diagnostics et amélioration de la performance du ... · des déplacements - tant des matériaux...

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DIAGNOSTICS ET AMéLIORATION DE LA PERFORMANCE DU PATRIMOINE BÂTI AUDITS AND ENERGY PERFORMANCE IMPROVEMENT OF BUILT HERITAGE La session est présidée par Michèle Prats, Vice-présidente d’ICOMOS France. Session chaired by Michèle Prats, Vice-president of ICOMOS France. Quelles réponses techniques spécifiques apporter à la conservation et mise en valeur du patrimoine et à la préservation des savoir-faire traditionnels ? Comment accroître les connaissances pour former et informer les différents milieux professionnels ? S’il y a nécessité d’améliorer les performances énergétiques, les techniques retenues ne doivent en aucun cas porter aeinte aux conditions de conservation des bâtiments existants selon leurs spécificités, entre logements, bâtiments publics ou patrimoine industriel. What are the specific technical answers to preservation of heritage and traditional skills? How to spread the knowledge in order to inform and train professionals? Whenever energy performance is necessary, the chosen solutions should never affect preservation of existing buildings regarding their specificities, the habitat, public buildings or industrial heritage. SESSION 3

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diaGnoSticS et améLioration

de La perFormance du patrimoine bÂti

aUdits and energy performance

improvement of BUilt heritage

La session est présidée par Michèle Prats, Vice-présidente d’ICOMOS France. Session chaired by Michèle Prats, Vice-president of ICOMOS France.

Quelles réponses techniques spécifiques apporter à la conservation et mise en valeur du patrimoine et à la préservation des savoir-faire traditionnels ? Comment accroître les connaissances pour former et informer les différents milieux professionnels ? S’il y a nécessité d’améliorer les performances énergétiques, les techniques retenues ne doivent en aucun cas porter atteinte aux conditions de conservation des bâtiments existants selon leurs spécificités, entre logements, bâtiments publics ou patrimoine industriel.

What are the specific technical answers to preservation of heritage and traditional skills? How to spread the knowledge in order to inform and train professionals? Whenever energy performance is necessary, the chosen solutions should never affect preservation of existing buildings regarding their specificities, the habitat, public buildings or industrial heritage.

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Norms and references as defined by the French thermal regulation are not perfectly fit to heritage buildings as they often account but for an incomplete, biased version of the problem.

The technical analysis is based on references which are most of the time out of touch with heritage since the main focus of the French energy efficiency programmes is on building stocks dating back to post-war reconstruction. These analyses leave at times behind the intrinsic features of old buildings which are to be distinguished according to their geographic context. For instance, the issues of thermal inertia and airing are to be dealt with in a proper way, and with answers that are actually adapted to the context. We possibly cannot have the same technical answer for buildings located up north or down south. I was able to identify the limits of these regulations thanks to a Life Cycle Analysis study conducted on a housing building in the protected area of Bayonne.

Databases are sometimes incomplete and biased. All it takes to be convinced of it is to go through the INIES (1) database to realise how it deals with wood as a material or uranium as a resource. Reading grids are many and they shed light on the limits of the issue when taken separately. One should then cross references in order to measure the real impact of technical decisions on different criteria (greenhouse gas, carbon balance, energy diagnosis, water acidification, eutrophication…). The restoration plan relies upon a sensible approach based on a technical and heritage-value diagnosis in relation to these new reading tools – thus allowing us to put forward solutions that will fit heritage issues and are in tune with an energy saving and sustainable model.

New reading tools are still to be invented in order to come up with adapted measures, as we need to answer these problems and find emergency solutions. In order to do so, we will compare a few case studies and examples.

(1) Database for the referencing of sanitary and environmental features of construction materials

IntrodUctIon AUX déBAts :L’AnALyse dU cycLe de vIe des édIFIces AncIensIntrodUctIon to the dIscUssIons: LIFe cycLe Assessment oF eXIstInG BUILdInGsAntoine BruguerolleArchitecte du patrimoine

– En tant qu’Architecte du patrimoine, j’ai été formé à la restauration des bâtiments. Lorsque j’ai commencé

à exercer, j’ai travaillé sur le patrimoine bâti quotidien. Aujourd’hui, avec cette nouvelle conscience des enjeux écologiques, la question se pose d’intégrer cet objectif d’économie d’énergie dans nos pratiques professionnelles. J’ai toujours eu l’impression que l’on réalisait des économies en «recyclant» la ville, en évitant un certain nombre de déchets et en portant l’intérêt social et culturel et la qualité des bâtiments existants. Les constructions anciennes sont en effet conçues avec une économie de matériaux cherchant à optimiser leurs performances.

Comment qualifier le comportement énergétique des bâtiments anciens ? De quels outils de lecture dispose-t-on ? Les normes et les références actuelles sont quant à elles inadaptées, puisqu’elles sont issues des modèles de la construction neuve et s’attachent à traiter des grands chantiers de rénovation des immeubles de la reconstruction d’après-guerre. Deux outils de références sont actuellement à notre disposition : le diagnostic de performance énergétique et l’analyse du cycle de vie.

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est une méthode de calcul conventionnelle qui fournit la consommation en kWh par mètre carré par an pour un édifice.

L’analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode pour évaluer de manière globale les impacts environnementaux d’un édifice (le changement climatique avec l’émission de gaz à effet de serre ; l’épuisement des ressources énergétiques ; l’acidification atmosphérique SO2 ; l’eutrophisation de l’eau ; les déchets). Ces outils restent toutefois réducteurs. Ils ne tiennent pas compte de la valeur culturelle et sociale des biens et de la qualité particulière des bâtiments anciens. Ils devraient également tenir compte du contexte géographique et paysager. Refaire la ville sur la ville permet d’optimiser le bilan économique en réduisant de manière significative la production de déchets.

La réutilisation ou réaffectation des bâtiments relève du recyclage. Nous attendons beaucoup du programme BATAN en cours, afin d’obtenir des éléments de lecture différenciés sur le

comportement thermique des bâtiments en fonction de leur situation, de leur configuration et de leur typologie. Certains thèmes particuliers restent encore à développer : l’inertie thermique ; l’aération ; la perméabilité des matériaux ; l’hygrométrie.

Nous avons réalisé récemment une analyse du cycle de vie pour la rénovation d’un bâtiment d’habitation du centre ancien de Bayonne, en collaboration avec un ingénieur conseil. L’ACV est un travail fastidieux, où chaque intervention sur l’édifice est décomposée de manière systématique en quantité de matériaux et consommations d’eau et d’énergie, les déplacements de personnes, la transformation, le transport et la mise en œuvre. Il n’est toutefois pas tenu compte de l’énergie grise issue de la réutilisation (conservation de la structure, murs et plafonds). Par ailleurs, les performances obtenues sont très variables selon les options retenues et les différents critères de l’ACV. Il serait intéressant de prolonger cette première étude d’ACV en comparant la restauration avec le même projet de démolition/reconstruction. Nous avons travaillé en faisant varier les facteurs (l’isolation, les parois, les châssis, le revêtement, les équipements). Nous nous sommes rendus compte que les postes isolation et équipement étaient les plus déterminants. Deux règles évidentes sont ressorties : le chauffage électrique est d’une part inadapté, et l’impact des déplacements - tant des matériaux que des personnes- est d’autre part très important. S’agissant de l’épuisement des ressources, 50 % était dû à la production d’eau chaude et au chauffage et 35 % à l’électricité. Pour l’acidification atmosphérique, 40 % était dû au chauffage et à l’eau chaude sanitaire, 30 % aux déplacements et 15 % à l’électricité. Quant à l’eutrophisation de l’eau, 52 % était dû au recyclage des matériaux. Qui plus est, nous avons rencontré des difficultés avec la base de données INIES. Cette base de données fournit des indicateurs sur les qualités environnementales et sanitaires des matériaux. Elle est encore lacunaire. Pour compléter l’étude, nous avons consulté d’autres bases de données suisse et autrichienne. Nous avons par ailleurs constaté que le matériau bois était fortement pénalisé, provenant de loin et posant des problèmes de recyclage (du fait des traitements).

La solution retenue a été une isolation très soignée (30 cm sous toiture et 15 cm contre les parements de façade en pan de bois),

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l’installation de doubles-fenêtres, le doublement des murs les plus faibles par de la laine de bois et du chanvre. Afin d’améliorer l’inertie thermique l’isolation des façades a été revêtue d’un doublage en brique. L’inertie thermique des murs anciens a été conservée mais ces derniers ont été traités avec un enduit au chanvre (de 3 à 4 cm pour supprimer l’effet de paroi froide). La plus importante des performances a toutefois été obtenue avec l’adoption d’une chaudière collective. En remplaçant l’eau chaude sanitaire individuelle par l’eau chaude sanitaire collective, nous sommes passés de 80 à 100 kWh/m3/an à 50kWh/m3/an moyen. En parallèle à l’étude d’Analyse de Cycle de Vie, le diagnostic de performance énergétique joue sur des critères bien identifiés mais reste un outil partiel.

Je souhaite pour conclure indiquer quelques pistes et propositions : intégrer dans les bilans la valeur patrimoniale des ouvrages conservés ; définir un outil d’étude pertinent ; adopter une vision généraliste et globale du dossier (tant au niveau de l’analyse qu’au niveau du calcul de la performance énergétique du bâti ancien) ; définir des solutions adaptées aux différents sites et typologies en utilisant des ressources et des matériaux locaux ; optimiser les équipements, s’assurer de leur maintenance et former les usagers ; mettre en place une grille d’analyse afin de croiser des expériences pilotes et développer la formation des professionnels sur la thématique spécifique du bâti existant.

ABstrAct

The necessity of finding local answers to global warming, by reducing our energy consumption and our greenhouse gas emissions, means adapting the existing mass housing stock. This issue is all the more relevant in Paris, where almost three quarters of the housing stock was built before 1914, and the number goes up to 80% when added the social housing stock built in the interwar years, which is typical of the urban landscape of the inner Paris ringroad.

The knowledge on the main features of historic buildings, regarding their thermal efficiency, their reaction to humidity and their heating needs, still fails to be sufficient. It involves an underestimation of the adaptation capacity of this built environment regarding sustainable development targets (especially when it comes to energy consumption reduction), and the implementation of unadapted

technical solutions - that sometimes threatens the ’sustainability’ of the heritage - is too often the outcome of this lack of knowledge.

This is why the search for the improvement of the old building stock and for current heating needs necessarily goes with a global understanding of the phenomena at stake. Three main factors are at issue in building energy efficiency:

- The urban shape, i.e. the way the building is related to its urban environment;

- The architecture and the constructive system, i.e. its volumetry, its structure, used materials or housing arrangement;

- Housing uses by the inhabitants themselves (heating modes, balance uses)

Based on the first results of the APUR study launched in 2009 and dealing with the thermal behaviour of mass housing buildings in Paris, this presentation will tackle these three issues. It will show the necessity of a pragmatic, case-by-case approach.

LA perFormAnce des Formes UrBAInes à pArIs en termes de consommAtIon d’énerGIe et d’émIssIon de GAz à eFFet de serreUrBAn Forms perFormAnce reLAted to enerGy consUmptIon And GreenhoUse GAs emIssIonsFrançois L’HénaffArchitecte, Atelier parisien d’urbanisme (Apur)

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– La Ville de Paris a adopté un Plan Climat dès 2007. Ce dernier préconise de dépasser les normes fixées par

la réglementation nationale en matière de consommation d’énergie dans les logements, avec un plafond de consommation théorique fixé à 50 KWh-ep/m².an pour la construction neuve et à 80 KWh-ep/m².an en cas de réhabilitation de bâtiments anciens. Dans le cadre de cet objectif, l’Apur a engagé une étude portant sur l’impact et la performance des formes urbaines en termes de consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre. L’étude se divise en deux parties. La première intitulée Consommations d’énergie et émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage des résidences principales parisiennes, rendue publique en décembre 2007, accessible sur le site internet de l’Apur1, consiste en une approche globale à l’échelle du territoire parisien. La seconde partie propose une approche typologique du bâti ancien parisien et se terminera d’ici la fin de l’année.

La première partie concerne l’évaluation des consommations d’énergie et des émissions de gaz des résidences principales à Paris. Elle se base sur la collecte des données à partir de la carte de datation des bâtiments à Paris. Les neuf périodes de datation retenues prennent en compte le découpage INSEE et la date de la première réglementation thermique (1974). L’hypothèse est que la période de construction nous renseigne sur les caractéristiques urbaines et architecturales des bâtiments de chaque période. Les tissus denses des arrondissements centraux de Paris présentent des continuités d’alignement sur rue avec des murs mitoyens systématiquement adossés les uns aux autres. L’exposition solaire des bâtiments est fonction de l’espace public : la largeur des voies plus ou moins largement dimensionnées peut générer des effets de masque. L’ensemble de ces facteurs a un impact sur les apports naturels et les déperditions thermiques des bâtiments. Par rapport à ces caractéristiques urbaines et architecturales des bâtiments parisiens (mitoyenneté, type de murs, proportion de vitrages etc…), des calculs théoriques ont été réalisés sur les besoins en kWh-ep/m².an et par logement. Ainsi, on constate qu’il existe un pic pour les bâtiments construits dans les années 1950 et 1960, qui se justifie par les caractéristiques des bâtiments implantés selon des plans de masse «libres» multipliant les linéaires de façade et leur exposition au vent

et présentant des façades peu épaisses assemblées avec des éléments préfabriqués. Ces calculs montrent que les bâtiments anciens se comportent mieux que ceux de l’après-guerre.

Cependant, cette approche théorique connait des limites, c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité obtenir des chiffres plus précis basés sur les consommations réelles. Le calcul de la consommation réelle d’énergie pour chauffer les logements tient compte de leur répartition selon le mode de chauffage (RGP99/IRIS2) et de la consommation totale à Paris par source d’énergie. Les différences entre les consommations théoriques et réelles s’expliquent par les facteurs suivants : état de vétusté de l’équipement de chauffage, prix de l’énergie, mode de facturation, usages et comportement des consommateurs. Dans le centre historique au tissu urbain dense, les bâtiments ayant peu de surfaces déperditives et en grande partie chauffés à l’électricité présentent des performances énergétiques meilleures que celles fournies par les calculs théoriques. Pour les bâtiments disposant d’un système de chauffage collectif au gaz, nous constatons au contraire une dégradation des chiffres de la consommation réelle liée à l’état vétuste des équipements de chauffage dans le bâti ancien. Le gaz individuel obtient de meilleurs résultats car la facturation individuelle a tendance à responsabiliser davantage les occupants.

Avec la seconde partie de cette étude, nous passons d’une approche urbaine territoriale à une approche plus locale, à l’échelle des parcelles et des bâtiments. En mars 2009, une thermographie aérienne générale a été réalisée sur Paris. Dans le cadre du développement durable, cette carte permet de visualiser les variations d’émissions de chaleur de l’espace public selon les matériaux de surface, la présence de réseaux souterrains (comme le réseau CPCU3) et les grandes emprises libres minérales ou végétales. Elle fournit des données détaillées sur les variations de rayonnement de chaleur émises par les toitures des bâtiments. Elle comporte toutefois des limites, puisqu’une grande majorité des bâtiments parisiens haussmanniens et post-haussmanniens présentent des toitures en zinc, qui réfléchissent la basse température de la nuit, ce qui laisse à penser que ces types de bâtiments sont bien isolés. L’étude a été complétée par des thermographies de façade, portant sur un échantillon de 500 bâtiments représentatifs par leurs caractéristiques

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Old housing represents almost one third of the existing housing stock in France, somehow their thermal behaviour remains largely unknown. Before contemplating sustainable, economically viable, comfort-certified and building-friendly rehabilitation solutions, one needs to analyse the original behaviour of this old built environment, in order not to generate pathologies that would weaken a heritage that has remained sound and safe for centuries.

The examples of the work conducted since 2008 by various towns with a protected area show the kind of exemplary approach that could be favoured:

- Multidisciplinary teams including research departments, heritage architects, heat engineers…

- Rigorous appliance to the steps defined in specifications jointly drafted by the CETE de l’Est (1) and the ANVPAH & VSSP (2): definition of a building typology, diagnosis, analysis, proposals

- Assessment of energy savings with digital simulation tools and calculation of the global cost of each of the proposed works in order to come out with the most relevant range of solutions.

These global methods, when applied to a town or an urban area, can encourage locals into saving energy, respecting at the same time a precious heritage and preserving a true quality of life.

1. CETE (Centre d’études techniques de l’équipement): Technical and engineering research centre 2. ANVPAH & VSSP (Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire & villes à secteurs sauvegardés protégés): National association of art and history towns and cities with protected areas.

Les dIAGnostIcs énerGétIqUes des centres AncIens des vILLeshIstorIc centres enerGy AUdItsAnaïs ClouxChargée de mission, Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des villes à secteurs sauvegardés et protégés (ANVPAH & VSSP)

Louis BourruIngénieur au ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, Centre d’études techniques de l’équipement (CETE) de l’Est

urbaines et architecturales des neuf périodes de la carte de datation des immeubles de logement collectifs parisiens. Des fiches établies pour ces bâtiments montrent leur insertion urbaine et leurs principales caractéristiques architecturales.

