discours dg fao pour la rentrée solennelle 2011 de l'ugb
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malheureusementLEÇON INAUGURALE DE L'UNIVERSITÉ GASTON BERGER DESAINT-LOUISThème: «L’avenir de l’agriculture en Afrique»Saint-Louis, Sénégal27 avril 2011TRANSCRIPT
27/04/2011
LEÇON INAUGURALE DE L'UNIVERSITÉ GASTON BERGER DE
SAINT-LOUIS
Thème: «L’avenir de l’agriculture en Afrique»
Saint-Louis, Sénégal
27 avril 2011
Madame, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Recteur,
Mesdames, Messieurs les Membres de l’Assemblée de l’Université,
Chers étudiants et amis,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Honorables invités,
I. Introduction
Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma profonde gratitude à l’Assemblée de
l’Université Gaston Berger qui, en sa séance du 10 février 2011, a accepté la
proposition de choisir le Directeur général de la FAO, comme parrain de la
Nouvelle Unité de Formation et de Recherche de Sciences Agronomiques,
d’Aquaculture et de Technologies Alimentaires.
Aucun acte ne pouvait, au plan personnel, revêtir une valeur plus émotive que
cette leçon inaugurale.
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Le hasard, que Cournot définit comme «la rencontre des phénomènes qui
appartiennent à des séries indépendantes dans l’ordre de la causalité», a voulu
que la lecture ait lieu en cette ville historique, où le cours d’eau qui porte le nom
de notre pays étreint, dans ses bras affectueux, l’île enchanteresse où j’ai vu le
jour.
Il finit sa course nonchalante du côté de l’hydrobase au sable blanc, dans une
embouchure, témoin direct et patient du dialogue saisonnier du fleuve et de la
mer, au rythme du flux et du reflux.
Ce site, si calme et un peu complice, pourrait cependant raconter, aux habitants
de la cité, le premier envol glorieux des pilotes de l’aéropostale, au-dessus de
l’Atlantique, à destination de Natal, au Brésil.
Mesdames et Messieurs,
Il est d’usage, en une solennelle circonstance comme celle qui nous réunit
aujourd’hui, de rappeler que la jeunesse porte les espoirs du pays et qu’elle est le
socle de notre avenir. C’est, en effet, la loi biologique de formation, de
multiplication, d’évolution, de dégénérescence et enfin de cessation des
activités des cellules qui détermine de manière inéluctable la durée de la vie
dans le règne animal. L’être humain n’échappe pas à ce déterminisme et la
pyramide des âges est une des caractéristiques d’une population.
Au Sénégal, 68% des 13 millions de personnes ont moins de 25 ans. Vous êtes,
en outre, la génération de l’Iphone, de l’IPAD, de Google, de Facebook, de
Twitter, du « Cloud computing », du courrier électronique et des messages
instantanés.
Vous êtes donc, d’ores et déjà, les acteurs principaux de votre destin et de celui
de la Nation, car ce sont les choix que vous effectuerez et les actions que vous
mènerez dès maintenant qui détermineront le cours de l’histoire de notre pays.
3
Ainsi donc, par delà l’émotion que je ressens, c’est la raison qui va émailler mes
propos.
L’Université, l’alma mater, la mère nourricière, va vous ouvrir les portes de la
connaissance qui est indispensable à la productivité et à l’efficacité.
Elle va vous permettre de passer de l'opinion relevant de l'appréciation, de
l'apparence, des sens et donc du subjectivisme, à la connaissance qui est du
domaine des concepts, de la réalité, de la pensée et partant de l'objectivisme.
Platon nous dit: «Il me semble que celui qui sait quelque chose perçoit la chose
qu'il sait. Aussi loin que je puisse le discerner à présent, la connaissance n'est
rien d'autre que la perception» et Socrate complète en disant: «La perception est
donc toujours quelque chose qui est, et puisqu'elle est une connaissance, elle est
infaillible»1. Il ajoute: «Mais toutes les choses dont nous aimons à dire qu'elles
sont, sont réellement en train de devenir» pour souligner la théorie de
l'évolutionnisme.
L'Université va aussi vous initier à la logique cartésienne des règles du
«Discours de la méthode», ainsi qu’à la dialectique qui est questionnement pour
trouver des réponses et dépassement des conclusions primaires par leur
élargissement et leur approfondissement. Elles seront des outils analytiques et
méthodologiques indispensables pour aller, selon Kant2, du noumène «postulat
de la raison pratique», au phénomène objet de vos études et de vos
connaissances, afin de comprendre le sens de l'enseignement de vos professeurs
et de pouvoir passer de la base théorique au processus opératoire.
Mais si la pensée universelle m’a imposé le devoir de remonter à des références
occidentales, pour situer le cadre de la gnoséologie, en tant que « Théorie de la
connaissance, de ses sources et des ses formes », je ne peux oublier que je
1 Théétète « Postulats de la raison pratique »
2 Critique la raison pure
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m’adresse à un auditoire sénégalais qui a des sources négro-africaines
authentiques.
En effet, « la philosophie donne aux évènements leur dimension en hauteur,
mais c’est l’histoire qui leur donne leur dimension en profondeur ».
Aujourd’hui, les ethnologues acceptent l’origine africaine de l’humanité. Mais
c’est le regretté Professeur Cheikh Anta Diop, auteur du livre: « Nations nègres
et culture » qui a établi de manière scientifique en utilisant notamment la
technique de datation au Carbone 14, ainsi que des explications ethnologiques et
linguistiques, l’origine nègre de la civilisation égypto-nubienne.
En exerçant plus tard votre métier dans le terroir aux fins fonds du pays rural, au
plan régional ou mondial, vous devrez veiller à votre enracinement dans vos
valeurs de civilisation. Il s’agit certes de s’ouvrir sans complexe au souffle de la
technicité d’un monde devenu un village planétaire. Mais il vous faut rester fiers
des combats pour la liberté, menés naguère, avec courage et vaillance, par vos
ancêtres qui avaient bâti des royaumes et des empires florissants sur la terre
d’Afrique.
Plus récemment, ce sont les luttes victorieuses des pionniers inlassables de
l’indépendance qui ont permis aux pays du continent d’accéder à la souveraineté
internationale.
