derrida en castellano - la structure, le signe et le jeu dans le discours des sciences humaines
TRANSCRIPT
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
1/15
Derrida en
castellano
Derrida en
francsNietzsche
Heidegger
Principal En francs Textos Comentarios Restos Fotos Cronologa Bibliografa Links
LA STRUCTURE, LE SIGNE ET LE JEUDANS LE DISCOURS DES SCIENCES
HUMAINESJacques Derrida
Confrence prononce au Colloque international de lUniversit Johns Hopkins
(Baltimore) sur Les langages critiques et les sciences de lhomme, le 21
octobre 1966.
Texto en castellano
Il y a plus affaire interprter les interprtations qu interprter les
choses. (MONTAIGNE.)
Peut-tre sest-il produit dans lhistoire du concept de-structure
quelque chose quon pourrait appeler un vnement si ce mot
nimportait avec lui une charge de sens que lexigence structurale ou
structuraliste a justement pour fonction de rduire ou de suspecter.
Disons nanmoins un vnement et prenons ce mot avec prcautions
entre des guillemets. Quel serait donc cet vnement? Il aurait la forme
extrieure duneruptureet dunredoublement.
Il serait facile de montrer que le concept de structure et mme le
mot de structure ont lge de lepistm, cest--dire la fois de la
science et de la philosophie occidentales, et quils plongent leurs
racines dans le sol du langage ordinaire, au fond duquel lepistmva
les recueillir pour les amener soi dans un dplacement mtaphorique.
Nanmoins, jusqu lvnement que je voudrais reprer, la structure,
ou plutt la structuralit de la structure, bien quelle ait toujours t
luvre, sest toujours trouve neutralise, rduite: par un geste qui
consistait lui donner un centre, la rapporter un point de prsence,
une origine fixe. Ce centre avait pour fonction non seulement dorienter
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
2/15
et dquilibrer, dorganiser la structure on ne peut en effet penser une
structure inorganise mais de faire surtout que le principe
dorganisation de la structure limite ce que nous pourrions appeler le
Jeude la structure. Sans doute le centre dune structure, en orientant et
en organisant la cohrence du systme, permet-il le jeu des lments
lintrieur de la forme totale. Et aujourdhui encore une structure prive
de tout centre reprsente limpensable lui-mme.
Pourtant le centre ferme aussi le jeu quil ouvre et rend possible.
En tant que centre, il est le point o la substitution des contenus, des
lments, des termes, nest plus possible. Au centre, la permutation ou
la transformation des lments (qui peuvent dailleurs tre des
structures comprises dans une structure) est interdite. Du moins est-elle
toujours reste interdite (et jutilise ce mot dessein). On a donc
toujours pens que le centre, qui par dfinition est unique, constituait,
dans une structure, cela mme qui, commandant la structure, chappe
la structuralit. Cest pourquoi, pour une pense classique de la
structure, le centre peut tre dit, paradoxalement, dansla structure et
hors dela structure. Il est au centre de la totalit et pourtant, puisque le
centre ne lui appartient pas, la totalit a son centre ailleurs. Le centre
nest pas le centre. Le concept de structure centre bien quil
reprsente la cohrence elle-mme, la condition de lepistmcomme
philosophie ou comme science est contradictoirement cohrent. Et
comme toujours, la cohrence dans la contradiction exprime la force
dun dsir. Le concept de structure centre est en effet le concept dun
jeu fond, constitu depuis une immobilit fondatrice et une certitude
rassurante, elle-mme soustraite au jeu. Depuis cette certitude,
langoisse peut tre matrise, qui nat toujours dune certaine manire
dtre impliqu dans le jeu, dtre pris au jeu, dtre comme tre
dentre de jeu dans le jeu. A partir de ce que nous appelons donc le
centre et qui, pouvoir tre aussi bien dehors que dedans, reoit
indiffremment les noms dorigine ou de fin, darchou de telos, les
rptitions, les substitutions, les -transformations, les permutations sont
toujours prisesdans une histoire du sens cest--dire une histoire
tout court dont on peut toujours rveiller lorigine ou anticiper la fin
dans la forme de la prsence. Cest pourquoi on pourrait peut-tre dire
que le mouvement de toute archologie, comme celui de toute
eschatologie, est complice de cette rduction de la structuralit de la
structure et tente toujours de penser cette dernire depuis une prsence
pleine et hors jeu.
