delatte - etudes sur la litterature pythagoricienne
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ETUDES
SUR LA LITTÉRATURE
PYTHAGORICIENNE
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS.
ÉTUDES
SUR LA LITTERATURE
PYTHAGORICIENNE
PAR
Armand DELATTE
ÉLÈVE DIPLÔMÉ DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES
MEMBRE ÉTRANGER DE L'ÉCOLE FRANÇAISE DATHKNES
P A R I S
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR
EDOUARD CHAMPION 5, QUAI MALACJUAIS, 5
191.")
Téléphone : Gobelins 28-20
Cet ouvrage forme le ïl7e fascicule de la liibliothctiue de ilicole des Hautes Ht iules.
B I B L I O T H E Q U E DE L'ÉCOLE
DES HAUTES ÉTUDES PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES
DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES
DEUX CENT DIX-SEPTIÈME FASCICULE
ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE PYTHAGORICIENNE
PAR
ARMAND DELATTE
ÉLÈVE DIPLOME DE LÉCOLE DES HAUTES ETUDES
MEMDRE ÉTRANGER DE L ' É C O L E FRANÇAISE D* ATHENES
P A R I S
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORE CHAMPION E D O U A R D CHAMPION
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Les études que j'ai réunies dans ce volume sont de deux
espèces : les unes sont destinées à reconstituer quelques
monuments de la littérature pythagoricienne ; les autres à
préciser certaines étapes de l'évolution de la doxographie,
plus spécialement des doctrines arithmologiques. Les unes
et les autres serviront de préparation à une publication des
fragments des Pythagoriciens.
Athènes, février 1913.
A. D.
Sur lavis de M. D. SERRUYS, directeur-adjoint des confé
rences de philologie grecque, et de MM. DESROUSSEAUX et
IIAUSSOULLIER, commissaires responsables, le présent
mémoire a valu à M. Armand DELATTE le titre d élève
diplômé de la Section des sciences historiques et philolo-
piques de l'Ecole pratique des Hautes Etudes.
Paris, le 21 juin 191L
Le Directeur de la Conférence,
Signé : D. SERRUYS.
Les Commissaires responsables,
Signé : A. M. DESROUSSEAUX,
B. HAUSSOULLIER.
Le Iy résident de la Section,
Signé : L. HAVET.
Obsprvr'tliun. — Vu les circonstances, celle thèse a élé imprimée sans que l 'auteur ait pu en voir les épreuves.
UN IEPOS AOrOS PYTHAGORICIEN
DBLATTK. — LUI. pythag.
UN IEPOS AOTOY PYTHAGORICIEN
Parmi les poèmes que la tradition attribue aux Orphiques figurent plusieurs Tspst AôYOI OU Discours sacrés ' .
L un d'eux s'était formé à coup sûr dans les cercles orphiques des vie et ve siècles. Cicéron et Plutarque 2 le désignent clairement et Platon comme Aristote y font maintes fois allusion3 . Cet ouvrage s'est perdu assez tôt, semble-t-il . Toute la littérature anonyme ou apocryphe des Orphiques a subi le môme sort, d'ailleurs, mais elle a été remplacée plus tard par des ouvrages qui sont l 'œuvre de falsificateurs conscients.
Dans leurs publications, ces écrivains poursuivaient les buts les plus divers, depuis le fidèle qui faisait la propagande, jusqu'à l 'art iste qui montrait dans ces pastiches la perfection de son savoir. Ils usaient heureusement des procédés de composition qui donnent encore quelque valeur à leurs œuvres. Travaillant sur les fragments de la vieille poésie orphique, ils s'inspiraient de son Credo, s ' imprégnaient de son esprit et s'ingéniaient à imiter son style. Ils s'appliquaient alors à raccorder les fragments et à combler les lacunes par des morceaux de leur invention où ils se plaisaient à montrer leur connaissance des traditions orphiques et du langage inspiré des vieilles poésies. C'est à cette seconde période de formation qu'appartient un autre Upb; Aoyoç qui est connu des Néo-Platoniciens 4.
La Tradition attribuait aussi à Pvthajrore, comme aux Orphiques, un Tepbç A6YO;. Deux fois au moins, dans les siècles postérieurs, on s'est efforcé de le reconstituer ; d'abord sous la forme d'un poème dont Héraclide Lembos (11e siècle av. J . - C j ,
1. Voy. sur cette question E. Rotule, Psyché, p. 400, n. 2. 2. Cicéron, de nat. deor., I, 107. Plutarque, Symp., II, 3, p. :'»22. 3. Platon, de legg., IX, p. 872, d. Aristote, de anima, I, a. parle du moins
d'un êv Tôû; 'Opçtxoi; ÊTtsai xxXouixivot; XO'YO;.
4. Voyez sur ce poème l'opinion de Rohde. Psyché, II, p. Ua. 3 r éd.
4 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
nous a conservé un vers 1 ; plus tard, par la publication en dialecte dorien d'une indigeste compilation dont Jamblique nous a sauvé quelques fragments 2. Joignons-y, bien qu'il porte un autre nom, le fameux recueil des Vers dores (Xpucra 'ETUY;) ; c'est une composition poétique dans le genre des Discours sacrés, dont on pourrait difficilement placer la publication avant le ine siècle de notre ère'5.
On a quelquefois remarqué que le départ entre la tradition orphique et la tradition pythagoricienne est malaisé ; dans certains cas, c'est que les critiques anciens, voulant, malgré les lacunes de leur information, éclaircir la question des Apocryphes orphiques, ont souvent confondu cette littérature avec des ouvrages pythagoriciens 4. Ceux-ci certes n'étaient pas moins apocryphes, mais on avait plus de choix parmi les noms nombreux et mieux connus des Pythagoriciens.
Déjà les Tptavu,oi, & qui la tradition imposait le nom d'Ion de Chios, avaient montré le chemin. N'assuraient-ils pas en effet, avec l'autorité que donne une respectable antiquité, que Pytha-gore avait publié certains ouvrages sous le nom d'Orphée 5 ?
Les Catalogues de livres orphiques que Suidas et Clément
1. Diogène Laërce, VIII, 7. C'est probablement à cet ouvrage que Dio-dore de Sicile (I, 98) fait allusion.
2. Jamblique, Vie de Pylhagore, § 146. Le même auteur fait encore allusion à un discours sacré au § 152 ; il s'agit bien du même livre, car tous deux s'occupent surtout du culte (rapt Gswv, 146), tous deux font valoir la puissance mystique des nombres et exposent des doctrines dont l 'auteur signale la parenté avec l 'Orphisme. Bien qu'elle en ait été rapprochée par Jamblique, la collection des doctrines des §§ 153-156 ne dérive pas de cet ouvrage ; elle paraît former la suite du recueil d'àxouaixata des §§ 82-86.
3. Nauck lui a consacré une étude à la fin de son édition de la Vie de Pylhagore de Jamblique. — Outre les ù-OOIXO'YOI orphiques et pythagoriciens, il y eut aussi une tradition hermétique de Discours et de livres sacrés qui portent des titres semblables. Cf. Hermétis Trismegisti Poemander éd. Parthey, p. 31 (Upôç Xo'yo?) ; de même le titre d ' iepa 6t'6Xoç a été donné à VAsclepius du Pseudo-Apulée (éd. Thomas, p. 81, 1. 30) et au papyrus W de Leyde (éd. Leemans, t. II, p. 83) où le titre p.ovàç est une garantie de l 'origine hermétique (cf. Poemander, p . 34).
4. Les faussaires eux-mêmes ont quelquefois publié sous le nom d'Orphée des ouvrages d'inspiration pythagoricienne. C'est le cas pour un"Y;j.vo; cî; àpiQao'v, traité d'arithmologie néo-pythagoricienne (cf. infra) que son auteur attribue à Orphée.
5. Diogène Laërce, VIII, 8 ; Clément d'Alexandrie, Stromata, I, 21.
UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN .)
d'Alexandrie i ont empruntés à des sources assez étroitement apparentées, croient reconnaître dans le pythagoricien Cercops l 'auteur du vieil Ispc; AôYC; orphique.
Il ne faut pas se faire illusion sur la valeur de cette note et s'empresser d'admettre cette identification. Sur la paternité d'ouvrages anonymes ou apocryphes publiés plusieurs siècles auparavant dans le mystère des confréries, ces critiques ne pouvaient guère disposer d'une documentation plus riche que la nôtre et ils devaient s'en tenir comme nous à de simples conjectures. Peut-être procédaient-ils, comme nous le ferions encore, en partant d'une comparaison de doctrines. Les points de contact ne manquaient pas entre l'Orphisme et le Pythagorisme : qu'il me suffise de signaler l'observance de certaines abstinences superstitieuses, la doctrine de la métempsycose, la croyance aux peines et aux récompenses d'une vie future. Ce dernier point me semble expliquer pourquoi, dans les Catalogues cités, on attribue aux Pythagoriciens une « Descente aux Enfers ». Ces critiques peuvent même s'être décidés sur une simple identité de t i tres; il est possible que ce soit le cas pour i'Iepbç Abyoq.
On s'abuserait donc étrangement, si, accordant trop de créance à ces notices d'une érudition assez tardive, on voulait confondre les œuvres orphiques et pythagoriciennes. La tradition littéraire distingue soigneusement les Discours sacrés orphiques et pythagoriciens, et comme les éléments nous manquent encore qui permettraient de déterminer leurs rapports, il sera prudent de les reconstituer séparément.
Les fragments poétiques d'origine pythagoricienne peuvent être rangés en trois catégories, d'après la qualité des intermédiaires qui nous les ont transmis. 11 en est un certain nombre qui nous ont été conservés par les plus anciens historiens du Pythagorisme et divers auteurs du ive et du m° siècle. On peut donc les attribuer sans hésitation aux anciens Pythagoriciens.
Dans la seconde classe nous rangerons les fragments dont l'origine n'est attachée que par des sources beaucoup plus
1. Suidas , s. v. 'Op^eû;. Clément «l 'Alexandrie, ibitl.. ci te Kpii;ène parmi ses sources . Cf. aussi Cicéron, do nul. </<•<>/•., I, 107. Suidas s. v. \\p:yvfi>Tv a t t r i bue encore un îepô; Xoyo; à Arignoté , femme phi losophe pythagor ic ienne : auvItaÇe "càôe* (Saxyixa ' ÏSTI S: r.:y. Tf~>v Arju^rpô; uyjT^péov' irA^zi-i-ji: tiï xx\
ispôç Xo'yoç.
(> I N DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
récentes ; comme on peut toujours soupçonner des emprunts à des apocryphes néo-pythagoriciens, ils ne peuvent entrer en ligne de compte dans la reconstitution des poèmes pythagoriciens qu'après que la provenance des premiers fragments aura été nettement déterminée.
En dernier lieu, il faut placer les débris anciens dont est composée la compilation des Vers dorés; l 'attribution en est plus incertaine encore et chaque fragment mérite un examen des plus attentifs.
De nouvelles recherches m'ont permis de déterminer l'origine des fragments que nous ont conservés les anciennes Biographies de Pythagore ; je crois pouvoir les rapporter à un seul et même poème auquel il faudrait donner le nom d"Iepbç Aovcç. Ce premier noyau une fois constitué nous permettra de déterminer le caractère de l 'ouvrage et d'établir lesquels des fragments conservés par les Biographies plus récentes et par les Xpucra "ETUYJ
doivent être rapportés à la même origine.
CHAPITRE PREMIER
Avant de commencer l'étude du premier fond de l'Tepsç ASYS;,
je voudrais, pour que la complexité du sujet ne nuise pas à la clarté de l'exposé, dire quelques mots de la Tradition pythagoricienne.
L'histoire de la vie de Pythagore nous est surtout connue par les trois biographies publiées par Diogène Laërce, Porphyre et Jamblique. L'époque tardive à laquelle ces oeuvres furent composées ne leur ferait attribuer qu'une valeur médiocre, si elles n'étaient des compilations. La part qu'on doit reconnaître à leurs auteurs dans l'élaboration de ces biographies est fort minime : ils y ont simplement amassé les débris de l'érudition péripatéticienne et alexandrine, parvenus jusqu'à eux à travers plusieurs intermédiaires.
Grâce à cette particularité, la critique des sources nous permet de remonter jusqu'aux premiers historiens du Pythagorisme, Aristote, Héraclide Politique, Aristoxène, Dicéarque et Timée, et de reconstituer ainsi une bonne partie de la tradition historique L
Les biographes du ive siècle, qui furent les premiers à explorer le domaine du Pythagorisme, se sont etforcés de reconnaître les sources, ce qui est au moins une garantie de saine critique et de sincérité. Comme ils assistaient au déclin de l'illustre école de Pythagore, ils ont pu interroger encore la tradition réfléchie et vivace, bien que parfois légendaire et partiale, qui se conservait dans les cercles pythagoriciens.
1. E. Rohde a étudié les sources de Jamblique et de Porphyre lihrin. Mus., XXVI (1871), p. ' i a i s s . , et XXVII, p. 23 sq. [Kleine Schriften ,1001 , II, p. 102], et der ç/riechische Romnn, p. 2.'*>3, n. 2 . Je prépare un travail semblable sur la biographie de Diogène Laërce. E. Rohde est parvenu à reconstituer surtout l'œuvre d'Aristoxène ; mon étude exhumera plutôt les débris de l'histoire de Timée.
8 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Parmi ces historiens, Aristoxène et Timée méritent une place d'honneur tant pour l'abondance de leurs renseignements que pour la valeur de leur documentation. Les liens d'une intime amitié unissaient le premier aux derniers survivants de l'Ecole {; il était d'ailleurs originaire de Tarente, l'un des grands foyers du Pythagorisme.
De son côté, Timée de Tauroménium, qui avait entrepris la lourde tache de découvrir les origines de la Sicile et de la Grande-Grèce, complétait son information sur la Société pythagoricienne en fouillant les archives des villes de ces contrées 2.
Le critique qui compare leurs œuvres 3 doit, frappé de la grande ressemblance de leurs exposés des doctrines et des pratiques pythagoriciennes, conclure à l'utilisation des mêmes sources. On est tenté de songer à la tradition orale des Pythagoriciens. Mais fut-elle le seul champ de leurs investigations? Je ne le pense pas ; cette affirmation est trop vague et elle resterait même à prouver en ce qui concerne Timée.
C'est en cherchant à ce phénomène une explication plausible que j 'ai découvert dans leurs œuvres des fraganents poétiques pythagoriciens. Dès lors tout semblait s'expliquer. L'hypothèse d'une source commune d'où provenaient ces fragments rendait compte aussi de l'accord si fréquent des deux historiens.
Telle est la genèse de ce travail. Grâce aux considérations qui précèdent, la reconstitution du poème dont Timée et Aristoxène connaissent des fragments nous sera plus aisée.
Dans la Société pythagoricienne, qui tenait à la fois des confréries orphiques et des écoles de philosophie, l'emploi de la journée était fixé avec une régularité qui rappelle la Cons-
1. Voyez Suidas, s. v. 'Aptaxdijevoç, et Diogène Laërce, VIII, 46. 2. Jamblique, V. P. , 262 (xà Kpoxwviaxtov 'jTcop.vrJp.axa). Ce passage est bien
de Timée, comme je l'ai montré dans un article paru dans la Revue de l'Instr. pubL en Belgique, 1909, p. 91 sq.
3. Les ouvrages d'Aristoxène ont été utilisés surtout par Nicomaque de Gérase (extraits nombreux dans Jamblique) et par Diogène Laërce. D'importants fragments des Histoires de Timée ont été conservés par le même Diogène et par Apollonius de Tyane (dans Jamblique).
CHAPITRE I 9
titution des Ordres religieux chrétiens ou bouddhiques. La tradition nous a transmis, par l'intermédiaire de Timée *, le souvenir d'un curieux usage, qu'y avait établi le fondateur et qui s'y était religieusement conservé. — « Queferai-je aujourd'hui? » se demandait, à son lever, le disciple fidèle ; et, le soir, il ne manquait pas de passer en revue les actions, fautes et omissions de la journée.
C'est à cette coutume que se rapporte le plus important des fragments poétiques conservés par Timée. Diogène Laërce, dans un passage emprunté à cet historien 2, ne nous en cite, il est vrai, qu'un vers, mais la biographie de Porphyre nous le restitue au complet3 .
Dans ce fragment, où la religieuse gravité du ton s'allie curieusement à la mondanité des images, Pythagore s'adresse au disciple et lui commande d'observer scrupuleusement cette pratique :
Mrjo UKVOV u,aAaxcnaiv ir.' 6{jt.u,a<7t. zpoasî'çasOa'.
Flpiv T<OV Y)p.£ptvà)v spywv Tpiç-sxarrcv èTTSAQSîV '
l l i j TcapîOYjv , 7i o spsça , TI g.oi ûSSV eux îTSAESOY;,
IlpaVra p.kv e? UTCVO'.O [jLSAtçpsvsç i^uTravaaTa;,
E S p.(ZA Ô77l77£ÛctV 'Ôa £V Y) [ASTI à'pva 7£A£!JŒ£'.,:.
De prime abord, déjà, il paraîtrait bizarre que ce groupe de vers fût isolé ; un mot du premier vers 4 nous rassure d'ailleurs et indique que nous sommes en présence d'un fragment d'une composition plus étendue.
Evidemment, il ne peut être question d'un ouvrage écrit par
1. Dans J amb l ique , V. P . , 256 (cf. Revue de Vlnstr. publ. en Belgique, 1909, p . 91) : ÔJAOÛOç 8s [i.r)o' àrcpojSoôXsuTOV p.7)ô' àvuTzeuOuvov ;xr(osv -o:eïv, àÀÀi r.zuè. ;JÙV
TcpoyyipiÇeaôai TI rcpaxTsov, ei; 8s TYJV vuxra àvxÀoyt^jQxt r : ouoxr/.xstv.
2. VIII , 22. Ce passage tout en t ie r (22-24i est de T imée . .le réserve une démons t r a t i on détai l lée de ce t te affirmation pour mon é tude îles sources de Diogène. Qu'il me suffise de s ignaler que lques -unes des concordances mult iples qu 'on peut é tabl i r e n t r e ce passage et des ext ra i t s de la biographie d 'Apol lonius conservés dans Jambl ique , Y. P., 10,25, 37, 3S, 40. 47. 54, 6S-69, 71, 256, e tc . Pour l 'origine de ces différents passages , je renvoie à l ' é tude d o c u m e n t é e de Hoh.de citée plus hau t et à mon art icle dans la Revue
de VInstr. publ. en Belgique, 1909.
3 . Vie de Pythagore, 40, éd. Nauck. 4. p.Y)8é qui ra t t ache la phrase «H un déve loppement p récéden t .
10 IN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Pythagore. Timée croit à la conservation secrète et à la t ransmission orale des doctrines pythagoriciennes *, et il nous avertit d'ailleurs que ces vers étaient récités par les disciples sur Tordre du Maître. Pour lui, cet ouvrage ne pouvait donc être une publication de Pythagore, mais seulement une composition orale conservée dans l'Ecole et destinée à l 'enseignement.
Rechercher le nom sous lequel Timée connaissait ces Commandements me paraît une tâche utile, moins pour la valeur qu'on peut attacher à ce mot que pour l'aide que ce nom nous prêtera dans notre essai de reconstitution.
Dans la biographie de Jamblique ', Timée nous rapporte un intéressant épisode des persécutions dirigées contre les Pythagoriciens. L'un des adversaires politiques de la Société, Ninon, prétend avoir surpris les doctrines secrètes de l'Ecole et, pour ameuter le peuple, il fait donner lecture de ce recueil apocryphe qu'il intitule 'Izpbq ACYGç.
Pour celui qui connaît la tradition des autres biographes sur ces événements et qui a appris à contrôler les méthodes de ce travail de Timée, nul doute que ce romanesque épisode ne soit une fiction. Timée paré volontiers au manque de documents par l'emploi abusif de l'analogie et des vraisemblances 3. C'est entendu. Néanmoins on peut en tirer une indication précieuse.
Cette histoire, en elfet, serait dépourvue de toute vraisemblance si le public auquel Ninon s'adresse n'était persuadé de l'existence d'un Discours sacré authentique, et l 'auteur de ce récit nous laisse croire qu'il partage lui-même cette opinion.
Cette conclusion n'a rien qui surprenne, d'ailleurs ; des traditions vivaces, puisqu'on les retrouve à des époques très diverses, s'accordent à attribuer à Pythagore des lepol AGyoi dont la forme
1. Cf. J ambl ique , V. P . , 256 (Ta TWV HuQayopsirov 0LTz6ppr\xa), et Diogène
Laërce , VIII , 54 ; de m ê m e encore J ambl ique , V. P . , 72 sqq . e t Diogène,
VIII , 10.
2. V. P . , 258 sqq.
3. J e ne m e t s pas en doute l ' exis tence d 'une publicat ion an t i -py thagor i
cienne qui portai t le nom d'îspôç (ou ;J.UCJTIXÔ;) Xo'yo;. Elle est confirmée pa r
une note de Diogène Laërce, VIII , 7 : TOV Oè (J.UTTIXÔV Xo'yov 'I^zaaou cpacnv sivat,
yïypaufjivov £i:;. otafsoXrj IluOayo'pou. Dans le récit de Timée (§ 257) Hippase
l igure à côté, de Ninon parmi les adversa i res pol i t iques des Py thago r i
c iens .
CHAPITRE 1 11
et le contenu varient, il est vrai, mais dont le titre reparait toujours identique.
Il était à présumer que Timée, pour rester fidèle à la loi des vraisemblances qui faisait tout le prix de ses fictions, aurait composé le Recueil de Ninon de doctrines réellement pythagoriciennes, mais dénaturées dans un but diffamatoire. Le public, en effet, pouvait se laisser prendre à la supercherie, mais à la condition d'y retrouver les croyances et les préceptes qu'il attribuait à la Société. C'est une hypothèse que vérifie l'examen de cette contrefaçon de l'Tspbç AôYOç. NOUS y voyons figurer, par exemple, le précepte de l'abstinence des fèves ; mais tandis que Timée l'explique ailleurs par des considérations métaphysiques ou médicales ', Ninon y voit l'affirmation d'une opinion politique.
Pythagore recommandait avec insistance à ses disciples la fidélité dans les amitiés 2; c'est, assure Ninon, peur leur inspirer le mépris de tous ceux qui ne rentrent pas dans leur cercle.
Les Pythagoriciens ne pouvaient frayer qu'avec des gens de choix3 ; Ninon prétend qu'ils regardaient le peuple comme un misérable troupeau de bêtes 4.
Leur maître leur avait surtout prêché l'action ardente et généreuse au service du bien commun 5 ; cette morale, d'après leur adversaire, conduit à une tyrannique ambition.
Enfin, les Pythagoriciens estimaient que les innovations politiques, quelle que fût leur excellence, avaient toujours des résultats funestes ,J. Ninon, en rusé politicien qui sait dégager les contradictions implicites de l'adversaire, prétend qu'ils louent ainsi la politique de l'opposition tout en imposant la leur.
On voit par là quels sont les doctrines et les préceptes que Timée supposait recueillis dans l ' h p s ; Aôvs; authentique. On
1. Diogène Laërce, VIII, 24. 2. Jamblique,V\ P. , 40 [de Timée, Rohde, Wirin. Mus., XXVII. pp. 7-2s :
Diogène Laërce, VIII, 22. 3. Porphyre, V. / \ ,32 . 4. Voyez au contraire dans Janiblique, V. P., 49 (rzTiniée, cf. Rohde,
Bhein. Mus., XXVII, p. 27) une excellente définition des devoirs des gouvernants.
5. Janiblique, V. P., 171, 201 (=Aristoxèiu\ Rohde, ihUL. P.) . G. Jamblique, V. / \ , 17(> (=Aristoxèno, Rohde, nW.L
12 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
peut, en s'aidant des renseignements que nous fournissent ailleurs cet historien et les Biographes de Pythagore, les dégager assez aisément des altérations hostiles du pamphlet de Ninon.
Le Discours sucre original devait réunir, ce rapide examen en fait foi, non seulement les doctrines, mais encore et surtout les préceptes qui règlent la vie pythagoricienne. En ce qui concerne la forme, Timée le considérait à coup sûr comme une composition poétique. En effet, dans son récit, Ninon cite deux vers qu'il assure avoir surpris à la tradition orale de la Société. D'ailleurs le genre littéraire des anciens Tspoi AôYOI tant orphiques que pythagoriciens (Héraclide Lembos dans Diogène Laërce, VIII, 7) ne connaît que la forme poétique.
Dès lors, pour revenir à notre point de départ, n'est-il pas évident que le fragment poétique qui concerne l'examen de conscience provient de TTspbç Aôyoç? Tout l'y rapporte : et la forme qui lui convient heureusement, et la nature de la coutume qu'il prescrit ; Timée, en effet, considère cette pratique comme une des plus originales dans la réforme pythagoricienne et il la range parmi les observances rituelles qui excitent la haine du profane L On ne peut d'ailleurs recourir à l 'hypothèse d'une autre composition poétique : il n'en est ni trace ni allusion dans notre historien.
Si Timée avait connaissance, comme il a été montré, d'un vieux poème pythagoricien, il est vraisemblable qu'il s'en est souvent inspiré et que son œuvre en recèle encore de nombreux débris.
Pour découvrir ces vestiges, on peut s'aider de plusieurs indices. La langue est, à coup sûr, un des plus infaillibles : les mots poétiques ou les formes ioniennes, et, à défaut de mieux, les expressions imagées, nous mettront sur la trace de ces emprunts .
Dans sa biographie de Pythagore, l 'auteur qui copie Diogène Laërce a inséré, aux §§ 22-24, un long article d'une composition des plus hétéroclites, où, en de courtes phrases, il énumère rapidement de nombreux préceptes de Pythagore. Une analyse détail-
1. Jambliqu-e, V. P., 255 : xà ;J.îV 7;oXXà aùxoù; èXurst xwv Tcpaxxopivtov. warcep
•/.ai. TOJ; xuyovxaç, èo' oaov ô?otaap.ôv stys xcapà xoù; aXXou;.
CHAPITRE I 13
lée de cette collection de notes nous révèle des extraits sommaires des Histoires de Timée.
C'est là que nous avons rencontré un des vers de notre premier fragment de l'Tepbç Aôyoç. J'y relève encore d'autres prescriptions auxquelles on peut attribuer la même origine, comme l'abstinence des fèves et le précepte de la charité universelle. Enfin, ce n'est pas sans étonnement qu'on rencontre, au milieu de cette prose vulgaire, des mots poétiques ou ioniens, comme dans les phrases: <J>UTOV Tfjp.spov p.rjis <pQ£tpsiv *, JAIQTS cuveaOai, et bbo\.~z pirtq avefftv xai k%ix<x<jw TUctetaOai.
La conservation de ces mots est un phénomène d'autant plus curieux que l'extrait de Timée n'est arrivé à Diogène qu'à travers plusieurs intermédiaires ; on ne peut l'expliquer qu'en y voyant des vestiges de l'Tspbç Abyoq sauvés par une tradition plus fidèle 2.
Cette origine n'est pas douteuse. Elle est confirmée par un détail qui a son importance : quel motif poussait l'historien à nous conserver avec tant de soin cette banale prescription qu'il faut se reposer quand on voyage, si ce n'est la passion avec laquelle il recherchait les moindres reliques de la pensée du Sage ?
J'irai même plus loin. Je ne me refuserais pas à considérer comme empruntées à l'Tspbç Ab^oq la plupart des notes de cet article : cette origine est prouvée pour la moitié d'entre elles et l'auteur rappelle avec intention que tous ces préceptes des Pytha-
1. Cobet : çpQivecv (ionien) d'après les manuscrits dé la vulgate; les meilleurs manuscrits ont cpOe-'peiv (Diels, Archiv fur Gesch. der Phil., III, p . 470).
2. M. Diels (Ein gefalschtes Pythagorasbucli, Archiv, III, p. 170 signale dans ce passage un extrait du 7tai8rjTrxôv crjyYpauua, ouvrage pythagoricien apocryphe dont il a refait l'histoire et rassemblé les fragments. Il relève, en effet, dans la langue, des traces de couleur poétique ou ionienne, ce qui s'accorde assez avec son hypothèse, et croit y reconnaître la source habituelle du faussaire, l 'ouvrage d'Aristoxène.
Je ne puis me ranger à l'avis du grand philologue : pour ma défense, je ferai valoir que l'ouvrage d'Aristoxène ne peut avoir fourni les notes les plus importantes de cet article : apâytaOsot; npoïçipîty XMÀJï'.V, T<è> X-JJCAMV i - ï -Yysa8aietl'8iov pnrjôèv ^yetaOat (consultez Jumblique, Y. P., 'JO-100 Aristoxène et Aulu-Gelle, IV, 11). Déplus, une œuvre en prose, même ionienne, comme le TïarôeÙTixov, ne pouvait contenir des vers comme celui qui introduit ce passage.
1 4 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
goriciens proviennent de l'institution de leur maître. Dans notre hypothèse, on s'expliquerait la composition assez bizarre de cet extrait : le compilateur, en lisant l'Histoire de Timée, aurait soigneusement noté toutes les coutumes de la Société dont son auteur, avec textes à l 'appui, trouvait l'origine dans la Règle du fondateur.
Ce ne sont pas là les seuls emprunts que Timée ait faits au Discours Sacré. Certains fragments de son œuvre, arrivés péniblement jusqu'à nous, à travers toute la tradition alexandrine, nous montrent encore à l'évidence la préoccupation de conserver jusqu'aux expressions poétiques de Pythagore.
Voyez, par exemple, le philosophe exhorter ses disciples à garder jalousement ses doctrines i : OTUCO; àxpaaîaç aTcàtjrjç xaOa-psuovxss èv i*/£ppYj[jio<7uvY] çuAaxxioaiv oOç av àxpcafftovxai AÔvouç. L ' e x p r e s s i o n èv èysppYjpLOjuvYj 2 non moins que le ton religieusement grave de la phrase et de l'idée exprimée, nous font deviner un extrait de l'Tspbç Acvsç.
Ailleurs cette origine transparaît plus clairement encore, s'il est possible, car ce sont des fragments de vers de Pythagoreque Timée nous a conservés.
Un hémistiche formule ainsi la doctrine métaphysique des nombres :
àptGjJ.ôj CJ£ X£ Tcivx' èwSOIXEV 3
et Aristoxène fait écho à Timée par cette note doxographique, en prose malheureusement: IluSayôpaç rcavxa xà Txpày^axa dnusi-xau(ov TOCç àpiO^oû; 4. Ce fragment est fréquemment cité. Le passage de Plutarque (de an. procr. in Tim., 33, 4), provient de Zenon le stoïcien et c'est également à une source stoïcienne que remontent les citations de Sextus, adv. math., VII, 94 et VII , 109 (cf. IV, 2). On la trouve encore dans Thémistius, paraphr. in
1. Jamblique, V\ P., 246. Ce passage est bien de Timée: comparez les réflexions sur la médecine pythagoricienne (244) avec une note de Timée au £ 264 otattr] Oepacxîjovxa;) ; de même le § 247 rappelle le § 88, e tc .
2. Ce mot ne se trouve, que je sache, que dans ce passage de Jamblique.
3. Jamblique, V. P., 162. Timée rapportait ailleurs encore cette doctrine pythagoricienne (§ 19, § 59, qui est bien de lui, comme le prouve le rapprochement avec le § 44 [Ronde, Rhein. Mus., XXVII, p. 27-28]).
4. Stobée, Ed. phys., I, 1, 6.
CHAPITRE I 15
Arist.,1, p . 220, 22, et II, pp . 20, 22, et Théon de Smyrne, expos, math., p . 99. Enfin il paraît avoir été repris par l 'auteur de l 'Hymne pythagorico-orphique au Nombre (Simplicius, in Arist. phys., VII, p . 1102,20 et decœlo, III , p . 580, 14, Syria-nus, in Met. Arist., p . 982 b, 6 et p . 902, a, 22).
Voici maintenant deux vers — on dirait un fragment du Déca-logue — où Pythagore s'adresse à ses disciples pour leur édicter leurs devoirs religieux :
'AôavaT^'j; p.èv ftpûia Gsoéç, vô;/.!•> îoq sTzx&ivTa'., Tijj.a xat GI$G'J 'ôpxov, è'xsiG' i 'pbixç àyaucu; ! .
On ne doit pas s'étonner comme Nauck (édition de Jambl . , V, P., p . 210), de voir apparaître le serment au second rang des honneurs, immédiatement après les dieux et avant les héros. On connaît la vénération mêlée de crainte que les Pythagoriciens professaient pour le serment (Diog. Laërce, VIII, 22. Jambl . , V. P., 47, 144, 150, etc.). Ensuite il faut considérer que le respect du serment fait partie du culte que l'on doit aux dieux, ce qui explique la place d'honneur qui lui est réservée dans ces vers : il en est de même dans le manuel de morale ad Demonicum du Ps.-Isocrate, 13 : xpâVucv JJLSV SUV £J<Jé(3îI -à ~poç Gscù; p.r; JJLCVSV OJWV
àXXà xaî TOIç opxoiç èjAgÉvwv ~i\m Tô oaiu.svisv oeei XTX. L'idée exprimée par les mots vàjjwo wç sTaxsivTxt « dans l 'ordre qui leur est assigné par la loi » ou (oTaxsrrai, Gobet, Coll. crit., p . 469 « suivant la disposition de la loi » est bien dans la tradition r e l -gieuse grecque: cf. Xénophon, Mem., I, 3, l ; rt vie HuGîx VîU.(:>
TCOXSWç àvaipsï rçcioUv-aç, eùac^w;; av zsisïv, à propos de cérémonies du culte. Naturellement ce précepte religieux devait (comme l'indique d'ailleurs le mot Tupoka) commencer la série des commandements de r'Iepbç AôYOç.
1. Jambliquc, V. P., 144. Le précepte se retrouve ailleurs dans un autre extrait de Timée (Oiog. Laërce, VIII, '22\ Ces vers, de même que ceux qui concernent l'examen de conscience et un autre encore que nous connaissons par le philosophe Chrysippe, ont été repris par l'auteur des Xs-jji "ErcT). On pourrait prétendre, il est vrai, que .lamhlique n'emprunte pas ces vers à Timée, mais bien aux Vers dorés. Mais Jamblique n'utilise pas cet ouvrage dans sa biographie de Pythagore, apparemment parce qu'il n'était pas connu de ses sources principales, Nicomaque et Apollonius, et il n'y a aucune raison d 'admettre une exception pour le cas qui nous occupe.
16 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Ailleurs, c'est une leçon de métaphysique mystique ; dans ces vers où l'on croit reconnaître l'affirmation de sa nature surhumaine (Jambl., V. P., 144), il établit cette distinction entre les êtres :
AvOpoiTTOç C'ITUOç ka~l v.oà cpvtç y.ai xpixov aXXo.
Ce vers doit se traduire ainsi : « Parmi les bipèdes, il faut compter l 'homme, l'oiseau et une troisième espèce d'êtres. » Jamblique estime que les mots xpérov àXXo désignent Pythagore. Je crois que le sens en est beaucoup plus général et qu'il faut entendre par là une troisième catégorie d'êtres ; une sorte de dieux ou de génies supérieurs incarnés L Parmi les doctrines secrètes des Pythagoriciens figurait, d'après Aristote (Jambl. , V. P., 31), cette hiérarchie des êtres doués déraison : xou XOYIXOU
'ÇMOU TO [J.SV £<7TI Osog, xb S av0po)7uoç, TO o'oîov IluÔaYopaç. Dans une notice d'un scholiaste d'Homère (ad Iliad., A, 340), on retrouve un enseignement semblable, mais avec un sens plus profane. La preuve qu'il faut comprendre ce vers dans un sens très littéral, c'est que l'a définition grossière de l 'homme comme un bipède n'est pas inconnue à d'autres écoles philosophiques. L'auteur de la définition platonicienne de l 'homme (p. 415 a), paraît s'être inspiré des théories pythagoriciennes: avOpwrcoç Çwov âVrepov, crrcouv, TjXarjtovir/cv" o u.£vov xwv CVTCOV è7uurrrju,Y]ç TYJ;; xaxà âOYOUç SSXTIXOV
èffxt. Elle reparaît sous une forme primitive dans une anecdote amusante rapportée par Diogène Laërce, VI, 40 : Gomme Platon avait défini l 'homme « un animal bipède sans plumes » et qu'il se glorifiait de cette trouvaille, Diogène (le Cynique) jeta un coq plumé dans son école en disant : « Voilà l 'homme de Platon. » C'est depuis lors, ajoute naïvement fanecdotier, qu'on compléta la définition par les mots « qui a les ongles plats ».
Plus loin, disciple des Sages du vic siècle, Pythagore grave, en une maxime frappée comme une médaille, les enseignements
1. Certains évangiles pythagoriciens représentaient Pythagore comme un dieu ou un génie lunaire : Jambl., V. P . , 30. Cf. Porphyre, V". P., 20, e t les sources anciennes d'Apollonius dans Jambl. , V. P., 7. Aristote dans Elien, V. IL, II, 26 et IV, 17. Diogène Laërce, VIII, 11 (Timée), etc. Sans doute pour les Pythagoriciens toutes les âmes humaines sont des êtres célestes descendus sur la terre, mais il y a une hiérarchie entre eux : ce sont les esprits tout à fait supérieurs qui sont désignés ici par Tphov aXXo.
CHAPITRE I 17
de la vieille sagesse humaine : « le commencement c'est la moitié du tout: àpyy] H T0iYju,iffO7cavTsç », proclame-t-il dans un énergique hémistiche cité par Timée *. Il ne faisait ainsi que couler dans le moule du vers un vieil adage grec, aussi vieux que les maximes des Sept Sages. Platon, qui paraît être au courant de la littérature pythagoricienne plus encore qu'on ne le devine, n'y ferait-il pas allusion, quand il dit : âpyrj yip Xivsxai p.èv r)p.i<ju wavTbç èv xatç luapotuiatç fpvou 2?
Ce fragment devint rapidement une sorte de proverbe anonyme qu'on trouve cité par Aristote, eth. Nie, I, 7, 23, polit. V, 3, 2 (cf. Ps.-Arist., probl., X, 13) ; Polybe, V, 32, 1 ; Philon, quis rer. div., 116, de agrie, 125 ; Horace, ep., I, 2, 40. Lucien somn. 3 ; Galien, t. X, p. 450; Démétrius, de eloe, 122. On l'a quelquefois attribué à Hésiode (Lucien [et Scholie], Herm., 3) ; mais c'est une confusion évidente avec le vers op. 40 oJcè foaaiv bcrwTUÀéov YJJJUJU Tcavxoç.
Pour confirmer l'hypothèse avancée plus haut sur l'origine d'un long passage de Diogène 3, je signale que lune des notes qui y sont insérées wbaîç yprjaOat Tcpbç Xûpav jp.vq> 6îôJV, se retrouve ailleurs, exprimée en une langue plus poétique ^zapr,YYSXXSV e?' Tjuipa éxàaxYj]> ûpivsiv xoùç xpeiTTovaç 4.
Enfin, Timée fait honneur à Pythagore de la création de mots originaux, comme x6ap.oç par lequel Pythagore, le premier, désigna l'univers 5, et xeipaxiéç G qui devait représenter un ensemble
1. Jamblique, V. P., 162. Cf. les remarques d'Aristoxène sur le même sujet, ibid., 188 (Ronde, P/iem. Mus., XXVII, p. 49).
2. Lois, VI, 753 E. Comparez notre proverbe : « il n'y a que le premier pas qui coûte. » La construction.de la phrase de Platon parait bizarre. Le mot spyou occupe une place singulière; il est d'ailleurs complètement inutile. D'autre part, l 'expression èv x a î ; - a p o i u i a i ; , au pluriel, désigne un Recueil de Proverbes déterminé. M. Serruys, qui a bien voulu me signaler ces particularités, proposerait, sous toutes réserves, au lieu de ê S Y O J :
<C7>ep<ou Xd> y ou. 3. Diogène Laërce, VIII, 22-24. 4. Jamblique, V. P . , 149. 5. Jamblique, V. P . , 162. Cf. 5$ 59 et 48 l = T i i n é e , Rol.de, ibid., p. 3 3 \ 6. Jamblique, V. P . , 150 et 162. Cf. Lucien qui emprunte à Timée la plu
part de ses renseignements. Vit. Auct., 4.
DELATTB. — LUI. pylhay. 2
f8 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
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mystique de quatre choses * ; il lui attribue, aussi une définition -~ célèbre de l'amitié : çIXGXYJç ujixrjç 2. '
Dans un passage de la biographie de Jamblique où Timée rappelle sommairement les principales particularités de la vie pythagorique 3, on pourrait relever encore des traces du Discours sacré. Ce qui fait penser tout d'abord à cette origine, c'est qu'on y signale la pratique de l 'examen de conscience et des exercices mnémotechniques 4. On s'affermit dans cette idée en lisant cette recommandation de Pythagore exprimée en un langage imagé.: xaxi xbv uaxaxov xaipbv TcapVJYYsXXE p.Y] (3Xaa©Y)f/.£iv, àXX' (îiuTuep ev xai<g' àvaYtoyatç o'.am£e<r8ai p.£xà XYJç £y<pyju.iaç Yjviuep êxoioBvTO bwoôsugsvouç xbv 'Abptav. Encore une fois, un mot du Phédon de Platon, cet ouvrage où les idées pythagoriciennes se révèlent à chaque page, confirme notre hypothèse : àxYjxca cri èv £Ù<p-fl'uia y pvj xeXeuxây (p. 117 e). Olympiodore a fort bien vu que Platon faisait aHu* sion à une doctrine pythagoricienne, in Plat. Phaed.., p . 171 :.oxt àv ejçprjuia xsXsuxav vjcjtouv et IIu8aYÔp£iot, wç âya6oî> xe xal ispOUTôB . • 7upxYu.axoç ovxcç xal cxt èviOTe.xepunuaxà xctauxa XYJV âvaYwY°v ; ,^P#^* : •• '. xai bxt i:pb$ TOUTOIç baipivoiv auvay£pp.bv TtpoxaXeiTai <piXoato|/.ax6)v kàfe^ ÇWY; '/aipivxwv Y£V£crl0UPY$» °'1' T(^ xveyjJiaxi TupoïÇavovxsç fJapuvoustv^-. ;^ ajxô (cf. encore p. 208). On remarquera qu'Olympiodore emploie la même image que Jamblique pour parler de la sortie de l 'âme du corps : elle est comparée à un navire qui prend le large (àya*
yCDYOC. O p U . y j ) . ' - . ••
Tels sont, je crois, les principaux fragments de l'Tepb; Aoycç que nous a conservés Timée. Sans doute, son influence a été beaucoup plus étendue, mais nous ne pouvons que la deviner. Ainsi, dans la biographie de Timée, Pythagore commençait son apostolat, à Crotone, par de retentissantes prédications. C'était une occasion pour l'historien de développer certains thèmes de l'Tspbç AGYOç et il n 'y aura pas manqué, mais il n'est guère possible de contrôler cette conjecture.
: v-.*J
1
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'•*Ç*
= "-i-wU
1. D'après la formation étymologique, du moins ; habituellement on comprend très mal ce mot qui mérite une étude spéciale (cf. infra).
2. Diogène, VIII, 10, et Jamblique, V. P . , 162. - • k . • 3. Jamblique, V. P . , 236-237. - • 4. Comme dans Diogène Laërce, VIII, 23-(p7f|xr,v àr/.sîv), ce passage où
nous avons relevé tant de vestiges de l'tspôç Àoyoç.
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19
Wy à|ias qufe^im^qui W*bk inspiré de cè'Dhçours sacré, cotèné aùsiâ ^ connu,pair Jautres voies peut-
r^pmais^a^nSfune Double rfor tune, e d'une prafri notre Reconstitution actjuiert ainsi dé l'étél)^
efrdelà documentation, que d'autre part, la question de Tori-tcèt:JUpoq Aoyoq se complique singulièrement, Aristoxènè
l'bistoVien le "plus autorisé du Pythagorisrae. d^recture ; d'un fragment dé ses nuOayopixat cnuofa<ietç ',
est attirée par un mot de la langue poétique que l'au-prapporte nettement à la tradition pythagoTicieUne : èv i$
mbfy (wto Tô ffujAicavri elvat Ttvaç rjXixta èv&siaourévaç (o(it6tf> 'lyetv «UTOùç. çaofv). • ••::. lé même passage, Aristoxènè a gardé aùssî l'expression
- • i T
poétique lx yeveTYjç ; celle-ci reparaît encore dans d'autres '^ce qui prouve bien la sûreté de la tradition,
totf&ien comprendre l'étonnement que nous* cause cette trou-; '?3£*ajj|^ la langue scientifique des Pytha-fo ; ^ ^ 8 l ^ é ^ était constituée par le dialecte dorièn. Si l'on eh dou-•< ^ ^ i ( ^ ^ ^ ^ ^ à ï ^ u ^ t110 forment à cette assertion les fragments,
^ ^ ^ ^ ^ ^ ® V il* est vrai, de Philolaos et, en tout cas, les débris des 'mathématiques d'Archytas"3,f Aristoxènè lui-même se
;*$£ lit fe nous donner raison : il a conservé quelques expres-___ _j_ies, ^ je'dirai techniques, de cette langue, comme xeSap-
- • ^ii-*aa,*faÉJt |i«jsîKtî «vbrp-ÎJËo f'dci *>" -dajoiêj lesquelles les formes doriennes se **"' toute /évi&ffeb^Cfc sont là des créations de l'École
icierihe. 'à du dialecte poétique ionien qui émaillent l'œuvre
&lAriStOxèoe nous ramènent donc à une autre source, à une éo^poeitioft poétique. Devons-nous recourir à l'hypothèse d'un tfafre^îoèinè que l"Iepb? Aèyoç, pour rendre compte de ces survi-
Î-Gé, Serait compliquer inutilement le problème et cette **•
',-: v.;* t«Qu ^Rniaibliqué nous a conservé, V. P., 201. Pour l'attribution de ce --'^fiÉftlb^ Mus., XXVII, p. 52, et Diels, Fragmente der
i r, yëhû&raHkèr, P, p. 287. u"•• - .-• 2. Jamblique, V. P., 171 et 223. * .'... 3. blase, De Archytae fragmentis mathematicis, dans les Mélanges \if. . Qram, fè-v • s r.Jfttobïiqtfe, V. P., 101,191, 114, 231. Diogène, VIII, 20, Pour l'origine &* èVcèS extraits, cf. Rohde, op. cit. Rhein. Mus., XXVII, pp. 37-38, 30,56,
etc. i vi
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20 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
recherche d'ailleurs demeurerait stérile. Mieux vaut aussi nous contenter d u n e conjecture qui explique pourquoi Aristoxène rapporte souvent les mêmes traditions que Timée sur les mœurs et les doctrines pythagoriciennes ; ces concordances remarquables attestent en effet l'utilisation de sources identiques.
L'examen de certains fragments d'Aristoxène complétera dans une bonne mesure notre reconstitution de T'Ispoç Aiyoç. Résumons d'abord les passages cités plus haut où les expressions poétiques attestent une conservation plus soignée.
Les Pythagoriciens, qui par des considérations théoriques croyaient se faciliter la tâche de l'éducation, divisaient la vie humaine en quatre périodes de vingt ans. Aristoxène * qui semble attacher grand prix à cette opinion, s'étend ensuite longuement sur les conceptions de l 'éducation.
Ailleurs, il cite la formule consacrée dans laquelle Pythagore résumait les devoirs du citoyen: VôJJLO) (3OY)6SIV, avorta iuoXep.eiv. Elle n'est pas inconnue de Timée et elle reparaît souvent dans la même forme stéréotypée 2.
Enfin, pour nous édifier sur l 'austérité des mœurs de ses amis, Aristoxène rapporte que, d'après Pythagore, les pires fléaux qui peuvent s'abattre sur une cité ou une famille sont d'abord le luxe, la licence ensuite et, seulement après ces deux calamités, la mort 3. Cette distinction, parmi d'autres, paraît bien consacrée par une longue et fidèle tradition ; de plus, l 'auteur la rapporte à Pythagore, ce qu'il ne fait que rarement et à bon escient, et elle est attachée au précepte véu.a) (3OT}0STV, àvopia IUOXSJJISîV.
C'est encore de l'Tspbç AôYOç que je ferais dériver la note d'Aristoxène 4 dans Diogène Laërce, .VIII , 14 : Xs^exai ârïuoçîjvat TY)V uy^v, XûXAOV «va pc/JÇ à;j.£i6ouaav, aXXoi' aXXoiç èv&etcjôai Çwoiç qui résume la doctrine de la métempsycose. Elle exprime en des termes recherchés et poétiques ce que Dicéarque rapporte pro-
1. Jamblique, V. P . , 201 ; il faut en rapprocher le § 210: Setv ouv xov TcaîSa OUTOJç ayEaôai oïaxe [).r\ ÇY]XêIV svxôç xtuv xrjv xotajxyjv auvouat'av et une doctrine apocryphe îzaiBeuxr/.ôv auyYpaajjLa (Diogène, VIII, 6 et 10; cf. Diels, Archiv. III, p. 466).
2. Jamblique, V. P . , 99, 171 et 223. Cf. Diogène, VIII, 23 (=Timée) . 3. Jamblique, V. P . , 171. 4. Elle est insérée parmi divers extraits d'Aristoxène ; une citation des
Theologoumena Arithm. (éd. Ast, p. 40) montre qu'elle a bien la même origine que le reste du passage.
CHAPITRE I 21
saïquement ainsi * : TYJV ^uyrjv p.s7aêaXXsj!7av sic àXXa yvnk ~o')o>v. De plus , elle se retrouve sans grand changement dans la poésie orphique :
Ouvsx' à[Asiêo|j.£'vY] <!>ovYj xa~à xjxXa ypbvcto Av6pw7:a)v ÇMSUJI [j.ETSpyscai à'XXcOev â'XXoiç 2.
Cette concordance, outre que l le établit son antiquité, prouve clairement que sa forme même a été religieusement respectée.
Tels sont les extraits d'Aristoxène où sont gardés des vestiges de la langue poétique du Discours sacré.
Cependant, là même où on ne peut invoquer les particularités du style comme preuve de ces rapports, l'Tspbç, Abyoq doit avoir exercé une profonde influence. Mais comment se guider dans la recherche des fragments d'Aristoxène où s'est conservée la substance de notre ouvrage? En l'absence d'indices absolument sûrs, nous ne pouvons qu'employer une méthode un peu indirecte en comparant ses exposés avec les extraits de l'Tspbç Abvc; révélés par Timée.
Aristoxène nous a laissé une description complète de la journée d'un Pythagoricien 3. Nous y lisons qu'à la fin du jour, le membre le plus âgé de la Société prenait la parole pour formuler devant tous certaines exhortations invariables. 11 résume les devoirs du citoyen en cette phrase impérative : vôu.<o $crfi-vt, àvc-(J.12 TCCXSJJLSIV, dont l'origine nous est déjà connue. Il définit avec précision les différents devoirs de la piété religieuse et filiale : Twspi TOO ôstou xai 7:spi TCJ baïu.oviou xai repl xou YjponxsD VéVS-J-
£^rYî" p.6v TS xai àva6r;v sysiv ctavsiav, waaÔTwç bs xai -spi YSVS'COV TS xai sùspYSTwv btavostaôat, et il recommande la protection des animaux et des plantes.
Ces divers préceptes se retrouvent encore dans les fragments
1. Porphyre, V. P. 19. 2. Orphika, éd. Abel, frg. 223, p. 24V. Cf. ibid.. gg. 222 et 226. A vrai
dire, ce n'est que dans les poèmes orphiques de composition tardive que nous relevons cette concordance ; mais ces ouvrages ont été écrits d'après des paraphrases et des fragments conservés de l'ancienne poésie llolide, Psych.j p . 406, n. 2). Cf. l'inscription orphique d'une tablette d'or de Thurii, I, 6 : xûxXo'j ô'è;é^Tav papu^evOso; àpvaXioto.
3. Jamblique, V. P., 96, 100. Cf. Hohde, Hhein. Mus., XXVII, p. 33.
22 IN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
de Timée qui sont inspirés de TTspbc; Aoyoç b L'usage de ce sermon quotidien, qu'on observait aussi ponctuellement qu'un rite encore au temps d'Aristoxène, remonte certainement très haut. Eu égard au caractère impératif des recommandations, qui rappelle le ton de certains fragments du Discours sacré, et à la tradition immuable des formules, devenues stéréotypées, il ne serait pas absurde de supposer que, primitivement au moins, on procédait a la récitation d'un fragment du vieux poème. C'était en marmottant, chacun en son particulier, des bribes de vers semblables, que les Pythagoriciens se préparaient à leur examen de conscience.
Que d'étroites concordances on constate partout entre l'exposé de Timée et celui d'Aristoxène !
Tous deux nous dépeignent la modération et la gravité des Pythagoriciens, leur amour de l'harmonie dans le développement des facultés2, le caractère conservateur de leur morale et de leur politique 3.
Si on se force à lire (car elles ne sont plus dans le goût moderne, comme elles l'étaient encore au xvie siècle) les longues considérations d'Aristoxène sur l'àpy/r, (dans les deux sens de ce mot : l'autorité et le commencement), on verra qu'il connaît l'adage : àpyrt %é TOI ftu.uju xavTÔç /+.
Peut-être ne serait-il pas sans intérêt de signaler aussi, pour finir, de simples mots de la langue pythagoricienne, vieux débris d'une terminologie en quelque sorte technique.
Tel est, dans Aristoxène, le mot xaGapsiç qui était consacré par Pythagore pour désigner la purification des passions par la musique 5 ; je signale d'ailleurs kye\).uQ(ct G, le silence exigé des
1. Cf.Diogène, VIII, 23-24. Rapprochons-en les deux vers (Jambl., V. P., 144), que nous avons signalés plus haut.
2. Jamblique, V. P . , 196-108 (=Aristoxène, cf. Rohde, Rhein. Mus., XXVII, p. a l) . Cf. Timée, dans Diogène, VIII, 23 : a»8w xai eùXàêstav p-exeè/ai (Reiske, corr.) [JajTS YéÀWT'. xaiéysaGat pujTe axu8pto7ïa£siv çs'jysiv aapxwv ?:Xsova-ap.d v.
3. Jamblique, V. P . , 176 (Rohde, Rhein. Mus., XXVII, p. 49, et Diels, Vorsokr. I2, p. 283), Timée, ibid., § 260.
4. Jamblique, V. P., 182 (Rohde, ibid., p . 49). a. Jamblique, V. P., 110 (Rohde, Rhein. Mus., XXVII, p. 37) : TôUTO yàp hrt
TTooirjYocs'je (IIuGaYo'pa;) xrjv §ià ixoujtxri; iaxpetav. 6. Jamblique, V. P., 68, 94, 225, 226. Le mot ne se rencontre 'que chez
CHAPITRE I 2 3
novices, et xaiapiuTt; *, l'esprit de soumission qui est à la base de la formation du disciple.
De même qu'elle fut pour Aristoxène une source précieuse, la poésie sacrée des Pythagoriciens dut fournir aux autres biographes du ive siècle une part importante de leur documentation. Malheureusement nous ne pouvons en relever que des traces incertaines dans les maigres fragments qui subsistent de leurs œuvres. Il semble bien toutefois que la poésie pythagoricienne ait été familière à Iléraclide Pontique. En effet, parmi les débris de son Histoire du Pvtha^orisme, nous retrouvons ce vers rela-tif à l'abstinence des fèves :
*Ia£v TOI y.'ji'j.ouz xs ca^siv xssaXac TE xcxr.tuv ~.
Héraclide ne donne pas le nom du poète auquel le vers est emprunté, mais il le désigne comme un Pythagoricien ; il est tout naturel d'y reconnaître l'auteur de notre poème. Cette citation est destinée à expliquer un précepte pythagoricien qui figurait dans l'tspbç A£VSC. H e n était question, en effet, dans la parodie de cet ouvrage que connaît Timée (Jambl., L. P. , 268j, encore que la signification en eût été altérée pour des besoins de polémique. On le trouve aussi dans une collection de notes extraites des œuvres de Timée par Diogène Laërce (VIII, 24) et où nous avons reconnu une série d'excerpfa de l'ispb; A£*;SC (voy. p. 13.. Enfin, plusieurs auteurs citent ce vers ou y font allusion en exposant les raisons qui ont déterminé l'interdiction des fèves :L
les écrivains qui se sont occupés de choses py thagor ic iennes . Aulu-( îe l le , I, 9, le cons idère c o m m e un mol tout a l'ait spécial et consacré , tif. P lu-ta rque , Mor., p . 728 D. Lucien, So/n/ i . , 2.
1. J a m b l i q u e , V. P . , 9 3 : èxaXei ô: TOUTO xatioxjj'.v. Ce mot n 'est employé , lui non plus , que par les h is tor iens du P y t h a g o r i s m e . Cf. Kuslathe, opusr. p . 199, 40. Quant à l 'examen qui p récède l 'admission dans la Sor/é/é, et don t il est fait ment ion dans ce passage, Aris toxène v Jambl . , \". / ' . , 2*8 et Timée (ibid., 71) nous en a t t e s t en t la réal i té .
2. Lydus , de mens. , IV, 29. 3. Il es t a t t r i bué aux Py thagor ic iens par un au tour stoïcien dans Cramer ,
Anecd. Pur., IV, p . 40 L Dans l ' I I adèsde Lucien «7/.i/. mort., 20, 3 , P\»hu-gore , désabusé des vani tés de la phi losophie , dit à Ménippe : où; u'.vov V/.JX-
•AOUç)» àXXa -%ox vexpoî; ôd^axTa' ïaxOov ^xz û*- oùmv Vxov v.-jx'xo: xxi XCZXKXî
TOXT DV êVOîÔî. Dans le Soni/e, c. 4, Mievlle s 'é tonne de voir Py thagore devenu coq mange r des f è v e s : (<u?i T] s-ltiïaOai 10: ivayxr, xaî aXXc.i èvj' . r( ILOi^"?»
2 4 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Notre connaissance de l'Ispoç AOYOç s'enrichit aussi par une autre tradition que celle des biographes. 11 est vraisemblable que, dès le iv° siècle, les écoles de philosophie et les cercles scientifiques de la Grèce en possédaient une rédaction ou, du moins, une collection importante de fragments. Déjà les allusions de Platon, que nous avons soulignées précédemment, le laissaient deviner. Un rapprochement qu'un heureux hasard nous permet encore de faire, entre une citation de Platon et la tradition doxographique, va confirmer cette conjecture.
Le second Alcibiade (qu'on le considère d'ailleurs comme l 'œuvre de Platon ou de son Ecole, cela est indifférent en cette occurrence) nous a conservé deux vers, où un poète s'adressant à Zeus, en son nom et au nom de ses compagnons, le supplie de rester sourd à leurs prières quand ils déterminent le genre de faveur qu'ils veulent obtenir, mais de ne leur envoyer que ce qui est salutaire :
Zsu (3aaù\£u, Ta p.èv èaÔAa xal ç.byo[jAvoiç xal âv£ÙXTOtç "Ap.p.t SiSou, xà oè C£ivà xal vjyoyÂvoiq àiuaXs^eiv L
Ce fragment est resté anonyme dans l'Alcibiade, mais un auteur d'une époque tardive 2 l 'attribue aux Pythagoriciens. Ce n'est pas là une interprétation arbitraire de la citation anonyme de Platon, puisque les vers sont reproduits sous une forme un peu différente 3, mais l'écho d'une tradition assez vieille que
OVTI rapavEvou,7]X£vai xaî TO l'aov r(a£(3y]xÉvai xuà[xouç çayovxa w; av si TY)V xeçaArjv xo\> Tzaxpoq (i£6pwx£iç. On ne peut rien conclure de la citation de Plutarque, qu. conv. II, 3, 2, car on peut aussi bien la rapporter aux Orphiques qu'aux Pythagoriciens. Didyme (in Geop., II, 35) se trompe en attribuant ces vers à Orphée: cela n'a rien d'étonnant puisque dans ce passage il rapporte à la même source un vers d'Empédocle. La citation de Clément, strom., III, 3, 24, paraît se rapporter aux Pythagoriciens, de même que celle d'Athénée, II, 05 f (oi çiAôaoïpot). Cf. encore Sextus Empiricus, hyp. pyrrh., III, 24, 224; Horace, serm. II, 6, 63 : O quando faba Pythagorae cognata etc. , et Scholie (Ps.-Acro) ihid. Pythagoras.. . praecipue fabam veluti parentem coluerat. Porphyre, V. P. 4 3 : l'aa Oè xuajxwv Tzxprpsi (ô nuôayopaç) à7t£yj<i0ai. xaQàrEp àvôpfonivwv aapxiov, et Jean Chrysost., hom. in Joann., II, 2.
1. Alcibiade, II, p . 143 A. 2. Orion, Anthol., 5, 17. Cf. encore Anth. PalaL, X, 108. 3. Proclus, in Remp., I, p. 188 K., et un anonyme dans Buresch, Klaros,
p. 107, 3, qui citent le passage de Platon où figurent ces deux vers offrent
CHAPITRE I 25
nous retrouvons dans un livre apocryphe du second siècle av. J . -C. Ce luatSs'jrixév ff'JYypajj.u,2 *, dont M. Diels a étudié l'histoire, a été composé sur les données d'Aristoxène et de Timée, et par lui nous touchons donc à la tradition du ive siècle. Cette concordance montre que les deux vers n'étaient pas inconnus des auteurs qui nous ont conservé tant de débris de T'Ispic Asysr. L'origine pythagoricienne de ces vers est attestée encore par des anecdotes où s'atïirme le sentiment de résignation à la volonté de Dieu et de confiance en sa sagesse : Jambl . , V. P . , 14o : xzi TIC, rjèr/} ewijiavTi TC-D TCAOTGU eiicsv* " ccra jâojXsi, zapi TWV OSMV YSVCITS SCI,
a> ®up.apt$a. " Kal oç " ^JçYJU.EI " sçr; " 2XX2 J3GUASIU,T;V paXXcv caa JJLOI Tcapà TôV 6sc7>v YÉvTjTai. '' Une anecdote semblable est rapportée à Pythagore par Procope, Ep., 47 (cf. 142, et Porphyre, V. P., 28). On retrouve ce sentiment dans Xénophon, Mern., I, 3, 2 : xat eu*/£T0 3£ ~pbc TOùç, SSOJç -XTîXWç lày3^* chcbvzi, <ô; TOùç OSG-Jç, XXA-
Xtaxa eiSoTaç, sTuoïa àya8a sari. L'Académie d'ailleurs n'était pas la seule école philosophique
qui en possédât des fragments. Le Discours sacré n'était pas inconnu au Portique, si nous en jugeons par un fragment de Chrysippe. Dans un de ses exposés 2, le philosophe cite ce vers, en l 'attribuant aux Pythagoriciens :
TvaWt, o'àv6po)7:3uç wjHzipiiy. TrrjgscT è'ysvxa;.
Il est curieux de constater que Timée aussi considérait la théorie exposée dans ce vers comme pythagoricienne }. D'autre part, la forme nous ramène à notre poème ; cette origine est d'autant plus sûre que Pythagore, ici comme dans les autres fragments, s'adresse à ses disciples.
Telles sont les épaves, malheureusement trop rares de T'hcb; Aôyo; qui sont arrivées jusqu'à nous ; le secret rigoureux de la
quelques variantes de texte intéressantes: elles se rapprochent plus «les leçons d'Orion et de YAntholoyit* (X, ION) que le texte de la vulgatcde Platon.
1. Cet extrait est reproduit par Diodore de Sicile. X, 0, S, et résumé par Diogène Laërce, VIII, 9.
2. Aulu-Gelle, VII, 2, 12. 3. Dans Jamblique, Vr. P., 218 (Apollonius, Hulule, lihein. )tn*., XXV11,
p . 54) : 67ieÔ6iÇ£v on oi (koi nov xaxoiv êinv àvaino1. xai or: voaot xai oaa naOr, joivia-TOç àxoXaçta; èTCI ara 0 par a.
2 6 L'.N DISCOURS SACRÉ PYTHAGORIC1KN
Société primitive et la perte des ouvrages des grands biographes ont eu raison du reste.
Nous avons tenté de ressusciter ce que certaines générations ont considéré comme l'œuvre de Pythagore, en interrogeant successivement les divers auteurs qui l'ont utilisée. Cette méthode, pour être peu attrayante, a permis du moins au lecteur de contrôler le délicat travail de la reconstitution et c'est un précieux avantage. Pour en corriger les inconvénients, il suffît de jeter maintenant un coup d'œil sur l 'ensemble des résultats acquis.
L'Ispbç Aovoç est une œuvre fort complexe: les historiens nous le présentent comme le manifeste d'un philosophe, le code d'un moraliste et la Règle d'un fondateur de Société.
Pythagore se trouve au confluent des deux courants de la pensée grecque du vi° siècle. Entre les Orphiques et les Philosophes, il a oscillé, cherchant son chemin et, comme son esprit avait des affinités avec les uns et les autres, il a cru pouvoir synthétiser leur œuvre.
C'est dans son Discours sacré que, d'après Timée, il révélait à ses disciples de nouvelles conceptions philosophiques, qu'il exposait la théorie des nombres et de l 'harmonie du monde, les destinées de l'âme humaine, etc.
Malheureusement, nous avons conservé peu de ces fragments, non, sans doute, que cette partie de l 'œuvre ait plus souffert que les autres, mais parce qu'elle avait moins d'étendue. Pythagore se préoccupe bien plus des questions morales : il proclame les grandes lois divines et humaines, méconnues par une civilisation peu scrupuleuse, et définit les droits et les devoirs de l 'homme. Aucun domaine de la morale n'échappe à son attention ni à ses efforts. Soucieux avant tout des intérêts de la religion, il prescrit la stricte observance de ses obligations. Il s'étend plus longuement sur les devoirs de l 'homme envers la société, la famille ou l'individu, et il n'est pas jusqu'aux êtres inférieurs auxquels il ne reconnaisse des droits et n'accorde sa protection.
Enfin, Pythagore semble donner une sorte de Constitution à la Société qu'il vient de fonder ; c'est encore dans le Discours sacré qu'il fixe pour ses disciples l'emploi de la journée, qu'il détermine le régime et qu'il règle, en général, tous les détails de la vie morale.
CHAPITRE 1 2i
•k
La question de l'origine de l 'Ispbç Asys; est plus compliquée qu'on ne pourrait le supposer, si l'on s'en tient aux attributions trop formelles des historiens, et on s'abuserait en se crovant autorisé dès maintenant à lui attribuer une haute antiquité.
Pour remettre les choses au point, un seul fait, jusqu'ici, se dégage nettement de nos recherches : c'est que les cercles pythagoriciens du ive siècle connaissaient des fragments d'une composition poétique qu'on a pu désigner sous le nom de Discours sacre.
Cette constatation ne nous fournit qu'un terminus ante quem et n'apporte aucune solution positive au problème de l'origine.
Devons-nous rapporter cet ouvrage à Pythagore lui-même, qui aurait voulu assurer dans Y Ordre nouvellement fondé la conservation indéfinie de ses idées et de ses volontés ?
Dans ce cas, il faut admettre à l'origine une transmission orale. En effet, on ne saurait penser à une publication destinée au profane ou même à l 'ensemble de l'Ecole. Les meilleures autorités nous attestent que les doctrines étaient jalousement gardées dans le cercle des disciples et le privilège de la vie pythagorique réservé aux seuls initiés. D'autre part, la tradition orale sullisait aux besoins de l 'enseignement. A supposer donc qu'on veuille faire remonter l'Ispbç Aiycç jusqu'à Pythagore lui-même, je ne vois pas qu'on puisse y voir autre chose qu'une composition orale que le Maître confiait à la mémoire de ses disciples.
Par le seul examen des rares doctrines philosophiques de l'Iepbç Aôyoç, il estdifïicile d'arriver à des conclusions bien nettes. La tradition doxographique de l'ancien pythagorisnie est fort obscure et le départ est loin d'être fait entre les doctrines du Maître et celles des disciples: on se contente généralement île dire que Pythagore a dû poser les premiers jalons des recherches scientifiques qui ont illustré son Ecole.
En tout cas, la formule sous laquelle se présente la théorie des nombres (àpiOpuo 8s TE TCOC/T' èTTîSC/.EV, tout est arrangé d'après le nombre^ est bien celle qui, d'après les études récentes de
2 8 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
M. Dôring *, doit être considérée comme la plus ancienne dans l'évolution de la philosophie pythagoricienne. C'est là un indice dont il ne faudrait pas s'exagérer l ' importance, mais qui mérite pourtant d'entrer en ligne de compte.
Si nous considérons, d'autre part, la forme sous laquelle T'Ispbç Aiy-ç nous est parvenu, nous n'y découvrons aucun indice décisif. Certes, on n'y trouve rien qui nous empêche de l 'a t t r ibuera Pythagore. Un Samien pouvait user du dialecte ionien, un réformateur religieux du vic siècle devait préférer l'expression poétique. Je ne dis rien de la facilité avec laquelle un poème se fixe dans la mémoire. Laissons ces conjectures pour nous en tenir aux seules prohabilités historiques. A juger de ce point de vue, nous verrons que Pythagore devait prendre exemple des ouvrages didactiques de l'Ecole d'Hésiode ou mieux encore des Confréries Orphiques, qui ont eu sur la formation de son esprit une influence incontestée. A la même époque, Xénophane aussi se fait poète, et plus tard Parménide comme Empédocle continueront la même tradition.
Enfin les nécessités de sa situation pouvaient amener Pythagore à exposer en des formules courtes et faciles à retenir les grands principes de sa philosophie comme les détails de sa réforme morale. Un homme ayant conscience comme lui de son rôle de prophète et aussi pénétré de la valeur de son autorité a pu songer à fixer nettement ses volontés. Il est possible qu'il se soit inquiété du danger que présentait, pour la conservation de ses doctrines, l 'arbitraire d'une tradition que n'étayait aucun document . J 'appliquerais volontiers à cette œuvre le mot par lequel M. Diels 2 caractérise si bien le poème de Parménide : c'était un Catéchisme destiné à servir aux besoins de la Société.
Cependant nous ne pouvons conclure de façon affirmative. Il y a loin de la possibilité à la réalité historique. D'une manière générale, les anciens ne citent les ouvrages attribués à Pythagore que pour en contester l 'authenticité et aucun témoignage de valeur n'atteste qu'il est bien l 'auteur de notre Izpbq Aoyoç. Il est vrai qu'Aristoxène et Timée rapportent nettement certains fragments à Pythagore. Mais tous deux écrivent près de deux
1. Geschichle (1er griech. Philos., I, p. 158. 2. Philosophische Aufsàtze Ed. Zeller gewidmet, p . 250.
CHAPITRE I 29
siècles après sa mort, et dans des conditions d'information qui n'offrent aucune garantie de sécurité. Timée s'en laisse imposer probablement par un document pythagoricien qui se donne pour une reconstitution d'une œuvre du vie siècle. Aristoxène mérite plus de crédit, sans doute, puisqu'il s'inspire des traditions de la Société ; mais il faut se garder de leur reconnaître trop d'autorité car les Pythagoriciens — cette tendance se remarque dans toutes les communautés et institutions semblables * — pouvaient aisément faire honneur à leur maître de leurs propres créations. D'ailleurs l'historien semble ne pas avoir conscience de la communauté d'origine des fragments poétiques qu'il a recueillis et il en est qu'il rapporte seulement aux Pythagoriciens. Le silence d'Aristote sur une question si importante affermit encore nos doutes ; un critique aussi bien informé des choses pythagoriciennes ne pouvait ignorer les débris de L'Iepiç Aivsç, et s'il se fût cru en droit de les attribuer à Pythagore, nul doute qu'il s'en fût servi dans son histoire de la philosophie.
En somme, ni le fond, ni la forme, ni la tradition de 1 Ispb; A6YO; ne nous autorisent à le présenter comme l'œuvre de Pythagore, mais ces mêmes indices nous obligent à admettre que la composition de ce poème est antérieure à la fin du ve siècle. Si l ' Iepb; Aôyo; ne peut être attribué, du moins avec certitude, à Pythagore, qui dirigea la Société pendant tout le vip siècle, il est incompatible d'autre part avec les doctrines et les usages des milieux pythagoriciens, tels qu'ils nous apparaissent dès la fin du ve siècle.
A cette époque, si nous en croyons Aristote '', le P \ thagorisme s'est divisé en deux sectes : pour obscures que soient encore les origines de ce schisme, la situation du moins est bien claire.
La secte ma thé ma tique (des gens d'études) délaisse les unes après les autres beaucoup de pratiques superstitieuses de la vieille Société, épure ses croyances et sa morale, répudie l'autorité du Maître en matière scientifique et s'elforee d'arriver à une philosophie progressiste et rationaliste \
1. Oldenberg (lo Bouddha, trad. Foucher, p. ."HO) signale celte coutume dans les communautés bouddhiques.
2. Jamblique, V. P., 82 sqq. Holule, Bhcin. Mus., XXVII, p. 33. 3. Aristoxène nous a décrit (Aulu-Gellc, IV, 11, Jamblique, V. P., 96-
3 0 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Dès l'origine de ce mouvement libérateur, la masse des esprits superstitieux et traditionalistes, effrayés du danger que font courir à la vieille foi les essais d'une philosophie de plus en plus scientifique, prétendent retourner aux premiers âges du Pytha-gorisme dont ils exagèrent encore le fanatisme et la superstition. Ils se proclament les partisans de la Révélation (àxojap.aTa) d'où le nom d'Acousmatiques, et ils bornent leur science à la connaissance d'un Catéchisme, simple formulaire procédant par questions et réponses. Ces formules n'ont rien de poétique et on n'y relève qu'un petit nombre des idées de ULpbç ASYCç. On constate même parfois peu d'accord entre les deux Credo. Ainsi les Acousmatiques croyaient en la divinité de Pythagore ! , tandis que dans le fragment du Discours sacré, où, d'après l'interprétation traditionnelle, il s'affirmait d'une essence supérieure à l 'humanité, Pythagore s'exprime en des termes trop modestes pour qu'on puisse y reconnaître la foi des Acousmatiques.
Serait-ce donc dans la secte mathématique que notre poème se serait lentement élaboré ?
C'est encore moins probable. Les commentaires qu'Aristote nous a laissés sur la philosophie pythagoricienne attestent que des courants singulièrement divers se partageaient la pensée scientifique de l'Ecole. Il est donc impossible que sur nombre de points où l'accord n'existait plus, il ne se fût formé et conservé qu'une seule rédaction du Discours sacré. Il est plus invraisemblable encore qu'un poème, dont les idées devaient sur différents points heurter les opinions de beaucoup de membres de la Société, ait pu s'imposer comme l 'œuvre de Pythagore. Un exemple va le prouver. L'un des fragments du poème résume ainsi clairement l 'une des théories pythagoriciennes des nombres : « tout est arrangé d'après le nombre. » Cette formule a cessé très tôt d'exprimer l'opinion de la masse de l'Ecole, qui en a modifié ainsi la teneur : « tous les êtres sont des nombres. » Comment la première formule se fût-elle seule conservée, et comment surtout les Pythagoriciens du temps d'Aristoxène '2 l 'eussent-ils respectée comme l'expression d'une théorie de leur Maître ?
100, etc. leur genre de vie et leurs aspirations. C'est à leurs travaux que se rapportent les critiques et les allusions d'Aristote dans sa Métaphysique.
1. Aristote, dans Jambliquc, V. P., 82, et Elien, V. H., II, 26. 2. Aristoxène, dans Slobée, ecl. plujs., I, 1, 0.
CHAPITRE 1 31
D'ailleurs, ils auraient traité avec une autre ampleur les problèmes métaphysiques et, vraisemblablement, l ' ispbc A575; n'eût été qu'un exposé philosophique, car ils s'intéressent moins que leurs devanciers aux questions morales. Au ve siècle, le moment de l 'enthousiasme religieux et de la rénovation ascétique est passé pour la secte mathématique. L'activité de la Société se partage entre les luttes politiques, très vives à cette époque ', et les progrès d'une philosophie qui cherche à se libérer de l 'autorité infaillible du Maître (A-JTS; ïoy.) et à purifier la morale des pratiques superstitieuses.
Les mêmes conclusions s'imposent si nous observons la forme du Discours sacre. Déjà nous avons eu l'occasion de remarquer que le dialecte littéraire des Pythagoriciens est le dorien. On pourrait objecter qu'ils en usaient pour leurs travaux scientifiques, mais que, dans une composition poétique, le dialecte ionien s'imposait par tradition. Nullement. La célèbre formule de serment pythagoricienne 2 :
0*J, L>.à 75V àv.îTî'paC IZS'.XZ £'J55V7a 7£75a/.7jV, Ilavàv âevàsu o'jsztôz p'.£<•'> ;J.27 sysjsav,
qui remonte à une haute antiquité, puisque l'Lcole du ivc siècle avait déjà abandonné les croyances mystiques qui s'y affirment, accuse nettement les formes du dialecte dorien.
Pour toutes ces raisons, il me semble impossible de considérer notre poème comme une création des Pythagoriciens de ces deux sectes.
Dès lors, nous sommes obligés de placer la composition île Y Itpzz As ;5 ; au début ou au milieu du vL siècle.
Les formes du Pythagorisme de cette époque nous sont encore peu connues. Peut-être, avant le schisme, les Pythagoriciens ne formaient-ils qu'une seule grande Confrérie partagée en communautés. Des courants d'idées diverses s'y rencontraient déjà sans
1. Voyez les réci ts de ces lu t tes dans Aris loxene v . lamblii |ue. V. / ' . . '2«s
s(j(j.) e t T i m é e (ihirf., ~2'\\ s q q A
2. J ambl ique , \ \ / \ , lîil); voyez les var iantes au *, It'eJ. Timée par 1 in te r
média i re de Nieomaque me semble ê t re la «source de ce passade ; cf. avec
le 5; ia"».
3 2 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
doute, mais il est probable que l 'enthousiasme religieux et ascétique y prédominait encore au point que les communautés orphiques et pythagoriciennes devaient être peu distinctes les unes des autres.
N'est-ce pas là un milieu favorable pour l'éclosion d'un poème sacré où, après la mort du Maître, on aurait voulu réunir ses commandements et ses doctrines?
Ce n'est qu'une hypothèse, mais c'est la seule à laquelle on puisse s'arrêter, si on ne veut reconnaître dans l'Iepoç Aôyoçune œuvre de Pythagore.
Si on se rallie à cette opinion, rien ne garantit plus que les fragments poétiques recueillis appartiennent a u n e œuvre unique. Plusieurs rédactions du Discours sacré ont pu éclore successivement ou à la même époque dans diverses confréries. Vraisemblablement, il s'est fait des échanges de l'une à l 'autre. Pourquoi même n'auraient-elles pas fusionné, à un moment donné, avec plus ou moins d 'harmonie?
Ce sont les débris de cette œuvre complexe, élaborée par plusieurs générations et reflétant des croyances et des tendances d'esprit assez différentes, que nous avons recueillis. Quant à y distinguer les diverses couches de formation, ce sera l 'œuvre de temps où l'on connaîtra mieux qu'aujourd'hui l'évolution des doctrines pythagoriciennes. Pour le moment, nous ne pouvons qu'avouer notre impuissance à mener à bien cette tâche.
Et cette œuvre elle-même, faite d'éléments composites, a pu au cours des temps, subir encore de nouveaux remaniements. 11 nous est impossible pourtant , vu l'état fragmentaire où elle nous est parvenue, d'en reconnaître les moindres traces. Quelques indices prouveraient même, à mon avis, que ces altérations, si elles ne lui ont pas été épargnées, ont dû être bien légères. Dans l 'hypothèse contraire, aurions-nous conservé la doctrine àp'.0;j.w 3s TE îravi' èTCESI'/.EV et le fragment où Pythagore affirme la précellence de sa nature, formules qui avaient cessé de correspondre aux croyances pythagoriciennes du rve siècle ? C'est une marque de la déférence avec laquelle on respectait la Parole Sacrée selon Pythagore et c'est aussi une garantie précieuse de la fidélité de la tradition.
CHAPITRE II
Maintenant que l'examen du premier fond de T 'hob; Asvo; nous a fourni des renseignements précis sur le caractère des doctrines et de la composition de cette œuvre, nous pensons en compléter la reconstitution par l 'étude des témoignages d'époque plus récente.
Dans le catalogue des livres attribués à Pythagore par un érudit du uc siècle, Héraclide Lembos (Diogène Laërce, VIII, 7), on trouve un hpbq Xbyoç dont voici le premier vers : TQ vsc, àXXi <T£(3s<76s [Acô'ïjair/iY;; xàc£ ::avTa. On peut tenir ce « Discours Sacré » pour le même que le nôtre : son titre, sa forme littéraire et l'époque d'Héraclide, dont la tradition est encore proche de celle des anciens biographes, autorisent cette identification. D'ailleurs l 'examen de la citation confirme cette conjecture. Dans le « Discours Sacré », Pythagore s'adressait à ses disciples; cela paraîtra assez naturel si l'on admet que les parties les plus anciennes remontent jusqu'à lui ; dans l 'hypothèse contraire, il faut considérer cette apostrophe perpétuelle comme une fiction adoptée par les auteurs du poème. D'après le nouveau fragment d'Héraclide, c'est à des jeunes gens que le poème aurait été dédié. Cette donnée concorde parfaitement avec d'anciens récits de la fondation de la Société pythagoricienne : Timée raconte qu'elle était, à l 'origine, composée uniquement de jeunes gens : Jambl . , V. P . , 2.Vi : ï~î.i-y. xat T<OV V£3VÎJXO)V :V:MV èx TMV iv xotç àcji<»u.a<n xal laïc, ojtricuç, Trpcr/cvTfov... ' ci. 71 : -xpzzv.ijxz-JJL V(|) ce aÙTw OJTO); elç TTJV zaïcstav t(»v z\).ùx-uri, - ( : : : ' . : V : < . ) V TMV
vewTÉpwv xai {3O,JACU.£V(OV ci>vc'.aTpt,j£'.v y.:/,. Justin, hisf.. XX. i : Sed CCC ex iuvenibus cum sodalitii jure sacramento quodani nexi etc. (cf. Tite-Live, I, 18, 2 : iuvenum aemulanlium studia
t . Sur la source de ce passage, voyez Rcv. de ilnslr. pu il. en Relgique, 1909, p. 91.
DIîLATTI-:. — l.itl. pytlmy. ,\
3 4 UN DISCOURS SACRÉ PYTJIAGORICIEiN
coetus habuisse cons ta t ) . La légende, inventée peut-ê t re , en tou t
cas propagée p a r l a secte « m a t h é m a t i q u e » du ive siècle pour j u s
tifier ses or igines , est d 'accord avec la notice his tor ique de Timée
( Jambl . , V. P., 88 [cf. de math, s e , p . 7b ss.] oa-c.ç Ss vewxépciç
èvsxûyyxvs v.oè Suva;/.£vsiç TJCVSIV xal p.avOavsiv, xciç xcicbxciç bV enre-
Ssiçstoç xal |j.aQy;u,2xo)v èvsxuy/avev) L II semble donc que Timée a
tiré ses r ense ignements sur la fondation de la Société aussi bien
du « Discours Sacré » que des polémiques engagées entre les
Sectes du iv° siècle ( J ambl . , V. P . , 80-89) .
Il y a encore un au t re point de contac t en t re l'Tspbç Acyoç
d 'Ar i s toxène et celui d 'Héracl ide Lembos . Celui-ci a t t r ibue à
Py thagore une division de la vie huma ine en qua t re périodes de
v ing t ans : Diog. Laërce , V I I I , 44 : 6 S'oov HuSayôpaç, a>ç uiv
Hpxy.Xs£Srjç cpvjaiv o xoo yjapa-Tuwvoç, oyborjXOVxouxy;ç èxeXeéxa xaxà
XTJV ISi'av ÛTxovpaapyjv TWV r jXixiûv. Ces derniers m o t s sont
év idemment une al lusion à une doctr ine de l'ispbç Acyoç citée et
commentée par Ar i s toxène (premier chapi t re , p . 20). Elle avai t
été repr ise , il est vrai , dans u n apocryphe de waiSeuxtxov auyypau^a
(Diog. Laërce , VI I I , 10) mais on ne peu t considérer ce l ivre
comme la source d 'Hérac l ide , car il ne figure pas dans sa l iste
d 'ouvrages py thagor ic iens .
P lu t a rque a conservé plusieurs f ragments de PTepbç Acyoç : un
vers sur l ' examen de conscience [de cujâos. 1 ; de superst. 7),
sur l ' abs t inence des fèves (qu. conv., I I , 3 , 2) et l 'hémist iche si
souvent cité sur la va leur phi losophique du nombre (de an. proer.,
33 , 4). Il para î t ra donc assez na tu re l que nous rappor t ions à la
m ê m e source deux vers py thagor ic iens où se t rouve enseignée la
rés ignat ion à la volonté divine (consol. ad Apoll. 29) :
caca Se SXIJJLCVIYJSI xéyoaç (Spoxoî àXye ô'yojc.v
Y;V àv [j.oipav SVY;ç, xabxrjv lye [J.YJS âyavdxxsi.
Ces vers sont encore ci tés , avec que lques va r i an te s , pa r
l ' au teur de « la Vie et la poésie d 'Homère » qui pourra i t bien
n 'ê t re au t re que P l u t a r q u e 2 , et pa r S tobée , /7o/\ , 108, 2 7 ; ils on t
1. Cf. encore Isocra te , Busiris, 29 : waxe /a i xoù; vswxipouç d^avxaç !TUÔU|J.SïV
aOxou ;j.aOïj-:à; elvai. 2. Bernardakis, introd. au volume VII de son édition des Moralia de Plu
tarque.
CHAPITRE II 35
été repris aussi par l'auteur des « Vers Dorés », compilation tardive et, en tout cas, inconnue de Plutarque. — L'idée de la résignation est un des thèmes ordinaires des sermons pythagoriciens, cf. Androcyde (Jamblique, V. P . , 145) : «riffTYjp.cviy.sv vàp TOUTO rpfEÏTO p.aXXov xai euYVfa> ov 10 JJLYJ àvTiTetvstv xai Trpsaa-Yavxx-TSîV TYJ 8sia icpovoia. Les Pythagoriciens rapportaient tous les événements à une cause surnaturelle (Saïu-cvé/jci T jyaiç) JàùY. : OT». 3'siSèv wov-o ex TauTOu.«TSU ?u(Ji aiveiv xai «TTO T'jyy;?, àXXà xaTa Oeiav -pivciav.
L'auteur de la « Vie d'Homère » (Ps.-Plutarque) chez qui nous venons de relever un fragment de l'Tepb; Aayoç et qui paraît utiliser un commentaire pythagoricien des poèmes homériques, cite un autre vers (§ 154) :
©eèBeo TY}ç Çovrjç, p.rj ;JLIV xaTa8uu.c|jOpr(<7ri£,
que répète aussi Stobée [flor., 124, 24). Ce précepte qui met le disciple en garde contre ce que nous appelons aujourd'hui la neurasthénie, s'inspire du même principe que de la défense du suicide. Toute atteinte, directe ou indirecte, à sa propre vie est interdite : l'homme étant, selon la doctrine pythagoricienne, l'une des propriétés de la divinité, ce serait faire tort à celle-ci que de la frustrer de la jouissance de ses biens1 . La tristesse était considérée par les Pythagoriciens comme un sentiment mauvais (TuàOoç) et, à ce titre, extirpée par tous les moyens de l'âme du disciple 2. Le précepte xapStav p.rj EJOUIV qui visait sans doute à l'origine l'abstinence du cœur des animaux fut pris plus tard dans le sens symbolique de ne pas « se manger le cœur », c'est-à-dire de ne pas s'abandonnera la mélancolie 3. Cette expression imagée et populaire est déjà dans Homère (Q 129). Quant au mot xocTocôupio£cpsïv, on ne le trouve que dans ce fragment poétique ; cependant, on ne peut le considérer comme l'un des mots ésotériques pythagoriciens (cf. ch. I, p. 22), car Oyu.c£ipc; et S-JJJLS-
(Sopeiv sont employés dans un sens analogue par Homère, Hésiode,
1. Théorie de Philolaos Platon, Phédon, p. 01 e) ; cf. Euxithée dans Athénée, IV, p. 157 c.
2. Jambl., V. P., 111 ( = Aristoxène), 196et 224. 3. Porphyre, V.P.,42. Diog. Laërce, VIII, 18. Jambl., Protrept.. 21. Clém.
d'Alex., Strorn., V, 5,30. Ps.-Plutarque, de éd. puer., 17. Athénée, X, p. 452. Eustathe, in //tac/., p. 1342, 13. Schol. Iliade,!) 129.
3 6 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Eschyle, etc. Le précepte lui-même est déjà dans Hésiode, comme beaucoup de superstitions pythagoriciennes, mais l 'observance en est restreinte à certains jours du mois : op., 797 :
7c£9'JXa;o ûè OJJJUO I TSTpdtè'àXsjaaOai <pOivovToç 6' laTapivou lelaXye'a 6l>lJL0(j0p£î.
Galien connaît aussi plusieurs fragments de l'Hepoç Aoyoç. Non seulement il cite l 'hémistiche ùpyji oé TOI TJJJIKJU TC<XVTôç (op., t. X, p . 450 K.) mais dans le de cogn. morb. an. c. 6, il vante les bienfaits de l'examen de conscience du matin et du soir et il fait allusion aux formules de Pythagore qui concernent cette pratique L Dans le chapitre précédent du même ouvrage, il cite un fragment poétique : TTO-VTWV b°s u-àXioV aîffyoveo crauTÔv, auquel il convient, à mon avis, de reconnaître la même origine. Cette citation est restée anonyme, il est vrai, dans Galien, mais elle elle était attribuée à Pythagore par l 'une des sources de l 'auteur des Vers dorés, car le vers a été repris dans cette compilation (v. 12). Les Pythagoriciens, qui se sont les premiers intéressés à la direction spirituelle et à la pédagogie pratique, se préoccupaient de trouver des « pensées pieuses ou salutaires » : ainsi la crainte du jugement des Enfers (Jambl. , V. P . , 174) et de la surveillance exercée par la divinité sur les actions des hommes (ibid., 155 et 179) avait, à leur avis, une influence bienfaisante sur les âmes. Ils ont aussi, semble-t-il, considéré la honte de soi-même comme un de ces sentiments salutaires qu'ils appelaient aussi « moyens d'action » (uiôoboç;, ibid., 179) du maître sur la jeunesse, du directeur spirituel sur les âmes.
J 'ai attribué à l'Hspbç Aôyoç dans le premier chapitre un vers qui concerne l 'abstinence des fèves :
ïaév TOI 'xuâp.cuç TS çOTYêîV xsqp-aXaç T£ TOXYJWV.
Je pense qu'il est possible de compléter ce fragment. Un commentateur d'Homère dont la notice a été conservée à la fois par Eustathe et dans les Scholies (Townleyana, Iliade, N, 589), attribue cette abstinence à des iepsfç. Il l 'explique pa r l e vers que nous avons revendiqué pour l'ispbç XôYOç et comme la doctrine en
4. Les TcapaivÉaa; FIuGayopou ne sont pas les Xpuja "ET:*] : la publ ica t ion de
ce t te compilat ion es t pos té r ieure à Galien (cf. infra) et d 'a i l leurs , on n 'y
t rouve pas de ment ion de l ' examen de conscience du ma t in .
CHAPITRE II 3 7
est assez mystérieuse, il y joint deux autres vers qui sont destinés à l'éclaircir : Eustathe, p . 948 : ypiçouaiv cl TTa/.aic'i 'CTI TCJç,
y.ux[).ouq (oç [AsXavaç OJT. èaOïC'Jcnv cl l&psCç; c.q y. ai Xcyov çaariv £ivat îspbv TC'.OUTOV lacv TOI xuâptsu; T£ çayeEv '/.sçaAzç; T£ Tcy.Yjor/* cià TO
4»U'/YJç aiÇYjwv paT-iv £[A[A£vat YJC£ ava;ian[jiov E~ Aicac (EIç. Aicao CO;J.CV
Scholies) c-av ajyàç Eicravit-ociv. — Les vers ont été ainsi reconstitués par Nauck (p. 232, édition de Jamblique, 17e de Pytha-gore) :
'i>uy.Y)ç alÇrjwv j aaiv £{j.tj.Evai rfi àva3a6|jtcv èÇ AicXao c>sg.(ov, CTav aùyàç eiaaviwaiv.
On ne voit pas très bien, tout d'abord, quel rapport précis unit ces deux fragments, sinon qu'ils supposent tous deux la croyance à la métempsycose. On voit apparaître dans les derniers vers la doctrine bizarre que le retour des âmes sur la terre après leur séjour dans l 'Hadès s'opère par l 'intermédiaire des fèves. Peut-on considérer ce nouveau fragment comme la suite naturelle du premier et comme représentant une tradition pythagoricienne ?
Parmi les diverses raisons invoquées par Aristote pour expliquer l 'interdiction des fèves (Diog. Laèrce, VIII, 34) figure celle-ci : y] on "AICCU TU'JAaiç (E'.JIV O\).OIZI) ' àyôvaTCv yap u,svsv : les fèves sont semblables aux portes des Enfers, car c'est la seule plane dont la tige n'ait pas de nœuds. Pourquoi les Pythagoriciens avaient-ils une horreur ou un respect particulier pour ce genre de plantes ? C'est ce qu'on peut deviner d'après un passage de Porphyre, de anti\ nymph.9. Commentant une ancienne allégorie de l 'antre des Nymphes de l 'Odyssée, il rappelle que les anciens Théologues comparaient les Ames pures et vertueuses aux abeilles. Les abeilles en effet ne se posent jamais sur les fèves, parce que celles-ci symbolisent le retour immédiat des âmes à la vie terrestre ; la raison de ce symbole est que la fève est la seule plante dont la tige n'ait pas de nœuds. Pour comprendre cette comparaison, il faut songer que le désir d'une réincorporation rapide est pour une Ame l'indice d'une nature corrompue L II est évident que l'explication originelle du rôle
1. P l u t a r q u e , *cr. nunt. r//i</., 22 : -x; ô 'IJQ*^ £-7 jo>uaTx .'»f„v C;T;V£YX£
|5iatoTT); àjjLOtOta; xat çiXr,ôovîa; e'.ôo;, cl infra : TO o'aXoyov xoé. «KOOLITOOC:; ipBout-
3 8 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
des fèves dans la métempsycose ne comportait aucun symbolisme. Le rapport était purement matériel : les âmes trouvaient dans les fèves un moyen facile de sortir de l 'Hadès et de revenir à la lumière parce qu'elles pouvaient passer par leur tige sans qu'aucun nœud s'opposât à leur ascension. Cette conception est assez grossière et primitive pour être très ancienne. Elle permet d'entrevoir aussi le rapport des deux derniers vers avec le premier. Si le retour à la vie terrestre s'opère par les fèves, celles-ci contiennent les âmes des morts et c'est un crime d'en manger. C'est ainsi aussi que Pline s'explique l'interdiction pythagoricienne (XVIII, 118) : quoniam mortuorum animae sint in ea *. — I l faut rattacher à cette conception l'une des raisons invoquées par Timée, que les fèves participent plus que toute autre plante au principe spirituel: u,àXiaxa u^xs/eiv xou ùuyyxou (Diog. Laërce ,VIII , 24) et la remarque de Lydus ( = Héraclide Pontique ?) de mens. IV, 29 : ( = aussi Plutarque, qu. rom. 95) Sieyeipei xà ffu)u.axa Tzpoq auvoudiav èa0t6;j.£voç xal xayxYj xaOéXxsi xàç tyuyaç ÉTUI XY)V y^veaiv. — Enfin, c'est toujours de la même croyance que dérivent les histoires d'Héraclide Pontique et d 'Antonius Diogène sur les métamorphoses magiques d'une fève déposée dans un vase et recouverte de terre 2. On peut donc rapporter avec certitude à l'Tspb; Aoyoç ce fragment poétique où s'achève l'explication qu'on pouvait à peine deviner dans les premiers vers et où apparaît, sous sa forme la plus primitive, une doctrine pythagoricienne.
Dans un poème qui prétendait résumer la morale et la philosophie pythagoriciennes, on peut imaginer une mention de la défense de tuer des animaux soit pour les sacrifices, soit pour l 'alimentation. Cette interdiction devait être d'ailleurs, pour les Pythagoriciens comme pour Empédocle, une conséquence naturelle de la doctrine de la métempsycose. D'après Timée 3, cette abstinence s'étendait à toutes les races d'animaux ; pour Aristote
vov xoù aapxoupievov kpnouï TOU <jc6[xaTo; (JLVTJJXTJV, SX 8è TTJç p.vr{[XT]ç i|xepov xai noOov
é'Xxovia 7tpoç Y^veatv •
1. Cf. encore Plutarque, qu. rom., 95. Festus, s. v. faba. 2. Héracl ide Pon t ique dans Lydus , de mens., IV, 29 : etç otyv àvôpohïoy
aeaapxwpivoy [j.£Ta[3aXdvTa xôv xuauov euprjaei. Antonius Diogène, ibid. e t P o r
phyre , V. P., 44 : edpoi av àvxl TOU xuàu.ou r] 7cat8ôç XÊCpaX v auveoTtoaav yj yuvatxôç
aîSotov. Cf. Hippoly te , adv. haer., I, 2, 14 : Tcpôjxov a>; aîayjjvrjv y-uvaixoç, (JLCTûC
Z\ xauxa xaTavoou|j.evov 7iou8(ou xeçaXrjv au<j.7teçuxuïav.
3. Diogène Laërce, VIII, 13; 23, etc. Jamblique, V. P., 54, etc.
CHAPITRE II 3 9
et Aristoxène 1, elle était restreinte à celles par lesquelles l'âme humaine pouvait passer au cours de ses réincorporations. Aristoxène devait s'inspirer des coutumes d'un groupe de Pythagoriciens qui furent ses amis et qui se donnaient pour les derniers descendants de la vieille Société 2. Aristote ne fait que rapporter un précepte tiré des 'Ay.ouau.aTa, sorte de catéchisme d'une secte particulière du ive siècle, les Acousmatiques. Timée au contraire paraît tenir la plupart de ses renseignements de l'Tepbç, Aoyo;, qui représente une doctrine plus primitive. Précisément dans la collection d'extraits de ce poème choisis dans les œuvres de Timée par Diogène Laërce (VIII, 22), on trouve le précepte : <j<fi*(i<x T£ OeoC; upcafiCEiv XG>X'J£'.V, JJLÔVOV os xbv àvxip.xxT5v (3wp.bv TCpcaxuvsÊv qu'il faut rapprocher d'un autre fragment de
l'îepbç X0Y<5;(ch. I, p . 13): Ç'JTGV YJJJ.EpCV p.YJTÎ ?0£'lpE'.V JJLTjTS ff£v£76ai àXXà \).rfîk Çwov s [ri; gXar-E». âvOpw-ou; (Diogène, VIII, 23, Jambl . , F . P . , 98 et 99, Porphyre, Vr. P . , 39). Je pense avoir retrouvé quelques vers du passage du poème où il en était question.
Dans un exposé de Sextus Empiricus, emprunté à une source stoïcienne (adv. math., IX, 127) :{, les Pythagoriciens et Empé-docle enseignent que les animaux sont parents de l 'homme, tout comme nous le sommes des dieux, parce que les âmes de tous les êtres sont des parcelles de l'âme universelle. Tuer un animal, c'est donc se rendre coupable d'une injustice et d'une impiété : é'VSEV xai irapijvouv OJTOI oî (piXôaoçot àrsyeaOai TWV imjoywv xxl XJE-
Petv Eçauxov xoùç àvOpuntooç.
pu)|jLbv èpEÛÔovTaç p.axapa)v 8£pu.occn fsvseyt.
xaî 'EpTCEboxXfJç TZOû tpvjaiv ' Où 7:aj(T£a8£ <psvoio SUCJYJVEG.; ', oùx Èsopixê àXXVjXous îiicTovxeç àxYjOtÏYja'. vssio ; etc.
1. Aris toxène dans Jambl . , V. P . , 98 (OyoréA'nv Uotéov, cf. explication S; 85 .
Cf. une not ice un peu différente ( rappor tée d 'une façon inexac te? clans
Diogène, VIII,20. — Aris tote dans J a m b l . , Y. 7 \ ,8!>; cf. Aulu-Cel le . 1\ , 11 ;
Diogène, VIII , 19 et 34 ; J a m b l . , Y. 7 \ , 109. Llien, Y. / / . . I V . 17.
2. Diogène Laërce , VIII, 40. J ambl . , Y. /».. 231. Cf. Suidas , s. r . Wp-.sïb-
Çevoç.
3. Cf. Dicéarque dans Porphyre , \ \ 75, 19: xr. '<>•:•. n i v t i TX -yvéxtva î i ^ j / x
Ôu-Ojevr, htl voptÇeiv. J ambl . , P. 7'., G9, ION, 10S. Porphyre , </c .i7<.</., IV, 1 ;
III, 20 et 26. Ps . P lu t a rque , vit. Ilomeri, 125.
4 0 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
La distinction entre la citation d'Empédocle et celle des çiXô-ffoçoi, mot qui désigne évidemment les Pythagoriciens, est tellement nette qu'on ne peut songer à attribuer le premier vers à Empédocle : les considérations développées plus haut permettent de le rapporter à f 'Lpbç Aévoç.
Sotion paraît avoir eu connaissance de théories semblables auxquelles il rattache naturellement la croyance à la métempsycose : Sénèque, en., 108, 17 : « at Pythagoras omnium inter omnia cognationem esse dicebat et animorum commercium in alias atque alias formas transeuntium.. . intérim sceleris hominibus ac parricidii metum fecit cum possent in parentis animam inscii incurrere et ferro morsuve violare, si in quo cognatus aliqui spi-ritus hospitaretur. »
La doctrine de la parenté des êtres vivants et des réincorporations perpétuelles des âmes forme aussi le fond du discours de Pythagore dans la XVe métamorphose d'Ovide. Il y prêche le respect de la vie, l 'abstinence de la chair des animaux et l 'interdiction des sacrifices sanglants
v. 75 : Parcite, mortales, dapibus temerare nefandis corpora!
Les vers 127 et ss. rappellent particulièrement le vers cité par Sextus :
Nec satis est quod taie nefas committitur : ipsos inscripsere deos sceleri, numenque supernum caede laboriferi credunt gaudere iuvenci.
v. 141 : Cumque boum dabitis caesorum membra palato mandere vos vestros scite et sentite colonos.
Pythagore trace aussi, par contraste, une peinture idéale de l'âge d'or où les hommes étaient encore innocents, les animaux tranquilles et les productions de la terre suffisantes pour les besoins de tous les êtres. Les hommes ne sont arrivés que progressivement à la cruauté qui caractérise les mœurs de notre époque : ils commencèrent par tuer les bêtes fauves, puis les animaux nuisibles * et ils finirent par ne plus épargner les ani-
1. Jusque-là, ils ne commettaient pas de crime, dit Ovide. Cette conception est d'accord avec le précepte de l'Upôç Xoyo; qui ne commande d'épargner que les animaux qui ne sont pas nuisibles (Diogène, VIII, 23, Jambl., V. P., 98, Porphyre, V. P., 39).
CHAPITRE II * 41
maux domestiques. Pythagore stigmatise particulièrement le crime du laboureur qui osa le premier tuer le bœuf qui l'aidait aux travaux de la campagne. Nous connaissons par Aristoxène (Dio-gène, VIII, 20) le respect particulier dont les Pythagoriciens entouraient le bœuf du laboureur.
Nous retrouvons un développement analogue dans le de esu carnium de Plutarque (II, 3). La doctrine du végétarisme, prê-chée par Pythagore et Empédocle, n'était, dit Plutarque, qu'une tentative de restauration des coutumes d'autrefois. C'est évidemment à l'âge d'or que ces mots font allusion. L'auteur entreprend ensuite d'expliquer comment les hommes apprirent à tuer les animaux et comment apparut la génération de ceux qu'il désigne par ces deux vers :
oï TîpÛTOi xay.oepYbv è^aXxeùaavxo p.âya'.^av eivoSirjv, TCpwTOi Se (3c<ov è^aaavT' âpoxVjpwv.
Sa théorie de l'évolution de l 'homme vers |des mœurs plus barbares se confond avec celle qui est professée par Pythagore dans Ovide : xb 7upuVcov orypiôv TI ÇWOV è(3po)8rj xat xaxojpy-v, eîx' opviç TIç îj h/M S eïXxuaxo" xal Y£uaa|/.svov cuxu) xal zpou.EXexr;<iav èv èxeivctç xb «povixcv èVi (3oi3v Epyaxrjv rpvOs xal xb xiajjuov xrpôjaxov xal xbv oixoupbv àXsxxpucva * xal xaxà p.ixpbv ob'xo) xr;v àrxXrjsxiav axo-p.aWavxEç kiz\ a^ayàç àvôpaWwv xal TJoXs'p.ou xal çôvsu^ zpcrjXOov.
Les deux vers cités par Plutarque doivent être attribués à Empédocle ou aux Pythagoriciens, à en juger par la citation du début. Mais l'exposé dans lequel ils sont introduits paraît représenter plus particulièrement les conceptions pythagoriciennes sur ce sujet, comme le prouve la comparaison avec Ovide. J 'y relève d'ailleurs deux détails qui prouvent assez l'origine pythagoricienne de ce passage : c'est d'abord la mention du bœuf laboureur et du coq parmi les animaux dont le meurtre est particulièrement impie. Nous avons déjà parlé du premier; quant au culte du coq, surtout du coq blanc, c'est une des superstitions curieuses de l'ésotérisme pythagoricien L De même, l'idée que c'est la coutume de tuer les animaux qui a amené le mépris de
t. Aristole dans Élien, V. //., IV, 17. JnmM.. V. P., 84. Diog. Laérce, VIII, 34. Cf. Jambl., V. P., 147, proir., 21. Plutarque, qu. conv., IV. 5. 2.
4 2 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
la vie humaine et que c'est en suivant cette pente fatale que les hommes en sont venus à se massacrer les uns les autres, doit être aussi attribuée au Pythagorisme : Jambl . , V. P . , 186 : eOtÇo-[jcevoi y^P p.uad(TT£aQai <pôvov Çcotov <*>? avou,ov xoù rcapà «pûatv, TXOXù
p.aXXov àOep.ixG)xepov xbv àvOpwTuov •*Y°^IJL£V01 XTEIVEIV oûx T'â7coXép.ouv * «hovwv 8e 5(opy)YéTYjç xalvop.oOéxYjç 5 TC6X£p.0Ç' XOùXOIç yàp x a i
ffwjjiaxcrcoieîxai *. 11 me paraît donc plus logique de rapporter ces deux vers à P'Iepbç Aôyoq. Ils devaient appartenir au même développement que les vers cités par Sextus et désigner les premiers hommes qui sacrifièrent et mangèrent des animaux. On peut conclure des termes mêmes du fragment (oi lupûxoi) et des concordances d'Ovide et de Plutarque que i"Iepbç Aôyoç contenait, comme les K<x9apu,oi d'Empédocle, une courte description de l'âge d'innocence de l'histoire humaine.
Dans une églogue intitulée « ex graeco pythagoricum de ambi-guitate eligendae vitee » (vu, 2), Ausone développe cette idée qu'il est difficile de choisir un genre de vie ou une carrière sans rencontrer partout des écueils et des difficultés. Il conclut ainsi :
Ergo Optima Graiorum sententia : quippe homini aiunt Non nasci esse bonum aut natum cito morte potiri.
On connaît les vers célèbres auxquels Ausone fait allusion : ils se retrouvent, avec des variantes de détail, dans de nombreux auteurs 2. En voici la forme la plus commune et je crois la plus ancienne :
®PX*ÎV l*èv p.Yj çovai èxu/Govioiaiv àpiaxov * <j>6vxa $'oitfa)ç omaxa TCUXOCç 'Ai$ao Tcepfjo'at.
