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REVUE DE LâOFCE â 112 â JANVIER 2010
Taille des pays et stratégies de croissance
Ăloi Laurent Jacques Le CacheuxOFCE, Centre de recherche en Ă©conomie de Sciences Po
[email protected]@ofce.sciences-po.fr
Nous prĂ©sentons dans cet article une synthĂšse de nostravaux sur le rapport entre taille des pays et stratĂ©gies decroissance. Nous commençons par rappeler les grandes Ă©tapesde la littĂ©rature sur lâĂ©conomie de la taille des pays, en insistantsur les contributions contemporaines Ă partir du volume deRobinson (1960) jusquâĂ lâouvrage dâAlesina et Spolaore (2003).Nous prĂ©sentons ensuite les rĂ©sultats thĂ©oriques et empiriquesde nos travaux dans le cadre du projet de recherche ANR « tailledes pays et stratĂ©gies de croissance », rĂ©sultats qui permettentde mettre en exergue, Ă la lumiĂšre du cas europĂ©en, une« macroĂ©conomie institutionnelle de la taille des pays ». NousdĂ©veloppons pour finir un certain nombre dâimplications de cestravaux pour lâUnion europĂ©enne, la zone euro, et au-delĂ .
Mots-clés : Taille des pays. Stratégie de croissance. Petit pays. Union européenne. Zone euro.
DOSSIER
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De la politique Ă lâĂ©conomie de la taille des paysLa question de la taille idĂ©ale dâune nation ou dâun Ătat fut dâabord abordĂ©e sous
lâangle de la philosophie politique, comme celle de la taille idĂ©ale de la communautĂ©politique, de la polis. Il y eut une philosophie de la taille bien avant quâil nây ait uneĂ©conomie de la taille. Platon, au Live V des Lois, qui tente de dĂ©terminer les bonnesrĂšgles dâorganisation de la citĂ©, juge quâil « faut commencer par fixer le nombre descitoyens et dire Ă quel chiffre il devra s'Ă©lever » pour porter Ă cinq mille quarante « lenombre de citoyens qu'il convient d'admettre Ă se partager la terre », sans pourautant prĂ©ciser par quel calcul il parvient Ă ce nombre dâor.
La ligne directrice de la pensĂ©e grecque sur ce quâil convient aujourdâhuidâappeler la question de la taille des pays se trouve, comme souvent, chez Aristote, etplus prĂ©cisĂ©ment au Chapitre IV du Livre VII de La Politique (« De la juste grandeurque l'Ătat parfait doit avoir »). Elle rejoint sa dĂ©finition de la polis commecommunautĂ© dâĂ©gaux rassemblĂ©s en vue dâatteindre le plus grand bien possible, ceque Jean-Pierre Vernant, dans Les Origines de la pensĂ©e grecque (1962), retranscrirasous la forme du cercle de ceux qui partagent lâ«isonomia» (lâĂ©galitĂ© de droits) etlâ« isegoria » (Ă©galitĂ© de parole), cercle Ă©troit en vĂ©ritĂ© dâoĂč sont exclus femmes,esclaves, « mĂ©tĂšques », etc., Aristote Ă©crit :
« On croit vulgairement qu'un Ătat, pour ĂȘtre heureux, doit ĂȘtre vasteâŠLes faits sont lĂ pour prouver qu'il est bien difficile, et peut-ĂȘtre impossible, de bien organiser une citĂ©trop peuplĂ©e ; aucune de celles dont on vante les lois n'a renfermĂ©, comme on peut le voir,une population excessive. Le raisonnement vient ici Ă l'appui de l'observation. La loi estl'Ă©tablissement d'un certain ordre ; de bonnes lois produisent nĂ©cessairement le bonordre; mais l'ordre n'est pas possible dans une trop grande multitude. La puissance divine,qui embrasse l'univers entier, serait seule capable de l'y Ă©tablir. »
La crainte dâAristote semble ĂȘtre ici que lâextension du cercle de la polis neconduise Ă sa dissolution : la qualitĂ© de la dĂ©mocratie, au sens grec du terme,souffrirait de la quantitĂ© de citoyens, jusquâĂ ce que la tyrannie, mal nĂ©cessaire dansle cycle politique, ne ramĂšne lâordre. Plus loin, Aristote Ă©voque la nĂ©cessitĂ© pour lescitoyens de se connaĂźtre et de sâapprĂ©cier afin que justice puisse ĂȘtre rendue entre euxdans de bonnes conditions. Mais la pensĂ©e dâAristote ne doit pas ĂȘtre simplifiĂ©e Ă outrance sur ce point : câest plutĂŽt Ă un Ă©quilibre, (Ă un arbitrage diront lesĂ©conomistes bien plus tard) entre grandeur et petitesse politiques quâAristote sâenremet :
« Chaque chose, pour possĂ©der toutes les propriĂ©tĂ©s qui lui sont propres, ne doit ĂȘtre nidĂ©mesurĂ©ment grande ni dĂ©mesurĂ©ment petite ; car alors, ou elle a perdu complĂštement sanature spĂ©ciale, ou elle est pervertie⊠On peut donc avancer que la juste proportion pourle corps politique, c'est Ă©videmment la plus grande quantitĂ© possible de citoyens capablesde satisfaire aux besoins de leur existence, mais point assez nombreux cependant pour sesoustraire Ă une facile surveillance. Tels sont nos principes sur la grandeur de l'Ătat. »
Les thĂ©oriciens du gouvernement reprĂ©sentatif oscillent Ă©galement entrenostalgie de la petite citĂ© idĂ©ale, royaume paisible de la communautĂ© des Ă©gaux, etnĂ©cessitĂ© historique des grands Ătats. Montesquieu, dans LâEsprit des Lois (Livre
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VIII, Chapitre XVI) est catĂ©gorique : « Dans une grande rĂ©publique, le biencommun est sacrifiĂ© Ă mille considĂ©rations ; il est subordonnĂ© Ă des exceptions ; ildĂ©pend des accidents. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu,plus prĂšs de chaque citoyen ; les abus y sont moins Ă©tendus, et par consĂ©quent moinsprotĂ©gĂ©s. » Tocqueville, lui aussi admiratif des Grecs, note au Chapitre VIII de lapremiĂšre partie de De La dĂ©mocratie en AmĂ©rique que « chez les petites nations, lâĆilde la sociĂ©tĂ© pĂ©nĂštre partout ; l'esprit d'amĂ©lioration descend jusque dans lesmoindres dĂ©tails » pour conclure : « Les petites nations ont donc Ă©tĂ© de tout temps leberceau de la libertĂ© politique. Il est arrivĂ© que la plupart d'entre elles ont perdu cettelibertĂ© en grandissant ; ce qui fait bien voir qu'elle tenait Ă la petitesse du peuple etnon au peuple lui-mĂȘme. » Mais Tocqueville refuse de condamner les grands pays Ă la tyrannie, se contentant dâaffirmer que « l'existence d'une grande rĂ©publique seratoujours infiniment plus exposĂ©e que celle d'une petite ». Fataliste, il conclut : « S'iln'y avait que de petites nations et point de grandes, l'humanitĂ© serait Ă coup sĂ»r pluslibre et plus heureuse ; mais on ne peut faire qu'il n'y ait pas de grandes nations. »
Câest le point de vue opposĂ© quâadopte Madison, dont le propos dans leFĂ©dĂ©raliste n° 10 marque le tournant de la pensĂ©e moderne sur la question de lapolitique de la taille des pays. «Dans une dĂ©mocratie, le peuple sâassemble et segouverne lui-mĂȘme ; dans une rĂ©publique, il sâassemble et se gouverne par desreprĂ©sentants et des agents ». Aux yeux de Madison, une autre diffĂ©rence entrerĂ©publique et dĂ©mocratie doit ĂȘtre faite : la rĂ©publique, seule, peut sâĂ©tendre Ă unplus grand nombre de citoyens et Ă une plus grande partie de la nation. Mais lapetite taille politique est pour Madison un danger plutĂŽt quâune chance, car la« dĂ©mocratie pure » ne connaĂźt aucun remĂšde aux complots des factions, tandis quela grande nation peut diluer leur influence et donc contrecarrer leur pouvoir.
