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Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 4 et 5 • juillet-octobre 2011141
Culture et peau
Dermatoses liées au sportSport-related dermatosesN. Kluger (Departments of Dermatology, Venereology and Allergology, Institute of Clinical Medicine, University of Helsinki and Helsinki University Central Hospital)
Mots-clés : Sport • Dermatologie • Infection • Traumatisme
Keywords: Sport • Dermatology • Infection • Trauma
Figure 1. Callosité en regard de la première articulation métacarpo-phalangienne, dystrophies unguéales avec hyperkératose, hémorragies en fl ammèches et hématomes sous-unguéaux (course à pied et escalade).
L ’activité physique et sportive peut être associée à une grande variété de pathologies dermatologiques, liées :
▶ aux traumatismes mécaniques ; ▶ à l’exposition à des agents infectieux ; ▶ à l’environnement ; ▶ à l’aggravation de dermatoses existantes ; ▶ au dopage.
Le diagnostic et la prise en charge des lésions peuvent être diffi -ciles à réaliser si le lien avec la pratique sportive n’est pas établi.
Dermatoses traumatiques et mécaniques
La peau est soumise perpétuellement à des traumatismes durant les exercices. On observe un grand nombre de derma-toses traumatiques, souvent liées à l’équipement : érosions, ecchymoses, phlyctènes, callosités, corne sur les proéminences osseuses (1, 2). Les anomalies unguéales sont fréquentes (dystro-phies unguéales, hyperkératose, hémorragies sous-unguéales et
ongles incarnés) [fi gure 1] (1, 3). Les nodules des athlètes sont des nodules asymptomatiques du dos des pieds, des genoux ou en regard des articulations métacarpo-phalangiennes (MCP) liés à des traumatismes itératifs (1). Les traumatismes répétés du cartilage des oreilles chez les rugbymen ou les boxeurs abou-tissent à la déformation de celles-ci, avec des oreilles dites “en chou-fl eur” (fi gure 2). Le purpura du sportif est lié à un trauma-tisme mécanique ou à une vasculite d’effort (fi gure 3, p. 142) [4]. Les vergetures sont associées à certains sports (haltérophilie, body building, football, lutte ou gymnastique), et la consommation de stéroïdes anabolisants doit systématiquement être évoquée. Les principales dermatoses mécaniques et traumatiques, dont la pseudochromidose illustrée par la fi gure 4, p. 142, sont résumées dans les tableaux I et II, p. 142 et 143.
Figure 2. Oreille “en chou-fl eur” chez un ancien rugbyman.
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Culture et peau
Figure 3. Purpura chez un golfeur (collection du Dr Bonnet-Got, Bordeaux).
Figure 4. Pseudochromidrose plantaire chez un footballeur (collec-tion du Dr Jegou, Bordeaux).
Tableau I. Dermatoses mécaniques chez le sportif (liste non exhaustive).
Clinique Sport Pathogénie Traitement/PréventionPhlyctènes Bulles, érosions Beaucoup Frottements répétés, milieu
chaud et humide (chaussure)Chaussures adaptées, chaus-settes absorbantes, respect du toit de la bulle, drainage, pansement
Callosités Plaques kératosiques du métatarse, extrémités des 2e ou 3e orteils
Gymnastique, haltérophilie, sports de raquettes
Hyperplasie épidermique liée aux frottements répétés
Coussinets, abrasion (acide salicylique), lavage à l’eau chaude, chaus-sures adaptéesCornes Papules fermes, dures, en dôme,
proéminences osseuses (face dorsale ou dorsolatérale des orteils)
Beaucoup Collection compacte de kératine liée aux frottements répétés
Ongles incarnés - Beaucoup Pénétration de l’ongle, chaus-sures inadaptées
Chaussures larges, chirurgie
Pseudo chromidrose ou talon noir (“black heel”) [fi gure 4]
Pétéchies hémorragiques de la partie postérieure latérale du talon
Tennis, basketball
Hémorragies traumatiques intraépidermiques et intra-cornées, mouvements de démarrage et d’arrêt brutaux
Arrêt du trauma causal, coussinet dans la chaussure, parage de la lésion
Tache noire (“black palm”)
Identique aux paumes Haltérophilie, escalade, tennis, golf, baseball
Papules piézogéniques
Papules et nodules des faces médiolatérales des pieds visibles en station debout
Course à pied sur de longues distances (mara-thon, triathlon)
Protrusions douloureuses de graisse hypodermique à travers le derme réticulaire
Pas de traitement, adaptation des chaussures
“Tennis toe”* Hémorragies sous-unguéales douloureuses des 1er et 2e orteils, parfois bilatérales, dystrophie unguéale, onycholyse et hyperkéra-tose périunguéale
Tennis, jogging, ski, randonnée, escalade
Glissement répétitif du pied sur la partie antérieure de la chaussure ou dorsifl exion fréquente des orteils, chaussures étroites
Chaussures adaptées, espace suffi sant pour les orteils, couper les ongles à ras, drai-nage de l’hématome
“Turf toe” Hallux douloureux, érythémateux et œdémateux
Football améri-cain, football, terrain artifi ciel
Tendinite aiguë du fl échisseur et de l’extenseur du gros orteil, mouvements brutaux d’arrêt/changement de direction
Repos
* Tennis toe, jogger’s toe, hiker’s toe, climber’s toe et skier’s toe sont tous les synonymes d’une même condition.
