe, du savant rigoureux, le personnagede Michelet explique aussi la manière dont a été élaboréle récit voire le roman national. « Nous sommes sortisdu néant parce qu’il nous a semblé que beaucoup deFrançais avaient un rapport confus à l’histoire deFrance, qu’ils connaissent parfois assez mal. Or pour

savoir qui ils sont vraiment, ils doiventla comprendre » explique Michelet à ungendarme suspicieux au début de l’aven-ture. Faire revivre des figures historiques,leur donner la parole, est aussi pour lesauteurs l’occasion de confronter leur« image » avec la réalité de ce qu’ils etelles ont été. Ainsi en est-il de person-nages emblématiques, Vercingétorix, leSoldat inconnu, les Bourgeois de Calais,les hommes préhistoriques de la Rochede Solutré. Le périple conduit le groupe,à bord d’une fourgonnette, de l’Île d’Yeu,

où ils ont volé le cercueil d’un Maréchal Pétain bavardet grincheux, au Puy-de-Dôme, en passant par Carnac,Paris, le Rhin à Strasbourg, Marseille, Verdun, la grottede Lascaux, etc. La bande dessinée permet enfin auxauteurs de nous faire réfléchir sur la puissance desimages, hier comme aujourd’hui, pour former et déformernotre connaissance du passé. Une lecture aussi diver-tissante que salutaire quand s’intensifient dans le débatpublic les récupérations politiques de l’histoire et autresfantasmes passéistes. n Amélie Hart-Hutasse• La ballade nationale (volume 1 de l’Histoire dessinée de laFrance), de Sylvain Venayre et Étienne Davodeau, coéditionLa Revue dessinée et La Découverte, octobre 2017.

NOS COLLÈGUES PUBLIENTL’OUVERTURE DES POSSIBLES

1917  : La Révolution qui ébranla le monde

À lireNe pas laisser écrirel’histoire avec le regarddes vainqueurs. Quel -ques maisons d’éditionpublient des textes es sentiels qui permet-tent de mesurer l’im-portance de la Révolu-tion russe : «  Irruptionviolente des massesdans le domaine où serèglent leurs propresdestinées ». S. R.

• Octobre 1917, sous la direction de G. G. Cavicchioli, ScienceMarxiste éditions, 2017 ; La Révolution russe, Rosa Luxemburg,Éditions de l’Aube, 2017 ; Histoire de la Révolution russe,Léon Trotsky, T. 1 et 2, Points Seuil, 1995.

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CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac le

CINÉMASeul l’amour...

Johnny travaille sansrelâche dans la fermefamiliale. Pour sedétendre et oublier ledécor sinistre et lamonotonie de sesjournées, il fréquentechaque soir le pub duvillage. Il abuse de la

boisson, donne libre cours à sespenchants sexuels. LorsqueGheorghe, un saisonnier roumain,est embauché à la ferme pour leseconder au moment de l’agne-lage, Johnny découvre en lui dessentiments qui se trouvaient cade-nassés par une carapace de duretéet d’indifférence. L’angélismeou le voyeurisme d’un tel sujetest contenu par la précision, larudesse et le parti pris frontalde la mise en scène de FrancisLee. Un film, Seule la terre, àdécouvrir. n F. D.• Seule la terre, un film de Francis Lee(Royaume-Uni).

SÉRIEMilitants LGBTQ

La série retrace la luttepour les libertés et lesdroits des minoritéssexuelles, de 1972 à nosjours, aux USA. Troismilitants, un pacifiste,une féministe et undéfenseur des droits ci -

viques, ont directement inspiré lescénario qui présente, à traversleur vie, une passionnante rétros-pective de cette période. Politiqueet profondément humaine, WhenWe Rise montre que l’action col-lective et la solidarité donnent ducourage, de l’espoir et apportentles changements indispensa-bles. n Catie Pillé• When We Rise, série US, DL Black,G. Van Sant, ABC, 2017.

RADIO Liberté chérieNée le 14 juil -let 1981, àl’heure des radios libres, Radio FreeDom est vraiment la radio des Réu-nionnais-e-s. Ils-elles peuvent passerdes annonces, prendre des nouvellesde l’île et... en donner. La paroleest donnée aux auditeur-trice-s pourcommenter l’actualité, passer unmessage personnel ou s’exprimer.Fondée par Camille Sudre, qui abeaucoup milité pour l’égalité avecla métropole, cette radio porte éga-lement dans son nom l’éman -cipation de la Réunion en tant queDOM. En 1991, la fermeture dela Télé Free Dom avait déclenchéles « événements du Chaudron »,dans un contexte lourd de chômagemassif. n Doriane Spruyt• http://freedom.fr

MUSIQUES• CLASSIQUEUne sommePendant 30 ans,le chef flamandPhilippe Herre-weghe, originairede Gand, a enre-gistré pour Harmonia Mundi quipropose un riche coffret de30 disques. Depuis son enregistre-ment historique, en 1984, de la Pas-sion Selon Saint Matthieu de Bach,jusqu’à ses récentes interprétationsdes symphonies de Bruckner, enpassant par les cantates de Bach,le requiem de Fauré, les messes deMozart et de Beethoven, ce coffretnous présente un incomparableaperçu du talent du chef qui, toujours sur instruments d’époque,a su renouveler et dépoussiérer profondément l’interprétation musicale. n Nicolas Morvan• The Harmonia Mundi Years, PhilippeHerreweghe, 30 disques.

• ROCKUn grand groupeLe groupe d’AlexEdkins, « Metz »,ori ginaire de To -ronto, signe son3e album, StrangePeace, toujourspublié sous le label mythique deSeattle, SubPop. Le travail de pro-duction a été assuré par SteveAlbini dans son studio de Chicago.Il a permis à « Metz » de faire évo-luer sa palette sonique vers un uni-vers moins noisy, plus teinté demélodies. En tournée actuellementen France avec Algiers, « Metz »sur scène comme sur disque est unevéritable explosion électrique ! n

Éric Loizeau• Strange Peace, Metz, Sub Pop, 2017.