En octobre 2009, lors des journées parisiennes du climat, une exposition a permis de présenter les premières orientations de cette partie de l’étude. Pour chaque période de construction, elle présente un rappel du contexte énergétique et une analyse des formes urbaines, des principales caractéristiques architecturales, des techniques constructives et des comportements thermiques des façades. Ces éléments doivent permettre d’évaluer les possibilités d’adaptation du bâti existant au regard des objectifs du facteur 4 définis dans le Plan Climat de la Ville de Paris. Cette étude s’adresse donc principalement aux bailleurs sociaux, aux copropriétaires de logements privés et aux «Espaces Info Énergie», centres d’information pour particuliers. Il s’agit de données informatives et d’orientations mais en aucun cas de prescriptions réglementaires.

Pour chaque période, des fiches présentent ainsi :

- les principaux types de bâtiments avec leurs caractéristiques architecturales : l’aspect des façades, les structures, le type d’enveloppe, le type d’ouverture, les ventilations, les formes de toitures et les dispositions intérieures ;

- le diagnostic de ces bâtiments lié à leur implantation sur les parcelles, le comportement thermique des façades, les modes de chauffage ;

- les premiers éléments d’orientation visant à améliorer les performances énergétiques.

Ainsi, pour les deux périodes de constructions «avant 1914» et «de 1915 à 1939», des orientations peuvent déjà être avancées :- vérifier la performance du système de chauffage,

en particulier pour les systèmes de chauffage collectif des Habitations à Bon Marché (équilibrage, régulation, programmation) ;

- réinstaller des volets sur certains immeubles en particulier ceux construits sous la Monarchie de juillet et la Restauration, entre 1830 et 1850 et les HBM ;

- changer les vitrages tout en veillant au maintien d’une bonne ventilation ;

- isoler les toitures et en particulier les volumes sous comble des toits mansardés ;

- isoler par l’extérieur les façades selon leurs caractéristiques ornementales et la nature des matériaux. Des solutions au cas par cas doivent être proposées selon les types d’immeubles. Pour les immeubles haussmanniens et post-haussmanniens avec une ornementation importante, l’isolation par l’extérieur des façades sur rue est rarement possible alors que cela peut se faire plus facilement sur les façades sur cour, moins épaisses et plus sobres.

Les différents comportements des usagers liés à la notion de confort thermique présentent un impact important sur les consommations d’énergie, mais il n’a pas pu être encore abordé : nous sommes actuellement en quête de données dans ce domaine.

1 . http://www.apur.org/etude/consommations-energie- et-emissions-gaz-effet-serre-liees-au-chauffage-residences-principales-p 2. RGP99/IRIS : Recensement Général de la Population 1999 par Îlot Regroupé pour des Indicateurs Statistiques 3. Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain

p73 -74 : Documents Atelier Parisien d’Urbanisme

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– L’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des villes à secteur sauvegardés et protégés

(ANVPAH & VSSP) regroupe 165 villes et territoires en France possédant, soit un document d’urbanisme patrimonial : secteur sauvegardé ou zone de protection du patrimoine, architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), soit le label «Ville et pays d’art et d’histoire».

L’ANVPAH & VSSP promeut une notion du patrimoine qui, loin du seul concept d’héritage culturel, intègre les problématiques actuelles de qualité urbaine et environnementale, de reconquête des logements, de mixité sociale et fonctionnelle, d’accessibilité et de développement durable. L’ANVPAH & VSSP constitue ainsi une plate-forme d’échanges sur les quartiers anciens et sur l’urbanisme patrimonial. Elle accompagne les villes, met en réseau leurs expérimentations, propose des outils d’accompagnement.

Pour les quartiers anciens, l’enjeu énergétique constitue un défi majeur immédiat. Le bâti ancien, qui représente aujourd’hui un tiers du parc de logements en France, est nécessairement interrogé. Comment mettre en œuvre des programmes pour le bâti ancien répondant aux nouvelles normes et aux exigences d’un développement harmonieux plus soutenable pour la planète et plus réfléchi pour la préservation des équilibres sociaux, culturels, économiques et environnementaux ?

Pour tenter de répondre à ce vaste défi, l’ANVPAH & VSSP a mis en place depuis 2007 une plate-forme d’études et d’échanges s’appuyant sur un partenariat fort avec la Caisse des Dépôts et Consignations, qui permet de travailler sur le renouvellement urbain et l’amélioration du cadre de vie. Participent à cette plateforme d’échanges, les élus et techniciens du réseau, les ministères concernés ainsi que l’ANAH, l’ANRU, l’ADEME, les différentes associations de professionnels et les milieux scientifiques pour avancer ensemble, partager et enrichir les méthodes d’approche, démultiplier et mettre en réseau les expérimentations, accompagner la création d’outils juridiques et techniques adaptés au patrimoine, et assurer une veille juridique et technique sur ces questions. En outre, l’ANVPAH & VSSP organise des journées de formation et des séminaires de réflexion sur ces thématiques et accompagne les travaux des collectivités

locales adhérentes. L’Association développe également un partenariat avec le MEDDTL via le CETE de l’Est et elle collabore par ce biais au projet BATAN, notamment pour l’expérimentation et l’étude des bâtiments en milieu urbain.

Parallèlement, l’ANVPAH & VSSP a souhaité élaborer un cahier des charges et un guide méthodologique pour les villes désirant réaliser un audit énergétique de leur patrimoine bâti ancien. A l’échelle d’un quartier ou d’un centre-ville, il est important de posséder une connaissance approfondie des bâtiments d’un point de vue architectural et hygrothermique et d’analyser le tissu urbain, les formes urbaines, les systèmes constructifs, les matériaux utilisés et les conditions climatiques locales. Ces évaluations peuvent être réalisées, en complément des études obligatoires dans le cadre de l’élaboration ou de la révision d’un document d’urbanisme spécifique à un secteur protégé : Plan de sauvegarde et de mise en valeur dans le cadre d’un secteur sauvegardé ou règlement d’un PLU dans le cadre d’une ZPPAUP ou d’un PLU patrimonial.

Concernant le comportement thermique, il est important d’analyser les bâtiments indépendamment de leurs usages mais également d’avoir connaissance des consommations réelles. Les logiciels actuels de modélisation n’étant pas toujours très fiables, surtout pour le bâti ancien, les modèles informatiques doivent être validés à l’aide de données réelles. Par ailleurs, il est important de définir la méthodologie de l’étude énergétique de manière très précise, en essayant de guider les bureaux d’études vers les résultats souhaités et les outils à utiliser. Il est également nécessaire de réussir à constituer une équipe de maîtrise d’œuvre pluridisciplinaire pouvant échanger au niveau de l’architecture, de la thermique et de l’hygrothermie, en lien avec un économiste ayant la capacité d’apporter des informations en termes de coût global (économiques mais aussi environnementales). Une fois l’étude finalisée, et les solutions de travaux choisis, il est nécessaire de planifier les investissements dans le temps afin de pouvoir étaler les travaux et donc les investissements tout en garantissant une efficacité finale aux bâtiments (réaliser les travaux dans un ordre qui permet d’intervenir sans détruire les premières phases de travaux). Il est également important de différencier les interventions suivant les systèmes constructifs,

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One of the social and human consequences of industrial revolution was the emergence of a new type of housing for workers that expressed through a specific kind of architecture. In Northern France, industrious cities and former towns of the mining area went through a fiery and unique development, that still delivers today through urban and rural landscapes a profuse testimony on industrial housing history, the historical dimension of which still fails to be recognised.

Worker housing is often seen as cheap and sometimes discredited by its inhabitants or the social landlords who own it. Furthermore, it is a kind of heritage that is endangered by inappropriate uses, supposedly supported by an ever-demanding regulation. Facing the high vulnerability of these constructions that are a unique testimony of the industrial era, the DRAC (1) of the Nord-Pas-de-Calais Region formed, under the supervision of the two local SDAP (2), a ’Material Workgroup’, the main objective

of which is to preserve this ordinary built environment while improving the materials quality. The buildings which were labelled as ordinary are those from the industrial era comprised between the end of the 18th century and the Second World War.

The first action taken by this group was to ask specialists to put forward appropriate technical solutions and to spread their ideas among the largest audience possible. In order to do so, the method consisted in surveying this ordinary built environment to bring out heritage values that could justify its conservation, in showing its current use and exposing the risks faced in relation to regulation, and in understanding the thermal capacity of this kind of housing with a view to putting forward a bunch of recommendations to improve energy efficiency in buildings while respecting their original architecture.

The aim of the study is to ensure the durability of this heritage and to respect the enforced thermal laws.(1) DRAC (Direction régionale des affaires culturelles): Regional culture office (2) SDAP (Service départemental de l’architecture et du patrimoine): Local architecture and heritage department

Le FUtUr de L’hABItAt oUvrIer vernAcULAIre en nord-pAs-de-cALAIsthe FUtUre oF workers’ trAdItIonAL hABItAt In nord-pAs-de-cALAIs reGIonCatherine MadoniArchitecte des bâtiments de France

de vérifier la compatibilité des matériaux afin d’éviter les pathologies (humidité, moisissures, champignons, etc.) sur le bâti ancien, d’assurer la réversibilité des travaux et le confort thermique et acoustique des habitants et une bonne qualité de l’air intérieur.

Le CETE de l’Est est un bureau d’études public du ministère du Développement durable qui travaille sur la problématique du bâti ancien et qui suit, en collaboration avec l’ANVPAH, toutes les études réalisées dans différentes villes afin d’en effectuer la synthèse et d’accompagner l’association dans l’évolution de ses travaux. Ce partenariat a pour objectif de trouver une méthodologie partagée pour élaborer les diagnostics thermiques de centres anciens, tout d’abord au niveau des logements. Différentes étapes ont été définies dans un cahier des charges commun : une typologie thermique, des relevés sur le terrain, l’analyse des mesures et l’élaboration de préconisations. Ces études prennent la plupart du temps une année voire plus.

Avant de s’intéresser à la thermique, il est intéressant d’adopter une approche par mode constructif. Les constructions anciennes, c’est-à-dire les bâtiments construits avant la Seconde Guerre mondiale, sont plutôt réalisées avec des matériaux locaux et conçues en fonction du climat ou des contraintes urbaines. Entre 1945 et 1975, les bâtiments ont été construits sans grande considération thermique. Après le premier choc pétrolier, en 1975, des réglementations thermiques ont en revanche permis de rehausser le niveau d’exigence sur tous les nouveaux bâtiments construits. La répartition des effectifs entre ces trois grandes périodes du parc bâti de logements en France est relativement équitable. Par ailleurs, les études montrent que les bâtis anciens consomment en moyenne 200kWh par mètre carré par an pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire alors que la consommation des immeubles de la reconstruction se situe plutôt entre 300 et 500 kWh par mètre carré par an.

Dans un diagnostic de centre ancien, la ville, avec ses ressources propres, peut reconstituer et mettre à disposition des bureaux d’études, la typologie architecturale. Le rôle de la maîtrise d’œuvre est alors de passer de cette vision architecturale à une vision thermique pour définir la typologie thermique, afin de réduire le nombre de cas d’études et de trouver des exemples concrets.

Des bâtiments ont ainsi été choisis dans différentes villes (Bayonne, Poitiers, Saintes, Nantes et Grenoble), avec un grand nombre de diversité de bâtis et des solutions préconisées pour certains bâtiments. Après avoir choisi les bâtiments, des relevés sur le terrain doivent être effectués. La solution la plus simple est d’effectuer des plans et des coupes de bâtiments les plus précis possibles. Il peut également s’agir de relevés des systèmes constructifs, d’un travail sur l’implantation des bâtiments ou du relevé des équipements. Afin de préciser les hypothèses utilisées lors des calculs, des thermographies infrarouges couplées à des tests de perméabilité peuvent être effectuées. Elles permettent de visualiser certaines faiblesses du bâtiment et de connaître le taux d’infiltration d’air. En outre, des mesures de température peuvent être réalisées pour connaître le confort à l’intérieur des logements. Une fois ces mesures effectuées, un diagnostic de déperdition de chaleur à l’échelle du bâtiment peut permettre de cibler la répartition des pertes.

Suite à ce diagnostic, il est possible de simuler des solutions. Nous préconisons dans le cahier des charges proposé d’effectuer des simulations thermiques dynamiques, qui permettent de mieux modéliser le comportement du bâti ancien. Il est toutefois nécessaire de recaler le modèle avec le climat de la ville et les consommations réelles, d’où l’importance d’enquêter chez les occupants. L’ensemble de ces calculs ne doit donc pas rester déconnecté de la réalité. L’aspect patrimonial se discute de manière pluridisciplinaire, afin de connaître les matériaux acceptables pour le patrimoine et les formulations de ces matériaux. Des simulations sur les transferts d’humidité peuvent également être réalisées, afin de savoir si des dommages seront créés par l’isolation. Ces calculs permettent ensuite de proposer des systèmes de réhabilitation thermique, en hiérarchisant les solutions.

Une fois qu’une telle étude a été réalisée, il est important de diffuser les connaissances à l’aide de guides de préconisation à destination du grand public et de l’ensemble des professionnels du bâtiment.

p76 : Guide pour la réhabilitation thermique des bâtiments anciens (Communauté d’agglomération de Poitiers - AUP SCPA Steff Lemoine Davy Geffard Berthomé – D . GROLEAU – POUGET Consultants)

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– Le patrimoine a longtemps été compris au travers de ses bâtiments symboliques tels que les cathédrales ou les châteaux. Mais la

mémoire d’une époque est également constituée tous ces lieux habités par la majeure partie d’une société. Dans une perspective contemporaine, cette architecture du quotidien n’est jamais considérée comme marquante. Elle prend toutefois tout son sens dans une perspective historique. Ainsi, la région Nord-Pas-de-Calais est caractérisée par un habitat ouvrier présent sur tout le territoire régional sous des formes très variées qui compose une large partie de son paysage urbain. Mon intervention traite de la conservation du bâti ordinaire de l’époque industrielle en Nord-Pas-de-Calais, dans le respect de la mise en œuvre des matériaux et de la conformité avec la réglementation thermique. Les maisons des ouvriers agricoles, des menuisiers, des tisserands et des ouvriers d’usine, constituent en effet le bâti ordinaire. Ce patrimoine forme un habitat de qualité qui témoigne des avancées urbaines, architecturales et sociales. L’évolution de l’habitat en bande à la cité jardin apporte un véritable enrichissement des formes urbaines et architecturales. Mais ce bâti ordinaire est un patrimoine fragile car sa valeur n’est pas reconnue. De plus, il est menacé par des pratiques et l’usage de matériaux inadéquats, prétendument soutenues par une règlementation de plus en plus exigeante.Le contexte historique et social de l’habitat ordinaire de la région Nord-Pas-de-Calais est marqué par un enchevêtrement de culture paysanne et industrielle. Il existe depuis longtemps un habitat spécifique lié à l’agriculture, au tissage ou à la pêche et qui a pris des formes très variées avant l’ère industrielle. Cet habitat traditionnel, bâti par les occupants eux-mêmes, a peu évolué au cours des siècles. En milieu rural, les maisons des ouvriers se distinguent de celles des paysans par leur extrême simplicité. Avant l’époque industrielle, la construction de l’habitat ouvrier reposait essentiellement sur l’utilisation de matériaux disponibles sur place (la terre,la pierre et le bois). A partir du XIX ème siècle, l’économie de la construction se tourne progressivement vers des produits industrialisés. L’habitat ouvrier se banalise et se standardise alors. La mise en œuvre et l’organisation spatiale de l’habitat changent profondément. Les industriels prennent désormais en charge la construction des logements. Les maisons sont alors inspirées des cités ouvrières anglaises. Les exploitants des minières se lancent

massivement dans la construction, confiant aux ingénieurs et aux architectes le soin de rationnaliser et d’optimiser leurs projets. Ces cités minières constituent un monde à part où s’exerce un fort contrôle social.Aujourd’hui, la population qui habite ces logements est majoritairement constituée de personnes à faibles revenus. Ce bâti interroge sur la capacité qu’auront ces habitants à profiter des avancées en termes de confort. Le problème est complexe : il s’agit en effet d’offrir des solutions de restauration ou de gestion qui puissent satisfaire les exigences socio-économiques et porter une attention particulière à l’identité architecturale et urbaine de ces cités. Car ce patrimoine ordinaire est très vulnérable : les maisons appartiennent, soit à des personnes qui ne les entretiennent pas, soit à des bailleurs sociaux qui, pour des raisons de vétusté, décident de les démolir, soit à de nouveaux propriétaires qui les restaurent eux-mêmes sans souci de conservation et de préservation d’un patrimoine.

Bien qu’un grand nombre de ces constructions se trouvent dans des espaces protégés, abords de monument historique ou ZPPAUP, cela ne permet pas de garantir la préservation de ce bâti. Un avis même conforme ne peut pas pallier à tous les problèmes surtout lorsque les problèmes sociaux et financiers prévalent.

p80 : Paysage urbain du Nord-Pas-de-Calais et habitat ouvrier de l’époque industrielle. ci-dessous : Plan d’une cité d’habitat ouvrier.

