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UNIVERSITE DE DROIT DECONOMIE ET DES SCIENCES DAIX - MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES D’AIX – MARSEILLE CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS LA CLANDESTINITE MARITIME D.E.S.S. DE DROIT DES TRANSPORTS OPTION DROIT DES TRANSPORTS MARITIME Mémoire présenté par Aurore DIAZ /Année 1997/98 Directeurs de recherches : Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES et Monsieur le Professeur Christian SCAPEL INTRODUCTION

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Page 1: Dess clandestin

UNIVERSITE DE DROIT D’ECONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX - MARSEILLE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES D’AIX – MARSEILLE

CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS

LA CLANDESTINITE MARITIME

D.E.S.S. DE DROIT DES TRANSPORTS OPTION DROIT DES TRANSPORTS MARITIME

Mémoire présenté par Aurore DIAZ /Année 1997/98Directeurs de recherches :

Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES etMonsieur le Professeur Christian SCAPEL

INTRODUCTION

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Le clandestin peut être défini comme un délinquant qui voyage sans titre de transport et qui est en contravention avec les lois nationales puisqu’il n’est pas autorisé à entrer sur le territoire. L’article premier de la Convention de Bruxelles de 1957 sur les passagers clandestins donne une très bonne définition puisqu’elle les définit comme : “ Une personne qui en un port quelconque ou un lieu en sa proximité, se dissimule dans un navire sans le consentement du propriétaire du navire ou du capitaine ou de toute autre personne ayant la responsabilité du navire et qui est à bord après que le navire a quitté ce port ou lieu ”.

La clandestinité maritime n’est pas un phénomène nouveau, elle a toujours existé. Déjà au XVIII siècle, on a retrouvé des traces de ces passagers dans les rôles de bord des navires de commerce. A cette époque, les clandestins étaient pour la plupart des français qui fuyaient la France pour aller tenter leur chance aux Indes. Aujourd’hui ce sont davantage des étrangers qui fuient leur pays pour aller s’installer dans des pays développés.

Depuis quelques années, ce phénomène a pris de plus en plus d’ampleur et il devient une préoccupation grandissante pour les armateurs qui sont tenus de rapatrier ces voyageurs indésirables et qui doivent faire face aux multiples dépenses occasionnées par leur découverte à bord. Ce phénomène est “ Humainement ” dramatique, car ces clandestins n’ont qu’un objectif en tête, celui de quitter leur pays. Ils sont prêts à mourir pour “ l’Eldorado européen ” et utilisent tous les moyens pour y arriver.

Mais au-delà du problème humain posé par la situation de ces clandestins, l’immigration clandestine par voie maritime a de nombreuses répercussions dans les domaines juridique, économique, politique et social, et place toutes les personnes concernées, armateurs, capitaines, équipages, ainsi que les pouvoirs publics et les P&I Clubs dans une situation très complexe.

En effet, depuis quelques années, les autorités administratives françaises refusent de laisser débarquer les passagers clandestins sur le territoire sous prétexte que les textes en vigueur imposent à l’armateur de ramener le clandestin par le même moyen de transport qui l’a amené. Ce raisonnement amène les autorités administratives à consigner les clandestins à bord des navires, empêchant ainsi l’armateur de pouvoir les rapatrier par un moyen de transport plus rapide, alors que les lois de 1992 et 1994 ont mis en place des zones d’attente destinées à recevoir les clandestins en transit. Depuis 1994, les tribunaux ont jugé à plusieurs reprises que l’administration commettait ainsi une voie de fait, et lui ont ordonné de mettre fin à ces consignations arbitraires. Cependant le Tribunal des Conflits, dans un arrêt très controversé du 12 mai 1997, a considéré que ces pratiques administratives ne constituaient pas une voie de fait. En

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écartant la compétence des juges judiciaires, le Tribunal des Conflits prive ainsi les intéressés du seul recours efficace pour y mettre fin.

Les intérêts des différentes personnes concernées imposent une solution rapide à cette situation, surtout lorsque de nombreux clandestins sont présents à bord et constituent un danger pour la sécurité de l’équipage.

Ce phénomène a soulevé l’intérêt des autorités publiques de chaque Etat, qui ont tenté de trouver des solutions au niveau international en adoptant une convention, mais cette dernière n’est jamais entrée en vigueur.

Au plan national, les sources juridiques sont d’origines diverses, Droit Pénal Maritime, Droit Administratif, mais il serait aisé de croire qu’il existe “ un vide juridique ” en la matière. C’est pourquoi il serait astucieux de trouver au-delà des réflexions juridiques, des solutions pratiques basées d’avantage sur la coopération inter étatique ou encore sur la politique préventive.

Nous étudierons donc ces questions dans deux parties. La première partie constituera une tentative de regroupement et d’analyse des différents problèmes humains, juridiques et économiques posés par la présence des passagers clandestins sur les navires de commerce.

Dans la deuxième partie, nous tenterons d’exposer et d’analyser les solutions juridiques et techniques qui existent et qu’il faudrait développer tant au niveau national qu’international

Première Partie :

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Les problèmes posés parla Clandestinité Maritime

CHAPITRE I : LE PROBLEME HUMAIN POSE PAR LA CLANDESTINITE MARITIME

De tout temps les hommes ont pensé à utiliser les navires de commerce pour fuir leur pays pour quelques raisons que ce soit.

A notre époque, la clandestinité maritime est un phénomène très préoccupant pour les transporteurs, mais nous ne pouvons fermer les yeux sur les raisons qui poussent ces populations à fuir leur pays. Le malaise social, politique et économique qui règne dans beaucoup de pays d’Afrique ou d’Europe de l’Est pousse ces populations à quitter leur pays coûte que coûte. En principe, ces populations sont très attirées par l’Europe Centrale, le Canada ou les Etats-Unis. Leurs motivations pour atteindre “ l’Eldorado ” sont très fortes.

On peut se demander pourquoi ces individus prennent de tels risques pour des

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espérances qui sont rarement satisfaites. Dans tous les cas, les passagers clandestins ont très vite appris à s’adapter au voyage maritime clandestin et sont très astucieux, ce qui rend de plus en plus difficile leur découverte par l’équipage au moment de l’embarquement.

SECTION I : LE VISAGE HUMAIN DU PASSAGER CLANDESTIN

Cette volonté migratoire est due en grande partie aux disparités de développement économique qui caractérisent notre monde actuel. En effet, les populations d’Afrique et d’Europe de l’Est souffrent du retard économique et politique qui s’est installé dans leur pays. Face à ce désarroi total, des populations souhaitent fuir leur pays et le plus souvent clandestinement. Le moyen le plus facile est d’utiliser les navires de commerce qui font des rotations régulières avec l’Europe centrale, les Etats-Unis ou le Canada. La surveillance dans les ports africains est très laxiste et il n’est pas difficile de se cacher à bord des navires. De plus, en Europe de l’Est, il s’est formé des organisations qui aident les clandestins à se dissimuler à bord des navires de commerce. Dans tous les cas, les passagers clandestins ne veulent pas retourner dans leur pays et dans leur misère et pour cela ils feront tous pour éviter qu’on les renvoie d’où ils viennent, surtout si près du but ! ! !

PARAGRAPHE I : LE PROFIL MISERABLE DU PASSAGER CLANDESTIN

Comme tout délinquant, on peut tracer un portrait type des passagers clandestins et de leurs motivations.

A - Présentation des clandestins et de leurs motivations

1) Les clandestins :

En général, les passagers clandestins sont des hommes âgés de 13 à 35 ans, ce sont rarement des femmes et des enfants. Il faut en effet être très résistant, insouciant et n’avoir rien à perdre pour passer plusieurs jours sans boire ni manger dans un conteneur ou au fond d’une cale de navire bercé par un roulis incessant.

Ces individus fuient les pays en voie de développement pour le mirage des pays riches où ils espèrent trouver du travail et se construire un meilleur avenir. La plupart du temps, les passagers clandestins que l’on trouve sur les navires de commerce sont des récidivistes.

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En fonction de la nationalité du clandestin, on pourra savoir s’il a un comportement violent ou calme. En général, les clandestins roumains sont calmes, et les clandestins venant du Zaïre peuvent se montrer violents.

Dans le cas où les passagers clandestins seraient plus nombreux que l’équipage, un climat de tension et de peur peut s’installer à bord et compromettre la sécurité de l’expédition maritime.

2) Leurs motivations :

Les raisons qui poussent les clandestins à fuir leur pays peuvent être classées en plusieurs catégories. Ce peut être pour des raisons économiques, politiques ou par idéologie religieuse. Mais aussi, les clandestins peuvent être des repris de justice évadés ou des passeurs de drogue.

En général, ils quittent leur pays pour des raisons économiques, les clandestins fuient la misère de leur pays où il n’y a pas de travail donc pas d’espoir. Ils cherchent une terre où ils pourront améliorer leur qualité de vie, et ils sont persuadés que dans les pays riches, ils pourront trouver du travail, et cela vaut la peine de risquer leur vie. C’est pour cela qu’il est rare de voir des femmes et des enfants immigrer clandestinement, car dans l’esprit des clandestins, l’homme part pour travailler et gagner de l’argent pour pouvoir ensuite faire venir sa famille ou rentrer chez lui avec des économies.

Il peut aussi s’agir de personnes qui fuient car elles sont pourchassées à cause de leurs idées politiques, religieuses ou parce qu’elles appartiennent à un autre groupe social ou une autre ethnie.

La catégorie la plus redoutée de toutes, est celle des repris de justice évadés cherchant à fuir leur pays dans lequel ils étaient détenus. Ils sont généralement les plus violents car ils savent que s’ils retournent dans leur pays leur peine sera plus qu’aggravée.Il existe aussi des filières exploitées par les trafiquants de drogue ou d’esclaves. Elles sont organisées pour la traite des blanches et les organisations prenant en charge les passagers clandestins leur demandent parfois de transporter un peu de drogue sur eux. Les autorités françaises n’arrivent pas à infiltrer et à démanteler ces organisations, même si elles en connaissent l’existence.

Dernièrement la chute d’anciens empires et l’émergence de nouvelles entités indépendantes ont entraîné l’accroissement de guerres civiles provoquant un flot continu d’immigration. Seulement les besoins d’argent pour le voyage et la nécessité d’un visa sont des handicaps infranchissables pour les individus qui veulent s’enfuir et en désespoir de cause ils optent pour la clandestinité.

B : D’où viennent–ils ?

Les pays traditionnels d’origine sont principalement l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tanzanie et le Zaïre. Les ports les plus touchés sont : Lagos (Nigeria),

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Takoradi et Accra (Ghana), Monrovia (Liberia), Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte d’Ivoire), Casablanca et Safi (Maroc), Matadi (Zaïre), Durban (Afrique du Sud), Mombasa (Kenya), Maputo (Mozambique), Dar Es-Salaam (Tanzanie).

Il existe une clandestinité venant d’Amérique du Sud, mais nous traiterons essentiellement de la clandestinité provenant d’Afrique et d’Europe de l’Est.

On a constaté qu’il existait deux flux migratoires dans les pays développés d’occident touchés par ce problème. Un flux sud-nord et un flux est-ouest, chacun touchant des ports différents en France. Par exemple, le port du Havre est très concerné par l’afflux de roumains qui tentent de s’embarquer en se cachant principalement dans des conteneurs pour aller au Canada ou aux Etats-Unis. Alors que le port de Bordeaux ou de Nantes sont uniquement concernés par des clandestins venant d’Afrique.

1) Le continent africain :

En raison d’une population africaine très importante et qui se déplace, la nationalité des clandestins et les ports où ils embarquent n’ont parfois aucun rapport. Par exemple, le Rwanda et le Burundi connaissent des conflits ethniques très violents depuis trente ans, ce qui amène leurs ressortissants à se réfugier en Tanzanie. Et le plus souvent, ces réfugiés s’embarquent clandestinement sur des navires à partir des ports de Maputo ou Mombasa.

Les régions les plus touchées par la clandestinité maritime sont l’Afrique du sud, de l’Est (Tanzanie) et de l’Ouest (Congo). En effet, ces pays sont très touchés par la famine, la guerre, la sécheresse, la mort et la misère. Parmi ces pays, ce sont évidemment les pays qui connaissent d’importants troubles politiques et sociaux qui “ exportent ” le plus de clandestins (le Rwanda, le Congo, l’Angola).

Il faut aussi ajouter que le contrôle à l’entrée des ports africains est très laxiste, l’accès aux navires ne pose aucune difficulté. Nous rappellerons pour le plaisir cette anecdote d’un clochard sénégalais nommé “ César ”, qui avait installé sa maison dans le port de Dakar et qui s’est réveillé un beau matin dans le port de Conakry, alors qu’il s’etait endormi la veille dans un conteneur. Il était, sans le vouloir, un passager clandestin.

Le phénomène des clandestins croît et varie en fonction de la situation politique et économique dans les différentes régions du monde. En ce moment la situation en Angola est très critique, et il ne serait pas étonnant que le nombre de passagers clandestins Angolais augmente.

2) L’Europe de l’Est :

Depuis la modification de l’équilibre mondial par la chute des régimes dits “ communistes ”, un nouveau vent d’immigration souffle d’Est en Ouest. En effet depuis l’éclatement de l’Union Soviétique et la faillite des régimes de l’Est, on a vu une pénurie générale s’installer dans ces pays. Ce phénomène a eu pour conséquence directe un flux migratoire de Roumains, de Croates, de Russes, de Tchèques et de Polonais vers l’Europe de l’Ouest. D’ailleurs on a relevé un nombre croissant de passagers clandestins Roumains sur les lignes transatlantiques au départ

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de l’Europe. Ainsi pour chaque clandestin arrivant aux Etats-Unis par voie maritime, le P&I Club de l’armateur doit déposer une garantie bancaire de USD 1.000 et de USD 5.000 pour le Canada.

A l’heure actuelle, le port du Havre est une plaque tournante du trafic de passagers clandestins Roumains. Ils arrivent, en général, par train, route ou auto stop et une fois en France ils demandent en toute légalité le droit d’asile politique. Si leur demande n’est pas manifestement infondée, ils auront droit à une autorisation de séjour d’un mois, ce qui leur laisse toute liberté de voyager sur le territoire et d’embarquer clandestinement sur un navire en partance pour le Canada ou les Etats-Unis.

PARAGRAPHE 2 : LES RISQUES COURUS PAR LES PASSAGERS CLANDESTINS

On peut se demander pourquoi ces personnes risquent ainsi leur vie, alors que leurs espérances sont rarement satisfaites. Non seulement ils risquent leur vie en s’engageant sur un navire sans savoir si l’équipage les respectera ou en se cachant dans des endroits dangereux, mais ils risquent aussi d’être rapatrier, sans avoir pu poser le pied sur un autre territoire.

A – Les risques à bord du navire

Quand ils montent à bord d’un navire, les clandestins prennent le risque de tomber sur un équipage inhumain qui pourrait les maltraiter. De plus, ils ne réalisent pas toujours que leur cachette peut se révéler très dangereuse pendant la traversée.

1) Le risque de tomber sur un équipage féroce :

Au vu des faits divers qui alimentent la presse, on sait qu’il arrive que l’équipage manifeste souvent sa haine contre les passagers clandestins en les massacrant ou en les jetant à l’eau. D’ailleurs il est connu que les clandestins évitent d’office certains équipages qu’ils savent sans pitié à leur égard (équipages chypriotes, marocains, grecs, russes). Il est vrai que leur présence à bord est nuisible pour la sécurité de l’expédition maritime, d’ailleurs certaines compagnies maritimes pénalisent les marins si des clandestins sont trouvés sur le navire. Et pour éviter ces conséquences nuisibles, certains équipages préféreront les jeter à l’eau.

On se souvient qu’il y a encore peu de temps, une partie de l’équipage du navire “ MC RUBY ”, cargo battant pavillon des Bahamas, avait dévalisé puis massacré et jeté à l’eau huit c landestins ghanéens et camerounais. Mais cette affaire n’est malheureusement pas isolée et “ des éléments laissent penser que de tels actes le plus souvent impunis sont de moins en moins rares, simplement pour éviter les lourdes amendes qu’infligent aux armements les autorités des pays occidentaux ”.

