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N° 4 / 2011 • BIMESTRIEL SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 • P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X
dimensionLE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE
Les coopérantsHier, aujourd’hui,demain
FAMINE DANS LA CORNEDE L’AFRIQUE
QUAND L’ARGENT NE FAIT PAS LE BONHEUR
LES MINES DE LA TERREUR
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sommaireSEPTEMBRE-OCTOBRE 2011
18/19/20 >
Guerreà la famine
24/25 >
EuropeAidnouvel interlocuteur unique pour la coopération européenne
25 > Pas de sécurité là où sont enterrées des sous-munitions
7 S’engager pour la coopération
13 Les coopérants européens, des gens comme les autres
21 Quand l’argent ne fait pas le bonheur…
29 Main dans la main avec les infi rmières du Congo
30 Petite dimension
32 7.000.000.000
Abonnement gratuit sur :www.dimension-3.be
ou par mail à :[email protected]
Sois le changement
que tu veux voir
dans le monde.
MAHATMA GANDHI
> DOSSIER
LES COOPÉRANTS
Hier, aujourd'hui, demain
2 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
édit
o
3dimension
Périodique bimestriel de
la Direction Générale de la
Coopération au Développement
(DGD)
Rédaction :
DGD - DIRECTION PROGRAMMES
DE SENSIBILISATION
Rue des Petits Carmes 15B-1000 BruxellesTél. +32 (0)2 501 48 81Fax +32 (0)2 501 45 44E-mail : [email protected] • www.dg-d.be
Secrétariat de rédaction :
Élise Pirsoul, Jean-Michel Corhay,Chris Simoens, Thomas Hiergens
Création et production :
www.mwp.be
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gratuit en Belgique et à l'étranger.
© Illustration : Serge Dehaes
A lors que ces dernières décennies ont vu des millions de personnes s’extraire de la pauvreté, le fossé entre riches et pauvres ne cesse dans le même temps de se creuser. C’est une des raisons pour lesquelles tant
de personnes s’engagent aujourd’hui pour le Sud. Qui est et que fait le coopérant ‘cru 2011’ ? Dimension 3 vous les fait découvrir, les coopérants d’hier, ceux d’aujourd’hui, et ceux de demain. Tous travaillent, à titre professionnel ou non, à un monde plus juste. Inspirez-vous en et lancez-vous dans l’aventure. Rien de tel pour se faire une idée du long chemin parcouru par le secteur de l’aide depuis 50 ans.
L’Afrique orientale accueille une bonne partie de ces travailleurs humanitaires. Y sévit en ce moment la pire famine qui soit depuis vingt ans. L’aide humanitaire y concerne plus de 12 millions d’individus, 440.000 réfugiés envahissent déjà les campements de Dabaab au Kenya. Une raison de plus pour vous décider à faire un don à une organisation d’aide humanitaire internationale. Nous avons décidé de suivre la trace des donations, leur destination, et avons interrogé à ce sujet Jan Weuts, le coordinateur de l’aide d’urgence de Caritas International (pages 18 à 20).
D’un côté l’Afrique orientale en quête d’argent, de l’autre des mesures d’économie prônées de toutes parts. Tandis que le malaise des marchés fi nanciers ne semble pas près de se dissiper, la pression est mise sur les décideurs, qui resserrent les cordons de la bourse. Et à la Commission européenne également. En vue de faire plus avec moins, celle-ci a fusionné deux de ses grands départements de l’aide en une seule structure : EuropeAid. Nous avons enquêté sur le pourquoi de cette fusion auprès de Klaus Rudischhauser, directeur qualité et impact, et de Louis Michel, député européen (pages 24 à 25).
Il n’y a pas que dans le confl it lybien en cours que des bombes à sous-munitions ont été utilisées contre des rebelles. Eparpillées de par le monde, mines et bombes à sous-munitions font encore quotidiennement des victimes civiles, sans aucun discernement et parfois des décennies après la fi n d’un confl it. C’est ce que Dimension 3 a encore entendu rappellé par Hildegarde Vansintjan, en charge du plaidoyer chez Handicap International (pages 26 à 28).
Peut-être devrions-nous nous tourner vers une autre approche du progrès. Qu’est-ce qui nous rend vraiment heureux ? Pour les Occidentaux domine le progrès économique - le PNB – comme indicateur du progrès. Les peuples autochtones d’Amérique du Sud et des Caraïbes ont, eux, remis à l’honneur le Buen Vivir traditionnel (pages 21 à 23). Ou comment pouvons-nous bien vivreensemble…
LA RÉDACTION
Suivez votre inspiration
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Dès mon adolescence, je savais que je voulais connaître d’autres pays et être professeur. Mon mari partageait mon
désir d’expatriation. Aussi, lorsqu’il trouva en ‘71 une place dans le privé à Kinshasa, je le suivis. Je trouvai une place de professeur (“Assistante tech-
nique du gouvernement congolais”) dans une école de la capitale. En ‘72, je reçu le statut de coopérante. À la suite de mai 68, on avait un idéal de partage d’égal à égal avec les Africains. Les anciens nous disaient qu’on ne tiendrait pas le coup. En réalité, j’ai fait mon travail de professeur de français comme je l’aurais fait en Belgique, avec même plus de facilité car les étudiants étaient particulièrement motivés et disciplinés. Mais il faut reconnaître que j’ai eu beaucoup de chance car mon école était très bien dirigée et bénéfi ciait de conditions matérielles tout à fait acceptables. J’ai ensuite travaillé à l’Administration de la coopération (AGCD) à Bruxelles. J’y organisais des animations de sensibilisation à la solidarité Nord-Sud dans les écoles.
J’ai toujours pensé qu’il n’était pas pertinent d’envoyer des enseignants européens au Congo, car les Congolais étaient tout aussi compétents. Malheureusement, ils avaient des salaires insuffi sants, quand ils étaient payés ! Quel que soit l’individu, et sa provenance culturelle, un travail n’est bien effectué que si la motivation individuelle existe et que les conditions matérielles nécessaires à une vie décente et à un exercice normal de la profession sont réunis. La coopération a perdu beaucoup de temps à faire de l’assistance technique, au lieu d’offrir une aide dans la programmation qui aurait été plus utile.
À présent, mon fi ls, qui a passé une partie de son enfance au Congo, tra-vaille aussi comme expatrié dans le cadre d’une coopération internationale. Lorsqu’il m’a annoncé qu’il partait, j’étais ravie pour lui, et un peu triste de me séparer de mes petits-enfants. Heureusement, les moyens de commu-nication actuels (internet, skype, téléphone) sont tellement plus effi caces qu’à mon époque !”
EP
La coopération au développement a fortement évolué au fi l des ans. Les missionnaires
étaient certainement les premiers à fournir de l’aide sur le terrain. Ensuite, aux prémisses
de la coopération offi cielle, les autorités occidentales, ONG et organisations multilatérales
envoyèrent leurs experts. Le Nord voulait montrer au Sud comment faire. Les coopérants
donnaient des cours et dirigeaient les bénéfi ciaires en matière d’agronomie, de loi, d’ingé-
nierie. Ils construisaient aussi des hôpitaux, des écoles, des routes et des canaux d’irriga-
tion, en bref, des infrastructures. On appelait cela de l’“assistance technique”.
La coopération a perdu beaucoup de temps à faire de l’assistance technique, au lieu d’offrir une aide dans la programmation qui aurait été plus utile.
Les coopérants
Enseigner au CongoAnne a enseigné en tant que coopérante au Congo (Kinshasa) pendant plus de 7 ans, de 1971 à 1978. Une assistance technique qui ne se pratique plus aujourd’hui. Mais si les modes de coopération ont changé, la succession est assurée.
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G uido est “tombé” dans le secteur grâce à un jume-lage. La ville de Malines avait des projets en cours dans sa
ville jumelée d’Andahuaylas au Pérou : la construction d’un centre culturel, un ‘cinéma’ en fait, un projet de pisciculture, un autre de sylviculture, le soutien à l’en-seignement culturel. Et quelqu’un devait assurer le suivi. “La préférence allait à un ingénieur agronome ou forestier, et ma chance a été qu’ils demandent une per-sonne de Malines. ‘Fais du beau travail’, ça a été le message à mon départ.”
Pas sans risquesLe jeune coopérant a fi nalement travaillé durant cinq ans à Andahuaylas. En 1982, la situation étant devenue trop dangereuse, Malines retire son personnel. Le Sentier lumineux (Sendero Luminoso), un mouve-ment de guérilla maoïste, y multipliait les attentats à la bombe. “J’ai connu quelques-uns de ces senderistas, tout le monde savait qui ils étaient dans la région. Au début des années ‘80, je suis même allé leur rendre visite au pénitencier de Lima.”À cette époque, la Coopération belge au développement a lancé un programme de développement et de gestion durable de la forêt tropicale au Pérou. Guido a quitté
la Cordillère des Andes pour la forêt tropi-cale. Les coopérants vivaient en brousse, dans un camp forestier. Le week-end, ils partaient se détendre dans la ville la plus proche, Pucallpa.
On a donné !“J’y suis resté jusqu’en 1989. C’est alors que cela a recommencé à chauffer à cause d’un autre mouvement de guérilla. Les attentats à la bombe étaient réguliers, même à Lima.” Des considérations d’ordre sécuritaire ont décidé la Belgique à fermer le bureau de la Coopération belge au développement au Pérou entre 1990 et 1998. Les coopé-rants qui y vivaient avec leur famille ont été les plus touchés par cette insécurité. “Beaucoup sont partis. Une forme brutale de justice populaire régnait. Des personnes se faisaient lyncher dans la rue. Parfois, des cadavres gisaient le long des routes.”Guido a ensuite travaillé en poste au Gua-temala, en Bolivie et en Equateur. En 1997, l’heure du retour sonne pour lui. Après tant d’années, il devient diffi cile de prendre de la distance vis-à-vis des pays et des per-sonnes avec qui on travaille, alors qu’il faut dans le même temps continuer à défendre les intérêts de son propre pays et de son organisation, et non pas ceux d’un autre. Il en va de même pour les diplomates. “Après 20 années en Amérique latine, je ne suis plus jamais reparti en poste. On a donné !”
Hier et aujourd’hui“Les programmes de développement passent désormais davantage par les minis-tères et les institutions du pays partenaire. Nous nous inscrivons dans les plans du
gouvernement.” Guido trouve que c’est une bonne chose que ces programmes de développement soient désormais les leurs, et non plus les nôtres. Les projets qui sortent du cadre offi ciel n’ont plus cours. C’est important si l’on veut travailler en force sur le long terme. Autrefois, le lien avec les administrations centrales était moins présent.Les ONG, elles aussi, travaillent autrement. “Elles se sont spécialisées. Auparavant, elles faisaient quasi toutes les mêmes choses. À mes débuts, en 1977, avec le jumelage, les activités étaient très diverses : pisciculture, sylviculture, éducation, centres de santé, centre culturel… Tout ça, c’est du passé.” Il est impossible de tout (bien) faire. La spé-cialisation améliore la qualité de l’aide. Les ONG locales en Amérique latine ont éga-lement la capacité de faire beaucoup par elles-mêmes. La société civile y est bien organisée. C’est pourquoi la coopération au développement y engage de plus en plus souvent des personnes sur place.Le développement ne s’installe pas grâce au travail de la coopération, même si le secteur peut lancer des impulsions précieuses. “Nous devons pouvoir nous éloigner”, conclut Guido “car une fois le projet en route, ils peuvent le mener à terme tout seuls.”
TH
Nous devons pouvoir nous éloigner, car une fois le projet en route, ils peuvent le mener à terme tout seuls.
Aujourd'hui, nous nous inscrivons dans les plans du gouvernement.
“Fais du beau travail !”, c’était le message.Il a emprunté diverses routes, poussé par trop d’insécurité
sur le terrain. Guido, coopérant à la Coopération belge au
développement, s’enorgueillit de 20 années d’expérience
sur le terrain en Amérique latine. Flash-back sur ses débuts
et sur l’évolution de l’approche des coopérants.
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COOPÉRANTS
L ’époque n’est pas si lointaine où de nombreux Belges enten-daient un missionnaire leur parler pour la première fois de
l’Afrique dont il revenait. A-t-il apporté Dieu aux Africains, la civilisation, le déve-loppement ? Etait-ce un bienfaiteur, un évangéliste ou un “civilisateur” ? Dom Rik explique d’emblée qu’il a toujours été mû avant tout par la chose religieuse et par sa vocation bénédictine.
Pas besoind’apporter Dieu
“Nous étions trois moines d’Affl igem, et après 4 ans, un premier moine noir nous a rejoints. Quelque 325 familles vivaient à la mission sur une superfi cie de 2.000 hec-tares, environ 3.000 personnes, venues des environs. Ils aimaient y vivre, le fermage y était moins cher que celui demandé par le chef de tribu.J’avais énormément de pain sur la planche au monastère, à commencer par la messe quotidienne à laquelle assistaient sur-tout les grands-mères. Le dimanche par contre, l’église était comble. Je prononçais mon prêche en Sesotho et la messe se fai-sait à l’africaine, avec des chants, de l’ani-mation et des danses. C’est ce qui m’a le plus manqué à mon retour, le fait que les célébrations en Belgique ne comprennent ni animation ni chants d’enfants.Les premiers missionnaires avaient banni tout paganisme, c’était une erreur. Vous n’avez pas besoin d’apporter Dieu, il est déjà sur place ! Il faut pouvoir s’intégrer à
leurs coutumes. Pour eux, le religieux ren-voyait plutôt à des choses tangibles, avec beaucoup d’eau bénite, la bénédiction des maisons, l’imposition des cendres, de pré-férence en couche épaisse. Je ne suis moi-même pas entièrement entré dans leur conception de Dieu, ou Modimo comme ils l’appellent. Ils sont en relation avec leurs morts, avec les esprits, avec Modimo.