Il y a dans cet argument des factions et de leur dissolution dans un « marchĂ©politique » de grande envergure le germe dâun argument dâĂ©conomie politiquequâHamilton poussera jusquâĂ sa logique proprement Ă©conomique (le FĂ©dĂ©ralisten° 11, 12 et 13) : un grand Ătat peut nourrir sa prospĂ©ritĂ© en sâappuyant sur sespropres forces, c'est-Ă -dire en comptant sur son marchĂ© intĂ©rieur. Câest pourquoiHamilton et Madison opteront, et tenteront de convaincre leurs concitoyensdâopter, pour la forme fĂ©dĂ©rale de gouvernement des Ătats-Unis, « heureusecombinaison » de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et des intĂ©rĂȘts particuliers.
Avec la thĂ©orie fĂ©dĂ©rale est posĂ©e trĂšs directement la question qui se trouve aucĆur de lâĂ©conomie de la taille des pays : lâĂ©quilibre entre les coĂ»ts et les bĂ©nĂ©fices dela grande ou petite taille et, par consĂ©quent, lâarbitrage possible entre ceux-ci pourparvenir Ă la taille optimale.
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1. LâĂ©conomie de la taille des pays : de la croissance endogĂšne au commerce international
Câest en septembre 1957 que se tint Ă La Haye la premiĂšre confĂ©renceinternationale sur lâĂ©conomie de la taille des pays, confĂ©rence dont les contributionsseront rassemblĂ©es dans un volume publiĂ© en 1960, aujourdâhui gĂ©nĂ©ralementoubliĂ© par la littĂ©rature contemporaine sur la question, pourtant largementinfluencĂ©e par lui. Robinson (1960) tente dans son introduction de dĂ©finir lesfrontiĂšres dâune nation en termes Ă©conomiques comme un « point de discontinuitĂ©,de changement dans le degrĂ© de mobilitĂ© de presque tous les facteurs de production(particuliĂšrement le travail) mais aussiâŠle capitalâŠet la mobilitĂ© des biens ». Si cesdiscontinuitĂ©s peuvent provenir de diffĂ©rences de langage ou de culture, elles sont leplus souvent « artificielles », car liĂ©es Ă lâexistence de barriĂšres douaniĂšres et derestrictions commerciales de toutes sortes. Autrement dit, les frontiĂšres nationalesdoivent peu Ă la gĂ©ographie et beaucoup aux institutions. Svennilson (1960) dĂ©finitdans la mĂȘme veine la nation comme un « espace sur lequel un gouvernementcentral exerce une autoritĂ© politique » ou encore « une unitĂ© dâaction politique etdâautoritĂ© Ă©conomique », ce qui suppose des institutions telles quâun budget, desservices sociaux, une banque centrale et des objectifs publics comme le plein emploiet le dĂ©veloppement Ă©conomique.
Les deux auteurs, toujours au stade des dĂ©finitions, prĂ©cisent en outre un pointessentiel, dâailleurs Ă©voquĂ© par Aristote (en contradiction avec Platon) : il nây a pasde dĂ©finition de la taille des pays dans lâabsolu. En particulier, du point de vueĂ©conomique, la taille dĂ©pend au premier chef du contexte international dans lequelest placĂ©e une nation.
EncadrĂ© : Quâest-ce que la « taille » dâun pays ?
La littĂ©rature la plus rĂ©cente 1 en matiĂšre de taille des pays sâaccorde au moins sur un point :il nây a pas de dĂ©finition absolue, consensuelle et convaincante, de la taille dâun pays. DiverscritĂšres peuvent ĂȘtre utilisĂ©s (population, PIB, superficie,âŠ) et, surtout, ces critĂšres nâont desens que relativement aux autres pays et dans un environnement Ă©conomique et institutionneldonnĂ©. Autrement dit, il nây a pas de « petit » pays dans lâabsolu mais des pays « plus petits »que dâautres selon un critĂšre et un contexte donnĂ©s. LâIrlande et la Serbie sont ainsi deux« petits » pays europĂ©ens comparables en termes de superficie. La Serbie est deux fois plus« grande » en termes de population. LâIrlande est prĂšs de dix fois plus « grande » en termes derevenu par habitant et incomparablement plus « grande » en termes de stabilitĂ© politique etsociale, notamment du fait de son appartenance Ă lâUnion europĂ©enne. La littĂ©ratureĂ©conomique sur la taille des pays repose essentiellement sur deux critĂšres de taille : lapopulation et le PIB. A partir de ces critĂšres, et selon les contextes, on peut vouloir distinguerentre « petit », « moyen », « grand » voire « gĂ©ant » pays 2.
1. Voir par exemple Archer et Nugent, 2002.2. Pour une application aux pays de lâUnion europĂ©enne, voir Laurent et Le Cacheux, 2006. Pour une application auxpays de lâOCDE, voir Laurent, 2008.
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Ils ajoutent tous deux que le fait dâĂȘtre un « petit » (ou plutĂŽt un « plus petit »)ou « grand » pays induit des avantages et des inconvĂ©nients et insistent Ă cet Ă©gardsur la vulnĂ©rabilitĂ© des petites nations aux chocs extĂ©rieurs et sur lâavantageĂ©conomique structurel que confĂšrent les Ă©conomies dâĂ©chelle aux grands pays. Pourautant, Ă©crit Robinson, « le commerce extĂ©rieur peut offrir une voie efficace pourĂ©chapper aux « handicaps de la petite taille » (penalties of smallness).
Le volume de 1960 est sans doute plus renommĂ© pour la contribution quâilcontient de Simon Kuznets sur la stratĂ©gie de dĂ©veloppement des petits pays (cf.infra), qui irrigue les travaux contemporains sur lâĂ©conomie politique de la taille despays. Mais la double intuition des Ă©conomies dâĂ©chelle et du commerceinternational comme socle, respectivement, de la stratĂ©gie de croissance des grandset des petits pays nâest pas moins centrale. Elle sera dâailleurs confirmĂ©e par lestravaux sur la croissance endogĂšne et le commerce international.