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L’histoire qui rappelle le plus le “ MC RUBY ” est celle du navire “ GAROUFALIA ”. Dans cette affaire, le cargo “ GAROUFALIA ” quittait le port de Mombasa (Kenya) avec onze clandestins à bord dont six adolescents. Le capitaine grec entra dans une colère folle et fit enfermer les neuf clandestins en fond de cale. Les deux qui restèrent sur le pont furent passés à tabac et jetés à la mer. Alors qu’ils avaient réussi à s’accrocher au bastingage, le capitaine leur écrasa les mains et les repoussa dans la mer infestée de requins. Le commandant exigea alors qu’on fasse monter les autres, qui refusèrent dans un premier temps, mais ils y furent contraints par des émanations de mort aux rats qui montaient des cales. Le commandant aidé d’un marin les jeta à l’eau. Dans cette affaire, le capitaine qui plaida la légitime défense, a été condamné à dix ans de prison et n’a pas prononcé la moindre phrase de repentir. Il a même été étonné de l’importance qu’on donnait à cette affaire. “  Je pensais, a-t-il simplement expliqué, que les requins ne mangeaient pas les noirs ”.

Heureusement l’équipage n’agit pas toujours ainsi. Mais nous sommes quand même conscients des risques que prennent les clandestins pour une maigre épopée. Cependant, même si ils tombent sur un équipage relativement humain, ils tombent parfois dans leur propre piège ! ! !

2) Le risque que leur cachette se transforme en tombeau :

L’embarquement s’opère en général dans des conditions rocambolesques et dangereuses. Les passagers clandestins se cachent dans des endroits inimaginables, si bien qu’il est arrivé de trouver des clandestins dans des tuyaux, des soutes, des bouches d’aération, des faux plafonds, entre des grumes de bois ou dans les puits de chaînes au risque d’être écrasés, dans les cheminées du navire, dans les salles des machines sous les grilles des planchers car à cet endroit se forme une marre d’huile où l’on peut se cacher. On a même vu des clandestins se dissimuler dans une cargaison d’huile et respirer à l’aide d’une paille.

Il est certain que les passagers clandestins ne réalisent pas tous les dangers qu’ils courent et il arrive qu’ils ne résistent pas à la traversée. On a retrouvé des cadavres de clandestins décomposés au déchargement d’une cargaison de son en vrac car ils n’avaient pas résisté à la fumigation de la marchandise.De même, on a retrouvé le corps d’un clandestin dans les cales d’un cargo autrichien transportant du minerai de Zinc, son décès pourrait avoir été provoqué par des émanations de minerai. Les deux autres clandestins marocains qui se trouvaient à bord ont été hospitalisés car ils étaient sous alimentés.

Lorsque les clandestins se cachent à l’intérieur d’un conteneur, ils ne savent pas si celui-ci sera arrimé en fond de cale ou bien en pontée. Dans le premier cas ils peuvent rester coincés dans le conteneur, condamnés à y rester jusqu’au dépotage. Dans le second, ils prennent le risque qu’un conteneur mal arrimé tombe à la mer par mauvais temps, entraînant avec lui ses passagers.

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Cette énumération, non exhaustive, démontre que les clandestins sont complètement inconscients et désespérés. Et les risques qu’ils prennent sont à la hauteur de leur inventivité ! !

B - Le risque de refoulement

Il faut savoir que le passager clandestin représente “ une menace ” à la fois pour l’armateur, qui est entièrement responsable de sa présence à bord, mais aussi pour les autorités publiques, qui tentent par tous les moyens de faire respecter leur politique d’immigration.

1) La volonté de l’armateur de se débarrasser au plus vite du passager clandestin :

Pour l’armateur le passager clandestin représente une charge financière et une responsabilité très lourde. En principe si l'équipage ne l’a pas jeté à l’eau pendant le voyage, il fait son possible pour qu’à la première escale, le clandestin soit débarqué puis rapatrié. Dés que le capitaine a connaissance de la présence des passagers clandestins à bord, il les enferme dans une cabine ou dans la cale du bateau, et poste un membre d’équipage à leur porte afin que ceux-ci ne s’échappent pas. Ensuite, il tente de les identifier afin que son P&I Club leur procure rapidement des laissez-passer temporaires, pour qu'on puisse les débarquer à la première escale.

En principe, l’obstination de l’armateur à rapatrier le passager clandestin n'a d'égale que la motivation du clandestin pour quitter son pays.

2) Le refoulement du clandestin à la frontière :

Pour les autorités publiques, le clandestin représente une menace à l’égard de sa politique de lutte contre l’immigration. A l’arrivée du navire au port, les autorités françaises, au nom du Ministère de l’Intérieur, refuseront au clandestin l’entrée sur le territoire en notifiant au capitaine une décision de refus d’admission sur le territoire français. Si le passager clandestin réclame l'asile politique, sa demande sera examinée par le ministère de l'intérieur, mais le plus souvent il rejettera leur demande. Par crainte de voir son seuil d’immigration augmenté, les autorités vont même jusqu’à adopter un comportement “ pousse au crime ”, en interdisant au transporteur de débarquer les clandestins dans les zones de transit légalement prévues à cet effet.

La rigidité et l’obstination de ces autorités créent des situations qui ne sont à l’avantage de personne. Mais dans tous les cas, la politique française en matière d’immigration clandestine est très rigoureuse, et les demandeurs d’asile voient rarement leur demande aboutir.

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SECTION 2 : LE CLANDESTIN : UN PERSONNAGE ASTUCIEUX

Les clandestins ont su s’adapter aux évolutions du transport maritime et ont notamment appris à utiliser le conteneur pour monter à bord clandestinement. Ils ont aussi appris à contourner les pièges que pouvaient leur poser les armateurs et leur équipage qui tentent par tous les moyens de les découvrir au moment de l’embarquement.

De même, leur motivation pour atteindre “ l’Eldorado européen ” est tellement forte, qu’ils refusent d’être coopératifs durant la procédure d’identification.

PARAGRAPHE 1 – LES METHODES EMPLOYEES

Il est de plus en plus difficile pour les équipages de découvrir les passagers clandestins lors de l'embarquement. Certains d'entre eux sont déjà cachés dans la marchandise avant qu'elle soit amenée au port, d'autres se mélangent avec le personnel des entreprises de manutention.La plupart du temps il est impossible à l'équipage de les détecter, car ils n'ont pas le temps ou le droit d'ouvrir tous les conteneurs ou toutes les remorques. Pour une meilleure surveillance, il faudrait que l'armateur emploie des gardes privés qui contrôleraient toutes les opérations d'embarquement.

A : Des cachettes astucieuses

Pour éviter d’être découverts lors d’une fouille à l’embarquement, certains passagers clandestins ont l'idée de se cacher dans les remorques que l'on charge à bord des Ro-Ro. En général, ils s'y dissimulent au moment de l’empotage dans les champs ou dans l’usine. La remorque arrive au port fermée et les clandestins sont déjà à l’intérieur.Il est impossible pour l’équipage de vérifier chaque remorque.

De même, il arrive souvent que les clandestins se fassent engager occasionnellement comme acconier ou stevedore. Après un mois de travail, ils connaissent toutes les rotations, tous les navires ainsi que le personnel du port. Ils peuvent monter à bord sans se faire remarquer en se dissimulant dans une remorque, dans un conteneur ou dans un coin du bateau. Lorsque les clandestins sont extérieurs au port, ils profitent du roulement du personnel de nuit et de jour pour passer inaperçus et grimper à bord sans se faire remarquer.

B : L’utilisation de complices

Quand les clandestins veulent se faire aider par un complice ou par des passeurs professionnels, ils feront appel à une organisation spécialisée de passeurs qui, moyennant un droit de passage, aide les clandestins à se dissimuler à bord des

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navires. Les clandestins leur donnent toutes leurs économies, et si leur expédition échoue, ils retournent à la case départ sans un sou en poche.

Le plus souvent ces passeurs achètent le personnel du port, quand ce ne sont pas les acconiers eux même qui agissent. On a décelé dans le port de Monrovia (Liberia), une organisation qui impliquait non seulement les stevedores mais aussi la sécurité du port. Ceux-ci aidaient les clandestins à se cacher dans les cargos en les dissimulant entre les grumes de bois. Ces pratiques étaient très dangereuses pour les clandestins qui risquaient de se faire écraser.

La mission des complices consiste aussi à aider les clandestins à se dissimuler à l’intérieur du conteneur. Quand celui est plombé, ils font sauter le plomb avec des outils, ils font rentrer le groupe de clandestins à l’intérieur, et ensuite, le complice referme le conteneur en apposant un nouveau plomb ou en recollant le premier. Ce travail est tellement bien fait, que cela passe inaperçu.

Ensuite, les clandestins apportent avec eux suffisamment de nourriture et d’eau pour survivre pendant quelques jours. Ils pensent même parfois à apporter des toilettes chimiques et des outils pour faire des trous dans les conteneurs.

PARAGRAPHE II – LE BUT DU PASSAGER CLANDESTIN

Le but du passager clandestin est d’entrer frauduleusement sur le territoire qu’il désire atteindre. Il a donc vocation à devenir un immigré potentiel, et c’est pour cette raison que les autorités refuseront de le laisser débarquer sur le territoire français.

En ce qui concerne le clandestin, celui-ci est dans un tel état de misère qu’il n’a rien à perdre. Au mieux il arrive à destination sain et sauf, au pire il est nourrit, logé, voire habillé et soigné, par le transporteur pendant plusieurs mois.

C’est pour ces raisons, qu’une fois découverts par le capitaine, les passagers clandestins font le maximum pour rester à bord le plus longtemps possible afin de retarder la procédure de rapatriement.

A – Rester le plus longtemps à bord

1 ) Pour le meilleur :

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Le traitement des passagers clandestins est différent à chaque traversée et la vie à bord est parfois plus agréable que dans leur pays. En effet, même si leur périple échoue à l’arrivée, ils auront toujours eu la chance d’être nourris pendant quelques mois.

Certains passagers clandestins préféreront rester dans leur cachette le plus longtemps possible afin d’éviter que l’équipage ne les découvre et les enferme. Ainsi, ils auront la possibilité de s’enfuir à l’arrivée du navire en rade ou au port.

D’autres passagers clandestins s’embarqueront à bord sans vouloir atteindre une destination précise. Ils voudront simplement se faire employer à bord pour un temps, sachant qu’au pire ils seront renvoyés chez eux. Ils ne sortiront de leur cachette qu’une fois le bateau loin des côtes pour ne pas risquer d’être ramenés. Une fois découverts, le capitaine devra les garder à bord et les nourrir. Si les clandestins se montrent très calmes et travailleurs, ils pourront être embauchés le temps du voyage en échange d’un peu d’argent et de nourriture. Mais ces pratiques ne sont pas valables pour toutes les nationalités car on évite de faire travailler certains passagers clandestins qui pourraient compliquer leur rapatriement, c’est le cas des clandestins zaïrois. Et en général, ce genre de situation est assez rare car l’équipage ne veut pas intégrer le clandestin et préfère le garder à l’écart afin d’éviter d’éventuelles tensions.

Dans tous les cas, les passagers clandestins sont pendant quelques temps “ le centre d’intérêt ” de plusieurs personnes ce qui leur donne, pour une fois dans leur vie, beaucoup d’importance.

2) Pour le pire :

On a constaté qu’une fois découverts par l’équipage, les passagers clandestins feront tout pour ne pas être rapatriés, et leur manque de coopération retardera la procédure de rapatriement car il faudra plus de temps pour établir leur véritable nationalité.

En général, ils auront de faux papiers, ils apprendront une autre langue, ils refuseront de parler (on a vu des cas où le clandestin s’était coupé la langue), et ils pourront parfois se montrer agressifs.

Le plus souvent, ils cacheront leur véritable identité et déclareront provenir de pays connaissant actuellement de graves conflits afin de bénéficier du statut de réfugié politique. Par exemple, ils vont prétendre être ressortissant du Rwanda, du Burundi, du Congo ou encore de l’Angola, alors que le plus souvent ils seront originaires de la Côte Est Africaine. En effet, des statistiques ont montré que sur 75 % des passagers clandestins qui viennent d’Afrique de l’Est, la plupart sont Tanzaniens, et sur les 17% qui viennent d’Afrique de l’Ouest la plupart sont Nigériens ou Ghanéens. Le but de leur comportement est de gagner du temps. Ainsi ils pensent qu’ils réussiront à s’échapper à la moindre occasion. En effet, on a vu des clandestins détenus dans des cabines et qui arrivaient à les détruire pour trouver une sortie ou qui arrivaient à détacher les meubles de la cabine pour en défoncer la porte, ou réussir à sortir par le hublot, trouer les murs des cabines, ou tenter de se suicider avec un capuchon de stylo bic afin de se faire hospitaliser.

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Aussi certains armateurs ont installé dans leur navire des cabines blindées comportant le strict minimum et qui sont destinées à les recevoir. Mais parfois, les clandestins arriveront à s'échapper grâce à la complicité d'un des membres de l'équipage.

B –Eviter d’être rapatrié

1) Ils veulent éviter un retour douloureux :

En principe, les passagers clandestins n’ont qu’une crainte, celle d’être rapatrié et cela pour plusieurs raisons :

Si le clandestin est un réfugié politique ou religieux, il sait qu’à son retour il risque fort de se faire massacrer par son peuple.

Si le clandestin est un repris de justice évadé, à son retour il sera attendu par des forces armées et il risque d’être condamné à mort.

Certains pays, comme le Maroc, considèrent que le clandestin est une insulte pour son peuple et lui réserve un sort assez dur. D’ailleurs quand les clandestins montent à bord de navires marocains, ils restent cachés le plus longtemps possible car en général les capitaines marocains ne sont pas très complaisants.

Dans le meilleur des cas, ils ont juste une amende à payer et écopent de quelques mois de prison, mais après ils retrouvent leur vie misérable.

2) Le cas exceptionnel du rescapé du “ MC RUBY ”

Exceptionnellement, le retour du passager clandestin se passera bien, et nous citerons comme exemple le cas de Kingsley Ofusu, le seul clandestin rescapé du massacre du “ MC RUBY ” qui a eu un retour dans son pays plutôt glorieux. En effet, dans son malheur il a su tirer bénéfice de sa situation et se préparer un meilleur avenir. “Bien que traumatisé à vie, le jeune Ghanéen a quitté le territoire français dès que possible. Après avoir vendu ses droits de récits à la BBC, il a alterné séjours dans son pays et en Grande-Bretagne. La chaîne de télévision britannique a d’ailleurs déjà diffusé “ Deadly voyage ” (le voyage de la mort), en novembre dernier, sur les écrans anglais, américains, ukrainiens..Kingsley participe d’ailleurs activement à la promotion commerciale de ce film tourné en grande partie à Takoradi, le port ghanéen où le drame s’est noué. Cette tournée promotionnelle l’a amené à New York. La cassette vidéo, largement inspirée de l’affaire, devrait être disponible en France dès la fin de cette année ”.

Avec son pécule, Kingsley a acheté deux taxis au Ghana. Il a également commencé à se faire construire une maison et il envisage de créer une société d’import-export de voitures d’occasion.”

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Maintenant que nous avons exposé le drame humain que représentait le phénomène de la clandestinité maritime, nous allons exposer le drame juridique et financier subit régulièrement par les transporteurs maritimes dûs à la présence des passagers clandestins sur leur navire.

CHAPITRE II : Un problème Juridique LIE A LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR

En raison de la situation misérable des passagers clandestins, c’est le transporteur maritime qui sera responsable de leur présence à bord et qui aura l’obligation de les rapatrier. Mais cette obligation est souvent difficile à mettre en œuvre en raison de l’attitude de l’administration qui interdit au transporteur de débarquer les clandestins.

Le transporteur devra aussi rapatrier les passagers clandestins à ses frais et devra supporter toutes les conséquences financières et tous les dommages causés par leur présence à bord.

SECTION I : LE TRANSPORTEUR RESPONSABLE DE LA PRESENCE DU CLANDESTIN A BORD

A partir du moment où les passagers clandestins sont découverts à bord du navire, ils sont sous l’entière responsabilité du transporteur maritime. En effet vu le statut malheureux du passager clandestin, aucune peine répressive ne lui est applicable, si ce n’est le refoulement immédiat dans son pays d’origine.

Le transporteur aura l’obligation d’organiser au plus vite le refoulement de ce “ passager indésirable ” à ses frais, et devra faire en sorte que ce dernier ne s’échappe pas au port d’escale, sinon les autorités locales lui adresseront une amende de 10.000 francs par passager clandestin.En principe, le transporteur assume cette fatalité qu’il doit affronter de plus en plus souvent, mais il se heurte à l’attitude draconienne des autorités portuaires qui consiste presque systématiquement à refuser que le transporteur débarque le clandestin, l’obligeant ainsi à consigner ce dernier à bord au mépris des règles impératives de sécurité et du respect de la dignité humaine.