Partage etmultiplication du pain
Offi ciellement, je suis parti en Afrique du Sud pour enseigner. Nous avons rajouté à l’école primaire existante une école secondaire et une crèche. L’argent doit être investi non seulement dans les bâtiments et la terre mais également dans les personnes qui veulent étudier. J’étais toujours très admiratif devant leur engagement. Un des étudiants que nous avons pu aider grâce à une bourse d’études, possède aujourd’hui son bureau d’avocats à Pretoria.Inutile de prêcher devant des personnes affamées, elles n’écoutent de toute façon pas. Nous avons préféré les aider à gagner leur pain quotidien et à travailler leur terre. Nous avons également installé plusieurs puits de forage et, en 1986, nous avons pu équiper la mission en électri-cité. La connexion était assez complexe
techniquement, et seules les meilleures maisons ont pu en bénéfi cier. Les habi-tants des paillotes ont continué à allumer leur lampe à pétrole et leurs bougies.Je les ai remerciés à mon départ. Ils m’ont appris plus en 25 années que moi je n’ai pu leur donner. Leur esprit de solidarité était magnifi que. S’il y a du pain, ils le par-tagent avec celui qui n’en a pas. En cas de décès, la famille adopte les orphelins. Le village était une seule famille, chacun y savait tout de l’autre.Aujourd’hui, avec onze moines noirs, l’avenir est assuré. Leurs revenus pro-viennent de leur propre menuiserie et d’une plantation de fi gues cactus (fi gues de Barbarie ou prickle pear). Tous les ans, nous organisons à Affl igem un dîner pour la mission grâce auquel nous soutenons surtout les religieuses du couvent, tout proche de la mission.
J’ai découvert le travail de missionnaire sur le tas : comment repartir de zéro, lire la messe sous un arbre, ou multiplier le pain au sens quasi littéral. J’espère qu’ils pourront désormais y parvenir seuls, et je prie pour qu’ils aient un jour leur propre Saint-Benoît noir.”
RVV
Du pain bénit pourles missionnairesLes missionnaires se font de plus en plus rares.
Dom Rik, abbé de l’abbaye bénédictine d’Affl igem, a été
missionnaire de 1974 à 1999 dans le nord du Transvaal
en Afrique du Sud. Il a participé à la reconstruction du
monastère de Subiaco, dans l’ancien bantoustan du
Lebowa.
Vous n’avez pas besoin d’apporter Dieu,il est déjà sur place !
Ils m'ont appris plus en 25 années que moi je n'ai pu leur donner.
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COOPÉRANTS
V ous ne voulez plus uniquement donner un peu d’argent pour une action d’aide d’urgence mise sur pied chez nous à la
suite d’une sécheresse catastrophique, ou pour parrainer un enfant à l’autre bout du monde… Vous préféreriez apporter une aide plus concrète dans la lutte contre la pauvreté, et vous souhaiteriez si possible mettre vos compétences en permanence au service d’un engagement humani-taire… Alors la coopération au développe-ment pourra probablement vous permettre de réaliser les plus nobles de vos projets, tout en vous procurant une expérience professionnelle hors des sentiers battus.Toutefois, pour travailler comme coopé-rant, idéal et bonne volonté ne suffi sent plus. Aujourd’hui, la coopération au déve-loppement est devenue plus exigeante : vos qualifi cations professionnelles et votre expérience de travail seront des critères déterminants.
Un solide bagageCertaines études ont la réputation de mener plus facilement à la coopération, comme celles d’ingénieur, d’économiste ou encore d’expert en gestion de budgets. Celles de médecin (spécialisé ou généraliste), d’infi rmier(ère), de pharmacien(ne), d’agro-nome, de nutritionniste, d’enseignant(e), de juriste, et les études en sciences poli-tiques, de l’éducation, du travail, sont aussi fort demandées.Connaître plusieurs langues est évidem-ment l’autre des atouts les plus importants pour arriver à travailler comme coopérant. En effet, si près de 40 % des postes de coopérant se trouvent en Amérique latine (où il faut connaître l’espagnol ou le portu-gais), plus de 45 % se trouvent en Afrique et 15 % en Asie (où l’anglais est souvent indispensable, à côté du français, sans oublier les langues locales).
Et, déjà, de l’expérienceAfi n d’acquérir de l’expérience sur le ter-rain, comme il est maintenant requis pour décrocher un poste dans les institutions ou les ONG internationales, de nombreuses possibilités se présentent à vous, reposant sur le volontariat, comme par exemple les chantiers dans les pays en développe-ment, proposés par plusieurs associations ou organismes (plusieurs témoignages à lire en pages 9, 14, 16 et 17).Vos candidatures sont nombreuses, aussi faut-il mettre tous les atouts de votre côté avant de poser votre candidature, notam-ment par une bonne préparation et le per-fectionnement de votre formation. En effet, partir comme coopérant nécessitera désor-mais aussi de votre part une démarche de formation aux diverses problématiques de la coopération au développement. À cette fi n, des programmes d’information/forma-tion en résidence sont organisés tant par les institutions (par exemple, les Infocycles
organisés par la CTB) que par les ONG (séances d’information organisées par Acodev/Coprogram, formations dispen-sées par Iteco).La publication Travailler dans la coopéra-tion au développement, téléchargeable sur notre site internet, s’adresse alors à vous, et plus généralement à toutes les personnes désireuses de s’informer sur les possibi-lités de travailler ou d’acquérir de l’expé-rience dans la coopération au dévelop-pement. Elle décrit en détail les diverses manières de travailler pour la coopération, et ce, que ce soit dans les pays partenaires mais aussi en Belgique - par exemple, dans le domaine de la sensibilisation à la problé-matique de la coopération, dans lequel de nombreuses ONG sont actives.
JEAN-MICHEL CORHAY
Tandis que vous avancez dans vos études, l’actualité et l’évolution du monde vous inter-
pellent davantage. Lorsque vous en parlez entre vous et échangez des idées, parfois pas-
sionnément, une question revient depuis un moment déjà : cette vie d’adulte qui s’ouvre à
vous à présent, vous aimeriez, en conscience, lui donner un sens. Un sens, une orientation,
qui réponde autant que possible à vos préoccupations et à vos idéaux.
S’ENGAGER pour la coopération
ONLINEwww.dg-d.be
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COOPÉRANTS
Coopérants…
Suivant le concept de la Déclaration de Paris selon lequel les bénéfi ciaires eux-mêmes
doivent être acteurs de leur propre développement, le secteur de l’aide donne de plus en
plus la main au Sud. Il reste encore cependant quelques ‘expats’ dans les pays en déve-
loppement pour suivre l’évolution du travail sur le terrain et maintenir le contact avec les
autorités et les partenaires de développement. Ce sont les attachés de la coopération à
l’Ambassade, les coopérants de la CTB, ceux des ONG, les collaborateurs des Nations
Unies, etc. Mais il y a aussi des gens qui s’engagent dans leur propre pays : comme béné-
voles des magasins Oxfam, via une initiative citoyenne propre (surnommée 4e pilier), ou
en tant qu’entrepreneur.
“On me demande pourquoi
je travaille encore
dans le secteur de l’aide.”Après avoir terminé son master à l’Université de Hasselt, Huong est rentrée au Vietnam – devenu entre-temps un pays à revenu intermédiaire – avec l’ambition de participer à l’avenir de son pays. Ce n’est qu’une fois devenue attaché locale de la coopération internationale auprès de l’ambassade de Belgique à Hanoï en 2004 qu’elle a pu mettre en place son modus operandi. Huong raconte.
En 2005, le nouveau paradigme de l’aide au développement a recentré le secteur du développement sur les principes de l’appropriation et du partage des responsabilités. Étant respon-
sable de l’aide budgétaire dans le secteur de l’éducation, j’ai pu observer comment ces principes étaient appliqués. La base de l’aide budgétaire est d’injecter les fonds destinés au développement directement dans le budget d’une autorité. L’approche est totalement différente de celle des projets bilatéraux. L’appui budgétaire sectoriel exige non seulement une connaissance approfondie du secteur, des institutions et de la politique, mais également de pouvoir pratiquer l’art délicat de collaborer tant avec les autorités qu’avec les organisations de développement. Le plus précieux des résultats de l’aide budgétaire n’a pas été obtenu sur papier, mais dans le changement de comportement des partenaires au développement par rapport à l’aide. L’appropriation et le partage des responsabilités ne peuvent fonctionner véritablement que si tous les partenaires se consi-dèrent comme égaux.
Je pense que cette leçon s’applique également au nouveau programme de coo-pération entre la Belgique et le Vietnam (2011-2015), malgré le fait que l’éduca-tion n’y soit plus un secteur prioritaire. Le Vietnam est devenu un pays à revenu intermédiaire. Cette évolution remplacera la relation traditionnelle entre donateur et bénéfi ciaire par un partenariat d’égal à égal. D’où l’importance de procéder au renforcement de la capacité institutionnelle et des ressources humaines du Viet-nam. C’est pourquoi la Coopération belge au développement investira 12 millions d’euros dans les quatre prochaines années dans un programme de renforcement des capacités au Vietnam. La tâche qui m’attend aujourd’hui est de donner la forme adéquate à ce programme afi n qu’il remplisse les besoins du pays.Sept années ont suffi au Vietnam pour faire ‘décoller’ son processus de dévelop-pement. On me demande parfois pourquoi je continue dès lors à travailler dans le secteur de l’aide, de nombreux collègues sont passés depuis dans le secteur privé. Je pense pour ma part qu’il reste fort à faire dans ce travail qui combine la conso-lidation de la croissance économique et la poursuite de la lutte contre la pauvreté.
TH
Huong : “Le plus précieux des résultats n’a pas été
celui obtenu sur papier, mais bien le changement de
comportement des partenaires au développement par
rapport à l’aide.”
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A u début, il s’agissait surtout de ‘travailler avec les autres’, d’élar-gir mes connaissances et de faire des visites de terrain. Du
fait de la grande mobilité du personnel, je suis vite devenu un ancien avec un paquet de responsabilités. Ainsi, j’ai organisé une exposition qui a permis la rencontre de 100 acheteurs avec 100 producteurs de légumes et de fruits. Les acheteurs étaient principalement des commerçants, des hôtels et des restaurants rwandais intéres-sés par l’achat de produits de qualité et la signature de contrats. Du côté des produc-teurs, on trouvait surtout des coopératives dont la production commune répondait au mieux à la demande totale des 100 ache-teurs. “Cette initiative doit être répétée à l’avenir”, affi rmaient les participants. Ce sont des réactions positives comme celles-là qui rendent le travail si passionnant. Tout le monde souhaite avoir un métier moti-vant, n’est-ce pas ? Travailler dans des affaires qui rejoignent vos idéaux, vous donne beaucoup de satisfaction.Mon objectif est de rendre les paysans plus indépendants, plus forts et plus fi ers. Nous aidons les dirigeants des coopératives en leur fournissant une analyse de l’entre-prise et le marketing. Cela leur permet, par exemple, de vendre à de meilleures conditions en se concentrant sur certains produits. Par ailleurs, nous informons les paysans sur la grande différence de prix entre la ville et la campagne. Cela doit leur faire comprendre qu’il vaut mieux qu’ils
organisent eux-mêmes la vente de leurs produits, ce qui leur permet d’exiger des meilleurs prix que ceux qu’ils obtiennent des intermédiaires. Un revenu supérieur les rend moins dépendants de l’aide et leur permet même de décider à quel client ils vont vendre, dans quel endroit et quelle quantité.Mais il y a encore beaucoup à faire en termes de proactivité et d’initiative. Les Rwandais ne comprennent que trop bien qu’ils doivent faire preuve d’initiative pour devenir compétitifs. On s’efforce dès lors de stimuler des innovateurs et d’aider des dirigeants dans leur croissance. Dans le milieu du travail, ces efforts sont cependant diffi ciles. Entre ‘donner des moyens’ et ‘faire quelque chose à la place des autres’, il y a l’épaisseur d’un papier à cigarettes. Vous prenez des initiatives et abordez les choses d’une manière qui vous semble logique, et vous espérez qu’on suive votre exemple. Mais parfois on attend de vous que vous continuiez de prendre en charge cette initiative. Essayer sans cesse et faire preuve de patience : voilà la consigne.Mais tout n’est pas rose dans la vie. Dans ce job, vous travaillez avec des personnes de culture différente, et cela pose des pro-blèmes. Tous les collègues sont des fonc-tionnaires rwandais, à l’exception d’un chef de projet : il est Belge. Vous travaillez donc dans un environnement qui diffère nettement de celui dans lequel vous avez grandi. Cette situation requiert de grandes capacités d’adaptation et d’empathie.