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Clinique Sport Pathogénie Traitement/PréventionMamelon du jogger
Érosion douloureuse ± hémorragique de l’aréole et des mamelons
Course à pied Frictions répétées sur une longue distance, pas de soutien-gorge (femme), textile dur (nylon)
Femme : soutien-gorge de sportHomme : vaseline, adhésif, tenue en coton, soie ou semi-synthétique
Vergetures Racines des épaules, bas du dos, cuisses ; perpendiculaires aux lignes de tension
Musculation, dopage
Rupture des fi bres élastiques dans le derme réticulaire
Rétinoïdes locaux
Nodules du sportif
Nodules asymptomatiques fi breux de 0,5 à 4,0 cm de couleur chair Dos des pieds, genoux, dos des autres articulations
Surf, boxe, football, hockey sur glace
Traumatismes ou frictions répétées sur proéminences osseuses
Rembourrage, changement de position
“Surfer’s nodules” Nodules fi breux indolores de la crête tibiale antérieure, zone médiale du dos du pied
Surf Contact prolongé avec la planche de surf, fi brose réactive dans le derme et l’hypoderme due au trauma-tisme répété et hémorragies
Peu gênantPas de traitement, sauf diminu-tion de l’activité ; se tenir à plat ventre plutôt qu’à genoux sur la planche
Oreille en chou-fl eur (“Caulifl ower ear”)
Déformation de l’oreille en chou-fl eur Rugby, boxe Destruction du cartilage par ischémie à la suite d’hématomes répétés
Drainage rapide des hématomes
“Golfer’s nails” Hémorragies en fl ammèches des ongles des doigts
Golf Clubs de golf tenus de façon trop serrée, hémorragie du lit vasculaire unguéal
Apprendre à tenir correctement un club de golf
Épaule du nageur (“swimmer’s shoulder”)
Érythème rugueux transitoire de l’épaule
Natation (nage libre)
Frottement de la barbe du menton avec le bras lors du mouvement de crawl
Rasage avant compétition et entraînement
Fesses du coureur (“runner’s rump”)
Hyperpigmentation/ecchymoses du pli interfessier
Course longue distance
Frottement répété de cette zone
-
Fesses du rameur(“rower’s rump”)
Lichénifi cation chronique du pli interfessier
Aviron Station assise prolongée sur un siège dur sans coussin
Coussin sur le siège,dermocorticoïdes
Tableau II. Purpura du sportif [4].
