ddééccoouuvvrriirr llee vvaalllloonn ddee ssaallllèèlleess · ii- la diversité géologique :...
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SSoocciiééttéé ddee PPrrootteeccttiioonn ddee llaa NNaattuurree dduu PPiissccéénnooiiss
16 rue de la foire 34120 Pézenas Tél : 0467989842 – 0467251479
Courriel : [email protected]
Site : http://www. spn-pezenas.org
DDééccoouuvvrriirr llee vvaalllloonn ddee SSaallllèèlleess Année 2009
I- Les caractéristiques géomorphologiques :
Le vallon de Sallèles est une dépression bordée d’un plateau basaltique, en forme de fer à cheval, qui
correspond à des coulées de laves refroidies. Entre les deux coulées l’érosion a creusé dans les
roches plus tendres et le réseau pluvial entaille le vallon en drainant les eaux vers le ruisseau
collecteur de Tartuguier qui court du nord au sud.
Tartuguier prend sa source dans une des trois cuvettes d’effondrement du Causse de Nizas nommée
« l’étang ». Dans son premier tronçon il est nommé du nom du tènement agricole « des
régagnades ». Chacune de ces dépressions naturelles présente une forme hémicirculaire. Dès le
début du XIXème siècle le géologue piscénois Henri Reboul interprétait ces dépressions comme étant
les cratères d’émission de la lave qui, en refroidissant, était devenue le basalte. En effet, quand la
lave refroidit elle se rétracte ; et ce phénomène de réduction de volume entraine un affaissement en
surface. Les archives de la Société Géologique de France nous indiquent que l’étang a été drainé
pour assécher ce tènement dans les années 1830. Cette opération a du changer radicalement le
régime hydraulique du ruisseau des régagnades. Il possédait auparavant une cuvette de collecte et
d’alimentation marécageuse qui devait réguler son débit de manière plus importante qu’aujourd’hui
où les mises en charge ne correspondent plus qu’aux orages qui font surgir les sources temporaires
qui l’alimentent. Plus en aval dans le vallon, une retenue d’eau est bâtie au niveau de la campagne de
Daurion. Elle n’est associée à aucun édifice évident : réservoir d’eau agricole ou pour alimenter un
moulin ? Le problème demeure.
D’une manière générale le réseau hydraulique de Sallèles a été domestiqué : Pas moins de 17 puits
exploitent la nappe en zone nord et des robines témoignent de la conquête de terres arables dans les
secteurs bas qui devaient être inondés saisonnièrement pour former un étang temporaire. D’ailleurs,
dans ce secteur, les bâtiments anciens tel le hameau de Sallèles ou la Villa Romaine sont tous deux
établis sur les hauteurs. C’est que la zone de captage est elle-même complexe : elle est constituée du
secteur bien drainant que constituent les collines de cailloutis villafranchien qui s’étendent du nord-
est au Sud ainsi que par le plateau de basalte lui-même qui draine les eaux de pluie. Cette eau
percole en partie le long des fissures internes du basalte de coulée organisé en orgues ou en boules
selon les secteurs. Cette eau arrive ensuite sous le basalte et entre en contact avec les alluvions
déposés dans l’ancienne rivière que la coulée a recouverte. Ce dépôt de base constitue un niveau de
drain et de réservoir. Il conserve et concentre l’eau collectée en surface. Les contacts avec les
couches argileuses, notamment miocène, constituent souvent dans le relief les zones de sources qui
fonctionnent en résurgences quand la charge de la rivière recouverte est dépassée et que les
secteurs de trop-plein naturels se mettent en marche.
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Tartuguier sort enfin du vallon en serpentant, formant un petit défilé creusé entre les collines de
cailloutis villafranchien et débouche vers le vallon de Saint Jean de Bébian.
Ce profil géomorphologique enclavé conjugué à un réseau de ruisseaux concentré et drainé par une
surface de collecte importante à l’échelle du vallon, confère à ce secteur une typicité
microclimatique qui le caractérise en un terroir singulier, propice aux expériences agricoles de
qualité, notamment en matière viti-vinicole.