Une des différences que j’ai remarquées, c’est l’emploi de la langue : dans la relation avec votre interlocuteur, le rôle qu’occupe la parole est plus important qu’un compte rendu des faits. Un dicton rwandais dit : Akari mu nda y’ingoma kamenywa n’um-wiru na nyirayo. Littéralement : “Ce qui se trouve dans le ventre du tambour n’est connu que du batteur et de son proprié-taire”. En clair : “Seul le locuteur connaît la véritable signifi cation de ses propres paroles”. Travailler comme coopérant au Rwanda c’est un peu comme travailler dans une société fortement hiérarchisée en plusieurs couches, comme un oignon. Vous découvrez progressivement cer-taines couches, tout en soupçonnant l’exis-tence d’autres couches dont vous n’avez toutefois pas la moindre idée.”
THOMAS HIERGENS
Rendre les gens plus forts
Ruben a débuté il y a deux ans dans un projet de la
Coopération belge au développement au Rwanda. En
qualité d’assistant junior auprès de la Rwanda Horticulture
Development Authority (RHODA), il a soutenu le marketing
et la commercialisation du secteur de l’horticulture. “Rendre
les gens plus indépendants, plus forts et plus fi ers” est en
quelque sorte sa devise. Pourtant, les différences de culture
s’opposent parfois à une collaboration fl uide.
“
Ruben sur le marché de Kamembe, un village du sud-ouest du Rwanda, avec
une vendeuse de fruits et légumes et un enquêteur qui collecte des informations
sur les prix du marché et les quantités de produits.
PROGRAMME
JUNIOR :
une première expérience
dans la coopération
Vous êtes intéressé par les thématiques de dévelop-
pement et désirez mettre vos compétences à la dispo-
sition d’un pays du Sud ? Le Programme Junior a été
mis sur pied en 2006 afi n de permettre aux jeunes
d’acquérir une première expérience professionnelle
dans la coopération. Encadrés par un coach, les Assis-
tants Juniors plongent directement dans la vie d’un
projet de la Coopération belge au développement.
Participer à la sensibilisation de la population rwan-
daise à l’hygiène, initier des centres de recyclage à
Kinshasa pour remédier au problème de pollution tout
en créant des emplois, aider les producteurs de Pérou
à trouver des débouchés…, il y a presque autant de
métiers que d’Assistants Juniors, et ceci dans diffé-
rents secteurs : l’éducation, la santé, l’infrastructure
de base, l’agriculture, la bonne gouvernance… Les
fonctions dans un projet peuvent varier fortement.
Mais même différentes, elles se révèlent toutes des
expériences uniques.
Toutes les infos sur le Programme Junior
sur : www.btcctb.be
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 9
COOPÉRANTS
Sœur Suzy se sent en premier lieu sœur de tous les petits qui souffrent et qui luttent pour pouvoir vivre une vie décente. Sa priorité, c’est ‘aimer les gens’. “Être aimée moi-même me rend si heureuse
que je veux partager ce bonheur avec d’autres”, dit-elle. Pour elle, sa foi est très importante. “Pour moi, il n’y a qu’un seul Dieu et il aime tous les humains”, souligne-t-elle. “Une personne malade guérit d’autant mieux si on la soigne
avec dévouement.” Mais le ‘missionnaire-coopérant’ n’est-il pas une espèce en extinction ? “Le missionnaire en lui-même peut-être bien. Mais chacun de
nous n’a-t-il pas une mission ? Ou vit-on chacun pour
soi ? La vie ne devient-elle pas plus captivante si nous
remplissons notre mission ?”
Sœur Suzy apprécie beaucoup l’action au développe-ment de l’an 2011, mais formule quand même quelques réserves. “Je regrette que l’on termine les projets
bien souvent trop tôt. Parfois, j’ai le sentiment que les
avantages économiques du donateur sont plus importants que les conditions
de vie des personnes dans le Sud. Il faut davantage tenir compte de la base :
souhaitent-ils vraiment ce que l’on propose ? Et aussi leur donner un accom-
pagnement sérieux.” En 30 ans, elle a vu de nombreuses améliorations au Mali. Elle continue de croire en une Afrique capable de se débrouiller seule, à la condition que le Nord coopère de manière équitable.Quel est son regard sur la Belgique, après tant d’années passées loin de chez elle ? “On devrait davantage y relativiser les choses. Vus d’ici, tous ces pro-
blèmes politiques semblent si ridicules. Ce sont surtout
ma famille et mes amis qui me manquent. Ainsi, les
gens de Fifala sont devenus de vrais amis (voir ci-des-sous). Nous réfl échissons, partageons, travaillons, rions
et pleurons parfois ensemble. Tout cela sur la base de
notre solide expérience de faire quelque chose de sensé
pour des personnes vulnérables.” CS
Chacun de nous n’a-t-il pas une mission ? Ou vit-on chacun pour soi ?
Comment a été créée Fifala ? Anny, présidente : “En 2003, nous
sommes parties avec six amies en voyage au Mali. À Koutienso,
nous y avons fait la connaissance d’une religieuse fl amande, sœur
Suzy, la force motrice d’un centre de santé. Les conditions diffi ciles dans les-
quelles elle travaillait ne nous ont plus lâchées. À notre retour en Belgique, nous
avons décidé de l’aider.”
Par la suite, lors d’un voyage, chaque participante a transporté 20 kg de bagages supplémentaires : médicaments, matériel médical et scolaire. En 2005, le groupe de ces femmes a même expédié un véritable conteneur au Mali. Anny : “Petit à petit, nous avons ressenti le besoin de soutenir les projets
de manière plus structurée. En premier lieu, pour la formation des jeunes et des
femmes et pour améliorer leur santé. C’est pourquoi nous avons créé Fifala en
2006.” Fifala est le nom de petits éventails en roseau avec lesquels on tente de se rafraîchir au Mali.Pour collecter des fonds, l’asbl organise notamment des marchés de produits maliens, des barbecues et des promenades. Elle reçoit également des subsides
de la part de communes et de la province du Limbourg. En ayant ouvert un compte de projet à la Fondation Roi Baudouin, elle peut délivrer des attestations fi scales pour les dons. Fifala ne veut pas mener une action isolée. “Nos projets
sont intégrés dans l’organisation de l’enseignement et de la santé du pays. Et
avec sœur Suzy, nous avons une responsable sur place qui nous aide dans la
sélection des projets. Nous avons aussi de bonnes relations avec les autorités
locales.”
Anny voit de nombreux résultats de leur soutien au Mali. Elle aime surtout parler de l’aide de M. Adama, le directeur d’école. “Avec la communauté villageoise
locale, le directeur Adama a construit trois nouvelles classes. Mais pour la fi nition
(toiture, fenêtres, portes), il est venu frapper à la porte de sœur Suzy qui nous a
transmis sa demande. Nous avons collecté les 4.600 euros nécessaires. Lors
de notre visite suivante à Koutienso, tout le conseil communal a souhaité nous
rencontrer. Nous avons été comblées de remerciements. Et nous avons reçu
trois poules. Mais nous les avons laissées dans l’enclos du centre de santé.”
CS
www.fi fala.be • www.4depijler.be
Aimer les gens vulnérablesSuzy avait 4 ans quand elle voulait déjà travailler comme infi rmière en Amérique latine. Elle avait entendu dans la paroisse le récit d’un travailleur chrétien qui était parti en Bolivie. Le destin a voulu qu’elle atterrisse en 1981 au Mali sous le nom de sœur Suzy. Elle y est responsable d’un centre de santé actif dans l’éducation au niveau de la santé et de l’hygiène, des soins apportés à la mère et à l’enfant et du traitement du sida.
De l’air frais pour le MaliFifala est une initiative typique du quatrième pilier comme nous en connaissons de plus en plus ces dernières années en Belgique : un groupe d’amis enthousiastes qui se retrouvent dans le soutien à un projet dans le Sud.
10 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
Pourquoi avez-vous choisi la
Belgique ?
Le Master en gestion de l’environnementà Arlon constituait la formation la plus pertinente pour mon travail. Il était donc logique que mon choix se porte sur la Bel-gique. Je m’amuse beaucoup ici, même si je n’ai pas encore eu l’occasion de visiter de nombreux endroits. Je n’ai pas rencon-tré beaucoup de problèmes à mon arri-vée. Je m’adapte à la nourriture, au froid, aux usages locaux.
Dans quelle mesure cette formation
est-elle importante pour votre
carrière et votre pays ?
Elle est très importante. Nous apprenons une multitude de nouveaux outils tels que la statistique. Le Système d’information géo-graphique (SIG) est lui aussi extrêmement
utile. Il nous sert à répertorier et à classer toutes nos données.
Selon vous, quelles sont les
principales différences entre la
Belgique et Madagascar ?
Je trouve surtout que tout est propre ici. Mon pays est très poussiéreux et nos voitures émettent énormément de gaz d’échappement. Mais je me suis égale-ment rendue au Japon et il y fait encore plus propre. Sur le plan social, je ressens plutôt un sentiment de “chacun pour soi”. Mais bon, tout se déroule pour le mieux.
Parlez-nous de vos relations avec
les membres du groupe.
L’ambiance est très agréable ! Le groupe se compose principalement d’Africains, mais il compte aussi des Péruviens, des
Haïtiens et même deux Belges. En tant que femme, je suis en minorité. Seules quatre femmes font partie du groupe de 24 personnes.
Les habitants de Madagascar
se préoccupent-ils de
l’environnement ?
Oui, quand même, mais ils ne disposent pas de moyens, ils n’ont pas d’alternative. Ils ont besoin des forêts pour survivre et ils doivent travailler leurs terres, même s’ils en dégradent le sol.
CS
“Le Master en gestion de l’environnement constituait la formation la plus pertinente pour mon travail.”
Zo Elia travaille à Madagascar au Ministère de
l’environnement. Elle est responsable de formation au
Centre de formation, d’étude et de recherche dans le
domaine de la sylviculture. La bourse d’étude de CIUF lui
permet d’étudier la gestion de l’environnement à Arlon
(Université de Liège).
DES BOURSES
POUR LE SUDDepuis plusieurs années, la Coopéra-tion belge au développement fi nance des bourses d’étude et de stage via les univer-sités (CIUF-CUD et VLIR-UOS). Celles-ci permettent à des personnes issues de pays en développement de suivre des formations en Belgique correspondant aux besoins de leur pays. De cette façon, on construit de l’expertise locale.
www.cud.be• www.vliruos.be
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 11
COOPÉRANTS©
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Avec son entreprise – productrice d’embal-lages souples pour l’industrie alimentaire – il
soutient le programme Aquadev Nouvelle Nutrition Niger qui lutte contre la malnutrition au Niger. Michel a choisi ce programme parce que son contenu l’intéresse. Le sort des femmes lui tient le plus à cœur. “Les femmes africaines
connaissent des conditions de vie diffi ciles”, explique-t-il. “Elles doivent sur-
vivre dans des situations pénibles et prendre soin de leur famille sans pouvoir
compter sur aucune aide.” Grâce aux dons de Bastin & Co, Aquadev construit des greniers à blé où sont conservées les réserves qui seront utilisées en cas de pénurie alimentaire. Ce sont les femmes qui gèrent les greniers et qui veillent au partage équitable du blé.Quelle est sa motivation ? “Pour moi, c’est comme une obligation morale de
représenter quelque chose pour des personnes qui sont moins bien loties, de
rendre quelque chose à la société sans en rece-
voir une contrepartie, de manière directe ou indi-
recte. Le Nord ne peut pas abandonner le Sud.”
Pour le chef d’entreprise Dirk (Terre Bleue - vêtements et chaussures), entreprendre signifi e contribuer à une société meilleure, y compris dans
les pays en développement. “En tant qu’entrepreneur, je trouve que stimuler
l’entrepreneuriat dans le sud est un élément de la solution”, dit-il.La contribution au Sud de ces deux entrepreneurs passe par le Corporate Fun-
ding Programme. Ce réseau fait le pont entre les ONG et le monde des affaires. Les ONG reçoivent des chefs d’entreprise des notions de gestion des affaires, tandis que les chefs d’entreprises apprennent les valeurs et les principes que les ONG appliquent et voient comment elles parviennent à réaliser leur travail malgré les conditions diffi ciles.
CS
De 1986 à 1988, j’ai travaillé pour PROTOS à Haïti. À l’époque, c’était encore une petite organisation d’une dizaine de personnes qui s’entendaient très bien. L’ambiance était plutôt informelle, tout
comme les contacts avec les bailleurs de fonds. On se contentait d’un simple compte-rendu. Aujourd’hui, l’ONG compte 67 travailleurs dont 16 opèrent au siège central à Gand. C’est une vraie entreprise. L’administration, la comp-tabilité, la gestion du personnel…, tout est structuré. Les bailleurs de fonds (instances publiques et entreprises) veulent, bien plus qu’auparavant, savoir précisément où va leur argent. À juste titre.Nous disposons sur le terrain de cellules de soutien régionales gérées par un coopérant de chez nous. Ces cellules accompagnent les partenaires locaux et assurent le suivi des projets. Nous les supervisons à partir de Gand et nous pouvons ainsi contrôler si elles respectent bien les politiques de PROTOS. Est-ce qu’elles travaillent directement avec les maîtres d’œuvre, donc avec les propriétaires des constructions hydrauliques (communes, associations de paysans) ? Se limitent-elles à notre expertise et collaborent-elles avec d’autres
partenaires pour acquérir une expertise complémentaire ? Des choses de ce genre. Le contact avec le terrain est donc assez indirect, même si nous allons y jeter un coup d’œil de temps à autre.Par opposition à ce qui se faisait auparavant pour les cellules de soutien, PROTOS
recherche en priorité du personnel local. Ce n’est que si nous n’en trouvons pas, que nous passons par la Belgique ou l’Europe. Outre des Belges, nos collabo-rateurs comptent des Néerlandais, un Français et une Italienne. En tant qu’ONG pour l’eau, nous avons besoin de personnel qualifi é, des spécialistes qui ne se trouvent pas toujours en Belgique.C’est une différence de plus. Auparavant, à la sortie des études, un jeune sans expérience pouvait facilement travailler comme bénévole dans un projet de développement. Ce n’est plus le cas, certainement pas à PROTOS. Le Sud a besoin d’expertise. Ceci dit, dans les cellules de soutien qui ont suffi samment de personnel, nous offrons parfois une place de coopérant junior, qui pourra alors se familiariser progressivement avec le secteur.”