La littĂ©rature sur les Ă©conomies dâĂ©chelle remonte au moins au tout dĂ©but de laRichesse des Nations, lorsquâAdam Smith remarque que la division nationale dutravail se voit limitĂ©e par lâĂ©tendue du marchĂ©. Le lien avec la littĂ©rature de lacroissance endogĂšne passe par une autre contribution de Simon Kuznets (1960a),elle aussi de 1960, qui tente dâĂ©tablir un lien entre taille de la population etcroissance par habitant :
« La croissance Ă©conomique est fonction de la croissance du stock de savoir utile. DĂšs lorsque, dans le cadre de mes hypothĂšses, la croissance dĂ©mographique accroĂźt de maniĂšreproportionnelle le nombre de crĂ©ateurs de savoirs nouveaux, il doit en rĂ©sulter unecroissance au moins proportionnelle du stock de savoir utile, et donc, une croissance parhabitant au moins aussi forte quâĂ la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente. Si nous faisons lâhypothĂšse derendements croissants des nouveaux savoirs sur la production (âŠ), la croissance de lapopulation contribuera Ă une croissance plus forte de la production par tĂȘte. »
Selon le raisonnement de Kuznets, si lâaccroissement de la population nesâaccompagne pas dâune rĂ©duction dans la quantitĂ© disponible de capital partravailleur (autrement dit, si le ratio capital/travailleurs demeure constant),lâaugmentation de la population conduira Ă une augmentation du revenu parhabitant 1.
Lâargument qui relie la taille des Ă©conomies Ă la taille des marchĂ©s et Ă lâaugmentation de la productivitĂ© est bien entendu au cĆur de la thĂ©orie de lacroissance endogĂšne. Comme le note Kremer (1993), qui teste empiriquementlâhypothĂšse de Kuznets pour en confirmer la validitĂ©, « les modĂšles de changementtechnologique endogĂšne, comme ceux de Aghion et Howitt ou Grossman etHelpman, impliquent quâune population nombreuse est un aiguillon duchangement technologique ». En effet, si la part du revenu consacrĂ©e Ă la rechercheest maintenue constante, « une augmentation de la population conduit Ă un
1. Kuznets conditionne ce scĂ©nario Ă des hypothĂšses complĂ©mentaires fortes quâil sâefforce de justifier dansson article, notamment le fait que lâaccroissement de la population ne conduise pas Ă une baisse du tauxdâĂ©pargne et que la capacitĂ© de recherche de la population soit suffisamment importante pour quâĂ mesurequâelle sâaccroĂźt, un « climat » favorable Ă lâexpansion Ă©conomique se dĂ©veloppe et se maintienne.
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accroissement du progrĂšs technologique » si on fait lâhypothĂšse, comme Romer(1990) que « le coĂ»t dâinvention dâune technologie est indĂ©pendant du nombre depersonnes qui lâutilisent ». Jones (1999) appuie cette analyse en passant en revuediffĂ©rents types de modĂšles de croissance endogĂšne et en concluant que « la taille delâĂ©conomie affecte soit le taux de croissance de long terme soit le niveau de longterme du revenu par habitant ».
Les grands pays auraient donc un avantage structurel, du fait de leur taille, sur lespetits pays. On devrait dĂšs lors pouvoir dĂ©terminer une relation systĂ©matique entreindicateurs de dĂ©veloppement et taille des pays. Or, cette relation ne semble pasexister 2 (voir Rose, 2006 et Laurent, 2008). Les petits pays seraient donc capables,malgrĂ© les « handicaps de la petite taille », de mettre en Ćuvre une stratĂ©gie decroissance produisant des rĂ©sultats au moins aussi bons que celle des grands pays.Câest ici quâintervient le commerce international.
La distinction entre « petits » et « grands » pays apparaĂźt dĂšs les contributions deJohn Stuart Mill Ă la thĂ©orie du commerce international (Mill, 1848). A partir deson questionnement sur la rĂ©partition des gains de lâĂ©change ricardien, Mill Ă©laborela thĂ©orie dite de la « demande rĂ©ciproque » qui dĂ©finit, Ă partir de la situation danslaquelle deux pays de taille diffĂ©rente commercent ensemble, la rĂ©partition des gainsentre eux. Mill en dĂ©duit lâexistence dâun avantage liĂ© Ă la taille jouant en faveur dupetit pays ouvert (contre le grand pays relativement fermĂ©) dans un contextedâintĂ©gration commerciale.
Dans le langage Ă©conomique moderne, cette intuition signifie que les gainsquâun pays donnĂ© retirera de lâĂ©change international seront dĂ©terminĂ©s par la forcerelative de la demande adressĂ©e Ă ses exportations comparĂ©e Ă la demande quisâadresse Ă ses importations. Plus prĂ©cisĂ©ment, le gain entre deux pays donnĂ©s quicommercent sera Ă©galement distribuĂ© entre eux si et seulement si leurs termes delâĂ©change (la valeur de leurs exportations exprimĂ©e en importations) sont Ă©gaux. Or,lorsque deux pays divergent en termes de taille, c'est-Ă -dire ici en termes de taille dumarchĂ© intĂ©rieur, Mill montre que le petit pays gagne plus que le grand Ă lâĂ©changecar sa demande intĂ©rieure est satisfaite par le recours par dĂ©finition efficace auximportations alors mĂȘme que ses exportations sont demandĂ©es par le grands payspour satisfaire sa propre demande intĂ©rieure, que sa production ne peut satisfaireentiĂšrement. Le grand pays perd ainsi une partie des bĂ©nĂ©fices de la spĂ©cialisation,que le petit pays au contraire maximise 3.
Robinson (1960) remarque lui aussi que, dans un monde de libre-Ă©change, lespetites nations seraient susceptibles dâĂ©chapper durablement aux inconvĂ©nientsattachĂ©s Ă leur petite taille. Or ce monde est devenu en grande partie rĂ©alitĂ© du faitdu processus de mondialisation, au terme du mouvement de libĂ©ralisation des
2. Comme le remarquaient dĂ©jĂ les auteurs du volume de 1960, voir Laurent, 2008.3. Notons cependant que cet argument passe sous silence lâavantage dont disposent les grands pays dans lecommerce international, Ă savoir celui de pouvoir influencer leurs propres termes de lâĂ©change, du fait quâils nesont pas price takers.
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marchés de biens et des capitaux intervenue graduellement au cours de la secondemoitié du XXe siÚcle.