II- La diversité géologique :
Comme le montre la carte géologique simplifiée, le vallon est creusé dans des dépôts d’âges qui
s’échelonnent depuis le miocène moyen (vers – 18 MA) jusqu’au début du quaternaire. Globalement
4 épisodes majeurs ressortent de l’histoire géologique que racontent ces dépôts :
1°- Les dépôts de base, accessibles surtout dans le secteur nord, témoignent d’un épisode
marin. Il s’agit de dépôts d’âge miocène moyen, riches en fossiles et qui sont repérés en légende de
carte géologique en « m2a ». C’est une alternance de sables parfois consolidés en grès, d’argiles
sableuses bleues ou beiges et de calcaires coquillers organisés en bancs. Cette diversité de terrains,
communs dans le secteur piscénois, montre qu’entre -18 et – 8 MA le Bas-Languedoc était recouvert
par une mer. Le niveau maximum du rivage est matérialisé au Sud de Neffiès par un récif corallien.
Les grès livrent des restes de mammifères marins (dauphins à long rostre), les marnes sont riches en
dents de requins (requin tigre et taureau…) et de raies qui attestent de la nature tropicale de cette
mer.
Les huîtres géantes Ostréa crassissima vivaient en massif compact, fixées verticalement dans le sédiment meuble et vaseux des bordures littorales. Leur croissance verticale leur permettait d’éviter d’être recouvertes.
2°- Ces dépôts marins sont surmontés de calcaires blancs bien visibles dans le paysage le
long d’un arc Est qui longe le plateau. Ils sont localisés en légende « m2b ». Le plateau central qui
porte le hameau et la villa romaine est aussi constitué de cette roche. Ces calcaires livrent des
fossiles de gastéropodes d’eau douce : planorbes et hélix rebouli. Ils attestent du retrait de la mer
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miocène et du développement d’un nouveau paysage dans lequel lagunes littorales puis étangs
d’eau douce ont recouvert la zone.
Planorbes et autres gastéropodes d’eau douce sont fréquents
dans le calcaire blanc
Le calcaire blanc a été exploité entre le XVIIIème et le début du XXème siècle comme pierre à
chaux. Trois bâtiments encore observables montrent des vestiges de ce type de four. Par
épierrement en zone agricole ou par excavation carrière, les blocs de calcaire étaient accumulés à
proximité des fours. Le bois local, puis le charbon de Neffiès, ont été utilisés comme combustible. Le
four était rempli en deux temps : à la base se situe le foyer d’allumage alors qu’en zone supérieure
on empilait, par le trou nommé gueulard, alternativement du calcaire et du combustible. La
température devait être entretenue durant trois jours au-delà de 850 °C. Par cette opération, le
carbonate de calcium est calciné en chaux vive ou oxyde de calcium. Il faut hydrater cette poudre
pour obtenir la chaux éteinte ou hydroxyde de calcium qui sera utilisée dans la composition des
mortiers. Lorsque cette chaux est vieillie durant une année elle peut être utilisée pour réaliser crépis
et enduits. Outre cet usage en maçonnerie la chaux a été utilisée en amendement agricole à partir de
1830 pour améliorer les rendements.
3°- Les dépôts de calcaires lacustres blancs sont surmontés par une série hétérogène de
cailloutis, d’argiles sableuses et de graviers qui caractérisent un environnement d’estuaire puis
fluviatile : Des cours d’eau ont charrié des roches roulées depuis les flancs sud des Cévennes
auxquelles se sont mêlées des roches locales et des fossiles arrachés aux dépôts miocène marin.
Riches en galets de quartz blanc, ces dépôts s’échelonnent du pliocène (« PC ») jusqu’au début du
quaternaire (« FV »). C’est dans ces dernières vallées, de direction Nord-Sud, que le volcanisme s’est
mis en place. Ce sont deux de ces anciens cours d’eau qui ont été comblés par la coulée de lave. Le
site paléontologique mis à jour par l’exploitation carrière de la coulée de basalte sur Lézignan-la-
Cèbe nous précise le paysage qui dominait à cette époque : Les dépôts de rivière sous le plateau
indiquent le niveau de base de cet antique paysage : Des plaines vallonnées dans lesquelles
serpentaient des cours d’eau. Une végétation de savane arborée et une faune africaine mêlant de
grands herbivores tels des chevaux, des bovidés, des cervidés à très grands bois et même des
troupeaux de mammouths méridionaux. Les prédateurs sont également bien représentés dans le
gisement : tigre à dent de sabre, hyène, panthère, loup et blaireaux. La prairie est aussi peuplée de
petits mammifères tels que lapins, taupes, hamsters, campagnols et mulots.