• MUSIQUES ÉMERGENTES

Les AventuriersUn festival de lascène musicalefrancilienne quiréunit des artistesqui se veulent in -dépendants, cou-vrant tous les genres : du rock, duhip-hop, de la new wave, du« garage » et bien d’autres encore.Des découvertes qui deviendrontnécessaires. n Nicolas Béniès• Les Aventuriers. Explorations sonores,Fontenay-sous-Bois (94), du 13 au21/12, www.festival-les-aventuriers.com

• JAZZFestivals• Le Tritonest un club dejazz de l’autrecôté du péri-phérique, aux Lilas. Il propose uneprogrammation toute l’année et unfestival de jazz du 17/11 au 16/12.Parmi les invités, Aldo Romano,Henri Texier, Géraldine Laurent,une saxophoniste alto qu’il ne faut

pas rater, Thomas Savy associépour l’occasion à Louis Sclavis,Billy Hart, batteur essentiel,Himiko, le trio du tromboniste YvesRobert... n N. B.• Bleu Triton Jazz Festival, jusqu’au16 décembre, www.letriton.com

• Le Penn Ar Jazzà l’espace Vauban,à Brest, le jazz estroi du 1er novembreau 27 janvier 2018.Le clou du spectaclesera vraisembla -blement le « NewThird Coast Or -ches tra », dirigé parRob Mazurek le 10 dé cembre,suivi par Leïla Martial le 21 dé -cembre... et d’autres groupes àdécouvrir. n N. B.• Penn Ar Jazz, www.penn-ar-jazz.com

WESTERN, UN FILM DE VALESKA GRISEBACH (ALLEMAGNE-AUTRICHE-BULGARIE)

Inverser les codesU

ne équipe d’ouvriers allemands a été engagée pour la construc-tion d’une turbine hydraulique en Bulgarie, à proximité d’unebourgade. La présence de ce groupe d’hommes sur une terre

étrangère et les conditions précaires auxquelles ils sont soumis,éveillent en eux le sens de l’aventure. Les préjugés des uns et l’hos-tilité des autochtones de part et d’autre de la rivière, la barrière dela langue et les différences culturelles vont être autant d’obstaclesà un éventuel rapprochement. Meinhard, à la différence des autresouvriers de l’équipe, ne cultive pas la nostalgie du déracinement.C’est quelqu’un qui est chez lui, là où il se trouve. Alors que l’équipedes hommes divise l’espace selon les codes du western en deuxcamps distincts, lui tente, par un rapprochement avec les indigènes,de se construire une nouvelle patrie, si éphémère soit-elle.

Valeska Grisebach bouscule icile principe habituel de l’immi-gration. Les rôles sont inversés.Ce sont les Allemands qui sontles immigrés. La cinéaste, tirantprofit d’un décor aride, donne àson récit les traits narratifs duwestern. Une impression renfor-cée par le physique de bourlin-gueur et la nature solitaire de Meinhard. Entre frôlements et conflits,entre main tendue et malentendu, la réalisatrice réinvente le vieilinstinct conquérant et colonialiste des hommes. Magnifique. n

Francis Dubois

LIBRAIRIELibrairie d’Aups : libre etengagée en zone rurale !La librairie de cepetit village duHaut-Var faitvivre la culturesur le territoire.Portant bien sonnom, Caractères libres, elle a ouvertses portes en décembre 2011 et avu défiler des grands noms de lalittérature française contemporaine :Nancy Huston, Jeanne Benameur,René Fregni. Le 27 janvier pro-chain, Claudie Gallay sera reçue.Ayant à cœur la diversité éditoriale,la librairie diffuse de petits éditeurs :locaux comme Parole ou politiquescomme Libertalia. Poursuivant sonancrage territorial et collectif,Caractères libres se transformeactuellement en Société coopératived’intérêt collectif (SCIC). Avis auxcoopérateur-trice-s ! n D. S.• Librairie Caractères libres, 25, ruedu Maréchal-Foch, 83630 Aups, 04 9467 51 63, [email protected]

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Suivre l’actualité culturelle sur www.snes.eduet désormais également sur Facebook

sous le nom « Culture SNES » et sur Twitter Pour suivre les publications culturelles du SNES-FSU et aussi les « événements » associés, rendez-vous sur la page Facebook. Le rattrapage culturelde fin de semaine peut désormais se faire grâce à Twitter. Cinéma, théâtre, musique, jazz et chansons,arts plastiques, rencontres et débats, festivals,livres et créations de collègues... Sur le site, surFacebook et Twitter, on trouve aussi des dévelop-pements sur les articles publiés dans L’US Mag.Est aussi accessible en permanence la liste de lacentaine de lieux culturels et festivals partenaires« Réduc’SNES » (tarif réduit sur réservation et pré-sentation de la carte SNES-FSU) dans toute la France.

FAIRE VIVRE LES REVUES� PENSER OCTOBRE 17 AUJOURD’HUICe numéro spécial est consacré au cente-naire d’Octobre 17. Avec la chute du Murde Berlin c’est tout un monde qui s’esttrouvé englouti. Mais le monde nouveaualors né, notre monde présent, privé d’ho-rizon communiste, dominé par un capita-lisme brutal et conquérant, est celui de ladégradation du principe d’espérance. Ce pourquoiil convient de faire retour sur Octobre 17. Nondans un esprit de commémoration ou pour ouvrirun procès en indignité, mais pour une approchecritique. Ce que la revue Contre Temps fait avecbeaucoup de réussite ! Stéphane Rio• Contre Temps. Revue de critique communiste, n° 34,juillet 2017, Éditions Syllepse.

� PLAIDOYER ARGUMENTÉHistorien, Yan Lespoux retrace l’enseigne-ment de la langue d’oc. Sociologue, il prônela survie de toutes les langues porteuses depatrimoine. Militant, il propose cette languedans les programmes scolaires. N. B.• Pour la langue d’oc à l’école, Yan Lespoux,Presses universitaires de la Méditerranée

STÉPHANIE LOÏK, METTEURE EN SCÈNE

Adapter La fin de l’homme rouge

EXPOSITION

Svetlana Alexievitch, prixNobel de littérature2015, a écrit La fin de

l’homme rouge (Actes Sud)à partir d’interviews defemmes et d’hommes detous âges et de toutes condi-tions sociales ayant vécu enRussie ou en Biélorussie àl’époque soviétiqueou après. Après avoirprésenté en 2015 Lafin de l’homme rougeou le temps du dés-enchantement, Sté-phanie Loïk met enscène Dix histoiresau milieu de nullepart, tirées de laseconde partie dumême ouvrage.L’US Mag : Qu’est-ce quivous attire particulièrementdans l’ouvrage de SvetlanaAlexievitch ?Stéphanie Loïk : Ce qui metouche, ce sont les parolesqu’elle a recueillies, cellesde gens qui ont connu leshorreurs de ce régime maisen ont aussi épousé les idéo-logies et les ont vues s’ef-fondrer. Cette histoire de laRussie, c’est aussi la mienne.Mes grands-parents juifsukrainiens ont fui la Russie

avant la Révolution, aprèsdes pogroms. Et c’est aussila nôtre car nous aussi à unmoment nous y avons cru.Lors de la Seconde Guerremondiale, l’Europe a étélibérée avec l’aide des Amé-ricains mais aussi des Russesqui ont eu des millions de

morts. La perestroïka a sou-levé de grands espoirs et tantde déceptions. La liberté desSoviétiques s’est faite auprix d’un capitalisme féroce,ce que raconte le livre sansaucun jugement. La fin dela Guerre froide s’est traduitepar l’humiliation des Russes,le pillage des richesses parEltsine et les autres oli-garques, tandis que le peupleconnaissait misère et désil-lusions. Avec Poutine onassiste au retour du natio -

nalisme et des méthodesanciennes. L’US Mag : Pour raconterces histoires vous avez choisiune forme particulière ?S. L. : Je crée ces spectaclesavec de jeunes acteurs et ils’agit d’un travail choral. Legroupe porte le texte, les voix

en un chœur fontrésonner ces témoi-gnages. Mes mises enscènes sont chorégra-phiées. Les corpsdans l’espace racon-tent une histoire. Il ya des chants, en russe,des acrobaties répé-tées avec des Circas-siens, surtout dans lesecond spectacle qui

évoque les attentats à Mos-cou, la montée de la xéno-phobie, la guerre en Tché -tchénie et en Ukraine. Avecces acteurs je fais unerecherche sur l’indicible. Ilsdeviennent des passeursd’histoire et j’aime cettemanière de raconter l’Histoireà partir de l’intime. n

Micheline Rousselet• Les deux pièces se jouent du29/11 au 22/12 à l’Atalante,10, place Charles-Dullin,75018 Paris.