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acteS du coLLoque

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SeSSion 3

Pour éviter la banalisation de ce bâti ordinaire et devant l’impuissance des Architectes des bâtiments de France à convaincre du bienfondé de certaines exigences, il était nécessaire de mettre en œuvre une démarche concertée. La Direction régionale des affaires culturelles du Nord-Pas-de-Calais ainsi que les deux Services territoriaux de l’architecture et du patrimoine ont alors décidé de constituer un groupe de travail sur les matériaux. Son objectif est d’améliorer la qualité des travaux sur le bâti ordinaire sans pour autant en augmenter le coût et de réaliser les travaux dans les règles de l’art, afin d’éviter le dévoiement et la banalisation de cette architecture et sa dénaturation par des pratiques inadaptées. Le groupe «Matériaux» est composé des services de l’Etat, de la société civile, des artisans et des collectivités territoriales.

Une mission d’étude a dans un premier temps été confiée à des Architectes du patrimoine, Eric Barriol et Jennifer Didelon, pour assurer la conservation du «bâti ordinaire de l’époque industrielle respectant la mise en œuvre des matériaux et la conformité avec la règlementation thermique actuelle». Cette mission a été complétée par des analyses technique, énergétique et thermique d’habitations anciennes représentatives de différentes cités, réalisée par le bureau d’études Agathe. Cette étude, actuellement en cours, devrait permettre d’appréhender les spécificités techniques de ce type d’habitation et d’apporter un ensemble de préconisations. L’étude se déroule en deux phases : en premier, un diagnostic du bâti ordinaire avec une analyse des pratiques et de leurs conséquences sur le bâti, puis l’établissement d’un cahier de recommandations avec des fiches techniques. Une analyse sur plus de 650 cités (ces cités ont été étudiées par la Mission Bassin Minier qui est un organisme qui travaille sur ce territoire) a permis de constater leurs qualités urbaines et architecturales. Les constructions étudiées ont entre 50 et 200 ans et sont dans un état sanitaire de conservation satisfaisant si elles ont été correctement entretenues. Les matériaux employés sont naturels, peu transformés et mis en œuvre selon des savoir-faire traditionnels. Ils possèdent une très bonne durée de vie, avec des détails très soignés. Les pratiques actuelles et leurs conséquences ont également été analysées.

Pour réaliser le diagnostic thermique, différents cas représentatifs du bâti minier ont été choisis : la Cité des électriciens

à Bruay-la-Buissère ; la Cité Lemay à Pecquencourt ; la Cité Declercq à Oignies. La première phase de la mission a été de déterminer le niveau de performance énergétique des habitations sélectionnées, d’explorer les solutions techniques pour améliorer ses performances et de définir et caractériser les améliorations à réaliser. La deuxième phase a permis de définir une stratégie de rénovation et un objectif de performance à atteindre, d’élaborer un programme de travaux et de calculer les consommations après travaux sur les habitations sélectionnées. S’agissant de la consommation énergétique à l’état existant, les déperditions sont importantes au niveau des parois courantes, des planchers et des combles. Les performances techniques des menuiseries ont également été étudiées. Un double vitrage performant ou une double fenêtre est préconisé. Ce diagnostic a permis de montrer tous les défauts d’isolation. Différentes préconisations ont été effectuées afin d’améliorer le confort de ces habitations : isoler par l’intérieur ; maîtriser la ventilation ; modifier le mode de chauffage.

S’agissant de la Cité des électriciens, trois programmes de travaux sont proposés pour atteindre les performances de la réglementation thermique. Le programme 1 consiste à isoler le plancher haut des combles et la dalle haute de la cave, conserver les menuiseries et rajouter une double fenêtre, réaliser une ventilation à simple flux et mettre en place une chaudière classique. Son coût s’élève à 11 500 euros pour une maison de 46 mètres carrés. Le programme 2 consiste à ajouter en plus une isolation des parois d’une épaisseur de 100 millimètres et le renforcement de l’étanchéité à l’air du logement, la ventilation et la mise en place d’une chaudière à gaz. Son coût s’élève à 24 500 euros. Dans le programme 3 sont préconisés un isolant de 100 millimètres, une ventilation à double flux, une pompe à chaleur et un chauffage solaire pour l’eau chaude sanitaire pour un coût estimatif d’investissement de 40 500 euros. Dans l’état existant, ces maisons consomment 460 kWh par mètre carré ; la consommation atteint 229 kWh avec le programme minimum et 157 kW avec le programme 2.

Les prescriptions ne sont toutefois pas suffisantes si elles ne sont pas comprises et admises par ceux à qui elles s’adressent. Si notre objectif était d’obtenir une bonne connaissance du patrimoine afin de savoir

comment répondre aux normes thermiques et empêcher la démolition d’habitations, le second volet du projet qui débute à peine consiste à mettre en place des actions pédagogiques (expositions, affiches, etc.). Nous souhaitons organiser des journées techniques avec des artisans afin de présenter, par exemple, la manière de réaliser un rejointoiement et mettre en place des ateliers de petits travaux du bâtiment à destination des habitants. Nous formons également des artisans avec la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), afin qu’ils démultiplient leur savoir-faire.

Dans cette région, où les personnes ont un grand sens de la solidarité et de la communauté, il apparaît que nous pouvons être capables de tenter cette expérience. Toutefois, cette démarche, pour se mettre en place devra être portée par une volonté politique locale.

Programme 1 (solution minimale)

229 kwhep/m²

Programme 2 (solution de base)

157 kwhep/m²

Programme 3 (solution renforcée)

122 kwhep/m²

IsoLAtIon

- Dalle haute vers combles perdues

(300 mm d’isolant)

- Dalle haute cave

(100 mm d’isolant)

IsoLAtIon - Dalle haute vers combles

perdues

(300 mm d’isolant)

- Dalle haute cave

(100 mm d’isolant)

- Isolation des parois courantes

(100 mm. d’isolant)

IsoLAtIon

- Dalle haute vers combles perdues

(300 mm d’isolant)

- Dalle haute cave

(100 mm d’isolant)

- Isolation des parois courantes

(150 mm. d’isolant)

menUIserIe

- Conservation menuiserie existante

et ajout coté intérieur d’une menuiserie

bois double vitrage

menUIserIe

- Conservation menuiserie

existante et ajout coté intérieur d’une

menuiserie bois double vitrage

menUIserIe

- Remplacement de la menuiserie

existante par une menuiserie bois

double vitrage 4/16/4 avec gaz argon

eqUIpements

- Ventilation simple flux

- Mise en place d’une chaudière

classique à haut rendement

dédiée au chauffage

et à l’eau chaude

eqUIpements

- Renforcement de l’étanchéité à l’air du

logement

- Ventilation simple flux

- Mise en place d’une chaudière à gaz à

condensation dédiée au chauffage et à

l’eau chaude sanitaire

eqUIpements

- Renforcement de l’étanchéité

à l’air du logement

- Ventilation double flux

- Mise en place d’une pompe à chaleur

- Mise en place d’un chauffage solaire

thermique individuel

coût estimatif d’investissement

11500 euros ht

coût estimatif d’investissement

24500 euros ht

coût estimatif d’investissement

40500 euros ht

Propositions de travaux pour la Cité des électriciens.

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ABstrAct

The Cité internationale universitaire de Paris (Paris international students centre) is a large campus with 6000 accommodations for students and scholars divided among forty houses. The buildings were constructed between 1923 and 1969 and show a broad diversity of styles, as well as examples of contemporary, regionalist and historicist architecture. Five buildings are officially protected as is the site itself.

A management plan for architecture and landscape and a renovation programme to be conducted by 2018 have been drafted as well as a sustainable development Charter involving all shareholders of the Cité in preserving the environment. The average energy consumption ratio is about 300 kWh/m²/year. Efficiency among heritage buildings is however somewhat contrasting. Some buildings even consume up to more than 400 kWh/m²/year. Energy audits have been launched in 2010 on almost all buildings thanks to the French government economic recovery plan. Forty buildings are concerned. Trends are already emerging, revealing a variety in building types. These types help define several levels of improvement.

The first level regards implementation of management and regulation systems in order to adjust heating and ventilation generation to the real needs of the users. The second level deals with performance of facilities. The third level concerns the introduction of renewable energy plants such as thermal solar energy. These steps help cut energy consumption by 15 to 25%. Finally, the last level is about replacing glazing and insulating walls and attics from inside. Along with the previous steps, it helps reduce by more than 50% energy consumption.

Three interventions recently came to completion, in which efforts have been made to reduce energy consumption, taking place in:

- The AgroParisTech International House, built by René Patouillard in 1948

- The House of Norway, by Reidar Lund, 1954 - The Abreu de Grancher Foundation,

Albert Laprade, 1932

Regarding the aesthetical impact, the heritage department works constantly with the Architectes des bâtiments de France on a case-by-case basis, according to historical surveys on each house, which constitutes a subtle task made in connection with architects, engineers, workgroups and scientific committees.

Une chArte de déveLoppement dUrABLe poUr LA cIté InternAtIonALe UnIversItAIre de pArIsA sUstAInABLe deveLopment chArter For the pArIs InternAtIonAL stUdents centreVincent Mallard, Directeur du patrimoine Laurent Arnould, Assistant à la maîtrise d’ouvrage pour l’efficacité énergétique

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SeSSion 3

– La Cité internationale universitaire de Paris est un grand campus dédié aux échanges universitaires internationaux, composé

de 40 maisons dont deux hors site. Ses 6000 logements pour étudiants et chercheurs représentent environ 250 000 mètres carrés et accueillent 10 000 résidents de plus de 100 nationalités chaque année. Il s’agit d’une fondation privée reconnue d’utilité publique, propriété des universités parisiennes. La Cité est bordée d’un côté par le boulevard périphérique et de l’autre par le boulevard Jourdan. Elle forme, avec le parc Montsouris, un poumon vert au sud de Paris. Il s’agit d’un patrimoine à la qualité reconnue. L’ensemble des constructions a été réalisé entre 1923 et 1969. La première résidence a été inaugurée en 1925, la dernière étant la fondation Avicenne conçue par Claude Parent. Elles présentent une grande diversité de style et d’architecture contemporaine, régionaliste et historiciste. Cinq bâtiments sont classés ou inscrits et le site est lui-même inscrit.

Avec l’aide de la Caisse des Dépôts et Consignations, un schéma directeur architectural et paysager, conçu par la SCET, qui vise à engager une troisième phase de construction sur le site a été établi. Il existe en outre un programme pluriannuel de rénovation, qui court jusqu’en 2018. Nous essayons de lancer des rénovations exemplaires depuis 2007 sur des bâtiments en réhabilitation lourde. Un futur bâtiment énergie positive, la Maison de la région Ile-de-France, sera construit pour 2014.

Une Charte de développement durable, élaborée en 2009, associe tous les acteurs de la Cité autour des enjeux de préservation de l’environnement. Nous nous sommes appuyés sur les 3 fois 20 européens (20 % d’économie de gaz à effet de serre ; 20 % d’économie d’énergie ; recours à 20 % aux énergies renouvelables), à atteindre d’ici 2020. Le ratio moyen en consommation d’énergie se situe autour de 300 kWh par mètre carré par an. Cela correspondrait donc à une étiquette DPE de classe E. Les performances du patrimoine à l’heure actuelle sont cependant contrastées. Certains bâtiments sont très énergivores, au-delà de 400 kWh par mètre carré (la fondation Deutsch de la Meurthe, la Maison internationale, la Fondation suisse et certaines rénovations des années 90). Des bâtiments sont en position intermédiaire autour de 300 kWh par mètre carré, notamment les rénovations du début des années 2000. Enfin, les bâtiments les moins énergivores sont les réhabilitations récentes (le Collège britannique, la Maison

des provinces de France, la Résidence Quai de la Loire). Nous mettons en outre en place un système de management énergétique sur la base Afnor EN 16 001. A l’échelle du site, nous menons une campagne de sensibilisation relative aux économies d’eau, au tri des déchets, aux écogestes et aux bonnes pratiques, en collaboration avec les associations de résidents. Il n’existe pas de comptage individuel par logement. Nous effectuons des comptages par bâtiment, que nous souhaitons préciser davantage en fonction des usages.

Parmi les grandes actions lancées en 2010, des audits énergétiques ont été lancés avec l’aide du Plan de relance de l’Etat sur la quasi-totalité des bâtiments, à l’exception de ceux rénovés récemment. Plus de quarante bâtiments sont concernés. Dès à présent, de grandes orientations se dégagent, permettant de rendre compte de la variété des types de bâti. Elles mettent notamment en avant la possibilité de définir différents niveaux d’améliorations.

Le premier niveau a trait au déploiement de systèmes de régulation et de gestion, afin d’ajuster la production de chauffage et de ventilation aux besoins réels des usagers. Des équipements permettent en outre de disposer d’un éclairage fonctionnant selon les besoins. Il s’agit de postes d’économie d’énergie très importants. Le deuxième niveau consiste à s’intéresser à la performance des équipements : l’éclairage avec la disparition des lampes à incandescence, l’amélioration des tubes fluorescents et l’installation des lampes fluocompactes ; la ventilation avec l’installation de bouches hygroréglables et de la ventilation double-flux. Les circuits et générateurs de chauffage avec le remplacement des équipements en fin de vie par des équipements au rendement supérieur. Le troisième niveau est relatif à l’introduction d’installations d’énergies renouvelables. Le solaire thermique, qui permet un appoint en termes d’eau chaude sanitaire, est grandement bénéficiaire pour les économies d’énergie. Il doit toutefois respecter l’esthétique du bâtiment. Ces différentes étapes permettent de réaliser des réductions d’énergie de l’ordre de 15 à 25 %. Enfin, le dernier niveau a trait au remplacement des vitrages et à l’isolation des combles et des parois par l’intérieur. Associé aux interventions précédentes, Il permet d’atteindre des réductions de consommation d’énergie supérieures à 50%.

Trois opérations se sont terminées récemment, dans lesquelles des efforts ont été réalisés en matière d’économie d’énergie:

La Maison internationale AgroParisTech a été construite par René Patouillard en 1948. La fin de l’opération datant de l’hiver dernier, nous ne disposons pas encore d’un retour complet sur le comportement du bâtiment. Nous avons créé une isolation intérieure, repris les réseaux de chauffage, remplacé une partie des vitrages et créé une ventilation double-flux. Celle-ci permet de placer un récupérateur de calories entre l’air entrant et l’air sortant mais également de mieux traiter le bruit avoisinant. Des panneaux solaires ont en outre été intégrés sur la toiture, représentant un mois d’eau chaude sanitaire par an. Selon la modélisation, ces différentes opérations permettent une réduction de 190 à 102 kWh par mètre carré, soit 46 % d’économie. Elles représentent 500 000 euros d’investissement, soit un surcoût de 7,5 % par rapport à une réhabilitation simple. Nous souhaitons réaliser pour cette maison un audit de suivi des performances après travaux, afin de vérifier que les objectifs ont été atteints et voir si certains points doivent être corrigés. Nous désirons également y associer les utilisateurs et le gestionnaire. En effet, les comportements des usagers, et le suivi précis de l’entretien et de la maintenance sont des facteurs déterminants en termes de consommation.

La Maison de la Norvège, conçu par Reidar Lund en 1954, est un bâtiment en voie de réception. Nous avons intégré une isolation intérieure, calorifugé les réseaux, installé des robinets thermostatiques, mis en place des panneaux solaires sur une toiture invisible et intégré des écomatériaux. Le bilan du bâtiment, de 143 kWh, passe à 93 kWh avec un surcoût lié aux économies d’énergie de l’ordre de 13 %.

Enfin, la Fondation Abreu de Grancher, construite par Albert Laprade en 1932, est en cours de réception. Nous avons intégré une isolation intérieure de la toiture-terrasse, remplacé les menuiseries, repris les réseaux de chauffage et intégré des panneaux solaires invisibles. Ces opérations permettent une réduction de 36 % d’énergie, avec un surcoût de 10 % lié aux travaux d’économies d’énergie.

Par ailleurs, nous avons essayé de réaliser une projection de l’application de notre Charte, afin d’examiner si nous pouvions atteindre l’objectif

des 3 fois 20 %. Le potentiel de réduction de 20 % en matière de consommation d’énergie est tout à fait atteignable. La réduction des gaz à effet de serre suit globalement les économies d’énergie. En revanche, nous nous situons en-deçà de ce qui devrait être atteint concernant les énergies renouvelables. C’est pourquoi dans le cadre du schéma directeur de développement, qui prévoit de créer de nouvelles résidences en bordure du boulevard périphérique, nous avons imaginé une sorte de voile semi transparent d’un kilomètre de long et d’une dizaine de mètres de haut, qui pourrait intégrer sur la moitié de sa surface des cellules photovoltaïques en couche mince. Cette paroi de verre fonctionnerait à la fois comme une protection phonique pour le parc et une centrale solaire, qui permettrait d’alimenter environ 1 000 chambres en électricité.

Parmi les points particulièrement délicats d’interface «énergie/patrimoine», nous avons noté les questions d’isolation et de point de rosée, de traitement des menuiseries et de ventilation. Il serait intéressant de comparer les expériences réalisées sur différents sites afin de constituer un corpus de connaissances et de bonnes pratiques qui servent de références. S’agissant de l’impact esthétique, nous collaborons en permanence avec les architectes des bâtiments de France. Pour l’intégration du solaire, nous travaillons sur la cinquième façade, c’est-à-dire la toiture, en s’assurant que les installations n’ont pas d’impact visuel depuis le sol.

