denis - guitare en france au xviie siecle

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Societe Belge de Musicologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap. http://www.jstor.org Societe Belge de Musicologie La guitare en France au XVIIe siècle: son importance, son répertoire Author(s): Françoise-Emmanuelle Denis Source: Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 32/33 (1978/1979), pp. 143-150 Published by: Societe Belge de Musicologie Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3685887 Accessed: 27-08-2014 19:10 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 132.248.9.8 on Wed, 27 Aug 2014 19:10:38 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Denis - Guitare en France Au XVIIe Siecle

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Societe Belge de Musicologie

La guitare en France au XVIIe siècle: son importance, son répertoire Author(s): Françoise-Emmanuelle Denis Source: Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 32/33

(1978/1979), pp. 143-150Published by: Societe Belge de MusicologieStable URL: http://www.jstor.org/stable/3685887Accessed: 27-08-2014 19:10 UTC

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LA GUITARE EN FRANCE AU XVIIe SIECLE: SON IMPORTANCE, SON REPERTOIRE

FRAN(OISE-EMMANUELLE DENIS (Bruxelles)

C'est entre 1540 et 1545 que se situe l'apparition en France de la guitare a quatre chceurs (1): la vogue de l'instrument y est telle que l'on y rencontre bientot plus de guitaristes qu'en Espagne ! (2) Le luth semble alors delaisse au profit du nouvel instrument plus aise a manier(3). Pourtant, aucun nom de guitariste fameux de cette epoque ne nous est parvenu; Guillaume Morlaye et Adrien Le Roy sont au nombre des luthistes qui se chargent de constituer a la guitare un repertoire, sacrifiant ainsi au goiut du public (4).

Alors qu'elle est deja en usage en Italie et en Espagne au XVIe siecle, ce n'est qu'au debut du XVIIe siecle que la guitare a cinq rangs de cordes s'etablit en France en qualite d'instrument accompagnateur du chant et de la danse. Elle utilise a cet effet un jeu rudimentaire dont la facilite lui attire succes et critiques (la guitare s'est souvent vue contestee par les amateurs de luth en raison de la simplicite de son jeu: on s'est plu a opposer le caractere serieux du luth a celui plus leger de la guitare, ce qui fit dire a Michel de Pure (5) que les deux instruments tenaient aussi peu l'un de l'autre << qu'un cheval d'un dromadaire»> !).

La methode de l'Espagnol Luis de Brigeno, publiee a Paris en 1626(6), contribue largement a la diffusion de la << guitare d'accompagnement >>. II ne s'agit plus ici de tablatures: Brigeno donne, au debut de son ouvrage, une serie d'accords auxquels il attribue un chiffre ou signe, ce qui lui permet de n'indiquer au-dessus des textes a chanter (7) que les valeurs rythmiques surmontees de ces signes. Ces accords sont executes dans le style rasgueado, ce que les Frangais nomment batteries puisque le jeu consiste a battre les cordes de l'instrument a l'aide des doigts de la main droite. On rencontre le meme type d'accompagnement dans les airs de cour d'Etienne Moulinie (8): dans le troisieme livre de ce dernier figurent un Dialogue sur la guitarre s'intitulant Souffrez beaux yeux et cinq Airs italiens sur la guitarre (9).

II semble que Brigeno ait tres bien realise l'importance du role rempli par la guitare dans la societe de son epoque: c'est, d'apres lui(10), l'instrument conve-

(1) F. LESURE, La guitare en France au XVIe siecle, in Musica Disciplina, IV, 1950. (2) La maniere d'entoucher les lucs et les guiternes, Poitiers, 1556. (3) Ibid.: <... le luc presque en obly, pour estre en la Guiterne je ne sgay quelle musique . (4) F. LESURE, op. cit. (5) Idee des spectacles anciens et nouveaux, Paris, Brunet, 1668. (6) Metodo mui facilissimo para aprender a taner la guitarra a lo espanol, Paris, Ballard, 1626. (7) II s'agit de sarabandes, de passacailles et de folias chantees avec accompagnement de guitare. (8) E. MOULINIE, Airs de cour avec la tablature de luth et de guitare, Paris, Ballard, 1629. (9) Non speri pieta, Non ha sott'il Ciel, 0 che gioia ne sento, 0 stelle homicide, Seguir piu non voglio. (10) Op. cit., preface.