Non, la Monnaie de Paris n’est pas unmusée poussiéreux plein de numismatescacochymes, mais bien un lieu dyna-

mique proposant des animations variées etvivantes et disposant d’un espace d’artcontemporain, le 11Conti. C’est là que sedéroule une exposition intitulée WomenHouse, en référence à l’exposition Woman-house organisée par Miriam Schapiro et JudyChicago en 1972 à Los Angeles, dont unevidéo de Johanna Demetrakas est présentéedès la première salle. Il s’agit de faire seconfronter un genre, le féminin, avec unespace, le domestique. Les artistes exposéesont connu la difficulté de trouver des espacesoù créer, où montrer leur production. Ellesont secoué les stéréotypes en refusant derester confinées chez elles. Elles sont photo-graphes, comme Cindy Sherman, HelenaAlmeida, Kirsten Justesen, Sue Williamson...,vidéastes et performeuses comme LydiaSchouten, sans oublier Birgit Jürgensen (des-sins et photos), Martha Roster (photomon-tages), la céramiste Elsa Sahal (voir illustra-tion) ou Pia Camil et son grand rideau faitde vieux tee-shirts. Toutes ces créatrices, à

la riche production féministe, politique etpoétique, ont en commun d’avoir réfléchi àla place de la femme artiste dans la maisonet, par là, dans la société. À travers huit cha-pitres, elles chamboulent ce lieu symboliquede l’enfermement et le transforment en objetde création. Ainsi, l’espace privé devientpublic, le corps devient œuvre d’art, commel’expriment Louise Bourgeois avec sesFemmes-maisons (1945-1947) ou Niki deSaint Phalle, avec ses Nana-maisons. Uneexposition passionnante et « décoiffante ». n

Sylvie Chardon• Women House, jusqu’au 28 janvier 2018 à la Mon-naie de Paris – Le 11Conti – 11, quai de Conti,Paris 6e, 01 40 46 57 57. Diverses animations etvisites guidées sont organisées : monnaiedeparis.fr.

Maisons de femmes

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RNOS COLLÈGUES ENREGISTRENT� CINQ VOIX DE FEMMESCorsi’Tania est l’heureux mariage de poly-phonies corses et occitanes enregistrées aucouvent de Corbara (Haute-Corse). Deschants puissants, cinq voix de femmes, parmilesquelles celles de Nadine Cesari, professeurede lettres au lycée d’Aubagne et la grande JackyMicaelli, pionnière des polyphonies fémininescorses, récemment emportée par la maladie àl’âge de 62 ans. Cécile Exbrayat• Corsi’Tania, Jacky Micaelli et U Ponticellu, disponibleà la vente auprès de : [email protected]

NOS COLLÈGUES EXPOSENT� CROQUEUSE DE PAPIERSProfesseure d’arts plastiques à Vedène (84),Eléonore Dadoit-Cousin est plasticienne etcroqueuse de papiers en tout genre. Chaquesemaine depuis bientôt sept ans, elle crée unnouveau collage : sa paire de ciseaux, un tubede colle et une inspiration immédiate. Elle offre àses œuvres un support noble grâce à un travaild’impression à tirage limité. Sa nouvelle expositiondémarre le 8 décembre à Villeneuve-les-Avignon(30), à l’occasion de la troisième édition des Ren-contres d’Aubergine. Pour celles et ceux qui sonttrop loin, suivez son blog ou sa page Facebook« Eléonore – des collages immédiats ». C. E.• http://descollagesimmediats.over-blog.com

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Beaux Livres, livres pour la jeunesse, livres de réflexion, polars... Temps d’entendre des musiques diverses, aussi diversesTemps de voir via les coffrets DVD qui permettent à la fois de revoir des classiques et de rendre compte du jeune cinéma.

40 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

LE TEMPS DE LIRE, D’

Temps de lire et d’entendre.Partez à la rencontre dugroupe Kesaj Tchave quiréunit par la musique dejeunes Roms issus des bi-donvilles du nord-est de laSlovaquie.

✦ Atlas du Street Art et du Graf-fiti, Rafael Schacter, Flamma-rion, 400 p., 300 illustrations,39,90 €.

Temps de lire. « L’art ur-bain a conquis les murs dela planète. » Les enjeuxde cette forme d’art popu-laire sont ici bien mis enévidence.

✦ Icônes de l’art modernes – Lacollection Chtchoukine, sousla direction d’Anne Baldas-sari, fondation Louis Vuitton/Gallimard, 456 p.

Temps de lire. Catalogue del’exposition de la fondationLouis Vuitton. Superbe !

Temps de lire. Surnommée« la muse redoutable »,Gala résiste à la biogra-phie. Passent Éluard, Ernstet Dali.

✦ Anne et Patrick Poirier, sousla direction de Laure Martin,Flammarion, 264 p., 49 €.

Temps de lire. Vagabon-dages argentiques proposéspar ces enfants d’un siècledestructeur.

✦ Gauguin, Françoise Cachin, Flammarion, 312 p.,200 illustrations, 35 € ; Paul Gauguin, Laure- Caroline Semmer, Larousse, 128 p., 12,90 €.

Temps de lire. L’année 2017 a été une année Gauguin.Une rétrospective au Grand Palais jusqu’au 22 janvier2018 et un film avec Vincent Cassel. Une monographiechez Flammarion et une présentation chez Larousse.

✦ Le Massacre des Innocents,Poussin, Picasso, Bacon, sousla direction de Pierre Rosen-berg, Flammarion, 192 p.

✦ Une vie de Gala, DominiqueBona, Flammarion, 216 p.

Temps de lire. La vie dupeintre à travers ses œuvresen explicitant ses techniques.

Temps de lire. Un pères’adresse à sa fille qui vanaître et l’imagine aventu-rière, princesse, domp-teuse... Poésie et fantaisie !

✦ Tu seras ma princesse, Mar-cus Malte, Régis Lejonc, Sar-bacane, 2017, 18 €.

✦ Histoires d’amis, G. Solota-reff, EDL, 2017, 24,80 €.

✦ L’Humanité, Figures du peu-ple, Danièle Tartakowski, Gé-rard Mordillat, Flammarion.

Temps de lire. L’Humanitéaccompagne l’histoire dupeuple depuis plus d’un siècle. Riche d’images àl’esthétisme puissant et àla remarquable force do-cumentaire.