CS
Stimuler l’entrepreneuriat dans le Sud est un élément de la solution.
www.cfp.be
Les entrepreneurs ne peuvent
pas abandonner le SudÀ l’âge de 14 ans, Michel a traversé le Sahel à bord d’une F ord de 1919. La traversée l’a profondément marqué. Il a découvert la culture africaine mais également les conditions de vie diffi ciles. Aujourd’hui, en qualité d’administrateur délégué de Bastin & Co, il n’a pas oublié le Sud.
“Nous recherchons en
priorité du personnel local.”Dirk est responsable du service Sud de l’ONG PROTOS, spécialisée dans la gestion de l’eau. Comment travaille l’ONG ? Quelle différence entre hier et aujourd’hui ?
12 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
COOPÉRANTS
J e travaille avec une coopérante qui gagne deux fois plus que moi, alors que c’est moi le chef. Elle n’est pas meilleure que moi et elle le sait”,
déclare avec un brin de regret, un res-ponsable d’une structure nationale qui bénéfi cie d’un appui technique et fi nan-cier des pays développés. Les coopérants sont mieux payés que leurs collaborateurs locaux. Mais sur le plan professionnel, cer-tains d’entre eux ont tout au plus le niveau de technicien supérieur (graduat) et sont très vite promus experts. Les doutes sur leur compétence sont d’ailleurs à l’origine de plaisanteries bon enfant. “Au plus fort de la crise, des coopérants qui assistaient les déplacés s’étaient vus collés le sobri-quet yaka, car à chaque malade ils disaient : il n’y a qu’à boire de l’eau, il n’y a qu’à faire ceci ou cela”, se rappelle P.N., journaliste.Mais au-delà de ces caricatures amu-santes, les coopérants sont réputés tra-vailleurs et compétents. “Je ne sais pas ce qu’ils gagnent comme salaire, mais je les trouve très qualifi és et compétents. Nous n’avons pas d’offi ciers burundais qui pour-raient les remplacer dans la formation qu’ils nous dispensent”, confi ait en juillet dernier un capitaine de l’armée burundaise, par-lant des coopérants militaires européens.
L’autre face du coopérantEn marge de leurs activités profession-nelles, les coopérants mènent une vie privée qui fait peu de place aux Burun-dais. Seule une minorité, plutôt aisée, ceux qu’on appelle les ‘Happy few’, ont l’occasion de les côtoyer hors du cadre professionnel. S’ils se mêlent peu aux Burundais, fait remarquer Nestor Miburo, étudiant, c’est essentiellement à cause des barrières linguistiques et culturelles. Certains Européens tentent le rapproche-ment en apprenant la langue nationale, le
kirundi. Comme cette jeune belge qui, de retour de vacances, a adressé à ses collègues une longue lettre en kirundi, dans laquelle elle exprimait sa joie de se remettre au travail.“Les coopérants sont des personnes comme les autres, sensibles aux événe-ments heureux ou malheureux qui touchent leurs collègues burundais. Ils participent aux fêtes de mariage, se laissent inviter dans des clubs de joggings, en week-ends, etc.”, explique un cadre de la CTB. Dans leur moment de détente, ils se retrouvent dans des bars huppés de la capitale, Bujumbura, ou d’autres villes.De manière générale, les Burundais ne perçoivent chez les coopérants aucun signe de condescendance à leur égard, ni sur le lieu du travail, ni en dehors. “Au travail, il y a certes le res-pect de la hiérarchie mais entre personnes de même niveau, c’est le tutoiement
et la franche camaraderie, quelles que soient les origines”, déclare Anaclet N., ancien chauffeur dans une ONG alle-mande. Réservés, les expatriés évitent toujours de discuter avec les Burundais des sujets sensibles comme l’ethnie, la région, la critique des autorités.De l’intérieur du pays cette fois, en milieu rural, les coopérants sont vus comme des gens différents. Les villageois commen-tent avec curiosité et moquerie leur côté touristes en quête de paysages exotiques. “Ils contemplent les collines, prennent sou-vent des photos des vaches sur la colline, des arbres, des paysans, etc.”, fait obser-ver André Sinkoma, notable traditionnel investi dans une commune à 60 km au sud
de Bujumbura.
SILVÈRE HICUBURUNDI
Infosud Belgique
Au Burundi, les coopérants sont perçus comme des travailleurs compétents, aux salaires
exorbitants, que les populations locales côtoient sans vraiment les connaître. Au fi l des
années et malgré les différences culturelles, les Burundais ont appris à tisser des relations
cordiales avec ces expatriés, des étrangers comme les autres.
des gens comme les autres
LES COOPÉRANTS EUROPÉENS,
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dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 13
COOPÉRANTS
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Coopérants
Dans le futur, les projets de développement seront davantage entrepris par des locaux. De
plus en plus, des habitants de l’hémisphère Sud démarrent leur propre organisation de déve-
loppement. Près de chez nous aussi on a besoin de personnes qui peuvent et osent s’enga-
ger pour un monde plus solidaire. Des jeunes peuvent acquérir une expérience via différents
canaux : les bourses d’études à l’étranger, le programme de volontaires des Nations Unies,
les chantiers internationaux, les associations, la coopération communale…
Lorsque j’ai fait mon master en Sciences de la popu-lation et du développement, j’avais déjà un certain intérêt pour les relations internationales. On y parlait
beaucoup de l’Afrique de l’Ouest. Tout cela m’a donné l’envie de constater de mes propres yeux, d’ajouter une expérience personnelle à ma formation théorique, surtout parce que je vou-lais travailler dans la multi culturalité en Belgique. J’avais déjà expérimenté les chantiers en Europe et j’aimais beaucoup cette ambiance. Je me suis donc adressée au SCI, qui m’a proposé de partir au Togo auprès de son association locale partenaire ASTOVOT.Le chantier consistait à assister des institutrices maternelles au jour le jour, ensuite j’ai travaillé dans un institut pour donner des cours de français, histoire ou géo. Je séjournais chez une famille d’accueil togolaise : mon immersion était donc complète, et le contact avec d’autres occidentaux assez rare. J’ai tissé avec ma famille d’accueil des liens sincères. Cette expérience m’a
donné la dimension humaine que je recherchais : il y a à pré-sent des voix, des visages sur mon concept de l’Afrique. Les quelques préjugés que j’avais sont tombés aussi. J’avais peur de la confrontation avec la pauvreté, je ne l’ai pas ressentie mais j’ai rencontré des gens qui ont parfois des diffi cultés comme nous et qui travaillent dur pour vivre. À présent, quand j’entends des discours stéréotypés sur l’Africain paresseux, je me rappelle ma famille qui se levait tous les jours à 5h. du matin et je réagis.Il est plus facile aujourd’hui de me sentir concernée par l’Afrique de l’Ouest, car j’y connais des personnes qui me sont chères et j’aimerais continuer à m’engager. Pour moi, on peut changer les choses à partir d’ici. Par exemple, je fais partie du groupe Nord-Sud du SCI et je co-anime des activités sur la solidarité interna-tionale, c’est ma manière à moi de coopérer. Sans s’expatrier, on peut s’engager, à travers l’associatif, ses choix politiques, sa façon de consommer, les discussions interpersonnelles…”
EP
www.scibelgium.com
Un chantier pour première
expérience en AfriqueAmandine a 29 ans. Elle est animatrice pour enfants dans un musée en région bruxelloise. Pour faire sa première courte expérience en Afrique, elle a choisi de faire un volontariat d’un mois et demi au Togo avec le Service civil international (SCI).
14 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
Durant mon enfance dans les années 70, j’ai assisté de près au spectacle de la misère au Kenya.” explique-t-elle. “C’est
de là qu’est né mon désir de changer les choses.” Elle considère non sans satis-faction le travail qu’elle a déjà accompli. Deux mille paysans – femmes, hommes, jeunes – ont ainsi désormais accès, pour un prix abordable, à des semences, des engrais, des machines et des produits phytopharmaceutiques. Ce n’est bien sûr pas toujours facile. “L’accès aux villages est diffi cile. Les routes sont quasi inexis-tantes et c’est très vallonné. D’où l’intérêt d’un investissement – coûteux mais indis-pensable – dans un véhicule convenable. On rencontre d’autre part, dans ces régions retirées, des populations très sceptiques et peu enthousiastes en raison de la misère et de la désaffectation qui y règnent depuis des années. Il est dès lors diffi cile de les convaincre d’améliorer leur existence par de nouvelles méthodes agricoles. Reste enfi n l’inconvénient de devoir débourser pour tout ce que nous souhaitons faire : des formations, la transformation des récoltes en produits à valeur ajoutée.” Les fonds de
son organisation proviennent entre autres des paysans eux-mêmes qui rétrocèdent un pourcentage du supplément du revenu obtenu grâce à Emeden.Elle a un avis tranché sur les besoins de son pays. “Nous devons nous concentrer sur les petits paysans. En les organisant et en leur faisant acquérir diverses compé-tences, nous pouvons faire de leur agricul-ture un agribusiness qui participe à l’éco-nomie nationale. Leur grand nombre est un atout qui leur permet de faire face aux gros propriétaires terriens.” Everlyne Che-robon estime en effet que la répartition inégale des terres (et du bien-être) consti-tue le noeud du problème. Cette inégalité est un héritage colonial, mais quantité de terrains sont aujourd’hui aux mains d’une élite kényane restreinte. Il existe également dans le pays une élite politique unique-ment préoccupée de ses propres gains.La question de la nécessité de maintenir ou non la coopération au développement est, selon elle, délicate. “Le Sud ne peut en tout cas pas devenir dépendant de l’aide. Et le Nord doit coopérer avec les pauvres du Sud. La coopération via les gouvernements du Sud n’a jamais eu l’impact souhaité. C’est
au Nord à rechercher des manières de tra-vailler directement avec les forces vives, les ‘grass roots’, et développer ainsi la durabi-lité et l’indépendance.”Elle estime que les coopérants du Nord ont réalisé beaucoup de bonnes choses. Manquent les dimensions de durabilité et d’indépendance. Elle attribue en partie cet état de fait aux préjugés et à la vision du monde de ces coopérants. “Peu d’entre eux ont pris la véritable mesure des problèmes de développement du Sud. Un mauvais dia-gnostic entraîne un mauvais traitement et de lourds gaspillages fi nanciers.” Elle donne l’exemple du récent ‘Free Primary Educa-tion Fund’. “Ça a été une catastrophe, en partie à cause de la cupidité du gouverne-ment et en partie en raison de la négligence avec laquelle le donateur a procédé à l’ana-lyse de la situation. Résultat : des classes sur-peuplées et un manque d’enseignants et de matériel pédagogique.”Le monde vit des temps diffi ciles. Com-ment avancer ? “Instaurer une relation gagnant-gagnant entre le Nord et le Sud et traiter chacun de manière égale, voilà l’ave-nir !”, conclut-elle.
CS
Everlyne Cherobon a
créé sa propre ONG en
2010 : Emeden. Elle veut
transformer les petits
paysans en entrepreneurs
adeptes de l’agriculture
durable.
“Instaurer une relation gagnant-gagnant entre le Nord et le Sud et traiter chacun de manière égale,voilà l’avenir !”
“
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 15
COOPÉRANTS
Une jeune médecin qui arrive dans une ferme en Éthiopie n’est pas toujours accueillie à bras ouverts. Il suffi t alors d’un petit mot gentil en
amharique pour établir le contact.Du reste, en tant que toute jeune ‘experte’, je ne voulais pas expliquer “comment il faut faire”, tout au plus indiquer “comment faire autrement”. J’ai préféré écouter d’abord les paysans et puis seulement après examiner les bêtes avec eux. Ce n’est qu’après de nombreux palabres que je donnais mon avis. Les Éthiopiens possèdent en effet leurs propres connaissances. Ils utilisent par exemple des plantes médi-cinales contre les maladies du bétail. Si l’Occident peut leur faciliter l’accès à des équipements médicaux et à des banques de données scientifi ques, au fi nal, tout l’art consiste à tirer le meilleur des savoirs provenant des deux cultures.Je conseille fortement aux étudiants d’acquérir une expérience profession-nelle dans un pays en développement. Cela doit rester volontaire, il n’y a pas
d’obligation. L’idée n’est pas non plus que les étudiants débarquent dans un pays en dévelop-pement dans la perspective de leur venir en aide. L’Afrique n’est pas sans ressources. Les paysans que j’ai rencontrés n’étaient pas sans ressources. Ce que nous pouvons faire c’est partager notre expérience et même tirer des enseignements.