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PARAGRAPHE I : LES OBLIGATIONS QUI PESENT SUR LE TRANSPORTEUR

En France, ce sont principalement les dispositions du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande et de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, qui appréhendent cette situation.

Ces textes condamnent pénalement les passagers clandestins et leurs complices, et font peser sur l’armateur tous les frais de refoulement hors du territoire. De plus, ces textes prévoient que l’armateur, qui débarque sur le territoire français un étranger démuni de titre de transport et de visa, peut se voir infliger une amende de 10.000 francs par passager clandestin.

L’application de ces mesures montre que les sanctions principalement financières sont axées sur le transporteur.

A - Le clandestin : un délinquant responsable mais pas coupable

Il existe plusieurs textes qui traitent de la situation juridique du passager clandestin maritime et les sources légales sont d’origines diverses car le clandestin à un double statut. D’une part c’est un “ délinquant ” à l’égard du bord du navire, car il s’est introduit frauduleusement à bord sans autorisation et sans avoir payé le prix du billet. Et d’autre part, c’est “ un immigré potentiel ”, car son but est d’entrer sur le territoire de façon irrégulière.

1)Le clandestin est “ un délinquant ” à l’égard du bord :

Selon le Doyen RODIERE, “ le délit d’embarquement clandestin est constitué par le fait de s’introduire frauduleusement sur un navire pour accomplir une traversée sans conclure de contrat de transport et payer le prix du passage ”. Ce délit est prévu et réprimé par l’article 74 du CDPMM qui dispose que :

“ Toute personne qui s’introduit frauduleusement sur un navire avec l’intention de faire une traversée de long cours ou de cabotage international, est punie d’une peine d’amende de 60 à 15.000 francs et d’un emprisonnement de six jours à six mois ou de l’une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, l’amende sera de 1.800 francs à 16.000 francs et l’emprisonnement de six mois à deux ans…Les frais de refoulement hors du territoire des passagers clandestins de nationalité étrangère sont imputés au navire à bord duquel le délit a été commis ”.

Aux termes de cet article, le clandestin risque une peine principale d’emprisonnement de six jours à six mois et une amende de 60 à 15.000 francs. De plus il est passible

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d’une peine complémentaire qui consiste au refoulement du clandestin vers son port d’embarquement aux frais de l’armateur.

Mais dans la situation des clandestins, l’application de la peine principale paraît utopique. Prononcer une amende envers une personne qui est totalement insolvable ne sert à rien. Quant à la peine d’emprisonnement, elle est trop courte pour être dissuasive, et trop dangereuse pour les autorités, car pendant le temps d’incarcération, les clandestins feront vite des connaissances qui pourront les aider à sortir ou qui les aideront à demander le droit d’asile (comme les associations humanitaires).

2)Le clandestin est un “ immigré potentiel ” à l’égard de l’Etat :

Selon l’ordonnance du 2 novembre 1945, “ l’étranger qui pénètre en France sans remplir les conditions prévues à l’article 5 de ladite ordonnance commet l’infraction d’entrée frauduleuse sur le territoire français prévu par l’article 19 de la même ordonnance ”.

Aux termes de cet article, le clandestin qui entre sur le territoire français par voie maritime commet l’infraction prévue à l’article 19 de l’ordonnance. Cette infraction est entamée dès que le navire sur lequel il se trouve pénètre dans les eaux territoriales françaises.

Mais les autorités françaises ont inventé une “ fiction juridique ” qui consiste à dire que le clandestin qui reste à bord d’un navire battant pavillon étranger, même dans les eaux territoriales françaises, est hors du territoire français. En quelque sorte, le clandestin qui reste à bord du navire, n’entre pas sur le territoire français et ne commet jamais l’infraction prévue à l’article 19 de l’ordonnance du 2 novembre 1945. Cependant, le clandestin reste “ un immigré potentiel ” et sa situation doit être rapidement réglée. C’est pourquoi les autorités imposent au transporteur de refouler au plus vite le clandestin vers son port d’embarquement.

B – Le transporteur, un responsable désigné de plein droit

Le législateur considère que le transporteur a commis une faute dans l’exécution de son obligation de surveillance à l’embarquement, par conséquent il est pleinement responsable de son “ passager indésirable ”.

En effet, selon l’ article 74 du CDPMM, “ les frais de refoulement hors du territoire des passagers clandestins de nationalité étrangère seront imputés au navire à bord duquel le délit a été commis ”.

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L’article 35ter de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ajoute que “  l’entreprise de transport qui l’a acheminé est tenue de ramener à ses frais cet étranger au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ”.

De plus l’article 20 bis de l’ordonnance, prévoit que “ l’entreprise de transport sera tenu de payer une amende de 10.000 francs par passager clandestin, si elle laisse débarquer sur le territoire français un étranger qui ne remplit pas les conditions d’admission ”.

D’après ces articles, le transporteur devra donc prendre en charge son passager afin de pouvoir le débarquer au prochain port d’escale en vue de son rapatriement. La responsabilité du transporteur maritime conduit également à mettre à sa charge les frais de rapatriement des clandestins.

Mais comme nous le verrons, les autorités du port d’escale refusent de laisser débarquer le clandestin, même avec des papiers en bonne et due forme. Cette attitude oblige les transporteurs à consigner les clandestins à bord et continuer leur voyage au mépris de toutes les règles de sécurité et du respect de la dignité humaine.

1) La faute implicite du transporteur

Le capitaine, c’est à dire le préposé de l’armateur, est responsable de tout ce qui se passe sur son navire et doit veiller à la circulation des personnes. Donc si un clandestin arrive à se cacher à bord du navire, c’est que le capitaine a commis une faute dans l’exercice de son obligation de surveillance et qu’il n’a pas pris toutes les précautions pour empêcher la présence du clandestin à son bord. D’ailleurs, le ministère de l’intérieur, ainsi que les P&I Clubs qui couvrent les risques clandestins, demandent au capitaine d’être très vigilant et d’effectuer une ronde afin de détecter si des clandestins se sont caché à bord.

Cependant la responsabilité du transporteur ne sera engagée qu’à l’arrivée du navire dans un port, et selon le pays, ces mesures seront plus ou moins sévères.Dans les ports français, le capitaine en tant que gardien de son navire doit veiller à ce que le clandestin ne s’échappe pas du bateau. Les autorités portuaires françaises infligeront une amende au transporteur uniquement si le clandestin a réussi à s’échapper.

En revanche dans beaucoup d’autres pays, les autorités publiques font peser sur le capitaine une obligation de résultat ; tout navire qui entre au port avec un clandestin à bord sera sanctionné d’office. Par exemple en Grande Bretagne, le transporteur devra payer une amende de 2.000 Livres. En Grèce, le transporteur devra déposer une garantie bancaire de USD 2.000 par clandestin.

Si les autorités publiques font peser toute la responsabilité du clandestin sur les épaules de l’armateur, c’est qu’elles veulent l’inciter à renforcer les contrôles au moment de l’embarquement. Mais cette politique répressive est un peu dure, car elle sanctionne

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l’armateur qui n’a pas pris toutes les précautions pour éviter que les clandestins montent à bord, or “ quand on connaît les conditions de sécurité et de surveillance dans les ports du tiers monde, on impose au transporteur une tâche surhumaine ”.

2) L’obligation de refouler le passager clandestin

Il appartient au transporteur de s’occuper du rapatriement de son clandestin. Il devra pour cela mettre très rapidement en marche la procédure de refoulement qui consiste dans un premier temps à connaître les origines du clandestin pour que les autorités diplomatiques de son pays lui fournissent un laissez- passer temporaire, et dans un deuxième temps à débarquer le clandestin pour le rapatrier par avion ou par bateau.

Etablir l’identité du passager clandestin :

Dès que le capitaine a connaissance de la présence des passagers clandestins à bord, il en informera l’armateur, lequel contactera son P&I Club afin que celui-ci demande à ses correspondants locaux d’intervenir.

Pour que le rapatriement soit possible, il faut identifier le passager clandestin, et s’assurer qu’il est ressortissant du pays vers lequel on le renvoie. Cette étape n’est pas la plus facile, et peut prendre du temps car le plus souvent les clandestins n’ont pas de papiers sur eux et ne sont pas très coopératifs. Cette procédure d’identification peut se faire en deux phases : soit pendant la traversée, soit si la première phase n’est pas satisfaisante, à l’arrivée du navire au port.

Pendant la traversée, c’est le capitaine qui est chargé de réunir le plus d’informations sur les clandestins, il doit les interroger, les fouiller et leur faire remplir un questionnaire très détaillé sur leur origine. Si le navire est équipé d’un telex, d’un fax ou d’un téléphone, le capitaine pourra interroger les passagers clandestins en liaison téléphonique avec différents consulats.

A l’arrivée du navire au port, c’est le correspondant local du P&I Club qui montera à bord et qui procèdera à un interrogatoire précis pour déterminer la nationalité du passager clandestin. Une fois établie, l’ambassade ou le consulat voudra vérifier la nationalité de son ressortissant. Pour cela, le consulat pourra envoyer un agent diplomatique à bord pour interroger lui même les clandestins, sinon le correspondant local du P&I Club organisera un entretien téléphonique entre le clandestin et le consulat. On lui posera des questions très précises sur son pays, comme des noms de rues ou le dialecte parlé dans son pays. Souvent le consulat vérifiera si le clandestin connaît une seconde langue, comme l’anglais, le portugais ou le français, car avant l’indépendance, les colonies Africaines était partagées entre les pays du Commonwealth, le Portugal et la France et les résidants des anciennes colonies sont censés avoir des notions d’une de ces langues.

Après cet entretien, si le consul confirme la nationalité du passager clandestin, le consulat ou l’ambassade lui procurera un laissez-passer temporaire.

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Préparer le rapatriement du passager clandestin

Le capitaine devra impérativement informer la police de l’immigration du port vers lequel il se dirige qu’il transporte un passager clandestin. En France, il faudra prévenir la DICCILEC, ancienne Police de l’Air et des Frontières (PAF), qui prendra à l’encontre du clandestin une décision de refus d’entrée sur le territoire.

A l’arrivée du navire au port, les officiers de police monteront à bord pour interroger le capitaine afin de savoir comment il a découvert le ou les clandestins. Ensuite, ils fouilleront les clandestins pour trouver des papiers d’identité et ils inspecteront les lieux de détention des passagers les clandestins.

Pendant la durée de l’escale, les officiers de police exigeront la présence de gardes devant le local où sont enfermés les clandestins et ils auront l’interdiction de sortir. Ainsi la police de l’immigration veut limiter les tentatives d’évasion ou tout contact avec le public, la presse ou les associations humanitaires qui inciteraient les clandestins à demander l’asile politique car dans ce cas la police devra les prendre charge et l’armateur serait libéré.

Le rapatriement qui implique le passage du clandestin en transit dans l’Etat du port pose des problèmes en France, et nécessite la coopération des pouvoirs publics. C’est le cas des rapatriements par avion, qui ne sont pas utilisés par tous les pays. En France, les autorités acceptent de moins en moins souvent ce genre de rapatriement, pour limiter les risques d’évasion.Le rapatriement par bateau est le moyen le plus couramment utilisé, ce peut être le même bateau qui a amené le clandestin, ou un bateau appartenant à un armement différent. On constate un mouvement de solidarité entre armateurs et capitaines, car le problème des clandestins a pris tellement d’ampleur qu’il concerne tout le monde. C’est pourquoi les armateurs acceptent de récupérer quelques passagers clandestins même d’un autre armement.

Pendant longtemps, les professionnels et les pouvoirs publics avaient établi une pratique qui permettait le rapatriement des clandestins. Mais depuis quelque temps cette situation est remise en cause par l'attitude de l'administration française qui refuse de façon presque systématique le débarquement des clandestins, même en transit.

En effet il y a quelques années, la police permettait au transporteur de débarquer le clandestin et de le placer dans un centre de détention. A Marseille, par exemple, on plaçait les clandestins dans le centre de détention d’ARENC, le temps de trouver le moyen de transport qui pourrait les rapatrier.Aujourd’hui, ces centres ne servent plus qu’aux individus en situation irrégulière qui attendent leur expulsion, car la DICCILEC refuse de laisser débarquer les clandestins et exige leur refoulement par le même navire prétextant d’une part, que l’article 35 ter de

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l’ordonnance impose au transporteur de ramener sans délai le clandestin par le même navire, et d’autre part, que l’article 20 bis de la même ordonnance inflige au transporteur une amende de 10.000 francs par passager clandestin qui débarquerait du navire.

Certes le refoulement est à la charge du transporteur, mais l’article 35 ter de l’ordonnance de 1945 n’impose nullement un moyen de transport pour l’exécution de cette obligation. Pour des raisons logiques, le rapatriement ne peut pas toujours se faire par le même navire (sauf si le navire retourne le lendemain dans le même port).

D’ailleurs, l’article 35 quater de l’ordonnance prévoit la mise en place de zones d’attente pour accueillir les “ étrangers non admis à entrer sur le territoire français, en attendant son départ pour un autre pays.  Ces zones sont géographiquement en France, mais juridiquement considérées comme étant hors du territoire français ”.

D’après ce texte, le législateur permet au clandestin de débarquer à certaines conditions. Néanmoins, comme très peu de zones d’attentes ont été crées à ce jour et que les pouvoirs publics refusent de voir débarquer les clandestins, ceux-ci sont consignés à bord des navires dans des conditions qui ne sont pas toujours humaines.

On se demande pourquoi les autorités se bornent à refuser de créer les zones d’attentes prévues par la loi du 6 juillet 1992. Le Ministère de l’Intérieur à fait savoir que ces dispositions ne changeraient en rien le statut des passagers clandestins, et qu’ils resteraient consignés à bord.

Pourtant ces zones ont un statut international, et les étrangers qu’on pourrait y placer ne seraient pas considérés comme des immigrés.

Les armateurs sont conscients des difficultés que posent les clandestins aux Etats, et acceptent de refouler le passager clandestin au plus vite, d’autant plus que l’entreprise de transport doit respecter ses impératifs économiques, et les retards causés par la présence de clandestins se chiffrent vite en millions de francs. Cependant les transporteurs ne peuvent plus accepter la rigidité administrative qui consiste à exiger le refoulement du passager clandestin par le même navire, et à lui interdire de débarquer le clandestin dans une zone d’attente.

PARAGRAPHE II  : DES OBLIGATIONS DIFFICILES A METTRE EN OEUVRE

Il existe une situation complètement paradoxale : d’une part, le transporteur est condamné pour s’être sauvagement débarrassé des clandestins, et d’autre part, quand celui-ci les ramène sains et saufs, les autorités françaises leur interdisent tout débarquement sur le territoire national à des fins de rapatriement.

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Pourquoi l’administration adopte t’elle une situation si paradoxale et si “ Pousse-au-Crime ”. En effet, c’est ce qu’a déclaré le président de l’AFCAN dans un journal suite à l’affaire du “ SAAR BREDA ”:“ En refusant ainsi toute aide aux navigants,  on pousse les esprits faibles à des décisions plus radicales et plus dramatiques. Il s’agit en fait d’une véritable attitude pousse-au-crime ”.

Dans cette affaire le navire “ SAAR BREDA ”, porte-conteneurs battant pavillon d’Antigua, en provenance de Casablanca, se dirigeait vers le port d’Anvers, lorsque l’équipage (composé de sept hommes) a été alerté par des appels provenant d’un conteneur vide qui était arrimé en fond de cale. Eprouvés par le mauvais temps, les cinq clandestins Marocains avaient décidé de se manifester. Tout accès au conteneur étant impossible, le commandant décida, pour des raisons humanitaires, de se dérouter sur Brest, port le plus proche équipé de moyens de manutention appropriés, pour y décharger ses passagers clandestins.Pris en mains par la DICCILEC, les cinq clandestins se sont vus consignés à bord, avec interdiction de débarquer, alors que le commandant était prêt à les rapatrier à ses frais.

Les Affaires Maritimes ont ordonné au commandant d’appareiller, alors que le navire n’était pourvu que de neuf combinaisons de survie pour douze passagers. Le commandant s’est révolté car les autorités l’obligeaient à appareiller avec cinq passagers de trop, alors qu’avec une seule bouée en moins, on l’aurait empêché de partir.

Finalement, avec l’aide des avocats de l’ANAFE les autorités françaises ont laissé le commandant rapatrier les Marocains. Ce qui a coûté à l’armateur la coquette somme de 300.000 francs entre les frais de déroutement, les frais portuaires et les billets d’avion.