On se demande pourquoi le poète attribue aux Pythagoriciens
1. Je considérerais volontiers cette dernière phrase, à cause des expressions poétiques et de Y&izctÇ qu'est yopr\yiTr\;f comme un souvenir de notre poème. Voyez encore sur ce sujet, Jambl., V. P., 108 et 168 sq. Porphyre, de abst., III, 20.
2. Alcidamas dans Stobée, flor., 120, 3 et Mahafîy, Flinders Papyri, I, p. 70-71. Sophocle, Oed. Col. 1225. Théognis, v. 425. — Aristote dans Plutarque, consol. ad Apoll., 27. Cf. Ronde, Psyché, II, p. 200: ces vers sont répétés très souvent dans la littérature de la décadence.
CHAPITRE II 4 3
ce sentiment d'hésitation et de doute qu'on ressent à l'entrée dans la vie. Sans doute s'est-il inspiré de l'allégorie qui représente le jeune homme comme arrêté à un carrefour symbolisé par la lettre T ou Y et hésitant sur le chemin à prendre. Cette conception est en effet attribuée aux Pythagoriciens par des notices d'époque assez récente J, mais la signification originelle n'est pas celle que lui reconnaît Ausone : c'est simplement une variante de la légende édifiante d'Héraklès arrêté dans un carrefour devant la Volupté et la Vertu. En tout cas, le poète n'attribue pas la sentence finale aux Pythagoriciens mais aux Grecs en général.
Or, à la suite de cette églogue, dans le manuscrit P et ses copies, on lit une petite pièce de vers qui paraît être une réplique à Ausone et qui est introduite par ces mots : haec quidem Pytha-gorica est apophasis secundum taie quod subiectum est disti-chon
irpÛTOV pèv [AYJ (puvat èv âvôpaWoicrtv apiaxov* Seùxepov OTTI Tor/iaia iruXaç 'Afôao Ttepfjaai.
L'auteur attaque vivement cette doctrine qu'il attribue encore aux Pythagoriciens dans le dernier vers : « Pythagoreorum sto-lidum qui dogma secuti. » On serait tenté de leur conserver cette attribution en se fiant au témoignage de l'anonyme : il ne serait pas étonnant en effet que les Pythagoriciens eussent repris deux vers qui étaient tombés dans le domaine public. Mais à l'examiner de près, on s'aperçoit que cette citation manque de toute autorité. C'est par une fausse déduction, semble-t-il, que l'auteur rapporte ces deux vers aux Pythagoriciens : se fiant au titre de l'églogue d'Ausone, il a cru que la sentence finale, conclusion naturelle de la pièce, était empruntée aux Pythagoriciens, alors qu'Ausone l'attribuait aux Grecs d'une façon générale, sans spécifier sa source. Ces deux vers pessimistes où apparaît la lâcheté de vivre sont d'ailleurs contraires à la doctrine pythago-
1. Ausone, techn., XIII, 13. Perse, Sut., III, 56. Isidore, ori(j., I. 3, 7. Mar-tianus Capella, II, 102. Servius, ad Aen., VI, 136. Bas-relief de Philadel-phia expliqué par Brinkmann, Rhein. Mus., 1911. p. 616 ss. Fragment d'un manuscrit de Paris publié par Tannery, Notices et Extraits des mss. de la Bibl. Nation. 1886 (t. XXXI, 2), p. 253.
4 4 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
ricienne de la résignation et de la purification de l'âme par les épreuves de la vie '.
1. J ambl . , V. P., Sa (collection des ay.oJo-p.aTa d 'Ar i s t o t e : ère! xoXaaetoç yàp èXQdvTxç, ov. xoXaaOïy/ai). Euxitl iée (d 'après Cléarque de Soles , dans Athénée , IX', 1<>7 c) O'.o TcxvTaç sùXapoupivouç tr,v KOV xupèov àvaTaorv çoo(3siaOat TOU ÇYJV
éXO'VTX; iXjSfJva'. |j.dvov TS TÔV s'y T(p yTj'pa Oa'vaTov àcrrcaot'çoç 7:poateo*8ai, TC£T£:op.£vou; T7)V arTo'Xuaiv T % $v"/J\Z p.£Ta Tfj'ç TOJV xuptcov ytyveaôai yvwpnqç. Cf. J a m b l . , V, P . , 266 : TOIç o'àXXoiç k'Ooç etvai ynpatotç oxpo'Ôpa y£vop.svoiç uiarcep êx dïOacdv TOU ooju.aTOç àTcaXXaTTîoOat.
A
C H A P I T R E III
Il nous reste, pour compléter notre étude de F'Ispbç Aiycç1, à examiner quels sont les fragments qui ont été recueillis dans la compilation des Xpuaa "ETCYJ. Ceux-ci ont été édités et étudiés en dernier lieu par Nauck dans un appendice à son édition de la Vie de Pythagore par Jamblique.
Jusqu'alors on avait placé la composition du poème à une date assez ancienne, au plus tard à l'époque alexandrine ; quelques critiques allaient même jusqu'à proposer la fin du cinquième siècle 2. Nauck, au contraire, a conclu de l'examen des citations des Vers dorés qu'on trouve dans divers auteurs que la compilation devait appartenir au début du ive siècle de notre ère. On peut se demander cependant, à en juger par un passage d 'Athénée, si elle ne serait pas un peu plus ancienne. Celui-ci il. VIII, p . 288 a) appelle par dérision le poète gastronomique Arches-trate ô IIu0aY3pry.b; St'sYxpdéTâiav, et dans le même livre, p. 320 f, il désigne son poème par le nom de XpucrS "ETTYJ. Il est possible qu'il faille rapprocher ces deux plaisanteries et les expliquer l 'une par l'autre ; dans ce cas, il faudrait en conclure qu'Athénée déjà connaissait les Vers dorés, bien qu'il ne les cite jamais. Quoi qu'il en soit, il me paraît difficile de placer la publication du poème plus tard que le milieu du tu0 siècle de notre ère.
On a signalé 3 dans les Vers dorés des incorrections de style, des fautes de grammaire, des expressions, des tournures et des mots prosaïques, vulgaires, ou d'époque récente. Ajoutons à cela les obscurités, les répétitions, les truisnies, les inepties que tous les critiques y ont relevées ou cru relever les uns après les autres. Enfin, reconnaissons le manque absolu de plan et de
1. Les au t res f ragments poé t iques pythagor ic iens peuvent ê t re r appor t e s
à une source c o m m u n e , au "V;AVO^ £•!; àpiQuôv que nous chu t ions plus loin.
2. Voyçz l 'h is tor ique de la quest ion dans Nauck, p . '201 sq.
3. Cf. Cohet , Collect. Criticn, pp . ÏG0-.00; Nauck. «./>. cit.. p. 20S >.j.
4 6 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
toute idée directrice dans la composition du poème et on comprendra que les Vers dorés, après avoir joui d'une grande vogue chez les Néo-pythagoriciens de la dernière période et, plus tard, dans certains milieux modernes aux aspirations mystiques, aient été méprisés et honnis par les philologues et les critiques li t téraires. Or, ce qui causa leur disgrâce est précisément ce qui nous les rend précieux dans les circonstances présentes, car tous ces défauts prouvent que nous devons considérer le poème comme une compilation.
Le manque de plan est déjà un indice : le faussaire paraît avoir borné sa tâche, surtout dans la seconde moitié de l 'œuvre, à réunir divers fragments poétiques par des formules de transition assez maladroites. L'origine ancienne de plusieurs de ces fragments est d'ailleurs attestée par des citations d'auteurs qui n'ont pu connaître les Xpuaa "EIUYJ. La bévue la plus remarquable qu'ait commise le faussaire, c'est d'introduire au milieu d'un poème qui se donne comme étant de Pythagore et qui est rédigé en dialecte épique le serment de la tétractys : vai jzà xbv à|X£T£pa <]>ir/à -apaosvxa Tsipaz-ùv / rcayàv àsvaou yùieiùq. Ces deux vers, en effet, sont en dialecte dorien et Pythagore lui-même y est pris à témoin. Mais ces obstacles n'ont pas arrêté le compilateur naïf, qui tenait à cette belle formule.
Un autre indice est fourni par l 'examen de plusieurs passages obscurs : on s'aperçoit, à les étudier de près, qu'ils sont devenus incompréhensibles parce qu'ils sont privés du contexte qui les expliquait et qu'ils ont été réunis à d'autres fragments avec lesquels ils n'ont aucun rapport . Parfois il est encore possible d'en retrouver le sens originel en les comparant à divers fragments de littérature religieuse, pythagoricienne ou orphique.
Enfin, en certains endroits, l 'auteur se reporte à des développements antérieurs qu'on cherche en vain dans les Vers dorés (p. ex. v. 67 : <ov eÏTio^cv et v. 65 : <5v œ£ X£à£UW) : ce sont des allusions à des parties perdues d'un poème auxquelles ces passages sont empruntés. Félicitons-nous donc que le compilateur ait laissé assez de traces de son travail de mosaïque pour que nous puissions encore à peu près distinguer les parties anciennes de l 'œuvre.
Quant aux fautes et aux incorrections, on doit les attribuer pour une part, de l'avis de Nauck lui-même, à la tradition manu-
CHAPITRE III 4 7
scrite qui est assez mauvaise. La plupart se trouvent d'ailleurs dans des passages qui sont l 'œuvre du faussaire : chevilles destinées à achever des fragments incomplets, formules de transition, vers misérables où s'expriment gauchement des préceptes de la morale populaire à peine dégagés de la gangue de la prose. En général, dans les passages dont on peut prouver l'origine ancienne, on ne trouve pas plus de fautes de métrique, d'incorrections de style, bref de provincialismes et de maladresses que dans d'autres œuvres religieuses de bonne époque '. Ce ne sont pas des modèles de poésie à coup sûr, pas plus pour le fond que pour la forme: excusons ces naïfs poètes d'avoir choisi, pour exprimer leurs idées religieuses et les aspirations de leur âme fervente, la forme traditionnelle et sacrée de la poésie épique.
Comme dans cette compilation on ne retrouve pas moins de cinq fragments importants reconnus jusqu'ici comme appartenant à r'Iepcç Aiyoç, o n peut supposer que l'auteur a utilisé pour son travail soit des ouvrages qui citaient le vieux poème pythagoricien, soit une collection de fragments. D'autre part, beaucoup de passages des Vers dorés peuvent prétendre à une origine ancienne; comme l'iepbç Xsyc; résume à peu près toute l'activité poétique de l'ancien pythagorisme, on conçoit la possibilité d'une reconstitution plus complète de cet ouvrage par les fragments des Xpucra "ETTYJ. Dans ce but, il est nécessaire d'examiner un à un tous les vers du poème pour en reconnaitre la valeur et l'origine.
Les deux premiers vers :
'AQavaTO'jç gàv ~po)*ra O î î J ç , vô;j.(.) wç ciiy.sivTa»., V.\J.% xal (Ti ou opxsv, ïizvJi ^puixq X^'X'JZJ^
sont un fragment du « Discours Sacré », comme nous l'avons montré plus haut.
La question qui se pose est de savoir si on peut considérer les vers suivants des Xpuaa Kzr;, où le poète achève de désigner les êtres envers qui nous avons des devoirs, comme appartenant au même fragment :
TCû; Tî xaTa'/Osvisy- zi^î zxi\xzvx;, ïw:;ia pîùov * TO'J; Tî ysveC; zv^xx TSJ; T r;"/'.;: ïY.\'Z\'XU*~XZ, .
1. Cf. les r emarques de Diels sur le poème de Pnrménide /'.irmcMÙA's
I.ehryodicht, p. \ sq. et p . 22 sq. .
4 8 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Les Pythagoriciens, d'après d'anciennes notices (Jambl., V. P . , 37 et Diogène, VIII, 23 = Timée ; Porphyre, V. P., 38 et Jambl . , V. P . , 99 = Aristoxène) ] reconnaissaient une hiérarchie entre les êtres à qui nous devons de la vénération : les dieux, les démons, les héros, les parents . Gobet et Nauck prétendent que cet ordre est troublé dans les vers des X. E . , car les héros sont nommés avant les démons. S'il en était même ainsi, ce ne serait pas une preuve de l'origine tardive de notre fragment : il est possible que le poète n'ait pas voulu dans ces vers attirer spécialement l 'attention sur cette hiérarchie des puissances surnaturelles. Mais la formule employée met au même rang les héros et les démons Yj'pwaç TOUç TE oatjjiovaç... as(3s, sans donner le pas aux héros sur les démons. Le troisième vers me paraît continuer trop naturellement le second pour qu'on refuse de lui reconnaître la même origine. Quant au vers qui concerne les parents, il me paraît rattaché maladroitement aux vers précédents. La mention des autres membres de la famille (car il faut adopter la leçon ÈYYeyatoTaç, les parents (Nauck) au lieu de EXYEYaokaç, les enfants : on ne doit pas de vénération aux enfants) paraît être du remplissage. Dans les sermons pythagoriciens, on n 'accorde pas tant d'importance aux parents ordinaires. Les personnages qui méritent Je plus d'honneurs après les parents, ce sont les bienfaiteurs : telle devait être aussi la doctrine de T'Iepèç Aoycç, d'après les paraphrases de Timée (Jambl., V. P., 38) et d'Aristoxène (Jambl. , V. P . , 99 et Porphyre, V. P . , 38), comme nous l'avons vu dans le premier chapitre (pp. 15 et 21). Puisqu'il n 'y a pas de mention des bienfaiteurs en ce passage des X. E, on peut supposer avec raison que l 'emprunt à l'Tepbç Aôycq finit avec le troisième vers.
Avec les vers suivants commence une série de préceptes qui n 'ont rien de particulièrement pythagoricien et dont la plupart paraissent, par la mauvaise facture du vers et la vulgarité des idées, appartenir à une rédaction récente dont l 'auteur pourrait bien être le compilateur lui-même. Peut-être aussi sont-ils empruntés à l'un de ces Recueils d'YTcoôrjxat. à l'usage de la jeunesse qui, publiés sous le patronage de grands noms comme
1. Cette doctrine se retrouve aussi dans Platon, Bep., III, p . 392 A, IV, 427 B, Lois, IV, 713 AB ; il est possible qu'elle soit d'origine populaire. Cf. Collitz, Dialeklinschriften, n03 1566, 1582, 1585 B.
CHAPITRE m 49
Phocylide, Théognis, Tyrtée ou Solon, eurent à toutes les époques un succès considérable.
Le vers sur le choix des amis : TGW o'aXXojv zpz-yj TTS'.SJ SIASV
'ôsTiç apwToç ne répond pas aux idées exclusivistes des Pythagoriciens en ce qui touche l'amitié (Timée dans Jambl . , V. P . , 257 ; Aristoxène, ibid., 233). Le vers suivant : r.pxiai o'elxs ASVCIç ë'pYC.J'. T ' è'Juaxps/a'p.oiŒt (on peut conserver cette forme inusitée ou adopter la correction de Gaisford sTCwçsAssaor) fournit un bon exemple de ces emprunts à la morale populaire des Trccôfîxai : jamais les sévères Pythagoriciens n'auraient approuvé cette recommandation de céder à de douces paroles.
Par contre le précepte [j.r<o'£yOa'.p£ ©(AOV abv àgsrpTXOs; sév£y.x [MxpYjç pourrait convenir aux idées pythagoriciennes : la conservation de l 'amitié était l'objet de préceptes spéciaux et de considérations psychologiques (Aristoxène, dans Jambl . , V. P., 101 ss. 231 ss.) On s'accorde généralement pour reconnaître que levers suivant qui continue la phrase : oçpa SJVY; ' 86va;/.'.; yip àvivxrjs èYY'jGi vaiei, est inepte. Il est absurde en effet de recommander de pardonner une faute légère à un ami et d'ajouter « autant que tu peux ». En réalité, les mots oopa CJVYJ sont destinés seulement suivant un procédé cher au compilateur, à introduire une sentence Sùvap-iç yàp àvorpe/jç èyYuGi vaiei, qui originellement n'avait rien à faire avec le précepte de l 'amitié. On peut traduire : « la possibilité de faire quelque chose habite près de la nécessité (de la faire) » ; en d'autres termes : on est quelquefois forcé par la nécessité de faire une chose qu'on n'a pas voulu faire de son plein gré quand on en avait la faculté. Cette maxime devait appuyer quelque précepte dans le genre de celui-ci : « il ne faut pas attendre pour bien faire, de s'y voir forcé, parce qu'on perd ainsi le mérite de la spontanéité. » Dans ces conditions, on peut admettre que les premiers mots i'spa OJVY; appartiennent à la formule originelle, mais on doit se refuser à les rapporter au vers précédent, parce que, sans contredit, le rapprochement serait inepte. La sentence oûvap.'.; yxp àvâvy.r,; èYY'JOI vai-i ne manque pas d'allure, elle rappelle par sa formule brève, imagée et vigoureuse, les maximes des Sept Sages qui tendent volontiers à l 'hyperbole et dont les Pythagoriciens all'ectionnent la manière '.
1. Cf. ch . I, p . 21. — Nauck rapproche de cette formule un vers d 'Hé-
DEI.ATTE. — Litt. pylhag. \
5 0 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Le vers 9 : xauxa uiv OJTIO; ïaOi * /.paxeïv 3's!8i£so TGJVSS, ser t de
t rans i t ion à un déve loppement qui para î t p ré t endre à une cer
taine uni té . Le poète va énumére r les pass ions et les faiblesses
que le disciple doit apprendre à vaincre : tout d 'abord la gou r
mandise (yaorpcç î èv "pw:iff"«) et d 'au t res vices. A ce îupwxwxa
correspond au vers 13 : elxx S».xaio<rjvYjv aaxei ; mais la phrase
in t rodui te par sir a ne dépend p lus de xpaxsïv, de sorte qu ' i l n 'y a
qu 'une fausse apparence d 'uni té dans ce déve loppement et que
nous avons affaire encore à une res taura t ion récente .
Nous sommes fixés sur l 'origine du vers 12 : rccmov Ss u-aXioV
aia/ûvss crauTÔv qui est cité par Gal ien, c/c curât, morb. an. 5, et
que nous avons ajoutés aux f ragments de l'iepoç Xiyoç. Il me
paraî t nécessaire d'y ra t tacher la phrase qui précède parce qu 'el le
expl ique cet te r ecommanda t ion : izpr^q SVisypov TCCTS u,Vjx£ [AET'
à'XXsu / u.r)x' îCîYJ. Enfin, d 'un au t re pas sage de Gal ien, on peu t
conclure que le vers 10 : yacTpcç u,sv TU paix taxa xai G'TUVOU Xa^veiv;? Te/
xai OUJJIGU, appar t ien t au m ê m e f ragment . Galien au chapi t re sui
van t du m ê m e ouvrage , par le des xapaivscsiç nuGayopou où la p ra
t ique de l ' examen de conscience du ma t in et du soir se t rouve
recommandée ; il s 'agit év idemmen t de l'îepbç \byzz : evà) STJTTGXS
xxl TajTac 3YJ xàç, çspcpivaç, wç IIuôaYÔpou Txapaivéffsiç eiOujpiai Sic xrjç
r)pt.£px; àvxYivwffxetv p/sv xà Tcpôjxa, XsYeiv o àicb xou OTOu.ax.oc Goxspov'
où Y^P àpxet p.ovov âcpY^c i av àoxsîv àXXoc xai Xiyve taç xal Xay-
veiaç ccvoçXcYÎocç x£ xal TrepiepYiaç xac ' cpGovcu xaSapsosiv. Dans cet
examen de conscience où il passe en revue les fautes de la jour
née écoulée ou les t en ta t ions de la j ou rnée qui commence , Gal ien
se souvient na tu re l l ement des préceptes de t empérance du
« Discours sacré » : on voit qu ' i l s sont préc isément les m ê m e s
que ceux des Vers dorés . Cet te coïncidence ne peu t ê t re a t t r ibuée
au hasa rd , d ' au tan t p lus qu 'un f ragment du passage en ques t ion
des Vers dorés est cité a i l leurs par Galien.
Nous avons vu que le ve r s 13 : sixa or/.atcauvvjv àaxei spY(p "£
XSYW x£, qui paraî t se r a t t acher aux vers p récéden t s , en réali té
n 'a avec eux aucun r appor t de précepte : u/r,o' àXoYiffxwç oaoxbv
è'ys'.v ~zp\ jjLYjcàv è'8'.£s qui r ecommande de réfléchir avan t d 'agir ,
est répété sous des formes différentes au vers 27 et au vers 3 9 .
Il est possible qu' i l y ait eu dans ïiepbq XOYOç des formules de ce
siode, o/>.,288: Àîù, jxèv ôoo';, ;j.xXa ô'èyyuOi vaîei [cf. encore v. 700), et un au t r e de Chérémon, fgt. 18 N. : ypéîa o'àvay/.r,; où/. àn<;>/.»oTa' TZOXJ,
CHAPITRE III 51
genre, mais elles manquent de tout caractère particulier qui permette de les at tr ibuer au Pythagorisme. Il faut peut-être reconnaître, ici comme plus haut, des emprunts aux Recueils d ' T : : : -Brjxai chers aux familles et aux Ecoles de l 'Antiquité.
Les deux vers :
àXXà Y V ^ ^ 1 l ^ v ^Ç ôavseiv TvéTrpwTai OLZZGI,
"/p^paia oaXXoTc p.àv y/casOai çiXeî, «XXST' SASœOZI,
paraissent appartenir à une phrase unique dont les deux parties reliées par un jeu de particules p.èv et ce dépendent de yvàiOt. Mais Gobet (p. 465) trouve avec raison que la vraie place de p.kv serait après Savssiv et non après YVWQI ; d'ailleurs le rapport des deux idées exprimées ici est extrêmement lointain et on s'étonne que le poète les ait unies si étroitement. Ajoutons à ces considérations que le dernier vers : « les richesses aiment tantôt a s'acquérir, tantôt à se perdre » exprime une idée assez juste sous une forme affectée et étrange, outre que l'emploi de y.cacOa'. au sens passif peut être considéré comme fautif.
La clef de l 'énigme nous est donnée par l 'hypothèse habituelle que le compilateur a réuni deux vers qui, originellement, n'avaient aucun rapport . Il est probable qu'il faut modifier légèrement une leçon du dernier vers et lire iXssaai en même temps que <ptXsi (au lieu de cpiXsi) pour traduire ainsi ; « et aime tantôt à acquérir, tantôt à perdre les biens de fortune » c'est-à-dire « sache acquérir et dépenser ». C'est un précepte de modération dans l'usage des richesses ; le poète recommande d'éviter l'avarice aussi bien que la prodigalité, tout comme au vers 37 : ;rr. Ssc-avxv Trapà y.atpcv CTUCÏa y.aXaW àBar;;j.(ov / •rr.c'àvîXîjOsp:; tjOt. Soit que le compilateur n'ait connu qu'une forme altérée du vers 16, soit qu'il ait jugé opportun de modifier lui-même la leçon originale pour accommoder la construction de ce vers à celle du vers précédent, la lecture çiXsï sXî'aOai paraît devoir être répudiée '. Il
1. Olympiodore dans son commentaire et le traducteur arabe (cf. édition Miillach, Fr. ph. yr., I, p. 410 ss.) ont d'ailleurs compris les vers comme nous le proposons. Wolfol Miillach s'en sont autorisés pour corriger le texte dos Vers dorés en çt'Xgt et fAixix\. Mais ces leçons qu'il faut rétablir dans le fragment original utilisé par le compilateur ne conviennent pas au texte do Vers dorés : l'opposition do \ih et oi qui est évidente, demande que $Av dépende de ywoOi o>; etc. comme ranptoTai, ce qui exclut l'hypothèse du modo impératif.
5 2 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
faut donc séparer complètement les deux parties de ce fragment. Ainsi considérés à part, ces vers expriment des idées pythagoriciennes qui conviennent assez au cadre de l'Upb; AôYOç. Le premier vers servait peut-être à fortifier un précepte important par la pensée de la mort toujours menaçante. Les Pythagoriciens aimaient ces « pensées salutaires » : Jambl . , V. P . , 179 : xai aXXvjv uiGobcv àvsOps TOU àvaaréXAetv xooç avOpwrxou àrcb xrjç àcxxiaç èxa TYJ y.piffsoiç TWV 6'jywv... slbVo; Se xal pY aqjLOv o'3<jav sic xbv ©i(3ov xrjç âBtxiaç. On peut aussi supposer, si l'on veut, que cette considération était destinée à justifier la doctrine de la résignation : la prévision d'une mort inévitable, sort commun de tous les mortels peut conduire à la soumission à la volonté divine L Les Pythagoriciens eux-mêmes attachaient beaucoup de prix à des pensées semblables : Jambl . , V. P . , 224 (Aristoxène) : yjv oè xal xoùxo O.£YUTXOV ûq YSwaiOTYjToç; spp.a, xb TueiuetcrOai ùbq oùoèv 8s£ xwv âvGpa)-TJIVGJV ffuy.Tcxaiy.axtov aTcpoabixYjxov £ivai xxapà xotç vouv sy oucrt xxX. cf. ibid., 196. Les vers 17 et 18 qui contiennent précisément le précepte de la résignation ont été reconnus pour être un fragment de l 'Iîpbç Aôyo? (oao-a x£ bai^oviaut xu/aiç etc.) : la question est de savoir si on peut y rattacher les vers suivants :
iasBai §è izoiizu xaGôaov SùVYJ * (ùbc Se çpaÇeu ' où Txàvj xoiç àyaGor^ xobxwv TUOXù p.oipa S(Sa)at.v.
Ils en forment la continuation naturelle. Le premier vers est une correction au principe de la résignation. Le maître ne veut pas d'une soumission lâche et fataliste aux malheurs qui arrivent; il demande qu'on réagisse au contraire pour corriger autant que possible les mauvais coups du sort 2. Dans le second vers, il semble que le poète ait voulu laisser une idée consolatrice à ses disciples en affirmant que le destin n'envoie pas beaucoup de malheurs aux hommes de bien. Cette pensée d'une sanction terrestre provisoire promise au crime et à la vertu était chère aux
1. Cf. Ps . - I socra te , ad Démon., 41 : vdpuÇs ;j.r]5iv elvai XôJV àv6pa>7civu>v (3ét3oaov * OGTW yàp o'j'x'eùxuywv ïaei rxsptyapï); oG'xs ôuaxuywv rcepîXuTcoç.
2. Dansain f ragment a n o n y m e conserve par S tobée , fîor., III , 52, où Mei-neke croit avec raison reconna î t re un passage des IluOayopixai 'A7i:ocpàaeiç d 'Aris toxène (Index, s. v. Aristoxenus), on re t rouve une doct r ine a n a l o g u e : èx ;j.èv xfjç p.avx-1/YJç îrpo'vo'.av eœaaav ÔEîV £7itÇ*Y)xeîv, ex oè xrjç taxp'.xrjç xrjç xe repo-voîa: Èzxvo'pO'ocjtv . xaù'xa yàp sTvat -ecaxa xrjç îaxpizrj; è7a<jxrj[j.rj<;.
CHAPITRE 111 5 3
Pythagoriciens : elle reparaît encore dans un vers de T'Ispbç, Aoyoç cité par Chrysippe (z= aussi X. E. v. 54) et dans un fragment d'Androcyde le Pythagoricien, Jambl . , V. P . , 145 : GTI 5'ojôèv WOVTO sx xa-jTo aTOu ?uu,j3aiysiv xal OCTCO TîT/YJç, àXXà xaxà 9eiav
"icpovoiav, p.àXiaTa xoiq x^xHolq xai sjffs^sat, :wv àv8po)7;wv où cette idée corrige, comme ici, ce qu'il y a de dur dans le précepte de la résignation. Je suis donc d'avis de considérer ces quatre vers comme appartenant au même développement.
Les six vers suivants étaient destinés dans la pensée du compilateur à former un ensemble : l'idée qui leur est commune et qui a permis de les réunir, c'est qu'il faut accueillir avec réserve toutes les paroles des hommes. Mais ce lien commun est très lâche et tout artificiel et on peut diviser ainsi le fragment :
1° xoXXsl o'àvOpoWo'.at Xôyci Ozi\ci ze xai ècrOXoi TjpoaTCLTCTOïKj', cov (T/JT' sxTrXVjffffâo \xrtz
y xp 'kx7rtq eïpY£<r9ai aauxov '
Le compilateur entend certainement par Xôvsi les paroles que le disciple peut entendre dans ses rapports avec le monde.
2° tj/suboç â'rjv zzip TI XévYjxai / ^??wç £fy
précepte qui est contraire aux enseignements austères dur Pytha-gorisme sur ce sujet : cf. Porphyre, V. P . , 41 . Jambl . , V. P . , 47 'Élien, V. /Y., XII , 59. Stobée, /for., 11 ,25 , etc.).
3° o 8s TOI kpitù, ex! iravTi TsXsr'crôco
opposition des paroles sages et véridiques du maître aux discours trompeurs que le disciple peut entendre (cf. les formules semblables dans les Travaux d'Hésiode) ; oujsimple cheville destinée à achever le vers.
4 ° [i.Y)8stÇ [AT, TE X0Y(;> <J£ TZXpS.ii:^ (i.^T£ Tt £?Y<;>,
zzp^qxi u,Yj8Vi7C£iv s z\ TOI ;ar( fisXTîpôv èsx'.v.
que le disciple se méfie des suggestions des méchants et du mauvais exemple ; l'idée est exprimée avec difïiculté et maladresse et l'ignorance de la langue se trahit dans l'emploi fautif des mots rapsi-sïv ( — recommander) dans le sens d'empêcher et (JsXiepov ( = utile) dans le sens d'honnête (Cobet, p . 465).
5 4 UN DISCOLKS SACRÉ PYTHAGORICIEN
La seule idée intéressante de ce long fragment est celle des premiers vers : elle est comme le noyau autour duquel le compilateur a groupé les vers suivants qui sont peut-être de son invention. Je pense d'ailleurs qu'il en a complètement méconnu le sens. Hiéroclès voit dans ces vers un avertissement contre les excès de la \j.iao\o*(ia et de la ©IAOAOYUX, c'est-à-dire de la haine de tous les discours qui nous empêche de profiter de ce qu'ils peuvent contenir d'excellent et de la confiance exagérée dans les paroles d'autrui qui réserve des déceptions à notre naïveté. Cette interprétation rappelle la sortie de Socrate contre la laoAOYia dans le Phédon (p. 89 d) : Hiéroclès s'en est sans doute inspiré. Le rapprochement serait intéressant s'il avait quelque fondement, mais il me paraît un peu forcé, outre que la concordance n'est que partielle. Ajoutons qu'on ne retrouve rien de semblable dans la tradition pythagoricienne.
Les anciens commentateurs et, semble-t-il, le compilateur lui-même, s'en sont tenus à une explication beaucoup plus simple : on est exposé dans la vie à entendre toutes espèces de paroles, bonnes et mauvaises, il convient de les examiner avant de les adopter ou de les rejeter. Si l'on accepte cette interprétation, on doit convenir que les expressions irposTUTUTouai aussi bien que eïpyeaôat ©XUTOV sont assez étranges, appliquées à des « discours ». Pour replacer ce fragment dans la tradition pythagoricienne, je propose d'entendre le mot ASYOI dans le sens d'idées, inspirations; nous y sommes amenés par un fragment de Phiio-laos qui, pour l'emploi du mot comme pour la théorie exposée, doit être rapproché de ces deux vers. L'auteur de l 'Ethique à Eudème (Ps.-Aristote), II, 8, 23, développe cette idée qu'il y a des actions qui ne dépendent ni de notre raison ni de notre volonté et il termine ainsi : coGxe xai oiavoiai nveç xai îuà6vj eux èç'r^ïv elaiv, rt Trpd'eiç al y.aià xàç XOIOLûXCKC cTavoiaç xal AOYrau.oûç, aAA'wffTrsp <I>iÀoAaoç S©YJ slval Tivaç ASYOUç xpeircouç ^[AûV. Le sens de ASVOI = o'.avsiat est certain dans cette citation. Ce fragment de Philolaos explique aussi notre passage : il y a beaucoup d'idées qui se présentent (TCPSœTCITCTSIV est le propre de l'inspiration) à l'esprit des hommes ; il faut les accueillir froidement sans parti pris, car elles peuvent être bonnes ou mauvaises. Cette interprétation est confirmée par un extrait des riuOaYbpixal aTroçàffsiç d'Aristoxène (Slobée, ecl. mor., I, 6, 18) : zspl bï xû^ç xdo'è'^aaxov,
u »• CHAPITRE III 00
sîvai jaivxoi xai oaijabviov uipoç a'jxvjç ' Y£V£a6ai yàp èTUTCvctav x'.va rrapà xou baïu-ovicu xa>v àv6pa)TC0)v evtotç è?xl xb (SéXxiov YJ ITCI xb yzïpcv xxX. Il s'agit ici encore d'èTCucvsiai qui nous viennent du cai;acviov ; leur qualité d'inspirations surnaturelles n'est pas une garantie de leur valeur ; il en est de mauvaises comme il en est de bonnes. Ainsi compris, ces deux vers me paraissent représenter une idée ancienne et particulière au Pythagorisme et nous les accueillerons parmi les fragments de l'tspbç AôYO;, la principale source du compilateur.
La suite des Vers dorés est une série de recommandations sur la nécessité de réfléchir avant d'agir (vv. 27-28), de prévoir les conséquences de ses actes (29) et de ne pas forcer son talent (30-31). C'est une paraphrase des vers 14 et 39. La forme de ces vers est très négligée, quelquefois même incorrecte (la construction du vers 29 est fautive, car il est rattaché à OSLXOJ -pbç àvbpoç, comme icp^sasiv, ce qui est un non-sens). La dernière partie du vers 31 : xai x£p7uv£xaxcv giov cobs cia;£tç fait l'effet d 'une cheville tant elle s'accorde peu avec ce qui précède, bien qu'elle en soit donnée comme la conséquence naturelle. Les qualités de la forme sont réellement inférieures à ce qu'on trouve d'ordinaire dans les Recueils populaires d'T7:o6rjxat, ; quant au fond, on peut dire que ces préceptes vains et ces truismes ne présentent aucun intérêt.
Les vers 32 à 35 concernent le régime. Les idées paraissent se développer dans une suite logique, mais, encore une fois, ce n 'est qu'une apparence. Le poète met d'abord le disciple en garde contre le mépris des soins corporels et de la santé :
ou&ùyieiyq TYJç luepl awu.'àfji.cA.Eiav s'x£iv XP*i-
On s'attend donc à ce qu'il édicté diverses prescriptions sur ce sujet ; au contraire, le précepte qui suit, loin d'attirer l 'attention sur ces soucis matériels, insiste pour qu'on les restreigne à la portion congrue :
aXXà 7U0T0ÏÏ i£ [Jtéxpov xai aixou Y'JiJ.va<nG)v x£ TJctsïaOa»..
Le poète revient encore sur une idée qui lui est chère et qu'il répète ici sous la forme d'un truisme ridicule : ;asxpcv il Xé'YW
xôS'o JAX; <j'àviYj<j£t (cf. v. 38).
5 6 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Le vers suivant résume maladroitement les qualités du régime que le disciple doit s'imposer : slOtÇou 8s Sîaixav r/stv xa6àpsiov à'Gp'jxxcv.
Outre le manque de suite dans les idées, nous avons de bonnes raisons de rejeter ces fragments du Recueil de xapaiveaeiç de l 'ancien Pvthagorisme. En effet, l 'auteur n'envisage les soins corporels que sous la forme d'une opposition entre l'âme et le corps. Il suppose qu'on peut considérer le souci de la santé comme peu convenable ; aussi il prend la peine de rassurer le disciple, mais ce n'est que pour mettre des bornes à ce genre de préoccupations. Cette conception de la valeur de la santé physique est d'un mysticisme très tardif. Elle était inconnue en tout cas aux Pythagoriciens, qui regardaient la santé corporelle comme une condition essentielle, on peut même dire comme une partie de la santé morale.
Les trois vers suivants :
xal xecp'jXa o Toiaûxa xotsiv oxoaa <p66vov ta^si, p.Y] Saxavav izapa, xaipbv oxofa xaXôv àBaYJptorv p.v;o'àv£A£ÙÔ£poç ïaOi ' p.=Tpov 8'èxl xaarv àptaxov,
se divisent naturellement en deux parties. Le second précepte rappelle le vers 16; il en forme la suite naturelle et l'explication. Il y a dans les derniers vers une irrégularité de construction qui frappe l 'attention : une proposition infinitive (8axavav) est mise sur le même pied qu'un impératif (firôi) ; c'est évidemment parce que le compilateur a voulu considérer les deux derniers vers comme une opposition à xoiauia xci£tven les rattachant à xsçuXacjo. Mais la seconde partie de cette phrase qui est au mode impératif répugne à cette construction : il est donc juste d'admettre que la forme originelle de la rédaction de ces deux vers ne connaissait que l'impératif (baxava et ta6». Cf. Cobet, p. 466). C'est le compilateur qui aura introduit ce changement, — sans parvenir d'ailleurs à modifier le second impératif —, pour relier ces vers au fragment précédent et obtenir, par .ce procédé qui lui est familier, une apparence de cohésion. Il lui a paru que les dépenses exagérées excitent l'envie dont il est question au vers 36 et il a jugé ce point de contact suffisant, sans prendre garde que l'excès de parcimonie dont parle ensuite le poète ne se prête pas aussi bien à ce rapprochement. En réalité, il ne semble pas que ces
CHAPITRE III 57
vers aient jamais eu aucun rapport. L'essai malheureux de raccordement tenté par le compilateur et la correction incomplète apportée par lui au texte prouvent qu'ils ne sont pas de son invention. Ces préceptes se retrouvent dans d'autres endroits de la tradition pythagoricienne : Porphyre, V. P . , 32 ( = Aristoxèné) toc âizousi ;JLSV 7capy;yY'ja OHAOTtuiav çsyysiv xoù OHAcbocjiav, wTsp p.âXejTa <p6ovov èpyaÇeaGai. Cf. ibid.t 15 : àQXcèv ;xèv 7:aprjve'., vc/.av ce p.Vj, a>ç Séov TOÙç p.kv TUSVOUç ùiuo^sveiv, TOÙç b'ày. TCJ v.y.av çOôVOJç tosuysiv (cf. Jambl . , V. P . , 49). — Pour ce qui regarde l'usage des biens de fortune, une notice de Timée dans Jambl . , V. P . , 169 (cf. ibid., 69) nous indique les principes de modération des Pythagoriciens : èicel Se icoXXsùç; èvtOTE xal orràviç ypYjp.aTOiv ffuvavavy.i^£f. zapà TG sixaicv xi TCOietv, y.ai TOUTOU xaXôç TcpoevÔYjds Sià Trj; olx.cvojjJa; Ta kXsuGsp'.a oaTcavr) p.aTa y.aTa Ta axaca './.avoîç êauTto Tcapaay.cjâÇwv.
Le dernier hémistiche du vers 37 : v.s'Tpov C'èTù TCSJIV apirrcv, doit être retiré à mon avis, de ce développement : cette sentence a une portée trop générale pour convenir à un précepte aussi ordinaire. On peut la considérer comme une des nombreuses maximes empruntées par les Pythagoriciens soit à la légende des Sept Sages, soit, plus exactement, à la morale populaire et coulées, pour la facilité de la mémoire, dans le moule classique de l 'hexamètre, comme les sentences sur 1 zpyrn le xa'.pôo, la Suvaurç, etc. 1.
Après un vers de transition qui répète un précepte qu'il affectionne : Tcpyjaae Se TauG à as p.Yj (ÎXa^ei ' Xcruyai cï ~pb èpyou, le compilateur a recueilli dans son œuvre les vers de 1' Ispbç Xôvoc sur l 'examen de conscience (I, p. 180). Cette pratique était double : lé matin on se traçait le programme du jour ; le soir on examinait les actions, les fautes et les omissions de la journée. Le compilateur ne connaît pas les vers qui concernent le premier examen (Porphyre, V. P., 40) : par contre, il nous a conservé sous une forme plus complète le fragment où était prescrit l 'examen du soir. Les vers 43 et 44 font en etfet partie du même développement :
àpHap.svo; b'à-b «Eporrou èréçiQi * y.al tj.£TÉ7:£iTa dsiXa p.kv èxTcpYjGJaç, i-'.TcXrjjaoo, ypr;<r:i bk Tkpzîu.
t . Ce vers est peut-être imité d'Hésiode, <>/>., 004 : Nauck, p. 222' ^ixca çuXaaaeaOat" xaipô; o'ir.l rcxi'.v ap'.dto;.
58 IN msœuits SACHE PYTHAGORICIEN
Le premier vers semble faire allusion à une liste d'actes ou de péchés qu'on passe en revue. Le second recommande d'appliquer immédiatement aux fautes comme aux actions vertueuses la sanction intérieure qu'elles méritent. L'origine ancienne de ces vers est attestée d'ailleurs par une citation d'Arrien, diss. Epict., III, 10, 2, qui n'a pu connaître les X. E.1 . Le dernier vers est confirmé encore par des citations de Clément d'Alexandrie qui ignore naturellement les Vers dorés (Paedag., I, 10, 04 : y.aî [J.oi Soxsiv auvsic TOUTC G YJvqjiio; irapaYYsAXsi IIuGayopaç * 3si)A JASV sy.-pVjHaç £:U7UAYJ<7<7£3, ypYjaTa G* s lipizou) et d'un gnomologe byzantin, dont la rédaction différente ne peut non plus provenir des X. E. Boissonade, Anecd., I, p . 12 : aioypà [j.b sTupaÇaç, STCI-
ATjffffso ' saOXà Ss ; TSpirou. Dans une petite pièce de vers intitulée : de viro bono 7uu6a-
yopixy; XTA^OLUIç (ecl., VII, 3), Ausone attribue aussi aux Pythagoriciens la coutume de l 'examen de conscience. Ses vers sont une traduction presque littérale du fragment de T'Ispoç AOYOç :
v. 14 : Non prius in dulcem declinans lumina somnum omnia quam longi reputaverit acta diei : qure praetergressus, quid gestum in tempore, quid non ?
Ausone rapporte ensuite une longue série de questions que se pose le sage pour reconnaître les fautes qu'il a pu commettre et il termine par ces vers :
v. 24 : sic dicta et facta per omnia ingrediens ortoque a vespere cuncta revolvens offensus pravis dat palmam et praemia rectis.
On voit que ce passage est une traduction des vers qui terminent l 'examen de conscience dans les Vers dorés.
Revenons aux vers 17 à 24 dans lesquels le sage se confesse lui-même :
Cur isti facto decus afuit aut ratio illi ? quid mihi praetcritum ? cur haec sententia sedit quam melius mu tare fuit ? miseratus egentem cur aliquem fracta persensi mente doîorem ?
1. Cf. ibicl., IV, 6, 32 (adaptation satirique). Le texte d'Arrien offre la variante Xoy'saaOxi s/.aata au lieu de xplç, iV.aaiov sreXOeiv (v. 41). Hiéroclès lisait, semble-t-il, XorbaiOa: i/.aaTov, à en juger par son commentaire.
CHAPITRE III 59
Quid volui, quod nolle bonum foret ? utile honesto cur malus antetuli?num dicto aut denique voltu perstrictus quisquam ? cur me natura magis quam disciplina trahit ?
Je ne vois aucune raison de retrancher ce passage du fragment poétique qui concerne l 'examen de conscience. Les mots du v. 43 des X. E : âp;a;x£voç b'à-b i:pa>7su krAz'fi'., auxquels correspond le vers d'Ausone : sic dicta et facta per omnia / ingi ediens ortoque a vespere cuncta revolvens, paraissent se rapporter à une liste d'actes ou de fautes qu'on passe en revue. Dans cette hypothèse, notre compilateur n'aurait connu, tout comme A m e n , qu'une partie du fragment de l'Upb; ASYOç ' il est assez compréhensible que les citations n'en eussent conservé que les passages principaux, qui sont le commencement et la fin. Les doctrines morales qui apparaissent dans les questions du sage d'Ausone portent bien la marque du Pythagorisme : utile honesto cur malus antetuli ? — Aristoxène dans Jambl . , V. P . , 204 et Porphyre, V. P . , 39. — Cur me natura magis quam disciplina trahit ? Cette opposition de la nature et de l'éducation est bien pythagoricienne (cf. Jambl. , V. P . , 77 [Lysis] 174, 202 sq. [AristoxèneiV Un seul détail est assez embarrassant : miseratus egentem cur aliquem fracta persensi mente dolorem ? le sage se demande pourquoi il a été ému en prenant pitié des malheureux. Si la traduction d'Ausone est exacte, ce dont il est permis de douter, cette oLizvfiv.x me paraît un peu outrer les sentiments des Pythagoriciens sur ce sujet. Ils pratiquaient certainement Yz-xHux (Jambl. , P . P . , 110, 202, 224, etc. Cf. 226 : GïXTUV îè xxi Sxxp-Joiv xat icavxwv TôV TS'.CUTG)V sipYsaG»'. TCJ; xvbpxq sxsivso^ çasiv (— Aristoxène), 234 (àxaGeia) et Porphyre, V. P . , 69) mais il est incroyable qu'ils en eussent exagéré la méthode au point de s'interdire toute pitié.
Le vers 45 : TaijTa lucvei, TXJT' £X;/.SA£T2, TC'JTMV ypr, spxv zi n a rien qui indique précisément une origine pythagoricienne, mais il paraît inséparable du vers suivant qu'on peut, à mon avis, considérer comme un fragment de l ' L p b ; Ar;c; '. -XJ-X -S ~rtz OSIYJç àpeTfJç £Îç lyyix ÔVjffEt. C'est en eil'et une idée dont le caractère pythagoricien n'est pas douteux, que de représenter l 'homme vertueux comme marchant sur les traces de la divinité. Cette conception s'exprime sous les formes les plus diverses. ETTCJ T<7>
6 0 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
f)zù est la formule brève et imagée d 'un précep te par t icul ière
men t cher aux Py thagor ic iens (Stobée, ecl. m o / \ , 6, 3 , 66 : brcsp
alvibjajOai JJLEV O;j.r;pov st-ôvTa « / . a i ' i'vyua (oaîvs Geoio », IIuGa-
yôpav ce JAîT'XJTOV slxsfv « szo'j Oso) », Boëce, cons. phil., I , 130 :
p \ thagor icum illud 3-0 J OSOV). Le but suprême de la phi losophie
est x/.o/vCjOsèv TW O301 ( J ambl . , V. P., 86 et 137 =z Ar i s to te ) , 0a8i-
£siv Topo; TOù; Gsoù; (Plutarcpie , de supeist. 9) ou i!;o p,oiouo-Gai xax'
spoa'.v xai à 5[i.{{j.Yjffiv TOIç oùpavictç ( J ambl . , P . P . , 66) . On définit
encore la vie du phi losophe comme une ôu-iXia rcpbç TO Geiov
J a m b l . , V. P., 86 et 70), Trspl TO GSêOV ày/toTeia xai ciaTpigïj ( P l u -
t a rque , Numa, 8, 5) cu.oiwaiç; Gsoo (Stobée, ecZ. mor., 6, 3 , 66.
/7o/\ 1 1 , 25 . Po rphy re , P . P . , 4 1 . Cf. Pho t ius , cod. 249 , p . 439 a-
El ien , P . H., XI I . 59. Ju l ien , oraC 6, p . 185 b) h La formule
imagée z\q lyy.z Grjast. semble emprun t ée à Homère comme le
mon t re le r a p p r o c h e m e n t en t revu déjà pa r S tobée . L 'express ion
« les t races de la ve r tu divine » pour ra i t para î t re assez é t r ange
(Nauck, p . 212) ; c 'est une p reuve que no t r e vers n 'es t pas une
imi ta t ion tardive des formules a t tes tées pa r de nombreuses c i ta
t ions . D 'au t re pa r t on t rouve dans P l a ton , P e p . , V, p . 462 a, une
express ion qui peut lui ê t re comparée : ehx èTcio-xs ao-Oai ocpa a vuv
BYJ bc/jXGop.sv z\q p.kv TO TOO àyaGou lyyoq YJ|MV àpp-oarei, T<» Se TOïï xay.oîi
àvapjjLOffTeï. — On peut croire que ce f ragment servai t de conclu
sion à la liste des préceptes de Plepbç Xoycç.
Les vers su ivan t s :
val p,à TCV àp.ETspa uvuya rcapaSovTa TSTpaxTÙv
rjayàv àcvaoo çûffswç,
ont été pr is à une ancienne formule de se rment que nous é tud ie
rons a i l leurs . Ce se rmen t dest iné à confirmer la promesse du
poète (c'est dans ce bu t qu ' i l a changé le où de l 'or iginal en val),
ne peut na tu re l l emen t être r a t t aché à l'îepbç -Xôyoç, t a n t à cause
du dialecte dorien que parce qu' i l invoque Py thago re qui es t
censé êt re l ' au teur de not re poème . Il est à r emarque r que le
compi la teur a laissé de côté le dernier hémis t iche du second vers
1. Cf. encore Thémistius, or., XV, p, 192 B : e'./dva -pô; Oeôv slvou àv6pw7rouç et un fragment de Diodore d'Aspcnde dans Théodoret (d'après Pythagore) qn. in Gnn., I, p. 19 (même formule).
CHAPITRE ITl 61
du s e r m e n t ; piÇw[j.a T'sr/oosav h C o m m e il es t invra isemblable
qu ' i l l ' ignorâ t , il faut a d m e t t r e qu ' i l l'a omise à dessein pour
in t rodui re la ph rase su ivan te : àAÀ'spvEu è-'spYcv | Oscèj'.v ï~='JZZ-
JJLSVOç TsXsffai. H est donc à p ré sumer que celle-ci figurait pa rmi
les ma té r i aux et les anciens débr is dont le compila teur a composé
son cejivre. On peu t r approcher de ce précepte un f ragment
e m p r u n t é a u x gnomologes d 'Apos to l ius XVII I , 59 h, A r sén ius ,
L V , 68 G 60 et S tobée , fïor. 5, 30 (anonyme) : wv TSJ swu-a-
TOç QŒ<xKkair(ûq oj ozr(GTr âxsivow xaxacppÉvs'. Travxwv ' xai wv àhrxAAaYels
ckvjffYj, 7upbç xauxà aoi àaxoup.£V(.) xoùç OCOJç TrapaxaXsi YSvstjOai ssi ffjA"
ArjTCTopaç. riuGayopou. —
Les qua t r e vers su ivants font par t ie d 'un m ê m e fragment où
le ma î t r e p rome t la révéla t ion de merve i l leux secrets :
Tî'JTov/ os xpaTT.jac
YvoWea». àGavaxow T£ 6ewv GVYJTôV x'âv8p<iVï:<*>v
ajaxaaiv, Y] i£ è'xaa-a Sispy^sxai, f{ TE xpxTeèra'..
YVtoffYJ § Y) 6s[MÇ SŒTl, Cp'JX'.V TCSp'l TTaVTOÇ. CJAOIYJV,
WŒT£ C£ |J.Y]T£ aSÂTCT £A7:''Çs'.V [XYjTS Tl AYjGsiV.
On a interprété ces vers de façons assez diverses : certains critiques n'ont pas craint de les considérer comme du charabia. La signification de certains détails est seulement un peu obscure : voici le sens qu'il faut donner à mon avis à cet intéressant fragment. Le poète promet au disciple qu'après l 'accomplissement de certains actes et l'acquisition de certaines connaissances ( T : J -TG)V xpaTYjffaç), la nature des dieux immortels et des hommes mortels lui sera révélée. Il comprendra aussi comment toutes choses passent ou demeurent (je m'en tiens à l 'interprétation de Mûllach qui conserve le sens ordinaire des mots XPXTEïTOX» et 8i£p*/£<jQai opposés l'un à l 'autre, comme mortels à immortels ; l 'explication d'Hiéroclès : « comment les choses diffèrent et se ressemblent », me paraît incorrecte). Kntin, il saura, autant que cela est permis, que la nature est a tous points de vue, semblable (à elle-même, c.-à-d. unique), de sorte qu'il ne nourrira pas de vains espoirs et qu'il n'ignorera plus rien.
La «Lucrtç dont il est question dans ce fragment est évidem-
1. Jamblique, V. P., tliOet if>2. Porphyre. V. /»..20.Théol. Arithm.. p. i«. Aëticus, I, 3,3, 8, etc.
0 2 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
ment la Nature des dieux et des hommes. Le dernier vers se donne comme une conséquence du précédent (<S<TTS) ; grâce à la reconnaissance de l'identité des deux Natures (divine et humaine), le disciple peut espérer voir tous ses souhaits se réaliser et se révéler à lui tous les secrets de la Nature .
Nous savons, par le fragment cité par Chrysippe, que TTspoç, XCYOç contenait des promesses semblables du maître au disciple. C'était la coutume, non seulement des prophètes, mais encore des philosophes, d'encourager leurs sectateurs par des promesses de ce genre. Empédocle se vantait de posséder tous les secrets de la science et il s'engageait à les révéler à ses disciples (Pro-clus, in 77m., II, p . 351) et on retrouve ces promesses dans les fragments du rcepl x»ja£a>ç, '. xai TOT£ t)rt asçiYjç, STC' ay.poiai BsaÇsiv (fgt. Diels, 4, 8), àXXà Topwç TOUT' ïUBL, GSOU ixapa ;J.OÔ3V àxooaaç (23, 11 ) xauxa x£ ozi y.aXa Tuavia cV cdûvoç TrapÉcroviat, aXXa T£ TCOXX'
«Txb T0)vB'£*/.T7jaeai (110, 3). Certaines promesses (fgt. 111) sont bien plus explicites et plus extraordinaires encore puisqu'elles font entrevoir des miracles. Dans le poème de Parménide, la déesse des Révélations s'engage à révéler à Parménide la connaissance des secrets de la Nature (fgts 1, 28. — 10, 1, etc.).
Les mots Y; SSJJWç èatî marquent une restriction : « autant qu'il est permis h un mortel de connaître les secrets de la Nature divine ». Les puissances Révélatrices dont Empédocle t ient sa science lui rappellent aussi la faiblesse et l 'indignité de la nature humaine : au o'cuv, kizzi US èXiaaOrjç / rceuasai oh rcXéov vjè (spoiarj ;/TJTIç cpwpsv (fgt.2, 9) et Empédocle lui-même annonce que son enseignement restera dans les bornes permises (fgt. 4, 4 : wv 6E;JLIç àaxtv £aYj[Ji£p{o'.a'.v àxoûsiv).
La doctrine de l'identité d'origine des dieux et des hommes, qui se résume souvent dans l'affirmation d'une parenté des uns avec les autres, est une conception pythagorico-orphique. Pour Empédocle, l 'homme est unàafy.wv céleste exilé sur la terre pour expier ses fautes; par une éducation appropriée et des purifications, il peut reprendre conscience de ses origines et de sa nature divine et rentrer parmi les bienheureux. Tous les êtres vivants, y compris les dieux, sont parents entre eux, parce qu'ils ont la même origine. Ces idées forment aussi la base de l'évangile et de la réforme morale de l 'Orphisme. Dans l 'Hymne à la Nature (n° 10) qui est assez récent, il est vrai, mais qui emprunte à la
CHAPITRE ni 63
l i t t é ra ture orphique ancienne beaucoup d ' idées et d 'express ions ,
la Na tu re est considérée comme la mère c o m m u n e de tous les
ê t res : v. 1 : <5 çcj<n, irap.p.rjTE'.pa OEZ, zoXup.YjyavE '^"zzo. v. 9 : y.s'.vr;
p.èv TCavTSjffiv. v. 18 : TTZVTG)V p.Èv cru r.xzrtp, p.YJTr,p, Tpcpbç YJBE TIOYJVTJ.
Les sectes à mys t è r e s de l 'I talie ense ignaient aussi cet te doc
t r ine . Les âmes des défunts , y.cOapc', se p réva len t de leur pa ren té
avec les d ieux pour se faire a d m e t t r e au sein des b i enheureux
autip èu.54 "févs; ojpâv.sv (Inscript ion de Pete l ia , v. .7) /.x\ -;'xp èYC'OV
uu,(5v YEVO; s'Xjâicv Eu/cp.*'. slp.sv (Thuri i , 2, 3 et 3 , 3) e tc . Nous
re t rouvons encore cet te concept ion dans P inda re , chez qui s'af
firment si souven t les influences de la mys t ique du \ T siècle :
Nem., 6, 1 : 'iv gvâpûv | 'iv OECTJV YéVS; * E/. p.izç ck T:VéE;J.EV | uaTpkç
àpvjpÔTspî». (cf. fgt 131). Ce passage de P inda re présente avec le
f ragment des Vers dorés une au t re concordance : le poète pytha
goricien, tout en affirmant la pa ren té des h o m m e s et des dieux,
reconnaî t qu 'e l le compor te des différences qui seront expl iquées
au disciple : yj TE ïAXCZX 5'ipyETz». fj TE xpaTîTrai. P inda re expr ime
la m ê m e idée en con t inuan t ainsi : O'.Elp | y £ l 0 = T.XOX V.VAp'.y.VJX I SUVJC-
•« » p.».;, toc TO p.£v 5'J I C-EV, 00= yxhv.ioz xoyxhiz xwt tozz | p.îvE». cjpavcc.
àXXa TI TcpcfT | cps'pop.Ev Ip.7rav y] pkyav | vssv YJTC». ç'Jc.v âOzvzTC.r (, v.xi-zz
è<pap.spiav eux SIBSTEç su | oè p.ETZ vûxTaç â'p.p.E z'zzy.zç. | 'sir; T'.v'È'vpriâ
Bpap.£èv IUSTI rcàQp.av.
Enfin, la t radi t ion py thagor ic ienne e l l e -même a t tes te ces
croyances : l 'âme est un ê t re divin, « en te r ré » dans le corps en
puni t ion de ses fautes ( Jambl . , V. P., 83 ( = Ar i s to teb Phi lolaos
dans C lém. , Strom., I I I , 17. I l ippolv te , Réf., VI, 2, 23 . Saint
J é rôme , ad Marcel, ep., 82. Euxi thée dans A t h é n é e , IV, p . 137 e.
Cf. J amb l ique , V. /A, 2 4 0 : TSV èV ÉrjTsi; OECV, 133 : xaTacsCcOce. T'S
Geîov TY;ç y'uyrjç, ûz TO atop.a. — Les ouvrages de science p y t h a g o
riciens don t A lexandre Po lvh i s to r donne des ex t ra i t s dans Dio-*
gène Laérce , VI I I , 29, affirment aussi la parenté de l ' homme avec
les dieux : àvOpcÔTrsir, sLx». ~pzz OECJç TJ*;YEVE'.XV v.xzx zz p.ET'.yE'.v
avOptoTTCv Ocpp.su (cf. I l ippolv te , Pc/., VI, 2, 23 i. L 'expl icat ion
donnée par ces physiciens est une adapta t ion scientifique de 1 an
cienne théorie fondée sur des raisons plus mys t iques . On a t t r i
bue f réquemment aux Pythagor ic iens la doctr ine que les âmes
humaines proviennent d 'une âme universel le conçue dans un
sens assez pan thé i s t ique ' . f. Sextns Kmpiricus, adv. math, ix, 127. C.icéron, rfrnat. <Iror.. 1. I I . 27.
(lato maior, 21 . 78, Ps . -P lu t , /> / . />/u/., IV, 7, l . Cet te croyance n'est pas
6 4 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Quan t à l 'orgueil leuse promesse des dern iers vers : « tu sauras
tout , tu pourras tout espérer », elle est assez ordinaire dans la
l i t té ra ture rel igieuse. Les ouvrages d 'Empédoc le é ta ient bien
plus hardis et plus précis encore , puis qu ' i l s p romet ta i en t au d i s
ciple la puissance du thauma tu rge . La l i t té ra ture py thagor i
cienne el le-même nous en offre un au t re exemple : J a m b l . , V. P.,
139 : s j Y^P stvjc. Ta ;j.kv Suvaxà TCïç Osotç, Ta oà ào'JvaTa, oiaxsp cïsa-
Gai TCùç cropucp.iVT'jç, aXXà TràvTa ouvaTa. Kai Y) àpyyj Y; ajTYj sort TGW
èTTcov, a sxeîvoi <paor p.sv eivai Aivou, sait p.svTO'. i'ao)ç èxsivarv '
sATsaGai ^pyj rcàvi'èTcet oùx ITT'OùOSV CCSATCTOV '
paSia TcdtvTa Gsw TsXsaat, xal avrjvuxov oùoév.
Ainsi expl iqués et i l lus t rés pa r la l i t t é ra ture mys t ique appa
ren tée au P y t h a g o r i s m e , ces vers se p résen ten t comme un frag
men t t rès in té ressan t , don t l 'origine anc ienne ne peut ê t re con
tes tée .
Nous avons mon t r é dans le premier chapi t re (p. 25), que le
vers 5 4 : Y^WTYJ à'àvGpoVroijç, aùGalpsTa TïVjp.aT' sy^ovTaç, déjà cité p a r
Ghrysippe, devai t être a t t r ibué à l'ispbç "kbyoç. Ce vers in t rodui t
dans les X. E . un déve loppement sur le sort m a l h e u r e u x des
h o m m e s qui ne voient point le remède de leurs m a u x et dont le
des t in mène la vie au gré de ses caprices :
TXrjp.ovaç, céc aYaGwv TriXaç OVTWV OUT èaopwtuv
GùTS XXùOUOT, Xùctv Se xa/oW rcaupoi auvwaa'.v.
TOIY; {jLOtpa (SpoToiv (oXàrcTSi ©psvaç* tîyq os xuXtvopoi
OXXOT' STC' â'XXa ©spovTai, àirsipova iUTj;/.aT S/OVTSç.
Je pense que tou t ce f ragment peu t ê t re r appor t é à la m ê m e
source que le vers d ' in t roduct ion . D 'abord les idées qui y sont
développées se re t rouven t encore dans la l i t t é ra tu re rel igieuse
dont s ' inspirent les Py thagor ic iens : la conception pess imis te de
la vie , les p la in tes sur la misère et la s tupidi té des h o m m e s qui
ne peuven t p révo i r i e s malheurs ni t rouver le chemin du bonheur ,
sont l 'un des t h è m e s qui lui sont chers . Un f ragment néo-
d'origine stoïcienne, malgré les apparences ; déjà Xénophon en est averti
Me m. (I, 4, 8 et 17, IV, 3, 14) et on peut en rapprocher une doctrine
orphique Aristote, de an., I, 5).
CHAPITRE III 65
orphique (Abel, 76) peut être comparé, mieux qu'aucun autre, aux vers des X. E. (cf. Suidas, s. v. 'Opçeoç).
6r]psç T. otwvoi TE (Spoiûv T aXrrY;p'.a çuXa cr/ôsa Y ç? EÏàwXa TETuy^va, p.v;3ap.à p-rjOÉv EISOTEç, COTE xaxofo TupoffEpyc ivco vsrjaai ©paop.ov£ç, O-JT' ârcc-Sev p.aV àxsjTps'J/ai xaxÉ-TYjToç, OUT' «Y^OOJ TcapssvTCç ÈTciffTpÉ'j'ai TE xal spçai l'Spisç, àXXà ;JWPTYJV àcaTjp,ûvsç, âTcpovirjTC'..
Un papyrus du 11e siècle av. J.-G. (Berlin, 44, Diels, Vorsokr., p . 479, 14) présente des points de contact encore plus frappants : àçpovEç av6p(i>iu9i SUœTXT .OVEç [COTE xaxcîo odaxv £7;]sp[-/sp.£vc.,j TTp]oYvw{ji.ov£ç OUT* «Yaôûio. Enfin on peut en rapprocher un fragment d'Empédocle où on reconnaît une image semblable à celle de OCXXOT' ETC' aXXa çspovTat (%t. 2, 6 : luavTÔj' èXauvôjjLEvsi).
Mais il y a des raisons plus décisives en faveur de l'unité du fragment de cinq vers. La comparaison, qui a paru singulière, des hommes avec des xûXivSpoi qui roulent en tous sens quand on les dispose sur une pente, appartient certainement au fragment pythagoricien original qui débutait par le premier vers. Elle reparaît en effet dans l'exposé philosophique où Ghrysippe, développant ses théories sur le Destin (Aulu-Gelle, VII, 2, 11) les appuie par une citation pythagoricienne qui est précisément le vers du début : YVWJY] e t c . j : « Sicut », inquit, « lapide m cylin-drum si per spatia terrae prona atque derupta iacias, causam quidem éi et initium praecipitantiae feceris, inox tamen ille praeceps volvitur, non quia tu id iam facis, sed quoniam ita sese modus eiuset formae volubilitas habet : sic ordo et ratio et nécessitas fati gênera ipsa et principia causarum movet, impetus vero consiliorum mentiumque nostrarum actionesque ipsas voluntas cuiusque propria et animorum ingénia moderantur. » In fort deinde verba haec his, quae dixi, congruentia: A'.b xal j - b :ûv IloOaYopsuirv etpYjTai" YVWœEI B'àvOpoVrouc, xjOxîpETx -r(p.xT I*/:VTXC, <ô;
TCJV fiXagàW ÉXXŒTCl TTXp'aJTCÙ; *(W0\*.VH»W XXi XXO' Cp'p.r(V 3J7t7>V â;jLXpT*-
1. La comparaison de l'homme avec le xj/avofo; se retrouve dans un autre fragment de Ghrysippe, dans Cicéron, do fato, kl ss. vv. Arnim, .Voira, 974).
DKLATTK. — LUI. pythay. •>
66 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
VOVKOV TE xaï [3Xa7r7cp.svu)v xai xaxà TYJV OCùTWV oiàvotav xai ôéaiv (von Arnim, Stoïca, 1000).
Cette coïncidence prouve que le fragment pythagoricien dont s'inspirait Chrysippe était bien le même que celui que nous ont conservé les X. E .
Les deux vers suivants :
Auvpyj yàp ŒUVOTcabb; spiç (âXàiuTOuaa XSXYJOS
aùp-ouTOç, Y)V ob Ssî Tcpodryav, eixovTa Se yeûyew,
peuvent être aussi rapportés au même fragment, car ils se présentent comme la suite naturelle du développement sur la misère humaine. Le poète rejette la faute des maux qui nous accablent sur Vïpiq qui est dans chacun de nous et qui nous suit à notre insu. Quel sens faut-il donner ici au mot êpiç ? Hiéroclès y reconnaît le sentiment d'hostilité aux lois et à la volonté divines. Jamblique (Protrept., 7) pense plutôt à la résistance que la partie déraisonnable et les passions de l 'âme opposent à la raison. Ces deux interprétations peuvent se concilier, mais c'est évidemment la seconde qui se présente d'abord à l 'esprit. La philosophie pythagoricienne reconnaît le dualisme de la nature humaine et l'opposition naturelle des passions et d e l à raison. Mais elle considère cette hostilité comme une cause de désordres et de malheurs et elle prêche l'amitié et l'union de nos deux natures, Jamblique, V. P., 69(=229) [=Ar is toxène] : çtXvav Xoytxou TS Tcpbç TOù" àXôyou oià a?i\oao<xaaç xal TYJç xaià xa'jTYjv ôswpïaç. L'homme doit établir l'accord entre toutes ses facultés et tendre à devenir un, naturellement en soumettant l 'âme tout entière à la raison : Proclus, in Aie. 7um, p . 109 C : TéXoq yap èoTiv àTcaaYjç; àp£T7jç Y) çiXta xai r{ evwaiç, xaSàîcsp o\ IïyOaYopaoi ça<rt. — Jamblique cite un précepte analogue, mais sous une forme plus imagée, V. P . , 2 4 0 : TrapVJYYeAAov yàp 6ap.à àXXYjXotç p.Yj SiacTcav TOV èv èauTOto; 9£0V. Cette formule est présentée comme un avertissement que les Py tha goriciens se répétaient volontiers les uns aux autres : rappelons que c'est souvent l'indice d'une tradition provenant de L'Ispoç Abyoq (ch. I, p . 11). Le Ô£bç èv éauTotç dont il s'agit ici, c'est l 'âme envisagée comme un être divin suivant la conception pythagoricienne. Précisément dans ce passage, Jamblique considère l'union avec la divinité (Tcpbç TOV 9£bv ë'vcxnç) comme l'heureuse consé-
CHAPITRE 111 67
quence du précepte p.Yj biaoxav TOV Gebv : l'union des facultés de l'âme exige en effet la prédominance de la raison. Or c'est la raison surtout qui dans l'âme représente la nature divine, de sorte que l'obéissance à la raison est la condition de la ressemblance et de l'union avec la divinité. C'est pour ce motif que le précepte sxou Osu est quelquefois expliqué par voi xeiOcu (Stobée, ecl. mor., 2, 7, Plutarque, de rect. aud.y 1. Paroemiogr. gr. [Diogen., III, 31, Greg. Cypr., II, 80, L. Macar., VI, 14, Aposto-lius, XII, 2] Clément, Strom., IV, 151). — Clément d'Alexandrie rapporte aussi aux Pythagoriciens le précepte de l'union intérieure : le précepte sva YcvsaOai est une invitation à dompter les passions pour parvenir à l'union avec Dieu. On peut encore assez aisément dégager la tradition ancienne des commentaires et de l'adaptationgnostique : (IV, 151) : 'JVJGTIXG); ouv s?' Yjp.aW xat xb IIuGaYopstov èXéYSTO. « sva *(evi<jQ(xi xai TOV avôpwxcv 8sîv » si; 8s TYJV àxaGstav 6soup.svoç avGpioxcç, àypavxwc p.cva8'.xbç YiVSTat- xaGirsp ouv Q{ èv GaXârTYj àxb â^xôpa; TOVoûp.svot s'Xxcuor piv TYJV zYxupxv, CjX' IXSIVYJV 8s sTcuxwvTai, âXX' ézuxoùç sxi TYJV à'Yxupav, CJTU)ç C». xaxà xbv YvwoTixbv (âiov STCiffxu)p.evoi TOV 0sbv éauxoùç sXzOcv xpocaYsp^vci Kpoq TOV 060V 0sbv Y«p b Oepzxeuwv ézoxcv Gspaxsûsi rt Y p ffwopo-œùVYJ èv xapacrxaffsi Y£ VOOUJJLSVYJ sauxYjv sxiaxoxouaa xai Oso>pooTa a8ia-XeixTwç èÇop.oioûrai xaxà cjvap.iv Gsw. — Nous nous rapprochons ainsi de l'interprétation d'Hiéroclès qui considérait Tspi; comme la résistance à la volonté divine. Bref, les passions que développe l'esprit d'hostilité à la raison et à Dieu sont considérées comme la cause de tous les maux de l'humanité (cf. la lettre de Lysis, dans Jambl., V. P . , 77 sq.). On voit que la notice de Jambl., V. P . , 218; 'ÔTi c? Gsoi TWV xaxôv siaiv àvaixict xai cxi VOJCI xai ôja XZOYJ ffiop-axcç, àxoXaorzç èrci <rxspp.aTa, est bien dans la tradition pythagoricienne.
Après tous ces rapprochements, l'unité du fragment des sept vers des X. E. apparaît comme évidente.
Dans les deux vers 61-62 :
Zsu xaxsp, YJ xcXXwv xs xaxwv Xyjsias, axavxa;, si xaorv Ssi'Jai; ci<p TCO 8atp.ovi yptfvxai,
le poète exprime un vœu : si Zeus voulait révéler à chacun la nature du 8atp.wv qui lui est donné, c'en serait Uni des maux de
6 8 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
l'humanité. Les raisons de ce vœu sont assez obscures parce qu'on ne sait quelle signification attribuer au mot cai[j.<ov. Ce mot peut désigner lame qui est un être divin, selon la théorie des Orphiques et d'Empédocle. Les poètes l'emploient volontiers aussi, par exemple Homère et Pindare, pour signifier le destin qui est réparti à chacun de nous. Enfin il peut encore désigner le « démon » (ange gardien) que chaque homme reçoit à sa naissance pour l'accompagner dans la vie : tel est le sens adopté par Jamblique dans l'interprétation de ce passage (protr. 7). Cette théorie, accueillie par les Stoïciens, se trouve déjà dans Platon et même dans Pindare ; elle paraît provenir d'une vieille croyance populaire L J'ignore si elle était totalement inconnue aux Pythagoriciens ; ce qui est certain, c est qu'on n'en trouve pas de trace dans la tradition. Ajoutons qu'on ne voit pas très bien en quoi la connaissance de la nature particulière de l'ange gardien servirait au bonheur des hommes ; il faut supposer, d'ailleurs, pour que le vœu du poète ait quelque sens que la nature du àatg-wv dont il est question ici est très différente suivant les individus et que cette différence influe sur leur sort, ce qui exclut l'hypothèse de l'ange gardien.
Si l'on adopte le sens plus rare et poétique du « destin », on trouvera dans ces vers l'expression d'un sentiment assez populaire, le désir de la connaissance de la destinée personnelle. Reste à savoir si les Pythagoriciens étaient persuadés de l'utilité de cette révélation: j 'en doute, pour ma part, car jamais on ne trouve l'affirmation 'de ce sentiment. Les théories sur la mantique (Jambl., V. P., 138) prouvent qu'ils réservaient les pratiques de la divination à la recherche des volontés divines.
J'inclinerais donc plutôt à adopter le sens oaip.u)v==<l;uYyî qui correspond à l'interprétation d'Hiéroclès et qui est plus conforme aux croyances pythagorico-orphiques. Pour Empédocle, les esprits célestes qui sont venus habiter sur la terre sont des âaipio-v£ç. Les Pythagoriciens donnaient aussi ce nom aux âmes des morts (Diog. Laërce, j VIII, 32, Aëtius, I, 8, 2, cf. Piutarque, gen. Socr., 24) et même à l'âme habitant encore dans le corps humain : Piutarque, qu. rom., 10 : Y), U>ç Kaaxwp Xiyei, xà 'Pcop.aïxà
1. Platon, Phéclon, p. 107 D. Rep.,X, p . 620 D. Pindare, 01., 12, 27. Cf. Rohde, Psyché, II, p. 310, Gruppe, Gr. Myth., p. 1091.
CHAPITRE III 6 9
TOïç YluQz^opmciç ff'jvoixsiwv, :bv iv YJJJIîV S a i g s v x cîîaOai TWV SXTST,
8£wv xai ixsTS'Jsiv, TYJ TYJç xsçaXvj; sTrixaX'jvvsi TYJV TYJç. T/VVï,; a\v'.TT3;j.sv3v
OTTO TOO o-wgaToç, ÈYxaX'j'iiv xai àTcsxp'j'inv. Une doctr ine rappor tée
pa r Diogène Laërce (VIII , 32, = A l e x a n d r e Polyhis tor ) sjsa'.gs-
veîv T ' àvGpwTcou; CTOCV àvaQyj 'J/U/VJ irpcffYsvYjTai, laisse deviner une
conception analogue du saigwv : le j eu d 'é tymologie qui ser t de
base à cet te définition est en effet £j-caigojv = àr/aGr,—'Vjyr, L
P réc i sémen t dans ce passage le mot Saéjjuov représente h la fois
deux not ions d is t inc tes , « âme » et « destin » et cet te théorie
affirme que le sort de l ' homme est réglé par la na tu re de son
âme . Les deux vers des X. E . mon t r en t le déve loppement de
cet te idée : la connaissance de la na ture de l 'âme peut influer sur
sa des t inée . C'est une adaptat ion du vieux précepte grec YVWOI
ffaoxiv que chaque généra t ion a repr is pour son compte , pour en
renouveler toujours le sens su ivan t les asp i ra t ions et les con
cept ions de son t emps . Nous sommes encore loin des théories
scientifiques de Socrate sur ce su j e t : les Py thagor ic i ens l 'ont
compr is d 'une façon plus mys t ique . « Se connaî t re » c 'est con
na î t re la na ture de l 'être divin qui habi te en nous , c 'est se rendre
compte de ses besoins par t icu l ie rs , des faiblesses contre lesquel les
il faut la pro téger , des forces dont on peu t t i rer pa r t i . Cet te
connaissance facilite la purification des soui l lures et le re tour à
la pure té or iginel le . P roc lus , in Tim., I, p . 124, i : ssxsï 5'S;J.C».Y£
xai 5 TWV IIuOaYops'.wv XSYO? gip-stc/Oai TYJV TWV A'.YDTCTtwv TîtauTtjv *~T5-
piav, b 7japajy.îuâ^(i)v Taç '-^uyà; xai TWV TrpsTî'pwv xvxg'.;j.vY)3X£3"Qx'.
(3lWV W ; OUV £V SXSIVGIÇ a'. TWV 7CpOJj£t3uO|J.£VWV àva;J.VYJ7£'.Ç T £ A £ ' . W T ' . ~
xal T(7)v (Juywv siffiv, XTX. Heureux qui pouvai t comme P y t h a g o r e
connaî t re par une révéla t ion divine toute l 'histoire de son âme !
(Hérac l ide -Pont ique dans Diog. Laërce , VI I I , ;>). C'étai t une
faveur des dieux qui assurai t le bonheur . Pou r cont inuer cet te
œuvre de sa lut , Py thagore lu i -même, racon ten t les légendes qui
nous rense ignent mieux que n ' impor te quel le notice sur les
c royances py thagor ic iennes , rappelai t à ses disciples préférés
par quel les exis tences huma ines leur âme avait passé autrefois
(Aris tote dans El ien, V. II., IV, l T e t J a m b l . , \ \ P . , 113. Cf.
P o r p h y r e , V. P . , et J a m b l . , Y. P . , 63).
1. Cel te doc l r ine pythagor ic ienne a é té repr ise par Xénocrale Aristote, top., II, G, xaOanep Ztvox'.iTT,; çT,7;V sjoaéxova é.vi: tôv TT,V y j /V ' é/ovta a~ou-8aîav 'TaûiYjv yàc éxâiToy eîvat ôatiAovcè .
7 0 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
Ajoutons qu'il n'est pas étonnant de voir ce souhait accompagné d'une invocation à Zeus. L"Iepb; Aôyoç pouvait contenir des prières, nous en avons un autre exemple. Zeus est à bon droit invoqué ici, où il est question du sort de l 'homme, puisqu'il est souvent considéré comme "présidant à la répartition des destinées (Homère, b 236, Euripide, Andr., 1269).
Les quatre vers suivants forment un nouveau fragment dont l'intérêt dépasse peut-être celui de tous les autres :
ocAAà au ôapasi, èarsl ôsfcv ysvoç èatt Ppsxoîaiv otç Upà TCpsçspouaa çûaiç oetxvuaiv exaaia. o)v si' aoi TI p.£T£axt, xpaTYJasiç, wv a£ XEASùW
è^ay.£aa;, ^U/YJV bè TïOVOV OCTUO TWVBE aawa£tç.
L'interprétation est assez difficile : les allusions du poète sont devenues obscures parce que ce fragment est privé du contexte qui l 'expliquait. Aussi ne peut-on plus dégager la signification profonde de ces vers que par des rapprochements avec la littérature religieuse apparentée à celle des Pythagoriciens.
Le maître invite son disciple à se rassurer ; la raison de la confiance qu'il veut lui inspirer, c'est que les mortels à qui « la Nature sacrée révèle toutes choses » peuvent compter sur leur parenté avec les dieux. Si le disciple est de leur nombre, il vaincra, après s'être guéri des maux qui lui ont été indiqués et son âme échappera « à ces peines ». Les mots âxb xoWbe sont une allusion à un développement antérieur du poème qui est perdu, où ces peines devaient être décrites. Remarquons qu'il est question dans ces vers du salut de l 'âme qu'on veut arracher à des dangers ; on peut en conclure qu'il s'agit des peines qui attendent les âmes impures après la mort. Pour y échapper, le disciple doit se débarrasser de certaines imperfections, selon les instructions de son maître ; c'est évidemment une allusion à la purification de l'âme des passions qui la souillent. Les Pythagoriciens considéraient cette purification comme une « guérison » et leurs exercices rappellent assez des pratiques médicales et magiques ; Jambl . , V. P . , H 0 : b r 7 P £ b . 64 ilzaic. 196 et 225 : laxpeûeiv. Olym-piodore, in Phaed., p . 6, et Anecd. Paris., Cramer, IV, 423: •zxûai (cf. Platon, Rep., II, p. 364 B, Porphyre, de abst., II, 6 0 : àxECafai). H faut donc admettre que le poète vient de décrire soit
CHAPITRE III 7 1
les horreurs de l'Hadès, soit le malheur des âmes qui ne peuvent échapper au cycle des métempsycoses et dire comme les KcOapsî des sectes italiques : xéxXcu S'èÇéiciav (Japurcevôsoç àpyakioio (Thurii, 1, 6), Quant au disciple, il échappera à ce triste sort, s'il est de la race des heureux mortels qui peuvent compter sur leur parenté avec les dieux.
Ce qui confirme cette interprétation, c'est qu'on retrouve ces doctrines et ces formules sur les tablettes d'or des Sectes à mystères de la Grande-Grèce. Lorsque les âmes des « Purs » arrivent dans l'Hadès, elles doivent, pour se faire admettre au sein des bienheureux, faire valoir leur parenté avec les dieux. Elles prononcent alors des formules qui sont comme des mots de passe magiques et qui rappellent singulièrement les vers de notre poème:
autàp k\>.oi YSVOç o&paviov' liSe o'tate xat aù-oi. (Pétélia, 7) xat yzp èywv ûp.wv YéVOç cXpisv suyogat efy.sv, âXXa |xs Motp(a) k^â^<xc<je xat âBavaxoi Osoi aXXoi (Thurii, 1, 3)
cf. Thurii, 2, 3, et inscription d'Eleutherne (Crète) BCH, 1893 (XVII), p. 122). Nous avons vu précédemment que la croyance à la parenté des hommes et des dieux et à l'origine divine de l'âme est bien pythagoricienne.
Il reste un vers à expliquer : c'est celui qui désigne le genre de mortels qui peuvent se fier à leur parenté divine. Tous les hommes sont parents des dieux, sans doute ; mais ceux-là seuls peuvent prétendre à rentrer dans leur sein qui ont reconnu leur nature divine en participant aux révélations et qui ont exalté le divin par des purifications et la pratique des vertus. C'est là le fondement de la vie religieuse des Sectes à mystère. Pour les Pythagoriciens, ce qui confère à l'homme le droit de compter sur sa parenté avec les dieux, ce sont les Révélations de la Nature Sacrée. Quelles sont ces révélations?
On ne peut songer aux révélations des mystères, dont il n'est jamais question dans la tradition pythagoricienne. Eu égard au sujet de ce fragment qui paraît traiter des choses de l'autre vie, on pourrait y voir une allusion à une description de l'Hadès. Elle faisait l'objet d'une révélation spéciale dans les sectes à mystères de l'Italie : les tablettes d'or sacrées rappellent au mort toutes les particularités du chemin à suivre, les obstacles à évi-
72 m UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
ter, les cérémonies et les mots de passe. C'est la connaissance de tous ces détails qui lui permettra d'arriver sûrement au séjour des bienheureux.
Il est plus vraisemblable cependant qu'il s'agit ici de révélations philosophiques. Ce qui distingue surtout le Pythagorisme des sectes à mystères, c'est que dans sa doctrine, la <ï>iXoffo<pia (mot qui est de son invention) [ remplace les initiations des mystères. C'est elle qui est chargée de rappeler à l 'homme sa parenté divine, de le purifier des souillures terrestres et de le délivrer du cycle fatal des métempsycoses. Ceux à qui la Nature Sacrée révèlent toutes choses reprennent conscience de leur origine et pourront en appeler à leur parenté divine lorsque le moment sera venu. Empédocle exprime aussi quelque part sa confiance dans la valeur des initiations philosophiques : 5X(3ioç oç 8£'.wv irparctotov àxT ffaxo TCâOûTCV (%t. 132).
Le fragment suivant est une recommandation qui résume les préceptes essentiels :
âXX' slpyOU PpWTWV G)V EUTCOU.SV £V T£ V.<xQ<Xp\KOÏÇ
Iv i£ X'Jast u>(YJ<; xplvwv, xal <ppa£so Ixaaxa, YJVIO OV YvwpiYjv axYjaaç xa6uTC£p9£v àpiaiYjv.
Le poète rappelle d'abord l 'attention sur les abstinences dont il a parlé précédemment. Comme on ne retrouve dans les Vers dorés aucun passage qui justifie cette allusion, c'est la meilleure preuve que ces vers ne sont pas de l 'invention du compilateur. D'autre part, ce fragment s'accommode très bien de notre hypothèse sur l'origine des parties anciennes des Vers dorés ; nous avons déjà signalé, en effet, les préceptes de L'Ispoç Aoyoç sur l 'abstinence des fèves et de la chair des animaux.
L'interprétation des mots Iv T£ xaôapu.oiç Iv TE XUœEI ^ u ^ ç xptvcov est plus difficile et on peut se demander si la tradition connue et adoptée par le compilateur n'est pas fautive. Le disciple doit, à l'occasion de ces abstinences, appliquer son jugement (xptvwv) dans les purifications et la délivrance de l 'âme. Est-ce une simple recommandation d'agir avec discernement ou une allusion à des
1. Héraclide Pontique, dans Diogène Laërce,prooem. 12, et Cicéron, Tus-culanes, V, 3, cf. Sosicrate, dans Diogène, VIII, 8. Jamblique, V. P . , 44 (=Timée) et 59. Clément, Strom., IV, 3, 9, etc.
CHAPITRE III 7 3
pratiques spéciales dont la description est perdue ? C'est une question que l'état fragmentaire du poème ne permet plus de résoudre. En tout cas, les pratiques des purifications qui ont pour but la délivrance de l'âme forment une partie importante de la philosophie pythagoricienne comme de la mystique orphique1.
Le dernier vers contient une image particulièrement curieuse : l'intelligence (sens ordinaire de yvu)p.Yj au Ve siècle 2) est comparée à un cocher qu'il faut placer au-dessus de tout. Pour comprendre cette image, il faut recourir à l'allégorie célèbre du Phèdre de Platon. L'âme y est décrite comme un attelage de deux chevaux ailés, les bons et les mauvais penchants, dirigés par un cocher, la raison. C'est sous cette image que sont représentés les voyages des dieux et des âmes dans le ciel (p. 246 sq.) tout comme la vie des hommes sur la terre (p. 233 sq.) 3 .
Il est infiniment probable que Platon a emprunté cette allégorie, comme le mythe d'Er, aux Apocalypses du vie et du ve siècle: c'est quelque récit de Vision pythagorico-orphique qui lui en a fourni le thème général. On retrouve cette comparaison dans maint fragment de littérature religieuse. Hiéroclès nous apprend que dans certains oracles le corps était considéré comme le char de l'âme et dans certains vers des Oracles chaldéens apparaît une conception analogue : Lydus, de mens, I, 11 : Taù-ry; xstl yaAivûjxi TYJV <|»UY¥Y)V OsemÇei T« Xovia (Kroll, Or. Chald., p. 52).
ypyj cVs yaXtvcjaat tyoy^yjv (Spoiov cvxa VOYJTÔV
o©pa \).r\ £Yxûp<jY) yOovl 8u<y(j.5pto, aXXà aaarôyj.
Que ce genre d'images fût familier aux esprits religieux c'est ce que prouve un fragment de Linus où un cocher qui s'appelle
4. Jambl. , V. P . , 68-110 (Aristoxène) : xâOapsi;, cf. 496, 224. Porphyre, V. P . , 32 , sq. 46. Olympiodorc, in Phaed., p. 6. Lettre de Lysis dans Jambl. , V. P . , 76 sq. Le mot Xùa-.s est emprunté à la langue religieuse, cf. Platon, /?<'/>• II, p . 364 E : 7tei0ovc£; où p.o'vov iôVôtaç, àXXà xa\ roXsi; M; xpx Xùj£t; TE xaî. xaOapuot à8ixm,u.àT(i>v 6ià Ouatùiv xal rcaiôtà; yjoovcov s t'ai [xr(v ï~'- ^'oaiv, £ÎJ'- 8È x ï ' •ceXeuTX/jaaiv. Cf. fgt. orphique, 208 Abel.
2. Cf. Diels, Parménide, pp. 100-101. Ce mot a encore le même sens dans un fragment des 'Axoùaraxta pythagoriciens, Jambl. , V. P . , 82 (Aristote) : ti XpÔTlTCOV ; — yvoiiAT).
3. Dans le Pùnée, p. 41 n, et p. 44 K, le corps est appelé o-/r(\ia ; c'est une allusion à l'allégorie du Phèdre.
7 1 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
le désir dirige l'attelage des mauvais instincts L Dans un récit apocalyptique dont les traits principaux sont empruntés à un pythagoricien assez récent, apparemment du me siècle av. J.-G. 2, Plutarque décrit la vie de l'âme avec des images semblables : toute âme participe à la raison : celle-ci qui brille comme une étoile et dont le vrai nom est Baqxtov (théorie pythagoricienne, cf. supra), émerge des corps et se tient au-dessus de la tête de l'homme, lorsque celui-ci est vertueux. La raison dirige la partie irraisonnable de l'âme comme un cocher son attelage, par les rênes et le frein : l'obéissance de l'attelage ne s'obtient que par une nourriture et une éducation spéciales, suivant la doctrine pythagoricienne A
Cette allégorie a passé aussi dans la littérature profane : dans le Manuel de l'école d'Isocrate, ad Demonicum, 32, la raison est comparée à un cocher et l'âme qui en est privée à un attelage qui s'est débarrassé de son conducteur et qui erre à l'aventure. Enfin, ces conceptions doivent être comparées à certaines scènes gravées sur des anneaux d'or qui proviennent d'Etrurie, mais dont le style suppose des originaux ioniens du VIe siècle av. J.-C. (Furt-wângler, Ant. Gemmen, I, t. 7, nos \ à 5). Ils représentent des attelages merveilleux composés soit de deux chevaux ailés en pleine course (1), soit d'un cheval et d'un sphinx (2), d'un lion et d'un sanglier (3), ou simplement de deux chevaux ordinaires
4. S tobée , flor., V, 22 : VYJSùV [AèV TipcoTiaT' oua^pwv SoSxsipav àrcavciov r]v è7ûi0up.ia yjvcoyet p.àpyotot yaXivoîç.
2. Plutarque, gen.Socr., 19 sq. Simmias deThèbes , le disciple de Philolaos, raconte qu'un de ses amis nommé Timarque descendit dans l 'antre de Tro-phonios et qu'il visita les Enfers. Simmias répète la description qu'il en fit à son retour à la lumière. L'origine pythagoricienne de ce récit n'est pas douteuse : les personnages de ce dialogue sont tous des disciples des Pythagoriciens : Epaminondas (cf. Aristoxène dans Jambl., V. P., 250, etc.), Simmias (cf. le Phédon de Platon) et Théanor le Pythagoricien. Timarque appartenait au même cercle philosophique que Simmias et Cébès (§ 24). Le sujet même du récit, une xaTaj3a<7tç si; "AiBou (cf. Diog. Laërce, VIII, 21, 38 et 41), les grandes lignes de la description de l'autre monde, les principales doctrines (l'arithmologie, la métempsycose, l'harmonie des sphères, la démonologie, etc.) nous ramènent encore au Pythagorisme. Théanor appelle ce récit (§ 24) : Xo'ro; r'epo; zoù aauXoç (ov) àvax£ia6a'. TW 0£to anrçjxi yprjvat.
3. Cf. encore Simplicius, in Arisl. de caelo, II, 9, p. 469, 7 : qui explique par une image semblable le miracle par lequel Pythagore entendait l 'harmonie des sphères.
CHAPITRE III 10
(4 et 5) qui traîne un char d'où un homme les dirige. Dans le n° 2, l'attelage est précédé d'une Sirène retournée vers lui* elle tient une fleur de lotus et est couronnée de la même fleur, symbole de la vie des Bienheureux. Dans le n° 3, c'est un démon ailé portant un rameau qui montre le chemin ; dans le n° 4, une femme qui court; dans le n° 5, un cygne, oiseau céleste. On trouve encore un sujet analogue sur un anneau du Louvre (n° 406) où une Sirène précède encore le char. M. Weicker1 qui a étudié ces représentations en a parfaitement dégagé le sens : comme l'indique la présence du démon ailé ou de la Sirène servant de guide et portant le symbole du couronnement céleste, ces anneaux représentent le voyage d'un bienheureux vers l'Elysée 2.
Il ne paraît pas douteux que ces documents archéologiques expliquent les textes que nous venons de citer. A l'origine, il ne faut supposer aucune allégorie : le héros sur le char merveilleux, c'est le mort qui va faire son entrée triomphale dans l'Hadès. Ce n'est que par un travail inconscient ou réfléchi de la pensée religieuse et philosophique que, plus tard, on a pu considérer l'ensemble de l'attelage comme l'image de l'âme humaine : le conducteur du char a représenté alors la raison, les animaux qui le traînent, les penchants naturels de l'âme.
Revenons à l'allégorie du Phèdre. Après avoir décrit les processions des dieux dans le ciel et les voyages qu'ils accomplissent dans le but de se nourrir des pures essences, Platon ajoute que les hommes s'essayent à les suivre : p. 248 a: xxi CJXSç JJL'SV OSWV
ptoç* ai SaXXai eVj/ai, Y} U/EV apiaxa 6 s M ïTZG p.sv rt y.a 1 £ '. xacjJiÉvr; ÛTueprjpsv sic xbv s'cjw XSTCSV XY;V xoy YJVIO OU xsçaXYjv xxX. p. 248 c : 6sop.6ç x' 'Aàpaaxsiaç, OCE, YJXIç àv Crjyyj 8 s M bjuvcTrabb; vîvsp. éVY;
xaxfôx; TI xôv àXrjGârv \J.éypi xs xfjç sxÉpaç, TxspisSsu £ivxi i-r({i.£va xâv âel xoîixo ouvyjxat lueneîv, àsl àgXaêrj sïvai. L'âme qui ne peut suivre
4. Der Seelenvogel in der Litteratur und Kunst (1902;, p . 121 sq. 2. Un fragment d'Euripide (911 N.) représente les Sirènes dans ce rôle
de conductrices des âmes :
^pvasai ùr\ pot r.xic-j^î; -soi wôifo xaî xx SetprjvfDV ^xspo'evxx r:iÔ'.Xa (3âaopat t ' et; aiOéptov no'Xov ipOet;
Sur une gemme de Dresde ^WedcJu11'» o/>. cit., p. 7. iïg. 3), on voit une Sirène qui porte le Kcnjkeion, symbole de son rôle de ^u/onouro;
7 6 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
les dieux finit par tomber sur la te r re , après avoir pe rdu ses
ailes,, et elle commence une série d ' incorpora t ions et de m é t e m
psycoses . Nous t rouvons ici la vraie signification des formules
py thagor ic iennes : s'icso-Gai KO Oeoj, àxoAouOsîv TW Geô, gaSiÇeiv izpoq
T î ù ç OSCJç, cp.'.A(a Tzpbq TCV Gsbv, scJGp.cicjo-Gat /.ai' è'çsaiv xai àTropiu/fiarv
: : î ; cùpavbiç ( Jambl . , V. P., 66), crp/istzïz icpoç ic Gsîov, 6p.oi(o<nç
GîCU et du v e r s : xauia a£ TYJç GEI/Jç àpETYjç, sic r/via GYJœEI, qui
r é sumen t la morale py thagor ic ienne . Elles ne s 'expl iquent que
par l 'hypothèse d 'une al légorie semblable à celle de P la ton . Dans
le P h è d r e , l ' âme parvient à suivre les d ieux et à leur ressembler
quand les deux chevaux obéissent au cocher, c 'es t -à-dire quand
la par t ie i r ra isonnable de l ' âme se laisse dir iger par la ra ison.
C'est 'de la m ê m e façon que les Py thagor ic iens expl iquaient le
précepte ITTOU GEO) par vw xsiGcu parce que l 'un est la condition de
l ' au t re (cf. sup7*a).
Enfin, l 'al légorie p la tonic ienne , emprun tée à la l i t t é ra ture re l i
gieuse du ve siècle, nous donne sans doute encore l 'explicat ion
du ve r s obscur (64) : oîç Êspoc lupoçépouffa ©uoiç SEIXVUœIV exaora. Les
process ions des d ieux et des mor te ls dans le ciel ont pour bu t la
contempla t ion des essences i m m u a b l e s . Si l 'on me t à p a r t i e t ra i t
p u r e m e n t platonicien de la théor ie des Idées , on peu t dire que
cette concept ion, elle aussi , a son origine dans la phi losophie
py thagor ic ienne . P la ton paraî t avoir s implement adapté les
anciens réci ts aux nouvel les doct r ines . La contempla t ion des
Idées est t rès loin des spectacles re l ig ieux et des plaisirs p lus
sensibles dont les Orphiques composaient leur paradis ; ma i s la
contempla t ion de l 'ha rmonie et des lois de l 'Univers dans laquel le
P y t h a g o r e , au témoignage d 'Héracl ide Pol i t ique l, plaçait le
bonheur sup rême , est tou t à fait comparab le à la doctr ine p l a to -
1. Clément d'Alex. Strom., II, 130: LTuGayopav 8'ô JJovitxoç, cHpaxXet8rjç laio-osî TTJV £7:taTrj|j.r]v TTJç leXsioiyjioç TWV àpiOpuTiv xrjç ^w/j\ç soBoupioviav TcapaBeSwxévai. Un des plus grands plaisirs des Bienheureux est d'entendre l'harmonie des astres, Plutarque, de facie in orbe lunae, 29, 5 (cf. Platon, Rep., X, p. 617 c, Jambl. , V. P., 66, Cicéron, Somn. Scip., 5, etc.). Enfin, les hommes purs et d'une nature supérieure comme Pythagore peuvent percevoir cette harmonie même de leur vivant (Aristide Quintilien, de mus., I II ,p. 146. Porphyre, V. P., 30, Jambl., V. P., 66. Simplicius, in Arist. de caelo, II, 9, p. 463 et •464). Un passage de Simplicius, p. 469, 7, est particulièrement instructif parce que pour expliquer ce miracle, il reprend les termes de l'allégorie de
CHAPITRE III 7 7
nicienne. On pourrait donc considérer les révélations auxquelles le poète fait allusion au v. 64, comme des révélations philosophiques * et les replacer dans l'allégorie du Phèdre. Gomme le dit Platon, elles assurent à l 'âme un sort heureux : la promesse
du poète : àXXà cù Oapagt Çrjyyjv ce irsvwv àxc TGWSS cauWgi;, doit être expliquée par le passage correspondant de Platon, p . 248 c (cf. supra). Les peines auxquelles Pâme du disciple échappera sont donc bien, comme nous l'avions présumé plus haut, les malheurs des réincorporations et les châtiments infernaux.
Les deux derniers vers des X. E. sont une promesse d'immortalité :
rp o'àxoXei^aç <Jà>u,a gç al8gp' èXgj8gpov £X8Y;ç,
sffaeai âôàvaxoç 8gcç ap-PpoToç, ojxgxi 8VYJTî;.
On a quelquefois dénié à ces vers une origine pythagoricienne 2 parce qu'il n'y est pas fait mention de la doctrine de la métempsycose. Remarquons que le poète suppose précisément que l'âme du disciple, purifiée et devenue parfaite, a échappé au cycle des métempsycoses. La condition e6t nettement exprimée : « si tu parviens, après la mort, aux hauteurs du libre éther. » C'est une croyance commune aux Orphiques et aux Pythagoriciens, à Pindare, Empédocle et Platon, ainsi qu'aux Sectes à mystères de l 'Italie que l 'âme complètement purifiée peut reprendre place parmi les Bienheureux. Les hommes de science pythagoriciens dont Alexandre Polyhistor donne des extraits dans Diogène Laërce, VIII , 31 , admettent aussi que l'âme du juste est conduite après la mort au plus haut du ciel, évidemment dans le ther ,
l ' a t te lage cé les te : a Se xtç xoù TOUTO Tô <jwp.a xà ÈTct'xTjpov I^CTT^UêVO; -.6 X J T O C -
8èç aùxou x a l o ù p a v i o v oyr]u.a xaî xàç £v aùxr; ataQr;aa; xixxOxsar/x; T/O.T( T]
&V eùjxotpiav r] oi' eùÇunav, r] rcpô; TOUTOIS otx tepxTixf,v xeXeatoypytav, OJTO; àv loo-.
t a T O I ç aXXoiç à d p a x a xaî àxouaoc xcov T O î ; àXXotç à , àxououevrov (.'»ar:£p
ô nuôaydpaç îaTdpT)xat.
1. Comparez les révéla t ions cé les tes auxque l l e s Pa rmén ide a é té admis
par la déesse Diké (fgt. 1).
2. J e ne m 'a r r ê t e pas à des object ions g r a m m a t i c a l e s : j e m'en réfère, à
ce su je t , aux déc la ra t ions du débu t . Déjà au v. OR, on a signalé dans le
mo t èÇaxéaa; une forme act ive cont ra i re au bon usage ^la forme active du
verbe s imple kxiio paraî t ê t re p ropre aussi à que lques médeeinsV Au
vers 70, la forme de l 'Aoris te I xr.oXii^x; n 'est pas c lass ique non plus . Cobet
la cons idère comme une forme popula i re . J 'y verra is plutôt un de ces p ro-
vincial ismes qui ne sont pas ra res dans la l i t t é ra tu re rel igieuse.
7 8 UN DISCOURS SACRÉ PYTHAGORICIEN
l 'élément le plus pur et le plus extérieur au monde (cf. aussi Plutarque, de plac, IV, 7) . Une citation de Jamblique rapporte une doctrine plus conforme encore à notre fragment (Stobée, ecl. phys., 41 , 65) ùffaJxwc u,èv c5v icepl XYJ; OIXYJç, O». pAv TraXaioispoi xàç àypavxouç ^UX^Ç x a t T^Ç ° JAOVOYJTIXôç cuvapGEiaaç xoiç GsoCç (expression pythagoricienne, cf. supra) èvx£uGev yjByj xoiç OSOIç èvxiGiaui xat èxjâatvouaaç aveu XYJç SIXYJç àvaycuff'.v s'1? T0'^? Gsoûç. Ajoutons encore un passage de Maxime de Tyr qui, à cause des expressions imagées et poétiques, mérite d'être cité : phil., X, 2 : Il'jOayipa; £x5Xp.Y)cr£v sfrceiv oxi auxô xb U,SV Œwp.a -sOv^siai, YJ 8S <|>uyrj àva-xa^a oVyTjffsxai àGavYjç xat àyYjpwç, et un fragment conservé par
Hippolyte, réf. VI, 2, 2 5 : Xsyst 8s rioGayopaç xàç ^oyàç xwv Ç(oa)v axé TG)V àaxpwv çépeaGai àviaxasGai 8s xat ytvsaOat àGavaxouç oxav xiï>v a(o;j.axwv aTcoAuQwp.sv. La comparaison avec les théories d'Empédocle et des Sectes à mystères prouve que cette doctrine n'est pas empruntée au néo-pythagorisme.
La promesse du dernier vers : laasat âGàvaxo; Osbç àp^poxoç, o'jxsxt GVYJXOç, dont les termes pourraient paraître exagérés et indiquer une origine tardive, est conforme au contraire à des croyances religieuses très anciennes. Empédocle enseigne qu'après leur dernière incarnation, les âmes qui se sont purifiées complètement en passant par l 'état de médecin, poète sacré ou devin, retournent parmi les immortels et deviennent des dieux (fgts 146-147
et? 8s xsXoç piàvxaç xs xai ûp.voxoXoi xaltYjxpot xal 7cpo{JLoi àvOpwTTOiaiv sxryGovîouTi TusXovxat è'vGsv àvapXaffToTjat Gsol xipÀjax çspurxoi, àGavaxoiç àXXotarv cp.s<jxiot.
Lui-même dans l'exaltation de sa conscience de prophète s'appelle Gsbc àp.£poxoç ouxsxi GVYJXOç (112, 4). Cette expression paraît avoir été une sorte de formule consacrée ou de mot de passe magique par lequel le défunt affirmait sa dignité et ses droits au paradis, comme on le lui enseignait dans les Sectes de la Grande-Grèce. Précisément on en retrouve une variante dans les poèmes de ces Confréries (Pétélia, v. 10) :
xai xéx' ë'xeix1 aXXoici p.sG' Vjpueroi avâçsiç. Thurii, 1, 10 : sXjâis xai p.axaptaT£, G£b; c'è'crYj âvxi fipoxoiz.
CHAPITRE III 79
Thurii, 2, 2 : wç JAS irpôçporv TCSIAYTJ ïopaç elç c'jaY£<ov>TG)<v>. Thurii, 3, 4 : 6sbç èvsvsu èç «v pwTusu.
*
Concluons. Toutes les parties des X. E. dont l'origine pythagoricienne est certaine doivent être rapportées à l'Tepcç As-'cç, non seulement parce que ce poème est la source principale du compilateur, mais encore parce que ces fragments s'y rattachent aussi bien par la forme — un discours en vers du maître au disciple, — que par la doctrine. Ajoutons que l'Tepsç Asys; résume toute l'activité poétique des débuts du Pythagorisme : c'est donc à bon droit que nous le complétons par ces fragments qui présentent tous les caractères d'une antiquité remarquable. La plupart des croyances et des préceptes que nous y avons retrouvés attestent en effet un stade de développement philosophique qui est dépassé depuis longtemps au ive siècle. Les règles d'abstinence, la prédominance du point de vue religieux, les doctrines sur l'âme et l'autre vie nous reportent à un Pythagorisme primitif, beaucoup plus proche, par l'ensemble de ses conceptions, des anciens Orphiques, de Pindare et d'Empédocle que des Pythagoriciens contemporains d'Aristote. Cette remarque ne fait qu'accentuer l'identité d'origine de tous les fragments rattachés au premier noyau de rTepc* Aôyoç qui paraît appartenir aux débuts du Pythagorisme.
II
LA LETTRE DE LYSIS A HIPPARQUE
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i t. i *
LA LETTRE DE LYSIS A HIPPARQUE
Pour l'étude des problèmes d'authenticité qui abondent dans l'histoire de la littérature ancienne, aucun genre littéraire ne présente autant de difficultés que le genre épistolaire : aucun non plus n'a souffert comme lui de ces subites volte-face de l'opinion qu'on pourrait appeler les modes de la critique.
Après une longue période où les philologues ne songeaient même pas à se poser la question d'authenticité, le travail de Bentley sur les Lettres de Phalaris (Londres, 1777) provoqua dans ce domaine un revirement complet. Plus ou moins consciemment, on étendit ses conclusions à toute la littérature épistolaire ; on pensa désormais que pour un genre où les apocryphes étaient si nombreux, la preuve d'authenticité s'imposait préalablement à toute autre étude. On adoptait ainsi une méthode contraire aux habitudes qui font loi dans les questions de critique littéraire, car il incombe généralement à celui qui est en désaccord avec la tradition antérieure de justifier son at t i tude. Ce n'était pas sans raison, d'ailleurs, qu'on rompait avec cette coutume; mais on alla plus loin. Le réquisitoire de Bentley jeta le discrédit sur toute la littérature épistolaire, si bien qu'on délaissa entièrement — ou peu s'en faut — l'étude des problèmes qu'elle soulevait. Il devint de bon ton de considérer comme évidemment apocryphes toutes les lettres que nous a léguées l 'Antiquité. Pourtant , porter une sentence de condamnation aussi générale, c'était tomber d'un excès de crédulité dans une hyper-critique stérile.
On en revient d'ailleurs. Depuis quelque temps, non seulement l 'étude de ces lettres retient davantage les philologues, mais le radicalisme d'an tan commence à paraître un préjugé désuet et vieillot dont l'esprit de nos meilleurs critiques se libère de plus cri plus. Ce n'est pas sans succès qu'on a étudié en ces dernières années les lettres de Démosthène, d'isocrate, d'Kpi-
8 4 LA LETTRE DE LYSIS
cure et, avec moins de bonheur pourtant, les lettres platoniciennes qui forment un des gros problèmes de l'histoire littéraire '.