Sil en est bien ainsi, toute lhistoire du concept de structure, avant
la rupture dont nous parlons, doit tre pense comme une Srie de
substitutions de centre centre, un enchanement de dterminations du
centre. Le centre reoit, successivement et de manire rgle, des
formes ou des noms diffrents. Lhistoire de la mtaphysique, comme
lhistoire de lOccident, serait lhistoire de ces mtaphores et de ces
mtonymies. La forme matricielle en serait quon me pardonne
dtre aussi peu dmonstratif et aussi elliptique, cest pour en venir plus
vite mon thme principal la dtermination de ltre comme
prsence tous les sens de ce mot. On pourrait montrer que tous les
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
3/15
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
4/15
forme, dans la logique et les postulations implicites de cela mme
quelle voudrait contester. Pour prendre un exemple parmi tant dautres:
cest laide du concept designe quon branle la mtaphysique de la
prsence. Mais partir du moment o lon veut ainsi montrer, comme je
lai suggr tout lheure, quil ny avait pas de signifi transcendantal
ou privilgi et que le champ ou le jeu de la signification navait, ds
lors, plus de limite, on devrait mais cest ce quon ne peut pas faire
refuser jusquau concept et au mot de signe. Car la signification
signe a toujours t comprise et dtermine, dans son sens, comme
signe-de, signifiant renvoyant un signifi, signifiant diffrent de son
signifi. Si lon efface la diffrence radicale entre signifiant et signifi,
cest le mot de. signifiant lui-mme quil faudrait abandonner comme
concept mtaphysique. Lorsque Lvi-Strauss dit dans la prface le
Cru et le Cuitquil a cherch transcender lopposition du sensible et
de lintelligible en (se) plaant demble au niveau des signes, la
ncessit, la force et la lgitimit de son geste ne peuvent nous faire
oublier que le concept de signe ne peut en lui-mme dpasser cette
opposition du sensible et de lintelligible. Il est dtermin par cette
opposition : de part en part et travers la totalit de son histoire. Il na
vcu que delle et de son systrne. Mais nous ne pouvons nous dfaire
du concept de signe, nous ne pouvons renoncer cette complicit
mtaphysique sans renoncer du mme coup au travail critique que nous
dirigeons contre elle, sans risquer deffacer la diffrence dans lidentit
soi dun signifi rduisant en soi son signifiant, ou, ce qui revient au
mme, lexpulsant simplement hors de soi. Car il y a deux manires
htrognes deffacer la diffrence entre le signifiant et le signifi:
lune, la classique, consiste rduire ou driver le signifiant, cest-
-dire finalement soumettrele signe la pense; lautre, celle que
nous dirigeons ici contre la prcdente, consiste mettre en question le
systme dans lequel fonctionnait la prcdente rduction : et dabord
lopposition du sensible et de lintelligible. Car leparadoxe, cest que
la rduction mtaphysique du signe avait besoin de lopposition quelle
rduisait. Lopposition fait systme avec la rduction. Et ce que nous
disons ici du signe peut stendre tous les concepts et toutes les
phrases de la mtaphysique, en particulier au discours sur la
structure. Mais il y a plusieurs manires dtre pris dans ce cercle.