Vous êtes les héritiers de ce syncrétisme d’enracinement et d’ouverture de la
culture du XXIe siècle. Aucune fonction, si haute soit-elle, nationale ou
internationale, n’est hors de votre portée, pour autant que vous bâtissiez de
légitimes ambitions sur la compétence et la patience, la rigueur et le labeur.
II. La gouvernance de la sécurité alimentaire mondiale
A la suite de la flambée des prix des denrées alimentaires de 2007/2008,
pourtant annoncée quelques mois à l’avance par la FAO dans ses publications et
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dans les médias, la question de la gouvernance de la sécurité alimentaire
mondiale a été posée, au cours de la Conférence de haut niveau de la FAO sur la
sécurité alimentaire mondiale, à Rome. Cette réunion des ministres de
l’agriculture de juin 2009 est devenue de facto un Sommet avec la participation
de nombreux Chefs d’Etat et de Gouvernement. Ce sujet a été repris aussi au
Sommet mondial sur la sécurité alimentaire de novembre 2010.
Il convient d’expliquer que plusieurs partenaires interviennent en effet dans ce
secteur au plan international.
L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO)
fournit les statistiques sur la production, l’utilisation, les stocks, le commerce et
les prix pour les cultures, les produits de l’élevage, les forêts, la pêche et
l’aquaculture, l’eau, les terres et la biodiversité, de même que les études et les
projections correspondantes. Elle sert de forum neutre pour la négociation des
politiques et des accords internationaux d’utilisation durable des ressources dans
ces secteurs et sur les aspects d’éthique en agriculture et de droit à
l’alimentation. Elle dispose d’un Système d’information et d’alerte rapide sur la
sécurité alimentaire. Elle établit, avec l’Organisation Mondiale pour la Santé
(OMS), les normes de sécurité sanitaire et de qualité des produits alimentaires
pour protéger les consommateurs et donner une base scientifique à l’application
des règles sanitaires et phytosanitaires de l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC). Elle apporte une assistance aux pays membres dans la
formulation des plans, des politiques et des stratégies agricoles, la préparation de
projets bancables, la solution de problèmes techniques, la lutte contre les
déprédateurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes. Elle
intervient aussi, en cas de catastrophes naturelles, pour rebâtir les capacités
productives des agriculteurs, des pêcheurs et des éleveurs.
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Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) fournit de l’aide alimentaire en cas
de crise à partir de stocks mis à sa disposition par les pays excédentaires et
d’achats locaux réalisés avec des financements externes.
Le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA) est une banque
spécialisée qui accorde des prêts bonifiés pour la lutte contre la pauvreté rurale.
Mais d’autres institutions jouent un rôle déterminant dans la sécurité alimentaire
du monde.
La Banque mondiale est le principal bailleur de fonds pour le Développement
dans le monde, suivi des Banques régionales (Banque africaine, Banque
asiatique, Banque interaméricaine, Banque européenne) et sous-régionales, mais
aussi du Fonds européen pour le développement des pays d’Afrique, Caraïbes,
Pacifiques, de la Banque islamique, etc.
Les négociations sur le commerce, notamment les droits de douane, taxes,
subventions et autres soutiens, barrières techniques au commerce, propriété
intellectuelle, etc., sont conduites dans le cadre de l’Organisation Mondiale du
Commerce.
La FAO avait indiqué dès le deuxième Sommet Mondial de l’Alimentation des
Chefs d’Etat et de Gouvernement, en 2002, que si la tendance à la baisse des
ressources et les politiques agricoles n’étaient pas changées, l’objectif de
diminuer de moitié le nombre de personnes qui ont faim à l’horizon 2015, ne
serait atteint qu’en 2150.
C’est pourquoi, les Etats membres ont cru qu’il était urgent et nécessaire
d’engager le débat sur les institutions de la gouvernance mondiale de la sécurité
alimentaire. Ces discussions ont eu lieu dans un cadre démocratique et universel
entre les représentants des Etats membres souverains de toute la communauté
internationale dont les pouvoirs ont été validés par un comité d’accréditation.
7
Les agences, les fonds et les programmes des Nations Unies, les Institutions de
Bretton Woods, la Société Civile, les ONG et le secteur privé ont participé à ces
négociations.
A l’issue des réunions, du 27 avril au 4 septembre 2009, et de la
trente-cinquième session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, du
14 au 17 octobre 2009, qui se sont tenues au siège de la FAO à Rome, la
Conférence des Etats membres a approuvé, en sa réunion de novembre 2009, la
décision de confier la gouvernance au Comité de la sécurité alimentaire
mondiale. Cet organisme comprend tous les Etats membres de la FAO et des
Nations Unies. Le secrétariat de cette institution est assuré par la FAO, le FIDA
et le PAM. Un président appuyé par un Bureau, composé de représentants des
différents groupes régionaux, se réunit régulièrement et peut convoquer, en cas
de nécessité, des réunions extraordinaires. Le Comité mondial de la sécurité
alimentaire mondiale fait rapport à l’Assemblée générale des Nations Unies, à
travers le Conseil économique et social.
Un Comité d’experts de haut niveau présidé par le Professeur Swaminathan
prépare les travaux du Comité de la sécurité alimentaire mondiale et donne des
avis sur les questions techniques.
Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale utilise naturellement les études et
les rapports de la FAO sur l’évolution et les projections de la demande, de
l’offre, du commerce, des prix sur le marché international, ainsi que les données
fournies régulièrement par le Système mondial d’information et d’alerte rapide
(SMIAR/GIEWS) qui, grâce à la télédétection, peut s’appuyer sur les
renseignements des satellites géostationnaires d’observation terrestre.
III. La demande alimentaire est en expansion, tant en quantité qu’en
qualité
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Chers étudiants, vous avez choisi de consacrer vos talents à un secteur vital pour
l'avenir du monde. Il faut non seulement nourrir 925 millions de personnes qui
ont faim, mais aussi augmenter la production alimentaire de 70% au niveau
mondial et de 100% dans les pays en développement. Le monde doit en effet
faire face à une croissance démographique qui va porter la population de
6,9 milliards de personnes actuellement à 9,1 milliards à l’horizon 2050.
La région qui compte le plus de personnes sous-alimentées est l’Asie/ Pacifique
avec 578 millions. En Afrique, ce nombre représente 25% de la population, soit
245 millions dont 237 millions dans la région au Sud du Sahara.