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Troupeau d’équus altidens. Des dents de cet animal sont fréquentes dans les niveaux
fossilifères du site.
Bref un paysage tout à fait différent de celui que nous observons aujourd’hui et qui a été figé lors de
l’épisode volcanique il y a 1.57 millions d’années.
4°- Les roches volcaniques :
Trois types de dépôts matérialisent le volcanisme local :
Il débute par un épisode explosif
généré par la rencontre dans le sous-
sol du magma fluide et chaud et d’une
nappe phréatique très riche. La
vaporisation de l’eau entraine son
augmentation de volume et la pression
induite rompt la résistance des roches
encaissantes : le sol explose et il se
forme un dépôt qui mélange
anarchiquement des fragments de
laves et des particules du sol. Ces
dépôts se superposent au rythme des
explosions et se plaquent contre les reliefs. Ces dépôts lités sont appelés un tuf volcanique. On y
observe un agrégat de fragments de lave et de cendre mélangée à des galets et à des poches d’argile,
vestiges du sol explosé. Les tufs signent donc la naissance tumultueuse du volcanisme en zone
humide.
Ces tufs sont surmontés de grandes étendues de basalte : une roche gris-foncé qui correspond à de
la lave fluide et peu différenciée refroidie. Dans certains secteurs le basalte contient des enclaves de
cristaux verts : Ces nodules représentent des fragments de roches que la lave a arrachés et a
remontés en surface lors de son voyage dans le manteau de la terre. Ces coulées ont été émises
depuis les dépressions observables sur le causse de Nizas. Le basalte a été daté à -1.57 Ma par la
méthode argon-argon en 2009.
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Décalés dans le paysage par
rapport aux coulées, on rencontre
enfin des petits cônes constitués de
l’empilement de blocs de laves très
colorés et très légers car riches en
gaz. Ces dépôts contiennent parfois
des fragments de forme fusiforme :
des bombes volcaniques. Des amas
plus ou moins consolidés sont
entrecoupés de strates de basalte
qui représentent de petites
coulées. L’alternance régulière des
ces deux roches matérialise un
épisode volcanique de type
strombolien. Dans notre phénomène volcanique local il correspond à la fin d’activité : La « chambre
magmatique » se vidange des dernières remontées de lave. Des éruptions espacées et très
irrégulières se produisent et forment des cônes de scories et de laves dans le paysage.
Le volume de matériaux émis par
le volcanisme des baumes a été
comparé à d’autres volcans de
même nature : On estime à un
mois maximum la durée de cet
événement qui marque encore le
paysage. Les basaltes de coulée
se sont déposés dans les fonds de
rivière du paysage vieux de 1.57
Ma. Le relief qui entourait la lave
était donc constitué de collines
qui surplombaient la coulée.
Suite aux phases d’érosion qui se sont succédées lors du quaternaire, entre périodes chaudes et
glaciations, les collines de l’époque ont été érodées. Mais la lave, plus résistante, a protégé les zones
que la coulée avait recouvertes. Ces coulées ont donc été portées en altitude. Le niveau de base de la
coulée a fossilisé la base du relief de son époque et nous indique que le niveau actuel de l’érosion par
le fleuve Hérault se situe en moyenne 80 mètres en dessous du niveau du lit des cours d’eau du
début du quaternaire ! 80 mètres d’épaisseur de roches ont été balayés et emportés à la mer en 1.57
Ma (ce qui ne représente qu’une érosion moyenne de 0.05 mm par an somme toute !). L’érosion
n’entaille pas les roches de la même manière. En fonction du phénomène destructeur (gel, pluies,
vent…) et de la roche qui y est soumise (grès, argile, calcaire, basalte…) l’érosion sculpte le paysage
sur de longues périodes et forme des petites falaises, des éboulis, des pentes ou des plateaux.
L’histoire des roches et du paysage nous permet donc de comprendre la formation du vallon bordé
d’un plateau protecteur de basalte. Ses buttes correspondent aux collines de roches résistantes (le
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calcaire blanc lacustre), des pentes douces correspondent aux dépôts fluviatiles, les fonds de vallon
sont creusés par Tartuguier dans le miocène plus tendre.