Elles sont toutes plus ou moins naves, plus ou moins empiriques, plusou moins systmatiques, plus ou moins proches de la formulation voire
de la formalisation de ce cercle. Ce sont ces diffrences qui expliquent
la multiplicit des discours destructeurs et le dsaccord entre ceux qui
les tiennent. Cest dans les concepts hrits de la mtaphysique que, par
exemple, ont opr Nietzsche, Freud et Heidegger. Or comme ces
concepts ne sont pas des lments, des atomes, comme ils sont pris dans
une syntaxe et un systme, chaque emprunt dtermin fait venir lui
toute la mtaphysique. Cest ce qui permet alors ces destructeurs de se
dtruire rciproquement, par exemple Heidegger de considrer
Nietzsche, avec autant de lucidit et de rigueur que de mauvaise foi etde mconnaissance, comme le dernier mtaphysicien, le dernier
platonicien. On pourrait se livrer cet exercice propos de
Heidegger lui-mme, de Freud ou de quelques autres. Et aucun exercice
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
5/15
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
6/15
que Platon. Elle a au moins lge de la sophistique. Depuis lopposition
physis/nomos,physis/tecbne, elle est relaye jusqu nous par toute une
chane historique opposant la nature la loi, linstitution, lart,
la technique, mais aussi la libert, larbitraire, lhistoire, la
socit, lesprit, etc. Or ds louverture de sa recherche et ds son
premier livre (les Structures lmentaires de la parent), Lvi-Strauss
a prouv la fois la ncessit dutiliser cette opposition et
limpossibilit de lui faire crdit. Dans les Structures, il part de cet
axiome ou de cette dfinition: appartient la nature ce qui est universel
et spontan, ne dpendant daucune culture particulire et daucune
norme dtermine. Appartient en revanche la culture ce qui dpend
dun systme denormesrglant la socit et pouvant donc varierdune
structure sociale lautre. Ces deux dfinitions sont de type
traditionnel. Or, ds les premires pages des Structures, Lvi-Strauss
qui a commenc accrditer ces concepts, rencontre ce quil appelle un
scandale, cest--dire quelque chose qui ne tolre plus lopposition
nature/culture ainsi reue et semble requrir la foisles prdicats de la
nature et ceux de la culture. Ce scandale est laprohibition de linceste.
La prohibition de linceste est universelle; en ce sens on pourrait la dire
naturelle; mais elle est aussi une prohibition, un systme de normes
et dinterdits et en ce sens on devrait la dire culturelle. Posons donc
que tout ce qui est universel, chez lhomme, relve de lordre de la
nature et se caractrise par la spontanit, que tout ce qui est astreint
une norme appartient la culture et prsente les attributs du relatif et du
particulier. Nous nous trouvons alors confronts avec un fait ou plutt
avec un ensemble de faits qui nest pas loin, la lumire des dfinitions
prcdentes, dapparatre comme un scandale : car la prohibition de
linceste prsente sans la moindre quivoque, et indissolublement
runis, les deux caractres o nous avons reconnu les attributs
contradictoires d deux ordres exclusifs: elle constitue une rgle, mais
une rgle qui, seule entre toutes les rgles sociales, possde en mme
temps un caractre duniversalit (p. 9).
Il ny a videmment de scandale qu lintrieurdun systme de
concepts accrditant la diffrence entre nature et culture. En ouvrant
son uvre sur le factum de la prohibition de linceste, Lvi-Strauss
sinstalle donc au point o cette diffrence qui a toujours pass pour
aller de soi, se trouve efface ou conteste. Car ds lors que la
prohibition de linceste ne se laisse plus penser dans lopposition
nature/ culture, on ne peut plus dire quelle soit un fait scandaleux, un
noyau dopacit lintrieur dun rseau de significations transparentes;
elle nest pas un scandale quon rencontre, sur lequel on tombe dans le
champ des concepts traditionnels; elle est ce qui chappe ces concepts
et certainement les prcde et probablement comme leur condition de
possibilit. On pourrait peut-tre dire que toute la conceptualit
philosophique faisant systme avec lopposition nature/culture est faite
pour laisser dans limpens ce qui la rend possible, savoir lorigine de
la prohibition de linceste.
Cet exemple est trop rapidement voqu, ce nest quun exemple
parmi tant dautres, mais il fait dj apparatre que le langage porte en
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
7/15
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
8/15
de ses conditions physicochimiques (p.327).
Dautre part, toujours dans la Pense sauvage, il prsente sous le
nom de bricolage ce quon pourrait appeler le discours de cette
mthode. Le bricoleur, dit Lvi-Strauss, est celui qui utilise les
moyens du bord, cest--dire les instruments quil trouve sa
disposition autour de lui, qui sont dj l, qui ntaient pas spcialement
conus en vue de lopration laquelle on les fait servir et laquelle onessaie par ttonnements de les adapter, nhsitant pas en changer
chaque fois que cela parat ncessaire, en essayer plusieurs la fois,
mme si leur origine et leur forme sont htrognes, etc. Il y a donc une
critique du langage dans la forme du bricolage et on a mme pu dire
que le bricolage tait le langage critique lui-mme, singulirement celui
de la critique littraire: je pense ici au texte de G. Genette,
Structuralisme et Critique littraire, publi en hommage Lvi-Strauss
dans lArc, et o il est dit que lanalyse du bricolage pouvait tre
applique presque mot pour mot la critique et plus spcialement
la critique littraire. (Repris dansFigures, d. du Seuil, p. 145.)