En outre, le dernier rapport annuel de la FAO sur «La situation mondiale de
l’alimentation et de l’agriculture» montre que les femmes représentent 43% de
la main d’œuvre agricole dans les pays en développement (50% en Afrique
subsaharienne). Mais elles ont un accès inférieur aux ressources productives et
aux opportunités. Si on comble ce fossé hommes-femmes, leur rendement
pourrait augmenter de 20 à 30%, avec un impact positif sur la production
agricole des pays en développement de 2,5 à 4%. Cela entrainerait une baisse du
nombre de personnes qui ont faim de 12 à 17% par an, soit de 100 à
150 millions.
Les tendances actuelles de la transformation des régimes alimentaires devraient
se poursuivre du fait notamment du taux élevé d’urbanisation. Ainsi en 2050, les
zones urbaines représenteront 70% de la population globale. Elles devraient être
accentuées par l’amélioration rapide du niveau de vie moyen des populations
dans les pays émergents. Sur la période 1980-2005, la demande de viande a
doublé et pour les œufs, elle a été multipliée par 4. Ce changement d’habitude
alimentaire va se traduire par une demande mondiale plus forte de céréales car il
faut 7 kilogrammes de cereales pour produire 1 kilogramme de viande de bœuf
et 2,5 kilogrammes pour produire 1 kilogramme de viande de volaille.
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IV. L’agriculture doit également faire face à des nouvelles contraintes
Les ressources naturelles, l’eau et la terre, qui sont la base de la production, vont
donc être utilisées plus intensivement pour faire face à la demande croissante
d'aliments.
L’augmentation des besoins en eau, d’environ 64 milliards de mètres cubes par
an, et le réchauffement climatique, en particulier dans les zones arides et
semi-arides, vont poser de manière aiguë le problème de l'accès à cette ressource
rare. L'eau douce représente en effet 2,5% de l'eau totale. En outre 31,4% de
cette eau n'est pas directement accessible car elle se présente sous forme de
glaciers et d'eau souterraine.
L’eau est certainement le facteur déterminant de l’augmentation de la
productivité et la production. En effet, le secteur agricole consomme environ
70% de l'eau douce.
Les études de la FAO montrent que pour satisfaire les besoins alimentaires de la
population mondiale en 2050, les terres équipées de systèmes d’irrigation, qui
représentent 290 millions d’hectares aujourd’hui, devraient augmenter de
32 millions d’hectares.
L’agriculture irriguée est beaucoup moins vulnérable aux variations et aux
changements climatiques. En outre, ses rendements sont trois fois plus élevés
que ceux de l’agriculture pluviale.
L’agriculture irriguée, pratiquée sur environ un cinquième des terres arables de
la planète, assure environ 50% de la production vivrière et près de 60% de la
production céréalière mondiale.
Hélas, en Afrique, seulement 7% cent des terres arables sont irriguées, et ce taux
tombe à 4% pour l’Afrique subsaharienne, comparé à 38% en Asie et 20% dans
10
le monde. Pourtant, le continent n’utilise que 4% de ses réserves hydriques,
contre 20% en Asie. Cela veut dire que sur 93% des terres en Afrique, la vie de
60% de la population qui est rurale dépend de la pluie, facteur de plus en plus
aléatoire avec les changements climatiques.
A l’occasion de la Conférence ministérielle sur «L’eau pour l’agriculture et
l’énergie en Afrique: les défis du changement climatique» organisée par la FAO
en décembre 2008, en collaboration avec l’Union africaine, l’Organisation a
préparé des fiches nationales d’investissement en faveur de projets pour la
maîtrise de l’eau en Afrique à court, moyen et long termes. Les projets ont été
préparés, en consultation avec chaque pays, pour un montant total de
65 milliards de dollars US.
D’autre part, la pratique de l’agriculture de conservation, qui prévoit un travail
minimal du sol et le maintien d’une couverture végétale avec des pailles ou
d’autres matières organiques pour en conserver l’humidité, permet de diminuer
l’irrigation. Elle entraine une réduction des besoins en eau des cultures de 30%.
Elle atténue l’impact des hautes températures et diminue les besoins
énergétiques de l’agriculture de 70%. Enfin, elle contribue à la fixation de
quelque 200 kilogrammes de carbone par hectare et par an.
Aujourd’hui, environ 1,6 milliard d’hectares sont cultivés dans le monde et on
estime qu’il faudra trouver 120 millions d’hectares additionnels dans les pays en
développement d’ici à 2050. Les disponibilités en terres arables pour la
production sont surtout importantes en Amérique Latine et dans les Caraïbes
avec 1066 millions d’hectares (2,14 ha/cap), en Afrique au sud du Sahara
1 031 millions d’hectares (1,80 ha /cap) et dans les pays en transition
497 millions d’hectares (1,20ha/cap). C’est ce qui explique la récente ruée des
pays déficitaires vers ces terres disponibles pour sécuriser leurs
approvisionnements nationaux en produits agricoles. Ces investissements privés
sont nécessaires mais dans le cadre de contrats équilibrés avec des partenariats
11
qui permettent à chaque partie d’apporter une contribution en fonction de son
avantage comparatif. La FAO coopère avec la Banque mondiale, la CNUCED et
le FIDA pour la préparation et la négociation d’un code de conduite sur les
investissements agricoles dans les pays en développement.
La préservation de la biodiversité agricole sera aussi un des défis majeurs des
prochaines décennies. Il s’agit des ressources génétiques animales et végétales,
des espèces sauvages qui leur sont apparentées et, plus largement, de toutes
celles qui contribuent au bon fonctionnement des écosystèmes.
Le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et
l’agriculture, adopté en 2001 après huit ans de négociations par les membres da
la FAO est entré en vigueur en juillet 2004. Ce traité a été signé par 126 pays et
par l’Union européenne. Il a permis, depuis 2007, l’accès facilité et le partage
des avantages avec plus de 1,3 millions d’accessions appartenant à 64 des
espèces cultivées qui représentent 80% des aliments d’origine végétale.