Par ailleurs, une des grandes questions qui se pose a trait à la manière de faire face aux investissements, qui représentent des coûts très importants. La solution du partenariat public/privé dans le cadre d’un contrat unique de performance énergétique apparaît difficilement applicable sur un patrimoine de ce type. Nous travaillons au contraire au cas par cas, en fonction d’études historiques réalisées sur chaque maison, ce qui nécessite un travail très fin avec des architectes, ingénieurs, des groupes de travail et des comités scientifiques.

p85 : (de haut en bas) Maison de la Norvège - Reidar Lund 1954/ Fondation Abreu de Grancher - Albert Laprade 1932/ Maison internationale Agroparitech - René Patouillard 1928 (photos Mario PIGNATA MONTI)

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acteS du coLLoque

résUmé

L’habitat traditionnel du Caire fait appel à des méthodes et des systèmes de construction qui ont permis d’assurer un confort intérieur indépendamment des conditions environnementales extérieures.

La première partie de cette présentation met en lumière certains des systèmes environnementaux passifs caractéristiques de l’architecture arabo-islamique et de l’urbanisme du Caire.

La seconde partie consiste en une étude de cas qui s’attache à développer la démarche empruntée pour la réhabilitation du hammam Tambali, où un critère de durabilité et de protection de l’environnement a été adopté. Cette même démarche s’efforce de ne pas compromettre le confort moderne, en permettant l’utilisation de technologies actuelles sans toutefois remettre en cause l’authenticité et les valeurs historiques du bâtiment. Cela commence par l’analyse des cycles de l’eau et des déchets, des niveaux de confort en hiver et été, des modes d’utilisation traditionnels d’un hammam, de la typologie authentique, des matériaux et systèmes de construction. Puis, une stratégie pour la réhabilitation du hammam est définie :

- La restauration du bâtiment et préservation des parties d’origines, dont les détails et ornements

- La réhabilitation du hammam selon sa fonction d’origine

- L’utilisation de technologies modernes, particulièrement celles utiles à la conservation du bâtiment, telles que les équipements de plomberie et d’isolation contre l’humidité, sans que cela ne remette en cause sa valeur historique et son authenticité

- L’intégration des méthodes traditionnelles à ces technologies modernes, de façon à réduire les dépenses en eau et en énergie, tout en donnant un exemple pratique à la communauté locale

- L’interprétation critique et la mise en exposition des systèmes hydrauliques historiques du hammam grâce à un itinéraire de visite à travers le toit, la roue à eau et la chaufferie, de façon à présenter des méthodes durables de préservation de l’environnement

- La définition des futures fonctions du hammam en lien avec le patrimoine matériel et immatériel des différentes communautés environnantes

- La mise en place de nouveaux programmes qui puissent favoriser des partenariats entre public et privé par l’investissement dans la conservation du patrimoine grâce à l’analyse de son potentiel économique, tout en veillant à préserver son esprit et ses valeurs.

Cette présentation s’appuie sur des références historiques, des expériences scientifiques et des recherches anthropologiques.

cAIro, vALorIsAtIon oF sUstAInABLe trAdItIonAL BUILdInG technIqUesLe cAIre, LA vALorIsAtIon des méthodes trAdItIonneLLes de constrUctIon dUrABLeDalila ElKerdanyArchitect, professor at the Cairo University, Egypt

Tambali hammam layout :

1 Hot Basin 1

2 Walls of Hot Basin 1

3 Hot Basin 2

4 Intermediate Room

5 Fregidarium

6 Burner

7 Historic Façade

8 Modern Façade

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acteS du coLLoque

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SeSSion 3

– Islamic architecture and urban planning adapted very well to the environment in previous epochs, and this is exemplified in

two types of buildings, houses and similar buildings, where the concern was primarily ventilation and cooling, and hammams, where the emphasis was on keeping heat inside. Buildings are living organisms which are a source of knowledge as well as catalysts for fostering community development.

The typical medieval Islamic house is organised around a courtyard, onto which the principal rooms generally open. These houses emphasise shade and ventilation; the air typically circulates from the north or northwest side of the building through the interior. The water feature also helps to cool warm air. Other features protect against glare. Orientation is always to the north or northwest, facilitating air circulation throughout the building and upward. Treatments of the outdoor spaces help to cool the environment, with narrow streets and overhanging upper floors; this also provides shade for the walls, lowering the temperature in the buildings behind them, particularly in the ground-floor rooms with stone walls. Very few of the streets in Cairo are covered, in contrast to Aleppo, where most of the streets in the bazaar are.

The function of a hammam, by contrast, is to keep warm air inside, as it is a public bath. A 2005 project financed by the European Commission is the renovation of the hammam Tambali in Cairo. The building is located in one of the busiest neighbourhoods and has come under threat from the advent of tall buildings and the change of character of the quarter. It is likely that the original site of the hammam extended further than the existing site, so it may be necessary to reclaim some of the area around it. The site was previously used for storage and workers’ quarters; there is now an opportunity to provide functions on the site that will make the hammam economically sustainable, and to provide more environmentally sustainable ways of heating the building.

The hammam was originally built sunk into the ground in order to preserve heat; this has been exacerbated owing to the addition of layers to the street over time. Photographic evidence shows that the current elevation is very different from what it was originally. The cool exterior part consists of the changing rooms; the air temperature increases further into the building, to where the plunge pools flank the furnace area. An underground water supply is fed to the heater, then carried to the roof through exposed channels, and drips into the hammam from the outside, creating steam.

This system generated considerable heat loss and it will be necessary to try to save energy and water, while retaining in the form of an exhibition how the original system worked.

Studies on upgrading the water and heating systems were carried out in the 1970s, and our investigations revealed that additional water pipes were installed at this time. The analysis in fact revealed that the hammam has undergone a number of changes during its life. Different materials, from stone to brick, were used, and various structural alterations were performed. There is also evidence that the floors and staircases were altered in different periods, some of it very poor in quality. Also, the water pipes installed in the 1970s are now in very poor condition.

Some of the features we want to restore include the natural and artificial lighting systems. The interiors were lit by candle-light and ceiling openings. The cladding applied to the building ranged from wood to clay and plaster. It is important to identify the original decorative features, such as stone carvings, as well as the original furnishings. It is very difficult to determine the mortar type originally used in the building because of the numerous restorations performed during its lifetime. The proposed restoration will include gardens at the entrances and new services for the benefit of the community. Archaeological excavation may be necessary in two places. A ramp is proposed for the roof of the hammam to illustrate how the original heating system operated. The traditional bath will be preserved with all its original elements in place. We have an agreement with the Supreme Council of Antiquities to work on the hammam on the basis that its original functions will be rehabilitated. We want to employ modern techniques for preserving the building and the environment. However, we need to show that we cannot use everything that can be employed today to adapt to the original design. We want to continue the functions of the hammam within the life of its diverse community, but we also want to introduce new concepts encouraging partnerships between the public and private sectors.

résUmé

Dans un contexte de changement climatique, de développement des énergies durables, et dans des régions où l’eau s’apprête à devenir une ressource de plus en plus rare au cours des prochaines décennies, la transformation des hammams traditionnels nécessite de prendre en compte de nombreux aspects, parmi lesquels les plus importants sont:

- Le respect total des usages, fonctions et rituels sociaux, ce qui signifie une gestion adaptée de l’énergie et de l’eau

- Le respect de l’architecture des hammams traditionnels, ce qui implique une isolation et une rénovation des systèmes hydriques qui respecte la qualité du bâti ancien

- La responsabilité de la maîtrise d’ouvrage, étant donné que dans de nombreux pays méditerranéens, les gestionnaires des hammams n’en sont pas propriétaires et ne peuvent donc prendre de décisions quant aux processus de rénovation

Les deux projets HAMMAMED et REMEE, financés par l’Union Européenne dans le cadre du programme Euromed Heritage, combinent leurs forces afin d’engager une réflexion et une discussion en vue de définir les conditions et possibilités d’une gestion des hammams plus soucieuse de l’environnement, dans le respect des conditions préalablement énoncées. L’objectif principal en est la définition d’un processus visant à instituer un système de type éco-label pour les hammams.

Le processus émanera d’une large concertation entre propriétaires de hammams, gestionnaires et usagers dans deux villes pilotes (Marrakech et Fez), afin de déterminer la compatibilité entre restauration et préservation des fonctions des hammams traditionnels. Il comprendra deux orientations principales : gestion de l’eau et énergie. Avec l’agenda environnemental international lié à la réduction des émissions de CO2, de nouvelles formes de pression viennent encourager la réduction des émissions des hammams au Maroc.

L’objectif de cette présentation est d’examiner les différentes options disponibles aujourd’hui pour réduire les émissions de CO2 et améliorer la performance énergétique des systèmes de chauffage des hammams, notamment à travers l’exemple de chaudières améliorées et de systèmes hybrides permettant de préchauffer l’eau à l’aide de panneaux solaires. Outre les systèmes d’amélioration du chauffage, les systèmes performants d’éclairage naturel basés sur les bulbes en verre traditionnels sont également à prendre en considération.

hAmmAms trAnsFormAtIon In moroccoLA trAnsFormAtIon des hAmmAms trAdItIonneLs AU mArocMagda SibleyProfessor at the University of Manchester, England

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SeSSion 3

– Je vais vous parler des bains publics et plus particulièrement des aspects de l’eau et du chauffage. Le bain au Caire possède

un système de chauffage spécifique, sachant que la chaudière se situe au niveau de la terrasse et que l’eau chaude descend dans le bain. Il s’agit d’une particularité du Caire puisque partout en Afrique du Nord, le chauffage réutilise le système romain, à savoir l’hypocauste. Le hammam est un espace où beaucoup d’eau est dépensée. Historiquement, les bains étaient en fait utilisés à défaut de salle de bain dans les maisons. Il s’agissait donc d’une manière d’utiliser l’eau et le chauffage collectivement.

Tant les projets REMEE (Redécouvrons Ensemble les Mémoires de l’Eau en Méditerranée) que HAMMAMED (sensibilisation au patrimoine culturel des hammams) financés par Euromed Heritage 4, concernent les bains publics au Maroc. Sept partenaires sont mobilisés dans le cadre du projet REMEE pour sensibiliser l’opinion publique et les décideurs euro-méditerranéens à la sauvegarde du patrimoine liée à la gestion de l’eau. Un écomusée et un parcours de découverte du patrimoine de l’eau sont en outre en voie de lancement au Maroc. Les projets REMEE et HAMMAMED ont pour objectif commun d’initier une approche environnementale intégrée à l’échelle des hammams. Ils se déroulent dans le cadre d’un processus participatif. Que ce soit pour la consommation de l’énergie ou de l’eau, les utilisateurs et les gestionnaires des bains sont impliqués et collaborent. Des diagnostics seront réalisés sur deux bains, afin de créer un outil d’autodiagnostic simplifié, établir un état des lieux, tester la faisabilité des techniques, élaborer un cadre méthodologique et technique et lancer une concertation élargie autour des conditions de son application.

Le bain joue un rôle très important au sein de la société nord-africaine. L’eau devient un produit de confort aujourd’hui puisqu’elle se raréfie. Il faut donc réfléchir à une utilisation plus rationnelle de l’eau. Nombre de bains qui avaient jusqu’alors leur propre source travaillent maintenant avec un système municipal de distribution d’eau. Nous rencontrons actuellement des problèmes, surtout dans les bains anciens avec des systèmes d’alimentation d’eau vétustes ; un patrimoine fragile ; des gestionnaires différents des propriétaires et n’ayant pas les moyens d’effectuer des travaux de maintenance. Pour minimiser la consommation d’eau dans les hammams, des changements de pratiques sont en outre nécessaires. Je vais poursuivre mon exposé en anglais.

Water was traditionally carried in wooden buckets in historical Moroccan hammams, and the entrance charge was associated with the number used. These hammams were very simple compared to those found in Syria and elsewhere, where water was carried in pipes, with the associated wastage. Hammams still provide essential functions to the poor populations of medinas, where many families live in old courtyard without bathrooms, so we have to take this into account when we talk about energy. It is important to think beyond environmental sustainability in this context, as these facilities have to be socially and environmentally sustainable as well. There are facilities in every neighbourhood in the Medina of Fez, and the tradition of using them is very much alive even in new neighbourhoods. One of the problems is the heating system. Biomass is the predominant heating source in Morocco; for example, Fez has access to cedar wood forests, but the furnace is also a traditional means of recycling other waste products such as wood shavings olive pits, or other organic waste. A study has shown that wood consumption is very high, and that hammams contribute to 30% of housing sector CO2 emissions in Moroccan cities; this is true for new ones as well as old. The fires are kept going for up to 20 hours, and the working conditions are poor.

One of the improvements made involved a more efficient furnace, which is now offered through 40 distribution centres in Morocco. However, there is a lot of resistance on the part of hammam owners to the idea of implementing it because of the associated costs of installation. This system involves reducing CO2 emissions and pollution, improving the heating system through the use of insulation, and reduces water consumption. There are also experiments using solar panels for pre-heating the water. However, there are problems associated with this. Aside from costs, much of the architecture consists of domed roofs, which is difficult to work with, and there is the issue of shade from high buildings. The roofs of hammams are often poorly maintained and contribute considerably to heat loss; however, walls are often shared with other buildings, so there is no thermal loss. Reduction of energy usage also requires reduction of reliance on artificial light, regardless of how small. One of the problems is that the tradition of making glass bulbs has declined, so they have been repaired with plastic or metal plates. This not only affects the atmosphere of the hammam, but also results in poor quality and potentially dangerous lighting. The glass bulbs are still produced in Damascus, and the use of these has the potential to solve this issue for so many hammams around Morocco.

However, the main difficulty is social resistance to the implementation of new systems.

ABstrAct

This presentation will aim at showing in which way, in the field of heritage renovation, a craftsman must be able to analyze demand and to offer solutions to his clients, often as a global service. Those solutions must combine energy efficiency with return on investment while respecting existing buildings and their characteristics. In fact, thirty million buildings have to undergo thermal rehabilitation and ten million were built before the Second World War with building processes that are still close to craftsmanship, and with products that are rarely industrial.

The craftsman’s intervention is, most of the time (in 80% of the cases), done without any architect and without the possibility to lean upon the ’exception’ of heritage (being inscribed or listed). Craftsmen often have to deal in a specific way with heritage in relation to the demands of European and national energy efficiency regulations and the necessity of fighting greenhouse effects… Best practice and well-tried practices rules

have been formalized (local stone pits, sand and dirt, thatch, hemp, clay, dry stone, calcic and quick lime, soft iron, wood squaring, puncturing, lining, assembling…) and can provide, with enough references (achievements) and trainings, a form of guarantee (ten-year warrant…) to insurers (mutualist insurance or others).

The experience of craftsmen, new training programs (which are true experience accelerators), as well as lifelong-learning programs can help dealing with these energy efficiency and control issues in historic buildings without creating any new pathologies, while taking into account summer comfort and, more generally, the bioclimatic behaviour of old buildings…

Heritage partners work all year long with craftsmen to put forward an educational solution that is adapted to the restoration of historic buildings, including vernacular heritage that needs to be transformed in a pleasant cost-efficient place where to live.

Thanks to European projects, a range of training programs adapted to energy efficiency issues and to the respect of local heritage with its characteristics has begun to take shape.

LA FormAtIon AU pAtrImoIne des entreprIses ArtIsAnALes, AU cœUr dU déveLoppement dUrABLeherItAGe edUcAtIon And trAInInG For crAFt compAnIes At the core oF sUstAInABLe deveLopmentGabriel DavidArchitecte, Chargé de mission formation à la CAPEB

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– En Europe, 91 % des entreprises sont des entreprises artisanales de moins de 20 salariés, qui réalisent plus de 30 %

du chiffre d’affaire de l’activité construction et travaux publics. En France, il existe 360 000 entreprises artisanales du bâtiment qui emploient 732 000 salariés. Forte de ses 100 000 adhérents, la CAPEB (confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), membre d’EBC au niveau européen, défend les intérêts de l’ensemble des artisans du bâtiment français.

Le patrimoine bâti ancien est nécessairement concerné par les directives européennes et le débat sur la performance énergétique interpelle l’artisanat sur la transmission des savoir-faire. Le Grenelle de l’environnement a traduit cette réglementation pour la France. La convention prise par ICOMOS au niveau national puis international nous a notamment beaucoup aidés pour traiter le patrimoine de manière spécifique.

Les artisans à la rencontre du patrimoine de proximité : Qu’il soit protégé ou monument historique, rural ou urbain, civil, militaire ou religieux, le patrimoine est partout sur le territoire et la moitié des artisans en France sont présents dans des communes de moins de 10 000 habitants, alors que 50 % de la population réside en ville. Pour les artisans, le marché du patrimoine est composé à 67 % de maisons individuelles et de maisons de ville. Il s’agit majoritairement d’interventions sans architecte et sans procédure ou périmètre de classement ou de protection. Nous avons donc un devoir d’éducation très fort auprès des artisans.