A supposer même qu'on n'arrive qu'à des conclusions négatives dans le débat des questions d'authenticité, ces travaux offrent encore un autre intérêt. Tout document transmis mérite d'être étudié quant à son origine. Les apocryphes ont, eux aussi, une histoire, et le rang qu'ils tiennent dans la tradition littéraire peut leur donner une importance supérieure à celle de certains documents authentiques.
C'est ainsi que la littérature épistolaire tient une place considérable dans l'élaboration, par les biographes grecs, de l'histoire philosophique. Quand un heureux hasard nous a conservé les documents que compulsaient les écrivains alexandrins, il nous est encore facile de reconnaître l'intérêt particulier qu'ils at tachaient aux lettres des philosophes et la riche information qu'ils en savaient retirer.
L'étude de cette littérature doit donc être liée intimement à celle de la biographie alexandrine. De son côté, la fortune de l'histoire de la philosophie grecque, autant en ce qui concerne les théories que la vie des penseurs, me semble dépendre entièrement du sort des études sur la tradition historique. Faute de savoir ce qu'Aristoxène et Dicéarque, par exemple, ont pensé des philosophes ioniens et dans quelles conditions d'information leurs biographies ont été écrites, il nous est impossible de distinguer les bornes entre lesquelles nos connaissances scientifiques sont condamnées à évoluer. Aussi un des premiers devoirs de l'his-
1. L'article Brief dû à la plume de Dziatzko dans la Real-Encyclopadie de Pauly-Wissowa, V, p. 836, donne de bons renseignements sur la l i t té-
0
rature épistolaire en général. Une étude de Ch. Huit, Les Epistolographes grecs, parue dans la Revue des Etudes grecques, 1889, p . 149-163, quoique moins originale, n'est pas non plus sans intérêt. Il est bon aussi, pour se rendre compte des progrès de ces études, de consulter Usener, Epicurea, p. XXXVII (cf. von Arnim, dans Pauly-Wissowa, Real-Encycl., XI, p. 140); Gomperz, Les Penseurs de la Grèce (trad. Reymond), II, p. 209, n. 1 (sur Platon) ; von Wilamowitz, Arisloleles und Athen, II, p. 391 ; Blass, Die altische Reredsamkeit (2« éd.], III A, p. 439-455 et III B, p. 375. La polé-miqu • de ces deux savants (parue dans Vllermes, 1898, et le Rhein. Mus., Ih99j a nïis au point certaines questions de méthode. Les travaux sur les Lettres de Platon, et en particulier la septième, ne se comptent plus.
A HIPPARQUE 8 5
toire philosophique est-il de reconstituer l'œuvre des biographes et surtout de rechercher les sources auxquelles ils ont puisé.
Dans mes études sur les origines de l'histoire pythagoricienne, j 'a i remarqué qu'une lettre avait profondément influencé la tradition historique, au point qu'en l'utilisant, certains biographes en avaient tiré une conception assez particulière de la réforme pythagoricienne. J'ai pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de souligner par un exemple la signification de la littérature épisto-laire en général; par la même occasion, nous pourrons éclairer sur un point donné les origines mêmes de l'histoire pythagoricienne.
Il s'agit d'une lettre de Lysis, un pythagoricien du vc siècle av. J . - C , à Hipparque, un de ses coreligionnaires. Par un phénomène assez rare et qui a échappé à l'attention de tous les critiques, il nous en a été conservé plusieurs versions L
La première est celle que Jamblique rapporte dans sa Vie de Pythagore, à la suite d'un long extrait d'Apollonius de Tyane, aux §§ 75-78 (éd. Nauck). Comme cette lettre est appelée dans les intentions du biographe à témoigner de la véracité des renseignements sur la Société pythagoricienne, elle provient évidemment du même auteur que l'exposé qu'elle doit justifier'2.
1. Il serai t cur ieux de suivre , à t ravers la philologie m o d e r n e , les variat ions de for tune qu'a sub ies ce t te l e t t r e . Au xvm° siècle encore , Bar thé lémy, dans son Voyage d'Anacharsis en Grèce, III , p . 193, n. 1 éd. Hache t t e , 1860), la cite sans dou t e r de son au then t i c i t é . Bh. Smi th , dans le Diction, of greek and roman Biogr. and Myth. de \ Y . Smith 11816 , II, p . 872, la cons idère par cont re c o m m e apoc ryphe . Rôth, Geseh. uns. ahend-
liind. Philos., II, p . 006 et note 917, la t ra i te c o m m e un document au thent ique et impor tan t , qu' i l s'efforce de îvcons t i tuc r en mélangeant les deux vers ions . Enfin, le grand phi lologue II. Diels, Fragm. der Vorsokratiker,
I, p . 30, 20, sans d i s t inguer non plus les deux t rad i t ions , n'y voit qu ' une publ icat ion apoc ryphe .
2. Ë. Rohde, Die Quellen des Jambl. in sein. Biogr. des Pythag., Bhein.
Mus., XXVII, p . 32 (je renvoie à cet a r t ic le , Bhein. .Uns., XXVI, p . ."».">! et XXVII, p . 23, pour la quest ion des sources des b iographies de . lamhliquc et de Porphyre) croyait plutôt que ce l le le t t re était un emprun t à la biographie de Nieomaque . Celui-ci compulsai t les nuivres d ' I I ippobotos , un compi la teur qui parait avoir connu la l e t t re de I.ysis, d 'après une citation de Diogène Laërce , VIII, i2 . Bolide estimait donc que J ambl ique tenait p robab lement ce documen t d ' I I ippobotos par l ' in termédiaire de Nieomaque. — Diverses raisons nous empêchen t de nous rallie à son avis. Nous ver rons
Sli l.A I.KTÏRK l)K LVS1S
Mais l'étude des sources de ce passage nous permet même de remonter plus haut qu'Apollonius. Cet auteur, en effet, emprunte la plupart de ses informations et en tout cas celles qui figurent dans ces pages à Timée, l'historien du ive siècle L Reste à voir si notre lettre aussi peut se prévaloir d'une tradition aussi lointaine et aussi honorable.
On peut en effet expliquer diversement sa présence dans l'œuvre d'Apollonius. Ce biographe a pu l 'emprunter avec le reste de sa documentation h l'histoire de Timée qui aurait cité ainsi l 'une de ses sources. D'autre part les concordances remarquables qu'on peut établir entre ce document et le récit de l'historien pourraient faire croire qu'elle est l 'œuvre d'un faussaire mettant à profit les renseignements de Timée. La première hypothèse paraît plus vraisemblable à celui qui connaît les sources et la méthode de travail d'AjDollonius ; mais ce n'est là qu'une présomption et il convient de la mettre à l 'épreuve.
Bien que certaines comparaisons montrent clairement que Timée s'est inspiré de la lettre ou qu'un faussaire a utilisé son Histoire, il s'en faut que les passages parallèles soient identiques. Les renseignements que nous donne la lettre sont voilés et peu précis. L'information de Timée paraît au contraire claire, exacte et systématique. Nous ne retrouvons pas dans le document les détails de l'Histoire, ce qui serait arrivé si un faussaire l'eût utilisée pour composer la lettre. Par contre, les renseignements de Timée, comparés aux vagues allusions de Lysis, en paraissent être des conclusions forcées et trahissent le travail de systémati-
d'abord que le passage en question de Diogène se rapporte à une version différente de la lettre. D'autre part, si l'on compare les renseignements qu'Apollonius nous donne dans les paragraphes précédents avec le contenu de cette lettre, on trouvera qu'il ne fait que citer ses sources en produisant ce document. Cette lettre semble, par ses allusions, prouver l'existence dans la Société pythagoricienne : 1° d'un noviciat (Jambl., V. P . , § 76 = Apollonius, ibid., 72); 2° d'une excommunication spirituelle (75 : isôvaxa; = Apollonius, 73) ; 3° d'un système de purification des passions (76-78 = Apol. 68) ; elle atteste aussi la vénération extraordinaire des disciples pour Pythagore (76 : 6 Sauxdvio; àvr,p = Apollonius, 255).
•1. Comparez avec Diogène Laërce, VIII, 10-11 où Timée est cité. Je renvoie aussi à mon article sur un Nouveau fragment de Timée, paru dans la Ifpvue de Vînstr. puhl, en Belg., 1909, p. 95.
A HIIMWKQI K S7
sation d'un historien1. C'est donc évidemment Timée qui s'est inspiré de la lettre pour en tirer toute une conception spéciale de la Réforme pythagoricienne et représenter la Société avec son organisation de confrérie et son enthousiasme religieux. La version de la lettre conservée par Jamblique, que nous désignerons dorénavant sous le nom de tradition A, peut donc se prévaloir de l'autorité d'un des grands historiens du ivp siècle.
Certains manuscrits, dont Hercher a publié le texte dans sa collection des Epistoloyraphi graeci 2, nous présentent une autre version que nous pourrons appeler tradition B. Sans doute, dans l'Antiquité même, elle a été extraite, pour être recopiée séparément, de l'un de ces Recueils de Lettres qui abondaient chez les Anciens, probablement d'un Recueil de Lettres pythagoriciennes comme devaient en connaître les auteurs de Diogène Laérce3.
Il s'agit bien de la même lettre de Lysis, mais on remarque entre les deux versions de notables divergences. La tradition B se distingue de A à la fois par le texte, qui offre de nombreuses variantes, et par le plan, qui présente les idées dans un ordre un peu ditférent; enfin, deux passages nouveaux y servent l'un d'introduction, l'autre de conclusion.
Ces constatations ne permettent pas de douter des rapports des deux versions et elles prouvent que l'une des deux est le produit d'un remaniement. Peut-on hésiter dans son choix? La version A a sur l'autre l'avantage incontestable d'une tradition antique ; B au contraire pourrait difficilement et dans l'hypothèse la plus favorable, remonter aussi haut ; en tout cas, nous n'en avons aucune preuve. On ne peut supposer, d'ailleurs, que Timée ait voulu publier une édition nouvelle de la tradition B en bou-
1. C'est ainsi que d'un passage de la lettre v7'i : tiOvxxa; Timée parait avoir tiré la légende de l'excommunication spirituelle (Jamblique, Y. P., 73 . De la répétition de certains mots (TTJVO; pour désigner Pythagore) il conclut à une coutume pythagoricienne [ibid., 2r>!>). Kntin, comme la lettre semble attester l'existence d'un noviciat dans la Société, Timée en a conçu tous les détails d'une organisation systématique (Jamblique, Y. P., 72 . Ht ainsi de suite.
2. Paris, Didot, 1873 ; p. 001 sq. Cf. les notes critiques «le cette édition. 3. Non seulement ils ont connaissance de la lettre de Lysis ^VIll, i 2 \
mais d'une correspondance de Télaugès VVIR» •'** e l "*'» d'Arehytas VVI11, 80) et peut-être de Théano i VIII, 43Ï, cf. Hercher, op. cit., p. 000.
8 8 LA LETTRE DE LYSTS
leversant l'économie du plan et en y faisant des coupures. Un tel procédé est incompatible avec le caractère d'un historien consciencieux et, de plus, persuadé de l 'authenticité de la lettre de Lysis. La tradition B n'est donc qu'une refonte de A postérieure à Timée.
Diogène Laërce qui a conservé un fragment peu étendu de notre lettre ' paraît avoir connu la tradition B dans un texte un peu différent. La formule finale de ce fragment (xai xauxa yuvà) pourrait n'être, il est vrai, qu 'un résumé de la phrase correspondante de B ; celle-ci était nécessaire pour l'intelligence du contexte, mais un biographe qui ne s'intéressait pas à la suite du discours (on n'y parle plus de Damo) a pu songer à l 'abréger en quelques mots. D'autre part la suscription est un peu différente, puisqu'elle porte : « à Hippase 2 ». Sommes-nous en présence d'un nouveau remaniement de la lettre ? Devons-nous plutôt attribuer ce changement à un compilateur persuadé que cette correspondance s'adresserait avec plus de raison au pythagoricien Hippase, plus illustre qu'Hipparque 3 ? Il serait téméraire de se prononcer.
Il nous faut maintenant reprendre successivement les deux 4
versions de la lettre pour en déterminer la valeur et en rechercher les origines.
1. VIII, 42 (éd. Cobet). 2. Diels, Fragmente der Vorsokr., I, p. 29, 6. 3. Il passait d'ailleurs pour avoir manqué comme Hipparqne au précepte
pythagoricien du secret. Cf. Jamblique, V. P., 88. H. Diels, qui nedistingue pas les deux versions, voudrait croire que la tradition a confondu le nom d'Hipparque avec celui d'Hippase. Cette confusion a pu se faire, mais postérieurement à Timée. D'autre part, E. Rohde (Bhein Mus., 1879, p. 262), estime qu'Hipparque et Archippe, un autre pythagoricien du même temps (Jamblique, V. P., 250), sont un seul et même personnage. Cette hypothèse est contraire à la tradition historique.
4. D'autres auteurs encore que Jamblique et Diogène nous ont conservé des restes de cette lettre. Clément d'Alexandrie (Strom., V, 57 (Stahlin) en cite un fragment dans une forme non dialectale ; mais il est impossible de distinguer quelle tradition il a connue. Synésius (Epist. ad Herc, 143, éd. Hercher, Epist. graeci, p . 727j en rapporte aussi les premiers mots. Enfin, nous en trouvons encore quelques lignes, à propos du secret philosophique des Pythagoriciens, dans Nicéphore Gregoras, Hist. byz., VIII, 7, p. 322.
A HIPPARQUE 89
TRADITION A.
Le sujet. — Lysis annonce lui-même dès les premiers mots le motif de sa lettre : il a appris que son correspondant, au mépris des instructions de Pythagore, enseigne publiquement la philosophie, sans se soucier de choisir ses élèves et de les munir d'abord d'une préparation morale. Lysis s'indigne et menace le coupable d'une sorte d'excommunication. Mais prenant immédiatement le ton de la persuasion, il va s'appliquer à convertir Hipparque. Pour cela, il expose la théorie de Pythagore sur l 'enseignement de la philosophie : le jeune disciple ne devient digne de recevoir ses leçons et apte à les comprendre et à. les aimer que s'il apporte un cœur pur de toute passion. Lysis oppose à ces idées le système des autres philosophes de l'époque qui dédaignent la culture morale et s'adressent aux premiers venus. Pythagore, au contraire, estimait nécessaire de donner à ses élèves une préparation morale, de les purger des désirs sensuels qui empêchent l'intelligence de s'affiner et de s'élever à la compréhension des sciences et de la philosophie. C'est a bon droit qu'il défendait ces idées, prétend Lysis, qui termine sa lettre en signalant tous les méfaits des passions et en imposant au disciple qui aspire à la philosophie, le devoir de les combattre sans merci.
Tel est, dans ses grandes lignes, le contenu de cette lettre, dont le sujet paraîtra fort curieux.
Les correspondants. — L a tradition historique nous a conservé peu de renseignements sur les deux correspondants. A vrai dire, la personnalité d Hipparque nous est complètement inconnue, à part ce que cette lettre nous en révèle. Clément d'Alexandrie cependant lui consacre une brève notice dans les Strornafes ' : il assure qu'il fut considéré comme mort, c'est-à-dire excommunié par les Pythagoriciens pour avoir révélé les doctrines secrètes de leur Ecole. Mais ce n'est là sans doute qu'une conclusion tirée d'un passage de la lettre à laquelle Clément, précisément en cet endroit, vient d 'emprunter quelques lignes.
D'autre part, Stobée nous a conservé un fragment d'un -£sî
1. fol. Stiîlilin, V, !i7.
0 0 LA LETTRE DE LYSIS
ejOupiaç qu'il attribue au pythagoricien Hipparque '. Nul doute qu'il ne s'agisse ici d'un de ces ouvrages apocryphes dont les fragments pullulent dans le Recueil de Stobée. Ce qui nous con-iirme dans cette opinion, c'est que certain développement de cet ouvrage d'Hipparque concordait singulièrement avec un passage de la lettre de Lvsis '-'.
Les termes vagues par lesquels Timée nous présente Hipparque :î semblent d'ailleurs indiquer qu'il n'avait lui-même sur sa personne d'autres renseignements que ceux de cette correspondance.
Par contre, la personne de Lysis nous est plus familière. Une note d'Aristoxène résume ainsi brièvement sa vie 4. Il échappa à la catastrophe qui anéantit une partie de la Société pythagoricienne de Grotone vers le milieu du v° siècle. Réfugié à Thèbes, il accepta l'hospitalité de la famille d 'Epaminondas et il vécut dans la plus grande intimité avec le héros de l 'indépendance thébaine.
La chronologie de ces événements dépend complètement de celle de la vie d'Epaminondas, qui par malheur n'est qu ' imparfaitement connue dans ses détails 5. Malgré ces incertitudes, il semble que Lysis dut quitter la Grande-Grèce dans sa jeunesse, vers 440, et qu'il mourut à Thèbes dans le premier quart du ive siècle.
Une note philologique de Diogène Laërce (i prouve qu'il croyait reconnaître en lui l 'auteur réel d'un ouvrage qui courait sous le nom de Pythagore. Il est impossible de contrôler cette assertion émise sur l'origine d'un ouvrage apocryphe et elle n'a pour nous que la valeur d'une vague conjecture 7.
1. Florileg., 108, 81 (Mcincke, IV, 46). Publié par II. Diels, Vorsokrat., I2, p. 449.
2. Ibid., p. 46, lignes 20-30. — Jamblique, V. P., 78. 3. Jambl. , V. P., 73; 'Ix^àp/o) xtvl Ira-XrJTT'ov. 4. Dans Jamblique, V. P., 250. 5. Cf. Swoboda, art . Epaminondas, dans Pauly-Wissowa, Real-Ency-
clopiidie. 6. VIII, 7. 7. Dans la note de sa Vie de Pythagore, § 57 (o! T'èXçUYOVTS; Auaiç TS xat
"Av/i-;:o; zai '610: à-oor(;j.ouv:î; CTuy/avov, oXi'ya S'.sawaav ^w^upa xrjç çiXoaoçia;), Porphyre, en ce qui concerne Lysis, fait sans doute allusion au document qui nous occupe.
A HIPPARQUE fil
D'autre part , Athénagore 1 nous a conservé une théorie de Lysis qui nous reporte à cette arithmétique symbolique si chère aux auteurs des apocryphes pythagoriciens.
Ces conjectures philologiques et ces fragments d'apocryphes ne nous apprennent donc rien de sûr sur la personnalité de Lysis. Celle-ci nous apparaît au contraire sous un autre jour dens les brèves notices historiques qu'on lui a consacrées. La tradition, qui sait pourtant nous conter des détails sur sa liaison avec Epaminondas l', ignore qu'il se soit voué à un enseignement public de la philosophie. Elle nous le montre au contraire vivant, tranquille et obscur, dans l 'intimité d'un petit nombre d'amis. Aristoxène, qui n'était pas si éloigné de son temps et qui était instruit de la tradition pythagoricienne, est muet sur l'activité philosophique de Lysis. L'information si complète de Timée n'en a non plus rien retrouvé; sinon il lui eût dénié la paternité d'une lettre dont l 'auteur affirme des sentiments hostiles à toute publication.
Pour être d'accord avec la tradition, nous devons donc reporter l'envoi de cette lettre vers la fin du v° siècle.
Le milieu. — A cette époque, les Sociétés pythagoriciennes qui s'étaient formées dans diverses villes de la Grande-Grèce n'existaient plus. Ces organismes, qui tenaient à la fois du club, de la confrérie et de l'école, s'étaient dissous sous le coup des décisions de divers Etats ou des agressions des partis hostiles •. Sans doute, les confréries plus populaires et uniquement religieuses des Acousmatiques 4 furent épargnées par ce mouvement anti-pythagoricien qui ne visait qu'à abattre l'ambition politupie des Sociétés philosophiques. Les membres de ces associations au contraire se virent forcés de se disperser à travers l'Italie, la Sicile et la Grèce. Tandis que la plupart boudaient le public et
1. Supplie, e. 5. l teprodui t par Diels, Yorsokr., I2, p . 2!'»0. 2. Voyez Cornél ius Nepos . Kpaminomlns, cl P lu t a rque , l>e .'/••//. .Sn</\. S
et 13 . \\. Les réci ts de ces persécu t ions sont toit d ive rgen t s . Comparez , pour
ne ci ter que les pr incipaux, ceux d 'Aris toxùne (Jamhl ique , Y. /*.. 2»N , Timée [ibid., 2">ai et P icéarque Porphyre , l*. /*., ;>f> .
i . Aris tote eu a t t e s t e l 'existence pour le iV siècle, encore , dans Ja in -bl ique, Y. P., N2. Pour l 'a t t r ibution de ce passade , cf. Hohdc, Iihrin. Mue.
XXVII, p . :\:\.
9 2 LA LETTRE DE LYSIS
restaient assez isolés, d'autres entreprirent peut-être de reformer leurs groupes en adoptant le cadre des Ecoles philosophiques si florissantes à cette époque. Quoi qu'il en soit, la philosophie et la science pythagoriciennes ne disparurent pas alors et l'Ecole conserva des représentants jusqu'à la fin du ive siècle 1.
Avant cette infortune, l 'enseignement était évidemment réservé aux membres de la Société et, sans aucun doute, il leur était dispensé suivant des lois sévères qui réglaient les conditions d'admission et la préparation morale des élèves. Il était naturel qu'une association fermée, qui se proposait un perfectionnement moral si difficile à atteindre, réservât ses enseignements à un petit nombre d'initiés. Après la dispersion, les circonstances changèrent complètement et, par contre-coup, elles ne manquèrent pas de modifier l 'attitude de certains Pythagoriciens. Si d'aucuns se tinrent dans l'isolement complet, si d'autres pensèrent à reconstituer les associations dissoutes sous la forme plus modeste d'écoles philosophiques mais de manière toutefois à y diriger l 'enseignement d'après les vieilles habitudes, il dut y en avoir qui secouèrent la tyrannie des anciens cadres et abandonnèrent les coutumes de leurs maîtres. S'inspirant de l'exemple des autres savants, ils songèrent à fonder des écoles qui ne fussent pas des confréries. Ils y instituèrent un enseignement plus ouvert au public et moins soucieux de la préparation morale des disciples et ils se hasardèrent même à publier les résultats de leurs recherches. De ce nombre fut Hippase2 , que les Pythagoriciens considéraient comme un traître ; nous savons que plus tard ils ne pardonnèrent pas non plus à Philolaos ses publications philosophiques 3.
Aux termes de notre lettre, Lysis fut de ceux qui respectèrent les anciennes traditions, tandis qu'Hipparque crut devoir sacrifier aux nécessités de l'époque et moderniser son enseignement. Rien d'anormal dans cette situation, comme nous venons de le
1. Ce sont les Pythagoriciens que connut Aristoxène. Cf. Diogène Laërce, VIII, 46.
2. Ainsi que l'atteste une vieille notice qui doit remonter à Timée dans Jamblique, V. P., 88 et 246. Aristote paraît avoir connu ses ouvrages (Met., I, 3).
3. Aristoxène, dans Diogène Laërce, VIII, la . Cf. ibid., III, 9, et VIII, 86.
A HIPPARQUE 93
voir ; elle explique parfaitement l'origine d'une correspondance qu'ont pu échanger deux anciens confrères.
Le fond de la lettre. — Il arrive qu'une simple lecture de certaines lettres suffise pour nous convaincre immédiatement de leur origine apocryphe. Souvent les grands esprits sous le nom desquels elles s'affichent y dévoilent une mentalité de cabotins qui n 'ont rien à se dire, mais qui veulent faire étalage de sentiments quelconques ou développer des lieux communs. Il est malaisé de leur découvrir un but déterminé et elles laissent l'impression d'avoir été écrites plutôt pour le public que pour le correspondant auquel elles sont adressées.
Rien de pareil dans notre lettre qui, à ce point de vue, ne prête à aucune critique. Lysis écrit à Hipparque à l'occasion d'un événement important et dans un but précis. Pour un Pythagoricien qui a conservé le respect des formes traditionnelles et la vénération religieuse du fondateur de sa secte, quoi de plus douloureux que la nouvelle de la défection d'un confrère ? Ne va-t-il pas immédiatement tenter de le convertir et, par la même occasion, rappeler les préceptes du Maître de l'oubli où ils sont tombés ?
Le plan de la lettre correspond parfaitement aux intentions de l 'auteur et il groupe les diverses idées dans l'ordre le plus rationnel. Après avoir annoncé brièvement le motif de sa lettre, Lysis rappelle le précepte de Pythagore ; il évoque encore le souvenir des années de préparation par lesquelles eux-mêmes durent passer. Suit un parallèle entre ce système d'enseignement et les méthodes des autres philosophes au rang desquels Hipparque est descendu. Enfin, partant de cette comparaison, Lysis cherche à justifier d'une façon méthodique le précepte pythagoricien et à en montrer la profonde signification.
Tel est l'ordre dans lequel se suivent les diverses idées. On ne peut contester leur noblesse non plus que la parfaite économie du plan.
Le dialecte. — On pourrait s'étonner do prime abord qu'une lettre censément envoyée de Thèbes vers la tin du \ c siècle soit
*
écrite en dialecte dorien. Mais c'est là précisément une particularité qui permet de lui conserver l'origine à laquelle elle prétend. Le dorien était en etlet le dialecte littéraire de l'Ecole pythagoricienne. Non seulement les Pythagoriciens l'employaient dans
1)1 LA LETTRE DE LVSIS
leurs écrits, comme l'attestent les fragments de Philolaos, et les débris des ouvrages mathématiques d'Archytas *, mais ils s'en servaient dans leurs rapports journaliers et leurs discussions scientifiques. Cette habitude, aussi vivace que les autres traditions de l'Ecole, avait laissé des traces jusque dans le langage des derniers Pythagoriciens de la fin du ive siècle, si nous en croyons le rapport d'Aristoxène 2. Il est d 'autant moins étonnant que nous le retrouvions dans la correspondance de deux Py thagoriciens du v° siècle.
Le ton. — Un lecteur peu averti pourrait aussi se laisser fâcheusement impressionner par le ton de la lettre où semblent s'accuser le pathos et l 'emphase. Mais qu'on y prenne garde. Cette impression qui éveillerait ailleurs une légitime défiance serait fort t rompeuse, en cette occasion. Pour se rendre un compte exact de la mentalité des Pythagoriciens, il faut se rappeler qu'ils faisaient partie d'une confrérie considérée comme sacrée et tenue sévèrement à l'écart du profane. Partager cette vie d'initié instituée par le divin prophète qu'était Pythagore, se faire admettre après un long noviciat à recevoir la bienfaisante lumière des sciences et de la philosophie, était regardé comme un privilège extraordinaire. Le mystère qui entourait l'initiation et les préparations ascétiques ont dû laisser leur empreinte sur l'esprit des Pythagoriciens. C'est de là que vient ce profond enthousiasme et cet ardent mysticisme qui se révèlent dans toutes leurs créations, légendes, croyances religieuses ou doctrines scientifiques. Rien d'étonnant donc que le ton de la lettre de Lysis trahisse une violente émotion. Il est naturel qu'il éprouve un vif désir de ramener un confrère au respect des préceptes d'un maître adoré et qu'il proclame avec force sa conviction de l'excellence de ses doctrines. On ne saurait mieux saisir cet état
1. ladites par Blass, De Archglae fragmentis mathematicis, dans les Mélanges (D'aux, p. 679.
2. Ce b iographe vivait dans l ' intimité des de rn ie r s Pythagor ic iens (Suidas , .s. r. 'AOISTOçCVO: et Diogène Laërce, VIII, 46). Il nous a conservé que lques mots typiques de leur langue , tels que -coap-cav ( Jambl ique , V. P., 197, 2.T1. Diog. Laërce, VIII, 20) auvap^oyà, È-aapa (Jambl . , V. P., 114), e t c . , qui accusent ne t t emen t des formes d o r i e n n e s . La m ê m e r emarque s ' impose pour un fragment poét ique t rès ancien cité par J ambl ique , Y. P., 160 et H»2.
A HIPPARgL'E 9 5
d'esprit qu'en établissant un parallèle avec les choses de notre temps. Plaçons dans une situation analogue un membre d'une congrégation religieuse dissoute et imaginons quelle lettre il écrirait à un ancien confrère qui aurait gravement enfreint la règle de l 'Ordre.
La conscience qu'a Lysis de l 'importance de son entreprise lui inspire un langage plein de gravité et tout à fait en harmonie avec l'austérité de l'esprit pythagoricien. Il n'est pas jusqu'au caractère extraordinairement imagé de la langue où ne se révèle le goût des Pythagoriciens pour le symbolisme. Les comparaisons et les images abondent dans notre lettre et il y aurait lieu de s'en étonner, si justement nous n'étions instruits de ce curieux penchant de leur esprit par d'abondants exemples empruntés même à leurs essais philosophiques c
Vénération du Maître. — Ce qui retiendra à coup sûr l 'attention de ceux qui ont l 'habitude de ne considérer en Pythagore que le philosophe, ce sont les termes de religieuse vénération dans lesquels Lysis en parle. Obéissant sans doute à une crainte instinctive et superstitieuse, il hésite plusieurs fois à le nommer et il le désigne par le vague pronom TïJVSç (celui-là) - ; ailleurs, l'expression o ëaqjisvisç zvftp nous dévoile plus clairement ses sentiments et à maintes reprises il fait allusion à la science divine qu'il dispensait à ses disciples :j.
Cet enthousiasme pour la personne de leur Maître, tous les Pythagoriciens le partageaient et ils le poussaient même jusqu'à l 'adoration. Il est probable d'ailleurs que Pythagore s'est donné pour un être supérieur à l 'humanité, pour un de ces prophètes
1. Aris tote lu i -même avail déjà r e m a r q u é c e l amour du s\ mbol i sme Porphyre , V. /A, 41). Voyez aussi J amb l iquc , \*. / \ , 9 à , 114, 281, 250. Ce sérail un jeu cur ieux de relever les compara i sons et les images opii éinaillent, par exemple , les f ragments de Ph i lo laos .
2. J ambl ique , l \ / \ , 75-70. M. W . Schull/ . , qui expl ique l 'aneien py tha -gor i sme par une symbol ique numér ique inspirée des \éo-pylhagorieien«». mais plfls éehevelée el plus mys t ique encore , rend eomple de ce t te prohibition du nom de Pythagore en iu \ eu lan l un svmbole numér ique selon une inéthodo déconcer t an te art icle paru dans VArcfiir /'///• (b-sr/i. </«•/• / ' / i i /os. , 1908, p . 240). M. Ch. Michel \Xofr sur un />ass«v/e <lr Junil>li<jur. Mrluni/rs
Louis //a?W, p. 281-287) a bien mont ré que ce t te cou tume pythagor ic ienne devait ê t re un res te d 'une supers t i t ion a tav ique .
.1. J ambl ique , \ \ / ' . . 75 el 70.
9 6 LA LETTRE DE LYSIS
inspirés qu'a suscités le mouvement de rénovation religieuse du vie siècle. A en croire Aristote 1, nombre de ses disciples avaient foi en lui comme en une apparition d'Apollon et ils révéraient ses doctrines ainsi que les oracles d'une divinité 2. Sans doute, ces ardents transports se sont quelque peu refroidis en se perpétuant à travers plusieurs générations ; mais, cette lettre en témoigne, ils ne sont pas complètement éteints au vc siècle.
Morale pythagoricienne. — Pour justifier le système d'enseignement pythagoricien, Lysis entre dans de longues considérations morales et philosophiques. Parmi les idées de cet exposé il en est qui sont plutôt du domaine de la littérature ou de la philosophie populaire et elles ne peuvent donc fournir matière à un examen approfondi. Quelques-unes cependant nous paraissent révéler un état d'âme spécial qu'il s'agit de comparer avec l'esprit pythagoricien. Il faut se garder surtout de vouloir leur reconnaître la rigueur scientifique des définitions ou des catégories telles qu'on les comprenait déjà au ve siècle. Lysis n'entend pas faire un essai sur la morale et la psychologie ; encore moins faut-il attribuer au Pythagoricien des vues scientifiques sur ces matières. La morale des Pythagoriciens, non plus que leur psychologie d'ailleurs, il y a longtemps qu'on l'a remarqué, n'a pas de caractère scientifique. En ces matières, ils n'ont fait que croire à la vérité de dogmes qui ne demandaient aucune démonstration ; souvent même leurs idées sont moins l'expression de théories systématiques que l'écho de leurs sentiments moraux.
Le leit-motiv de l'exposé de Lysis, c'est la distinction qu'il établit entre les passions et la partie raisonnante de l'âme 3. L'auteur ne cherche pas à les définir ou à prouver leur existence. Il en sent le combat en lui et cela suffit.
Cette théorie dans laquelle il ne faut chercher aucune rigueur scientifique, représente assez bien les idées pythagoriciennes même antérieures à Lysis. Celles-ci sont fort flottantes dans les
1. Elien, Var. fiist., II, 26. Cf. Jamblique, V. P . , 3 1 . Ce renseignement est confirmé par Timée (Jamblique, V. P . 53, 255 et Diogène Laërce, VIII, 11).
2. Jamblique, V. P. , 72. 3. Jamblique, V. P., 77.
A H1PPARQUE 9 7
détails et peu connues ; mais notre lettre nous en donne à peu près le sens 1.
Ces distinctions d'une psychologie rudimentaire ne servent d'ailleurs aux Pythagoriciens qu'à justifier les commandements de leur morale ; je veux parler de la lutte ascétique par laquelle ils s'efforcent de mater leurs passions, de leur acharnement à purger leur âme des désirs d'ambition et d' intempérance. Ces lois et ces idées morales sont vraiment la marque distinctive du Pythagorisme ; Arislote et Aristoxène nous en attestent la survivance jusqu'au ivc siècle 2.
Polémique pythagoricienne. — On voudrait pouvoir étudier de plus près les attaques de Lysis contre le système d'enseignement de ceux qu'il appelle les ffo?iffTai:\ mais ses allusions ne sont pas bien claires. Songe-t-il seulement aux sophistes qui à cette époque remplissaient déjà le monde grec de leur éclatante renommée ? Ou, comme les Pythagoriciens se réservaient le nom de philosophes que leur maître avait probablement créé 4, devons-nous entendre le mot dans le sens que lui attribue encore Hérodote et joindre aux sophistes toutes les Écoles de philosophie?
C'est plus probable. On pourrait même distinguer dans cette polémique une attaque plus directe contre Empédocle. Lvsis prétend surtout stigmatiser la conduite des philosophes qui se targuent des enseignements de Pythagore et font mille prodiges pour s'attirer des disciples. Vers le milieu du v° siècle, Empédocle parcourait en thaumaturge et en prophète les pays de Sicile et de Grande-Grèce; nul n'ignore non plus qu'il doit beaucoup de ses idées morales et religieuses à des influences pythagoriciennes •"».
Quoi qu'il en soit, cette polémique fort curieuse s'explique assez bien si on la replace à l'époque de Lvsis.
1. Consultez Hohde, Psyché, p . 404, note 1 et lût. Zeller, Philos. der(ir., I a |r>" éd . ) , p . 447-448.
2. Aris tote dans .laniblique. V. I*., N;i oii xo/.xjOfjvai ef. Hulule, Bhein. Mus., XXVII, |>. 33 . Ar is toxène, il>id., M 1-114; 100 ; 200; 202-207; 200-213.
3. . laniblique, V . / \ , 70.
4. D'après I lérael ide Poli t ique, dans Diog-ène Laëree , prooem. 12 et Cieé-ron , TuscuL, V, 3.
ii. Voyez sur le carac tère et le genre d 'act ion de ce p rophè te -ph i losophe , J . Hidez, Biographie <ïlimpSrfocle.
DKI.ATTK. — LUI. pglhiig. 7
9 8 LA LETTHE DE LYS1S
Théorie du Secret. — Mais notre lettre touche encore à des questions plus importantes et, par exemple, elle va nous donner des renseignements intéressants sur le Secret dans l'Ecole pythagoricienne.
Beaucoup d'auteurs anciens, parmi lesquels nous relevons les noms d'Aristote, de Dicéarque, d'Aristoxène ,ét de Timée, nous apprennent que les Pythagoriciens ne permettaient pas la divulgation de leurs doctrines au profane h La plupart de nos autorités attestent que ce secret enveloppait l 'ensemble des doctrines de l'Ecole, y compris les théories purement scientifiques 2.
La question de l'origine et de l'objet même de cette défense a beaucoup intrigué les érudits modernes. Dans des temps où on ne connaissait guère encore que le Pythagorisme politique, on a pu songer, comme Meiners :{, à ne voir dans les doctrines ainsi gardées que des secrets politiques. Mais passons sur cette hypothèse fantaisiste. Zeller 4, après Ritter, ne conçoit pas que ce secret puisse concerner des questions philosophiques ou scientifiques. Il ne s'explique pas non plus qu'on ait senti le besoin de défendre la divulgation de ces doctrines. Par suite de l 'organisation même de l'Ecole et en un temps où les rapports scientifiques étaient si restreints, l 'enseignement devait être naturellement réservé aux membres de la Société. 11 estime qu'on n'a pu songer à tenir secrets que les rites religieux spéciaux au Pythagorisme.
Mais ces rites religieux, peut-on faire remarquer, sont beaucoup moins nombreux qu'on ne se l ' imagine. En tout cas, ils ne constituent pas des doctrines ; or c'est bien sur des théories que portait le secret, au témoignage des historiens anciens. D'aucuns nous attestent même que les doctrines mathématiques n'en étaient pas moins l'objet que la religion et la philosophie. C'est ce qu'a bien reconnu Paul Tannery, dans une étude sur le secret dans l'Ecole pythagoricienne 5, mais l 'hypothèse qu'il a émise
1. Aristote, dans Jamblique, V. P., 31. Dicéarque, dans Porphyre, V. P., 19, Aristoxène, dans Diogène Laëree, VIII, 15. Timée dans Jamblique, V. P. 256.
2. Sinon, la légende de la trahison dTlippase (Jambl., V. P., 88 et 246) n'aurait pas de signification.
3. Histoire des sciences dans ta Grèce, trad. Laveaux, II, p . 216. 4. Philos, der Gr., I a (5e éd.), p. 324, n. 1 et p. 329 ss. 5. Archiv fur Gesch. der Philos., I, p. 28.
A HIPPARQUE 99
sur son origine n'a satisfait personne, si bien qu'il est inutile de revenir sur la réfutation qu'en a faite Zeller ! .
Comme on le voit, le problème est loin d'être résolu, mais l'étude de cette lettre y ajoutera quelques données nouvelles. En permettant de mieux poser la question, elle nous suggérera peut-être une réponse satisfaisante.
La défense de divulguer les doctrines pythagoriciennes semble avoir eu moins de raison d'être, tant qu'il n'y eut pas d'autre Société que celle de Crotone. Elle commença à prendre une signification quand de nouvelles Ecoles pythagoriciennes se fondèrent dans diverses villes et surtout quand les associations se trouvèrent dissoutes et leurs membres dispersés à travers toute la Grèce. Le précepte du secret concerne d'ailleurs des choses assez différentes. D'une part, on pensait par là refuser au profane la connaissance de certaines doctrines accessibles au grand public ; c'est la signification de cette défense à une époque très ancienne. Dans des temps plus modernes, lorsque les Pythagoriciens commencèrent à entretenir des rapports avec les autres sociétés philosophiques et surtout quand l'organisation des Sociétés eut été bouleversée, on voulut par ce règlement défendre toute communication philosophique ou scientifique avec des étrangers.
Mais cette défense nous étonne parce qu'on n'en voit nulle trace dans les autres écoles philosophiques et qu'on en cherche en vain la raison d'être chez les Pythagoriciens. C'est ici que la lettre de Lysis va nous être d'un grand secours.
Si la Société pythagoricienne seule reconnaît une telle loi, c'est qu'elle est d'une nature différente des autres Écoles. Elle est autre chose qu'une École, elle est une Confrérie. Elle n'a pas été fondée comme les autres dans un but de culture scientifique, mais surtout en vue d'un perfectionnement moral et tous les autres buts de la Société — politique, religieux et philosophique, — sont subordonnés à celui-là, à l'origine du moins.
D'autre part, les Pythagoriciens envisagent la science et la philosophie d'une façon toute différente des autres philosophes. Ils les regardent comme un bien sacré et divin que leur maître leur a confié par sa Révélation *. La contemplation scientifique
t . Philos. <ler Griechen, I n , p. 330, note 2. 2. Cf. Aristote, dans Jamblique, V. P., 82 sq.
100 LA LETTRE DE LYS1S
qu'ils ont dès l'abord désignée sous le nom de çaXcasçta, procure la béatitude parfaite à l'Ame du savant '. Tout le monde ne peut participer à cet heureux privilège ; il faut naturellement, pour en être digne, se purifier de toute faute morale. D'ailleurs les Pythagoriciens ne conçoivent pas qu'on puisse comprendre et aimer les sciences si l'on ne s'est purgé auparavant de tout désir sensuel. Aussi laccès de la Société était-il subordonné à un sévère examen d'entrée qui portait sur la moralité du candidat ; le souvenir de cette coutume et peut-être la coutume elle-même se sont conservés jusqu'au ive siècle. Aristoxène nous l 'atteste 2. Cette précaution ne paraissait pas suffisante; le candidat ne pouvait apporter qu'une nature honnête et de bonnes intentions. 11 fallait le perfectionner davantage, le former à l'observance de la Règle par une sévère éducation, le purifier par des pratiques ascétiques et même par la musique 3. C'est seulement quand il avait reçu cette préparation morale que le disciple était initié aux beautés de la contemplation scientifique (çiXoaoçia) et aux autres révélations.
A l'origine cette coutume faisait loi ; peut-être même avait-on jugé nécessaire d'en faire l'objet d'un précepte. Il est certain, en tout cas, que, plus tard lorsque l'occasion se présenta de s'en écarter, la tradition fut interprétée comme le résultat d'un règlement de la Société.
Telle est l'explication du secret pythagoricien que la lettre de Lysis nous laisse entrevoir. Comme nous l 'avons vu, elle est parfaitement d'accord avec la conception de la science et les dées morales des Pythagoriciens ; mieux que toute autre, elle
me paraît rendre compte de la nature et de l'origine de cette coutume.
Organisation de la Société. — Nous venons d'effleurer en passant un point non moins obscur de l'histoire pythagoricienne : il s'agit de l'organisation de la Société.
Timée établissait une distinction bien nette entre les ésoté-
1. Héraclide Pontique, dans Clément d'Alexandrie, Strom., II, 130, fin et Cicéron, TuscuL, V, 3.
2. Jamblique, V. P . , 248. 3. Pythagore lui-même d'après Aristoxène (Jambl., V. P . , 110-114) réser
vait le nom de KaQaoa'.ç à ce genre de purification par la musique, curieuse pratique où la magie se mêle à la médecine.
A HIPPARQUE 101
riques ou disciples parfaits et les exotériques ou novices L Les renseignements que nous donne la lettre de Lysis sont moins catégoriques: nous pouvons en conclure seulement que les jeunes disciples n'étaient admis à l'initiation philosophique qu'après une longue préparation.
Sans doute l'organisation de la Société telle que nous la décrit Timée, probablement d'après cette lettre, a des cadres trop rigoureux et une allure trop militaire pour correspondre exactement à la réalité. Les noms mêmes par lesquels il désigne les deux classes de disciples ne doivent pas appartenir à la tradition pythagoricienne ; ce sont des étiquettes comme en aime l'esprit méthodique de l'historien. Cela n'infirme nullement la valeur des renseignements de notre lettre. Nous avons vu que l'institution est conforme aux mœurs et aux conceptions pythagoriciennes. De même qu'en notre langage moderne, nous l 'appellerons un noviciat, aussi Timée avait jugé pratique de désigner ces jeunes disciples sous le nom & exotériques.
Nous avons étudié dans ses plus petits détails le contenu de notre lettre et nous n'avons négligé aucun moyen d'investigation qui permît de mettre en lumière la qualité de ce document. Cet examen ne fournit aucun indice qui fasse suspecter son authenticité. Aucun des renseignements qu'elle nous donne n'est con-trouvé par la tradition historique. Il est surtout bien remarquable qu'on ne puisse relever aucune trace d'une influence platonicienne dans les exposés psychologiques. De telles infiltrations n'eussent pas manqué de se produire, semble-t-il, si nous avions affaire à un document apocryphe du milieu du ivc siècle. La lettre de Lysis ne contredit en rien notre connaissance du Pythagorisme de cette époque et l'envoi d'une telle missive s'accommode parfaitement de la situation et de la personnalité des deux correspondants.
Authenticité du document. — 11 resterait à expliquer la publication de cette lettre. Sur ce sujet, on peut hasarder plusieurs hypothèses. On pourrait la rapporter au cercle d'amis et d'admirateurs au milieu desquels Lysis avait passé sa vie à Thèbes. A leurs veux cette lettre devait révéler la rare fidélité et les vertus cachées d'un Pythagoricien qui, à l'éclat d u n e carrière glorieuse
t. .lamhlique, Y. /*., 72. Cf. Dio^èno 1.aérer, VIII, 10.
102 LA LETTIIE DE LYSIS
aux yeux du « monde », mais réprouvée par sa conscience, avait préféré une retraite obscure et respectueuse des ordres de son maître.
On pourrait imaginer aussi que Lysis lui-même l'aurait publiée ou répandue au moins dans les milieux pythagoriciens. Par cet écrit d u n e forme un peu spéciale, il aurait voulu ramener d'autres égarés, prévenir de nouvelles défections ou en tout cas raviver dans le cœur de ses coreligionnaires, les sentiments de vénération pour les anciennes traditions.
Cependant tous ces calculs ne reposent que sur des conjectures. Le seul appui de l 'attribution traditionnelle, c'est l 'autorité de l'historien Timée. Né une trentaine d'années après la mort de Lysis, il n'est donc pas bien éloigné de son époque. De plus, son activité historique se place au commencement de la période alexandrine, et c'est surtout dans le courant de cette période que se sont créés et répandus la plupart des apocryphes pythagoriciens.
Pourtant , il serait imprudent de reconnaître une autorité incontestable à ses affirmations. Il est probable que dans ses recherches sur le Pythagorisme, Timée a rencontré la lettre de Lysis dans un recueil quelconque de documents pythagoriciens 1. Comme il n'y trouvait, non plus que nous, rien qui en fît suspecter l 'authenticité, il l 'aura classé parmi ses sources en lui conservant l 'attribution traditionnelle. Ce témoignage ne suffit donc pas pour emporter les doutes et il faut envisager l 'hypothèse où la lettre de Lysis ne serait qu'un apocryphe.
On ne peut penser à un exercice d'école qui aurait fait fortune; car il est invraisemblable que la littérature épistolaire servît déjà de thème à cette époque aux essais de rhétorique. L'hypothèse la plus plausible, au cas où on se refuserait à en faire un document authentique, serait de la considérer comme une publication tendancieuse émanée d'un cercle pythagoricien du ive siècle. Un pythagoricien traditionnaliste et xénophobe, ému de la liberté des rapports que ses coreligionnaires entretenaient avec le profane et voulant, par la diffusion de cet écrit, les rappeler au respect des anciennes coutumes, peut avoir songé à couvrir son œuvre
\. (/est-de là aussi sans doute qu'il tenait l'Upo; Àdyo; dont il nous a conservé des fragments.
A HIPPARQUE 103
d'un nom qui faisait autorité comme celui de Lysis. On trouverait sans peine dans la littérature chrétienne des premiers siècles des exemples de publications analogues.
Nous voilà donc revenus, pour finir, — et en vérité, nous ne pouvions mieux faire, — à la position de Timée qui découvrait une lettre de Lysis parmi ses documents pythagoriciens. La question d'authenticité proprement dite a, somme toute, peu d'importance en regard du problème de l'origine. Lysis nous est peu connu et si l'on cherchait à s'instruire sur ses qualités d'écrivain ou même sur sa personnalité, cette lettre n'offrirait qu'un mince intérêt. Le résultat le plus important de notre étude c'est que nous avons découvert un document pythagoricien du IVe siècle et signalé sa valeur historique.
La lettre de Lysis reflète l'état des esprits à une certaine époque de l'évolution du Pythagorisme et elle se range ainsi parmi les meilleures sources directes de l'histoire pythagoricienne. D'un autre côté, nous commençons à mieux connaître les documents où l'historiographie du iv° siècle allait puiser son information ; c'est un grand avantage pour nos études sur la tradition historique. Nous savons comment Timée s'est inspiré, — un peu trop librement d'ailleurs, — de la lettre de Lysis. Par son intermédiaire l'influeuce de ce document s'est répercutée à travers toute l'histoire pythagoricienne, peut-on dire, puisqu'elle atteint Nicomaque, Justin, Lucien, Porphyre, Diogène Laërce, Jamblique et d'autres encore. Du reste, la lettre de Timée ne sortit pas indemne des manipulations des érudits alexandrins ; il reste à examiner les altérations qu'on lui fit subir.
TRADITION B.
Nous avons vu qu'à une époque encore inconnue la version timéenne de la lettre de Lvsis fut remaniée. Je laisse de côté les variantes nombreuses du texte parce qu'on pourrait soutenir à la rigueur qu'elles proviennent des hasards de la tradition manuscrite. Mais le plan lui-même a été légèrement modifié. Dans la première version, Lysis commençait par rappeler la fâcheuse nouvelle qui lui arrivait ; il en prenait motif pour reprocher à Hipparque son infidélité et tenter sa conversion.
Le nouvel éditeur, qui paraît avoir été un peu gêné par des
104 LA LETTRE DE LYSIS
scrupules scientifiques, a rejeté à la fin tout le commencement de cette lettre, en modifiant d'ailleurs l'ordre des phrases et en y faisant une importante addition. C'est dans ce passage de Inversion B que Lysis parle de la transmission des écrits de Pythagore. Il s'agit de certains UTCOU.VYJU.3T2 remis par le philosophe entre les mains de Damo sa fille, puis confiés plus tard à sa petite-fille, Bitala j. Lysis loue la fidélité avec laquelle ces deux femmes gardèrent le dépôt précieux.
Comme l 'auteur du remaniement à cause de ces'changements manquait d'entrée en matière, il comprit que le long développement du corps de la lettre restait inexpliqué et il conçut la pensée de refaire quelques mots d'introduction. Lysis y manifeste son étonnement de ce que la Société se soit dissoute après la mort de Pythagore et il exprime sa volonté de rappeler les préceptes du Maître.
Il est manifeste que le remaniement avait comme but principal l 'introduction du passage relatif aux écrits de Pythagore. Quant à déterminer l'époque à laquelle il fut exécuté, c'est chose plus malaisée ; il était connu, en tout cas, peut-être sous une forme un peu différente, de certains auteurs de Diogène Laërce, sans doute déjà dès le Ier siècle avant J . -C.
M. Diels 2 a émis une hypothèse intéressante sur l'origine de la lettre de Lysis. D'après lui, cette correspondance devait servir d'introduction à un iepb- AÔyo; en dorien dont Jamblique nous a conservé des fragments. C'était en effet une coutume des faussaires de donner comme préface aux ouvrages apocryphes de leur fabrication une lettre d'un personnage connu qui faisait allusion à ces ouvrages. Or, un passage de la lettre de Lysis fait précisément allusion aux UTCou.vrju.aTa de Pythagore pour en signaler la transmission secrète et ininterrompue.
M. Diels attire d'autre part l 'attention sur une note de Diogène Laërce (VIII, 7) qui tendrait à reconnaître en Lysis l 'auteur d'un livre attribué à Pythagore : ce livre pourrait être Yiepoq Xôyoç auquel la lettre faisait allusion. Mais par quelle amère
1. La tradition varie sur la forme de ce nom : la lettre de Lysis paraît avoir connu la forme (3tarxXa (F P Rdans Ilercher, notes critiques ; (3taraX''oc, N) tandis que Jamblique (V. P., 146; lisait (BITOCàY), que je préfère pour des raisons d'étymologie.
2. Archiv fur Gesch. der Philos., III (1890), p. 451, n. 1.
A H1PPARQUE 105
ironie aurai t -on a t t r ibué à Lvsis un livre joint à une let t re où il
p ro tes ta i t avec véhémence contre toute publ icat ion phi loso
p h i q u e ? Enfin, à en croire une t radi t ion rappor tée par J ambl ique
(V. P . , 146), cer ta ins Py thagor i c i ens i l lus t res assura ient que
l 'Lpb; Xôvoç fut composé par Télaugès d 'après les •jr.z\^rri\x7.-7. de
son père , conservés par Damo et Bitala. Il semble de pr ime abord
que J amb l ique fasse allusion à L v s i s ; mais , à y regarder de
près , on voit qu ' i l songeai t à d ' au t res t émoignages , puisque
Lys is ne dit mot de Télaugès et de son ouvrage .
Il est probable que la Le t t re de Lysis a servi d ' in t roduct ion ,
avec d 'au t res documen t s épistolaires à l'ispcç ASYSç dorien : la
note de Jambl ique qui les rapproche pe rmet de le conjecturer .
Mais ce n 'es t pas dans ce but que la le t t re a été remaniée . La
t radi t ion B est déjà connue en etfet des au teu r s de la Biogra
phie de Diogène Laérce , c 'es t -à-dire que , d 'après mon es t ima
t ion, elle date au moins du ier siècle avan t not re ère . L'issb; >.:-':-
au cont ra i re , qui ne l igure d 'a i l leurs pas dans les l istes d'ou
vrages pythagor ic iens de Diogène, ne peut remonte r plus haut
que le p remier siècle dé notre ère (cf. infra). En out re , si le
second édi teur a pr is la peine de remanie r la let t re pour y intro
duire la ment ion des Jzs'j.vr^.aTa de Py thagore , c'est apparem
m e n t qu' i l voulai t faire servir la le t t re à une publ icat ion de ces
Ozcij.vYjjj.aTa.
Sur ce sujet , la légende qui a t t r ibua i t à Phi lola los la publica
tion d 'ouvrages pythagor ic iens pourra i t fournir des indicat ions .
P a r m i les formes diverses sous lesquel les elle s'est conservée,
c 'est la version de J amb l ique ' qu' i l faudrait consul ter .
L ' au teur croit qu ' i l existait dans l 'Ecole pythagor ic ienne des
ouvrages sec rè tement conservés , qui restèrent inconnus jusqu 'à
l 'époque de Phi lo laos . Celui-ci profita de sa parenté avec des
Py thagor i c i ens pour s'en faire donner communica t ion ; puis,
comme il était tombé dans la misère , il vendit à Dion de Svra-
cuse les trois livres qui sont connus de tous .
Nous savons qu 'au second ou au premier siècle avant notre
ère un faussaire publia sous ces t i t res : Trx'.biJT'.xiv, -:7v.7ix:v.
t . Vil. Pi/lh.. t0«.l. Cf. Dio-ène , VIII. Ci; Aulu-Cel le . III. 17 et T/el/ .ès. C.hiL, X, 7'.»7. Autres formes, dans Diogène Laëree . III. '.» Satxrus . \ III, Sa ( Hernùppe*.
10() LA LETTRE DE LYSIS A IIIPPAKOIE
SJJUSV, trois traités qu'il attribuait a Pythagore L M. Diels qui a étudié l'histoire de ces apocryphes met en rapport cette publication avec la légende de Philolaos ~. Le faussaire comptait sans doute faire passer ses livres pour ceux qu'avait divulgués Philolaos et par cette confusion assurer le succès de son œuvre. Qui ne voit, d'autre part, les concordances de cette légende avec la seconde version de la lettre de Lvsis ? Toutes deux font allusion à la transmission secrète des 67rcp.vYjp.aTa dans la parenté de Pythagore. Lysis loue le courage de Damo qui, devenue pauvre, les conserva fidèlement et en refusa beaucoup d'argent. Il oppose la belle conduite d'une femme au manque de conscience des hommes qui ne savent se conformer au précepte de leur Maître. J 'y vois une réplique et peut-être une allusion au détail correspondant de la légende : elle racontait que Philolaos, poussé par la misère, avait vendu les livres à Dion de Syracuse.
On pourrait donc supposer avec vraisemblance que l 'auteur des trois traités apocryphes a remanié la lettre de Lysis pour la faire servir de préface à cet ouvrage. Il est possible d'ailleurs qu'il y ait joint d'autres lettres (de Dion à Platon, par exemple) pour compléter son introduction et donner plus de créance à sa publication.
Quoi qu'il en soit, il est assez curieux de suivre le sort de ce document à travers la littérature alexandrine. Cette rapide étude dévoile aussi le sans-gêne et le manque de conscience scientifique avec lequel certains Alexandrins ont traité les monuments de la lit térature. C'est un enseignement dont nous nous souviendrons dans nos rapports avec eux.
1. Diogèno Laërce, VIII, 6. 2. Archiv fiir Gesch. der Pliilos., III, p. 401.
III
r \
L'EXEGESE PYTHAGORICIENNE
DES POÈMES HOMÉRIQUES
L'EXÉGÈSE PYTHAGORICIENNE
DES POÈMES HOMÉRIQUES
Très tôt l'âme chagrine des philosophes s'indigna des libertés grandes qu'Homère prenait, à son avis, avec la religion et la morale. L'austère gravité qu'on affichait volontiers dans les écoles philosophiques du VIe siècle s'accommodait mal des aimables fictions où se joue l'imagination d'un poète encore innocent. Le sombre et fougueux Heraclite déclarait qu'il méritait d'être souffleté et chassé des concours1. N'allait-il pas jusqu'à chercher dans des vers charmants des contradictions avec les données de la science de son temps et particulièrement avec ses théories obscures 2 !.
Xénophane, de son côté, se scandalisait des histoires mythologiques qui attribuaient aux dieux les pires infamies et il confondait les noms d'Homère et d'Hésiode dans une commune réprobation 3.
Naturellement, le plus vénérable de ces esprits moroses et le plus enclin à un pessimisme maladif, Pythagore, ne leur ménageait pas non plus ses anathèmes. Il nous en est resté un écho dans la vieille légende de la « Descente de Pythagore aux Enfers », qui prit corps très tôt, peut-être déjà de son temps et qui nous est connue par divers auteurs du ivc siècle4. Pythagore
1. Diogène Laërce, IX, 1. 2. [Aristote], nwr. Eudem., VII, i, i l . 3. Diogène Laërce, II, 46; VIII, 18, el le fragment conservé par Sextus
Empir., adv. math., IX, 103. 4. Cf. le fragment du poète comique Aristophon dans Diog. Laërce, VIII,
46; la parodie d'Ilermippe, ibid., VIII, 41 ; Sehol. Sophocle, Electre, 62 ; Eustathe, ad 0(/»/.ss., p. 1701, 6 1 ; Tertullicn, de anima, 28. Le fragmen dont il est question ici nous vient d'IIiéronyme de Rhodes (dans Diog. Laërce, VIII, 21). On peut en rapprocher une doctrine pythagoricienne con-
110 L'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
racontait qu'il avait vu aux Enfers les âmes d'Homère et d'Hésiode affreusement tourmentées en punition des aventures et des sentiments immoraux qu'ils prêtaient aux dieux.
Cependant cette attitude intransigeante s'adoucit avec le temps. Peut-être aussi ces critiques, qui nous paraissent si véhémentes, s'accommodaient-elles d'une certaine indulgence : un philosophe pouvait faire grâce au poète d'un passage scandaleux en considération d'une pensée ingénieuse, d'un vers sentencieux ou d'une concordance avec ses théories scientifiques, — car chaque secte se flattait de retrouver chez le grand ancêtre l'origine et la confirmation de ses doctrines. Quoi qu'il en soit, nous constatons que la Société pythagoricienne du vc e t d u i v e siècle possédait des Anthologies d'Homère et d'Hésiode ', composées pour son usage. Puisqu'on ne pouvait arrêter l 'enthousiasme traditionnel qui faisait de leurs poèmes la Bible du temps, du moins devait-on endiguer le courant et veiller, par un choix prudent, à ce que cette littérature ne perdît pas les âmes. Ces lectures choisies (Xéçaç è^s'.Xsyijivat) étaient destinées dans la pensée des Pythagoriciens à purifier l 'âme des passions et à favoriser son relèvement moral 2 . Bien qu'on manque de renseignements précis sur l'esprit qui avait inspiré ce choix, on peut dire que ces « Lectures » étaient naturellement pieuses et édifiantes.
D'après la légende, Pythagore lui-même, illuminé d'une révélation divine, avait retrouvé dans ï Iliade le héros qu'il avait été autrefois, au cours des pérégrinations de son âme, qu'il tenait d 'Hermès. C'était Euphorbe le Phrygien et il se plaisait à chan-
servée dans la légende qui me t t a i t en rappor t Pha la r i s , Py thagore et Aba-ris (Jambl . , V. P . , 218) : ~zpi xe TWV xaxco; XeyopLevtov ev xoïç IJLUÔOOç rji7JXey££ xobç
Xoyonotoj; xz xxt r:o'.r,Taç.
1. J a m b l . , V. P., 111 (—Aristoxène) : yprjaOoct. t)h /a i 'Opi^pou xal cHato5ou XéÇeatv içe'.Xsy [j-ivat ; rcpôç s^avo pOroac v ' } u y ^ ; . , ibid., 164 : èypâSvTO 8e xal rO[xrtoo'j xal 'Ila'.o'Sou Xéçjea'. 8 ie iXsy pteva'.? rcpô; ÈTuavopOroatv (jrjyrjç. P o r phyre , V. P., 32 (at t r ibut ion de la m ê m e cou tume à Pythagore) : -àç yoviv ôtaxpiSx; xa;. ajxô? é'toQev p.lv kr.l Tvjç o'.xîa; l-oiei'-o, àp[j.o£d;j.svo; ~poç Xupav xrjv éauToO ôuyf(y xa*. à'o'ov xzocavac àpyacou; ttvà; Sdkr\xoç. Kai iizffîî TIOV 'Opr/jpou xai 'Haioôoj o a a x a 0 rj p. e p O U V T r, v ^ u y r\ v èôoxiu,a<je.
2. Les idées pythagoriciennes sur le rôle pacificateur de la musique, de la danse et de la poésie sont exposées dans Jamblique, V. P., 64, 110-114
—Aristoxène et 164; dans Porphyre, V. P . , 32-33.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 111
ter, en s'accompagnant de la lyre, les vers somptueux et mélancoliques où Homère décrit la mort du guerrier '.
Un autre exemple, plus propre à nous faire comprendre le caractère de ces Anthologies, nous est fourni par une légende de la vie d'Empédocle 2, qui, comme une bonne partie de la biographie de ce philosophe, est d'origine pythagoricienne. Empédocle jouait un jour de la lyre chez un certain Anchitus, lorsqu'un jeune homme, pris d'une colère furieuse, fit irruption dans la maison avec l 'intention de tuer Anchitus. Empédocle, changeant aussitôt de mode musical, entonna le vers célèbre de l'Odvssée
7 V
(S, 221) qui décrit la boisson magique composée par Hélène, ce qui suffît à calmer le bouillant adolescent. L'histoire n'oublie pas d'ajouter qu'il se convertit à la philosophie et qu'il devint un des disciples les plus illustres d'Empédocle.
La remarque du scholiaste d'Homère à ce passage de l'Odyssée est un reste des anciens commentaires pythagoriciens dont la légende d'Empédocle est un autre ves t ige= VYJ-SVO'S; ca'.;j.cyuo; xà àvwxaxa SJO xapÉXa^î, xb TCéVOCJ; v.xi 5pvrjç x-xWx-ozv/, cl; xx'i xi Xcizà uico<rcéXXsxai izx^r, (Q.) Le passage suivant de Jamblique (=Aris toxène) précise la signification de cette note et en prouve l'origine pythagoricienne. V. P . , 1 1 1 : yof,ohx\ O'XJXCJ; V,X\ AX-.X
TOV oXXov 7psvov TY) g.s'Jor/.yj sv Ixxpsia; xaçsi, xal slvxî xivx sxsXv; -ce ; xà xrj; $uy?,ç TCSTCOWJ|z=va izxQq, - p 6 ; T £ à81» \j.iaç y.x\ or, Y p.c J ç , a cr, (2ov)ôrjXiXG)xaxa erre v £ ver; xo, xat TraXtvaS sxspa ~péç x£ x i c s p v ~ ; y.ai TJpcç xcùç 0up .c j ; xai expoç -acav TxapaXXayfjV xfj; ^x/^ç. sLcu ck xa». Tupb; xiç àrnOupiaç aXXo Y£Vû; p.£Ac-c.iac £Ç£jpy;p.£vcv (cf. même texte, g 224).
Avec le temps, l'hostilité contre Homère disparait des milieux philosophiques, bien que la critique soit encore très intransigeante chez Platon. Si vénérable est sa vieillesse, si puissante est la séduction de sa poésie qu'on ne peut admettre qu'il ait péché contre les dieux. Bientôt on voit naître les « Apologies » d Homère. Les Pythagoriciens eux-mêmes prétendent que* les poèmes sur l'histoire de Troie sont très moraux et édifiants: ils montrent
\. I l iade, |». !»1 sq. J ambl ique , \ \ 1*., tiJ, Po rphyre , l*. / ' . , 2(>. Allusion
dans les Seholies d 'Homère , P. 2S ;Townleyana, éd. Maassè
2. Elle est rappor tée par Jambl ique , Y. P., tt.'t, précisément dans le
chapi t re (jui traite du rôle ea lhar l ique «h» la poésie et de la mus ique . On
p rê le d 'a i l leurs une aven ture semblab le à Pvlhajjore, il>i<l.% 112.
112 L'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
en elfet, le ravage que peut causer l 'incontinence d'un seul homme : en outre, comme le récit se termine par la prise de Troie, on y voit les dieux châtiant le vice et récompensant la vertu, ce qui forme un honnête dénouement l.
Il est difficile de nier que ses poèmes renferment des légendes peu édifiantes ; mais, par mille stratagèmes, on veut réconcilier le poète avec la nouvelle conception de la religion, de la morale et même de la science du jour. Les commentateurs inventent dès lors les admirables subtilités de l 'herméneutique et de la critique de texte, dont nous usons aujourd'hui encore avec reconnaissance. Sont-elles insuffisantes? Ils recourent à l 'interprétation allégorique, dont les divers systèmes forment le grand arsenal de la science scripturale de l 'époque.
Les Pythagoriciens ne dédaignaient pas ces jeux savants où la part de la niaiserie et du mensonge est égale à celle des bonnes intentions et qui transforment des légendes délicieusement humaines en récits stupides, honnêtes et édifiants. Nous en avons un exemple en ce qui concerne l'histoire du héros troyen Pan-dare.
Au quatrième chant de l'Iliade, après la conclusion de l'armistice entre les deux armées, Zeus ordonne à Athéna d'inciter les Trovens à violer la foi des serments. Empruntant la forme de Laodocus, la déesse s'adresse dans ce but à Pandare et lui conseille de lancer une flèche contre Ménélas. Le guerrier n'hésite pas et, par le fait même, il devient parjure. Au chant suivant, Diomède, attaqué par Pandare, se défend en lui envoyant un trait qui, dirigé par Athéna, lui perce la langue et le tue.
Là-dessus, grande indignation des âmes vertueuses. Pandare aurait donc été puni pour une faute dont il n'était pas responsable et les dieux auraient incité les hommes à se parjurer ! Le sens moral et la logique se révoltaient contre de telles monstruosités. Aussi Platon trouve-t-il cette histoire scandaleuse, et elle paraît a^oir compté pour beaucoup dans sa détermination de chasser de sa République des poètes tels qu'Homère ~.
Grand embarras aussi dans le clan des « Apologistes ». Les
1. Jambl . , V. P., 42, dans un sermon attribué à Pythagore, connu aussi de Justin, /ù.sL, XX, 4 : et vitia luxuriae casumque civitatium ea peste perdi-tarum enumerabat (=Timéei .
2. liepubl., II, p. J79 e.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 113
uns prétendent qu'Athéna n'a pas forcé Pandare à se parjurer, qu'elle l'a seulement tenté, — ce qui est bien permis à une déesse * ; d'autres, que les Troyens avaient mérité cette punition parce qu'ils avaient conclu l'armistice d'une façon assez irrégulière et qu'Alexandre avait déjà menacé un ennemi 2. Enfin, en désespoir de cause, on recourait à l'explication allégorique. En ce passage, le nom d'Athéna représentait, dans la pensée du poète, l'esprit même de Pandare et l'invitation de la déesse était simplement l'image de la tentation intérieure à laquelle le héros troyen n'avait pu résister3. On ajoutait que Pandare était d'ailleurs un être cupide et appartenant à une race de parjures, ce qui rendait son cas peu intéressant.
Les Pythagoriciens, eux aussi, avaient tenté d'éclaircir le mystère et d'excuser le poète. Leur interprétation a été conservée par Olympiodore, dans un passage assez obscur où l'auteur traite des divers systèmes de xscQapTiç morale 4. Les Pythagoriciens prétendaient qu'on doit permettre à l'âme humaine une certaine connaissance et un certain usage de la passion ; l'homme doit y toucher, comme pour goûter à un mets, « du bout du doigt ». Ce n'est qu'à cette condition qu'on peut prévenir ou guérir les excès de la passion. Cette théorie reposait sur l'expérience et ils citaient particulièrement le cas de Pandare qui, désirant vivement commettre un parjure, se vit faciliter ce crime par Athéna. Ils estimaient que sans cette interprétation, le passage d'Homère paraissait étrange et immoral ; ils ajoutaient que c'était la raison pour laquelle Pandare était puni, plus tard, par où il avait péché, c'est-à-dire par la langue.
L'explication pythagoricienne ne se confond pas avec celles que nous avons résumées plus haut, mais elle a avec elles certains traits communs: ainsi, la présomption de la culpabilité de Pandare. Dans l'exposé rapide d'Olympiodore, le rapport de cette
t . Proclus, in /?em/>., I, p . 104 K. Seholie llomor. A, in Iliad.l, fit). 2. Proclus, in licmp.y 1, p. 103 K, et Seholie ABL, n° I, A. M. Cf. /</.
A, 88. 3. Proclus, in liemp., I, p . l()'t K. Seholie ABL. n° 2. A, «ifi. Lustathe.
in Mari., pp. 447, X\ et IAN. 4. In Plat. Phnrdon.y p. i\ ; ihid., p . !)!*> et p. l i e . Cf. .hunhli'pie, V. P..
200-202 sep, 20!i sep et 210, pour ce epii concerne les théories pythagoriciennes sur les passions.
Diii.ATTii. — LUI. pythaij. h
114 L'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
histoire avec la théorie de la y.àOapatc est assez obscur d'ailleurs; car il faut supposer que la déesse permit au héros de se parjurer dans l 'intention de le guérir d'un mauvais désir. Or, on ne voit pas comment le malheureux put s'en guérir, puisqu'il ne dut comprendre sa faute que lorsqu'il passa de vie à trépas. On supposait sans doute qu'à cet instant il avait dû en avoir un repentir amer et prendre, un peu tard, de bonnes résolutions.
Un autre exemple d'exégèse pythagoricienne nous est fourni par les mythes de la naissance d'Athéna et d'Héphaistos. L'histoire racontée par Hésiode d'après laquelle Héra aurait conçu seule et enfanté Héphaistos dans un jour d'irritation contre son mari, devait choquer profondément le sentiment religieux des Grecs d'une certaine époque, moins par son côté grotesque, — car le sens du ridicule leur est peu familier, — que parce qu'elle supposait la discorde au sein du ménage divin. Quant au mythe de la naissance d'Athéna, déjà connu d'Homère, il reçut l'explication rationaliste que tout le monde connaît. Les Pythagoriciens avaient réuni ces deux mythes dans la même interprétation, destinée à prouver la grande estime des dieux pour l 'amour filial. Chacune de ces divinités, Zeus et Héra, avait voulu donner naissance par ses propres moyens à un enfant dont le sexe serait différent du sien pour se réserver, à elle seule, tout l 'amour de cet enfant : Jambl . , V. P . , 39 (sermon attribuée à Pythagore).
Le combat des dieux, au XXe chant de Y Iliade, avait dû aussi sans aucun doute, inquiéter leur piété. Mais nous ne pouvons plus que deviner par quels moyens ils avaient tiré le poète de ce mauvais pas. Leur système d'allégorie devait, j ' imagine, ressembler à celui de Théagène de Rhégium. Celui-ci concevait le combat de certains dieux comme un symbole de la lutte des vices et des ver tus : Schol. Hom. V, 6 7 : £CT6' oi£ xai iàç otaGiasiç cvô^aia Ôswv xtGsvat, TYJ p.kv çpsvrjcxs'. TVJV 'Aôvjvàv, Tfl o'àoppoauvYj TOV "Apsa, T?j
S £7U0u[Ma TYJV AçpoBlTYJV, T(0 \6ytù G£ TOV Epp.rjV XOcl TCpOdOWSlOUffl
TOJTOLç. ( L é t o = XYJ8W=^ AYJGYJ, id., a d Y, 69 ) . OJTO; pYv CUV Tpooro;
oi ico'fsoyioiç àpyaioc; tov Ttavu xaiàîtb Szxyévojz TOU PTJYOVOJ, OC. Tcpàkoc.
£Ypa'b£ ~£pi 'OuTjpcu, TOWDTôç. ICTTIV k o Trjc; A.£C;£G)C. D ' a u t r e s d i e u x
représentaient les éléments ou les astres ; Apollon était le symbole du feu et du soleil, Artémis, de la lune, Héra, de l'air, Poséidon, de l 'eau L
1. Scholie ad Y, 69. Heraclite; alley. hom., p. 74 sq. Eustathe, ad Iliad., p . 1196. Ps.-Plutarque, VU, Hom., 102.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 1 1 5
L'origine de cet apologiste d'Homère nous fait penser à des influences pythagoriciennes, car il y avait à Rhégium une communauté pythagoricienne florissante 1. Nous y sommes ramenés encore par l'intention moralisatrice de son interprétation 2 et par les essais d'étymologie destinés à expliquer la nature de certains dieux 3.
Les Pythagoriciens, quelque respect qu'ils eussent pour la lettre de la Tradition, ne craignaient pas l'interprétation allégorique, même en ce qui touchait la personne des dieux. On trouve ailleurs encore des traces d'un système d'allégories physiques assez semblable à celui de Théagène : ainsi Héraklès symbolisait à leurs yeux la puissance de la nature, et les Dioscures l'harmonie de l'Univers 4. Cette dernière allégorie provient de la légende qui représentait les Dioscures comme passant tour à tour et l'un après l'autre un jour au ciel et l'autre aux Enfers. Très tôt on les compara dans les Ecoles philosophiques aux deux hémisphères célestes qui, dans leur révolution, passent alternativement au-dessus et au-dessous de la Terre, et leur union fraternelle symbolise l'harmonie de l'Univers. Il semble qu'on puisse rapporter cette allégorie à un commentaire aux deux vers de l'Odyssée X, 303 :
aXXoxe p.èv Çtooucr' STSpr/ epoi, aXXois è'auTs TSOVJCCUV ' Tip.vjv 5î XsXsY afj Icra Oeoiaiv.
Elle est exposée en elîet par Eustathe, p. 1686, 30 (cf. p. 410,
1. J ambl ique , V. P . , 267. Cf. J ambl ique , ibuL, 38, 130, 251. Po rphy re , V. P . 2 1 .
2. Schol . , Hom. Iliud. V, G9 (=: ï lé rac l i te , ail., p . 74 sq . ) . La çcovr^t? (Athéna) l ' empor te sur ràcppoauvr] (Ares) ; fàxoXxa'x (Aphrodite) est auss va incue . Les vices sont appe lés vojrjax-ra (cf. les théor ies py thagor i c i ennes J a m b l . , V. P . , G't, 111, e t c . ) ; la purification des pass ions fait par t ie de la médec ine et on applaudi t à leur défai te .
3 . Schol . V, 69 : opposi t ion d ' H e r m è s et de L é t o : 6 piv oùv oùô'êv aXXo 7:Xf(v 44 apyo; " èr:iv xoiv ïvSov sv r(puv naOoiv Aoyio o: navxl 'ix/i-x: Ar(T»!> oiovtl Xr.Of.i Tt; ouaa* TÔ yàp aavTjij.ovoup.6vov oùxixi xyycXQr^x: oJvaxxi, xxX. On sait q u e les Py thagor ic iens , comme les Orph iques , se plaisaient à ces jeux é tymolog iques . Cf. J a m b l . , V. P . , 123, sur le nom de P l u t o n ,
4. J a m b l i q u e , V. P . , 155 ( f r agmen t sdoxograph iques e m p r u n t é s au recueil des àxoJaaaxa ci té au § 82) : xa* xôv 'HpaxXîa TTJV ojvaaiv tr;; çûatfo; xat xov>; Aïooxojpou; Tr,'/ îya^'ov'xv xoiv à-xvxfov.
116 L'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
18), dans une remarque à ce passage. Nous venons de voir qu'on peut en faire honneur aux Pythagoriciens.
Ils expliquaient par le même genre d'allégorie le vers du premier chant de Y Iliade où il est question du bruit que font les flèches d'Apollon. Ce bruit devait être, à leur avis, celui que rendait la sphère du soleil dans son mouvement rapide de révolution : Eustathe, ad Iliad. A, v. 47 (p. 40, 10), si os Y) XXOCYYYJ
TWV TOJ AxÔÀACOVSÇ OÏCTCOV COÇ YjAtCO '(j/OV SYJXOÎ TIV3 £U.UJ£Arj «XOTsXoU-
fjisvov 6xb TjAuxrj; açaîpaç èv xw xiveîaSai, 6 riuOayôpaç piv rjOeXe
Xyjpetv, âXXoi os àvsipsu/av. Le scholiaste d 'Homère qualifie cet te
in te rpré ta t ion de ©iX6ffo©oç laicpia et Heracl i te , qui l 'adopte aussi
dans ses « Allégories homériques », p . 19, expose longuement la théorie pythagoricienne de l'harmonie des sphères h Celle-ci reparaît encore dans l'explication du cliché homérique : ôsoïç sva-/ayy.ic; a6&Y5v ; cette comparaison s'appliquait aux astres d'après les Pythagoriciens, et cette « voix des dieux » n'était autre que le son harmonieux rendu par les planètes dans leur course 2.
Dès que la mode vint pour les philosophes de prouver qu'ils descendaient d'Homère et que ce fut un titre de gloire d'avoir été deviné par le grand poète, les Pythagoriciens se mirent à la chasse de toutes les particularités de la vie et des croyances homériques qui paraissaient légitimer les leurs. On les voit partagés entre l'orgueil de conserver intacte la réputation d'originalité de leur maître et le désir d'ajouter à son autorité celle de la plus antique sagesse de la Grèce.
Cette tentative de réconciliation eut une répercussion jusque sur la biographie de Pythagore ; c'est bien pour cette raison que des légendes anciennes la mettent en relations avec les Homé-rides de Samos et lui donnent comme maître Hermodamas, descendant de Créôphyle 3.
La coutume d'imposer un silence religieux assez long 4 aux
1. Voyez sur cette doctrine, Zeller, Phil. der Gr., I, a, p. 415, n. 1. 2. Schol . , in Hom. Odyss., t, 4 : (koîç ivaXiyxto; aùofjv] acrupot;' xarà yàp IluOa-
ydpav [JLO'jaiy.wc xat xacà èvapuoviov XIVY]<JIV xivouvxat. Cf. id., a, 371 : TOûTO xarà
TOV nuOaydpo'j Xdyov* èxsïvoçyàp z>r\aiv OJç " I£a> yêvdp.evo; TOU aoSu-axoç àxrjxoa ép«.»j.£-
Xou; àpijLov'a; " (fgt. d 'un apocryphe pythagor ic ien) .
3. Néanthe dans Porphyre, V. P . , 1, cf. ibid., 2 et 15. Diogène Laërce, VIII, 2. Jamblique, V.P., 11 (=Timée). Cf. Apulée, Florid., II, 15 (où Leo-damas est une variante vicieuse, je pense, de la forme Hermodamas).
4. Cf. Isocrate, Bus. 20 (allusion), Alexis, dans Athénée, IV, p . 101 b.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 117
novices leur paraî t justifiée pa r divers passages homér iques :
P s . - P l u t a r q u e , vit. Rom., 149 : ï-z\ oï èv TOUTOLç XXî nu9xyôpou
è[ji.vY)[Ji.ovsuffa{i.£v, J) U,XXIC;TX yjpsffxsv YJ èy£;j-uO(a xxi TO OTYîV a p.rj ypYj
XSYSIV, 0îao-(i)*A£9a £'. xxi "Op.Yjpoç, TXJTïJV £3~/£ TYJV vvœjjiYjv. L au t eu r
relève les pr inc ipaux passages : ; , 466 : B , 246 ; *F, 478 ; T, 2 et
8. —jîapjâapixbv yàp rj xpauvyj, èXXrjVixbv oï rt o'.wTrr,' o'.b xai TOUç, ?po-
vtpajrcaTOUç eY^paTscraTouç YA(*>ffffY)Ç TTSTCCWJXE, xal TOV '0bv77Éx ;w uîw
StaxsXsuôp.evov, îC, 300 1 et T, 42.
Les Py thagor i c i ens p r é t enden t m ê m e s ' inspirer d 'Homère en
ce quPconcerne cer ta ines idées rel igieuses : S tobée, fïor., 33 , 17 :
Tuspt TYJç xa9' "OjAYjpov iyqjiuBraç, ctà TOUTOU oapw; bV.xvuTat. XSYSI Y*?*
(B . 246) . Kal TOU TyjX£[xo:you Ei-ôvTOç*
rt p.aXa TIC, Oewv k'vbov, oï oùpxvbv sùpùv r/ouaiv,
ÈxiXau.(o>avo|Jt.EVOç, 6 TcaTYjp EST;" (T. 42)
aéra, xal XXTC* GOV voov ï<jyav£ perço' èpssivs,
aiiTÏJ TOI CIXYJ SffTl 9EGJV 01 "OXUJATCGV r/ouoi.
TOUTO ècJYJ YYjtfr.v o? II u 9 a Y o p ix ol xaXouvTEç, oùbkv àr:£Xp''vovTo
TOI? TTSpl 9EG)V OTl TÛyOlEV Icap.ôj;; Xal EUyEpwÇ àpWTWO"'..
Ils expr imaien t leur vénéra t ion pour leur maî t re en ne p ronon
çant j a m a i s son n o m et en le dés ignan t pa r le seul mo t 9£toc ? .
Cet te cou tume pouvai t se prévaloir d 'un précédent homér ique
qu ' i l s n 'on t pas m a n q u é de re lever : J a m b l . , V. P., 235 : ~GWTX ;J.èV
ôTCOTE (OOûXOIVTO BrjXâjua'., xaXsiv auTOv 9EîOV, ïr.zl oï èTEXEJTY;OEV, èXEC-
vov TOV à'vcpa, xa9a7:£p 'Op.vjpoç àTcoçaivei Tbv Evp.xÊov ûrrèp OOUJOéWC,
p.s;j.v^p.£vov,
| - , 1 4k)J TOV (JL£V £VOJV, (0 Ç£lV£, 7.21 OU TTapEOVT 0V0JJl3C,îlV
a'.oÉop.ai' TTEpl vxp ;J.' èOîXE». xal XYJ$£TS Xèr;v.
Sénèque, ep. î>2, lt). Dio^. I.aérce, VIII, 10. Lucien, soinn. i . Vit. Auct. 3. J ambl . , V.P., 72, Oi, etc. Plutarque, Xuma. S, 7. Clément, Strom.. V, 10, 67.
1. Los variantes do texte intéressantes du Ps.-Plutarque peuvent provenir simplement de l'édition dont usait eet auteur et non d'une reeension pythagoricienne.
2. Jnmblique, V. /»., a.) t Timée) H"ù\. Cf. i7m7..30. et Porphyre, T. P . , 20, etc. Peut-être n'était-ce'une coutume que pour une secte du Pvthng-o-risme ?
IIS L'EXéGèSE in TMAGOIULIENNE
Ajoutons le troisième vers : àXXa pav rjôstcv xaXs'o xai vôcqptv èôvxa. Cette addition est nécessaire, car la concordance entre la cou
tume du bon porcher Eumée et celle des Pythagoriciens serait imparfaite, si elle ne concernait que la crainte de prononcer le nom du maître. Je pense qu'elle était plus complète et que les Pvthagoriciens connaissaient une rédaction différente du troi-sième vers où rjQsisv était remplacé par Ôsfov, Ils n'étaient pas les seuls à adopter cette leçon. Il semble bien d'après une note d'un Scholiaste 1 que Chaméléon niait l'existence du mot rfieloq dans Homère et qu'il le remplaçait par Osfoç, en complétant la mesure par un monosyllabe. Il est vraisemblable que les Pythagoriciens l'avaient devancé dans cette voie, au moins en ce passage, pour accentuer la ressemblance des deux coutumes. Qui pourrait dire d'ailleurs la leçon originale?
Les Pythagoriciens prenaient volontiers des passages d'Homère pour thèmes de leurs sermons, dont ils étaient prodigues. Le choix de l 'expression TîaiYjp xwv 6SôJV xai xàW ôVYJTWV, pour désigner Zeus, leur paraissait être le plus bel éloge de la paternité 2. Pour eux, comme pour l 'auteur de la Morale à Nicomaque, l 'épithète d'Aga-memnon « pasteur des peuples » a une profonde signification ; elle devait servir de thème à un développement sur les devoirs politiques des magistrats 3.
La résignation à la volonté divine leur est enseignée par quelques vers de Y Iliade, 0 , 104 sq. Ps . -P lu t . , de vit. Hom., 153: xapà TOUTO S'ècnl xo noBayopixov'
ocrera T£ §aiu,oviai?i xûyaiq (Jpoxol aXve s^ouenv, YJV av p.cfpav é-yrtçt xauiYjv çsp£, [rro'àyavaxT£L
1. Schol ie , in Iliad. W, 94 : f] Os tin, xecpaXr]] S 7cpo<7ço>vr)cnç veou xcpôç, j:psa,3uxe-
pov ôrjXov ôxt ^psajjuxspoç 'AytXXso); ôlIàxpo/Xoç, Xa|j.atXecov ypacpet w Oet'r] xeçpaXy).
yeXotov 8è èTXI vexpoi xô 6ehy ôtô 7] oinX?). Dans les au t res passages homér iques ,
ce mot se t rouve employé au vocatif; il étai t aisé de le r emplace r par 0eto;
p récédé de M.
2. J a m b l . , V. P . , 3 9 : d a n s un se rmon a t t r ibué à Py thagore , ap rès l 'éloge
de la pa te rn i té : ô'0ev /al xôv "Opoipov x?] aux?) Txpoayjyopta xôv (3a<jtXéa xwv 0eàiv
aù'Çetv ôvopàÇovxa rcaxepa xtov Oewv xai XOJV Ovrjxcov.
3. Ar is to te , Eth. Nie, VIII , n , 1: eu yàp xcotet xoù; paatXeuotj.é'vouç el'rxep àya-
0ôç o)v èTaaeXeïxa'. aùxtov, tV eu rcpàxxtucnv, loarcep vou.eù; r;po{5àxojV ô'0ev xai "Opvrjpoç xôv
'AyauéfjLvova rxotpisva Xaôiv ETTXSV. Cf. la parodie d'un ouvrage an t i -py thagor i
cien, J a m b l . , V. P., 260 : xôv "0;j.7jpov pâXtaxa srxatveiv èv oiç el'prjxe 7totp.éva Xaôîv
èpsaviaxeiv yàp (3ocJ/7;uaxa xoù; àXXou; ô'vxa;, oXtyapy txôv ô'vxa.
DES POÈMES IIOMÉRIQI'ES 1 1 9
Leurs symboles même éta ient connus d ' H o m è r e : ils en c i ten t
avec fierté que lques exemples , de m ê m e qu ' i l s a iment à les
r e t rouve r dans des préceptes d 'Hésiode l . A propos des vers de
l 'Odyssée (T, 28) :
qzïvoq 08' 'où Y«? âepY°v «vÉçon-ai oq XEV h^q Ye
yotvixoç, azTYjTai,
E u s t a t h e r e m a r q u e , p . 1853 , 60 : «(jTe'ov 8k 'ôTI TE TO èxt ycivixo;
JJITJ xaOfJaôat TO riuOaYÙpetov, YJYCîîV U.YJ TpéoeaOa'. âpY'cv ^x T0U* f*î8svTOç
'Ou.yjpixou ytopiou (optxrjTai.
I ls expl iquent a l l égor iquement pa r u n passage de Y Iliade u n
au t r e symbole xap8(av U.YJ iaOïsiv qui é ta i t pr is or ig ine l lement
dans u n sens l i t téra l : E u s t a t h e , ad II. Q, 128, p . 1342, 1 3 ; OTI
TO xorcà nuô^Y^pav U.YJ èaOïEiv xxp8ixv, o èariv OXUTCOV xai xirapayov 5ia-
{xÉVEiv xbv àvOpwTcov xai wç EITCEIV àXuTuav âaxEÎv, ex TCU Opvrjpou r;xp&-
Çearai, EÎTCOVTOç*
TEXVOV èjxov, TcO {XEypiç ôSupojJisvoç xai àyeùwv — arjv ïIZOLK xpaîiYjv ;
Cf. P s . - P l u t a r q u e , vit. Hom., 154, et Schol . , Iliad. Q, 129.
L 'express ion îoov è[AYj xeoaXYj ( 2 , 82), compara ison des t inée à
m o n t r e r la profondeur de l 'amit ié , est rapprochée par les mêmes
au teu r s de la définition de l 'amit ié a t t r ibuée à P y t h a g o r e ; E u s
t a t h e , p . 1131 , 58 .* où eiriTaorç eùôùç XSI;J.SVOV TO îaov S;J.YJ XEoaX-îj
TOUTéoTiv wç èp.1 aÙTbv. EVTEUôEV 8s, <pa<xtv, 6 Ttepi HuÔaYopav CJAIXCç,
âpyYjv èXwv ibptÇeTO X«YWV OTI " o 01X00, aXXoç sariv èYW " . Cf. P s . -
P l u t a r q u e , vit. Hom., 1 5 1 , et Schol ie , II. 2 , 82 .
La fameuse m a x i m e qui r é sume la mora le py thagor ic i enne
STCOU Oew est inspirée d ' H o m è r e . S tobée , ecl. et h., 6 , 3 : czEp a»v{-
Çacr8ai (AèV Ou.Yjpov si-ôvTa' " XXT' îyvtx (3aîvs OssCo " (e, 193), IluOx-
vôpav 8è [XET' aÙTbv elzeîv u êicou 8EO> " . On voit repara î t re ici l ' in
te rpré ta t ion al légorique des formules les plus s imples , que les
Py thagor ic iens appela ient î YJVYJOTç, d ' après un au t re passage de
Stobée , et qui semble avoir eu su r tou t un carac tè re rel igieux.
Le P s . - P l u t a r q u e (jj 151) me t ce précepte en rappor t avec un
au t re vers de Y Iliade (A, 218) : ô; xe OEOC; Èr;irsé9ï;Tat, ;juiXa
8'lxXuov aÙTou, e tc .
1. Le pythagoricien Androcyde dans son respi TJ;.I(3OX'.>V expliquait le symbole yûipa; r/vo; ouy/eiv «v TTJ TÏçpx (Diog. Laërce. VIII, 17) par le vers d'Hésiode, op. 748 : JXT)8' àrcô yuT&onoôiuv àv«ntpp£XTo>v içcXovra—E^Octv. (Try-phon, Bhet. gr., III, p. 194).
120 L 'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
Les Pythagor ic iens , que le souci apologét ique a pr ivés de tout espri t cr i t ique, s ignalent souvent des concordances p u r e m e n t
imaginai res . Ainsi ils c royaient re t rouver dans Homère des t races
du respect supers t i t ieux qu ' i ls ava ien t voué aux por tes : P o r
phyre , unir, nymph., 2 7 : xal Sa xobxo Oî lluOavôpsiOL /.ai oî xap '
AVrj~-ic.q aooot ;J.Y) XaXsîv àxrjYÔpsuov Sispyouivouç Y) Oupaç v) TCOXOCç*
a£i3ou,svo'jç, OTTO OXCOXYJ Ô£CV àpyrjv xoW CXWV syovxa. atSs xod c'Ou.Y]poç,
îspi ; xiç, 66paç, wç SrjXot xap ' aJxw 6 asiwv Oîvsùç àvO' ixsxrjpiaç XYJV
Ojpav,
Zsuov XOXXYJXYJV aavC8a YOUVOôU.£VOç uiov (I , 583) .
I ls sont heu reux de rencont re r dans l 'expression « l 'airain
sonore », une concept ion animis te qu ' i ls ont adoptée et su ivan t
laquel le ce mé ta l serai t an imé in té r i eu rement par la présence
d 'un démon : Eus t a the , p . 1067, 58 : (ad H, 408) Yjvoxa 8s yaXxov]. .
TjvcTca 8s XSYSI xbv " èvorca ' , b s<mv SU,ç<OVOV' p.6voç Y«p TGW àYuya)v
8cx£t çWVYJV êyeiv. xal oî IluQaYOpixoi <pacx xbv yaXxbv xavxi auvYjysïv
Gsioxspw xv£Ùp.axt, xxX. Le scholiaste fait la même r emarque et on
re t rouve en effet cet te doct r ine dans les àxouau,axa, Po rphy re ,
P . P . , 4 (Aris to te) , xbv o'èx yaXxov xpouopivcu Ytvopisvov Yjyov «JXOVYJV
slva( xivcç, xu>v 8atu,6va)v £vax£tXrju,u,£VY)v TW yaXxoL
U n vers de l 'Odyssée àXXà xb p.'sv «paaOai, xb oè xal xsxpupip.vov
elvat (X, 443) para î t ê tre une approbat ion du secret p y t h a g o r i
cien 1 , et le supplice de Tanta le est considéré comme le symbole
de la t r i s te existence des profanes qui n ' o n t point de pa r t à la
Révéla t ion de P y t h a g o r e . J a m b l . , V. P . , 245 : abxbv 8è auvsxi-
xpvxxsaOa'. xoXù xwv Xsyo^ivwv, ôxwç oî p.èv xaOapwç xa,.8eu6p.svoi ffafpwç
abxwv u,£xaXap.l3av(i)cxv, oî 8s, waxsp Op.rjpoç <p7;ai xbv TavxaXov, Xuxwv-
xai, xapôvxwv ajxaW èv u.sato XGW àxouap.axwv u,Y]bsv àxoXauovTSç 2.
S'ils divisent les êtres ra i sonnables en t rois g randes catégories :
l ' homme, la divinité et un être d 'une essence in termédia i re tel
que l 'é tai t P y t h a g o r e 3, ils p r é t enden t suivre en cela l ' exemple
d 'Homère , SchoL, in II. A, 340 : b : oî Hu6ayôps'.ot xaxà 6sbv xat xaxà
1. Il est cité par Clément, Strom., V, 9, 59, à la fin d'un exposé sur les deux genres d'enseignement en usage chez les Pythagoriciens.
2. La mention des ay.ouau.axa dans ce passage (cf. Jambl., V. P., 82 sq.) permet de rapporter ce fragment à une époque assez ancienne.
3. Aristote, dans Jamblique, V. P., 31.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 121
âvSpwTcs'.ov YSVOç o\ow Tptrov £TI9£VTO oEJodcajAtov TOV joaac/viaTj ooobv xvbpx
OpLYjpou Tupwxou tasTaçù OEWV Te /.ai avOpwxwv QôVTOç TOV jixsrAia '/.ai
?caXiv TOV joxarAéa 7upoTcu.o)VTa TTO-n/jaavToç aÙTCJ TSV crstpsv avopx.
Il leur étai t na tu re l de chercher dans les poèmes homér iques
les p remie r s é léments de leur théor ie des n o m b r e s . Le P s . - P l u -
t a rque nous a conservé que lques -uns des passages où ils pou
va ien t r e t rouver des croyances a r i thmolog iques . Cet au teur expose
d 'abord les doct r ines py thagor ic iennes , puis il cont inue par cet te
compara i son (14b) : xai "Oy.vjpoç TOIVJV TYJV T£ TOJ Ivbç çJœIV iv TYJ
TOU àyaOcu u,cipa xai TYJV TYJç buxboç èv TYJ èvavTix TtOsiç tpaivsTai TTOAAX-
xtç, £VY)£a TOV àyaôbv Aéycov TcoXXaxiç xai £VY)£I'YJV TYJV TOIXJTYJV b'.a-
ôsaiv, ôUYJV Se TYJV xaxworv' ( l ' au teur cite : B , 204 et [y, 127] * àsl
oè TW TC£pt(jo"0) àpiOfJLO) yprjTat oùç xpsbffcvi xai TOCç p.àv oùpavicç oai-
{JLCKjt TOC TC£pccraà àTcsvs|/.£i' o T£ yàp NstiTwp Toi IloersiSûvi, O'Jît £W£xx'.ç
èvvsa xaùpouç' xai TOV 'Ooi>cra£a OUîLV XSASûSI 6 T£ip£7iaç
àpvet-bv xajpbv TE, truûv T'èxi^Topa XXTC OV (A, 131).
o Se 'AyyXXEÙç TW IlaTpoxXci) EvaytCEi TcâVra apTi-x, VTCTTOUç pAv Tijoxpxç,
SwSsxoc Se Tpwwv (j.£yoc6up.wv oiéaç è<r9Xoùç ("*F, 17b), xai Èvv£x xjvtov
OVTtoV, TOÙÇ SÙO £U,{3âXX£t, TY) TTUpOC, ïva TO'JÇ £TJTa £XLT(p âftoXlTTYjTXl. Kai
£V IU0XX0ÏÇ TOJ T(ûV TplÛV Xai TCEVfE XXI £?CTX âpl9p.(5 ypYJTXl' y.XA'.OTX 5k
TOI TûV iwÉa (H, 161 ; X, 311 ; A, 53 ; Z, 174) . '
On peut r appor t e r à la même origine un passage de P lu t a rque
qui sui t i m m é d i a t e m e n t u n e notice sur l 'a r i thmologie p y t h a g o
r ic ienne (de an. procr. 3 3 , 5) : TO S= TJXOTV ciç èX S'.xoopxç xai xvo-
tAOtOTYJTOÇ iyyiYOVE XO'.VGJVia TIÇ ITpOÇ XAXYJAX XXI ffU|AOli)VlX, TX'JTYJÇ
ocVuiav Etvat (juxTpiéTYjTa xai TXçIV, àpi-0y.oj xai xpy.ovixç y.ETXjyoùorv, oùSk
TOùç TCOtYjTaç XéXYJOEV " àpOiJux ' ' ;A£V TX çtXx xai TjpoaYjvYj XXASOVTXç, ct àvaporouç Sa TOùç èyôpoùç xai TOùç T:OA£;J.COUç <Oç xvxpy.oTTixv TYJV
Siaepopàv ojaav. — Un ex t ra i t de Stobée, ccl. phys., I , 2, déve
loppe la même compara ison ent re Homère et P y t h a g o r e en l 'ap
p u y a n t de d iverses c i ta t ions (x, 4b!) ; - , 427 ; y;, 308L A l 'ori
g ine , ces r emarques se r a t t acha ien t peu t -ê t re à des vers isolés,
t . En réalité les deux vers cités en dernier lieu ne se retrouvent pas, que je sache, dans Homère; le passade qui s'en rapproche le plus se trouve dans l'Odyssée, y, 127. J'imagine, comme pour l'exemple cité précédemment, qu'il ne faut pas rapporter ces variantes mu ces passades perdus?; à une recension pythagoricienne, mais au Es.-Plutarque lui-même.
122 L/KXKOKSK PYTIlACiOUir.lK.NiNK
comme cette scholie du vers 49 du premier c h a n t de VIliacle
[Anecdota Parisiens., éd. Cramer , I I I , p . 122), svv?ju.ap] xaObXou pAv
xsv Txspixxbv àpiOp.bv xpsiaaova xoà* àpxiou V£vou.ix£v ' Ou.v)poç ovirsp xal
ci |~spl IIjQayipav stXôffsçoi p.àX'.axa èxpaxuvav p.aXt,axa vàp xbv
ivvba Tî'Aî'.GV tp^ixa'.. èaxl os axe XOJ xpwxs'j x£p'.aaou xsxpxvorvcç îxspix-
73;. — La note du Scholiaste à Z, 174, donne à en tendre q u e
les commenta i res phi lologiques ne négl igeaient pas des considé
rat ions de ce g e n r e : £vvr,'p.ap] : r, OITXXY; 371 sTcisopoç èem npoç xbv
ivvia àpiOp.ôv. A L
La prédilect ion qu 'Homère semble mont re r pour le nombre 3
est l 'objet des m ê m e s r e m a r q u e s . On en t rouve la preuve dans
un passage du P s . - P l u t a r q u e , vit. Hom., 1 4 5 : àù oï xo> 7C£piaaa)
àpiOp.oi ypijxai (ôZ xpsicffsvt' xal vàp xbv aap.Tcavxa xoap.ov TXSVXS p,o{paç
zyovxa -oitov, xàç xpsïç xouxwv cacaç [Assaç ciaipsî ' ; xpryôà bè rcàvxa
cbbao-xai, rxacrxoç b'sp.p.ops xtp/?;ç. " ( 0 , 189). Deux au teurs où nous
t rouvons des f ragments d 'un t ra i té d 'a r i thmologie dont le fond
est py thagor ic ien , Lydus et l ' A n o n y m e des Théo logouména ,
c i tent aussi ce vers en exposan t les qual i tés de la t r iade. Théol .
A r i t h m . , p . 6 : xal xb xcap' 'Op.vjpa) bb àppiocroi xiç àv xobxoiç' " xpry6à
yàp xavxa bbbacnar.'' = L y d u s , de mens., I I , 8. C'est encore le souci
d 'a t t r ibuer à Homère des not ions d 'ar i thmologie qui leur fait t rou
ver u n sens mys t ique à l 'expression xpiç (ou ysxpaxiç) p.oxap£ç :
Théol . , p . 21 : àp.£A£t xaxà xb SbXwvoç à?îô<p6£Yp.a " xb xbXoç bpav
p.axpou .Slou " buvaxbv àvbéÇaoOat, xapà xw TTOIYJXYJ, XOùç p.bv Ixt Çomaç
xpiç {J.3V3V £TX' £jcaLp.3vta p.axaptç"ou.£vouç, àbïjXou xov xrjç p.£xa7cxo)<j£U)ç
xal p.£xa,3oAY;ç sxi ÙTxapycvxsç, xobç bs x£Ôv£Ô)xaç (bkpalwç i'ycvxaç xb
£:jbatp.cv xal p.£xaj3oXr;ç èxxbç xsXsioxspov xexpaxtç. Xéyei vàp ira xoîi
çGWXOç' xpiç p.àxap 'Axpabrj—[j.bvcv, STXI bs x(7ov àptaxa p.£XY]XXay6xo)v'
xplç p.axap£ç Aavaol xal xexpaxtç 0? xcx' cXovxo. (E, 306) (cf. Théon
de S m y r n e , expos, math., p . 100, et Macrobe , in somn. Scip., I ,
6, 44 : applicat ion à un passage de Virgile imité d 'Homère , Aen.,
I, 94). Ajoutons, pour en finir avec ce sujet, une remarque de
Macrobe, empruntée encore à l'ancien traité d'arithmologie 2. Il y
1. Anatol ius , r.zpX bs/.àooç, 9, cite aussi le vers d 'Homère , II , 161 : oi 8'évvéa -âvxE; ivï7xr,aav pour p rouver qu'i l reconnaissa i t une va leur spéciale au nombre 9.
2. La môme idée se re t rouve , en effet, appuyée d 'une citat ion de Linus , dans les Théol . , p . ni : ox: si; xÉsaapa xà ~avxa axor/eïa, xpsï; Bè aùxtov àvay-
DES POÈMES HOMÉRIQUES 1 2 3
est question des quatre éléments et des intervalles qui les séparent, comm. in Somn. Scip., 1, 6, 37 : et a terra quidem usque ad aquam spatium nécessitas a physicis dicitur, quia vin cire et soli-dare creditur quod est in corporibus lutulentum, unde Homeri-cus censor cum Graecis imprecaretur : vos omnes, inquit, in terrant et aquam resolvamini, in id dicens quod est in natura humana turbidum quo facta est homini prima concretio ( = H, 99).
Les Pythagoriciens interprétaient aussi à leur fantaisie la topographie mythologique afin de la mettre d'accord avec leurs théories. C'est ainsi que dans le passage de Y Iliade où le Tartare est décrit comme étant aussi loin de l 'Hadès que la Terre l'est du Ciel, ils voyaient une allusion au feu central, qui correspond en arithmologie à la monade, Anatolius, KIù\ zv/.zzzz, 1 (cf. Théol. Ari thm. , p . 7) : xpbç TOUTOU SASYOV (SI IïuOavépsic'.) ~£?'- ~z y-socv
Tù)V T£OJapd)V GTCiySLtoV X£Î?8ai TtVa SVaBlXOV BtXTTUpSV X'JJâcv OU TTjV ;j.£0"ô-
TvjTa Trjç 6É!7î(.)ç xai f'0;j.vjpov elssvai XeYCVTa' TOOOOV svspO' àioao, ôocv
oùpavôç èar' àzo yar/jo. ( 0 , 16). D 'au t re pa r t , le feu cent ra l ou
monade représentait aussi à leurs yeux le siège de la déesse Hestia ou Hestia elle-même, comme le montre la suite du passage d'Anatolius et des Théologouména ainsi qu'une notice de Plu-tarque *, et on ne voit pas comment ils ont pu concilier ces deux conceptions différentes.
Les personnages.mythologiques eux-mêmes n'échappent pas à la manie des Pythagoriciens de tout convertir en nombre. Ainsi pour Atlas, qui symbolise la valeur cosmologique de la décade: Théol. Ar i thm. , p . 6 1 : "A-Xaç es (ïs-v* r, Bsxif) - a s ' îTCV S uiv TITOCV u.uQsucTai ©éps'.v k~i TCU <OD.îU TSV sùcavév or.il yz\z'
iyzi z£ T£ xisva^ aÙTsç Maxpàç, ai! yaCav T£ xai oùpavbv z\\).z\z r/susiv. (^^x. 32).
(T=Nicomaque dans Photius, bibl.} p. 1 45 a). L'interprétation d 'Eustathe, p . 1389, 35 : TCV Zï "ATAXVTX ci uiv XXXT;-
xaûoç ai aeraç'jtrjTê;, £(38O;JLX; av xivcxuOï intxpxrotr, Ttov o'X'ov. otô xx: Ai'voç ô 0*o-
XOYOç èv rto "pô; 'Vfxs'/aiov SêJTSpci» OeoXoY'.xrô ça:'vîtat Xê'vMv' Tsxxxpe^ xy/x'- *~*<J'-v
rptaaoi; oea|xo'.; xpatouvrxt. Cf. encore saint Itnsilc, /iom. </u;irta in / / c ra / i . , 5.
i . Numa, I I , 1. Cf. Philolaos dans Ael ins , n , 7 , 7 | - Diels, Cors. ,
p. 237b
124 F/EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
YCpcÏÏcr sic TY;V àxa[AXXCV xai àxc7:iaxcv T-jpcvoiav xa>v Tïavxarv aixiav
doit être rapprochée d 'un aut re passage des Théologouména,
p . 59 : cic-sp xai smovcga^ov abxrjv (TYJV c£xxbx) 6SOXOY2VVX£ç 0<l Huôa-
ycpixci, TXOXî gkv XCJ|J.CV, TJCXS es £igap[JLSV'Ov.— "AxXavxa x£
xai àxxv.xvxx La seconde explicat ion al légorique d 'Eus t a the :
x'XXci 5à AxXavxa xbv VCYJXCV àbjova vcovai xbv bià IJ-ÉJYJç X^ç y^Ç
sXrfAxgs'vov, est aussi d ' inspi ra t ion pythagor ic ienne comme le
mon t re la sui te du passage des Théo logouména : rt oà b£xàç xbv
x(ov sçaipoîv cjYxpaxsi Xcyov, OIOV rcaawv xiç bià(A£xpoç ouaa xai Tïspià-
yeuxa xajxaç; y.ai TXîpiy.Acisuaa auvsxxixoixaxa. De m ê m e , Nicomaque
identifie la monade avec At las pour la m ê m e ra ison , p . 143 a,
31 : à'xXavxa' axwv xé saxiv abxoîç.