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nant le mieux au caractere frivole de ce debut de siecle; on peut faire de la musique sans beaucoup de peine et a peu de frais. La guitare s'accorde rapidement; s'il lui arrive d'etre abimee ou cassee, on la repare pour peu d'argent. En outre, moins delicate que le luth, elle ne craint ni la chaleur, ni le froid, ni l'humidite. Cet instrument approprie pour << chanter, jouer, danser, sauter et courir, danser et frapper des pieds >> s'adapte a tous les caracteres et a toutes les circonstances. On ne peut s'empecher d'etablir un parallelisme de situation entre la guitare baroque d'accompagnement et celle que l'on << gratte >> aujourd'hui dans les milieux les plus varies: instrument passe-partout que l'on menage peu et qui participe a la vie quotidienne en tant que compagnie agreable, peu encombrante et toujours appre- ciee.

Bien qu'adopt6e a part entiere par les Frangais, la guitare reste fortement impregnee de ses origines espagnoles: Pierre Trichet se plait a railler les dames et les courtisans qui < se rendant singes des espagnols taschent de les imiter » alors que ces demiers font sonner leurs guitares << avec mille gestes et mouvements du corps autant crotesques et ridicules, que leur jeu est bigearre et confus, (11).

C'est souvent en tant qu'element exotique que la guitare figure dans les ballets, les comedies et les mascarades: en 1625, le ballet des fees de la forest de Saint-Germain presente une entree des chaconistes espagnols portant des guitares, parmi eux se trouvent le duc d'Aluyn (<< ... je lui ferois bonne guerre, si la trouvois d'accord aussi bien que ma guiterre >>), le duc de Nemours (< ... anime mon courage ainsy que ma guiterre, sgachez donc que je suis, 6 divines Beautes, Espagnol au Ballet et Frangois a la guerre >>) et meme le roi (< ... je lis en vos regards qu'Amour est tout ravy du son de ma guiterre >>). Ce sont des grenadins joueurs de guiterres qui participent l'annee suivante au grand bal de la douairiere de Billebahaut danse par le roi, ils chantent:

Apres avoir vuid6 nos verres Nous disons de bonnes chansons Pour charmer l'hoste et ses garcons Avec nos voix et nos guiterres. Mais par musique ny parolles Ces gens-la ne se gaignent plus, Et n'ayment point le son des luths S'il n'est joint au son des pistolles.

La guitare conserve, durant la seconde moitie du siecle, une place de choix dans le spectacle, elle est particulierement appreciee des troupes italiennes qui se produisent en France (12). Attribut de Scaramouche (13), c'est en sa compagnie que

(11) Traite des instruments de musique (vers 1640) publi6 avec une introduction et des notes par F. LESURE, Societe de Musique d'Autrefois, Neuilly-sur-Seine, 1957.

(12) « Jay veu les italiens si habituez a la Guitarre ... qu'ils ne pouvoient concevoir la cadence de nos violons », M. DE PURE, op. cit., page 72.

(13) A. DE MIRIMONDE, L'iconographie musicale sous les rois Bourbons, Paris, Picard, 1975, page 144.

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le personnage apparait au milieu de la troupe dans l'almanach de 1679 oiu l'on trouve le texte suivant;

Voici l'omement du theatre Celui que vous voyez a charme6 les Frangois I1 a fait le plaisir de plusieurs de nos rois Parce que des Louis il 6tait idolatre.

Lully met en scene dans le ballet royalAlcidiane (1658), huit esclaves maures jouant de la guitare (14); dans la huitieme et derniere entree de ce ballet apparait une princesse de Mauritanie dansant la chaconne << pendant laquelle il se fait un second concert de voix et de guitarres, a quoy toute la musique respond alternativement>>. Lully joue lui-meme de la guitare dans une entree des Egyptiens et des Egyptiennes de sa comedie-ballet Pastorale comique (1667); il accompagne les guitaristes Beauchamp, Chicanneau et Foignart.

En 1699, la duchesse d'Orleans mentionne dans sa correspondance (15) un bal masque donne a Marly au cours duquel apparurent «<sept a huit masques qui danserent une entree d'opera avec des guitares»>. Parmi les guitaristes se trou- vaient, outre le fils de la duchesse d'Orleans, << le comte d'Ayen, le prince Camille et La Valliere en habits d'hommes ridicules, Monsieur le Dauphin, Monsieur d'Antin et Monsieur de Brionne en dames... >.

