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Revue de Médecine Générale et de Famille / N°9 • Mars 2019 44 Biologie médicale en question R. HAZIME, B. ADMOU * Diagnostic immunobiologique des hépatopathies auto- immunes * Laboratoire d’immunologie, CHU Med VI et FMPM, Université Cadi Ayyad, Marrakech @ : [email protected] Les hépatopathies auto-immunes (HPAI) sont un groupe hétérogène de maladies d’étiologies non clairement élucidées. Elles comportent les hépatites auto-immunes (HAI) et les atteintes auto-immunes des voies biliaires intra ou extra-hépatiques, représentées essentiellement par la cirrhose biliaire primitive (CBP), et également la cholangite sclérosante primitive (CSP) et la cholangite auto-immune (CAI). Les HAI ont 3 caractéristiques principales : des lésions hépatocytaires nécrotico-inflammatoires, la présence d’auto-anticorps et une grande sensibilité aux corticoïdes [1]. Le diagnostic de la CBP repose sur l’association de signes biologiques de cholestase, la présence d’anticorps anti-mitochondries (AAM2) et au niveau histologique, la présence d’une cholangite destructrice lymphocytaire ou granulomateuse [2]. Le bilan immunologique occupe une place importante dans le diagnostic des HPAI, il permet de classifier les HAI et d’éviter dans beaucoup de cas de suspicion de CBP, le recours à la biopsie hépatique. Il est important pour le clinicien de savoir faire le diagnostic de ces maladies, car leur évolution spontanée est potentiellement grave (hépatite fulminante, cirrhose) alors que l’évolution sous traitement est habituellement favorable. Comme de nombreuses maladies auto-immunes, l’origine des HPAI est multifactorielle, elle implique des facteurs génétiques, environnementaux et infectieux. Les gènes du complexe majeur d’histocompatibilité ou Human Leucocyte Antigen (HLA) semblent jouer un rôle central dans le développement de ces maladies, comme en témoigne la forte association des haplotypes HLA A1 B8 DR3 ou DR4 avec l’HAI, observée chez différentes populations caucasiennes [3]. Les facteurs infectieux sont liés essentiellement à des virus hépatotropes tels que le virus de la rougeole, le cytomégalovirus ou l’Epstein Baar virus, mais aussi le virus de l’hépatite A ou C [3]. Ainsi, suite à ces facteurs déclenchant et sur un terrain de prédisposition génétique particulier, survient une rupture de la tolérance du système immunitaire vis-à-vis des antigènes du soi présents au niveau du foie, aboutissant à des lésions hépatiques (Figure 1). L’analyse de l’infiltrat lymphocytaire hépatique au cours des HAI montre une prédominance des lymphocytes T CD3+/CD4+, ce qui laisse penser que ces lésions sont médiées principalement par les lymphocytes T CD4 (déséquilibre de la balance cytokinique Th1/Th2, présence de Th17 et déficit en Treg) [5]. Au cours de la CBP, la phase préclinique de la maladie est marquée par l’apparition de stigmates d’auto- immunité associés à un dérèglement de l’homéostasie cellulaire au niveau du cholangiocyte des petits canaux biliaires. Des auto-antigènes mitochondriaux peuvent ainsi être reconnus par les lymphocytes B auto-réactifs, les lymphocytes T CD4 et T CD8 [6]. Aspects immunopathologiques des HPAI

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Revue de Médecine Générale et de Famille / N°9 • Mars 201944

Biologie médicale en question

R. HAZIME,

B. ADMOU*

Diagnostic immunobiologique des hépatopathies auto-immunes

* Laboratoire d’immunologie, CHU Med VI et FMPM, Université Cadi Ayyad, Marrakech @ : [email protected]