Si lon appelle bricolage la ncessit demprunter ses concepts au
texte dun hritage plus ou moins cohrent ou ruin, on doit dire que
tout discours est bricoleur. Lingnieur, que Lvi-Strauss oppose au
bricoleur, devrait, lui, construire la totalit de son langage, syntaxe et
lexique. En ce sens lingnieur est un mythe: un sujet qui serait
lorigine absolue de son propre discours et le construirait de toutes
pices serait le crateur du verbe, le verbe luimme. Lide de
lingnieur qui aurait rompu avec tout bricolage est donc une ide
thologique; et comme Lvi-Strauss nous dit ailleurs que le bricolageest mythopotique, il y a tout parier que lingnieur est un mythe
produit par le bricoleur. Ds lors quon cesse de croire un tel
ingnieur et un discours rompant avec la rception historique, ds lors
quon admet que tout discours fini est astreint un certain bricolage,
que lingnieur ou le savant sont aussi des espces de bricoleurs, alors
lide mme de bricolage est menace, la diffrence dans laquelle elle
prenait sens se dcompose.
Cela fait apparatre le deuxime fil qui devrait nous guider dans ce
qui se trame ici.
Lactivit du bricolage, Lvi-Strauss la dcrit non seulement
comme activit intellectuelle mais comme activit mythopotique. On
lit dans la Pense sauvage (p. 26): Comme le bricolage sur le plan
technique, la rflexion mythique peut atteindre, sur le plan intellectuel,
des rsultats brillants et imprvus. Rciproquement, on a souvent not
le caractre mythopotique du bricolage.
Or le remarquable effort de Lvi-Strauss nest pas seulement de
proposer, notamment dans la plus actuelle de ses recherches, unescience structurale des mythes et de lactivit mythologique. Son effort
apparat aussi, et je dirais presque dabord, dans le statut quil accorde
alors son propre discours sur les mythes, ce quil appelle ses
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
9/15
mythologiques. Cest le moment o son discours sur le mythe se
rflchit et se critique lui-mme. Et ce moment, cette priode critique
intresse videmment tous les langages se partageant le champ des
sciences humaines. Que dit Lvi-Strauss de ses mythologiques? Cest
ici quon retrouve la vertu mythopotique du bricolage. En effet, ce qui
parat le plus sduisant dans cette recherche critique dun nouveau
statut du discours, cest labandon dclar de toute rfrence un
centre, un sujet, une rfrenceprivilgie, une origine ou une
archie absolue. On pourrait suivre le thme de ce dcentrement travers
toute lOuverturede son dernier livre sur le Cru et le Cuit. Jy prends
seulement quelques repres.
1. Tout dabord, Lvi-Strauss reconnat que le mythe bororo, quil
utilise ici comme mythe de rfrence, ne mrite pas ce nom et ce
traitement, cest l une appellation spcieuse et une pratique abusive.
Ce mythe, pas plus quun autre, ne mrite son privilge rfrentiel: En
fait, le mythe bororo, qui sera dsormais dsign par le nom de mythe
de rfrence, nest rien dautre, comme nous essaierons de le montrer,
quune transformation plus ou moins pousse dautres mythes
provenant, soit de la mme socit, soit de socits proches ou
loignes. Il et donc t lgitime de choisir pour point de dpart
nimporte quel reprsentant du groupe. Lintrt du mythe de rfrence
ne tient pas, de ce point de vue, son caractre typique, mais plutt sa
position irrgulire au sein dun groupe (p. 10).