On comprend aisément que le transporteur soit tenu de rapatrier le clandestin qu’il a amené, mais l’administration doit l’aider afin que sa tâche soit accomplie au plus vite, plutôt que de retarder cette procédure pénible et coûteuse pour tout le monde.

A – L’attitude critiquée et critiquable de l’Administration

1) La situation avant l’affaire de “ L’ALTAÏR ”

Jusqu’en 1994, il arrivait à la police de laisser des passagers clandestins débarquer sous certaines conditions très strictes, pour qu’ils soient rapatriés par voie aérienne avec la certitude que le rapatriement se passerait sans difficulté. Ainsi il fallait que l’étranger ait expressément accepté son rapatriement, que le consulat ait délivré un laissez-passer, que l’agent de l’armateur ait organisé le retour, c’est à dire qu’il ait réservé les billets d’avion nécessaires, et que le vol parte pendant la durée de l’escale du navire, pour pouvoir y remettre l’étranger en cas de problème. L’étranger était débarqué au dernier moment pour être transféré. Ceci se passait hors de tout cadre légal, comme l’a montré l’affaire de l’Altaïr en avril 1994 à Dunkerque. En effet, l’affaire des clandestins de Dunkerque reste dans les mémoires, vu l’importance médiatique

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qu’elle a prise. “ L’Altaïr, cargo battant pavillon d’Antigua, accoste à Dunkerque, avec à son bord huit Africains embarqués clandestinement à Douala (Cameroun). Le capitaine du navire refuse d’appareiller avec les clandestins à bord, jugeant leur présence trop dangereuse pour l’expédition maritime.Les huit passagers, originaires de l’Angola, du Zaïre, d’Afrique du Sud, du Liberia et du Cameroun demandent l’asile politique. Deux sont hospitalisés, l’un pour l’appendicite, l’autre pour tentative de suicide. Bloqués au fond de la cale du cargo, les six autres reçoivent notification du rejet de leur demande d’asile et du refus d’entrée en France.Les membres du GIGN interviennent et les six passagers sont débarqués pour être hébergés pour le week-end dans la maison des gens de mer à Dunkerque sous la surveillance d’une société de gardiennage privée. L’Altaïr quitte le port le soir même, un accord étant intervenu entre les autorités françaises et l’armateur , aux termes duquel ce dernier s’engage à organiser et à assurer le rapatriement à ces frais. Le lendemain, quatre représentants du SAF ( syndicat des avocats de France), de la Cimade et du Gisti viennent rencontrer les clandestins. Constatant qu’ils sont retenus en dehors de toute mesure légale, dans un lieu privé et sous surveillance privée, ils proposent aux Africains de les suivre et les emmènent à Lille.La presse évoque, dès le lendemain, le “ commando humanitaire ” venu enlever les clandestins. Devant le scandale provoqué par la succession de pratiques illégales initiées par le préfet, le ministère de l’Intérieur annonce, par un communiqué, que tous les Africains sont admis provisoirement à séjourner en France et qu’ils pourront, s’ils le souhaitent, solliciter le statut de réfugié. Le Ministère justifia après coup sa conduite en expliquant qu’il n’y a pas de zone d’attente dans le port de commerce de Dunkerque, que la zone d’attente la plus proche est située à 20 km et que, l’état de la législation ne le permettant pas, le transfert jusqu’à la zone d’attente n’avait pu être réalisé. Le ministère en profita pour annoncer une modification législative qui allait se concrétiser par la loi du 27 décembre 1994.Depuis lors, un arrêté préfectoral a institué une zone d’attente dans le port de Dunkerque, ce qui n’a pas modifié pour autant les pratiques consistant à consigner à bord des navires les passagers clandestins ”.

2) La situation après l’affaire de “ L’ALTAÏR ”

Depuis 1994, les consignes du ministère de l’intérieur sont devenues plus strictes, plus de débarquement ! ! Cette pratique concerne plusieurs centaines de personnes chaque année : 502 à Marseille en 1995 d’après les chiffres de la DICCILEC. Il n’y a qu’à Dunkerque que les passagers clandestins sont désormais systématiquement débarqués et placés en zone d’attente le temps d’escale.

Des formes illégales de privation de liberté 

Les juges des référés ont jugé à plusieurs reprises que cette pratique représentait une voie de fait, car elle était attentatoire à la liberté individuelle des étrangers et qu’elle n’etait prévue par aucun texte. Surtout que les législateurs de 1992 et de 1994, ont élaboré un cadre juridique permettant au transporteur de transférer et de débarquer les clandestins dans les zones d’attente.

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Des formes légales de privation de liberté :

En créant les zones d’attente, le législateur a voulu éviter les consignations sauvages à bord et permettre aux navires qui effectuent un long trajet de ne pas à interrompre leur périple pour ramener un “ passager indésirable ” à son port d’embarquement.

Ces zones d’attente permettent d’accueillir tous ceux qui se voient opposer les cas de l’article 5 et suivant de l’ordonnance de 1945, c’est à dire tous les étrangers qui arrivent en France et qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français. Ces étrangers non admis seront maintenus en zone d’attente le temps strictement nécessaire à leur départ, et les demandeurs d’asile seront maintenus le temps nécessaire à l’examen tendant à déterminer si “ leur demande est manifestement infondée ”.

Par la mise en place des zones d’attente, le législateur pensait solutionner les conflits entre l’administration et les entreprises de transport liés au débarquement des clandestins. D’ailleurs, lors des débats devant l’Assemblée Nationale, le secrétaire d’Etat de l’époque, MJ SUEUR a précisé que ces zones d’attente avaient pour objet de “ combler un vide juridique, une situation de non droit en ce sens que les textes en vigueur ne permettaient pas d’user de mesures de rétention à l’encontre de l’étranger arrivant par bateau et non autorisé à entrer en France ”.

c) Le régime juridique des zones d’attente :

La zone d’attente est installée géographiquement en France, mais juridiquement elle est considérée comme étant hors du territoire. De plus, l’article 35 quater prévoit que si le départ de l’étranger du territoire national ne peut être réalisé à partir du port dont dépend la zone d’attente , il peut être transféré vers toute autre zone d’attente. L’intérêt de la zone d’attente est que le clandestin peut débarquer sur le port sans pour autant entrer sur le territoire français.

La question que l’on peut se poser est de savoir si l’article 35 quater donne une obligation à l’administration de placer les passagers clandestins en zone d’attente.

D’après l’article 35 quater de l’ordonnance, il semble que le placement en zone d’attente ne soit qu’une possibilité pour l’administration. Mais compte tenu des travaux et des textes relatifs aux zones d’attente, on comprend que le législateur a entendu créer ces zones pour combler le vide juridique qui existait en matière de transit des clandestins, et pour mettre fin aux pratiques discrétionnaires de l’administration qui consignait les clandestins à bord. Il semble ainsi logique de penser que la possibilité du maintien en zone d’attente soit en fait une obligation conditionnelle.

Néanmoins ce n’est pas l’avis du Tribunal des Conflits, qui a statué dans son arrêt du 12 mai 1997 que la consignation à bord n’etait pas constitutive de voie de fait, et que l’administration avait le pouvoir de prendre, en vertu de l’article 5 de l’ordonnance, toutes les mesures d’exécution forcée en matière de politique d’immigration.

B – L ‘Administration commet-elle une voie de fait ?

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a) La notion de la voie de fait 

La voie de fait est constituée quand l’administration prend une décision qui porte gravement atteinte à une liberté fondamentale et qui est insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant. Dans ce cas le juge judiciaire est exclusivement compétent pour apprécier si la voie de fait est caractérisée.

La voie de fait est l’un des cas où le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives s’efface. Les pouvoirs du juge judiciaire dans l’activité de l’administration sont largement développés. En effet, ce dernier a la possibilité d’apprécier la légalité de la décision de l’administration et le pouvoir d’y reconnaître les éléments constitutifs de la voie de fait. Il a ensuite le pouvoir d’enjoindre à l’administration d’y mettre fin et de la condamner à réparer le préjudice occasionné.

b)Les fondements de la compétence du juge judiciaire

La compétence du juge judiciaire en matière de voie de fait trouve son fondement dans des textes d’origines diverses.D’abord, l’article 136 du Code de Procédure Pénale prévoit que les tribunaux judiciaires peuvent faire obstacle à l’exécution des décisions de l’administration en cas de voie de fait et dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents.

Ensuite, l’article 66 de la Constitution prévoit lui aussi que “ le juge judiciaire est gardien des libertés individuelles ”, et d’après la jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur la répartition des compétences juridictionnelles, seul le juge judiciaire peut connaître d’une mesure de nature à affecter la liberté individuelle (fût-elle prise pour l’exécution d’une décision relevant de l’exercice d’une prérogative de puissance publique), et seul le juge administratif peut connaître d’une décision administrative telle un refus d’entrée sur le territoire qui relève de l’exercice d’une prérogative de puissance publique. D’après cette jurisprudence, seul le juge judiciaire serait compétent pour contrôler sur la forme et le fond des mesures administratives qui portent atteinte aux libertés individuelles.

Enfin, d’après le Tribunal des Conflits, il appartient à l’autorité judiciaire de statuer sur les conséquences de tout ordre sur les atteintes arbitraires aux libertés individuelles, celles-ci ayant le caractère de la voie de fait.

D’après ces textes, nous pouvons dire que le juge judiciaire est compétent pour constater si l’administration qui ordonne la consignation à bord, alors que cette décision ne se rattache à aucun texte et qu’elle porte atteinte à une liberté individuelle, a commis une voie de fait.

Maintenant que nous connaissons les conditions de la voie de fait et la juridiction compétente en la matière, nous allons essayer d’analyser si la décision de l’administration qui ordonne la consignation à bord des clandestins est constitutive d’une voie de fait.

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La jurisprudence antérieure à l’arrêt du Tribunal des Conflits du 12 mai 1997 : des pratiques illégales et constantes condamnées par les tribunaux 

Saisis en référé à plusieurs reprises depuis juin 1994 sur des affaires de ce type, les tribunaux ont systématiquement constaté que l’administration, prise en la personne du Ministre de l’Intérieur ou du préfet, se rendait coupable de voie de fait, et qu’il convenait d’ordonner que les passagers clandestins soient immédiatement autorisés à débarquer.

Par exemple dans l’affaire du clandestin “ Zito ” du 29 juin 1994, le TGI de Paris a jugé que “ l’autorité administrative ne peut priver temporairement un individu de la liberté d’aller et venir… qu’ainsi l’administration a gravement porté atteinte à la liberté de l’intéressé sans que son action puisse se rattacher à l’application d’un texte législatif ou à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant, et a ainsi commis une voie de fait ”

De même, dans l’affaire des clandestins “ Osas.Ojo ” du 15 février 1995, le TGI de Paris a retenu que “ l’autorité administrative ne pouvait priver un individu de la liberté d’aller et venir que suivant les modalités définies par la loi et s’agissant des étrangers arrivant par voie maritime, en respectant les dispositions de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945… que la consignation à bord du navire a eu pour effet de porter atteinte à leur liberté d’aller et venir hors des prescriptions légales, et de priver les demandeurs de l’exercice de tous les droits qui leur sont reconnus par l’article 35 quater ; dans ces conditions, le maintien à bord constituait une voie de fait à laquelle il fallait mettre fin ”.

L’inexistence juridique de la consignation à bord :

Lorsqu’un étranger arrive à une frontière française par bateau, qu’il soit passager régulier ou clandestin, qu’il soit demandeur d’asile ou non, la seule alternative légale pour le ministère de l’intérieur consiste soit à l’admettre sur le territoire, soit à le placer sans délai en zone d’attente. L’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 semble clair, lorsque l’étranger ne remplit pas les conditions d’admission il est mis en zone d’attente le temps strictement nécessaire à son départ. En effet aucun texte ne permet à une autorité autre que judiciaire de retenir un individu sur un navire, alors que l’article 35 quater de l’ordonnance prévoit une possibilité de maintenir le clandestin en zone d’attente. Toute autre voie ne peut être imposée par l’administration alors même que le rapatriement de l’étranger est pris en charge par l’entreprise de transport.

D’ailleurs le ministère de l’Intérieur n’a jamais fait appel des ordonnances prononcées par les juges des référés invoquant la voie de fait, craignant sans doute que la Cour d’appel ne les confirme. Il reconnaît ainsi que les arguments juridiques qu’il développait pour justifier ses pratiques n’étaient pas fondés.

La thèse de l’avocat du Ministère de l’Intérieur se fondait sur deux arguments. Le premier concernait la théorie de “ l’extra- territorialité ” du navire où se trouvait l’étranger. Selon cette théorie, “ tant que le clandestin restait à bord, l’administration considérait qu’il n’était pas entré sur le territoire français, mais qu’il demeurait sur le territoire du pavillon du navire.

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Or une telle analyse doit être fermement rejetée car elle s’avère foncièrement inexacteDans le principe, il faut considérer que le navire étranger qui pénètre dans les eaux territoriales françaises, entre sur le territoire français, et avec lui toutes les personnes présentent à bord. Dès lors, chacun est pleinement soumis aux dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945. En l’absence d’autorisation d’entrée sur le territoire, le passager clandestin doit être mis en zone d’attente pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Aucune autre solution ne peut lui être imposée par l’administration, sauf pour celle-ci à entacher sa décision d’une illégalité évidente. ”

Le second argument avancé était celui de “ la coutume maritime ”. Toujours dans l’affaire “ Zito ”, l’avocat du Ministère de l’Intérieur plaida devant le juge des référés que “ la coutume maritime prévoyait le maintien du passager à bord ”. Mais cet argument fut rejeté par le juge qui statua que “ seules les dispositions de l’ordonnance de 1945 s’appliquait en l’espèce à l’exclusion de toute coutume maritime alléguée. ”

La pratique de la séquestration à bord passe donc pour un excellant exemple de voie de fait. A plusieurs reprises les juges des référés de la région parisienne ont constaté que l’administration avait porté atteinte à la liberté individuelle des intéressés et que cette atteinte, qui ne trouvait de fondement dans aucun texte, était insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration. En usant de cette pratique, l’administration fait usage d’un pouvoir arbitraire et sort de ses attributions en portant atteinte à la liberté d’aller et venir et en privant l’intéressé de l’éventail de droits et de garanties que la loi a spécialement aménagés à son profit.

En effet, comme le souligne la décision du tribunal administratif de Poitiers du 9 juillet 1997, qui marque un revirement en la matière : “ le placement en zone d’attente est la seule possibilité offerte à l’administration lorsqu’elle décide, comme le lui permet l’article 5 de l’ordonnance, d’exécuter d’office une décision de refus d’entrée sur le territoire…que le maintien forcé à bord constituerait, en tout état de cause, un degré bien supérieur à celui résultant d’un placement en zone d’attente. ”

Dans une affaire similaire à celles précédemment citées, le Ministère de l’Intérieur a contesté l’existence de la voie de fait et a gelé la procédure en élevant le conflit devant le Tribunal des conflits. Ce dernier à rendu, le 12 mai 1997, un arrêt très controversé, dans lequel il nie l’existence de la voie de fait et rejette la compétence du juge judiciaire en refusant d’appliquer l’article 136 du CPP qui interdit à l’administration d’élever le conflit de compétence en matière d’atteinte à des libertés individuelles.

2)La jurisprudence du tribunal des Conflits du 12 mai 1997

Présentation des faits 

Le navire “ FELIX ” appartenant à la société de droit allemand “ Baume & Co Gmbh ” est arrivé dans le port d’escale d’Honfleur dans la nuit du 8 au 9 août ; il devait repartir le 10 vers l’Angleterre. A son bord, il y avait deux clandestins marocains qui avaient embarqué à Ceuta.

Le 9 août, les services de la DICCILEC ont pris contre les deux clandestins une

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décision de refus d’entée sur le territoire français en application de l’article 5 de l’ordonnance. En outre, ils ont fait l’objet d’une décision des autorités locales de l’immigration d’interdiction de débarquement.

L’entreprise de transport a assigné en référés d’heure à heure, le TGI de Paris, en invoquant une voie de fait, résultant de l’atteinte à la liberté individuelle des passagers clandestins et du refus de faire bénéficier des droits et des garanties de l’article 35 quater.