Les hépatopathies auto-immunes (HPAI) sont un groupe hétérogène de maladies d’étiologies non clairement élucidées. Elles comportent les hépatites auto-immunes (HAI) et les atteintes auto-immunes des voies biliaires intra ou extra-hépatiques, représentées essentiellement par la cirrhose biliaire primitive (CBP), et également la cholangite sclérosante primitive (CSP) et la cholangite auto-immune (CAI).Les HAI ont 3 caractéristiques principales : des lésions hépatocytaires nécrotico-inflammatoires, la présence d’auto-anticorps et une grande sensibilité aux corticoïdes [1].Le diagnostic de la CBP repose sur l’association

de signes biologiques de cholestase, la présence d’anticorps anti-mitochondries (AAM2) et au niveau histologique, la présence d’une cholangite destructrice lymphocytaire ou granulomateuse [2]. Le bilan immunologique occupe une place importante dans le diagnostic des HPAI, il permet de classifier les HAI et d’éviter dans beaucoup de cas de suspicion de CBP, le recours à la biopsie hépatique. Il est important pour le clinicien de savoir faire le diagnostic de ces maladies, car leur évolution spontanée est potentiellement grave (hépatite fulminante, cirrhose) alors que l’évolution sous traitement est habituellement favorable.

Comme de nombreuses maladies auto-immunes, l’origine des HPAI est multifactorielle, elle implique des facteurs génétiques, environnementaux et infectieux. Les gènes du complexe majeur d’histocompatibilité ou Human Leucocyte Antigen (HLA) semblent jouer un rôle central dans le développement de ces maladies, comme en témoigne la forte association des haplotypes HLA A1 B8 DR3 ou DR4 avec l’HAI, observée chez différentes populations caucasiennes [3].Les facteurs infectieux sont liés essentiellement à des virus hépatotropes tels que le virus de la rougeole, le cytomégalovirus ou l’Epstein Baar virus, mais aussi le virus de l’hépatite A ou C [3].Ainsi, suite à ces facteurs déclenchant et sur un terrain de prédisposition génétique particulier, survient une rupture de la tolérance du système immunitaire vis-à-vis des antigènes du soi présents au niveau du

foie, aboutissant à des lésions hépatiques (Figure 1).L’analyse de l’infiltrat lymphocytaire hépatique au cours des HAI montre une prédominance des lymphocytes T CD3+/CD4+, ce qui laisse penser que ces lésions sont médiées principalement par les lymphocytes T CD4 (déséquilibre de la balance cytokinique Th1/Th2, présence de Th17 et déficit en Treg) [5].

Au cours de la CBP, la phase préclinique de la maladie est marquée par l’apparition de stigmates d’auto-immunité associés à un dérèglement de l’homéostasie cellulaire au niveau du cholangiocyte des petits canaux biliaires. Des auto-antigènes mitochondriaux peuvent ainsi être reconnus par les lymphocytes B auto-réactifs, les lymphocytes T CD4 et T CD8 [6].

Aspects immunopathologiques des HPAI

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Biologie médicale en question

Manifestations cliniquesLes HAI peuvent débuter à tout âge, avec un pic de fréquence situé entre 10 et 30 ans et un autre entre 40 et 50 ans. Elles touchent aussi bien les hommes que les femmes mais avec une nette prédominance féminine. Dans environ 25 % des cas, le mode de révélation des HAI est aigu avec de rares cas d’hépatite fulminante ou sub-fulminante. Néanmoins, dans la grande majorité des cas, le tableau clinique est celui d’une hépatite chronique pouvant se manifester par une fatigue et plus rarement par un ictère ou de découverte fortuite [1].La révélation peut cependant être plus tardive, au stade de cirrhose, avec un tableau d’hépatomégalie,

de signes d’insuffisance hépatocellulaire chronique ou d’une hypertension portale. Dans 15 à 50 % des cas, des manifestations extra-hépatiques de nature auto-immune peuvent révéler la maladie, telles que, la maladie de Crohn, l’anémie hémolytique, le diabète, la thyroïdite, le vitiligo et autres [7].Au cours de la CBP, on estime que plus de la moitié des cas sont découverts fortuitement lors d’un bilan hépatique [8]. Toutefois, durant la phase symptomatique de la maladie, les deux principaux symptômes sont l’asthénie et le prurit. L’examen clinique est longtemps normal, avant de voir s’installer une hépatomégalie souvent modérée. Puis, une splénomégalie et des angiomes stellaires sont présents en cas d’hypertension portale. L’ictère survient généralement à un stade avancé, notamment en cas d’insuffisance hépatique [9].