Les questions de la sécurité sanitaire et la qualité des aliments sont traitées par la
Commission mixte FAO/OMS du Codex Alimentarius et la Convention
internationale de la FAO pour la protection des végétaux. Pour assurer la
sécurité sanitaire des aliments que nous consommons, plus de 320 normes,
directives et codes ont été élaborés couvrant les principaux produits
alimentaires. Aujourd’hui, la date d’expiration des denrées périssables est un
exemple de normes qui est devenue une pratique commune de notre vie
quotidienne. En outre, plus de 3700 limites maximales Codex pour les résidus de
pesticides et de médicaments vétérinaires, quelques 2000 dispositions Codex
relatives aux additifs alimentaires et 150 normes pour les concentrations
maximales des contaminants et des toxines naturelles ont été établis.
D’importants traités et instruments internationaux ont été conclus sous les
auspices de la FAO.
12
Le Code de conduite pour une pêche responsable a été adopté en 1995, après
sept années de négociations. Il devrait contribuer à la réduction de la pêche
illégale et non déclarée dont le coût est estimé à une valeur de 10 à 23 milliards
de dollars US, notamment grâce à la proposition d’un registre mondial des
navires de pêche avec un numéro d’identification unique pour améliorer la
transparence et la surveillance.
La Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en
connaissance de certains produits chimiques et pesticides dangereux dans le
commerce international est entrée en vigueur en 2004 dans le cadre de
négociations conduites conjointement par la FAO et le Programme des Nations
Unies pour l’environnement (PNUE). La convention qui couvre dans un premier
temps 22 pesticides et cinq produits chimiques dangereux exige que
l’exportation de ces produits n’ait lieu qu’avec le consentement préalable en
connaissance de cause (PIC) de la partie importatrice.
La FAO mène également des actions et des programmes visant à lutter contre les
pollutions. Au cours des dix dernières années, près de 50 millions de dollars US
ont été mobilisés pour aider 36 pays dans l'élimination de pesticides périmés et
pour renforcer leurs capacités en matière de réduction des risques. Le
Programme africain, relatif aux stocks de pesticides obsolètes, est devenu une
référence pour les autres régions du monde.
Le Programme de lutte biologique intégrée a permis l'augmentation des
rendements et la réduction de l'utilisation de pesticides chimiques sur les
cultures importantes comme le riz, le coton et les cultures maraîchères. Le
Programme de champs-école dans ce domaine a bénéficié à 10 millions
d'agriculteurs dans 90 pays.
L’agriculture devra aussi s’adapter aux effets du changement climatique:
températures plus élevées, disponibilité en eau moins régulière, augmentation de
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la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles, perturbation des
écosystèmes, et progression des ravageurs et augmentation des maladies des
plantes et des animaux.
En Afrique subsaharienne, les rendements des cultures pluviales, qui sont déjà
parmi les plus faibles dans le monde, pourraient reculer de moitié d’ici à 2050, si
rien n’est fait au niveau des mesures d’adaptation.
L’agriculture et les forêts représentent 31% du total des émissions de gaz à effet
de serre – 14% pour l’agriculture et 17% pour les forêts. Cependant, ces deux
secteurs peuvent apporter une réduction importante, à hauteur de 80%, par leur
fonction de puits de carbone et par leur potentiel de réduction des émissions
grâce à des techniques agricoles améliorées et durables.
Dans ses actions d’appui aux efforts d’adaptation aux changements climatiques
et d’atténuation de leurs effets, la FAO a, en 2002, créé le Mécanisme pour les
programmes forestiers nationaux. Il soutient actuellement 70 pays et
organisations régionales. La FAO a lancé aussi en 2008, en partenariat avec le
PNUE et le PNUD, le Programme de l’ONU pour la réduction des émissions
résultant du déboisement et de la dégradation des forêts dans les pays en
développement, connu sous le nom de «ONU-REDD». Il est actuellement mis
en œuvre dans neuf pays pilotes dont trois en Afrique (République démocratique
du Congo, Tanzanie et Zambie). En 2009, un Système mondial de surveillance
des forêts a été lancé, pour contrôler leur évolution et faciliter la
comptabilisation du carbone et des paiements à effectuer au titre du programme
REDD. Il s’agit d’un progrès important en matière de monitorage des forêts. Les
données satellitaires à haute résolution de ce genre sont ainsi, pour la première
fois, fournies directement aux pays en développement, pour cette surveillance.
V. Unis on peut relever les défis et réaliser nos objectifs
14
Pour gagner dans la bataille contre l’insécurité alimentaire, il faut que tous les
acteurs concernés agissent d’urgence et de manière concertée
Naturellement, ce sont d’abord les pays souverains qui ont le devoir d’assurer la
sécurité alimentaire de leur peuple. Ce sont les gouvernements qui décident des
politiques agricoles. Ce sont les parlements qui votent les budgets et contrôlent
l'action du pouvoir exécutif.
C’est aussi la responsabilité des agriculteurs de produire, mais dans un cadre qui
soit incitatif, par la garantie d'un revenu décent, la mise à leur disposition de
facteurs modernes de productivité ainsi que la réalisation des conditions de
financement, de commercialisation, de stockage et d’accroissement de la valeur
ajoutée par la transformation agro-industrielle.
Les universités et centres de recherche ont un rôle central dans la génération et
la diffusion d’intrants modernes de production et la mise au point de meilleures
pratiques agricoles, mais aussi la transmission de ces informations et
connaissances aux étudiants et aux agriculteurs.
La communauté internationale a aussi la responsabilité de veiller à
l’établissement d’un système agricole mondial équitable qui offre à tous les
agriculteurs du monde, aussi bien des pays en développement que des pays
développés, la possibilité de gagner dignement leur vie. A cet effet, il convient,
après dix ans de négociation, d'arriver enfin à un accord dans le cadre des
négociations de Doha de l'Organisation Mondiale du Commerce. Les échanges
agricoles internationaux actuels ne sont ni libres ni équitables. Les pays de
l'OCDE accordent un équivalent de soutien à leurs agriculteurs de 365 milliards
de dollars US par an. En outre des barrières techniques au commerce,
notamment sanitaires et phytosanitaires ou relevant de la propriété intellectuelle
constituent des freins aux exportations des pays du tiers-monde. Il faut aussi
souligner que les politiques ayant abouti à un usage croissant non alimentaire
15
des produits agricoles, sont une parfaite illustration de dérives inacceptables. La
production de biocarburants a plus que triplé entre 2000 et 2008. Elle a entraîné
le détournement, chaque année, de plus de 100 millions de tonnes des céréales,
soit 10% de la production mondiale, vers le secteur des transports. Au rythme
actuel, la production de biocarburants pourrait doubler au cours des dix
prochaines années. Cette évolution est due à des pays développés qui accordent
des subventions d'environ 13 milliards de dollars US à ce secteur et érigent des
barrières tarifaires pour empêcher l'arrivée de produits concurrents sur leurs
marchés.