Ce sont les qualites enumerees plus haut par Brigeno qui font de la guitare un instrument convenant particulierement bien au spectacle: tenue en bandouliere, elle permet au guitariste de se deplacer et meme de danser tout en jouant, ce que favorise egalement la simplicite du jeu rasgueado.

Les exemples donnes ci-dessus temoignent du vif interet suscite par la guitare dans les milieux nobles. Le phenomene est rapporte par Remy Medard: < les plus grands Princes de l'Europe qui ont voulu jouer de quelque Instrument Lont pref6ree a tous les autres, et deignent bien S'en faire quelque fois un doux amusement »> (16), et par Frangois Le Cocq qui rappelle, en 1729, que < la guitare a fait de tout tems les amusemens des Princes dans les heures de leurs precieux loisirs > (17). Robert de Visee, dans la preface de son premier livre de guitare (1682), se flatte d'avoir vu Louis XIV en personne « toucher la guitarre de cette mesme main, qui donne l'ordre pour les batailles, qui a tant cueilly de palmes et impose des loix a toutte la terre ,.

*

L'arrivee a Paris, vers 1650, du guitariste italien Francesco CORBETTA est a l'origine, non seulement d'une recrudescence de l'interet porte a la guitare, mais

(14) Ce sont les guitaristes Pesche, Toury, Chabot, Clement, Le Gris, Caron, Emanuel et Quarante. (15) Lettres, Paris, Club frangais du livre, 1947. (16) Pieces de Guitarre, Paris, Ganiere, 1676. (17) Recueil des pieces de Guitarre..., Gand, 1729.

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d'une nouvelle orientation prise par cette demiere. Lorsqu'il arrive en France, Corbetta a deja trois recueils de pieces pour guitare a son actif(18). Son habilete technique eblouit les Frangais qui voient aussitot en lui un modele a imiter. La guitare qui, jusqu'a ce moment, s'etait surtout manifestee en tant qu'objet de divertissement, se voit elevee au rang d'instrument <<serieux»> auquel un vaste repertoire est bientot consacre.

La premiere source representative de ce nouvel essor guitaristique est un important manuscrit conserve actuellement a la Bodleian Library d'Oxford sous la cote MS Mus Sch C94:

Pieces de Guittarre / de differends Autheurs recueillis / Par Sr. Henry Franqois de Gallot / Escuyer S. de franlieu, L'un des fameux et tres excellants de / ce siecle. faict, / A Nantes Le xviij. Septemb. xvj.clxj. / Par son tres humble et affectionne serviteur / Monnier(19).

Le manuscrit consiste en un grand livre relie a un autre plus petit. Le petit livre contient 64 pieces pour guitare, il porte les numeros de pages V a X et 140 a 147, formant donc les premieres et demieres pages du recueil considere dans son ensemble. Le grand livre contient 522 pieces pour guitare, 5 chansons avec accompagnement de guitare, 7 pieces pour mandore, 12 pieces pour guitare theorbee et 6 trios de guitares. On y trouve egalement plusieurs compositions vocales et instrumentales ecrites sur portees, de meme que de precieuses indica- tions concernant l'accord de la guitare (20). Les pieces contenues dans le recueil s'etendent sur une periode de vingt-quatre ans (de 1660 a 1684): ce sont, en majorite, des danses groupees par tonalites mais non disposees en suites.

Une these americaine due a Richard T. Pinnell(21) a recemment etudie 1' influence importante exercee par Corbetta sur ses contemporains, non seulement en Italie, mais en France et en Espagne oiu l'on ne se contente pas de s'inspirer de son style, mais on adapte, on arrange et on copie meme ses oeuvres. II1 semble que l'empreinte du style de Corbetta soit particulierement marquee dans le manuscrit Mus Sch C94: Pinnell(22) y releve non moins de 85 compositions du guitariste italien, bien que le nom de celui-ci ne soit mentionne que huit fois dans l'ouvrage. Les attributions les plus fr6quentes vont ensuite aux diff6rents de Gallot: de Gallot d'Irlande (43 pieces), de Gallot d'Angleterre (13 pieces), de Gallot V. (13 pieces), de Gallot cadet (1 piece) et de Gallot (3 pieces). On trouve egalement les noms de

(18) De gli Scherzi Armonici trouati, e facilitati in alcune curiosissime suonate sopra la chitarra spagnvola, Bologna, 1639. Varii capricii per la ghitarra spagnvola, Milan, 1643. Varii scherzi di sonate per la chitara spagnola, Bruxelles, 1648.