Bilan géologique du secteur de Sallèles :
Une mosaïque de milieux, empreinte de l’Homme:
Si l’Homme n’était pas intervenu sur le milieu naturel, le secteur serait sans doute couvert d’une
chênaie dans laquelle dominerait le chêne vert sur les hauteurs et le chêne blanc dans le vallon. Mais
peuplé depuis les temps préhistoriques, domestiqué depuis l’antiquité, le paysage de Sallèles a
hérité d’une diversité de milieux pour certains séculaires :
1°- Le plateau basaltique : Il est bordé d’un bois de chêne verts et blancs. Le plateau lui-
même est couvert d’une pelouse rase héritée du pastoralisme et de la céréaliculture en milieu sec
telle celle de l’épeautre que l’on rencontre encore à l’état sauvage. Certains secteurs du Causse
présentent des vestiges forts anciens : outils en pierre polie, menhir et dolmen, attestent de la
domestication par les peuples du néolithique et des âges des métaux. Le secteur piscénois livre des
habitats du néolithique ancien de culture chasséenne vieux d’au moins 4 500 ans. La généralisation
de l’élevage s’établit vers – 3700 ans.
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Le menhir du causse et le dolmen ont subi des mutilations à différentes époques. Le menhir a été retaillé alors que les pierres du dolmen ont été réemployées dans des murets de délimitation de parcelles. Seules restent les grosses dalles intransportables et aujourd’hui envahies par le maquis qui les protège d’autres pillages.
Terre de laine attestée par les écrits romains de Pline, la région piscénoise comptait un cheptel
important jusqu’au milieu du XXème siècle. Aujourd’hui les rares chèvres et moutons qui paissent
encore ne suffisent plus à maintenir ouvert cet espace qui se boise peu à peu en passant par les
étapes intermédiaires du taillis. Dans ce contexte, les arbustes épineux comme le paliure ou des
buissons envahissants et résistants au feu tel le ciste de Montpellier et de chêne kermès ferment le
paysage, couvrent la pelouse et les espèces végétales rares qui la peuplent. Dans cette végétation
envahissante on devine encore les vestiges d’une exploitation agricole : certaines parcelles sont
encore bordées de leurs murets d’épierrement patiemment érigés en extirpant les pierres pour
rendre la parcelle arable. Parfois le mur est complété d’une construction typique en pierre sèche :
une capitelle. Elle servait d’abri et de cabanon pour entreposer les outils. Les plus vieilles datent du
XVIIème siècle.
Capitelle ancienne du causse de Nizas. Capitelle édifiée récemment sur le causse de Caux.
Sur les zones de pâturage se dressent des amoncellements de pierres, sortes de pyramides au
sommet plat : ce sont des tours de bergers grâce auxquelles le pâtre pouvait surveiller le troupeau au
loin.
Tour de berger encore érigée sur le Larzac.
Ici encore serpente un chemin bordé de pierres qui garde en certains endroits
la trace des roues des charrettes qui l’ont emprunté durant des siècles. Ce
chemin bâti ou « Cami férrat » fait partie d’un réseau de communication
antique entre le littoral et l’arrière-pays. Il y transitait des denrées
alimentaires, des métaux extraits des mines du piémont, et, en sens inverse,
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du sel indispensable pour la conservation des aliments ainsi que les produits de la mer et des objets
échangés via le commerce maritime.
De ces temps prospères il ne reste plus qu’un milieu aride balayé par les vents. Mais derrière cette
image austère se cache une richesse de faune et de flore insoupçonnée. Cette zone est propice aux
rencontres insolites : celle de la couleuvre de Montpellier et de son prédateur l’aigle Circaète Jean-
Le-Blanc.
C’est un peu d’Afrique du nord qui pointe en terre languedocienne, lointain souvenir des
peuplements de la fin de l’ère tertiaire et du début du quaternaire que nous avons découverts dans
les graves du villafranchien, quand les rhinocéros broutaient dans nos plaines et que les
hippopotames nageaient dans Peyne !