VI. Les travaux de la FAO et le G20
La volatilité croissante des prix des produits agricoles, au cours des dernières
années, constitue une préoccupation majeure car elle menace non seulement la
sécurité alimentaire des populations, mais aussi la stabilité sociale et politique
du monde. Depuis juin 2010, l’Indice FAO des prix des denrées alimentaires a
connu une tendance à la hausse et a atteint, en janvier dernier, son plus haut
niveau. Il a augmenté davantage au mois de février pour atteindre 236 points,
soit une augmentation de 40% par rapport à juin 2010 et de 5% par rapport à son
record de juin 2008.
Cette volatilité est structurellement le résultat de l’insuffisance de l’offre par
rapport à la demande. L’incertitude des marchés a des effets directs sur les
décisions et les flux d’investissement. Elle rend difficile la contractualisation
entre producteurs, commerçants et agro-industriels.
La Présidence du G20, où l’Afrique du Sud est le seul membre africain, a
demandé à la FAO et à l'OCDE de coordonner la préparation des études, avec
les différents partenaires des Institutions de Bretton Woods et du Système des
Nations Unies, notamment pour proposer des mesures concrètes qui seront
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soumises en juin 2011 à la réunion des ministres de l'agriculture préparatoire au
Sommet de Cannes de novembre 2011.
La FAO a publié récemment le Guide pour l’action à l’intention des pays
confrontés à la flambée des prix des denrées alimentaires. Elle organise des
séminaires régionaux à Bangkok pour la région Asie-Pacifique et va continuer
cet exercice pour toutes les autres régions (Afrique, Amérique latine, Asie
centrale, Europe et Proche-Orient), afin d’aider les gouvernements à faire face à
la volatilité des prix en tirant toutes les leçons de l'expérience de la crise de
2007-2008.
VII. Le financement de l’Agriculture
Pour développer l’agriculture de façon durable et nourrir le monde, il faut des
moyens financiers et des investissements, à la hauteur des défis. Mais
paradoxalement, les fonds destinés à l’agriculture ont baissé de manière
drastique. Dans l’histoire de la pensée économique, aucune des écoles à ma
connaissance, n’a avancé l’idée que pour développer un secteur il faut diminuer
les fonds qui lui sont affectés.
Aujourd’hui les faits sont là: la part de l’aide publique au développement
mondiale en faveur de l’agriculture est tombée de 19% en 1980 à 3% en 2003, et
se situe maintenant aux alentours de 5%. En 2006, la Banque mondiale
consacrait 6% de ses ressources à l’agriculture, contre 30% en 1980. Le
10ème
Fond européen de développement, n’a consacré que 4,2% à l’agriculture et
la sécurité alimentaire et au développement rural des Pays d’Afrique, Caraïbes et
Pacifiques.
Les pays en voie développement, pourtant les plus affectés par les pénuries
alimentaires, n’ont pas accordé une priorité suffisante à l’agriculture.
17
Ainsi, en dépit de la Déclaration des Chefs d’Etat et de Gouvernement africains
de Maputo en 2003, seuls huit pays consacrent aujourd’hui au moins 10% de
leur budget national à l’agriculture. Même si dans les différents pays qui ont eu
du succès, les performances de l’agriculture ont été le reflet de politiques
agricoles cohérentes et ils ont maintenu les incitations positives à la production
notamment par l’accès aux intrants modernes, à la commercialisation par des
garanties de marché et au revenu des agriculteurs par des prix rémunérateurs.
La FAO évalue les investissements nécessaires dans les pays en développement
pour soutenir la hausse de 70% de la production agricole à un montant net
annuel de 83 milliards de dollars (US base 2009). Ce total comprend les besoins
en investissement dans l’agriculture primaire et les services nécessaires en aval,
telles que les installations de stockages et de transformation. Il ne comprend pas
les infrastructures publiques comme que les routes, les projets d’irrigation à
grande échelle, l’électrification et d’autres éléments nécessaires à un
environnement favorable au développement agricole.
L’augmentation des investissements nécessaires pour réduire l’écart global entre
les besoins et les niveaux actuels est de 50% environ. Il s’agit d’une
comparaison entre les investissements bruts annuels de 209 milliards de dollars
US nécessaires (qui comprennent le coût du renouvellement des investissements
pour dépréciation) avec l’investissement moyen annuel par an au cours des dix
dernières années de 142 millions de dollars US.
Ces 83 milliards de dollars US devraient être ventilés en 20 milliards de dollars
US pour la production végétale, en 13 milliards de dollars US pour la production
animale et 50 milliards de dollars US pour les services de soutien en aval
(chaine de froid, entreposage, marchés ruraux et de gros et transformation
primaire des produits).
18
A l’échelle mondiale les dépenses pour la recherche agricole sont évaluées à
23 milliards de dollars US. Il faudrait des ressources supplémentaires annuelles
de 2,2 milliards de dollars US pour la recherche et de 4,1 milliards de dollars US
pour la vulgarisation.
En termes absolus, les ressources de la FAO s’élèvent à 1 milliard de dollars US
pour le budget régulier et 1,2 milliard de dollars US pour les contributions
volontaires pour la période biennale 2010-2011 (soit avec un taux du dollars US
moyen de 500 F CFA pour la période: 500 milliards de F CFA et 600 milliards
de F CFA, respectivement).
En outre, les Etats membres ont voté au cours des deux dernières périodes
2008-2009 et 2010-2011 des taux de croissances budgétaires de 13,3% et 7,6%
respectivement, qui sont les plus élevés de l’ensemble du système des Nations
Unies.
Mais il faut relativiser ces chiffres. Ils représentent au total 1,2 dollars US
(600 F CFA) par an pour chaque personne qui a faim dans le monde, alors que le
seuil de la pauvreté absolue est de 1,25 dollars US (625 F CFA) par jour et par
personne.