2. Il ny a pas dunit ou de source absolue du mythe. Le foyer ou
la source sont toujours des ombres ou des virtualits insaisissables,
inactualisables et dabord inexistantes. Tout commence par la structure,la configuration ou la relation. Le discours sur cette structure
a-centrique quest le mythe ne peut lui-mme avoir de sujet et de centre
absolus. Il doit, pour ne pas manquer la forme et le mouvement du
mythe, viter cette violence qui consisterait centrer un langage
dcrivant une structure a-centrique. Il faut donc renoncer ici au discours
scientifique ou philosophique, lepistmqui a pour exigence absolue,
qui est lexigence absolue de remonter la source, au centre, au
fondement, au principe, etc. Par opposition au discours pistmique, le
discours structurel sur les mythes, le discours mytho-logiquedoit tre
lui-mmemythomorphe. Il doit avoir la forme de ce dont il parle. Cest
ce que dit Lvi-Strauss dans le Cru et le Cuit dont je souhaiterais
maintenant lire une longue et belle page:
En effet, ltude des mythes pose un problme mthodologique,
du fait quelle ne peut se conformer au principe cartsien de diviser la
difficult en autant de parties quil est requis pour la rsoudre. Il
nexiste pas de terme vritable lanalyse mythique, pas dunit secrte
quon puisse saisir au bout du travail de dcomposition. Les thmes se
ddoublent linfini. Quand on croit les avoir dmls les uns des
autres et les tenir spars, cest seulement pour constater quils seressoudent, en rponse aux sollicitations daffinits imprvues. Par
consquent, lunit du mythe nest que tendancielle et projective, elle
ne reflte jamais un tat ou un moment du mythe. Phnomne
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
10/15
imaginaire impliqu par leffort dinterprtation, son rle est de donner
une forme synthtique au mythe, et dempcher quil ne se dissolve
dans la confusion des contraires. On pourrait donc dire que la science
des mythes est une anaclastique, en prenant ce vieux terme au sens
large autoris par ltymologie, et qui admet dans sa dfinition ltude
des rayons rflchis avec celle des rayons rompus. Mais, la diffrence
de la rflexion philosophique, qui prtend remonter jusqu sa source,
les rflexions dont il sagit ici intressent des rayons privs de tout autre
foyer que virtuel... En voulant imiter le mouvement spontan de la
pense mythique, notre entreprise, elle aussi trop brve et trop longue, a
d se plier ses exigences et respecter son rythme. Ainsi ce livre sur les
mythes est-il, sa faon, un mythe. Affirmation reprise un peu plus
loin (p. 20) : Comme les mythes reposent eux-mmes sur des codes de
second ordre (les codes du premier ordre tant ceux en quoi consiste le
langage), ce livre offrirait alors lbauche dun code de troisime ordre,
destin assurer la traductibilit rciproque de plusieurs mythes. Cest
la raison pour laquelle on naura pas tort de le tenir pour un mythe: en
quelque sorte, le mythe de la mythologie. Cest par cette absence de
tout centre rel et fixe du discours mythique ou mythologique que se
justifierait le modle musical que Lvi-Strauss a choisi pour la
composition de son livre. Labsence de centre est ici labsence de sujet
et labsence dauteur: Le mythe et luvre musicale apparaissent ainsi
comme des chefs dorchestre dont les auditeurs sont les silencieux
excutants. Si lon demande o se trouve le foyer rel de luvre, il
faudra rpondre que sa dtermination est impossible. La musique et la
mythologie confrontent lhomme des objets virtuels dont lombre
seule est actuelle... les mythes nont pas dauteurs... (p. 25).
Cest donc ici que le bricolage ethnographique assume
dlibrment sa fonction mythopotique. Mais du mme coup, elle fait
apparatre comme mythologique, cest--dire comme une illusion
historique, lexigence philosophique ou pistmologique du centre.
Nanmoins, si lon se rend la ncessit du geste de Lvi-Strauss,
on ne peut en ignorer les risques. Si la mytho-logique est mytho-
morphique, est-ce que tous les discours sur les mythes se valent?