Anomalies biochimiquesL’évolution fluctuante de l’HAI explique aussi le niveau très varié de l’augmentation des amino-transférases sériques, allant de 1,5 à 50 fois la normale [1].Les gammaglutamyl-transférases (γ-GT) et les phosphatases alcalines (PAL) sont fréquemment peu augmentées. Dans les cas où ces deux enzymes ont un taux supérieur à 2 fois la normale, on doit s’interroger sur la possibilité d’une atteinte des voies biliaires, justifiant alors la réalisation d’une cholangiographie [10].L’hypo-albuminémie associée à une diminution plus ou moins sévère des facteurs de coagulation caractérisent plutôt les formes sévères des HAI en état d’insuffisance hépatique. Au cours de la CBP, les tests hépatiques montrent essentiellement une augmentation constante et souvent modérée des PAL sériques, des γ-GT et des transaminases [9].

Figure 1 : Mécanismes immunologiques des lésions hépatiques au cours des HAI [4]

- Les auto-antigènes hépatiques sont présentés aux LTh0, par les cellules présentatrices d’antigènes grâce aux molécules HLA classe I et II.

- Différenciation des lymphocytes Th0 en cellules Th17, en Th1 et en Th2. Les Th17 sécrètent l’IL17, une cytokine pro-inflammaroire. Les Th1 sécrètent l’IFNγ, qui induit la différenciation des monocytes et une activation des LT CD8 cytotoxiques. Les Th2 sécrètent l’IL13, l’IL4 et l’IL10 qui permettent la maturation des cellules B en plasmocytes secrétant des auto-anticorps. Ces a-Ac sont à leur tour impliqués dans la cytotoxicité cellulaire induite par les cellules NK et médiée par des anticorps.

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Biologie médicale en question

Anomalies immunologiquesLa caractéristique principale de l’HAI est la présence d’une prolifération polyclonale des cellules B dont l’activation génère une hypergammaglobulinémie de type IgG. Toutefois, le signe biologique essentiel est la présence d’auto-anticorps [11]. En effet les HAI peuvent s’associer à différents types d’a-Ac dont la fréquence dépend du type d’HAI (Tableau I) : anti-muscle lisse (anti-ML) de type actine, anti-nucléaires (AAN), anti-soluble liver

antigen/liver-pancreas antigen (SLA/LP), anti-liver/kidney microsome (LKM), anti-liver cytosolic protein type 1 (LC1). D’autres spécificités peuvent également se voir au cours des HAI, notamment les Ac anti-récepteurs des asialoglycoprotéines (ASGR) et les Ac anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), surtout de type p ou pANCA atypique [12]. Enfin, il existe des marqueurs immunogénétiques, en particulier l’haplotype HLA B8 DR3 (DRB1*0301) ou DR4 (DRB1*0401), mais qui ne sont pas demandés en pratique clinique [11].

Tableau I : Hépatopathies auto-immunes et auto-anticorps associés

Type d’HPAI Auto-anticorps Cible antigénique Pathologies associées

HAI-I

Anti-actine Filaments d’actine

HAI-1, 85 % des casFormes mixtes (HAI/CBP, HAI/CSP)Hépatites virales, médicamenteusesAnti-ML non actine : infections, cancer, maladies systémiques auto-immunes, rejet de greffe hépatique, …