(19) Voir D. GILL, The de Gallot guitar books, in Early Music, volume 6, n° 1, janvier 1978. (20) Ces chiffres sont ceux donn6s par Donald Gill (op. cit.); mon etude de ce manuscrit n'est pas encore assez

avanc6e que pour donner ici mes propres chiffres qui different sensiblement de ceux de D. Gill. (21) PINNELL, The Role of Francesco Corbetta (1615-1681) in the History of Music for the Baroque Guitar,

Including a Transcription of his Complete Works, Los Angeles, 1976. (22) PINNELL, Alternate Source for the printed Guitar Music of Francesco Corbetta (1615-1681), in Journal of the

Lute Society of America, volume IX, 1976.

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Clement et Chabotte(23), de Dufault, Batiste, Talbot, Arkangelo, Charpe et Marske (ou Manoko?).

Si l'on suit l'ordre chronologique, les sources suivantes sont deux recueils publies a Paris en 1671, ils sont dus a Antoine Carre sieur de la Grange et a << Francisque Corbett>>».

Le livre de Corbetta se trouve depuis peu a la reserve precieuse de la Bibliotheque Royale a Bruxelles:

La / Guitarre Royalle / Dediee Au Roy / De La Grande Bretagne / Composee / Par Francisque Corbett / Grauee par H. Bonneiil / et / Se Vend A Paris chez ledit Bonneuiil Rue au / Lard proche la Boucherie de Beauvais au dessus / de la halle aux Cuirs / Avec Privilege du Roy (24).

Les 108 compositions du recueil sont notees en tablature frangaise(25). L'auteur recommande, dans sa preface, la disposition des danses sous forme de suites, il preconise la formule: allemande - courante - sarabande - gigue, tout en signalant que d'autres danses peuvent se joindre a cet ensemble. Les pieces constituant la Guitarre Royalle ne respectent cependant pas rigoureusement l'ordre annonce par Corbetta. Le livre comprend 13 preludes, 19 allemandes dont deux sont a trois voix chantees avec accompagnement de guitare et une partie de basse continue sans indication d'instrument, 10 courantes, 23 sarabandes dont une a deux voix avec accompagnement de guitare et basse continue, 1 bourree, 1 rondeau et 2 specimens des folies.

Le livre d'Antoine CARRE sieur DE LA GRANGE, publie la meme annee que celui de Corbetta est beaucoup moins important: il ne comporte que 18 pieces dediees a la duchesse d'Orleans, elle-meme guitariste.

Livre / De Guitarre / Contenant Plusieurs pieces / Composees et mises au Jour Par le sieur. De La Grange / Avec la Maniere De toucher / Sur la Partie ou basse Continue / A Paris / 1671 / Cum privilegio Regis.

Parmi les 18 compositions figurent 4 preludes dont 2 non mesures, 4 chacon- nes, 3 sarabandes, 2 passacailles, 2 allemandes, 1 gigue d'Angleterre, 1 ritoumelle et une version des folies. Les danses ne sont pas disposees en suites, mais il est possible de former un ensemble en do majeur et un autre en la mineur(26). La maniere de jouer la basse continue s'etend sur quinze pages: elle commence par l'expose de l'echelle de B. Mol et de l'echelle de B. Car. Les dix pages suivantes

(23) Ces deux guitaristes ont particip6, en 1658, au ballet de Lully AXLCIDIANE (voir plus haut). (24) En 1674, Corbetta publie chez Bonneuil une seconde Guitarre Royalle actuellement conserv6e a Paris, a la

Bibliotheque Nationale. L'ouvrage est dedie a Louis XIV; bien que portant le meme titre que le livre publie en 1671, le second livre presente de nouvelles pieces appartenant toutes au genre de la suite de danses. Ce recueil n'a pas exerce une influence aussi importante que le premier sur l'ceuvre des guitaristes frangais du XVIIe si&cle.