Ici, en Belgique, je ne cesse d’encourager les gens à regarder au-delà des frontières : par mon blog et des séances d’information. Mon message est simple : nous formons tous une seule et grande famille et les cinq continents sont comme les cinq doigts de la main. Je réfl échis constamment à la manière dont je pourrais mettre ma discipline médicale et scientifi que au service de la planète. Car l’action d’un seul individu a immanquablement un impact sur le grand ensemble.”
CS
Mon poste renforce la décentralisation : ces dernières années, le gouvernement vietnamien a transféré de nombreuses compétences vers les provinces, mais les instances locales n’étaient pas toujours
préparées à cette nouvelle donne. C’est pourquoi l’UNICEF soutient des inter-ventions destinées à former les fonctionnaires provinciaux et à sensibiliser les politiques sociales locales à la problématique des enfants.Concrètement, je m’informe des besoins des provinces (quelle est la situa-tion sur le terrain ?), je prépare les programmes (que peut faire l’UNICEF pour l’améliorer ?) et je développe des stratégies pour notre engagement au niveau décentralisé (à quoi voulons-nous nous consacrer à l’avenir ?). Je voyage régu-lièrement dans les provinces où je participe à des concertations avec les auto-rités locales.Je me consacre également à d’autres activités de volontaires. Je viens de par-ticiper par exemple à l’élaboration d’une stratégie avec un groupe de collabora-teurs ONU, destinée à accroître l’engagement écologique de l’ONU au Vietnam. En vivant ici, on se rend rapidement compte que le développement ultra-rapide
du pays n’a pas toujours privilégié l’aspect écologie durable. Grâce à notre campagne Greening the One UN in Vietnam, nous voulons que les Nations Unies jouent un rôle exemplaire ; nous collaborons d’ailleurs avec le WWF. D’ici peu, nous lancerons plusieurs activités, à la fois sérieuses (révision de la politique d’achat, compensation des kilomètres en avion) et ludiques (midis cinéma, déjeuners végétariens). Pourquoi je fais cela ? Cela fait longtemps que je voulais m’engager dans le secteur du développement, mais c’est diffi cile d’avoir une expérience sur le terrain, qui est pourtant utile pour savoir si ce type de travail vous convient vraiment. Le programme VNU est le moyen idéal et mon expé-rience ici me plaît énormément. Je trouve également très intéressant de travail-ler au Vietnam pour l’ONU car c’est un pays pilote de la réforme interne “Unis
dans l’action” 1 et cela me permet de découvrir les Nations Unies de l’intérieur.”ES
Les cinq continentssont comme les cinq doigts de la main.
www.unv.org
1 “Unis dans l’action” ou “Une ONU” : Projet pilote pour une meilleure
cohérence entre les différentes instances onusiennes.
Fusionner les connaissances
du Nord et du SudAnne, étudiante vétérinaire, a passé deux fois trois mois en Éthiopie grâce à une bourse de voyage octroyée par la coopération universitaire pour le développement (VLIR-UOS). Elle y a étudié entre autres les réactions des bovins aux plantes fourragères alternatives.
Rendre le Vietnam plus
sensible aux questions de
l’environnement et des enfantsDepuis février 2011, Ewout travaille comme Volontaire des Nations Unies (VNU) dans un bureau de représentation de l’UNICEF à Hanoi (Vietnam).
16 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
E n tant que présidente du GROS de Poperinge, elle prépare les réunions, recherche des activités, part en quête de pro-
jets susceptibles d’être subsidiés par le GROS, elle stimule l’engagement de sa ville pour le Sud, soutient les organisations membres et fait offi ce de point de contact pour les citoyens désireux d’effectuer du
volontariat dans le Sud. Pas le temps de s’ennuyer pour cette jeune femme de 23 ans.Sa motivation première est de sensibiliser les habitants de Poperinge à la probléma-tique du Sud. “Pour moi, il est essentiel de lutter contre l’indifférence de l’Occident vis-à-vis de ce qui se passe ailleurs dans le monde, qui s’explique également par notre conduite. Il ne faut pas pour autant que tout le monde s’en occupe 24 heures sur 24, les autres soucis ne manquent pas.”Karen n’a pas encore d’objectif concret, mais elle sait déjà qu’elle aimerait faire la différence. “Je ne dois pas changer le monde, mais contribuer à un monde plus juste serait déjà quelque chose.” Pour ce faire, elle envisage calmement soit de partir pour le Sud, soit de se consacrer à la sensibilisation des occidentaux. Ni plus
ni moins. “Je veux consacrer le reste de ma vie à mon engagement pour le Sud.”Ce n’est pas facile de travailler avec des personnes d’autres cultures. Ils vivent à un autre rythme, ont un autre état d’esprit, d’autres attentes. Il faut être patient et prêt à s’adapter. Cela demande énormément d’énergie. Mais Karen trouve cela extrê-mement enrichissant de pouvoir s’immer-ger dans un autre style de vie.Elle s’interroge sur la manière dont elle pourrait s’investir dans la coopération au développement. La question “l’aide aide-t-elle ?” la travaille jour et nuit. “Je veux découvrir le maximum d’aspects de la coopération au développement, pour pouvoir en extraire le meilleur. La collabo-ration entre les organisations, les pays et les experts peut faire mieux, ça c’est sûr.”
TH
“Je ne dois pas changer le monde, mais contribuer à un monde plus juste serait déjà quelque chose.”
Karen assume depuis cette année la présidence du GROS de Poperinge, le Conseil
communal pour la coopération au développement. Elle a étudié les Langues et Cultures
africaines, et la Politique internationale axée sur le Sud. Elle consacre son temps libre à
son engagement.
On ne peut pas rester indifférent à ce qui se passe ailleurs, même s'il ne s'agit pas de s'en occuper24 heures sur 24.
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 17
COOPÉRANTS
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GUERREFAMINE
Depuis juillet, le Consortium 1212 collecte de l’argent pour
lutter contre la famine en Afrique de l’Est. Mais que se passe-t-il
avec l’argent ? Jan Weuts, coordinateur des secours d’urgence
chez Caritas International, nous donne des explications.
Depuis déjà 20 ans, la Somalie est écrasée par un confl it ; il serait beaucoup trop simpliste de ne pointer du doigt que la
milice extrémiste islamiste Al-Shabaab. Le confl it est avant tout d’origine tribale. La Somalie est une société complexe de clans, de sous-clans et même de sous-sous-clans. Al-Shabaab est loin de représenter un bloc homogène.,” précise Jan Weuts.
Dans leur lutte contre les extrémistes, les Etats-Unis ont promulgué une loi qui s’est avérée néfaste pour l’aide, en par-ticulier dans les territoires sous contrôle des opposants au gouvernement provi-soire. Toute organisation d’aide qui veut travailler en Somalie est tenue de prou-ver devant un tribunal américain que son aide n’atterrit pas chez les terroristes. C’est notamment pour ce motif que le Programme alimentaire mondial (PAM) a dû mettre un terme à son aide alimen-taire générale en Somalie du Sud depuis janvier 2010.
Somalie du SudChaque membre du consortium alloue les sommes collectées au sein de son réseau international. Caritas Kenya, par exemple, dresse la liste de ses besoins et transmet un appel d’urgence au quartier général à Rome. À son tour, le quartier général demande aux autres divisions de venir en aide à Caritas Kenya.“L’argent pour la lutte contre la famine en Afrique de l’Est est employé dans trois endroits”, explique Jan Weuts. “Première-ment, il y a la Somalie centrale et du Sud, la région la plus gravement touchée. La moi-tié des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition, un quart d’entre eux sont en situation de malnutrition sévère, donc à l’article de la mort. De concert avec la
communauté locale, les ONG y ont déve-loppé des activités de secours : soins aux malades (rougeole, choléra), approvision-nement en eau et assainissement, et des suppléments nutritionnels pour les enfants.”Ces ‘suppléments nutritionnels pour les enfants’ ne peuvent malheureusement pas résoudre le problème aussi longtemps que la ‘distribution générale de produits alimentaires pour tous’ est bloquée : ces maigres rations destinées aux enfants en bas âge doivent en effet être partagées avec le reste de la famille. D’autres organi-sations comme la Croix-Rouge internatio-nale, doivent désormais reprendre cette mission du Programme alimentaire mon-dial. “La distribution générale de produits alimentaires requiert une énorme quantité de nourriture : des navires entiers au lieu de conteneurs. Cette mission n’est donc pos-sible que pour des grandes organisations.”Mais comment fait-on cela, proposer de l’aide dans une région contrôlée par des seigneurs de guerre, les ‘war lords’ ? Jan Weuts : “Il y a moyen de négocier avec les seigneurs de la guerre. Nous utilisons des arguments, par exemple : notre aide est en fait une ‘zakat’ (l’obligation musulmane d’aider les pauvres) ; nous venons avec l’argent de notre population, pas de notre gouvernement ; c’est également grave pour vous si la population se meurt dans votre région, etc. Et nous avons aussi pu leur
“
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"La distribution générale de produits alimentaires
n'est possible que via de grandes organisations.”
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18 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
AIDE HUMANITAIRE
arracher l’engagement qu’en échange de l’aide, à nos conditions, ils allaient garantir notre sécurité. C’est juste la guerre contre la terreur qui a rendu les seigneurs de guerre si méfi ants. Maintenant, ils voient dans chaque organisation d’assistance humanitaire un espion qui ne pense qu’à leur envoyer un drone (avion sans pilote).”
CampsDeuxième lieu d’intervention : les camps de réfugiés somaliens au Kenya et en Éthiopie, sous la coordination de l’UNHCR, le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies. L’UNHCR fait appel à des ONG pour les aspects qu’il n’est pas en mesure de prendre lui-même en charge, comme de la nourriture supplémen-taire, de l’eau et des soins de santé dans les camps. Or, il dépend des autorités et celles-ci ne veulent pas toujours coopérer. Ainsi, les autorités kényanes hésitent à autoriser l’ouverture de nouveaux camps. L’affl ux quotidien de réfugiés est néan-moins énorme. Les camps de réfugiés de Dadaab (Kenya) sont surpeuplés et les gens affluent également dans des endroits où il n’y a aucun camp.
La communauté internationale a-t-elle réagi trop tard ? “Caritas a directement réagi devant l’absence des pluies. Mais personne n’a prévu l’exode de la Somalie du Sud après l’arrêt des distributions géné-rales de nourriture.”
Des bergersLa Somalie n’est pas la seule à connaître une succession de malheurs. Le Kenya et l’Ethiopie sont également confron-tés à une pénurie alimentaire, mais les agences d’aide s’efforcent d’y éviter des distributions de nourriture à grande échelle. Bien que la situation soit moins dramatique qu’en Somalie du Sud, les chiffres de la sous-alimentation sont cri-tiques : 18-20 %, dans certaines zones jusqu’à 30 %.
200 km
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Personne n’a prévu
l’exode de la Somalie
du Sud après l’arrêt
des distributions
générales
de nourriture.
(situation au 9 août 2011)
SOUDAN
ÉTHIOPIE
KENYA
SOMALIE
DJIBOUTI
ERYTHRÉE
OUGANDA
TANZANIE
SUD-
SOUDAN
Centre de réception
Mogadishu
Nairobi
Dadaab
Dollo Ado
Addis-Abada
Djibouti
3,7 millions
4,6 millions
146.600
3,2 millions
554.585
238.423
19.110
Région d’accès restreint
XX Nombre total de réfugiés
XX Nombre total d’autochtones en demande d’aide
Camp de réfugiés
Classifi cation de l’insécurité alimentaire
Absente ou minime
Stress
Crise
Situation d’urgence
Catastrophe / Famine
(situation 9 a9 aoaoût 201111)uation aun au 9 aai aa9ittuatiouatiotttituatio
12,4 MILLIONS
de personnes ont besoin de l’aide humanitaire
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 19
Les régions touchées sont surtout peuplées de bergers. Il y fait très sec, bien qu’il y ait chaque année deux saisons des pluies : une courte et une longue. Mais cette année, les pluies ne sont pas venues. Lorsqu’il fait trop sec, les bergers migrent avec leur cheptel vers des territoires où il y a encore de l’herbe ou des puits.“Ici, il est parfois plus judicieux de donner du foin pour le bétail que de la nourriture pour les personnes. En effet, le bétail est
l’alimentation (lait et viande) de ces per-sonnes. La vente de bétail figure aussi parmi les mesures à prendre, même si les bêtes n’ont que la peau sur les os. L’argent gagné permet aux personnes d’acheter des aliments sur place. Les vaches ache-tées sont abattues ou transférées temporai-rement vers des zones de pâturages.Pour avoir suffi samment d’eau, nous appro-fondissons les puits ou les pourvoyons d’un meilleur équipement : réparer les pompes,
prévoir du combustible, etc. Mais quand c’est nécessaire, nous devons amener de l’eau avec des camions. Grâce à des unités médicales mobiles, nous assurons le suivi de la santé : rhumes, diarrhée…”
Ensuite il y a des paysans sédentaires avec du petit bétail. Pour eux, il est impor-tant de pouvoir continuer à gagner leur vie grâce à leur agriculture. “Pour cette raison, nous distribuons des engrais et des semences, et nous installons des bassins de rétention d’eau et des systèmes d’irri-gation. Nous constatons actuellement que les deux saisons des pluies – la courte et la longue – se fondent en une seule saison. Nous devons réagir, par exemple, en intro-duisant des variétés de sorgho qui arrivent plus rapidement à maturité.”