Anti-SLA ouSLA/LP

Protéine de 50 kD associée à un complexe tARN codant pour la sélénocystéine

HAI-1, 6 à 32 %Hépatites cryptogéniques, 15 à 20 %Formes mixtes (CBP/HAI), 15-30 %Récidive d’HAI HVC (exceptionnel)

AAN Cibles multiples et mal connues HAI-1, 50 à 70 %, non spécifiques

HAI-II

Anti-LKM1 CYP2D6

HAI-2, 85 % (titres varient selon le stade de la maladie et le traitement)Hépatite virale C, 0 à 7 %HAI de novo, Hépatite à l’halothane

Anti-LC1 Formimino-transférase cyclodésaminaseHAI-2, 30 à 50 % (titres varient selon le stade de la maladie et le traitement)Hépatite virale C, 0,5 %

CBP

AAM2

Complexe 2-oxo-déshydrogénasique dans la mitochondrie :- S/unité E2 de la PDH- E3bp- S/unité E2 des OADC et BCOADC- S/unité E1-a et E1-b de la PDH

CBP, 90-99 % (titres stables)Formes mixtes (CBP/HAI) et affections associées à la CBP (syndrome CREST, Sjögren, thyroïdite de Hashimoto, …)Hépatites virale CQuelques cas de lymphomes

Anti-gp210Glycoprotéine des pores de l’enveloppenucléaire de 210kD

CBP 25-43 % des cas, Mauvais pronosticTrès mauvais pronostic si association anti-gp210 + anti-Sp100

Anti-Sp100 Protéines Sp 100CBP 10 à 30%, Progression histologique plus rapide de la maladie

Anti-centromèresProtéines CENP-A (19kDa), CENP-B(80 kDa), CENP-C (140kDa)

CBP : 5-15 %Sclérodermie : 16 à 34%

PDH: pyruvate-déshydrogénase ; OGDC : α-acétoglutarate déshydrogénase ; BCOADC: déshydrogénase des acides cétoniques à chaîne branchée

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Biologie médicale en question

La CBP quant à elle, est associée de manière très spécifique aux a-Ac suivants : Ac anti-mitochondries de type 2 (AAM2) qui sont présents dans 90 à 95% des cas. Ils permettent de différentier la CBP des autres cholestases intra-hépatiques ;

Ac anti-glycoprotéine membranaire 210 (anti-gp210), qui est un marqueur de mauvais pronostic, il est généralement associé à une évolution plus rapide vers l’insuffisance hépatique ;

Ac anti-Sp100, peut être présent en l’absence d’Ac anti-M2 et semble avoir une valeur pronostique péjorative ;

AAN, particulièrement les Ac anti-centromère, anti-SSA, et anti-SSB qui caractérisent des connectivites fréquemment associées à la CBP telles que le syndrome CREST et le syndrome de Gougerot-Sjögren.

Auto-anticorps et classification des HPAIDeux types d’HAI ont été distingués en fonction des auto-Ac qui leur sont associés (Tableau II). L’HAI de type 1 prédomine chez l’adulte et le type 2 se voit surtout chez l’enfant.

L’HAI-1, la plus fréquente (environ 80 % des cas), est caractérisée par la présence soit d’Ac anti-ML de spécificité anti-actine et d’AAN, ou d’Ac anti-SLA/LP [13]. La recherche de ces derniers est particulièrement importante chez les patients à Ac anti-actine négatifs.

En effet, ces Ac permettent de reclasser 15 à 20% des hépatites cryptogéniques en HAI-1 [14].L’HAI-2, plus rare, est caractérisée par la présence d’Ac anti-LKM1 ou anti- LC1. Les Ac anti-LC1 sont retrouvés dans environ 50% des HAI-2, et peuvent être les seuls auto-Ac positifs au cours de la maladie [15].