L’insecte emblématique du causse est la saga pédo : une sauterelle dépourvue d’ailes, aux mœurs
essentiellement nocturnes. Autrement nommée « la magicienne dentelée, elle est un prédateur
d’autres insectes. Le mystère de sa reproduction reste entier car avec très peu de mâles, c’est par un
mécanisme de parthénogénèse qu’elle forme les générations suivantes : les nouveaux individus se
développent à partir d’ovules non fécondés.
Circaète rapportant une couleuvre à son jeune Couleuvre de Montpellier
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Au niveau botanique, c’est la pelouse à brachypode rameux qui offre le plus grand intérêt car il s’y
développe des espèces moins communes que celles connues par ailleurs dans les stades forestiers
Le Brachypode rameux
Dans cette zone ouverte et pierreuse on peut rencontrer la très rare gagée granatelli :
Gagée granatelli
Les zones plus humides permettent d’observer une autre rareté botanique : la menthe pouliot :
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C’est également un cortège de salades sauvages qui s’offre au promeneur averti :
Pissenlit en fleur Chicorée et sa fleur Roquette sauvage
Toutes ces plantes ne se développent pleinement que dans les zones dégagées et la diversité
botanique du causse repose sur l’entretien d’une mosaïque de milieux qui fait alterner les bois en
bordure, les massifs buissonnants et les pelouses à brachypodes rameux : ici donc, la richesse
biologique correspond à un équilibre précaire qui nécessite l’action de l’Homme. L’entretien
ancestral du berger. Dans le cas de l’abandon du pastoralisme, et en l’absence d’une action de
substitution, un milieu homogène se développera en passant par tous les stades de la reconquête
forestière sur sol basaltique. Sur le causse un des stades est l’envahissement par les buissons tels les
paliures, les cistes de Montpellier et les chênes kermès qui résistent bien aux feux. Tous ces milieux
ont leur intérêt naturaliste mais la position que nous défendons, dans un paysage qui se boise de
plus en plus, est celle de militer pour une mosaïque qui permet de conserver la diversité maximale et
le maintien, à côté des espèces européennes, des espèces de type sud-méditerranéennes.
2°- Les pentes du vallon : Antiquement cultivées en vignes et en olivettes, elles sont de plus
en plus couvertes de graminées. Ce milieu ouvert favorise le développement des busards qui nichent
souvent dans les roselières de bord de ruisseau et chassent en vol rasant sur les terres dégagées. Les
perdrix rouges y sont également fréquentes.
Busard cendré mâle en vol
3°- Le secteur des vignes : Il s’y dresse des cabanons viticoles, ruines d’un temps où les
travailleurs agricoles passaient leur journée loin de leur demeure villageoise. Mémoire d’un temps,
aussi, où les vendanges donnaient lieu à de grands rassemblements dans ces demeures temporaires.
Ces cabanons portent les vestiges de leurs usages et nombre d’entre eux possèdent encore une
partie dévolue aux bêtes de somme (mulet ou parfois cheval): mangeoire, attache pour le ferrage,
foyer du forgeron… C’est aujourd’hui le repère du loir qui vient y déguster les escargots ; le site de
nidification des faucons crécerelles des huppes et de la rare chouette chevêche.
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Huppe en chasse sur une pelouse ouverte Loir
Faucon crécerelle en poste de chasse.
Sur les terrains en contrebas du plateau central constitué des calcaires blancs et donnants sur les
versants du ruisseau de Tartuguier, les terres cultivables ont été aménagées en terrasses. Les talus
plantés d’arbres sont propices à la nidification des guêpiers.
Ravitaillement d’un jeune resté au nid
4°- La zone sud du vallon : Le vallon est barré par deux secteurs de collines traversés par le
« défilé de Tartuguier ». Sur le flanc Ouest, la forêt est ceinturée d’un mur de clôture qui correspond
à la délimitation de la chasse royale que le connétable Montmorency fît installer dans une partie des
« bois de Sallèles ». Suite à des dégâts provoqués sur les champs, vignes et olivettes des territoires de
Pézenas et Lézignan, le 23 avril 1392 le lieutenant du maitre des eaux et forêts du Languedoc fît
réaliser une enquête afin de vérifier quelles espèces pouvaient en être à l’origine. Le compte-rendu
fait état de l’existence de cerfs, chevreuils, sangliers et loups. De nos jours si les sangliers y sont
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encore observés seul le château de Loubatières garde en mémoire l’existence du loup. Par contre, le
secteur boisé est propice à l’observation des rolliers qui nichent dans les grands arbres creux du parc.