Nous t rouvons , tou jours dans la même source, l ' a r i thmologie
py thagor ic ienne , une expl icat ion al légorique des pe rsonnages
d 'Eole . Nous la r a t t a chons au commenta i re homér ique parce que
les t e rmes m ê m e s de la ci tat ion des Théologouména (p. 23 : ©yjoiv
y) TXOIYJOTç) nous y au tor i sen t . D'ai l leurs la compara ison avec les c o m m e n t a t e u r s d 'Homère mon t r e que c 'était or ig inel lement une
note à un passage de Y Odyssée, y., 1 sq. Théo l . , p . 22 : ôxi AioXou
ojffiv xaxuivogaLov xr(v xsxpaba, xb TJOixiXov £[A©aivcvx£ç xrjç oixaoxrj-
xcç (p. 23) . Tbv AioXcv bs çTJ-JIV rt xuotYja'tç açatpixoùç IxTcopiÇav
àvs'Aouç, C)q xai Irj-cxib^ç TjpoavjYopeuO^ àxo xrjç xa*/yxY)xoç; XGW
è-ixîAOJVxwv abxbv aaxpoiv xai bià xov àoiaXeiTcxou bpéjAou' sari yàp Ai'o-
Xcç o sviauxbç bià XYJV TWV xax' abxbv ©uogévwv rcoixiXiav.
Cet te in te rpré ta t ion est adoptée pa r Héracl ide dans ses Al légo
ries homér iques : elle s'y t rouve même exposée p lus complè te
men t , c 'est pourquoi j ' e n cite les p r inc ipaux passages , p . 71 : xbv
•ASV yàp Ai'oXov sbjaipsxwç êyaiys vogiÇo) xbv Iviaoxbv sivai, xa?ç bo>b£xa-
JJIYJVOIç xov */pcvcu xjspicboiç èvbcbô^ivov' covo^auxai yoîiv A'ioXoç
xcoxécxi r;otxiXoç, èiceiOYi'ïusp O'JX icjcypcvq) xai {AovosiBeî xaià xSarav
oipav x'fj ©'j(7£i cuvYjvtoxai, ciàcpopoi b abxbv ai rcap sxaara [A£xa(e1oXai TCCI-
xiXXcu-Jiv (différence des saisons)* rcaica b ' abxbv divc gaasv ITUTîO-
xco ' xi yàp b^bxîpcv ypévco*, xi b ouxw TJOCKîJXS , àsi ©£pog£va) xai psovxi
xqi xàysi xcùç GXCJç; a'iwva; èx'j.iXpco'Asvco ; b<î>bsxa b abxcv Tcaibkç
slaiv ci [/.yjveç xc \xht sbxapTîov xai yévigov xoW xb ôépoç IxTcigTuXav-
xoiv jr/jvôv 8r4A£ta ysv9j rjpco-sixaes, xc es crxeppbv xai TxsTrrjybç; xoW ysi-
•j.eciwv x.pcs'voi-JEv. s i x •àrjEJârje; c ' c b c ' b xxep i :wv yajjuov !J<30Gç ( aP°~
logie morale) , àXXà xeb; àbîXocjç àvkgi'Cs xai^ às£X?aîç, èTcsib^TJcp
•JTY àXXr,X(.)v su {A ,3 £,3- x6 xà; (iipaç c"/£îo-8ai* x a g i a ; b'èaxiv âvé-
DES POÈMES HOMÉRIQUES 1 2 5
u.u)v è[/.[4.T]voi yàp ai xojxarv ©opai xai xaxà 7cpc6£jp.iav TrvÉcuaai, c£-
arcoTYjç b'àxàvxcDv 5 èviauTsç. Ajoutons q u ' E u s t a t h e a puisé à une
source ana logue son commenta i re à ce passage , p . 1644, 61 sq. ,
comme le scholiaste d ' H o m è r e , Oclyss., x, 6.
Il es t v ra i semblab le que les Py thagor ic iens ava ien t inven té un
vas te sy s t ème d ' in te rpré ta t ion al légorique de la mytho log ie , don t
il ne subsis te ma lheu reusemen t que que lques f ragments . Le
bizarre pe r sonnage de P ro tée fournissai t u n thème t rop beau à
l ' é tymologie pa r son n o m (les Py thagor i c i ens l 'ont mis en r ap
por t avec Tcpwxcç), à la phi losophie pa r l 'h is toire de ses mé tamor
phoses , pour qu ' i l échappâ t à l 'a l légorie . Les Py thagor i c i ens
l ' ava ient identifié avec l 'uni té parce que celle-ci contena i t en
puissance tous les n o m b r e s et tou tes les combina isons n u m é
r iques : Théol . A r i t h m . , p . 7, 25 : sùx à^iOavw; oï xai Ilpwxka
TZpo<jYiyôps.'Jov abxrjv xbv èv AiyJTTTO) r.6.\j.\hzpozv -^OJZ, xà TTXVTWV
ibxwgaxa 7X£pt£youe;av wç èx£ivoç, xb kxào-xou àpiQp.sj 7'jvÉpY^;j.a. Cf.
Sy r i anus , in met. Arist., 842 a et 931 a. D ' au t r e pa r t , l 'uni té cor
r e spond à la mat iè re or iginel le , comme l ' expl iquent les Théolo-
g o u m é n a , p . 6, d 'après N icomaque et Ana to l i u s 1 . P r éc i s émen t
la compara ison en t re P ro tée et la mat iè re première se re t rouve
chez les c o m m e n t a t e u r s d ' H o m è r e , dans Heracl i te (p. 86, 19 :
MOT' SIJXOYOV XYJV gèv ôfjjispçov GXYJV Ilpwxéa xaXciuGai et p . 87, 11 : xb
pAv yàp otp.at TYJç àpyyYÔvoi» xai 7îpa>xYj; oj j ia ; 0Tjp.aiv£i xb Yspaixspov...
le Schol ias te à b, 384), et su r tou t dans E u s t a t h e , dont le tex te
expl ique mieux que tout au t re les d ivers déta i ls de l 'a l légorie,
p . 1503, 18 ( = G, 401) !<JX£OV 8s xai oxi xà xaxà xbv TTOàUSISY; XSGXîV
Ilpwxsa, oi p/sv àvayouai ~pzç àpy&YOviav àXA^yopiaç JGSYJV JJLèV, àrjp.-
jbi^aaxov c'aXXwç TCpbç XYJV àvà 7£ipaç jTxbOîaiv, ©ap.£v:i Ilpwxia XYJV -po)-
XOYOVOV £ivai J'XYJV, TT(V XWV sibwv cV/àba, XYJV svspYîia p.iv sjo-xv p.yjbkv
xûv Elbiov, buvàp.£i ok xà ràvxa' axor/îia ce CYjAabY) à cià xcv -'jpzz aivix-
X£xai xai cià XOJ uoaxo; xai cià XOJ vscoyapsy? bpxxovxco, xai Si à XOJ
àspoopôp.oj UIJHT^XYJAOJ ckvopou. xai où crxoiyaa p.ôvov àXXà xai k'o>a, xai
é'x£pa xà xaxà xôc;p.cv' cv 8rj-Ilptoxsa xaXioç Xî'YîTXI YJ HiccQix sxçaivsiv
Sià xt)ç èx XOJ ojvap.£i sic, èvspYsiav rpcavioY^ç, Yjyojv Y; XIVYJJIç r, z\z
sîooç, Ô££iv ajxbv xai xivsùrOat p.Yjyav(.)p.£VY).
On peu t sans doute aussi a t t r ibue r une origine py thagor ic ienne
1. Théo l . Ar i t hm. : xaxà ôi xi arjp.aivop.evov xa:. JÀT,V aJxT,v XXXOJV. xxX. Cf.
N icomaque , dans Pho t ius , p . 113 a.
126 I /GXÉCIKSK PYTHAGORICIENNE
à ce fragment d 'un essai sur la topographie des Enfers conservé
par Porphyre (Stobée, ecl. plujs., i l , 61) : zaXiv alviTxojj.evs ;
( "O^psç) su xai; 7(07 s-jTîgio; j3s3'•<•»*• 3 ~<*>v 2/uyai; jj.sxà TYJV TSXSUTYJV
siy.EÎi; £J7l 757C3Ç 0 TCSpl TYJV . ŒîXYJVYJV, ÛX£SYJX(0aSV sVxclV '
àXXa cr'i; YJXUJISV XECLV xai xsipaxx yaiY);
aQâvaTO». 7T£;J/^O'JTIV, sOi bjavQb; Paoàjj.avOuç (5, 563)
YJAJO-'.OV gbv xeoisv £r/.OTO); TcpocsiTTwv TYJV TYJ; ffsXïjVYjç èxiçaveiav
6;YJAUOU y.aTaAa;j,7cog.£VYjv « cVàsçsTai àXisu aoyat ; » oi; <pYjji TIJJ.O'OEOç,
rripaxa o£ VYJ; TOC à'y.pa TYJ; VUXTOç, YJV <jy.i<àv TYJ; YYJ; Eivai XÉ^coaiv o'i
gaÔYj jj.ax'.y,oi, xoXXay,'.; £7ui'i>aôouoav TYJ; JSXYJVYJ;, o); TOJTO TYJç yYj;
7C£pa; £"/ooo"r/;, ou TYJ arda p.ay.pÔTspov eux è:*IXV£ITXI. — N o u s s o m m e s
r amenés en effet à no t re source ordinaire par la ci tat ion des
jj.aGYju.axiy.oi, qui désigne ici les Py thagor i c i ens . De p lus , la loca
lisation du séjour des Bienheureux dans la Lune est une concep
tion py thagor ic ienne h
P e u t - ê t r e leur devons -nous aussi une ten ta t ive d 'explicat ion
scientifique des t e rmes homér iques a'.ÔYJp, oùpavo;, CAUJATCO;. S to
bée, ecl. pliys., 22 , 2 . "Ojj.Yjpo; TOV a'iGspa TOU àÉpo; u'jr/jXÔTSpov slvai
©YjT'.v ( i , 287) . £7C£y.£tva ok TOU aiGÉpo; TOV oùpavbv uxapy/iv àxsçYjvavTO*
Xs'/tt Y«p TOu7)a5e ' (P , 424). èxl xaai CE TOV OXUJJ.XOV uxapyEiv Y.ax'
è^oyvjv Tiva xal OE'.CTYjxa, oYjai yàp OUTOI; * (A, 497) • xb yàp àxooxaTO)
TYJ; yyj; y.al JJ.YJTE TYJV ay.tàv aùiYj; [J.rjxs Ta; àvaGujj.'.aa£i; xpoaosyôjJ.svov
ou; à£'.Aa;u.x£c /.al ôXoXajj.xè; bXujaxcv o» xaXa'.ol xpccr^YÔpsuaav * TOUTO
bè y.al Si' aùxcov S^Xouxai EV oie ©Yjai TOKOCOC ' ( ; , 42 sq . ) . — O n t rouve
un déve loppement ana logue dans le P s . - P l u t a r q u e , § 95 , avec
les mêmes ci ta t ions (cf. var ian tes dans E u s t a t h e , p . 1064, 25 ,
p . 694, 5 1 , e tc . ) . P a r ces commenta i r e s , les Py thagor ic iens cher
chaient sans doute pour leurs p ropres théor ies une de ces p reuves
« par l ' an t ique » qui furent si l ong temps à la mode . Le sys tème
qui se rapproche le p lus des doct r ines du commenta t eu r , sans
se confondre cependan t avec elles, est celui de Phi lo laos :
en pa r t an t de la te r re , on r encon t re d 'abord l'oùpavô;, puis le
y.ôjjj.c;, enfin I'OAU'J.XO; 2. Le y.ôojj.o; ne figure pas chez Homère ,
mais Phi lo laos ne représente pas tou te la pensée py thago r i -
1. Cf. une doct r ine des à/.oûaaaxa dans Jambl ique , V. / \ , 82 : xî ètrriv ai ai/.âvov vTjxo'. ; —vjÀio;, asÀrjvr,. La note é tymolog ique du Scholiaste à ce p a s sage de Y Odyssée o 563 : r(Xûj(ov Xcôiov] sx tou Auto. Aûovxat yàp xtov [3uoy.oTtov o-Txùh o': àrr.sAOovxs; â/.êî, es t aussi d ' inspirat ion pythagor ic ienne .
2. S tobée , ecl. phys.} I, 488.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 127
cienne, car d'ordinaire le mot XOCIAO; a un sens beaucoup plus étendu : il embrasse tout l 'Univers h Nous restons donc en présence des deux seuls termes oùpavo; et c'Xuuyxo; dont l'explication paraît bien d'accord avec les théories du commentateur d'Homère.
Il n 'y a pas jusqu'à la doctrine de la métempsycose que les Pythagoriciens ne s'imaginassent retrouver dans Homère. Dans le passage de Y Iliade (H, 857) où l'âme de Patrocle pleure son malheureux sort : cv T:ôTU\OV Ysioxra, XuxoùV àvcpoTYpa xai YJ£Y;V, les Pythagoriciens expliquaient ainsi sa douleur, suivant une notice du Scholiaste peu bienveillante pour Pythagore : b sa HjQavôpa; xaxw; çprjorv ex*. Y) y X*)? t"*51* T0 sÇsXSstv, si; ouxa xeva xai ovou.axa xai Oajxvcu; p.sxa£aXXexai, b9sv y.ai XsXuTTYjxat.. — ~ps; àpsxyjv es ;j.aXXov 6 T:OIY;TY;; o-i>YxaXst DVI/;T;OTS xaxà ciarcpa<;au.£voi TOI; auxot; xcsp».-TCs'(7wp.sv. Le rapport établi entre Homère et Pythagore est encore plus clair dans une autre Scholie : à'XXco;. 6 HuGayspa; è'Xevev ext 'h ^uXYi TSXSUXôVXOç àv9pa>icou xai xûv aXÀ(*>v àr;àvTG>v àzaXXaYEîaa xou ffo)p.axo; sv sxsivcp Yl'v£Tat £v <p 7cXavu)u.svYj SYxxTaXYjcpÔYj Yevvh)lJL£v(!>
(pa) YJ xai sv çuxo).. TOUXO Ou.Yjpc; sv TW "Exxopo; xai naxpc-xXou Gavàxo) xcpou^aXsv' Y£Vva^°'JÇ Y*? â'vbpa; xcapaYwv àTroOvYjsy.cvxa; TYJV y'uvyjv Ç' 3" aTaXXaTTopLsvYjv 9pYjvsiv TYJV p.oîpav XûTY;;, ày9ou.svY;v ôxi xaxaXstxcei àxp.aÇov xai sùa^evs; awp.a xai bscoixuiav {JLYJ sYxaTaAYj-<&9YJ p.ox9Yjpw xivi YSWW;ASVW, (û XuTCYjasxai auvouaa, Y) èrri xivi aXXa)' au.a 8s otà TOUTO xai Trpbç âpexYjv Y]p.a; TcpoxpsTcst, CYJXûV GJ; Ta Ysvvaîa awp.axa xai r) y'uyyj xaxaXsixouaa Oprjvsî. — xaxco; os xcuxo S'XSY£V 3 Hu9a-YÔpa; 2. Dans ces deux notes on remarque encore des traces d'une polémique contre l ' interprétation pythagoricienne, que connaît aussi Eustathe, p . 1090, 30 : si; ss xb « cv T:ôTU.CV yoôwca » xai sçJYj;, çaoiv oi xraXa'.oi XuTcstoôat aùxYjv a>; àxtj.â^cv àsisisav oôvu.a xai SsbocxuCav U.YJ v.S7aYYl0^£&3'a> <î>; xai IluOaYÔpx coxsï, Tcspircssy; àva;u:> o"0)u.axi.
La malédiction d'Antinous (<j, 79) : vuv ;J.SV [xrl-, SIYJ;, gcuv*1'6.
;AYJTS Y£,'OIO, fournit aussi un prétexte aux mêmes prétentions : Porphyre, y H. honi. ad Odyss., p. 125, 7 : ^repris par Scholie, a, 79) : xajxbv yàp xb SIYJ; xai Y£VOW, r, VUV ;J.YJ si'/;; àvxi xou àr:o9xvc».;
1. Aëlius, II, 1, l. Diog. I .aëive, VIII , 2.» el W. J a m M . , V. P., 162 J i m é o )
Schol . , Iliade l \ I . Pho t ius , cod. 24U, p. U 0 \ e tc .
2. (If. encore Sohol. Totndeyana, ail II, S.'iT, éd. Maass.
128 L 'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
vuv, [AYJT£ yivoio ck, àvxl TOU <AYJ ok àv TcaXiyYsvcala sXOoic XO 3£UT£pCV.
Eus t a the est encore plus explici te , p . 1838, §G : '{va y.al IluGaYÔ-
pa; kq Oy.Yjpou Xajbwv ooba^oi TCU; druyiy.cùç ucT£pov [A£Tayyt7[Aoûç, ol
oà xb, d)ç èppkOrj, ~âXiv ysvko-Oai y.axà TOV IIuOaybp£iov Xrjpov y.al r.aXiy-
ysvsciat, Aî'YsvxaL. Enfin un passage du P s . - P l u t a r q u e appor te
d 'au t res preuves encore d 'une croyance homér ique à la m é t e m p
sycose, vil. Horn., 123 : TOùTAI ce ÏTzexai y.al ïxzpcv Soyuva TOU ïluOa-
ycpou xb |Aîxa[balv£iv xaq àuyaq TGîV TcXcuT'/jaàvTwv v.q ïxzpa aoj[u,aTO)v
SIOY;. 'AXX ovcè TOUTO xr.q 'Ov/rjpou cYavoia; kaxôq èariv ' 6 yàp Tcor/jca;
y.ai TOV Evvropa TOI; ïTTTCOI; oiaX£yb[A£vcv xai TOV AvxlXoyov xai aùxbv
TOV Ay.XXs'a, y.al ;AYJ OTI oiaA£YO[A£vov aAAa y.al àxoùovxa, y.al TOV y.uva
expo TO)V avOpwTciov y.ai TO>V cxeioiv £7riyivii)c7y.ovTa TOV Ucuacca, TI aAAo
r, TYJV xsivoiviav TOU Xôyou y.al vuyyivtiav xqq ^uyTjc xwv àvÔpoÙTîiov xal
xtov aXXoiv ùyocov TraploTrjai ; y.al ol xà; joouç TOU HXIOU y,aTaçaYOVT£ç
y.al £*/. TOUTOV bXkOpw 7C£pt7:£a,dvT£; k\éyyoucVf> oxt où JAOVOV jdb£ç, àXXà
y.al Trâvxa xà à'XXa uoia, ai; TYJ; aÙTYjç oûo^ioç Ço)Tiy.YJ; [A£T£yovxa, xi[Aa-
x a i UTTO TWV 0£WV.
La suite de ce passage mon t r e que l 'exégèse py thagor ic ienne ,
guidée par ces idées, avai t inventé une in te rpré ta t ion al légorique
du pe rsonnage de Circé et des m y t h e s qui s'y r appor t en t :
126 : xal xb [A£xa£aAA£iv ce xoù; éxaipouç TOU 'Ocuffaicoç sic cùaç
y.al xo'.aùxa coia, TOUTO alviTTSxai oxi TûV àopôvwv av0oo)7:(ov al ûiuyai * * 7 i i t t As.
[ASTaAAaxTOUOYv £'.ç £iC/Yj aoi^axwv OvjpiwoàW, £[u.7:£crouaai £IÇ TYJV TOU
Travxbç sy*/.u*/.Xiov Tcspiçopàv, Y)V KipxYjv 7cpoa-ayop£U£i, y.al
y.axà xb elv.bc HXlou cral'oa ÙTcoxiOsTai, oly.ouaav èv TYJ AlaiYj v/ jaw'
xaùxYjv 3k àizb TOU ala^eiv y.al boùp£oGai xouq àvOpwTcou; STTI TOT; ôavaxci;
y.s'y.XYjy.£v. ' 0 oè kp.çpwv àvrjp aùxbç 6 '03ua"a£Ù; où/. £7ua0£ TYJV xotau-
TYJV [ASTaJâoXïjv Tcapa TOU 'EpjAou, TOUTSœTL TOU Xbyou, xb aTcaOèç
Xajocov ' aùxo; ck oùxoç y.al si; accu y.ax£iorv, tùmzep eivai Xéywv (?)
ywpu£iv T^V 'buyqv aixb TOU ffcou-axoç y.al Osax^; 'ù'uywv xcov x£ aYa6wv
y.al çaùXwv Y^OJASVC;. Cet te in te rpré ta t ion fut également adoptée
par P o r p h y r e (Stobée, ecl. phys., 4 1 , 60) : laxi xolvuv b JAUQO;
alviy-Aa xœv r.zpi ty'*>yrtq br.'z T£ riuOaYbpou X£YO[A£V(ov y.al IlXaitovoç ?0;AYJpOC bï TYJV £V 'A'J'/JyLÙ 7T£p{ooov xal 7T£piçopàv 7:aXiYY£V£c?laç Kip/rjv
7:pcffYJYÔp£uy.£v, YJXIO'J cralca TOU rcacav çOopàv yiviGm y.al Y£'V£(71V °&
TxaX'.v cpOopa auvaTCTOVTo; àfil xai ouvdpovTo;. A l a i ^ bï vrjoo; Y; C£yo-
|A£VYJ xbv aTcoOv/joy.cvTa [Aofpa y.al ywpa TOU 7:£pikyovxo;, £'.;
YJV è;AT:£vT0U7ai TCpwxov al sbuyal TcXavwvxai xai qcvozaOoucn xal 0X0911-
povxai. Nous avons donc découver t un nouveau f ragment du
DES POÈMES HOMÉRIQUES 1 2 9
grand système d'explication allégorique dont nous avons plus haut soupçonné l'existence.
Il semble que tous les mythes et toutes les légendes de Y Odyssée en particulier furent traités par l'interprétation symbolique et je crois qu'il est possible d'en retrouver d'autres exemples. Dans ce but nous devons d'abord diriger nos recherches sur une partie de YOdyssée qui touche de près par le sujet au genre d'allégories que nous venons d'attribuer aux Pythagoriciens.
On connaît le traité de Porphyre sur l'antre des Nymphes de l'île d'Ithaque. Le thème général de l'allégorie est manifestement d'inspiration pythagoricienne, outre que l'opuscule fourmille de doctrines qu'on doit rapporter à la même source. Voici les grandes lignes de l'interprétation symbolique de Porphyre. L'antre que décrit Homère (V, 102 sq.), c'est le monde. Il est consacré aux Nymphes ; entendons par là qu'il est destiné aux âmes qui viennent l'habiter lors de la naissance des hommes. Les urnes et les cruches de pierre qui y sont disposées figurent les corps que ces âmes doivent animer. Les abeilles qui y font leur miel sont une autre image de ces âmes. Enfin, les deux portes de l'antre, l'une orientée au nord, par où passent les hommes, l'autre, ouverte au sud, accessible aux dieux seulement, représentent les deux signes du Zodiaque par lesquels celui-ci communique avec la voie lactée, le Cancer et le Capricorne. C'est par le Cancer que les âmes descendent du Ciel sur la terre pour s'unir aux corps, par le Capricorne qu'elles remontent au Ciel, délivrées de la vie terrestre.
Cette allégorie avait déjà été développée avant Porphyre par les philosophes néo-pythagoriciens Numénius et Cronius ', dont l'accord est un indice d'une source commune plus ancienne. Nous retrouvons aussi une conception analogue dans les Scho-l i e s d ' H o m è r e , V , 103 : z\\rp[zp'./M; \i\'i<. avTpsv xbv / .;J;J.3V, vjjaç-a;-
xàç ttuya,;, xà ; aùxàç, xxl ;j.£/sîaaa:, /.ai avSpar, xà j!.'>u,axa' BJS $£ Oûpa^,
x/jv xo>v ffo)[aàx(ov à'xjoâsv YJTîI XYJV yivîatv. /.ai xr(v xwv 'VjyàW £;.'x3Î:v, iv
Y) oùSèv xwv aiop-âxoiv £Îcr£py£xa'., jjiava'. zï a;. 'Vjyai " àOzvxxc. \'xz £lx'.,
xxX.
i . Numénius dons Proelus, in Iiemp., Il, p. 129; c'est lui encore <jwi paraît être la source île Macrobe, cornm. in. Sumni. Srij)., 1, 12, t. Numéuius et Cronius dans Porphyre, antr. nytnph., 21.
DELATTB. — Litt. pythag. '.)
130 L'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
A l'examen, on distingue d'importantes divergences entre les deux allégories. Pour le scholiaste aussi l 'antre est l'image du xôfffxo;, les nymphes et les abeilles, des âmes, mais il conçoit différemment les migrations des âmes. Et d'abord les urnes perdent leur signification : ce sont les hommes, passant par la porte du Nord, qui représentent les corps. Ensuite l'une des deux portes (celle du Nord, évidemment) sert à la sortie des corps du xôqjioç, c'est-à-dire à la naissance ; l 'autre à l 'entrée des âmes dans le x6ff[i.oç, après la mort. De sorte qu'après la mort, au lieu de sortir de l 'antre, les âmes y entrent au contraire, par la porte du Sud. D'autre part, la porte du Nord ne sert plus à l 'entrée des âmes dans la caverne, mais à la sortie des corps, c'est-à-dire à la naissance. A la différence de la première allégorie, celle-ci ne suppose plus que la vie humaine se passe dans l 'antre des Nymphes : il faut admettre au contraire pour comprendre cette conception que l'antre-xôffjjioç ne désigne plus la terre, mais le monde céleste. Si nous cherchons à rattacher cette théorie si particulière du xàffjji.cç à un système philosophique connu, nous ne pouvons guère nous arrêter qu'à celui de Philolaos1 . Précisément les théories de ce philosophe sur la destinée de l'âme sont parfaitement d'accord avec celles du commentateur d'Homère (dans Claudien, de st. anim., I l , 7) : diligitur corpus ab anima quia sine eo non potest uti sensibus : a quo postquam morte deducta est, agit in mundo ( = xiqj.oç distingué de l'ojpavi;, Zeller, Phil., I, a, 419) incorporalem vitam.
Est-ce à dire que nous devons attribuer cette allégorie à Philolaos ? Ce serait une conclusion exagérée, mais c'est la preuve, du moins, qu'elle est inspirée de ses doctrines et qu'on peut par conséquent l'appeler pythagoricienne : ajoutons que l 'auteur avait adopté les théories assez spéciales de Philolaos sur le xôqj.s;.
Quant à la variante Numénius-Cronius-Porphyre, son origine pythagoricienne n'est pas moins vraisemblable. La signification attribuée au mot XOTJJLCç n'y met pas obstacle; elle répond plutôt à la conception pythagoricienne ordinaire qui englobe dans ce
t . En effet, alors que les autres Pythagoriciens appliquaient le nom de /.07U0Ç à l'Univers entier ou au Monde terrestre, Philolaos l'avait réservé à la partie qui comprend les astres (Stobée, ecl. phys., I, 488).
DES POÈMES HOMÉRIQUES 131
mot tout l 'ensemble de l 'Univers ou qui la réserve au monde terrestre. Dans la littérature religieuse des Pythagoriciens, il était fréquemment représenté comme un antre (cf. Empédocle) à ce qu'affirme Porphyre, antr. nymph., 8 : àvxpov xal ffx-ijXaicv xbv x6?u.ov âTîeç^vavTo. Enfin, dans les commentaires de Numénius et de Porphyre, nous trouvons une citation de Pythagore étroitement rattachée à l'allégorie en question. Pythagore (c'est-à-dire les Pythagoriciens) expliquait ainsi les vers de Y Odyssée, <•>, 12 : vjos xap* TJSXIO'.O xoXa; xat 3YJJJ.OV cvsipwv — ijiffxv ; Porphyre, antr. nymph., 28 : 8Y;;J.O; oè svsipuw '/.axà OuSaYÔpav ai 6j*/ai, a; o-uvavsffôat «pyjatv zlq xbv YaAaï^av: T0V cuxu) TCpoaaYspeys;A£vc>v âxc xùW YaXaxxt xp£©op.sva)v cxav sic Y^V£(JIV xxsffwaiv. w /.ai JTCSVCEIV ajxatç xoùç ^u^aywYOjç jiiXi xsxpajjtivov vàXaxxi, <*>* av 8i YJ3sviJç sic Y-vefflv ptepts— A£XYjxuiaç £p*/£a8at, aTç ŒUYXD£iffOai xo v*Xa wsçuxev. — La même citation avec quelques variantes reparaît dans un fragment de Numénius (Proclus, in Remp., II , p . 129) et dans Macrobe qui la met net tement en rapport avec l'allégorie de l 'antre des Nymphes, in. Somn. Scip., I, 12, 1 : has (le Capricorne, le Cancer) solis portas physici vocaverunt. . . [2] per has portas animae de caelo in terras meare et de terris in caelum creduntur, ideo hominum una, altéra deorum vocatur : hominum Cancer, quia per hune in inferiora descensus est, Capricornus deorum, quia per illum animae in propriae immortalitatis sedem et in deorum numerum revertuntur. [3] et hoc est quod Homeri divina prudentia in antri Ithacesii descriptione significat. Hixc et Pythagoras putat a lacteo circulo deorsum incipere Ditis impe-rium quia animae inde lapsae videntur a superis recessisse, etc.
L'explication du Syjgc cveipcov est, comme on le voit, liée à celle des « portes du Soleil » et celles-ci à leur tour sont confondues avec les portes de l 'antre des Nymphes. L'enchaînement de ces théories et leur rapport avec l'allégorie sont suffisamment claires pour qu'on puisse attribuer à l'exégèse pythagoricienne l'épisode symbolique de l 'antre des Nymphes.
On peut rattacher à ce fragment certaines remarques des commentaires homériques où apparaît une conception semblable de la nature et de la destinée de l 'àme. On sait que les Pythagoriciens tenaient la science étymologique en particulière estime : elle s'accordait avec les tendances mystiques de leur esprit parce qu'elle leur permettait d'entrevoir dans les mots les plus ordi-
132 L'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
naires un sens caché et profond. La formation du langage avait à leurs yeux une origine presque divine 1 et ils se flattaient de retrouver dans le sens originel des mots, déduit del 'étymologie, la confirmation de leurs doctrines. Ainsi ils étaient persuadés que leur théorie pessimiste sur les rapports de l 'âme et du corps se trouvait exprimée par l'étymologie du mot o-top.a ( = arj^a)2. On peut donc, je crois, rapporter à une source pythagoricienne quelques remarques sur la terminologie homérique où les nuances de deux synonymes sont expliquées par les doctrines ordinaires du Pythagorisme. On avait cru relever une différence dans l'emploi des mots My,<x$ et aw^a pour désigner le corps et voici en quoi elle consistait : Eustathe, p . 666, 26 : sypx;v yàp àxoAouOouvxa TOîç xaXaioîç eixstv oit awpia bï èxl àu/uyaiv, toç OTJâO? avxoç sxstvcç èxayaYtov xapacsiyjxaTa TC — pvîyaXq) èxl awp.aTi xuperaç — xai — ac5p.a yàp sv KipxYjç xaxeXsixop.ev — xat — ffaip.a b'otxxo'' èp.cv couvau — p. 61 , 36 : icxsov c3è bit oYjpieiouvTai ci xaXaiot xb Bsp.aç xbv p.èv XGIYJT/)V èxl èp.uùvyou àsî xiÔévai awp.aioç wç ffuvSsSepisvou xrj cyjvyj xal bY aùxYjç ffUvsffTÛTOç, TO Se ys ertopvx èxl
àdi-jyCU. TOUxiffTlV £OT£pYJ{Jl£VOU + UY/ÏJÇ ^ l * T 0 ^ W a y-2-> <*>Ç «V TIÇ £1X01,
[xvyjp.a Ysvécôai xov ÇMVTOç XOTE. Cf. p. 376, 3, et p . 1476, 54. On trouve une remarque analogue dans le Ps.-Plutarque, vit. Hom.f 124; Macrobe, Somn. Scip., I, 11, 3 ; Stobée, ecl. phys., 35, 10 : l'origine pythagoricienne de ces étymologies est évidente 3 .
Il nous reste, pour finir, à examiner quel sens les Pythagoriciens attribuaient à l'épisode des Sirènes de l'Odyssée. Nous trouvons dans les commentaires les traces de deux interprétations différentes, toutes deux symboliques. L'une, très simple et très répandue dans la littérature, considère les Sirènes comme la personnification des plaisirs sensuels et t rompeurs . Elle devint naturellement un thème favori des sermons pythagoriciens, comme le prouve une citation de Porphyre, confirmée par un passage de Clément d'Alexandrie (Strom., I, 10, 48) : Porphyre,
4. Jambl iquc , V. P., 82 et :i6.
2. Philolaos dans Clément , Stroni., III, 3 ,17 . Cf. P la ton, Gorgias, p . 493 a,
e t Cra ty le , 400 b . Cf. Py thagore dans Hippoly te , adv. haer., VI, 2, 25 :
Çawua = xàcpo;). 5. Euxi thée le pythagor ic ien (fragment r appor t é par C l é a r q u e d a n s Athé
née , IV, p . 457 c) lÀrfev èvosôcaOat :w a(ou.axi xà; <fuyàç. Cf. P la ton , Phédon, p. 62 B, et Cratyle, p . 400 B. Cf. J a m b l . , V. P . , 153 : xaxaBeïaGai xô 6etov xr;ç Y'->/*!î ''•? xô xôîaa.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 1 33
V. P., 39 : C\TTYJV yàp Eivai ciasopàv r oovwv wv TYJV U/EV Yaaxpi xai
à<ppo8ioroi<; oià TroXuxsXeiaç xeyapi<7;j.£VY]v àxrEixaÇe xaîç «v^pc^évc; TWV
Sstprjvwv wBaiç xxX.
L ' au t re est u n peu p lus compl iquée : les Si rènes ne sont plus
des ê t res pern ic ieux , mais au contra i re des révéla t r ices de sagesse .
P o u r c o m p r e n d r e ce c h a n g e m e n t , il faut r emon te r à la concep
t ion pythagor ic ienne de l 'ha rmonie des Sphères . P o u r P y t h a g o r e ,
comme plus t a r d pour P l a ton , ce sont les Sirènes qui pe rsonn i
fient ce t te ha rmonie : J a m b l . , V. P . , 82 : Té â m TO àv AEXSGî; p.av-
Tstov ; TSTpaxTÛç, 07C£p Èaxiv rt àpu,ovia, èv Y) ai yjEipfJvEç = P l a t o n ,
Rep., X , p . 617 b . En imi tan t pa r la mus ique céleste cet te
m u s i q u e savante les Py thagor i c i ens espéra ien t assimiler leur
â m e à la sagesse divine et r e tou rne r après leur m o r t pa rmi les
B ienheureux l. Dans les commenta i r e s homér iques qui s ' inspi rent
de ces idées, Ulysse rep résen te le phi losophe qui écoute ce t te
ha rmonie pour s ' ini t ier à la sagesse . Quan t au fait qu ' i l bouche
avec de la cire les orei l les de ses c o m p a g n o n s , il est d ive r sement
in te rpré té : les u n s , j o u a n t sur le mo t àXsrçsiv ( = oindre et bou
cher), p r é t enden t qu ' i l s 'est fait leur «XSITCTYJç, c 'es t -à-dire le
ma î t r e qui les exerce (à la phi losophie) . D 'au t res voient dans les
c o m p a g n o n s d 'Ulysse l ' image du c o m m u n des mor te l s que les
pass ions empêchen t d 'a r r iver à la science des choses d iv ines .
Voici le passage de P l u t a r q u e qui expose cet te théor ie : qu.
conv., IX, 14, 6 , 2 : ar /e p.èv 8YJ 'Opjpo'j SEiprjvEç où xaxà Xôvcv Y/xaç
xô u.ûOu) <po(3oûaiv, âXXà xàx£ivoç 6p6wç YJVITTEXO TYJV TYJç jxsuaixrjç,
XÙTWV 8uvap.iv oùx àiuavôptoTcov où8'oXÉ6ptcv cusav, àXXà Taiç EVTEUOEV
àxioùaaiç èx£î- 6uyaiç, u>; EOIXEV xai 7cXavu)p.£vaiç p.ETa TYJV TEXEUTYJV
ëpwxa Tcpbç xà oùpavia xai 0Eia, XY)6YJV 8'E TGW OVYJTûV, Èpyûsiîutjav xaxÉysiv
xai xaxavEiv ÔEAYop.É'vaç ' ai 8È ûrcb yapaç STCSVTX». xai trjtxTJEpiTrsXcujiv.
[3] ÈvxaiïOa 8s xcpoç V)[xaç àp.u8pa xiç oiov x;y<o TYJ; U.îUOTXY]ç, EXSIVYJç
SCJIXVOUU,£VY], 8ia Xovcov èxxaX£Îxai xai àvafj.ip.vYjffX£i xà; 'J/uyiç TG>V xsxe.
[4] xà 8s (oxa iwv p.èv TJXEI'œTOJV -zp laXrjXiTrxai xa i xaxarrÉ-
TcXaaxai aapx ivo iç Ep.fpayp.aai xa i r a O E a i v , su xyjpivoic.
[5] Y) 8è Si' sùçuiav aiaOâvexai xai p.vYjp.svs'jsi, xxX.
L ' in te rpré ta t ion d ' E u s t a t h e expl ique différemment le rôle des
compagnons d 'Ulysse : p . 1707, i l , aixisv zz Y; xax'âXX^vcpiav
1. Jamhl. , V. P . , 66. Cicéron, /?<*/)., V, 2(Somn. Se//)/ Fnvonius, in Somn. Scip., p. 19. Plutarque, qu. conv., 9, 14, 6, 2 sq.
l 'H I/KXÉGÈSK PVTIIAGOIUCIKNKK
BiozTxaXix xaO YJV 5 91X650905 p.èv 'Obyaasùç tàç -wv 9tXtoV âxoàç xVjpcp àXei'^àç, TOUTcffTiv àXsiicTYjç èxstvuiv Sià oTwoooaîaç àxpoàaewç eiç 91X050-9'!av ysvôu,£voc, aùxbc piv £7U5xrjpôv(oç ^xo'jaev wç av Tcstpaôetvj h
Ce symbolisme, complètement étranger à la conception ordinaire des Sirènes, doit s'expliquer par leur identification avec l'harmonie des Sphères et le rôle important reconnu à la musique sacrée dans l'école pythagoricienne. Par là-même se trouve déterminée l'origine de cette interprétation.
Tels sont les principaux vestiges de l'exégèse pythagoricienne des poèmes homériques. Il est regrettable qu'on ne puisse pas fixer plus exactement la date de chaque fragment et qu'on en soit réduit à en constater grosso modo l 'origine. Ces fragments proviennent-ils d'un commentaire pythagoricien? Ici nous sommes en pleine hypothèse : nous ne pouvons citer aucun titre d'ouvrage semblable ni aucun nom d'auteur. Il n'est pas invraisemblable que les « Lectures choisies » aient été accompagnées de commentaires, puisque ces recueils étaient, pour une part , destinés à l 'enseignement. D'ailleurs que nos fragments dérivent de commentaires semblables ou qu'ils appartiennent à des auteurs pour qui l'exégèse homérique n'était qu'une distraction passagère ou un moyen de démonstration, ils portent bien l 'empreinte pythagoricienne et c'est l'essentiel.
Les Pythagoriciens ont donc toujours témoigné un vif intérêt au vieux poète « qui a formé toute la Grèce ». Ce n'est pas sans raison que la notice ancienne sur la commission choisie par Pisis-trate pour « arranger » les poèmes homériques, nous reporte aux communautés religieuses de la Grande-Grèce 2. Zopyre d'Héra-clée en particulier était certainement considéré comme un adepte des doctrines pythagorico-orphiques : dans les Catalogues anciens que nous devons à la philologie alexandrine 3, il
1. Pour Eustathe comme pour Heraclite {alleg., p. 92) la musique des Sirènes représente les occupations philosophiques et littéraires sans caractère religieux.
2. Cramer, Anecd. Paris., I, p. 30 : oi oï xssaapai xtat xrjv ITù ITsiaKrcpàxto ô'.ôoôtoatv àvaBsoo'jsiv 'Ooosù* Koox'oviàxri, ZWTCJOO) 'HcaxXsojxri etc. Cf. Suidas, 1 r i - 1 . i i f 1 1 1 ii '
s - % • --1 fc J ' > *"•
3. Clément d'Alexandrie, Strom., I, 131, et Suidas, s. v. 'Op9euç (Diels, Yorsokr., p. 469-470). Un Zopyre de Tarente figure dans le catalogue des Pythagoriciens de Jamblique (V. P., 267) ; peut-être est-il permis de l'identifier avec son homonvme d'Héraclée.
DES POÈMES HOMÉRIQUES 1 3 5
est cité parmi les écrivains pythagoriciens qui empruntèrent le nom d'Orphée pour cacher leur personnalité.
Si vraiment, comme le pense M. de Wilamowitz 1, on doit reconnaître une interpolation dans la description des châtiments infernaux du Chant XI de YOdyssée) X, 565-632), c'est du côté des confréries pythagoriciennes qu'il faut en chercher l'origine. M. de Wilamowitz a établi avec assez de vraisemblance que les idées religieuses et morales de cet épisode ne cadrent pas avec les conceptions ordinaires du reste du poème et qu'on doit attribuer cette anomalie à une recension orphique qui ne fut pas très scientifique.
On peut appliquer sa démonstration à l'hypothèse d'une interpolation pythagoricienne que rendent plus vraisemblable encore la notice sur Zopyre d'Héraclée et les nombreuses études homériques auxquelles se livraient les Pythagoriciens. Je rappelle que le sujet de cet épisode — une description des châtiments infernaux —, leur est particulièrement cher 9. On admet aussi généralement 3 que les personnages de cet Enfer sont conçus par le poète comme les représentants typiques et les symboles de divers genres de fautes morales et des punitions qu'elles méritent. Cette conception se retrouve précisément chez les Pythagoriciens. Le supplice de Tantale, l homme qui a révélé les secrets des dieux, était, pour eux, l'image de la triste condition des profanes qui ne peuvent, à cause de leur indignité, recevoir la révélation pythagoricienne et jouir des bienfaits des doctrines sacrées 4. Ils appliquaient le même symbolisme à un autre châtiment, celui auquel la légende attacha plus tard le nom des Danaïdes 5.
Les Pythagoriciens n'auraient donc pas commencé par maudire Homère pour tenter de le sauver plus tard en inventant de
4. Ilomerischn Un tors., 1884 (Phil. l 'nlers . , VII), p. 140 h 142 et p. 109 sq. 2. Héraclide Pontique dans Diog. Lnëive, VIII, 4 (xaî on rt 4 'J//I *' Xvtooy
ercaOe xaî ai Xot-al Tiva Gnoaivoujiv). Iliéronyme de Hhodes, ibid., 21. Aristo-phon, ibid., 38. Cf. Hermippe, ibid., 41, etc.
3. V. Wilamowitz, op. cil., p. 202 sq. (iruppo, Griech. Myth., p. 1020. 4. Jambl. , V. P . , 245. 5. Philolaos dans Platon, Gorg., 493 A (J)iels, Vors., fgt 14i. Cf. une con
ception orphique semblable dans Platon, Rep., II, p. 303 n {cï. v. Wilamowitz, p. 202).
13b L'EXéGèSE PYTHAGORICIENNE
subtiles allégories : ils auraient recouru d'abord à une méthode plus hardie, celle de l'interpolation. Leur habitude de chercher des lectures pieuses et de composer des Anthologies les y incitait ; celles-ci ne se conçoivent presque pas sans un arrangement du texte. On sait par ailleurs qu'ils avaient composé des poésies morales qu'ils attribuaient à Linus L De même, on peut se demander si les notices qui leur reconnaissent un rôle dans la publication des ouvrages orphiques 2 doivent être complètement dédaignées. J'ai toujours pensé aussi qu'il fallait les rendre responsables, pour une part , des interpolations anciennes des œuvres d'Hésiode, particulièrement des Travaux et des Jours. Gomme ils avaient composé des Anthologies d 'Hésiode 3 et qu'ils l 'expliquaient allégoriquement *, cette hypothèse n'est pas invraisemblable. Je signale particulièrement les superstitions qui ont leur origine dans des croyances arithmologiques [pp. et G7., 765-825) et divers préceptes dont le rapport avec des coutumes pythagoriciennes est frappant 5 ; mais nous reviendrons peut-être un jour sur ce sujet.
En at tendant, cette étude permettra de juger du caractère de l ' interprétation pythagoricienne et de préciser les sources des commentaires d'Homère, dans une proportion minime, il est vrai, mais qui pourra être complétée par la suite en ce qui concerne les autres sectes philosophiques.
1. Source ancienne dans Jambl., F . P . , 139. 2. Clément, Stvom. I, 131 et Suidas, s. v. 'Opcpeu;. 3. Jambl. , V. P., III, 164. Porphyre, V. P . , 32. 4. Par exemple, Théol. Arithm., p. 6 (le Chaos), Jambl. , V. P . , 39 (le mythe
de la naissance d'Héphaistos), Jambl. , V.P., 82 (les îles des Bienheureux), etc.
3. Comparez op. et dies, 748, avec le « symbole » pythagoricien (Diog. Laërce, VIII, 17 (yurpaç l'yvo; a'jyysîv sv xrj téçpa (rapprochement déjà signalé par Androcyde dans Tryphon, Rhet. gr., III, p. 193), op. et d. 727 = « symbole » pylh. Diog. Laërce, VIII, 17 ; — op., 743 = « symbole » pyth. Jam-blique, Y. P . , 154, protr., 21. La description des différentes époques de la civilisation et en particulier de l'âge d'or (op., 109 sq.) fournirait aussi des points de comparaison intéressants.
IV
UNE SÉRIE NOUVELLE
D'EPITHETA DEORUM
D'APRÈS LES THEOLOGOUMENA DE NICOMAQUE
UNE SÉRIE NOUVELLE
D'EPITHETA DEORUM
D'APRÈS LES (( THÉOLOGOUMÉNA » DE XICOMAOUE
On peut regretter que dans l 'Antiquité, la science ne se soit jamais complètement libérée des pratiques superstitieuses et des idées populaires. En étudiant les premiers essais philosophiques et scientifiques, on s'aperçoit qu'ils ont leur origine dans la religion et le folk-lore et que la science en resta toujours imprégnée. Il en est ainsi, en particulier, pour l 'arithmétique. On peut dire que dans l 'Antiquité elle resta longtemps une pseudo-science à laquelle nous ne pouvons plus décemment donner aujourd'hui le nom d'arithmétique. Le nom à'arithmologie ' pourrait servir commodément à désigner ce genre de remarques sur la formation, la valeur et l ' importance des dix premiers nombres, où se mêlent la saine recherche scientifique et les fantaisies de la religion et de la philosophie.
Les anciens Pythagoriciens sont les créateurs de rar i thmolo-gie. Ils collectionnaient déjà les preuves de l 'importance de quelques nombres dans la production des phénomènes naturels et dans la structure de l 'Univers. Ils avaient aussi établi des concordances entre certains nombres et des entités morales. Les nombres 4, 7 et 10, en particulier, se virent fêtés comme les créateurs et les organisateurs de la Nature. En cette matière, les Pythagoriciens ne faisaient aucune distinction entre les constatations de caractère scientifique et les remarques inspirées par
1. J e ne puis pas dire (pie j ' i n v e n t e complè t emen t ee mo t . Il se t rouve pour la p remière fois, à ma connaissance , dans un fragment d'un ON/*»./*
Athonù'nsis du xvin1' siècle i Rihl iothèque de la ( lhamhrc , n" iL'i , fl" 1 OS* s<|. Sous le l i t re 'Av.');j.oÀov<3t r.Ot/.rj, l 'auteur a g roupé des sér ies numér iques d 'ac t ions honnê tes ou ma lhonnê tes , pieuses ou impies , recueil l ies dans les écrivains sacrés de l 'Ancien Testament Sa lomon. Si rach. e tc . .
1 4 0 EPITHETA DEORUM
la superstition ou la fantaisie et ils appelaient leur science du nom d'Arithmétique.
Très tôt, on s'est occupé de recueillir et de codifier les notes de ce genre, éparses à l'origine, et les Recueils d'Arithmologie n'ont pas manqué, depuis le livre de Speusippe sur les nombres ypthagoriciens jusqu'aux 0soXoYoop.eva 'Api6p.YjTty»r;<; attribués à Jamblique, en passant par un grand Recueil d'époque alexan-drine, qui fut utilisé par une foule d'auteurs de la décadence h
Mais l'Arithmologie évolua au cours des siècles. A l'origine, les remarques de caractère religieux y tiennent peu de place. On découvre rarement des analogies entre tel nombre et telle divinité, et dans ce cas on exprime ce rapport sous la forme d'une consécration du nombre à la divinité.
Insensiblement, ce genre d'arithmologie l'emporta sur les autres qui comportaient l'étude des nombres en eux-mêmes et dans leur relation avec les phénomènes naturels. Enfin décompte, l'Arithmologie ne comprit plus guère que les rapports établis entre des divinités et des nombres et elle les énonça sous la forme très hardie de l'identification,
On peut constater que, dans cette évolution, un pas décisif fut marqué par la publication simultanée de deux apocryphes dus aux cercles néo-pythagoriciens des premiers siècles après notre ère. L'un, en prose dorienne, intitulé lepbq \oyoq ou Xôyoq itepl 6sîov, se donnait comme l'œuvre de Pythagore ou de son fils Télaugès ; l'autre, un uu-voç e\q âpi6p.6v en vers ioniens, se réclamait de l'autorité d'Orphée. Malgré ces divergences de titre et de forme, la communauté de leur origine n'est pas douteuse et leurs contenus étaient à peu près identiques.
Gomme le titre du premier l'indique, le souci théologique s'est accentué au point de devenir la préoccupation essentielle de l'arithmologiste. Les titres des publications postérieures accusent la même évolution. Tandis qu'Anatolius, qui semble ignorer ces apocryphes, écrit encore un r.spl 8sy.dtèoç qui devait être semblable au Trspi xwv nuOavopr/.wv àpt0u.oiv de Speusippe, Nicomaque et un auteur anonyme peu original, identifié traditionnellement, mais à tort, sans doute, avec Jamblique, intitulaient leurs Recueils
1. Identifié à tort avec le commentaire de Posidonius au Timée de Platon par Schmekel, die Fhilos. der mittl. Sloa (1892), p. 403 sq., et Bor-ghorst, de Anatolii fontibus (1906), p. 60 sq.
D'APRèS NICOMAQUE 141
©eoXoYO'j eva 'Api6|/,YjToùjç. Les deux apocryphes leur ont fourni la matière de ces compilations et ils ont encore été utilisés, mais à un moindre degré, par Moderatus, Martianus Capella et Lydus.
Parvenue à ce degré de développement, la théologie ari thmétique, comme l'arithmologie s'intitule dès lors, identifie carrément les dix premiers nombres avec des divinités. Les motifs qui déterminent les rapports entre tel nombre et tel dieu sont fort divers : tantôt on devine des jeux d'étymologie, tantôt on y reconnaît des allusions à des légendes mythologiques, tantôt encore l'astrologie paraît avoir eu sa part d'influence.
Mais les arithmologistes ne se contentent pas d'appliquer à un nombre le nom d'une divinité : ils recherchent parmi les épithètes et les surnoms de cette divinité ceux qui, grâcfc aux combinaisons d'une étymologie souvent fantaisiste et toujours conciliante, s 'adaptent le mieux à ce nombre.
Telle est, du moins, la conclusion qu 'une étude attentive de ces notices permet de t i rer : car, jusqu'ici, on a cru que ces surnoms et épithètes ne s'appliquaient qu'aux nombres, sans remarquer que l 'intermédiaire qui expliquait ces adaptations était précisément le nom de la divinité.
Souvent ces surnoms de divinités se retrouvent ailleurs, mais maintes fois aussi la tradition des Théologouména est isolée et il reste à découvrir le sens et l'origine des épithètes nouvelles. On peut ainsi non seulement augmenter d'un témoignage les listes oVepitheta deorum déjà connus (dans Bruchmann, ep. deor., Preller, griech. Myth., et les différents articles du dictionnaire de Roscher), mais encore enrichir ces listes d'additions importantes . Il est bon de noter que la tradition arithmologique provient des cercles très religieux des Pythagoriciens: c'est un gage de la valeur et de l'intérêt des renseignements théologiques qu'on y trouve. Il m'a paru utile d'étudier à ce point de vue les Recueils d'arithmologie, d'abord pour mettre un peu d'ordre dans ces notices dont la tradition est confuse, ensuite pour chercher le sens des épithètes nouvelles que nous y rencontrerons.
Nous prendrons comme base d'étude le résumé des Théologouména de Nicomaque que nous a conservé Photius, coder 187, pp . 143-145. Ce résumé est malheureusement en très mauvais état : c'est une simple énumération souvent fautive, mal ordonnée
112 KP1TII1STÂ Dl.ORL'M
et incomplète, des noms et des surnoms de divinités appliqués aux dix premiers nombres. Parfois on peut éclairer et compléter ces listes par les extraits de Nicomaquc insérés dans les Théo-logouména anonymes. Enfin, Moderatus, Lydus, Martianus Capella et plusieurs autres auteurs fournissent en quelques endroits des points de comparaison que nous utiliserons.
*
A. — Les surnoms de la Monade.
Nicomaque commence par identifier la monade avec le Chaos d'Hésiode (Theot}., 116). Le passage correspondant de l 'Anonyme complète cette note trop brève (p. 6, Ast) : xaxà M xi ffY](j.aivô;jievo7 xal ù'XYJV aj-yjv xaXouffi xal Tcavooyéa -;£, (bç 7cap£xx'.xr;v ouaav xal oua-ssç XYJ; xupfaç JAYJç, xal zavxwv ywpvjTixûv XGYWV et Y£ 7:^ffl TxapexxixYj xal ;jL£Ta$CTC/.yj xuY/àvsi. 'Qcauxcoç oèyaoç aùirjv <paox xb xcap' Hfnôba) TrpwTcycvov, ècj OJ xa AGIT: a u>ç èx [j.Gvaboc/ Y] aùxrj oûy^usiç xe xal a'jvxpaffiç, àXau-Trla x£ xal axoxwbla axeprjffsi Siap9pwff£coç xal bTa-xpiascoç xoiv èçijç àîcavxwv sTxivosîxai. A cette énumération ajoutons encore yaajxa conservé par Photius et qui rentre dans la même catégorie.
On voit, d'après ce passage, que c'est l 'identité de la monade avec la matière première (ùAY)) qui explique le rapport avec le Chaos de la Théogonie hésiodique. Celui-ci, d'après les commentateurs d'Hésiode et la Cosmogonie orphique, représentait la matière originelle dont sont sortis tous les êtres. En outre, tous les surnoms que Nicomaque donne à la monade ont leur raison d'être dans ce rapprochement. La série suivante de fragments orphiques en donne l'explication :
1° Fgt 38 c Abel : Chaos omnia simul mis ta et semper nnum fuisse, informe, aliquando tamen quasi ad ovi immanis modum per immensa tempora etTectum peperisse ac protulisse ex se duplicem quandam speciem quam illi masculofeminam vocant (Nicomaque et l 'Anonyme appellent aussi la monade àp<7£-VGÔYJAU;), ex contraria admixlione huiusmodi diversitatis speciem concretam.
2" Fgt 38 b : -api/jp.'. vOv s r ' àxpijâèç Xsveiv ~o èx xrjç àiceipou
D'APRÈS NICOMAQUE 143
OXYJç xax' èTTtTuyiav xpà<7£<*)ç OCTCOXUYJôèV £g<|/uyov wov, oZ payévTCç xaTa
xtvaç àpp£v60Y)Xuç è^éOopev «FàvYjç XTX.
3° F g t . 37 : 'Op<p£Ùç os TO Xàoç oioi aTCStxàÇEi, èv w TûV TrpwTojv
orotysiojv "/jv YJ a ùy y 'J a t ç XTA.
4° F g t . 5 2 c : âÇYjy'sç SE au «JXCTC; xai aÙTYj wç âvstSsov Xaycjsa
TYJV ^ûOTV 6vop.à£otTO àv (YJ GXYJ).
5° F g t . 52 a : OYJXCï SE (le Chaos d 'Hés iode) où ywpav àXXà TYJV
âTC£tpo£iSY] xat 7CE7cXYj0ojp.svY]v TGW OSWV a'iTtav, YJV 'Op<p£Ùç ya<j;i.a
TCfiXwplOV £XaX£<7£V.
La seconde identification est celle de la monade avec l'Hadès. Nicomaque lui donne en effet les noms de TàpTapoç, XTUç, optxw-Sta, àjjLiïta, gapaOpov OîcoyOôvtov, AYJOYJ (originellement déesse des Enfers, Roscher, II, 1957).
Deux raisons peuvent avoir amené ce rapprochement. Fréquemment à une époque tardive, on confond Hadès avec le Chaos L D'autre part, l'intermédiaire a peut-être été, tout comme pour le Chaos, l'identification de l'Hadès avec la matière première, comme ce passage de Lydus permet de le conclure [de mens., IV, 159) : OTI O». ç-UOTXOî ?aor TOCS TO r;av ùXYJV àvstc*sov -pc TYJç SiaxsajAYjaswç ysveaOai TCOTS, o6ev xat TYJV JXYJV "AISYJV ci çIXCîCçYJ-
ffavTEç <paor xat TàpTapov, a»ç TapaTTOuivYjv xal eux Y)p£;j.cuaav xaTa cpûcrtv S ta TO âvEtSêOv aùr?Jç.
Dans un passage de l'Anonyme dont on ne retrouve pas trace dans Nicomaque, la monade est appelée SYjjjucupyôç et zXaaTp'.a. L'hymne au Nombre est la source de cette notice, comme le prouve le rapprochement avec une citation de Proclus [in Remp.. Il, p. 169 Kroll), et de Syrianus [in Arist., met., p. 911 A). Quant à la signification de ces surnoms, elle doit être cherchée dans l'identification de la monade avec Prométhée, que nous trouvons dans le contexte de l'Anonyme: bVo xai Ilpcp.Yj0£x JAUOEU-
OUOTV ajTYjv, OYjjAtoupybv ÇCOOTYJTC; (p. 5 Ast), de sorte que nous découvrons ces deux épithètes de Prométhée OYj;j.icupy:ç, et TCXXT-
TVjp, qui sont conformes à la légende du Titan. Dans la liste des noms de Nicomaque, nous lisons ensuite :
àYAaç (Èa:iv Vj govâc), à;o>v, YjXtc;, -jpaX'.cc. Il y a ici deux groupes de personnages : à;<ov désigne en effet le même être qu'"ATXx$ suivant une ancienne interprétation conservée par un commen-
1. ltosclier, Lrxi/ion, I, p. 872.
1 4 4 EP1THETA DEORL'M
t a teur d 'Homère , Eus t a the , p . 1389, 6 0 : «XXci 8s "AiXavia TOV
VO^TOV àcjova VOOJUI TOV 3tà |AS<JY;C; T?Jç YYJç èXYjXap.s'vov. Quan t à irupa—
Xioç, c'est év idemment une épi thète de YJ'XIOç. On ne la re t rouve
pas ai l leurs , mais les épi thètes du Soleil où le mot rcDp ent re en
composit ion sont innombrab les et, ce qui est p lus décisif, le nom
de T;jp m ê m e est appl iqué au Soleil , p . ex . pa r Sophocle (fgt.
492 Nauck) , et dans le P a p y r u s O x y r . ^ 4 1 2 ( I I I , p . 38 , Grenfell-
H u n t ) . On re t rouve dans Lydus (de mens., I I , 6) le rapproche
m e n t de la monade avec le Soleil et , à cet te occasion, l ' au teur
leur appl ique à tous deux les épi thètes AVepioviov;; (qui est connue)
et àx-dc;j,aç. Enfin, il est v ra i semblable que nous devons l ' équa
tion [Aovâç-YJXtoç à une au t re [j,ova^-'A7:6)sXa)v qui repose sur une
é tymologie du nom de ce dieu : àvaçépsTat 8è rt p.ovàç sic 'ArcôXXwva
xouTÉffTiv sic TOV sva 'HXicv, oq ATJOAAOIV Xé^e^ai 8ià TO aTcwfkv elvai
TWV TTOXXWV (Lydus , de mens., I I , 4). C'est pour cela que L y d u s
peut appl iquer à la monade Lépi thète àvuieùç qui est p ropre à
Apol lon , le dieu des chemins , et don t nous devons la ment ion à
une fausse é tymologie (Lydus , I I , 6 : 'Opçsùç 8è TOV eva àpiO^bv
orrjièx -/.aXsî TCUISOTIV àp.£pfj). Nicomaque a choisi deux au t res
s u r n o m s d 'Apol lon : wpoçfjTYjç xod XOYIOç. Le p remie r nous est
c o n n u ; l 'autre se t rouve ici pour la première fois. Il est d 'ordi
naire appl iqué à H e r m è s , le dieu des d iscours . J e doute qu ' i l
ait ici la m ê m e signification : le voisinage de TupoçvjTYjç fait pen
ser à une var ian te de Xcjiaç, le dieu des Kô^KX, c 'est-à-dire des
oracles .
B . — Le nombre $.
Le premier n o m b r e pair, c 'es t -à-di re féminin, su ivant la con
cept ion py thagor ic ienne , a été mis en relat ion avec trois divini
tés fémin ines : R h é a - D é m é t e r , A r t é m i s et Aphrod i t e .
A Rhéa se r appor t en t les ép i thè tes su ivan tes :
1° oto|j.YJ7top, dont la forme est nouvel le , mais qui correspond au
P^TYJP At6ç qu 'on t rouve f réquemment a i l leurs .
2° 7:YîYr( SiavoiJLVjç qui doit avoir t ra i t au rôle de mère des dieux
et de la Na tu re a t t r ibué à cette déesse.
3° <I>puYia> pour lequel les t émoignages ne sont pas r a re s .
4° A-JGUC, ép i thè te inconnue, mais qui se comprend , main te -
D'APRèS MCOMAQUE 145
nant que Ion a rassemblé les nombreux documents attestant le culte vivace de la déesse en Lydie (Roscher, II, 2863 sq. j .
S0 Aiv3ujj;fjVYj; les formes de ce surnom sont très variées : C»VSJ-
U.VJVYJ, 0'.vz,'j[j.iYrn oivo'j[xirt, civ ou ;./.«, c'.vsuuaç;. 6° AYjjrr^pa. C'est une des variantes du nom de Déméter avec
qui Rhéa fut souvent confondue à une certaine époque. 7° 'EXsuatvia, dont il faut rapprocher le surnom SXSUSIVYJ con
servé par Lydus,f/e mens., 4, 07. Il dérive de l'identification avec Déméter, la déesse d'Eleusis.
8° Je rapporterais encore à ce groupe le surnom Kpôvou oûvsu-voç conservé dans ce fragment de Philolaos (Lydus, de mens., IV, 64) : zpHûz cuv 5 <PùSKy.oq TYJV ouioa Kpôvoj OJVSUVOV sLa». /.svît.
Enfin, il est vraisemblable que les noms d ' Ic .ç et de (I>jjt; qui sont en tête de la liste de Nicomaque font partie du même développement. Leur rapport avec le nombre 2 est déterminé par l'identification de Rhéa avec ces deux divinités qui eut cours à certaine époque de syncrétisme.
Nous rencontrons ensuite le nom d'Artémis suivi des surnoms suivants que je rapporte à cette déesse :
1° [îu,spoç]. Sous cette forme, ce surnom est assez étrange dans la liste des épithètes dont la relation avec Artémis n'est pas douteuse. D'autre part aucun autre témoignage ne peut être cité en faveur d'un rapport entre le nombre 2 et l'y.spoç, le désir ; et, comme la tradition manuscrite du résumé de Photius est assez mauvaise, je voudrais retrouver dans ce mot un surnom d'Artémis Yjp.îpo; (== v);;.ipa) qui est connu par divers témoignages L
2° Abcruwa. 3° 'Aepia auquel correspond l'épithète r,zpirt de Xonnus v30,
163 et 184, rétablie par une bonne conjecture de (iraefe, 26, \'.\S) et le surnom kzp'z-.w.z dû à un jeu d'étvmologie.
4° 'AjTîpia. Il faut supposer ici la confusion, fréquente d'ailleurs, d 'Artémis avec Hécate, dont la mère s'appelait Astérie. Peut-être aussi cette épithète se rapporte-t-elle à la naissance d'Artémis à Délos dont le nom primitif légendaire était Az-.iz.x.
b° Arjau.o; ( - cbrju.o.:, qui e s t a deux temps ou à deux s e n s . Il n'est pas tout à fait sur qu'il faille rattacher cet adjectif a Artémis- l lécate . Je crois cependant ce rapport vraisemblable.
t . Cullim.'t<|uc, hi/m., il, 2iU». Cl". l \u i^ ;nu ; i* , S, IX. S.
Dm.ATII:. — LUI. i>i/th.uj. |o
J i G KIMTIIKTA D KO RU.M
Le mot SICTYJIAO;, de même que lépi thète or/povîa que nous trouverons appliquée, dans le même Recueil, à Hécate, aurait trait à la division de la vie de cette déesse en deux périodes : elle était censée passer la moitié de Tannée au ciel, l 'autre moitié dans les demeures souterraines (Preller, <jr. Myth., p . 703, 3).
6° NSAYJVY;, dont la confusion avec Artémis-Hécate est connue et dont nous trouvons le nom dans Lydus, de mens., II, 7, et dans l 'Anonyme.
Les surnoms d'Aphrodite qui étaient susceptibles de trouver une explication par leur analogie avec le nombre 2 sont en petit nombre :
1° AUOVY; qu'on retrouve ailleurs, parfois aussi sous la forme A'.tovcua.
2° Mir/ata, qui est isolé. Muyt'a ligure dans le Catalogue des épithètes divines de Nicétas. L'adjectif jrjyaio; n'existe pas ; mais ce n'est pas une raison pour corriger la forme de Nicomaque. Muyaia peut avoir été abstrait des formes comparatives \xuyai-zpoq et ;j/jyar:a7o; qui sont connues.
Quant au sens de lépi thète , il est éclairé par d'autres noms d'Aphrodite comme ^p'jy(rn E»V3AIY), etc., qui se rapportent à la divinité marine.
3° Ku6s'ps'.a.
C. — La triade.
Aucune divinité ne paraissait mieux s'adapter aux propriétés du nombre 3 que la déesse appelée par les poètes -pijAcpcpoç, xpe-y.s^aAcç, etc., c'est-à-dire Hécate. Aussi trouvons-nous dans Nicomaque une foule d'épithètes du nombre 3 qui se rapportent à Hécate ou à la déesse si souvent confondue avec elle, Artémis. Voici les surnoms qui suivent immédiatement le nom d'Hécate et qui, sans aucun doute, s'expliquent par ce rapprochement :
1° èpavva (dorien pour spavvYj), aimable. On trouve le même surnom dans un fragment de THymne au Nombre (fgt. 309 Abel). Hécate possède une autre épithète dont la forme est assez semblable èps;j.vrj, sombre, dont le sens s'adapte mieux au caractère de cette déesse. La tradition des Apocryphes pythagoriciens doit cependant être conservée, mais il est possible que l'origine de la
D'APRèS MCOMAQUE 147
variante èpavvr) — èpsu-v " doive être cherchée simplement dans une faute paléographique.
2° Xaprda. Ce surnom nous met sur la trace d'un rapport établi entre les Grâces et Artémis ou Hécate. Nous trouvons une tradition de ce genre dans un hymne homérique (27, 13 sq.) , où nous voyons Artémis se rendre à Delphes pour aller régler la danse des Grâces et des Muses. Le culte des Charités était lié à celui d 'Artémis à Athènes, Eleusis, en Laconie, à Magnésie du Méandre (Wernicke, dans Pauly-Wissowa, III , p. 1363) et à Thasos (trois bas-reliefs du Musée du Louvre, publiés par Stud-niczka, Jahreshefte des ôsl. arch. Inst., 1903, p. 159 sq.) . Un groupe de marbre attique (actuellement au château d'Ottenstein, publié pa rS i t t e , Jahresh. desôst. arch. Inst., 1910, p. 87) montre la triple Hécate entourée d'une ronde de Charités. — Cet adjectif pourrait être aussi simplement un doublet de èpavvr}, gracieuse, dont on retrouverait un parallèle dans l'épithète latine r/ratia (appliquée à Diane par Dracontius, 10). Il est plus vraisemblable que l'épithète XapiTia tire son origine du nom des trois Charités qui correspondaient aux trois unités de la Triade.
3° Aap.aipap.Yj. La formation de ce mot est assez singulière, et elle reste, pour moi, inexpliquée ; le sens doit être : la tille de Déméter, Coré.
4° Aioffxopta. On peut considérer cette épithète comme une variante de l'expression Aéoç Kopr; appliquée si souvent à Ar té mis par les poètes (Bruchmann, cp. deor., p . 47). Peut-être aussi doit-on la faire dériver du nom des Dioscures. Le culte des Dioscures était en relation étroite avec celui d 'Artémis à Sparte et à Ephèse (Wernicke, dans Pauly-Wissowa, III, 1365).
Dans la liste de noms qui suit dans Nicomaque : v.x: MrjTiv /.ai •zçHC'J'prp, Tpraova OaXaaasyysv fil faut joindre ces deux mots, contrairement à ce que fait l 'éditeur de Photius^, Tp'.Tcvivs-av, Ays-Xwov, vaaTiv, y.al àyji37:£u2v royprjTioa, Kparafba, e t c . , la distinction des épithètes qu'on doit rapporter à Artémis devient plus difficile. En effet, si nous laissons de coté Acheloùs, Triton, la Nestis (de Sicile et d'Empédocle: qui forment un groupe spécial, celui des divinités de l'eau, l 'attribution des autres surnoms prête à deux hypothèses. Le nom de Tpnavivâia nous force à songer a Athéna, alors qu'il a surtout été question d 'Artémis à pro-
148 EPITHETA DEORUM
pos du nombre 3. D'une part, l 'épithète Tpi8-ju.rj conviendrait bien à Artémis-Hécate : ce serait une variante de Tpipiopçoç. D'autre part , le surnom de p.fj7iç ne s'adapte bien qu'à Athéna et cette attribution est confirmée par un passage d'un hymne orphique (32, 10). Pour conserver plus de cohésion dans cette énuméra-tion, on pourrait considérer TpiSy yj comme une épithèted'Athéna, correspondant à Tpryî'vvyjToç qu'on trouve dans Lycophron, 519, et à Tpi-iTwp de l 'Anthologie Palatine, XV, 25, 26. Quant au sens de ces adjectifs, il paraît être expliqué par un mot de Suidas, s. v. TpiTcysvYjç* YJ AOrjva* YJTCI OTI èx TYJç VYJSUOç xal TYJç [/.YjTpaç xoù TYJç
xs©aAyj; TOU Aibç SCJYJXOS (cf. Photius, s. v. TpiToysvYJç). En fin de compte, on pourrait même se demander si tous ces
surnoms étrangers qui apparaissent au milieu des épithètes d'Artémis ne doivent pas rentrer, eux aussi, dans la même catégorie. Nous serions en présence d'une adaptation à Artémis des surnoms d'Athéna. Ces deux divinités furent souvent confondues, même à une époque très ancienne. On trouvera dans Ros-cher, II, p . 3188, la liste des attributs et des épithètes qu'elles possèdent en commun ainsi que les nombreux témoignages qui at testent cette confusion.
En tout cas, avec àyoïsTcsÇa KoupvjTiç, nous revenons à Artémis et la suite de la liste est formée par diverses épithètes de cette déesse. Dans un autre passage de ce Recueil, dans la section relative au nombre 9, KoupvjTiç est mis en rapport très étroit avec Kipyj. L 'Anonyme tente une explication étymologique de ce mot, en prenant pour base, semble-t-il, un rapprochement avec le nom des Curetés. C'est évidemment une fausse étymologie, dans le genre de celle qui a fait établir par une source de Servius (ad Verg. Aen., 3, 111), un rapport entre Koré et Corybas : quidam à~b r?j; KépYj;. Corybas enim Proserpina quae KopYj dicitur graece, sine pâtre natus [. Vraisemblablement KcupYjTi; est une forme dérivée de Koûpyj =KspYj. Si l'aritlimologiste a choisi ce surnom de préférence à d'autres, c'est qu'il lui suggérait une analogie entre Coré et les Curetés dont la tradition portait souvent le nombre à 3 et qu'il croyait ainsi découvrir une nouvelle ressemblance entre Coré et la triade. On pourrait aussi en faire une
1. M. Ch. Picard me signale aussi l'existence d'un collège de Curetés à Ephèse au service du culte d'Artémis (Roscher, Lexikon, II, p. 1000).
D'APRèS MCOMAQUE 149
variante des épithètes nombreuses quireconnaissenCdans Artémis une déesse protectrice de la jeunesse : KcpuBaXîa (à Sparte), Kou-pcTpôço;, riai^OTpsfsç, etc. (Wernicke, dans Pauly-Wissowa, III , p . 1346).
L'épithète àv'jwToeÇa qui accompagne Koopr^t; est un à'za; dont le sens est obscur. Le Thésaurus l'explique ainsi : « qui a le pied sans membres (x-yuio;), c'est-à-dire non articulé. »
On pourrait discuter sur la légitimité du sens dérivé « non articulé ». D'ailleurs le lexicographe ne cherche pas à quelle particularité de KoupvjTiç cette épithète fait allusion et il ne se soucie pas de trouver une explication à un surnom aussi étrange pour une divinité. Que telle ait été l'étymologie des apocryphes pythagoriciens, c'est très possible : la triade étant composée de trois unités (=àyui£'j;) pourrait être surnommée ar/uiÔTosLa. Néanmoins le sens du mot était trop obscur pour qu'on Tait inventé dans le but de signaler cette particularité. En règle générale, d'ailleurs, l 'arithmologiste n'invente pas de surnoms : il fait simplement un choix parmi ceux qui lui sont fournis par la tradition mythologique.
Quel a donc pu être le sens de cette épithète d 'Artémis ? Une des étymologies les plus vraisemblables tirerait le mot de àyuti (route), et izi'Çx : « celle qui passe dans les rues. » Hécate est la déesse vagabonde qui parcourt les rues et les routes et qui est préposée à leur surveillance et protection (Preller, gr. Myth., p. 323). A cette croyance populaire correspondent les épithètes àçooia, èvoâta, TptoSêri;, e t c . . Un passage de Callimaque (Dian., 38), où il est question de ce rôle de la déesse, a conservé ce mot âvutz que nous trouvons ici en composition : xoè gkv àyj'.ru; è'ooEai xxl XijAsvsffffiv è::{<7y.s7:s;. On pensera aussi à rapprocher de cette épithète un surnom d'Apollon àyj'.sj;, dont le sens est analogue et dont la formation est plus simple.
L'épithète suivante Kpr:a!3a n'a de correspondant que dans le nom Kporrauç. Parmi les nombreuses et très différentes variantes de la tradition qui concerne Crataiis, la seule qui convienne à ce passage est celle qui assimile à Hécate le personnage mythologique de Crataiis, l'épouse de Phorkvs et la mère de Sc\ lia '. C'est la même identification que dans l 'Arithmologie. Aussi n'hésite-
t . Cf. Schol. Apoll. Wiod., i , 828. Cf. Hoscher. Lexil>.% s. v. Crataiis.
lof) KPITIIKTA DKORUM
rons-nous pas à introduire dans la vulgate du texte de Photius la légère correction qu'exige ce rapprochement : Kpaiatôa en Kpa-
Après une série de trois noms abstraits qui ne rentrent pas dans notre é tude: àpu-ovia, <ju\j.$rtvix, y a ^ ç , Nicomaque reprend la liste des surnoms : Top^cvca et <ï>opvSx.
On trouve le nom de Fcp^u) appliqué à Hécate (Hymn. ad Hec, v. 7, Abel, et PLG, III, p. 682, Bergck.). D'autre part, Hécate passe parfois pour l'épouse de Phorkys que la tradition regarde comme le père des Gorgones: tel est le sens du mot <&op-%ioL. Sans doute aussi trouvons-nous ici l'indice d'une tradition pour laquelle Hécate était la mère des Gorgones.
Je pense qu'il faut aussi rappor te ra Hécate les deux surnoms suivants : Tpiaau-oç et Xùsicç. Tpiaap.o; (« à trois sens ») est sans doute une variante de Tpqjicpçc;, appliquée fréquemment à Arté-mis. Quant à Xubioç, il désigne la fameuse Artémis éphésienne.
Le nombre 3 étant aussi identifié, je ne sais pour quelle raison, avec la constellation de l 'Ourse, le passage de Nicomaque où il en est question a conservé deux épithètes de l'Ourse :
1° =>a;, que l'on doit rapprocher de EXbo;, nom que porte la Grande-Ourse. Ce surnom lui a été donné en considération du mouvement circulaire de cette constellation.
2° L'autre épithète ~o~\ (3u6bv où Suouiva, dont la forme dbrienne rappelle l'îepbç Xàvoç; mais dont le tour suggère une origine poétique, vise la particularité de cette constellation, de ne jamais disparaître dans la mer durant son mouvement de révolution.
D. — Le Quaternaire.
Les dieux avec lesquels le nombre 4 a été particulièrement identifié sont Hermès et Dionysos. D'autres personnages divers cependant, comme Eole et Héraclès, à qui s'appliqua très tôt l 'interprétation allégorique, partagèrent le même sort.
Nous devons à l'identification avec Héraclès quelques épithètes du nombre 4, comme àXxtjjLw-aTYj (cf. le surnom d'Héraclès 'AXy.3îoç). Les adjectifs àppsvixrj et àOVjXuvTo; visent eux aussi le même trait du caractère du héros. Quant au mot ='l*apu.a, pour le mettre en rapport avec le contexte, nous choisirons parmi ses différents sens, celui de « impétuosité, élan naturel ».
DIAPRÉS NICOMAQUE 151
A un autre point de vue, Nicomaque identifiait Héraclès avec le temps et même avec le Soleil, comme le montre cette note des Théologouména anonymes, p . 25 : xàXiv 3s 'HpaxXsa xcapà TYJV TSU
ITOU; svvoiav, TYJV xsxpaoa xaXouor, ypoviÔTYjToç cuaav xapsxxtxv;v, corroborée par ce passage de Lydus (de mens., IV, 67) : 'HpaxXyj; 3s s 7pôvo; xapàxo) Ni:/,:;j,r/w stpYjxai, àXXà JATJV xal TJX'.O;, xxX.
Nicomaque, après avoir rapporté au quaternaire les noms d'Hermès, Héphaistos et Dionysos, commence une longue énumération de surnoms qu'on peut diviser en deux groupes : d'abord les épi-thètes d'Hermès, puis différents noms de Dionysos.
On peut douter de l 'attribution exacte du premier : stopéra; ; car, non seulement on ne retrouve rien de pareil dans les surnoms connus de ces deux divinités, mais le mot, comme nom, est un axa;. Il est vrai que le sens en est fourni par l 'étymologie et par la forme féminine oroipîTi; qui, appliquée à Déméter (hymn. Orph., 40, 5), désigne « celle qui préside à l 'entassement des gerbes, à la rentrée de la moisson », comme d'ailleurs zcXû-awpoç appliqué à la même divinité (Anth. Pal . , VI, 258).
Hermès et Dionysos sont tous deux considérés comme les protecteurs des champs: on ne peut donc avec certitude rapporter le surnom à l'un plutôt qu'à l 'autre. Je pencherais cependant pour l 'attribution à Dionysos : de même que Déméter protège la rentrée des gerbes, de même Dionysos préside à la rentrée et à l'entassement des grappes dans le pressoir. C'est sans doute à ce rôle du dieu que l'épithète devait faire allusion.
Suit une série de surnoms d'Hermès : MataSsù; rt Ma'.aox;, /.ai èpioûvioç, xai ow.o;, xai Btaxxopo;, qui sont déjà connus par divers témoignages. L'épithète conservée par Lydus dans un fragment arithmologique (démens., II, 9 ) : locpo; :wv {/.iviswv «J/ir/wv se rapporte au rôle d 'Hermès psychopompe.
Parmi les surnoms de Dionysos dont la liste suit sans commentaire aucun, quelques-uns sont déjà connus comme fixsixpzùz et oi|Aaxo)p. L'accouplement de deux épithètes contradictoires OYJXJ-
pLopçoç TE xai Ixavopo; a un parallèle dans l'épithète àpaîvsQr;Xu; conservée par Lydus, de mens., IV, 160, et Porphyre (Kusèbe, prep. cr., III, 109) ou dans l'expression xppr^ xs xai. Oi|Xu; d'Aristide, I, 48. Quant aux adjectifs suivants, leur rapport avec Dionysos n'est pas douteux : àppsvoupyb; correspond avec l'épithète fréquente apprjv et l 'expression j}ax-/aj|j.cv àvevsipfov semble faite
1 5 2 KP [THETA DKORUM
pour expliquer fixv.yiyopoç qui est d'un emploi plus ordinaire. L'épithète aOiyj appliquée par 1' « hymne au nombre » à la tétrade (Syrianus, in Arist. met., 893 a 19), se rattache au même groupe, car L'âOs:; est un surnom connu de Dionysos.
Pour finir, on pourrait peut-être chercher dans une leçon corrompue des manuscrits de Photius (supprimée du texte édité), à la suite des surnoms de Dionysos : àpu.cvèua, une nouvelle épi-thète de ce dieu: àp;jtcv(7aç. On ne possède aucune preuve certaine en faveur d'un tel rapprochement, mais on connaît un Dionysos MEà-G^EVO; à Athènes, avec un surnom dont la signification ne devait pas être bien différente.
E. — Le nombre 5.
Un premier groupe des divinités de ce nombre est formé par celles qui ont quelque rapport avec la Justice. Le nombre 5, en effet, représentait l'idée de Justice en unissant des parties inégales (2 et 3).
On trouve d'abord le nom Aucç, dans l 'Anonyme, qui correspond à la §{y.Yj<7iç et à la cr/.a-.oauvç de Nicomaque. La phrase de l 'Anonyme, p . 31 : y.al (âoupasisiav oià TO èv Bou^aaxw Trjç Alfùiztou Tiy.aaôa'., qui provient de Nicomaque comme le prouve le surnom de iScjgajTia qu'il donne dans Photius au nombre 5, paraît se rapporter à AIXY) qui précède immédiatement. Nous aurions donc ici une confusion entre Abtrj et la déesse honorée à Bubaste ; celle-ci était souvent identifiée avec Artémis, mais parfois aussi avec d'autres déesses, particulièrement avec Isis. Comme le nom d'Isis apparaît dans le même groupe, il est vraisemblable qu'un rapport s'est établi entre ces divinités par l 'intermédiaire d'une première identification avec Isis. C'est la seule divinité, en effet, qui ait pu fournir les points de contact nécessaires, car il n'est pas rare qu'Isis soit confondue avec AC/.Y;, avec Némésis et avec la déesse de Bubaste (Pauly-Wissowa, ar t . Bubastis, p. 931).
Après avoir relevé une analogie entre le nombre 5 et Aphrodite, Nicomaque ajoute une liste des épithètes qui lui conviennent le mieux en cette occasion.
1° yay.y;/-a. Ce surnom est connu ; en la circonstance, il s'appliquait au nombre 5 parce qu'il unissait le premier nombre femelle (2) avec le premier nombre mâle (3).
D'APRèS NICOMAQUE 153
2° avSpoYuvia. Cet adjectif fait allusion à l'existence d'un dieu oriental qui portait le nom d"A<pp6oiTo; ou 'A^pocbvj et qu'on considérait comme une Aphrodite masculine (Roscher, I, p . 2315). Aphrodite pouvait donc passer pour avoir les deux sexes.
3° KuOspaa, qui a déjà été appliqué au nombre 2. 4° Zorvaia. Ce surnom n'est pas connu par d'autres témoi
gnages. Mais nous savons qu'Aphrodite était honorée comme déesse du mariage (Aphrodite Harma) et comme protectrice de l 'enfantement et de l'éducation (y.sXiiç, YEVETDXXI;, y.oupozpôooq). La déesse de la ceinture devait donc être celle à qui les jeunes filles consacrent leur ceinture avant leur mariage. Une coutume semblable est attestée pour le culte d'Artémis qui, de ce fait, porte le nom de XUJIÇMVOC. La formation du mot ^ovaîc; est beaucoup plus simple que celle de XuatÇurvs; et le sens en est moins clair, mais on peut rappeler comme exemple d'une formation analogue l 'épithète yixwvyj OU yrrorvia que portait Artémis à Athènes, Milet et Syracuse, et qu'elle tenait vraisemblablement de ce que les jeunes filles lui offraient leur chiton virginal.
5° xuxXwuyc; (pour xuxXoDysç, par analogie avec -sXisjyo;, ècmouyo;, etc. ?) « celle qui occupe le ciel ». KûxXsç signifie, en effet, fréquemment l'orbe du ciel ou le ciel lui-même. Cette épi-thète ne paraîtra pas étrange, si on la rapproche de l'Aphrodite o'jpavia, qui, originellement, avait le même sens. De nombreux témoignages attestent d'ailleurs le rôle d'Aphrodite comme déesse d e l à Nature (Preller, gr. Myth., 334 sq.) . L'épithète y.j/X'.sjys; est donc parfaitement justifiée : il semble qu'Apulée (me/., IV, 29! fasse allusion à cette fonction de la déesse quand il l'appelle or bis totius aima. Venus.
Il est probable que le nom qui suit 2;M0ES; est indépendant de la série des épithètes d'Aphrodite. Il doit s'appliquer seulement au nombre 5, « demi-dieu », parce qu'il est la moitié de 10, qui est considéré comme le plus divin des nombres.
Le même nombre était aussi identifié avec Zeus. Une note de Nicomaque où il est appelé Zavb; -ùp^oz permet de le deviner. Nous trouvons confirmation de cette conjecture dans Lvdus de mens., II, 10) qui, à cette occasion, rapporte à ce nombre deux épithètes de Zeus déjà connues £<,>;v;v5; et cypâvts;. cette dernière avec sa signification littérale. Ce fait apporte quelque lumière dans la liste des surnoms de Nicomaque. Après la mention de
l o i KPITHêTA m:oiu M
Zavs; -jpY:ç, cet au teur appelle le nombre o (wsvxaç) oio'jp.aia
^ = 5 ' 3 J ; J . O ; dans l 'Anonyme) et a-rov zopyiy. Sous ces formes fémi
nines d'adjectifs doivent se cacher des épi thètes de Zeus. C'est
facile à prouver pour zizjp.yioz qui désigne le Zeus de D idymes .
Quant à i;<ov ïopyiy, il se ra t tache à la même idée que l ' épi thète
zjpyv.z;. Mais l 'expression a~<ov ïopyiy est e l le-même fautive,
l'adjectif ne s a c c o r d a n t pas en genre avec le substant i f qui est
mascul in . La forme originelle fut peut-ê t re àçsvsopaia (cf. à^svVj-
Xy-cz) « celle qui se t ient ferme sur l 'axe du monde . » Il ne serai t
pas é t range que cet te épi thète fût appl iquée à Zeus . Eur ip ide
représen te Zeus dans le même rô le : Troj., 8 8 i : w yqz sy/^p.a, xâiri
Y^ç év/ov sspav... (cf. Eschyle , suppL, 7 7 9 : ^oazoyj. Tcayy.paxèç Z S J
et Prom., 393 : Oay.ouvxL za^y.paTsfç sooaù. Ce surnom convient
assez au rôle de modéra teur immuable de l 'Univers qui est a t t r i
bué à Zeus .
Une dernière série de su rnoms des nombres 5 commence par
y\j.'?jpzizz et ilaAXa;, qui dés ignent avec cer t i tude A théna . Les
épi thètes qui su ivent et qui sont isolées de tou t au t re nom de
divini té doivent donc v ra i semblab lement se rappor te r à cet te
déesse :
1° i'A>ï, qui est connue par divers témoignages .
2° r/.psojTtç. Cet adjectif doit ê tre une var ian te des épi thètes
zv.py.iy. et ày.pia, « la déesse du sommet », qui s ' appl iquent à p lu
sieurs déesses , comme Aphrod i t e et Héra . A théna en par t icul ier
était appelé yv.piy à Argos (Hésych. , s. v. yv.piy). Nous re t rouvons
encore cet te épi thète appl iquée à A t h é n a dans la section du
nombre 9.
3° àrqAovu convient aussi t rès bien à cet te déesse, si on com
pare les épi thè tes don t le sens est a n a l o g u e ; ypyr^'é-iç, y^i^-pyzcq,
àyr/nop, e tc .
i ° y-y/.y.v-zz. On donne d 'ordinaire à cet adjectif le sens de
« ayant le m ê m e poids ». Ici, nous ne pouvons nous conten te r
de cette in te rpré ta t ion et nous sommes forcés de recourir à une
aut re é tymologie qu 'on a éga lemen t proposée pour le nom du
personnage mytho log ique Axa/Avir;, la n y m p h e chasseresse . Ces
mots sera ient formés de y conjonctif et de la racine xaX qui a le
sens de suppor te r (cf. TAXCO et ses formes épiques TaAasaio, àxi-
Lvzzy, les adjectifs -y'/.yipyzç, xaAaT^vOrjp, e tc . ) , et signifieraient
donc celui qui sait suppor te r beaucoup , infat igable. Nous r appe l -
D'APRèS MCOMAQUE lôo
ferons que c'est précisément une des qualités reconnues à Athéna par de nombreuses épithètes ; TaAaspysç, ây.a;jiaT5ç, k-pj-ûrr,, etc.
5° y.paosaTiç (forme à laquelle l 'Anonyme préfère y.apc\a-:i;, parce qu'il en cherche l'étymologie dans le mot y.apcb . Cet a-rcai; est difficile à expliquer, car l 'interprétation de l 'Anonyme n'est pas admissible. On pourrait songer à une faute paléographique ou à une confusion avec un nom connu (comme Kpaftéz, surnom d'Athéna à Sybaris, Hérodote, V, i o j , mais il vaut mieux essayer d'expliquer la forme de la tradition manuscrite. Un des essais d'étymologie les moins risqués ferait dériver ce mot de y.pàoYj, le figuier. Cette épithète s'accommoderait peut-être des prérogatives d 'Athéna qui est considérée quelquefois comme une déesse de l 'agriculture. Quant à la forme du mot, on possède des parallèles dans y.sopsaxiç appliqué à Artémis et çs/.zy.-riz surnom de Dionysos.
6° op6'.a-ic. A première vue, on serait tenté de voir dans cette épithète une variante des surnoms connus d'Artémis : 'OpOîa et 'OpQioaia. Mais comme tous les noms de cette série s'appliquent bien à Athéna, il convient de voir d'abord si ce dernier surnom répugne absolument à une attribution identique.
Il n'en est rien, je crois. D'abord, les adjectifs dérivés de zzhzz ne sont pas réservés à la seule Artémis. On connait un Zeus Orthosios, un Dionysos Orthos, un Asklépios Orthios. La dernière hypothèse concernant le sens de ces épithètes a remis en faveur la signification médicale : ces épithètes désigneraient les divinités qui guérissent les maladies ou qui favorisent les accouchements. Or de nombreux surnoms d'Athéna nous la représentent comme une déesse protectrice de la santé corporelle : on trouve les surnoms d'Athéna Aléa, Athéna VyL-.a, -z'.ursiz, àXs;é/.r/.:ç, atoiîtpa, cçOaXy.îit;, etc. Rien d'étonnant donc à ce que nous ne lui refusions pas le surnom d"Op0i5c7'.ç, celle qui sauve.
Pour en finir avec le nombre n, remarquons que l'expression poétique qui accompagne le nom de Melpomène : y.yà i;j.â'.v:y.ivy;v c~i xaXr] ne désigne pas cette Muse, niais sa sieur Calliope.
V. — Le nombre (i.
Ce nombre est d'abord identifié avec Aphrodite parce qu'il est formé par la multiplication des deux premiers nombres, mâle et
1 5 6 EPITI1ETA DEORUM
femelle, 3 et 2, comme 5 provient de leur addition, 'ce qui lui a valu le même nom.
Voici les surnoms d'Aphrodite cités à ce propos : 1° Zjyta, qui est connu par plusieurs témoignages. 2° ZJVTTU (cf. u£jy.T£tpa, hymn. orph., 55, 3) qui se rapporte,
comme le précédent, à la déesse du mariage. 2'1 àvîpoyuvbc, que nous avons rencontré plus haut. Lydus cite un
surnom analogue d'Aphrodite à propos de sa parenté avec les nombres (de mens., II, 11) : cb; xai ajxrj 'AfpoâiiY] TYJV TOS appsvoç Tïjv TS xc3 8ï]XSOç îyovax «p'jffiv, xai 3ià TOUTO Tcapà xoiq OEOXOYOIç àpp£-vôÔrjXuç y.aXou[JL£v* .
4° va^Xia, qui est très connu. On pourrait rapprocher de cette épithète le nom de yap.oç qui est si souvent appliqué à ce nombre. Il est très possible que Tap.o; qui d'ordinaire est le nom d'une divinité spéciale, ait été aussi un surnom d'Aphrodite. Sur une gemme décrite par Gerhard (auseid. Vasenb., I, p . 8 1 ; Prodr., p. 260), à côté d'une représentation d'un personnage féminin ressemblant à Aphrodite (ou à l 'Espoir), on trouve l'inscription FAMOS. Gerhard y voyait une représentation d'Aphrodite comme déesse du mariage (ap|xa, ya^Xioç, yapLiYj, ya[J.oaff6Xoç, e tc . ) . Notre note arithmologique semblerait confirmer cette conjecture.
On pourrait se demander encore si l 'épithète du nombre 6 àpjj.ovia ne doit pas être rattachée à la même série: ce serait une variante du surnom f/Ap[j.a.
5° çtXoTYjffia, la déesse de l 'amour. Cette épithète ne se trouve qu'ici, mais elle a des parallèles dans çtXwj, èpwTOTpsçoç, èporroxo-xcç, etc.
Nous rencontrons ensuite divers surnoms que Nicomaque n'a pas cru devoir faire précéder du nom d'une divinité, tant l 'attribution en est sûre. Il s'agit encore d'Artémis-Hécate qu'on retrouve ici à cause de la parenté de 6 avec le nombre 3, comme l'explique l 'Anonyme. Voici ces surnoms :
1° sy.axrjjîeXsTi;. Cette forme est nouvelle, mais on connaît éxa-Tr^b\zq et £y.Yj£oXoç, et la forme masculine Éxa-YjjkXÉTrjç. est at testée par Apollon, si bien que nous n'avons nulle raison de douter de son authenticité.
2° Tp'.co^T'.ç, réservé spécialement à Hécate. . 3° cV/psv'.a. L'explication qu'en donne l 'Anonyme (p. 37, Ast)
D'APRèS NICOMAQUE 157
laisse deviner le sens original de ce surnom d'Hécate. Il représente cette déesse passant, suivant une vieille légende (Preller, p . 763, 3), la moitié de l 'année au ciel et l 'autre moitié dans l 'Hadès.
4° HipsEia et 5° TpqiiGpço;, qui sont connus par de nombreux témoignages.
Je ne sais si le nom 'AjAçixpiTYj que nous trouvons à la suite de cette liste est un surnom nouveau d'Artémis ou s'il désigne la divinité marine que tout le monde connaît. Quant au mot suivant ocyytâî'Aa c I u e l 'Anonyme désigne comme « Voisine de la Justice », ce doit être un surnom poétique d'Hécate : suivant une conception pythagoricienne contraire aux idées communes (Jam-blique, V. P., 46), mais qu'on retrouve encore dans Sophocle; la AIXYJ, au lieu de siéger aux côtés de Zeus, a fixé son séjour aux enfers près du trône de Pluton. C'est ainsi que Sophocle (Antig., 451) l'appelle çuvcixoç xôv xaiw Ôewv. D'après cette croyance, Hécate peut donc être considérée, à bon droit, comme la voisine de la «luslice.
La série se clôt par le nom de xavaxeix qui pourrait bien, lui aussi, s'appliquer à Artémis. On reconnaît parfois à cette déesse un pouvoir sur les maladies ; les épithètes juxeipa, TCSVWV lixwp et même ôpôia se rapportent aux privilèges des guérisons miraculeuses. Il est donc probable que nous devons rattacher Travi-xeta à cet ensemble d'épithètes d 'Artémis. Que ce nom fut susceptible de s'appliquer à une divinité, c'est ce que prouve l'existence d'une déesse Havaxeia, la compagne d'Asklépios.
G. — Le septénaire.
Ce nombre est surtout consacré à Athéna et cette croyance est une des plus anciennes de l 'Arithmologie. Voici la série des épithètes d'Athéna qui furent choisies parce qu'elles convenaient particulièrement au nombre 7 : àxpswxi;, àrsXôâ, ixpuTow;, zppvxz-Tcaxpa ( = L y d u s , III, fi) TpttoYsvsia, Y/.ayxwî:». . lp\'ivrr
Il en est d'autres encore, comprises dans la même série, mais les témoignages qui attesteraient leur rapport avec Athéna font défaut. Ce sont :
t° fuXxxCxi;: ce surnom désigne une protectrice de la cité ; on peut en rapprocher les épithètes d'Athéna : spj'-TcXi;, -:).tiç,
138 EIMTIIETA DEORl'.M
zs/acjycç, etc. Quant au surnom sùXa;, il est appliqué à de nombreuses divinités, comme Asklépios, Hécate et Hermès.
2° 'AXaA/.c;/£V£'.a. Celte forme est nouvelle, je crois, mais ce n'est qu'une variante de 'AXaXy.cpsvYpç et 'AXaXy.cp.EVY;.
«'1" Travxsj'/ia : celle qui est armée de toutes pièces : surnom ignoré jusqu'ici, mais dont l 'authenticité est assurée par l 'épi-thète rcâvcTcXcç volontiers appliquée à Athéna.
4° TTcXjapVjTY; qui correspond exactement, pour le sens, au -EXJXXôJTY; d'un hymne orphique, 32, 14.
Ajoutons à cette liste quelques surnoms conservés par d'autres auteurs, comme àâtTrapOsvo;, aprJToip et àp.YjTup Nixv;, qui ne sont pas plus nouveaux et qu'on trouve dans les fragments arithmolo-giques de Philon (lec/. alleg., 1,15; quis rer. div. haer., 170 ; opif. tnuncL, 99), et des commentateurs d'Aristote (Alexandre, in met. Arisl. A, 5, 983 b ; Asclépius, ibid.).
Vraisemblablement le surnom àyvsia donné au nombre 7 par Aristide Quintilien (de music, III, p . 122) a aussi sa raison d'être dans l'identification avec Athéna souvent appelée àyvrj.
11 reste à examiner quelques noms de la liste de Nicomaque dont l'origine est moins évidente :
1° Le dernier des surnoms, qui paraît être une épithète d 'Athéna, est o'jXcpsXeia. OjXc|/.sXr,ç signifiant « qui a tous ses membres, intègre », une épithète divine qui en dérive doit signifier « celle que concerne (et qui protège) l'intégrité des membres ». Le rôle d'Athéna comme déesse de la santé est assez connu par d'autres surnoms : cracp.ppoTCç, Xacsacoç, awis'.pa, àXsJtxaxoç, OyfsLa, etc., pour que l'application à Athéna de cette nouvelle épithète paraisse rationnelle.
2° 'A;j.aX0sia; Ycvc;, qui doit être rapproché de 3° alyL. Il faut se rappeler (pie l'égide était formée de la peau de la chèvre Amal-thée. Le rapport avec Athéna qui porte l'égide n'est pas douteux. Mais comment a-t-on pu appliquer à Athéna elle-même le nom d'un de ses attributs? C'est un phénomène assez étrange, mais qui n'a rien d'inouï. Il y a d'autres exemples de semblables transpositions : on peut citer, parmi ceux qui se rapprochent le plus de notre cas, l 'attribution à la même déesse du nom de LcpYO) ou VCC*'('ùV.
4° y.v.pô-o'/.<.q (dans l 'Anonyme, p. 44). Peut-être doit-on rattacher ce surnom à la série cV/.pîa, àxpab, r/.pEàmç (cf. TuoXtiç,
D'APRÈS NICOMAQUE 1 0(J
7uo>aouyoç, e tc . ) . Le sens serai t ident ique et le su rnom cor respon
dra i t à la Minerva Gapita ou Capta des Romains .
La seconde des divini tés impor t an te s du septénai re est Cru-
nos , sans doute pour des ra isons as t ro logiques . L y d u s , démens.,
I I , 12 : Kpovov ce ajTcv "EAAYJCI è'Qcç y.aAîèv y.xcà g.èv OïC'ACYVXV,
xaxà ce £T'j;AOACYiav ciay.cprj VCJV, C'.cv£Ê zAVjpr; y.xl JAîCTCV £TO>V, avé
TOU M a x p a u o v a , éi; sïpyjTai. L é p i t h è t e nouvel le jjiay.paûov t rouve
u n e cor respondance dans zp^ccY; ; , ~zù.yJ-y.-.zz, yipwv et d ' au t res
encore qui r ep résen ten t le dieu comme un vieil lard chargé d 'ans .
Vra i semblab lemen t c 'est Gronos encore qui est désigné par l 'épi-
thète Yjyiyoïv TU>V xré.v-oiv dans un fragment a r i thmolog ique de
Ph i lon , opif. mundi, 99, et Lydus , de mens., I I , 12. Cet te e x p r e s
sion aura i t des paral lè les dans les épi thè tes de Gronos pxzù.z'jz.
$eff~ÔTYjç, e tc .
D 'au t re par t , Gronos est souvent confondu avec Xz'z^zz :
c 'est par cet in termédia i re que Proc lus peut é tabl i r l ' identifica
tion Xpsvcç-monade : (m Plat. Parm., VI I , 230) ;zr( T:CT£ SUV. zxirt
M TIç, ypevou ;J.£V cjcatAtoç iac. ;A£7£VCV ce i'v, */pcvc; c i îCC.V a j : i ;
xal ràp ci IluOaycp^.c. Kxipcv XJTO Trpscrjvcpc'jcv, y. al OZZî'JZ yzz^z-i
z\r.oY.oCkv. -c -pioTicicv. Cet te note tend à p rouver qu 'on appl iquai t
à la monade l 'épi thète de y.atpcç à cause du rapprochement avec
Xpcvcç-Kpcvc;. Donc le nom de xx'.psç. donné si souvent au sep
ténai re a son origine dans un rappor t en t re 7 et Kcsv:; . P e u t -
ê t re est- i l pe rmis de tenir Kzv.pzç, comme Xpz^tzz pour un su rnom
de Gronos .
II . — Le nombre <S\
Presque tous les su rnoms de ce nombre se r amènen t à un
rappor t établi en t re ce nombre et R h é a - C \ bè le-Déméter , ces
trois déesses si souvent confondues. Le nom de Rhéa lui-même
est accompagné des ép i thè tes su ivantes :
1" ;rr(Tr(p, qu 'un re t rouve f réquemment a i l leurs .
2" OYJAU-C'.C;, que nous devons sans doute à une confusion avec
Pa?x pour laquelle nous connaissons l 'épi thète OrjAjvaia ZJZVI
(Jo. Gaz. , descr., 2, 7). A moins qu 'on ne t raduise : • celle qui a
enfanté une tille. » Un tel adjectif pouvait caractér iser Demeter
parce que l 'histoire de sa tille Go ré est 1 histoire de presque
toute sa vie.
1 6 0 EP1THETA DEOBUM
3° K-jgAYj et 4° K u ^ f o . 3° AtvoJtj.Yj, forme nouvelle d'un surnom connu de Rhéa aux
nombreuses variantes : Atvoou/f,vr;, Aivo*uji.t;, AWOU[MYJ.
6° TTCX-CLT/S;, surnom de Rhéa conservé par Nonnus (D., 43, 41 i \ qui se rapporte à une des prérogatives de cette déesse L
7° bpzix, pour lequel les témoignages abondent. 8° (-)£;j/.; ; cette confusion avec Thémis est assez extraordi
naire, mais elle n'était pas cependant ignorée d'Eschyle. Dans son Prométhce, v. 209, Thémis est identifiée avec la Terre.
9° Niu-s^. Ce surnom nouveau s'explique par l'épithète Gs<j[j.c-çôpoç. Rhéa comme Déméter passait pour avoir donné aux hommes la civilisation basée sur les lois. On doit aussi rapprocher ce surnom d'un autre Eùvopua qui paraît désigner Déméter sur une monnaie de Gela (Head, hist. num., 124. Gruppe, gr. Mgth., p . 1066, n. 7).
10° YjX'.Tsp.YJva. Le sens de cet adjectif nous est assez vaguement expliqué par l 'Anonyme (cf. Lydus, de mens., IV, 162) : il fait allusion, dit-il, à la légende d'après laquelle Gronos engloutissait après leur naissance les enfants de Rhéa. ^XITC^VOç s'applique d'ordinaire aux enfants nés le huitième mois (qui trompent sur le nombre des mois?) . D'après les idées de l 'Antiquité, ces enfants ne naissaient pas viables ; l 'enfantement en était donc vain. Par dérivation de sens, cet adjectif a pu signifier « celle dont l 'enfantement est vain » et a pu servir d'épithète poétique de Rhéa. Diverses épithètes font allusion à la manière dont la déesse sauva le jeune Zeus : OOXOTïXOXO;, <l)£uoo\).évrn xXe^Loxoç, etc. Cette légende pouvait donc fournir matière à des surnoms caractéristiques.
Les deux premiers noms de la liste de Nicomaque : xavapu-ovta et Kao[i.£ia se rattachent aussi à la série des noms de Déméter. On sait qu'à une certaine époque, la légende du couple divin de Thèbes, Harmonie et Cadmus, fut transportée à Samothrace, où elle prit la forme d'une variante de la légende d'Eleusis : Harmo-
1. Les noms qui suivent dans Nicomaque : eporra, cpiXîav, (A^TIV, ân'votav, doivent être retranchés de cette série ; le passage correspondant de l'Anonyme (p. 55) montre qu'ils y ont été introduits à tort par Photius. Ils faisaient partie à l'origine d'un fragment de Philolaos indépendant de notre liste de surnoms.
D'APRèS NICOMAQUE 161
nie correspondit dès lors à Déméter-Koré, et Cadmus à Hermès (Roscher, I, p . 1831 ; Preller, gr. Myth.^ p . 836j.
Le nombre 8 était aussi consacré à Poséidon : c'est pourquoi Moderatus attribue à ce nombre à la fois le nom de Poséidon et l 'épithète àcoxXsio; qui est propre à cette divinité (Stobée, ccl. phys., I, 20).
I. — Le nombre 9.
Nombreuses sont les divinités auxquelles ce nombre est consacré. Citons d'abord f/AXtoç ( = "HX'.c;) auquel se rattache le surnom Txsphov. Il y a aussi l iera avec la formule connue : Aéo; àSeXcpY] xai aJvsuvoç. Nous trouvons ensuite une série de surnoms sy.aspyoç, rcafav, vjffffYjixaç, orpistiç, qui doivent se rapporter au même dieu : c'est de toute évidence Apollon, que désig-ne aussi sans doute c/AX'.oç.
Une seule de ces épithètes est d'origine obscure : vjjjrpxa; 1 . L 'Anonyme fait dériver ce mot de vJsaa, la borne autour de laquelle, dans les courses de chars, on tournait à l 'extrémité de la carrière, pour revenir au point de départ. Ce surnom, appliqué à une divinité, devait désigner le dieu de cette borne considérée comme marquant un point dangereux et un moment décisif de la course. Il pouvait très bien s'appliquer à Apollon, le dieu des exercices gymniques et plus spécialement des courses : SpojjLaisjç ou opop.afoç.