Sport Purpura Mécanismes
Un grand nombre de sports Purpura ecchymotique Traumatisme par contact avec un adversaire, un objet ou une surface donnée
Sports de balle (squash, ping-pong, etc.) Purpura ecchymotique Impact de haute vélocité
Exercice vigoureux (haltérophilie, etc.) Purpura du tronc et du dos Augmentation de la pression intrathoracique
Ski Purpura Exposition au froid
Mogul skiers’ palms Purpura de l’éminence hypothénar, souvent brunâtre
Répétition du geste du “planter du bâton dans la neige”
Golf, marche Purpura d’eff ort Vasculite leucocytoclasique
Natation Purpura des jambes (plateform purpura) Entrée dans l’eau manquée
Natation Purpura périorbitaire (purpura gogglorum)Traumatisme direct des lunettes sur le visage, eff et de succion lors du retrait, lunettes inadaptées
Surf Purpura des bras Frottement des bras sur la planche lorsque le surfeur est sur le ventre et s’éloigne de la côte
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Dermatoses environnementales
Les activités sportives pratiquées en extérieur exposent le sportif aux éléments météorologiques : le froid et le vent pour les sports d’hiver, la chaleur lors de la pratique de sports en été ; le soleil et les radiations ultraviolettes pour un très grand nombre de sports, aussi bien estivaux qu’hivernaux, ainsi que pour les sports aquatiques ou maritimes (1, 2). Enfi n, l’exposition aquatique, qu’elle soit d’eau douce ou salée, en piscine, en milieu lacustre ou en haute mer, est également associée à un grand nombre de complications potentielles (non infectieuses), comme la xérose, le prurit aquagénique, l’urticaire aquagénique ou l’urticaire au froid (5-7). Les “cheveux verts” sont une curiosité bénigne, constatée chez des sujets aux cheveux exclusivement blonds, gris-blanc ou colorés, après une longue nage. Cette coloration est liée aux ions cuivre dans la piscine (présence naturelle ou due aux tuyaux de la piscine) ; un traitement par peroxyde d’hydro-gène suffi t (5). Les skieurs – alpins, fondeurs ou biathlètes –, les randonneurs, les personnes pratiquant l’escalade ou la motoneige ainsi que les cavaliers montant en hiver sont parti-culièrement exposés à des pathologies liées au froid : gelures superfi cielles, engelures, phénomène de Raynaud, panniculite au froid, urticaire au froid, anaphylaxie au froid et à l’effort (8). Quant aux sports d’été, ils exposent d’un côté à des complica-tions liées à la pratique intensive d’un sport en pleine chaleur – épuisement, coup de chaleur –, de l’autre, à des complications à court et à long terme liées à une exposition aux ultraviolets. La première complication à ce titre est tout simplement le coup de soleil. Les (phyto)photodermatoses sont possibles (fi gure 5). La récurrence herpétique labiale peut survenir après une exposition solaire en haute montagne. S’ajoutent par la suite les risques inhérents à une exposition répétée, pendant les entraînements et les compétitions : photovieillissement, kératoses solaires, carci-nomes cutanés et mélanomes (1, 2). Les nageurs, les skieurs, les coureurs et les cyclistes, entre autres, doivent connaître les règles élémentaires de protection contre le risque accru de cancers cutanés (écrans solaires, vêtements adaptés, compé-titions en extérieur à éviter aux heures à risque). Cependant,
les impératifs sportifs et de compétition ne sont pas toujours en accord avec les impératifs sanitaires, à l’image des tenues légères des beach-volleyeuses (9).
Réactions allergiques
Une très grande variété d’allergies de contact peuvent être rencontrées chez les sportifs. Ces éruptions eczématiformes sont naturellement très invalidantes pour le sportif. Ainsi, sont possibles des allergies aux colorants des gants chez les hockeyeurs, aux adhésifs sur les chaussures de sport, une allergie au nickel des boutons. Le chromate de potassium, le thiuram et le mercapto mix doivent être testés si l’équipement du sportif comporte du cuir, du caoutchouc ou des plastiques respec-tivement. En ce qui concerne les sports aquatiques, des allergies ont été décrites au bonnet de bain, aux bouchons auriculaires, aux lunettes de natation, au masque de plongée, au maillot de bain, etc. (6, 10). De plus, il faut savoir également évoquer les allergies au sparadrap, aux antiseptiques et aux antibiotiques locaux.
Infections cutanées
Les conditions de vie en collectivité, la promiscuité, les habi-tudes de vie et les lieux d’activité, l’humidité, la transpiration, la chaleur, le soleil, le froid, la macération, l’irritation, les trau-matismes ainsi qu’une hygiène défi ciente ou au contraire trop importante sont autant de facteurs qui participent à la transmis-sion d’infections cutanées, virales ou bactériennes, parfois sur un mode épidémique, au sein d’une équipe ou d’une collectivité. Les sols des piscines, des saunas, des douches, des vestiaires, les tapis de bain, voire les tatamis, les chaussures et même les vêtements et les serviettes jouent un rôle important dans la transmission des infections. Ainsi, des épidémies d’infections par l’herpès ou des dermatophyties ont été décrites. La kératolyse ponctuée nécessite la lutte contre la macération et l’humidité (chaussettes absorbantes, poudre, topiques antiperspirants) et un traitement antibiotique local. L’herpes gladiatorum apparaît en moyenne 1 à 2 semaines après le contact (sport de lutte). La prévention passe par l´hygiène, la douche avant et après la compétition et l’examen des sportifs avant la compétition. De même, la transmission de staphylocoques, de streptocoques (impetigo, etc.), de la gale et de dermatophyties corporelles (tinea gladiatorum) [fi gure 6] entre athlètes est aussi possible, dans les sports avec contacts fréquents (lutte, judo, rugby, équitation). Les dermatophyties inguinales, plantaires et interdigitales sont favorisées par l’environnement chaud et humide de la chaus-sure du sportif ou d’une combinaison serrée. La douche, les vestiaires et les piscines sont autant de sources de contami-nation [11, 12]. Certaines infections cutanées surviennent plus particulièrement au contact de l’eau : folliculite à Pseudomonas aeruginosa (hot tub folliculitis) des nageurs et des personnes fréquentant les jacuzzis ; hidradénite eccrine à P. aeruginosa (hot foot syndrome) chez les enfants dans les piscines ; verrues vulgaires et Molluscum contagiosum ; mycobactériose (Mycobac-
Figure 5. Phytophotodermatose chez un canoéiste s’entraînant sur une rivière sous des ombellifères (collection du Dr Trouche, Rodez).