Caractéristiques histologiques des HPAIL’examen anatomopathologique de la biopsie hépatique est un élément clé pour le diagnostic des HAI, et aide à établir le pronostic et même à guider le traitement [1, 8, 9]. Les aspects histologiques classiques évocateurs mais non spécifiques de l’HAI sont la présence d’une inflammation portale avec des lésions d’hépatite d’interface souvent marquées, d’un infiltrat inflammatoire riche en plasmocytes, et la présence d’hépatocytes disposés en rosettes (hépatocytes autour d’un canalicule biliaire dilaté ne contenant pas de matériel biliaire) [11].La fibrose et la nécrose doivent toujours être recherchées.Dans les critères simplifiés pour le diagnostic des HAI proposés en 2008, l’aspect histologique “typique” est défini par la présence de lésions d’hépatite d’interface avec présence de rosettes et d’images d’empéripolèse [17].Dans la CBP, les lésions hépatiques évoluent schématiquement en quatre stades [18]. Le premier stade, appelé stade floride, l’épithélium des canaux biliaires est altéré et les canaux sont entourés de lymphocytes et de plasmocytes. Dans un second stade, les lésions inflammatoires dépassent les limites de l’espace porte et peuvent ressembler à celles de l’hépatite auto-immune (piecemeal necrosis). Une fibrose portale apparaît et tend à s’insinuer dans le lobule. Dans un troisième stade, appelé stade de fibrose, la fibrose s’étend dans le lobule, formant des “ponts” entre les espaces portes. Au quatrième stade, une véritable cirrhose se constitue. L’absence de lésions de cholangite destructrice sur la biopsie n’élimine pas le diagnostic car présentes uniquement dans 30 à 40 % des cas [9].

Caractéristiques HAI I HAI II

Auto-anticorps

AAN, AML (anti-actine)Anti-SLA, p-ANCA (atypique)

Anti-LKM1Anti-LC1

Age au diagnostic Tout âgeEnfant et adulte jeune

Sexe Féminin (75-80 %) Féminin (95 %)

AAN : anticorps antinucléaires ; AML : anticorps antimuscle lisse ; SLA : soluble liver antigen ; ANCA : anticorps anticytoplasme de polynucléaire neutrophile ; LKM1: liver kidney microsome ; LC1 : liver cytosol 1 ; HAI : hépatite auto-immune

Tableau II : Classification des HAI [16]

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Biologie médicale en question

Démarche diagnostiqueLe diagnostic d’HAI est fait sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques définis par le groupe international des hépatites auto-immunes (IAIHG) [17]. Ces critères diagnostiques sont basés sur la présence d’une augmentation des gammaglobulines, d’a-Ac et des résultats de l’histologie hépatique évocatrice (Tableau III).

A la lumière de ces différents critères, l’approche diagnostique des HAI est actuellement codifiée, elle consiste à exclure initialement les autres étiologies potentielles d’une hépatite, notamment infectieuses, médicamenteuses, métaboliques ou autres. En présence d’une hypergammaglobulinémie, les AAN, les Ac anti-ML, anti-LKM1 et anti-LC1 constituent une batterie conventionnelle de dépistage, complétés en cas de négativité par la recherche d’Ac anti-SLA et d’ANCA. La présence d’une hépatite d’interface à la biopsie hépatique demeure un élément déterminant pour le diagnostic des HAI (Figure 2) [19].

Concernant la CBP, le diagnostic est basé sur les critères suivants : des signes biochimiques de cholestase avec une augmentation des phosphatases alcalines sériques depuis au moins 6 mois ;

la présence d’anticorps anti-M2 ; des signes histologiques de cholangite chronique non suppurative avec atteinte des voies biliaires de petit et moyen calibre

On considère que le diagnostic peut être posé si au moins deux de ces critères sont présents [20]. La biopsie hépatique n’est habituellement pas nécessaire au diagnostic si les anticorps anti-M2 sont présents. Quant à la CSP et à la CAI, le diagnostic se base essentiellement sur l’histologie et la négativité des marqueurs des autres HPAI.