Le préfet de police de Paris à déposé le même jour un déclinatoire de compétence fondé sur la non application en l’espèce de l’article 136 du CPP dès lors qu’il n’y avait pas atteinte à la liberté individuelle, et sur l’absence de la voie de fait.Le juge des référés a rendu son ordonnance le 9 août estimant : “ qu’en refusant de satisfaire aux prescriptions de l’article 35 quater instituant une procédure spécifique de contrôle des étrangers arrivant par bateau, l’autorité administrative locale qui relève hiérarchiquement du Ministère de l’Intérieur a commis un acte insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant. ”

Le Préfet a déposé un déclinatoire de compétence et saisi le Tribunal des Conflits au motif de l’absence de voie de fait. Le Tribunal des Conflits composé à parité égale de conseillers à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat n’a pas pu se départager et ce n’est que présidé du Garde des Sceaux, J.TOUBON, que le tribunal a rendu son arrêt le 12 mai 1997, en retenant le même raisonnement que le Ministre de l’Intérieur, en contestant la compétence du juge judiciaire pour l’attribuer aux juridictions administratives.

Analyse de cet arrêt 

Le Tribunal des Conflits à pris la même position sur le fond que le Ministère de l’Intérieur en niant la voie de fait.

Le Tribunal des Conflits se fonde sur l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 pour nier l’existence de la voie de fait

Le Tribunal considère que la décision de l’administration est une mesure prise dans le cadre des pouvoirs qui lui sont donnés par l’article 5 de l’ordonnance. Selon ces dispositions, le législateur à attribué à l’administration le pouvoir de procéder à l’exécution forcée des décisions d’éloignement et de celles prononçant un refus d’entrée qu’elle est amenée à prendre au titre de la police des étrangers, “ que par suite et à les supposer même illégales, les mesures prises en l’espèce à l’égard des deux marocains n’est pas manifestement insusceptible d’être rattaché à un pouvoir appartenant à l’administration, que ces actes ne sauraient dés lors être regardés comme constitutifs de voie de fait. ”

La motivation fondée sur l’article 5 paraît critiquable. Si cet article permet à l’administration d’exécuter d’office ses décisions, elle doit tenir compte du cadre légal qui existe en matière de privation de liberté des passagers clandestins. En effet, la consignation à bord jusqu’au départ du navire est de nature à compromettre le principe posé par l’article 35 quater qui prévoit de placer les passagers clandestins en zone d’attente. Cet article prend la précaution de définir le cadre légal de la zone d’attente de

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façon à ne pas compromettre les droits et les garanties dont jouissent les étrangers.Elle met aussi en cause le principe posé par l’article 35 ter de l’ordonnance suivant lequel “ l’entreprise de transport est tenue de ramener sans délai l’étranger au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ”. 

De plus, en refusant de qualifier le maintien à bord de voie de fait, le Tribunal rejette la compétence du juge judiciaire en la matière et confie au juge administratif le pouvoir d’apprécier si son acte est légal ou pas. En fermant le recours au juge des référés judiciaire, qui aurait pu prononcer une injonction à l’administration, il ferme la possibilité aux intéressés d’avoir recours à une justice rapide. Aussi, en l’absence de cette voie de recours qui permettait au juge judiciaire de donner des injonctions à l’administration dans des brefs délais, il ne reste plus grand choix au plaideur si ce n’est d’attendre la condamnation de ce genre de comportement par un tribunal administratif, ce qui peut prendre beaucoup plus de temps.

Le Tribunal des Conflits rejette la compétence du juge judiciaire en refusant d’appliquer l’article 136 du CPP

Le Tribunal considère que “ les dispositions du Code de Procédure Pénale, donnant compétence au juge judiciaire dans tous les cas d’atteinte aux libertés fondamentales, ne sauraient être interprétées comme autorisant les tribunaux judiciaires à faire obstacle à des décisions prises par l’administration en dehors des cas de voie de fait ”. Les dispositions de l’article 136 du CPP sont pourtant très claires, elles stipulent que dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l’autorité administrative, les tribunaux de l’ordre judiciaire étant toujours exclusivement compétents.

En refusant d’appliquer cet article, le Tribunal des Conflits écrase littéralement la compétence du juge judiciaire en matière d’appréciation de voie de fait. Mais le Tribunal des Conflits a toujours réduit la portée de cet article, en effet “ ni les termes absolus de l’article 136 du CPP, ni son esprit, n’ont empêché le Tribunal des conflits de limiter l’étendue de la compétence judiciaire ”.

Comme le fait d’ailleurs remarquer le Conseiller à la Cour de Cassation M. Pierre SARGOS dans son rapport, “ peu d’articles d’un code ont été aussi ouvertement réduit dans leur portée, si ce n’est délibérément dénaturés, par la juridiction qui doit en assurer l’application, c’est à dire le Tribunal des Conflits, que l’article 136 du CP ”

De toute évidence, il existe un conflit d’interprétation de l’article 136 du CPP entre le Tribunal de conflits et la Cour de Cassation, laquelle interprète largement la compétence du juge judiciaire en matière de liberté individuelle, notamment concernant la législation des étrangers. On peut le comprendre, car l’article 136 du CPP empiète sur la frontière de la séparation des autorités administratives et judiciaires.

Sur le non-respect de l’article 66 de la Constitution de 1958.

En fermant les voies de recours au juge des référés judiciaires en matière de Libertés Individuelles, le Tribunal des Conflits tourne le dos à l’article 66 de la Constitution. En effet, comme le fait remarquer le conseiller M. Pierre SARGOS dans son rapport :

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“ selon l’article 66 de la Constitution, seul le juge judiciaire est compétent pour toutes les questions relatives à la liberté individuelle. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs montré qu’il existait une  ligne de fracture entre les deux autorités ; d’un côté le juge administratif a compétence pour les décisions de refus d’entrée en France, et de l’autre, seul le juge judiciaire à compétence pour connaître des mesures de contrainte affectant la liberté individuelle pour assurer l’exécution du refus d’entrée ” .

En conclusion

Ces observations amènent à penser que la consignation à bord est non seulement illégale mais encore insusceptible de se rattacher aux pouvoirs conférés par la loi à l’administration. La voie de fait est bien caractérisée ! ! !

En effet, si le capitaine du navire a le pouvoir d’incarcérer le passager clandestin pendant la traversée, c’est parce qu’il à obligation d’assurer la sécurité de l’expédition maritime, des biens et des personnes à bord. Cependant, le pouvoir de priver le clandestin de sa liberté d’aller et venir est limité dans le temps et dans l’espace et se borne à assurer la sécurité pendant la traversée lorsque l’individu est en situation infractionnelle. D’ailleurs, l’atteinte à la liberté individuelle est passible de poursuites pénales, et l’article 432-4 du NCP pourrait être utilisé pour faire évoluer les pratiques de l’administration.Cet article prévoit également des peines de prison et d’amende à l’encontre de la personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service publique qui, ayant connaissance d’une privation de liberté illégale, “ s’abstient volontairement soit d’y mettre fin si elle en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de provoquer l’intervention d’une autorité compétente ”.

Dans le milieu judiciaire, cet arrêt à fait beaucoup de bruit : en effet lors de l’étude de cet arrêt au Tribunal des Conflits, le conseiller à la Cour de Cassation, P. SARGOS à démissionné de la juridiction paritaire en réclamant qu’elle soit dorénavant présidée par le Président du Conseil Constitutionnel. Dans une lettre qu’il a adressée au premier président de la Cour de Cassation, Pierre TRUCHE, il explique que pour mettre fin à ce qu’il appelle “ une survivance d’une forme de justice retenue ”, le Tribunal de Conflits devraient être plus impartial.

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SECTION II : LE TRANSPORTEUR RESPONSABLE DES DOMMAGES ET DES CONSEQUENCES FINANCIERES.

La responsabilité du transporteur maritime qui amène à son bord des passagers clandestins signifie non seulement qu’il est tenu de les rapatrier sans délai, mais aussi qu’il est tenu d’assumer toutes les conséquences de leur présence à bord. Pendant la traversée, les passagers clandestins peuvent endommager la marchandise, le navire peut prendre du retard. Tous ces désagréments se chiffrent vite en millions de dollars.

C’est ce que nous allons étudier, d’une part en envisageant la responsabilité du transporteur à l’égard de ses cocontractants, et d’autres part en examinant toutes les conséquences financières qui sont à la charge du transporteur.

PARAGRAPHE I : LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR A L’EGARD DE SES COCONTRACTANTS

A) Dommages causés à la marchandise

Quand le passager clandestin cause un dommage à la marchandise, il appartient au transporteur d’en réparer l’entier dommage, car sa responsabilité est engagée de plein droit. Ces dommages peuvent être causés volontairement quand les passagers clandestins détruisent la marchandise pour se nourrir, se chauffer, ou involontairement quand malheureusement ces derniers décèdent pendant la traversée et que leur corps restent au contact de la marchandise jusqu’au débarquement.

En effet, ce fut le cas dans une affaire rapportée par la Chambre Arbitrale de Paris, du 24 octobre 1997, où les dommages à la marchandise avait été causés par les corps décomposés de deux clandestins qui se trouvaient avec la cargaison.

“ Le navire D était arrivé au port de Casablanca avec une cargaison de son en pellets en vrac qu’il avait chargé dans les ports de Cotonou. A l’ouverture de la cale n°1, “ les corps décomposés de deux passagers clandestins étaient découverts au sommet de la marchandise ”. Les clandestins étaient morts asphyxiés suite à la fumigation de la marchandise. L’Administration marocaine ordonna alors de stopper le déchargement et ordonna le rembarquement de la marchandise qui venait d’être déchargée depuis la cale n°2, le scellement des cales, la mise en bière des deux corps et le départ immédiat du navire.

Le navire s’est rendu à Gibraltar où la marchandise fût déchargé et la partie contaminée fût détruite. Le restant fut revendu à perte par son destinataire, lequel engagea une action en responsabilité contre le transporteur aux motifs que le transporteur avait commis une faute dans la surveillance de son navire, ce qui a permis au clandestin de monter à bord.

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Le transporteur pour sa défense a retenu que le comportement des autorités marocaines caractérisait pour lui “ un fait du prince ”, qui est un cas excepté prévu par la Convention de Bruxelles de 1924.

Le tribunal a retenu le fait du prince, mais ce cas ne permet d’exonérer le transporteur que s’il est la seule cause du dommage. Or pour ce transport ce n’était pas le cas, car la présence des passagers clandestins à bord était du à une mauvaise surveillance du capitaine.

La question posée aux arbitres était la suivante : lorsque le dommage est la conséquence d’un fait du prince, cas excepté prévu par la convention de 1924, et d’une faute du transporteur, faut-il pleinement exonérer le transporteur ou faut il procéder à un partage de responsabilité ?

Ici le tribunal a statué sur la responsabilité totale du transporteur : considérant que c’est parce que le transporteur avait “  d’abord commis une faute de surveillance dans son navire, que l’administration marocaine avait interdit le déchargement de la marchandise. Le cas excepté n’était que la conséquence du manque de diligence du transporteur, raison de plus pour le déclarer complètement responsable.

B : Le partage de responsabilité en cas de charte partie

L’utilisation de la charte-partie permet de partager les responsabilités entre les deux parties cocontractantes en fonction de leurs obligations. En effet, on sait que dans les contrats d’affrètements, le fréteur et l’affréteur se partagent les responsabilités. Par exemple dans la charte-partie à temps, l’affréteur conserve en général toutes les responsabilités liées à l’exploitation commerciale du navire et l’armateur toutes les responsabilités liées à l’exploitation nautique du navire.

Il existe des chartes-parties à temps qui déterminent les responsabilités entre l’armateur et l’affréteur suivant qui à la charge des opérations qui ont permis aux clandestins de monter à bord. Ces clauses ont été insérées dans les chartes-parties pour protéger l’armateur des réclamations pouvant lui être opposées pour des dommages causés par des passagers clandestins et dont il n’était pas responsable. En effet un armateur s’était vu réclamé une réparation pour des dommages causés par un feu que des passagers clandestins colombiens avaient allumé pour se réchauffer, car ils voyageaient dans une cale réfrigérée transportant des bananes. La Cour Américaine refusa de condamner l’affréteur et le juge statua que si l’armateur voulait que l’affréteur puisse être tenu responsable pour une mauvaise surveillance pendant le chargement, il lui appartenait de faire inclure une telle clause dans la charte-partie.

Ainsi, on peut insérer des clauses concernant les clandestins dans différentes chartes-parties ; comme par exemple dans la SIVOMAR ou la NEW YORK PRODUCE EXCHANGE. Selon ces clauses, l’affréteur sera tenu de surveiller les marchandises qu’il transporte (conteneurs, remorques..), et sera responsable des clandestins qui se seront servis de la marchandise pour monter à bord. Quant à l’armateur, il sera tenu

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responsable des clandestins qui se seront servis de son navire et de tous les éléments qui le composent pour monter à bord (puits de chaîne, grues…).

Charte Partie SIVOMAR

Dans cette charte partie, on trouve une clause concernant les passagers clandestins, il s’agit d’une clause nommée “ stoaways clause for time charter ”. Celle-ci déclare l’affréteur responsable des passagers clandestins qui ont accédé au navire en se cachant dans la marchandise et /ou dans les conteneurs transportés par l’affréteur.

On considère que si les clandestins ont réussi à monter à bord, c’est que l’affréteur a commis une faute dans l’exécution de son obligation de diligence.La clause va même jusqu’à prévoir que le propriétaire du navire pourra être indemnisé par l’affréteur pour des dommages causés par les passagers clandestins, alors qu’il n’était pas responsable de leur présence à bord. Il pourra même demander à l’affréteur de lui rembourser les dépenses occasionnées par la perte d’exploitation due au retard qu’a pris du navire.

Quant à l’armateur, il sera responsable lorsque les passagers clandestins sont montés à bord en utilisant un autre moyen que la marchandise.

Charte Partie NYPE 1993

La New York Produce Exchange version 1993, est une charte partie à temps qui prévoit dans sa clause n°41 des dispositions relatives aux passagers clandestins. Cette clause dispose que l’affréteur est responsable de l’amarrage et des actions des dockers.

Ainsi dans une affaire qui s’est déroulée aux Etats-Unis, les passagers clandestins s’étaient caché dans un cargo transportant des fèves de cacao. Ils étaient montés à bord avec l’aide des dockers, et pendant la traversée ils avaient endommagé la cargaison. La Cour Américaine du District de l’est de la Louisiane à considéré qu’en vertu de cette clause, l’affréteur été entièrement responsable des dommages subis par la marchandise et qu’il devait rembourser le destinataire. En effet, selon cette clause, l’affréteur était responsable du travail des dockers, et dans la mesure où ces derniers avaient aidé les passagers clandestins a monter à bord, il devait endosser la responsabilité.

Il existe d’autre chartes-parties qui prévoient le même genre de clause avec quelques variantes.

PARAGRAPHE II : LES CONSEQUENCES FINANCIERES SUPPORTEES PAR LE TRANSPORTEUR

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La présence des passagers clandestins entraîne des conséquences financières très lourdes pour le transporteur. Les frais engagés par le transporteur peuvent être la conséquence directe de leur présence mais aussi la conséquence indirecte.

A : l’assistance P&I CLUB

Le Club de Protection de l’armateur, ou le Protecting and Indemnity Club (P&I CLUB), par son système mutualiste garantit l’ensemble des risques encourus par le navire.Il couvre par conséquent les risques des passagers clandestins ; il suffit pour cela de lire les règles des différents clubs, qui prévoient chacun de rembourser l’armateur pour les fais raisonnablement engagés pour les passagers clandestins.

Chaque P&I Club travaille avec une multitude de correspondants, qui ont le statut d’agent mandaté par le Club. Les correspondants de Clubs permettent de représenter et de défendre les intérêts des Clubs et de leurs clients dans tous les ports du monde. A Marseille, il y a trois correspondants. Le plus réputé est la société Eltvedt & O’Sullivan.

En principe se sont les agents locaux des P&I Clubs qui se chargent de la procédure de rapatriement des passagers clandestins. Cette procédure prend beaucoup de temps en déplacement, et en négociations avec les différents intervenants (autorités administratives locales, ambassades ou consulat, agences de voyages).

Il faudra rémunérer l’agent pour son assistance et notamment pour le temps qu’il lui aura fallu pour établir les laissez-passer. De même, il faudra lui rembourser les frais occasionnés par ses déplacements. L’ambassade voudra vérifier l’identité  des ressortissants et demandera à l’agent d’organiser un rendez-vous avec un diplomate ou de se rendre à l’ambassade pour venir chercher les documents.

La note de l’assistance du P&I Club et celle de son correspondant dépendra du nombre d’heures passées sur chaque dossier.