Ensuite, la FAO n’est pas une institution de financement. Le montant total des
prêts à l’agriculture a été en 2009 de 3,4 milliards de dollars EU pour la Banque
mondiale, de 677 millions de dollars US pour le Fonds international pour le
développement agricole et de 342 millions de dollars US pour la Banque
africaine de développement.
Il convient de rappeler que le Programme de travail et le budget de la FAO pour
chaque période biennale sont discutés par les Etats membres dans le cadre des
Comités de l’agriculture, des pêches, des forêts, des produits et de la sécurité
alimentaire mondiale. Ils sont ensuite examinés au cours de plusieurs réunions
par le Comité du Programme et le Comité financier, avant d’être soumis au
19
Conseil de l’Organisation et enfin votés, après de longues négociations, par les
ministres, les ambassadeurs et les autres représentants des 191 Etats membres à
la Conférence. La part des ressources allouées aux programmes, aux projets, au
personnel, au fonctionnement et à l’équipement est approuvée au cours de ces
réunions.
La FAO a des programmes de coopération avec les institutions financières
internationales pour aider l'investissement direct dans le secteur de l’agriculture
et du développement rural. En 2010, elle a participé à la préparation de 42% des
projets agricoles de la Banque mondiale pour un montant de 1,1 milliard de
dollars US et 49% des projets du FIDA pour un montant de 361 millions de
dollars US (dont 277 millions et 252 millions de dollars respectivement en
Afrique).
La FAO collabore avec les pays du G8 et la Banque mondiale dans le cadre du
Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP). Le
Programme est un mécanisme de financement multilatéral pour aider à la mise
en œuvre des engagements de 22 milliards de dollars US, pour 2009-2010-2011,
pris lors du Sommet du G8 à L'Aquila et du G20 de Pittsburgh, en 2009. Ces
ressources doivent permettre d’accroître la productivité et la production dans les
pays en développement à déficit alimentaire. Depuis 2009, la FAO a aidé les
pays engagés dans le processus du Programme détaillée de développement de
l’agriculture africaine dans des processus similaires pour d'autres régions, à
remplir les conditions pour l’obtention des fonds.
Dans ce cadre, elle a permis à 51 pays africains de préparer leur programme
national à moyen terme d'investissement et leurs profils de projets
d’investissement bancables pour un budget de 10 milliards de dollars. Ils ont
servi de base à la préparation des projets appelés «compacts» soumis au fonds
multilatéral.
20
Ainsi, huit pays dont cinq africains ont obtenu un financement de 325 millions
de dollars US (Ethiopie, Rwanda, Sierra Léone, Niger et Togo).
Onze programmes régionaux de sécurité alimentaire, pour un budget total de
1 041 millions de dollars US, ont été préparés conjointement avec des unions
économiques régionales, dont cinq en Afrique.
VIII. Assistance à la formulation de politiques agricoles
Durant les quinze dernières années, d’importants efforts ont été faits par la FAO,
pour soutenir les pays membres, dans la préparation de plans, des stratégies et
des programmes pour éradiquer la faim dans le monde
Des programmes spéciaux et nationaux de sécurité alimentaire ont été préparés
avec le soutien de la FAO et mis en œuvre depuis 1994 dans 106 pays, dont
44 sont africains.
L'Organisation a apporté son assistance à l'Union africaine pour la formulation
du Programme détaillé de développement de l'Agriculture africaine qui a été
adopté en 2003 par le Sommet de Maputo. Dans ce cadre, des experts africains
se sont réunis en décembre 2001, à Rome, puis leurs Ministres se sont retrouvés
à la Conférence Régionale de la FAO, au Caire, en Egypte, en février 2002 et,
ensuite en juillet 2003, à Maputo, au Mozambique, juste avant le Sommet de
l’Union africaine. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont adopté à cette
occasion le Programme ainsi que les documents complémentaires. Il nécessitait
un investissement de 25 milliards de dollars US par an pour la maîtrise de l’eau,
les infrastructures et les capacités de commercialisation, l’accroissement de la
production végétale et la réduction de la faim, la recherche agricole et la
diffusion des technologies, la production animale, les forêts, la pêche et
l’aquaculture.
21
Dans ce cadre, 51 pays africains ont préparé, en collaboration avec la FAO, des
Programmes Nationaux à Moyen Terme d’Investissement (PMMTI) et les
Profils de Projets d’Investissement Bancables (PIBP).
Les Unions économiques régionales, UEMOA, CEDEAO, CEMAC et CEAC,
SADEC, COMESA, IGAD, UMA ont aussi préparé, avec le soutien de la FAO,
des programmes régionaux de sécurité alimentaire, qui mettent l’accent sur le
commerce intra-régional ainsi que les normes sanitaires et phytosanitaires de
l’OMC.
IX. Assistance technique et actions d’urgence
Dans le cadre de la Coopération Sud-Sud, 34 accords ont étés conclus pour
appuyer les pays africains et plus de 1 200 experts et techniciens sont intervenus
en Afrique.
Un programme de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et les
maladies transfrontières des animaux et des plantes a été mis en place dès 1994.
Il a permis ensuite de lutter efficacement contre les criquets pèlerins, la grippe
aviaire, la fièvre aphteuse, la péripneumonie contagieuse bovine, la peste des
petits ruminants, la fièvre de la Vallée du Rift, la dermatose nodulaire bovine et
la trypanosomose africaine.
Le Système mondial d’information et d’alerte rapide sur l’agriculture et
l’alimentation a été renforcé et développé pour devenir un réseau international
qui comprend 116 gouvernements, 61 organisations non gouvernementales et de
nombreuses institutions de commerce, de recherche et d’information.
Un Système d’information et de cartographie sur l’insécurité alimentaire et la
vulnérabilité a été mis en place en 1997 pour le suivi de l’état de l’insécurité
alimentaire dans le monde. Le système aide les pays à préciser les
22
caractéristiques de populations vulnérables, à améliorer la compréhension de la
situation grâce à une analyse intersectorielle des causes sous-jacentes et à
formuler des politiques et des programmes pour renforcer la sécurité alimentaire
et la nutrition. Au niveau mondial, il assure la coordination de l’action.
Un Centre de gestion des crises a été établi en 2006 pour combattre la grippe
aviaire et d’autres maladies animales susceptibles d’entrainer des épizooties ou
de menacer la santé humaine. Il permet aujourd’hui à l’Organisation d’intervenir
dans un délai maximum de 72 heures dans n’importe quel point du globe
terrestre.