Sur le plan thĂ©orique, Alesina et Spolaore (2003) montrent ainsi que lesavantages liĂ©s Ă la taille dĂ©croissent avec le degrĂ© dâintĂ©gration internationale, ou, cequi revient au mĂȘme, que les avantages liĂ©s Ă lâouverture Ă©conomique augmententpour les petits pays Ă mesure que ceux-ci sont plus ouverts. Empiriquement,Alesina, Spolaore et Wacziarg (2005) considĂšrent un Ă©chantillon de 113 pays de1960 Ă 2000 et calculent les corrĂ©lations entre croissance Ă©conomique, ouverturecommerciale et taille (mesurĂ©e alternativement par la taille de la population et duPIB). Leurs rĂ©sultats indiquent bien que la corrĂ©lation entre taille des pays etcroissance est faible pour les Ă©conomies ouvertes et forte pour les Ă©conomiesfermĂ©es, de mĂȘme que la relation entre ouverture commerciale et croissance est fortepour les petites Ă©conomies et faible pour les grandes Ă©conomies. Demas (1965)distingue dâailleurs deux types dâouverture dont les petits pays peuvent tirerbĂ©nĂ©fice : lâouverture « structurelle » (qui les pousse Ă chercher sur le marchĂ©mondial les ressources qui leur font dĂ©faut Ă lâintĂ©rieur de leurs frontiĂšresnationales) et lâouverture « fonctionnelle » (rĂ©sultat de choix de politiqueĂ©conomique qui visent Ă accentuer encore lâeffet de taille, comme le recours Ă laconcurrence fiscale) 4.
Ă ces modĂšles dâĂ©conomie de la taille des pays doivent ĂȘtre adjointes les analysesqui tentent de formaliser lâĂ©conomie politique de la taille des pays en tenant comptede la thĂ©orie Ă©conomique mais en lâenrichissant des apports de la science politique.
2. LâĂ©conomie politique de la taille des pays
La contribution la plus justement cĂ©lĂšbre du volume de 1960 est celle deKuznets (1960b) car elle offre le cadre analytique le plus rigoureux pour penserlâĂ©conomie politique de la taille des pays. Lâargumentation de Kuznets comprenddeux parties : « en principe », Ă©crit-il dâabord, « les petits pays ont un handicap enmatiĂšre de croissance Ă©conomique » car ils ne peuvent bĂ©nĂ©ficier des avantages de« la production et de lâorganisation Ă grande Ă©chelle », mais aussi parce que la chargede dĂ©fense nationale est trop lourde et que leur « dĂ©pendance Ă lâĂ©gard du commerceinternational » est trop forte. Pourtant, ajoute Kuznets, du fait « dâune populationrĂ©duite et donc potentiellement plus homogĂšne et plus soudĂ©e », les petites nationspeuvent plus aisĂ©ment « opĂ©rer les ajustements sociaux nĂ©cessaires pour tirer partides potentialitĂ©s de la technologie et de la croissance modernes ». LĂ oĂč la thĂ©orieĂ©conomique entrevoit un handicap dans la petite taille, lâĂ©conomie politique voit aucontraire un avantage.
Lâargument institutionnel est donc au cĆur de lâexplication de Kuznets : câestavant tout la qualitĂ© des institutions sociales et politiques des petits pays qui
4. Cette distinction sera reprise par Armstrong et Read, 1998.
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explique leur capacitĂ© Ă sâadapter avec succĂšs aux changements Ă©conomiques.Lâargument sera repris, approfondi et appliquĂ© par exemple par Katzenstein (1985)au cas des petits Ătats europĂ©ens. Katzenstein (1985) montre en effet que les petitspays possĂšdent un avantage comparatif sur les grands du fait de leur meilleurecapacitĂ© Ă sâadapter et Ă conduire les rĂ©formes nĂ©cessaires, changements dictĂ©s parune plus grande vulnĂ©rabilitĂ© aux chocs extĂ©rieurs. Ă lâinstabilitĂ© quâinduitlâouverture internationale rĂ©pond la stabilitĂ© des institutions politiques, rĂ©sultatconnu sous la dĂ©nomination « dâhypothĂšse de la compensation » et Ă©tabliinitialement par Cameron (1978) puis rĂ©interprĂ©tĂ© sous la forme du lien entre tailledu gouvernement et ouverture internationale par Rodrik (1998). La ligneargumentative de Kuznets se prolonge jusquâaux travaux les plus contemporains,qui se placent explicitement sur le terrain de lâĂ©conomie politique pour dĂ©terminerlâeffet de la taille des pays sur leur dĂ©veloppement (voir par exemple Armstrong etRead, 1998).
Les fondements de ces travaux sont Ă©galement Ă rechercher du cĂŽtĂ© de la sciencepolitique de la taille des pays, et notamment dans lâouvrage de Dahl et Tufte (1973).Les auteurs dĂ©finissent un arbitrage entre ce quâils nomment les « coĂ»ts de laparticipation » (qui augmentent avec la taille) et les « coĂ»ts de la dissidence » (quidĂ©croissent avec elle). Lâarbitrage est ici entre la capacitĂ© des citoyens Ă participerrĂ©ellement au processus politique et la capacitĂ© du systĂšme politique Ă fonctionnerde maniĂšre efficace. Cette analyse rappelle celle de Buchanan et Tullock (1962), quise posent la question de la « bonne » constitution, et plus exactement desconsidĂ©rations Ă©conomiques qui prĂ©sident au choix dâune bonne constitution, etidentifient un arbitrage entre la nĂ©cessitĂ© de lâaction collective et le respect desprĂ©fĂ©rences individuelles.
Câest le croisement entre la littĂ©rature Ă©conomique, qui insiste sur lâeffetdâĂ©chelle, et la littĂ©rature politique, qui sâattache Ă lâenjeu de lâagrĂ©gation desprĂ©fĂ©rences, qui fait lâoriginalitĂ© de lâapproche dâAlesina et Spolaore (2003), reprisenotamment dans Alesina, Spolaore and Warcziarg (2005). Spolaore (2008) rĂ©sumelâapport de ces travaux : un grand pays, Ă©crit-il, retire des avantages du fait de sa tailleen termes de fourniture des biens publics, moins coĂ»teux par habitant si denombreux contribuables participent Ă leur financent (ce qui explique que les petitspays aient un gouvernement plus dĂ©veloppĂ© que les grands). Les grands payspeuvent Ă©galement plus facilement amortir les chocs Ă©conomiques entre les rĂ©gionspar un systĂšme de transferts intra-national. Mais la grande taille induit aussi descoĂ»ts, notamment des coĂ»ts de congestion et surtout dâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, coĂ»ts que ladĂ©centralisation ne peut quâen partie rĂ©duire : plus les habitants dâun pays sontnombreux, plus leurs prĂ©fĂ©rences seront susceptibles de diverger.
Se fait alors jour un arbitrage entre les Ă©conomies dâĂ©chelle dans la fourniture desbiens publics rĂ©sultant de la grande taille et lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des prĂ©fĂ©rences deshabitants des grands Ătats qui entrave, voire paralyse une action collective efficace.Cet arbitrage dĂ©pend Ă la fois du rĂ©gime politique du pays concernĂ© et de son rĂ©gimeĂ©conomique, c'est-Ă -dire de son degrĂ© dâintĂ©gration aux flux commerciaux
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mondiaux. Cet arbitrage, considĂ©rĂ© selon ces deux dimensions, dĂ©terminera la« taille optimale » dâun pays donnĂ©.