✦ Pierre Paul Rubens, Valérie Met-tais, Larousse, 128 p., 12,90 €.

✦ Tsiganes, Le Paradis des Yeux,Johann Le Berre, livre-CD, co-édition Goater et l’Œuf.

Temps de lire. Une icono-graphie exceptionnelle pourun destin hors du commun.

✦ Les vies de Jack London, Mi chel Viotte, Noël Mauber-ret, Éditions de La Martinière.

Jeunesse

Temps de lire. Gary vit dansun des derniers refuges surla Terre, que la pollution acondamnée. Avec ses co-pains il rêve d’aventures...

✦ Gary Cook. Le pont des ou-bliés, tome 1, R. Quirot, A. Jau-nin, Nathan, 2017, 17,95 €.

Temps de lire. Cet al-bum réunit les grandssuccès de G. Solotareff :Loulou, 3 sorcières,Le chat rouge, Toi grandet moi petit et Quandje serai grand, je seraiPère Noël.

✦ Cinéma de minuit, 40 ans,2 000 films, Patrick Brion, éditions Télémaque.

Temps de lire. Quarante ansde films présentés lors dela mythique émission.

Temps de lire. Catalogue quipermet de rendre comptede la genèse de l’œuvre dePoussin et son influence surPicasso et Bacon, et mêmeAnnette Messager.

Beaux Livres

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✦ Hou Hsiao-hsien, 6 œuvresde jeunesse, 6 DVD, Carlotta.

Supplément au no 774 du 13 novembre 2017 - US MAGAZINE - 41

que notre époque, le hard rock, le rock, le chant classique, le chant joyeux de Fats Domino qui vient de nous quitter...Ce n’est ici qu’une sélection qui est loin d’être exhaustive... Nous la poursuivrons sur le site (voir p. 39).

ENTENDRE ET DE VOIR

Pages réalisées par Nicolas Béniès, Francis Dubois, Cécile Exbrayat, Eric Loizeau, Nicolas Morvan, Catie Pillé, Stéphane Rio, Doriane Spruyt

✦ Sgt. Pepper’s Lonely HeartsClub Band , 50th Anniversary,coffret limité, 4 CD, 1 DVD,1 Blu-ray, Capitol, 104,90 €.

Temps d’entendre. Un al-bum fondateur qui achangé la pop music.

Temps d’entendre. Unebelle réédition en quatre vinyles de cet album my-thique du groupe d’Oxford.

Temps d’entendre. La voixsublime de Jaroussky auservice de Händel.

Musiques

✦ Ok Computer, Oknotok, 97-17, Radiohead, XL Recor-dings, 35 €.

✦ The Händel Album, PhilippeJaroussky, Erato.

Temps d’entendre. Hom-mage vivant et nécessaire.

✦ The indispensable Fats Do-mino, coffret de 6 CD, Fré-meaux et Associés.

Temps d’entendre lesconcerts parisiens des années 1960, la batterie deJo Jones, Ben Websteret les vocalistes de laCôte Ouest.

✦ Un échantillon du patrimoinedu jazz publié par Frémeauxet Associés.

✦ Alfred Hitchcok. Les annéesSelznick, coffret Blu-ray, DVD,livre, Carlotta.

✦ Coffret Virgile Vernier, 8 DVD,1 bonus, éd. Shellac.

Temps de lire. Une ré-flexion originale sur la crisesystémique actuelle.

✦ À quoi bon penser à l’heuredu grand collapse ? Paul Jo-rion, Fayard.

Des livres nécessaires

✦ Dictionnaire des féministes.France – XVIIIe-XXIe siècle, PUF,2017, 32 €.

Temps de lire. Entre écono-mie, urbanisme et littérature,un plongeon dans le Parisnocturne du XIXe siècle.

✦ Les Chiffonniers de Paris, An-toine Compagnon, Bibliothè -que illustrée des Histoires/Gal limard.

✦ La collection Godard. 7 filmsDVD ou Blu Ray, Studio Canal.

Temps de lire. L’objectif dece formidable dictionnaireest de nous apprendre toutce qu’il faut savoir sur lesmouvements féministes.

Temps de voir les débuts ducinéaste sud-coréen.

Temps de voir Le ProcèsParadine, la Maison dudocteur Edwardes, Les En-chaînés, Rebecca.

Temps de voir À bout desouffle, Le Mépris, Alpha-ville, Une femme est unefemme, Made in USA, Pier-rot le Fou, Le Petit Soldat.

Temps de voir le nouveaucinéma français.

POLAR

Les premières enquêtes de VictorLegris, Claude Izner, 10/18.

Temps de lire. Le débutdes œuvres complètesdes sœurs Izner. Pourvoir le Paris de la findu XIXe siècle.

Un CD à découvrir

Rez Abbasi est un guitariste indienqui cherche à mêler le jazz à la mu-sique indienne. Whirlwind Records.

Temps de lire pour mieuxentendre. Une sélection,agrémentée de quelques er-reurs, de CD de jazz.

✦ Sounds of Surprise – Le jazz en100 disques, Franck Médioni,Le Mot et le Reste, 268 p., 21 €.

Temps de lire. Pour fêter le100e anniversaire de la Ré-volution russe en luttantcontre tous les clichés idéo-logiques.

✦ Les bolcheviks prennent lepouvoir. La révolution de 1917à Petrograd, Alexander Rabi-nowitch, La Fabrique Éditions.

Coffrets DVD

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78 % des sénateurs et 61 % des députéssont des hommes. Ainsi, la démocratiefrançaise présente un visage de Janus avec,d’un côté, des collectivités territoriales etun gouvernement composés d’autant defemmes que d’hommes et, de l’autre, destêtes d’exécutif incarnant la recompositionde la « démocratie exclusive »(2). Dans unregistre plus qualitatif, l’analyse de larépartition sexuée des délégations – dugouvernement aux exécutifs de nosmairies – montre que la division du travailpolitique fonctionne encore sous le logicielde la complémentarité. Alors que 80 % desadjoints aux finances sont des hommes, lesfemmes sont en charge de l’enfance/petiteenfance/famille, du social et des affairesscolaires à plus de 85 %. La répartitionhorizontale des délégations sur le modèlepapa-maman exprime une construction

42 - US MAGAZINE - Supplément au no 774 du 13 novembre 2017

ENTRETIEN RÉJANE SÉNAC

L’US Mag : On n’a jamais autant parléd’égalité entre les sexes qu’aujourd’huiet, pourtant, l’actualité la plus brûlantenous prouve que l’on est encore loin ducompte en la matière...Réjane Sénac : Ce début de XXIe siècleconstitue incontestablement unepériode charnière. Après une secondemoitié de XXe siècle marquée par uneégalisation des droits, la tentation estgrande de penser que nous sommesdans une ère post-juridique oùl’égalité est un principe consensuel. Ladispute n’est alors plus censée portersur le « pourquoi » ou le « quoi »,mais sur le « comment ». L’ampleur etla violence de l’opposition aux loisouvrant le mariage civil aux couplesde même sexe (17 mai 2013) et derénovation de l’école (8 juillet 2013),ou plus récemment les réactions, dontcelle de l’Académie française, à lamise en place de l’écriture inclusive,soulignent le piège que constitue cette« vision “post-politique” »(1) del’égalité.La levée de l’omerta sur lesviolences sexuelles avec les hashtags#MeToo et #Balancetonporc suiteaux dénonciations du producteur decinéma Harvey Weinstein permet decomprendre qu’au-delà d’un surmoiégalitaire, nous subissons toujours lesconséquences concrètes de lapersistance de l’héritage sexiste, entreça et moi.