Nous trouvons ensuite dans Nicomaque trois autres surnoms : èvuâXioç, àYsXsia, TpixsYsvsta, dont les deux derniers désignent certainement Athéna. C'est à cette série et non à la liste précédente des surnoms d'Apollon que je préfère rapporter àvaiX».:; \belliqueux) qui convient mieux à la déesse. Cette épithète qui s'applique spécialement à Ares, accompagne parfois cependant d'autres noms de divinités, comme Dionysos, Zens, Pcnthésilée, etc. , de sorte que l 'attribution à Athéna ne peut soulever aucune objection.
KoupyjTiç et Kipr;, que nous retrouvons ici (cf. la section du nombre 3), nous ramènent à Artémis-IIécate, comme nous l'avons
i . La leçon vjTjrpTav des Théol . a n o n y m e s convient mieux par sa dési
nence mascul ine (pie vj'jaTpoa, la leçon de Pliotins.
D I I . A I T I . — LUI. ptflhutf. Il
162 EP1THETA DEORUM
dit plus haut. Le surnom flsiOw qui précède appartient à la même déesse : Artémis était honorée sous ce nom à Argos et nous retrouvons ce surnom dans l 'hymne magique (in Dian., 22, Abel).
On doit encore rapporter à Hécate un des surnoms du début de la liste de Nicomaque Ilspasèx; peut-être aussi le surnom TSXE-
Gvopz; (TSXSICî -à ivvexpjva, explique l 'Anonyme, p. 58) était-il à l'origine une épithète d'Artémis, la protectrice des accouchements.
J . — Le nombre 10.
Notre moisson sera assez maigre en ce qui concerne la décade. Parmi les rares épithètes de cette section figure àxap.aç ôséç (cf. àxa-JXXTY;' Ssxàç dans l 'hymne orphique, Syrianus, in met. Arist., 893 à 19) qui suit immédiatement le nom d'Atlas et qui, à mon avis, s'applique à ce personnage. C'est ce qu'on peut déduire de la légende de ce héros et de ce passage d'un scholiaste d'Homère, Eustathe, p . 1389, 58 : oï p.èv àXXvjYcpoûcri elç TYJV àxap.àTY)v xai àxo-
Trfocisv Trpôvciav TôV wavTwv a'iTiav. Il est probable que le surnom YJXIOç se rapporte à Phanès dont
le nom précède et avec qui le Soleil est quelquefois confondu (fgt orphique 167, 3 Abel).
Quant à IlavisXsia, appliqué à la décade" par Philon (de opif. m., 47), Modéra tus (Stobée, ecl. phys., I, 20) et Anatolius («rcept àsxaosç, 10), il se retrouve dans le nom d'une déesse connue par deux inscriptions d'Epidaure (cf. Roscher, III, 1550 sq.) . Ici il paraît être une simple épithète, à en juger d'après la note de Philon. Je songerais plutôt par conséquent à le rapprocher d'un surnom d'Attis pantelius et j ' inclinerais à le regarder comme une épithète d'une des divinités consacrées au nombre 10, de préférence Phanès .
Voici, pour finir, la liste des épithètes qui nous sont connues par l 'Arithmologie. Les épithètes nouvelles sont imprimées en caractères plus espacés.
D'APRèS MCOMAQUE 163
A P H R O D I T E
a v o p o y u v i a
à p p. o v t a ?
àppevdôr jXu 5
YajxTjXta
Y«p .oç?
SuoVT]
ÇuYta
Ç U Y î T I ç
Ç w v a î a
xuOépeia
y. y y. X t o y y o ;
p y y a t a
© t X o T *) a î a
A P O L L O N
âYut£-Jç
éxaepYoç
XoYt05
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7rpocp7ÎTr)ç.
A R T é M I S - H é C A T E
àyui6i:£%<x KoupyjTt?
à Y Xi 8 t'y. a
àepta
à a r e p t a
YopYOvfa
8 a p. a T p a |x rj
St'xTuvva
81 o a y. o p ( a
819 a |x o s
81 y p o v î a
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£ p a v v rj
>!P-epo; ?
XOpTJ
x p à T a 11 ;
A y 61 o ;
r: a v â x £ t a
TX.tOtô
7Vp9£Îa
9£XTJVT)
TeX£9©dpOÇ?
Tpfyxopœo;
TptoSr?*.;
T p 19 a pi o ;
© o p x t a y .ap iTt ' a
A T H é N A
• ». ' aY£A£ia
à Y e p- o v t a
or/vEta
a£tî\-ap8Évoç;
a-Y1 '-à x p £ M T i ;
àxpojToXtç
a X a X x o p. £ v £ : a
' ,Ap. jaX6cîaç yivos
a;x[3poTOç
ap.rJTiop
à r a X a v t o ;
aTpuToivrj
YXauxôîTi;
I v y â X t o ç
ÈpYavT)
x p a 8 £ a T t ç
NtXT)
ô(3ptpo7caTpa
o p 81 a T t ç
oùXupLÉXfita?
IlaXXa;
r. a v T £ u y t a
rooXyaprJTr)
T p 16 u p. rj ?
Tpi tOY^vc t a
© y X a x t T t ;
A T L A S
à x a p a ; 8EOç
C H A O S
açtov
'At8r,ç
à X a p. r: t a
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rav8oy£yç
9 x o T <o 81 a
aùyxpauni
CXY)
y xapx
C H O N O S
7, Y = ;x f o v : w v a - â v T ».u v
y. a t p o ; ?
p. a x p a t w v
7.po'v<>î.
D I O N Y S O S
àpp.ovtTaç ?
àppfivoypYo;
(3 a x y a 9 p. ô v à v £ Y £ '' p <•> v
t3a99ap£y;
otua ' top
Ça8£o;
8 7 j X y ; x o p r d ; : î xat
£ ~ a v 8 o o c j ' o ; ; : a { .
I I A D è S
à p. t £ î a
,3 a p a 8 p o v y r: o y 6 o v i o v
X T; 8 r,
S r i Ç
T a p r a p o ;
y Ar,
© o t x to o t x
IlÉLIOS
axâpaç
- y p à X t o ;
I TCêptOVlÔTJÇ.
IIÉRA
A t o ; à8£X©r. x a i j y v -
£ y v o ;
H é R A C L è S
à 8 rj X y v T o ;
à X x i p - t o T x r o ;
à o o £ v t x 6 ç
£ Ç a o ix a
fjXto;
y po'vo;.
H E R M è S
StxxTopo;.
IptO'JVtOi
5 3 0 0 0 : TlOV U t v j ' 8 ( i ) V I > * I l
<J/ y x w v p.ata8«y;
kiStâSv,;.
164 EPITHETA DEORUM
L ' O U R S E :
eXtÇ
îçoTt (3uGôv où 8uo[xéva
PlIANÈS
rjXio; î l a v T é X é i o ç ?
P O S é I D O N
àaçaXstoç
P R O M é T H é E
87j|Atoupydç
nXaatrÎp
R H é A - D é M é T E R
Ay)[xrfTpa
8tv8ù|XYj
8tv8u|A7)VY]
8 l 0 [A 7) T W p
'EXeuatvta
r|XtTO{J.T)'va
G7]Xu7tOtÔç
Gépuç
" I a t ç ?
Ka8fjLEta.
K p o v o u auveuvoç .
KUSIXTJ
KofilIpY,
X u 81 a
p-rÎTTip
o u.oç
ôpeta
7îavap[xov t'a
Tdrjyr) 8tavotj.7) ç
7CoXtouyoç
«frpuyta
«Pùatç ?
ZEUS
àÇove8patoç ?
8t8u|xaïoç
Çwoydvoç
oùpàvtoç.
ANECDOTA ARITHMOLOGICA
ANECDOTA ARITHMOLOGICA
A. — Petits traités ilarithmologie.
1. Dans les manuscrits Paris gr., 1417 (xve s.), f. 7 v., et Paris gr., 2992 (xvie s.), f. 56 v., on trouve, dans une page laissée en blanc par la première main, un résumé d'arithmologie.
Le titre promet une étude de tous les nombres de la décade, mais l 'exposé s'arrête au nombre 7.
Eîç xoù; xxo u,ovxSoç j/.sypt Sîxxooç xpiQp.cbc 0so)p7][i.a xuOxyopixsv.
Kxxà TOùç 11'jOxYOpsîouç, r. u.ovxç XXI xb iv VOJç (;j.èv add., 1417) xxi ouata èXéYSxo' lv Se b vou; Six xb ;AOVIU.OV, xxt xavxY) op.oiov xxi àpytxov*
'H Suxç àpyr; XATJBOUç xal xpwxoç 6rjA.j; xxi Sô^a, Six xb sx' X;J.5U>
sivxi p^xapAYjxr/ xxi xivrjatv xai èxiOsatv.
Passages parallèles :
1. 3. Alexandre , connu, in Met. Arist. A, 5, p . 085 b "20. Asklépius , ibid.
Nicomaque dans Phot ius , Bibl., p . 143 a. Théolog . Ari thin. , p . 3, 10 sq. ; 6,
28. Macrobe, Somn. Scip., I, 6, 8. Favonius , comm. in Somn. Scip., p . 3.
Chalc idius , comm. in Timaeum, c. 30. Seliol. Ar i s t . , in Met. Cod. Beg.,
1853, p . 541 b . Théon de S m y r n e , exj>os., p . 100. Lydus , de mens., II. 4.
Anatol ius , -repî osxàôo;, 1.
1. 4. (oyj'.a) : Alexandre et Asklépius , op. cit. Anatol ius , ibid. (0:à TO ;AOVI-
ixov) : Modéra tus (Stobée, ecl. phys., 1, 1 8 , Mart ianus Capolla, VU, 731.
Théol . Ari thin. , pp . 3, 2 et 5, 7. Alexandre et Asklépius , ibid. Lydus, de mens.,
II, 4. Pse l lus (Tannery , Bev. Et. gr., 1802, p. 345 .
(T. Alexandre et Asklép ius , ibid. Théol. Ari thin. , p . f>, 24.
1.3. Theol . A r i l h m . , p . 8, 2 1 ; 8, 3 ; 8, 14. Alexandre et Asklépius .
(ooÇa) Lydus , de mens , II, 7. Anatol ius , 2.
1. 6. Theol . Ar i th in . , p. 12, 8 et 31 , 11. Théon de S m y r n e , expos., p . 100.
Alexandre et Asklépius . Cf. Lydus , de mens., II, 7, et IV, 97. Anatol ius , t .
168 ANECDOTA
Il Tpiiç irpwTsv TTAYJOOç xod TTptoTo; appvjv,
Il TîTpiç CY/.CUCCIJVYJ c'.à TO iaay.tç, iaov y.cà TrpwTCv iv TCIç; apxiotç a i e -
psôv y.aià Taùcà ce */.ai c 0 ' , éo; iy, TCO' Tpia èç' èauicv, oç sari lupûtoç
10 CTspscç CT:C zsp'.cicD.
' 0 TT£VT£ Yi;jioç a>; Ix. irporrou 6-rçXscç TOU O'jo x.ai TïpWTOu appevoç TOD /
« w £ OC •
0 'à; TSXSIOç w ; TCpwTsç y.ai [ACVOç, è'vSov vrjç oex.acoç TOIç oîxsioiç
ict.ac6u.evcc pupsat.
15 0 £7CT3 TTCCpOévCÇ (OÇ £Vo"OV TYJÇ, OèX.ac'OÇ U.YJT£ Y£VV(b[J.eVCÇ O7C0 TIVOÇ
1. 7. (-p. T:XYJ0Oç), Théol. Ari lhm. , p. 8, 20 ; 14, 5 ; 15, 21 ; — (;cp. appyjv), ibid., p. 24, 13. Cf. Martian., Cap. VII, 733.
1. 8. Théol. Arithm., p. 23, 15. Alexandre et Asklépius, ibid. Philon, de opif. mundi, 51 ; de plant. Noë, 122. Plotin, Enn., VI, 6, Ps.-S1 Ambroise (Migne, Patr. gr., XVII, p. 3). Schol. Arist., Cod. Reg., 1853, p. 541 b . Anatolius, 4.
1.8. (aTepedv) Théol. Arithm., p . 16, 30; 18, 16; 19, 11 ; 23, 21. Sextus Empir., adv. math., IV, 5. Hippolyte, adv. haer., VI, 2, 23. Plutarque, de El ap. Delph., 13. Martianus, Cap. VII, 734. Philon, de op. mundi, 49. Anatolius, 4.
1. 9. (ô 0') Schol. Arist., Cod. 7teo\,1853, p. 541 b. Anatolius, 9. Alexandre et Asklépius, Théol. Arithm., p. 57, 32 et 28, 18. Théon de Smyrne, expos. p. 106.
1. 11. Alexandre et Asklépius, Mart., Cap. VII, 735. Plutarque, qu.rom., p. 264 a; de El, 8. Anonyme dans Tannery, Diophante, II, p. 75; Théol. Arithm., p. 24, 12; 27, 1 ; 32, 1. Cf. Nicomaque (Photius, bibl., p . 144 a). Anatolius, 5.
1. 13. Philon, decal., 28 ; de m. opif., p. 3. Plutarque, gu. conv., 9, 3 ,2 ; de an. procr. in Tim., 13. Clément, Strom., VI, 139. Censorinus, dédie nat., 11, 4. Chalcidius, in Tim., 38. Mart., Cap. VII, 736. Macrobe, op. cit., I, 6, 12. Favonius, in Somnium, p. 6. Origène, in Joan. (Patr. gr., XXVIII, 1. — Théol. Arithm., p. 33, 2, sq. ; 34, 6. — Théon de Smyrne, exp., p. 102. Arist. Quint., de mus., III, p. 135. Ps. Basile, dehom. struct., II, 6. Lydus, de mens. IV, 88. Jambliquc, V. P., 152 (iepô; Xdyoç). Anatolius, 6.
1. 15. Alexandre et Asklépius. — Philon, vit. Mos., II, 209; quis rer. div., 170; leg. allrg., I, 15 ; de m. opif., 99. Modératus (Stobée, I, 20). Clément, Strom., VI, 140. Nicomaque (Photius, p. 144 b). Mart., Cap. VII, 738. Lydus, dp mens., III. 9 ; II, 12. Macrobe, Somn., I, 6, 11. Favonius, p. 8 e t 9 . Théon de Smyrne, expos., p. 103. S1 Ambroise, de Noë, 12, 39. Ps.-Basile, dehom. struct., II, 6. Théolog. Arithm., p. 41, 30; 53, 18. Chalcidius, in Tim., 36. Plutarque, de Is., 10. Anonyme dans Tannery, Diophante, II, p. 75. Cf. Arist. Quintil. , de mus., III, p. 122; Anatolius, 7.
ARITHMOLOGICA 169
p/rçxe YêVVûV xiva ' y.ai xaipsç G aùxoç oià xo xà çuGv/.à */.a6' k,3GGp.aGa;
ïff^stv xoùç xsXsbuç xaipoùç xrjç Ysvsacwç Xî /.ai XSAEIGWSO^ * /.al ÉTrxa-
p/nviaîa vàp èxe' àv9pw7cou xixxexai "/.ai s-Sovxpsueî XGG-GVXWV èxwv y.al r(l3a
(»3à 2992 ) xaxà XYJV Ssuxépav êJGOO|j.aGa' y.ai Yeveia /.axa XYJV xpixYjv* xa».
20 6 rfkioç, aïxioç elvai OGXWV XWV y.apxwv, àrjG XYJç s'vaaxpGU crsatpaç xwv
cnuÀavwv p.£xà x«ç TCSVTS XWV rcAavYjxwv XYJV è|G0Gp.Yjv xa^iv à z r / s i * y; ck
ffeXyjVY) XYJV ôY^ôY]V YJ Y*) ck XYJV 0r<v * èsxaxYj Gé îGX'.V ajxcîç YJ àvxiyôwv.
Les nombreux passages parallèles montrent que le lointain ancêtre de ce résumé est un traité d'arithmologie utilisé surtout par Philon, Nicomaque, les Gnostiques (Clément), Macrobe, Martianus, Théon de Smyrne, etc. , et publié sans doute durant la période alexandrine.
Mais notre texte offre surtout des traits de parenté avec les commentaires d'Alexandre et d'Asklépius à un passage d'Aris-tote (Met., p . 985 b). Il est aisé de voir, par la comparaison, que ces deux auteurs, dont l'exposé est en plusieurs endroits plus complet que notre Résumé anonyme, n 'ont pu s'inspirer de l 'archétype de celui-ci. D'autre part, ce Résumé présente des variantes de texte (dont la plus importante est o-xspsGv appliqué au nombre 4) et des notices entières dont on ne retrouve pas trace dans les Commentaires d'Aristote (p. ex. Vj GJG*<;—QYJAJ; \ YJ xptaç Tcpwxov TCXYJôOC ; b iq—jjtipsai). On ne peut donc pas non plus le considérer comme un extrait de ces Commentaires.
Hayduck, l'éditeur des deux Commentaires, estime que le passage en question d'Asklépius (p. 36, xaipsv— 37, 4, TCGISîV) est emprunté à Alexandre. Cependant, on ne trouve pas dans Asklé-p.ius les deux notes sur le nombre 4 et le nombre 9. D'autre part , son texte offre au moins deux variantes très importantes, comparé aux leçons des manuscrits d 'Alexandre et des Scholies
1. 10. Alexandre et Asklépius . — Nicomaque in Pliot. />//>/., p . l i t 1>).
Anonyme , Tannery , Diophnnte, II. p . TV et 7'», — Théol . Ar i thm. , p. VV
2 5 ; 55, 7. Schol . in A n s ! . , (1ml. liofj., 1853, p. 3V1 b. - - Cf. Philon, <!>> .sv/»/.
p . 8. Modérâ tes (Stoh. , ocl. phi/s., I, 20.»
1. 17 sq. Alexandre et Ask lép ius . — (If. Schol . Arist . , C.od. lit';/.. 1853.
Censor inus , de die na/., 1 V, 7. Macrobe, SOF/I/I . , I, 0. 70. Mart ianus. Cap. VI1,
739. Théol . Ar i thm. , p . V9, V, e tc .
1. 20. Alexandre et Asklépius . Cf. Schol . Aris t . , C.od. Iieg., 1853.
I70 ANECDOTA
Anonymes correspondantes. Ce sont : 1° oboviocpuEi TOœOUTWV
p.y;v(ov (au lieu de STWV, Alexandre et Scholies) ; et 2° èicei aùxbç ouvris; sivai TO)V xaipiov (xapiuwv, Alexandre et Schol.). Or les leçons d'Alexandre èxtov et xapiuûv sont aussi celles de notre Traité anonyme. On doit "donc admettre que les leçons originales d'Alexandre sont représentées par celles des manuscrits de cet auteur et des Scholies et non par celles d'Asklépius. On peut en conclure que le passage d'Asklépius n'est pas un extrait d'Alexandre, comme le pensait Hayduck, mais que nous avons affaire ici à trois notices dérivant d'une même source.
Alexandre et notre Anonyme ont en commun certaines variantes importantes, si bien qu'ils doivent avoir connu une recension spéciale.
Le stemma suivant peut représenter assez grossièrement ce qu'a été la tradition.
ce
Alexandre Anonyme Asklépius
Quant à la nature de la source commune, elle est assez facilement reconnaissable. Les promesses du titre de l 'Anonyme sont trompeuses : car les nombres ,8 et 10 manquent de notice. P ré cisément, les commentaires d'Alexandre et d'Asklépius se rapportent aux mêmes nombres que l 'Anonyme, mais pour la raison que ces notes sont destinées à éclairer un passage d'Aristote. C'est ce but qui explique le choix des nombres 1, 2, 4, 5, 7 et 9» Il est donc vraisemblable que la source originelle des trois fragments apparentés doit être cherchée dans un ancien commentaire d'Aristote.
Faisons remarquer pour finir que l'éditeur d'Alexandre a eu tort de corriger le texte des manuscrits dans la ph ra se : èvvsa, s; èmv r.pûzcq cruspsôç, où il a remplacé aispsiç (solide) par un mot plus exact TExpaYwvs; (carré). Une semblable erreur d'expression se retrouve dans notre Anonyme qui, dans les mêmes conditions, appelle s-zp-z: le nombre i ; mais c'est là une erreur répandue
ARITHMOLOGICA 1 7 1
dans les divers traités d'arithmologie (Philon, de op. m., 49;, et qui a son origine dans une formule comme celle-ci : y) T£Tpxç TcpcoTYj S&etcje TYJV TOU orepsou çuorv (Théol. Arithm., p. 23, 21).
Bonitz a eu tort aussi de proposer la correction UYJVWV pour èTôV, d'après Asklépius, dans le passage SOOVTSçUEî TOCJSùTIOV STôJV . La leçon des manuscrits se retrouve en effet dans notre Anonyme et elle a des correspondances dans toute la littérature arithmologique comme le montrent les passages parallèles. Enfin, la leçon xapiutov d'Alexandre (aÙTbs, OUTIOç sîvai TOJV xxpTciov, çrjfft, boxei) est protégée par le texte de l'Anonyme. Evidemment la variante d'Asklépius, xatpwv, est meilleure, étant plus exacte et confirmée par l'explication qui suit (xaO' s 6 sgbsp.sç àptOu.s; ècmv, ov xaipbv Xeyoucnv) ; il est vraisemblable que c'était la leçon de la source commune à nos trois fragments. Mais cela prouve seulement qu'Alexandre et l'Anonyme ont connu une recension différente et, en cet endroit, moins bonne que celle d'Asklépius.
2. Un manuscrit de la Bibliothèque nationale d'Athènes (n° 1115, bombycin du xve s.) contient divers ouvrages et fragments mathématiques parmi lesquels figure (fos 136 v à 138 r) un Résumé d'arithmologie fort différent du petit traité des manuscrits de Paris *.
Movàç àp)rr] piv àfftiv àpi6p,ou, âpi9p.bç bè oùx sVci" xai EIXSTU);' cube yàp y) àpX^ ^«VTWç (iuàvT« God.) TOIç (TYJç God.) si; aÙTYJ; SOTI TaÙTsv Où'Tê Y] p.ovàç àpi6p.bç, si xai àpx>J rcavTio; XXOSOTYJXSV apiOp.su, coorrsp oùbè ô <J>8OYYOç rcavTioç ouaiXYj, oùbs c OeptÉXis; sîxo;, sùss TS TTSpp.x
^ TOU Çwou Çtoov ' |/.svàç bè sïpvjTat, rcapà TC p.sp.svwaOai Y) xapà TS p.svsiv SV
1. 1. ètpyji : Théol . A r i t h m . , p . 3, 1 sq. Cf. passades paral lè les aux Pari-
sin. gr . , 1417 et 2992 àptOu.ô; Ô£ oùx sari : Théol . , p . 7, 3 : oùx kr.oiri'jiv àp-duov.
Théon de S m y r n e , c r / )os . ,p . 19, e t Anatol ius , zepl oêxxôo;, I.
1. 5. M o d e r a t u s d a n s S tohée , ecl. phys., I, 1,8 : fôité rovà; 770: xr.o TOU i o r i -
vai xai xatà TaÙTa ojaaÙTtoç; aTperrco; IJLêVS'.V, î\ kr.o TOU ô'.xxêxpijOat xai -xvTtXfÔ.
rsrov6ja0ai TOU TTXTJOOUç eùXo'yfo; êXXYJOT]. Théon de S m y r n e , p. 19 : même texte)
avec ce t te expl icat ion : ôaâxiç yàp av èç' éXUTTJV ^oXXarcXaa'.aaroaîv TT,V aovaSa,
uévci povâç ( l X l X k e t c . .rrzl). Théol . Ar i thm. , p . 3, 2. J a m b l . , intnui. in
arithm. Nie, p. 11. Anatolius, ihid.
1. La première lettre de chaque nom de nombre qui introduit les para
graphes (roviç, ôua;, e t c . , a été omise par le premier copiste qui se réservait
de les écrire a l'encre rouge. Elles ont été ajoutées récemment.
10
172 ANECDOTA
x(p TrcAAaTîXaffia^eGÔai* àpiOpi; kazi [j.ovacoiv <j''axYjp.a YJ TcoaoxYjxoç yy^oi
(;j.ea6xYjxoç vy^oi. God . ) èx p.svàboç ffUYX£ip.evov YJ <JY}u.£tov Yvwpicrxixbv
TOU 7J0C0U XO)V 6TC0X£IU,£VU)V.
Aoàç £ÏpY;xai Tcapà xb buévai xaî otaTCOpEtkaOai* TcpwxY] yàp è/topiaev
(Cod . èy/ôpyjasv) aOxYjv èx XYJ; p.ovàboç* xaî yàp XYJç p.ovaboç ïvocnv
srjAoJaYjç, YJ buàç y/opiap.bv OYJACT.
Tptàç eïpYjxai Tcapà xb âx£ipyj; (àxpiprjç God . ) xiç slvat xal àxaxaîcovyj-
xc ; ' àp^Yj Yàp xou âxaxarjov/jxou TUXYJOOUç b xpsfç àptOpAç* Xéy£iç y^P
xpî; (xp£iç God.) xpsiç èvvéa (ici le Codex a omis év idemmen t ,
lt> avan t ce qui suit : xal xpîç èvvla) xÇ 'xal TuaXiv xpiç (xp£iç Cod.) xÇ
xca* xaî àva0ij3a£ei sic aTceipov.
Tsxpàç oh slpyjTai oiovel hàpiç xiç ouaa, xouxéaxtv êopaia xaî p.ovip.oç*
xb yàp x£xpàvG)V2v ^x7)^* T(^v «XXcov bucrxlVYJx6x£pov, âXXà xal xwv ffo)p.a-
xo)v Y) (jùffxaffiç x£ xal ctap.cvyj èx xwv x£aaapa)v xaOlaxYjxE erxoiY^ûiiv
20 (fftoixiwv God.) . Xsvsxai oh xal Tcaç cxi xbv i àpi6p.bv a7C0T£A£t oaxiç èem
1. 6. (définition du nombre) Nicomaque, introd. arithm., I, 7 : apt6p.dç èaxi -XrjOo; wpiatxsvov r] ;j.ovaowv <ruaxrjp.a r\ 7CoadxY)xoç y^uu-a èx p.ovâ*8a>v auyxei[j.evov. Moderatus, toc. cit. : Tjaxrj;j.a [xovàdwv et d'après lui Théon de Smyrne, p . 18. Cf. Jambl . , introd. in Arithm., p . 18, et Syrianus, in Met., p . 902 a (autres définitions).
1. 9. Tliéol. Arithm., p. 8 : oxt Suàç Xéyexat Tcapà xô cutevat xal Biarcopeueaôai. rcpoixrj yàp r{ 8uàç Steyojpiaev auxrjv ix xrjç ;xovà8o;, o0sv xal xdXp.a xaXeixai' xrjç yàp aovàôo; svtoatv 8y]Xoûar]ç, rj 8uàç u7r£taeX0ouaa 8iaycopi<jp.ov 8T)XCU. Cf. Nicomaque (Photius, bibl.,n. 143 b : oiyoaxaaîa). Anatolius, 2 : Siaipeacç, XIVYJOXç, ôpprj.
1. 4. Théol. Arithm. (Nicomaque cité),p. 15 : oxi wvop.àa0at xal xauxYjv xptaSa ©aal rcapà xô àxetprjç xtç slvai xal àxaxaTcdvY)xôç' ouxto 8è Xs'yexai 8tà xô p-rj Suvaaôat aôxrjv eîç 8uo l'aa ôtaipsiaOai. rOxi rxpwxov TCXYJOOç Y\ xpiàç. — Nicomaque donne ici la vraie signification de ces épithètes. Notre auteur en présente une explication qui est sans doute de son crû et qui est absurde. Cf. encore Théol., p. 14, 3.
1. 7. Nicomaque (Photius, p. 144 a) 8cap.ovrjç rxpoaytoyôç xal alxîa. Théol., p. 21, 11 (8ua8tàXuxov a/^aa) et 22, 21, p . 19 : lôpatdxYjç parmi les surnoms de 4. Martianus, Cap. VII, 734; soliditas. Théon de Smyrne, p. 101 : axepsou StXfOV.
1. 18-19. Théol. Ari thm., p . 19, 21. Anatolius, 4, etc. 1. 20. r:aç : Philon, plant. Noë, 123 (pour le nombre 4) et 125 (pour 4 et 10),
Théolog. Ari thm., p . 59 et 60 (pour 10), Photius cod. , 249, p. 439 a, et Suidas, s. v. àp'.0|i.dç (pour la tétractys).
1. 20. xôv"t àp'.0aôv àroxsXet : Lydus, de mens., Il, 9. Mart. , Cap. II, 106, et VII, 734. Syrianus, in Met., p. 893 a, 19 (Hymne au Nombre). Photius, cod. 249, p. 439 a. Anatolius, 10. Chalcidius, in Tim., 35. Théon de Smyrne,
ARITHMOLOGICA 173
téXeioç. Ï3e pot Y^P °^T£ ° O*UO ffuvr.Sépsvoç jjtexà xou Yjpuffsvç aùxcv à - s -
teXa xbv t OUT£ 6 ipstç * où Y*P TÉpveTai * àXXà povoç b xéuaapa ' èàv 3s
SITCOtÇ TOV 7XÉVT£, â X X à TcptoTCV, SKUSp 6 S.
Il£vxàç eiprjxai otovst Tcavatxia x».ç ovaa' xai strxt xuxXixbç (X'JXXIX&ç
25 Cod.) / ] aoatptxbç (açatptxwç Cod. ) , «ç ko' sxaaxcv zoXXaTrXaatxsôpîvoç
àptôpbv, xaGàrcsp EX xtvoç xaxaaxEuàÇtov (xaxxaxsjàwcv Cod.) Éauxbv CYJ-
pstou * TtavaixtabÈ eïprjxat bxt psxàxyjv xcaç XEYO[/.£VY)V Tcc<jbxY;Ta,TSUTÉ<7TiTr;v
T£xpà3a, £Xt aXXov XYJç p.ovàboç àptOpbv TcpoaEXXYjaaxo ' xvxXtxbç SE xai aozi-
ptxbç, oxt OLO èauxou àpyîxai xai eiç èauxbv Xv^yei, cTov TTEvxàx'.ç s, xs, xat
30 TCEVxàxiç x£, px£, xat TuaXtv sù'xtoç (oùxoç seconde main) yxs, xat TOJXO
(xoîi Cod.) £Ùpy)(j£iç sicl TOUTOU Y tv^£vov, xat (wç bar ré , add . Cod.)
£<jxtv coff7U£p xùxXoç ào ' éauxou âpyopsvoç xat eiç èauxbv xaxaXYjvwv
(xaxaXïJYOv Cod . ) .
Ecjàç £Ïpyjxat olcv scjuràç xtç ouïra, ôJç xotç tbtotç pspsxtv èçtxoups'vr;,
35 otov xoïï 'àcj xb (le copiste a corr igé xb sur xà qu ' i l avait d 'abord
écrit) yjptffu xà xpia, xb Yov xà Suc, xb T0 7 xb sv * xaiTjaXtv xaùxa auvxt-
OÉp.eva aTcoxEXouai xb sÇ. 'ôîcsp ixct àXXwv où ffup^atvst oùx£ ETîI TûV T.ZZ
aùxou oùx£ £7ut xwv (xov Cod.) p£x aùxbv' otov 6 £ où pspt^sxxt ' xou ce 3
xb à)pLtoT'J Sùo, xb os 30v xb s'v, xat auvxiOspevoi (uuvxtOspîvov Cod.)
*" à P xai b a aTucxsXojat (àiuoxeXeî Cod.) xbv xpia ' b xptxoç où psptÇsxat. b
Ç°Ç où psp(Çexat. b yjQ? peptÇexat £tç xb 3 xb rjptau aùxoù xat sic xbv bov xbv
3ùo xai eiç xbv rj, xb ev * xat auvxiOÉu.Eva xauxa* (*in marg ine super . *b o,
b 3ùo, b a) aTUOxeXouor xbv Ç.
p. 58 et 93. Sextus, adv. math., IV, 2, Aëtius, I, 3, 8, Aiiatolius, g 4. Théol. Ari thm., p . 18. Philon, plant. Noë, 124, upif. mund., 47. etc. L'explication donnée par tous ces auteurs est que l-f-2-|-3-f-4=10. Par conséquent les hypothèses et les remarques de notre Anonyme sur les nombres 2. 3 et 3 sont absurdes : il n'est pas nécessaire qu'un nombre, multiplié par sa moitié (5) ou additionné à elle (2 et 3) soit égal à 10, pour avoir les qualités du nombre 4.
1. 24. La même qualité est reconnue au nombre 5 ^sans qu'on lui attribue cependant ces épilhètosï par Théol . , p. 24, 10. Marlianus, VII, 735. Anato-lius, 5. Migille dans Théol . , p . 27: xuxX-.xoi; xivr.'jjtax. Nieomaque, p . 144 a : xuxXtouyoç. Lydus, de mens., II, 10 (xuxXoçoprxf, ojs-îé.
1. 34. xoïç îôtot; uipeatv èÇKJOUIUVT) : Anonyme, Paris, gr. , 1417 et 2992 : TOû;
otxitot; fÇtaoiftsvo; v-speen, avec les passages parallèles cités à cet endroit.
174 AMXDOTA
E x x à ; eïpyjxai oîov crsrcxaç (érxxa; God . ) xt; ouaa, oit xal 6 xô<ju,oç
45 CJTC; É^bsy.axcxi:; saxiv, GOEV 'EjiJpaîoi xbv Éîcxà àpiOuàv xtp.G>cuv.
Oyscàç EÏprjxai oïsvsi àvSuàç (ou èxâuaç? oycoàç (sic) C o d . ) x t ç ouaa
- a p à xb Sus xysiv ' xal yàp c^OTop^upivrj epysxai y i / P 1 l^vaooç, xal
crjvxiOsy.Evr; àîxb SuâSor; auvxiOsxai, xai àvaXucpivYj sic buaô'a àvaXusxat
50 p.î'XP1 ;jisvdboç.
'Evvà; SE stpYjxai ?xapà (icepl God.) xb sv ( à s i C o d . ) xai xb VEOV ' xal
vàp a'Jxy; 7xoXXx7xXxcuaÇop.svYj sva VEOV âpi6u,bv apEpsi xaxà (içeatv p.taç;
;j.ova8o;* clov Sic 6, ci), xplç (xpsiç Cod.) 0, xÇ, SC 6, X£" xal ér-rfa
op.oia)ç VEOV aptGp.bv ©Épei p.ovdSoç à©atpoup.Évv;ç (God. àç£pouu.ÉvYjç).
Asxà; (S omis God.) eïpyjxai rcapà xo oEy.aÇstv xoùç aXXouç àpi9[j.oùç >0 xo'JTÉaxt SÉ EaOaC xéXeioç yàp ô bsxaxoç àpiO^b; xal Txàvxa ck^op.svoc;
six aùxbv yàp TXXVXE; auvxiOsvxai.
Ce résumé ne dérive pas, comme celui des manuscrits de
Par is , d'un commentaire à Aristote : il se rattache aussi plus
étroitement à la tradition ordinaire des traités d'arithmologie.
L'auteur s'intéressait] particulièrement à l 'étymologie des noms
de nombres : c'est pourquoi il n'a guère retenu des notices
anciennes sur les qualités des différents nombres que celles qui
1. 44. Je suppose que la source de l'Anonyme avait <j£7txas comme Nico-maque dans Théol. , p . 43, 19, et Photius, p . 144 b (xipwsw—ae'jîoucnv), rend cette hypothèse vraisemblable. Cet essai d'étymologie est connu aussi de Philon, de op. m., 127 (fE(3païoi !), et Macrobe, in Somn. Scip., I, 6, 45. — Sur le rôle de 7 dans la création du monde, cf. Nicomaque dans Théol. , p . 43, 25.
1. 46. Théol. , p . 56: àywyôç ouaa Ttapà xo 8uo àyetv (cf. Anatolius, 8), p . 53, 16 : ofov ixouxç y] èX 8ua5oç ys^ovuta xu[hcrxeéjr|ç. Martianus, VII, 740.
1. 50. La forme Èvvaç (=!vveaç) est aussi employée par Anatolius. Autre dérivation dans Théol. Arithin., p . 57, 3 sq. Je corrige xô otsi parce qu'il ne répond pas à l'explication qui suit : sva viov ap'.0p.ôv çs'pei, non plus qu'à la tentative d'étymologie èv—vsà;.
1. 54. Théol . , p. 59, 28: 5exà; oîovei ôsyaç, xaOàbxsp ô oùpavôç xwv îiavxwv ooyeîov, p . 60, 22: Soysîov. Cf. encore Philon, decal., 23; Lydus, de mens., I, 15 (Philolaos); Porphyre, V. P., 52 (Moderatus) ; Martianus, VII, 742, Anatolius, 10, etc.
1. 55. T£À£:o;xxÀ. Cf. Speusippe dans Théol., p . 61, etc.
ARITHMOLOGICA 175
expliquent les essais d'étymologie. Parmi ses sources, nous pouvons faire une place spéciale à Nicomaque, comme le montre l 'examen des passages parallèles.
*
B. — Remarques sur le texte des
0£OAoycu[./.sva 'Ap'.Q^Tiy.y;; du Pseudo-Jamblique
et de Nicomaque.
Le Codex Paris gr., 1940, f. 62, contient, sous le titre : « In libellum ©SOASYO'JJJLSVWV xrjç àpiô;/.Y)Tixijç », un commentaire comprenant des notes critiques, des conjectures et des explications des Théologouména attribués à Jamblique. Ce commentaire fait sur le texte de l'édition de Paris de 1543 s'arrête à la page 12 de cette édition ( = p. 11, 6 de l'édition Ast). Au f° 6 i (jusque 70 v.) le même manuscrit continue par un brouillon d'une traduction latine de cet ouvrage : « De Us quae veteres de nu me ris theologice philosophati sunt. » Elle s'arrête à la fin de la page 13 Paris, (identification du nombre 2 avec Isis = p. 12 Ast) .
Voici quelques-unes des notes critiques les plus intéressantes du premier fragment :
(p. 3, 14 Ast) àv zupa[j.é3a>v slalj eïsew pro s\c\ puto legendum (correction adoptée depuis par Ast) .
(p. 3, 20 Ast) xoC; Yumsi; efèsffiv] ^ure.xiz'.; scribendum, non vuwioiç (Ast a conservé yamsiç mais conjecturé *{uvr.ixU.
(p. 4, 4 A.) xàv xfj xwv [j.£p(Ôv| x?( subaudieiulum videtur -,z\ift
quod praecessit, sed multo ante ; quare fartasse addendum potius. (p. 4, 17 A,) TcpsffS'.xsttoOyJvai rjxw] vide utrum xJxfo référât :<)
Ô£(» an xo> A5V(.). Ego censeo TW \ZTM . (p. 5, 28 A.) r) bzzazvz 5v XJÏYJGSI i zr.z-z'jz ad quos referatur vide
(ÔTîôaa , correction d'Ast). (p. 7, 18 A.) i:zzz-:rt-:z; -;xp èxîivY; ixâivyj relero ad JA/(V. non ad
». "\ 0U3.ZX.
(p. 7, 28) <o; VAivnz xb îXJCJXSU àp».0;j.5J 7jv£pYréxa *ul n a 0 t ' verli possunt, sicut ille cuiusque numeri adiumentum. Sed quidi l lud? et quo sensu ? locus vero est noiinihil corruptus. Tu vide num ixstvs; vel ixsivov (ita nempe potius est legendum referri possit
176 ANECDOTA
ad ocptÔgbv iJYCuv govx^a, est nempe imitas numerus potentiâ: ut velit dicere unitatem numerum esse cuiusque alterius numeri adiumentum. Sed ut hic sensus melius reddatur, lege WOTE EXEIVYJV
eîva» XTX. (Ast conjecture : xal wç Ixsivoç, suivi d'une virgule, ou èx£?vcv avec la même ponctuation).
(p. 8, 5) XÔ70V xbv âvaXovta] rationem quae fît proportione hoc proprie signifîcare graeca verba videntur. Sed qui fîeri potest ut ratio fiât proportione, cum potius proportio fiât rationibus inter se collatis, ut patet ex TVJç àvaXoYiaç definitione apud Euclidem. Vide itaque num legendum potius Xovov TOV èv àvaXoyta rationem quae est in proportione. Est enim proportio rationum inter se habitudo.
(p. 8, 23) aaqj.aTOupv TS xal àawgaxwv] vide utrum haec duo refe-rantur ad àpiQgwv an ad TWV OVTWV.
(p. 9, 6) urcoTTscrov npoq XùTYJVJ rarum videtur ut UTïOTCI'TTTE'.V habeat post se coniunctionem Tïpbç ; frequentius est ut dativum habeat.
(p. 9, 14) àXX' CTI xai éxauTY] TrXsupa] melius fortasse èxaff-vj T:Xeupa in nominandi casu. quanquam et ita satius construi potest haec periodus oxi xai êxàcruY; TuXeupa à©' éauirjç (f^ouv TuXeupaç) avTOV TOV TSTpavwvov. ^ a a u t e m woTuep xagrcTYjp àiub etc., quasi per paren-thesim legantur.
(Ast a adopté èxaoTY) rcXsupa). xal OUTOL ovùpYjbbv àiuoTsXoovTai] OOTOL refero ad TOù; eTspop/r^xstç,
sicut antea dixit Tcipaytovouç àx£TÉXouv. (p. 10, 7) TO iaov apa èv PLôVYJ] delendum est illud TO îoov; vel
i'aov quod est sine articulo post, in fine clausulae post TcapaOEOEioç. (p. 10, 10) ÔTI Gè eiboiuoibç TOû TOIOùTOO] putarim i « TOWJTG) legen
dum quia sequuntur xaiToîç etc. (p. 10, 17) ccK ajxrjç èçEXEXTG)] puto èxXÉXTw legendum; alioqui
èÇfiXÉYXTu esset reponendum ab ïq€ki^yo\xon. (èxXéxTco, Ast.) Vide autem num illa quae praecedunt, nempe ab eo loco èbj (ov
èvepYsia (—1- ^ ) usque ad (GaOouç xal iMouç ( = 1 . 15) sint legenda per parenthesim.
(p. 10, 22) TtXdovxç s/ouct, xoùç 7T£pip.£Tpouç xwv ègIGabùW] Exem-plum sume in hoc quadrato 9, cuius ambitus erit 12, nenuDe si quatuor eius latera (quae singula sunt 3) simul iungantur : area vero tota est tantum 9. Et hoc non solum de quadratis, sed etiam quadrangulis aliis quae quadratum 16 praecedunt, dici potest. Verum in quadrato quod sit ex bis binis aequalitas eadem esse videtur quae in quater quaternis.
ARITI1M0L0GICA 177
(p . 10 , 23) o\ C£ [J.tx' aÙTOv] TGV XSXZXVJ.Z XzXXXpX 'ftfZ'rt TGV ÉTTTà
xal oÉxa, u t in quinquies quinis quae q u a d r a t u m efïiciunt 2 3 .
icspi[/.STp5ç] amb i tu s est t a n t u m 20 : tota vero area 25 . E t sic
de ceter is .
(p. 10, 33) rt àvT6;£T«o-iç TTASIGIV] nam binar ius duplo maior est
un i t a t e quae praecedi t .
(p. 10, 34) [J.éypi Se TSTpasc; IXaTTwv] nam 1, 2 et 3 , quae qua te r -
na r ium praecedun t , si s imul iungan tu r , elïiciimt G, quae maiora
s u n t qua te rna r io . Ternar ius au t em eodem modo aequal is est
illis qui ipsum praecedunt , n e m p e 1 et 2.
(p. 1 1 , 6) (07T£ àv [j.àv ajTrj w; TJAcjpx] COTY; scilicet TpixS'. ex s u p e -
riori subaud i endum, q u a n q u a m Tpia hic dixer i t .
* ¥ ¥
J e jo ins à ce f ragment que lques conjectures et r emarques qui
m ' o n t été inspirées pa r la lecture des Théo logouména .
A. — Théologouména du Pseudo-Jambliq ue.
1. p . 7, 3 As t ; les mot s \j.tv'zxrixx xf^ ()éxc q u ' A s t n 'avait pu
in te rpré te r convenab lement doivent être corr igés en \j.izzxr-x xf^
6£a£(i);, comme on lit dans le passage cor respondan t d 'Anato l ius
(qui est la source de l 'Anonyme en cet endroi t ) édité r écem
m e n t par He iberg [Annales intern. d Histoire, 1900).
2. p . 7. On pour ra i t croire que la note où il est quest ion de
P ro tée se r appor t e au nombre 2 : :>/. à-iQivM; zï /.xi llpojTÎx
TCpoavjYsprjov aÙTYjv TOV àv Alyu-TO) -Z\J.').ZZZZV Tjpcoa, x'x -JCVTMV iz:u)-
\j.xxa xzzo'.iyz'jT-xv, (i)ç ixstvs; xz Ï'/.XZXZJ xz'Ji'j.zï zjyiz"r.j.x. Ee second
chapi t re débute déjà en ellet plus haut , p . 7, IG, par diverses
not ices sur le nombre 2 . Malgré ces apparences , l ' auteur revient
ici à la monade , qu ' i l identifie avec Pro tée . ('/est ce que prouve
ce passage de Sy r i anus , eomm. in Aris/. met., p. 931 a : rjv-
xxxxuvt x'jxr.v xù Wzdixv. (xxjxr.v ~*xz xr.z/i'j.i'. xr. J.Z^XZ: TT.V r.zzzt. • » I v l i t » . i * * t '
yopiav àv l'/.=é/z>.z). '(If. ibid., p . S 1 2 a , où la leçon r.zxxix doit ê tre
corrigée en zxpuixix, à moins qu 'on n'y voie un dorisine exagéré
emprun t é à l 'Epb; ASYS; dorien uti l isé dans ce passage .
Le texte est cer ta inement cor rompu dans ce passage des Théo-Dlîl.ATTK. — LUI. /M/f/l.'lf/. I*-
178 ANKCDOTA
logouména : xb Éx.aaxsu àp'.0;j.crJ (juvspvrju-a ne peut pas dépendre de -spir/o'jaav qui a déjà un complément (xà irivxoiv tcubpaxa auquel le second no serait pas rattaché par y.ai). 11 faut donc construire : w; è/.£îvoc [-spisTyi"] xb éx.. àp. auvipYrj p.a, ce qui est ahsurde, car ce n'est pas Protée mais la monade qui joue un rôle dans la formation des nombres. Ast (p. 162) propose pour résoudre ces difficultés de lire : TcspiÉyyuaav /.ai, oiç kv.zwoq, éx.aaioj àpi6[j.ou xjvEpY^a (sous-entendu ouaav). Mais, outre qu'il est difficile de sous-entendre ouaav, la comparaison (bç èxsf.voç continue à se rapporter à la formation des nombres qui n'a rien à voir avec Protée.
Je pense que l'erreur originelle a dû se produire à propos du genre du participe qui devait se rapporter à Protée : xà rcavxoiv isui'>u,axa T.zpiéyovxot., ûq Exetvrj, ~b êx.acrxou àpiQp.ou ffuvspvYju-a. La faute Tjsptéyoucav imputable sans doute à une abréviation, a entraîné naturellement SXSêVOç puisqu'il fallait une comparaison. C'est d'ailleurs Protée et non la monade qui peut épouser « les formes de toutes choses », de même que c'est la monade et non Protée qui coopère à la formation des nombres. — Quant à choisir entre çruvspYrju-a, la coopération, et abvspYlAa, un substantif qui n'existe même pas et qui serait une variante de auvEpcjtç, l 'union, je ne crois pas qu'il y ait d'hésitation possible (cf. Théol., p. 3, 7 et p. 4, 25). ,
3. p . 32. s y. xou Tcepl rcEvxaoo; \6*(GV csuxÉpou xrj; àp'.ôpiYjxr/.Yjç xou TEpar/jvoj Ni"/.c;j.â*/ou et p . 42 : èx. xcb bsuxspou (3i(3Xiou xrjc àp'.OuvjxL-y.vjc. xcS Tep. Nix. Ast (p. 177 et p . 184) prétend qu'il ne peut être question ici de l 'arithmétique de Nicomaque et qu'il faut corriger xrjç apiOu.rjTry.rjs en xoW 6SCACYS'J[AéV(»V àpiOuYjxr/.oW ou ajouter OssAOYoupivcov avant xrjç àpiôp.. — C'est à tort : nous savons en elfet par Philoponus, comment, in într. Arithm. Nicom. recen-sion C. éd. Hoche, p. 1 et par un anonyme auteur d'une introd. à Y Introd. Arithm. de Nicomaque (Tannery, Diophante, II, p . 76) que les Théologouména de Nicomaque portaient aussi le titre de MsvaXrj 'ApiOu-YjTixrj.
ï. p . 23, 5 : rjaX'.v oà Hpa/.AEa rcapà TYJV abxvjv xou sxouç êvvotav TYJV xsxpaba y.aXsfoi, vpsvibxrjxcç cùaav Tcapsx.Tix.rjV, eforsp a'uov, ypôvoq, y.aipbr, (>)py., k'xi ;Arj v , (» p a, vbbj, HpOpc;, ;j.£7rj;i.j3pia, iT-Épa, VJç, le
ARITHMOLOGICA i 79
t ex te est mani fes tement co r rompu dans le passage l-<. jj.r(v, topa,
vol;.
Le r a p p r o c h e m e n t en t re la t é t r ade et l ' idée de t emps d e m a n d e
des séries de q u a t r e d a n s la division du t e m p s . P o u r deux d 'en t re
el les, le t ex te est sûr . Ce sont alcov, ypivsç, y.aipsc, oipa, et cpbpz-z,
(i£ffiQ[j.j3pEa, écnuspa, vue. La t ro is ième doit ê t re cherchée dans le
t ex te suspec t où il n 'y a que t rois t e rmes qu ' aucune idée n 'es t
capable de réun i r . Il faut corr iger le t ex te en STCç, U,YJV, r,p.£pa,
voÇ, c o m m e on peu t le dédui re du passage su ivant où nous voyons
appara î t re les m ê m e s catégories : p . 20, 4 : TÉajapa se y.ai xi TYJ;
xaQcÀixfjç y.ivYjffsws; cr/kcov o.k-pa, wv TS géyiTTiv /.ai 3ir(vsy.èç aiwv
k'/Xrfîrt, TO sa y.aO'aÛTO y.ai xorr/sTrivoiav eoAYjTïxov y p s v s ç , TS 3k S'T». ûîTO-
PspYjxà; y.ai xpiiucv T'.và kv xaTaAr/i/si aiaOrjTYj YJJJLîV TTîOJXC; y.atpkç, TS
oè (opayjTaTT;; c'.acr:<a<7£(.)ç y.ai 7cap£y,7â<j£G)ç ;/£T£*/sv oipx ' y.ai ïziptùz
£TSC, |i.YjV, vol:, r((Aspa.
B . — Théologouména. de Xicomuc/ue.
(Pho t ius , bibl.y éd. Bekker , p . .143 a sq.)
1. Dans le pa r ag raphe relatif au nombre 2, l ' édi teur a s u p
p r imé du t ex te le passage des manusc r i t s : c>oovj sTcv •JTTSJJLSVT,. La
suppress ion est un procédé t rop facile ; le tex te doit ê t re conservé
et corr igé comme sui t y.ai 3'JYJ G!OV oTccy.ovY], comme le passage
co r re spondan t des Théo logouména ana logues p e r m e t de le con
jec tu re r : p . 12, 1 : o)V9;j<2?Gai sk ajTYjv SISVTXI s:ap' XJTYJV TYJV TsX;j.r(-
ffiv ' ou à'pa UTTS'ASIVS TGV ywpisy.sv TJPMTîOTYJ, zùr, T£ xfù OZS;J.SVY; y.ai
TAYjjJiGffuvr;.
2. Le nombre 2 (p. 143 b) est appelé 'Pkav /.ai si:;j.aT£pa.
Dans les Théolog. A n o n . , p . 12, ce su rnom a la forme s\:;i.rj7spa
et est expl iqué comme sui t : Aïs; ;j.r;7spa, Aia STAS^OV TT.V ;j.svâsa.
La forme 3IOU,Y)TG>P ou 3isgaTo>p (dorien) est la seule exac te , é tant
donnée l ' in terpré ta t ion de l ' A n o n y m e .
3 . Le su rnom ipâvav donné au nombre 3 dans le passage
(p. 143 b) 'Kxxrav y.ai 'Lpavav y.ai Xapixiav, lui vient de son iden
tification avec Héca t e ; ipavvvj (dont nous avons ici la forme
dor ienne comme pour le nom d 'Héca te est en ell'et une épi thète
d 'Héca te dans un vers o rph ique (fgt 309 Abel _= fgt de l'J;j.v::
ei; àpiQ;j.év py thagor ico -o rph ique uti l isé par Xieomaqueï . Dans le
t ex te de Xicomaque on devait donc lire : kpawav.
180 ANECDOTA
4. Dans le paragraphe 3, p. 143 b, l 'épithète OaXaaaoiïyov qui suit TpiKova, s'applique vraisemblablement à ce dieu. On ne doit donc pas l'en séparer par une virgule, comme l'a fait l 'éditeur.
3. p. 143 b, le surnom vaaxtv doit s'écrire Naaxiv ; il doit désigner en eifet la divinité sicilienne Nrjaxi; connue aussi par Empé-docle.
6. ibitl.t le nom Kpaxaiâa doit se rapporter au personnage mythologique Crataiis, l'épouse de Phorkys (cf. plus bas le surnom <I>opyia). On doit donc écrire : Kpaxafiba.
7. p. 144 a : le quaternaire est appelé <pucxç xal aîoXa. Photius paraît avoir commis une erreur en résumant Nico-
maque. On ne retrouve pas ailleurs l'identification de 4 avec ©uaiç, et
dans le passage correspondant des Théol. Ari thm. , p . 21 , on lit : cxi AlôXou ç6<riv xaxo)v6|zaÇov XYJV xexpàba, xb iroixiXbv èp.çaivovx£ç x*?jç or/.siôxrjxoç... xxX. La source de ce passage est Nicomaque, car le contexte des notices des deux auteurs est identique (4 est consacré à Héraclès et à Hermès et appelé y.Xstbouyoç xrjç çuaaœç). Le texte de Nicomaque (non la leçon des manuscrits de Photius, que nous devons conserver) devrait donc être rétabli ainsi, d'après les Théologouména : çùaiç xou AioXou [ou cpuaiç aioXa d'après l'étymologie donnée par l 'Anonyme du nom d'Eole : aisXoç == xcouXsç).
8. Parmi les derniers surnoms du nombre 4, on lit (p. 144 a) : •/.ai [iay.yaap.iv àvsysipwv xaî àpp.ovtxa YJ àpjxovia. L'éditeur retranche du texte l 'épithète àpjzovtxa comme si elle faisait double emploi avec àpjjiôvia. Encore une fois, c'est écarter la difficulté sans la résoudre. Tous les surnoms précédents se rapportent à Dionysos aussi bien qu'au nombre 4. On pourrait peut-être considérer âpiAsvixa (lisez àp[i.ovtTaç) comme terminant la série de ces surnoms. On connaît un Dionysos MeXrco^evoç à Athènes : l 'épithète nouvelle du dieu àpp.ovixaç aurait sans doute un sens analogue.
9. Parmi les surnoms communs à Apollon et au nombre 9 (p. 143 a) figure Nuacr/ica (accus, de Nuaarjtç). L 'Anonyme présente la variante Nuaur/ixaç dont la terminaison masculine convient mieux, puisque le mot doit s'appliquer aussi à Apollon.
ARITHMOLOGICA 181
G. — TUS pi ôsxaBoç dAnatolius.
§ 5, p . 33 (p. 9 du tirage à part) : (y) Turruàç) auv-rsQs'.gÉvrj a-j-rr; Bi' éauTYjç Yivexai ô" Béxa • 7C£Pl Y+ T^v
ZXAWV èv... (lacune de plusieurs let tres) . . . xal 6' ijrT xai TJ' iv'xai £' iB' /.ai Ç" s; a/pwv sav : « le nombre 5 ajouté à lui-même donne 10 » ; le reste du texte est corrompu, dit M. Heiberg. Valla, qui a utilisé un très mauvais manuscrit , interprète (à partir de çuspi) : inter se et denariuni aliis coniuncta numeris alios gignit 9, 11, 12, 13 et 14 ut sint extrema 5, 4, 6, 7, 8, 9. Tannery (éd. Heiberg, p. 47) traduit en hésitant d'ailleurs : « en l'ajoutant a lui-même on obtient 10, tandis que pour les autres nombres 1 q- 9 —- 10, 2 + 8 = 10, 3 —[— T = 10, 4 - j - G = 10, les termes sont inégaux et ont 5 pour moyen ».
Il est inutile de faire remarquer que cette traduction s'éloigne complètement du texte. L'interprétation de Valla, bien qu'elle s'en rapproche davantage, ne peut non plus nous satisfaire. Il suppose que l 'auteur envisage l'addition de o avec les nombres situés entre 5 et 10 ; mais alors que vient faire le nombre 4 (avec le résultat 9) dans ces additions? En outre, pour qu'il y ait des extrêmes (axpa, extrema) il faut qu'il y ait chaque fois deux termes opposés l'un à l 'autre, ce qui n'est pas le cas pour la liste des nombres 4, 6, 7, 8, 9. Le sens est évidemment celui-ci : ajouté au contraire aux autres nombres (de la décade), 5 donne comme résultat aux deux points extrêmes :
3
Pour obtenir ce schéma, il sutïit d'ajouter dans la lacune le nombre 11 , car tous les autres nombres en sont fournis dans leur ordre par le texte. Les deux nombres ajoutés chaque fois à o sont également distants de o, comme les résultats sont également éloignés de 19; ce qui explique l'expression 1; àxpwv.
Dans la lacune il faut donc restituer ivTiOsjjiévy; IOU i-iTiOâjjisvO ia' ; je crois qu'on peut conserver èâv en le corrigeant en È5v (laisser comme résultat).
+ 6 = 11 + 4 = 9
+ 7: + 3:
= 12 = 8
-4-8 = 13 + 2 - 7
+ 9 + «
= 14 = 6.
1S2 ANECOUTA
* *
D. — Fragments arithmologig ues sur les âges de
la vie de l homme.
Un des thèmes préférés des traités d'arithmologie, c'est la division de la vie humaine en âges ou périodes dont le nombre est fixé et en quelque sorte sacré. Ils citent de préférence, sur ce sujet, tantôt un fragment d'une élégie de Solon, tantôt une notice pythagoricienne, tantôt encore un fragment du crepl sjâ§o-jAaSwv du Pseudo-Hippocrate que nous publions ici sous une forme nouvelle.
Le texte de cet ouvrage, à part quelque fragments provenant de citations, n'était connu auparavant que par une traduction latine. On en a publié il y a quelque temps une traduction arabe, qui est précieuse pour l'éclaircissement de certains passages (Rhein. Mus., 1893).
Le fragment dont il est question ici est connu en outre par deux textes fragmentaires provenant de manuscrits de Paris et publiés par Boissonade (Anecdota, II, 454 sq.), et par des citations de Philon (de mundi opif., 36), d'Anatolius (luspt cexacb;, 7, éd. Heiberg) et des Théologouména Anonymes (p. 42) qui paraissent vouloir en donner un texte exact et complet. De plus, Censorinus (de die nat., 14, 3), saint Ambroise (lettres, I, 44, 10)etunScholiasted 'Aris tote(coa 7 . Beg., 1853; ad Met., p. 541 b) en donnent un résumé.
Le texte de ces fragments et paraphrases est fort variable, de sorte que la publication d'une tradition nouvelle est toujours intéressante. Celle du fragment du Cod. Paris, gr. Coisl., 345, l'est d'autant plus qu'elle apporte à la fois des leçons nouvelles et des variantes confirmant des leçons connues, mais peu estimées.
f°224 v.
Af TSJ àvSpwrcu [i.î9^Atxi(i)a£tc. TirTucxpaiouç ' TuatSbv, Tcatç, ;.stpaxicv, VSY;V'.<7X3ç, àvVjp, T.pzofizïrr^ (1. T.pzçfiùvqo), yépov (1. yspcav)' :XJT2 CE ècT'.v OJCS * rratobv [AÉypt, éTTTX èTEMV COCVTCOV TE ÈX^OAYJ;; ' crai;
01 SAî/p'. Y Î V YÎ? ««pEJ'.CÇ, î<*>î 2 XXI l ETEWV, E7TTX ^1. EÇ 13.) O'.Z 11Z13 \J.Zl-
pxx-.sv SE '|AÉy;pi yvnio'j xçicucç, SO); SVCç xxi x ' ETE'WV î\<; Tî ipii;
ARITH.MOLOGICA 1 83
(1. zpiz) k~~.z ' VSYJ vijy.c- ck \i-iypi a J Tierce, (1. a'j;r(cic;) TC7 zi5p.y-.zz ïZ
it~py.v.\z. kr.~.y ' àvy;p ce, T;A£ioç iç, //y.cé s STsa à; Ta rrîvTay.'.ç âcrca,
giyp'. [j.O'éviç CéCVTC; iç, v', kz xà £7.Tây.'.ç èrrca ' 7.p£7J}'TY;ç ce \J-iyp'.
ç xai v £T£o)v sic xaç t. spccg.aoaç TO CE îVOîVCS 7£pcv (1. yzpuiv) £:?
xàc Tsccaosc (1. T£C7apaç) y. ai cs'y.a ïrpzz\).yzxz TOJV STSMV.
La conservat ion de cer ta ines formes dialectales comme VîYJVI-
GV.ZZ, £i£6)v, àçicicç, yVzrt~izz, mon t r en t que l ' au teur de l 'ext ra i t
n 'a pas e n t e n d u donner une simple pa raph ra se mais la le t t re
m ê m e du texte d ' I I ippocra te .
Il v a de nombreuses d ivergences en t re les diverses t radi t ions ,
au sujet de la répar t i t ion de la durée des àg-es. Le tableau su i
van t p e r m e t t r a de les apprécier :
A. = Cois lin 345 B
-aïoicv / ans
14 21 28
TTp£7[ÎÙTY;Ç
vîpwv
7ZCV.Ç
[jt.Eip.mov
veïjviaxcç
63 98
= aussiC.OD. PAH.GR.
1630. Boisson . , I I ,
l o i , excepté : T£-
àSIOç —- 35 et in
dicat ion des 98
ans .
— TRAD. LATINK qui
au lieu de vîxvi-
JXCC a : IU vents consummatus —
35 ans .
/ ans
l i
21
28
omis
49
56 FIN
: TRAD. AKAHK
: 1*111 LON ET A N A -
TOLU.'S
: CoiJ . PAR. GR.
1773^Boissonade,
ibid.) et T H é O L .
AKITHM. qui ont
oublié l 'âge avrjp
— 45 ans .
TTX'.CICV
cra.ç
p.v.p xxisv
vsxvir/.sç
àvyjp
[*Wu] [Trapay.grJ
! uvp.z^'izxz L i 1 1
1 . / - X x/ -• I i V J. x -L 1 1 • j —
.
H 21 28 35
< ^ >
<49> ] <«>*>> 63 ou 70
—StaiOL. d 'Ar i s to te .
CKNSORIM s -— 7, l L
28, 35, 42. 56.
m art.
Voici encore deux fragments sur le même sujet qui sont con
servés dans le même manuscr i t , à la suite de la citation d Hip
pocra te :
184 ANÏ'XDOTA
Kaxi oè IlXxxcovx 0'
(bpsçrj oï XÉysvxai <x~c ysvvYjactoç so)ç sxoiv 3 . iraioia OCTUO S'swç t'*
jbsjTxaibsç à-b t Éwç csxa cxx<o ' p.Eipxxia àîub oixa xai oxxoo £a)ç xe' .
àxjAx^ovxsç CE àîxb xe' ewç AS ' xaOscrxYjxoTeç ârco Xe' swç u,e' ' (û{J.OY£-
povTîç à-b xsjffapàxsvxa s ewç ve' ' Yspovxeç àiub ve' ewç £e' ' (bou-
Yspcvxsç à~b £s so)ç xéXcuç xrjç Çtorjç. Tlyoov (bpÉcpoç, icaiStov, (bou-
Traiba, ;z£ipxxicv, àx;j.xÇcvxa, xaOs XYjxoiç, wp.CYÉpov, • ybpcv, (bcuYÉpcv
(lisez p a r t o u t . . . yépw).
"AXXcç (1. à'XXwç) es 3' : rcaiotxrj, àxp.aaxixT;, 7C2paxp.a<rnxYj, Yepovxixrp
Le premier a un paral lè le dans un f ragment du Codex 1630,
publ ié pa r Boissonade, Anecd., I I , 454 sq. : les é tapes de la vie
sont les mêmes , seule la forme de l 'exposé est un peu différente.
Le second se retrouve dans un fragment du même manuscrit publié aussi par Boissonade, ihid. Je ne connais pas l'origine de cette notice. Dans lesThéolog. Ari thm., p. 20, Théon, expos, rer., p. 98, Hiéroclès, in aur. carm., 47, on trouve une division semblable en quatre âges, comme dans les écrits pythagoriciens d'ailleurs (Diog. Laërce, VIII, 10), mais ces âges portent d'autres noms et leur étendue est différente.
Enfin le Paris, gr. 1788 a recueilli dans une note une nouvelle division de la vie humaine, f° 159 v. :
Ai xcu âvOpoi'su £7ïxà vf/axiai. BpéçOÇ OCTZQ Y^VYJŒEG);; £0)Ç EXtoV 'ZZGGXptùV.
LtaTç SCTTO £XG)V 7CcVX£ ' E0OÇ EXG3V 3exaX£<7(7apO)V.
Msipaxisv àr:b èxwv iz' EOK EXGW x(b'
Neaviaxcç OLIZO SXûV xy ec)ç èxwv p.o'
AvYjp QCÎZO £XO)V [2£ EG)Ç £XG)V vÇ
rr jpatbç 3.izb sxoW VYJ' ECOç, èxwv cjrj'.
IIp£a(b'jxr;; àreb èxûv xO' [Aeypi xvjç cru[jnrX^pwa£(oç xrjç Çwxjç aùxcu.
Telle est aussi la répartition adoptée par deux Anonymes dans deux manuscrits d 'Athènes : l'un (Bibl. Nat. 1908, f° 11 r.) présente à peu près le même texte ; l 'autre (Bibl. de la Chambre, 32, f° 2 r.) en diffère par quelques détails : 1. 5 : p.3'] \m'. 1. 6 :
u,£'] u y . < K ' i . 7 : VYîK'.
On trouve dans le Paris, gr. 1630 (Boissonade, ibid.) une notice analogue : les périodes portent le même nom, mais la
ARITHM0L0G1CA 1 8 5
répartition des années est assez différente (cf. aussi le fragment astrologique et poétique du Par. gr. 1773, publié par Boisso-nade, II , 455-6).
*
E. — Fragments divers :
a) Notice météorologique.
La division du temps (les 4 saisons de l 'année, les 4 semaines du mois, les 7 jours de la semaine, etc.) fournit aux Anciens un thème facile pour des développements arithmologiques. Macrobe [de somm. Seip., I, 6, 58) y recherche une preuve de la valeur spéciale des nombres 4 et 7. D'après lui, les qualités de l'air peuvent se modifier d'abord suivant la position du soleil dans sa révolution autour de la terre : ces changements déterminent les 4 saisons ; ensuite d'après les phases de la lune : de là les 4 semaines du mois ; enfin il divise aussi le jour en quatre parties, du coucher au lever du soleil. La première période de chacun de ces trois cycles est humide, la seconde chaude, la troisième sèche, la dernière froide.
On trouve des rapports analogues établis entre les parties du jour et les saisons dans les écrits des Médecins et en particulier de Galien (t. XVI, p . 345 et 424; t. XVII, p. 860).
Le fragment que nous publions ici et qui est extrait d'un long exposé astronomique, me paraît rentrer dans la catégorie de ces développements arithmologiques. Il est d'ailleurs plus étendu que celui de Macrobe et les théories de l 'auteur sont assez différentes :
Cod. Par. gr. 2992, f° 369 r.
IJTîCV cxi b èvia'jxcç zixipiï-.xi si; 3 '/.xipzùz,, sic, ïxp Tî V.X\ OîCC^,
«pOivorwocv Tî xal vîuj.wva. 'Ev [J.îV TY) iapivYJ oipa Oîpy.Cs Y.X\ b*;pzz, îTT'.V : xr,z ' iv zï -,rt
QspivTJ Oepy.b; xai zr,pz^ ' èv zï Tï; çO'vcTCop'.vyj (1. çO'.vcroip'.virf 'W/pzz y.x\ ÙYpi; ' sv Oî zft */si;j.£pivi| 'buypzz YX\ zrtpz^.
Ilx/.iv ce èv îxarry; :wv ûpuyt, ~piU £'•*'• b'.xzzpx'., r.péyzr, Y.X: 'p.izrrt
xai JCTaTr,. Il \J.lv CJV nier/; TY;V î'.Xiy.p'.vîCTaTrv crj;; <<»paç r / a
xp«<jiv ' rt 3è rrpcoTr; xal ixs'X'r, TYJ yg'.Tvw.'usi (1. Yî'.TVUÔTY;) <i>pa àssu-ciou-
18() ANKCDUTA
[xvrr,. Kal YJ CJCXYJVY; s i xaxà pvyjva èpyàçETai otaçcpàç o' èv xw capt
(1. àkpi) ' Y; p.kv CJV npwxv; kjSccjj.àç rcapsaxE xw è'api * 0£pp.yj yàp xal
jypa * r, ce c&jxipa É,3cc;j.àç "apc'cxE xw ôî'pîi * 0£p|j.Yj yàp xal cJYjpà' r, ce
XOIXY; É.iccj.à-; rxapÉc.xE xw ©OivcTcwpw . jypà yàp xal dijypà ' Yjck TEASJ-
xala xal YJ xcxapxYj SjSccp.àç TxapkcixE xw ys'.>jvwvt, ' ^UX?^ Y^P y*a'1 ^ÎP**
Ilà/av ce xaO ÉxàcjxYjv XYJç YjfaÉpaç oipav oiaçcpal yivcvxai iv xw è'apt
(J. xipi) ' ït ;akv yàp Txpwxyj y.al C£jxkpa y.ai xpîxYj xxapkcr/.c xw k'api '
Ocpjvrj yàp y.ai jypa ' y.ai cià XCJXC xà Œo>[j.axa àvcîsxai (1. àvUxai) xwv
VCCCJVXWV xal xwv ùyiaivcvxojv wax£ xal xciç Txjpkacuaxv (1 . Trupéaccuaiv)
c xatpcç CJXCç xyjç wpaç ejçcpwxaxcç icxi. Il ce xexàpxYj xal TCsp.TCXYj
xal £"'< wpa -apsc.xc xw Oc'pci ' OcppvYj yàp xal 5y;pdc ' [369 v ] . xal oià
XCJXC xà awpaxa xwv VCCCJVXWV xal xwv jyia'.vcvxo)V èTCiaxiXovxai (1. èxci-
<7X£AAcvxai) WJXS xal xctç vcacDaiv èxixivcuvcv èariv. II oè É(3ccpvYj xal
cyccYj xal èvvàxYj wpa rxapkciXE xw ©(kvcTîwpw ' 'àuypà yàp xal ùypà '
xal c».à XCJXC xà caopvaxa xwv VCœCJVXOJV xal xwv uyia'.vcvxwv xaxi£xai xal
xàç èx^cXàç xwv Txjpcxwv aTrepyxuExaL. Hc£ iyi xal iaV xal i[37i
rxap£cix£ xw ysig.wv». ' 'àjypà yàp xal çrjpà ' xa! cià XCJXC xà cwy.axa x(7>v
VCCCJVXWV £7x1 xc TXAEIJXCV xaxiExai sic àvàxxa'jaiv.
Kai XYJç VJXXCç es TCXMV YJ a7)' xa! YJ [S7)' xal YJ y7i XYJ sa-sp'.VYJ Tcapsotxs *
xcjj.TxaAiv xal YJ cV xal e7i' xal CV XYJ CEIAIVYJ Tcapscxs ' cp.clwç xal YJ
77i xal YJ7I xal 07i TYJ p.sorup.-SpiVYj (1. lAsaYjjj.jepiVYj) 7xapc;j.cicuxai ' xal iyl
xal ia7i xal 1,3 XYJ Txptoiv^ Txapîixacxai.
' e Qpa i ce Txà/av XYJç r^j ipa; rt [j.kv 7xpo')x^ xal ccuxipa xal xpix/j èapivY]
(1. èaptval), aép.axixal xal Ô£p;aai xal jypal * *rj 5k c7i' xal E V xal C7!
Ocpival, yXcpal (1. y*Ào>pal) xal 8£p;j.al xal C^pal * rt ce L7I' xal YJV xal O7)'
c8ivc7X0)pivai, cXcyu.ax'.xai, 'àuypal xal jyoat ' r, ck i7i xal iayi xal iS7!
;j.£AayycAixal, 'àjypal xal ^Yjpai .
QcaJxw; ce TcàXiv al wpa» XYJç VJXXCç * */; pikv ik3yi' xal iayi' xai i'1
cyciai -ft TxpwTYj, c£JT£pa, xplxY] x'?;ç T([A£paç " r( ce 07i' xal YJ7) xal 'Cr\
XYJ cTi xal £7i xal ç7/ XYJç Vjp.kpaç ' Vjcè ç7i' xal £7l xal o7i xf çTi xal r Ti
xal OTi' XYJç r(!j.£paç' -rj ce y 7 / xal 3yi' xal a'i' 'cjAciai x^ 171 " xal ».aTl xal (.je?) .
C r a m e r a p u b l i é d a n s ses Anecdota, I , p . 3 7 9 - 3 8 0 , u n e x t r a i t
d ' u n m a n u s c r i t de P a r i s q u i r e n f e r m e u n p a s s a g e assez s e m
b l a b l e k ce f r a g m e n t et q u i do i t d é r i v e r de la m ê m e s o u r c e .
L e s v a r i a n t e s les p l u s i m p o r t a n t e s c o n s i s t e n t en ce q u e le
f r a g m e n t de C r a m e r a t t r i b u e la s é c h e r e s s e k l ' a u t o m n e et l ' h u m i
d i té k l ' h i v e r . C e t t e d i v e r g e n c e se r é p è t e d a n s la t r o i s i ème e t la
q u a t r i è m e d iv i s ion d u m o i s , d u j o u r e t de la n u i t . N o t r e f r ag -
AR1THM0L0GICA 187
m e n t me para î t , sur ce point , représenter la t radi t ion habi tuel le
de la médecine et de la météorologie g recques . Ensu i t e , on ne
t rouve pas dans l 'extrai t de Cramer l ' a t t r ibut ion aux heures de
qual i tés qui dénoncent chez l ' au teur des préoccupat ions médi
cales fai[JLai'//.aî, */A(*>pai, çXsY;j.ax'.y.x», ;xsX:ry/cX'.y.x'J.
b) Xote sur la Tétractys pythayorienne.
Cod. Par. gr. 1 185, suppl., f° 02 v.
Tsxpay.TÙv xvjv xi Trivxa cixxsivcucav y.ai chxipcucxv
~z-pzy?t - ivxa '
ll 'j — xcùç "J.èv Oscùç E!ç cùpavicuç, ispisuç, svucpicuç, yOcvîcuç '
Oa— xiç ce oipaç E'.ç È'ap, Oipsç, çO'.vczwpcv y.cè. ys'.;j.<ov:x.
y; — xi ce axcysîa sic -up, ûcoip, ispx, vrjv.
p — xi CE i'axpa s*.ç ivaxcXVjv, CJC.V, xpvr.zv, \j.=ir,'j/ppij.y.
eu — xi 8È Acyc/.i xrivxa, sic OECûç, ccuij.cvaç, ^p(oc<ç, ivOpw-cuç.
— xi SE iXcva E'.ç xrrYjva, r.z'Çi, Eprruaxiy.i, vr;y.xi.
La t é t rac tys qui , é tvmologiquement signifie » qua te rn i t é .
ensemble de qua t r e choses », est considérée ici comme une force
qui g roupe toutes choses par séries de qua t re . Parfois on appelle
ces séries e l l e s -mêmes du nom de XEXCZXXûC : ainsi dans Théon.
expos, rer. math., p . 97 sq. Nous re t rouvons cer ta ins groupes
de notre fragment dans divers au teurs :
Les nos 2, 3 et 1 dans les Théol . A r i t h m . , pp . 19 et 20.
Les nos 2 et 3 dans Théon, ibid.% p. 97.
Les nos 2, 3 et 4 dans Mar t i anus Capel la . II, 100, et VIL 7 3 1 .
i
VI
DEUX TRAITES D'ARITHMOLOGIE
PYTHAGORICIENS
DEUX TRAITES DARITHMOLOGIE
PYTHAGORICIENS
A. — Un izozz \byzz en prose dorienne.
Dans sa Vie Pythagoricienne, au. § 146, Jamblique cite le prologue d'un ouvrage de Pvthagore intitulé izpzz 'r'z^zz ou Xi-ys; izs.pl 6£wv. Pvthagore se donne comme initié par Aglaophamus aux doctrines orphiques. Le centre de la Révélation est formé par le Nombre qui est considéré comme « la racine du ciel, de la terre et de la nature intermédiaire », ainsi que de l'essence divine. Cet ouvrage, ajoute Jamblique, passait dans l'École pythagoricienne tantôt pour l 'œuvre de Pvthagore lui-même, tantôt pour une compilation rédigée par son fils Télaugès, d'après les documents secrets laissés par Pvthagore à sa famille.
11 ne faut pas confondre cet ispzq Xiyc; avec un autre ouvrage du même nom, en vers et en dialecte ionien, que j ' a i reconstitué plus haut. Outre que la forme et la date de la rédaction ne laissent aucun doute sur ce point, le sujet de celui qui nous occupe est tout différent : on y traite, comme le prologue le fait prévoir et suivant la confirmation qui en sera donnée par les fragments, d 'arithmétique appliquée à la Théologie ou d'un genre spécial d 'Arithmologie.
On ignore tout de cet ispz; Xiyc;. Quels fragments pythagoriciens ou anonymes doit-on ramener à cette source? Quel est le sens des doctrines qui y sont conservées? Quelles sont les origines de cet apocryphe? Telles sont les questions que je me propose d'examiner ici.
Jamblique revient à l'.spb; Xivs; au $ I. > 2 et vraisemblablement il s'agit du même ouvrage : c est ce que permet de conjecturer le rapprochement qui précède (^ lo i ) entre les doctrines orphiques et pythagoriciennes; d'ailleurs, le genre des théories développées en ce passage convient très bien au sujet défini plus haut ! . On
t. Les doc t r ines du S, LVi ren t ren t encore dans le domaine de l 'arithtno-
192 TRAITéS D'ARITH.YJOLOGIE PYTHAGORICIENS
serait tenté peut-être d'y joindre les paragraphes suivants (§ 153-156). Mais il n'y faut pas songer : cet exposé ne cadre ni avec les préoccupations de notre auteur, ni avec le plan du l ivre 1 . Il y est question beaucoup moins de doctrines que de préceptes, et cette considération seule suffit à l 'écarter de notre reconstitution.
Trois citations de Proclus (in Tim., p. 289 A et p . 291 A ; in Eucl. prol., I, p. 22 Fr.) ne font que répéter le passage du prologue connu par Jamblique. Un autre passage de cet auteur (in Tim., p. 61 c)2 me paraît donner un exemple du genre d'arithmologie propre à l'Upèç \byoq. Il consiste, comme on le voit aussi dans les Théologouména Arithmétikès de Nicomaque (Photius, bibl., p . 143 sq.) et du Pseudo-Jamblique, h établir des rapports entre des nombres et des divinités, rapports conçus souvent sous la forme d'une identification. La notice de Proclus attribue à la monade l 'épithète de Zavbç Tuupyoç. Le nom de l'ouvrage auquel elle est empruntée (ô XGJV IluOayopsiwv Xoyoç) ainsi que la forme dialectale dorienne permettent de rapporter ce fragment à notre iepoc Xiyoç.
Je reconnaîtrais volontiers la même origine à une cinquième citation de Proclus, in Tim., p . 142 F : si Ss ôpaxbç 5 xoagoç, £ivai SE? ~up, si 8è àxTÔç, eîvai beX yrjv ' àTuxbv yap è<m xb ax£p£Ôv, S y.ai àvxs-peibetv bûvaxai ~poç XYJV àoYjV xb yàp suôpuTxxov "/.ai JJLYJ ûiuopiévov TYJV
àçyjv cùbau.cjç àûxâv ' bib xal ITuôaYOpaç xXrjp,ova Tcpoaayopsjei XYJV
yvjv, GJC, axspsàv xaî (5; àvxt(3a(vou<rav lupbç XYJV à<pyjv xal wç buaxiVYjxcv xai (o; TYJç [Aovip.oo buvajji£0)ç u.£x£youaav.
Malgré les apparences contraires, ce fragment est du domaine de notre Traité. La terre correspond au nombre 2 à cause de sa
logie. Les concordances sont faciles à établir : Xéyeiv aùiùv xplç arcévSeiv xoùç àvOpaSrco'j; rzz Théol. Arithm., p. 15, 13. — ô*ià TO /.ai TYJV rpiaoa 7cpo>Tov çpuvai TôV àpiGp.ôu. = Théol. Arithm., p. 8, 21; 14, 2, 15, 2, 15, 21, etc. — 'Açppoôixr] OustaÇeiv xfj S/TT], etc. ^ Théol., p. 33, 2 (composition du nombre 6 par addition de ses parties (1 -f 2 -f- 3 — 6) et par multiplication du premier nombre pair avec le premier nombre impair ( 2 x 3 — 6). Nicomaque, p . 144 b ('Açpoôi'xrj), etc. La construction grammaticale rattache d'ailleurs ces phrases à la mention de Ttepôç Xdyo;.
1. Ce plan est formé par l'examen successif des dix premiers nombres, comme le montrera plus loin une citation de Syrianus, comment, in Met. Arist., p. 941 a.
2. Cf. Ihid., p. 172 B et p. 282 E, et Nicomaque (Photius, p. 143 a).
UN DISCOURS SACRÉ KN PROSE DORIENNE 1 9 3
place dans la série a s t ronomique (1 : le feu cen t ra l ) . D 'au t re pa r t ,
le nombre 2 por te les n o m s de TÔAga, T>.rJ;/.saJvr/, oôrj z\zv jrsgsvr;
dans Nicomaque , p . 143 A et B, dans Ana to l ius , 2 et dans les
Théo logouména a n o n y m e s (p. 7, fin; p . 8, fin, et p . 12, 1. Cf.
He rmias , in Phaedr., ch. 25) . Le rappor t de ces deux r emarques
est fort clair. Enfin, si l 'on doit faire un choix pa rmi les ouvrages
de P y t h a g o r e lu i -même (et non des Py thagor ic iens ) qui sont
familiers à P roc lus , l'ieps; ASVS; semble tout dés igné , p a r l e sujet
qu ' i l t ra i te , comme la source de cette notice h
Sy r i anus connaî t aussi not re apocryphe et il le cite en main t
passage . L ' u n d 'eux [in Met., 941 A, cf. p . 911 n) précise le sujet
et m ê m e le plan de l 'ouvrage . Le Trai té consistai t d a n s l ' examen
des 10 p remiers nombres , dans la recherche de leurs qual i tés
théologiques et de l ' impor tance de chacun d 'eux dans les lois
na ture l les . Deux au t res passages nous font en t re r dans le détai l :
P y t h a g o r e avai t donné le nom de Chaos au nombre 2 et r app ro
ché la m o n a d e du héros égypt ien P ro tée (p. 931 A et p . 842 A) \
Cet te dernière identification a t rouvé place dans la compilat ion
de Théologouména a n o n y m e s , p . 7.
Le prologue de l'Upsç AÔyo; s 'ouvrai t , comme nous l 'avons vu,
par une déclara t ion générale sur la Valeur du Nombre . Comme
l 'ouvrage l u i -même passai t en revue success ivement tous les
nombres de la décade, c 'est au prologue qu' i l faut ra t tacher plu
s ieurs c i ta t ions où il est ques t ion du N o m b r e en généra l . Un
f ragment de Syr i anus para î t cont inuer le passage de Jambl ique
déjà c i t é ; les idées et les t e rmes mêmes de l 'exposé t rahissent
des influences néo-pla tonic iennes , p . 902 A : -ù); b' 3tv XJ-Z; ;xkv
IluOayopa^ èv -ù) Ispw VSYO> ctappr;rr(v ;j.:p?<ov v.x\ ibî(7>v y.pâvxcpa T:V
àptOgbv aAeysv sLai v.xl Oîôiv ca'.p.dvtov Tî aÏTicv xxi TIO -ZZZ'^J-.XZO) v.x:
xpaTioTc'JOVTi TîvyÎTYj 0î(7) /.aviva y. ai Aiycv Tîyv'.y.bv « vciv Tî y.ai jxa-
6p.av axAivsaxâxav ibv ap'.Ogbv 07:îT;J.îV TJG-.XZ\6Z, Tî v.x\ YîVî'î'.Cç T<7>V
Un aut re fragment nous donne encore deux aut res définitions
du n o m b r e ; bien que le nom de l 'ouvrage auquel il est emprun té
1. Le faussaire dans ce passade a repris une doctrine (in Timée de Platon, p. 31 B.
2. La leçon rcpaùa, du passade p. Sî2 a, doit peut-être être conservée comme une forme dialectale provenant de V'.iy't; 7"y<:.
DlïI.ATTF.. - - / . / ' / / . / ) / / / /» . )</ . I •>
104 TRAITÉS D A1UTI1MOEOUIE PYTHAGORICIENS
reste indé te rminé , la na tu re des doctr ines rappor tées indique u n
t ra i té d a r i t h m o l o g i e et la compara ison avec le f ragment précé
dent nous repor te à la même source. La courte citation de J a m -
bl ique , in Xicom. arithni., p . 10 : IIuGxYGpoc; Se è'xxa<r.v xal èvepY/siav >V t '
xwv sv [j.ovxoi a7T£pp.axixwv AGYO>V rt sxepw; XG Txpo xcavxov UTXG'xav EV
6£Û.) vw à© GJ xoà îc OJ rrâvxa onjvxéxxxxat xai y.ivEt xxrhv à'Xoxov Six-
ptO;ju;!j.£V2, se re t rouve , amplifiée et expl iquée , dans Syr ianus ,
p . 012 h : b'xav p.èv yxp Exxaorv x a i èvspvs i av xwv ev (i.ovaSt
ar:£p ;j.axr/.o)V Xiywv £ivai tpyj xbv àpiGp.bv, xbv «TTG xrj; ôlxeia; àp^vjç
ajxoYÔvwç xxl ayTSXtvvjxw; irpoeAYjAuOôxa xal xbv èv èauxw iSpûu.evov xal
èv efSeai •rcavxoioiç, ocGoipiapLévov TuapaSi'Swoxv' cxav Se xb Tupb Tuavxwv
ÛTxcaxàv èv Ô£i(o vw a© OJ xal è ; où Tcavxa auvxèxaxxa i xa t
jj.£V£i xa ; iv â'Xuxcv StyjpGwp.èva (cf. var ian te de Jambl ique) xov
7capaSsiYU.aitxbv xal TTGI XYJV y.al oxaxipa GîWV x£ xal SaLU.ovwv xal xwv
GVYJXWV Tcdvxwv àpiGp.bv àrjywst (cf. pro logue de Jambl ique , V. P.,
140, et Syr ianus , p . 902 A) . Dans le même ouvrage de Jambl ique ,
inlrod. in Nicom. arithm., p . 13, j e relève une citation py tha
goricienne qui doit avoir la même origine. Suivant le sys tème
connu des Théo logouména , les deux premiers n o m b r e s sont
identifiés avec des divini tés , la monade avec Apol lon et A t ropos ,
le nombre 2 avec Isis et Ar témis . Nicomaque (p. 143 A et B) et
Ps . - J ambl ique , Théol . , p . 5, 20 et 12, 4 ont conservé les mêmes
r app rochemen t s et Modéra tus (dans Stobée, ecl. phys., I, 20) en
a t t r ibue p lus ieurs à P y t h a g o r e , ce qui confirme l 'or igine p r o
posée.
U n f ragment cité par Hiéroclès (comm. in aur. carm., 47)
relève une analogie spéciale ent re le qua te rna i re et le dieu
démiurge : 'Op.ciï Se icsp! xrjç, TWV xxXXlaxo)v EGJEOW auva©rj; èu.vvwv
GeoXoYeî xal XY;V xExpdSa TXTJYYJV XYJç àtotou StaxcG[AY;aEG);, âîiG©aivsxai
XYJV ajxyjv cbaav xw Srjp.tGupYw G£w. liwç CE x£xpxç G GEG; ; CJXWç èx XGU
£tç IJuGaYGpxv àva©Epcp.£VG'j LpGU Ac-vcu aaapwç sûpYjffEt;, èv w àptOp-oç
âpiGu.wv G Gsbç ujAveiiat. Le qua te rna i re équivaut au dieu démiurge
parce que pa r un procédé d 'addi t ion spécial ( 1 —|— 2 —|— 3 -j- 4 =
10), il donne naissance à la décade et pa r elle à tous les nombres ,
comme le dieu démiurge crée tous les ê t res . JLe qua te rna i re de
même que le démiurge peut donc être appelé le nombre des
n o m b r e s . La suite du passage d 'Hiéroclès : el yàp xà 5vxa xdvxa
xaf; à'tSisrç ajxoO {GG'JXYJO*£OTV yçîVcrjXE, SrjXov on xat 0 àptGu.b; ô èv
ixwTw ei'Ssi xwv GVXWV xyj; èxEivwv alita; rjp"tY;xxi xal b Tcpwxoc apiGu,b;
UN DISCOURS SACRÉ EN RUOSE DORIENNE 195
âxei TCOû èdTtv' èxstôev yàp èvxaûôa, ne se rapporte pas très bien au fragment cité précédemment, bien qu'elle ait la prétention de l'expliquer. 11 paraît convenir plutôt à la seconde définition du nombre qu'on a relevée plus haut dans un passage de Syrianus, p. 912 B. C'est aussi à ce rôle merveilleux du quaternaire que se rapportent les épithètes suivantes de Nicomaque (p. 144 A) : 6eo<; TCOXûOEOç, p.aXXov §è itavOscç, fuuix<ov aT:oTeX£ffu)aTG)v T:rt*(rn xat xXet-
L'une des sources des Théologouména Arithmétikés, vraisemblablement Nicomaque, cite (p. 17, 16) un O-ûYïP*^* Trepl Oswv de Pythagore ; nous pourrons l'identifier avec notre traité qui porte parfois ce titre (Jamblique, V. P . , 146), car il s'occupe comme lui d'arithmologie. Les Théologouména commentent longuement (pp. 16 et 17) un fragment de cet ouvrage où on établit des rapports spéciaux entre les quatre premiers nombres et les quatre sciences mathématiques : la monade préside à l'arithmétique, 2 à la musique, 3 à la géométrie, 4 à la sphérique. Ce développement devait faire partie du chapitre sur le quaternaire, comme le fragment d'Hiéroclès : ce rapport entre les sciences mathématiques et la isxpaxTÛ; (l'ensemble des 4 premiers nombres'; constituait une des qualités remarquables du quaternaire.
Je rattacherais au même exposé une remarque de la p. 22 : OTI AtàXou ç'jdiv xaxtov6pia£cv XYJV xexpaSa xo xxctxiXsv s?xraivsvTe* TY;;
O'.XSIOXYJXOç * xai oxtoùx aveu xauxYjc; r, xaOsXixy; 3iaxôj;j.Yj:nç/ ctc xai xXei-Sou/cv xiva xrjç «puceau aùxYjv Tcavxa*/ou èztovsy.aÇcv * xbv AtoXsv 5e çYJœIV it TxoiYjfftç açaipixoùç èxTxoptÇetv àv£u.ouç toc xat TTCTCSTI-
5rjç Tcpod YcpsûÔYj «TCO xfjç xa 'jTYjTOç XMV eTXiTsXcûvTtov aùxov âcrxptuv xai 5tà xou àBtaXetTCTOU opôu.oj* è'axt Y*P AtoXs- o èvtauxc; 5tà xr(v xaiv xax'aùxbv çuojjts'vtov TrotxtXtav. L'analogie entre Kole et le nombre 4 est basée d'abord sur la variété de la nature de l'un et de l'autre. (atoXoç = TcotxiXoç); ensuite sur leur rapport avec la sphérique ou astronomie, le dernier point indique que cette notice dépend de la précédente. La source des Théologouména en ce passage est Nicomaque, comme le prouvent les surnoms du nombre i conservés dans Photius, p. 1 i4 A : xXeiSou-/:; zf^ zJanùc, et al:Xa.
Deux autres citations des Théologouména proviennent encore de l'Upé; \byoç : p. 58, 13 : Pythagore, de même qu'Orphée, attribue au nombre 9 les épithètes KsupijTi; et K5pr( ; p. 36, 33, les Pythagoriciens, comme Orphée encore, donnent au nombre 6 le
196 TRAITÉS D'ARITHMOLOGIE PYTHAGORICIENS
nom de iXou-sXsta. La source de ces notices est Nicomaque (Pho-tius, p . 145 A et 144 B [ = oùXogiXeia]). Ce qui nous permet de rapporter ces fragments à l'ispcç XôYO*, ce n'est pas seulement leur teneur arithmologique, c'est encore le fait de leur identité avec des théories orphiques, qui concorde parfaitement avec les déclarations de Pythagore dans le prologue de son ouvrage.
Un fragment de Modéra tus de Gadès, qui attribue à Pythagore une série d'identifications de nombres avec des divinités, comme on en trouve dans toutes les Arithmologies, permet de croire qu'il connaissait déjà le Traité de Pythagore : Stobée, ecl. phys., 1, 20 : è'xt Sb xoiç Oeoïç à?c£ixaÇu>v £7uwvô[j.aCev (0 IIuGaYopaç) d)ç ArcoXAtova {j.èv XYJV piovaSa ouaav, "Apx£fj.iv Se XYJV SuaSa, XYJV Se éJâSa Ta[j.ov /.ai 'A ppoSixYjv, XYJV Se é(3Sop.àSa Kaipbv xai 'AGYJVOCV,
àffoaXewv Se xai rioa£tSc5va TYJV SySoaSa, xai TYJV S£xàSa UavxéXEtav. Un grand nombre de ces rapprochements ont été conservés
aussi par Nicomaque et par l 'Anonyme ; la part de l'tepbç Xôyoç dans les sources de ces auteurs se révèle donc comme de plus en plus importante. En outre la comparaison avec des notices de Plutarque et de Porphyre rend vraisemblable l 'hypothèse d'une utilisation par ces auteurs de notre traité d'Arithmologie : Porphyre, de abst., II , 36 : 01 youv HuGaYÔpaot luept xoùç àpiOu-oùç xai xàç Ypap.p.àç <J7ïouSa£ovx£ç ocizb xoùxwv xb xcXéov xoïç Osotç aTCYjpOVTO, xbv p.£v xiva àpi6p.bv 'AGvjvav xaXoiïvx£ç, xbv Sb xiva vApx£puv, <o<77U£p au aXXsv 'ArôXXwva xai îcaXiv aXXov p.èv SixatouuvYjv, â'XXov Se cwçcpoau-VYJV : — Plutarque, de /.s., 10 : Soxw S' syioys xai xb XYJV g-ovaSa xoùç avSpaç ( = les Pythagoriciens) ovou.ࣣtv Ax6XXo)va xai XYJV SuàSa "Apx£p.iv, 'AGvjvav Se XYJV £(2Sc|AaSa, IloaeiSûva Sa xbv Tïpûxov xu(3ov, èctxévat xoTç £Tci XGW Up&v iSpu(Ji£VOtç xai Spa)u.£voi<; VYJ Aia xai Ypacpo-[JtivCtÇ.
Parmi les auteurs dont les notices arithmologiques dépendent directement ou indirectement, de l'Upoç XOYCç, il faut faire une place importante à Lydus, dans son de mensibus. Il ne mentionne pas, il est vrai, l 'ouvrage en propres termes, mais il cite Pythagore et les théories qu'il lui attribue, outre qu'elles présentent bien le caractère spécial de l'arithmologie de l'ispoç XôYOç» se retrouvent souvent dans d'autres auteurs dont la source est connue.
UN DISCOURS SACRÉ EN PROSE DORIENNE 1 9 7
Voici la l iste des passages où j e re t rouve des f ragments ou des
ves t iges de no t re t ra i té :
1) I I , 6. IIuOaYopaç XYJV p.ova8a 'Tiuspicvtoa xaXsï cià xb Tjavxtov
ûiuspetvat XY) obcrla wj'Âisp xal b vûYjxbç "HX'.Oç urjèp xi svxa è'ywv xb elva».
WeptoviSyjç xéV.XYjxai * àva^spsxai 5s "HXioç stç ;xova5a, a>ç slxow èxsi-
VYJç, eux aùxbç wv p,cvàç àXXà p.Yjv xal âxap.a^... xxX. L ' ident i té p.5va;
= "HXicç est connue aussi de l ' A n o n y m e , p . 6 : cxt. xb XYJç psvxScç
<jYjp.avxixbv yapaypi.a1 Œ,Jp.l3cXov è m XTJç TûV CXWV âp/'.xtoxaxY;;, xal
XYJV wpoç xbv YJXIOV xoivcoviav è|jiçatve'. cià XY)ç ffUY*s?*XaiG>-
creo)ç XOJ ôvop.axoç auxYjç... xxX 2. Nous t rouvons aussi dans Nico-
m a q u e les s u r n o m s de la monade : rj'Xtsç et rcupaXicç, don t le
second a conservé u n e forme dialectale qu' i l doit à l'Upbç Xbyoç.
Cet te identification de la monade avec le Soleil para î t avoir
t e n u u n e place impor t an t e dans le sys tème ar i thmologique de
not re apoc ryphe . C'est p a r elle qu ' i l faut expl iquer un f ragment
py thagor ic ien cité pa r Hippoly te dans sa réfutation du gnos t ique
Valen t in . L ' au teu r , qui cherche d a n s la phi losophie païenne l 'ori
g ine des var ié tés nombreuse s du gnos t ic i sme, p ré tend que les
doct r ines de Valent in ne sont qu 'un démarquage de l ' a r i thmo-
logie py thagor i c i enne . Sa démons t ra t ion est basée sur la compa
ra ison d 'une doct r ine de P y t h a g o r e — le Soleil , d i eu -démiurge ,
d iv isant le monde en 12 par t ies (les 12 mois) , chacune de celle-ci
en 30 au t res (les jours ) et a ins i de su i te , — avec une théorie de
Va len t in , le Dieu-Père et monade , c réant le monde spir i tuel par
émiss ion de séries semblables d 'Eons . Voici le tex te qui nous
concerne (adv. haer., VI , 2 , 28) : cYjîX'.cupybv oà slva». :wv Y£V3lJ-£v(i)V
7:avx(i)v ©vjffiv o I IuOaYopsisç X ô Y ° ? T O V p-£Yav Y£(,>lJL£'TPviv xa'- àpi8p.Y;-
XYJV HXtov xal icrxvjpé/Oa*. xouxov sv sXw xo> x5xu,<;>, xaOarrsp =v xsîç
ffwptaai ^uyïjv, <n; çYJœIV C IIAOXMV. I I j p yâp saxiv YJXIC; [<ô$] tpjvy;,
çu)\).tx 8s Yfl ' yMptff8svx3ç 8s Trupb;, CJOSV av TJOTî bpxxbv Y £ V O I T O C ' ^ £
àxxbv aveu xivbç axspssj* axspsbv zï s i x xvsu y?); ' £^£V £* ~'J?5* **•
YY}C àspa xs é 0 s b ç sv {xsato Os'xsvcç xb XSJ TXXVXC; s5r1jx'.o,'pY*iff£ ?<7>;xa,
1. Es t -ce parce que À re s semble a un tr iangle ppii d ' ap rès Nieomaque , Arithm. (II, 7) àpyixarcxxov apx sy^y-x Iztni^'ov xal jTO'yeeoSiaTX'rov ^rô xpt-ytovov) eupéjxexai) ou parce qu'il n 'est pas fort différent du d i ag ramme en forme de A qui expl ique la formation des n o m b r e s ^ lambl . , in Xic. Arithm., p . 14, P l u l a r q u e , de an. créa/., il), 4)?
2. Cf. enco re ibid., p . 4 : o>; <p'.>iô; xaOxpou xupoirraxïj; rcâvreov àrXfi; OJOXN
xal TjXioetooui; xal yjYCpovtxou.
1 9 8 TRAITÉS DAR1THMOI.OGIE PYTHAGORICIENS
xxX. Ajoutons-y VI , 2, 25 , qui expl ique xup y<xp èsxiv rj'Xtoç wç
ty^Xh • ^£Y£l ^£ riuGayôpaç slvat, ârcoppaYaSaç xou YJXCOU xoùç àuxepaç
xai xà^ Y^X** T ^ v C(pwv
«TCO T(7)v aaxpwv çépsaôai, elvat Se aùxàç ôvvjxàç
p.=v oxav (oaiv èv xo) awp.axt o'.ovsi £YxaTOpu)puYlJ<£va<S <*>? £V tà^u), àvtaxa-
aôai Se xai Y£véa0at àOavaxouç. 'ôxav xwv ffuiu-axcov aTCoXuOâ)fA£v.
Ce qui nous p e r m e t de rappor te r ce f ragment à no t re hpbq
Xbyoq, c 'est d 'abord la ci tat ion du IluôaYÔpetoç Xovoç. Ajoutons
que le sujet est du domaine de l ' a r i thmologie : la compara ison
avec le Dieu-Père de Valentin.fai t supposer en effet que le Soleil
es t identifié avec la Monade par P y t h a g o r e , comme dans le frag
m e n t p r é c é d e n t 1 . Enfin, j ' e s t i m e que la ci tat ion de P y t h a g o r e
comprend la phrase rcOp vap ècrxiv YJ'XIO^ — èSY)u,iGupYY]?e ffà)u.a (je ne
par le pas de la sui te qui est év idemmen t l 'explicat ion du f ragment
e t qui doit donc y ê t re r a t t achée) , non seu lement parce que ce
f ragment forme u n tou t don t il m e paraî t difficile de rien dis t ra i re ,
mais encore parce que la doctr ine exposée dans cet te phrase
t rouve un parallèle dans un au t re f ragment deTfepbç XOYOç ( P r o -
c lus , in Tim., p . 142 F , supra, p . 192). Ceci nous amène à
examiner l 'or igine d 'un au t r e f ragment en dialecte dorien cité
pa r Cyri l le , adv. Julian., I , p . 30 (Auber t ) , C lément , cohort., VI ,
72 , 4 et le P s . - J u s t i n , cohort., 19. Les t rois t ex tes p ré sen ten t
des va r i an tes assez impor tan tes ; voici celui du Ps . - Ju s t i n qui
para î t ê t re le p lus fidèle, en a t t endan t qu 'une édi t ion des Pytha-
gorica nous donne u n t ex t e définitif : 6 ;j.èv Sebq etç* aùxbç Se oir/
(oç xtveç ÛTCOvooûaiv, èxxbç xaç SiaxoajjLYjaioç, âXX' èv aùxa, SXoç èv bXw
xu> xuxXu> è-juiaxoTccov xcaaaç xaç yevéaiaç èaxi, xpa?iç èàiv xwv SXwv aiw-
viov xai epYOCTaç xwv aùxou Sovàu.£tov xai Ipyoïv *âpxa Tuavxwv, èv oùpavw
çaxjxYjp xai xcâvxwv IlaxTjp, voyç xai tyûywaiq XGW oXwv, xuxXwv aTuàvxwv
xivaaxç. Le r appo r t de ce f ragment avec l 'a r i thmologie est expli
qué p a r le P s . - J u s t i n dans la notice pa r laquelle il in t rodui t sa
c i t a t i on : xYjvvàp p.ovaSa à p x ^ v àTcavxtov XèYwv xai xauxvjv xwv
àyaÔciv àrcàvxcov aixtav £?vat, Si' àXXrjYOpiaç sva xe xai uivov StSàaxsi
@sbv elvai. "Oxi Se xcuô' ouxuiç s'x£l> SYJXOV àç' wv piovàSa xai iv TCOXXG)
Sia^èpetv âXXrjXuv è' yj. TYJV p.èv ykp p.ovàSa èv xoîç VOYJTOÏç elvai \éyzt,
xb Se iv èv xoîç àpiô;j.otç2. Le dieu qui est identifié avec la monade
est év idemment le "HXioç vorjxôç dont il es t souvent quest ion
1. La monade est aussi appelée SrjutoupYo? dans les Théol. Arithm., p. 5. 2. Cf. Lydus, de mens., II, 6; Photius, eod.7 249.
IN DlSCOCHS SACHE EN l'ROSK DORIENNK 199
dans les tex tes néo-pythagor ic iens (cf. L y d u s , I I , 6). Cette in ter
pré ta t ion seule expl ique les t e rmes ; èv svpxvw çwrrrjp, xpx?i;
TôV oXwv aîcovcov, qui con t ien t en lui tous les t e m p s (cf. le frag
m e n t d Hippoly te : YSO>U.STPY;ç xaî âpt6p.rJTYjç) cXcç sv oXa> TW x'jxXu
( = Hippo ly te : È7TY]pë/8at èv oXw :w y.5a;j.<j)), vcvç. xai 'pjyioji;
(cf. Hippo ly te : le Soleil est l 'âme du monde) xûxXwv âravTtov
xivaaiç e tc . La monade identifiée avec le Soleil VCYJTS; (Lydus , I I ,
6) est auss i appelée dieu, démiurge , lumière spir i tuel le et solaire ,
vovç, izavrtp e tc . Enfin, l 'origine que nous p roposons est confir
mée pa r l ' a t t r ibut ion du fragment à Py thago re l u i -même et par
le dialecte dor ien.
2) I I , 7 : Les çuaixci a t t r ibuen t le nombre 2 à la Lune et à
A r t é m i s . La p remière ident i té est corroborée par un passage des
Théo log . , p . 12 : /.ai r?j SSXYJVYJ Bé paa'.v spaptj.ô^etv zz oui ; cvspa, OTI
TE xai TuXsbvaç CUCEIç èx T:XVTO)V TOW àrcXavôiv (1. TrXavïjTwv ?) csysTai
xai OTI èouaaôvj xal èSeyoTOjjn/jOYj' Y)[aérotj.sç vàp xai Z'.yzzzp.zz, XSVETXI ; la
seconde pa r N icomaque et par le fragment de Modéra tus cité p lus
h a u t , qu i ga ran t i t l ' exact i tude de not re a t t r ibu t ion .
3) I I , 9 : avTco TOtvuv (TW 'Epp.rj) TY;V zzzpâza z\ où.zizzzwziq àvÉ-
6SVTO Iùç kyopiù xcov |J,IYX5O>V cpuytov ' Ta vàp zf{q y'tryrjç aiYjpèj'jjLaTa TéTJOC-
pàèffTi, V5ûç, è7Ci<jTYj[J.Y3, côça, aurÔYjffiç. « <j/u7* Y*P àvOpcÔTTsa, a>;
IluÔavôpaç èoYj, EaTiTSTpaYwvovépOcYtoviov. » L 'or ig ine est assu
rée par le dialecte dorien et la t eneu r a r i thmologique de la ci ta
t ion de P y t h a g o r e . La doctr ine des qua t r e par t ies de l 'âme se
re t rouve telle qu 'e l le est exposée ici dans I l iéroclès , p réc isément
d a n s le déve loppemen t qui suit sa ci tat ion de lizpz; Xb; : ; ; elle
est connue aussi de divers au t eu r s qui ut i l isent des f ragments
a r i thmolog iques comme Aët ius , I, 3 , 8, et Théon de S m v r n e ,
expos, rer. math., p . 97 , et Pse l lus (Tannery , lier, des Et. <//•.,
1892, p . 346;. Quan t au rappor t de i avec H e r m è s , on doit lui
reconnaî t re la même origine qu 'au contex te qui l ' expl ique. Cet te
notice n ' es t pas isolée d 'a i l leurs : Nicomaque q>. 114 a et l 'Ano
n y m e (p . 22; pour s'en tenir aux seuls au teurs qui ont uti l isé
rtepbç XôYOç, ont connu cet te identification.