CHRIS SIMOENS
LA BELGIQUE RÉAGITLa Coopération belge au développement a pu dégager rapidement des moyens fi nanciers
pour les victimes ; l’aide totale s’élève à 9,05 millions d’euros. Dans un premier stade,
elle a alloué un montant supplémentaire de 4 millions d’euros à l’aide d’urgence au
bénéfi ce du Programme Alimentaire Mondial (PAM) et de l’Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Une deuxième contribution de 1,05 million
d’euros a été versée à l’UNHAS, le Service aérien humanitaire des Nations Unies. Vu que
l’assistance humanitaire est confrontée à un manque de moyens fi nanciers, la Belgique a
décidé d’injecter 4 millions d’euros supplémentaires. Ce montant sera affecté à des ONG
humanitaires ou à des organisations multilatérales actives dans la région.
Ces 9 millions viennent s’ajouter à près de 30 millions d’euros versés en 2011 à différentes
organisations internationales, présentes en Afrique de l’Est, dans le cadre de ce qu’on
appelle le "core funding" (fi nancement des budgets généraux d’organisations humanitaires
qui peuvent alors mieux organiser leur travail) ou de fonds fl exibles.
Le Consortium 1212 ou Consortium belge pour les Situations d'Urgence réunit
5 organisations d'aide qui collectent ensemble des fonds en cas de catastrophe :
Caritas International, Oxfam Solidarité, Handicap International, Médecins du Monde et Unicef
Belgique. Médecins sans Frontières et la Croix-Rouge ne sont pas membres du consortium.
Des femmes accourent à la distribution
alimentaire de Badbado, un camp pour
personnes déplacées de Mogadiscio.
La moitié
des enfants de moins
de 5 ans souffre de
malnutrition.
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20 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
AIDE HUMANITAIRE
PIB, IDH, BNB et Buen Vivir
LE BONHEUR NATIONAL BRUT
E n juin 2011, le Bhoutan propo-sait une nouvelle résolution aux Nations Unies qui consistait ni plus
ni moins à faire du “Bonheur” le 9e Objec-tif du Millénaire pour le Développement (OMD). Si, vraisemblablement, l’ONU ne veut pas d’un neuvième Objectif du Mil-lénaire, la mention du bonheur comme objectif ultime et indicateur alternatif du bien-être humain semble être pris au sérieux à New York. Surtout, que, suite à la
réunion de septembre 2010, l’heure est à la réfl exion post-OMD. Les nations réunies se demandent d’ores et déjà comment améliorer les indicateurs de développe-ment humain après 2015, deadline des Objectifs du Millénaire.En attendant, les discussions vont bon train. Selon certains états membres des Nations Unies, le bonheur serait un terme trop vague, on lui préfère la notion de “bien-être”, dont la défi nition n’est toutefois pas
synonyme. Au résultat, on a dans les textes un mélange des deux… Et, de plus en plus, l’idée que seul le PIB (Produit intérieur brut), selon lequel la croissance (écono-mique) par habitants est censée nous ser-vir d’indicateur de l’amélioration de notre niveau de vie, est sérieusement remis en cause. Cet indice s’appuie sur la moné-tarisation comme principale méthode de mesure du progrès, lui-même assimilé au bien-être social.
Quand l’argent
Qu’est-ce que le “bonheur” ? Comment le calculer ? À présent que la crise fi nancière
“repasse les plats”, est-il opportun de le baser sur la seule richesse économique, le PIB,
qui ne laisse aucune chance aux populations pauvres, en particulier dans l’hémisphère
sud ? Cette vision limitée du bien-être social a souvent été remise en question et compte
de nombreuses alternatives - nouvelles ou traditionnelles. Ainsi, les développementistes
du PNUD ont étoffé le calcul du bien-être par l’Indice de développement humain,
tandis que le Bhoutan a inscrit le “Bonheur national brut” dans sa constitution, quand
les Amérindiens revendiquent, eux, leur traditionnelle notion de “Buen vivir”…
ne fait pas le bonheur…
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TENDANCES
L’INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN
LE PIB NE FAIT PAS UNE PLANÈTE HEUREUSE
Il prend en compte toutes les dépenses, y compris les dépenses mili-taires et celle qui sont générées par des catastrophes majeures. Ainsi un ouragan meurtrier comme Katrina pourrait être à l’origine de la croissance du PIB. De plus, la poursuite effrénée de satisfaction des indi-cateurs de performances économiques rendent les politiques aveugles aux dérives sociales (inégalités sociales), éco-logiques, et économiques de notre envi-ronnement. Pour la Commission Stiglitz, du nom du célèbre économiste et prix Nobel d’économie, il est temps que nos systèmes statistiques mettent davantage l’accent sur la mesure du bien-être de la population.Le Bouthan a lui-même adopté dès 1972 le ‘Bonheur national brut’ (BNB), pour mesurer
le bien-être de ses habitants, là où la majo-rité des gouvernements se basent sur la valeur du PIB. L’indice du BNB se base sur quatre dimensions du développement durable, à savoir : la croissance et le déve-loppement économique responsables, la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise, la sauvegarde de l’environ-nement, et la bonne gouvernance respon-sable. Selon son propre classement, le petit royaume himalayen serait 8e mondial…Quoi qu’il en soit, le bonheur fera le pro-pos de très sérieuses discussions au sein des Nations Unies dès septembre et sera le sujet d’un rapport en 2012… Que du bonheur !
ELISE PIRSOUL
L’Indice de développement humain (IDH) est un indice composite, créé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain
des pays du monde. L’IDH se fonde sur trois critères majeurs : l’espérance de vie, le niveau d’éducation, et le niveau de vie.Le PIB par habitant qui n’évalue que la production économique, présente des écarts importants avec l’IDH. L’indice a été développé en 1990 par l’économiste indien Amartya Sen et l’économiste pakistanais Mahbub ul Haq. Le développement serait davantage en dernière analyse, un processus
d’élargissement du choix des gens, qu’une simple augmentation du revenu national. Il existe un indice dérivé de l’IDH, le GDI (Gender-related Deve-
lopment Index), qui prend en compte les disparités liées au genre, soit les différences de situation de vie entre les hommes et les femmes d’un pays considéré.Dans son dernier rapport, le PNUD utilise un nouvel indice pour mesurer la pauvreté : l’Indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM). Il prend en compte différents aspects tels les soins de santé, l’éducation, la sécurité, les services locaux, les libertés politiques, etc.
www.hdr.undp.org/reports www.happyplanetindex.org
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Basé sur 3 indices : l'empreinte écologique, l'espérance de vie, le degré de bonheur.
HPI
2 indices pauvres, ou empreinte écologique dramatique
Happy Planet Index
2 indices bons, 1 médiocre
1 indice bon, 2 médiocres
2 indices bons ou médiocres et 1 pauvre
3 indices médiocres
Produit intérieur BrutPIB
1.000 - 0 $
30.000 + $
30.000 - 12.000 $
12.000 - 3.500 $
3.500 - 1.000 $
22 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
Ce concept, présenté comme un nouveau paradigme de déve-loppement, émane des traditions
ancestrales des Peuples reconnus origi-naires (Peuples autochtones ou encore Indigènes) d’Amérique latine et des Caraïbes.Dans les Andes, le Sumaq Kawsay en langue quichua et le Suma Qamaña en langue aymara, représentent respective-ment le “Vivir Bien” et le “Buen Vivir”, deux faces d’une même pièce de monnaie qui se réfèrent à un “processus de vie en pléni-tude”, en équilibre matériel et spirituel. Le “Vivir Bien” utilisé en Équateur, se réfère à vivre bien, ni mieux ni pire que son voisin, sans recherche absolue d’avoir plus, tan-dis que le “Buen vivir” (ou “Buen Convi-vir”) utilisé en Bolivie, introduit la notion de communautaire, c’est-à-dire d’une société qui recherche le bien pour tous et qui vit en pleine harmonie avec tout ce qui l’entoure.
Le concept du Buen Vivir, qui se fonde largement sur la cosmovision des Peuples indigènes, se veut en quelque sorte se substituer au concept de “vivre mieux”,plus commun dans notre monde occi-dental. Équilibre donc vs croissance sans limites, communauté vs individualisme. De manière pragmatique, la formule suivante en usage en Australie, “Live simply so that others may simply live”, s’ajuste très bien à la notion de Buen Vivir / Vivir Bien dans laquelle la nature (l’environnement) est partie intégrante, sujet de droits, et où la notion de complémentarité se substitue aussi à celle de solidarité.L’adoption de ce concept par les gou-vernements locaux implique de sérieux défi s, en particulier envers les populations indigènes qui, depuis leurs communautés, réclament haut et fort le respect de leur identité culturelle et de leurs droits indi-viduels et collectifs, tels que déjà recon-nus par différentes Traités internationaux
(Convention 169 de l’OIT) et autres Décla-rations (dont la Déclaration Universelle des Nations Unies sur les Droits des Popula-tions Indigènes en 2009). Il ne signifi e pas le retour à un mode de vie ancestral ni l’abandon de tout progrès technologique. Au contraire, il implique la valorisation du savoir accumulé pour promouvoir une vie plus saine, en équilibre avec la nature (la “Madre Tierra”) qui nous entoure et dont l’Homme fait partie.
De nouveaux indicateurs non monétariséssont à défi nir en référence au Buen Viviret cela, sous différentes angles, comme par exemple, en relation au respect des droits humains, à l’économie, au chan-gement climatique, ou encore à l’éduca-tion. Et c’est à ce niveau qu’il convient de constater que le bât blesse toujours, car peu de progrès ont été faits dans ce sens par les gouvernements ayant adopté les préceptes du Buen Vivir.La Belgique s’est par contre déjà engagée sur le terrain par le biais d’un fi nancement de 2 millions d’euros octroyé, en 2009, au Fonds pour le Développement des Popula-tions Autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes (dit Fonds Indigène). C’est ainsi que pas moins d’une trentaine de pro-jets qui promeuvent un développement à petite échelle, durable et en harmonie avec la nature, lancés à l’initiative de com-munautés locales autochtones, sont sou-tenus dans le cadre d’un Programme qui, lui, est d’envergure régionale. Chacun de ces “petits projets” est original et différent de l’autre (tourisme communautaire, pro-duction agricole, changement climatique, plantes médicinales,…) mais tous ont un même fil conducteur : la promotion du Buen Vivir / Vivir Bien.
VALDI FISCHER
ONLINEwww.fondoindigena.org
Le concept du Buen Vivir / Vivir Bien, traduit en français par
“Vivre Bien”, émerge depuis peu et un peu partout sur tout le
continent sud-américain. Il se trouve consigné dans les nouvelles
Constitutions de la Bolivie (2009) et de l’Équateur (2008).
VIVRE BIEN EN AMÉRIQUE DU SUD
Photo de famille dans le territoire du peuple indigène Cabécar au Costa Rica.
Du discours politique aux actes…
Une société qui
recherche le bien
pour tous et qui vit
en pleine harmonie
avec tout ce qui
l'entoure.©
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dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 23
TENDANCES
Pourquoi cette fusion ? Quels en
sont les avantages ?
Il y a deux raisons à cette fusion. Premiè-rement, les fonctionnaires chargés des relations politiques dans les anciennes DG sont partis travailler pour le Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Il était donc logique de rassembler les services qui s’occupaient de développement et de coopération, dans une seule DG consolidée. Et de fait, il n’y a désormais plus qu’un seul interlocuteur pour les questions de développement et de coopéra-tion au sein de la Commission euro-péenne. La deuxième raison est le gain d’effi cacité. L’ex-DG DEV était surtout concentrée sur les pays ACP : Afrique, Caraïbes et Pacifi c. La nou-velle DG travaille désormais avec tous les pays en développement ou ceux du voisinage européen.
Cette volonté de changement
est-elle partie des États-
Membres ou est-elle le résultat
d’une réfl exion interne ?
Notre réfl exion était basée sur une logique interne qui mettait l’accent sur un regroupement des services en charge du développement au sein de la Commission pour agir comme un contrepoids logique et effi cace du SEAE. En clair, nous nous retrouvons dans un schéma similaire à celui adopté par plusieurs états-membres c’est-à-dire un Ministère des Affaires étrangères et un Minis-tère du Développement.
Comment se passe la collaboration
quotidienne entre EuropeAid et le
SEAE ?
Cela fonctionne bien. D’abord, parce que nous travaillons avec nos ex-collègues. Ensuite, parce que nous disposons de textes législatifs très clairs quant à notre
collaboration. Prenons dans l’actualité récente l’indépendance du Sud-Soudan : il fallait à la fois renouer avec les autorités du pays et lancer un programme de dévelop-pement dont le Soudan n’avait pas béné-fi cié jusque-là. Le pays n’ayant pas ratifi é l’Accord de Cotonou, il ne percevait donc
pas le soutien fi nancier du Fonds européen de développement. Le Sud-Soudan va demander son adhésion à l’accord. Le SEAE et EuropeAid ont entamé la pro-grammation de l’aide, le SEAE étant le coordinateur en intégrant le développement dans la poli-tique extérieure menée vis-à-vis du Sud-Soudan. La Commission a réagi de manière complé-mentaire en apportant son aide humanitaire et un nouveau pro-gramme de développement.
Quel est l’impact de cette
fusion sur le budget ?