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terium marinum), et enfi n éruption du nageur due à Edwardsiella lineata et Linuche unguiculata (Seabather’s eruption), éruption papuloprurigineuse des zones couvertes par le maillot de bain après une nage en eau de mer ou dermite cercarienne due au schistosome de canard avec une éruption papulo-prurigineuse des zones découvertes après nage en lac (6).
Aggravation de dermatoses préexistantes
Les sportifs, comme la population générale, peuvent égale-ment présenter des dermatoses chroniques. Le phénomène de Koebner fait partie intégrante de certaines dermatoses comme le psoriasis, le lichen plan et le vitiligo. Il est donc possible que des lésions se développent sur des sites de traumatisme. Les épidermolyses bulleuses exposent au risque de bulles sur le site d’un traumatisme. Les urticaires physiques (solaire, au froid, aquagénique ou cholinergique) peuvent être aggravés. L’acné mécanique (acne mechanica) constitue une forme particulière d’acné touchant le sportif avec des lésions papuleuses et pustu-leuses du visage, notamment le front et le menton, ainsi que les épaules et le haut du dos, correspondant aux sites de frot-tements, d’occlusion et de macération par l’équipement sportif
(casque, épaulières, etc.). Lutteurs, hockeyeurs et footballeurs américains sont particulièrement exposés. Une acné mécanique a été décrite au site de pression de la bandoulière du sac de golf, chez les danseuses (vêtements occlusifs), ou chez les lanceurs de poids. La folliculite chéloïdienne de la nuque est fréquente chez les sportifs afro-américains, en raison du rasage de la nuque durant la saison pour pouvoir mettre le casque. L’acné aquagénique est une acné “paradoxale” liée à un phénomène de rebond majoré par l’abus de savons et d’astringents, ainsi que, probablement, par le chlore de la piscine.
Abus de stéroïdes anabolisants
L’abus de stéroïdes anabolisants concerne aussi bien les sportifs amateurs que les athlètes olympiques, particulièrement dans les sports nécessitant un effort physique intense (haltérophilie, culturisme, javelot, lancer du poids, du marteau ou du javelot). L’apparition ou la majoration de certaines lésions – acné (papulo-pustuleuse, nodulaire, conglobata ou fulminans), kystes épider-moïdes, hypertrophie gingivale, hirsutisme, vergetures, chéloïdes, alopécie androgénogénétique, signes de virilisation chez les athlètes de sexe féminin, rosacée, dermatite séborrhéique, pity-riasis versicolor et aspect “huileux” de la peau – peuvent alerter le dermatologue. Certaines dermatoses préexistantes peuvent être majorées (acné, rosacée, psoriasis) et, enfi n, il existe une prédis-position aux infections cutanées (folliculite, furonculose) [13]. II
Références bibliographiques1. Pharis DB et al. J Am Acad Dermatol 1997;36:448-59.2. Helm TN et al. Clin Dermatol 1998;16:159-65.3. Adams BB et al. Cutis 2005;75:269-75.4. Aguayo-Leiva I et al. Aust Fam Physician 2009;38:889-90.5. Basler RS et al. J Am Acad Dermatol 2000;43:299-305.6. Tlougan BE et al. Int J Dermatol 2010;49:874-85.7. Tlougan BE et al. Int J Dermatol 2010;49:1111-20.8. Englund SL et al. Cutis 2009;83:42-8.9. Moehrle M. Clin Dermatol 2008;26:12-5.10. Kockentiet B et al. J Am Acad Dermatol 2007;56:1048-55.11. Adams BB. Expert Rev Dermatol 2006;1:3-6.12. Estève E et al. Ann Dermatol Venereol 2006;133:525-9.13. Walker J et al. Int J Dermatol 2009;48:1044-8.
Figure 6. Tinea gladiatorum à Trichophyton tonsurans chez un judoka lors de l’épidémie de 2004-2005 (collection du Dr Estève, Orléans) [12].
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