Les compétences, les savoirs et savoir-faire rares du patrimoine s’acquièrent par l’expérience du chantier et de l’atelier, d’une part, par la formation initiale et l’apprentissage, et d’autre part, par la formation continue et le compagnonnage. Ce constat a été conforté par une étude montrant que les employés intervenant en équipe sur le patrimoine dans les entreprises de moins de vingt salariés sont plutôt des compagnons d’un âge confirmé.

La place de l’artisan est déterminante dès le diagnostic. Deux grandes populations d’artisans sont concernées : les artisans spécialistes du patrimoine et ceux ayant emprunté la voie de l’éco-artisanat. Et pour cela, il est nécessaire d’être capable d’effectuer une évaluation thermique globale, d’assurer un conseil en service complet auprès des clients et de vérifier

la qualité des travaux. Nous passons actuellement d’une culture de moyens à mobiliser à une culture du résultat. Les éco-artisans sont également armés pour réaliser un diagnostic, une évaluation thermique, plutôt adaptés pour le bâti datant d’après 1975 (date de la première réglementation thermique en France). 25 000 stagiaires ont d’ores et déjà été formés, ce qui traduit un engouement important. Les spécialistes du patrimoine sont quant à eux détenteurs de savoir-faire rares, le plus souvent régionaux, qui leur sont propres.

Nombre de villes notamment réfléchissent depuis quelques années au développement durable des quartiers, avec ou sans secteurs sauvegardés ou protégés, comme à Poitiers ou à Bayonne. La démarche des artisans en sera nécessairement impactée. Des politiques du ministère de l’Agriculture ou de la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) concernent aussi, par exemple, les pôles d’excellence rurale.

Artisans du patrimoine et territoires : Le constat est donc le suivant : l’artisanat est proche du patrimoine ; la réussite en matière de développement durable risque de se jouer sur les territoires ; les circuits courts seront privilégiés ; des savoir-faire plus nombreux et nouveaux devront être disponibles. Un champ de contraintes existe en outre : le poids des normes ; les possibilités d’assurance ; la motivation des décideurs ; l’existence d’incitations mal orientées. Des facteurs de réussite vont devoir être identifiés : volonté des décideurs, coopération entre les acteurs, transmission des connaissances et des entreprises… Par ailleurs, les produits bio-sourcés comportent de nombreux avantages et représentent une opportunité pour les artisans locaux. Pour les utiliser, il sera nécessaire de les caractériser et d’encourager les circuits courts. Nombre d’initiatives sont prises, telles que la construction en paille, la restauration emblématique des fours à pain ou des lavoirs, ou encore la renaissance les fours à chaux. Mais aussi des initiatives associant tous les acteurs locaux (agriculteurs, artisans, formateurs, assureurs du bâtiment) se développent. Dans ce cadre, il faut aussi faciliter la réouverture des carrières de proximité (pour les sables, chaux, terre crue, pierres …). Les artisans doivent en outre comparer les éléments, leur compatibilité avec les matériaux du bâti ancien vernaculaire, afin d’y trouver

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de la valeur ajoutée lors de leur offre au client. Par ailleurs, réaliser un bon diagnostic est très important. Il est toutefois nécessaire d’être vigilant quant à l’utilisation du diagnostic de performance énergétique ou lors de l’évaluation thermique du bâtiment. La réglementation thermique permet une intervention point par point en bâti ancien mais l’artisan devra penser performance thermique et hygrothermique globales intégrant la prise en compte du confort d’été et du bio-climatisme naturel de l’habitat vernaculaire. Le savoir-faire de l’homme de l’art est indispensable en plus de la maîtrise du logiciel ou de l’utilisation de la caméra infrarouge. L’expérience de l’artisan ainsi que la confrontation entre les architectes du patrimoine et les artisans sont indispensables.

Se former tout au long de la vie : L’offre de formation doit être claire et concerner soit le développement durable, soit l’efficacité énergétique, soit encore les systèmes constructifs et matériaux. Pour se former à la restauration du patrimoine, des titres et des diplômes reconnus existent en France à destination de jeunes ou de salariés en formation continue. L’arrêté d’ouverture du bac professionnel «Intervention sur le patrimoine bâti : maçonnerie, charpente et couverture» a été signé en avril 2008. Ouvert en septembre 2008, ce bac professionnel est aujourd’hui dispensé dans vingt centres. En 2010, un rapport pour le ministère de l’Education nationale a émis un certain nombre de préconisations en rapport avec le développement durable (la performance énergétique, le travail en équipe, la coordination entre les différents corps d’état, l’analyse du bâti immeuble par immeuble, l’accessibilité, etc.) sans en faire pour autant un bac professionnel de la rénovation énergétique.

L’Europe nous aide beaucoup dans un certain nombre de programmes de formation. Citons l’utilisation de la caméra infrarouge et l’interprétation des résultats avec un partenaire du Quercy ; les enduits terre avec As Terre ; le projet Terra Incognita, en partenariat avec l’école d’Avignon… tout ceci crée des passerelles avec d’autres pays d’Europe et avec l’autre rive de la Méditerranée ; un travail sur le contenu du référentiel du métier de peintre. L’ensemble de ces résultats seront partagés avec plusieurs pays européens ; un projet de mobilité en Europe existe pour les menuisiers au niveau BAC +2 (brevet de maîtrise) ou BAC +3 licence européenne diagnostic maintenance

en restauration du patrimoine mobilier et immobilier (Limoges, Florence, Barcelone) avec les compagnons. Par ailleurs, le certificat d’identification professionnelle (CIP) option Patrimoine permet aux artisans de bénéficier d’une vision globale de l’architecture et d’être repérés avec des chantiers reconnus de référence dans une liste à disposition des clients. La profession, à partir du moment où elle a commencé à travailler sur des savoir-faire rares (la pierre sèche, la terre crue, le chaume, les cailloutis, le chanvre, etc.), a dû écrire les règles professionnelles. Les assureurs lui en sont gré.

La passion de transmettre : Etre artisan du patrimoine est une passion. La transmission a lieu essentiellement dans les chantiers ou les ateliers (transmission tacite) mais aussi en stages (formation explicite). Certains artisans deviennent également formateurs. D’autres, experts auprès des tribunaux.

En matière de formation continue, sur le plan de formation, beaucoup de stages sont proposées, animées par des artisans ou des architectes. De nombreuses personnes interviennent dans le réseau Maisons paysannes de France mais aussi au Gabion, IUMP à Troyes, OKHRA dans le Roussillon, dans le compagnonnage. La formation continue peut également se réaliser par le droit individuel de formation et être financés par les fonds de formation. La restauration des bâtis anciens peut porter sur un certain nombre de techniques traditionnelles (la restauration, les enduits, l’éco-construction, etc.) ou innovantes (chanvre, paille…) mais aussi sur la maîtrise de la qualité de l’eau et des énergies renouvelables.

ICOMOS et l’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire, villes à secteurs sauvegardés et ZPPAUP nous ont beaucoup aidés à établir des passerelles entre les «sachants», les donneurs d’ordre et les artisans. Le projet BATAN nous aidera en tant que passerelle du travail de recherche vers la formation ATHEBA (amélioration thermique du bâti ancien). Le réseau Maisons paysannes de France, avec le concours du MEDDTL (ministère du développement durable), du CSTB (centre scientifique et technique du bâtiment), de la FFB, de la Fondation du patrimoine et des architectes du patrimoine est en train de créer des fiches de sensibilisation à destination du grand public et des maîtres d’ouvrage privés et de formaliser des formations à destination des entreprises.

Attirer les jeunes dans les métiers du patrimoine et de l’éco-construction : Par ailleurs, des ateliers pédagogiques permettent de repérer des jeunes qui rejoindront nos métiers. Le développement durable et le patrimoine peuvent attirer les jeunes. Le régime de TVA à 5,5% sur la restauration du patrimoine a généré plus de 40 000 emplois nets en 3 ans. Nous avons besoin de recruter 60 000 jeunes par an alors que 120 000 sont actuellement formés par la voie scolaire ou par l’apprentissage sur deux ans. La moitié des dirigeants d’entreprise quitteront le marché du travail d’ici trois ans, en laissant des salariés ou en transférant des entreprises. Les décideurs locaux peuvent dans ce cadre nous aider dans la transmission ou la création d’entreprises durables.

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déBAtdIscUssIonLe débat est animé par Frédéric Auclair, Président de l’Association nationale des Architectes des bâtiments de France. / Discussion conducted by Frédéric Auclair, President of the Architectes des Bâtiments de France Association.

Frédéric AUCLAIR

Les Architectes des bâtiments de France sont souvent en première ligne pour arbitrer entre patrimoine et développement durable. Il s’agit pour nous d’une position difficile puisque le patrimoine contient en lui la durabilité. Notre rôle est également de rappeler la voie du juste milieu, en expliquant qu’il existe également un habitat indigne en France, qu’il s’agit parfois d’améliorer des conditions de vie difficiles et de faire preuve d’intelligence en considérant la loi comme un cadre de négociation adaptable à chaque cas particulier. En outre, nombre de caricatures sont véhiculées sur notre métier que nous devons chaque jour désamorcer. Dans ce type d’assemblée, aujourd’hui, sont réunies les intelligences de tous ceux qui ont un rôle à jouer dans l’acte de bâtir et d’accompagner les restaurations.

Francis LEVY, Inspecteur général honoraire de l’équipement

Les présentations relatives aux architectures traditionnelles des pays de la Méditerranée ont montré qu’il existait d’importants problèmes de ventilation. L’APUR a en outre présenté le modèle parisien. A Paris, nous nous préoccupons d’un meilleur bilan énergétique, porté principalement par le chauffage. Compte tenu du réchauffement climatique,

existe-t-il des réflexions sur la climatisation naturelle des immeubles parisiens ?

François L’HENAFF, Architecte urbaniste, Apur

Ce n’est pas à l’ordre du jour de nos études. Je n’ai donc pas de réponse à votre question. Toutefois, les bâtiments haussmanniens possèdent, par exemple, des garde-mangers sur cour, qui représentent à la fois des facteurs de déperdition importants mais également un confort d’usage permanent.

Frédéric AUCLAIR

Le fonctionnement de certains bâtiments nécessite une climatisation. Pour le musée du Louvre, par exemple, un appareillage a été placé dans les combles. De nouvelles technologies, comme les circuits d’eau glacée, sont également à l’étude.

Heidi DUMREICHER, Directrice d’Oikodrom, Vienna Institute for Urban Sustainaibility

Je suis l’une des initiatrices et la coordinatrice du projet HAMMAMED. Je souhaite tout d’abord souligner que la durabilité inclut toujours le social, le socio-culturel et la gouvernance. Or certaines présentations ont réduit la durabilité à l’écologie «technique». Par ailleurs, les utilisateurs ne sont pas très présents dans ce colloque. Pour le patrimoine protégé,

les techniciens et le gouvernement sont les décideurs mais pas pour tout le patrimoine A mon sens, la durabilité est un processus d’interaction entre les experts et les personnes concernées. Il est nécessaire d’introduire systématiquement cette idée de processus, entre expertise locale pluridisciplinaire et habitants.

Jean-Louis MARTINOT-LAGARDE, Inspecteur général de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture

Le parc de logements dont a parlé Catherine Madoni appartient pour les neuf dixièmes à deux grands bailleurs sociaux. Quelle est la position de ces bailleurs par rapport au travail technique qui a été effectué, sachant que les locataires actuels sont en train de partir ?

Catherine MADONI, Architecte urbaniste en chef de l’Etat, chef du SDAP du Pas-de-Calais, France

Les cités minières appartiennent effectivement à deux grands bailleurs, qui sont associés aux travaux du groupe «Matériaux». Ils se posent à présent de nombreuses questions.

Leïla CANTAL-DUPART, Architecte à la Mission recensement du paysage architectural et urbain, Bordeaux

Je suis architecte à la mission du recensement du patrimoine architectural et urbain à la ville de Bordeaux. Par rapport au

diagnostic sur la ville de Paris, François L’Hénaff a évoqué un immeuble plus sobre, avec moins d’ornementations. J’ai eu l’impression qu’il lui donnait moins de valeur qu’à un bâtiment HBM ou haussmannien. Est-ce que cela signifie que tout le patrimoine ouvrier des quartiers Est de Paris sera plus facilement isolé de l’extérieur ?

François L’HENAFF

Vous ne parlez pas du patrimoine exceptionnel mais du patrimoine ordinaire. J’ai en effet mentionné un immeuble boulevard Ménilmontant datant des années 1980, où une copropriété privée a investi dans de l’isolation par l’extérieur. Pour l’architecte ayant suivi le chantier, il était plus facile de travailler sur ce type de bâtiment, qui permettait facilement une pose d’isolant. Mon avis est plutôt celui d’un expert en terme de tenue de chantier que celui d’un évaluateur de patrimoine. Ce type d’intervention n’aurait pas été possible sur un HBM, sur un immeuble haussmannien ou construit sous la Restauration/Monarchie de Juillet.

Philippe LAMOURERE, Architecte des bâtiments de France, ministère de la CultureJ’ai dirigé il y a quelques années une étude sur les hammams de Constantine. Du sel était incorporé dans les enduits et les parois afin d’augmenter les performances thermiques et l’inertie des murs. Les mêmes techniques ont-elles été utilisées dans les hammams marocains ? Par ailleurs, existe-t-il des calculs d’amortissement des différents travaux réalisés ? Catherine Madoni a par exemple présenté trois propositions d’amélioration de l’habitat ouvrier du Nord-Pas-de-Calais

avec des coûts progressifs. Le choix a-t-il pu se faire avec des calculs d’amortissement sur les investissements par rapport au coût d’exploitation ?

Magda SIBLEY, Manchester architecture research centre, School of environment and development, United Kingdom Le sel est en effet utilisé, surtout au niveau de l’hypocauste, car il retient la chaleur. Je ne suis pas sûre qu’il le soit au niveau des parois.

Vincent MALLARD, Directeur du patrimoine, Cité internationale universitaire de Paris Nous n’avons en effet pas donné d’éléments sur le retour sur investissement. L’amortissement des panneaux solaires est très long, à savoir plus de cinquante ans sans subventions. Pour le reste des installations, il se situe entre deux mois pour les économiseurs d’eau et dix à vingt ans pour l’isolation.

Damien TRON, Architecte, ville de Montrouge Je suis architecte à la mairie de Montrouge. Je m’interroge sur l’amortissement des panneaux solaires thermiques et sur la difficulté à les intégrer dans le patrimoine existant. Par ailleurs, comment est utilisée l’eau chaude thermique en été, lorsque moins d’étudiants sont présents sur le site ?

Vincent MALLARD L’intégration des panneaux solaires n’est pas visible dans la majorité des cas. Il est vrai que les panneaux thermiques représentent un réel problème en été, puisqu’un bâtiment contenant des panneaux solaires ne doit pas être laissé sans fonctionnement. Il y a toutefois toujours du monde à la Cité internationale, même en été.

Mourad RAMMAH, Président de l’association de sauvegarde de la médina de Kairouan et conservateur du centre historique, Maroc Je suis le conservateur de la Médina de Kairouan et je viens d’être élu Président du Comité du patrimoine islamique. Je remercie les organisateurs d’avoir invité des spécialistes de l’autre rive de la Méditerranée. L’article 4 de la directive européenne n’est pas d’actualité au sud de la Méditerranée. Les projets Euromed Heritage doivent donc accorder une place plus grande à l’énergie. Je souhaite en outre attirer votre attention sur le lien entre énergie et religion. Il existe aujourd’hui un phénomène de climatisation dans les mosquées qui défigure l’espace. Je crains que cette contagion se propage. Est-il possible d’attirer l’attention de l’UNESCO sur ce point très important ? Il a été question récemment d’installer la climatisation dans la grande mosquée de Kairouan. Au vu de l’ensemble des dégâts qui allaient être provoqués, la décision d’arrêter les travaux a été prise au plus haut niveau.

Malory CHERY, Architecte des bâtiments de France, SDAP du Bas-Rhin Louis Bourru a présenté rapidement un enduit composé de silice, alternative à l’isolation par l’extérieur en plaque. Le produit présenté pourrait permettre d’obtenir un aspect de façade non rigide. Pouvez-vous le décrire davantage ?

Louis BOURRU, Ingénieur, CETE de l’Est Les fabricants présentent souvent sur leur site Internet des exemples de réalisation. Je crois qu’il s’agit de produits italiens.

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tABLe ronde Les normes énerGétIqUes,contrAIntes oU opportUnItés poUr Le pAtrImoIne ?

roUndtABLeenerGy reGULAtIons, constrAInts or opportUnItIes For herItAGe?La table ronde est animée par Michèle Tilmont, Architecte, Administrateur d’ICOMOS France. Roundtable conducted by Michèle Tilmont, Architect, ICOMOS France Administrator

Philippe BELAVAL, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication Lord Donald HANKEY, président d’ICOMOS Royaume-UniRichard LEVINE, architecte, directeur du Centre des Villes Durables, Université du Kentucky, USAJean-Marc MICHEL, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature, MEDDTLTerje NYPAN, directeur du patrimoine culturel de Norvège, président de European Heritage Legal Forum

Comment concilier performances énergétiques et qualités patrimoniales pour des villes durables ? Comment répondre à deux attentes sociétales fortes, défis pour le futur: préserver nos patrimoines matériels, ensembles urbains, patrimoine rural, vernaculaire, lieux de mémoire, patrimoines immatériels et tout autant réduire la facture énergétique et lutter contre le changement climatique.