4) I I , 10 : Rappor t de / e u s avec le nombre 5 : zf,; lï alzhrttsiiô^
'/.éyezai• $Y)|a'.oupYc; rrapà zzi; zù.zuzzzi; z V.îJZ, /.ai E'.x's r v *JT<O TY;V
TTEViaSa /.aza çûaiv oiaTcsp àvaTsOfjva». ' ffi>YÏ£VTi* yap r, -svTà; Tt; jc.sOtjjfi».,
2 0 0 TRAITÉS D 'AIUTIÏMOLOGIK PYTHAGORICIENS
r;xtç, TTEVxayioc xÉp-vsxat, sic. opaccv, àxorjv, Yebctv, caxppvjoxv xai àçiqv ' xai
xcJxcoyaptv 5 IbjOayipac Eiu.apu,£VY; xbv TCéVXS àptQu.bv avax£Ta6ai ^rjatv,
£7T£t x<ov aljOyjxojv xaxâpystv XTJV EîtjiapjAÉvYjv Xôycç. Le sujet du
fragment nous ramène à not re source a r i thmologique h Mais en
est-il de même de l 'analogie que l 'auteur signale ent re Zeus et le
nombre 3 ? La t ransi t ion en t re Zeus et rEiu,apu.£vr;v, par l ' inter
médiaire de leur c o m m u n rappor t avec la sensat ion, est assez
subt i le . Cependan t nous re t rouvons un vest ige d 'une croyance
semblable concernant Zeus dans une note de Nicomaque où le
nombre 5 est appelé Zavb; Tcjpycç. La forme dialectale conservée
dans cet te expression nous me t encore sur la t race de l'îspoç
XOYSç.
5) I I , 11 : R a p p o r t en t re 6 et Aphrodi te qui est appelée àppe-
VO8Y;X'JC. par les ôeoXàvoi. La cor respondance avec Modéra tus ,
Nicomaque (p. 144 A : rrr: àvbpcyuvta) et l 'Anonyme , p . 33 (xppe.-
VîOYJAUç), m o n t r e n t que les théologiens dont il est ici ques t ion
dés ignen t P y t h a g o r e et son Ecole . C'est encore à la même source
qu'il faut r appor t e r l ' identification du nombre 6 avec Tap-oç (Modé
ra tus et l ' A n o n y m e , p . 33) et 'App.ovta (Nicomaque) ainsi que la
sui te du passage de Lydus : xai aXXoç ç-rcrtV b ECJ aptOa.bc u/uyoYOvt-
xcc. èaxtv àr:b ÉCaooç, £7;i7;£bcuu.£vcç XYJ xcii xavibç açatpa xai xà èvavxta
bè xaxaxspàvvuatv ' £tc bp.ivctav xai ©tXtav OCYEI, £TC£txa bï Oy£tav u,èv
èu/xotàW xctc, atùp.axt, aup.çoivtav ce èv X6pa xat p.ouatxYJ xai ap£XYjv lv
^uy?) xat èv iroXei syOvjviav, sv x£ xû xxavxi xxpcvctav. Il se re t rouve
p resque mot pour mot dans Nicomaque , p . 144 B, et dans l ' A n o
n y m e , p . 37, et une au t re ci tat ion de L y d u s , IV, 88, offre avec
ce f ragment des points de contac t assez impor t an t s pour per
me t t r e de conclure à la m ê m e origine.
6) càx ê'çG) ck Xcycu TOV le àptOu.bv çaiv£xat xaùxx; (TYJ ^uXTî) ^powé-
ptov ' ^wcYOvtxbç yàp cO-xcç, arec u,ovacoç kZfîq àypt xptâbcç ècj aûxoj
0"j|jt7xX'/;pc'j[j.£vcc xat àpxwv ÉauxàV xai btà xcuxo c IluGayôpaç xrj 7upo)xr;
xô>v Mcipwv TCï-CV àvaxsôetxsv. La première Moire à laquel le P y t h a
gore consacre le nombre b est Lachés is . C'est ce qui expl ique
1. La relat ion du n o m b r e 5 avee les Sensa t ions est s ignalée aussi par Phi lon, plant. Noë (p. 349 M.) 133, Mart ianus Capella, VII, 733. Théolog . Ar i thm. , p. 20 (Anatol ius , a) — et Arist ide Quint . , de music.,\\l, p . 122. Ce nombre est appelé non Eipapuivrj mais NSUSJCç par Nicomaque , p . 144 a, et T h é o l . , p . 31.
UN DTSCOURS SACRÉ EN PROSE DORIENNE 2 0 1
que Nicomaque ait conservé cet te identification, p . 144 H. On
peu t conjecturer d 'après cet te note que les Moires cor respondaient
chacune à un nombre de la décade. E n fait, cela se vérifie pour
A t r o p o s à qui les Théologouména A r i t h m . , p . 5, et J ambl ique
(in Nicom. Arithm., p . 13) a t t r i buen t le nombre 1. Quant à
Glotho, nous ne pouvons p lus savoir quel nombre lui é ta i t con
sacré .
Enfin, une ci tat ion de P roc lus , in Tim., p . 223 E (répétée
p . 340 A, cf. encore p . 224 n), r appor te une notice analogue sur
le nombre 6 à un IljOayopsuov Xsys- que nous pouvons identifier
avec le nôt re : rràX'.v ok ajxbv xa8' sau-bv xbv QXTSCCJ r/.ZT.zJy.vtzi TY;V
piv sic 1% Staipscnv c'.xsiOTxxrjv slW. ~ft 2yjXTt çrfispvt' s m yxp èbrbtç, w;
pAv OTGJV II u6ay opî iwv Xbycç, àvx Xôyov laTTSVTwv aYj'j.£''o) p.èv
p.ovaba, ypap.p.9j 5s boaba, T<7J es STC'-sbia Tp'.abx, :w bk aiop-axt xsxpzbx,
TW bs TXSTUouap.iVO) TYJV Tcsvxxba, TIO cï Sy^v/ap.s'vo) TYJV kesebx, :w cï vespw
T'/jv sTTTaba. — Ce passage nous pe rmet aussi de consta ter que
l'ispbç XOYSç avai t établi un rappor t entre chacun des nombres de
la décade et les différents actes de la créat ion. C'est une doc
t r ine f réquemment exposée dans les t rai tés d 'ar i thmologie que 1
cor respond au point , 2 à la l igne, 3 à la surface, 4 au solide, 5 à
la généra t ion , 6 à la vie, 7 à l ' intel l igence, 8 a l ' amour , 9 à la
l imi te , 10 à la perfec t ion 1 . C o m m e on pouvai t s'y a t t endre , cette
série d ' identif ications avai t été reprise par l ' au teur de l'ispb;
Xsyoç.
7) II, 12: Analogie en t re Apollon et la monade (cf. 11 ,4 : àvx-
©spsTaibs YJ p.oviç sic AziXXo>va, TO'JTS'CTT'.V sic TSV s'vx "HX'.sv s- ATTCX-
Xwv XSYSTXI b'.i xb azoOcv sîvai :wv TCCXXWV). Modéra tus , P lu ta rque
et P o r p h y r e , ainsi que nous l 'avons vu, ont conservé une notice
s e m b l a b l e ; elle se re t rouve aussi dans Nicomaque (p. 143 a .
H) III, 9 : oOsv y. Il'jOaybps'.ci AOYJVX TYJV krrTxbx ivaTÎOsvTa».
xaXouatv aù-Yjv TcapOsvcv 5jsptp.s-3Tpav... Le fragment de Modéra tus
1. i\) Sur les 8 p remie r s nombres : Philolaos dans Théol. Ar i thm. , p. ."»:»; b) sur les (jualre p r e m i e r s : Speus ippe dans T h é o l . , p . 62 Se \ t a**. .Wr. w»a/ / i . , IV,4sq. ; VII. i»'.»s(|.,/»///)./»//r/7i., III, in2. Ilippi»l> te. .Wr. / i ,v r„ IV, a l . e t VI, 28. Ps.-IMuL, r/7. Hom., l i a . Théol. Ari thm. , p . la iNieoma<pie . p. 2à\ Anato l ius , 4, Théou de S m y r u e , p. 101). IMiolius, coi/., 2»0. p . hé.» a; e sur 7 : Proelus , in Tim., p . 108c; il) sur .*>, »>. 7, 0 et 10 : T h é o l . , pp . :il , 7»7 et 61 sq. et Nicomaip ie : e su r 1, 2, a et 10 dans Théol.. p. 2à.
2 0 2 TRAITÉS D'ARITII.MOl.OdIK PYTHAGORICIENS
(cf. Plutarque et Porphyre) nous éclaire sur l'origine de cette note. L'épithète ojâpiiAc-jc-pa a été conservée aussi par Nico-maque, p . 144 b .
9) IV, 9 7 : -api xoî IluOayopdciç Y] C'jàç, (bç Oî'a».v xtvà xai èra^a-Opav TO) ap'.0;;.(b è-iScDo'-x, £A£'J<UVYJ xaA£îxai, b)-; TcpoÉXeucnv èxl xb T:A£ïovxai à'rcsipcv TrapÉycuaa. C'est sans doute pour la même raison que Nicomaque a choisi parmi les surnoms de Déméter, qui convenaient à la fois à cette déesse et au nombre 2, l 'épithète 'EA£U*
XIV'.JC.
10) I, 15 : Le surnom du nombre 10 TcavxéAstaa été rencontré déjà dans le fragment de Modératus. Il a été conservé aussi par Philon, deopif. zn., 47, les Théologouména, p . 63, et Anatolius, 10.
Ce qui caractérise le système arithmologique adopté pa rLydus , c'est qu'il repose sur l'astrologie. Les dieux auxquels correspondent les nombres sont représentés comme des astres. Bien plus, il y a une exacte concordance entre l 'attribution des nombres et la consécration des jours de la semaine à ces dieux astres: le nombre 4 et le 4e jour, par exemple, correspondent tous deux à Hermès. Cette particularité n'est pas une invention de Lydus, malgré ce que les apparences pourraient faire croire ; un examen attentif révèle dans Yhpbçkbyoç lui-même l'influence de ce principe astrologique. Le tableau suivant permettra d'en juger :
1 Jour et nombre d'Apollon — Hélios = Lydus, Nicomaque, Anonyme, Modératus, e t c . .
2 — — d'Artémis — Séléné = Lydus, Nicomaque, Anonyme, Modératus.
3 — — d'Ares = Lydus (pour ce rapprochement, il n'existe plus de concordance).
4 — — d'IIermès = Lydus, Nicomaque, Anonyme. 5 — — de Zeus = Lydus (cf. Nicomaque : Zavbç
rjbpycç).
6 — — d'Aphrodite — Lydus, Modératus, Ano-nvme, etc.
7 — — de Kronos = Lvdus (cf. Lvdus, IL 12, et «/ \ . , 7 7 7
UN DISCOURS SACRÉ EN PROSE DORLENNE 2 0 3
Phi lon , de opif. m . , 99 : vfsp.ùv TG>V rjy.-
ràvTwv : cf. Théol . A r i t h m . , p . 43 , 3 3 :
xoau.oi:oibç bibq)-
D'ai l leurs une notice que L y d u s e m p r u n t e aux Py thagor ic iens
[de mens., I l , 4) p rouve que ces concordances ne sont pas l'effet
du hasa rd et que le pr incipe as t ro logique n 'é ta i t pas é t ranger à
l ' a r i thmologie de l'Upbç XôYGç : /.où TY;V [j.bt r.pùxrp r/.iipav p.iav èx
TYJ; p.ovaoo;, âXX' où TrpoùrjV èx r?;; sj$$o;/.âSsç XXYJTéûCV xaià TSJ ; Ilyfja-
'Yopeiouç où TO [ASVTQV eivat xaî àxoivMvijTCv Ta-;; aXXai;, XTX.
Nous avons eu main tes fois l 'occasion, au cours de cette é tude ,
de citer les Théo logouména de Nicomaque . Ce qu ' i l res te de cet
ouvrage est fort peu de chose : des l istes d 'ép i thè tes et de sur
n o m s conservés dans la Bibl iothèque de Pho t iu s et dépourvues
le p lus souvent de tou t commenta i re . Il n 'y avait pas place na tu
re l l ement dans cet te brève analyse pour des c i ta t ions ; mais nous
avons des p reuves indirectes que Nicomaque uti l isait l-sco;
Xovo;. Les compara i sons ont mon t r é que les Théologouména
a n o n y m e s ne connaissent not re ouvrage que par son in t e rmé
dia i re . Les concordances nombreuses que nous avons relevées
en t re Nicomaque et Modéra tus , L y d u s , e tc . , fournissent la
p reuve d 'une ut i l isat ion cont inuel le et sys t émat ique du trai té
d 'a r i thmologie py thagor ic ien . Il est encore un au t re s igne de
reconnaissance des ves t iges de l l spb; Xôyoç. On aura r emarqué
que dans les f ragments ava ient subs is té cer ta ines formes dialec
ta les dor iennes . Ces formes pour ra ien t donc servir de poin ts de
repère d a n s la reconst i tu t ion de not re ouvrage . Kn voici la liste
par pa rag raphes :
1) TxupaXioo, épi thè te d 'Hél ios . Zotvb; rypyo;, conservé aussi par
P roc rus .
2) 'Psav xai b'.o;j.a7spa, les Théol . A n o n y m e s offrent la var iante
§io|rr)Topa. La forme avec o é tan t plus correcte , nous ré tabl i rons
SwpiaTopa. Ai<rau.oç (ZZ:8IOY;IJIOç).
3) AXTO)—'Exxrav TS xai ipxvviv (correction de 'Epivavl Aioav -
apxTOv, k'Xtxa v.où TTOTI gyOiv su OUOJJLïVXV, ép i thè tes qui se rappor ten t
à la conste l la t ion de l 'Ourse .
Aaa,aTpaij.Y;v—NSSTIV (correction de vasicv)—- lu Nestis d 'Kmpé-
docle . Tpiuap.ov. 4) yjooùaç, (correspondant masculin de )LU\Z'\-.\Z. ép i thè te de
2 0 4 TRAITÉS D'àRITHMOLOCÏIK PYTHAGORICIENS
Déméter) — oi;j.ar(.>p — (ipjjisviTaç? mot omis par l'éditeur de Photius).
5) àijtiOsc-,—Zavbç r.ûp^oç,— àY£{i.cviav. 6) àvy^txav. 8) yjXtTO^vav.
9) "AXcov, — v'jffffyjhav (leçon des Théol. Arithm. préférable à N'jffjYjtsa de Photius).
L'épithète yjXiTo^va indique que l'Upoç Xbyoç avait repris les théories arithmologiques des anciens traités sur la parturition. D'après l 'Anonyme (p. 55) ce surnom convient au nombre 8 parce que les enfants mis au monde au huitième mois de la grossesse ne naissent pas viables (cf. l 'épithète xeXecrcpôpoç appliquée aux nombres 7 et 9 pour des raisons du même genre, Théol. Ari thm., p. 42 et p . 58). Cette constatation nous autorise à reporter à l'iepbç XÔYoç un autre fragment pythagoricien où sont développées des doctrines semblables. Proclus, in Remp., II , p. 33 Kr. : o*. oà II'jOayipEtci TïpoaUvxa'., toç xai 'Opcpeùç xai TOC £7UTa{j.Yjva xai sacnv èv tjikvXe r J.spoctç ib y.£Tak3Xr(0èv arcépp.a TUTTOV xai p.op<pY]v Xap.[3à-v£iv (le fétus prend forme au bout de 35 jours dans les grossesses de 7 mois). La suite du texte du Proclus est en trop mauvais état pour qu'on puisse tenter de le rétablir, mais on peut compléter l'exposé par divers passages parallèles où la même doctrine est attribuée aux Pythagoriciens : Proclus, ibid., p . 26, p. 34 et p . 35 ; Plutarque, de an. procr. in Tim., 12, 6 ; Théol. Ari thm. , p , 39 et p . 47. Censorinus, de die nat., 9. Macrobe, com. in somn. Scip., I, 6, 14. Scholie Iliade T, 119. Anonyme publié par Reitzenstein dans la Berl. Phil. Woch., 1889, p . 624. — Le nombre de 35 jours pour la grossesse de 7 mois, de 45 pour celle de 9 mois s'obtient en additionnant d'une part les nombres 6-8-9-12, de l 'autre 6-9-12-18. Les nombres de chacune de ces séries ont entre eux des rapports qui sont expliqués par l 'harmonique, la géométrie et l 'arithmétique. La concordance des Théolog., Censorinus, Macrobe et Plutarque indiquent un fragment d'un ancien traité d'arithmologie ; la double citation d'Orphée et des Pythagoriciens prouve que ces théories avaient été reprises par l 'auteur de l'spbç Xiyoç et de l 'Hymne au Nombre.
L'examen de certains fragments d'arithmologie conservés par Martianus Capella révèle un genre de doctrines fort semblable à
UN DISCOURS SACRÉ EN PROSE DORIENNE 20o
celui qui est propre à l'Upbç Asys;. La plupart de ces notices trouvent d'ailleurs des concordances dans les fragments déjà reconnus. En voici la liste :
1) II , 106 = VII, 734: attribution du nombre 4 à Hermès. 2) VII, 731 : hanc (monadem) igitur patrem omnium Iovem
rite esse nominatam quod quidem idealis illius intellectualisque speciei vis causativa testatur : = Favonius, de somn. Scip., p . 4 : uni scilicet Iov i ,=Theo l . Ar i thm. , p . 12. Aia S'fAsysv TY;V gsvzcz. Cf. Syrianus, comm. in met., p . 911 a. Proclus, in Remp., II , p . 169 sq. (cf. Nicomaque : Zavb; r.ùp^oq).
A l'identité de 1 avec Cupido, mentionnée par Martianus. correspond sans doute l 'épithète oi\oq des Théolog. Ari thm. , p . 6.
3) VII , 733 : rapport de 3 avec les 3 Moires = Théol. Ari thm. , p . 16. — Favonius, p . 4 ; — avec Hécate == Nicomaque.
4) VII, 736, 737 : attribution du nombre 6 à Vénus et à l 'Harmonie.
5) VII, 738 : consécration de 7 à Minerve. 6) VII, 740 : le nombre 8 correspond à Cybèle : ce rappro
chement qui a son origine dans un essai d'étymologie (v.j$z$, xugr^v;, KugeXy]) est déjà dans Nicomaque.
La tradition de Jamblique concernant la publication de l'Tepb; Aiyc^ est assez étrange. Dans l'Ecole pythagoricienne elle-même, à l'en croire, on ne s'entendait pas sur 1 authenticité de l 'ouvrage. Les uns, il est vrai, l 'attribuaient à P \ thagore. se fiant sans doute aux déclarations du prologue, mais d'autres, que Jamblique appelle d'illustres Pythagoriciens, pensaient que la publication en devait être attribuée à Télaugès, fils de Pytha-gore. Celui-ci l'avait composé d'après les iir.z^r^y.-.x laissés par Pythagore à Damo, sa tille, et transmis ensuite à Bitalé, sa petite-fille, qui avait épousé Télaugès.
Cette légende de la transmission secrète d'ouvrages philosophiques se retrouve dans le remaniement de la lettre de Lysis à Hipparque qui a été étudiée ci-dessus. Il est donc vraisemblable que Jamblique comptait Lysis au nombre des Pythagoriciens illustres qui attestaient cette transmission. Mais Lysis ne dit mot de Télaugès. La partie de la légende cpii le concerne tire
20(3 TRAITéS D'ARITHMOLOGIE PYTHAGORICIENS
donc d'ailleurs son origine. Sans doute Jamblique (ou sa source) l'a-t-il rencontrée dans des lettres d'autres Pythagoriciens, car la littérature épistolaire a fourni dans l 'Antiquité mainte préface à des apocryphes. Il est probable que la lettre de Lysis, sous la forme de sa seconde rédaction, ainsi que d'autres lettres pythagoriciennes, servirent d'Introduction et de caution d'authenticité à l'Upbç Xoyc?» comme elles avaient pu servir auparavant à la publication des ùxcp.Tr^^oi, dont il a été question. Ces « NOTES » doivent correspondre aux trois livres pythagoriciens secrets que, d'après une variante de la légende de Philolaos, celui-ci aurait livrés à Platon1 .
L'attribution à Télaugès avait des partisans résolus, car un traité d'arithmologie, — soit identique à l'Upbç Xôyoç, soit un peu différent — fut publié sous son nom et sous un autre t i tre. Je veux parler des quatre livres du xtz.pl TYJç istpaxTucç que Suidas cite sous son nom. La tétraktys, en effet, ou quaternaire, peut désigner la décade, d'après une formule et une croyance pythagoriciennes répétées un nombre infini de fois dans la littérature arithmologique ( 1 —|—2—|—3-f-4=10). Or, certaines compilations d'arithmologie, par exemple l'ouvrage d'Anatolius qui dépend étroitement de la tradition pythagoricienne, portaient le titre de xBp\ Ssxââoç. Le xzp\ istpax-Tuoç était donc un traité d'arithmologie.
Quant à l 'auteur du faux, on ne peut naturellement le découvrir. Tout au plus certains indices permettraient-ils de deviner dans quel pays et dans quel milieu il travaillait. Il est fort vraisemblable que l'ouvrage fut publié en Italie. Jamblique (V. P . , 152) signale comme un fait remarquable que 1 tepbç Xôyoç avait une grande vogue chez les Latins. D'autre part, la légende qui accompagne la création du faux est d'origine italique. La tradition qui donne à Pythagore une fille du nom de Bitalé est tout à fait isolée et le nom bien italiote de Bitalé indique dans quel pays a éclos cette légende.
On pourrait peut-être préciser davantage. Je situerais volontiers le faussaire dans les milieux néo-pythagoriciens de Rome, ou en général d'Italie, qui cherchèrent très tôt à établir des rapports entre Numa et Pythagore. L'une des sources de Plutarque dans sa Vie de Numa, qui n'est pas étrangère à ces milieux et à ces
1. J;nnl)l . , .r . P., 199. Diog. Laërce, VIII, 15.
UN DISCOURS SACRÉ UN PROSE DORIENNE 2 0 7
préoccupations, attribue en effet à Pythagore des doctrines analogues à celles qu'on trouve dans l'îepsç "AS^Sç. Outre la croyance à un enseignement secret (Plutarque, Xuma, 22 = Jamblique, V. P., 146 et 152), on peut relever comme concordances principales ces passages de Plutarque, VIII, 8 : oùxs yàp exetvo; (b îlufta-yopaç) aiaDvjxbv Y) TxaOrjxbv. àbpaxsv ce/.ai ay.xirrcv y.ai vcyjxbv ù?:E*Asc.j.Jba-vev eivat TO TcpwTov" OJXCç xs (6 Ncjgaç) CI£-/.UA'J?£V ivÔpwTrsstCYJ /.ai Çu)6u,op?ov elxova Osoù 'Pav^abj; VC;MÇSIV ( = Jamblique, V. P . , l o i ) . XI, 1 : aTcog'.goùgsvc; où xb syr^.y. XY;; Y*K w; Eaxia; : :Jî-/;: , àXXi XSJ
aù|AT:avxo xoo-gou, où ;AS<70V Q'. IIuBaYopixci xb - jp ;.cpjcf)a'. vcgQcy?'. y.ai xcuxo Eoxiav xaXouai y.ai gcvâba (=Ana to l iu s , 1 et Théolog. Arithm., p . 7). irrz Philolaos dans Aëtius, II, 7, 7 et Stobée, ecl.. I, 21 , 8.
De même, les Pythagoriciens d'Italie qui inventèrent les rapports de Pythagore avec Numa prêtèrent au réformateur romain des théories arithmologiques, comme le fait la source de Lvdus, de mens., II , 7 ; III, 5 ; III, 10, etc. . .
A le comparer aux autres traités d'arithmologie, on voit que P'.epbç Xbvoç a, sinon inventé, du moins développé extraordinai-rement un genre spécial d'arithmologie. Jusqu'alors cette pseudoscience s'occupait surtout de relever les propriétés arithmétiques des 10 premiers nombres, les particularités de leur composition, leur influence sur les phénomènes naturels. Tel est le genre des remarques d'un grand traité d'époque alexandrine qui fut utilisé par de nombreux auteurs : Philon, Aëtius, les Gnostiques, Clément d'Alexandrie, Anatolius, les Théologouména Anonymes, Macrobe, Chalcidius, Théon de Smyrne, e t c . . Rarement l'ancienne Arithmologie s'occupait des rapports entre les nombres et les divinités ou personnages mythologiques.
L'Upbx, ACYO; exploita cette veine presque vierge encore et il lit. de l"Api8jAYjTix-rj, des HEoACYûûgsva xrj; 'Ap».Q;A/;xiy.f|;. Le premier genre de remarques fut relégué au second plan et le faussaire composa un traité de Théologie aritlimologique. Rien ne peut mieux représenter ce que fut cet ouvrage que la compilation de Nicomaque, dont il ne reste plus que l'ossature d'ailleurs, et qui est composée presque tout entière de noms et d'épithètes de divinités appliqués aux nombres.
Quant aux sources du faussaire, elles sont, pour une part, assez faciles a reconnaître. Plusieurs écrivains pythagoriciens dont les
2 0 8 TRAITÉS D'ARITHMOLOGIE PYTHAGORICIENS
Théologouména Arithm. ont conservé les noms, s'étaient occupés d'arithmologie. Le faussaire n'eut que la peine de recueillir et de disposer leurs théories. Il est vraisemblable qu'il s'inspira aussi du grand traité d'époque alexandrine : mainte concordance avec les auteurs cités plus haut paraît le prouver. Cependant ces concordances font presque toujours défaut quand il s'agit de théologie arithmétique. Il faut donc admettre que ce genre spécial d'arithmologie forme la part d'invention du faussaire.
Si l'on veut pénétrer plus avant et tenter de se rendre compte de la méthode et des procédés qu'il a suivis dans la répartition des divinités et de leurs épithètes entre les 10 premiers nombres, on constatera l'existence de trois influences prédominantes. Ce sont celles de l'astrologie, de la mythologie et de l 'étymologie. Au dieu de ce 5e jour de la semaine, fut consacré le nombre 5, par exemple : c'est la part de la première. On chercha aussi dans les mythes divins ceux qui s'adaptaient spécialement aux qualités d'un nombre : le mythe de la naissance d'Hercule, celui du rôle d'Eole dans la Nature rapprochaient ces personnages du nombre 4 (Théol. Ar., p . 22 sq.) . Mais ce qui fournit le plus de trouvailles, ce fut l 'étymologie : c'est elle qui explique la plupart des identifications : ainsi pour le seul nombre 2, le choix des noms et épithètes Zeus, Diké, Rhéa, Eleusinia, • Artémis, Diktynna, Disamos, Dioné (Nicomaque, p . 143 A et r>), Séléné et Diométor (Théolog., p . 12) n'a pas d'autre raison.
La publication de l'iepb; Xovoç marque donc une étape importante dans l'histoire de l 'Arithmologie. Dans la suite, les deux courants restèrent séparés quelque temps encore : le itspl bex.2-bo; d'Anatolius continua plutôt l 'ancienne tradition, tandis que les OeoACYooiAsva de Nicomaque et de l 'Anonyme doivent à l'Upbç ou zepi ôe&v Xsyo; à la fois leur titre et leurs théories.
B. — Un prétendu Tepb; Abyoç orphique.
(ABEL, Orph., 141-151.)
On s'est plaint souvent du Recueil des fragments orphiques publié par Abel. On l'a trouvé en maint endroit incomplet et inexact, et la révision en a été jugée nécessaire. En parcourant les fragments d'un ouvrage orphique intitulé Tspbç Aôycç (pp.
UN PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORPHIQUE 2 0 9
209-212) il m'a paru que ces reproches n'étaient pas inconsidérés, et en attendant une nouvelle édition, qui ne semble pas prochaine, j ' a i cru utile de tenter une reconstitution plus exacte de cet ouvrage.
D'ailleurs, les fragments avaient besoin d'être expliqués, car ils traitent d'un sujet naturellement obscur et peu connu, l 'arith-mologie. Enfin on peut, par de nouvelles recherches sur les origines de cette publication, préciser l'âge et la valeur des doctrines qui y sont attribuées à l 'Orphisme. En se fiant aux résultats acquis par la restitution grossière des Orphika d 'Abel, M. Roscher a pu écrire tout un chapitre sur l 'arithmologie de l'ancien Orphisme 1. Notre étude montrera que le document sur lequel reposent ses conclusions ne peut pas être compté parmi les œuvres d'inspiration orphique.
Disons d'abord que c'est à tort qu'Abel a donné, en hésitant d'ailleurs, à l 'ensemble des fragments l i l à l o i , le titre de hzz; AOYOç. Il se trouve qu'aucune citation ne le justifie, mais qu'au contraire les principaux fragments sont rapportés à un Vgvc; si; âpiÔgsv. C'est d'ailleurs un nom qui leur convient très bien, à en juger par la comparaison de leur forme littéraire avec celle des autres hymnes orphiques.
Une particularité curieuse de la tradition de cet ouvrage, c'est qu'il est rapporté par les mêmes auteurs, tantôt à Orphée, tantôt aux Pythagoriciens. On serait tenté d'expliquer ce phénomène en disant que la dernière attribution est due uniquement à ce qu'on considérait les doctrines de l 'Hymne comme propres à Pythagore, et que la tradition exacte et primitive est celle qui est la moins explicable, c'est-à-dire celle de l'origine orphique. Mais le fait qu'on trouve les deux attributions dans un même auteur, à diverses reprises, écarte cette conjecture.
L'explication du phénomène doit être cherchée dans la tradition relative à l'.spb; AÔys; pythagoricien en prose dorienne, traité d'arithmologie mystique fort semblable à l 'Hymne au Nombre. Dans le prologue de ce livre ^lambl. . U. / \ , 1 ifi , Pythagore se donne comme le disciple d 'Aglaophamus qui l'aurait initié à la science orphique concernant le Nombre. On trouve
t . Die Ilehdomndonlr/irc der t/riec/i. Idiilosn^hon und Aerzlr ^Abli. iter
phi l . -his l . Kl. (1er Siiehs. tîesollselmlï cler WissoiïM-h., VI, i'.MMi . p . IS sep
Dl-.I.ATTK. — LUI. / »» / / / ! . ( ( / . I»
2 1 0 TRAITÉS D'AIUTHMOLOGIE PYTHAGORICIENS
donc ici, établis entre Pythagore et Orphée, des rapports qui rappellent la confusion des attributions de l 'Hymne au Nombre.
De plus, non seulement les deux ouvrages traitent du même sujet, mais on découvre entre eux de nombreuses concordances dans le détail des doctrines. Leur parenté est d'autant plus étroite que dans le reste des documents orphiques ou néo-orphiques on ne trouve nulle trace d'un système d'arithmologie.
Ces rapports peuvent s'expliquer de deux façons. On peut supposer que l 'Hymne au Nombre fut d'abord publié, que l'iepbç Asysç ful ensuite écrit sur son modèle ; cette hypothèse expliquerait la déclaration du prologue sur la dépendance de Pythagore à l 'égard d'Orphée. Mais ne serait-il pas tout aussi juste de croire que l 'Hymne fut rédigé après l 'ouvrage pythagoricien, pour expliquer et confirmer cette déclaration ?
En réalité, aucune de ces hypothèses n'est pleinement satisfaisante. Dans le premier cas, on ne comprend pas pourquoi on aurait attribué à Orphée un genre de spéculations que l 'Orphisme authentique ignore et que tout le monde savait être d'origine pythagoricienne. Dans la seconde supposition, l'affirmation du prologue reste un mystère non moins inexplicable. Il reste donc à envisager une troisième hypothèse ; ces deux ouvrages sont inséparables l'un de l 'autre, tant à cause de leur sujet que des circonstances qui entourent leur publication. Ils auraient été rédigés et édités simultanément par un même faussaire ; peut-être même ont-ils été réunis à l'origine en un seul livre. Un seul et même auteur a conçu le projet d'un Hymne orphique et d'un Traité pythagoricien se complétant l'un l 'autre et s'expliquant mutuellement. Du même coup, on comprend comment certains auteurs ont pu rapporter l 'Hymne aux Pythagoriciens, bien qu'il portât le nom d'Orphée : se t rouvant pour ainsi dire soudé à une publication attribuée à Pythagore et traitant d'une science propre à son Ecole, la confusion était inévitable.
Reste à expliquer le rapport établi dans ces ouvrages entre Pythagore et l 'Orphisme sur la base des doctrines arithmolo-giques. Devons-nous attribuer cette publication à une secte néoorphique qui, dans un but de propagande, aurait voulu prouver la dépendance du Pythagorisme vis-à-vis de l 'Orphisme ? Je ne le pense pas. Le centre de la publication est non l 'Hymne au Nombre, où le souci littéraire l 'emporte sur l'exactitude des
UN PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORl'llICjUE 2 1 1
doct r ines , mais Ylzpzq Aoycc, qui avai t une al lure scientifique et qui
compor ta i t un déve loppement p lus sys témat ique et p lus é tendu.
L ' au t eu r para î t ê t re u n néo-py thagor ic ien qui a voulu donner
aux doct r ines de sa secte le bénéfice d 'une an t iqu i té p lus reculée
encore que celle de P y t h a g o r e et l 'autor i té éc la tante d 'une révé
lat ion divine . L'.Eobç, Xc*'oc en effet fait r emon te r les doct r ines
a r i thmolog iques ju squ ' à une init iat ion de Call iope, la mère d 'Or
phée . P o u r m e t t r e son projet à exécut ion, le faussaire a t iré p r o
fit d 'une t radi t ion t rès ancienne et autor isée (puisqu'el le pouvai t
se prévaloir des noms d ' Ion de Chios ' et d 'Hérodote*) qui a t tes
tai t des r appo r t s et des influences réc iproques de l 'Orphisme et
du P y t h a g o r i s m e .
La da te de la publ icat ion et l 'origine de l 'ouvrage sont déter
minées pa r celles de l'.Epb; Xz^zç que nous avons examiné p récé
d e m m e n t .
Le pr inc ipal f ragment se t rouve sous sa forme la p lus com
plète dans Syr i anus , comm. in. Arisé. met., p . 893 a 19 :
xw; ouv y.ar' rjioùç (isùc. IlyQayspstojçJ 'jzéarqv.z xi z'izrr ZZ'JZ -.r,z,
àX/jOstaç, cp'.XoBsagcvaç ; VOY-TGJç JJLSV y.*' ZZZZZZ'.VMZ iv T<O aJxî^.x.),
vospà)^ CE y.at bsxab'.xw; sv SyjjAisjpynup vco '
T"p3£ttr. yàp o OECOç àp'.0[i.b;
gouvasoc EX xsuQgoWoç àxyjpaTCU, è'<r: av lv.rtzx'.
Tîxpab'=7:1 aOÉYjv ' r, zrt TEV.E jAYjTEpx T:JCVTO)V
7cavo£*/£'a, 77p£a(3£'.pav, 'ipsv 7~spi TTXœL TiOsisav
aTpsTcsv, àxx(JLaTY)v " zzv.izx vXzizjzi ;j/.v àyvYjv
àOavaxsi TE Ose», y.a». yrjyEVÉE; 3ÎvQp<i>~5'.
XÉXsy.Tai gèv O'JV Tcav xb àXr;0È£ TCoOayopEdo- TE xyl Èpç'.xô);.
Gomme on le voit, l ' auteur ne cite pas le nom de l 'ouvrage ; il
ne se prononce pas non plus sur l 'origine pythagor ic ienne ou
o rph ique . Mais P roc lus , chez qui se lit le même fragment {in
Tim., p . 2(19 b) , l ' emprun te à un H y m n e pythagor ic ien au
N o m b r e . Il y revient [in lienip.. II , p . H>9 \\.\ pour en citer
1. Ion de Chios dans Diog. Laëroe, VIII, S, et Clément d'Alex.. Stnun.. 1,21, 131.
2. Hérodote. II, SI .
2 1 2 TRAITÉS D'ARITHMOLOGIE PYTHAGORICIENS
quelques vers et l'ouvrage porte cette fois le nom d'Hymne orphique. Le fragment est accompagné d'un commentaire très important qui en donne une sorte d'interprétation allégorique. Proclus en cite encore plusieurs vers en divers endroits (m Tim., p. 90 d (vers 1 à 5), p . 155 c (vers 1 à 3), p . 212 a (vers 1 à 3 ; vers 4), p . 399 e (vers 4-5). Enfin Syrianus paraphrase et commente le second et le quatrième vers, ibid., p . 911 a et p . 915 b .
Toutes ces citations étant accompagnées de commentaires qui paraissent les interpréter assez librement, il convient de rechercher s'ils s'inspirent de passages de l'ouvrage que nous ne possédons plus, ce qui nous permettrait de les considérer comme de nouveaux fragments ou s'il faut les tenir pour des interprétations arbitraires de Syrianus et Proclus .
La monade est appelée tantôt la cause originelle (Proclus, in Tim., p . 269 b), tantôt le principe intelligible ou le vouç même (ibid. et p . 212 a ; Syrianus, p . 911 A). Elle est considérée encore comme le principe démiurgique, qu'on peut aussi appeler Zeus (Proclus, in Remp., I, p . 109 ; cf. in Tim., p . 282 E. et p . 61 G, Syrianus, p . 911 A) et comme le dieu-père (Proclus, in Tim., p. 90 d).
Le caractère néo-platonicien de ce commentaire ne doit pas nous le faire rejeter. L'origine même de l'ouvrage permet de croire que les influences néo-platoniciennes ont dû être prépondérantes. De plus, l 'interprétation présente les mêmes traits généraux chez les deux commentateurs, Syrianus et Proclus, de sorte qu'elle paraît avoir une source commune, qui ne peut être que l'ouvrage lui-même. On relève d'ailleurs des traces de la même philosophie dans lispcç Xoyoç dorien, le frère de l 'Hymne au Nombre (fragments cités par Syrianus, in Met., p. 902 a et 912b. Jambl . , in Nie. arithm., p. 10. Hiéroclès, com. inaur. carm., v. 47). Dans le cas présent, l 'interprétation des différentes valeurs de la monade se retrouve dans tous les auteurs qui ont utilisé Tlspoç Xoycç. L'identification avec le vouç est connue de Nico-maque (Photius, bibl., p. 143 a) et des Théol. Ari thm., p . 5 et 6 (cf. Macrobe, Somn. Scip., 1,6, 8, Chalcidius, in Tim. 39 ; Alexandre, in Met. Arist.,p. 985 b 26 ; Théon, expos, math., p . 100; Favonius, Somn. Scip., p . 3 ; Anatolius, 1).
Les Théol. Ari thm. , p. 5, lui attribuent aussi un rôle démiurgique, et son rapport avec Zeus n'est pas ignoré de Tlspoç AÔyoç
UN PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORPHIQUE 2 1 3
(Théolog., p . 12 : ACoq p.vjTî'pa, Aia. c'cXsyov TY;V p.cvdca ; [la source de ce passage est Nicomaque, p . 143 b] ; Nicomaque, p . 143 a = Zavb; Tcooycc ; Martianus, VII, 731 ; Favonius, Somn. Scip., p. 4). ' '
D'après les mêmes commentaires, le quaternaire symbolise l'âme (Proclus, in Tim., p . 212 a), l 'apparition de l'intelligible (Proclus, ihid., p . 260 b ; Syrianus, p . 893 a). Elle représente aussi la Divinité dionysiaque (Proclus, in Bemp., II , p. 160 i et le dieu-père et créateur (id., in Tim., p . 96 d).
Plusieurs de ces identifications se retrouvent dans les auteurs d'arithmologie : le rapport du quaternaire et de l'âme dans Aëtius, I, 3, 8; Hiéroclès, in. aur. carm.,\. 47 ; Théon, expos., p . 98, et Lydus, démens., II, 9 (qui le tient de l'-spcç, Xcysç cité en ce passage); le nom de Dionysos, dans Nicomaque, p. 144 a : les formes doriennes des surnoms qui accompagnent le nom du dieu indiquent un emprunt à l'ispc; Xcysç- C'est aussi la même source que cite Hiéroclès [in aur. carm., 47) pour établir l 'analogie du quaternaire avec le dieu-créateur.
La décade est appelée xccrp.cc, (Proclus, in Bemp., II, p . 169 ; in Tim., p . 212 a, 269b, 330 b) comme dans Nicomaque, p . 145 a, et les Théologouména, p . 59 (cf. Syrianus, in Met., p . 015 b ; Asclépius, in Met. Arist., p . 35, 17, H).
A cette interprétation se rattache la notice qui rapporte la décade au démiurge (Syrianus, p . 893 a; p . 015 b. Proclus. in Tim., p . 269 b , 96 d et 332 F). Les passages suivants montrent comment elles dépendent l'une de l 'autre ; Proclus, in Bemp., II , p . 169 : [yj p.ovàç TYJ; 5]r1[i.'.s
,jpy//.y]ç XITIXç TCV xc[crp.cu]. C». Y;V /.a», c xcapcc, 5sxdç, TYJV èv TYJ ;J. cvxci zîp ' . C*/YJV TMV î : : é v civï iov è^a7cX[ wjaaca y. ai ~= p a iwcaca :b ZXYJOCç : : v.z zj.r/.z v = Syrianus, i/i Met., p. 915 b. T<Ï)V OîMOV àvcpciiv cs/.dcx TCV C'CY-.TC/.CV
eiTCCVTwv àpiOp.cv wç xcjp.iy.cv zxpdc£cyp.x /.ai cpcv r.iz\ zac. TîOivTx /.al
bit (oazep Y) cexàç èvxc^ ajxYjç ïyv. zâvxa TCV àp'.Opbv TCJTCV TCV
T p 6 TC o v x a i Y; V c s p à c rt p. I c y p y l a z a v T a Z p c £ i X Y; ç £ v £ v £ a y T Y; T à TWV xôapaov SïCYJ (cf. Philon, de déçut., 23, et Lydus, de mens., I, 15). De ces comparaisons, il résulte que nous pouvons considérer le commentaire de Syrianus et de Proclus comme représentant la tradition de l 'Hymne au Nombre. Les notices apportent une contribution importante à notre reconstitution.
L'idée développée dans ce fragment de six vers si souvent
21 i TRAITÉS D'AUITIIMOLOGIE PYTHAGORICIENS
cité forme un des lieux communs des traités d'arithmologie. C'est une théorie spéciale de la formation des nombres. Le nombre 10 est considéré comme terminant la première série numérique et, la suite des nombres s'obtenant par la répétition du même processus, la première dizaine est comme le modèle et la génératrice de tous les nombres. Mais 10 lui-même est produit directement par le quaternaire : car suivant une formule fréquemment citée la somme des nombres de 1 à 4 est précisément 10. Ainsi le développement des nombres de 1 à 4, procédant par addition de l 'unité, suffit à expliquer la dizaine et par elle tous les nombres.
La plupart des termes, étranges à première vue et inexpliqués, du fragment poétique s'éclairent par la comparaison avec les passages parallèles des arithmologies. La monade est appelée x£u8p.ù)v àxYjpxxoç. Le surnom XEUGJAWV ne se retrouve pas, que je sache, dans le reste de la tradition, mais il a des équivalents. Nicomaque, p . 143 a, appelle le nombre 1 Xacç, axoxtocxa, yjxay.a, Tapxapcç,. Il ajoute xal Siûva 8è abxrjv xEpaxcAoYOoai xai ©ptxwbtav xai àp/Bav xai jbapaOpov ùTCO^OOVIOV, et on retrouve la plupart de ces épithètes dans les Théologouména Anonymes, p . 6. Le mot àp.i?(a correspond à àxrjpaxcç. Le « gouffre où il n 'y a pas de mélange » représente le Chaos cosmogonique, la matière originelle et unique qui a donné naissance à tous les êtres comme la monade engendre tous les nombres (Théol. Ari thm. , p . 6 ; Orph. fgta, 37, 38, 52 Abel).
L'épithète ZzQé'q appliquée au quaternaire est commentée par ces mots de Nicomaque, p . 144 a : rj CE isipàç icaXtv auxcic; 6a0p.a ;jLsviffTCv, aAATj OEGç TTCAUGECç, [AXAAGV ce TcavQsoç. Elle provient peut-être de l'identification avec Dionysos, car 'ÇiQeoq est une épithète de ce dieu (Bruchmann, Epith. deor., p . 85 a).
Le nombre 10 enfanté par le quaternaire par un processus sur lequel l 'Hymne garde le silence mais qui est expliqué ailleurs, porte le nom de mère de tous les nombres. Nous trouvons une conception analogue dans Nicomaque, p . 145 a, et les Théologouména, p . 59. Plusieurs épithètes de l 'Hymne orphique se rattachent à cette idée : xcavcsysôç; « celui qui reçoit tout » est expliqué par ces mots de Philon, de decalog., 23 : SoxcOax [AGI ci Tcpûxci xà cvc[AXxa xctç TupaYlAaox GéVXEç,, — acçoi yxp ^aav, — EIXCXGX;
aÙTYjv ::pc7XYcpsuax'. Bsxaba coaravsi CEyaba cucrav rrapà xc Sr/saGai xai
L'N PRÉTEND!" DISCOURS SACRF:: ORPHIQUE 215
xsyojprjxsva'. -y. ycvyj TcôVra TGJV àpiOpiôy xai Asywv TGW xaT àpi6;j.bv xai
àvxXoyiwv àpy.ovuàv i£ au xat ayp.0Gma>v, qui reprend ici une idée de
Phi lo laos , comme le p rouve la ci tat ion de L y d u s , de mens., I, 15 :
opOwç ouv auTï)v b dHAoAas; osxaoa (1. csyaca) TcpccYjycpsuasv w; CEXTI-
XYJV TOU à^sipsu. L 'ouvrage de Phi lo laos paraî t donc avoir servi ,
d i rec tement ou ind i rec tement , à l 'é laborat ion de l ' H v m n e : nous
avons vu a i l leurs qu ' i l figure aussi pa rmi les sources de l i s e s ;
AS yo;. Modéra tus (qui connaî t no t re publ icat ion apoc ryphe ; justifie
aussi le mot osxa; par l 'é tymologie ssyaç P o r p h y r e , V. P., 52 .
Cf. Ana to l ius , 10, et Théol . A r i t h m . / p . 59 et 28) . De là p ro
v iennen t encore d ' au t res su rnoms du nombre 10 : Ssysîsv (Théol .
A r i t h m . , p . 60, 21 : ?câvT0)v TS Asywv spxs; TS y.ai rrsp'XAS'.T'.; y.a!
ooysTov) et SSXTIXôç (Asclépius , com. in Arist. met., p . 35, 17 H ) .
C'est pour les m ê m e s raisons que le nom de Travssysuç se t rouve
appl iqué à la monade d a n s Nicomaque, p . 143 a, et les Théo l . , p . 6.
Les t rois nombres les p lus impor t an t s de la dizaine sont 1, 4 et
10, et ils ont à peu près la m ê m e valeur et le même rôle dans la
formation des n o m b r e s , su ivant les concept ions py thagor ic iennes .
Auss i ont- i ls en c o m m u n plus ieurs ép i thè tes . La décade en par t i
culier por te d ivers s u r n o m s de la monade : 0sec, "ATAXç, HA-C;
( tous trois dans Nicomaque) , âxa[j .a;(pourl dans Lydus , de Mens.,
11, 6 ; pour 10 dans Nicomaque et H y m n e , vers 5), "Acpe-c; (pour
1 dans Théol . A r i t h m . , p . 5, et J a m b l . , in Nicom. Arithm., p . 13 ;
pour 10 dans l ' H y m n e , v . 5) . La même confusion s'est établie
dans l 'a t t r ibut ion du mot TcavBoysjç. Aussi s'il fallait choisir en t re
les deux leçons Tcavocysù; et rcavos-/sJc, j e me déciderais pour la
première qui est celle de Nicomaque , des Théologouména et
d 'une ci tat ion de Proc lus [in Tim., p . 269 b) qui représente un
m o t c o n n u .
Le n o m b r e 10 place auss i une borne à la première série des
n o m b r e s , et par là il dé te rmine et l imite l'Infini des choses : l ' ex
pression de l ' H y m n e : epev rspi r.xzi "Aiiizx est expl iquée par
L y d u s , de mens., I, 1 5 : r, csxà; ~\rtprt; xp'Jrj.z; sacv, :0sv xai rrav-
TsTUia xaAsÎTXi, Tcâja; Ta; issa; T<7>V àX/aov àpt0;ji(7>v xai Xsycov xai
àvaXoy.wv xai crj'j.p(.)vu7>v r.zp'.iyz'jzx ' yv<.'>;ji<i>v yàp sv c:T; CJC.V STT'.V
ft âsxà; TcavTa yxpx/.v^piZzjzx y. ai t z i M ; T Z S V S X â T T <O X-ZIZZV
opiçouaa XTX. (cf. N icomaque , p . 145 a ; Théolog. A r i t h m . ,
p . 59 et 60 [îravrcov TS Xiywv spxc; TS xai -spixXsuiçJ et Phi lon , de
decalog., 23) .
2 1 6 TRAITÉS D ' A R I T I I M O L O G I E PYTHAGORICIENS
L'épithète r.picfiîipx ne trouve pas d'équivalent; elle n'a pas d'ailleurs de signification arithmologique précise. Par contre ay.atj.2Tv; correspond à xv.xy.xq 0 î6ç (Nicomaque, p . 14b' a; Théol. Ar i thm. ,p . 39) "Azpoxoq se trouve appliqué ailleurs à la monade (dans Théol. , p. 5, et Jambl . , in Nie. Arithm., p . 13) : c'est l'une des épithètes communes aux nombres 1 et 10. Le sens en est expliqué par les Théologouména.
A mainte reprise, nous avons constaté les concordances du de mensibus de Lydus avec l 'Hymne Orphique. Parmi les sources de cet ouvrage ligure Yiepoq hbyoq : il est donc à présumer que l 'auteur a connu aussi l 'autre apocryphe, qui en est inséparable. C'est à l 'Hymne au Nombre qu'il faut rapporter les citations d'Orphée dont la forme poétique et la teneur arithmologique écartent l 'hypothèse d'une autre source :
II, 6 : 'Opzozbq bè TOV iva JtptOp.ov àyuiéx y.aAst TOUTSCJTLV àfjispr], obbèv yàp ~<*)v [J.spwv TOU àp'.Op.oD' Tuepi ab-bv, ciry Y^.ti/aov, obx. STaipurov* i£A£'.c; èîTsl OAC; — On ne retrouve pas ailleurs, à ma connaissance, une notice semblable. Mais pour l'expliquer les passages parallèles ne manquent pas. 'Ayuteuç « le dieu des chemins » est un surnom d'Apollon, et il a été choisi pour la monade à cause de la mauvaise étymologie qu'en donne Lydus. Or l'identification d'Apollon avec le nombre 1, soit pour des raisons mythologiques, soit plutôt à cause de l'étymologie (oVrcb TGW TTOAAGW) est connue par de nombreux auteurs (Nicomaque, p. 143 a. Modéra-tus dans Stobée, ecl. phys., I, 20. Proclus, in Tim., p . 168 c. Jamblique, in Nie. arithm.. p . 23. Lydus, II, 4, etc.). La plupart de ces témoignages ont une commune origine, l'îepoç Aoyoç. D'après une autre note de Lydus, II, 12, on peut croire que l 'Hymne orphique s'était arrêté lui aussi à chercher des rapports entre 1 et Apollon.
Dans Nicomaque, nous trouvons àyuisuç parmi les surnoms du nombre 9, à côté d'autres épithètes d'Apollon. Les nombres 1 et 9 ont ainsi en commun divers noms de divinités comme TIATOç,
IIpG;j.Y;0£J; (•= 1, Théol., p . b) et les surnoms d'Apollon (Théol., p . b8, et Nicomaque, p . 14b a).
La signification que donne Lydus au mot àyuisbç pour expliquer son rapport avec la monade le rapproche des autres épithètes ày.YjpaTs; et xp.qix que nous avons rencontrées plus haut.
I, 1b : bpOûç cjv aÙTyjv (TYJV bv/.xbx) h dHAsAaoç bV/.aca (lisez bsyaba.
UN PRÉTENDU DfSCOURS SACRÉ ORPHIQUE 2 1 7
Cf. Ph i lon , de decad., 23 [même source^, et Modéra tus dans Por
p h y r e , V. P., 52) TCp5ï/)Y3p£'J!7SV, tôZ 3£7.Tf/.Y;V 70U 277£{pGJ, 'OpGSJÇ, S£
XXOOOLT/CV, èç r;; wa£t xXoost Tivkç izy^zzz ci op'.Ogrà ry'svTO'.. L 'épi thè te
xXoocàr/sç, celui qui t ient et de qui sor ten t tous les r ameaux f 'c-
à-d. appl iquée au nombre 10, tous les nombres ] n 'est pas con
nue pa r d ' au t res c i t a t ions . Mais le nombre 10 est appelé quel
quefois xXetSoîr/oç (ou xXsCsuycç zrtz ZùZZIùZ) « celui qui t ient les
clefs de la Na tu re ». C'est une épi thè te d 'origine rel igieuse cf.
Orph . , hymn. Hecat., 7 : r.xvzoz V.ZG\J.Z'J v.Wrtîz\jyzv zvtxzzxi, et hymn.
Proth., 5) qui fut t r anspor tée plus ta rd à l ' a r i thmolog ie . Le qua
te rna i re en fut auss i décoré en raison de son identi té avec le
n o m b r e 10 (Nicomaque , p . l l l a ; Théol . A r i t h m . , p . 22 ; cf.
Théon de S m y r n e , expos., p . 93 . On devine la confusion qui s 'est
p rodu i t e . L y d u s (ou sa source ?) t r o u v a n t le mot XXXGGJVC; pour
xXaBoo^oç) dans l ' H y m n e orphique , en aura cherché une é tymo-
logie. La p lus s imple , qui t i ra i t le mot de xXoco ; = rameau ,
donna i t un sens accep tab le . Mais sans aucun doute v.\xzzïyzz est
u n e forme dor ienne pour vj^zouyzz = xXstGSJv:;. Pour qui con
naî t la c o m m u n a u t é d 'or igine de l ' H y m n e au N o m b r e et de l L p b ;
XOYOç, il est évident que la forme xXxbcjyc; provient de l'.scb;
XôYOç dor ien . Le faussaire aura repr i s cette forme dans l 'Hymne
orphique sans se laisser a r rê te r par la diiférence de dialecte. Ce
détai l semble prouver , de m ê m e que les considéra t ions dévelop
pées au débu t de cet te é t ude , que le centre de la publ icat ion est
bien Yizpbz Xôyoç et que l ' H y m n e fut écrit seulement pour contir-
mer la déclara t ion du pro logue .
Abe l (fgt. 115) a voulu r a p p o r t e r a not re ouvrage un fragment
orphique conservé par Lydus , 1 1 , 7 : xoi zpz'.z T.ZMZV. V.XZ Opzzx
éçe^XaarrjC-av xpyx: 'TY;; yzvizzwz}. Nui; x^i Lr; v.xi ( )ùpav:«, OîcTr; zï TWV
SV Y£V£ff£l Tolx Y£VX, CJ0XV.5V XX'i ZTJS'Z'.Z^ V.xl 70 [J.ZZXZJ 7C'J7(I)V' ZZ'.X ZZ V.X'.
TYJÇ ÙUyftÇ. 72 XUp'.0)7272, XsY'.xÔv, OUUV.XOV, irr'.Oj'J.^T'.XGV.
R e m a r q u o n s d ' abord que la ci tat ion n'a pas l ' ampleur que lui
donne l ' é tendue de cet ex t ra i t : tout au plus peut -on y com
prendre la phrase Qs(»v O£ — TSJVMV.
La r e m a r q u e sur la division de l a m e lui est tout à fait é t ran
gè re ; rappe lons aussi que la division adoptée par l ; .£p:; X ; ; : : ,
qui a dû être celle de l 'Hymne orphique , est la su ivante : 72 72:
Y-lT/rjC, CT/jp 17120:72 ZÏZZXOX £77'.' VC U7, £T7».77Y;;2Y;, ZZZX, X'.z'i^Z'.Z' 'IJ'/X \'XZ
2 1 8 THAITKS D ' A I U T I I M O U M I I K l'VTHAUORIClKNS
àvQpcoTccu, G)- IluOxyccccc èVr, CTTL Tîxpàyavcv cpOcvo'mov (Lvdus , de
mens., II, fi).
Quant à la notice sur les trois pr incipes et les t rois gen res
d 'ê t res divins , je ne pense pas qu 'on doive la r a p p o r t e r a l ' H y m n e
orphique . Outre qu 'on ne t rouve rien de semblable chez les
au t res au teurs , elle n'est pas dans la note habi tuel le des doctr ines
ar i t l imologiques des deux apocryphes , où les r appor t s ent re les
dieux et les nombres sont toujours conçus sous la forme d 'une
identification. El le paraî t être p lu tô t une r emarque de L y d u s ,
lu i -même (ou de sa source) r é suman t des doct r ines d ' au t res
ouvrages o rph iques (cf. Abel , fgta, 30 et 3 1 , etpassim) L
P a r cont re , je voudra i s a t t r ibuer à l ' H y m n e orphique un frag
men t oublié par Abel et conservé dans une not ice de Syr ianus ,
in Afe7.,p. 842 a : àXXà xav uiav Xèyo^sv sîvat TYJV TcavTaiv àp^Yjv xal
Oîbv XJTYJV YJ xàyaÔcv YJ sv 7cpoaayTp£'J<,)u,sv, xav buo, Trspa; xal àxsipiav
(ô: èv 'L'.Ar^G) IlXaicov xcà Txpb XVTOV dVAoXacç aùxà; ovc;jiaÇovTEç Y) p,ov de
çà xa i cvaba , toc ci TCXEICTTC TWV HuDayopE ia>v Y) AlOépa xa i
X à c ç , (oç 'Opç>£<jç YJ TcpocTÉa ^1. Rpa i la rrrz Hpavr/sa) xaî cuaSa, toc;
XJTCç c Il'jOxvipxç àv TOJ Ispo) Acyo.). La ci tat ion d 'Orphée est
comprise ici ent re deux notes ar i t l imologiques , don t l 'une est
préc isément emprun tée à l 'un des apocryphes . Le nom de Chaos
se t rouvai t appl iqué au nombre 2 dans l'ispbç XCYOç : Sy r i anus ,
ihid., p . 931 a : TYJV àcpiaTcv budéca YJV Xxoq o HuOaycpac; èv xô Iepoî
Acvo) XéX/,YJXE. U n e notice conservée par P roc lus , in Tim., p . 54 d :
àXX sec si xai p.sxà TYJV piav aixiav YJ cuàç TWV àp^oiv av£©avYj xai èv
TavTcaç YJ p.cvàç xpsiTTWv TYJ:; b ' j a b c ; Y), el ^ouXoto *A£Y£iv èpç i -
XG>;, 5 AIOYJP T c v X a c o ç X T X . p rouve que les deux pr incipes
auxque ls Orphée appl ique les n o m s d 'Aether et de Chaos dans la
première ci tat ion de Syr ianus sont bien les deux p remiers
nombres . La signification a r i thmologique de ce f ragment é t an t
ainsi é tabl ie , de même que sa pa ren té avec les doct r ines de l'Ispbç
Xcycç, l 'origine n 'en est pas douteuse .
1. Je suis forcé de faire la même r emarque pour un fragment o rph ique cité par Proc lus . in Uemp., II, p . 121 K r . , que Rohde (Psyché, II, p . 408, n . 2) veut r appor t e r à l 'Vuvd; v.ç àpi6[j.ov : xoc xrjv |j.£ytaTY)v Gsôv 'ExàxYjv va -Épaxa xo>v v'Y.o'S'X'.tw Tjy/.Aîiouaav /.ai ô'.à XOJXO xXrj5ouyov à;:o/aXoyu,;VY)v xà 8OJ8I-
y.axâ çr(cfiv ô HxoAoyo; xou /.oae.oj /.Xripwc/acfGa'.. On ne peut reconna î t re dans cet te citation une doct r ine a r i thmologique ; d 'a i l leurs Pépi thè te z.Xrj8ou-/oç étai t réservée aux nombres 4 et 10 et les t ra i tés d 'a r i thmologie ne s ' é tenden t qu 'aux dix premiers nombres .
IJX PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORI'HIOI U 2 1 9
Les -Théologouména Anonymes citent plusieurs fragments orphiques qui se rattachent à notre sujet. L'une de ces citations constate l'accord des Pythagoriciens (^vraisemblablement Lises; Xivo;) et d'Orphée, sur un détail de doctrine, p. 3b, 3b : z-.\ rr,v ïqtôzt. sXo;j.éXsiav zpssr.Yspsjsv si lluQavss'.y.si Ax-.xy.z\zJ)zjy-.zz OsssT... L'auteur estime que les « Pythagoriciens » s'inspirent d'Orphée. Il connaît donc la profession de foi orphique du début de l 'izzzz
XOYO;. Ainsi, nous pouvons rapporter cette doctrine à l 'Hymne au Nombre. Les Théologouména présentent sous forme d'hypothèse deux explications de l'épithète z\z\i.i\z\z. Klle convient au nombre 6 parce que seul entre tous les nombres de la décade, il est la somme des quotients obtenus en le divisant successivement par tous ses diviseurs exacts plus grands que 1 : ce que les arithmologies résument d'une façon inexacte en disant que ti est la somme de ses parties (de bXoç et 'j.i\zz. membreJ, OU encore parce qu'il y a six intervalles dans la musique de l 'Univers, produite par le mouvement des 7 sphères (;J.S"AS; = son. musique,). La forme hypothétique de ces interprétations montre assez que nous avons affaire ici à l'exégèse d'un commentateur et non à une paraphrase de l 'Hymne orphique. Il n'en résulte pas d'ailleurs que ces explications soient inexactes. L'auteur des Théologouména pouvait encore se renseigner aux sources mêmes de l 'apocryphe et il est probable que ses conjectures correspondent à la réalité.
Ce passage des Théologouména est emprunté à Nieomaquo: sa notice correspondante se trouve malheureusement réduite à deux mots dans l 'analvse de Photius, p. N i b : y.x\ XZJ.ZW;.X AX:
o-jXs|i.£A£ia. Ici s'est conservée la forme la plus ordinaire du mot qui est précisément celle dont la prosodie convient à l'hexamètre.
Le fragment I i7 des Orphikn d'Aboi a été, dans ce recueil, isolé du contexte. C'est à tort. Voici le passage en entier. Lydus. de
mens., IL 11 : y.x\ XWZZ zr.7v/' z ïz xz'Jij.'zz •Ij'/z-ze.y.zz :T:'.V XT.Z
zz)x"boz ÏTZIT: zzoù\j.zyzz TYJ TSJ r.xvzzz zzx'.px AVÀ SX vtx^-.'.x zi y.xzxy.ipxy-
vu<nv" £'.£ b'izvc.xv y.xl oOJ.xy x\'z>., ï-i'-x :£ JvAav J.èV ï-j.-z'.ù'e* zz\z
GWAXzi, G'j'j.zMvixv C£ iv A'Jc* AX\ •j.zji'.v.f. v.x\ zzizr.j iv 'vj'/r', -/.ai £V
rSkv. ejQYjviav £v T£ TO") r.x^S. -p'ytz\xy. <>()£•, AX\ Dpzuz ~ip: izxzzz
Tauxa ©r.oV
ïXaO'., y.Jb'.'S ip'.Ojj.i, ~xzzp \j.xy.xzuw, r.xzzp ÎVîCMV.
2 2 0 TRAITÉS O ' A R I T H M O L O G I E PYTHAGORICIENS
Il est év ident que l 'exposé des premières l ignes est p résen té
comme l 'explication du f ragment orphique . D 'au t re par t , on
re t rouve un déve loppement analogue dans Nicomaque , p réc i sé
men t à l 'endroit où nous avons consta té p lus hau t une ut i l i sa t ion
de l 'Hymne orphique , p . l i i b : *, Ss kb]iq elboq zïbouq auxû alxio-
Asyslxai xal xrj tyu%?i [J-ôvcq àpiO;j.bç àp'AoÇwv xal Sr.ap6pa)(nç xou 7uavxbç
ty'jycxoizq xal n^q Çamxrjç S'ÇSMç sptTroiYjxixrj (TCapo *al ^Çaç). [Expl ica
t ion des mots obscurs de L y d u s : onze ÉÇdSoç] xal àpjjiovla xal oiXe-
p.£A£ia* aXXà xal ÇuyXziq xal çiXoxYjffta xal eiprjvyj xal <ptXla xal ôyela
àx;j.o')v XE xal àXr Gcia (cf. l 'exposé ident ique des Théolog. A r i t h m . ,
p . 37). Les deux passages se complè ten t l 'un l ' au t re . Nous p o u
vons considérer tou t ce déve loppement comme u n e pa raphrase
d 'un fragment de l ' H y m n e Orph ique .
S impl ic ius , in Phys., I I I , p . 453 , 12, c i tant u n vers semblable
à celui du passage d e L y d u s , l ' i n te rprè te c o m m e s ' app l iquan t au
n o m b r e en généra l et non au n o m b r e 6 : cl IIuGayopEicH xbv àpi6p.bv
xal SAOK xà p.a8r]|jt.axixà voEiaQai [J.èV xa8' sauxd ©aox, p.rj 6a?£<7xdvai Se
y.aO abxd, aXX èv xofç alcrÔYjTotç eîvai çajiv' oh v à p brj EXSIVOV, ov
'JJJLVCOVTêç X iYouai"
XEXXUGI, X'JS'.IA' àptOp.£, Tudxsp [/.axdptov, Tudxsp âvSpwv,
OùSE ovap "iTurcao-cç àçwptuaxo icapaSeiY{Aa xcpwxov OTcdpvyiv xrjç XOCTJJLC-
Tîoùaç.
Ce vers est expl iqué i d e n t i q u e m e n t m Phys., VI I , p . 1102, 2 0 :
àp».6[j.cv SE XY;V oiaiav EITCSV xoiç IIuGaYopsioiç âxoXouÔwv OLpyjxq xûv
cvxwv AÉYouat xoùç àpiQîxcùç, xéxXuOi — àvSpwv xal âpiGpLâ 8s XE irdvx
S-IOIXEV et m /IWsL de Caclo, p . 580, 1 4 : SIOTI xal xaxspa ;j.axdp<*>v
xal àvopaW xbv àpiOffcv ICJUJJ.VOUV xal àp'.Ôpiw os XE Tîdvx' ETTECIXEV SXSYOV.
Proc lus a compr is de la m ê m e maniè re le dernier hémis t iche :
in Tint., p . 6 A : oùx dpa SpGûç ' ApiGxczéA'qq Asyaiv ôxt xoùç apiG{j.oùç
EV xoiç alffÔYjToîç ol avopsç SXIÔEVXO. rSùq yàp : ol xbv àpi8[J.bv upLvoîiv-
xsç TîaxÉpa [/.axàpwv xal avSpwv. . . xxX.
Ce f ragment p rov ien t ce r ta inement de l ' H y m n e py thagor i co -
orph ique . Les express ions ù^VOUVXEç, ècjupivoov ne laissent aucun
doute à cet égard . On a supposé que nous n 'av ions ici qu 'une
var iante du vers connu par la ci tat ion de L y d u s ; mais il faudrait
adme t t r e une e r reur d ' in terpré ta t ion de la pa r t de l 'un ou l ' aut re
au teur . La difficulté se compl ique pa r une var iante de tex te :
xÉxXu8i= ïXafh. Il est beaucoup p lus s imple de supposer que la
UN PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORPHIQUE 2 2 1
même formule a été employée, avec une légère différence, pour le nombre 6 et pour le nombre en général. Cette formule n'est d'ailleurs qu'un des nombreux clichés de la poésie néo-orphique (Hymnes orphiques, XIII, 1 ; XIV, 9 ; XV b, 7 ; XVII b, 2 ; XXV,
I , cf. XLVIII, 1 et fgt 235 (à Zeus), de sorte que le compilateur qu'était notre faussaire pouvait ne pas se faire un scrupule de la répéter.
Dans deux passages de Simplicius cités plus haut, à la suite du fragment de l 'Hymne, figure un hémistiche : àp'.0;j.<o CéTî-ZVT'
èicéoixsv, qui paraît avoir la même origine. Il est vrai qu'il se retrouve dans l'ancien Upzq Aoycç en vers que j 'a i étudié précédemment. Mais ce n'est pas une raison pour le rejeter de l 'Hymne orphique. En général, les faussaires ne font que compiler les ouvrages antérieurs et authentiques : l 'auteur de l 'Hymne use surtout de ce procédé, nous l'avons constaté maintes fois. Un passage de Syrianus attribue à ce fragment une origine orphico-pythagoricienne, in Met., p. 902 a : T S ù ç Y-*? ùT:CS£çX[J.£V::J;
p. è v % a p ' 0 p <p s o) ç x à ; QscXoyry.àç zpyxq :wv v z r{ x (T> v y. x ». v z s p Cù V àpt6[xojv (l 'arithmétique théologique de l'ispo; "/.oysc, et de 1 Hymne), exà luXeîorov oe aùxàç Tcpoayayovxaç AX\ XY;V i'*/p». TWV alTÔTjxwv èraxpaxeiav aùx&v àvaa>YJvavxaç y,al Tcpo/stpsv sy svxa i-iVJâyjxa xb AptG;xo) oé x£ xxàvx' h i o i / E V , TTûç où y. axoxrov -xîp». xi JCÔJJLXXX
[xôvov xai xoù; auvovxaç xcîç <7G)[xaoxv àpiQy.oùc, b'.axsxpisî'vai Xsyîiv (cf. m Met., p . 891 b : citation du même hémistiche).
Il ne suffit pas d'ailleurs qu'un fragment poétique se trouve en compagnie d'un vers de l 'Hymne orphique pour qu'on puisse conclure à l'identité d'origine. Ainsi, d'après le passage de P reclus déjà cité in Tint., p . 6 a : z\ xbv àpiQ;xbv 6;JLVSJVX£; ~x~.izx J.XV.X-
ptov y.xl àvbpoîv '/.xi XYJV xsxpaxxjv xxâyav àsvâo'j OJ7£(Oç cf. in Ilemj).,
I I , p . 69), on serait enclin à croire que les vers connus sur la t i t raktys (Jambl. , V. P., 150 et 162) avaient été repris par le faussaire. Mais ce serait à tort. Car, outre que le dialecte est différent (ce qui n'est pas une raison suflisante, puisque les mêmes vers ont été repris, dans des conditions analogues, par l 'auteur des Vers dorés), Proclus cite ailleurs le même hémistiche, à la suite d'un fragment de l 'Hymne orphique [in 77m., p. 155 c) mais en l 'attribuant cette fois aux \ZJZX "Kr.rt.
Le dernier fragment de Lydus concerne l 'hebdomade, II, 12: oï ye t/rjv IIuOayop£iS'. xce rjyîy.iv. XCJ T.XV.'ZZ xr,v ïpîz\ixlx àvaxiOivxai, xouxéaxt x(p svi xaî [xâpxj; Opzi:jz A£yo>v :JT(.)ç"
2 2 2 TltAlTÉS D ' .HUIII .MOLOGIK l'YTIJAGORIClENS
ï'ioô[j:r., r.v ko!Xr.<jïv avar; kv.xzoyoz ATTôAXMV.
A-OAA<OVX ok p.jox'.xo); xbv k'va AiysaOai 7:po£ipYjxxp.£v ( = II , 4).
î ù :b i'-(oO£v îlvai x(ov TCOXAîOV, TC'JTî'O-X'. [J.OVOV.
Nous avons déjà recueilli dans l 'Hymne orphique l ' identi té
monade -Apo l lon . Ce qu' i l y a de nouveau ici, c 'est le r appor t
établi entre les nombres 1 et 7. Le même rappor t est reconnu
par Maerobe , (lomni. in Scip. Somn., I, 6, 10, et par les Théolo-
gouména , p . 44, 13 : k'xi 5k xal àxpsTcoXiç TIç oxjavel "/.ai Suj/siporrov
pejjAoc ;ACvisi àavùx*.) y,axà TOJTO s(âcop.aç, qui en donnen t comme
explication que l ' hebdomade est un nombre premier , produit par
la s imple addi t ion de l 'uni té à e l le -même et qu'el le forme une
sorte d ' in termédia i re na ture l en t re 1 et 10. Les Théologouména
déclarent que pour cette raison, elle est consacrée au Dieu-créa
teur (p. 43 , 32).
Une notice de Phi lon offre des po in ts de contact avec le t ex te
de L v d u s , de opif. m . , 9 9 : SU Y)V a'.xùv o\ p,kv aXXo*. ©iXèùeçoi xbv
àp'.Op.ov xooxov £;:;/.or.ou(jr. TYJ àu-rj-opi NIXYJ xal HapQévcp oî os Huôa-
yôpsio'. T(o rfj'sjjiv'. xôv ffup^avTwv. C'est donc une doctr ine de l 'an
cien py thagor i sme qui a été repr ise par le faussaire.
Enfin, l 'analogie des nombres 1 et 7 est expl iquée par d 'au t res
ra isons dans P roc lus , in Tint., p . 168 c, où la ci tat ion d 'Orphée
provien t cer ta inement de l ' H y m n e au N o m b r e : xal yàp YJ govàç
xal rt k-txz àp».6gol vospc»! xivsç, r, IJLSV ys p.ovaç, < 3 3 > ajxôQsv vooç, Y; Se
â-Taç xb xaià vouv owç xal où TOOTO xal o Tïsprxôo-paoç voOç g.ovaS'.xoç
TS xal èpioog.aocxôç èaxiv, oiç ©yjaiv 'Oposuç/ exi Se Y] gèv p.ovàç, ATCôXXCO-
v.axV;. Y) ok kTuxàc, 'A6rjvaïxYJ, vouç ouv rra/av xal ©pôvYja'.ç, OJœTS X; XUXXO-
oopù xal où TWV àpiQp/ov Ssixvuxa'. Tcpbç voùv xal ©povYjotv àvrjpTYjpivYj. Cf. ;/>;</., P . 224 B .
Nous avons déjà relevé l ' ident i té de la monade avec le vcuç.
Quan t au r appor t ent re le nombre 7 et la lumière spir i tuel le ,
nous le re t rouvons a i l leurs , et du même coup, nous tenons la
source, directe ou indirecte , du faussaire. C'est un fragment de
Philolaos cité par les Théologouména , p . 55 : UVAôAXOç kxcùeùa-
•j.ivr.z TXC oôo*£o)o voov ok xal ûYSùV xal xb JTX ajxoo XS'.TCS'ASVOV ©wç
kv è.boogao'., xxX' (cf. Ar i s tobule , dans Clément d 'Alexandr ie ,
Seront., VI , 138 et 145 : appl icat ion de cet te r emarque aux doc
trines de la Bible).
Lne dernière citation des Théo logouména consta te encore l a c -
UN PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORPHIQUE 2 2 3
cord d 'Orphée et de P y t h a g o r e à propos d 'un détail d ' a r i thmolo-
gie . Cet te relat ion indique les sources ordinaires : ïizzïz A : - ; : ; et
l ' H y m n e orph ique , p . 58, 1 3 : KsupyjTisa CE -o-w; /.ai 'Ops£J;/.a-
nu6ayspa; TYJV èvvsaca èy.aAcjv w; KsupYJTwv (corr. Lobeck -Ecav
ûîcapyouc-av xpiûv xptpispvj vj KspYjv ys, â'zsp àycpcTEpa Tpiâci ïzr^^.ïzhr,
Tpiç TO'JTS iysuGYj. C'est Nicomaque qui est la source de ce p a s
sage (dont le texte final est peu compréhens ib le et peut être cor
r o m p u ) , comme le mon t r e cet ex t ra i t , p . 1 15 a : KcjcrjTica TE y.a»
Kôpyjv.
Le r appor t en t re 9 et Kiprj n 'est-i l pas expl iqué par cet au t re
f ragment orphique : Proc lus in Cratyl., p . 111-112 (Abel , />//.,
218)-/) K6pr r . . AÉY=Tau.. y.aTa Oè TYJV TY;; llspsssivyjç *;:v'.;/.:v ccvayiv
xoé TupoorÉvai /a i «juvarTscrOa'. :w xpixo) CYju.icjpYO) v méme rappor t avec
3 dans les Théologouména , p . 58 et Nicomaque p . 113 b : 3 =
aryuidTwS a KouprjTiç) y.ai TIXTEIV, oi; çYJTIV 'Opçsjç'
EvvÉa O'JYaxE'paç Y ^ ^ 7 - 0 3 ^ 3 ^ àvQEaicjpYCj.;.
C'est encore de l ' H y m n e py thagor ico-orph ique que provient , à
m o n avis , un f r a g m e n t de qua t re vers a t t r ibué à Py thago re par
Justin, de mon., 2 :
EI TIç spsi veoq sij//. , "zziz; EVCç, CJTCç CçE-.AEI
XS7IJ.JV IffCV TCUTu) (JTYJfjaÇ E'.TTEÎV " ï\J.ZZ CJTCÇ,
xoùyi p.cvsv Gvfoxq EITCEIV " Èp.3Ç, " , à/Aà y.axciy.siv
a'JTOÇ EV (;) TCETTCtYjy.E* TTETTOl^Tai 0 ÛTTS T 3 J T 3 J .
La doctr ine qu 'on peut en dégager , c'est que Dieu a créé le
monde et y est i m m a n e n t ' : le poète semble sur tou t insister sur
1. O n c o m p r e n d h a b i t u e l l e m e n t les m o i s T a d ; ivo; d a n s le d i s c o u r s d u
p e r s o n n a g e q u i se d é c l a r e r a i t Dieu . Mais e e l l e e o i i s l r u e l i o n i« .le su i s Dieu
à l ' e x c e p t i o n d ' u n s e u l ») n 'offre p a s d e s e n s a e e e p l a b l e . 11 nu* para il n é c e s
s a i r e d e l e s r a p p o r t e r à el' Tt; iosi': si q u e l q u ' u n , à l ' e x c e p t i o n d ' u n s e u l .
[<[ui a le d r o i t d e le d i r e ; dit : <• j e su i s Dieu • e t c . — .le ne \ o i s pas 1res
b i e n c o m m e n t le s e c o n d h é m i s t i c h e du V1' v e r s se r a t t a c h e à ce qu i p r é c è d e .
L e s u j e t s o u s - e n t e n d u e s t é v i d e m m e n t n-j-n; 6 -/.HTin; : ce m o n d e qu i est le
n o t r e a é t é c r é é p a r c e l u i - l à lie Dieu don t il a é t é q u e s t i o n p r é c é d e m m e n t
e t q u i e s t a u s s i d é s i g n é pa r - a d ; ivoç). L ' h y p o t h è s e du p o è t e para i t a s s e /
s a u g r e n u e . Il faut y vo i r s a n s d o u t e un ar t i f ice de s t y l e d e s t i n e à r e n d r e
p l u s v i v a n t l ' e x p o s é d o c t r i n a l . l a ' d é m i u r g e d e c e r t a i n e s s e c t e s g u o s t i q u e s
(Hippoly . t e , VI , 2, .'Ulj t i en t un d i s c o u r s s e m b l a b l e a ce lu i du p e r s o n n a g e
h y p o t h é t i q u e d e ce f r a g m e n t : iyvoojvf. n'xj-.in i Tq> ni/i:nj*•;<•'>• >, --. <>>, -<>•»•., >,
224 TRAITéS D'ARITIIMOLOGIE PYTHAGORICIENS
ce dernier poin t . Cet te théorie év idemment tardive (Zeller, I I I b ,
p . 117, 5) ne peut être a t t r ibuée à l 'ancien ls.poq Xiycç en vers , de
sorte que nous sommes forcés de songer à l 'Hymne au Nombre
qui , avec l'ispc? Aiyoç, est le seul poème pythagor ic ien dont nous
ayons conservé des f ragments . P réc i sément la doctr ine de l ' im
manence de la divini té étai t exposée aussi dans l'ispbç XOYOç
dorien, son frère j u m e a u (supra, p . 197} : Hippoly te , VI , 2, 28 :
i~Yjpr/0a'. TO'JTûV èv oA(;) Toi y.ôap.o). P s . - J u s t i n , coll., 19 : ajxbç ok oi>y,
foc xivsç 6-OVOCJT'.V, èxxbç xaç ciay.sxp.YJaicç àXX' èv abxa, oXoç èv oXco
-à) y.'Jy.A(j). Cette concordance nous repor te comme d 'ordinaire k
l ' H v m n e au N o m b r e .
Je voudrais aussi r appor te r k not re ouvrage le vers orphique
du fgt. 309 Abe l , cité par Joannes Diaconus , comm. ad Hes.
Théoy., 411 :
Elvocbjv Ey.àxYjv y.XrjÇo) xpiootxiv èpavvVjv.
L ' invocat ion d 'une divinité est une formule ordinaire des
H y m n e s o rph iques : deux vers de not re H y m n e cont iennent
même une apos t rophe k des nombres . D 'au t re pa r t , le n o m
d 'Héca te , accompagné préc i sément des mêmes ép i thè tes , e s t a t t r i -
bué pa r les t ra i tés d 'a r i thmologie k cer ta ins nombres , spéciale
m e n t k la t r iade . L'iepcç Xzyoq l u i -même identifiait ce nombre
avec 'E/.axav /.ai èpavvav (correction pour 'Epavav, leçon incom
préhensible) y.ai "/xpixiav (Nicomaque , p . 143 b) .
L 'épi thète èpavvrj (aimable) j u r e k côté du nom de la sombre
Hécate ; elle semble proveni r d 'une ancienne confusion avec
èpîp.vYj (sombre i qui lui est souvent a t t r ibué . Mais le fait qu 'on ne
le t rouve que dans ces deux passages a t tes te assez leur origine
c o m m u n e .
U n aut re f ragment orphique me paraî t aussi devoir être r amené
k l ' H y m n e au Nombre . Il est cité par Hermias , inPhaedr.,ip. 137 :
xsxpàç 6 vhavviç, ei)ç 'Op'psvç çYjffi,
Téxpatnv C/96aX[j.ocj,.v cptogcvcç è'vOa y.ai svOa.
On pourra i t p ré t endre que xsxpàç o <bâv7jç qui donne k ce frag
men t u n sens a r i thmologique est une r emarque personnel le
yjoï-:'a èvÉpY*i3c rcavra xa» iv'nyuiv /.OLI èxeivr,; âvcpyojarjÇ, aùxà; îozxo açp' éautov
r.oith xr(v xxÎ7tv xou xoajxou' oOev yjpÇaxo Xéystv " èyw 6 6eô; xai îïXTJV èp.ou aXXo; oux v ) • E J T I V
UN PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORPHIQUE 2 2 o
d ' H e r m i a s e t que le vers est e m p r u n t é à la Théogonie orphique .
Mais ce qui p rouve en faveur de l 'origine proposée, c 'est que
dans u n passage de Nicomaque , p . 1 io a (reproduit p a r l e s Théo-
logouména , p . 59), on t rouve l ' ident i té P h a n è s = 10. L 'appari t ion
du n o m de cet te divini té dans une not ice nous repor te na ture l le
m e n t à u n e source orphique . Quan t au nombre avec lequel Pha
nès est identifié, c 'est une théorie a r i thmologique souvent citée, que
le quar tena i re représen te exac tement le nombre 10(Phi lon , opif.
m. 47 : z vàp ky-~\v/s.iz zv/.xz ZZJZZ zizzzz, ùz izv/.i, C'JVSC-J.E'., car la
s o m m e des 4 p remiers n o m b r e s = 10. Théolog. A r i t h m . , p . 19 :
ident i té de 10 et de 4, e tc . ) .
Nous avons vu d a n s no t re é tude de Y[=ozz \i*'zz que la ci tat ion
de P roc lus in Remp. I l , p . 33 Kr. : y. Il \\J)yr;zpy.z>. r.zzz'.vr.v.,
ihr3 y.ai 'Op^sùç, / .ai-à l~~A\j:rpx y.xipxzvt èv gsv X E ' r^.ipx'.z z'z y.z-.xp'/zr-
6èv <j7zép[i.z zùizzv v,xi gopsïjy Xyg^vEiv doit provenir aussi de
l ' H y m n e au N o m b r e .
Je t e rminera i la série des nouveaux fragments par un vers
r appor t é par Proc lus aux Pythagor ic iens , in Cratyl., p . 79, 3
Pasq. :
IIpsajâuTaTVjv oà ÔEWV Eoriav y.sAaS^ca-î, y.zjpz'.,
èv yxp ixiq s j /af; zzpz TCïJV aXXwv TYJV Esriav J;J.VECV Trspsy.sXîûsvTC.
Ce vers conviendra i t tou t aussi b ien, il est vrai , à TUssc 7 ,
Xivoç en dialecte ionien. Ce qui me pousse à le considérer comme
un f ragment de l ' H y m n e , c 'est , out re le mot •J;JLVEîV cjui est r évé
la teur , le fait que Proc lus ignore Viipzz Xi*;:; poéticpie tandis
qu ' i l cite f r équemment not re apocryphe . Le rapport de ce frag
men t avec l 'a r i thmologie est assez clair. l lesl ia a sa place dans
la Théologie a r i thmét ique ; elle correspond au premier et plus
ancien n o m b r e , la monade , d 'après le témoignage île P lu t a rque .
Numa, 1 1 , I (TSJ G'J'J~xv:zz V.ZZ'J.ZJ ZJ 'j.izz-t z: 1 I JOyzp ' . / . ; • . T : ~JZ ' \ \ • * » i l i
i%pû<s()zi vz[).i'Çz'jG'. Y*X\ TC'JTC Kzz'.xv /.XLZ\JZ\ y.x\ [j.zyxzx et d A n a t o h u s
1 (cf. Théolog. A r i t h m . , p . 7 ) 1 .
Les Théologouména de Nicomaque, bien que le bref résumé
de Pho t iu s n 'a i t pas conservé de c i ta t ions , nous ont été d un
secours précieux dans notre recons t i tu t ion . 11 semble qu ils
t . Phi lo laos [Stobée, orl., I, J l , S, et Aël ius . Il, 7. ? parait avoir été iei
la source des t rai tés d 'ar i l lunolo^ie .
DKI.ATTI:. — Litt. //i/t/i.e/. I >
2 2 6 TRAITÉS D'AIUTIIMOLOCIIE PYTHAGORICIENS
dérivent presque uniquement des deux apocryphes. On peut se demander si en plus des fragments déjà reconnus, il ne serait pas possible d'y retrouver d'autres vestiges moins évidents, mais cependant assez reconnaissables.
Les critères les plus sûrs seraient d u n e part les expressions ou formules poétiques, de l'autre l'apparition de noms de divinités spécialement en honneur chez les Orphiques.
On pourrait ainsi revendiquer pour l 'Hymne au Nombre, en plus des fragments déjà étudiés, les passages suivants (sur le nombre 2) TTSCSç -oXu-'àtrAcu TC/YJç xai xopuçal xaUÊavYjç, la première formule reprend une expression homérique.
Hstv (yj {jLuOcTcXaffTia OssAoysi) (cf. Théol., p . 12). 3) 'Oçiova T£ ajTYjv TspaTOACYCjai.
pvrwva fJaAaTasir/cv.
i ) Aiovudcç et ses surnoms, parmi lesquels il faut signaler sur
tout Bcocyaffjzbv àvsysipcov. 5) (M£AT:o;jivY;v y.at) àg£r.<kp.£VY;v GTù / . aA^=Gal l iope 1. Ce frag
ment prouve que l 'Hymne avait établi des rapports entre les nombres et les Muses. Nicomaque et les Théologouména ont conservé la série de ces identifications :
1. La mère des Muses, Mnémosyne (Théol., p . 60 ; attribué à tort au nombre 10 par Photius ; son erreur s'explique par le fait que Nicomaque n'en parlait qu'à propos du nombre 10).
2. Erato (Nicom. et Théol., p . 11) ; 3. Polymnie (Nie.) ; 4. Uranie (N.) Uranie correspond aussi au nombre 10; o. Melpomène et Calliope (N.) ; 6. Thalie (N. et Théol., p. 38) ; 7. Clio(N.); 8. Euterpe (N. et Théol., p . 55) ; 9. Terpsichore (N. et Théol., p . 58).
10. Uranie (N. et Théol., p . 60) 6) kpyrt /.a» r^iau rcavié; qui reprend, en le détournant de son
sens, un hémistiche de Tiepbç AOYOç ionien [Rcv. de Philol., 1910, p. 189), cf. Clément, Strom., VI, 139, 2 : 6 est appelé p.£j£i>0u; parce qu'il est au milieu de la progression des nombres de 2 à 10.
1. Jeu de mots sur l'étymologie de Calliopp; l'expression elle-même est un souvenir homérique.
UN PRÉTENDU DISCOURS SACRÉ ORPHIQUE 2 2 7
7) "Odiptç.
9) 'TTuepiwv ( = aussi Théol., p . 08). 10) à%à;xa; Qzôç ( = aussi Théol. , p . 59) et <I>âvy;; ( = Théol., p . 59j.
L 'Hymne au Nombre est donc par ses origines, comme son frère l'ïepbç Aoyoç, un document pythagoricien. On ne peut pas le compter parmi les œuvres néo-orphiques, encore moins l'utiliser pour reconstituer l'ancien orphisme. Ainsi l'arithmologie apparaît de plus en plus comme une science d'origine pythagoricienne. Dans l'histoire qui en a été esquissée par Roscher, il faut donc retrancher le chapitre qui a rapport à l 'Orphisme. Les théories sur l'évolution de cette science s'en trouveront modifiées et en premier lieu il conviendra d'examiner de nouveau d'où dérive l 'arithmologie médicale, en particulier celle du T>-p>. s£ss;jLzsft>v '. D'ailleurs l 'étude de la tradition alexandrine et des compilations de la décadence est loin d'être achevée ; il est évident que c'est par là qu'il faudrait commencer. Sans la connaissance complète des sources, les essais de reconstitution et d'étude des origines sont prématurés et voués à l 'impuissance.
1. Voyez les études de Roscher dans les Abh. (1er phil.-hist. Kl. der sâchs. Geselsch. der VCissensch., VI (1900), p. *4 sq., et dans Menxnon, 1911, p . 149-187.
à
VII
UN FRAGMENT D'ARITHMOLOGIE
DANS CLÉMENT D'ALEXANDRIE
V
\
UN FRAGMENT D'ARITHMOLOGIE
DANS CLÉMENT D'ALEXANDRIE
1. Au chapitre xv du livre Vides Stromates, Clément, expliquant les préceptes du Décalogue, s'arrête longuement sur le commandement qui ordonne le repos du septième jour. Les auteurs chrétiens, comme les écrivains juifs d'ailleurs, ont un faible pour Tarithmologie. L'occasion s'offrait de montrer que le choix du septième jour pour le repos du Seigneur après la création et pour le repos symbolique commandé à l'homme en souvenir du premier, avait ses raisons d'être.
Clément, dont la tournure d'esprit allie beaucoup de mysticisme à un peu de pragmatisme, aimait plus qu'aucun autre les rêveries innocentes de Tarithmologie. Elles lui étaient d'ailleurs d'autant plus chères qu'elles répondaient à Tune de ses plus vives préoccupations, qui est de prouver que les coutumes et les doctrines des Juifs s'harmonisaient parfaitement avec la philosophie des Grecs. Aussi rappelle-t-il avec emphase l'importance que les savants et les philosophes ont reconnue au septénaire dans l'étude de la Nature. Mais, Comme cela lui arrive souvent dans les Stro-mates, il a mêlé aux spéculations païennes des théories d'inspiration chrétienne dont la signification et l'origine sont encore obscures. C'est ce passage important que nous nous proposons d'examiner ici. Mais pour le bien comprendre, je crois nécessaire d'en délimiter d'abord l'étendue et de léclairer par l'étude du contexte.
2. Le commentaire du troisième commandement débute par une interprétation allégorique. Elle est empruntée à un écrivain juif, Aristobule, comme le révèle la comparaison avec un passage d'Eusèbe qui cite cet auteur ' . En voici le sens :
1. Praep. ev., XIII, 42,9-12.
2 3 2 U.M FRAGMENT u'AlUTHMOLOGIE
Le repos du septième jour, attribué au Créateur, est tout symbolique ; car Dieu, étant naturellement infatigable, ignore le besoin du repos ; mais il est le modèle de celui qui nous est commandé. Celui-ci, à son tour, par un symbolisme du second degré, est l'image de la quiétude que l'âme atteint « par la délivrance des passions et l'initiation aux mystères de la divine sagesse ». Le septième jour est donc l'emblème de la lumière spirituelle et des connaissances sacrées.
Le développement qui suit (§ 138, 5 — § 141, 7 cùcà sv) se donne comme une parenthèse (sv TtapÉpru) assez étrangère au sujet propre de cet exposé. D'ailleurs il n'y est plus question du repos hebdomadaire ; c'est tout au plus si la simple mention du sabbat et du repos symbolique y fait quelque fugitive apparition. Enfin, il coupe en deux le fragment d'Aristobule. Toutes ces raisons le désignent comme une addition à un premier fond constitué par l ' interprétation de cet auteur . C'est précisément ce passage dont les sources sont indéterminées et le sens obscur. Nous y reviendrons plus loin.
L'explication du commandement reprend au § 141, 7 b (ou TOI-vuv /.TA..), avec la suite de l 'extrait d'Aristobule. Cet auteur commente ici les mots de la Genèse où il est parlé du repos du Seigneur et Clément y joint quelques réflexions qu'il emprunte vraisemblablement à Philon '.
Clément passe ensuite à rénumérat ion des qualités du nombre 7. C'est une série de notices destinées à montrer la place importante que tient le septénaire dans l'explication de la Nature . La première de ces notices provient encore d'Aristobule, puis nous perdons la trace de cet auteur jusqu'à lavant-dernière , constituée par une citation de Solon. On a omis de signaler que cette citation figurait dans l 'ouvrage d'Aristobule ; c'est attesté par un autre passage de Clément. Au livre VI, § 107, à la fin d'un extrait d 'Aris tobule 2 composé de citations de poètes destinées à montrer qu'Hésiode, Homère et Liuus avaient reconnu la vertu surnaturelle de l 'hebdomade, notre auteur ajoute à A Xà */.aiaî SiXto-vs; èXsvsiai cr?5opa TTJV sgcsuJtàa èy.SeiàwOUJiv. Or, dans l 'ouvrage
1. Les concordances entre ces deux auteurs sont signalées dans l 'édition de Clément par Stàhlin.
2. Il est cité dans le passage correspondant d'Eusèbe, praep. eu., XIII, 12.
DANS CLÉMENT D ' A L E X A N D K I E 2 3 ' !
d'Aristobule, ces citations suivaient immédiatement la première notice du passage que nous étudions : ràç y.zzy.zz. XJ/.AE»/:*'. TCôV
£G>3YOVOU;/.£V<OV xai oi>5[j.=v(i)v iiravTwv. On serait donc tenté de croire que tout notre passage provient d'Aristobule. Cette hypothèse est rendue plus vraisemblable encore par le fait que cet auteur utilise un ancien traité d'arithmologie de l'époque hellénistique et que les remarques de Clément dont l 'attribution est incertaine ton la même origine. On pourrait alors supposer que si Clément a laissé de côté les citations de poètes par lesquelles débutait l 'exposé d'Aristobule, c'est parce qu'il s'en était servi dans un autre chapi tre . La suite du chapitre est constituée par une liste de citations de la Bible subtilement interprétées de façon à y retrouver des traces d'arithmologie. Ce passage paraît encore inspiré des idées de Philon et d 'Aristobule.
La phrase qui se trouve intercalée entre l'exposé arithmolo-gique et ces citations de la Bible : -mi \).\>plz rsiajTa i*(iiZv>y xcv apiQ^sv TuapaxiOsiai "Ep^mcoç, b ^rjp'JT'.s; èv xto zz-pi ïrz\zz\j.z\zzz, peut donc s'expliquer de deux façons. Dans l 'hypothèse qu TIermippe est Juif, ce qui n'est pas impossible, elle indique qu il a dû servir d'intermédiaire entre Aristobule et Clément. Dans le cas contraire, cette citation ne signilie pas nécessairement que Clément ait utilisé ici le zztpï kQzzyAzzz, ; elle peut être considérée comme une simple référence donnée en passant.
Nous avons avancé plus haut qu'Aristobule a utilisé pour ce développement un ancien traité d'arithmologie. La preuve en est facile à faire pour la plupart des notices d'origine païenne. Le dernier éditeur de Clément, M. Stiihlin, n'a guère noté dans les passages parallèles que les concordances avec Philon. Il n'aurait pas dû ignorer ou négliger les comparaisons avec beaucoup d'autres auteurs. Cet oubli est de nature à induire le lecteur en erreur sur la question des sources et à lui faire croire, ce qui paraît être l'opinion de M. Stiihlin, que Philon est la source directe de Clément. Il aurait fallu signaler particulièrement les concordances remarquables et souvent uniques avec le -ip\ zi/Azzz d'Anatolius (édité par Ileiberg, Annules intern. d'Histoire, Congrès de Paris , 1900, 3° section). Elles subiraient à elles seules à prouver que le problème des sources est beaucoup plus compliqué et que l'analogie entre Clément et Philon doit être cherchée dans une commune origine. La tradition arithmologique que
2 3 1 UN l'HACMUNT I)'AIU'I IIMOI.OC.I K
connaît Anatolius est apparentée de plus près qu'aucune autre à celle qu'a utilisée la source de Clément.
C'est à des sources également fort lointaines qu'il faut rapporter, par exemple, le symbolisme inexpliqué par lequel Aristobule identilie le septénaire avec la lumière spirituelle (cf. § 145, 6). Cette théorie n'est pas une innovation hébraïque, comme on pourrait le croire. Déjà elle figurait dans Philolaos. Une citation des Théologouména, p. 55, en témoigne: «LiXiXao?. •. . • . èTCiSs ag-éV/j? -^q zùs=it)q vsuv os xxl uysixv y.ai TO ûTC' aùiou X£nrô|j.£VOv où? ev ïrplz\).y.ov. Elle avait été reprise dans l 'Hymne (pythagorico-orphique) au Nombre, d'après Proclus, in 77m., p. 168 c. Aristobule n'avait donc fait qu'adapter cette conception aux besoins de l'apologétique juive.
3. Revenons maintenant au passage où Clément déclare saisir l'occasion d'un développement arithmologique sur le nombre 7 pour parler aussi de propriétés d'autres nombres dans une courte digression (èv rcapspya)).
Dans la première phrase : xivouveuei yàprj piv 0700a? égào^à? sivcw y.'jp(a)?, è?iç oè TTJ é^op.à? XXTX ys TO èjjioave?, xai rt p.£v xupùo? slvai CX^XTOV, èpyxTi? Sa rt è^oop.x?, l 'auteur identifie le nombre 8 avec l 'hebdomade et celle-ci avec le nombre 6. 11 reviendra plus loin sur cette étrange affirmation, mais en attendant elle reste inexpliquée et elle déroute le lecteur. Pourquoi aussi appelle-t-il le nombre 8 oxjEgaTov? Il semble que ce soit en raison de l'identification de ce nombre avec le septénaire qui représente le sabbat . Quant à l 'attribution à l'hebdomade de l'épithète soyora?, elle est visiblement en contradiction avec la conception du septième jour comme le jour du repos. Cependant elle s'explique par la comparaison avec un fragment d'arithmologie païenne où l 'hebdomade, identifiée avec Athéna, reçoit diverses épithètes caractéristiques de la déesse et entre autres celles d'èpyavvj (Nicomaque, dans Photius, hibl., p . 144 b).
On s'attend à ce que la suite de l'exposé explique la première phrase, mais on est déçu. Clément passe en revue les propriétés des nombres 6, 7 et 8. Ici, les concordances abondent avec les autres sources arithmologiques : M. Stàhlin a eu le tort de ne signaler que les passages de Philon, car celui-ci n'est pas la source, directe ou indirecte, de cet exposé. Le nombre 6 joue un
DANS CLÉMENT D'ALEX ANDKIL 2 3 5
rôle dans la révolution du soleil, sous la forme de six mois au bout desquels apparaissent les tropiques. Macrobe (Somn. Scip., I, 6, 57) ( a conservé une notice analogue, mais cette fois à l 'honneur du nombre 7, parce que c'est au septième mois que s'opère le retour des solstices et des tropiques.
Suivent deux citations du médecin Polvbe et d'Aristote. des-tinées à prouver que l 'embryon arrive à son plein développement au bout de six mois. Cette note, ainsi que la suivante: z\ noôayopsto'.) |Z£7£u0ùvy.a/,3 jG•*. TSJTSV... cii 7*3 ;J.£73V TJTSV =hxi ZZJ ï'Jiizq. T0UT£C7Tt TOO àr/.a y.ai, TCJ 5'Jo, oaévsTai ~'zo i73v à;j.33?v àrrÉytov, u ont pas d'équivalent dans les autres traités d'arithmologie. Cependant c'est peut-être à l'opinion que 6 est le milieu de la progression des nombres de 2 à 10 qu'il faut rattacher une note obscure de Nicomaque, p . 144 b : le nombre 6 y est désigné par la formule <xpyrt xai rt[UGU izzvzzq. Etant donné que la décade est souvent appelée 7:av, comme en témoignent Philon (deplant. Xoë, 123 et 125) et les Théologouména Ar i thm. (p. 59 et 50), le nombre 6 situé au milieu de la dizaine peut être considéré comme « la moitié du tout ». Mais il est aussi le « commencement du tout », parce qu'à partir de 0 les nombres de la dizaine se forment successivement par l'addition de 1 ,2 , 3, etc . , au nombre 5. Ainsi la dizaine se trouve partagée en deux parties dont la seconde reproduit le procédé de formation des premiers nombres. 0 est donc le second commencement de la dizaine, comme l'expliquent les Théologouména, p . 37, 26. Ainsi s'éclairent l 'énigmatique formule de Nicomaque et la notice de Clément.
On reconnaît aussi au nombre 6 une perfection spéciale que rend l'épilhète zû.v.zq, complet. Ce nombre en effet, explique Martianus, VII, 736, est le seul de la dizaine qui soit la somme de ses parties aliquotes, 1, 2 et 3 : 6 3 4- 6 2^ -f- 6 —1 ^ - 6.
~2 "3 H On retrouve une note semblable dans Macrobe, I. 6, 12; Philon, demundi opif. 13, de decul. 28 ; Censorinus,// . nu/., 11.4 A ar-ron) ; Lydus, de mens., II, Il ; Theol. Ar i thm. , p . 102; Plu-tarque, qu. cône. 9, 3, 2 ; de an. pmer'. 13 ; Favonius, Snrnn. Scip., p. 6; Anatolius, 6, etc. , etc.
L'autre mode de composition du nombre 6 par multiplication
1. Cf. aussi Anatol ius , 7 |>. 1:211. ut Théon. r.r/tns rrr ni.i/h., p to i .
l23() l'N FRAGMENT 1) 'AR1THM0L0GIE
de 2 et 3, lui a valu le surnom de vijAcç, il est en effet constitué par l'union de 2, le premier nombre pair, c'est-à-dire féminin, avec 3 le premier nombre impair ou masculin (la monade, étant la mère des nombres, n'est pas considérée comme un nombre, ni par conséquent comme le premier nombre impair). C'est pourquoi il est consacré à Aphrodi te . Divers auteurs attestent cette curieuse conception: Nicomaque, p . 144 b ; Philon, de m. opif., 13 ; Martianus, VII, 736 ; Théol. Ari thm. , p . 33 ; Modératus (Stobée, ecl. phys., I, 20) ; Plutarque, de an. procr., 13 ; Lydus, de mens., II, 11 ; Anatolius, 6 ; Jambl . , in Nicom. arithm., p . 34, 1 9 ' . A cette remarque, Clément rattache assez subtilement (*/«a0' zq r, r.zzz YSVSTIç ?sps~aO la mention des six sortes de mouvements qui existent dans la Nature et qui régissent toute production. Cette note provient aussi de l'ancien traité d'arithmo-logie. On la retrouve dans Philon, leg. alleg., I, 4, et Martianus, VII, 736.
Clément n'a retenu qu'une seule des nombreuses prérogatives du nombre 7, celle qui en fait le nombre « vierge et sans mère 2 ». Mais la source de Clément joint à cette notice une interprétation hébraïque, suivant son habitude : le 7e jour, le Sabbat, est précisément le jour xa6' r)v " c'Jxs ya^ouaiv o'ûxs yajjiaxovxat ëxi " .
Une semblable application des doctrines païennes à l'apologétique judéo-chrétienne se remarque encore à propos du nombre 8. Le premier cube 3 est le symbole des huit sphères célestes dont la révolution dirige le cours de la grande année et amènera le jugement dernier.
Les concordances perpétuelles entre les Stromates et les auteurs nombreux qui ont utilisé le Traité d'arithmologie d'époque hellénistique, parmi lesquels Philon n'est pas toujours cité, prouvent que la source de Clément n'a pu être Philon. La source intermé-
1. Cf. encore Clément, Strom., V, 93, 4. 2. Cf. Philon, quis rer. div. h., 170, opif. m., p . 99, leg. ail. I, 15, vit.
Mosis, II, 209. Nicomaque (Photius, b'ibl., p . 144 b). Modératus (Stobée, ecl. phys., I, 20). Théol. Arithm., p. 41, 30. Anatolius, 7. Aristide Quint., IV, p. 122. Théon de Smyrne, expos., p. 103. Lydus, de mens., III, 9 ; II, 11. Martianus, VII, 738. Chalcidius, in Tim., 36. Favonius, p . 8 et 9. Macrobe, Somn. Scip., I, 6, 11. Hiérocles, in aur. carm., 47. Alexandre, in met., I, 5, p. 985 b. Anonyme dans Tannery, Diophante, II, 75.
3. Martianus, VII, 740; Lydus, démens., IV, 111. Macrobe, somn. Scip., L », 15.
DANS CLÉMENT D'ALEXANDRIE 2 d 7
diaire para î t ê t re , d ' après les résu l ta t s acquis jusqu ' ic i , un au teur
juif ou chrét ien qui a remanié l 'a r i thmologie païenne dans un bu t
d 'apologét ique .
4. L ' énuméra t ion des qual i tés des trois nombres 6, 7 et 8, n'a
pas dans les S t romates de bu t appa ren t et bien défini. On ne
voi t pas où Clément veu t en ar r iver , car au lieu de préciser ce
qu ' i l en tend par l ' ident i té de ces nombres posée en principe dès
le débu t , il ne fait qu ' en accuser les différences. Sub i t emen t et
s ans t rans i t ion , l ' au teur change encore de sujet, et il en t reprend
l ' in te rpré ta t ion a r i thmolog ique de la Transfigurat ion de Jésus sur
le m o n t Thabor . En voici le t ex te , § 140, 8 : XX-JXY; ::-. : v.Jzzzz,
xsxapxoç àva|3àç sic xb zpzz_ k'xxsç yh/srai **'• ?WT'* ~E ce/, a;/-EX ce r^irj.%-
xixô XY)V 3uvau.iv XYJV Z\TS aùxcO 7:apayu!Avoj7:*ç E'.C cccv z\zy/ XE YJV \zzv*
xoîç opav èxA6Ysfffi| ot' krpzz\xrtz àvaja;pu773;j.Evîç Tf4r çWVYJC; y.'zz EDCC.