3. Pour une macroéconomie institutionnelle de la taille des pays
Si les travaux empiriques sur la relation entre taille des pays et performancesĂ©conomiques, mesurĂ©es Ă lâaune des critĂšres habituels â taux de croissance, tauxdâinflation, taux de chĂŽmage, etc. â ou dâindicateurs de dĂ©veloppement concluentgĂ©nĂ©ralement Ă lâabsence de corrĂ©lation (voir Rose, 2006 ou Laurent, 2008), tel nesemble toutefois pas ĂȘtre le cas au sein de lâUnion europĂ©enne, et moins encoresemble-t-il au sein de la zone euro (Laurent et Le Cacheux, 2006 ; Laurent etLe Cacheux, 2010, Alouini, 2010 ; Gaffard et Napoletano, 2010). Commentexpliquer cette apparente singularitĂ© europĂ©enne ? La taille optimale dâun pays neserait-elle pas la mĂȘme, selon quâil appartient ou non Ă une zone dâintĂ©grationrĂ©gionale ? Quelles sont les diffĂ©rences essentielles qui font de la taille undĂ©terminant majeur de la performance Ă©conomique au sein de lâUE ?
Mondialisation et intĂ©gration europĂ©enne ont de nombreux traits communs :ouverture, commerciale et financiĂšre des Ă©conomies nationales, spĂ©cialisations etinterdĂ©pendances de diverses natures sont les principaux. Mais, si lâUE sâinsĂšre dansla mondialisation, permettant Ă ses membres de participer simultanĂ©ment aux deuxprocessus dâintĂ©gration, elle se distingue nettement dâune simple « mondialisationen petit » dans quelques domaines clĂ©s, qui exercent une influence dĂ©cisive sur leschoix stratĂ©giques de ses pays-membres : câest un marchĂ© unique, au sein duquel lesbiens, les services, les entreprises, les capitaux et les personnes circulent librement ;elle est rĂ©gie par des institutions qui dĂ©finissent les modalitĂ©s de dĂ©cision sur uncertain nombre de politiques communes et contraignent les orientations despolitiques Ă©conomiques des Ătats membres. Et la zone euro est, quant Ă elle,caractĂ©risĂ©e, du fait de lâexistence dâune monnaie unique et dâune politiquemonĂ©taire dĂ©cidĂ©e en commun, Ă la fois par des interdĂ©pendances Ă©conomiques etfinanciĂšres encore plus Ă©troites et par un ensemble de politiques communes et decontraintes sur les politiques Ă©conomiques nationales plus important. CescaractĂ©ristiques contribuent Ă dĂ©finir Ă la fois lâespace des choix possibles en matiĂšrede politiques Ă©conomiques nationales et les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices des diffĂ©rentes optionspossibles.
La singularitĂ© europĂ©enne suggĂšre ainsi dâenrichir lâĂ©conomie politique de lataille de considĂ©rations sur les institutions dans lesquelles sâinsĂšrent les pays et sur lamaniĂšre dont ces institutions influencent leurs stratĂ©gies Ă©conomiques.
3.1. Les avantages de lâappartenance Ă une union Ă©conomique et monĂ©taire
Grand marchĂ© et union monĂ©taire confĂšrent aux pays qui y participentdâimportants avantages susceptibles de contrebalancer plusieurs des inconvĂ©nientsde la petite taille. En premier lieu, lâaccĂšs Ă un grand marchĂ© presque parfaitement
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intĂ©grĂ© permet aux entreprises du petit pays de profiter de larges dĂ©bouchĂ©s etdâexploiter pleinement les gains de la spĂ©cialisation et les Ă©conomies dâĂ©chelle, demĂȘme que les possibilitĂ©s offertes par la mobilitĂ© des facteurs, et singuliĂšrement ducapital et de la main-dâĆuvre qualifiĂ©e, sans avoir Ă supporter les coĂ»ts, notammenten matiĂšre dâĂ©volutions monĂ©taires, que comportent les stratĂ©gies compĂ©titivespermises par une telle situation.
Tant les dĂ©terminants structurels de la croissance â quâil sâagisse de ceuxtraditionnellement mis en avant par les analyses classiques de la croissance, (capital,main-dâĆuvre) ou par celles, plus rĂ©centes, en termes de croissance endogĂšne(capital humain, savoirs, infrastructures publiques) ou encore de ceux sur lesquelsmet lâaccent la nouvelle Ă©conomie gĂ©ographique (NEG), Ă la suite des travaux dePaul Krugman (bĂ©nĂ©fices de lâagglomĂ©ration des capacitĂ©s productives et taille dumarchĂ©, notamment) â que sa composante conjoncturelle â diversification desrisques macroĂ©conomiques au sein dâun grand marchĂ© et rĂ©silience plus grande de lademande intĂ©rieure de ce grand marchĂ©, face aux instabilitĂ©s inhĂ©rentes auxfluctuations et divers chocs qui subit lâĂ©conomie mondiale â sont plus aisĂ©mentaccessibles pour le petit pays membre dâune union Ă©conomique et monĂ©taire quepour celui qui nây participe pas.
Lâappartenance Ă une union Ă©conomique et monĂ©taire permettrait ainsi desurmonter une part importante des « handicaps » rĂ©sultant de la petite taille delâĂ©conomie. On comprend mieux, dĂšs lors, lâattraction quâexerce lâUE en gĂ©nĂ©ral, etla zone euro en particulier, sur toutes les petites Ă©conomies voisines. Il en rĂ©sulteĂ©galement que, toutes choses Ă©gales par ailleurs, la « taille optimale » des pays estmoindre au sein dâune union Ă©conomique et monĂ©taire, ce qui constitue lâun desfacteurs explicatifs des nombreuses tentations sĂ©paratistes ou autonomistesobservĂ©es au plan rĂ©gional dans les pays membres de lâUE.
3.2. CoĂ»ts et bĂ©nĂ©fices des stratĂ©gies nationales au sein dâune union Ă©conomique et monĂ©taire
Il existe, en gĂ©nĂ©ral, une corrĂ©lation inverse entre la taille dâun pays et son degrĂ©dâouverture, notamment commerciale ; et lâappartenance Ă une union Ă©conomiqueet monĂ©taire renforce encore cette tendance, comme lâillustrent les Ă©volutions desratios dâouverture commerciale de la plupart des petits pays membres de la zoneeuro depuis une dĂ©cennie (tableau 1) 5.
5. Les raisons de cette corrĂ©lation sont, pour une part, celles qui ont Ă©tĂ© exposĂ©es dans la partie prĂ©cĂ©dente. Enoutre, les travaux thĂ©oriques (Frankel et Rose, 1998) et empiriques (FontagnĂ© et Freudenberg, 1999) suggĂšrentque cette corrĂ©lation est renforcĂ©e par lâappartenance Ă une union monĂ©taire.