How must we achieve a balance between energy performance and heritage qualities for sustainable cities and towns? How to respond to two strong societal needs and challenges for the future: preserving our heritage materials, urban buildings, rural heritage, vernacular memorials, and intangible heritage while equally reducing energy bills and fighting against climate change.

Michèle TILMONT

Richard Levine, en tant que Directeur du Centre des Villes durables de l’Université du Kentucky, je souhaite vous interroger, en premier, sur les villes durables. Qu’est-ce qu’une ville durable ? Il s’agit pour les européens de villes denses, concentrées, avec des moyens de transport en commun et un patrimoine architectural et urbain historique, à l’opposée des villes diffuses américaines. Les questions centrales sont les suivantes : le passé historique des villes européennes est-il une garantie d’un futur durable ? Comment les villes

européennes peuvent-elles continuer à être des lieux d’excellence en matière de développement durable, tout en préservant des valeurs patrimoniales ? Comment relier ce concept de ville durable à celui de patrimoine historique ?Richard Levine, as Director of the Kentucky University Center for Sustainable Cities, I would like to ask you first about sustainable cities. What is actually a sustainable city? For Europeans, it means dense, concentrated cities, with efficient public transports and a historic architectural and urban heritage, far from sprawled American cities

standards. The main questions are: is the historical past of European towns a guarantee for a sustainable future? How can European towns continue to be leaders on sustainable development while preserving their heritage? How to merge this concept of sustainable city with the concept of historical heritage?

Richard LEVINE

Les normes d’aujourd’hui ne seront pas les mêmes dans cinq ou dix ans. Aussi, pour le long terme, il ne s’agit pas seulement d’accroître les exigences qui s’appliquent au patrimoine bâti. Les bâtiments historiques

devraient être les derniers à devoir se conformer à certaines normes. Ils représentent des témoignages importants de notre histoire urbaine et de notre culture. Ils portent l’empreinte ADN de nos modes de vie qui étaient par le passé moins invasifs, moins générateurs de stress ou demandeurs en termes de ressources environnementales. Le terme «proto-durable», appliqué aux villes du passé, signifie qu’elles ne pouvaient compter que sur leurs ressources propres. Cependant, la vie dans les villes n’y était pas équitable : ni entre les générations, ni entre les hommes et les femmes, ni entre les riches et les pauvres, et les conditions de vie y étaient relativement médiocres. C’est pourquoi on ne peut pas qualifier ces villes de durables, au sens actuel du terme. Néanmoins, elles devaient trouver les moyens de se développer sans dégrader l’environnement. Nous avons beaucoup à apprendre de l’histoire de ces villes car aucune ville moderne aujourd’hui n’est capable de cela. Cependant, l’histoire est présente partout dans nos bâtiments anciens. Bien que nous devions porter plus d’attention aux questions énergétiques, ce sont de loin les plus faciles à traiter. Nous pouvons les résoudre très vite si nous en avons la volonté politique. Tous les autres problèmes sont beaucoup plus complexes et plus difficiles et résoudre la question énergétique peut servir de catalyseur pour remédier à ces autres problèmes. Le peuple américain, parmi tous les peuples de la planète, est le moins à même de changer ses habitudes et si beaucoup

de chemin reste à parcourir en Europe, le terrain y est infiniment plus propice pour mettre en place les réformes nécessaires. Je voudrais ajouter que si on regarde les moyens de modifier les bâtiments historiques, quelles que soient les normes en vigueur, il est certain que de nouvelles normes bien plus strictes verront le jour dans les années à venir. Les normes font appel à des notions de quantité, d’efficacité et de performance alors que les villes historiques sont liées à la notion d’équilibre, équilibre entre de nombreuses activités économiques et sociales dans la ville et aussi, entre la ville et la campagne. Il y avait un effort continu pour comprendre ce que le paysage pouvait supporter comme modifications et comment les activités urbaines pouvaient trouver leur propre équilibre. Cette notion d’équilibre a complètement disparu avec le régime capitaliste mondialisé dans lequel nous vivons. Ce système nous a apporté de hauts standards de vie, mais il n’est pas durable, notamment si nous considérons l’émergence de certains pays qui se développent sur ces mêmes standards. C’est pourquoi nous devons retrouver des modèles qui par le passé se sont montrés équilibrés au moins du point de vue de l’usage de l’énergie et des matériaux et parvenir à un équilibre équitable entre des aspects sociaux, administratifs et urbains. Il ne s’agit pas seulement de normes mais aussi de processus. Un processus équilibré entre la ville et la région, à l’intérieur d’un budget qui traduit un usage équitable des terres biologiques productives de la planète (nous avons appelé

cela le «Sustainable Area Budget» ou SAB). Ce bilan environnemental doit guider le processus. Les bâtiments à hautes performances énergétiques font partie de ce processus mais ce processus doit être basé sur des considérations plus larges. Les normes de performance pour les bâtiments ont besoin d’être définies par le SAB et pas l’inverse. A titre d’exemple, la maison passive développée en Allemagne est bien plus performante au plan énergétique que ne l’exigent les normes dont nous discutons ici. Pourtant ce niveau de performance est difficile à atteindre pour les bâtiments historiques. C’est la norme future et lorsqu’elle sera adoptée, il ne sera pas difficile de construire des bâtiments à énergie positive et de produire une norme encore plus exigeante. Il existe de nombreux bâtiments à zéro énergie déjà réalisés et encore plus de bâtiments en sont aujourd’hui au stade de la conception. L’énergie n’est pas un problème insoluble. C’est plutôt une question de processus local, à la fois social, administratif, participatif, où les villes doivent rechercher un équilibre entre leur métabolisme et leur géographie, leurs traditions et leurs compétences.

The standards of today will not be those of five or ten years from now, so for the long term it is not just about raising the level of heritage buildings to a certain point. Heritage buildings are the very last that should be required to conform to certain standards; they are so important as exemplars of previous cultures – cultures that carry the DNA of ways of life that were less invasive

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or stressful or demanding on the earth’s environment. Our term ’proto-sustainability,’ when applied to a town, means that it would have to live within the bounds of its local resources. However, life was not equitable, not between generations, not between men and women, not between rich and poor, and the quality of life was rather low, so we could not call these historic towns sustainable by any modern definition. They would, nevertheless, have had to figure out how to earn their living without degrading the environment. Because no modern town or city is able to do this, we have a lot to learn from them.

But history is still embedded in our historical buildings. Although we need to pay a lot more attention to it, the ’energy problem’ is by far the easiest to solve of all the problems facing us today. We could solve it very quickly if we had the political will to do so. All of the other problems are much more complex and more difficult and solving the energy problem should serve as a catalyst for solving these other more intractable problems as well. Americans are the least likely people on the planet to change their ways, and even though Europe still has a long way to go, the environment in Europe is a lot more favorable to supporting the necessary changes. I would suggest that, as you look for ways to modify heritage buildings, whatever today’s standard may be, a much higher standard will come along in the years to come. Standards have to do with quantities, efficiency and performance. In contrast, historic towns had to do with balance – the balances between the many economic and social activities within the town and the balances between the economic and environmental activities between town and countryside. There was

a continual testing to understand what the landscape could support and how the activities within the town could find their own balance-seeking relationship. This sense is completely gone within the global capitalist regime in which we are embedded. This modern experiment has yielded high standards of living, but it is not sustainable especially considering that the developing world is in the process of working toward those same standards. Therefore, we have to look for models that were once, at least from an energy and materials viewpoint, balance-seeking, and for a modern balance between equity, social, administrative, economic and urbanistic viewpoints. It is not only standards, it’s also processes. The urban-regional balance-seeking process within a budget that specifies a fair use of the earth’s biologically productive land area on a renewable basis (we have called this the «Sustainable Area Budget» or SAB) will need to drive the overall process. High performance buildings are certainly part of this process, but such a process needs to be driven by larger issues and building performance standards need to be driven by Sustainable Area Budget considerations and not vice versa. The German passive house standard is many times more energy efficient than the standards we are dealing with here. However, this level of performance is very difficult to achieve on historic buildings. It is the standard of the future, and once in place it will not be very difficult to do zero energy buildings to create an even higher standard. There have already been many zero energy buildings built and many more in the planning stages. As Energy is not a difficult problem to solve,

it is rather a question of looking to a social, administrative, participatory and local process where towns and cities can balance their metabolisms and social conditions with local geography, local traditions, local capacities.

Michèle TILMONT

Lord Donald Hankey, je souhaite vous demander si la conception du patrimoine architectural et urbain que l’on a au Royaume-Uni, et qui repose sur une longue tradition de conservation et de mise en valeur, correspond en ce qui concerne ses performances énergétiques à celle évoquée durant ce colloque, à savoir une réduction des exigences pour les seuls bâtiments «officiellement protégés» figurant sur les listes de protection. Comment le Royaume-Uni traite-t-il la question de la performance énergétique pour exempter un certain nombre de bâtiments ?Lord Donald Hankey, I would like to ask you if the heritage concept in the United Kingdom, that rests upon a long history of conservation and enhancement, matches with the one that has been evoked during this symposium in terms of efficiency, i.e. a more lenient legislation for ’officially protected’ listed buildings only. How does the UK deal with energy efficiency matters in relation to the exemption of certain buildings?

Lord Donald HANKEY

Je ne pense pas qu’il existe de différences fondamentales entre la France et le Royaume-Uni. Nous suivons des chemins parallèles et nous parlons malgré tout le même langage. Le degré d’intervention exigé par l’UE est toutefois inquiétant, car nous ne sommes pas libres

de définir nous-mêmes ce sur quoi l’UE devrait, d’après nous, agir et intervenir. La difficulté réside dans le fait que nous n’avons pas de langage commun pour définir la notion de valeur. C’est une tâche qui nous occupera pendant les prochaines décennies que celle de définir clairement les valeurs que nous défendons.Nous sommes tous très différents, et nous pouvons d’ores et déjà commencer à un niveau personnel par nous accepter les uns les autres. S’il est impossible de comprendre la pensée d’autrui, nous pouvons par contre accepter son droit fondamental à avoir son propre point de vue. Ce positionnement éthique est particulièrement important en Europe, où nous essayons aujourd’hui de promouvoir la paix et la compréhension après avoir été ravagé par les guerres pendant des siècles. Le travail que nous accomplissons sur notre patrimoine culturel sert aux autres à identifier les valeurs que nous portons. Il existe de nombreuses réponses différentes à la façon de combattre le changement climatique, mais on y retrouve des similarités psychologiques sous-jacentes en termes de comportements culturels, et ceci est quelque chose de très important. Nous ne devrions pas tenter de prêcher la bonne parole, mais devrions être conscients des caractéristiques psychologiques et sociales des autres cultures. I do not think there are great differences between France and the UK. We follow parallel lines, and we both speak the same language. The degree of intervention required by the EU, however, is worrying, because I do not think we have to define what we believe the UE should do and intervene. There is a

difficulty in that we do not have a language in common for describing value. It is a task for the next decades to describe clearly the values we are defending.We are all very different, and we can start by getting right what we expect at a personal level. It is impossible to understand another person’s mind, but we should accept their human right to their particular view of life. That ethical position is very important for Europe, where we are trying to promote peace and understanding after being ravaged by wars for centuries. The work we do with our cultural heritage describes to others the values we hold. There are lots of different responses on how we respond to climate change, yet there are underlying psychological similarities in cultural behaviour, and these are very important. It is wrong to be instructive, but it is important for us to be conscious of the psychological and social characteristics.

Michèle TILMONT

Il est en effet nécessaire de respecter la diversité culturelle de chacun des pays. L’Union européenne ne peut donc édicter des règles figées. La directive européenne est toutefois relativement permissive, puisqu’elle doit être transposée dans chaque Etat-membre dans une perspective nationale et en fonction du type de patrimoine concerné.It is actually of the most importance to respect the diversity of other countries. The European Union cannot therefore decree too rigid rules. The European directive is somehow quite permissive, as it has to be transposed in each member state in a national perspective and according to the part of their heritage which is most relevant to the issue.

Lord Donald HANKEY

Je pense que l’UE devrait s’aligner sur un positionnement moral afin de ne pas être excessivement dirigiste et ne pas «caserner». A ce titre, la liberté qui est offerte aux pays de choisir leur niveau de coopération est quelque chose de très important.I think the EU needs to take the moral position of not being too prescriptive, not to ’caserner’ and the freedom thereby allowed for countries to select the degree of their cooperation is very important.

Michèle TILMONT

Terje Nypan, dès le lendemain de la sortie de la première directive sur les performances énergétiques pour les bâtiments, vous avez créé un groupe de travail européen sur ce texte. Celui-ci a donné naissance en 2008 au Forum juridique que vous présidez et qui réunit seize pays. On peut constater des différences importantes entre les pays européens relatives à leur conception de la valeur patrimoniale des bâtiments existants et à leur vision de la nécessité d’améliorer les performances énergétiques des bâtiments. Comment le European Heritage Legal Forum peut-il intervenir pour favoriser une harmonisation ? Quels sont ses objectifs et ses moyens ?Terje Nypan, right on the day after the enactment of the first directive on energy efficiency in buildings, you launched a European workgroup on the topic. This group created in 2008 the Legal Forum that you preside and that gathers sixteen countries. We can notice important differences in the way European countries consider the heritage

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value of existing buildings and on their view on the necessity to improve energy efficiency in buildings. How can the European Heritage Legal Forum intervene to foster harmonization? What are its objectives and means of action?

Terje NYPAN

Le Forum juridique ne peut pas faire autre chose qu’avertir les autorités nationales. Il ne peut pas agir en tant qu’organisation politique, conformément à ses statuts.La future norme CEN représente un grand défi car dans le champ du patrimoine culturel, nous ne pouvons agir seul. Nous devons coopérer pour avancer sur tel travail, qui porte des considérations spéciales sur les bâtiments anciens et le bâti protégé. Cette norme sera un outil, une défense et une possibilité pour faire évoluer les choses dans notre sens. J’ai évoqué hier le risque d’être hypnotisé par le réchauffement climatique ou les émissions de gaz à effet de serre. Mais il ne faut pas perdre de vue la réalité de la vie. Dans le domaine du patrimoine culturel, nous perdons plus souvent que nous ne gagnons. C’est la conduite du changement qui importe. Cependant le réchauffement climatique peut être une chance pour le patrimoine culturel, en permettant d’utiliser des ressources déjà là. J’ai constaté hier que le patrimoine englobait un peu tout et n’importe quoi. Si nous souhaitons aller de l’avant, nous devrons être beaucoup plus clairs en établissant une distinction entre les monuments, les sites «élites» où nous ne changerons rien et les autres constructions patrimoniales qui pourront

être sujettes à des changements relativement radicaux. C’est cet outil qui nous manque.Nous entrons également en conflit avec d’autres champs politiques. Nous sommes en effet en train de lancer au niveau européen une grande stratégie en matière de tourisme, secteur qui rapporte le plus d’argent à l’Union européenne et où le patrimoine culturel joue un rôle essentiel. Allons-nous démolir ce patrimoine culturel, dont la valeur intrinsèque est si importante – on parle de 400 milliards d’euros par an – afin de réduire les gaz à effet de serre ? Un conflit se produira entre le développement économique et des normes environnementales, dont personne ne croit qu’elles seront entièrement appliquées. Il y a là un dilemme auquel il faudra faire face. Si nous sommes favorables à l’amélioration de l’efficacité énergétique dans la plupart des bâtiments patrimoniaux, il faut affirmer que nous ne souhaitons pas que l’aspect extérieur en soit modifié. S’agissant des monuments «élites», rien ne changera.Enfin, j’ai remarqué qu’il a été beaucoup question dans ce séminaire des actions qu’il était possible de réaliser mais rarement des actions réalisées ce qui montre bien notre manque d’expériences concrètes. The Legal Forum can do nothing but warn national authorities. It cannot act as a political organisation, according to its statutes. The future CEN standard represents a big challenge because in the field of cultural heritage, we cannot work alone. We have to cooperate for such a task, which holds special considerations on old buildings

and especially listed buildings. This standard will be a tool, a protection mechanism and a possibility to move things our way. Yesterday I evoked the risk of being mesmerized by global warming or greenhouse gases. But we have to keep the reality of life in mind. In the field of cultural heritage, we lose more often than we win. Management of change is what really matters here. However global warming can be a chance for cultural heritage, since it can allow us to reuse resources that have already been used. I noticed yesterday that heritage could concern anything and everything. Then we have to be much clearer by making a distinction between ’elite’ monuments sites were nothing can be changed and others heritage buildings that could undergo relatively drastic changes. We are today lacking such a tool. We are also clashing with other political fields. We are actually in the process of launching a large European strategy regarding tourism, which is the most lucrative field for the European Union, and in which cultural heritage plays an essential role. Are we going to demolish this heritage whose intrinsic value is so important – some say it is worth 400 billion Euros a year – to fight greenhouse gas? A conflict will happen between business and environmental standards. We are dealing with a problem that we will necessarily have to face. If we are in favour of energy efficiency improvement in heritage buildings, we have to state that we do not want their exterior aspect to be changed. In regards to elite monuments, nothing will happen.Finally, I noticed during this conference that there have been a lot of discussions on actions that could be undertaken but only few talks on actions that have

actually been achieved, thus pointing out our lack of experience on practical actions.