6soU, ïva OY; oi U.EV àvxxajaojvxca TXEIXOèVXEç rjspl ajxcv, c ce c\à -/EVéCEWC,
YJV EôTJAUXJEV r) Écjàç ETa7Yj[j.cç, cycciç ÛTcipyor/ ?-vfn Osbç; Èv sapy.Uu XYJV
8tivap.lv EV3EIXVJU,SVGç, àpiQîAC'jp.Evcç [JLèV OJç, r/Opoirrcr, /.CUTCTCUIEVC.; CE
OÇ YJV.
Ce déve loppement demande que lques expl ica t ions . J é sus
m o n t e sur le m o n t Thabor avec P ie r re , Jacques et Jean ; par une
express ion g recque in t raduis ib le , l ' auteur dit qu il se t rouve être
ainsi « qua t r i ème pe r sonnage », xÉxapxc;, c 'es t -à-di re qu' i l a trois
c o m p a g n o n s . Leur nombre s 'accroît sur la m o n t a g n e par l ' a r r i
vée d 'El ie et de Moïse, et J é sus devient è/.XC;. Un sept ième per
sonnage est représenté par la voix qui le déclare (ils de Dieu.
L ' au teu r , à la ment ion "du nombre 7, opère un b rusque re tour au
sujet du chap i t re oublié depuis l ong temps , le repos symbol ique
qui caractér ise la foi dans le Chr is t : hx CYJ z\ ;J.èV iva-ajxwvTsr. ~v.-
aôévxcç Tcspi a'jxoïï.
P a r le fait que J é sus , en touré de la lumière spir i tuel le -7 a
dévoilé à ses c o m p a g n o n s sa na ture jdivine et qu il a été déclaré'
fils de Dieu, un hui t ième personnage est ent ré en scène, le Dieu
qui révèle sa puissance (OECC Èv 7apy.»<;> XYJV cV.ay.'.v èVCE-./.VJJ.EVCç qui
j u s q u ' a l o r s s 'était tenu caché dans l ' humani té i/.CJXTCJLEV;; ; ç YJV
et qui n ' ava i t été compté que comme homme àp-.Oy.cjy.Evcç <,.:
âvftpwîroç = le s ixième p e r s o n n a g e b Ce Dieu, appelé l 'ogdoade,
c 'est encore J é sus , de sorte qu'il est identifié à la fois avec t». 7
et 8.
2 3 8 UN FilAO.MKM' l>AKI THMOUHilE
Le Christ étai t d 'abord dés igné comme TèTùO-Y^ûC, le Remar -
quab le . Cel te appel la t ion qui est courante chez cer ta ins au teurs
chré t iens et gnos t iques est expl iquée ainsi par le gnost ique Mar
cus (II vppolvte , adv. haer. , VI , 10 = 1 renée, adv . haer., I, 14,
l 'i. .lésus est identifié avec le nombre G parce que le mot TTJO-SUç
compte six l e t t r e s . Or le nombre G est souvent appelé sTuiar zov
parce que la let tre de l 'ancien a lphabe t qui lui ser t de chiffre, le
s t igma C, n ' ex i s t an t p lus dans l ' a lphabet ordinaire , frappe l ' a t t en
tion lorsqu 'on consul te la liste des nombres . L 'épi thète èîîèryjgcç,
s ' appl iquant parfai tement à son tour à la personne de J é sus ,
cet te coïncidence valut un succès par t icul ier à cet te rêverie a r i th -
molog ique .
Tout cet exposé est plein de te rmes et d idées gnos t iques , a
c o m m e n c e r par l ' identification de Jésus avec le nombre G. Ce
détail nous met sur la voie de la source, inconnue jusqu ' ic i , de
ce passage ; il est p réc i sément e m p r u n t é à Marcus , comme une
citation d ' I rénée en fait foi, adv. haer., I, H , G (cf. Ep iphane ,
adv. haer., I, m, 34, 2) . Ce f ragment est repr is par Hippoly te ,
VI , 48 , dont voici le texte grec qui paraî t p lus exac t .
T I'JTCJ 7SJ AOVS'J z.at. TYJç z'.y.zvz\t.'.y.z. -y.j-r,q /.aprrov zrtGW sv sgouMg.axt, £ly.ivs; r:£2Yjv£va'., iz£iv2v ~bv ;zs-à x i ; ïz Yjgspaç zi~y.p~.zy ava^âvxa £IÇ
~z zpzz v.y.1 Y£vô;j.£vcv É/xsv xov /.axa^avia y.yl y.paTYjOsvia èv TYJ êjjc'c[zâc\,
Èr:(j^;z2v ÔYOcâoa JTrapyovxa. . .
Le f ragment de Marcus lu i -même reçoit , du r approchemen t
avec les S t roma tes , un supp lémen t de lumière dont il avai t v ra i
ment besoin. L 'obscur i té du passage cité a déconcerté en effet
les commen ta t eu r s modernes d ' I rénée . Les mots y.paxrjÔs'v-a sv TYJ
k$zz\).yy. les ont par t i cu l iè rement e m b a r r a s s é s ; les uns y voient
une allusion à la déposi t ion du Chr is t au tombeau qui eut l ieu le
sept ième jour ' ; d ' au t res , à la descente du m o n t T h a b o r qui doit
ê tre placée au lendemain d 'une période de six jours dont par lent
les évangi les selon Marc (9, 2) et selon Mathieu (17, 1) 2 .
La première in te rpré ta t ion in t rodui t dans ce déve loppement où
il est quest ion de la Transfigurat ion une al lusion tout à fait é t ran
gère au sujet. La seconde ne rend pas compte du mot impor tan t
y.py~rlhvr.y. Le paral lèle de Clément nous apprend que Thebdo-
1 . IVtavius dans les Commentaires de l'édition Patr. gr., Migne, VII. 2. GraLius, ihicl.
DANS CLÉMENT D'ALEXANDRIE 2 3 9
made dont il es t ici ques t ion est la voix de Dieu qui ret ient Jésus
et le proclame Fils de Dieu .
Nous re t rouvons ici aussi l 'assimilat ion de l 'hexade et de
Logdoade sacrées et un rappor t é troi t établi en t re ces deux
n o m b r e s et le s ep téna i r e . Les c o m m e n t a t e u r s d ' I rénée ne s 'ex
p l iquen t pas non plus pourquoi Jésus se t rouve appelé ï-izrt\).zz
'Ovosaç. Ils recourent à des comparaisons avec les théories du
gnos t ique V a l e n t i n 1 . Or ces paral lè les ne sont nu l lement con
c luan t s , car J é sus n 'y est appelé ni z^zzxz ni ï-izr,[j.zz. Le passage
de Clément , in te rpré té comme nous l 'avons t'ait, rend parfaite
men t compte de ces é t ranges dénomina t ions .
D 'a i l leurs Marcus avait des raisons plus profondes pour expl i
quer la Transf igurat ion par l 'a r i thmologie et pour a t t r ibuer au
Chr is t les trois nombres sacrés , 6, 7 et 8 . La descente du mont
Thabor devai t ê tre à ses yeux l ' image de la descente du Chris t
sur la te r re don t voici le récit symbol ique (Hippoly te , VI , i b sq .
= I rénée , I, 14, 4 = E p i p h a n e , I, in, 3 i , b sq. i.
La Véri té a un corps qui est composé des v ing t -qua t re le t t res
de l ' a lphabet . Celles-ci se divisent en trois s é r i e s : la première,
composée des 9 mue t t e s , représente le Père et la Véri té. La
seconde, qui comprend les 8 semi-voyel les , cor respond au Logos
et à la Vie. La t ro is ième contient les 7 vovelles et figure l 'Homme
et l 'Eg l i se . L ' inégal i té du nombre des m e m b r e s de chaque série
est j ugée injuste et c h o q u a n t e . Aussi pour rétabl ir l éga l i t é ,
l 'une des 9 mue t t e s qui représen te le Christ descend dans la troi
s ième série et chaque classe comprend désormais huit m e m b r e s .
Hippoly te , VI , 47 : IrA zï xcu :jzzzpr,zx^zzz AC*;;J, Z xzzzzxzhz\z h
xo) Ilaxpi "/.aTiîXQsv ix^saS'OeU i~». TCV Z\Z ZJ ïywz'.zhr., i-\ z:zz()<^zz'. | \ t k l - • fm | ' I
TCTIV r:payOÉvT<ov, i'va r, TCOV I IàY; poraaKnv r — les le t t res i ï^zzrtz £> :M
àyaOco ojca (loge hjsTYjxa ïyzjzx, leçon meil leure d 'Ep iphane et de
la t rad . lat ine d ' Irénée) v.ctpr.oyzz?t ;Aav èv -a-*. TY;V i/. -avxoc/ : / o -
p.tv * /.ai O'JZMZ z i(T)v Ézxà TYJV ;wv ZV.ZM Ï'AZJJ.ZXZZ cAap.'.v /.ai içsvcvx: :;.
zpv.z, zz~z>. z\).z\z\ zziz, àp'.0;j.s(ç. z\'zzizzz zv-.zz,. Ainsi , J é sus , que
Marcus a appelé plus haut Yï~'.zrt[).z; et qui fut identifié avec le
nombre 6, descend dans l ' I Iebdomade où il est retenu de façon à
1. Gruhius , Migne, Vi l , p . l 'n'ô. Dans I rénée, 1. é, 2: Acliamolli. la mère du Démiurge qui cor respond an sep téna i re est a p p e l l e vy o a »- tlurf., 1. 2, 0 : Jésus est formé de la meil leure essence de* Kon^. Je ne \««i* pa«* du tout quel rappor t ces doc t r ines peuvent avoir avec le pa**agc d ' I renée .
2 4 0 IIS FRAGMENT DAR1TI1MOLOG1E
devenir le huitième personnage do la troisième série. Donc, dans la Théogonie comme dans le mystère do la Transfiguration, les trois nombres sacrés, G, 7 et 8, se confondent dans la seule personne de Jésus. 11 faut supposer par conséquent que la Transfiguration du Christ fut considérée par Marcus (et Clément) comme un symbole de l 'incarnation. Ce rapport explique certains termes de l 'interprétation allégorique : y.par/;OivTa èv £,33cp.aci représente le Christ retenu dans la troisième série qui ne comprend que 7 membres ; izir/îgov ivBoxBa 6-apycvTa rappelle qu'à la Transfiguration comme à sa naissance il devient l'ogdoade ou huitième personnage, tout en restant I'èTCIV/J^Oç.
Clément, à la suite du passage cité plus haut, entreprend d'é-claircir quelques-uns des mystères qu'il vient de laisser entrevoir. Il expose d'abord pourquoi le nombre 6 est appelé èirio-qp.oç : nous en connaissons déjà la raison. L'explication qu'on regrette de ne pas trouver ici, c'est celle de l'analogie du nombre 6 avec Jésus.
Cependant Clément revient sur une déclaration antérieure restée obscure où il avait affirmé l'identité des trois nombres 6, 7 et 8. En même temps il va exposer les raisons d'être de l ' interprétation arithmologique de la Transfiguration. Pour ce point spécial les comparaisons avec les fragments de Marcus font défaut, mais l'origine gnostique n'est cependant pas douteuse.
Les rapports des nombres et des lettres de l 'alphabet offrent, à son avis, un symbole très expressif des confusions arithmolo-giques qui ont été faites en la personne du Christ, en même temps qu'elles les justifient. Dans la série des chiffres, le 'Ç occupe la septième place et le rt la huitième. Dans la liste des lettres de l'alphabet au contraire, par le fait que le Ç en a été retiré1, le
1. Les manuscrits de Clément offrent en ce passage la leçon sx/Xa-svToç s i : -rjv ypaçrjv qu'on ne peut conserver : les deux prépositions eiç et sx (du mot composé) ne correspondent pas et la construction n'est pas satisfaisante. On a le choix entre deux leçons:
1° Celle de Lowth, pour laquelle Stahlin s'est aussi décidé: eùjxXa7tsVroç; voici dans ce cas le sens de la phrase : « en introduisant le 7" dans la série alphabétique, le nombre 7 prend la 0° place et le nombre 8 la 7e. » Cette remarque serait fausse : les nombres conservent la place qui leur convient. Nous ne pouvons donc adopter cette correction.
2° î/./.Àa-ivTo: ix vrjç yooeprjç 'proposé par Serruys) : « en supprimant le 7" de la série numérique, le nombre 7 (—t") occupe la sixième place et le
DANS CLÉMENT DALEXANDIUE 2 1 1
nombre 7 (Ç) obtient la sixième place et le nombre 8 (r,) la septième. Ainsi, dans l 'arithmétique comme dans le mystère de la Transfiguration, il existe une certaine identité et confusion entre les nombres 6, 7 et 8 .
L'origine gnostique de ces remarques est certaine ; elles constituent le fondement arithmologique de l'exposé de la Transfiguration, outre que ce genre de calculs et de combinaisons est propre au gnosticisme. Les fragments de Marcus en offrent plus d'un exemple L
A partir de cet endroit (141, 3) on peut établir avec certitude de nouvelles concordances entre Clément et Marcus. Aïs /.a» èv TY) r/.iïj b avOpcoûs; Xî'YSTa'. TCSTccirjtjOa'. b Toi ITZITT^JM -\-~ZZ ^vtb'j.vtzz OJ;
euOscoç xupiaxrjç XXYJpc-vsy.ta; àva?:au?iv àrccXa.Ssîv, correspond parfaitement à un fragment conservé par Irénée, y.ai, c'.à TSJT: Mo>7sa èv TY) SXTY; irjpipa Asysiv xov à'v8pw?:ov ysysvÉvai. L'exposé de Clément est même plus complet, car il a conservé l'explication, oubliée par Irénée, de l'analogie constatée ici entre le croyant et le nombre 6.
C'est que par la foi dansrs7cuj7j;j.o; ( = l e Christ et le nombre 6'.. le fidèle arrive au repos symbolique dont on a parlé au début de cet exposé. Cette remarque constitue donc un retour au sujet propre du chapitre, l ' interprétation allégorique du repos hebdomadaire.
Clément trouve aussi un sens mystique à la sixième heure à
n o m b r e 8, la s e p t i è m e . Ce t te observa t ion est parfa i tement j u s t e . Le
tableau c i -cont re pe rme t t r a d'en j uge r :
1) / . a t à ;J.îV TOJç àp'.Oao'j; : 2 AXZ'X o: :wv 77'r.y£•.'•>•/ xy.'i'xu; :
a = i
P = 2 : :i T
Ô = i
v» — 1
, - i <
:Àar:ivto; TOJ i~i'jrt,j.o\j
ï/. TT"; vcxsf -1 - 1 ; , 1 -
le nombre 7 devient te le — 8 - ;
\ i
X
j
1
0
1
7
_ L -)r
-: :v
— ,",••
:_ 0 e
t
1. Cf. par exemple I rénée , 1, 10, 2 I = l l ippo lv te , VI. ii, .">:* le signe », oc
cupe la 8° place dans la sér ie n u m é r i q u e , dans la série a lphabé t ique la 7*".
La s o m m e des nombres de x' à r,' sans c o m p t e r YïrJ.rr^xnu =. 0 - - 7 égale .10.
chiffre qui cor respond au n o m b r e des liions.
DKI.ATTK. — LUI. pythiuj. , f l
242 UN FRAGMENT n'ARITIIMOLOGiE
laquelle le Christ m o u r u t : TCIOVTSV T'. -/Si i, SXTYJ wpa TYJç ffWTYjptou
cay.ovc.tAia; è;A<paivs'., y.aO' YJV iTSAe'.wQvj o àvOpw-o;. Le fragment cor
respondan t de Marcus olfre p lus de déve loppement : -/.axà TYJV
c'.y.cvcviav se TOV rraOcv;, èv TYJ S/.TYJ TWV YJ'/.spwv YJTI; £OT'.V r, Ilapaay.svYj,
TOV è'ayaxov avOpwxov sic àvayévvYjorv TCV TTOWTCV àvOpwTrcv T^çYjvévat.
TavTYj; T?J; ciy.ovcvua; àpyyjv xal T£Ao; TYJV £*/.TYJV (iipav eivar. sv YJ TrpoaYj-
AWOYJ TW CV'AW. Tcv yàp TSA£iov Novv, sTciffTa[i.svov TOV TWV ' i ; àpifi .bv
ovvatjuv ~zirttjzidq y.ai avaysvvYJacwç è'yovxa, çavspcocai TOI; vlctç TCV
çWTO; TYJV btà TOV çavevTc; £-'.O-YJ;AOV ci; TYJV Si' avTOv £7ay£vcv\£VY;v âva-
ys'vvyjfftv.
Cet te compara ison mon t r e comment Clément s ' inspire des
théories gnos t iques , en év i tan t avec soin les idées et les t e rmes
qui passen t pour héré t iques . Le f ragment de Marcus nous donne
le sens du mot àvôpwTco; qui désigne le Chris t dans le passage de
Clément . Il nous expl ique aussi pourquoi on a t t r ibue de l ' impor
tance à la s ixième heure de la Pass ion : c 'est qu 'e l le est le sym
bole de la r édempt ion , de m ê m e que le nombre 6 est celui de la
créat ion et de la régénéra t ion .
Ici, il y a une al lusion évidente à des spécula t ions a r i t hmo lo -
g iques concernan t le nombre 6, que Marcus avait dû développer
p r écédemmen t dans un passage qui est perdu . Préc i sément ,
celles que Jnous avons s ignalées dans l ' in t roduct ion au récit de
la Transf igurat ion dans les S t roma te s , offrent avec ce qui reste
des théories de Marcus des t ra i t s d 'é t roi te pa ren té . En effet, la
seule p ré roga t ive du n o m b r e 6 que relève Clément , c 'est qu ' i l est
le nombre de la généra t ion . C'est à quoi se r amènen t , en dernière
ana lyse , tou tes les r e m a r q u e s sur son rôle dans la végétat ion
(138, 6) , le règne an imal (139, I), la créat ion (138, 6 et 139, 2) ,
la formation des nombres (139, 3) et les m o u v e m e n t s na tu re l s
(y.aO' a: r. r a sa v^scic sspsTa»., 139. 4) . C'est aussi l 'une des ra isons
qui ont dé te rminé l 'assimilat ion du Chris t au nombre 6, à ce
qu 'assure Clément , et par conséquen t Marcus , dans le même cha
pi t re (140, 3 ; o ce, S ta yevsffsœç YJV £$YjAwasv rt s ç a ç , kizirr^.oç,).
On peut déduire de ces r app rochemen t s que les doct r ines
a r i thmologiques des S t roma tes sur l 'hexade dér ivent de Marcus .
On s 'expl ique aussi ma in t enan t la présence des r emarques sur
les n o m b r e s 6, 7 et 8 au débu t de ce chapitre ; elles sont desti-;
nées à préparer et à expl iquer le rôle impor t an t qu ' i ls j ouen t dans
le récit de la Transf igurat ion. Comme ces not ices forment un
DANS CLÉMENT D'ALEXANDRIE 2 i 3
ensemble pa r le fait qu 'e l les t enden t au m ê m e bu t , nous sommes
en droit d é t e n d r e la conclusion qui ne por ta i t que sur l 'une des
par t ies et de reconnaî t re à tou tes la m ê m e origine, l 'ouvrage de
M a r c u s .
La phrase* su ivan te de C l é m e n t : vai JJLYJV TWV gkv CXTOJ ai \j.izzrrr
Tsç yivoviai £7T:a, TOJV es ézxà saivovTai stvai Ta cTaoTr;;./.aTa kr, est des
t inée à m o n t r e r qu 'on peut , en u n certain sens , identifier un
n o m b r e avec celui qui le précède . Cet te r e m a r q u e qui s 'appl ique,
en l 'occurrence , aux nombres 6, 7 et 8, tend encore à justifier la
confusion de ces t rois nombres dans la personne du Chris t : elle
n 'a pas de paral lè les dans les f ragments de Marcus ' .
Il n ' en es t pas de m ê m e de la notice su ivan te : aXXe; -;zz kxs»>
voç Xôyoç, èrcàv sftbop.àç Scçacr, TYJV cyGoaca xai ' ' ci cXpavoi TCIç cbpa-
voiç ctrjYoSvTa'. bôcjav Oeou " ' ci TCJTGJV al?j8r;Tci TJTTCI Ta - ap ' r.pÀv çGJVYJ-
kvTa fjTcr/cîa. Le r appor t en t re l O g d o a d e et l 'Hebdomade est le
m ê m e qu ' en t r e Dieu et le m o n d e ; car l 'ogdoade est l ' image de
Dieu et le m o n d e es t représen té par le septénai re . C'esl ce qui
es t expl iqué dans u n f ragment de Marcus (Hippolyte VI , 19 =
I rénée 1, 14, 7) qu i a conservé la m ê m e c i t a t i on 'de l 'Ecr i ture :
xai ô gèv crporccç, cipavo? <p6sYY£Tai TO xX©a, c bï gsTa TCJTCV TC S, C CE
TpiTOç TO "/jTa, c ok TSTapTCç xai c \f.izzq TOJV ÉTCTa TY;V TCJ iwTa cûva;ji'.v, c
bï 7Uc{JLTTTCÇ TC 0, EXT0Ç 8 S TO J, k^bogCÇ, C£ Xai TETapTCC CTTC TCb '^izZJ
TO a). Ai T£ cuvap.su; Tcàaat si; sv ffjp.TcXaxsèjat, rtyz\)Z\ xai cc;a\eur.7
sxsèvov ûcp' oj TJposjcXr/Jrj'jxv... ctà TCUTC ck yrtzi xai TCV Aapic s'.prjxkva'....
** oi oùpavci SnrjYoOvTat cc;av OSOJ 2.
Il nous res te à expl iquer la dernière phrase du passage : :JTG>:
xai a-Ace; si'pYjcatc v.ûp'.zq âXça xai OJ, àpyy; xai TkXcç, " bV CJ Ta TXVTX
£Y£V£TO xai /wpiç, auTCu SYéVSTC eues kv.
Le rappor t qui ra t t achera i t cet te r emarque à la notice qui p ré
cède n 'es t p lus a p p a r e n t pour n o u s ; il est évident cependan t que
Clément ne les a pas réunies sans ra i son . On ne peut penser que
le Se igneur , r ep résen té par la première et la dernière voyel les ,
1. ( le g e n r e d e e o m l u n a i s o n se r e t r o u v e d a n s les a n c i e n n e s s o i u v c s
a r i t i i m n l o g u p i e s . C 'es t ee <|ue p r o u v e ee p a s s a d e d e T h é o l o g . A r i t l i m . p . 17
f(ui se r a p p o r t e p r é c i s é m e n t à un suje t s e m l d a l d e : \-~.x --ïr. /.•.n.yx-.')' xizi-
iiy.niv i":a'//'!v:'i)v ~xo = ; TOCJ t'-»v xr:Àav'o'< <>VOOTJ \>.;V. UJI X~'/.'>J ?>:, /.%: z(>-> 'v,u; I l / i » I I / . . 1 1 '
à-OTîÀoJvT'uv txapiOpoj; o:x tfé; po!,rJ3è't>;, avxyy.r, rx OîXJT^UXTX XJTMV XX; O'.W
u.£aoTY)Tai; ë£ OKaipyeiv. 2. Cf. l e s p a r a l l è l e s d a n s I i o s c h e r , LeriUon, III, p . 2ÎM0 s<p
2 4 1 UN FRAGMENT D'ARITHMOLOGIE
est identifié ici avec le xcajj.oç ( = l'ensemble des voyelles), car ce serait contraire aux doctrines gnostiques comme à celles de Clément. Nous trouvons cette fois encore le mot de l'énigme dans un fragment de Marcus (Irénée, I, 15, 1 ; Hippolyte, VI, 50). Il y explique avec beaucoup de difficulté et d'accrocs à la vérité que le nom de Xpsixxoç correspond d'après un calcul isopséphique spécial au nombre 30 qui est à la fois le nombre des Eons et celui des lettres de l 'alphabet ( = 24, plus le nombre du stigma £-îJï;;JLSV ZZZG. Hippolyte, VI, 49). Le nom de Christ peut donc être considéré comme embrassant tout l 'alphabet. Il explique par cette particularité l'origine de la parole de Jésus : « Je suis l'alpha et l'oméga », car voici ce qu'il ajoute : y.al b\à xouxo bsçaoxv aùibv Asysiv* iyo) xb aXoa y.al xb o>. D'autre part, cette parole fameuse avait encore reçu une autre explication: a et a/, comptés comme chiffres, représentent 801. Or ce nombre correspond précisément h la valeur isopséphique du mot Kepujxepi, la colombe du baptême de Jésus K On n'avait pas manqué de relever cette coïncidence frappante et Marcus continue : sTxiSsixvuvxa XYJV rcsptaxspàv xouxov £)joujav xbv àprOp.bv, o èaxiv ixxay.iaxa sv.
Ainsi, cette longue parenthèse dans l ' interprétation du troisième commandement nous apparaît comme un résumé et une adaptation orthodoxe des théories du gnostique Marcus. Il serait difficile de dire avec certitude si elle provient de la source du reste du chapitre qui a pu être Hermippe de Béryte ou si elle représente la contribution personnelle de Clément à l 'interprétation allégorique. La seconde hypothèse cependant paraît plus vraisemblable. Il n'est pas rare que Clément utilise plus ou moins librement la littérature gnostique sans la citer. D'autre part, maints indices comme le pêle-mêle des remarques, la maladresse ou le manque des transitions, les négligences de la rédaction trahissent le travail du compilateur peu soigneux qu'était Clément et désignent ce chapitre comme une parenthèse assez grossièrement rattachée au premier fond constitué par Aristobule.
Cette étude est instructive pour l'histoire de l'arithmologie qui nous apparaît ici dans le dernier stade de son évolution. L'utilisation des théories de l'ancienne arithmologie dans un but
i. Cf. Hippolyte, VI, 52, et Irénée, I, 15, 1, pour l'interprétation du récit évanoélique.
DANS CLÉMENT D ' A L E X A N D R I E 2 l a
d'apologétique religieuse fut inaugurée par les Juifs et estimée particulièrement d'Aristobule et de Philon. Les Gnostiques, parmi lesquels il faut citer surtout Valentin, Marcus et Simon pour les sectes chrétiennes, et l 'auteur du Poimandros pour les sectes païennes, continuèrent la tradition, en accueillant en outre généreusement ces doctrines dans leurs systèmes philosophiques. Les écrivains orthodoxes ', fidèles à leur méthode habituelle de polémique, suivirent leurs adversaires sur ce terrain pour chercher, eux aussi, entre les théories arithmologiques et leurs croyances religieuses, ces concordances miraculeuses qui sont l'indice de la vérité.
1. Ou t re Clément il faut encore ci ter Lactance , de opif. Dci. c. 8 et 10, de div. inst., VII, 14. Ter tu l l ien , (7e anima, 37, Saint Amhroisc , pp.. I, 4L 3. 10, 1 1 , 1 3 . deNoë, 12,39. de Abrah., 1,09. 11,03. II, 11, 78. hexacm.. IV, 9, 34. expos, in Luc., VII , 93 . in psalm., CXVIII, 7 s q . P s . - A m l n o L o Mi^ne, Pair, lai., XVII), p p . 2 h ; 3, 410, 373. Saint August in , in psalm.. XI.IX, 9, in psalm., VI, 2 ; LXXIX, 10. ep., II, LV, 9. sermo, LXXXIII, 7. XCV, 2. LI, 34. CCLXX, 3 . Saint J é r ô m e , in Amos, II, 3. in A<J<J.,± . in Z.achar., I, 1. in Malh.,Il, 13 . adv. Jov., 1, 10. in Eccl. (t. III, Mifrne, p . 421 . Saint Basile. hom. 4* in Hexah., 3 . Bs.-Basi le , hom. slruct., II, 0. Ori^ène, in ppisl. ad Rom., I I I , 8. in Joan., t. II , 29, t. XXVIII, 1. Théodore t . in Faut. Canf., II, v . 7-8. IV, v . 7-8. Saint Cyprien,e/>. ad Fort un., 11, testim., I, 20.
1
•1
i
V I I I
LA TETRAGTYS
PYTHAGORICIENNE
••
1
1
LA TÉTRACTYS PYTHAGORICIENNE
La doctrine TSTpaxxù; tient une place importante dans la philosophie des anciens Pythagoriciens. Ce mot mystérieux dont l'origine et l 'emploi sont exclusivement pythagoriciens paraît, à beaucoup d'auteurs, représenter une des théories essentielles de l 'arithmologie. Non pas, d'ailleurs, que tous sachent ce que représente exactement ce mot ou qu'ils s'accordent sur cette question. Plus on s'éloigne des origines, plus le sens en devient obscur et plus variées se font les notices qui prétendent l'expliquer. Par une conséquence assez naturelle l 'importance de la tétractys ne fit que croître, au point qu'elle fut considérée par beaucoup d'écrivains de la décadence comme l'essence de la philosophie pythagoricienne. Cette évolution est très sensible non seulement chez les profanes qui aiment à étiqueter d'un mot les systèmes des philosophes ou à les résumer en une formule, mais encore chez les doxographes dont l 'ignorance est moins explicable.
Les auteurs modernes n 'ont pas repris l 'examen de la question, soit qu'ils aient négligé les variations de la Tradition, soit qu'ils aient estimé qu'un mot ne méritait pas tant de recherches. Je n'ai pas cru inutile cependant d'en entreprendre l 'étude en raison de l ' importance qui lui est reconnue par la doxo-graphie ancienne. Celle-ci n'eut pas tout à fait tort d'ailleurs : outre qu'elle constitue une doctrine pythagoricienne dont l'intérêt ne peut être nié, la tétractys représente encore une des doctrines fondamentales de l 'arithmologie.
Elle nous est connue surtout par dos notices d'écrivains de la période alexandrine et de la décadence. Ln des rares documents pythagoriciens où il en est question est une formule poétique de-serment qui nous a été transmise par de nombreux auteurs '. En
1. La plupart des citations ont déjà été rassemblées par Nauek. dans son édition de la Vie de Pvtliairore par .lamldnpie, p. 21»» sij. et p. 2*2° s<p :
2Ô0 I. A TÉTItACTVS
voici le texte sous sa forme la plus ordinaire et sans doute la plus exacte :
eu, p.i TOV à|jL£Tspa y"jya wapaSévra TSTpaxiûv rrayàv àsvcxcu 2>ûa£(.)ç £{u(ou,2 l'c'youcrav.
(v Non, je le jure par celui qui a transmis à notre âme la tétractys en qui se trouvent la source et la racine de l'éternelle Nature. » L'être mystérieux que les Pythagoriciens prenaient ainsi à témoin et dont le plus beau titre de gloire est l'invention de la tétractys est évidemment Pythagore : les commentateurs anciens l'avaient déjà reconnu.
La comparaison des différents textes de cette formule présente quelques variantes remarquables qui permettent de distinguer divers rameaux de la Tradition.
1. àp.£TÉpa Y ,JX?] (à^£T£paiç ^uyat; de David [Schol. Arist . 14 b 401 n'est qu'une variante du texte des Vers dorés). àu,sTspa ysvea : Jamblique, V. P . , 162 (à;j.sTspYj yevsYj), Théol. Ar i thm. , p . 18 et Porphyre, V. P . , 20, dont les traditions sont à peu près identiques et doivent remonter à une même source intermédiaire. àp.sTÉpa y,£raXa : Sextus Empiricus, dans un passage, IV, 2 (ailleurs erjya) et Stobée, ecl., I, J 0 , 12 (variante du texte d'Aëtius Plutarque a 2oy$] qui pourrait bien représenter le texte original
Aëtius, de plue, I. 3, 8 (P lu ta rque , pi. phil., I, 3 et S tobée , ecl., I, 10, 12),
Sextus Empir . , adv. math., IV, 2 et VII, 94 sq. , P o r p h y r e , V. P . , 20, J a m
blique, V. P . , 150 et 162. Théol . Ar i thm. , p . 18. Hippolyte , refut. haer., I, 2,
IV, 7, VI, 2, 23 et VI, 2, 34 (= Valent in) . Julien, or., VI, p . 196 c. Macrobe, comrn. in Somn. Scip., I, 6, 41 . Théon de S m y r n e , expos, rer. math., p . 94.
Les Vers Dorés, v. 47 s. [et d ' après eux, David, proleg. phil. (Schol. Arist. I f b UT. Georgius Cedremis , I, p . 275, 2, éd. Bonn. Nicé tas , comm. inGreg.,
II, p . 1227, é d . Col. Proclus , in 77m. , p . 6 A et p. 155 D. l J'ajoute encore à ce t te l iste : Damaseius , duhit. et solut., éd . Ruel le , p . 63. Thémis t ius ,
paraplir., I, p . 220, 22. Simpl ic ius , in Arist. phys. ausc, VII, p . 1102 Diels. Psel lus, epist., 182. éd. Sothas , 1876). I rénée , adv. haer., III, 1. Saint-Ambroise , de Abraham, II, 65. P roc lus , in Remp., II, p . 69 ( = Les Vers Dorés sans doute . Pliilon paraît avoir connu aussi la formule du serment» d 'après opif. m. 52 : : i vxp t i i t a p a 7Tor/£:a i£ o>v TO'SS TO r:av eByjuioùpYïïQï]'
/.aOâ-£p à-ô -r(v-?i; Jpp'J/i tr (: èv àp'.0;j/n; T£Tpa8o; et plant. Noë, 120 : TOCç Te
yoiv TOJ -avTo; p-.7aç, è; (T»v 6 zo'auo;, TeTtapa; elvat ayiApéphy/e... et surtout 121 :
7.; o'e-7'.v (les 4 côtés du car ré ûpOorr^o; Xo'you 7açî) 0£''y;j.aTx, ~r,yrj g | àevaoc,
PYTHAGORICIENNE 2 3 1
de ce doxographe ; . èv y:spvoi<7iv i\j.oiq : Julien, or., VI. p . 19G c. La leçon correspondante de Jamblique, V. P., loO : iu^TÉpa; «jcsîaç dépend d'une autre variante de texte. La tradition de Jamblique en ce passage offre la leçon sùpsvTa au lieu de r.zpzzÔYtz. L' introduction de £Ûp£vT3 dans le texte nécessita un changement de construction qui entraîna une modification des termes de la formule.
2. rcavav] nous ne trouvons ici que la variante r.rrrrtv (Théon de Smyrne, expos., p . 94, Sextus, adv. math., IV, 2 et VII, 94, Hippolyte, adv. haer., I, 2, VI, 2, 23 et VI, 2, 34). Cette leçon. qui remplace une forme dialectale par la forme ordinaire, n'a pas d'importance, pas plus que la graphie incorrecte zvrtzz'j que présentent la plupart des manuscrits.
3. Porphyre , V. P., 20 et les Théolog., p. 18, nous offrent avec yûcizz une variante dialectale plus pure que SJTSGJ; : c'est une preuve nouvelle de leur commune origine.
4. La leçon p^<»|j.â T sycjaav est celle d'une infinie minorité des citations : d'un seul des passages d'Hippolyte (VI, 2, 34 =r Valentin) et d'un manuscrit de Théon de Smyrne et je crois que cette graphie est due à un pur hasard. La leçon ordinaire est pi£u)[Aa-' qui donnerait à la phrase un sens différent « source qui possède les racines de l'éternelle nature » ou « source de l 'éternelle nature qui possède les racines ». Quelle que soit la construction que l'on adopte, on conviendra que le sens donné parla première lecture, qui ne nécessite d'ailleurs aucune correction. est préférable.
5. Enfin, la variante la plus importante consiste dans le remplacement de la formule négative par une allirmation : va». \J.X /.TA. Celle-ci se rencontre seulement dans les Vers dorés et chez les auteurs qui la connaissent par cet intermédiaire : David, Cedre-nus, Nicétas. Elle s'explique par le fait que le faussaire à qui on doit la compilation des Vers dorés a repris ce serment pour donner plus de poids à une promesse ^v. KM : TaJTa -z TY;; hzir,; xzz-ft; etç ïyvia 6TJ?EI. Comme la forme négative ne pouvait convenir à son dessein, il n'a pas hésité à y introduire la modification requise. Ajoutons que cette variante se trouve encore dans un passage d'Hippolyte (IV, 7) sans qu'on puisse en expliquer l'origine comme pour les Vers dorés, à moins que de le croire emprunté à cette source. Il n'en subsiste pas moins, en tout cas,
2 5 2 LA TÉTRAC.TYS
que la formule négative est la leçon ordinaire1 et sans doute, primitive du serment : c'est attesté par l'accord de nombreuses traditions d'origine et d'époque très diverses.
D'ordinaire le serment est simplement attribué aux Pythagoriciens ; on ne trouve pas d'indication plus précise d'un livre ou d'un auteur à qui il serait emprunté. On a cru pourtant, sur la foi d'une citation des Théologouména Arithmétikès, p . 18, qu'il ligurait dans un remaniement des poèmes d'Empédocle ou dans un apocryphe inconnu de ce philosophe. Mais, outre que c'est une hypothèse peu plausible à cause de la différence de dialecte, je crois que le passage des Théologouména a été mal compris : xc.rjxrjç §k o'jcrtç, è^o)(/.vucv ci' ajxrjç, xbv ILOoeyopav ol avopsç, OaujJià-çOVTîç CYJXOVSXI y„2t àvsucp7ju,ouvxsç STU XYJ eûpéffei, y.aôa TCOU v.al 'EU.TCS-
csxArjç ' cil, \J.Z XXà. Malgré les apparences contraires, c'est une erreur de rapporter les mots y.aOa TCOU xal 'Eu.xcsboy.AYjc à la citation qui suit. Les vers du serment sont assez clairement attribués aux Pythagoriciens par les mots STCG)U.VUOV cl avhpéq. La comparaison y.aôà xcou, etc. , doit être rapprochée de ce qui précède : 6aou,aÇovxsç sYjAcvsTi y,ai àvsuçrjp.ouvxsç èxcl xvj sûpsasi, les Pythagoriciens admirent leur maître et le bénissent pour cette découverte comme le fait aussi quelque part Empédocle. C'est une allusion aux vers d'Empédocle souvent cités dans l 'antiquité :
rHv CE TIC, sv xeivoiffiv àvvjp Tceptwata stbcoç cç crt U.TJXIOTGV xcpaxaGtov èxx^aaxo TCAQDXCV, etc.
Dans ces vers qui, d'après une interprétation assez digne de foi ~, se rapportent à Pythagore, Empédocle célèbre la puissance de son intelligence et la miraculeuse acuité de ses sens qui lui permettait de faire des découvertes étonnantes. Il semble que l 'auteur des Théologouména comme la source de Porphyre, V. P . , 80 et de Jamblique, V. P . , 67 ( = Nicomaque) aient compris l'invention de la té t rac tys 3 parmi ces découvertes.
1. Lucien ne connaît qu'elle non plus, à en juger d'après la parodie de Vit. Auct., 4.
'2. Timée, dans Jamblique, V. P. , 67, Porphyre, V. P . , 30 et Diogène Laërce, VIII, 54, où il est cité.
3. Ces auteurs interprètent les vers d'Empédocle comme une allusion au miracle par lequel Pythagore entendait l'harmonie des sphères : nous verrons plus loin qu'ils donnent à cette harmonie le nom de Tcxpaxxj;.
PYTHAGORICIENNE 2 3 3
Les auteurs qui citent la formule du serment sont tous d'époque assez récente, de sorte qu'on pourrait croire qu'elle était ignorée de l'ancien pythagorisme. Mais l'étude des sources nous permet de la reporter à une époque plus reculée. La plupart des citations proviennent, souvent à travers de nombreux intermédiaires, de deux sources assez anciennes. C'est d abord Timée, l'historien du ive siècle, dont Jamblique ( V. P., 102), Porphyre et les Théologouména nous ont conservé la notice (l ' intermédiaire est vraisemblablement Nicomaque) l. Ensuite l 'auteur d'un traité d'arithmologie d'époque alexandrine (111e ou 11e s. av. J .-C.) d'où proviennent les fragments, de caractère arithmolo-g ique 2 , de Sextus, Aëtius (tradition spéciale avec Sextus, IV, 2i, Philon (de pi. Noë, 120-121, opif. m., 52, simples allusions). Théon de Smyrne, Macrobe, H i p p o l y t e \ Zeller (Phil. der GV., IIa , 101 o, n. 3) a émis l 'hypothèse, peut-être trop hardie, que le nom donné par Xénocrate au premier principe, àsvasv, était inspiré du fragment poétique pythagoricien. En tout cas, la valeur et l 'époque des sources dont nous venons de parler nous permettent de rapporter la formule du serment à l'ancien pythagorisme.
Les traditions concernant la tétractvs forment un véritable fouillis et pour retrouver le sens originel de cette doctrine, il faut procéder à un classement méthodique des anciennes définitions. L'étymologie ne peut fournir que des données vagues et conjecturales dont on ne peut se contenter. La comparaison avec
t . La source indirecte de J a m b l i q u e , V\ P.. 102 et Porphyre , \ \ / ' . , 20 es t T imée : l ' a t t r ibut ion du p rove rbe ç'.XO'TTJ;, -SOTY,; à Py thagore =: P iogène Laërce VIII , 10), de m ê m e q u e la notice sur la croyance à la na ture divine de Py thago re — Ja inb l . , V. P., b'J, 2;ib, e tc . P iogène Laërce , VIII, 11 prov iennen t de cet a u t e u r . Nous avons vu que le texte de J ambl ique . Porphyre et des Théo logouména p résen te des t rai ts «le paren té cer ta ine .
2. Tous les au t eu r s cités ici ont conservé «le larges f ragments «l'aritlimo-logie qui r emon ten t ind i rec tement à une source unique qu'on peut repor te r au in c ou n e s . av . J . - C Les d ivergences de texte «pie nous avons constatées e n t r e eux s 'expl iquent par le grand nombre des sources i n t e rméd ia i r e s .
3. J ' ignore la source «le Simpl ie ius , des Vers dorés et de Jambli«pic, V. P.. li>0, dont la tradit ion p résen te îles \ a r i a n t e s r emarquab l e s .
2 ai- LA TÉTRALTVS
d 'aut res mots formés de la m ê m e manière éxaicsTÙç, yt/uoarjç,
ji.'jpisjT'J;, Tp'.TTuç, révèle qu 'on pourrai t a t t r ibuer à ce mot , à p r e
mière vue, deux significations, celles de « qua t r ième part ie » et
d .. ensemble de qua t re choses, qua te rn i té >*.
Ces rapprochements para issent établir qu 'un mot composé par
l 'adjonction de ce sullixe (qui peut p rendre les formes y/cùç, rcûr,
J - J ç ) à un nom de nombre , ne conserve jamais le sens propre
de ce dernier . Cet te r emarque n 'es t pas sans por tée , puisque cer
tains au teu r s ont voulu reconnaî t re s implement le nombre 4 dans
la t é t r ac lvs (David, Schol. Arist., 14 b 40). Sextus Empir icus
[ailv. mal h., IV, 2) s 'expr ime de telle layon qu'i l semble pa r t age r
cet avis , mais il se corrige i m m é d i a t e m e n t en expl iquant que
par 4, il entend l ' ensemble des qua t re premiers nombres . L 'or i
gine de Terreur de David doit ê t re cherchée dans l ' identification,
qui est fréquente, de la t é t rac tys avec la t é t r ade . Le mot TSToàç
en effet désigne aussi bien le nombre ï que l 'ensemble des qua t re
premiers nombres , de sor te qu ' i l a pu aider à la confusion des
deux mots TSTca'/.rjç et léeuapa.
Vne opinion plus é tonnan te est celle d 'un au teur anonyme
d 'une Vie de P y t h a g o r e (Pho t i u s , bibl., cod. 249, p . 439 a) et de
Suidas (s. v. âpiO;j.ôç) su ivan t laquelle le mot TE-pay.rJç aurai t pu
désigner n ' impor te quel nombre . Tous les n o m b r e s , expl iquent
ces au teu r s , se forment avec ceux de la première dizaine ; cel le-
ci à son tour s 'obt ient par l 'addit ion des 4 premiers nombres : y.at
oi'y. TCUTO xbv àp'.0;zbv îuavxa xsipaxTÙv è'AEYOV. Cet te notice provient
d u n e tradi t ion fautive d 'une doctr ine a r i thmologique qu 'on
re t rouve sous sa forme originelle dans Phi lon , de plant. Noë,
123 : y,a/,s?7a» sa rt TETpà; zal « ~yz » z~i TSùS cè/pi cEzaSoç; v.yl ajTYjv
CEzaoa zEp'.Éysi ouvâ-p.E'., et 125 : cV/.àç SE y.ai Tsxpâç « r.xq » p.èv
àp».6;Tsr (sv àp'.Oy.cîç W e n d l a n d ) stvai AéVE-TCU, âXXà ss/ . i ; ;J.èV «TTCTE-
AÉ5p.«Ti, TE-pà; ce cuvap.s'. (cf. Théol . A r i t h m . , p . 59 et 60 où la
décade est appelée îcav). Cet te note signifie que la décade et le
qua te rna i re ont reçu le nom de « tou t » et sont considérés
comme équivalent à tous les nombres parce que la dizaine (ou
I -[- 2 + 3 -|~ \• --= 101 suffit à former n ' impor te quel nombre .
Cet te remarque a été mal in terprétée par la source de l 'Ano
nyme et de Suidas : elle a cru qu 'on pouvait renverser les r ap
por t s de sujet à a t t r ibu t et appl iquer à un nombre quelconque le
nom de TEspaxT-Jr.
PYTHAGORICIENNE 2 3 3
Cependant la plupart des notices anciennes reposent sur des conceptions plus conformes à l 'étvmologie. En général la TîTC^X-
TJç, souvent confondue avec la tétrade ou quaternaire, est définie comme un ensemble de quatre choses.
Pour certains auteurs, la tétractys est multiple et variée : chaque série de quatre êtres qu'on peut découvrir dans la nature peut recevoir ce nom. Théon (exp. rer. math., p. 03 sq. ) distingue jusque onze séries de ce genre : les 4 saisons, les i âges do la vie, les 4 éléments, les 4 parties de l'âme etc. Cette conception isolée ne peut être considérée comme donnant la signification originelle de la tétractys qui apparaît ailleurs comme un phénomène unique. Ce n'en est qu'un sens dérivé et assez récent, dont voici l'origine. Dans la plupart des traités d'arithmologie, pour prouver l ' importance du quaternaire ( = Ts-rpâç et quelquefois TSTpaxTuç) dans l'explication des lois naturelles, on s'ingénie à trouver des listes semblables de quatre choses. Les plus importantes ont été conservées par les Théologouména. Anatolius, i . p . 18 sq. Philon, plant. Xoe, 120 sep et opif. m., 18 sq. Sextus Empiricus, atlv. math., IV. Il, VII, 04, X, 277. Hiéroclès, in aur. carm., v. 47. Lydus, de mens., M, 0. Martianus Capella. II, loti et VII, 734. Plus tard on applique à ces séries le nom de -Z-ZT/.'-J;
qui ne désignait jusque-là que le principe du quaternaire distribuant tous les êtres par séries de quatre.
Plus fréquemment, la tétractys désigne un ensemble de quatre nombres. Beaucoup de conceptions se ramènent à cette définition très générale : un nombre parfait composé de quatre nombres qui se suivent dans un ordre déterminé. Tel est à peu près le sens d'une note de Sextus Empiricus VII, 01 et de Simpli-cius (m Arist. jthi/s., lib. VII. p. 1102 qui donnent comme exemple le nombre 10, formé de la somme des quatre premiers nombres.
Il semble qu'on peut ramener à une définition semblable la signification attribuée par Plularque de /s . et (hir., 73 et de un. procr., 11,1 et 14, o) à la tétractys. Il en distingue plusieurs à vrai dire, en particulier la pythagoricienne et la platonicienne : la première se compose des quatre premiers nombres pairs et des quatre premiers nombres impairs, dont la somme est 30. La tétractys platonicienne est la somme des nombres de l'âme du monde, dont la création est exposée dans le Timee. Elle est
2 5 6 LA TÉTRACTYS
représentée par certains nombres qui se suivent dans une progression déterminée et qui sont disposés selon ce schéma, qui fut adopté par la plupart des commentaires du Timée. Chalcidius (in 77m., ch. 35 et 38) connaît une théorie semblable : la première quadratura correspond, il est vrai, au nombre 10, mais la seconde est formée par 30 et la troisième par les nombres du Timée de Platon.
Cependant la somme de quatre nombres ordinairement identifiée avec la tétractys est 10, formé par l'addition des quatre premiers nombres : 1, 2, 3 et 4. Chose curieuse, le mot isipaç, qui devrait être réservé au nombre 4 (comme les autres mots formés de la même façon désignent les nombres correspondants) est fréquemment employé pour représenter l 'ensemble des 4 premiers nombres. Dans Tarithmologie, 10 est considéré comme le nombre le plus parfait de tous parce que la première dizaine sert à former tous les nombres à l'infini. Speusippe consacrait au nombre 10 la moitié de son Tcspl ^uOayopawv àpiOp.â>v qui fut un des premiers traités d'arithmologie (Théol. Ari thm. , p . 61).
Comme 10 était précisément produit par l'addition de 1, 2, 3 et 4, l 'ensemble de ces nombres, appelé TstpaxTÙ;, apparut comme le générateur de la décade et, par elle, de tous les nombres : c'est ainsi que le sens du mot est expliqué par Aëtius, I, 3, 8, Sextus Empiricus, adv. math., IV, 2 etc. Lucien, vit. auct., 4 1 ,
1. Voici ce texte : ôpa; ; à au oo/Éstç tîTrapa, Tauxa 8s/a elal /al xptywvov âvx£-XI; /al y(;j.sx£pov ovy.tov. Le triangle parfait dont il est ici question est le triangle équilatéral. Il correspond à 10, parce que les Pythagoriciens représentaient les nombres par des figures géométriques composées de points (Nicomaque, intr. arithm., II, 8) : 10 est un nombre qui est représenté par un triangle équilatéral, comme le montre la figure ci-contre.
• • • • • • •
Le schéma d'arithmétique géométrique rend plus sensible qu'aucun
P YTHAGORICi ENNE 2 3 7
Anatolius, -spi ssy.aso;, 4, Théolog. Ari thm., p . 18. Hippolyte.I , 2, VI, 2 , 2 3 , IV, 7, etc. Damascius, dubit.. p. 63, éd. Ruelle. Théon de Smyrne, expos., p . 38 et 93, Saint Ambroise. de Abraham, II, 63, Athénagore, /eyy., 6 L Philon {de plant. Xoë. 124 et opif. m., 47) attribue la même valeur à la tétrade fqui équivaut ici à la tétractys) dans des passages où l 'auteur parait vouloir commenter le serment pythagoricien L
Donc on attribue le nom de i=-px/-jq pythagoricienne, à deux nombres, à 36 et au quaternaire (considéré soit comme un groupe de 4 nombres, soit comme équivalant à 10) pour des raisons empruntées à l 'arithmétique.
Mais la tétractys joue aussi un rôle important dans la musique et, à cette occasion, reparaissent les nombres 10 et 36. La notice de Nicomaque (cxcerpt. ex Xieom., 7. Mus. script., Jan. , p . 279) se rapporte au nombre 36 : y.àvTsOOsv rt -zôr.r, -I~.ZXA-.-JZ
TYJV TOW <7'JU.?<<)VIGW ïïrjïjv ïyzjzT. àvaça'.vs'j.iyyjv :ùv 7" rt 0 p, jr.2-rtz T£ xal p.s?Y]£ /.al VYJTY;ç xai -apapiar^ ïyzjzy. A:-;:V /.al TSV S-:*;:: : /
TuepiXajjLêavsuffa. 36 est la somme de certains nombres par lesquels on peut représenter les intervalles des accents musicaux. Kn partant de 6, la quarte correspond à 8, la quinte à 9 et l'octave à 12. En ajoutant à la somme de ces nombres l'unité qui représente la valeur d'un ton (différence de 8 à 6) on obtient 36.
L'autre interprétation, qui est beaucoup plus répandue, prend
au t re le mode de composi t ion des n o m b r e s . Quand on ajoute à un nombre
t r iangula i re , le n o m b r e qui le sui t , on ob t ien t le n o m b r e t r iangulaire sui
vant . Ainsi le p remie r nombre t r iangula i re est 1 ; le second. 3. est forme
par l 'addit ion de 2 au p remie r . Le t rois ième 0, par addit ion de 3, le 4''. par
addi t ion de 4, est p réc i sément 10.
1. Les qua t r e livres néo-py tbagor ie ïens -iy. St; -.i.zi/.-^',;, a t t r ibués par
Su idas à Té laugès , un fils de P y l h a g o r e . avaient pour fondement la même
théor ie . Il est v ra i semblab le en elïet que cet ouvrage est le même qu 'un
iepô; Xo'yo; dor ien a t t r i bué à Py lhagore qui étudiait success ivement tous les
n o m b r e s de la décade . La té t rac tys devait donc co r respondre ici aussi à la
décade (cf. c i -dessus mon é l u d e sur l'LvJ; /'»••'>; dorien .
2. On t rouve encore l 'équat ion 1 -f- 2 -f- 3 -f- i .-. 10 dans d au t res
au t eu r s qui ne parlent pas de la té t rac tys : Vllijmnc /e//u.q/<o\< <>-,/rp/o</>/e
au Nombre Syr ianus , comtn . in Arist. met., p. S03 a 10 . Lydns . </<• mens..
II, 0. Marl ianus Capella, II, 100 et Vi l , 73i . I 'avonius . in Somn . N-w/... p. ."».
Pho l ius , cod., 2 i0 , p. 430 a. Chaleidius , in / o u . , 33. lliero» les. in aur. «a/ui . ,
v. 47, etc.
Diu.vrri . — Lill. /u///»./</. '
258 LA TÉTRACTYS
comme base le quaternaire. Philon, vit.Mosis, II, 115, opif. m., 48, Théon, expos, math., p . 58 et p . 93, Athénagore, leg., 6 (pour l'harmonie en général), les Théologouména, pp . 23-24 (pour l 'harmonie de l'âme), Anatolius, izs.pi Bexàooç, 4, et Sextus, IV, 6 et VII, 95 (pour l 'harmonie de Pâme et du XOœJJLOç) retrouvent dans les quatre premiers nombres comme dans 36 les principales harmonies musicales : le rapport de 4 à 2 ou de 2 à 1 représente l'octave, de 3 à 2 la quinte, de 4 à 3 la quarte. Par conséquent, les quatre premiers nombres (qu'on appelle leur source quaternaire, décade ou tétractys, peu importe) peuvent expliquer les accords harmoniques principaux ; d'après la conception antique on peut même dire qu'ils les représentent et les contiennent.
Les musicographes anciens, pour exposer la théorie de ces accords, choisissent d'ordinaire soit la série 1-2-3-4, soit l 'autre 6-8-9-12 dont les termes ont des rapports plus clairs. Ainsi les Théol. Arithm., pp. 23-24, Ghalcidius, in Tim., 35, Ps.-Ambroise (Patr . Migne, XVII, p . 3), Anatolius, § 4, se sont décidés pour le quaternaire. Au contraire, l 'auteur de YEpinomis, p . 991 a b , Aristote, met., XIII , 6, 6, Nicomaque, excerpt., 7etencheir . , 6, Jamblique, V. P . , 115 et in Nie. arithm., p . 121, Boëce, de mus.,
I, 10, Gaudentius, isag., 11, Favonius, inSomn Scip., p . 15 ont préféré les nombres 6-8-9-12. Enfin, dans d'autres auteurs, comme Sextus, adv. math., IV, 8 et VII, 96 ( = 4), IV, 7 et hyp. pyrrh., III , 155 ( = 36), Martianus Gapella, VII, 737 ( = 36) et
II , 107 ( = 4), Théon, p . 89 ( = 36) et p . 58 et p . 93 ( = 4), Macrobe, in Somn. Scip., II, 1, 8 ( = 36), II, 1, 12 ( = 4), Fulgence, myth., 111,9, Censorinus,deah'enar., 11 , 4, on trouve tantôt l 'un, tantôt l 'autre des systèmes d'explication mathématique des lois de la musique. Il apparaît clairement maintenant, malgré ce qu'en pense Plutarque, que les considérations ari thmétiques sont étrangères au choix du nombre 36 pour représenter la tétractvs. La vraie raison doit être cherchée dans ces études d'acoustique.
En résumé, la tétractys fut identifiée avec 36 et avec 10 surtout en raison de la valeur de ces nombres dans les formules mathématiques des symphonies. On peut dire que la tétractys est l 'ensemble des quatre nombres dont les rapports représentent les accords musicaux essentiels. Précisément, la découverte de ces lois acoustiques qui fut considérée par l 'Antiquité comme
PYTHAGORICIENNE 259
une invention géniale, fut généralement attribuée à Pythagore, non seulement par ses disciples, mais encore par les spécialistes étrangers à l'École. Ceux-ci, parmi lesquels il faut citer en première ligne Xénocrate (Porphyre, in Ptolem. harm., 3. Cf. aussi Diog. Laërce, VIII, 12. Proclus, in 77m., II , p . 174) se bornent à constater le fait. Les Pythagoriciens avaient brodé sur ce thème une légende pittoresque et merveilleuse 1 où on reconnaissait modestement une part à l 'inspiration divine.
Cette découverte produisit sur tous les esprits, particulièrement sur les Pythagoriciens, un effet extraordinaire que nous ne pouvons plus guère apprécier aujourd'hui. La tétractys leur donnait la clef des mystères de l'acoustique et ils étendirent à tout le domaine de la physique les conclusions de cette découverte. Celle-ci devint l'un des fondements de leur philosophie arithmo-logique et on comprend qu'ils aient pu considérer la tétractys comme la « source et la racine de l'éternelle Nature ». Cependant la valeur scientifique de cette théorie ne suffit pas à expliquer l 'admiration et la vénération dont elle était l'objet. D'autres considérations ont contribué à faire de la tétractvs une sorte de doctrine magique extrêmement importante dans la vie morale et religieuse des Pythagoriciens.
On appelle 'Ay.out7p.axa un ensemble de doctrines et de préceptes d'une secte traditionnaliste de l'ancien Pythagorisme. Ils sont très précieux pour la reconstitution de la philosophie et de la morale des anciens Pythagoriciens, encore que les notices en soient souvent obscures. L'exposé des Recueils d'Acousmata se présentait, autant qu'on peut encore en juger, sous la forme d'un questionnaire avec réponses. Dans une série d'extraits cités par Jamblique, V. P., 82 (dont la source est Aristote *), on trouve parmi d'autres définitions assez mystérieuses, la formule suivante : xt sort xb èv AeXcpsi; p.ayxsïcv ; xîxpay.xûç ' or.zp èox'.v YJ âp;j.o-véa, ev f) ai Seiprjvs;. — Le point le plus clair de cette doctrine c'est la définition de la tétractys qu'on identifie avec l 'Harmonie.
1. Nicomaque, encheir.,(j. Janibl., V. P., il;» et in Xic. arithm.. p. 121 . Gaudentius, harm., II. Boëce, mus., I, 10. Fulgence. mi/thol., III. 0. Censori" nus, de die nut., 10, 8. Macrobe, Somn. Scij)., II, 1,8. Chaleidius, in Tim., 44. Isidore, orig., III, 1;>, 1.
2. Cf. Hohde, Hhein. Mus., XXVII, p . .13, et Iloelk, oV .icusmalis une symh. Pi/thagor. dissert. Kiel, 1SUU\ pp. 3 et 33.
2G0 LA TÉTItACTYS
Ce fragment apporte un appoint décisif à la conception de la tétractvs à laquelle nous nous sommes arrêtés en dernière analyse. En elfet, nous n'avons plus alfaire ici à des commentaires tardifs d'écrivains étrangers au Pythagorisme, mais à un document (pie son origine et son antiquité rendent particulièrement précieux.
La suite de la formule iv rt oé. yJapvjveç est devenue mystérieuse parce qu'elle est isolée des commentaires qui l 'accompagnaient dans le recueil original. Nous pouvons heureusement l'illustrer par la comparaison avec une doctrine empruntée au mythe d'Er de Platon, Rep., X, 617 b. Il est question dans ce passage de l 'harmonie des sphères produite par leur mouvement de révolution. Platon explique allégoriquement cette harmonie en supposant qu'une Sirène placée sur chacune des sphères fait entendre sa voix et que l 'ensemble de ces voix qui s'accordent entre elles produit l 'harmonie du monde. Il nous est permis de rapprocher cette doctrine de la formule mystérieuse des 'Ay.oyffjj.aT a d'abord à cause de l'identité du sujet, ensuite parce que le mythe de la République est d'inspiration pythagoricienne, particulièrement pour ce qui concerne la description de l 'Univers. Certain commentateur de Pla ton,dont Théon de Smyrne (expos, rer. math., p. 147) a conservé la remarque, avait déjà reconnu le rapport que nous venons d'établir entre Pythagore et Platon : svioi os ~ziprpxz CJ TSùç àcripaç Asy£<7Ôoé cpaavv, àXXà xaxà TO 7ïu6aYopr/bv TCJ;
u-b TY;<; TCJT(i)v çcpaç yivotAévou; vy/ouç y.ai pQb^ycuç Yjpg.oagivouç y.ai s-jgçaôvsoç, è; éov g.uv Yjpu.offjjLÉvrjV àTrsTîAsàjOar. <PU)VY;V. L harmonie dont il est question dans la formule des 'Ay.ouffjji.a-a est donc l 'harmonie des sphères ou de l 'Univers, doctrine dont l'origine pythagoricienne n'est pas douteuse L C'est pour cette raison que la tétractvs est quelquefois appelée y.ôffjj.oç (Plutarque, de Iside, 75) : elle représente en effet l'essence de l 'Univers.
Quelle est maintenant la relation de la tétractvs avec l'oracle de Delphes? Je pense qu'elle s'est établie par l 'intermédiaire de la légende des Sirènes. Les traditions sur ces êtres fabuleux sont extrêmement diverses et, pour une part, encore inexpliquées '-'. D'après certains indices on peut dire qu 'un rameau de
1. Zcller, Phil. der Gr., I, a, p. 41a, n. 1. 2. Cf. Weicker, der Seelenvogel in der Litlerntur und Kunst, et l'article
du même auteur sur les Sirènes dans le lexique de mythologie de Roscher.
PYTHAGORICIENNE 201
la légende établit des rapports entre elles et Apollon, le dieu de la musique et de la divination. Les Sirènes sont considérées par Homère (p., 184-189) comme connaissant tous les secrets. D'après Plutarque [de an. procr. in Tira., 32) elles passent pour annoncer les choses divines et leur caractère prophétique est nettement reconnu par Porphyre, qu. hom. Odyss., p . 18i : p,av7'.y.a». Ttveç aï Hîipyjve;. Sur certains vases ', elles apparaissent à côté d'Apollon citharède, comme les compagnes du dieu, ou elles ornent de bandelettes le trépied prophétique. Enfin, au témoignage de Pindare (fgt. 53) le temple d'Apollon à Delphes contemporain du poète était orné, sur le faîte, de statues dorées de Keledones, êtres fabuleux que l 'Antiquité a identifiées avec les Sirènes -. Les Sirènes semblent donc devoir leur rapport avec Apollon à leur caractère musical et prophétique.
Leur rôle dans la production de l 'harmonie des sphères ne s'explique cependant qu'allégoriquement. Cette harmonie, qui est l 'œuvre d'êtres prophétiques et omni-scients, est identifiée avec l'oracle de Delphes comme si elle en était la suprême révélation. Ici doit intervenir une autre croyance ésotérique, attestée aussi pour l'ancien pythagorisme, d'après laquelle Pythagore était une incarnation d'Apollon h La plus grande révélation qu'Apollon-Pythagore a faite aux hommes est celle de l 'harmonie des sphères et de la musique savante qui s'en inspire : ainsi Jamblique, dans sa Vie de Pythagore (65 sq.) reprenant pour son compte des idées qu'on peut dire beaucoup plus anciennes.
1. Déjà exp l iqués par W e i c k e r , Seelenvor/el, p . 40. 2. Pausanias , X, 5, 12. Cat ien, t. XVIII, p . 510. Athénée , VII. p . 200 K
(et d 'après lui, Eus ta the , a t / X, p . 1680, 37 et u, p. 1700, 30 . Phi los t ra te \77. A poil. y VI, 11, 247) croit que ees s t a tues représen ta ien t des be rge ronne t t e s : xai yf-'jaà; VuyYac; àva^at XiyïTat Xëtorjvrov T:và ; - ; y o n ; r.:•.')/.> / .TX. D'après le m ê m e au t eu r (17/. Apoll., I, 2a, 34) la c h a m b r e de Jus t ice du palais royal de Babylonc avait un plafond en coupole qui représenta i t le ciel. A l ' intér ieur é ta ient su spendues qua t r e s t a tues de ces oiseaux magiques : zxz: '"h /.x\
àvSocovt svruyeïv, ou TOV ôpo^ov I; OOXOJ avfyyOx: v/ï/xx ojpxvé» T'.V. ;:/.arevo'<
otxxÇst u.iv or) ô 3xatXrl»; ivrx'jQx, ypjxaî fÀ 'éjyyc; i-o/.pipxvTi'. TOJ 'jy>zox -;--.x}i;
TTjv 'AopâaTÊiav aJT(î) r.xoi-yyyonxi y.xl TO UT, [rziz. TOJç xv'h'.'i-oj; x'y.nhx:. Si ce t te descr ip t ion est exac te , on doit r approche r ce t te croyance babylonienne du rôle a t t r ibué aux Si rènes par les Pythagor ic iens .
3. Ar is to le dans Élien, 1 ' . / / . , II, 26 {cl. IV, I 7 \ Diogène I.aérée. VIII . t l (— Timée) , Porphyre , T. />., 28. J ambl ique , Y. / ' . . 30. 01. 133. 133. lit». 177, e tc . Lucien, «omnium, 13 et IH; mort, di.tlni/., 20. 3.
2 fi 2 LA TÉTRACTYS
Non seulement Pvtha^ore a trouvé et démontré les lois musi-cales, mais il a découvert l 'harmonie des sphères. Enfin il fut le seul des humains qui eut le privilège divin de l 'entendre. Ce miracle fut admis par l'Ecole pythagoricienne h
On ne comprendrait pas l 'enthousiasme des Pythagoriciens pour ces découvertes et ces rêveries si elles n'avaient eu qu'un but et une utilité scientifiques. Mais leur portée était autre. On connaît le rôle magique auquel la musique était destinée dans l'Ecole pythagoricienne : elle était considérée et employée comme un moyen de guérir les corps et de purifier les âmes 2. La musique humaine n'était pour les Pythagoriciens qu'une imitation de l 'harmonie des astres 3 ; grâce à elle, on pouvait espérer se purifier des passions et des souillures terrestres, se rendre semblable aux êtres divins que sont les astres. Ces purifications les rendaient dignes de retourner au séjour des bienheureux, d'où les hommes ont été exilés, et qui est situé tantôt dans des astres comme le Soleil et la Lune, tantôt dans la Voie lactée 4. Tel est le sens d'un passage du Somnium Scipionis de Cicéron (Rep., 5, 2, morceau plein d'idées pythagoriciennes). Après avoir parlé de l 'harmonie céleste, l 'auteur ajoute : quod docti homines nervis imitati atque cantibus aperuere sibi reditum in hune locum ( = la voie lactée, séjour des bienheureux). Favonius, dans son commentaire, reprend les mêmes idées, p . 19 : quod et musica disciplina purgatos animos faciat labe corporea et impe-riosis pateat via carminibus in usque illum <[ circulum > qui, dicitur galaxias, animarum beata luce fulgentem. Un passage de
1. Jambl. , V. P., 65 sq. Porphyre, V. P . ,30 . Simplicius, comrn. de caelo, II, 9, p. 463, 22 et p. 469, 7. Cf. un fragment d'un apocryphe dans Schol., in Ilom. Odyss. a, 371.
2. Arisloxène, dans Cramer, Anecd. Paris, gr., I, p . 172, et Jamblique, \ . P., 64 sq. 110 sq. Cf. Porphyre, V. P . , 30 et 32-33, et Schol. Homer. X, 391. Cf. Anonyme dans Cramer, Anecd. Paris., IV, p. 423. Arist. Quint., de mus., III, p. 110.
3. Jambl. , V. P . , 65 sq. Cramer, Anecd. Paris, gr., III, p . H2. [Quint i -lien, inst. or., I, 10, 12]. Boèce, de mus., I, 20. M. Bryennius, in harm. sect., 1. Eustathe, opusc., p. 53, 80, etc.
4. Dans les àxouj[j.aTa, les îles des Bienheureux sont identifiées avec le soleil et la lune (Jambl. , V. P . , 82). Pour les théories sur la voie lactée, cf. Porphyre, de antro nymph., 28, Numénius dans Proclus, in Remp. ,11, p. 129. Macrobe, in' som/i. Scip.. I, 12, 3, Jamblique, dans Stobée, ecl., I, 41, 39.
PYTHAGORICIENNE 2 6 3
J a m b l i q u e , V. P . , 6 6 ( = N i c o m a q u e ) p r o u v e l ' o r ig ine p y t h a g o r i
c i e n n e d e ces c o n c e p t i o n s : àcp' r,z ( l ' h a r m o n i e c é l e s t e , xpc:j.£vcç
àzzzzp y.ai xcv TCD VCU Xcyov eÙTaxToujjLsvs? "/.ai u>ç, eîxrcîv CG)p.xr/.cj;j.£vcç,
eixcvaç xivàç TOUTMV l'jrevssi (6 I l jOaycpa;) 7xap£7£iv xctç c;juXrjxaîx (ê;
Suvaxbv p.àXiaxa b\à TS cpyxvwv "/.ai b\à 'àiXrjç, TYJç, àpTYjpîaç £xp.'.;j.cj;ji£ycr.
EauTO) yàp pisvw TGJV k~l yrj- àTcàvxwv cjvexi /.ai kxrrp/.ca Ta XCC;JL'.XX
<p6£yu,axa èvoJAIÇSV à z ' a JTY;ç T/J; ouaiy.rj; x: Y] y Y; ; T£ y.ai 'zi^r,q ( r é m i
n i s c e n c e d u s e r m e n t d e la t é t r a c t v s ) , y.ai àcccv èajxbv r^ii-z z'.ziz-
X£a6ai xi */.ai èxu.avQàvav y.ai èbcp.C'.cOc-Oat, xax'k'c^'.v y.ai XT:CU.I'J.Y;7'.7 xclc
oipavioi; xxX. (cf A r i s t . Q u i n t i l . , mus., I I I , p . 146) . Il s e m b l e
a u s s i q u e les P y t h a g o r i c i e n s a i e n t a t t r i b u é à la m u s i q u e d i v i n e
d e s S p h è r e s u n e in f luence b i e n f a i s a n t e s u r les â m e s qu i e r r e n t
d a n s le c ie l a p r è s la m o r t L L e c h a n t d e s S i r è n e s l e u r a u r a i t i n s
p i r é l ' a m o u r d e s c h o s e s d i v i n e s e t l ' oub l i d e la vie t e r r e s t r e .
T e l l e e s t la c o n c e p t i o n q u ' o n t r o u v e d a n s u n f r a g m e n t d ' u n c o m
m e n t a i r e p y t h a g o r i c i e n de l ' O d y s s é e , c o n s e r v é p a r P l u t a r q u e ,
qu. çonv., I X , 1 4 , 6, 2 : ai ys p.àv CY; 'Op/rjpcj ^£».pY;v£ç cù "/.axa Xcycv
Y)[/.a? TOJ fxû6(p ©o^ouaiv, âXXà xà/.£tvcç cpOoîç ir;vtxx£X2 xr(v TYJ; u.su7ixrjç,
aùxoiv Suvauuv cbx aTxavôpwTxov cOc'cXiOpicv cjcav, àXXà xa»:; èvxsOOsv
onzioûatxiq £X£i d/uvcuç, OJç, sotxs, xai TxXavoYjjLsva'.ç ;j.£xà xr,v x£Xî,jxr(v
spuixa Tcpoç xà oipàvia xal Ô£?a, Xr,6rjv ce TGJV OVYJTWV, £;J.T:£'.CJJXV xaxk-
Y,eiv xai xaxày£iv 6£Xycp.£vaç " ai cà UTCO v,apa; k'zcvxa*. xal sju.-sp'.-
luoXouatv 2 . L a m u s i q u e t e r r e s t r e n ' e s t q u ' u n écho de ce t t e h a r m o
n i e e t l o r s q u e l e s p a s s i o n s n ' y m e t t e n t p a s o b s t a c l e , el le a ide
l ' â m e à se s o u v e n i r d e s c h o s e s d i v i n e s q u ' e l l e a v u e s d a n s sa
v ie a n t é r i e u r e : IvxacOa ce Txpcc r(;j.a; à;j.jccâx'.ç z\zv /)•/<•> zftz ;J.CJC.XY^ç
£X£ivy]; è txvou[JL£VYj, Sià Xcyojv èxxaX^xai xal z\^zt.\j.vj:rriZ7.i'. xàç 'Vj'/aç
TGJV xcx£. [xà ck (Lxa X(T)v] p.èv TJX^CTGJV TX£piaXY;X'.rxa'. xai xaxaxixXax-
xai aapxivoi; £|j.çpày[aact xal 7xàÔ£c».v, où xYjpivcç ( a l lus ion a u x c o m p a
g n o n s d ' U l y s s e q u i se b o u c h a i e n t les o re i l l e s avec de la c i re "
r) Se Si' £jçuiav alaOàv£xat xai pivr;u.ov6Û£i xal :wv £;J.;J.XV£TTXTG>V ICGITCOV
oiSev àrccSsî xb TtâOcç, aùx^; , yXr/cu.kvYj; xai r.cOcJjrjç, Xucai x£ \xrt
ouvap.£VY;ç éa'jxYjv àxcc xcO <7G>|J.XTCç, ?.
1. Cf. Dioirène Laërcc , VIN, 'M (Alexandre Polvhistor , et l .vdus. de
ostentis, 21, sur le sort des âmes après la mor t .
2. Cf. encore Lus ta the , in Odyss.. p . 1707, i l stj. :i. La percep t ion de r i i annon ie des a s t r e s est un des pr incipaux plais i rs
des Bienheureux, dans P l u t a n p i e , dr furie in orbe lunae, 20, !». Cf. Cieeron. nomnium Scijtionis, !>. Platon, Hepubl., X, p . 017 B.
264 LA TÉTRACTYS
En résumé, la tétractvs paraît devoir à deux causes la vénération dont elle était l'objet chez les Pythagoriciens. Au point de vue scientifique, elle expliquait les lois de la musique céleste et humaine, et comme l'harmonie était la grande loi de l'Univers ', elle put être considérée comme la source et la racine de la nature.
D'autre part, elle leur permettait d'imiter par la musique savante l 'harmonie des sphères et de se rapprocher ainsi de la perfection divine. Le rôle cathartique de la musique fit de la tétractvs une doctrine particulièrement précieuse par la contribution qu'elle apportait au perfectionnement moral et religieux. Ainsi s'explique que la tétractvs fût une des théories fondamentales de la philosophie arithmologique et religieuse des Pythagoriciens -.
1. Aristote, Mel.,l, 5 : xôv oXov oùpavov àpu,oviav eTvai xal àp'.8u.6v. Strabon, X, p. 468. Athénée, XIV, 632 b . Hippolyte, adv. haer.,\, 2 ,2 . Sextus Empir . , adv. mal h., IV, 6, VII, 98 et hyp. pyrrh., III, 155. Censorinus, de die nat., 13,5. Chalcidius, in Tim., 72. DiogèneLaërce, VIII, 33 ( = Alexandre Poly-histor).
2. Je signale en passant la bizarre explication proposée par M. Eisler clans Weltenmantel und Himmelszelt (Munich (1910), I, p. 336. Suivant le système isopsiphique spécial inventé par M. Schultz (Studien zur ant. Kul-tur, 1905, Archiv fur Gesch. der Philos., t. 21 et t. 22, etc.) et attribué à tort aux anciens Pythagoriciens, le mot xerpaxTu; équivaut à 128 =z 27, coïncidence que l'auteur trouve merveilleuse. Quant au sens du mot, voici comment il l'explique. Il faut le rapprocher de §7txà/.Ttç, l'éclat des 7, mot employé parfois par les néo-pythagoriciens pour l'éclat des 7 planètes. TETpx/.T'jc qu'il faut d'abord transformer en xs-cpàxTiç (pourquoi ?) devrait donc signifier «. l'éclat des 4 ». Comme ce sens ne correspond à aucune réalité, M. Eisler propose une autre interprétation « l'éclat de la quar te», et il veut trouver l'explication de cette formule mystérieuse clans Dion Cassius (38, 18 . Cet auteur parle d'une inscription de l 'heptagramme dans la sphère qui permet d'entrevoir un rapport entre l'ordre réel qu'occupent les planètes dans le ciel et celui qui leur est assigné dans la série des jours de la semaine. Pour retrouver ce dernier dans une liste établie suivant l 'ordre naturel, il faut passer chaque fois les noms de deux planètes, c.-à-d. compter les planètes en sautant des intervalles de quar te! — Rien ne prouve mieux que les efforts de cette interprétation fantaisiste, l 'obscurité des traditions concernant la tétractvs.
PYTHAGORICIENNE 2fio
*
La tradition littéraire du serment de la tétractvs est tellement variable que l 'hypothèse d'une source unique pour toutes les citations est invraisemblable. De plus, celles-ci ne le rapportent jamais à un auteur déterminé, si bien que l'origine littéraire des textes reste inconnue. Des variations de la Tradition et du fait que le serment est présenté comme une pratique pythagoricienne, on peut déduire que la formule est parvenue aux historiens par de nombreux intermédiaires.
On pourrait songer à en faire un fragment d'un poème en dialecte dorien ; mais il serait étrange qu'un tel poème eût disparu sans laisser le moindre vestige. L'ancien izzbz Xi^sr qui est une sorte de catéchisme poétique et qui paraît résumer l'activité de l'Ecole à ses débuts, est écrit en dialecte ionien et d'ailleurs attribué à Pythagore : autant de raisons pour que notre serment ne puisse être rapporté à cette source. L'Ecole a pu connaître d'autres poèmes, mais rédigés toujours en ionien et attribués soit à Pythagore, soit à des personnages mythiques ' . Le choix du dialecte dorien pour la formule de serment paraît étonnant, parce qu'il est contraire à la coutume des poètes-philosophes de l'époque : ce qui l 'explique cependant en partie c'est que le dialecte dorien était la langue scientifique de l'Ecole pythagoricienne.
Ce serment nous est présenté simplement par les auteurs qui le citent comme une pratique pythagoricienne, mais nous ignorons dans quelles circonstances spéciales il était prononcé. Il est étonnant qu'on n'ait pas songé à se demander pourquoi il apparaissait toujours avec la formule négative. Cette particularité mystérieuse doit pourtant avoir sa raison d'être.
Peut-on croire que ce serment était devenu une coutume, que les Pythagoriciens se servaient toujours de cette formule au lieu et place de toute autre, pour la raison qu'ils répugnaient à employer le nom d'une divinité dans leurs serments ?
1. Ainsi, les deux vers que les Pythagoriciens rapportent à I.inus, dans Jamblique, V. 7 > . , t3° , sont vraisemblablement un fragment d'un poème apocryphe d'origine pythagoricienne, comme le conjecture d'ailleurs la source de Jamblique.
2 6 6 LA TÉTRACTYS
Je ne le crois pas, car dans cette hypothèse, on le trouverait aussi bien sous la forme affirmative que négative. Les Pythagoriciens auraient craint d'ailleurs, en prononçant ce serment en toute occasion, de révéler aux profanes la doctrine la plus importante et la plus secrète de leur philosophie : ces deux vers attestent précisément l'orgueil et la joie qu'ils ressentent à l'idée qu'eux seuls en ont reçu la révélation.
Le serment de la tétractys a dû être, par conséquent, une formule ésotérique réservée aux seuls membres de la Confrérie et prononcée dans des circonstances spéciales qui exigeaient la formule négative. Il reste à découvrir quelles furent ces circonstances.
On sait que l 'enseignement des Pythagoriciens était ésotérique et que la divulgation des doctrines religieuses et scientifiques était sévèrement défendue. C'est ce qu'on appelle le secret pythagoricien et cette coutume est attestée par d'excellentes autorités : Aristote, Dicéarque, Timée, Aristoxène L Certains auteurs croient même que le nouvel initié prêtait le serment de respecter ce secret 2. Une telle notice n'a rien qui doive nous étonner. Comme toute autre promesse, celle-ci devait être sanctionnée par un serment : c'est une coutume grecque dont les Pythagoriciens, gens religieux et traditionnalistes, n'avaient nulle raison de se départir. Tel est le motif, sans doute, pour lequel ceux qui avaient manqué à cette prescription étaient considérés comme des impies qui avaient offensé gravement la divinité 3. La légende pythagoricienne voulait même que parfois cette impiété fût vengée par le Saipiviov ; l 'exemple cité pour terrifier les nouveaux initiés et les esprits trop hardis était celui d'Hippase qui avait péri dans un naufrage pour avoir publié l'inscription du dodécaèdre dans la sphère 4. L'Ecole tenait aussi
1. J ambl ique , V.P., 31 (Aris tote) , 256 (Timée). Diogène Laëree , VIII , 15 (Aristoxène), Po rphy re , V. P., 19 (Dicéarque).
2. Tzetzès, ChiL, X, 799 :
oV/ua yàp TJV ôiooaGai rauxa IIuOayopEicu; ïxiooic, [j.7] 7;a>Xei<i0ai oï TluOayopeiojv BîpXouç.
Jus t in , hist., XX, 4 : Sed CCG ex iuvenibus cum sodalit i i iuris sacramento
quodam nexi separa tam a ce ter i s civibus vi tam exercèren t , quasi cœtum clandes t inae coniurationis habe ren t , e tc . Cf. J a m b l . , V. P., 260, : za6a7ta£ TT,V oiÀojoofav aÛToiv CTJ vw ixoi iav azsœatve XTX.
3. Lettre de Lysis à Hipparque, J a m b l . , V. P., 75, cf. ihid., 88 et 247. 4. Jambl ique , V. P., 88 et 247.
PYTHAGORICIENNE 2 6 7
pour morts les disciples infidèles qui avaient profané les vérités sacrées en les révélant aux profanes 1, comme s'ils fussent sortis par leur parjure, de la communion pythagoricienne.
Ce qui rend plus vraisemblable encore l'existence d'un serment destiné à confirmer la promesse du secret, c'est qu'on retrouve une coutume semblable dans d'autres Ecoles et d'autres Confréries. Le serment hippocratique est bien connu : il est la preuve qu'une sorte d'isotérisme scientifique régnait dans les écoles de médecine. Le récipiendaire jure par les divinités de la médecine : (t. IV, p. 630, Littré) r.y.py.'^z/J.r^ ~.z y.a» y.v.pzrlz'.zz y.ai -.?,; t.Z'-f^
gaG^ais; [j.z-xozz'.v 7-zirlGy.z()y.i, inzîzi ~.z Z\J.ZîZI v.zv. zzizi ~.ZJ Z\J.'Z z'.ziqztv-
zzq v.y.1 gaQrjTaëJi rjYYrj'paggr/c.'.ai ~.z xa''. ûz'A'.z'J.v/Z'.z vàg'j) •r,7p'.xàj,
3CAÂO) C£ 5 'JCSV' . .
Dans les sectes orphiques et les sectes à mystères, on gardait un secret rigoureux sur les doctrines et les rites spéciaux de la Société. Sans aucun doute on exigeait aussi un serment du nouvel initié : Firmicus Maternus, VII, praef. : cum ignotis homi-nibus Orpheus sacrorum sécréta aperiret, nihil aliud ab iis quos initiabat in primo vestibulo nisi iurisiurandi necessitatem cum terribili auctoritate religionis exegit, ne profanis auribus religionis sécréta proderentur. — La littérature néo-orphique, s'inspirant de cette coutume et peut-être d'antiques fragments orphiques, rédigea le poème des « Serments » dont nous avons conservé quelques vers (fgta 170-171 Abel).
On retrouve une tradition analogue chez les Alchimistes qui n'ont fait en cela que suivre d'anciennes coutumes. Dans un traité où Isis s'adresse à son fils Ilorus ^Alchim. grecs, éd. Berthelot-Ruelle, p. 29), l'ange Amnaël, avant de commencer la révélation des mystères à Isis, lui fait jurer de garder le secret sur ces révélations : 5 : xxi TWV gucrrrcctûv r.zyzzz y.a». l~\ -xzy^-ù.'.xq xa: opxsuç, èxvwpéjxc £A£YSV ' zpv.i^u) j£ z\q cjpavbv, vy;v, zCeq v.x: ZV.Z~.ZZ,
y. TA. 6 '. ~où-ziq g£ èçopxîjx; TrapYjvvsÊ/.sv gr(5sv'. g^xc'.csva'. -\ gf, govov T£xv(p xai çîXo) Yvrjjû.i XTA. Les allusions au serment de l'initié ne manquent pas dans les écrits des Alchimistes, comm. de Synésius, 3, p. 38 : \izzv.zjpzq Xt'vst ' xxî zùz zl--v z~.i zzv.'.x
rjgtv S'OETO gY]û£v\ aaç(T>; ixscjvxt. ; — (réponse") KxXtà; zlzz - gr(:£v' »
1. Lettre de Lysis, .la ni bl. , Y. 1*., 7;> : L\ gèv <ov UETXôX/.O.O. / l ' . r j^ ix. . il ?,i
grlye, 7e0v xxaç . C.f. J u m h l . . V. P . , 7 V et 246. Clément «.IWlexandi ie, Strom . .
Y, R, :')7. Or igène , enntr. f.Ws. . II. 1*2.
2 0 8 LA TÉTRACTYS
xouxéo-xi ;JIY;CEVI xcW àjjLvrjwv. Olympiodore, art sacré, 18, p . 79 : xai iv xoùxctç sùopxouatv * c*oçat yàp siaiv aï ypaçat aùxcov xa! oùx spya. Cf. aussi les « Serments », p . 27.
La coutume se retrouve encore chez certains philosophes d'époque assez tardive. Dans son rcepi xyjç SX XGYIWV ©iXoaofiaç (Eusèbe, />/*. c e , V, o, 7) Porphyre jurait de ne pas révéler les secrets des dieux et exhortait ses lecteurs à suivre son exemple.
Enfin l'astrologie n'ignore pas non plus ce genre de serments, à preuve ce fragment de Vettius Valens (cité par Lobeck, Aglaoph., p . 740 *) : xoùc. xàç TCapavveXtaç Y;IJ.G)V xi>8ou.£vcuç opxiÇa f(Xbu p.kv ispbv x'JxXov xal œSXYJVYJç àvwpiaXou; opsp.ouç... sv axcoxpùapoiç xauxa sy eiv xai xotç aTcatoeùxotç YJ apLUYJxotç U.YJ p.exackcévat..
Gomme cette coutume se retrouve à la fois dans les Ecoles scientifiques et les Confréries religieuses, on peut dire que la Société secrète qu'était le Pythagorisme doit avoir connu un serment de fidélité au précepte du Secret. Ne semble-t-il pas que le serment de la tétractys répond très bien à ce but ? La formule négative d'abord y trouve son explication : le nouvel initié prendrait la résolution de ne pas révéler les doctrines pythagoriciennes. Ensuite, on comprend le choix du personnage qui est pris à témoin, le divin Pythagore, et de la découverte qui fait sa gloire, la tétractys, par la comparaison avec la coutume des autres Ecoles. On aura remarqué dans les fragments cités plus haut que chaque Ecole et chaque Confrérie jure par les dieux spéciaux qui sont comme ses patrons et par les doctrines qui lui sont le plus chères : les médecins par Apollon, Asklépios, Hygie et Panacée, les Orphiques par les dieux de la Théogonie orphique ou certains articles de foi (fgt. 170 Abel), les Alchimistes par les éléments et les divinités spéciales qu'ils honorent, les Astrologues par le cours des astres, etc 2. Il est tout naturel qu'au moment d'être initiés et de prêter le serment du Secret, les Pythagoriciens invoquent le dieu de la Révélation rédemptrice et qu'ils rappellent sa découverte la plus salutaire qui est en même temps le grand secret et le fondement de leur philosophie.
1. El dans la Biblioth. graeca de Fabricius, IV, p. 147 qui cite encore un autre passage analogue.
2. Cf. une formule de s e r m e n t dans les l e t t r e s d 'Apollonius de ï y a n e , OY('I ' Iapy a xai xoïç TXcpi aùxôv aoçout' où, [ik xo TavxàXtov ùoVop, ou \LI 6u.ur[aaxe.
IX
LE CATÉCHISME DES ACOUSMATIOIES
.* "*• 'I
% •* y >.
LE CATÉCHISME DES ACOUSMATIQUES
Le chapitre xvm de la Vie Pythagoricienne de Jamblique » où il est question de deux sectes, les M*0r;;j.a7'.y.:i et les 'A/SUT;/.*-
TIXOI, mérite une étude particulière. Mieux que partout ailleurs. les anciennes traditions s'y sont conservées pures de toute altération d'origine néo-pythagoricienne. Quelques remarques suffisent à le prouver.
D'abord l 'auteur de cet exposé rapporte dans un esprit très objectif les polémiques que se livraient les partisans des deux sectes pour démontrer qu'elles provenaient de Pythagore. Il ne prend aucune part au débat ; il constate simplement l'existence de ces deux sectes à une certaine époque, sans se prononcer sur leur origine et la valeur de leurs prétentions. En outre, cet auteur interprète encore dans leur sens littéral, qui est grossier et très primitif, les T/.OJ<J\).Z~<X ou préceptes de l'une des deux sectes : or. à partir du me siècle et en tout cas chez les Néo-Pythagoriciens, l ' interprétation symbolique de ces préceptes, mise en honneur par Androcyde et Anaximandre le Jeune, fut universellement adoptée. Le récit des querelles des deux sectes et l'exposé des doctrines acousmatiques sont donc dus à un historien ancien et impartial.
Des deux sectes pythagoriciennes en question, l'une tire son nom des gaQyjgaTa, c'est-à-dire des Sciences; elle s appelle soit \j.oifirl\K'jLzvAzi, soit z\ zzp\ 'x iJucOr^rra, expression qu'on peut traduire par gens d élude ou savants. L'autre, répudiant les études scientifiques qui amènent fatalement uni» évolution des doctrines et des mœurs, prétend s'en tenir à la tradition de Pythagore. Les
i . >4 H1 : xaz' àXXov ok XJ TOO'-OV — ;\ S S'.l : r.y't; 11 J')V ; '",-''-> ^?<<v.x. h.» s o u r c e
d i r e c t e d e J a m b l i q u e pa ra i t c i r e N i c o m a q w e , c o m m e le c o n j e c t u r e h o h d e
(die O u e l l e n d e s J a m b l . in s e i n . B io^r . d e s P v l h . . /»/i. Mua.. X W l l lsT'2 .
p . 33 [.Kl. Sc l i r . , I l , p . 131É. I / e x p o s é q u i p r é c è d e SD-SI p r o v i e n t d ' u n e
s o u r c e qui p o u r r a i ! ê t r e A p o l l o n i u s Bol ide , ilml., p . 3» .
2 7 2 LE CATÉCHISME
préceptes et les doctrines qu'elle attribue au Maître sont contenus dans des formules assez mystérieuses (ày.oùamarra) et, comme Pythagore est un dieu, rapportés à une révélation divine. Ils se présentent donc eux-mêmes comme des Traditionalistes.
L'exposé des polémiques des deux sectes paraît d'abord assez contradictoire. Jamblique commence par dire (§ 84) que les Acous-matiques reconnaissent l'origine pythagoricienne des savants, tandis que ceux-ci nient celle de l 'autre secte et en attr ibuent la fondation à Hippase. Or, en reprenant cet exposé après la liste des àxsJ<7;jur:a (§ 87), on s'aperçoit que l 'auteur a changé de point de vue et qu'il déclare exactement le contraire. Les Savants, avouant que les doctrines acousmatiques proviennent de Pythagore, prétendent qu'elles correspondent à une forme inférieure de son enseignement, tandis que le degré supérieur d'initiation leur a été réservé. Ils expliquent ainsi la naissance des deux sectes : la Société pythagoricienne qui s'occupait de sciences et de philosophie, n'aurait été composée à l'origine que de jeunes gens capables de se livrer à des études scientifiques. Mais il n'était pas juste que ceux que leur âge et leurs occupations empêchaient de participer à cette vie commune et à ces travaux difïiciles, fussent privés de la salutaire révélation. Aussi, Pythagore institua à leur intention un enseignement qui se contentait de formuler les doctrines et les préceptes sans en démontrer la vérité et l'utilité morale.
Les Savants prétendaient continuer la tradition de la Société primitive et représentaient les Acousmatiques comme provenant de l 'autre secte. Quant à Hippase, il avait été, il est vrai, du nombre des Pythagoriciens (savants) ; mais comme il avait révélé à des profanes l'inscription du dodécaèdre dans la sphère, il avait payé de sa vie cette impiété : une divinité vengeresse l'avait fait périr en mer. Il passait pour avoir découvert cette partie de la géométrie, mais cette science tout entière provenait de Pythagore. Pour expliquer qu'à cette époque (vc-ive s.) elle fût connue des autres écoles de philosophie, ils racontaient qu'un Pythagoricien, qui s'était ruiné, avait reçu la permission de l'enseigner pour en tirer profit.
Il est bien clair que dans la phrase du début (§ 81 j il faut substituer ày,sy |j.aiiy.ci à [jiaOYj[/.XTiy.cî et |xaGr/|j.aTiy.cJ; à ày.ou7|xa7i-xs'j;, de façon à la mettre d'accord avec l'exposé des §§ 87-89.
DES ACOUS.MATIQL'ES 2 7 3
Telle est d'ailleurs la leçon qu'on trouve dans un autre ouvrage de Jamblique, de corn. math, scientia, c. 25, pp. 76-78, où ce passage (81 : y.a-' XXAGV zï <r3 Tpôzcv—MsTazsvTèvîv; puis 87: y. lï r. = z\ xà gxOrjp.rra—89 iizzpix, avec une courte note sur les progrès de la géométrie ajoutée après le £ 88j a été repris sans aucune modification.
On pourrait prétendre sans doute que Jamblique utilise successivement deux sources dilïerentes et que les g 87-89 présentent une variante de l'exposé des polémiques. Mais il est hors de doute que ces paragraphes forment la suite naturelle du S 81 corrigé comme nous l'avons proposé. La légende de la formation de la Société primitive et l 'attribution de toutes les découvertes géométriques à Pythagore indiquent que les Savants répondent aux attaques de l 'autre secte qui ont été formulées au £ 81 . De même la notice sur Hipparque est une réplique évidente aux Acousmatiques qui rapportaient à ce philosophe l'origine de la secte scientifique. Il est vrai qu'en deux autres endroits (fragment de anima dans Stobée, I, 49, 32 et introd. in arithm.. p . 10, 20, repris par Syrianus, in Arist. Met., p. 9()2 ai, Jamblique appelle Hippase iy.ouo"u,3rce/.c; ; mais dans le même ouvrage. introd., p . 116, 4, il le range parmi les gaGr/gaT'y.;-'. Ces variations semblent prouver que l'erreur du § 81 n'est pas imputable aux manuscrits de la Vie pythagoricienne, mais qu'elle remonte à Jamblique lui-même. L'erreur initiale semble avoir été celle de cet ouvrage ; dans ce passage, en effet, elle s'explique aisément parla simple interversion des mots [xx^rp/.x-v/.zi et xv.z'jz-xxz'.v.zi.
La comparaison de la liste des x/.zJzy.xzx avec une citation d'Aristote dans Diogène Laëree. VIII, 31-35, et un passage d'Elien qui utilise un ouvrage du même auteur, V. / / . , IV. 17 ', montre par l 'abondance des passages parallèles que nous avons affaire ici, comme on l'a reconnu déjà '-', à un extrait du r.zzi IluOavoosùov attribué à Aristote. 11 est dilïicile de dire si ce livre est dû à Aristote lui-même ou s'il a été compose par ses collaborateurs et suivant ses indications, comme un Heeueil de documents destiné à servir de base à une étude du Pvlhagorisme. Kn loecur-
1. Aristote n'y est pas ci té , mais la compara ison avec Klien. \ . II.. 11,2(1.
Diogène, VIII, 34-3."», Apollonius, hist. mir..i\. Anl i i -dol le . IV. I l , e tc . ,
p rouve q u e ce passage provient «le la m ê m e source .
2. Rondo, op. eÙ., p. 33. V. Rose. Pneudo uristut.,^. 202.
DIîLATTE. — Litl. pythiuj. I s
2 7 1 Lfc CATÉCHISMK
renée, cette question a peu d'intérêt : cet ouvrage ne se proposait pas en eil'et d'examiner et de critiquer la philosophie des Pythagoriciens, mais uniquement de rassembler leurs croyances et leurs coutumes pour aider à la documentation de l'Ecole péripatéticienne. C'est ce qui nous a valu la conservation de vieilles légendes et de grossières superstitions qui n'offraient aucun intérêt pour la philosophie.
En même temps, les concordances que nous venons de signaler nous permettent de rapporter les deux passages d'Aristote conservés par Elien et Diogène au Recueil d"A/.sJ(r;j.aT a utilisé ici : les doctrines qui y sont citées s'y rattachent d'ailleurs tout naturellement. L'examen des àxoûay.a-a dont les formules obscures méritent d'être éclairées et étudiées, nous fera mieux connaître la secte des Traditionalistes et, par là même, le caractère réel de la réforme primitive, s'il est vrai, comme ils le prétendent, qu'eux seuls descendent de Pythagore.
* *
Le catéchisme pythagoricien se compose de deux parties bien dist inctes: les doctrines et les préceptes. La première procède par questions; il en est de deux espèces: -rà JASV yàp auiôv T( k<s ~ av; t/aivsi, Ta Se T i [A 2A ». aT a .
Ti ÈaT'.v. Questions sur lu nature des êtres
et définitions mystiques.
t . TI ècTiv ai p.axâpwv vvj(T2'. ; YJAICç xai asAYJvyj. Cette doctrine qui place dans le soleil et la lune le séjour des Bienheureux doit se rattacher à un commentaire au passage connu d'Hésiode : les Pythagoriciens mirent beaucoup de zèle à interpréter allégori-quement Homère et Hésiode pour concilier la nouvelle foi et la tradition des livres sacrés. — C e t t e conception extraordinaire ne se trouve nettement exprimée qu'ici, mais on peut l'éclairer par des parallèles empruntés à la littérature religieuse. Elle est en relation avec la doctrine orphéo-pythagoricienne qui plaçait le
DES ACOUS.MATIQUES 27."»
s é jou r des âmes des mor t s dans la voie lacée l et avec la théorie
de l 'origine as t ra le de l ' âme humaine qui est a t tes tée par p lu
s ieurs a u t e u r s 2 . On la re t rouve dans divers m y t h e s py thago r i
ciens de P l u t a r q u e . Le vis ionnaire du de (/en. Soer., 92 f mythe
du i)ie s .) , appel le les as t res des îles, comme la formule acous-
mat ique et place dans la lune le séjour des démons épichthoniens .
c 'est-à-dire des âmes des mor t s . Le récit du de faric in orb<> limae
se rapproche encore plus de la doctr ine pythagor ic ienne car non
seu lemen t la lune mais encore le soleil est le séjour des âmes
avan t et après la naissance ('28-301. De même l 'un des évangi les
pythagor ic iens représen ta i t P y t h a g o r e comme un démon venu
de la lune pour révéler aux huma ins la vraie doctr ine et leur
m o n t r e r la voie du sa lu t ( J a m b l . , V. P., 30). Ajouterai- je encore
qu 'on t rouve d a n s P inda re une doctr ine semblab le? Cet te fois,
c 'est l'axouffjjLa py thagor ic ien qui a t tes te l 'ant iqui té et l ' au then t i
cité du fragment de P inda re (fgt 133 Christ) :
Oîst oè «bspffssiva rc.viv -XXGUGJ TTî'VOEîC
zi%z~w., ï: TCV J - S C O C V a/.p.GV y.eévo>v èVXTO» Fi-i:
àvo'.ooî 2>jyàc TTX/.'.V.
s y. TXV •jZGÙsr.zz avauGÎ y.xi GOéVî». /.CGC-VS/: ZZZ'.Z TE i r " . ; : : 1 .
xvGp&Gj au GVT " ïq zï TGV /,C».~GV ypGvcv r)G(.»£r xy-
-VGl TTpGÇ avôpo')~(OV /.XASJVTSC..
On y re t rouve la même croyance que dans l 'évangile p y t h a g o
r icien.
Lorsque cet te c royance ne fut plus conciliable avec les don
nées de la science, la secte scientifique se chargea d'en t rouver
u n e in te rpré ta t ion ra t ional is te . On décrivi t la lune comme hab i
tée par des ê t res plus g r a n d s et plus beaux que ceux de la t e r re ,
Aë t ius , II , 30, I (Diels, Vors., p . 237 ) : T(7»V lljOxycpsiwv T-.VÈ; ;J.èV,
(ov isv. 'KXiXasç , YEMOT; çaivîcOa». T/JV G£Ar(vr(v G».X TG -G£'.£'.y.£ïa"0xi XJTYJV
y.aOa-£p TYjvrrap' Vjy.îv yrjv A;»G'.; y.xi GUTGCG ;J.:ÇG~'- /.X'. / .X / . / . 'GTIV E'VX1.
1. Numën ius dans Pror lus , /// lii'inj)., 11, |». I 2'.* 1\. l'oi |>li\ iv. .//»//. m4infih..
28. M.'icrohe. so//i/i. Se//»., 1, 12, il. Phi loponus , </»• ;i>'trrn., 2'.M». il. o t c
2. IIi|)|>olyte, .<<•/. huer., VI, 2, 21» A;-'>,- À'ço; «lorien . lhom'mo. VIII, 27-
28. Cf. Platon, 77me>, i-2 H; Ar is tophane , /';ii./', SiM ; comment . Bcrn. L u c ,
p . 291. Martin nus Capella, II, 12a.
276 LE CATÉCHISME
yip 7:£VT£xaio£y.a~7â(7ia xi ET:' oùxrjc; £wa XYJ cvvijj.ei, jj.rjSèv Txepixxw-[/.aTixsv i-cy.pivGvxa y.al xry r,jj.£pav xcaa'Jxvjv xw JJ.TJT.EI.
2. xi GJXI xs Èv AGàGSù JJ.2VX££OV ; xsxpaxxtjç ' c7U£p èaxlv Y; àpjj.ovia, èv YJ a», ^sipfjvsç. J'ai expliqué ailleurs ces définitions mystérieuses. L'harmonie des Sphères, qui est produite par le chant des Sirènes comme dans le mythe d e l à République de Platon (p. 617 B) est représentée par les principales symphonies, c'est-à-dire la quarte, la quinte et l'octave h Celles-ci à leur tour sont engendrées par quatre notes de la gamme (ut, fa, sol, ut) qui correspondent à quatre nombres (6-8-9-12, ou dans un rapport différent 1-2-3-4) dont l'ensemble est appelé xExpay.x-j;. Enfin, cette doctrine est présentée comme la révélation la plus parfaite d'Apollon qui, suivant plusieurs évangiles pythagoriciens, s'était incarné en Pythagore. Il est intéressant de noter que dans cet ay.ou<7jj.a, l 'harmonie des sphères n'est pas rapportée, suivant l'explication scientifique imaginée par les Pythagoriciens astronomes 2, au mouvement naturellement sonore des sphères, mais qu'elle est attribuée au chant merveilleux des Sirènes placées sur chaque sphère. Cette conception plus religieuse, qui dérive sans doute, comme le mythe de Platon, d'un récit de vision, paraît antérieure à l 'interprétation savante de l 'astronomie pythagoricienne.
Jamblique n'a conservé que deux àxoyma-a de cette série ; mais il nous est permis d'en compléter la liste par l 'extrait d'Aristote dans Elien, V. # . , IV, 17.
3. TSV GEio-jj.Gv ÈYEveaAÔYEi O'joèv âXXo eîvai. f) aûvoâov iwv x£6v£u)xo)v. 4. Cette explication d'un phénomène naturel par le merveil
leux doit être comparée à une croyance pythagoricienne sur la production de la foudre, Aristote, Anal, post., II , 11, 94 b, 3 3 : y.ai £'. (jâpsvxa) wç oi IIuBaYspeisiçaai, àirsi/V/jç ïvsxa xcic èv xqj Tapxapw OTCGJC, çojhovxa» (rangé avec raison par Diels, Vorsokr., 279, parmi les ày.ojxjj.axa). On peut se demander si Elien a reproduit sa source avec exactitude. Il est assez étonnant, en effet, qu'on attribue à la marche des êtres incorporels que sont les âmes des morts l'action violente et tumultueuse qu'est un tremblement de terre. La notice originelle déclarait peut-être simplement que ce phénomène se produisait à l'occasion du rassemblement des âmes.
1. Zeller, Phil. <lor (h\, I y, p . 430 sq.
2. Aristote; <fr cae/o, II, 9, 290 b 12.
DES ACOL'SMATIQLES 2 7 7
Ce qui m inspire cet te in te rpré ta t ion , c'est que dans la Vision d 'Er
de la Répub l ique , mythe dont l 'origine pythagor ic ienne n 'est pas
douteuse , le voyage des âmes qui rev iennent à la généra t ion est
in t e r rompu tou t à coup par un t r e m b l e m e n t de terre et des coups
de tonne r re qui causent la chute des âmes (p. 621 Bi. Quo iqu ' i l
en soit , le r app rochemen t des deux concept ions n 'est pas sans les
éclairer l 'une sur l ' au t re .
0. Y) os ipiç ( Ipi; : ) , spaaxsv wç a j * ^ T : J I1A: : J EO-T- ; ' voici un
exemple assez rare d u n e expl icat ion scientifique, qui d é t o n n e a u
milieu des concept ions populai res de ce Recueil .
6 . 6 TCOAAaX'.Ç àu.ZlTCTWV XCtÇ (OfflV Tf/OC Ç(i)VYJ TtOV xpElTXÎVtoV. L a supers t i t ion rel igieuse reparaî t ici. Il faut d is t inguer de cette
formule un au t r e à'xoujgx conservé par Ar is to te encore dans Por
phy re , V. P . , 4 1 .
7. xbv c'a/. yaAxcîi XCG'JS'AC'VCU -".viy.cvcv v/cv ciovr.v i\/x!. zv*zz TO>V
Saïuivcov £va-£,.AYj[i.u.£vwv x<o yaA/io. Cette curieuse croyance est
expl iquée par un f ragment d 'un commenta i re pythagoricien à
H o m è r e , Scholie , I I , 408 et Eus ta the , p . 1067, 58 : ;J.SVS; (z yx\-
xbç) xwv àd/uyiDV zoy.v. OMVYJV lysiv. — xai o;. IbjQaYsp'.xîî pas-*, xbv / * A -
xbv TcavTi ffUVYjy^Eîv ôsisxs'pio -VEjgax'. xa». èv *rr^i\v.x 5à T.Z'/SLXV.'.Z XùV
ÔTAXWV àipeptoùviaiv a£tO[i.svotç SCXE xà xsiAa ya'/.xoQ.ax:*. On peut la
considérer comme une survivance de doct r ines animis tes très
pr imi t ives .
8. Ajou tons que lques définitions médicales de la collection de
Diogène (Ar is to te) , VII I , 3 5 : yrjpa; /.ai rav xb ;J.E'.:JJ.£VCV ;;J.:'.:V" y.;é
alic yjv xai vsoxrjxa xajxbv. JYieiav XY;V XOU SIC G y; b'.rrj.Gvr(v. VGJCV TY;V
XOJXCU ©6opav. Les Acousmat iques s 'occupaient de médecine ,
c o m m e le mon t r e r a un axGJO-ga de la seconde sér ie .
Il faut encore joindre à cet te liste que lques mots d 'un m y s t é
r ieux langage conservés par Ar is to te (dans Po rphyre , V. P . , i l
qui les qualifie de symbol iques . Ces appel la t ions rappel lent plutôt
les deux p remiers àxsjo-u.axa de Jambl ique qui donnent à îles choses
connues des noms obscurs et symbol iques .