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Or les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices des diffĂ©rentes stratĂ©gies Ă©conomiques nationalesdĂ©pendent Ă©troitement du degrĂ© dâouverture. Pour une grande Ă©conomie 6
relativement peu ouverte commercialement, tous les instruments qui agissent sur lademande intĂ©rieure prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt majeur, tandis que ceux qui influent sur lademande extĂ©rieure, qui pĂšse dâun poids moindre, sont, en principe, dâimportanceseconde ; et lâinverse vaut, mutatis mutandis, pour une petite Ă©conomie trĂšs ouvertecommercialement. DĂšs lors, les politiques keynĂ©siennes de rĂ©glage de la demandeintĂ©rieure Ă lâaide de la politique budgĂ©taire, qui relĂšvent clairement de la premiĂšrecatĂ©gorie, prĂ©senteront plus dâattrait pour les grandes Ă©conomies, dans lesquellesleur efficacitĂ© est plus grande, parce que le multiplicateur y est lui-mĂȘme plus Ă©levĂ©que dans les petites Ă©conomies ouvertes, dans lesquelles il est mĂȘme possible que cesmĂȘmes instruments soient inefficaces, en raison de la faible valeur dumultiplicateur, voire quâelles aient des effets « non keynĂ©siens » ou « antikeynĂ©siens » 7.
Au contraire, parmi les instruments aux mains des autoritĂ©s nationales, tous ceuxqui sont susceptibles dâagir sur la compĂ©titivitĂ© des entreprises installĂ©es sur leterritoire national ou sur lâattractivitĂ© du territoire pour les entreprises
Tableau 1 : Taux dâouverture (ratio commerce international sur PIB) pour dix pays de la zone euro, 1979-2007
Moyenne1979-1991
Moyenne 1992-1998
Moyenne 1998-2007
Autriche 35 36 49Danemark 35 36 45Finlande 27 32 38Pays-Bas 54 56 65SuĂšde 32 35 43Espagne 18 22 29Allemagne 24 25 36Royaume-Uni 26 27 28France 22 22 27Italie 21 22 26
Source : OCDE.
6. OĂč tracer la frontiĂšre entre « petites » et « grandes » Ă©conomies ? Comme le rappelle lâEncadrĂ© 1, 1e choixnâest jamais totalement exempt dâarbitraire et la ligne de partage variera probablement selon le contexte : ainsi,lâAllemagne est-elle incontestablement une « grande » Ă©conomie au sein de lâUE, mais sans doute une « petite Ȏconomie dans le contexte de la mondialisation. Pour une discussion sur les critĂšres et un classement des payseuropĂ©ens, voir Laurent et Le Cacheux (2006). Et pour une analyse de la stratĂ©gie allemande, « grande Ȏconomie au sein de lâUE mais « petite » dans lâĂ©conomie mondiale, voir Laurent et Le Cacheux (2010).7. Pour une analyse prĂŽnant les politiques budgĂ©taires nationales de « consolidation » et mettant en avantleurs effets « anti keynĂ©siens », voir Giavazzi et Pagano (1996). Pour une analyse critique de ces effets, voirCreel, Monperrus-Veroni et Saraceno (2008).
â Ăloi Laurent et Jacques Le Cacheux
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multinationales ou les flux dâinvestissements Ă©trangers prĂ©sentent, pour les grandspays, des coĂ»ts relativement Ă©levĂ©s au regard des bĂ©nĂ©fices Ă©conomiques quâilspromettent. Parmi ces instruments, la politique de change figure en bonne place,comme le montrent les exemples de la SuĂšde ou de bon nombre de pays Ă©mergentsdâAsie ; mais dans le cas des pays appartenant Ă la zone euro, cet outil nâest plusdisponible. Il en va de mĂȘme des politiques de « dĂ©sinflation compĂ©titive »,poursuivies par plusieurs pays europĂ©ens au sein du mĂ©canisme de changes fixes duSystĂšme monĂ©taire europĂ©en (SME) Ă la fin des annĂ©es 1980 8. En revanche, desrĂ©sultats similaires peuvent ĂȘtre obtenus en recourant Ă dâautres instruments, quisont toujours aux mains des autoritĂ©s nationales dans le cadre institutionnel delâUE : concurrence fiscale et sociale, modĂ©ration salariale, concurrencerĂ©glementaire sont autant de moyens dâatteindre les mĂȘmes fins. Si ces instrumentsont, pour les petites Ă©conomies trĂšs ouvertes, commercialement et financiĂšrement,des coĂ»ts relativement faibles, quâil sâagisse de pertes de recettes fiscales ou derĂ©duction, Ă court terme, de la demande intĂ©rieure, au regard de bĂ©nĂ©fices Ă©levĂ©s,lâinverse est gĂ©nĂ©ralement vrai pour les grandes Ă©conomies.
Or les institutions de lâUnion europĂ©enne et de la zone euro prĂ©sentent lasingularitĂ© de contraindre, au nom de lâintĂ©rĂȘt commun, lâusage par lesgouvernements nationaux de la premiĂšre catĂ©gorie dâinstruments, notamment avecle Pacte de stabilitĂ© et de croissance, tandis que ceux de la seconde catĂ©gorie sont,pour lâessentiel, laissĂ©s Ă la discrĂ©tion des autoritĂ©s nationales, voire encouragĂ©s parles orientations gĂ©nĂ©rales communes, telles que la « stratĂ©gie de Lisbonne ». La tailledes pays joue donc bien un rĂŽle important dans le contexte de lâintĂ©grationmonĂ©taire europĂ©enne, comme le montrent les tableaux 2 et 3, qui diffĂ©rencientpour les pays de la zone euro des donnĂ©es de performance en termes de croissance etde chĂŽmage en fonction des critĂšres de taille et de degrĂ© dâintĂ©gration europĂ©ennedans le temps.
8. Ces politiques sont analysées dans Atkinson et al. (1992). Pour un parallÚle avec les politiques decompétitivité menées au sein de la zone euro, voir également Creel et Le Cacheux (2006) et Laurent etLe Cacheux, (2010).
Tableau 2 : PIB et PIB par habitant des pays de la zone euro
Croissance annuelle en %
Moyenne 1979-1991 Moyenne 1992-1998 Moyenne 1999-2007
PIB PIB parhabitant PIB PIB par
habitant PIB PIB par habitant
Trois grands zone euro 2,56 1,77 1,48 1,28 1,72 1,65
Autres payszone euro 2,81 2,03 2,97 2,34 3,50 2,64
Total zone euro 2,5 1,68 1,76 1,44 2,18 1,82
Source : Fitoussi et Laurent, 2010.
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3.3. Politiques communes ou coordination des politiques nationales : petits et grands pays dans lâaction collective
Outre les consĂ©quences de lâappartenance Ă une union Ă©conomique et monĂ©taireet des institutions communes sur les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices des diverses stratĂ©giesĂ©conomiques nationales, lâexistence mĂȘme de lâunion engendre desinterdĂ©pendances Ă©conomiques et des « biens publics », au sens de Samuelson (1954)ou « biens collectifs », notamment les consĂ©quences de la politique monĂ©tairecommune en matiĂšre de stabilitĂ© monĂ©taire et financiĂšre ou de taux de changeexterne de la monnaie. Une part importante des actions de politique Ă©conomique,communes ou nationales, relĂšve donc clairement de lâaction collective, dans lamesure oĂč les rĂ©sultats obtenus par la poursuite de stratĂ©gies individuelles des Ătats,sont communs. Dans de tels contextes, comme lâa montrĂ© Mancur Olson dans sonanalyse pionniĂšre de la « logique de lâaction collective » (1965), le nombre et la tailledes acteurs sont des dĂ©terminants essentiels de lâexistence-mĂȘme et de la nature despolitiques communes, parce que ces deux dimensions influent de maniĂšre dĂ©cisivesur les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices, pour chacun des participants, des diffĂ©rentes stratĂ©giesindividuelles qui concourent Ă lâaction collective ou lâempĂȘchent.