Devra-t-on abandonner toute exigence pistmologique permettant de
distinguer entre plusieurs qualits de discours sur le mythe? Question
classique mais invitable. On ne peut y rpondre et je crois que
Lvi-Strauss ny rpond pas tant que le problme na pas t
expressment pos, des rapports entre le philosophme ou le thorme
dune part, le mythme ou mythopome dautre part. Ce qui nest pas
une petite histoire. Faute de poser expressment ce problme, on se
condamne transformer la prtendue transgression de la philosophie en
faute inaperue lintrieur du champ philosophique. Lempirisme
serait le genre dont ces fautes seraient toujours les espces. Les
concepts trans-philosophiques se transformeraient en navets
philosophiques. On pourrait montrer ce risque sur bien des exemples,
sur les concepts de signe, dhistoire, de vrit, etc. Ce que je veux
souligner, cest seulement que, le passage au-del de la philosophie ne
consiste pas tourner la page de la philosophie, (ce qui revient le plus
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
de 15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
11/15
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
12/15
discours fini sessoufflant en vain aprs une richesse infinie quil ne
pourra jamais matriser. Il y a trop et plus quon ne peut dire. Mais on
peut dterminer autrement la non-totalisation: non plus sous le concept
de finitude comme assignation lempiricit mais sous le concept de
jeu. Si la totalisation alors na plus de sens, ce nest pas parce que
linfinit dun champ ne peut tre couverte par un regard ou un discours
finis, mais parce que la nature du champ savoir le langage et un
langage fini exclut la totalisation: ce champ est en effet celui dun
jeu, cest--dire de substitutions infinies dans la clture dun ensemble
fini. Ce champ ne permet ces substitutions infinies que parce quil est
fini, cest--dire parce quau lieu dtre un champ inpuisable, comme
dans lhypothse classique, au lieu dtre trop grand, il lui manque
quelque chose, savoir un centre qui arrte et fonde le jeu des
substitutions. On pourrait dire, en se servant rigoureusement de ce mot
dont on efface toujours en franais la signification scandaleuse, que ce
mouvement du jeu, permis par le manque, labsence de centre ou
dorigine, est le mouvement de la supplmentarit. On ne peut
dterminer le centre et puiser la totalisation parce que le signe qui
remplace le centre, qui le supple, qui en tient lieu en son absence, ce
signe sajoute, vient en sus, en supplment. Le mouvement de la
signification ajoute quelque chose, ce qui fait quil y a toujours plus,
mais cette addition est flottante parce quelle vient vicarier, suppler un
manque du ct du signifi. Bien que Lvi-Strauss ne se serve pas du
mot supplmentaire en soulignant comme je le fais ici les deux
directions de sens qui y composent trangement ensemble, ce nest pas
un hasard sil se sert par deux fois de ce mot dans sonIntroduction
luvre de Mauss, au moment o il parle de la surabondance de
signifiant, par rapport aux signifis sur lesquels elle peut se poser:
Dans son effort pour comprendre le monde, lhomme dispose donc
toujours dun surplus de signification (quil rpartit entre les choses
selon des lois de la pense symbolique quil appartient aux ethnologues
et aux linguistes dtudier). Cette distribution dune ration
supplmentaire si lon peut sexprimer ainsi est absolument
ncessaire pour quau total, le signifiant disponible et le signifi repr
restent entre eux dans le rapport de complmentarit qui est la condition
mme de la pense symbolique. (On pourrait sans doute montrer que
cette ration supplmentairede signification est lorigine de la ratioelle-mme.) Le mot rapparat un peu plus loin aprs que Lvi-Strauss
ait parl de ce signifiant flottant, qui est la servitude de toute pense
finie: En dautres termes, et nous inspirant du prcepte de Mauss que
tous les phnomnes sociaux peuvent tre assimils au langage, nous
voyons dans le mana, le wakan, lorandaet autres notions du mme
type, lexpression consciente dune fonction smantique, dont le rle
est de permettre la pense symbolique de sexercer malgr la
contradiction qui lui est propre. Ainsi sexpliquent les antinomies en
apparence insolubles, attaches cette notion... Force et action, qualit
et tat, substantif et adjectif et verbe la fois; abstraite et concrte,omniprsente et localise. Et en effet le mana est tout cela la fois;
mais prcisment, nest-ce pas parce quil nest rien de tout cela: simple
forme ou plus exactement symbole ltat pur, donc susceptible de se
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
de 15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
13/15
charger de nimporte quel contenu symbolique? Dans ce systme de
symboles que constitue toute cosmologie, ce serait simplement une
valeur symbolique zro, cest--dire un signe marquant la ncessit
dun contenu symbolique supplmentaire [Je souligne] celui qui
charge dj le signifi, mais pouvant tre une valeur quelconque
condition quelle fasse encore partie de la rserve disponible et ne soit
pas, comme disent les phonologues, un terme de groupe. (note: Les
linguistes ont dj t amens formuler des hypothses de ce type.