Les catastrophes naturelles sont non seulement plus nombreuses mais elles sont
plus sévères. Aujourd’hui, une centaine de pays ont recours à une aide d’urgence
et 29 pays sont en situation de crise alimentaire. En conséquence, le niveau du
programme d’urgence de la FAO pour reconstruire leur capacité de production
agricole a augmenté pour s’élever à 1,1 milliards de dollars US pour la période
biennale 2010-2011, impliquant 2 000 experts et techniciens.
Le programme des urgences et de réhabilitation de la FAO prévoit de soutenir
près de 300 millions de personnes – à travers le monde – dont 50 millions en
Afrique. Il doit permettre le renforcement des activités de gestion des risques et
de catastrophes. Il doit augmenter la mise en œuvre des actions de terrain pour
sauver les campagnes agricoles en fournissant notamment des semences, des
engrais, des produits et matériels de traitement des cultures. Il apporte des
aliments du bétail et de vaccins. Dans ce cadre des filets de pêche sont fournis,
des navires sont réhabilités, des plans d’action pour la reforestation sont
préparés et des canaux d'irrigation et de drainage réparés. Les agriculteurs
bénéficient aussi de la formation dans des champs-écoles des agriculteurs.
23
Les opérations d’urgence et de réhabilitation en Afrique ont représenté, en
2009-2010, plus de 500 millions de dollars US, soit 78% du total mondial des
actions de la FAO dans ce domaine.
Face aux inondations, la FAO a mis en œuvre au Pakistan un programme de
92 millions de dollars US pour venir en aide à 1,4 millions de familles rurales et
a assuré la coordination du «Groupe Agriculture» de 200 organisations apportant
une aide dans les 4 provinces touchées par la catastrophe.
Face à la crise de 2007/2008, la FAO a lancé, dès décembre 2007, l’Initiative
contre la flambée des prix des denrées alimentaires. L’Organisation a ainsi
mobilisé à partir de ses ressources propres, de fonds fiduciaires et de la Facilité
alimentaire de l’Union européenne des ressources s'élevant à 389 millions de
dollars US, pour la fourniture de semences, d’engrais, d’aliments de bétail et de
petit matériel dans plus de 90 pays dont 41 en Afrique, afin de permettre aux
agriculteurs de continuer à produire malgré une hausse des prix des intrants
agricoles plus élevée que celle des produits alimentaires.
X. Progrès dans la production agricole
Pour nourrir plus de 9 milliards de personnes en 2050, l'augmentation de 70% de
la production agricole mondiale devrait provenir, pour 90%, de l'accroissement
des rendements et de l'amélioration de l'intensité des mises en culture.
L'expansion des terres cultivées ne devrait contribuer que de 10% à cet objectif.
La recherche, l'innovation et les technologies ont apporté un changement
profond des activités agricoles et permis de faire des grands bonds de
productivité. Ces résultats ont infirmé et donc démenti la thèse de Malthus et des
néo-malthusiens d'une croissance linéaire de la production, face à une croissance
géométrique de la population.
24
L’amélioration variétale a fait des sauts gigantesques depuis la sélection
massale, la génétique de Mendel et les travaux d’hybridation qui ont conduit à la
Révolution Verte. Aujourd’hui, les progrès de la biologie moléculaire,
l’établissement des cartes génétiques et les possibilités de transferts de gènes
ouvrent des perspectives infinies dans le monde végétal, animal et même
humain.
Ainsi, au cours des cinquante dernières années, de 1961 à 2010, les productions
et les rendements moyens mondiaux ont augmenté respectivement:
- pour le blé, de 222 à 655 millions de tonnes et de 1,1 à 3 tonnes par hectare ;
- pour le riz, de 216 à 700 millions de tonnes et de 1,9 à 4,3 tonnes par
hectare;
- pour le maïs, de 205 à 838 millions de tonnes et de 1,9 à 5,1 tonnes par
hectare ;
Mais les récentes tendances de la production vivrière sont pour le moins
inquiétantes. Par exemple, le taux de croissance des rendements des principales
céréales à l’échelle mondiale n’a cessé de décliner, passant de plus de 3% dans
le années 60 à seulement 1,5% au cours de la dernière décennie (2000-2009).
L’enjeu consiste à inverser cette tendance.
Il existe des opportunités de solution si on se réfère à l'écart de rendement, c’est-
à-dire la différence entre celui pouvant être obtenu en stations expérimentales
locales à l’aide des meilleurs intrants et techniques disponibles, et celui réel
obtenu par les agriculteurs dans les exploitations voisines en conditions réelles.
Cet écart est large, en particulier dans les pays en développement, ce qui
s’explique par la faible pénétration des semences améliorées et des techniques
agricoles plus performantes.
25
Il faut, en outre, favoriser l'accès à l’information et aux services de
vulgarisation, développer les infrastructures (routes rurales, irrigation, ports de
pêche, centre d'abattage des animaux, chaînes de froid etc.), les institutions et les
services, et améliorer les politiques agricoles pour obtenir la diffusion et
l’adoption de technologies efficaces au niveau des exploitations.
Il faut aussi réduire les pertes après récolte qui peuvent atteindre 40 à 60% pour
certaines cultures en Afrique. Il faut donc investir dans les moyens de stockage
et de conditionnement.
La production mondiale de viande a plus que triplé, passant de 71 millions de
tonnes en 1961 à 290 millions de tonnes en 2010. Celle des pays en
développement a augmenté de 20 à 173 millions de tonnes. L’accroissement a
été surtout marqué dans la production avicole (multipliée par 10) et porcine
(multipliée par 3,4).
La production totale des pêches de capture et de l’aquaculture a atteint en 2009
environ 145 millions de tonnes de poissons, ce qui représente près de 4 fois la
production de 1960. La pêche de capture s’est stabilisée au cours des années
1990. Par contre l’aquaculture est passée de 1,6 millions de tonnes en 1960 à 56
millions de tonnes en 2009 grâce à l’amélioration des politiques aquacoles et à
la mis en place de cadres juridiques et réglementaires favorisant les
investissements privés dans ce secteur.