(25) Les livres de 1639, 1643 et 1648, cites plus haut, utilisent la tablature italienne a base de chiffres. (26) Suite en do majeur: prelude - chaconne - ritoumelle - sarabande (le, 2e, 14e et 15e piece).

Suite en la mineur: prelude - passacaille - allemande - sarabande - gigue d'Angleterre (3e, 4e, 5e, 6e et 16e piece).

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sont consacrees aux accords dans tous les tons, et les deux dernieres pages presentent des «< cadanses >> egalement dans tous les tons. Le recueil se termine par ces quelques mots adresses par l'auteur a son livre:

Petit Livre Passe En Tous Lieux Malgr6 le critique envieux Sy tes censeurs te font outrage, Nen faits paroistre aucun desdain

quils Mettent la plume a la Main et quils en facent davantage.

En 1676, Remy MEDARD fait paraitre chez Ganiere un livre de guitare conserve actuellement en Suede, a Norrk6ping:

Pieces / De Guitarre / De / Mr Medard / Ce uandent che' Gamere proche la fontaine St / Seuerin avec priu. du Roy.

L'ouvrage, compose de 44 pieces, debute par une preface adressee a la Marquise de Monferer. Les sarabandes, au nombre de 12, sont en majorite dans le livre(27); celui-ci compte, d'autre part, 7 menuets, 6 preludes, 3 allemandes, 3 passacailles, 3 courantes, 2 gigues, 2 gavottes, 1 rondeau, 1 chaconne, 1 marche, 1 campanelle, un specimen des folies et une piece portant le titre << Vous ettonnes vous d'un peu de martire>».

La disposition des danses sous forme de suites n'est pas systematique: le livre commence par douze pieces en do majeur suivies de dix autres en re mineur (28). La seconde moitie de l'ouvrage (24 pieces) est constituee de quatre suites de danses respectivement dans les tons de re majeur, sol mineur, sol majeur et la mineur. Ces ensembles debutent tous par un prelude; la sarabande n'y occupe pas une place precise et il n'est pas rare d'en rencontrer deux ou trois l'une derriere l'autre.

Le livre de guitare d'Henry GRENERIN se distingue, non seulement par sa qualite musicale et par son contenu plus important que celui des livres de Carre et de Medard, mais par l'equilibre remarquable des suites qui s'y trouvent.

LIVRE DE GUITARRE / Et autres pieces de musique, meslees de Symphonies, avec une / Instruction pour jouer la basse continue. / DEDIE / A MONSEIGNEUR LE PRINCE DE CONTY / Compose / Par HENRY GRENERIN / Grave par Hierosme Bonneiiil / Et se vend aparis chez le dit bonneiiil rue aulard proche la / Halle aux cuirs vers tes SS. Inocens: Avec privilege du Roy.

Les 100 compositions pour guitare contenues dans l'ouvrage se divisent en seize suites comprenant de cinq a huit danses. On compte 11 preludes, 16 alleman- des, 17 courantes, 21 sarabandes, 14 gigues, 5 passacailles, 2 chaconnes, 4

(27) Deux des sarabandes sont suivies de leur < contrepartie ». (28) Do majeur: prelude, chaconne, sarabande, campanelle, contrepartie de la sarabande, menuet, marche,

menuet, menuet, sarabande, menuet, sarabande espagnole. R6 mineur: pr6elude, passacaille, folies, sara- bande, contrepartie, sarabande, courante, gavotte, sarabande et menuet en re mineur.

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menuets, 7 gavottes et 3 bourrees. Excepte les suites II, XI, X, XII et XVI, elles commencent toutes par un prelude suivi d'une allemande (celle-ci est situee en premiere position dans les ensembles qui ne comportent pas de prelude). L'alle- mande est suivie de la courante dans treize cas; la courante est elle-meme suivie de la sarabande (29). La gigue se trouve derriere la sarabande dans treize suites, une gavotte la remplace dans les trois autres ensembles. La bourree n'apparait que trois fois dans le recueil et se situe, ainsi que le menuet, en fin de suite. Quatre des cinq passacailles constituent la conclusion des suites VI, XII, XII et XVI, tandis que la cinquieme s'intercale, dans la premiere suite, entre la courante et la sarabande. Les deux chaconnes se placent en demiere position dans les suites II et IX.