5°- Les zones basses sont bien drainées et peu d’espaces sont encore couverts en végétation
de type humide. La forêt de bordure de Tartuguier, quand l’Homme ne détruit pas les arbres, permet
encore d’observer le loriot. Les petites parcelles de joncs et autres roseaux permettent d’observer
une foule de petits passereaux : Cisticole des joncs, Traquet pâtre…et bien sûr plusieurs espèces de
batraciens.
Traquet pâtre Cisticole des joncs
Le petit vallon de Sallèles offre donc un éventail de milieux qui permettent l’établissement d’une
faune et d’une flore très variée. Mais cet espace est petit et toute opération d’aménagement ou
pollution d’envergure peut éradiquer un peuplement en son entier.
III- La mémoire transmise par les noms de lieux :
Le nom fixé dans le cadastre représente souvent une réalité, parfois éteinte, mais que les anciens ont
figée dans leur histoire locale. Un relief, une végétation typique, un usage, un nom de famille un
animal emblématique…tant de significations se cachent derrière les noms de tènement fossilisées
dans le document cadastral. La difficulté, des siècles après, pour interpréter l’origine des mots vient
de ce qu’à partir d’une langue d’origine, comme le gaulois, le latin ou l’occitan, les noms ont évolué
dans leur orthographe au cours des siècles. Lors de la constitution des cadastres définitifs en langue
française, ces noms déformés par le temps ont aussi subi la traduction parfois erronée des
techniciens. Parfois le sens initial a été perdu : combien de cols des « très vents » (trois vents) ont été
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traduits « col des treize vents ! ». Souvent, face à cette perte de signification, des traditions récentes
ont réinterprété des significations, créant une nouvelle origine, sans lien avec celle des auteurs
initiaux, mais qui témoigne de ce besoin que nous avons d’identifier les lieux par des repères que
nous pouvons ancrer socialement.
L’élément caractéristique du secteur de Sallèles, c’est le plateau perché qui l’entoure : ces coulées de
laves portées en hauteur par l’érosion et qui offrent un relief plat qui dénote dans un paysage de
collines qui l’entoure. Ce paysage souvent regardé comme aride et inculte c’est le causse. Le nom est
ici occitan et désigne un plateau rocailleux. C’est l’influence du pastoralisme qui a dégradé la chênaie
primitive et qui a porté à nu un sol duquel affleurent les roches de basalte qui s’inscrit dans ce
toponyme.
Sur cet immense plateau qui offrait une végétation rase durant l’épopée millénaire du mouton et de
la chèvre, le moindre relief se percevait facilement. Et ce qui marque le causse ce sont ses
dépressions, ces cuvettes naturelles qui, telles des lavognes de bergers, semblent avoir été creusées
par quelques géants mythologiques... Leur origine est naturelle et elle correspond à des zones de
rétractation de la lave sous une cheminée volcanique. Le tènement des Croyes (Crozes), du clôt (mot
d’origine gauloise) et de l’étang (la plus vaste des cuvettes) marquent des dépressions. Ces cuvettes
collectent les eaux de surface, la concentre et sont à l’origine de nombreux ruisseaux qui partent vers
les vallées : le ruisseau des Croyes, celui de Régagnades-tartuguier alimenté par l’étang et celui de
Merdrerie alimenté par le clôt. Le Tartuguier qui prend sa source dans la cuvette de l’Etang est
nommé sur le territoire de Caux le ruisseau de régagnade. Deux mots occitans permettent
d’envisager l’origine :
Réganhar (prononcé régagnar car le nh occitan se dit gn en français) c’est rechigner et montrer les
dents. Ce ruisseau a-t-il eu, avant le drainage de l’étang, un régime méditerranéen exacerbé au point
de provoquer de fréquentes inondations dans le vallon ? L’application avec laquelle l’Homme a
drainé les ruisseaux en canaux collecteurs de surface dans le secteur de Laval ainsi que la constance
avec laquelle il a implanté ses habitations sur les mamelons du relief, que ce soit durant la période
romaine avec la villa des oliviers, en période médiévale avec le hameau de Sallèles ou en période
moderne avec les domaines viticoles de Laval et de Daurion témoignent peut-être de cette crainte
envers ce ruisseau. Tartuguier était aussi connu dans sa zone de confluence avec Peyne à Pézenas.