Ainsi: Un phonme zro soppose tous les autres phonmes du
franais en ce quil ne comporte aucun caractre diffrentiel et aucune
valeur phontique constante. Par contre le phonme zro a pour
fonction propre de sopposer labsence de phonme (Jakobson et
Lotz). On pourrait presque dire pareillement en schmatisant la
conception qui a t propose ici, que la fonction des notions de type
manaest de sopposer labsence de signification sans comporter par
soi-mme aucune signification particulire.
La surabondance du signifiant, son caractre supplmentaire,
tient donc une finitude, cest--dire un manque qui doit tresuppl.
On comprend alors pourquoi le concept de jeu est important chez
Lvi-Strauss. Les rfrences toutes sortes de jeux, notamment la
roulette, sont trs frquentes, en particulier dans sesEntretiens,Race et
Histoire, la Pense sauvage. Or cette rfrence au jeu est toujours prise
dans une tension.
Tension avec lhistoire, dabord. Problme classique et autour
duquel on a us les objections. Jindiquerai seulement ce qui me parattre la formalit du problme: en rduisant lhistoire, Lvi-Strauss a fait
justice dun concept qui a toujours t complice dune mtaphysique
tlologique et eschatologique, cest--dire, paradoxalement, de cette
philosophie de la prsence laquelle on a cru pouvoir opposer
lhistoire. La thmatique de lhistoricit, bien quelle semble
sintroduire assez tard dans la philosophie, y a toujours t requise par
la dtermination de ltre comme prsence. Avec ou sans tymologie et
malgr lantagonisme classique qui oppose ces significations dans toute
la pense classique on pourrait montrer que le concept depistm a
toujours appel celui distoria si lhistoire est toujours lunit dundevenir, comme tradition de la vrit ou dveloppement de la science
orient vers lappropriation de la vrit dans la prsence et la prsence
soi, vers le savoir dans la conscience de soi. Lhistoire a toujours t
pense comme le mouvement dune rsumption de lhistoire, drivation
entre deux prsences. Mais sil est lgitime de suspecter ce concept
dhistoire, on risque, le rduire sans poser expressment le problme
que jindique ici, de retomber dans un anhistoricisme de forme
classique, cest--dire dans un moment dtermin de lhistoire de la
mtaphysique. Telle me parat tre la formalit algbrique du problme.
Plus concrtement, dans le travail de Lvi-Strauss, il faut reconnatreque le respect de la structuralit, de loriginalit interne de la structure,
oblige neutraliser le temps et lhistoire. Par exemple, lapparition
dune nouvelle structure, dun systme original, se fait toujours et
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
de 15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
14/15
cest la condition mme de sa spcificit structurale par une rupture
avec son pass, son origine et sa cause; On ne peut donc dcrire la
proprit de lorganisation structurale quen ne tenant pas compte, dans
le moment mme de cette description, de ses conditions passes: en
omettant de poser le problme du passage dune structure une autre,
en mettant lhistoire entre parenthses. Dans ce moment
structuraliste, les concepts de hasard et de discontinuit sont
indispensables. Et de fait Lvi-Strauss y fait souvent appel, comme par
exemple pour cette structure des structures quest le langage, dont il dit
dans lIntroduction loevre de Mauss quil na pu natre que tout
dun coup : Quels quaient t. le moment et les circonstances de son
apparition dans lchelle de la vie animale, le langage na pu natre que
tout dun coup. Les choses nont pas pu se mettre signifier
progressivement. A la suite dune transformation dont ltude ne relve
pas des sciences sociales, mais de la biologie et de la psychologie, un
passage sest effectu, dun stade o rien navait un sens, un autre o
tout en possdait. Ce qui nempche pas Lvi-Strauss de reconnatre la
lenteur, la maturation, le labeur continu des transformations factuelles,
lhistoire (par exemple dans Race et Histoire). Mais il doit, selon un
geste qui fut aussi celui de Rousseau ou de Husserl, carter tous les
faits au moment o il veut ressaisir la spcificit essentielle dune
structure. Comme Rousseau, il doit toujours penser lorigine dune
structure nouvelle sur le modle de la catastrophe bouleversement de
la nature dans la nature, interruption naturelle de lenchanement
naturel, cartdela nature.