Michèle TILMONT

Nous avons la chance d’avoir parmi nous pour ce débat, aux côtés de nos invités étrangers, deux directeurs généraux qui représentent les deux ministères au cœur de cette problématique, entre le ministère de la Culture et de la Communication, qui a vocation à défendre le patrimoine et celui qui a pour attribution les économies d’énergie, le ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. Ces deux ministères et leurs services travaillent en pleine coopération.Philippe Bélaval, vous êtes directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication. Pourquoi le terme patrimoine est-il au pluriel ? Quelle signification cela a-t-il par rapport au patrimoine architectural et urbain ? Quelle conception du patrimoine défendez-vous pour la France ?We are lucky enough to have among us for this debate, besides our foreign guests, two Directors General representing both Ministries at the core of this issue: the one whose vocation is to defend heritage and the one whose role is to promote sustainable development and energy savings. These two ministries and their respective administrations work in tight cooperation.Philippe Bélaval, you are Director General of the heritages at the Ministry of Culture and Communication. Why is ’heritage’ plural? What does it mean in relation to heritage? What is your concept of heritage for France?

Philippe BELAVAL

Le pluriel vient du fait que la

Direction générale que je dirige est le résultat de la fusion d’un ensemble de directions qui existaient auparavant, dont l’une était déjà en charge du patrimoine bâti, des monuments historiques et de l’archéologie, et d’autres avaient à leur charge les musées, les archives... Pour manifester la différence entre les anciennes structures et la nouvelle, nous avons employé patrimoine au pluriel.Quand on parle des patrimoines, il faut faire œuvre de discernement car il peut en effet y avoir une certaine ambiguïté dans cette notion. Je ne suis pas persuadé que tout ce qui est antérieur à 1948 est patrimonial. De la même manière, je ne suis pas certain qu’il faille nécessairement distinguer entre ce qui est protégé et ce qui ne l’est pas. Certains éléments font en effet partie du patrimoine intellectuel et culturel de la nation et doivent être approchés de manière spécifique. La question a été posée de savoir si, concernant les bâtiments patrimoniaux les plus sensibles, il ne fallait pas envisager une sorte de dérogation générale aux réglementations qui visent à améliorer le bilan énergétique ou à assurer le développement durable. Cette thèse a séduit nombre d’esprits. Pour autant, je pense que cette catégorie du patrimoine ne doit pas échapper à la réflexion en cours. Même en remontant aux origines de l’humanité, un certain nombre d’exemples, tels que la grotte de Lascaux, montrent bien que la question de la dérogation n’est pas justifiée a priori de manière systématique. Il n’y a pas de raisons de faire une exception qui interdise

de se poser la question du développement durable et de la performance énergétique pour ces bâtiments exceptionnels. Il ne faut toutefois pas que l’application d’un discours trop schématisant ou d’une norme trop contraignante fasse baisser le seuil de protection, de vigilance et de technicité qui doit entourer ces bâtiments et qui doit guider toutes interventions. Si à cause de l’application d’une norme, on passe de ce traitement sur mesure qu’impose leur statut à un processus en série, on irait à rebours des idéaux qu’on poursuit. Cette démarche au cas par cas est plus simple à comprendre pour les bâtiments exceptionnels que pour le patrimoine vernaculaire où il y a certainement place pour un traitement plus normalisé sans pour autant faire baisser le seuil de vigilance. Cependant, si des normes sont adoptées, il est nécessaire que les spécialistes du patrimoine soient associés à leur élaboration pour éviter un recul en termes de protection et de valorisation. Je terminerai en disant que le contexte peut représenter pour nous une occasion de nous dépasser. Nous disposons à tous les niveaux des professionnels pouvant assembler de manière optimale ce qui pourrait paraître à première vue des objectifs inconciliables. Je suis quant à moi très confiant et c’est le message que je voudrais faire passer, sur notre capacité à trouver des solutions adaptées permettant de travailler pour le développement durable sans tourner le dos à notre idéal patrimonial.The plural comes from the fact that the General Direction that I manage is the outcome of the merge of several distinct

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directions that used to be, one of which was already in charge of built heritage, historic monuments and archeology, and other departments were in charge of museums, archives… In order to distinguish this new organisation from the old ones, we decided to use the plural.When it comes to heritage, we do not precisely know what we are dealing with anymore. One has to be sharp because this notion can actually be ambiguous. I would not say that all that was built before 1948 means heritage. I am equally not convinced by the fact that we should distinguish what is listed from what is not. Some elements are indeed parts of the national intellectual and cultural heritage and should be approached in a specific way.The following issue has been raised: should the qualitatively most important part of heritage, the most ’sacred’ part if I might say, be kept apart from the rules aiming to improve energy efficiency or encourage sustainable development? This proposition seduced many minds. Somehow I do not believe that this section of heritage should be cut from the ongoing reflections. Even when going back to the roots of mankind, many examples, such as the Lascaux cave, show that the issue of derogation is not a priori systematically justified. There is no reason to permit a ban on any new thought given on energy efficiency and sustainable development matters for these exceptional buildings. Meanwhile, the implementation of an oversimplified pattern or of an excessive regulation should not reduce the level of protection, of watchfulness and of technicity that should characterize those buildings and that should prevail before any intervention. If, because of the implementation of a standard, we switch from

a building-based approach which is imposed by their status, to a mass process, we would go against the ideals we are working for. This case-by-case approach is easier to understand regarding exceptional buildings than vernacular heritage, for which there is certainly room for a way of dealing that would be more normalized, without having to reduce our vigilance level. Somehow, if standards are developed, it is necessary for heritage experts to take part in their development in order to prevent a step backwards in the fields of protection and valorisation.As a conclusion, I would say that the present context can be for us an opportunity to go even further. We can count on all levels on experts who could reconcile in the best of ways what seemed at first irreconcilable objectives. As for myself, I am very confident, and this is the message I would like to pass on, in our capacity to find adapted solutions in order to work for a sustainable development without turning our backs on our heritage ideal.

Michèle TILMONT

Jean-Marc Michel, la France paraît être le bon élève de l’Europe dans la transposition et l’application de la directive. Je vous poserais donc deux questions. D’une part, estimez-vous que la France ait renforcé les dispositions de la première directive de 2002 en la transposant ? D’autre part, les objectifs du Grenelle de l’Environnement - je rappelle: moins 38% de consommation pour le parc des bâtiments existants d’ici 2020, c’est à dire au-delà des exigences de performance énergétique définis par l’Union Européenne - pourront-ils être tenus ?Jean-Marc Michel, France appears as the star pupil of

Europe regarding transposition and implementation of the directive. Somehow, two questions come to mind. On the one hand, do you think that France strengthened the measures of the 2002 directive by transposing it? On the other hand, can the objectives of the Grenelle de l’Environnement – which are to reduce by 38% the consumption level of the existing building stock by the year 2020 (figures that go beyond the demands on energy efficiency of the European institutions) – be reached?

Jean-Marc MICHEL

Il est vrai que des paris sont avancés, qui peuvent à un moment être discutés, négociés et partagés. Le Grenelle de l’Environnement, pour sa partie «bâtiments-construction», mais aussi pour sa partie urbaine sur l’organisation de la ville, représente une avancée significative dans une contribution de la France au respect de ses engagements européens et à l’avenir de la planète. Les directives, règlements, normes, décrets, arrêtés, contrôles, etc., sont une série de leviers qui font partie des systèmes de régulation. Nous sommes toutefois aujourd’hui, autant impliqués dans des obligations de moyens que de résultats. A quoi servirait de répondre à une norme si, en même temps, on ne donnait pas du sens à cette acceptation de la règle? La réduction de 38 % des consommations d’énergie dans les bâtiments existants doit être regardée par rapport à des ambitions en termes de résultats globaux. Ainsi, il est nécessaire d’appréhender la composante patrimoniale dans le lieu de vie des habitants et de faire porter avec

intelligence cette norme dans le patrimoine. A l’inverse, la théorie qui consiste à entreprendre a minima n’est pas bonne non plus car elle peut conduire à une dévalorisation du patrimoine. Si ce niveau de performance n’est pas atteint avec intelligence en mobilisant tous les savoir-faire, nous ferons perdre une chance de plus au patrimoine extraordinaire ou vernaculaire, d’être reconnu comme faisant partie d’un intérêt général.Par ailleurs, le Grenelle de l’Environnement et son cortège de nouvelles ambitions n’apporte pas, à première vue, une simplification administrative. Un certain nombre de décrets doivent encore être préparés. Il est sans doute nécessaire de rechercher davantage la cohérence entre tous ces textes. Je ne suis par exemple pas certain que la nouvelle directive sur les performances énergétiques élaborée à Bruxelles soit cohérente avec la nouvelle directive sur les produits de la construction.Qui plus est, si le patrimoine n’est pas associé à cette ambition de développement durable et de bien-être, un certain nombre d’habitants de ce patrimoine seront laissés sur le bord du chemin. Ces logements représentent des opportunités pour valoriser le patrimoine, l’adapter aux nouvelles exigences environnementales et sociales comme la performance énergétique ou l’accessibilité et lutte contre le handicap. Ainsi, on ne laissera pas le patrimoine en dehors de ces politiques sous prétexte qu’il ne faut pas toucher à sa qualité et à ses valeurs. Enfin, riche en patrimoine, la France est riche d’une

obligation de faire, afin que ce qui est un lieu de vie et d’habitation de nos concitoyens ne fasse pas l’objet d’un oubli ou d’une hyperprotection qui consisterait à l’installer dans une non-transformation. Le patrimoine bâti doit avoir la chance de profiter de ces ambitions nouvelles portant sur le développement durable.It is true to say that it is sort of a gamble, but objectives can also be discussed, negotiated and shared. The Grenelle de l’Environnement, for its chapters on buildings, construction but also urban planning, stands for a significant progress within a contribution of France with an aim to honour its European commitments and for the future of the planet. Directives, regulations, norms, decrees, bye-laws, check-lists, etc… are all part of the regulation systems. However we are today bond by performance obligations and best effort obligations as well. What would be the point of following a rule if at the same time the acceptation of this rule were not given any credit? The 38% reduction in energy consumption of existing buildings must be considered regarding ambitions in terms of global results. It is necessary to consider the heritage element of the people’s living place and to adapt the rule to heritage. On the contrary, the method consisting in undertaking projects on the lowest possible level only is not a good one either because it can lead to a depreciation of the heritage. If this level of performance is not met with cleverness by gathering the qualities of all, we would deny heritage another chance to be recognized as part of the general interest.In addition, the Grenelle de l’Environnement and its stream of new ambitions does not put forward new administrative

simplifications. A certain number of decrees are still left to be drafted. It is then necessary to look for consistency between all these texts. For instance, I am not positive that the new directive from Brussels on energy efficiency is consistent with the new directive on construction products.Furthermore, if heritage does not join forces with the ambition of sustainable development, a certain number of residents of this heritage will be left aside. These buildings represent opportunities for all and vernacular heritage can be a way in regarding population ageing as long as heritage is not kept apart from these policies under the pretense that its heritage qualities and significance should not be touched.Finally, because it is a land of heritage, France has an obligation of action, with an aim not to let what is a place of living for our citizens be forgotten or overprotected, which would result in a state of non-transformation. Built heritage must be offered the chance to take part in these new ambitions on sustainable development.

Michèle TILMONT

Philippe Bélaval, partagez-vous les propos tenus par Jean-Marc Michel ?Philippe Bélaval, do you share this point of view?

Philippe BELAVAL

Je n’ai qu’une nuance à apporter dans la formulation. Je suis en effet un peu gêné par les propos de Jean-Marc Michel lorsqu’il explique que l’application des normes permettra d’inscrire davantage le patrimoine dans l’intérêt général. De mon point de vue, le patrimoine n’a pas attendu le développement durable pour

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être dans l’intérêt général. Mais ce que je dis aux partisans de l’exception comme aux adversaires de notre approche commune, c’est qu’il serait illogique et intellectuellement intenable d’avancer que le développement durable est une obligation nationale dont le patrimoine doit être exclu.I only have a nuance on wording to put forward. I am slightly bothered by the words of Jean-Marc Michel when he explains that the implementation of norms would mean for heritage to be in line with the general interest. From my point of view, heritage did not wait for sustainable development to be part of the general interest. But what I say to the advocates of exception as to the opponents of our common approach is that it would be illogical and intellectually irrational to say that sustainable development is a national obligation of which heritage should be excluded.

Michèle TILMONT

Une dernière question pour nos invités étrangers: les normes énergétiques sont-elles une contrainte ou une opportunité pour le patrimoine? Lord Donald Hankey, pour le patrimoine anglais ?One last question for our foreign guests: are energy norms constraints or opportunities for heritage? Lord Donald Hankey, a view on the English heritage?

Lord Donald HANKEY

Le patrimoine est fondamental à notre existence, et représente la base même de notre identité. On doit vivre avec son temps et évoluer, y compris le patrimoine, et même le patrimoine le plus signifiant doit continuer à incarner une certaine fonction pour que

les gens puissent s’y identifier. Il doit être regardé et interprété. Comment le rendre fonctionnel sans affecter la valeur du lieu ? Le changement implique de vivre avec son temps et de respecter ces valeurs. Cette équation sur le développement est commune à tous les problèmes dont nous avons pu discuter. A quoi donne-t-on de la valeur ? Et comment ? Beaucoup reste à découvrir à ce sujet. Heritage is fundamental to our existence, and the very basis of our identity. Everything has to move with the times, even heritage, and even the most important heritage still has to have some sort of function to people to value it. It is to be looked at and interpreted. How do you put in services without affecting the value? Change always requires you to move with the times and to respect those values. That development equation is common to all the issues we have been talking about. How do people value, and what do we value? There is a lot to discover.

Terje NYPAN

Il n’y a pas de désaccords entre nous. Cependant, on peut modifier plus facilement certains types de patrimoine que d’autres, et c’est ce manque de précision à ce sujet qui est ici le problème principal. Il ne s’agit pas de ne pas suivre l’évolution de nos sociétés. There is no disagreement between us. However, you can make more changes with some heritage than with others, and it is this lack of clarity that is the issue. There is no question of not following social developments.

Richard LEVINE

Je collabore au projet

HAMMAMED qui traite de la reconstruction d’anciens monuments patrimoniaux tombés en désuétude. J’ai dit plus tôt que le patrimoine devait supporter le moins possible le poids des réglementations. Toutefois, nous souhaitons dans ce cas restaurer ces bâtiments, non seulement pour faire revivre une tradition ancienne, mais aussi pour faire en sorte qu’ils deviennent essentiels pour la société civile. Ainsi, ce n’est pas seulement une question de préservation d’un patrimoine mais un regard tourné vers le passé des institutions sociales qui portent cet ADN.Les monuments sont des dons du passé au futur qui représentent une culture donnée et deviennent des symboles, et les symboles sont ce qui unit un pays. Quand Jimmy Carter est devenu président des Etats-Unis, l’une de ses premières mesures a été d’installer des capteurs solaires sur la Maison Blanche ; ces capteurs n’ont pas eu grande influence sur la consommation d’énergie du pays, mais ont permis de déclencher une tendance nouvelle. L’une des premières mesures de Ronald Reagan à son accession à la présidence fut de les supprimer, et la tendance s’est renversée. Rien ne s’est ensuite passé pendant près de deux décennies, jusqu’à ce que nous redécouvrions ce que l’Europe faisait en matière d’économie d’énergie, et la tendance a maintenant commencé à se renverser. Ces sites patrimoniaux sont des bâtiments que les gens admirent comme des symboles de la civilisation urbaine. Trouver un monument, un bâtiment reconnu, qui puisse s’adapter à une modernisation énergétique vaudrait bien

l’ensemble de tous ces petits gains d’énergie marginaux. Un tel bâtiment serait alors perçu comme un bâtiment historique capable cependant des mêmes performances énergétiques que n’importe quel bâtiment moderne. Ce serait alors là une avancée dont chaque culture pourrait être fière, et également le début d’un grand mouvement. I am collaborating on the HAMMAMED project, which is about rebuilding former heritage monuments that have fallen into disuse. Earlier I said that heritage monuments should bear the least burden of imposed requirements. However, in this case we are looking to restore these buildings not only to revive an ancient tradition, but to ensure that they become centres for civil society processes. Therefore, it is not just a question of preservation, but of looking to the past for social institutions, which carry this historic DNA, but which concern themselves with current social and environmental issues so that they may also become models to emulate for the future.Monuments are gifts from the past to the future that take the given culture and become symbols, and symbols are what hold a country together. When Jimmy Carter became President of the US, one of the first things he did was install solar collectors on the White House; these did not affect the country’s energy consumption very much, but they set off a whole new movement. One of the first things Ronald Reagan did when elected was to remove the collectors, and with this change as an operative symbolic act, the solar movement in the US crashed. Very little happened for nearly two decades, until we rediscovered what Europe had been doing with energy conservation, and now

the move to energy efficiency and renewables has slowly been coming back.Heritage buildings are buildings people look at as symbols of cities and cultures. Finding a heritage building that is well suited to an energy retrofit would be worth all of the half-baked and marginal gains. These gains would accrue from trying to retrofit buildings whose value would be destroyed by changing their essential fabric. An appropriate retrofit would be seen as both an important historic building and one that did what every more modest building should do. It is something every culture would be proud of, and would become the beginning of an entire movement.