L’US Mag : Comment analysez-vousl’application des lois dites «  sur la parité »,votées il y a maintenant près de 20  ans ? Quedit-elle de la société française et de sonrapport à l’égalité femme-homme ?R. S. : Ces lois ne sont efficaces que là oùleur application est strictementcontraignante : dans les communes de1 000 habitants et plus, les conseilsrégionaux et départementaux, la délégationfrançaise au Parlement européen. Là où laloi ne dit rien, l’exclusion des femmes dupouvoir persiste. C’est ainsi qu’en 2017, lechef de l’État, le chef de gouvernement, lesprésidents de l’Assemblée nationale, duSénat, plus de 90 % des présidents deconseils départementaux etd’intercommunalité, 84 % des maires,

sociale hiérarchisée dans unerépartition verticale de la légitimité.

L’US Mag : Selon vous, à l’antiqueexclusion des femmes de la«  communauté des égaux » s’estsubstituée leur nécessaire inclusion aunom de leur complémentarité avec leshommes. Pouvez-vous nous en dire plusà ce sujet ?R. S. : Dans un contexte de criseglobale – financière et politique –, lerecours au registre de la performancede la mixité est présenté comme laseule argumentation sérieuse etconvaincante car réaliste. Dans cecontexte, la tentation est grande dejustifier l’inclusion des femmes pourles mêmes raisons qu’elles ont étéexclues, à savoir au nom de leurdifférence, et non parce qu’elles sontreconnues comme des égales. Ladiffusion dans le débat publicd’arguments tels que « les femmesfont de la politique ou dumanagement autrement », « mixitéégale valeur ajoutée », « la diversité

c’est bon pour le business », quisemble à première vue relever d’unpragmatisme efficace et bienveillant,charrie en réalité une idéologieconservatrice reconfigurée dans uneapparence plus respectable.Je propose de déchiffrer le mythe del’égalité à la française à la manière

d’une enquête pour meurtre, celui del’application de l’égalité pour les « non-frères ». L’étude de rapports, de discours,de données chiffrées et d’enquêtesqualitatives sur les principes de justificationde l’inclusion des non-frères (promotion dela parité pour les femmes et de la diversitépour les « non-blanc.he.s ») permet detester l’hypothèse de la modernisationcroisée du mythe de l’égalité et de lacomplémentarité pour celles et ceux qui ontété exclu.e.s théoriquement ethistoriquement de la fraternité républicaine,à savoir non seulement les « non-hommes »au sens de non viril, mais aussi les « non-blanc.he.s ». La valorisation de laperformance de la mixité sexuée etethnoculturelle s’inscrit dans le mêmeregistre biopolitique de mise en scène de laperformance de la complémentarité entre

« Nous subissons toujours les conséquencesde la persistance de l’héritage sexiste »

Réjane Sénac est directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po – CEVIPOF.Elle enseigne à l’IEP de Paris et préside la commission parité du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les

hommes. Son dernier ouvrage, Les non-frères au pays de l’égalité, a été publié aux Presses de Sciences Po en 2017.

« La tentation est grande de justifierl’inclusion des femmes [...] au nom de leur

différence, et non parce qu’elles sontreconnues comme des égales »

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frères et « non-frères ». Cette théâtralisationest incompatible avec l’égalité.

L’US Mag : Pourquoi opposez-vous l’égalité àla fraternité qui est généralement réduite,dans vos ouvrages, à un principe d’exclusion ?R. S. : Affirmer en ce début de XXIe siècle,comme le fait le site internet de l’Élysée,que la devise « Liberté, Égalité,Fraternité » est « notre patrimoinenational », c’est revendiquer la centralitéde la narration républicaine dans le romannational français. Avant de se demandercomment la République française peut sedonner les moyens de tenir ses promesses,il faut s’interroger sur leur sens.Si la devise française était « Liberté,Égalité, Sororité », la place privilégiée des

sœurs ne manquerait pas de faire débat. Ilfaut bien comprendre que, pas plus que lasororité, la fraternité n’a été, n’est ou nepourra être, neutre et universelle. Lesappels à « refaire fraternité » pour répondreà la peur de la segmentation de lapopulation française sont, à ce titre,significatifs de la cécité paradoxale de ceuxqui continuent à prôner le lien et l’unité àtravers un mot, la fraternité, charriant uneconception exclusive de la démocratie.

L’US Mag : D’où l’importance, dans votreréflexion, de l’expression de «  non-frères »,que l’on retrouve par exemple dans le titre devotre dernier ouvrage...R. S. : Cette expression permet d’expliciterque c’est sur le registre de la négation, del’opposition actif/passif que certainsgroupes d’individus ont été définis commeincapables d’être autonomes, et donc d’êtredes acteurs politiques légitimes.Qu’elles/ils soient singularisé.e.s par unrenvoi à leur sexe ou à leur couleur depeau, les non-frères ont pour pointcommun d’être sorti.e.s du politique aunom de leur prétendue impuissance àprendre de la distance par rapport à « leurnature », c’est-à-dire à leur animalité. Lesfemmes sont renvoyées à leur faiblessephysique, versant négatif de leur « beau »destin maternel et maternant, et les « non-blanc.he.s » à la prédominance de leurforce physique et de leurs traditions. Ladéfinition de ce que doit être un.ecitoyen.ne français.e au XXIe siècle est ainsià comprendre à la lumière de la généalogiesexuée et raciale de la nation française(3).Elle doit être, en particulier, examinée àl’aune de la confiscation du pouvoirfondamental d’être en position declassificateur, c’est-à-dire d’avoir lalégitimité de définir les règles du jeu et dese positionner au sommet de la hiérarchie.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE◗ Les non-frères au pays de l’égalité, Presses de Sciences Po, 2017.

◗ L’égalité sous conditions  : genre, parité, diversité, Presses de Sciences Po, 2015.

◗ «  Le contrat social à l’épreuve de l’offensive contre ladite “théorie du genre” », dans Laurie Laufer & Florence Rochefort, Qu’est-ce que le genre  ?, Payot, 2014, p.  231-243(www.dailymotion.com/video/x2gbg2d).

◗ L’Invention de la diversité, PUF, Le Lien social, 2012.

◗ Avec Annie Junter, «  La diversité  : sans droit ni obli-gation », Revue de l’OFCE 114 (2010/3), p.  199-231(www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2010-3-page-167.htm).

◗ La parité, PUF, « Que sais-je ? », 2008.