Les archives piscénoises lui attribuent bien des origines de catastrophes lors des crues.
Réganéu c’est aussi un arbuste épineux. Et du côté de Pézenas c’est cet
arbuste qui a donné le nom au causse volcanique : l’arnet (arnède dans
les anciens cadastres). L’arn c’est le paliure et l’arn négro c’est une
espèce de paliure qui recouvre en taillis les zones qui ne sont plus
exploitées par le troupeau sur le plateau. Alors que les piscénois ont
donné comme nom à leur parcelle sud du plateau celui de l’arn négro
des caussinards auront-ils préféré le réganèu transformé en régagnades
dans le cadastre francisé ?
Le long du plateau basaltique de roches noires se dessine une bande de
roches blanches : les calcaires à chaux bien visibles dans le paysage.
C’est cette couleur qui dénote et qui indique l’emplacement des roches
à exploiter dans les fours qui a donné le nom au tènement des «pierres
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blanches ». Les fours eux-mêmes n’ont pas donné de nom aux lieux. Trois sont encore repérés sur le
secteur et l’un d’eux est restauré et permet de se faire une idée de cette technologie qui a dû
participer à l’exploitation des ressources combustibles locales : les arbres des bois accessibles puis le
charbon des mines de Neffiès dont des échantillons sont encore visibles autour des fours.
Dominant la colline centrale du vallon, l’actuel hameau de Sallèles a une origine médiévale. Son nom
indique que s’y dressait à l’origine une petite maison seigneuriale (un petit manoir) au milieu du
domaine agricole dépendant du seigneur et en dehors des murs du château : une petite « sala » en
occitan. Si l’habitation de sallèles a conservé dans son nom son origine, le petit mamellon situé en
contrebas et qui porte la villa romaine avec son chai viticole et sa demeure ornée de bassins n’a pas
donné lieu à une conservation dans notre mémoire locale. Celui de Daurion (ou durion dans un
cadastre ancien) garde la mémoire d’un nom de famille.
Laval est un domaine viticole perché sur une petite colline au centre de la cuvette nord du vallon. Le
vallum latin a été féminisé par la langue des troubadours en « la val ». La val de Sallèles a été
transcrit en Laval lors de la rédaction du cadastre napoléonien.
Au sud de Laval se trouve une source canalisée en fontaine. Cette source devait être bordée de
beaux ormes. L’orme ou ormeau c’est l’om ou l’olm en accitan. La font de l’om c’est donc la source
des ormes.
En quittant le vallon par le sud, le ruisseau de Régagnades prend le nom piscénois de Tartuguier : le
ruisseau aux tortues. Les tortues d’eau douce d’Europe du même type que les cistudes peuplaient et
peuplent toujours les cours d’eau pérennes même si leur cousine américaine introduites par
malveillance les concurrence de plus en plus. Preuve que ce ruisseau a eu un cours bien plus pérenne
que celui observé actuellement puisque ces reptiles pouvaient y accomplir leur cycle de vie annuel.
Dans son défilé de sortie, entre les collines de garrigue et celles du parc, Tartuguier arrose les terres
de l’ancienne métairie de Loubatières. Dans le cartulaire de l’Abbaye de Gellone de 1013 la
seigneurie et la grange de Loubatières sont mentionnées. Ce domaine est aussi mentionné dans les
archives locales depuis 1534 et le titre de « seigneur de Loubatières transite dans les familles
Montcayrols, de Pavie, Imbert puis Mestre de Roquessol jusqu’en 1785. En 1590, Montmorency
oblige la famille de Pavie de lui céder une partie de ses bois attenants au domaine pour réaliser sa
chasse privée royale : l’actuel domaine du parc. Dans les bâtiments actuels deux corbeaux du XIVème
siècle attestent de l’ancienneté du domaine. Une loubatières était une cuvette dans laquelle on
pouvait dresser des pièges à loup ou bien un secteur hanté par cette bête redoutée avant que les
connaissances modernes nous invitent à revoir nos perceptions erronées sur les mœurs de cet
animal qui n’a rien à voir avec l’image de la bête du Gévaudan.