Chaque fois quâune politique commune doit ĂȘtre entreprise ou, en lâabsencedâinstruments communs, que les politiques nationales doivent ĂȘtre coordonnĂ©es,en raison de la prĂ©sence dâinterdĂ©pendances ou, ce qui est Ă©quivalent, de ladimension collective du problĂšme, les petits pays, dont le poids relatif danslâensemble est faible, seront davantage tentĂ©s que les grands par les stratĂ©gies detype « passager clandestin », qui, pour eux, minimisent les coĂ»ts et maximisent lesbĂ©nĂ©fices : câest typiquement, la situation qui prĂ©vaut en cas de chocmacroĂ©conomique commun, tel que la crise Ă©conomique et financiĂšre de 2008-2009 9. Faute dâinstruments communs de politique macroĂ©conomique, lacoordination des politiques nationales ne peut alors que se heurter Ă la tentation desstratĂ©gies opportunistes, notamment des plus petits pays qui sont assurĂ©s de
Tableau 3 : Taux de chĂŽmage des pays de la zone euro
En %
Moyenne1979-1991 Moyenne 1992-1998 Moyenne 1999-2007
Trois grands zone euro 6,61 9,46 8,64
Autres payszone euro 7,37 9,22 6,63
Total zone euro 7,52 9,89 8,31
Source : Fitoussi et Laurent, 2010.
9. Pour une application de ce cadre analytique aux difficultĂ©s de la coordination des politiques budgĂ©taireseuropĂ©ennes, mettant lâaccent sur lâinsuffisance de la relance face Ă la profonde rĂ©cession de 2008-2009, voirLe Cacheux, 2010.
â Ăloi Laurent et Jacques Le Cacheux
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bĂ©nĂ©ficier des politiques de soutien de la demande des plus grands, sans ensupporter les coĂ»ts. Mais lâimplication inĂ©luctable de la « logique de lâactioncollective » est quâalors le « bien collectif » sera fourni en quantitĂ© sous-optimale.La montĂ©e en puissance des petits pays est un fait dont on prend souvent mal lamesure dans lâUnion europĂ©enne et la zone euro (tableaux 4 et 5).
â Conclusion : petits et grands pays face au marchĂ© et aux biens publics
Lorsquâest publiĂ©, en 1960, lâouvrage de lâAssociation Ă©conomiqueinternationale sur la taille des pays (Robinson, ed., 1960), la dĂ©colonisation quisâachĂšve se traduit par une augmentation considĂ©rable du nombre de pays, ce qui,dans un monde par nature fini, Ă©quivaut Ă une rĂ©duction sensible de la taillemoyenne des pays. Lâanalyse alors proposĂ©e des dĂ©terminants de la taille optimaledâun pays mettait en exergue lâimportance de la taille du marchĂ© et de lâaccĂšs aucommerce international. De ce point de vue, la mondialisation de la fin du XXe
siĂšcle, avec lâessor phĂ©nomĂ©nal des Ă©changes internationaux qui la caractĂ©rise, nepeut quâavoir encouragĂ© la multiplication du nombre de pays, en amoindrissant les« handicaps » de la petite taille (la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle verra dâailleurs lenombre de pays doubler par rapport Ă 1950, tableau 6).
Tableau 4 : Petits, moyens et grands pays dans la zone euro, 1999-2009
1999 2001 2007 2008 2009
Petits 7 8 9 11 12
Moyens 1 1 1 1 1
Grands 3 3 3 3 3
Tableau 5 : Petits, moyens et grands pays dans lâUnion europĂ©enne, 1957-2007
1957 1972 1981 1986 1995 2004 2007
Petits 3 5 6 7 10 19 21
Moyens 0 0 0 1 1 2 2
Grands 3 4 4 4 4 4 4
Source : adaptĂ© de Laurent et Le Cacheux, 2006. Un « petit » pays de la CEE puis de lâUE ou de la zone euro estdĂ©fini comme un pays dont la population est infĂ©rieure au quart de la population de lâĂtat le plus grand. Unpays « moyen » compte moins de la moitiĂ© dâhabitants que le plus grand pays. Les « grands » pays sont tous lesautres.
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En revanche, la mondialisation nâaffecte pas sensiblement lâautre grande sourcede « handicap » de la petite taille que constitue le coĂ»t, relativement plus Ă©levĂ© pourun petit pays, de la mise en Ćuvre des politiques publiques et de la fourniture desbiens publics, mĂȘme si lâon peut voir dans lâĂ©mergence de la problĂ©matique des« biens publics mondiaux » une Ă©bauche de rĂ©ponse, certes trĂšs embryonnaire etimparfaite, Ă ce second « handicap » de la petite taille. Nous lâavons vu, dans lesanalyses plus rĂ©centes, en termes dâĂ©conomie politique de la taille des pays (Alesinaet Spolaore, 2003), câest lâarbitrage entre ces « handicaps » de la petite taille et lesavantages quâelle confĂšre en termes de plus grande facilitĂ© dâagrĂ©gation desprĂ©fĂ©rences individuelles sur les politiques et biens publics qui dĂ©termine la tailleoptimale des pays. Nos travaux sur la taille des pays dans lâUnion europĂ©enne(Laurent et Le Cacheux, 2006 et 2010) ajoutent Ă cette littĂ©rature la dimensionrĂ©gionale et « fĂ©dĂ©rale » de ces dĂ©terminants : lâappartenance Ă une zonedâintĂ©gration rĂ©gionale, et a fortiori Ă une union Ă©conomique et monĂ©taire, quiconstitue, du point de vue Ă©conomique qui nous occupe ici, une « fĂ©dĂ©ration », ausens oĂč elle implique la mise en commun de certaines politiques, modifie lesdĂ©terminants de lâarbitrage Ă©voquĂ© prĂ©cĂ©demment, tant en facilitant lâaccĂšs de tousĂ un grand marchĂ© quâen substituant, dans certains domaines, aux politiquespubliques nationales une fourniture commune de « biens publics », mais au prix decontraintes sur lâusage national des instruments de la politique Ă©conomique, et luijuxtapose une dimension de dĂ©cision collective, analysable elle aussi en termesdâĂ©conomie politique de la taille, mais cette fois dans la « logique de lâactioncollective » (Olson, 1965) des pays.