◗ L’ordre sexué  : la perception des inégalités femmes-hommes, PUF, collection « Le lien social », 2007.

Ainsi, la devise française incarne l’héritagehistorique et théorique d’une Républiqueoù les « hommes blancs » tracent leslimites du politique, en termes à la fois dece qui est politique et de qui est politique.Mes recherches ont pour proposd’examiner les répercussionscontemporaines de cet héritage.

L’US Mag : Que suggérez-vous pour quel’égalité devienne enfin effective ?R. S. : L’importance donnée au registre de laperformance dans la promotion de la paritéet de la diversité démontre que tend às’imposer aujourd’hui une approcheconséquentialiste où la priorité n’est pas àla mise en œuvre de ce que l’on considèrejuste, mais de ce qui est posé comme bon

car rentable. La justification despolitiques d’égalité parl’argument de la performancesoulève ainsi des discussions entermes non seulement de rigueur

scientifique et de portée idéologique, maisaussi d’implications concrètes, et ceci àdeux niveaux. D’une part, si la performancede la mixité est démontrée, les non-frèressont inclus comme complémentaires, et noncomme égaux. D’autre part, si laperformance n’est pas démontrée, l’égalitédevient une option irrationnelle. Nesuccombons pas à la tentation de mettre lacerise de la performance sur le gâteau del’égalité. Il est soit cynique, soit naïf, depenser que l’on pourra ôter la cerise si l’onconstate qu’elle empoisonne le gâteau.C’est en effet ne pas comprendre que lamarchandisation de l’égalité est un poisonsans antidote.Dépasser cette tentation exige de penserl’application du principe d’égalité encontexte, c’est-à-dire à la fois dans saprofondeur historique et dans son épaisseursociale et politique. Les différences desituation doivent ainsi être prises encompte pour éviter de reproduire desdiscriminations structurelles. C’est à cettecondition que la mise en place de mesuresde discriminations positives, quel que soitle secteur de politique publique (des REP+

« La marchandisation de l’égalité estun poison sans antidote »

aux lois instaurant un quota pour partagerles postes à responsabilité), participera à ladéconstruction de l’ordre inégalitaire. Sices mesures sont portées au nom de laperformance de la mixité, et non de laremise en cause des différenciations jugéesillégitimes, elles contribueront àrenaturaliser les hiérarchies sociales etpolitiques dans une inclusion sousconditions. L’enjeu est que tou.te.s etchacun.e soient imaginé.e.s et traité.e.scomme un.e semblable. Pour cela, il fautpromouvoir « l’égalité dans l’accès auxmoyens de l’indépendance » au-delà de la« répartition aléatoirement inégale desavantages initiaux (talents, accès auxressources) »(4). n

Propos recueillis par Jean-François Claudon

(1) Chantal Mouffe, L’Illusion du consensus,Albin Michel, 2016, p. 8.(2) Geneviève Fraisse, « La démocratieexclusive : un paradigme français »,Pouvoirs n° 82 (1997), p. 5-16.(3) Voir à ce titre Abdellali Hajjat,Les Frontières de l’« identité nationale ».L’injonction à l’assimilation en Francemétropolitaine et coloniale, La Découverte,2012, ainsi que Elsa Dorlin, La Matricede la race. Généalogie sexuelle et colonialede la Nation française, La Découverte, 2006.(4) Jean-Fabien Spitz, « L’État socialet le dilemme de l’égalité et de la liberté »,Le Philosophoire n° 37 (2012/1), p. 52-53.

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SÉNÉGAL. Comment une amicale, fondée par les enseignants les plus fragiles et les plusprécaires, est-elle devenue la première force syndicale enseignante ? SouleymaneDiallo, fondateur et secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégalévoque cette aventure syndicale.

Le SELS, une organisationjeune et dynamique

Au début des années quatre-vingt, laBanque Mondiale et le FMI imposentauprès de nombre de pays africains la

« politique d’ajustement structurel  », quisignifie en clair une baisse drastique de l’in-vestissement de l’État dans le secteur public.Au Sénégal, un coup d’arrêt est donné aurecrutement de fonctionnaires, en particulierd’enseignants. À la place, l’État crée les« volontaires de l’éducation », sans formation,sans perspective de carrière, avec une boursedérisoire en guise de salaire.En 1995, les volontaires de l’éducation s’or-ganisent en Amicale afin de lutter collecti-vement pour obtenir un plan de carrière et desconditions de travail décentes. Une premièrereconnaissance a lieu en 1999 avec la création

du corps des maîtres contractuels, agents del’État non fonctionnaires, bénéficiant de droitssyndicaux. L’opportunité est saisie de trans-former l’amicale en syndicat : c’est ainsi quenaît le SELS. Le nouveau syndicat combatsans relâche les injustices dont sont victimesles volontaires et maîtres contractuels. Étapepar étape, il réalise les objectifs fixés : for-mation diplômante pour tous les maîtrescontractuels, revalorisation des salaires (mêmesi cela reste insuffisant), droit à la mutation,formation continue.

Au cœur de la précaritéEn 2013, le SELS obtient la suppression duvolontariat et dans le même temps, l’extensionde centres de formation initiale dans toutes les

régions, la titularisation des maîtres contrac-tuels sous condition de diplômes profession-nels, la possibilité de postuler aux concoursde la fonction publique et donc de devenirfonctionnaire. C’est grâce à son action de terrain, instruit aucœur même de la précarité du travail, que leSELS gagne des adhérents dans tous lesniveaux d’enseignements, chez les contrac-tuels, comme chez les fonctionnaires. LeSELS remporte en avril 2017 les premièresélections professionnelles organisées au Séné-gal. Il est bien décidé à poursuivre la dyna-mique, à renforcer son caractère démocra-tique et à travailler avec d’autres syndicatspour l’avenir de l’éducation au Sénégal. n

Jean-Hervé Cohen

La CSI a pu porter jusqu’à la tribune de laplénière de la zone des négociations(appelée BULA, bonjour/bienvenue en

fidjien) ses revendications sur une applicationrapide de l’Accord de Paris de 2015 visant à

ne pas dépasser une hausse de 2 °C de latempérature moyenne et sur l’obtention degaranties pour une transition juste vers unfutur zéro carbone pour les travailleurs. Si, surla transition juste, la CSI note des progrèsnotables – inclusion de cette notion dans lespolitiques des groupements écologiques etindustriels, des gouvernements régionaux etdes États – elle regrette en revanche les pro-grès très limités sur l’action climatique etl’absence de gouvernance. Bref, peu d’avan-

cées en provenance de la zone BULA...En zone Bonn, deuxième zone de la COP23, oùse sont déroulés les événements organisés parles délégations et les différentes organisationsinter- ou non-gouvernementales, on trouvaiten revanche beaucoup plus de passion, d’envieet d’énergie.