Terje NYPAN

Ce n’est probablement pas le cas, étant donné que le but est de réduire la consommation d’énergie de l’environnement bâti de tant, d’ici telle année. Ce dont nous débattons, c’est-à-dire la sauvegarde des bâtiments historiques, ne répond pas réellement à cet objectif. J’aurais tendance à considérer notre fascination pour le CO2 comme un tsunami politique qu’il nous faut gérer. Ce n’est pas vraiment un problème pour nos bâtiments les plus significatifs, le problème se situe au niveau des bâtiments intermédiaires, autrement nous n’aurions pas ces débats.Les mesures du marché font parfois effet, mais elles fonctionnent le plus souvent en lien avec d’autres mesures. Votre suggestion que les maisons énergivores devraient devoir payer 200% de plus que les maisons sobres en énergie pourrait s’appliquer dans ce contexte, parce que celui qui investirait dans la performance énergétique amortirait alors son investissement pour

200% de moins chaque mois. Cependant, comment réduire le coût de 200% ? Les prix de l’énergie vont croître, et le consommateur va venir vers nous pour obtenir de l’aide, mais cela ne résout pas la question de la démarche à suivre pour y arriver.It is probably not the case, because the goal is to reduce the energy consumption in the built environment by so much and by a certain year. What we are discussing, saving historic buildings, is not really relevant to this goal. I would consider the fascination with CO2 to be a political tsunami, and we have to handle it. It is not really a problem for our elite buildings; the problem lies in our intermediate buildings. There would be no need for this meeting otherwise.Market measures function sometimes, but they function most often in coordination with other things. Your suggestion that high-energy houses would have to pay 200% more than low-energy houses would work in this context, because the investor in energy performance would then get his investment for 200% less per month. However, this does not touch on how you reduce cost by 200%. Energy prices will go up, and the consumer will come to us for help, but this does not solve the problem of how to do it.

Michèle TILMONT

La parole est maintenant à la salle.The audience may now speak.

Denis BOULLANGER, Architecte du Patrimoine

Je suis architecte du patrimoine à Bordeaux. Je ne crois pas qu’il faille faire une exception pour le patrimoine en matière de développement durable. Le patrimoine doit

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aller vers la réalisation d’économies d’énergie. Pour autant, les calculs devant être mis en œuvre pour atteindre les différents objectifs semblent encore plus complexes pour les bâtiments anciens que pour les bâtiments neufs. Comment pouvons-nous obtenir, pour les millions de bâtiments anciens qui forment notre patrimoine, des réglementations simples nous permettant de conseiller nos maîtres d’ouvrage pour obtenir des résultats efficaces ?I am a Heritage Architect from Bordeaux. I do not believe that we need an exception for heritage regarding sustainable development. Heritage has to go towards more energy savings. However, the calculations required to reach the objectives seem even more complex for old buildings than for new ones. How can we obtain for the millions of old buildings which are part of our heritage simpler regulations that would allow us to give directions to our contracting authorities in order to get efficient results?

Jean-Marc MICHEL

Il me semble en premier lieu que la norme est un moyen et non un but à atteindre. Pour parvenir à des objectifs, il est possible d’offrir, pour une série de bâtiments, des conseils aux maîtres d’ouvrage. Il est aussi plus efficace de réfléchir en termes de système de kWh par mètre carré par an. Par ailleurs, les normes peuvent soutenir un traitement de série, donc un développement de produits et matériaux innovants, mais une analyse des valeurs au cas par cas permet aussi de trouver des solutions. Alors, prêt-à-porter ou sur mesure ? Il faut savoir se garder le choix.

First of all, it seems to me that the norm is only a tool, and not a goal to reach. In addition, it is not impossible to assist contracting authorities for a series of buildings. It is somehow more relevant to think in terms of systems than in terms of kWh per m² per year. Furthermore, we barely evoked the assessment problem regarding the inherent values of a building. Should we set up a normative system which is not adapted to the situation? Besides, norms might be an excuse for a serial treatment whereas a case-by-case analysis of values can help us find solutions.

Jean-Michel MAROUZE, Architecte Urbaniste en Chef de l’Etat, chef du SDAP de la Côte-d’Or

Je suis Architecte des bâtiments de France. J’ai toujours le sentiment d’une certaine contradiction. Il est répété depuis hier qu’il est nécessaire de réfléchir en détails à chaque édifice. Mais les politiques publiques ont plutôt tendance à subventionner certains matériaux sans connaître leur utilisation. Il est indispensable à l’heure actuelle de s’interroger sur l’efficacité des aides publiques et les orienter vers les bureaux d’études et les artisans spécialisés.I am an Architecte des bâtiments de France. I still feel like there is a certain contradiction. We heard many times since yesterday that it is necessary to think in details about each building. Somehow, public policies tend to fund certain materials without knowing how they will be used. It is nowadays essential to ponder the efficiency of public funds and to move them towards consultants and specialized craftsmen.

François-Régis BACH, Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France

La France vient de se doter de la loi Grenelle 2, qui aura un impact sur le patrimoine bâti ancien. Deux articles sont particulièrement importants. Le premier prévoit le remplacement des ZPPAUP* par des Aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine (AVAP). Cela mériterait des explications de la part du ministère, puisque tant les Architectes des bâtiments de France que les maires ne comprennent pas ce qu’il va se passer.L’article 12, quant à lui, édicte qu’il est interdit d’interdire tout dispositif d’énergie renouvelable ou d’économie d’énergie, sauf dans le cas où le Conseil municipal définit une zone d’interdiction, avec l’avis des architectes des bâtiments de France. Selon cet article, la zone doit être définie dans les six mois, soit avant le 13 janvier 2011. Sinon, il ne sera pas possible d’empêcher des travaux d’isolation extérieure disgracieux malgré le préjudice causé à l’harmonie générale d’un village. Or je ne vois pas comment une réflexion est possible dans un délai aussi court. Est-il envisageable de retarder cette date ?France recently enacted the Grenelle 2 package law, which will affect ancient built heritage. Two articles are of particular importance. The first of them introduces the replacement of the ZPPAUP* by architecture and heritage valorisation areas. We could hear some explanations from the ministry, since neither the Architectes des Bâtiments de France nor local mayors understand what will now happen. Article 12 decrees that it is

forbidden to forbid any renewable energy measure, except when Municipal Authorities define their proper interdiction area, with the agreement of the Architectes des Bâtiments de France. According to this article, the area has to be defined within six months, i.e. before January 13th, 2011, otherwise preventing unsightly exterior insulation works despite its impact on the general harmony of a village will not be allowed. However I do not see how such a definition is possible within such short time. Is postponing this date conceivable?* ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) : Architectural, Urban and Landscape Heritage Protection Area

Philippe BELAVAL

Les Aires de mise en valeur du patrimoine me paraissent en harmonie avec la démarche consistant à ne pas isoler la réflexion sur le patrimoine des réflexions relatives au développement durable. Tous les propos tenus jusqu’ici montrent que la valorisation du patrimoine passe par un dialogue, une conciliation voire un arbitrage avec d’autres idées, valeurs et préoccupations. Dans l’esprit du législateur, il s’agit d’une réforme devant aboutir à un enrichissement de l’approche des zones de protection. Il s’agit pour nous d’un véritable défi, puisque le mode d’intervention de nos services est désormais inscrit dans un cadre complètement différent. Ce changement est un défi pour nos services. Nous souhaitons rester très actifs dans la mise en œuvre de cette réforme, considérant qu’elle ne doit pas se traduire par un recul. Dans le budget 2011, une ligne de crédit sera notamment ouverte pour des actions d’accompagnement en direction des élus.

Les premières réactions sur le terrain permettent en outre d’être relativement optimistes sur la bonne compréhension du sens de cette réforme et de sa mise en œuvre par les élus.The architecture and heritage valorisation areas seem to me in harmony with the approach consisting in not isolating the global reflection on heritage from reflections on sustainable development. All that has been said so far show that valorisation of the heritage is achieved through dialogue, conciliation, or even confrontation with other ideas. In the legislator’s mind, it is actually a reform with an aim to enrich protection areas.It is a real challenge for us, since the intervention mode of our departments is now part of a completely new framework. This change is a challenge for our departments. We wish to remain active in the implementation of this reform, as we consider it must not be a step backwards. In the 2011 budget, a credit line will opened for assistance measures towards local authorities. First reactions in the field let us rather optimistic regarding the understanding of this reform and its implementation among local councils.

Jean-Marc MICHEL

Il n’est pas prévu de changement de délai à ma connaissance.No postponing that I know of has been planned.

Damien TRON, Architecte, ville de Montrouge

Je souhaite vous faire part de ma surprise quant à l’utilisation du terme de norme, alors que j’avais perçu durant ces deux jours que tout restait à inventer et à construire.

I want to let you know how surprised I am by the use of the norm term whereas my understanding during these two days was that everything was still to be invented and built.

Michèle TILMONT

La norme est un terme général, qui n’a pas de signification réglementaire mais qui désigne un ensemble de standards acceptés par les professionnels.Norm is a general term, without any statutory signification though designating an ensemble of standards accepted by professionals.

Terje NYPAN

Il est vrai que tout reste à faire. Nous sommes au début de notre engagement. Les normes CEN ne sont pas obligatoires mais peuvent le devenir du fait qu’elles sont demandées par une assurance ou un ministère. C’est la raison pour laquelle nous essayons de créer notre propre norme, notamment via les suggestions que nous formulons aux propriétaires d’après ce qui est demandé dans les certificats d’énergie. En outre, je propose que ce séminaire s’enrichisse progressivement de l’expérience des uns et des autres. It is true that everything is left to be done. It is only the beginning of our involvement. CEN norms are not an obligation but can still become compulsory since they are demanded by some insurances or ministries. This is why we try and create our own norm, namely through suggestions towards buildings owners according to what is asked of energy certificates.Furthermore, I want this symposium to progressively benefit from the experiences of us all.

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dIscoUrs de cLôtUreChristophe GRAZ Directeur de projet, Euromed Heritage Au nom d’Euromed Heritage et de l’Union européenne, je remercie Pierre-Antoine Gatier, Michèle Prats, Michèle Tilmont ainsi que le groupe «normes» et toute l’équipe d’ICOMOS France, qui a réalisé un travail remarquable pour organiser ce colloque. Je remercie également les partenaires – ICOMOS international, les ministères de la Culture et du Développement Durable, l’ENA –, ma collègue Christiane Dabdoub Nasser, l’équipe et les partenaires d’Euromed Heritage ayant participé, ainsi que l’ensemble des intervenants et participants. A l’heure de clôturer ces deux journées, je souhaite surtout rappeler quelques points essentiels relevés au fil des échanges, qui sont autant de pistes de développement.

Tout d’abord, l’objectif visant une amélioration «moyenne» du parc bâti en termes de performances énergétiques est un acquis essentiel pour le patrimoine. Un traitement différencié est possible avec cette approche globale, qui autorise la flexibilité et les exceptions, et qui permet de « tenir la ligne de front » quant aux changements (in) acceptables sur les monuments et le patrimoine en général. En effet, le patrimoine ne doit pas être compromis.

Par ailleurs, la réflexion doit s’orienter vers les urgences territoriales et le besoin urgent de ralentir le développement horizontal consommateur d’espaces au profit d’une re-densification des espaces, synonyme d’économie d’énergie. Vers davantage de concentration et d’urbanité, il s’agit de revitaliser les cœurs de ville, les espaces et tissus anciens, en exploitant au mieux les solutions spatiales disponibles, notamment autour des espaces publics (ruelles ombragées, filtres végétaux, courants d’air etc.). Ces enjeux sont exceptionnels sur les rives méditerranéennes.

Nous constatons en outre une superposition des problématiques, parfois contradictoires, et des normes associées : gestion de l’eau, problèmes de sécurité et d’accès, énergie etc. Une approche globale semble nécessaire

vers davantage de compatibilité, notamment en regard des spécificités du patrimoine. Cette approche devra aussi prendre en compte les intérieurs, souvent oubliés ou sacrifiés dans les régulations.

Parallèlement, plutôt que de multiplier et de se noyer dans les analyses et études, nous devons simplifier le processus et revenir à une forme de bon sens, en commençant par réaliser une première évaluation directement sur le bâti. Quant à l’inventoriage, à l’analyse critique et au partage des solutions qui existent dans les différents pays, il est indispensable : prescription de panneaux photovoltaïques défigurant déjà dépassés dans leur efficacité, ventilation «utile» récupérant l’énergie sur l’air chaud etc. A titre d’exemple, le Japon a réduit ses émissions de CO² d’environ 1,4 million de tonnes durant les étés 2006 et 2007,- l’équivalent de ce que produit en un mois la métropole de Tokyo -, en préconisant le port de tenues décontractées dans les bureaux.

La question de l’entretien, plus que jamais indispensable, doit être associée à celle des usages. Si des pratiques d’entretien encore vivantes sur la rive méditerranéenne se sont quelque peu perdues en Europe, il serait certainement pertinent de les remettre au goût du jour et de sensibiliser les populations à un entretien plus régulier de leur logement. Dans le même esprit, il conviendrait d’inventorier et de proposer des solutions pratiques et efficaces pour l’adaptation du bâti ancien aux besoins et usages contemporains.

Plusieurs pistes à suivre ont été évoquées, autour du besoin de croiser les expériences. L’établissement d’une Charte Icomos en fait partie, qui pourrait être introduite à la prochaine Assemblée Générale prévue à Paris sur le thème du «patrimoine en tant que moteur du développement», et à laquelle nous souhaitons d’ores et déjà nous associer.

Pierre-Antoine GATIER Président d’ICOMOS France

Je m’associe à l’ensemble des remerciements prononcés par Christophe Graz.

J’ai été très heureux de ces deux journées de travail. Je remercie l’ensemble des participants pour leur engagement et leur présence. ICOMOS France est convaincu qu’il doit participer au débat de doctrine, perçu dans une vision transnationale et internationale. Les différentes expériences sont en effet particulièrement enrichissantes. Leur caractère tant comparable que différent nous oblige à échanger et à débattre de manière permanente.

Je remercie Michèle Tilmont et Michèle Prats pour l’animation de cette journée. J’ai en outre été très heureux de pouvoir entendre Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines et Jean-Marc Michel, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature et de recueillir leur point de vue sur la relation entre patrimoine et enjeux environnementaux. Un certain nombre de points évoqués pendant ces deux journées sont fondamentaux. S’agissant de la formation, l’enjeu est de pouvoir couvrir le grand champ patrimonial, depuis l’artisan jusqu’à la maîtrise d’œuvre. La question du diagnostic est cependant celle qui nous préoccupe tous à l’heure actuelle. Nous devons encore évaluer les résultats des politiques d’adaptation à l’environnement que nous avons engagées. ICOMOS France, avec l’ensemble des comités internationaux, travaillera sur la suite de ces expérimentations. Par ailleurs, le patrimoine traditionnel est sans doute celui qui incarne le développement durable. Mais il n’est pas question d’adopter un regard nostalgique sur la société vivant à l’époque de ce patrimoine traditionnel. Il s’agit d’un regard technique qui ne porte pas de jugement de valeur. Si nous nous attachons à souligner l’intérêt des patrimoines traditionnels, nous sommes tous impliqués dans la défense des nouveaux patrimoines. Nous possédons aujourd’hui une vision plus large du patrimoine, abordant les questions des XIX ème et XX ème siècles, qui sont différentes en termes environnementaux. Toutefois, nous sommes attachés à ce que ces patrimoines soient également perçus comme ayant intégrés dans leur conception, les enjeux environnementaux. C’est peut-être l’avènement de la climatisation qui a mis fin

à cette conception de passive design qui tentait d’intégrer dans l’architecture les valeurs environnementales. L’apport des chercheurs du sud de la Méditerranée est en ce sens fondamental, puisque leurs études témoignent de la manière dont les patrimoines traditionnels étaient conçus et adaptés en fonction du climat dans lequel ils ont été établis. La question de savoir si certains monuments exceptionnels peuvent déroger aux normes a été évoquée. J’étais auparavant, pour ma part, convaincu que le patrimoine devait déroger à la question environnementale. Je crois désormais que le patrimoine est intégré dans la vie sociale et dans la société et qu’il doit participer à cet effort. Aujourd’hui, dans ma pratique d’architecte en chef des monuments historiques, je suis confronté à un paradoxe que je ne sais résoudre, à savoir comment travailler dans cette philosophie de la conservation tout en tenant compte des nouvelles demandes sociétales. L’un des éléments de réponse se situe sans doute dans la recherche technologique.

Par ailleurs, nous devons poursuivre ensemble ce travail d’échange d’expériences, dans une dimension internationale. Je vous donne rendez-vous à l’Assemblée Générale d’ICOMOS qui se tiendra en décembre 2011 en France à l’Unesco. Un symposium sera consacré à la relation entre patrimoine et développement. Dans le cadre de cette réunion, nous souhaitons apporter une contribution significative à la question du rapport entre les enjeux environnementaux et le patrimoine.

Je vous remercie de votre attention.