B : Les frais de refoulement

Outre les frais d’assistance du P&I Club, le transporteur devra prendre à sa charge tous les frais engagés pour le refoulement des passagers clandestins. On peut classer ces frais en différentes catégories. Comme les frais principaux liés aux démarches du correspondant, ou comme les frais occasionnés pour les passagers clandestins.

En ce qui concerne les frais principaux, ils sont liés aux démarches du correspondant. Il faudra lui rembourser toutes les dépenses qu’il aura engagées, comme les rémunérations du traducteur, les frais de communications diverses (téléphone avec l’étranger, télex, fax avec le bord…), les frais d’établissement du dossier de rapatriement (photos, passeports), les billets d’avion pour les déplacements d’agents à l’ambassade, les billets de retour pour les clandestins et leurs escortes.

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De même, le correspondant engagera des dépenses pour les clandestins. Il s’agira des frais d’escorte depuis le début de la durée d’escale jusqu’au rapatriement des passagers clandestins (le transfert à l’aéroport, surveillance durant le trajet). Des frais vestimentaires, car les compagnies aériennes ne les accepteront que s’ils sont habillés correctement. Des frais d’hébergement et de nourriture, des frais médicaux pouvant aller de la simple visite chez le médecin aux frais d’hospitalisation ou de rééducation. Par exemple ; un clandestin qui souffrait de troubles mentaux dû à sa détention et à sa toxicomanie avait subi un traitement dans un hôpital psychiatrique. Le transporteur avait dû payer son hospitalisation et l’ensemble des frais prescrits par le médecin. Le clandestin à été ramené tout frais payés et en bonne santé.

Ensuite, le transporteur devra payer les amendes infligées par l’Etat du port d’escale où il se trouve. Le montant de ces pénalités est variable selon le pays où le transporteur fait escale.En France si le transporteur laisse débarquer le clandestin ou si ce dernier s’évade la DICCILEC établira un procès verbal au transporteur lui ordonnant de payer une amende de 10.000 francs par passager clandestin débarqué.

A l’étranger, par exemple en Grèce, le capitaine doit déposer aux autorités portuaires une garantie bancaire de USD 2.000 par clandestin qui pourrait quitter le navire et vont même jusqu’à interdire au navire d’appareiller tant que les mentions de la lettre de garantie n’ont pas été produites.

En Espagne, les autorités prévoient une lourde amende (USD 250.000) en cas d’évasion et en cas de complicité avec le capitaine.

En Australie, lorsque le transporteur a un passager clandestin à bord et qu’il entre dans le port il doit en informer le département de l’immigration, à défaut le capitaine commet un délit. Si le transporteur a prévenu la police du port et qu’il ne commet pas de négligence il aura rarement d’amende.

Aux USA, les autorités imposent au transporteur de rapatrier sans délais le passager clandestin. Si le transporteur ne rapatrie pas le passager clandestin alors que l’INS (immigration and naturalisation service) lui en donne l’ordre il aura une amende USD 3.000.

Enfin, en ce qui concerne les frais annexes, il faudra payer les heures supplémentaires de travail effectué par l’équipage (fouille à bord, garde pendant la traversée, repas supplémentaires à préparer). Les achats d’équipements de sauvetage quand le nombre de passager est important . La réparation du matériel endommagé par les clandestins, l’hébergement à terre, les frais dû au déroutement volontaire du navire en vue de provoquer le débarquement anticipé des clandestins qui se trouvent coincés dans des containers en fond de cale. Les frais d’exploitation commerciale suite à une saisie du navire.

C : Les frais résultant de l’immobilisation du navire

Lorsque les autorités refusent de laisser débarquer les passagers clandestins, il arrive que le navire reste à quai le temps que l’agent régularise la situation.

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Lorsque les passagers clandestins sont rapatriés par avion, les autorités imposent au navire de rester à quai tant que les clandestins n’ont pas quitté le sol français. Cela pour s’assurer que le navire puisse récupérer ses passagers en cas de problème.

En effet, les passagers clandestins qui sont rapatriés par avion font tout pour retarder leur départ : ils créaient des émeutes à l’aéroport afin que les compagnies aériennes ne les acceptent pas. Il est arrivé que les clandestins se déshabillent, qu’ils fassent leur besoins dans la salle d’embarquement devant tous les passagers. Pour éviter ce genre de situation, les agents du P&I Club leur proposent de leur donner de l’argent pour qu’ils se tiennent bien (les agents font en sorte de choisir des petites compagnies aériennes qui sont moins exigeantes que les grosses, comme par exemple Air France ).

Tous ses désagréments font perdre beaucoup de temps au transporteur, lequel doit respecter des impératifs économiques. Ces retards auront des répercussions importantes sur les pertes d’exploitation commerciale (frais portuaires, frais de combustibles en cas de détour, frais d’immobilisation du navire, retard à la livraison de la marchandise, ou du navire en cas d’affrètement au voyage ou à temps), la facture se chiffre vite en million de dollars.

Chaque frais ainsi énuméré doit être multiplié par le nombre de passager clandestin, ce qui représente des sommes énormes, d’autant plus que la garantie Club prévoit en général une somme forfaitaire, environ 25.000 francs par passager clandestin, et le supplément sera payé par le transporteur.

Nous citerons comme exemple la facture concernant les clandestins du UK P&I Club pour l’année 1996-97 qui s’élève à 1,6 million de Dollars.

Trouver des solutions aux problèmes des passagers clandestins semble un peu utopique. A vrai dire il n’y a pas de solution radicale, si ce n’est trouver un moyen de fixer les populations chez elles en aidant les pays en voie de développement à sortir de leur misère. Mais en vertu du principe de non-ingérence, il ne nous appartient pas de résoudre leurs conflits civils, religieux ou ethniques.

Ceux ne sont pas de véritables solutions dont nous allons parler dans cette partie, mais plutôt des méthodes qui peuvent permettre de mieux gérer les problèmes liés aux passagers clandestins. Dans un premier temps, nous étudierons les textes internationaux qui existent pour le moment sur le débarquement des passagers clandestins et sur les responsabilités des divers intervenants. Puis, nous étudierons les moyens juridiques et les mesures préventives qu’il nous faudrait exploiter afin de résorber le problème à la source.

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Deuxième Partie :Des solutions à la Clandestinité

Maritime

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CHAPITRE I - L’URGENCE D’UNE CONVENTION INTERNATIONALE

Les armateurs de navire ne font que subir des réalités politiques et économiques sur lesquelles ils n’ont plus de prises. Il semblerait donc plus cohérent et surtout moins injuste, de confier aux Etats le soin et la charge d’assumer une partie de ce problème.

L’adoption d’une Convention internationale sur cette question mériterait une attention particulière. Il existe déjà un texte international du 10 octobre 1957 sur le statut des passagers clandestins, mais cette Convention était trop contraignante à l’égard des Etats, et n’est jamais entrée en vigueur. En effet, elle avait surtout mis l’accent sur le côté humanitaire et permettait d’éviter les pratiques abominables perpétuées sur certains navires contre “ ces passagers de la misère ”. Elle avait en revanche l’inconvénient de déresponsabiliser les navigants.

L’élaboration d’une nouvelle Convention établissant un statut “ réaliste ” serait un progrès pour tous, et surtout pour les navigants, les armateurs et les clandestins. Nous espérons ainsi que le “ code de conduite ” élaboré en 1992 par l’Organisation Maritime Internationale puisse aboutir sur une Convention Internationale.

SECTION I : LA CONVENTION DE BRUXELLES DU 10 OCTOBRE 1957

Cette Convention dite de Bruxelles réunit neuf Etats, la Belgique, la Finlande, la Suède, le Danemark, la Grèce, l’Italie, la Norvège, le Pérou, la Suisse. Mais elle n’est jamais entrée en vigueur et ne le sera jamais. Ses objectifs humanitaires l’ont rendue irréaliste, en obligeant les Etats à accueillir, sauf dans quelques cas très limités, tout passager clandestins. Ce texte entrait alors en conflit avec les législations nationales sur l’immigration.

PARAGRAPHE I : UNE CONVENTION MORT NEE

A : Présentation de cette Convention

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Cette convention internationale sur les passagers clandestins a été signé à Bruxelles le 10 octobre 1957. Elle fut l’œuvre de l’Organisation Maritime Internationale.Elle est la preuve d’une prise de conscience des Etats à vouloir s’unir pour mieux affronter le problème des passagers clandestins ; d’ailleurs, l’objectif recherché par ses rédacteurs était d’établir un texte international définissant un régime unique pour le traitement des passagers clandestins. Seulement cette convention n’est jamais entrée en vigueur.

En effet, elle prévoyait d’entrer en vigueur six mois après sa ratification par dix Etats. Or, trente-huit ans plus tard, elle n’a été ratifiée que par neuf Etats. Tous les autres Etats ont refusé d’accepter les obligations qu’elle leur imposait.

Sans valeur juridique, la Convention internationale sur les passagers clandestins n’a pas force contraignante.

B : Le contenu de cette Convention

Son but était de mettre un terme à l’état de fait qui obligeait les armateurs à garder à bord de leur navire des passagers qui s’y étaient embarqués à leur insu. Pour répondre aux problèmes que rencontraient les capitaines de navire, les rédacteurs ont tenté d’assurer aux capitaines la possibilité de se débarrasser des clandestins, et d’obtenir que ceux-ci n’atteignent pas leur but. Le capitaine devait pouvoir débarquer les passagers clandestins au premier port touché après que ceux-ci aient été découvert, ou pouvoir les débarquer dans le port d’embarquement s’ils étaient découvert alors que le navire été toujours au port. L’Etat vers lequel ces clandestins étaient renvoyés été tenu de les accepter.

1)L’Obligation du port de débarquement : (Article 2)

Tout d’abord la Convention prévoyait dans son article 2 que le premier port touché par le navire après la découverte du passager clandestin devrait le recevoir. En effet, ces dispositions mentionnées que  “ si au cours d’un voyage d’un navire…un passager clandestin était découvert, le capitaine du navire pourrait le livrer à l’autorité compétente du premier port d’un Etat contractant où le navire faisait escale après sa découverte… Sauf si le passager clandestin était sous le coup d’une mesure antérieure individuelle d’expulsion ou de refoulement, l’autorité compétente de tout port d’un Etat contractant devrai recevoir le clandestin qui lui était livré, conformément aux dispositions de cet article ”.

Ensuite, la Convention prévoyait que cet Etat devait s’occuper du rapatriement du passager clandestin. Bien que les frais de rapatriement restaient à la charge de l’armateur, “ l’autorité compétente pouvait renvoyer le clandestin qui lui était remis à tout Etat dont elle estimait à la fois qu’il était un national et que cet Etat le reconnaissait comme tel… ”.

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2) La garantie que l’un des pays signataires recevrait le passager clandestin.  (Article 3)

D’après l’article 3, les pays signataires seraient alors, dans l’un ou l’autre des cas, obligés de recevoir le passager clandestin. Cet article établissait la liste chronologique des Etats qui devaient recevoir le passager clandestin. La liste est la suivante :

- l’Etat de la nationalité du clandestin, ou si elle n’est pas connue :- l’Etat du port où le clandestin à embarqué, ou s’il n’est pas connu :- l’Etat du dernier port d’escale avant le découverte de clandestin, ou s’il n’est pas connu :- l’Etat du pavillon du navire concerné par le clandestin.

3)Une coopération pour déterminer la nationalité du clandestin : (Article 2)

L’article 2 prévoyait aussi que lorsque le capitaine remettrait le passager clandestin aux autorités du port d’escale, il devrai leur remettre “ une déclaration signée contenant toutes les informations en sa possession concernant ce passager clandestin et notamment sur sa, ou ses nationalités, son port d’embarquement, la date, l’heure ou la position géographique du navire lorsque le passager clandestin a été découvert, ainsi que les mentions du port de départ du navire et des ports d’escales subséquents avec les dates d’arrivées et de départs ”. Grâce à ces renseignements, les autorités de l’Etat d’accueil étaient tenues de renvoyer le passager clandestin vers l’Etat qui lui semblerait le plus approprié.

3) La solution aux frais d’entretien : ( L’article 4)

L’article 4 disposait que les frais d’entretien des passagers clandestins resteraient à la charge du propriétaire du navire pendant seulement trois mois ; ce qui sous-entend que les frais supplémentaires seraient à la charge du pays d’accueil.

4) La question des réfugiés : (l’article 5)

L’article 5 disposait en son deuxième alinéa que le capitaine et les autorités compétentes du pays d’accueil “ tiendraient compte des motifs que le passager clandestin invoquerait pour ne pas être débarqué ou renvoyé dans tels ports ou tels Etats mentionnés à la présente Convention. ”

Cette disposition fait apparaître le côté humanitaire de cette Convention en s’intéressant au problème des réfugiés pour lesquels une convention particulière a déjà été prise.

Maintenant que nous avons pris connaissance de toutes les obligations qu’impose la Convention de 1957, on peut se demander pourquoi les Etats assumeraient-ils un fardeau qu’ils ont si bien délégués à des personnes privées ?

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PARAGRAPHE II : LES RAISONS DE SON IMPOPULARITE

A : Elle empiétait sur la Souveraineté des Etats 

Rien qu’en lisant son article 2 on comprend pourquoi cette Convention n’est pas entrée en vigueur. En signant cette Convention, les Etats contractants s’engageaient à accueillir tous les réfugiés qui arrivaient par bateau. L’Etat d’accueil bénéficiait tout de même d’une option ; il pouvait renvoyer le passager clandestin dans son pays d’origine, mais si cet Etat refusait cet individu ou si sa nationalité était inconnue ou incertaine, il pouvait être renvoyé vers l’Etat du port où il avait embarqué, et enfin si ce port n’était pas connu, le dernier recours était de renvoyer le clandestin dans l’Etat du pavillon du navire. Dans tous les cas un Etat non concerné par le clandestin risquait d’être dans l’obligation de l’accueillir. En donnant une obligation aux Etats contractants d’accueillir le passager clandestin dont personne ne voulait, l’article 2 de la Convention portait atteinte à la fois aux lois nationales sur l’immigration des pays développés, mais surtout avait l’audace d’empiéter sur la Souveraineté des Etats.

B: Elle comportait des dispositions inadaptées

Cette convention présentait l’inconvénient de n’aborder que des dispositions relatives au débarquement du passager clandestin. Elle ne prévoyait aucun accord sur la manière dont le passager clandestin serait débarqué, ni comment il serait rapatrié.

a) Elle déresponsabilisait les transporteurs et les capitaines de navire :

Il n’y avait aucune disposition sur le rôle et la responsabilité du capitaine du navire, de l’armateur, de l’Etat du pavillon du navire ou du pays d’embarquement du passager clandestin.

b)Elle ne proposait aucune action préventive :

La Convention se bornait à préciser qui aller récupérer le passager clandestin, et oubliait complètement de traiter le problème à la source. Elle ne prévoyait aucune disposition organisant une action préventive pour une meilleure surveillance des ports et de tous les accès au navire.

c) Elle ne mettait en place aucune sanction :

Elle ne prévoyait non plus aucune sanction en cas de manquement des Etats à leurs obligations. Par conséquent, les Etats restaient entièrement libre d’appliquer ou non ces

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dispositions. Déjà à la base, cette Convention manquait de crédibilité.De même, les rédacteurs n’avaient prévu aucune répression des embarquements clandestins sur le plan international.

Conclusion

Cette Convention était beaucoup trop tournée vers le statut du passager clandestin qui bénéficiait de mesures très humanitaires. Elle renversait aussi les obligations qui pesaient sur l’armateur vers les Etats contractants. Les Etats ont eu peur, ils ont pris la fuite ! ! !Il est dommage que les Etats n’aient pu s’accorder sur un texte international. Aujourd’hui chaque Etat a sa propre politique en matière de clandestin, certaines sont plus dur que d’autres. Même en France, il semble que les autorités administratives du port de Marseille soient plus strictes que celles du Havre.Pourtant le problème des passagers clandestins est avant tout un problème à caractère international. Tant que les Etats ne se seront pas mis d’accord sur une politique de coopération pour favoriser le rapatriement des passagers clandestins ou pour mettre tous ensemble des mesures préventives efficaces, on se heurtera à des conflits d’intérêts entre les administrations et les armateurs.

Ces dernières années l’Organisation Maritime Internationale, qui fait partie de l’ONU, a décidé de mettre en place un “ code de bonne conduite ” sur l’allocation des responsabilités entre les différentes parties concernées par les passagers clandestins, afin de trouver des solutions. Ce code a été mis en circulation dans le monde maritime en janvier 1997 et l’OMI a demandé aux Etats membres d’appliquer ces règles pour une période d’essai de quelques mois. Le 30 juin 1997, l’OMI a demandé aux participants de rendre leur avis sur ce guide, si le rapport final est positif, le Comité de l’OMI adoptera une Résolution visant à conseiller aux Etats membres de l’adopter.