Rappelons d’abord que les États-Membres font des efforts constants pour consacrer 0,7 % du PIB européen à l’aide au développement, d’ici 2015. La moyenne européenne se situant actuellement autour des 0,40 %, il importe pour les États d’aug-menter encore le montant de leur aide et ce, dans un contexte budgétaire très diffi cile. À l’initia-tive du Commissaire Piebalgs, la Commission a décidé de contri-buer à cet effort commun dans
son prochain cadre pluriannuel de
Depuis janvier 2011, la Commission européenne parle d’une seule voix sur les questions
de développement et de coopération. Elle a fusionné deux de ses anciennes directions
générales en une structure unique : EuropeAid Développement et Coopération, en bref
EuropeAid. M. Klaus Rudischhauser, directeur Qualité et Impact, nous éclaire sur l’intérêt
de cette fusion et sur les premiers pas de la nouvelle structure d’EuropeAid.
NOUVEL INTERLOCUTEUR UNIQUE POUR LA COOPÉRATION EUROPÉENNE
EuropeAid
EuropeAid est le contrepoids logique et effi cace du Service
européen pour l'action extérieure.
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24 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
ONLINEwww.ec.europa.eu/europeaid
fi nancement (2014-2020) en augmentant les budgets consacrés à l’aide européenne et au développement des pays tiers. Cette augmentation de budget ne concerne pas l’organisation, bien au contraire. Grâce à la fusion, nous avons créé des synergies et fait des économies de personnel. Nous allons dorénavant mettre en œuvre plus d’aide avec moins de personnel. C’est un grand challenge, parce que si on veut que l’argent soit bien dépensé et que l’aide au développement produise des résultats, elle a besoin d’être très bien suivie. C’est un nouveau défi pour la Commission qui doit faire des économies dans son budget administratif, comme toutes les adminis-trations européennes.
Comment le personnel s’est-il
préparé à ce nouveau défi ?
Il faut recréer un esprit d’équipe, ressou-der des services. Ceci a demandé un effort de la part de tous. Nous avons lancé un nouveau programme de communica-tion interne avec des débats, des journées “team-building” et d’autres initiatives. Sans oublier les activités ciblées pour nos col-lègues des délégations. Il faut savoir que le personnel d’EuropeAid compte près de 4.300 personnes soit 1.300 au siège et 3.000 en délégation, c’est le service le plus important de la Commission. Cela témoigne de l’importance que l’Union européenne accorde à sa politique de développement ainsi qu’aux moyens fi nanciers qui y sont alloués (l’Union Euro-péenne est le premier donateur mondial en contribuant à hauteur de 53 milliards d’euros en 2010 à l’aide publique aux pays en développement, note de la rédaction).
MARTINE WARCK
Réaction de Louis Michel,Ex-Commissaire au Développement,
Co-président de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE Nous allons
dorénavant mettre
en œuvre plus d’aide
avec moins de
personnel.
Quel est votre avis sur
la nouvelle structure
d’EuropeAid ?
Le principal intérêt de la fusion est d’avoir réintégré en une seule Direction l’élabora-tion et l’exécution des politiques de déve-loppement, permettant ainsi un meilleur leadership stratégique. À titre d’exemples positifs on peut citer la réponse cohérente de l’UE au tremblement de terre en Haïti, la position de l’UE lors du Sommet de New York sur les OMD, ou encore les Sommets UE-Afrique et UE-Asie.
Que pensez-vous du fait que
la direction ACP n’existe
plus en tant que telle ?
Les questions de développement se traitent de plus en plus hors du cadre ACP-UE et on assiste à une intensité croissante des relations entre les pays ACP, les pays émer-gents (Chine, Inde, Brésil) et les donateurs non étatiques (les grands fonds privés). Je ne les vois pas comme une concurrence mais comme une saine émulation dans nos relations avec les pays ACP.Ce serait une erreur de prévoir la fi n de la relation privilégiée ACP-UE qui dure depuis 35 ans. L’Accord de Cotonou est très complet. Il ne traite pas seulement des questions de développement mais vise à utiliser le développement pour faire des pays ACP des acteurs à part entière sur la scène internationale. Je profi te d’ail-leurs de cette tribune pour souligner le tra-vail exceptionnel réalisé par le Secrétaire général du Groupe ACP, Dr. Mohammed Ibn Chambas.
Mais il est vrai que le partenariat ACP-UE doit s’adapter aux changements et iden-tifi er les nouveaux intérêts qui leur sont communs, comme le volume de l’aide et le respect des engagements, l’effi cacité de l’aide, l’énergie, la crise alimentaire, etc. Le groupe ACP doit aussi s’élargir à des pays comme les pays méditerranéens et l’Afrique du Sud, à des pays d’Amérique latine et d’Asie.
À 9 ans de l’échéance de Cotonou, il est temps de repenser la relation entre les deux parties.
Quelles sont vos
attentes par rapport à
cette nouvelle DG ?
La Commission, à travers EuropeAid, devrait être reconnue internationalement comme le leader de la pensée mondiale sur les questions liées au développe-ment. Actuellement, ses capacités d’agir apparaissent limitées. Il ne faudrait pas que le renforcement des directions géo-graphiques transforme EuropeAid en une méga-agence de mise en œuvre au détri-ment de sa capacité dans la conception des politiques. Malgré l’éventail d’initia-tives politiques prises par la Commission, celle-ci doit encore approfondir les moyens et les capacités de ses quatre directions afi n que son poids et son infl uence dans les débats politiques mondiaux soient à la hauteur des montants de son aide publique au développement. Il ne suffi t pas qu’EuropeAid soit la plus grande agence de développement dans le monde, elle doit être aussi la meilleure.
EuropeAid doit devenir la meilleure agence de développement dans le monde.
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dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 25
UNION EUROPÉENNE
Au cours des dernières guerres
en Afghanistan et en Irak, des
bombes à sous-munitions ont été
larguées en masse. Comment se
fait-il que l’on continue d’utiliser
ces armes au XXIe siècle ?
Plus d’une centaine d’États, Handicap Interna-tional (HI) et la Coalition contre les Sous-muni-tions estiment que les armes à sous-muni-tions ne font pas partie de l’arsenal militaire du XXIe siècle. C’est pourquoi ils adhèrent à
la Convention de 2008 sur les armes à sous-munitions qui interdit l’emploi, le stockage, la production et le transfert de ces armes et commande la destruction des stocks, l’enlèvement des armes à sous-munitions et l’assistance aux victimes. Avec leur vie et leur témoignage, les victimes démontrent le caractère inhumain de ces armes et réa-gissent avec incrédulité lorsque Kadhafi , ou un pays comme la Thaïlande, a recours à des armes à sous-munitions en 2011.
Comment les armes à sous-
munitions et les mines terrestres
entravent-elles le développement
d’un pays ?
Premièrement, il y a les pertes et les souf-frances des nombreuses communautés touchées, le plus souvent dans des régions pauvres et isolées. Les armes à sous-muni-tions les appauvrissent davantage. Prenons le Laos, le pays le plus gravement touché. Chaque semaine voit de nouvelles victimes
Les bombes à sous-munitions et les mines terrestres provoquent des situations atroces,
presque toujours chez des civils innocents. Attendant que quelqu’un leur marche dessus ou
les ramasse, ces armes sont cause de terreur. Elles ne mutilent pas seulement des individus
mais des pans entiers de population. Dimension 3 a interrogé Hildegarde Vansintjan, advocacy
offi cer chez Handicap International, sur le pourquoi de cette arme de destruction ignoble.
Ses victimes exigent le bannissement de leur ennemi public n°1
LÀ OÙ SONT ENTERRÉES DES SOUS-MUNITIONS
PAS DE SÉCURITÉPAS DE SÉCURITÉ
Il a fallu plus de trois heures
à l’équipe de déminage
de Handicap International
pour désamorcer cette
bombe, à proximité d’un
village du Laos, et pour
la transférer ensuite vers
le lieu de destruction.
26 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
d’armes à sous-munitions qui datent de la guerre du Vietnam. J’y ai rencontré des familles si pauvres qu’elles envoyaient leurs enfants dans les bois pour déterrer des pousses de bambou, alors qu’elles connaissaient le danger. Quand nous vou-lons leur apprendre à cultiver des légumes dans leur propre potager, nous devons d’abord déminer le sol. Personne n’est en sécurité là où sont enterrées des sous-munitions : ni pour travailler, ni pour aller à
l’école, ni pour construire des maisons ou des routes. Elles paralysent des régions entières et leurs populations.
En 2006, la Belgique a été le
premier pays au monde à interdire
les armes à sous-munitions. Elle
avait fait la même chose pour
les mines terrestres en 1996.
Bruxelles joue donc un rôle de
pionnier, comment cela se fait-il ?
C’est une raison de se montrer fi ers de notre pays. Nos politiciens sont sensibilisés au désarmement, à la paix et aux Droits de l’homme. HI a toujours dit que les personnes sont plus importantes que les armes. La force de notre société civile et ses bons contacts avec le parlement y ont contribué. Une conférence de presse de HI - Netwerk Vlaanderen, entre autres, a rapidement été suivie au Sénat par le dépôt d’une propo-sition de loi sur l’interdiction de ces muni-tions. Le Parlement a placé le bien-être des
civils au-dessus de tout autre argument. Lorsqu’une victime d’une mine terrestre est venue plaider au parlement en faveur de l’interdiction des armes à sous-munitions, on aurait pu entendre une mouche voler. La force de conviction des victimes était sans mesure. Comme elles sont les meilleures avocates d’une interdiction, HI Belgique les a rassemblés pour faire pression au niveau international : les Ban Advocates. En 2008, lors de la conférence de signature de la Convention sur les armes à sous-munitions à Oslo, les personnes présentes se sont levées pour les applaudir.
Tous les pays ne se lancent pas dans
la lutte contre les mines terrestres
et les armes à sous-munitions. Qui
sont les mauvais élèves et pourquoi ?
Kadhafi a utilisé des mines et des armes à sous-munitions, alors que les rebelles libyens se sont engagés à renoncer aux armes à sous-munitions.
J’ai rencontré des familles si pauvres qu’elles envoyaient leurs enfants dans les bois pour déterrer des pousses de bambou, alors qu’elles connaissaient le danger.
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Une bombe à sous-munitions éclate dans les airs et éjecte de nombreuses mini-bombes, des sous-munitions. Ces mini-bombes se dispersent sur une large surface géographique et frappent – sans faire de distinction – des objectifs militaires et civils. Par ailleurs, toutes les sous-munitions n’explosent pas en même temps, de sorte qu’elles restent plusieurs années sur le terrain jusqu’à ce qu’elles explosent par simple contact. Les victimes sont souvent des paysans ou des enfants en train de jouer. Selon Handicap
International, 98 % de l’ensemble des victimes confi rmées des sous-munitions sont des civils.
Une mine terrestre explose par ‘contact’ ou par pression. Un senseur enregistre que la mine entre en contact avec quelque chose. Les mines antipersonnel sont enterrées juste en dessous de la surface du sol et explosent lorsqu’une personne marche dessus. L’objectif est de mutiler la victime sans la tuer. Les mines
antivéhicules ne se déclenchent que sous un poids supérieur à quelques centaines de kilos, comme une voiture ou un tank.
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 27
SÉCURITÉ
• Février 2005 :
HI lance un appel pour l’interdiction des armes à sous-munitions
• Juin 2006 :
La Belgique est le 1er pays à interdire les armes à sous-munitions
• Novembre 2006 :
HI publie le Fatal Footprint : 98 % des victimes des armes à sous-munitions sont des civils
• Février 2007 :
Conférence d’Oslo sur les armes à sous-munitions
• Septembre 2007 :
HI lance le projet Ban Advocates
• Mai 2008 :
Conférence de négociation à Dublin sur les armes à sous-munitions
• Décembre 2008 :
Conférence de signature à Oslo sur les armes à sous-munitions
• Août 2009 :
La Convention sur les armes à
sous-munitions entre en vigueur
• Novembre 2010 :
Premier rapport du Cluster
Munition Monitor
• Septembre 2011 :
Deuxième Conférence des États-parties à Beyrouth, Liban
LE PROCESSUS
D’OSLO POUR
LA CONVENTION
SUR LES ARMES À
SOUS-MUNITIONS
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Qu’un pays comme la Thaïlande fasse usage d’armes à sous-munitions contre le Cambodge dans le cadre d’un confl it frontalier a de quoi inquiéter. Les États qui se sentent menacés déclarent souvent qu’ils n’auraient recours aux armes à sous-muni-tions qu’en cas d’offensive à leur encontre, mais ne les suppriment pour autant pas de leur arsenal militaire. C’est le cas, par exemple, de certains pays d’Europe de l’Est, car ils savent que la Fédération de Russie dispose d’armes à sous-munitions et qu’elle déclare ouvertement en avoir besoin. Les grandes puissances aussi, comme les États-Unis et la Chine, restent “accros” aux armes à sous-munitions. Sans en ignorer l’impact de destruction sur les vies humaines, ils n’envisagent cependant pas de les inter-dire totalement. C’est inacceptable. Tous les pays doivent progressivement et défi nitive-ment abandonner les armes à sous-muni-tions. Sous la présidence de Barack Obama, les États-Unis ont fait un premier pas en limitant le transport. Nous espérons qu’ils adhèreront bientôt à la Convention sur les mines terrestres et poursuivrons en renon-çant également aux armes à sous-munitions.
Nos politiciens s’intéressent-ils
encore suffi samment à cette
question ?