Conclusion Les HPAI sont caractérisées par leur polymorphisme clinique et biologique, ce qui rend leur diagnostic souvent difficile. Ce dernier repose sur un ensemble de critères cliniques, biologiques, immunologiques et histologiques avec exclusion d’autres causes, notamment virales, héréditaires, métaboliques, cholestatiques et médica-

Critères Points

Titre AAN ou AML ≥ 1:40 1

Titre AAN ≥ 1:80, AML ≥ 1:8, anti-LKM1 ≥ 1:40

ou SLA positif* 2

IgG > VNS** 1

IgG > 1,10 VNS (> 10 au-dessus NS) 2

Histologie du foie : atypique, compatible ou

typique*** de l’HAI 0, 1 ou 2

Absence d’hépatite virale 2

Tableau III : Critères diagnostiques simplifiés (2008) du groupe international des hépatites auto-immunes [17]

Score total : ≥ 6 points = HAI probable, ≥ 7 points = HAI confirméeAAN : anticorps anti-nucléaires ; AML : anticorps anti-muscle lisse ; LKM1 : liver kidney microsome ; SLA : soluble liver antigen, HAI : hépatites auto-immunes * Maximum 2 points si les deux résultats sont atteints ; ** VNS : valeur normale supérieure ; *** Typique : hépatite d’interface, typique de l’HAI, caractérisée par l’infiltration massive de lymphocytes et de plasmocytes dans le foie au niveau portal, péri-portal ou para-septal ; Compatible : Hépatite chronique avec infiltration de lymphocytes sans signes d’hépatite typique

Figure 2 : Algorithme diagnostique des hépatites auto-immunes (adapté de [19])

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Biologie médicale en question

menteuses. La recherche d’a-Ac spécifiques est un temps essentiel pour asseoir le diagnostic d’une HPAI, et pour distinguer une HAI de type 1 ou de type 2. Ainsi la présence d’Ac anti-LKM1 ou anti-LC1 est fortement associée au diagnostic d’HAI de type 2, alors que les HAI de type 1 sont plutôt associées aux Ac anti-actine. Les anti-SLA/LP, associés à une hépatite plus sévère sont particulièrement utiles pour le diagnostic des HAI séronégatives pour les Ac courants. Grâce à la valeur diagnostique quasi-certaine des Ac anti-M2, anti-Sp100, et anti-gp210, le diagnostic de la CBP est plus facilement abordable. Ceci-dit, la présence d’a-Ac doit toujours être interprétée en fonction du contexte clinique, des données biologiques ou histologiques et de l’exclusion d’une hépatite virale ou post-médicamenteuse ou toxique.

Conflit d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt.

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13. Johanet C et al. Auto-anticorps et pathologies hépatiques. Revue francophone des laboratoires. 2017;490:45-55.

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Les hépatopathies auto-immunes (HPAI) correspondent à deux principales entités pathologiques, les hépatites auto-immunes types 1 (HAI-1) et 2 (HAI-2), et les atteintes auto-immunes des voies biliaires, dominées par la cirrhose biliaire primitive (CBP).

Elles sont caractérisées par un polymorphisme clinique et ne doivent être évoquées qu’après avoir éliminé une cause virale, métabolique, médicamenteuse ou toxique.

Les signes immunobiologiques des HPAI sont représentés par une cytolyse ou une cholestase hépatique, l’augmentation des gamma-globulines et la présence à une fréquence variable, d’auto-anticorps (aAc) spécifiques : - Ac anti-ML, anti-SLA et anti-nucléaires au

cours de l’HAI-1 ;- Ac anti-LKM1 et anti-Lc1 au cours de l’HAI-2 ; - Ac anti-Mitochondrie-2, associés au nom

aux Ac anti-gp210 ou anti-Sp100. Au besoin, la biopsie hépatique viendrait

compléter la démarche diagnostique en retrouvant des signes caractéristiques tels que l’hépatite d’interface au cours de l’HAI ou la cholangite destructrice lymphocytaire ou granulomateuse au cours de la CBP.

Points essentiels