SECTION II : LES REGLES EDICTEES PAR L’OMI

Ces dernières années, les problèmes posés par les passagers clandestins aux armateurs et à leur équipages se sont multipliés. Il est devenu très difficile de pouvoir rapatrier des passagers clandestins car les autorités nationales refusent de plus en plus de les laisser débarquer. L’OMI a donc décidé de se pencher sur le problème et à rédigé un projet de “ règles internationales ” concernant les responsabilités des parties intéressées en cas de présence de passagers clandestins. En janvier 1997, l’OMI a fait passer une circulaire intitulée “ circulaire concernant les directives sur le partage des responsabilités afin de trouver un règlement satisfaisant en cas d’embarquement clandestin ”.

Nous allons voir en quoi ces règles sont différentes de la Convention de 1957, et si elles ont des chances d’être adoptées.

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PARAGRAPHE I : LE CONTENU DE CES REGLES

La circulaire FAL, fait état des préoccupations et de l’urgence exprimées devant l’ampleur du problème.

A – Présentation de la circulaire FAL

L’OMI a fait passer cette circulaire aux gouvernements membres en leur demandant de faire application de ces règles pendant une période d’essai. Si l’expérience se montre satisfaisante, l’OMI adoptera alors une résolution qui officialisera ce “ guide de bonne conduite ”.

Définition du passager clandestin :

Cette circulaire définit le passager clandestin comme “ une personne dissimulée dans un navire ou cachée dans la cargaison chargée ultérieurement, sans le consentement du propriétaire du navire ou du capitaine ou de toute autre personne responsable, qui est découverte à bord après que le navire ait pris la mer, et qui est déclarée être un passager clandestin par le capitaine ou par les autorités compétentes ”.

Le but de la circulaire et ses principes :

Le but de cette circulaire est d’établir un partage astucieux des responsabilités entre les différents protagonistes intéressés par le problème des passagers clandestins. Il appartiendra toujours au propriétaire du navire et au capitaine de résoudre le problème, mais ils n’endosseront plus seuls cette périlleuse mission, car la circulaire met en place une procédure basée sur la coopération de toute les parties intéressées. En effet, la circulaire fait intervenir aussi bien les propriétaires de navire, que les capitaines, les pays d’embarquement, les pays de débarquement, les pays du pavillon, que les pays traversés lors du refoulement.

La circulaire pose différents principes qu’ils seraient intéressant d’évoquer.

Tout d’abord, elle invite le pays concerné à recevoir ses ressortissants ou ses résidents.

Ensuite, elle invite le pays d’embarquement à recevoir les passagers clandestins pour les interroger avant la prise de la décision finale, et demande au pays de débarquement d’autoriser le transporteur à débarquer les passagers clandestins à la condition que celui-ci s’occupe du rapatriement.

Et enfin, elle insiste sur le fait que ces dispositions doivent être appliquées avec le plus grand respect de la dignité humaine et l’intérêt de la sécurité de l ‘expédition maritime.

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B – Les objectifs de la circulaire FAL

Sans reprendre toutes les dispositions de la circulaire, il serait intéressant d’évoquer les lignes directrices.

Les obligations de l’armateur et du capitaine :

Tout d’abord, en ce qui concerne les obligations de l’armateur et du capitaine, il faut se référer aux dispositions de l’article 5.1 et suivant. En effet, le capitaine est tenu de tout faire pour éviter la présence des passagers clandestins. Et si les clandestins arrivent malgré tout à monter à bord, le capitaine devra prévenir le propriétaire du navire, les autorités du port d’embarquement, les autorités du prochain port d’escale et l’Etat de son pavillon. Ensuite, il devra mener une enquête sérieuse pour déterminer l’identité du clandestin, sa citoyenneté et son lieu d’embarquement. Il remplira ainsi la fiche de renseignements indicative qu’il délivrera aux autorités qui établiront les laissez-passer des clandestins. Il devra faire en sorte que ces renseignements parviennent bien aux autorités.

Les moyens de transport pour le renvoi des passagers clandestins :

En ce qui concerne le renvoi des passagers clandestins, il faut se référer à l’article 3.8 qui précise que le renvoi peut se faire par quelques moyens que se soit.

3) Les règles de partage des responsabilités :

Les pays de débarquement sont invités à aider les transporteurs à établir l’identité des clandestins (article 3.1). Ils devront assurer des interrogatoires, autoriser les clandestins à débarquer si le problème n’est pas résolu et que le navire doit appareiller, que les mesures de renvoi sont prises, ou que la présence des passagers clandestins compromet la sécurité de l’expédition maritime. Les pays de débarquement pourront même réduire la somme de la redevance si ils constatent que le propriétaire du navire coopère de façon satisfaisante.

Les pays d’embarquement auront quant à eux, l’obligation d’accepter les passagers clandestins ressortissants ou résidents, les interroger et les mettre en détention quand les clandestins sont découverts avant l’appareillage du navire ou que le navire se trouve encore dans les eaux territoriales.

Le pays dont les passagers clandestins sont ressortissants ou résidents devront accepter de les recevoir.

L’Etat du pavillon est aussi tenu de coopérer, en aidant le propriétaire du navire à établir l’identité des clandestins, notamment en intervenant auprès des autorités

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compétentes pour faciliter leur débarquement au premier port d’escale.

Et pour terminer, les pays de transit sont solliciter à autoriser ces transits sans difficulté.

PARAGRAPHE II : L’AVENIR DES REGLES DE CONDUITE DE L’OMI

Les dispositions suggérées par l’ OMI contribuent en partie à améliorer la situation actuelle, mais la difficile question de leur application reste posée.

En juillet 1997, le comité de l’OMI s’est réuni en Assemblée pour prendre une Résolution afin de la soumettre à l’approbation du Haut Comité. Cette Résolution, incite les Etats membres à adapter leur législation interne aux règles de conduite de l’OMI, afin de faciliter les rapatriements des passagers clandestins. Durant ces débats, plusieurs Etats ont même évoqué le souhait de préparer une Convention Internationale sur la base de ce code. Le Haut Comité n’a pas pu se prononcer encore, mais a fortement incité les parties a contrôler l’efficacité de ces mesures.

Au vu des différents articles qui ont été publié à son sujet, il semble que ce guide de bonne conduite soit bien accueilli dans le monde maritime, et que les intéressés souhaitent le voir aboutir. En effet, ce code offre de mettre en place un consensus international sur le rapatriement des passagers clandestins. Il n’impose rien aux gouvernements, mais leur conseille seulement de suivre une ligne directrice pour faciliter les procédures de rapatriement.Il présente l’avantage de ne pas déresponsabiliser les intervenants du monde maritime comme le faisait la Convention de Bruxelles de 1957, et de mettre l’accent sur la coopération inter étatique afin d’établir plus rapidement l’identité des clandestins et de pouvoir les rapatrier.

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CHAPITRE II - LES MOYENS JURIDIQUES ET LES MESURES PREVENTIVES A EXPLOITER

Au plan juridique, le problème des passagers clandestins est un sujet “ tabou ”, puisqu’il semble y avoir “ un vide juridique ” en la matière. Et surtout les rares textes qui existent ne sont pas appliqués ou ne sont pas assez précis.

SECTION I : UNE LEGISLATION LACUNAIRE

Avant la création des zones d’attente par les lois de 1992 et 1994, il n’y avait aucun texte juridique qui nous disait ce qu’il fallait faire des passagers clandestins qui arrivaient par voie maritime. On se basait sur un accord tacite entre les armateurs et les autorités publiques pour laisser débarquer les clandestins en vue de leur rapatriement.

Depuis la création des zones d’attente, les législateurs ont apparemment comblé le vide juridique qu’il existait en matière d’accueil des clandestins. Seulement les textes sur les zones d’attente qui nous semble pourtant clairs ne le sont apparemment pas pour les autorités administratives, qui interprètent notamment les articles 35 quater et 35 ter dans un sens contraire à la volonté des législateurs.

PARAGRAPHE I : LES DEFAUTS DE L’ARTICLE 35 TER

D’après l’article 35 quater “ lorsque l’entrée en France est refusée à un étranger, l’entreprise de transport qui l’a acheminé est tenue de le ramener sans délai…au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ”

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Les autorités françaises considèrent que l’article 35 ter impose au transporteur de ramener le clandestins sans délai et par le même moyen de transport qui l’a acheminé. Peut-être faudrait-il préciser que “ l’entreprise de transport est tenue de rapatrier le passager clandestin sans délai par le moyen de transport le plus rapide ”.

PARAGRAPHE II : LES DEFAUTS DE L’ARTICLE 35 QUATER

De même, en ce qui concerne l’article 35 quater, les autorités administratives considèrent que le maintien en zone d’attente n’est qu’une possibilité qui leur est offerte, et qu’elles peuvent décider, en vertu des pouvoirs donnés par l’article 5 de l’ordonnance, de consigner le clandestin sur le navire.

En effet, l’article 35 quater dispose que “ l’étranger qui arrive en France par voie maritime et qui n’est pas admis à entrer sur le territoire, peut-être maintenu en zone d’attente le temps strictement nécessaire à son départ ”.

Après la promulgation de cet article, l’AFCAN s’est inquiétée de la formulation du paragraphe 1§1 qui précise que “ l’étranger peut être placé en zone d’attente ”. L’AFCAN craignait, à juste titre, que l’emploi du mot “ peut ” laisse à l’administration toute liberté concernant le transfert des clandestins, aussi, elle a suggéré un amendement qui permettrait de laisser le choix aux armateurs de garder à bord les clandestins ou de les faire débarquer, tout en assurant à l’Etat qu’ils assumeraient tous les frais occasionnés par ces personnes durant leur placement en zone d’attente. Un amendement similaire a été déposé au bureau de l’Assemblée Nationale par M.Marchand, député de l’Hérault. Toutefois, la loi du 27 décembre 1994 a été votée sans que cet amendement soit pris en compte et l’administration reste libre de décider du placement de l’étranger en zone d’attente. Peut-être faudrait-il ajouter “ que l’étranger qui arrive en France par voie maritime et qui n’est pas admis à entrer sur le territoire, doit être maintenu en zone d’attente le temps strictement nécessaire à son départ ”.

On peut aussi reprocher à cet article qu’aucune disposition prévoit le statut des étrangers.

SECTION II : L’ AIDE DES P&I CLUBS ET DE LEURS CORRESPONDANTS

Ce sont essentiellement les correspondants locaux qui font tout le travail, puisqu’ils sont sur place. Leur intervention est d’un intérêt primordial, car ils fournissent aux armateurs une assistance irremplaçable. D’abord c’est eux qui s’occupent de faire faire les documents d’identité nécessaire au rapatriement des clandestins, et ensuite, en vertu de leur très bonne réputation, les correspondants entretiennent de bonnes relations

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avec les administrations locales, ce qui permet bien souvent d’obtenir de la police l’autorisation de débarquer des clandestins en vue de leur rapatriement.

Ensuite, les correspondants demandent aux armateurs de respecter les règles de vigilance édictées par le P&I Club. Si l’armateur s’est montré négligent et n’a pas pris un minimum de précautions pour éviter que des clandestins montent à bord, le Club pourra refuser de le couvrir.

PARAGRAPHE I : DEFINITION ET COUVERTURE DES P&I CLUBS

A : Définition des P& I Clubs

Les Protecting and Indemnity Clubs, P&I CLUBS, sont des mutuelles qui s’occupent de couvrir les armateurs pour certains risques qu’ils peuvent supportés à l’occasion de l’expédition maritime. Ces risques sont énumérés dans les “ règles ” propres à chaque Club ; mais en général tous les clubs couvrent les mêmes risques, c’est à dire la responsabilité concernant les marins et les passagers, les dommages causés aux tiers, la pollution, le sauvetage et les passagers clandestins.

Les clubs sont très concernés par la garantie des passagers clandestins. Ce risque représente une telle quantité de travail, que certains Clubs, comme le West of England, ont crée un service uniquement consacré à leur gestion.

En pratique ce ne sont pas les Clubs qui travaillent sur les clandestins, mais leurs correspondants locaux qui les représentent dans chaque port du monde. Les correspondants de Clubs sont des mandataires de P&I Clubs essaimés dans le monde entier. Dans chaque port, il y a au moins un représentant de Club. A Marseille il y en a trois, dont la société Eltvedt & O’Sullivan qui est la plus réputée.Lors d’un litige dans un port particulier, le Club demandera à son correspondant local d’agir dans le défense des intérêts de l’armateur en difficulté.

L’action des correspondants dans la prévention et l’assistance au rapatriement des clandestins est primordiale. En effet, ils connaissent toutes les pratiques et toutes les lois en vigueur dans l’état du port concerné car ils sont implantés sur place. Ainsi c’est eux qui obtiendront le plus facilement la coopération des autorités locales pour permettre le débarquement des passagers clandestins.

Leur action est donc essentielle en matière de passagers clandestins, car c’est eux qui s’occupent de toute l’étape du débarquement et du rapatriement des clandestins.

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B : La couverture des P & I Clubs en matière de passagers clandestins

1)La garantie clandestin :

Chaque Club prévoit de couvrir les risques causés par la présence des clandestins.Il suffit de lire les règles concernant leur champs d’application, par exemple on peut lire dans la Règle 19 du livret du Club North of England que: “ le club rembourse les dépenses raisonnables engagées pour les clandestins ”, cependant le Club précise que “ leurs membres ne seront couverts que dans la mesure où les dispositions adéquates ont été prises pour éviter l ‘embarquement des passagers clandestins. Si les mesures de sécurité ont été insuffisantes, la réclamation de l’armateur pourra être rejetée par les Directeurs ”.

L’armateur qui est couvert par le Club contre le risques des passagers clandestins, sera en principe remboursé de toutes les dépenses et pénalités occasionnées par la présence des passagers clandestins. Par exemple, le Club couvrira les dépenses engagées par les frais d’escortes, la nourriture, le logement, les billets d’avion, les amendes supportées par l’armateur..

Cependant ces dépenses devront restées raisonnables : par exemple, le Club pourra refuser de rembourser des frais excessifs, comme des frais d’hôtel quatre étoiles, des billets d’avion en première classe…

2) L’action des correspondants de Clubs dans le rapatriement des clandestins :

Comme nous l’avons vu précédemment, l’assistance du P&I Club et surtout celle de son correspondant a une part très importante dans le rapatriement du passager clandestin. Sa mission dans la procédure de rapatriement peut se décomposer en trois phase : d’abord le correspondant ou l’agent du Club doit établir la nationalité et l’identité du passager clandestin. Ensuite, si ce dernier ne possède pas de papiers, ce qui est souvent le cas, il tente d’obtenir un passeport provisoire, et enfin il accompagne l’individu jusqu’à l ‘avion et parfois jusqu’à destination.

a) Etablir et confirmer l’identité du clandestin

Le travail de l’agent consiste à s’assurer de la valeur des renseignements fournis par les passagers clandestins. Pour cela, il devra se rendre sur le navire, seul ou accompagné d’un agent consulaire ou un même un interprète, afin de questionner en personne le ou les clandestins.

Ensuite, il se rendra à l’Ambassade dont l’individu prétend détenir la nationalité afin d’obtenir le laissez-passer provisoire. Mais avant de délivrer ces documents, les autorités consulaires voudront s’assurer de la nationalité de leur prétendu ressortissant et cette démarche pourra prendre du temps. Or, le navire ne reste souvent que quelques jours dans un port avant de poursuivre son voyage. C’est pourquoi l’agent fera tout pour accélérer cette procédure en faisant lui-même les démarches

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nécessaires. Il se rendra lui-même à l’ambassade pour apporter les papiers nécessaires, il négociera en personne les documents de voyage, et parfois il ramènera lui-même les laissez-passer afin que les passagers clandestins les aient en leur possession avant le départ du navire. Par exemple, dans une affaire de ce type, le navire “ P ” venait de découvrir la présence de cinq passagers clandestins à son bord. Ce navire se dirigeait vers le port d’escale de Port of Spain (Trinidad), d’où il voulait rapatrier les cinq clandestins. Les agents locaux de Tanzanie qui s’occupaient du rapatriement sont aller chercher eux même les documents de voyage à l’ambassade de Tanzanie et les apporter à Port of Spain.