Rôle fondamental de l’éducationC’est dans cette zone que la délégation de l’IEa pu rappeler le rôle fondamental que l’éduca-tion doit jouer pour lutter contre le change-ment climatique. Dennis Sinyolo, coordina-teur principal de l’unité de l’éducation et del’emploi de l’IE, a notamment été orateur lorsd’un panel de la journée thématique éduca-tion de la COP23. Il a rappelé l’importancede l’inclusion de l’éducation à l’environne-ment dans les programmes scolaires partoutautour du globe. Mais aussi la nécessité des’appuyer sur le réel et le contexte local pourmobiliser les élèves sur ces questions et deconstruire un réseau mondial d’enseignantspour échanger au sujet de ces problématiques.Même si l’éducation n’a pas semblé au cœurdes débats de cette COP, ces interventionsont permis de rappeler son importance en des

temps où, en France, la plupart des associationstravaillant sur ces sujets et le Collectif françaisà l’éducation à l’environnement vers un déve-loppement durable (CFEEDD), dont le SNES-FSU est membre, subissent des réductionsdrastiques des subventions qui leur étaientallouées par les ministères concernés et les col-lectivités territoriales. n Thomas Brissaire

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LE SNES-FSU ÉTAIT PRÉSENT À LA COP23 du 14 au 17 novembre dans la délégation de la Confédération syndicaleinternationale (CSI) à l’invitation de l’Internationale de l’Éducation (IE). Cette 23e «  Conférence des Parties  », instance décisionnelle suprême et annuelle pour les grandes conventions internationales sur le changement climatique avait lieu cette année à Bonn avec pour hôte la république des Fidji.

Une COP de transition

INTERNATIONAL

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« La démocratie laisseplace à la technocratie »

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Au Portugal, les établissements dépen-dent administrativement, financièrementet pédagogiquement du ministère de

l’Éducation. Une des mesures d’austéritéimposée par le gouvernement de droite (2012-2015) et la troïka a conduit au regroupementde plusieurs établissements en « unités orga-niques » de grande dimension. Par exemple :les collèges X et Y + le lycée Z sont devenusune seule « unité organique ». Ainsi, dans lescollèges X et Y, il n’y a plus de directeur, nide conseil pédagogique(*), ni de personnelsadministratifs, tout est centralisé dans l’écolesiège du « groupe scolaire ». Les enseignantsont souvent des classes dans différentes écolesdu groupe scolaire. Il existe 811 « unitésorganiques », de taille et de compositionvariable. Derrière cette réorganisation, il fautvoir de simples mesures de restriction bud-gétaire. La FENPROF a immédiatement com-battu cette réforme et milite pour la fin de cesméga-groupements scolaires déshumaniséset sans rationalité pédagogique. D’autant quele désengagement de l’État qui se préparefait craindre une régression de l’autonomiedes établissements conduisant, de fait, auretour des inégalités dans le cadre d’une ges-tion décentralisée.

L’US Mag : Peut-on encore parler d’autonomieau sein des établissements ?Manuela Mendonça : Dans le cadre législa-tif, l’autonomie se définit au travers de lacapacité à élaborer et réaliser un projet édu-catif impliquant tous les membres del’équipe éducative. Le degré d’autonomiedes écoles est marginal dans les domainesadministratifs et budgétaires. Tout est régipar l’administration et les « petites fenêtres »d’autonomie pèsent bien peu dans la mise enœuvre du projet éducatif. Dans les domainespédagogique et culturel, les écoles ont plusde libertés mais les règles administrativesrigides et les contraintes budgétaires en limi-tent leur portée.

L’US Mag : Les chefs d’établissement sont-ilstoujours élus par les personnels ?M. M. : Avant la révolution (avril 1974), il yavait des recteurs/directeurs nommés par legouvernement et, véritables courroies detransmission de la dictature. Après la révo-lution (1976/1998), des conseils directifs ontété créés avec une équipe d’enseignants élusdémocratiquement par leurs pairs. Le prési-dent de ce conseil représentait l’école, dis-posait d’un pouvoir disciplinaire sur le per-sonnel, mais n’avait pas d’autres pouvoirsspéciaux. Il soumettait préalablement seschoix et décisions au collectif du conseildirectif et du conseil pédagogique. En 1998, une modification de la législation apermis aux écoles de s’orienter, toujoursdémocratiquement (enseignants, personnel etparents), vers le choix d’un directeur ou d’unconseil directif. Très peu d’écoles ont fait lechoix d’un directeur. En 2008, le paradigme

a changé, la démocratie a disparu au profitd’une technocratie, imposant la figure dudirecteur comme obligatoire pour toutes lesécoles (on l’a appelé « le retour du recteur »).Représentant unique et tout-puissant, il n’estpas élu par la communauté scolaire, lato sensu,mais par un conseil général, avec un maxi-mum de 21 membres, où les enseignants nepeuvent dépasser un tiers du nombre total.Les représentants de la municipalité sontdéterminants dans son choix. Pour le conseilpédagogique, les enseignants ne peuvent plusélire librement leurs représentants, c’est ledirecteur qui les choisit. La pédagogie a étéremplacée par la bureaucratie...

L’US Mag : Quel est votre regard sur cette évo-lution ?M. M. : La FENPROF dénonce cette perted’autonomie. Il s’agit d’une sérieuse régres-sion dans le fonctionnement démocratiquede l’école publique. Ce modèle a de plus détérioré les relations de tra-vail et le climat scolaire, multipliant les conflits.

PORTUGAL. Manuela Mendonça, secrétaire nationale de la FENPROF, principal syndicatde l’éducation au Portugal, revient sur la réforme de l’autonomie des établissements. Elle pré-figure un transfert des compétences à l’échelon local.

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Dans certaines écoles, on note des situations fré-quentes d’abus de pouvoir, entraînant un senti-ment croissant d’insécurité et de peur. Nous revendiquons un cadre législatif quiredéfinisse la composition et l’élection de la

direction, qui rétablisse la collégialité de sonfonctionnement et la participation des repré-sentants de la communauté scolaire dans les

décisions. Nous défendons, auniveau local, la création deconseils locaux d’éducationdans lesquels les municipalitésjoueraient un rôle importantmais pas déterminant.Le gouvernement a présenté auParlement un projet de loi quiprévoit la décentralisation desresponsabilités en faveur desmunicipalités. La FENPROFs’oppose à cette déresponsabili-

sation de l’État dans le financement de l’édu-cation publique. Elle ouvre la porte à une plusgrande perméabilité, à la privatisation et à l’ex-ternalisation de l’éducation, à un plus grandcontrôle sur les écoles, à un système de recru-tement arbitraire donc à l’augmentation duclientélisme conduisant à une précarisation chezles enseignants, actuelle source de démotivation.Avec des inégalités de richesses entre lesrégions et les municipalités, nous pouvonscraindre des répercussions sur la qualité del’offre d’enseignement et sur les moyens,mettant en péril l’égalité des chances. n

(*) Les membres du conseil pédagogique sont desenseignants qui ont des responsabilités de coordi-nation pédagogique. Depuis 2008, le directeur choi-sit les représentants des départements et le directeurest obligatoirement président du conseil pédago-gique. Cela a conduit à une configuration monoli-thique de cet organe – les opinions, les sensibilitéset les différents points de vue sur la vie de l’écoleet ses projets pédagogiques ne peuvent plus seconfronter d’une manière démocratique.