9. XYJV OâXaxxav uiv èXXAEI ersxi ÎTAZJZV, formule incomplète qu' i l
faut achever d 'après Clément , S/mm.% V, 56 et P lu t a rque , de
Iside, 32 : xb Jxcb XGJV llyOxYcpixojv AEyigîvcv (.)£ y, OaXaxxa Kpivcj
oàxsusv s<m. A l 'origine, cette définition n'était pas al légorique.
1. Même explication des Pythagor ic iens savants dans Aëtins. 111, t, 2.
2 7 8 u : CATÉCHISME
Elle provient apparemment d'un vieux mythe cosmogonique qui expliquait ainsi l'origine de la mer ' .
10-12. Les formules suivantes: -xq 3è apy/cco; 'Psaç ysïpaç, — XYJV es HXs'.âca Mouocov XJpav,—xsùç, 3s TCAavYJxaç xûvaç xrj;; llspasçé-VYJO, (ce dernier encore dans Clément, ibid.), n 'ont rien non plus de symbolique malgré les apparences. Ce sont les anciens résidus d'un ancien système de nomenclature astronomique qui avait voulu substituer aux noms traditionnels des constellations des appellations nouvelles. Les noms ordinaires avaient sans doute paru trop profanes aux Pythagoriciens : la réforme présente en elfet un caractère nettement religieux. Les constellations de l'Ourse (la Grande-Ourse est aussi appelée ày.a;a, le Chariot) ressemblent à des mains-, les Pléiades ( = l e s Colombes, dénommées aussi la grappe, jâoxpuç) à une lyre, et les planètes paraissent, grâce à leur petitesse, n'être que de simples satellites de la Lune (Perséphone). Le fait que les planètes sont reléguées au second rang, après la lune, atteste une origine populaire et des conceptions astronomiques très rudimentaires : l'opposition est donc complète entre les Pythagoriciens savants et les Acousmatiques. Dans le même ordre d'idées, on peut signaler les noms que les Pythagoriciens, même savants, donnent au feu centra l : Hestia, Tour de Zeus, etc. (Aëtius, II, 7, 7, (l>OSAzoq xxrup èv piao) xspl xb xsvTpov CTcsp EaxGv XOJ TcavTbr, xaXsî xai \ioq oixsv y.oà u,rjX£pa ôswv {hûjACv xe y.*! o-uvoyrjy xal jxéxpov ©'Jaîw; 3. Ce système de nomenclature astronomique n'a pas, que je sache, laissé d'autre ktrace.
On pourrait encore peut-être rapporter à la même source une définition du temps qui nous est parvenue, comme certains ôr/.ouu-y.xxa, sous la forme d'une courte anecdote: Plutarque, qu. plat. VIII, 4 ,3 : o xs IIuGayopaç iputtrfîùq x( ypbvoç sari' XYJV TOUTOU (=TCU
y.cffu.cu) ^uyyjv, SITXSîV. Le tour énigmatique de la pensée fait songer aux formules des àx5Û<7;j.axa.
Enfin, cette partie du Catéchisme pythagoricien contenait naturellement des révélations sur la nature divine de Pythagore.
1. Voir dans un article d'I. Levy (Mélusine, IV, p. 309) des parallèles curieux tirés de la li t térature hébraïque.
2. M. Svoronos me signale que, dans la Grèce moderne, le peuple usant d u n e comparaison semblable appelle la Grande Ourse àXeTxpo7:o8i.
3. Cf. Aristote, de oaWo, II, 13, 293 a, 18. Nieomaque dans Photius. bibhf
l > . 1 1 9 R .
I>KS .u:oi*SMATiyn-:s 279
Préc i sément , dans un au t re ext ra i t d 'Ar is to te L J a m b l . . Y. P..
140, nous t rouvons u n cV/.cjcu.a qui concerne ce sujet. Pou r expl i
quer leur foi dans les légendes miraculeuses et leur fidélité à la
Tradi t ion , les Py thagor ic iens , dit Ar i s to te , assura ient que leur
Maître étai t un Dieu. Ceci concorde avec d 'au t res r emarques
d 'Ar is to te sur la foi des Acousmat iques ; J a m b l . , l r . P . , 8 2 ; TajTa
TrstpwvTxi C'.a j>.aTT£'.v (i)~ <)*>.% ZZ~;[J.X-Z, et Elicii. \ . II., 17 ; cjy
z'.'zv TS bè (jv biazccrjaa'. i>r.£p T'.VC; av»7<T> rt ~zl; Xr/Osîai ~A zpccspu>7r;cai,
aXX' <i>s ypYjap.a) OsCco, CUTUç C». TCTS zccc-sè/cv ~.ziz AS*;5;JL£VCIç Jz
<TJTC3. Le dogme de la divini té en t ra îne celui de l ' infaillibilité.
C'est donc aux Acousmat iques qu ' i l faut rappor te r la formule
fameuse AùTSç s?a * pa r laquel le les Pythagor ic iens répondaient
à leurs cont rad ic teurs et a r rê ta ien t les objections des espr i t s
rebel les à la foi.
Ar i s to te cont inue (§ 140 = aussi El ien, V. II. I I , 26/ v.z\ h
TîOTO TWV ày.5j<7;j.a:o)V io-Tt " : ( ; z IluOxvcsa:: i 'I'CCTI v ie sLa». ArcXXo)
rzsp^éescv. Suit le récit de l 'épiphanie de Py thagore et de la
révéla t ion de sa na tu re divine à Abar i s , le prêt re hyperboréen
d 'Apol lon . Nous avons ici l 'une des var iantes des évangiles py tha
gor ic iens , celle qui identifiait Py thago re avec Apollon H y p e r b o
réen . La foi en la divini té de P y t h a g o r e compor ta i t des varia
t ions assez impor t an t e s de doct r ines . El les sont exposées ainsi
par J a m b l i q u e , V. P., 3 0 :
a) z\ jxsv -bv Iluôtcv ('Azc> "Àtova) : c'est la var iante d 'une légende
sur la na issance de P y t h a g o r e : [Timée-Apol lonius dans J a m b l .
V. P. 1-9J. Cf. Lucien, sonm., 13 et 18, et dial. mort., 20, 3 .
J a m b l . , V. P., 133-177 (Py thagore connaissant les secrets et
l ' avenir) .
b) cl Se ibv li eVzïpJScpso>v 'AzsAAwva — Diogène Laërce, VII I ,
11 (Timée). J a m b l . , T. P., 9 1 , 133. Porphyre , V. P., 28 . Ar is
to te dans Elien, Vr. / / . , I I , 2(5; IV, 17 icf. Schol . Lucien, vit.
Auct., 6).
1. Kolidc, op. cit., p . 44, Rose, Arist . l 'ra^m. i'.M cl, p. ta.'». I.a liste de miracles (jui fait part ie de ce lonj,*" déve loppement est conforme à la t radition d 'Ar is to te (Elien, \ \ / / . , II, 20 ; IV, 17 et Apollonius. //*/>.. 2»'é.
2. Cicéron, de mit. (leur., 1,1», Ht, Clément . Strorn., 11. 2». Diogène Laeree. VIII, 40. Valère Maxime, VIII , l!i. ext. t. Quinti l ien, inst. or., 1 1 , 1 . 27. Jul ien, ejiist., 03. Or igène , contr. Cels., 1, 7. Suidas, s. v. XJ'.Ô; IîX. O lympio-dore, vit. Plat. (fi",). Hcrmias, irris. yent., 10, etc.
2 8 0 LE CATÉCHISME
c) y. sè XGV Ilaiwva; cf. Aristote dans Elien, V. H., IV, 17: £-uxp£yGp.£vc'j os ixç TCGXSIG; aùxou oieppsi XGYOç oxi IIuBayôpaç; àçtxexo où GIBXXGJV, «AX' taxcsuoxov.
d) ci o°£ TTJV —SXTJVYJV XXTCIXCûVTMV Saip.Gviov sva. Cf. 1 'àxoua[/.a, A, 1. cf. Aristote dans Jambl . , V. P., 31 , Jambl . F . P . , 144 (vers de l'iscb; Xcycç; ancien).
e) à'XXot ck aXXcv xa>v 'OXUJJLTCîOIV Osiov èçrjp.iÇov ; Pythagore fils d'Hermès dans Héraclide Politique (Diog. Laërce, VIII, 5, 4).
La conception d'un Pythagore Rédempteur, dieu ou démon descendu sur la terre pour révéler la vraie doctrine (Jambl., V.P., ibid. et 5-8 (Timée) 98, 138 (Aristote) ; cf. Lucien, somn., 15-18) doit donc être rapportée au catéchisme des Acousmatiques.
B. — Ti p.aXioxa.
Dans la seconde série d'àxGjapiaxa, les Pythagoriciens désignent les êtres ou les actions qui possèdent la perfection de chaque qualité.
1. xi xb cY/.aiGTaxov ; Oùsiv. En d'autres termes, le premier devoir de l 'honneur, c'est de sacrifier aux dieux. Il semble qu'on doive faire appel, pour expliquer cette insistance, à la conception pythagoricienne qui place les hommes dans une dépendance complète à l 'égard de la divinité. Les dieux sont appelés leurs maîtres xûpiGi (Euxithée dans Athénée, IV, p . 157 c ; Jambl . , V.P., 87 et 137 [Aristote]) ; les hommes font partie de leurs biens (Philolaos dans Platon, Phédon, 62 B) ou sont même considérés comme leurs esclaves (Aristote, dans Diog., VIII, 34 ; U.YJ yàp bstv xà aùxà xsxâ/ôai ^eolq xai àvÔpwTtciç cîSarTusp CJO èXeuOspoiç xal ooùXoiç. Cf. Platon, Phèdre, p . 273 e, 274 a, qui rapporte cette doctrine aux (TGSdWspoi y;p.G)v).
2. 7i XG crccporxaxcv ; — Cette qualité comporte trois degrés. a) D'abord, la perfection de la sagesse est reconnue au nombre.
On peut interpréter cette doctrine de deux façons : le nombre explique toutes choses, il est ce qu'il y a de plus fin et de plus subtil dans la na tu re ; ou, d'après Olympiodore (in Alcib., I, p . 95), ceux qui ont inventé les nombres doivent être regardés comme les plus sages des hommes. Quoi qu'il en soit, nous touchons ici à l'un des points qui réconcilient les Acousmatiques aux Savants. Cette doctrine n 'atteste, il est vrai, que des
DES ACOUSMATIQIES 2 8 1
recherches scientifiques très embryonnaires ; elle prouve cependant que les Acousmatiques avaient, eux aussi, des prétentions à la philosophie. On sait comment les « Savants » ont développé cette formule.
b) o£JT£pov ck 6 xofç lupxYii.affi TT. svsgT/ra f)£\).vtzz. — Cet XV.ZJZ[J.X
est un des plus curieux de toute la série, car il atteste des études de linguistique et d'étymologie. Il signifie évidemment que les noms conviennent si bien aux choses auxquelles ils s'appliquent, qu'il y a un rapport si étroit entre le sens étymologique et le sens réel et même entre l idée et le son, que celui qui a inventé le langage peut-être tenu pour un des plus sages parmi les hommes. Donc dans le grand débat qui s'engagea sur la question des origines du langage et qui divisa la Sophistique en deux camps, les partisans de l'origine conventionnelle (Osssu et de l'origine naturelle (çûœSI), les Pythagoriciens prirent une position intermédiaire. Pour eux le langage est une invention due aux recherches d'un être intelligent (Oéo-si), mais celui-ci a si bien fait son travail et les noms s'adaptent si bien aux choses que cette création artificielle ressemble à une œuvre naturelle (çJJE'I). En définitive, les Pythagoriciens défendent plutôt la théorie de l'origine naturelle.
Tel est le fondement des études d'étymologie auxquelles les Pythagoriciens ont toujours prêté beaucoup d'intérêt, surtout pour en tirer des conclusions au point de vue religieux et moral. Ces deux àxouap.«Ta se trouvent encore réunis dans Proclus, in Plat. Cratyl., p . o ; in 77m., p . 8 i E ; in Alcib., I , p . 111 A, et dans Olympiodore, in Alcib., I, p . 9ô. Ils supposent une histoire des origines de la civilisation humaine. Ainsi l'existence d'une théorie pythagoricienne sur l'âge d'or, déjà prouvée par P.spb; AÔyoç et subsidiairement par Empédocle, se trouve confirmée ; en outre, nous trouvons ici des renseignements qui permettront de la reconstituer plus parfaitement.
c) C'est à la médecine qu'on attribue le troisième degré de la perfection de la science humaine ; z\ jcçiiVraTsv Tô»V -XZ% r,;xTv ; — ixrpiy.Yj. On prend soin de spécifier qu'il s'agit d u n e invention de l'esprit humain; il est donc à présumer qu'on faisait honneur des précédentes découvertes à une révélation ou du moins à une inspiration divine. Nous savons que les Pythagoriciens se sont occupés de médecine. Leurs méthodes sont décrites comme très simples et primitives, mêlées encore à des pratiques magiques ;
282 I.K CATKC.I USAIT.
Arisloxène dans Cramer, A/iecd. Paris., 1, 172, et dans Jamblique, V. P., 33. Diogène Laérce, VIII, 12. Elien, V. H., IX, 22.
3. Té xâXX'.arcv ; — àpy.cvÉa. Cet axouau.a doit être comparé à celui de la première série où il est question de la tétraetys ; il indique aussi que les Acousmatiques s'occupaient de musique. Il est peu vraisemblable qu'ils en aient fait l'objet d'études scientifiques, niais on peut croire qu'ils connaissaient les pratiques magiques décrites par Aristoxène qui attribuaient à la musique un rôle important dans la guérison des maladies et Vies passions.
C est encore à eux, à mon avis, qu'il faut rapporter cette doctrine citée par Alexandre Polyhistor dans Diogène Laërce, VIII, do ; TY;V T àpsTrjv àpg.GvÉav zhoa y.y.1 TY;V 6yÉ£r.av *«* TC àva6bv à'icav xaî TOV 6sôv sYc y.y.1 y.aô' àp;/.svtav ffuvsoravai ta oAa (harmoniedes Sphères)' P'.X'AVT' e'Iva'. svapx-Gviov IffGTYjTa (cf. Timée, Diogène, VIII, 10). C'est un développement de la théorie acousmatique qui considère l 'harmonie comme la source de tout ce qui est beau et bon.
i . Té xpâTiorov ; — YVO'I YJ. 1-vcôjjt-Yj désigne la partie raisonnable de 1 âme, suivant l'acception ordinaire au vc siècle. Cette formule est donc un éloge de la domination que peuvent exercer l 'intelligence et la raison sur les passions et les forces de la Nature 1 .
0. Té itptffTGv : — âycaijjLGvÉx. On pourrait voir dans cet axoufffjia une vérité « à la Palisse » ; ce qu'il y a de meilleur c'est le bonheur ; mais la signification en est plus profonde. Le mot eù3aiu.o-VéT. est plus riche de sens que le mot bonheur parce qu'on fait allusion ici à son étymologie. Suivant l 'interprétation d'un auteur de Diogène Laërce, VIII, 32 ; sùSaijAcvsîv àvOpoWouç orav àyaO-ij 'Vjyr, TcpcffYs'vyjTai. Cette doctrine pythagoricienne fut reprise par Xénocrate (Aristote, top., II , 6) : SYJOTV sjbaÉ[j.cva r.vai TOV TYJV tywyrp ïyzr.y z-z'jzyiyy '-yù-.r^ yàp zv.yz-.zv slvxi oaÉp.ova. Il faut donc voir dans cette formule un jeu de mot sur l'étymologie de £Ùoou[AovÉa
' =£,j-3a{;i.Mv) ; le sort le plus enviable pour l 'homme, ce qui fait réellement le bonheur, c'est d'avoir une âme vertueuse et bonne.
G. Té zï y.t.rfiis-y.izv Xsvs-ai *, —CTL TCCVYJSOI oÉàvOpwTccu Les Acousmatiques citent à ce propos deux vers d'un poète de Salamine, l l ippodamas, où la puissance et la pureté des dieux sont opposées à la misère et à la méchanceté des hommes ; ici reparaît encore
1. Cf. As-athon. fragm. 27 : yvrôur, o) xpsîwov èutt yj &tA>ri\ yep&v,
DES ACOLSMATIOLES 2 8 3
l ' amour des Py thagor ic iens pour les c i ta t ions des poètes : Homère .
Hésiode, L inus , Tha lé tas sont mis de la même façon à contr ibu
t ion . Le pess imisme qui se révèle dans cet T/.ZJZJ.OL est un des
t ra i t s distinctifs de la morale py thagor ic ienne ; il subsis te même
chez les Py thagor ic i ens ph i losophes , Ar i s toxène dans J a m b l . .
V. P., 173 : ûâoiaTixsv v i s or sjTEi TS cwsv ( l 'homme) izzzwi zhzv.. 11
se ra t tache d 'a i l leurs , comme le mon t r e la comparaison établie
en t re les h o m m e s et les d ieux, à la doctr ine que les h o m m e s sont
des ê t res divins déchus et condamnés à expier sur la terre les
fautes qu' i ls ont commises dans leur vie céleste .
La liste des à/.oyagaTa de la seconde série s arrê te ici dans
Jambl ique ; mais nous pouvons la complé ter par divers aut res
passages d 'Ar i s to te .
7. (Elien, V. / / . , IV, 17) ; ï'/^zzï »Ep(Ô7a75v sèva». 75 T?tz \j.z/.'j.yr,z
Y-iiXXcv .La raison de ce choix indiqué vaguement par J a m b l . .
V P., 109 ; CTI KSOT:/; XVYEASC xai rr. y.avTcâa s-jy-aOsioiv 5jsavui)v r.zzz
£7:i-;£ia, es t précisée dans le Profrcpticus, e. 21 i3N ; lz\ zw.zi-i-
XZ\ 7(0 f.AlG) TXTcnauTa ouia / . i ) . .
8. (Diogène, VI I I , 33 , dans la ci tat ion d 'Ar is to te où sont réu
nis auss i des ay.5yag.a7a de la seconde et de la t roisième série ;
70)v a"/7jg.a70)v 75 xxAAta7sv jçaCpav £?vai :wv rrspîcov, 7<7JV S È-'-icwv
XUXAOV (cf. P la ton , Tirnée, p . 33 d) . On aurait tort d'y voir un
indice des recherches sur la géométr ie : les Acousinat iques se
p lacent à un point de vue d 'es thé t ique assez populai re . Dans le
même ordre d ' idées, on peut rappeler leur respect superst i t ieux
pour le signe du p e n t a g r a m m e '.
9. (Diogène, VI I I , 32 : Alexandre Polyhis lor parait utiliser le
Tcspi I[u0avop£ÎO)V d 'Ar i s to te , même à par t i r du $ 31 ; cf. la formule
de clôture de la ci tat ion au $ 30) : -j.vp.zzzv zrtzv/ ihx\ T<Ï)V iv ivOpc.'i-
7:5'.; 75 7Yjv 'pjy;7jv Trefcx'. £77'. Z'Z àyaObv YJ ir.i T: Y.ZY.ZV. L est un éloge
non déguisé de l 'art oratoire : les é tudes et les exercices de rhé to
r ique fleurirent en elfet chez les Py thagor ic iens . Les f ragments
ma thémat iques d ' A r c h y t a s t rahissent des influences de doctr ine
s ty l i s t ique . Deux poètes de la comédie moyenne a t tes tent que
les écoles py thagor ic iennes du ive siècle s 'adonnaient volont iers
aux exercices de rhé tor ique *', et les ca ta logues a lexandr ins de
t . (l 'est le s i j jne: *$ç. (If. Lucien, />ro Inpsu iiitrr sa/., !». et Soliolie.
2. Alexis dans Athénée , l \ ', j>. lut h. ( l ia t inos dans Diogène l . aérec ,
VIII , 37,
2 8 i LE CATÉCHISME
livres pythagoriciens citent un ouvrage intitulé Korcfêeç, c'est-à-dire traité de rhétorique h On pourrait accumuler les preuves de l'existence de travaux pythagoriciens sur l 'art oratoire, mais je réserve cette démonstration pour une autre étude.
Aristote (Jamblique, V. P., 83) remarque la ressemblance des recherches philosophiques qu'attestent les àxoûapiaTade cette série avec les sentences et les doctrines que la tradition attribue aux sept Sages. Il y a dans ce rapprochement une indication précieuse. Nous devons donc reporter l'usage de ces formules à une mode du vie siècle. Ces questions, où se pose et se résout en quelques mots le problème des perfections terrestres, nous paraissent aujourd'hui des devinettes amusantes et des jeux d'esprit sans grand intérêt. A cette époque, elles avaient une profonde signification : en des phrases sentencieuses et incisives, elles résumaient les résultats de l 'observation et de l 'expérience, les aspirations morales, et elles présentaient à l'intelligence et à la volonté un ensemble de perfections qui constituaient l'idéal. Ceux qui déjà de leur temps furent appelés des Sages se contentaient de ces formules brèves et dogmatiques : des témoignages des contemporains attestent avec certitude l'existence de cette mode au vie siècle.
Pythagore, venant après eux et frappé du succès de ce genre d'enseignement, dut songer à reprendre les définitions des perfections et à trouver des formules originales qui répondissent à ses idées morales et à ses croyances religieuses. C'est ce qui explique que dans l 'antiquité certains historiens de la philosophie aient rangé Pythagore non parmi les philosophes mais parmi les Sages (Hermippe et Hippobotos dans Diogène Laërce, I, 42). Pythagore, en qui s'affirme une renaissance mystique, veut une réforme de la philosophie trop profane et de la morale trop égoïste des Sages. L'intention critique se montre déjà dans le nom de guerre qu'il prend. Il commence par dénier à ses prédécesseurs le droit de porter le nom de croçoç qui résumait toute leur ambition. Ce nom est trop prétentieux ; celui qui s'en empare manque de respect à la divinité. Celle-ci seule est sage, l 'homme ne peut qu'aspirer à la sagesse, c'est-à-dire devenir ©IXôœOçOç "2. Ce mot
1. Diogène Laërce, VIII, 8 : et. Diels, Archiv filr Gesch. der Phil., III, p. 4.")4-ë.
2. Iléraclide Pontique dans Diogène Laërce, proœrn., 12 et Cicéron,
DES ACOUSMATIQL'ES 285
plus modeste allait connaître de glorieuses destinées. Platon ne fît que continuer la tradition pythagoricienne en prenant ce nom. tandis que les membres des autres écoles de philosophie s'appelèrent longtemps encore acczi et ffsçcjxxi.
Si nous connaissions 'avec exactitude les formules des Sages, nous pourrions encore rechercher quelle fut sur chaque point la réforme de Pythagore ou des Acousmatiques. La plupart d'entre elles, malheureusement, ne nous sont attestées que par de tardives compilations (Démétrius, Sosiadès, Diogène et Plutarquei dans lesquelles il est difïîcile de faire la part de la tradition ancienne et des additions postérieures. Cependant quelques exemples pris au hasard peuvent encore montrer dans quel sens s'est effectuée cette réforme :
aosorxaxov ypovoç (Thaïes): GscpwxaTTv àpiOgiç /.TA. ' P I - Le Pythagoricien Paron avait déjà blâmé la formule de Thaïes: Aristote, phys., IV, 3, (222 b 17), ci gèv c-cçaoxaxcv SASYSV (TSV yp:vcvi z ci IloGavépetoç Ilàpwv àgaOiaxxxov, cxi xai sTxiAxvGivcvxxi sv TCJTOJ, A£Y<OV
cpGàxepov (cf. Simplicius, cornm., p. 751, 9). — xaAMaxcv xsagcç (Thaïes : xâAAicxcv z\p\j.zytix P . 1 . — iayupôxaxov àvavxrj (Th.) : xpxxiaxsv yvorp.Y; (P . '
— p.£xp5V apiaxov (Cléobule): àpujxsv sùcaigcvia P.) — A la doctrine Tzzrqpci ci avOpwTcc, comparez le mot célèbre de
Bias : TCAîCJXGI oi xaxci. Ce genre d'enseignement doit donc être expliqué par une mode
archaïque : dans la secte acousmatique du iv° siècle, il n'est plus qu'une survivance destinée à disparaître rapidement.
C. — T i 7T p x x x i c v y) c • j T: p a x x £ s v :
a) Prescriptions rituelles et pratiques superstitieuses.
Sous cette rubrique je range une foule do préceptes, surtout d'interdictions, qui ont leur raison d'être dans des croyances animistes et des tabous primitifs. Aristote pense que ces préceptes étaient observés dans leur sens littéral : mais déjà au îv' siècle deux écrivains, Androcvde le Pythagoricien ' et Anaximandro le
Tuscul., Y, 3. Timée dans Jambl . , V. P., i L Sosierale dans Piegènc, VIII, 8, e tc .
1. Voir l'article récent de 1'. Corssen dans le Ithrin. Mus., UM2. p. 2io-203.
2Sh 1.1: CATKCIHSMI-:
Jeune ', avaient publié sous le titre cJ^SsXa TruGayopcxa, des interprétations symboliques des à/.cjjp.aTa pythagoriciens. Aristote ne parait pas avoir connu ou du moins pris en considération le système d'explication allégorique de ces auteurs : il s'en tient toujours Jambl. , T. / \ , 8 3 s q . Diogène, VIII, 34-33, Elien, V. If., IV. 17 ï à la lettre des ay.0uc7.a-a.
Nous ne connaissons plusdu livre d 'Anaximandre que quelques formules de symboles conservées par Suidas : par contre le svs-tème d'allégories d'Androcyde nous est mieux connu, par une citation du rhéteur Tryphon (lihet. Gt\, III, 193). Cet extrait est assez important pour nous permettre de rapporter au TTSCI crjp.gi-AMV d'Androcvde les listes de svmboles conservées par Démé-trius de Byzance (Athénée, X, 432), Porphyre, V. P., 42 (et d'après lui, en attribuant à tort cet extrait à Aristote cité précédemment dans Porphyre, saint Jérôme, adv. Ruf., t. IV, 2, p. 409 Par . ) , Diogène Laërce, VIII, 17-18, Pseudo-Plut. , llh.ecl., 17, Jambl . , Protr.. 21 , Clément, Strom., V, 27 sq. et divers parœ-miographes (Mantissa, Arsénius, Apostolius). — Hippolyte, adv. haer.. VI, 27, me paraît représenter une tradition différente par
A ndrocyde
Suid
Ps-Plutarqu»
Porphyre / I / / 'ft (remaniement juif)
I Diogène •_ . 0 Tryphon
S1 Jérôme " / ;Parœmiographes
Clément (remaniement chrétien)'
Jambliaue (remaniement néo-pythagoricien)
l'énoncé des formules comme par le caractère plus profane de l 'interprétation ; je l 'attribuerais volontiers à Anaximandre 2. En attendant une étude plus complète ', on peut provisoirement
1. Suidas , s. v. 'Avaré-tavLo.:. • t *
2. Compare/, le symbole à~o OÀOJ àoioj air, à-ooa/.v: (jui cor respond à une formule d 'Anaximandre citée par Suidas , a lors que la tradit ion d 'Aris tote qui olfre tant de concordances avec celle d 'Androcyde est très différente .Jambl. , V. P., 86, e t Diogène, VIII, .'!;,).
A. Les recherches de Hœlk, de acusmatis sire s;/mb. Pylh. fdiss. Kiel IS'.»i .sont incomplètes et insul l isanles .
DES ACOUSMATigL'ES 2 8 7
établir le s temnia suivant i voy. p . 286 des diverses t radi t ions qui
r ep résen ten t l ' in terpré ta t ion symbol ique .
La compara ison des formules conservées par Anaxin iandiv et
Androcyde avec l 'extrai t d 'Aris tote que nous é tudions montre
que ces deux au teurs ont connu, eux aussi , des recueils d'y/.zjz-
y.xzy. à peu près ident iques au nôtre . Il est probable que . si i r s
deux écr ivains presque contempora ins sont tombés d'accord
sur le choix de l ' in terpré ta t ion symbol ique , c'est qu ils ont puisé*
à une source commune (x; où ce sys tème était déjà exposé' au
moins dans ses g randes l ignes. On peut donc imaginer une t ra
dit ion spéciale des \v.zjz[j.y-y. ;B» où ceux-ci étaient expl iqués
a l l égor iquement . Les concordances nombreuses entre Androcyde
et Ar i s to te font supposer que le recueil d Aristote était beaucoup
p lus é t endu qu 'on ne peut en juger d 'après les ex t ra i t s d 'Ll ien.
de Diogène et de J amb l ique et qu'il est permis de le reconst i tuer
plus complè tement en y a joutant les formules des symboles d An-
drocvde .
La p lupa r t des xAoùzy.zzz de cette série sont 1 objet de commen
ta i res in té ressan t s de la par t d"Aristote. Quelques-unes des rai
sons par lesquel les il tente d 'expl iquer ces é t ranges coutumes pro
v iennen t des recueils py thagor ic i ens ; mais il avoue lu i -même (pic
la p lupa r t de ces essais sont dus à des commenta i r e s é t rangers au
Pvthaxrorisnie (8 86) . Ces au t eu r s de recueils d y/.zjzj.xzx an té-
r ieurs à Ar is to te , ont recouru pour les expl iquer , aux indications
fournies par les supers t i t ions du folk-lore, aux comparaisons avec
les cou tumes des Barbares , enfin aux ' c royances pythagor ic iennes
e l l e s -mêmes . I n Pythagor ic ien de la secte acousmat ique . Hippo-
médon Ai ^"^ p ré tendai t que Py thagore a\ ait donné l 'explication
de ces formules, mais que la tradit ion s'en était perdue et qu'il
n 'é ta i t resté que des préceptes don t l 'explication était d e \ e n u e u n
sujet de cont roverse (~po'p\ri<).z-x). Par cette conjecture Hippo-
médon cherchai t év idemmen t à rendre compte de*» variat ions de
la tradit ion sur le sens et la raison d 'être des XV.ZJZ-J.XZX : les Py tha
goriciens, ne comprenant plus les raisons de ces cou tumes
a rcha ïques , se donnaient beaucoup de mal pour les pistilier. Ln
fait, il est certain qu'il a dû exister des commenta i res py thago
riciens aux XAZùZJ.XZX : l 'exemple d 'Androcyde en est la preuve
la p lus cer ta ine .
On doit expl iquer les préceptes et les interdict ions de ce genre .
2 8 8 LK CATÉCHISME
comme Aristote l a fait, par la comparaison avec les coutumes des peuples sauvages, les croyances du folklore et les superstitions primitives dont on trouve encore aujourd'hui mainte survivance dans notre civilisation: le formalisme religieux, le culte des morts el les croyances animistes suffisent à en rendre compte. M. Bcelim a repris récemment l 'examen de ces anciennes superstitions ' et comme il les a expliquées assez justement en s inspirant de la méthode d'Aristote, remise en honneur par les études modernes d'ethnologie, il me paraît superflu de nous y arrêter. Je veux cependant en reprendre quelques-unes pour montrer qu'on trouve déjà dans le recueil pythagoricien connu d'Aristote de timides essais d'interprétation allégorique.
1. (Jambl., V. P . , 83) : ©opiiov JJLYJ <7uvxaQoap£iv, où vàp Set atxtsv yivsjOa'. Toii p.r; TCCV£?V, crjvavruiOsva', Se : l 'explication symbolique est celle qui est adoptée aussi par Androcvde.
2. (Diogène, VIII, 35) : xepi xwv àXôv cri Set TrapaxftkaGai izpbq ÙTxôp.vçaav xcù oixaiou* ci yàp à'Xsç, xxav oxôccuaiv oit av 7uapaXa(3a)crt, xat yeysvocjiv ex xxGxpwxâxow r Xtou xai GaXaaaYjç. L'emploi du sel était à l'origine, comme les autres àxcùa^aia, une pratique superstitieuse. Plutarque a consacré tout un chapitre de ses qu. conv. (V, 10) à l 'étude de l'usage du sel et des superstitions qui s'y rattachent. Certaines sectes religieuses s'en abstenaient : le précepte pythagoricien avait sa raison d'être. Comme on le voit, il avait déjà reçu une interprétation allégorique dans le recueil utilisé par Aristote.
3. (Diogène, VIII, 35 et Jambl. , V. P . , 86) : apxov p.Yj xaTocrvù^v; l'une au moins des nombreuses explications proposées par l e s
auteurs d'Aristote, tend déjà au symbolisme : oxi où oeX o'twvbv TOisCjOai TO'.OUTOV àp*/0[j.£vov y.xraYvùvTa xat auvTp'î^cvxa.
4. ^Diogène, VIII, 34) : ià Tusaôvxa p.rj àva'.petaôai, ùxxàp TOU kBiÇevOca \j/r, àxoXajTwç èaGfetv (la seconde raison est d'un ordre tout différent) .
La différence essentielle qui sépare ces essais de symbolisme de ceux d'Androcyde, c'est qu'Aristote croit encore à l'observance rituelle et littérale des préceptes des àxoùap.axa, tout en expliquant cette observation pour des raisons morales, tandis que pour Androcvde ces formules ne sont plus que des images dont la seule valeur est le svmbolisme.
Kl
1. De symbolis pythagoricis (diss. Berlin), 190.H
DES ACOLSMATIQUES 2 8 9
(3) Abstinences.
A en juger par le caractère superstitieux de leurs coutumes ut leur mentalité primitive, on serait tenté de rapporter aux Acousmatiques les notices des auteurs anciens (Eudoxe, Onésicrite, Timée, etc. ]) qui attribuent aux Pythagoriciens l'abstinence complète de viande. Or, on constate avec étonnement que notre secte n'est pas absolument végétarienne. C'est la doctrine de la métempsycose seule qui justifie à leurs yeux les abstinences r i tuel les: dans 1 :.spb; ^zyzq c'est aussi et surtout la croyance a la parenté de tous les êtres vivants, qui veut qu'on épargne tous les animaux. Les Acousmatiques ne sacrilient que les animaux par le corps desquels l'âme humaine ne passe pas, au cours de ses réincarnations (Jambl. , V. P., 80, ; en outre ils ne mangent que des animaux sacrifiés.
Je pense qu'il faut comprendre de la même façon la notice d'Aristoxène 2, qui décrit le régime des Pythagoriciens qu'il a connus : Jambl . , V. P.. 98 : TrapaT'.OstfOa'. zk v.ziy. L'o'xov 0J7CJ.<.>V [-ziibtw et Porphyre , V. P . , 34 : a^omaïc CE xpsaç -ECEUOV OJC';J.<OV /.a-, TCJTC Z'JZ
èx, TravToç pipou; (cf. infra). C'est aussi l'opinion d'Héraclide Politique (Porphyre, abst., I, 26) : à-TssOa». è;J/V>/G)V TCJ; [U)xyzzi'.zjz exe Ôtîoisv ôeotç, et de Sylla dans Plutarque, qu. conv., VIII, 8. 3. Il est intéressant de rechercher quels sont ces animaux favorises auxquels on ne peut toucher.
Il y a d'abord le chien, semble-t-il, d'après une vieille légende déjà rapportée par Xénophane :{ : Pythagore, passant à côté d'un homme qui battait son chien, reconnut tout à coup à la voix de cet animal que Pâme d'un de ses amis s'était réincarnée en lui. Ce qu'on peut rapporter avec plus de certitude à notre secte, c'est le respect du coq blanc. Ce précepte figure en etlet parmi les 'AxcùapaTa d'Aristote (Elien, Y. II., IV. 17, Diogène, VIIL 31. Jambl . , V. P . , 84, cf. Plutarque, qu. enne 4, a. 2, S : k/.i/.-
1. Eudoxe dans P o r p h y r e I . P . , 7. T imée d;e al . , \ . / ' . . a i et Dio-
gène Laëree , VIII, 13 et 22. Onés ic r i te dans S h . . X \ \ 7 h».
2. Hohde, o/>. rit., p . 3a . On peut se d e m a n d e r comment il faut ron«-i!ier
ce t t e notice avec un au t r e fragment d 'Ar is toxène Diogène. N III. 20 : y . "
ôaùtôv à~iyîiOat jîoô; àporf.po; xat xptoj.
3. Diogène I .aëree, VIII , .'{('».
D I I . A I T I ; . —LUI. / M / / / / , U / . I'1
2 9 0 LE CATÉCHISME
Tpusvc; [JLY] aTTrejOai Xeoxoïi oit Ispb; TOU MYJVOç xal IxéVrçç/ TO S' YJV TGW
ày Ocov (=IX£TYJV etvai)' :w TS MYJVI Upoç* a^u-aivEi yàp ^àç wpaç. D'après deux passages de Jamblique cette prohibition s'étend
à toute espèce de coq ; le motif invoqué, V. P., 147, c'est qu'il est consacré au Soleil; dans le Protrepticus, 21 , au Soleil et à la Lune. D'ailleurs les deux attributions au Soleil et au dieu Mên* (yiieu anatolien, personnification de la Lune) se concilient parfaitement. Rappelons que dans les croyances acousmatiques le Soleil et la Lune sont considérés comme le séjour des Bienheureux. On connaît d'autre part le caractère funéraire du coq. Les fouilles récemment exécutées à Locres, en plein domaine du Pythagorisme, ont mis au jour une quantité considérable de bas-reliefs de terre cuite archaïques ; dans la plupart des scènes funéraires qui y sont représentées figure un coq, soit comme personnage de la scène, soit comme offrande au mort 2. En conséquence, il semble que le coq et spécialement le coq blanc a été considéré comme l'animal particulièrement consacré aux métempsycoses humaines. Le respect des Acousmatiques qui épargnaient seulement les animaux de cette sorte, la consécration de cet oiseau aux astres où habitent les âmes des morts et les représentations si fréquentes du coq sur les bas-reliefs et les peintures funéraires en sont des preuves certaines. Tel est aussi le sens d'une doctrine empruntée aux alchimistes grecs qui ont conservé tant d'anciennes superstitions (Berthelot, p . 101) ; avOpcoxov vàp eîvai ©yjatv TSV àXsit-puôva h 'Epp.rjç; xaxapaOlvxa OTTO TOU rj/dcu 3.
Certains poissons surtout étaient l'objet d'un respect superstitieux de la part des Acousmatiques : sur ce point nous sommes mieux renseignés. Le principe général qui détermina les abstinences de poissons est le même que nous avons constaté plus haut pour tous les animaux, c'est-à-dire la croyance à la métem-psycose. C'est ainsi, en effet, qu'il faut interpréter la note d'Aris-
i. Sur les rapports du coq avec le dieu Mên, voyez Roscher, II, p. 2762. Le respect du coq blanc est resté une des superstitions de la Grèce moderne, d'après des renseignements que je tiens de M. Svoronos.
2. Cf. Oungliati dans A usonia, III (1908), p. 152 sq. et Orsi dans Bollettino d'Artc del Ministero, III (1909), p. 413 sq.
3. Il faut sans doute expliquer par cette conception la légende originelle du Soivje de Lucien où Pythagore est revenu à la vie dans le corps d'un coq .
DES ACOUSMATIQUES 291
tote (Diogène, VIII, 34) ; TO>V l O-'ov gr, &;TE<TÔ3'. sw. Upct' gf, y i -Seiv xà auxà Tsxdr/Ôai Oeoîç y.ai âvôpoWctç, uTTXsp OJB' è/sjOspcç /.xi. SoùXoiç. Les dieux en question sont les dieux infernaux comme l'indique un autre extrait d'Aristote dans Jambl . , V. P., 109 1 cf. Protrepticus 21 (5); p.sXavsjpsu. CE àzs/ssQat 7xxpv;ysA/,E* yHzviw yap èffxi Bsojv. Ces poissons sont consacrés aux dieux infernaux évidemment à cause de leurs rapports avec les âmes des morts. La doctrine de la métempsycose qui explique les abstinences de tous les animaux doit s'appliquer au cas spécial de ces poissons ; les Acousmatiques croyaient donc que l'àme humaine pouvait se réincarner dans leur corps.
Aristote les désigne d'ailleurs par leurs noms. Ce sont : le rouget (èpyOptvoç, Jambl . , V. P., 109. Diogène, VIII, 19, Hiéroclès, in aur. carn., 67 ) ; le mélanure [sorte de bogue] (;j.£Aavcjpcç; Jambl . , 109, Diogène, VIII 19 et 33) ; le mulet de mer (xpiyAx ou TpiyXtç ; Diogène, ibid., Plutarque, qu. conv., 4, o, 2, 8, Aulu-Gelle, IV, 11, 13. Porphyre, V. P., 45) ; l'ortie de mer (z\yS/.rtzrt ; Porphyre, ibid., Aulu-Gelle, ibid., Plutarque, ibid.).
Aristoxène rapporte aussi que les Pythagoriciens mangeaient très rarement du poisson : certaines espèces étaient proscrites de leur table pour des raisons qu'il ne spécifie pas (Jambl. . V. P.. 98, .Diogène, VIII , 19). Ajoutons que ces abstinences de poissons, comme celle du coq d'ailleurs (Jambl., Protr., 21), ont été expliquées allégoriquement par Androcyde (Trvphon, lili. gr.. III , 193. P s . - P l u t , lib. éd., 17. Jambl.', Protr., 21) \
C'est encore aux Acousmatiques qu'il faut rapporter l 'abstinence de certaines parties du corps des animaux (cf. Porphyre, 34 : OJS' èx Txavxb: pipsu;) comme le cœur (Diogène, VIII, 19 (Aristote), Aulu-Gelle, IV, II, 12 (idem), Klien, Y. / / . , IV, 17, Jambl . , V. P., 109, Hiéroclès, in aur. carni., 67), la matrice (Diogène et Aulu-Gelle, ibid., Porphyre, V. P., 43) et le cerveau (Plutarque, qu. conv., II, 3, 1, Jambl . , V. P., 109 et Hiéroclès,
1. La liste d'abstinences du £ 100 est toul entière empruntée à Aristote: la mauve = Klien, V. II., IV, 17 ; les fèves = Diogène, VIII, .'H : le cour .-Aulu-Gelle, IV, 11 ; les poissons - lhoevne, VIII, 10, Aulu-Gelle. /7>é/..ete. C'est ce qui explique qu'elles sont attribuées aux Acousmatiques p_: -oti aXXoii).
2. Cf. encore Plutarque, t/u. conr., VIII, 8. Kustathe, ad Or/yss.. p- 1720, 31. Athénée, VII, 308 c.
2 9 2 LE CATÉCHISME
ihi'l.). La raison invoquée par J amhl ique : yj-fô^oviai qxp siffi /.ai
(i)javsi È7.$â0pa. /al scpai TIVSç TOù" ©povsîv /ai xou Çrjv, paraî t assez
vraisemblable .
L 'abs t inence du cœur avai t été in terpré tée symbol iquement
par Androcyde dans le sens de « ne pas se manger le cœur »,
c . -à-d. de ne pas se faire mour i r de t r i s t e s se 1 . Il est v ra i sem
blable que l 'explication que donne J ambl ique , Protr., 2 1 , du p r é
cepte ÈY/ÉyaAov \j.r, iffôi'siv dérive aussi de la même source . Un
aut re symbole d 'Androcvde concerne encore les abs t inences
py thagor ic iennes (Po rphy re , V. P . , 42) . P a r m i les àzcécrp.aTa de la
t radit ion B nous pouvons donc ranger ce précepte tel qu ' i l es t
expl iqué pa r P o r p h y r e , ibid., 43 : IXsys o'à-éyyaOai TWV zaïaOuo-
p.Évwv ôapjc; /a l cioJ^wv /ai aloohov /a l p.oîAou /a i TTOOCOV / a i xeoa-
Ar,;, / T A . Cet te liste d 'abs t inences concorde en p lus ieurs poin ts
avec la t radi t ion A , mais elle est plus complè te . Nous n ' avons
pas conservé l 'explicat ion symbol ique qu 'en donna i t A n d r o c y d e ,
mais nous pouvons l ' imaginer assez semblable à celle de xapoiav
;rr( Tpwysiv et ey/éçaAcv \t.rt ècrOleivp.
Enfin cer ta ins l égumes étaient bann i s du régime al imentai re
des Acousmat iques . E n tou t p remier lieu, il faut citer l ' abs t i
nence des fèves qui es t b ien connue 3 : elle figurait pa rmi les
ay.ouffjj.aia de la t radi t ion A (Aristote dans Diogène, VI I I , 34).
Les différentes ra isons présentées par Ar i s to te pour l 'expl iquer
para issent e m p r u n t é e s aux Py thagor ic i ens eux-mêmes qui ne
comprena ien t p lus t rès bien les ra isons d 'ê t re de cet te ancienne
in te rd ic t ion .
1° y; OTI alocioiç siffîv ocelot : cf. Aulu-Gel le , IV, 1 1 . Lucien,
vit. auct., 6, et les his toi res des mé tamorphoses merve i l leuses
d 'une fève déposée dans un vase et recouver te de t e r re : H é r a -
clide Pon t ique dans L y d u s , de mens., IV, 12. A n t o n i u s Diogène,
ibid. et P o r p h y r e , V. P . , 44), H ippo ly te , adv. haer., I , 2, 14).
1. Diogène Laërce, VIII , 17. Athénée , X, 452. Ps . P lu t . , lib. éd., 17. Po r phy re , V. P., 42. J a m h l . , Protr., 21 . Clément , Slrom., V, 30. Eus ta the , ad
Iliud., p . 1342, 13. Schol . Iliade Û 129. Mantissa, prov., 2, 10. 2. Elle devai t ê t re basée sur les identifications de P o r p h y r e : ôaçuç =
C*r:o6ï7tç, h'Zj'xoi /.ai aiôoia rr: yévsat;, uutAd; = . aù'Çrja'.ç, 7zd8eç =r zpyjii zsçaXr) = . - . . _ '
T£A£U7r(.
3. P lu ta rque , qu. rom. 95 (p . 286 c) y joint deux var ié tés de pois ch iche : ÀâO-Joo: et l'A v.vOo:, w; -aofovju/r. TOïJ Èoiftouc /.al ~r- ÀrïOriC.
, . , | • 7 i l l i - 1 * 1 1 -
DES ACOL'SMATIQL'ES 2 9 3
2° YJ oxl "Aiîcu 7u6Xa'.ç ' à'^svaTcv -,'ip ;J.GVGV : formule obscure
expl iquée pa r deux vers de 1 tspbç XG^Gç :
•jiuv^; a'i YjbW jjxoav £;j.g.£vai r;G'àvajjaO;j.Gv
s$ A'2ao OGU,G)V, ôiav avr/Aç sisaviMsrv,
et P o r p h y r e , arc/r. nymph., 19. La t ige des fèves n ' ayan t pas de
n œ u d s offre aux âmes qui sor ten t de l ' I Iadès un moyen facile
de reveni r à la vie ter res t re . Cet te p lante est donc sacrée d 'abord
parce qu 'el le ser t aux âmes à sort ir de l ' I Iadès , ensui te parce
qu 'e l le peu t contenir les âmes des mor ts qui y passent (cf.
P l ine , N. / / . , 18, 118 et le vers de l'ispc; /.57s; : LGV ::-. y.ja;j.Gj;
TE piayav xEsaXa? -£ TCXYJOJV). C'est donc encore la doctr ine de la
mé tempsycose qui dé te rmina cet te règle d 'abs t inence .
3° Y; oTi oïïeipzi : motif expl iqué par Théophras t e . de caus.
plant.,Y, 15 , 1. Clément d 'Alexandr ie , Strom., I I I , 2 i . Eus t a the ,
ad Iliad.,p. 948 (cf. J a m b l . , Protr., 21 (37) : sOapTixsv) : les fèves
ava ien t la r épu ta t ion de faire périr les au t res plantes et de rendre
stér i les la te r re et les a n i m a u x .
4° yj oit TYJ TCJ OXGU oôssi c'Asicv : il faut sans doute en tendre
p a r l a q u e les fèves par t ic ipent au pr incipe spiri tuel de l 'Univers :
8ià xb Tcv£L>{/.axwo£tç ovxocç p.aAicxa p.£T£/£iv TGO 'Vjy.y.Gj, comme 1 ex
pl ique Timée (Diogène , VI I I , 24) .
5° r( bxi oXr;apYy/.Gv * xXYjpoBvTxt 7GJV GCJTGCC, : cf. Lucien , vit. auet.,
6, et J a m b l . , V. P . , 260. Les fèves sont le symbole de la d é m o
crat ie , car elles se rven t à t i re r au sort les magis t ra t s : c'est donc
faire mon t r e de sen t imen t s a r i s tocra t iques ou ol igarchiques que
de s'en abs ten i r . C'est le motif qui a été exploi té par la source
c o m m u n e à Androcyde et A n a x i m a n d r e pour t irer un sens sym
bol ique de cet te formule. Ar i s to te croit que la règle d 'abst inence
étai t encore observée à la l e t t re . D 'après la t radit ion H, la for
mule signifie qu ' i l ne faut pas p rendre part à la polit ique I l ip -
po ly te , VI , 27, P s . - P l u t a r q u e , lib. éd., 17 . Le précepte a encore
pr is un aut re sens dans Arsén ius , viol., p . 413 et Apos to l ius . XV.
11. Les fèves dont il s 'agit sont celles dont se servaient les
j u g e s pour prononcer la sen tence . Le précepte signifie » ne vis pas
des revenus que peuvent procurer les fèves du t r ibunal »> c est-
à-dire « ne te laisse pas cor rompre en rendant la just ice ••. On
voit encore très bien comment déjà dans la tradit ion A Aris tote
se mélangent le sens l i t téral et l 'explication a l légor ique. Les rai-
294 LE CATÉCHISME
sons invoquées : cxt oàboioiz s\<rlv cpiotoi et OTI ô/aYapyixov (xb àTcéyEa-Oai) fournissent le thème de deux interprétations symboliques : 1° JJIY] rcoXixEusffOai (tradition B), 2° eosque (testiculos) more Pytha-gorae operte atque symbolice xudcpiouç appellatos.. . idcircoque Empedoclen versu isto non a fabulo edendo sed a rei vene-riae prolubio voluisse homines deducere (Aulu-Gelle, IV, 11, 10).
La mauve (goXcyr; ou p.aXayr;) n'est pas moins sacrée que la fève !, comme on l'a vu par un àxouaga de la première série. Peut-être peut-on conclure de l'explication allégorique de Jambl . , protr., 21 (38) que cette abstinence était connue aussi de la source d'Androcvde.
y) Préceptes de morale.
1. bxi est Tsy.voTccxstaOai ' bel yàp àvxtxaxaXuîEîv xouç ôspaTUSÙovxaç xbv Osév. Aristote (§ 86) note que cette explication est d'origine ésotérique. Les Pythagoriciens n 'ont fait que reprendre un vieux précepte de la morale ou plutôt de la religion antique, mais en en renouvelant le motif et la signification : ce n'est plus en vue de perpétuer le culte des morts qu'il faut avoir des enfants, c'est afin de laisser des serviteurs à la divinité. On retrouve ici la conception que les hommes sont les serviteurs ou les esclaves des dieux. L'un des devoirs essentiels que leur crée leur situation est de veiller à ce que leurs maîtres soient toujours bien servis. C'est le même motif qui est invoqué pour condamner le suicide : c'est un crime, en effet, que de détruire l 'un des biens de la divinité. Ces idées ont passé dans la mystique chrétienne comme tant d'autres conceptions pythagoriciennes.
2. yuvsdxa CJ bel SMOXEIV XYJV auxoo* ixsxt; yàp ' bCo xai aç éuxiaç àyô^Ôa *ai h Xv;cnç 3ià Ss^iaç (cf. même notice dans [Aristote] Oecon., I, 4 1344a 8). Cet àxoosp.a est l'indice d'une réforme religieuse et morale qui avait tenté de vivifier et de rendre un sens aux anciennes cérémonies du mariage. Les sermons de Py tha-gore (Timée dans Jambl . , V. P., 45 et 54) attestent une intention semblable.
1. Voir dans Pauly-Wissowa, I, p. 61, diverses superstitions anciennes concernant là mauve.
DES AC0USMAT1UUES 2 9 3
3 . cygjbouXs'Jsey ;J.Y;S£V xxapà xb {JSXTICTTSV xû 7J;J.£OUXSJC;J.E'VOJ ' ispbv
vàp «jou-gouX-r,. Cet te formule para î t avoir été une sorte de proverbe
t rès ancien : elle est citée par P la ton , Théacfès, 122 B, Xéno-
p h o n , Anab. V, 6, 4, Ar i s tophane , fgt. 22, et Ep icha rme
(Zénobe, centur., IV, 40) b Le précepte lu i -même ligure déjà
dans Hésiode, op. 2G6 ; il est aussi a t t r ibué à Solon (Diels, Yors.
p . 321) . Il semble bien que les Py thagor ic iens n 'on t fait que
r ep rendre un vieux précepte popula i re .
4. àyaQbv o'. TTOVOI, se es Tjbovoà sx xravxbç, XOÔTTOJ xr/.ôv ' ST:;. XOXXJSGJ;
yàp èXOôvxaç est xsXaxOvjvat. Cf. un au t re précepte : eeextev ;j.r, OJ-;-
xaOatpstv, où y^? ssï s'éxiov ytvsoOat xej \j/rt rrevstv, ojvxvxxtOsvse es'. —
C'est un des rares exemples de préceptes ascét iques dans la
mora le py thagor ic ienne , car on ne peut pas donner ce nom aux
abs t inences supers t i t ieuses étudiées plus haut . Il faut recourir
pour expl iquer cette concept ion aux doctr ines orphico-pythago-
r ic iennes sur l 'origine et la na tu re divines de l a m e huma ine .
Suivant cet te théorie adoptée aussi par P indare et par Empédocle
l ' âme est un être divin (OOULJLOJV) qui a dû descendre sur la terre
pour expier des fautes commises pendant sa vie céleste. Les pur i
fications sont le r é su l t a t des soullVances et du t ravai l , comme
cet àxou<7[j.x nous l ' apprend , et na tu re l l emen t aussi de l ' initiation
aux vraies doct r ines . Les Py thagor i c i ens d 'Ar i s toxène ont adouci
un peu ces aus tè res théor ies : J a m b l . , V. P . , 204 sq. : XXOOXOJ os...
TcapaxsXs'jEffOoa... sjXal3sfo0a'. XYJV YJOCVYJV xod yip v.zv. i-yr.y.ovx /.a-
^XaJSspbv cbç ï~\ xo xxoXù XOUXOV SIVOU xbv OXOTXOV.
3. uxjo'j.s'vovxa xai syovxa xpa'ju.axa sv xo> è'g-cooOsv zzt.zj-.f.zx: 2^2-
ôôv, svavxuvj; os svavxîov. Ce précepte cini concerne les devoirs île
la guer re para î t assez é t range quand on le compare à l 'horreur
que m o n t r e n t pa r tou t ai l leurs les Py thagor ic iens pour l 'homicide
et la guer re (cf. en par t icul ier ^ ÎSG). Le P \ thagorisme relâché
des amis d 'Ar i s toxène défend na ture l lement des théories a n a
logues : ibid.y 232 : -z\z[).ziv zï \xrt Xôyo) iXXi TOC; spyo'.p. v ô y. : g : v
bs e iva t xa i oaiov xbv 7rôXs;i.ov, z: ô)z avOptoxoo OOOOMTTM rro/.sv.r,-
asisv. L ' ins is tance avec laquelle ils déclarent que la guerre est
légi t ime au point de vue humain et religieux semble prouver
l 'exis tence de polémiques sur ce sujet clans les ('.onfrênes pxtha-
l . Cf. encore Apostol ius , V, °2, Diogenianiis. *J, n-j Macnr . . lY . ?J. \ r s c -
n ius , XXXI, 6!'». Hésycli ius et Suidas, s. r. e t c .
2 9 6 LE CATÉCHISME
« «
iroriciennes. L'isobr. Xi-.'oc, ici comme dans tous les au t res cas ,
représente la doctr ine la p lus aus tè re .
6. (jj 80). à'-avra [livret sera rrspi TOJ icpaiTSiv r) JJLYJ Tcpans'.v chopiÇou-
o-'.v àcTTo^ajTat Trjc ~pb; xb ôsfsv opuAiaç, xai àpv-rj aô'xYj ècm, xal 5 (bioç
axa; juvTExay.xa'.. ~pzz xb àx-GAouOscv TW OSW xai b Abyoç OUTO; TCX'JTTJC; TYJç
ç».AC7cçiac (texte repr is au § 137) h Les deux express ions qui
résument la morale pythagor ic ienne opa/aa zzpoq xb Qsïov et àxoAou-
Osîv Tw OîO) repara issent souvent dans la t rad i t ion . On t rouve aussi
les var iantes sTcsaOat Osai (Stobée, ce/, mor., 6, 3 , 66. Boëce, cons., I ,
i , 130), (3acusiv Txpbçxou; Osc/j; (Plut. ,sujDcrsr. , 9). Cf. J a m b l . , V. P . ,
70. P l u t a r q u e , Nu ma, 8, 5, S tobée, /7or., 11, 25 . J ' a i mon t r é
a i l leurs q u e l l e s doivent être expl iquées par l 'al légorie du
Phèdre de P la ton : Pâme est r eprésen tée comme marchan t dans
la vie céleste et t e r res t re à la suite des d ieux , sous la forme d'un
a t t e lage condui t par le veuç. On re t rouve une concept ion sem
blable dans l'Upbç AôYûç. Il semble que déjà dans la t radi t ion
acousmat ique connue d 'Ar is to te l 'express ion àxoAooOstv TW ôSO>
soit devenue une s imple i m a g e 2 .
7. (87). èTTSI yàp è'em xe ôsbç xai ûOTOç Txavxwv xupioç, oxiv ôp.oAOYStxai
zapà xcô y.jp'cu xb àyaôbv aixsïv. La divinité est encore comparée
ici à un roi ou à un propr ié ta i re . — L'exposé de ces théories sur
les rappor t s des hommes avec la divini té est repr is et achevé au
§ 137. Si Ton veut , d isent les Py thagor ic iens , que les pr ières qu 'on
adresse à la divinité soient exaucées , il faut accompli r ses volon
tés . De ce pr incipe découlent p lus ieurs règles de foi et de mora le .
D 'abord , pour connaî t re ses volontés , il faut être favorisé de
révélat ions divines (allusion à l ' ense ignement de P y t h a g o r e qu ' i l s
considéra ient comme u n bienfait divin) ou s 'adonner aux p r a
t iques de la divinat ion (cf. Diogène, VI I I , 20 , 32. J a m b l . , V. P . ,
1. E. Rohde, op. cit. p . 45, e s t ime que ce passage provient d 'Ar is toxène parce que Fau teur y par le des Py thagor ic iens c o m m e de ses con tempora ins les ve rbes sont à un t emps p résen t ) . Mais Aris tote par le de l à m ê m e façon des
Acousmat iques (81 : Tzstpcov-a-., GroXauJùàvouat ; 87 : ôu.oXoyouc;iv, e t c . ) . Il n 'y a aucune raison de r e t r anche r ce pa rag raphe de l 'extrai t d 'Aris tote : il s'y rattache tout na tu re l l emen t comme le p rouvent des express ions comme -a jTr , ; T/j; ç'.XocTooy'aç. rsot TOJ TOGOCTTSIV r\ p.rj 7CpaTTE'.v (cf. 83 : t a 81 ii 7upaxxéov î\ où -oazTÊov;. — La formule de c lô ture (87 : TOùTOJV piv aux?) /où ToiaÙTm, aoepea) est aussi bien carac tér i s t ique .
ï. La var iante de Jambl ique , Protr., 21 (6) yXoSaar]; TTGÔ xtov aXXwv xpàxst fiïoi; ïr.f'ip.i'/o: parai t provenir d ' A n d r o c y d e .
DES ACOUS.MATIQUES 297
149). E n s u i t e , il faut se rés igner à la volonté des d ieux : cet
av.cuqj.a nous est connu par la t radi t ion B (Androcyde cité par
J a m b l . , V. P., 145) : èrrvjxrjysv'.y.iv yip TSJXS YJVîCTî -./.à/Asv /.ai =:jyva>-
jxov xb \j:q àvxr.xsèvîiv xai Trpsxayavay.XEèv xyj Oîia zccvsia (cf. deux
vers de P.spb; Aoysç, supra, p . 34j .
Enfin, comme Dieu est tou t -pu issan t , il faut croire à tous les
miracles dont on le dit l ' auteur (138-139) : les Acousmat iques
ci tent à ce propos deux vers d 'un poème de Linus qui parai t être
u n apocryphe d 'origine py thagor ic ienne . On re t rouve cette doc
t r ine pa rmi les symboles du Protrepticus de Jambl ique , 21 ''25 i :
izzpl Qewv •J.YJCSV Oarj.aaxbv XTJ.G-ZI 'prtzï r.ipl Oîhov csv'/xxciv : on peut
la rappor te r aussi à la t radi t ion B (d 'Androcvde .
La foi en Py thagore dieu et sauveur ( 1 40) est une conséquence
nature l le de ce pr incipe : pour la justifier, les Py thagor ic iens se
fondent sur les miracles nombreux par lesquels leur maî t re
aura i t prouvé sa puissance divine. P lus ieurs ext ra i t s d 'Ar is to te
(Él ien, V. / / . , IV, 17, I I , 26, Apol lon ius , mir., O.Mambl., V. P.,
140-143 zz: fgt. 191 Rose) r appo r t en t un grand nombre de faits
mervei l leux de la vie de P y t h a g o r e . La formule qui te rmine
l ' ex t ra i t d 'Ar i s to te (143) : xauxa -.= OJV '/â*;ZJZI ~zzz : ( ; : :v / i : i///.x
xoiauxa, l'ùq zk XOUXUJV bpoXcyouy.svMv v,y.\ àb'jvâxsu svxc; -ZZ: à'vOcf.izcv
eva xauxa cruu3r;vat. rtzrt zlzvzcti aasèç îevat cxi cor r.zzi y.zzizzz^zz z\r.zzi-
yâaôai yprt xà zzzzl sxsîvsu XsyOsvxa y.y.1 zDyi àvOpcozcj, indique bien
que tout ce déve loppement se rappor te à Y XV.Z'J7\J.X du £ 1 43 : ziz
o IluOayspxç;. On peut donc en conclure que le Catéchisme des ,Axo,jff;jt.axx contenai t aussi des ex t ra i t s ou un résumé des Evan
giles py thagor ic iens , c 'es t -à-dire non seulement la doctr ine de la
divini té de P y t h a g o r e , ce qui est établi déjà, mais encore le récit
de sa naissance mervei l leuse et de ses miracles , en d 'au t res
t e rmes une biographie complè t e 1 . Mais l 'examen îles diverses
t rad i t ions sur ce sujet nous entra înerai t t rop loin : nous la réser
verons pour une é tude spéciale.
J amb l ique n 'a pas j ugé bon d 'achever au £ 83 l 'exposé des
àxo'jffjAaxa de la t rois ième série. Il annonce en terminant qu il a
omis les préceptes sur la manière d 'accomplir les saeritices en
1. Androcyde parlai! des niétenipsycoM's de l M h a p u v Theol. Arithni..
p . 40).
2 9 8 LE CATÉCHISME
chaque occasion ainsi que les conseils sur la migra t ion de l 'âme *
et le mode d 'ensevel issement . Cependan t dans ce chapi t re nous
re levons déjà quelques préceptes qui concernent les cérémonies
religieuses CTTJéVCS'.V ~oiz Oscî; xxxà xb ouq zftq V.ûKVAOç = Androcyde
(Porphyre , V. P., i l ) : Oùstv ypri àvu-oceicv xaî Tcpbq xà iepcc rcpocnsvcu
( = J a m b l . , V. P . , 105 et Protr., 21) : sic Upbv où Ssi èxxpsTCcaOou
( J a m b L , ihid.) : sic ij.ova XGJV Çoùtov oùx slaspy^xai àvôpuVîrou d' X'ô G'lÇ
Oipuç, Èoxi xtOrjvai.
J ' es t ime que l ' ensemble des §§ 153-156 2 forme la suite de
l 'exposé in t e r rompu ici. La p lupa r t des préceptes qui y figurent
se r appor ten t aux cérémonies rel igieuses ou funéraires. E n out re ,
cet extra i t est e m p r u n t é à une source anc ienne , car on n 'y t rouve
pas d' influences néo-pythagor ic iennes . Le caractère des p r e s c r i p
t ions édictées rappel le par t icu l iè rement les àxoùapuxxa d 'Ar is to te :
ce sont les m ê m e s supers t i t ions popula i res souvent comparab les
à celles des mys tè res et accompagnées d 'expl ica t ions dont le
symbol i sme n ' exc lu t 'pas le sens l i t téra l . Enfin les P y t h a g o r i
ciens auxque ls l ' auteur r appor te ces cou tumes ignorent l ' abs t i
nence de viande (154 : s©0bv izapxyyiWzi \).rt C7uxav) : on peut
donc les identifier avec les Acousmat iques .
Que lques -uns de ces nouveaux 'Axo'Jagaxa p résen ten t un in t é
rêt par t icul ier :
1. As'y/st. zï xxi \j.rt xixxstv èv ispîo ' où vàp slvai caxcv èv IspaÙ C£lŒ0ai
xb Oîtov xrjç tyvyrïq e\ç xb aoQ.a. On re t rouve ici la doctr ine de l 'ori
gine divine de l 'âme humaine ; l ' expression cstcrôai XYJV uvuv/rjv SIC xb
cjwga est un t e rme consacré , dans la l angue mys t ique des
Orphiques et des Py thagor ic iens , pour désigner la naissance
(Euxi thée dans A t h é n é e , IV, 157 c ; cf. Phi lo laos , fgt. 14).
2. cxav jâpcvxTjsy;, xrj; yr,q a'I/aaSai izxpr^yeWs. u.vrju.cv£Ùovxccç XYJç
ysvsasu); x(T)v CVXMV. — Il faut r approcher ce précepte d 'un au t re
x/.cjsgx où nous avons découver t la croyance à la signification
rel igieuse du tonner re . L 'express ion [j.vrjgcvEÙsvxaç; zv)q yevéaevq
cvxo)v se r appor te non à la ter re mais au tonne r re : ce phé -:wv
1. r.zp\ tjLîxotx.rîaswç TYJç àvxeuôsv : il s 'agit év idemment de la mor t et du sor t de l 'âme dans l 'au-delà . Dans ce sens le mot ;ASTO''XY]JC; paraî t ê t re une image d 'or igine pythagor ic ienne qui fut repr i se plus tard par Pla ton.
2. Les doc t r ines exposées au § 152 se r appor t en t encore à l'iepoç Xdyoç dorien : c 'est ce que prouvent leur carac tère a r i thmologique et la c o n s t r u c tion grammat ica le (cf. supra , p . 102;.
DES ACOUSMATIQUES 299
nomène rappel le aux Py thagor ic iens la naissance de tous les
ê t res parce que le tonne r re g ronde quand les âmes qui reviennent
à une vie nouvel le sont précipi tées sur la ter re (Mythe d 'Er de
P l a ton , p . 621 D. Cf. supra 'Ay.sj71j.a7a, A, i - o ; . C'est par la
même conception qu ' i l faut expl iquer un vers des tab le t tes
orphiques découver tes en Grande-Grèce (Thuri i , 1, 2, 3 , v e r s o
et 6) où la foudre joue encore u n rôle dans la puni t ion des oa{;j.o-
veç coupables et leur chu te sur la te r re .
3 . D 'un axcuay.a qui se r appor t e aux l ibat ions rel igieuses j ex
t ra is cet te doctr ine : xbv TlpaxXsa (0p.vojv7a;)7r;v sjvajv.v xf;; ?J7£o);
xai TOùç Aic<r/.5'Jpouç TYJV ajjj.pwvtav TWV à-avxwv 1. C'est une t en ta t ive
d 'al légorie rel igieuse. On pour ra i t s 'é tonner de cet te hardiesse
en la comparan t au caractère ord ina i rement t radi t ional is te de la
rel igion des 'Axoj7|j.axa. Mais nous avons appr is par de nombreux
exemples que la phi losophie des Acousmat iques est un mélange
é tonnan t de t rad i t ions mys t iques et de concept ions plus éclai
rées . J 'a i réuni ai l leurs d ' au t res vest iges d 'al légories rel igieuses.
On peu t croire que ces in te rp ré ta t ions symbol iques des person
nages de la mythologie s ' accommodent de la croyance à leur
exis tence réelle et qu 'e l les ne sont nu l l ement host i les à la foi
re l ig ieuse .
4. TTOXXCO ce p.aXXov àcixsïaOat CJIOV îlva'. rt XTSIVSIV à'vOpcoTrcv ' iv
"Aiocj yàp y.etaOai XYJV x-pfeiv (répété au § 179) : c 'est la p reuve
d 'une doct r ine par t icul ière sur le j u g e m e n t des Enfers . El le est
men t ionnée encore en passan t par Ar is to te à propos de rày.cja;j.a :
àpTOv {J.YJ xaxayvjciv... ~pbç TY;V èv CAICVJ -Apicw où 7j;j.ç£p£'. '. —
Cet te cons ta ta t ion pe rme t t r a de dé te rminer l 'origine des m y t h e s
p la tonic iens où il en est ques t ion . Les Py thagor ic iens é ta ient
au p remie r r a n g des défenseurs de cet te doctr ine qu' i ls cons idé
ra ien t comme un excel lent moyen d 'éducat ion morale 179, :
â'XXyjv 0£ [J.É0 00 cv àvsups XCJ àvaaTÏXXî'.v : : ô ; àv Opte-cor a::;
xrjç, à o i x i a ç , cià xrjç xpiasMÇ :wv éXjyo)v.
3 . xaxaxavsiv b'cjx s'îa xà 7(é|j.xxa x<oy x£/,£jxr;7âvx<i>v, Mâys'.x àx:Xcj-
Ocoç p.rj5£to; xcov Osûov 70 Ovrjxbv ;j.£70tXa;j.piv£'.v îOâXr.îocç. — Cet
1. Il s'agit de l'harmonie des sphères : les Dioseures sont représentés parfois comme correspondant aux deux hémisphères célestes t'.f. supra, p. 115.
2. Jambl. , V. P . , 86 et Oioçène, VIII, 35.
300 LE CATÉCHISME
axoujjjia est r iche d ' ense ignements . Il est le seul indice * d 'une
p ropagande pythagor ic ienne en faveur de l ' inhumat ion . On y
re t rouve aussi la crovance à la na tu re divine du feu. Elle s 'est con-
servée encore chez les Py thagor ic iens scientifiques dont A lexandre
Polvhis tor a connu les ouvrages (Diogène, VI I I , 27) : rjXibv TE
xxl ffsXrjvïjv xai ~oûq à'XXcuç àaxspa; slvai Osoûç ' ETTLxpaxeiv yàp xb Oepp.bv
èv ajTctç, cxxEp £<rii s ^ Ç aïiiov... xal àvOpo'iTrotç £Lvai 7upbç Geobç ffuy-
ysvsiav xxxà TO [LSTé^SIV â'vôpwTcov Gspp.05. J e suppose que c'est aussi
l 'une des raisons qui justif ient le précepte de l'axou<7u.a précédent :
ipObv -apavYsXXsi p.r; OTCTôCV * Enfin, il faut no ter le r approchemen t
des doct r ines py thagor ic iennes avec celles des Mages . C'est u n e
al lusion aux vieilles légendes d 'origine ésotér ique qui me t t a i en t
P y t h a g o r e en r appor t avec les Mages et par t i cu l iè rement avec
Zoroastre 2. Il se confirme donc de p lus en p lus que les 'Axoéa-
[xaxa contenaient des r ense ignemen t s sur la b iographie l égen
daire de P y t h a g o r e .
6. Le p récep te slaisvai Sa sic xà ispà xaxà xobç cecjtcùç TOTTOUç Tïapay-
vsXXst, kqiévai xaxà iobq àptaxÉpouç doit ê t re r approché d 'un axouap.a
des premiers ex t ra i t s d 'Ar is to te (83) : Ssî xbv bscyov uTuoSstaGat Txpô-
xspov, que la Tradi t ion B (Androcyde dans J a m b l . , Protr.,2\ (11)
a conservé sous une forme p lus complè te : elq p.èv UTTôOSOTV xbv
ztqCov xxbba 7xp07xap£/£, z\q ce xxobbvtTxxpov xbv sùo)vup.oy. — C est le
même principe qui les expl ique tous deux (153) : xb {xèv SsÇwv
zpyrf/ xcv xxcptxxou Xoycp.E'vou xtov àpiGp.wv xal Gsiov xiGÉpievcç, xb os
àpiaxspbv xob àpxbv xal oiaXuopivcu3. Cet te d is t inc t ion cor respond à
la Table py thagor ic ienne des 10 Opposi t ions que nous connaissons
par Ar i s to te , Met., I , o (cf. P o r p h y r e , F . P . , 38). On peut leur com-
1. On peut inférer d'un passage d'Hérodote II, 81 et du traité de Plu-tarcjue, de yen. Socr. que c'était la coutume des Pythagoriciens d'enterrer les morts. Cf. Pline, 35, 160.
2. Aristoxène dans Hippolyte, I, 2, 13 (cf. Lydus, de mens. IV, 29). Diogène, VIII, 3. Pline, 25, 5; 30, 2. Porphyre, Vr. P . , 6, 12 et 41 ( = Stobée, for., 11, 25). Clément, Strom., I, 66 et 69. Plutarque, de an. procr., 2, 2, Jambl., V. P., 19, 151 (cf. Théologouména, p . 41). Cicéron, de fin., V, 87. Apulée, flor., II, 15. Apol., 31, etc.
3. Le nombre pair est le symbole de ce qui se dissout et se sépare parce qu'on peut toujours le diviser par 2 jusqu'à ce qu'on obtienne comme quotient l 'unité. L'identité gauche et pair étant admise (cf. la Table des Oppositions), il faut donc délier tout d'abord la chaussure du pied gauche et sortir du temple par le côté gauche.
DES ACOUSMATIQUES 3f)l
parer encore un autre précepte cité par Porphyre, ibicl. -zîç ;j.èv 5'jpaviciç 6îcf^ --p'.zi'z. OJSIV, TOîç ce yOcv'î'.; zp-.'.y.. En effet, cette coutume religieuse, mentionnée aussi par Ps . -Plu tarque , vit. Hom. c. 145, doit être rapportée aux Acousmatiques, à cause de la mention des sacrifices d'animaux et de l'identité des théories arithmologiques. Nous retrouvons en elle l'un des préceptes qui concernent les sacrifices, dont parle Jamblique à la fin de l 'extrait d'Aristote (85). C'est aussi un nouvel exemple de théories arithmétiques (cf. supra : v. acçoWaTcv ; — ic».0;j.c;'i ; mais elles ne dépassent pas le stade peu scientifique de l'arithmologie.
7. On recommande l'usage de vêtements blancs pour les cérémonies religieuses (153) et pour l 'ensevelissement (155). Cf. Élien, V. IL, XII, 32. Jambl . , V. P., 100 [usage ordinaire , 149 et Diogène Laërce, VIII, 19 et surtout 33 : Ose:; (-:\J.ZZ CEïV VC;JLî-
ÇSIV) àst \j.z-.\:jz>rl,ij.iy.z /.s'jys'.y.cvcuvT:*;. L'explication de cette préfé
rence concorde avec une note d'Aristote (Diogène, VIII, 35) : TS p.èv Xsuxbv -r{z làyaOsO ZûSZMZ, TC ce p.ÉXav TCJ xay.cu.
8. Enfin, plusieurs arbres étaient sacrés ou réservés à des usages religieux : le cèdre, le laurier, le chêne, le myrte et le cyprès. 41 est spécialement interdit d'employer des cercueils en bois de cyprès. Pour justifier cette défense, les Acousmatiques prétendent que le sceptre de Zeus est fait de ce bois L
Le biographe Hermippe nous a conservé une notice semblable dans Diogène, VIII, 11 : il faut donc en conclure qu'il a connu les doctrines des Acousmatiques (Tradition CL II faut encore rapporter à cette source un autre fragment du même auteur (Josèphe, contr. Ap., I, 103) où nous trouvons une légende curieuse. Calliphon, un de ses disciples, étant mort, Pythagore resta longtemps en communication avec son àme. Parmi les révélations qu'elle lui lit, Hermippe cite ces trois préceptes :
t . Pline (Ti, 100) dil que Va i ron , qui voulut se faire en t e r r e r suivant la
cou tume py thagor ic ienne , fut enveloppé dans son cercueil do terre cui te de
feuilles de myr te , d 'olivier et de peupl ier noir. I.e m\ rte apparait donc
encore ici parmi les a rb res sacrés ; niais comme nous apprenons par un
au t r e axoua;xx qu'il était défendu d 'employer des cercuei ls faits du bois
d 'un de ces a rb res sacrés , le cyprès , je nu* demande si les deux cou tumes
ne sont pas en cont rad ic t ion . Vairon s ' inspirait des idées île sectes noo-
py thagor i c i ennes .
302 LE CATÉCHISME
[ir, SispysaGai xb-ov ècp'ov ovcç oxXaay; *,
xoW Sulntov ûcixcov a-s^scOai,
xaaYjç àrxsystv ^Xocasrjuiaç,.
La ressemblance de ces in terdic t ions supers t i t ieuses avec les
formules des àxojau,axa est f rappante : aussi les a t t r ibue rons -
nous à la même secte py thagor ic ienne , dont Hermippe connaî t
d 'a i l leurs les doc t r ines . Cet te légende para î t avoir repr is des
é léments qui figuraient dans cer ta ins recueils d'àxcja(j.axa, à moins
toutefois q u e l l e ne provienne e l l e -même de ces Recuei l s .
L 'his tor ien Timée à qui r emon te une bonne part ie des t r ad i
t ions anciennes sur le P y t h a g o r i s m e a connu, lui auss i , u n recueil
d'àxcjtj^aïa. Dans les discours qu ' i l faisait p rononcer à P y t h a -
gore à son arr ivée à Cro tone 2 (qu'il les ait a r r angés lu i -même ou
qu ' i l en ait t rouvé la subs tance dans la t radi t ion py thagor ic ienne ,
je n ' examine pas cet te quest ion pour le m o m e n t ) , on en consta te
l 'ut i l isat ion manifeste . Tan tô t cet te nouvel le t radi t ion (D) s 'ac
corde avec celle que nous connaissons déjà : V. P . , 48 : exi Se
XYJV yuvafxa vopiÇeiv onzb xfjç sariaç slXYjçoxaç p-sxà ffiuovSûv xaGa^ep
ixsxtv èvavxiov XOJV Gswv siayjyGai Tupbç abxoûç. Tan tô t elle nous
appor te des é léments nouveaux : a) J a m b L , V. P . , 37 (à propos
du respect dû aux pa ren t s et aux vieil lards) : si ; XYJV œTUOJOYJV iuapg-
xaXsi xrjv Tuspi xc-ù; xxpsffjiuxspsuç, àxcçaivwv sv xs TW xicrp.ro xaî xto (iup
xat xaiç cxiXsca xai XYJ ©ucrst p.aXXov xtu.Gjp.svov xb r:poY)YO'jp.£vov TJ xb
ypovrp £7xop.svov, xxX. (Diogène, VI I I , 22 : tex te semblable : cf.
Ar i s toxène , V. P . , 182). Cet te doctr ine suppose un axooap.a de la
seconde série qu 'on peu t formuler ainsi : xi xip.uoxaxov ; — xb xcpsa-
[oûxaxov. Tel est l 'énoncé d 'une doctr ine orphique rappor tée en
ces t e rmes par Ar i s to te (Met., A , 3 , p . 983 b) xip.ubxaxov p.èv yàp
xb Trpsff^uxaxsv.
b) V. P . , 49 : eîvai yàp oby sxspiv xi àyaOiv YJ xbv sv sxacrcY) 7upaèJ£i
xaipbv (cf. ibid. : 181 [Aris toxène]) , don t voici la formule or igi
nelle : zi apiffxov (sv éxaaxYj xcpacjsi) ; — xcapiç. Le r appor t avec les
max imes des Sages est é v i d e n t e
1. Voir dans Pauly-Wissowa, I, 69-70, une liste de superstitions anciennes qui concernent l'âne. Les Pythagoriciens le méprisaient « parce qu'il est le seul animal qui n'est pas constitué suivant l'harmonie» (Elien, N. A. X, 28'.
2. Rohde, op. cit., p. 28. 3. Il est possible d'ailleurs que plusieurs de ces maximes aient figuré
DES ACOUSMATIQUES 303
Dans ce m ê m e pa ragraphe de J ambl ique , on t rouve encore
p lus ieurs au t r e s doct r ines qui ont la m ê m e origine :
c) wpiÇETO 8à [/.sYiff'cv Eîvai TWV OCO'.XYJ ;J.ZTG>V -a tox; xoè. yovz?;
chu «XXïJXGJV ciaaxav (cf. l 'a l lusion du § 262) .
d)vo[u£s'.v oè xpàTiaxov p.kv £?vai TWV xaO'ajTOv CUVZ;AEVOV 7:poïoEè/T'o
ffUpiCpÉpOV, GEUTcpOV C£ TGV EX TWV TOÎC, â'XXoiÇ CJP.JEJTJXOTWV X2TXV0GJV72
TO XUOTTEAOUV, */£(piaT0V G£ TGV âvauivcvTa o'.à TGJ xaxwç TTaOîîv a'.cOiï-
ôat TG JJéXTLTTOV. Ce t te classification des degrés d 'une quali té r a p
pelle l 'énoncé de cer ta ins àxGjap.aTa (cf. ~/>. C-OGWTXTOV ; ) .
Enfin la t radi t ion D nous présente encore des var ian tes des
formules d'àxova-p.aTa c o n n u s ; V. P . , 56 : TGV GGGWTXTGV TWV àzivTwv
Xeyôp.evov xai auvxàçavTa TYJV swvrjv TWV àvOpoVxwv xa». TG GJVOXOV
eipETYjv xaTaaxavTa TWV OVG;J.:%TWV, EïTE OSGV, E'VTE Gaép.Gva, ECTE GETOV r.va
àvôpwTCGv... Ici le nombre a été é l iminé de Y échelle de la sagesse.
L ' hypo thèse d 'une dispar i t ion accidentel le n 'es t pas admiss ib le ,
car on re t rouve la m ê m e t radi t ion dans Cicéron, Tusc., I, 62 :
qu i p r i m u s , quod s u m m a e sapient iae P y t h a g o r a e v i sum est ,
omn ibus r ébus imposu i t nomina , et dans Clément d 'Alexandr ie ,
ecl. proph.y 32. D 'a i l leurs le r appor t de la t rad i t ion A avec la
t radi t ion D peu t ê t re dé te rminé avec p lus de précision par l 'exa
m e n d 'une au t re doctr ine des s e rmons (49) : où yàp OJTWç ij-ip-
yetv TY)V <jup.6ouXyjv ispov wç TOV E'TCOCIVOV, sirEr.GY; Tfjo ;AèV r) ypzia r.pzz
p.6vouç scmv TOUç àvGpwTCGu;, TOU GE TCGXù u-aXXov Tcpb; TOùçQSOOç. Dans
cet exemple , l ' in tent ion cr i t ique est évidente et la t radi t ion D
appara î t comme une revision de la p remière . Cet te cons ta ta t ion
est t r è s impor t an t e ; elle pe rme t de rappor te r à la m ê m e source
p lus ieurs doct r ines dont la forme diffère sens ib lement de la t ra
dit ion connue pa r Ar i s to t e .
L'axoua[j.a qui concerne la médecine se t rouve répété avec des
modifications de rédact ion dans une le t t re d 'Apol lon ius ^Pseudo?)
23 : TG OEIOTOCTOV lIuGayioaç iaTO'.xrv zoaaxEv. Dans Ar i s to te , elle est
appelée TO <jo<pwTaTGv TWV -ap ' YJJJLîV : faut-il en conclure que le désac
cord por te sur l 'or igine de la science médicale dont l ' invent ion
serai t a t t r ibuée a la divinité par Apol lonius , aux hommes par le
Recueil d 'Ar i s to t e?
E n ce qui concerne l ' ha rmonie des sphè res , la t radi t ion A la
aussi dans l'ispô; Xoyo; c o m m e je le supposais dans ma première é tude de
cet ouvrage (lievue de Philologie, [{HO, p . IH'J.
304 LE CATÉCHISME
supposait produite par des Sirènes : elle s'accorde sur ce point avec le mythe d'Er de Platon. Il existe une variante de la tradition de cette doctrine astronomique, où les Muses remplacent les Sirènes : Porphyre, V. P . , 31 . Plutarque, qu. conv., 9, 14, 6, 6. Proches, in Reinp., II, p. 237. Macrobe, Somn. Scip., II , 3, l h Je pense qu'on peut rapporter cette variante à la tradition D, car on la retrouve dans le sermon de Pythagore (V. P . , 45) : àictSei-xvusi ce aÙTtav (TùîV MOU<«7>V) TYJV c'Jvajjuv où irspl là xa/Aurra ÔEwpr,-p.aTa U.ÎVCV àvvyxav aXXà xai izepl TTJV aup^oivi'av xat àppovtav TOIV OVTCOV.
Eniin, Timée considère la coutume de l'abstinence complète de viande chez les Pythagoriciens comme un fait indiscutable. Ne semble-t-il pas qu'il aurait modifié son point de vue ou du moins qu'il se serait montré moins affirmatif si la tradition acousma-tique D eût contenu les mêmes règles d'abstinence que le recueil d'Aristote ? La réforme et la critique dont on trouve des traces dans les fragments des àxouap.axa de Timée n'a-t-elle pas porté aussi sur ce point? Alors, la secte à laquelle nous devrions rapporter la tradition B serait une secte de Réforme dont l 'ambition était de revenir aux doctrines de l'ancien kpbç Xoyoç 2.
Il reste encore un extrait de Timée où les àxouo-paTa ont été utilisés : c'est son récit des persécutions pythagoriciennes (Jambl. , V. P., 256 sq.) Il cite en effet parmi les coutumes pythagoriciennes qu'offusquaient les profanes :
1° xb pivstç TOîç IluOaycpsù'.ç TYJV osçtav èp^aXAeiv (257) qu'il faut
1. La répartition des 9 Muses aux différentes sphères célestes est assez variable, suivant les auteurs : ils paraissent avoir interprété, chacun à leur façon, une notice ancienne assez vague.
2. Parmi les symboles du Prolreplicus de Jamblique (21, 36) figure la formule : -poTexa tô » ay/YJua zai (^pa » -ou « sy/ju-a xal Tptto(3oXov », qui est interprétée comme une invitation à s'occuper très activement de philosophie et à mépriser ce (pie le vulgaire estime. Proclus (inEucl. prol., 2, p . 84) et un Anonyme (Cramer, Anecd. Par. IV, p . 419) [cf. encore Eustathe, p . 931, 30] l'ont conservé sous une forme un peu différente mais en l'expliquant à peu près de la même manière. La signification originelle et littérale semble être « préfère la figure (géométrique) et sa mesure à la figure payée un triobole, c 'est-à-dire ne tire pas profit de l 'enseignement de la géométrie » cf. § 243). Telle est la conclusion qu'on peut tirer d'un récit légendaire de
Timée (Jambl., V.P., 21 sq.) dont cette formule parait avoir fourni le motif. On peut se demander s'il ne faut pas la ranger parmi les àx.oujpaTa. Dans ce cas la secte à laquelle elle serait empruntée aurait pratiqué l'étude — au moins rudimentaire — de la géométrie (cf. a/.oj<j<xa, P, 8;.
DES ACOUSMATIQLES 3 0 5
comparer au symbole d 'Androcyde : \xrt -av7;. cs;(av ïj.yxt'/.v:, Dio-gène , VI I I , 17, e tc . ) .
2° uyi3k oay/rôXicv î'ycv7a OîCÙ rr.iJ.stov occstv... zSi.x~r,z).vtZjz j.r k l / . M i | i i . i I
7cpsssv£yxG)ffiv ~ps ; s/.çopày r, 7tva 7Ôzov où xaOapôv (256). Cet x/.zjzj.y.
expl iqué de la m ê m e façon par Ar i s to te ( J a m b l . . Y. P.. 84 est
au contra i re in terpré té a l légor iquement par Androcvde Diog. .
VIII , 17 et P o r p h y r e , V. P.. 42 .
On pourra i t encore rappor te r à la même source la cou tume
religieuse : ;j.v;o'Èy. TYJç XXCVTJç àvtrraoOat 'jrrspcv r, 7'ov r(Xtcv àvtr/stv...
aXXà TOV [J.£V TrapaT^psîv orojç àvtôvTa Trcoasùçur^at. Pa r contre les
préceptes qui concernent l ' examen de conscience, l 'exercice de la
mémoire et la r ecommanda t ion sur < la bonne mort » proviennent
de l'ispbç AÔyoç. Timée para î t avoir mêlé ici les rense ignements
fournis par ces deux documen t s pythagor ic iens ou plutôt at t r i
bué les cou tumes a t tes tées par les ay.oja7.a7a à la Société py tha
goric ienne pr imi t ive . Dans son exposé des polémiques des deux
sectes (87) Ar is to te di t d 'a i l leurs que la secte scientifique recon
naissai t la p ré ten t ion des Acousmat iques à représen te r une forme
de la phi losophie de Py thagore .
P o u r achever l 'é tude des ay.cjsu.a7a, on pourrai t essayer do
re t rouver dans les « Se rmons py thagor ic iens » d 'Ar i s toxène ce
qui en a pu subs is ter . Les vest iges en sont t rès ra res . Nous
avons s ignalé déjà la cou tume de m a n g e r seu lement des ani
m a u x qu 'on peu t sacrifier. Il convient sans doute (Vy ajouter
a) J a m b l . , V. P . , 175 (Stobée, / /or . , 43 , -4°) : JJLYJSSV stvat JJLSUOV y.a/.cv
àvapyi'aç ' où yàp TTSfp'jxsvat TCV avOpcorrcv c'.aaoÇsoOat U.YJCEVCç È-».r:a-
Tcjvioç. b) 182 (cf. T imée , supraï àpyr,v 3k à-sçaévovr: Èv rravTÎ EV TI
T(ov 7t;auoxâ70)v stvat.
On peu t donc recons t i tuer qua t re t radi t ions des Acousmata ,
don t t rois au moins p résen ten t des caractères assez différents.
Dans le recueil d 'Ar i s to te , les préceptes gardent encore leur sens
l i t téra l , bien que les expl icat ions tendent déjà au symbol i sme .
A n a x i m a n d r e et A n d r o c v d e au contra i re se sont inspirés d un
sys t ème d ' in te rp ré ta t ions a l légor iques qui a épuré' la philosophie
pythagor ic ienne des vieilles supers t i t ions . Knfin les ex t ra i t s de
Timée a t tes ten t une cr i t ique in téressante des t radi t ions an té
r ieures .
Les recueils d 'Acousmata ont du être nombreux et sar iés .
Di'i.vTTi:. — I.itt. / M / / / I ; ( ( / . -"
•106 LE CATÉCHISME
Aristote nous apprend d'ailleurs que les Acousmatiques mettaient un point d'honneur à recueillir le plus grand nombre possible des doctrines révélées par Pythagore : on peut en conclure que chaque secte, chaque confrérie, chaque génération a dû ajouter sa part de superstitions nouvelles au vieux fond commun attesté par les concordances de nos quatre traditions.
Ces publications peuvent être rangées en deux catégories : les ouvrages ésotériques composés par des Pythagoriciens pour l'usage des Confréries elles-mêmes et les Recueils édités par des profanes pour l'information des érudits et des curieux. L'exemple d'Androcyde est la preuve que les Recueils pythagoriciens n'ont pas manqué ; on peut conclure aussi d'une note d'Aristote (§ 87) qu'un Acousmatique du nom d'Hippomédon s'était occupé de l'étude des àxoûaïaaxa. C'est la raison pour laquelle un grand nombre d'explications de symboles ont un caractère très pythagoricien. C'était aussi une nécessité pour l 'enseignement et la propagande, que des publications de ce genre, qui restaient d'ailleurs dans les confréries pythagoriciennes. Mais il faut admettre aussi l 'existence de recherches savantes sur les àxoùa-y.axa : les érudits qui étudiaient les mœurs et les idées pythagoriciennes ont dû publier des recueils d'àxcû<jg.a7a avec des commentaires, comme l'atteste Aristote (86) : ai 3s luposTiôén-evai sîxo-TOXOYIOCI ~sp\ TWV TS'.OUTOJV oùx e\<sl IluGayopixai, à/A èvuov è'cjwôev ïTZVSQ-
çi£cu.évu>v xai 77£ip(o;j.sv(ov TcpoaàTCistv er/oia Xoyov.
On a vu que les àxouuffu-aTa des deux premières séries de la collection d'Aristote sont conservés sous la forme d'une réponse à une interrogation. On peut se demander quelle est la raison d'être de ce genre d'exposé. L'explication la plus commode, mais que je trouve trop simpliste, ce serait qu'on aurait choisi la forme interrogative pour piquer davantage la curiosité. Ces àxs'jsu-axa ne seraient que des devinettes ayant naturellement une signification religieuse ou scientifique. On pourrait songer aussi à considérer ces formules comme des vestiges d'une forme anecdotique primitive. Ces anecdotes se seraient peu à peu raccourcies et réduites à une ossature très simple. Une citation de Proclus tendrait à le faire croire : in Cratyl., p . 5 : IpuTrfîûq YOUV
lluOaYipa;, -zi uoçonaxov TG>V OVTWV, « àpiôu-ôç » SçTQ XTA. ; mais cette forme me paraît plutôt un arrangement postérieur destiné à rendre un peu de vie à ces formules pétrifiées.
DES ACOLSMATIQUES 3 0 7
En ce qui concerne la première série d'à/.sJjgaTa, qui définissent simplement des mots ésotériques, on pourrait y voir un commentaire des expressions et des mots obscurs de la littérature sacrée des Pythagoriciens. Mais que dire alors des ixsjsaaTa de la seconde série ?
Reste une dernière hypothèse qui, à tout prendre, est la plus vraisemblable, celle d'un ouvrage qui aurait adopté la forme et les méthodes d'un Catéchisme. La conservation de la forme dia-loguée dans nos àxs Ja|jta7a doit être considérée comme une survivance d'un enseignement oral primitif qui procédait par questions et réponses. Ce mode d'exposé aurait persisté dans les publications parce qu'elle répondait bien au but didactique que se proposaient les premiers Recueils d'àxc/JagaTa.
Quant à la forme énigmatique des doctrines de la première série, elle s'explique par plusieurs raisons. Quelques-unes ne sont symboliques et énigmatiques qu'en apparence parce qu'elles n'étaient plus fort bien comprises des Pythagoriciens du ve siècle : elles représentent des vestiges d'anciens mythes ou de vieilles légendes on encore d'une nomenclature astronomie pie différente du système courant. On peut considérer aussi que le désir d'avoir une sorte de langage sacré peu accessible aux étrangers a pu avoir une influence sur la tradition des doctrines pythagoriciennes Les Acousmatiques (Jambl. , Y. P.,245) 1 constatent avec une satisfaction égoïste que l'obscurité des formules de leurs doctrines les met à l'abri des recherches indiscrètes des profanes. Joignons à cela la persuasion, qui est de tous les temps, rqu' i l y a comme une force magique spéciale dans des formules énigmatiques ou ignorées du vulgaire. Les Pythagoriciens avaient éprouvé le besoin de créer des mots ésotériques comme zù.z-zoix* X:J;JL:;,
TSTpaxTÔ;, xiôapffi;, i*/s;i.uOia, xxTasT-jff'.:, etc. . auxquels ils attachaient une valeur particulière, de même le mystère qui enveloppait les révélations de Pythagore leur paraissait donnera ces doctrines une efficacité et un prix inestimables.
1. La ment ion des xy.ojstAXTX permet de rappor te r le> doctrine*» expo*»ee>
dans ce passage aux Aeousma tup i e s .
308 LE CATÉCHISME
* *
Les doctrines acousmatiques nous apparaissent comme un mélange de recherches scientifiques et de croyances populaires et mystiques, de morale élevée et de grossières superstitions. Il semble qu'Aristote parle des Acousmatiques comme de ses contemporains ; cependant on peut croire qu'ils existaient déjà au ve siècle au plus tard, sans quoi nous serions mieux renseignés sur leurs origines. Leur science comme leur religion et leur morale présentent un caractère archaïque très accentué qui semble en reporter la formation même au vie siècle. D'ailleurs nous ignorons tout de leurs origines et de leurs destinées ulté-térieures.
Aussi bien, nous constatons la même pénurie de renseignements en ce qui concerne l'autre secte qui représentait une tendance différente du Pythagorisme. Le nom de MaÔY^atwot désigne sans doute l'ensemble des Pythagoriciens qui se sont occupés spécialement de mathématiques, d'astronomie et de sciences naturelles. Ce sont les philosophes qu'Aristote désigne dans sa Métaphysique 1 par les mots olxaXouu-evoi IIuQaYspsici. Cette expression a toujours intrigué les commentateurs : elle semble indiquer qu'Aristote fait toutes ses réserves sur la justesse de cette appellation et surtout sur l'attribution à Pythagore des théories de ceux qui se disent ses disciples.
Il se pose en outre plusieurs problèmes en ce qui concerne l'identification et les rapports de certains Pythagoriciens du ive siècle avec ces deux Sectes. Que deviennent par exemple, dans cette classification, les amis d'Aristote, les disciples d'Eurytus et de Philolaos qui se donnaient pour les derniers Pythagoriciens 2. Certaines doctrines et certaines coutumes leur sont communes avec les Acousmatiques, cependant que leurs travaux scientifiques et leur libéralisme les rapprochent davantage des gens d'études.
1. Met., A, S, 98a h. A, 8, 989 b. Cf. de caelo B, 2, 284 b . La cilation du de caelo B, 13, 293 a est particulièrement typique : oî nspî TVJV 'IxaXiav, xaXou-[j.<Evot oï II'jOaYopcioi.
2. Diogène Laërce, VIII, 46.
DES ACOUSMATIQUES 3 0 9
Le problème se complique par la difficulté d'identifier les Pythagoriciens de Timée; eux aussi s'occupent de science et prétendent comme les « Mathématiques » descendre de la Société primitive et pourtant ils se montrent plus fanatiques et traditionalistes que les Acousmatiques eux-mêmes. Il semble qu'il y a eu en réalité plus d'un schisme parmi les Pythagoriciens ; les Acousmatiques et les gens d'étude paraissent avoir été divisés eux-mêmes en sectes et en confréries nombreuses qui prétendaient toutes représenter l'ancien Pythagorisme.
L'histoire de l'origine, des rapports et des destinées de ces Sectes n'est pas encore faite, mais fiétude des traditions qui concernent les Acousmatiques et les Savants permet de poser les jalons de ces recherches, C'est du côté des polémiques et des querelles intestines qu'il faudra pousser d'abord les investigations : elles nous renseignent mieux que les notices des biographes sur les divers courants et les tendances très différentes qui se partageaient le Pythagorisme du ive siècle.
Nous avons parlé précédemment du débat qui s'éleva entre les deux sectes principales sur la question de leurs origines. Le fait essentiel qu'il faut en retenir, c'est que les « Mathématiques » n'osaient point nier l'origine pythagoricienne des Acousmatiques, tandis que ceux-ci les considéraient comme des hérétiques. L'histoire de l 'institution des deux sectes par Pvthagore paraît avoir été inventée à l'occasion de ces polémiques. Elle eut un succès considérable. Timée et Isocrate t s'en sont certainement inspirés au moins en ce qui concerne la fondation de la Société primitive. Bien qu'elle ne fût rapportée par Aristote que sous toutes les réserves qu'imposait son origine, la plupart des biographes et des auteurs de la Tradition plus récente admirent rétablissement originel de deux sectes dans le Pythagorisme.
Les fragments d'Aristoxène montrent aussi des traces évidentes de polémiques de ce genre. 11 représentait ses amis de Phlionte comme les derniers descendants des Pythagoriciens : l'affirmation de leurs prétentions était dirigée contre des Sectes pythagoriciennes qui subsistaient encore à cette époque- et qui,
l . T imée dans J a i n b l . , V. / ' . . 7i.-j:»i et Jus t in . XX. » ci. bol ide . <>/..
cit., p . 2Sy Isocra te , liusiris,'2\).
310 LE CATÉCHISME
d'après les descriptions des poètes de la Comédie moyenne 1 et l'exemple de Diodore d'Aspende '* paraissent avoir été particulièrement apparentées aux Acousmatiques. De même, ses notices sur le régime alimentaire de Pythagore et de ses disciples 3 ont gardé le ton de la polémique. On peut penser qu'il ne cherchait pas seulement à réfuter l'opinion de certains historiens 4 mais qu'il combattait surtout la propagande de certaines sectes (connues de Timée, Onésicrite, Eudoxe) en faveur de l'abstinence de viande et de l'abstinence des fèves (les Acousmatiques, Timée, Iléraclide Pontique, etc.).
Enfin, l'examen de quelques légendes des biographies ésoté-riques de Pythagore montre que dans ce domaine aussi les polémiques ont laissé des traces. J'en cite quelques exemples. Pythagore, passant à Délos, n'aurait fait ses dévotions, raconte une anecdote r>, qu'à l'autel où les sacrifices sanglants n'étaient pas admis. Cette légende provient certainement d'une secte qui prêchait le respect de la vie des animaux.
C'est encore à une secte semblable qu'il faut rapporter la critique d'une tradition qui attribuait à Pythagore l'institution d'un régime Carnivore pour les athlètes)6 ; on aurait pu nier le fait, mais on trouve plus ingénieux d'inventer un homonyme de Pythagore 7.
L'anecdote du sacrifice d'un bœuf par Pythagore après une découverte géométrique importante 8 eut un sort encore plus curieux. Il est possible qu'elle provienne d'un adepte de la Secte mathématique, car celle-ci cherchait par tous les moyens à rapportera Pythagore l'invention de la géométrie (Jambl., V.P., 88). Il est possible que les Acousmatiques cherchèrent à nier le fait,
1. Les fragments en question ont été rassemblés par Diels, Vorsokr., p . 291 sq.
2. Sur ce Pythagoricien, voir un article de Tannery, Archiv fur Gesch. dor Phil., IX (1896), p. 176-184.
3. Aulu-Gelle, IV, 11. Diogène, VIII, 20, Jambl . , V. P., 98. 4. Gomme le pense Rohde, op. cit., XXVI, p. 560. 5. Cicéron, nat. deor., III, 88. Jamblique, V. P . ,25 (Timée). Clément,
Slrom.y VII, 32. 6. Porphyre, V. P., 15. Diogène, VIII, 12. Porphyre, de abst., I, 26. 7. Diogène, VIII, 13 et 46. Jambl . , V. P., 25 (Timée;. 8. Apollodore dans Diogène, VIII, 12, Athénée, X, 418 F, Plutarque, non
posxr suav., 11. Cf. Cicéron, nat. deor., III, 88, Vitruve, 9, 214, e tc .
DES ACOUSMATIQUES 3 1 1
de peur que la Secte mathématique ne justifiât par des légendes semblables son origine pythagoricienne. Ce qui est sur en tout cas c'est que l'anecdote fut modifiée par une secte qui prêchait la défense de sacrifier les animaux : nous en connaissons en effet une var ian te 1 d'après laquelle, en cette occasion, Pythagore aurait sacrifié un bœuf en pâte !
On remarque aussi dans un autre domaine des exemples de cette méthode de propagande par la légende. Le thème du traître qui est châtié par la divinité pour avoir dévoilé les doctrines pythagoriciennes, reparaît dans plusieurs légendes ~. C'était un avertissement ou même une menace contre les tendances libérales et modernistes qui se manifestaient dans le sein du Pythagorisme. La divulgation des doctrines par Philolaos fut aussi, semble-t-il, réprouvée par ses coreligionnaires. La lettre de Lysis à Hipparque forme le monument le plus curieux de cette propagande pour la conservation des formes traditionnelles de l 'enseignement.
Quant à l'origine des deux sectes principales, nos recherches sur le Pythagorisme primitif sont trop peu avancées encore pour qu'on puisse prononcer un jugement définitif sur ce sujet. L'histoire de la fondation de la Société racontée par les <• Mathématiques » est naturellement suspecte. Un fait est acquis cependant, c'est que les gens d'études reconnaissaient l'origine pythagoricienne des Acousmatiques. On retrouve d'ailleurs dans leurs coutumes et leurs croyances bien des concordances avec celles de l 'autre secte : les rapports sont de telle nature qu'on peut regarder la philosophie et la science des « Savants » comme le résultat d'une évolution, dans un sens rationaliste, des croyances et des superstitions acousmatiques. On remarque aussi qu'Aris-tote, dont l'information était des plus exactes, ne parle jamais de Pythagore comme d'un philosophe et qu'il attribue « aux soi-disant Pythagoriciens » les théories scientifiques du Pvthatro-risme. Pour ces deux motifs l 'hypothèse d'une évolution des éléments les plus éclairés vers une philosophie rationaliste paraît plus vraisemblable que celle de l'institution primitive de deux sectes si différentes. La secte acousmatique représenterait
1. Anlonius Dio^ène dans Porphyre , V. / ' . , h» 2. J a i n h l . , V. /».. SS, 2 i7 . P lu t a rque . Xum.i, 22. A
1112 LE CATÉCHISME
donc plus exactement le fond primitif que les Savants. Leur science archaïque qui cherche à classer les perfections des êtres comme c'était la mode du temps des Sages, leurs superstitions populaires, leurs conceptions mystiques, qui sont celles de la réforme orphique du vie siècle, font l'impression de n'être plus, au ive et même au ve siècle déjà, qu'une survivance démodée d'une ancienne Tradition.
Au reste, de là à attribuer à Pythagore lui-même toutes leurs doctrines et leurs coutumes, il y a loin. Non seulement il a pu se produire des mouvements de renaissance religieuse et morale qui ont dû ajouter au fond antique des croyances nouvelles ; mais il faut compter aussi avec les défaillances et l'évolution naturelle qui poussait les Acousmatiques eux-mêmes vers des idées plus libérales et des mœurs moins étranges. On ne paraît donc pas encore près de savoir ce que fut exactement la réforme de Pythagore, à supposer que ce ne soit pas une pure illusion de vouloir éclairer ce mystère.
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
I. Un Ispbç Aévo- pythagoricien 3 CHAPITRE I 7
CHAPITRE H 33
CHAPITRE m 43
II. La lettre de Lysis à Hipparque 83
III . L'exégèse pythagoricienne des poèmes homériques. 109
IV. Une série nouvelle lYEpithela deoruni d'après les
Théologouména de Nicomaque 139 A. Les surnoms de la monade 142 B. Le nombre 2 144 C. La triade 140 D. Le quaternaire 130 E . Le nombre 5 132 F . Le nombre 6 135 G. Le septénaire 137 H. Le nombre 8 139 I. Le nombre 9 101 J. Le nombre 10 102
V. Anecdota arithmologica. A. Peti ts traités d'arithmologie 107 B. Remarques sur le lexte des i-)zz\z\'zyj.zvx Api-
0{j.Y3iixfj; du Pseudo-Jamblique et de Nicomaque. 17.7'
C. Ilspi osxxcc; d'Anatolius 181 D. Fragments arithmologiques sur les âges de la
vie de l 'homme 182 E. Fragments divers 18.)
3 1 4 TABLE DES MATIÈRES
VI. Deux traités d'arithmologie pythagoriciens. A. Un 'Ispcs Aiyc; en prosedorienne 191 B. Un prétendu hpoq Aiyo; orphique 208
VII. Un fragment dar i thmologie dans Clément d'Alexandr ie ' 231
VIII. La tétractys pythagoricienne 249
IX. Le catéchisme des Acousmatiques 271
A. Té STTIV. Questions sur la nature des êtres et
définitions mystiques 274
B. Ti [ «A'.ffia 280
C. T é TwpaxTsov rt CJ r.px'/r.izt 285
MAÇON, PROTAT l'KKHES, IMPRIMEURS.