Escorter le clandestin jusqu’à destination

Une fois qu’il détient les papiers, l’agent devra trouver les billets d’avion pour ramener le clandestin et son escorte. Cela peut s’avérer compliqué. Dans l’affaire précitée, l’agent devait rapatrier cinq clandestins et deux escortes de Trinidad à Johannesburg. Les seul billets d’avion qu’il avait trouvé correspondaient à un vol qui faisait escale en Angleterre, or les autorités britanniques refusaient de laisser transiter des clandestins sur son territoire de peur qu’ils demandent le droit d’asile. Après de longues heures de négociations avec son agence de voyage attitrée, l’agent a réussi par trouver des billets sur une autre compagnie qui faisait une escale à Caracas.

PARAGRAPHE II : LES MOYENS DE PREVENTION EDICTES PAR LES P&I CLUB

Les P&I Clubs prévoient de couvrir le risque des passagers clandestins, cependant ils demandent en échange à l’armateur de respecter certaines consignes de prévention.

En effet, ils ont édicté une “ Check List ” qui s’adresse aux navires qui circulent dans des zones à risque. Cette liste comporte des dispositions générales et quelques dispositions particulières pour les zones à haut risque (Tanzanie, Maroc).

Cette liste permet d’une part de responsabiliser le capitaine et d’autre part de faire en sorte que l’équipage prenne conscience des démarches à effectuer pour éviter que des clandestins se cachent à bord

A – Les dispositions générales

1) Contrôler la circulation des personnes sur le navire :

Lorsque le bateau est au port, le commandant doit s'assurer qu'un guetteur est constamment présent à la coupée et parfois même sur le gaillard et à l'arrière pendant la nuit. Une surveillance de tous ces points permet de rendre le bateau moins

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perméable aux intrus qui veulent monter à bord. Il doit toujours y avoir un membre de l'équipage de service à la coupée surveillant les personnes qui montent à bord ou qui débarquent. On formera donc des équipes de surveillance pour assurer des rotations afin de mieux contrôler la circulation à bord.

Les gardes devront être vigilants au cas où des individus voudraient monter à bord en passant par l'avant ou par l'arrière, en grimpant par les cordes, et par-dessus les rails de l'emplacement à quai, spécialement pendant la nuit. Une telle surveillance implique l'embauche de plusieurs gardes afin qu'il y en ait un à chaque bout du navire

De plus, les gardes doivent avoir reçu des instructions spécifiques concernant les personnes autorisées à monter à bord tel que les dockers ou les personnes officielles. Cela afin d’éviter que des clandestins montent à bord en se faisant passer pour le personnel du port.

Les entreprises de manutention devront informer le capitaine du nombre de dockers qui travailleront, et exiger que les dockers montent à bord par la coupée. Il est préférable de limiter leur accès au pont du bateau.

Les portes donnant accès aux cabines doivent être fermées à clé et gardées. Ainsi, les passagers clandestins ne pourront pas se cacher dans cette partie du bateau.

2) Des mesures dissuasives :

Il peut être efficace d'afficher à des endroits stratégiques les sanctions qu'encourent les personnes qui s'embarquent clandestinement, afin d'essayer de décourager les éventuels candidats. Ou encore de mettre des panneaux signalant que la marchandise va faire l’objet d’une fumigation. Mais malheureusement, la plupart des clandestins ne savent pas lire.De même, il faudrait s’assurer que la nuit il y a un éclairage suffisant autour du bateau et surtout au niveau des cordes d'amarrage afin de repérer les éventuels candidats.

3) La fouille impérative avant le départ du navire :

Avant le départ, le navire doit être entièrement fouillé, particulièrement dans les endroits les plus noirs et les plus inconfortables, mais aussi dans les zones apparemment fermées. En effet, il ne faut rien laisser au hasard, les passagers clandestins se cachent dans des endroits parfois inimaginables. On ne doit pas négliger un réduit sous prétexte qu'il est insalubre.

Sur les porte-conteneurs, les conteneurs devront être plombés avant qu'ils soient amenés au port et les numéros de plombs devront être donnés au commandant. Les conteneurs sans plomb seront ouverts et fouillés. Ces dispositions concernent tous les types de bateaux dans tous les ports. Cependant, en raison des risques que le transporteur encoure dans certains ports, les correspondants locaux des Clubs ont mis

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au point des règles propres à certaines zones portuaires. Elles ressemblent aux dispositions générales mais insistent plus sur l'embarquement des passagers clandestins.

B- Les dispositions spéciales

Selon le port d’embarquement, on pourra connaître à l’avance les moyens qu’utiliseront les clandestins pour monter à bord. Il suffira au capitaine de s’en informer à l’avance pour anticiper l’action d’éventuels clandestins et d'assurer la sécurité aux endroits stratégiques.Nous allons étudier successivement les différentes méthodes utilisées par les clandestins pour monter à bord des navires selon le pays d’embarquement.

1) L’Afrique :

Sur la côte Ouest Africaine, on a constaté que les clandestins sont souvent des personnes qui travaillent dans le port et notamment des dockers. Il faut prévoir une plus grande surveillance au niveau de l'accès du bateau.

Se méfier du personnel local

Tout particulièrement au Nigeria, les clandestins sont très souvent des employés du port. Grâce à leur travail, ils connaissent très bien tous les accès au navire et les meilleures cachettes pour ne pas être découverts. Pour éviter cela le capitaine ne doit pas faire appel à des entreprises de manutention Nigériennes. L'entretien du bateau sera fait par l'équipage ou par des entreprises lors de la prochaine escale.

De plus, on a constaté que les passagers clandestins étaient informés par la sécurité locale ou par l'agent du bateau. Grâce à eux, ils connaissent la destination et les escales du navire, ainsi que des différentes manières de se cacher à bord sans être vu. Ce genre de complicité est inévitable mais le capitaine peut essayer de la réduire en ne révélant que le strict minimum sur les détails du voyage.

Habituellement, les clandestins nigériens montent à bord pour travailler, ils ne restent pas cachés très longtemps, en général ils attendent que le bateau ait quitté les eaux nigériennes pour sortir de leur cachette. Pour éviter cela, le capitaine pourrait laisser les moteurs allumés tout en restant dans les eaux territoriales. Les clandestins pensant que le navire s’éloigne, sortiraient de leur cachette, et on pourrait ainsi les ramener. C'est une technique comme une autre, mais qui a l’inconvénient de faire perdre beaucoup trop de temps.

b) Rester sur ses gardes et fouiller le navire 

Les correspondants de Clubs demandent que des officiers de service contrôlent les cartes d'accès au port lorsque les dockers arrivent à bord pour travailler. Ces cartes ne seront rendues qu’une fois le travail terminé et les dockers redescendus à quai

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De même, qu’une inspection de tous les conteneurs vides doit être faite ainsi qu’une vérification des numéros de plombs. Ce travail peut être mis à exécution en commun entre l’équipage et les dockers.

Enfin, l'utilisation de gardes armés peut être dissuasive. Il sera préférable de choisir pour cela des gardes privés et des membres de l'équipage de nationalité Africaine, pour qu’ils puissent reconnaître d’éventuel clandestin se faisant passer pour un membre de l'équipage.

D’après les Clubs, le renforcement de la surveillance à tout moment et l'application de toutes les précautions d'usage sont indispensables. Il faut faire preuve d'ingéniosité car les passagers clandestins ont des techniques de plus en plus rusées.

Au Maroc, la plupart des passagers clandestins se cachent dans des remorques et embarquent ainsi à bord des Ro-Ro (le type de bateau le plus touché). Aussi les dispositions spéciales prévoient que l’équipage devra veiller à ce que les rampes d'accès soient fermées pendant la nuit.

L’équipage devra aussi vérifier si les remorques n’ont pas été déchirées, et il faudra demander au chargeur de bien surveiller que des clandestins ne se cachent pas dans les remorques au moment de l’ empotage.

2) L’ Europe Occidentale :

Dans ces régions, les clandestins utilisent les conteneurs pour s’infiltrer à l’intérieur des navires. Aussi, il sera nécessaire d’ouvrir les conteneurs vides juste avant le chargement. Une fois à bord, les conteneurs seront placés de telle manière que les individus qui y sont cachés ne puissent pas en sortir. Les armateurs doivent toujours être sûr que le bord a appliqué des contrôles stricts pour éviter tout embarquement de passagers clandestins. Pour ce qui est des conteneurs pleins, le capitaine et l'équipage du navire seront particulièrement attentifs et chercheront le moindre signe indiquant que le conteneur a été trafiqué. En effet, il est difficile de faire des contrôles car le transporteur n'a pas le droit d'ouvrir des conteneurs plombés sur le bateau. Il doit juste vérifier que les numéros de plombs avant le chargement, pendant le voyage et au déchargement correspondent. Cela permet de vérifier s'il n'y a pas eu de changement de plombs pendant le voyage ce qui pourrait indiquer la complicité d'un membre de l'équipage.

Conclusion

Si le capitaine respectait toutes les consignes énumérées ci-dessus, son navire serait

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un “ bateau de guerre ”. Malheureusement, les exigences commerciales font que l’équipage n’a pas le temps de remplir les fonctions de garde. Si on voulait respecter toutes ces mesures, il faudrait employer le double de personnel et n’avoir aucun impératifs.

En effet, chaque membre de l’équipage a une tâche précise à bord, et il n’a certainement pas le temps de faire la " chasse aux passagers clandestins ", car lorsque le personnel fouille le navire, il néglige son travail. On a souvent entendu des commandants se plaindrent que son équipage soit obligé de surveiller des clandestins au lieu de participer aux opérations nautiques, et il est vrai que les équipages ne sont pas très nombreux, ils sont environ dix par bateau. Le capitaine doit faire un choix entre ses engagements commerciaux et les problèmes que peuvent poser des passagers clandestins, soit il n’a pas de clandestin à bord, soit il rate sa livraison et perd son client. Ou alors il essaye de mettre en place des mesures permettant d'appliquer ces consignes sans qu'il y ait pour autant des répercutions sur l'activité du navire.

On ajoutera que tous ces impératifs (le travail en plus, les fouilles du bateau..), vont faciliter l'installation d'un climat de tension. Les membres de l'équipage vont se sentir dans une atmosphère d'insécurité et de menace. Ils vont être attentifs au moindre bruit ou à la moindre chose suspecte. Ils vont devenir méfiant car dans certaines affaires les membres de l'équipage ont été suspectés de complicité et parfois à juste titre.

Ce climat d'insécurité est encore plus important lorsque les passagers clandestins, qui ont été découverts, font preuve de violence. De plus, les clandestins sont généralement d'une nationalité différente de l'équipage, et ce dernier qui ne comprendra pas la langue qu'ils emploient se sentira encore plus menacé. C'est pourquoi les Clubs indiquent qu'il est préférable de ne pas faire circuler les passagers clandestins afin d'éviter tout contact.Inutile de dire que le travail s’en ressent ! !

Enfin, il ne faut pas oublier les risques de maladies contagieuses. Il y a eu de gros problèmes avec les passagers clandestins de nationalité Zaïroises au moment de l'épidémie du virus “ d’ Ebola ”. Les équipages ont été placés en quarantaine pour être sûr que les clandestins ne les aient pas contaminés.

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SECTION III LES MOYENS TECHNIQUES DE PREVENTION

A - Les moyens de prévention employés par les armateurs

1)Les sociétés de gardiennage

Les systèmes de surveillance et les rondes traditionnels se sont révélés inaptes à desceller la présence des passagers clandestins. Certaines compagnies maritimes ont décidé de mettre en place une surveillance plus sérieuse, en employant des gardes privés pendant la durée de l’escale. En évitant d’utiliser le personnel du port, on peut éviter d’encourager les complicités. Par exemple, la compagnie maritime Delmas-Vieljeux a eu recours à des sociétés de gardiennage privé dans les ports les plus risqués. Le contrôle de ces sociétés est très efficace, il ait convenu par contrat que ces sociétés devront rembourser à la compagnie les frais liés aux clandestins qui auront réussi à monter à bord. Grâce à ces mesures, la compagnie Delmas-Vieljeux a vu une nette diminution du nombre de passagers clandestins sur ses navires. ( ) ( )En 1994, 105 passagers clandestins ont été trouvés sur 41 navires. Mais toutes les compagnies n’ont pas les moyens de payer une société de gardiennage.

2)La détection du gaz carbonique

Les compagnies maritimes en accord avec certains ports ont mis en place un procédé qui consiste à placer dans les conteneurs des détecteurs d’émanation de gaz carbonique indissociable de toute présence humaine. Les officiers du port insèrent une

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petite sonde dans les conteneurs, qui permet de mesurer le niveau de gaz carbonique à l’intérieur du conteneur. Si le niveau de CO2 est trop important, un voyant rouge s’allumera à l’extérieur du conteneur.Cette technique est très sensible, et coûte relativement cher. Et malheureusement, les clandestins ont compris qu’en posant un sac plastique sur la sonde, le système ne marchait plus.

B – Les moyens de prévention employés par les ports

1) Les différentes tentatives

Certains ports ont dû faire des efforts pour limiter l’accès des clandestins à l’intérieur des frontières portuaires. En France, le port autonome du Havre a amélioré la sécurité du port, car des compagnies maritimes, comme Seat Land, avaient menacé de quitter le port du Havre.

Le port a notamment décidé de faire clôturer totalement les terminaux et d’installer un réseau de surveillance par caméras.

Certains ports ont aussi tenté d’avoir recours à des chiens policiers pour trouver les clandestins. Mais cette technique n’a pas été très satisfaisante, car les chiens ne sont pas capables de chercher plus d’un quart d’heure.

On a aussi tenté d’améliorer les techniques de scellages des conteneurs. Mais tôt ou tard les clandestins aurait trouvé un moyen de les ouvrir.

2) Responsabiliser les autorités portuaires

D’après la Convention de Schengen, la Police de l’Air et des Frontières doit contrôler les personnes cherchant à quitter le territoire français en passant par les ports. La PAF est responsable de la sécurité dans l’enceinte du port. Elle est censée effectuer une surveillance et un contrôle sur les personnes qui y circulent. L’armateur ne pourrait-il pas reprocher à la PAF d’avoir laisser des passagers clandestins circuler dans le port ?Selon le Ministère de l’Intérieur, le contrôle de l’embarquement ne fait pas partie des fonctions de la PAF. Pourtant on pourrait dire, que si les clandestins ont réussi à s'embarquer sur le navire, c’est qu’en amont ils ont réussi à s'introduire dans l’enceinte du port.

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CONCLUSION

Comme nous venons de le voir, la situation actuelle n’est pas très positive. Les problèmes pèsent plus lourd que les solutions.

Il est nécessaire d’adopter une Convention internationale qui mettrait en place un statut uniforme des passagers clandestins dans tous les pays concernés.

Le code de conduite édicté récemment par l’OMI à l’avantage de créer une coopération entre tous les intervenants sans pour autant déresponsabiliser le transporteur maritime. Ces dispositions contribuent en partie à améliorer la situation, et nous souhaitons qu’elles aboutissent.

Cette prise de conscience internationale pourrait s’avérer encore plus efficace si les normes internes étaient également modifiées. En effet, il est nécessaire de modifier la procédure et les pénalités applicables au passager clandestin, car le système actuel est trop compliqué et paralyse parfois l’utilisation de solutions plus adaptées.

De même, il serait judicieux que les autorités administratives simplifient la situation en utilisant le maintien en zone d’attente permettant d’organiser le refoulement. Et enfin, pour clarifier la situation, il serait opportun que le législateur s’attache à compléter les dispositions des articles 35 ter et 35 quater, sources de conflits insupportables pour l’armateur et qui ne semble pas prêt de s’arrêter si on ne change rien, surtout après l’arrêt du Tribunal des Conflits du 12 mai 1997.

Il est difficile de constater qu’il n’y a pas de véritables solutions aux problèmes des clandestins, car on ne peut pas résoudre le problème à la source. Il est vrai que l’utilisation de mesures préventives permettent de réduire le nombre de passager clandestin, mais il est difficile d’effectuer un contrôle efficace, surtout dans les ports africains. Ces ports sont très mal surveillés et le personnel de sécurité se fait facilement acheter, pour quelques dollars ils ferment les yeux sur les embarquements clandestins.

Comme a déclaré Robert Schumann : “ il faudrait fixer les populations des pays en voie

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de développement dans leur pays car si ce n’est pas par humanisme, faisons le par égoïsme, sinon ces populations s’abattront sur nous comme une invasion de sauterelle” ! ! !

BIBLIOGRAPHIE

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