« Pour le conseil pédagogique les

enseignants ne peuvent plus élire librement

leurs représentants, c’est le directeur qui

les choisit. La pédagogie a été remplacée

par la bureaucratie... »

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DROITS ET LIBERTÉS

L’assassinat de Daphne Caruana-Galiziadevant son domicile le 16 octo-bre dernier rappelle avec brutalité

les risques encourus dans certains payspar celles et ceux qui dénoncent les mal-versations financières des grands acteurs écono-miques. Cette journaliste maltaise dénonçait depuisdes années les fraudes et la corruption qui sévissentdans son pays, État membre de l’UE. Elle faisaitpartie du Consortium International des Journalistesd’Investigation (ICIJ) qui avait publié les « PanamaPapers » en 2016 et ont publié, quelques semainesaprès son assassinat, les « Paradise Papers ».La fraude et la corruption volent les peuples desressources fiscales nécessaires à la redistributionet à la justice sociale. Combinées aux politiquesd’austérité, elles tuent chaque jour : misère et grandepauvreté, problèmes de santé publique, dégradationou disparition des services publics. La grande cri-minalité participe de cette logique mortifère quiaffaiblit les États et leur ôte les moyens d’agir(réguler, prévenir, protéger les citoyens menacés).

Parmi les pistes de travail du gouvernementdans sa réforme de la procédure pénale figurel’extension de la forfaitisation des petits délits

à l’usage de certains stupéfiants. Les usagers ducannabis seraient en effet toujours consi-dérés comme délinquants, maiscondamnés à des amendes for-faitaires, proches des actuellescontraventions. Il s’agirait,concrètement, de déjudi-ciariser les procéduresintentées contre eux,sans pour autant endépénaliser l’usage.

Dépénaliser ?Si cette mesure, essen-tiellement motivée par lavolonté de désengorger destribunaux sous-dotés enmoyens et effectifs, peut don-ner l’impression de pouvoir faci-liter la vie des quelques 4,5 millionsd’usagers (dont 1,4 million de réguliers)de cette drogue en France, elle ne doit pas conduireà escamoter un débat nécessaire sur le statut légalde ce produit.En présentant l’usager comme un délinquant,voire un fauteur de troubles, au moins potentiel,la pénalisation éloigne les politiques publiquesd’une nécessaire prévention centrée sur la luttecontre l’addiction et les effets sanitaires désastreuxde cette drogue, notamment auprès des jeunes.C’est une des raisons pour lesquelles la Commis-sion nationale des droits de l’homme s’était pro-

noncée, il y a un an, pour la suppression de toutepoursuite à l’égard des simples usagers.Pour autant, une dépénalisation « sèche », qui neserait pas très éloignée de l’abandon pur et simple

des poursuites qui est déjà souvent prati-qué sur le terrain, pourrait avoir des

conséquences tout aussi drama-tiques, y compris chez nos

élèves (il faut rappeler qu’unélève de Troisième sur qua-tre et un élève de Termi-nale sur deux a déjà expé-rimenté le cannabis). Desconséquences à la foissanitaires, mais aussisociales si elles condui-sent à renforcer les

réseaux de trafiquants.

Un enjeu de sociétéLa question en débat est celle

du discours en direction de lajeunesse : l’approche strictement

répressive dans un contexte de banalisationsociale de l’usage du cannabis a pour effet delégitimer chez certains adolescents un discoursinverse qui en minimise les conséquences en sefondant sur l’hypocrisie, réelle ou supposée, desadultes.Des options diverses, incluant la légalisation régle-mentée, sont sur la table depuis de nombreusesannées. Il est temps que le débat se mène etdébouche sur des décisions éclairées plutôt qu’àdes mesures prises en catimini et visant unique-ment à cacher le problème. n Hervé Le Fiblec

LIBERTÉ DE LA PRESSE ET JUSTICE SOCIALE

Même combat

Empreintes génétiquesi

La France hors-la-loiLa Cour européenne des droits del’Homme a jugé en juin certaines règlesorganisant le Fichier national automa-tisé des empreintes génétiques (FNAEG)en France contraires à l’article 8 de laConvention européenne des droits del’homme. Cela concerne l’absence dedifférenciation du délai de conservationdes données selon la nature des infra-ctions commises, mais surtout l’im-possibilité pour les personnes figurantdans ce fichier de demander un effa-cement de leurs données. Si cette déci-sion n’est pas la remise en cause pro-fonde souhaitable, son application dansle droit français serait un premier pas,que le gouvernement refuse pour l’ins-tant de franchir malgré les demandesde nombreuses organisations dedéfense des droits.

Migrantsi

L’extrême droites’en prend auxcitoyens solidairesLe 16 novembre, la justice a déboutél’élu FN de Nice, Olivier Bettati, et uneassociation fantoche qu’il avait montéepour demander l’interdiction de Royacitoyenne, association solidaire venanten aide aux réfugiés qui passent dansla vallée de la Roya à la frontière ita-lienne. Ne boudons pas notre plaisirpuisque le juge a aussi condamné, demanière exécutoire, l’élu FN et sonassociation à verser 5 000€ de dom-mages et intérêts à Roya citoyenne,plus 2 000 € de frais de justice. Cetargent sera plus qu’utile pour aiderles migrants. Les forces d’extrêmedroite n’hésitent pas à transporterleur combat sur le terrain judiciaire,dans le seul but de faire perdre dutemps, de l’énergie et de l’argent auxcitoyens solidaires qui ne cessent devenir en aide aux migrants.

Arrestation politiquei

La France prend positionSalah Hamouri est en détention admi-nistrative depuis 80 jours dans uneprison située dans le désert duNeguev. Malgré le silence des grandsmédias, la mobilisation populaire ainsique celle d’élus ont permis des avan-cées sur le plan diplomatique. Aprèsun rendez-vous à l’Élysée, le 9 octobre,une prise de position publique de ladiplomatie a été effectuée le 25 octo-bre par le ministère des Affaires étran-gères. Dans son communiqué, le Quaid’Orsay déclare «  Nous demandonsque l’ensemble des droits de SalahHamouri soient bien respectés  » et«  nous espérons sa libération ». LeSNES-FSU poursuit son engagementdans la campagne pour sa libération.

USAGE DU CANNABIS

Ne pas faire l’économie du débat

© Onidji / Fotolia

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Crime politique ?Le nom de Daphne Caruana-Galizia vient allongerla liste des journalistes assassinés dans l’exercicede leur métier.La liberté de la presse est vitale pour nos démo-craties. Souhaitons que l’horreur et l’indignationsuscitées par cet assassinat odieux perdurent etencouragent journalistes, citoyens et politiquesà exiger que toute la lumière soit faite sur lesparadis fiscaux et sur tous les mécanismes defraude à grande échelle contre lesquels les pou-voirs publics doivent lutter sans relâche. n

Fabian Clément

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