Tension du jeu avec lhistoire, tension aussi du jeu avec la
prsence. Le jeu est la disruption de la prsence. La prsence dun
lment est toujours une rfrence signifiante et substitutive inscrite
dans un systme de diffrences et le mouvement dune chane. Le jeu
est toujours jeu dabsence et de prsence, mais si lon veut le penser
radicalement, il faut le penser avant lalternative de la prsence et de
labsence; il faut penser ltre comme prsence ou absence partir de la
possibilit du jeu et non linverse. Or si Lvi-Strauss, mieux quun
autre, a fait apparatre le jeu de la rptition et la rptition du jeu, on
nen peroit pas moins chez lui une sorte dthique de la prsence, de
nostalgie de lorigine, de linnocence archaque et naturelle, dune
puret de la prsence et de la prsence soi dans la parole; thique,
nostalgie et mme remords quil prsente souvent comme la motivation
du projet ethnologique lorsquil se porte vers des socits archaques,
cest--dire ses yeux exemplaires. Ces textes sont bien connus.
Tourne vers la prsence, perdue ou impossible, de lorigine
absente, cette thmatique structuraliste de limmdiatet rompue est
donc la face triste,ngative, nostalgique, coupable, rousseauiste, de la
pense du jeu dont laffirmationnietzschenne, laffirmation joyeuse
du jeu du monde et de linnocence du devenir, laffirmation dun monde
de signes sans faute, sans vrit, sans origine, offert une interprtation
active, serait lautre face. Cette affirmation dtermine alors le
non-centre autrement que comme perte du centre. Et elle joue sans
scurit. Car il y a un jeu sr: celui qui se limite lasubstitutionde
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm
de 15 10/03/2014 15:20
-
8/12/2019 Derrida en Castellano - La Structure, Le Signe Et Le Jeu Dans Le Discours Des Sciences Humaines
15/15
pices donnes et existantes, prsentes. Dans le hasard absolu,
laffirmation se livre aussi lindtermination gntique, laventure
sminalede la trace.
Il y a donc deux interprtations de linterprtation, de la structure,
du signe et du jeu. Lune cherche dchiffrer, rve de dchiffrer une
vrit ou une origine chappant au jeu et lordre du signe, et vit
comme un exil la ncessit de linterprtation. Lautre, qui nest plustourne vers lorigine, affirme le jeu et tente de passer au-del de
lhomme et de lhumanisme, le nom de lhomme tant le nom de cet
tre qui, travers lhistoire de la mtaphysique ou de lonto-thologie,
cest--dire du tout de son histoire, a rv la prsence pleine, le
fondement rassurant, lorigine et la fin du jeu. Cette deuxime
interprtation de linterprtation, dont Nietzsche nous a indiqu la voie,
ne cherche pas dans lethnographie, comme le voulait Lvi-Strauss,
dont je cite ici encore lIntroduction louvre de Mauss, linspiratrice
dun nouvel humanisme.
On pourrait percevoir plus dun signe aujourdhui que ces deux
interprtations de linterprtation qui sont absolument inconciliables
mme si nous les vivons simultanment et les concilions dans une
obscure conomie se partagent le champ de ce quon appelle, de
manire si problmatique, les sciences humaines.
Je ne crois pas pour ma part, bien que ces deux interprtations
doivent accuser leur diffrence et aiguiser leur irrductibilit, quil y ait
aujourdhui choisir. Dabord parce que nous sommes l dans une
rgion disons encore, provisoirement, de lhistoricit o lacatgorie de choix parat bien lgre. Ensuite parce quil faut essayer
dabord de penser le sol commun, et ladiffrancede cette diffrence
irrductible. Et quil y a l un type de question, disons encore
historique, dont nous ne faisons aujourdhui quentrevoir laconception,
la formation, la gestation, le travail. Et je dis ces mots les yeux
tourns, certes, vers les oprations de lenfantement; mais aussi vers
ceux qui, dans une socit dont je ne mexclus pas, les dtournent
devant lencore innommable qui sannonce et qui ne peut le faire,
comme cest ncessaire chaque fois quune naissance est luvre, que
sous lespce de la non-espce, sous la forme informe, muette, infanteet terrifiante de la monstruosit.
Principal En francs Textos Comentarios Restos Fotos Cronologa Bibliografa Links
Sitio creado y actualizado porHoracio Potel
rida en castellano - La structure, le signe et le jeu dans le discours d... http://www.jacquesderrida.com.ar/frances/structure.htm