La Belgique poursuit ses efforts en faveur de l’exécution des conventions, notamment par des actions de déminage et de soutien aux victimes, ainsi que son engagement qui
continue à se consolider. Nous espérons que les moyens seront toujours présents. Il est vrai que l’attention du public a baissé, et qu’elle est (malheureusement) réveillée à chaque usage de ces armes, comme c’est actuellement le cas en Libye. HI a immédia-tement averti la population du danger des mines. On ne le répétera jamais assez : les victimes ont besoin de soins tout au long de leur vie, mais elles ne reçoivent pas toujours le soutien auquel elles ont droit. HI compte dans de nombreux pays des centres de revalidation qui accueillent les victimes des mines et des armes à sous-munitions.
Outre les soins médicaux et la réhabilitation, elles ont besoin d’un accompagnement psychologique, d’un travail, de retrouver leur dignité dans la société et d’un droit de parole dans les politiques de soutien des victimes. Notre réseau n’opère pas uniquement sur le terrain. Nous tentons
constamment de convaincre les États d’ad-hérer aux conventions, de les transposer dans la pratique et surtout d’optimiser davantage encore le soutien aux victimes.
La disparition totale des mines
terrestres et des armes à sous-
munitions de l’arsenal militaire
mondial sonnera-t-elle la fi n du
combat de Handicap International ?
Non, car tant qu’elles seront dans le sol, il faudra procéder au déminage, et HI conti-nuera à attirer l’attention sur ce danger. Ce sont surtout les victimes qui auront besoin d’aide leur vie entière. L’objectif de HI est d’éviter les handicaps d’où qu’ils puissent provenir : la violence qu’entraînent d’autres armes, la sécurité routière, la santé de la mère et de l’enfant, les soins prénataux, etc. HI souhaite également la mise en œuvre concrète de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le com-bat ne sera jamais terminé.
THOMAS HIERGENS
Aynalem Zenebe (18), devenue Ban advocate, a perdu sa jambe lorsqu’une bombe à sous-munitions
a explosé dans son école située à Mek’ele, au Nord de l’Ethiopie.
“À la maison nous ne parlons plus de ce jour maudit. Nous préférons ne plus nous en souvenir.”
Lorsqu’une victime d’une mine terrestre est venue plaider au Parlement en faveur de l’interdiction des armes à sous-munitions, on aurait pu entendre une mouche voler.
© Gaël Turine / Handicap International
28 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
SÉCURITÉ
MAIN DANS LA MAINavec les infi rmières du Congo
Voici sept ans, l’hôpital Sint-Vincentius de Deinze s’engageait
dans le projet Ziekenhuis voor Ziekenhuis de Memisa et
concluait un partenariat avec l’hôpital de la zone de santé de
Kasongo-Lunda en RD Congo. Sabine, sage-femme en chef,
investie corps et âme dans le projet, témoigne des impulsions
qu’elle donne à la coopération entre les deux hôpitaux.
Qui ?Sabine Van De Vyver, sage-
femme en chef de l’hôpital
Sint-Vincentius à Deinze
Quoi ?s’engage dans le projet
Ziekenhuis voor Ziekenhuis
de l’ONG Memisa
Pourquoi ?améliorer les soins dans
l’hôpital de Kasongo-
Lunda en RD Congo
T ravailler un jour dans un pays en développement, c’était un rêve de jeunesse. La décision de m’engager au service de ce
projet n’a donc pas été longue à prendre. Dès le début, il était clair que la participa-tion de tous, à tous les niveaux du person-nel hospitalier, était essentielle, si nous vou-lions donner toutes ses chances au projet.Ce partenariat avec l’hôpital de Kasongo-Lunda n’a véritablement commencé à devenir tangible qu’au moment de mon voyage d’immersion en RD Congo. Mon témoignage vibrant au retour a donné à tous mes collègues – depuis la direction et le personnel infi rmier jusqu’à l’équipe d’entretien – l’envie de partager les bons et les mauvais moments de nos collègues de Kasongo-Lunda.Les premières actions ont vu le jour. Irré-sistiblement attirés par le buffet de des-serts, confectionnés chaque jour par une section différente de l’hôpital, les collè-gues ont commencé à s’intéresser au pro-jet. Des photos sont apparues sur tous les murs de l’hôpital de Kasongo-Lunda est entré dans le coeur de nombreux colla-borateurs. Une vague de solidarité s’est emparée de notre hôpital.Début 2011, nous avons lancé une grande action. Avec un petit fi lm promotionnel, nous avons fait le tour des réunions de staff,
jusqu’au comité de direction, et fait aussi de l’intranet notre allié pour sa diffusion.Sur des vélos de spinning, nous avons franchi virtuellement les milliers de kilo-mètres séparant nos deux hôpitaux. Grâce aux mollets vigoureux de nos médecins, directeurs, sages-femmes, infirmiers et autres collaborateurs, et encouragés – sou-tien ô combien important – par l’adminis-tration communale, les conseillers munici-paux du CPAS, les pompiers et la police, notre projet a trouvé un formidable écho à Deinze. Même les résidents d’une maison de repos ont enfourché les bécanes, toutes et tous solidaires jusqu’au dernier. Dans ces conditions, atteindre le Congo, et même presque en revenir, a été un jeu d’enfant.Bien sûr, il se trouvera toujours des per-sonnes qui estimeront que notre aide n’est rien de plus qu’une goutte d’eau dans l’océan. Il m’arrive de penser qu’elles n’ont pas tout à fait tort, mais tout au fond de moi, je sais que cet engagement, volon-taire, d’un grand nombre de personnes est souvent une question de vie ou de mort pour les malades de Kasongo-Lunda. Je continue à croire que le petit fi let de solida-rité qui a vu le jour est capable de devenir un fl ot dont le murmure ira s’amplifi ant et rejaillira bien au-delà de nos frontières !En mai 2011, je suis retournée au Congo avec Memisa et des travailleurs d’autres
hôpitaux belges. Dans mon sac à dos, j’ai ramené une moisson de récits poignants, mais aussi des signes d’espoir.L’hôpital est comme une fourmilière ; dans la salle d’accouchement, le sang jaillit de l’abdomen de Muheka : l’adolescente de 16 ans, qui vient de faire une rupture uté-rine, lutte pour sa vie. La petite Malewa, 4 ans, pleure. Traitée contre la malaria, elle gît dans un semi-coma dans une salle où sont accueillis des dizaines d’enfants malades.Ici et là, je remarque des petits détails, des situations qui m’émeuvent et me rassurent : les seringues et les aiguilles ne sont plus à côté de la poubelle, une sage-femme pose doucement la main sur celle d’une jeune mère en travail plutôt que de s’asseoir sur le ventre de celle-ci pour forcer le bébé à sortir, l’atelier sur l’hygiène des mains sus-cite l’enthousiasme des infi rmières.Nul doute qu’il y a encore une montagne de choses à changer, mais ces petits signes d’espoir me vont tellement droit au cœur qu’ils me donnent la force de conti-nuer à témoigner et de croire que ce par-tenariat est bien plus qu’une goutte d’eau dans l’océan, c’est une petite graine prête à germer.
© S
. Van
de
Vijv
er
ONLINEwww.memisa.be
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 29
PARTENAIRE
Petite Dimension
L’adaptation de la structureorganisationnelle
L’adaptation de la structure organisationnelle s’avère nécessaire si la CTB souhaite poursuivre l’amélioration de la qualité de ses prestations. Cette restructuration est d’autant plus indispensable que les ressources affectées à la coopération bilatérale ainsi que les budgets par pays et par projet augmentent de manière explosive. La CTB veut proposer son expertise professionnelle de manière optimale en recourant à la responsabilisation, la décentra-lisation et le décloisonnement.
Responsabilisation des partenaires
Le nouveau paradigme de l’aide se focalise sur l’appropriation et l’alignement sur les systèmes locaux des pays bénéfi ciaires. Un nouveau vade-mecum sur ‘l’exécution nationale’ des projets stipule que la responsabilité de l’exécution fi nancière et des mar-chés publics est confi ée au partenaire après analyse détaillée de ses capacités et moyennant des audits périodiques. La mise en place de ce système aboutit à une perte progressive de la maî-trise et de l’impact direct de la CTB sur le rythme d’exécution et le taux de réalisation des programmes et projets.
Fraude et corruptionLa fraude et la corruption continuent de retenir l’attention du secteur de la coopération au développement. L’agence belge élabore un plan d’action combinant sensibilisation, prévention, contrôle et sanctions. Une communication transparente s’avère une arme majeure dans la lutte contre la fraude et la corruption. C’est la raison pour laquelle la CTB publie la liste des cas de fraude enregistrés au cours de l’année écoulée.
publie son Rapport annuel 2010Pour la troisième année consécutive, la CTB,
l'agence d'exécution de la coopération belge,
a rédigé son rapport annuel sous la forme d’un
‘reporting développement durable’. La CTB se
concentre en 2010 sur trois grandes activités :
l’adaptation de sa structure organisationnelle, la
plus grande responsabilisation des partenaires
locaux dans l’exécution des programmes de coo-
pération, et l’élaboration d’un plan d’action pour
lutter contre la fraude et la corruption.
Téléchargez le Rapport annuel 2010 de la CTBwww.btcctb.org
La CTB
30 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 I dimension 3
Une importante épidémie de
choléra qui se propage vers
l’ouest fait rage depuis le mois
de mars 2011 en RD Congo. Le
Ministère de la santé a confi rmé
le caractère national du fl éau et
a lancé un appel à l’aide. La Coo-
pération belge au développe-
ment a débloqué 43.000 euros
par l’intermédiaire du Fonds de
Secours d’Urgence aux Catas-
trophes de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge afi n d’enrayer
la progression de la maladie.
Depuis dix ans, la RD Congo est régulièrement frappée par des épidémies de cho-
léra. Le plus souvent, la maladie se déclare dans l’est du pays, dans les provinces du Sud-Kivu et du Katanga, mais cette fois, elle affecte principale-ment les territoires situés plus à l’ouest. L’épidémie a fait ses premières vic-times en mars à Kisangani (1.402 cas, 70 morts) et progresse vers l’ouest par le fl euve Congo. Début juillet, la mala-die a touché pas moins de 1.223 per-sonnes (66 morts) dans la province de Bandundu, 525 personnes (44 morts) dans la province d’Equateur et 35 per-sonnes (6 morts) dans la province de Kinshasa.
La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge apportent leur aide aux victimes et tentent d’enrayer la progression de la maladie en organisant des campagnes d’information ainsi que des pro-grammes de désinfection des bateaux, des bâtiments publics et des habita-tions privées. Cette tâche est des plus ardues dans un pays aussi vaste et dif-fi cilement accessible que la RD Congo.
La Coopération belge au développe-ment a décidé de libérer 43.000 euros par l’intermédiaire du DREF, le Fonds
de Secours d’urgence aux Catas-
trophes de la fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour les opérations d’aide.
La Coopérationbelge participeà la lutte contre
une épidémie de
CHOLÉRAEN RD CONGO
Rapport annuelde la Coopération belge
au développement
L a première partie du rapport expose les gros dossiers, les tendances prédominantes et les grands changements qui ont déterminé le cadre dans lequel se sont déroulées les activités principales de la Coopération belge au développement en 2010. Quelle a été la contribution spécifi que de la Belgique au Sommet des Objectifs du Millénaire
pour le Développement à New York ? Quels points la Belgique a-t-elle placés à l’agenda interna-tional dans le cadre de sa présidence de l’UE ? Comment la Coopération belge au développe-ment tire-t-elle des leçons des évaluations et des plateformes de connaissance ?La deuxième partie porte plus spécifi quement sur les huit Objectifs du Millénaire pour le Déve-loppement. Après avoir dressé un bref tableau de la situation mondiale, le rapport décrit les efforts belges consentis pour chaque objectif. Il n’est pas réaliste de prouver et de calculer noir sur blanc dans quelle mesure la Belgique a contribué à l’accomplissement des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Par conséquent, ce rapport souhaite montrer la partici-pation belge via une approche non exhaustive, prise à titre d’exemple. Celle-ci offre un aperçu réel du fonctionnement et des résultats de la Coopération belge au développement.
Le rapport en combine deux : le rapport annuel de la DGD et
le rapport annuel au Parlement sur la contribution belge à la
réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Le Rapport annuel 2010 est disponible gratuitement en français, néerlandais et anglais. Vous pouvez commander un exemplaire via [email protected] ou le télécharger sur www.dg-d.be
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011 31
Si ce n'est déjà fait, la
population mondiale
franchit en ce moment
le cap des 7 milliards
d’individus. Le seuil des
6 milliards avait quant à
lui été atteint en 1999.
S elon les chercheurs, il fau-dra attendre encore quatorze années avant de passer à 8 mil-liards. Par la suite, la croissance
s’affaiblira pour se stabiliser entre 9 et 10 milliards d’habitants en 2100.
La progression démographique actuelle se concentre principalement sur le continent africain où les femmes ont en moyenne cinq enfants. La popu-lation chinoise est la plus nombreuse, avec 1,33 milliard de personnes. L’Inde, qui compte aujourd’hui 1,17 milliard d’habitants, devrait rattraper son voisin au cours de la prochaine décennie.
1 milliard de véhicules parcourent déjà les routes du monde. Si nous voulons que notre terre reste habitable, nous ne pourrons faire autrement que d’adapter nos modes de consommation.
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DGD - DIRECTION GÉNÉRALE
COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT
Rue des Petits Carmes 15 • B-1000 BruxellesTél. +32 (0) 2 501 48 81 • Fax +32 (0) 2 501 45 44E-mail : [email protected] • www.dg-d.be