La synthĂšse et lâextension de ces analyses qui est ici proposĂ©e permet deconfirmer lâexistence de « stratĂ©gies Ă©conomiques de petit pays », qui cherchent Ă tirer avantage des « handicaps » et des atouts de la petite taille et du contexte danslequel peuvent sâexercer les politiques Ă©conomiques nationales. De maniĂšre plusgĂ©nĂ©rale, un des enseignements importants des Ă©tudes empiriques qui ne relĂšventpas de corrĂ©lation entre taille des pays et performances Ă©conomiques nâest pas que la« taille ne compte pas » mais plutĂŽt que des pays de taille distincte peuvent parvenirĂ des performances comparables en mettant en Ćuvre des stratĂ©gies de croissancebien diffĂ©rentes, qui dĂ©pendent des contextes dâintĂ©gration des institutions et des
Tableau 6 : Nombre de pays dans le monde, 1871-2010
1871 64 1960 95
1914 59 1975 158
1920 69 1985 167
1948 74 1993 190
1950 89 2010 193
Source : Laurent, 2008.
â Ăloi Laurent et Jacques Le Cacheux
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marchĂ©s (Laurent, 2008). Ces « stratĂ©gies de petit pays » peuvent ĂȘtre caractĂ©risĂ©espar la combinaison de politiques « compĂ©titives » destinĂ©es Ă promouvoir lesexportations, la spĂ©cialisation et lâouverture commerciale, tout en favorisantlâattractivitĂ© du pays pour les entreprises multinationales et les capitaux Ă©trangers âles instruments de ces politiques « compĂ©titives » Ă©tant, lorsquâexiste une monnaienationale, la dĂ©prĂ©ciation et la dĂ©sinflation compĂ©titives et, lorsque les pays sontmembres dâune union monĂ©taire ou dâune zone de changes fixes, la concurrencefiscale et sociale et les politiques de modĂ©ration salariale â, et de stratĂ©giesopportunistes dans les contextes oĂč sâimposent les nĂ©cessitĂ©s de lâaction collective.Ce sont de telles « stratĂ©gies de petit pays », quâillustrent, de diverses maniĂšres, lesorientations de nombreux petits pays membres de lâUnion europĂ©enne â Irlande,Luxembourg, pays scandinaves, nouveaux pays membres dâEurope centrale etorientale, etc. â, mais aussi lâAllemagne depuis les dĂ©buts des annĂ©es 2000 (Laurentet Le Cacheux, 2010), la Chine ou, dans une certaine mesure, le Japon dans lecontexte de la mondialisation (graphique 1).
Notre analyse Ă©claire aussi les choix ou les hĂ©sitations de certains petits pays auxportes de lâUE, tels que la Suisse ou la NorvĂšge ou encore, plus rĂ©cemment, la valse-hĂ©sitation de lâIslande ; elle offre Ă©galement une perspective sur les tendances Ă ladĂ©centralisation, voire au sĂ©paratisme, que lâon observe dans certains pays membresde lâunion Ă©conomique et monĂ©taire europĂ©enne.
Graphique : la « stratĂ©gie de petit pays » de lâAllemagne Taux dâouverture pour une sĂ©lection de pays europĂ©ens, 1990-2007
Source : OCDE.
15
20
25
30
35
40
45
50
55
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
NorvĂšge
SuĂšde
France
Finlande
Danemark
Islande
Italie
AllemagneRoyaume-Uni
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ApprĂ©hender les choix stratĂ©giques des pays, dans les diffĂ©rents contextesinstitutionnels dans lesquels ils sâexercent, Ă lâaide de la notion de « biens publics »,au sens de Samuelson (1954), permet ainsi de concilier lâanalyse Ă©conomique de lataille des pays avec une thĂ©orie de lâintĂ©gration Ă©conomique et politique qui, noussemble-t-il, amende sensiblement et enrichit simultanĂ©ment la littĂ©ratureĂ©conomique sur la taille des pays et celles inspirĂ©es par les analyses classiques delâintĂ©gration rĂ©gionale â celle, traditionnelle en sciences politiques, ditefonctionnaliste ou nĂ©o-fonctionnaliste (Haas, 1960) et celle, trĂšs communĂ©mentutilisĂ©e en Ă©conomie, qui sâinspire de la thĂ©orie des zones monĂ©taires optimales(Mundell, 1961) et, plus rĂ©cemment, de la « nouvelle Ă©conomie gĂ©ographique »(Krugman, 1991). Lâanalyse des stratĂ©gies Ă©conomiques nationales ainsi reformulĂ©edĂ©bouche aussi, de ce fait, sur une thĂ©orie Ă©conomique du « fĂ©dĂ©ralisme » danslâesprit des travaux pionniers dâOlson (1969) sur lâorganisation territoriale desgouvernements.
Dans le contexte de la mondialisation, oĂč lâon peut considĂ©rer quâil existe peuou pas de politiques communes et peu ou pas de contraintes sur les politiquesnationales, les stratĂ©gies Ă©conomiques des pays sont dominĂ©es par les incitationsquâanalyse lâĂ©conomie politique moderne de la taille des pays. Toutefois, notreapproche permet de mieux comprendre les difficultĂ©s des dĂ©cisions collectives,quâelles doivent ĂȘtre prises selon le consensus (un pays une voix), comme câest le casau sein de lâONU ou de lâOMC, ou selon un systĂšme de vote avec pondĂ©rations,comme câest le cas au sein du FMI : il est alors trĂšs difficile de fournir les « bienspublics mondiaux », comme lâillustrent les obstacles auxquels se heurtent lesvellĂ©itĂ©s de rĂ©gulation de la finance internationale ou de libĂ©ralisation ducommerce mondial au sein de lâOrganisation mondiale du commerce (OMC), ouencore, plus rĂ©cemment, lâincapacitĂ© de lâONU Ă faire aboutir un accord global surla lutte contre le changement climatique lors de la confĂ©rence de Copenhague, endĂ©cembre 2009.
Dans le contexte europĂ©en, que lâon peut, dâun point de vue Ă©conomique,assimiler Ă un cadre « fĂ©dĂ©ral », lâintĂ©gration des marchĂ©s est plus forte que dans lecontexte global et les institutions dĂ©finissent deux dimensions essentielles : lepartage des compĂ©tences entre niveaux de gouvernement et les rĂšgles de dĂ©cision surles politiques (unanimitĂ©, majoritĂ© qualifiĂ©e). Les incitations et les contraintes quipĂšsent sur les choix de stratĂ©gies Ă©conomiques nationales de lâun et lâautre de cesdeux domaines sont alors diffĂ©rentes de celles qui prĂ©valent dans le contexte global,mais les marges de manĆuvre des Ătats membres sont telles quâelles leur permettentsimultanĂ©ment de faire des choix stratĂ©giques sur les deux registres, ce qui Ă©largitlâĂ©ventail des choix, mais introduit une dimension supplĂ©mentaire dans lesarbitrages, cette fois entre politiques communes au sein de lâunion et stratĂ©giesnationales isolĂ©es dans lâĂ©conomie mondiale.
â Ăloi Laurent et Jacques Le Cacheux
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â Ăloi Laurent et Jacques Le Cacheux
190 REVUE DE LâOFCE â 112 â JANVIER 2010
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