L’évaluation des ressources forestières mondiales de la FAO a établi que des
progrès significatifs ont été réalisés sur la gestion durable des forêts. Le taux de
déforestation est passé de 16 millions d’hectares annuels dans les années 1990 à
13 millions pour la période 2000-2010. La perte nette de forêts a également
diminué pendant cette période passant de 8,3 millions d’hectares à 5,2 millions
d’hectares annuels.
26
Avec le soutien de la FAO, 75% des forêts du monde sont couvertes par un
programme forestier national dans le cadre d’un processus participatif pour le
développement et la mise en œuvre de politiques forestières publiques en
conformité avec les processus internationaux.
Mesdames et Messieurs,
Les enseignants et étudiants de l’Université Gaston Berger ont une source
majeure d’informations scientifiques, techniques, économiques et sociales, sur le
site FAO «www.fao.org» qui a reçu au mois de mars 2011 une moyenne
d’environ 36 millions de «hits» par jour.
Le programme AGORA, mis en place par la FAO et de grands éditeurs, permet
aux pays en développement d’accéder en ligne à une large collection
bibliographique dans des domaines de l’alimentation, l’agriculture,
l’environnement et leurs sciences sociales. AGORA fournit aux institutions de
107 pays une collection de 1 900 revues. Il serait utile que l’Université Gaston
Berger qui ne participe pas à ce réseau puisse en devenir membre.
XI. Conclusion
Je ne voudrais pas vous quitter jeunes et chers étudiants sans vous encourager à
être des personnes résolument engagées sur la voie de l’effort et du travail. Dans
un monde où le mirage de la génération spontanée de richesses sert de miroir
aux alouettes, sur le chemin attrayant de la facilité, cet appel peut paraitre
relever de l’utopie du héros de Cervantes.
Je voudrais donc vous inviter à la réflexion sur cette trilogie fondamentale:
Premièrement: «Les êtres dont l’existence dépend de la nature n’ont,
quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu’une valeur relative, celle
27
des moyens, voilà pourquoi on les nomme des choses; au contraire les
êtres raisonnables sont appelés des personnes parce que leur nature les
désigne comme des fins en soi» nous disent Kant3 et surtout Hegel
4;
Deuxièmement: «Le principe intérieur de la liberté ou de l’effort explique
tous les phénomènes de l’homme»5 nous dit le métaphysicien et
normalien Marie François Gontier de Biran dit Maine De Biran;
Troisièmement: «Toute définition de la liberté qui ne postule pas
implicitement ce rapport: Liberté = Travail = Fatigue – est creuse6» nous
précise le philosophe Raymond Ruyer.
Jeunes étudiantes et étudiants de l’Unité de Recherche de Sciences
Agronomiques, d’Aquaculture et de Technologies Alimentaires, à la fin de votre
cursus universitaire, vous serez confrontés au grand débat sur l’Ethique des
Sciences. Je voudrais donc vous citer la conclusion du discours que j’ai
prononcé à l’Académie des Sciences de l’Institut de France, le 12 octobre 1998
et qui me semble être d’une actualité brulante.
Aujourd’hui, le devoir qui est nécessité d’accomplir une action par respect pour
la morale7, interpelle l’homme de science, vecteur de dynamisme dans les
écosystèmes. Il doit au sein de la biocénose, augmenter la productivité
alimentaire, tout en maintenant l’équilibre biologique. Il doit aussi, au sein de la
biosphère, assurer un environnement sain et sans risque pour l’homme.
3 Fondements de la Métaphysique des mœurs
4 Principes de la Philosophie du droit
5 De l’existence, textes inédits, Vrin, 1966 page 36, né en 1766
6 Revue de métaphysique et de morale – 1949, né en 1902
7 Fondements de la métaphysique des mœurs - Kant
28
Mais par delà ces deux objectifs, souvent difficilement compatibles, il génère
des techniques qui ne sont pas neutres au plan de l’accessibilité, facteur d’équité,
selon qu’elles requièrent une capitalisation importante ou faible et, qu’elles ont
un coût plus ou moins élevé susceptible, au demeurant, d’évoluer sur une
certaine période.
La valeur d’un jugement dépendra donc du moment où il est porté, en fonction
d’un cadre perspectif à court, moyen ou long termes.
En éthique scientifique, il ne peut donc y avoir de position vraie susceptible
d’être démontrée ou prouvée, mais on peut tirer de la praxis un point de vue
juste qui devient idéologique dès lors qu’il se réfère à une finalité.
Différents philosophes participent au débat contemporain sur la bioéthique. On
peut les classer en deux catégories, basées sur une conception hétéronomique de
norme morale extérieure à l’homme ou autonomique de norme morale posée par
l’homme8.
Cette apparente dichotomie masque en réalité deux perspectives de «Janus» d’un
même ensemble. En effet, l’homme de science déterminera sa conduite en
fonction de facteurs intrinsèques, psychologiques et idéologiques. Mais il
tiendra aussi compte des règles extrinsèques établies par ses pairs dans le cadre
professionnel et au sein de la société civile.
«Tout notre progrès technologique dont on chante les louanges, le cœur même
de notre civilisation, est comme une hache dans les mains d’un criminel9», nous
avertit un grand savant, (Albert Einstein), tandis qu’un écrivain de renom, (Paul
8 Fondements philosophiques de l’éthique médicale – S. Rameix
9 Correspondances - Einstein
29
Valéry), nous rappelle «que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le
monde …. Une civilisation a la même fragilité qu’une vie 10
».
Dans la quête perpétuelle du savoir indispensable au progrès humain, la marge
est étroite entre l’errance d’une exploration funeste et l’éclair de génie salutaire.
«Les craquements du monde moderne nous ont engagés dans les ténèbres, les
problèmes sont incohérents, les solutions contradictoires. La vérité d’hier est
morte, celle de demain est encore à bâtir11
», mais « il serait fou de vouloir de
nouveau enchaîner Prométhée. Il nous faut au contraire appliquer l’esprit
scientifique pour trouver des solutions aux difficiles problèmes de notre
existence présente12
», afin de répondre, avec science et conscience, à la question
angoissante et poignante: comment nourrir le monde?»
Madame, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Recteur,
Messieurs les Membres de l’Assemblée de l’Université,
Chers étudiants et amis,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Honorables invités,
Je vous remercie de votre aimable attention.
10
Variétés III – P. Valéry
11 Lettre à un otage – A. de St. Exupéry
12 Conférences de l’Unesco – F. Joliot