Le livre comporte, outre les cent pieces pour guitare, trois symphonies pour <<deux dessus de violon avec la basse; la compagnement de la guitarre et le theorbe >>. La partie de guitare est notee en tablature tandis que celle du theorbe est chiffree. Grenerin signale dans son introduction que ces pieces << peuvent servir a faire des concerts de basses de violle, deux dessus de violon, et clavessin >>. Les trois airs contenus dans le livre sont accompagnes d'une partie de guitare et d'une basse chiffr6e: << Que faites-vous mes yeux >> (4 voix), << Allettato e tradito >> (3 voix) et << Apres avoir souffert >> (4 voix).

L'instruction pour jouer la basse continue de Grenerin est beaucoup plus complete que celle d'Antoine Carre: l'auteur expose, pour commencer, les accords parfaits majeurs et mineurs, il donne ensuite les << cadences naturelles >>, les accords de sixte et une serie de combinaisons et d'enchainements d'accords. Cette instruc- tion fait reference a des pratiques courantes de realisation de la basse continue; les positions d'accords sont cependant adaptees a l'instrument dont la corde la plus grave est la quatrieme(30).

Robert DE VISEE devient, a la mort de Corbetta en 1681, le guitariste le plus repute de la cour de France (31). Nomme musicien de la chambre de Louis XIV et du Dauphin, il accede ensuite a la charge de professeur de guitare du roi occupee depuis 1650 par l'espagnol Bernard Jourdan de la Salle(32).

Les deux livres de guitare publies par de Visee en 1682 et en 1686 ont ete transcrits par Robert Strizich(33), ils contiennent ensemble 13 preludes, 14 alle- mandes, 13 courantes, 22 sarabandes, 14 gigues, 5 passacailles, 5 chaconnes, 12 menuets, 15 gavottes, 4 bourrees et 1 rondeau.

(29) Les suites III, V, VI, X et XV contiennent deux sarabandes, la seconde piece se situe en derniere ou avant-derniere position.

(30) L'accord le plus courant de la guitare baroque en France est le suivant:

F4' * ̂ *-. I (31) De Visee joue 6galement du luth, du th6orbe et de la basse de violon. (32) Le fils de B. J. de la Salle, Louis Anne, succede a son pere a la mort de celui-ci en 1695, apres quoi la charge

revient a de Vis6e tandis que Louis Anne ne la d6tient plus qu'a titre honorifique. (33) R. STRIZICH, de Visee, (Euvres completes pour guitare, collection le Pupitre, Paris, 1969.

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La qualite de ses pieces et la personnalite de son style ont fait que Robert de Visee est, de nos jours, le seul guitariste frangais du XVIIe siecle connu et joue. II est regrettable que des musiciens comme Gallot, Carre, Medard et Grenerin soient jusqu'a present restes dans l'ombre car 1'ensemble de leurs ceuvres s'inscrirait avec bonheur au repertoire des guitaristes qui, la plupart du temps, doivent se contenter, pour cette epoque, d'adaptations de musique de luth. C'est dans l'espoir de «rehabiliter>> ces musiciens que j'ai entrepris une these de doctorat ayant pour l'objet l'etude du repertoire frangais pour guitare baroque.

*Si la guitare baroque fran*

Si la guitare baroque frangaise s'est plus particulierement distinguee par son importance sociale que par son importance musicale dans ses debuts, on peut considerer la seconde moitie du XVIIe siecle comme une periode privilegiee dans l'histoire de l'instrument, ainsi qu'en temoignent les livres de tablatures cites plus haut. La guitare y a non seulement trouve son independance, mais a montre l'etendue de ses ressources.

Sans abandonner pour autant sa fonction d'accompagnement rudimentaire, musicalement peu int6ressante, la guitare accede, sous l'impulsion de l'Italien Corbetta, au stade d'instrument soliste. Loin de decourager ses admirateurs par la nouvelle difficulte de son jeu, la guitare trouve, au contraire, son attrait renforce par la mise en evidence de l'aspect musical dans le repertoire abondant qui lui est consacre.

Tout en restant tres a la mode, la guitare est, au cours du siecle suivant, a nouveau releguee a la fonction d'accompagnement qui ne fait plus appel a la technique du rasgueado mais developpe l'arpege sous ses formes les plus variees.

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