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Douleurs cancéreuses et troubles cognitifs : la difficile objectivation
de la douleur…
Congrès annuel de l’UCOG Bretagne
17 mars 2016 - Pontivy
Dr TRINH Olivier
A partir d’un cas clinique – question/réponse
Patiente de 88 ans
POLYPATHOLOGIE:
Troubles cognitifs légers non explorés selon l’oncologue
TRAITEMENT:
PARACETAMOL 1g toutes les 6 heures si douleurs
OXYCODONE 5mg toutes les 4 heures si douleurs non soulagées par le PARACETAMOL
LYRICA 25: 1 matin
ZOLPIDEM: 1 au coucher
Histoire de la maladie (1)
Découverte d’une tâche brûne en février 2014 par le médecin traitant:
Adressée à la consultation d’onco-dermatologie du CHU de référence: MELANOME UNGUEAL du 1er doigt de la main gauche
Décision thérapeutique: amputation de la 1ère phalange
Histoire de la maladie (1)
Marge de résection suffisante à la lecture des lame en anatomopathologie: R0
Apparition 6 mois après l’amputation d’une masse axillaire gauche volumineuses adénopathies axillaires
Quelques douleurs à l’élévation du bras,
Attitude vicieuse, petit lymphoedème
Patiente revue en consultation d’onco-dermatologie: Extension de la maladie confirmée
Proposition d’une CT par MUPHORAN PO ou Radiothérapie
QUESTION REPONSES POSSIBLES SCORE
Le patient présente-t-il une perte d'appétit ?
A-t-il mangé moins ces 3 derniers mois par
manque d'appétit, problèmes digestifs,
difficultés de mastication ou de déglutition ?
Anorexie sévère
Anorexie modérée
Pas d'anorexie
0
1
2
Perte de poids (< 3 mois) Perte de poids > 3kg
Ne sait pas
Perte de poids entre 1 et 3kg
Pas de perte de poids
0
1
2
3
Motricité Du lit au fauteuil
Autonome à l'intérieur
Sort du domicile
0
1
2
Problèmes neuropsychologiques Démence ou dépression sévère
Démence ou dépression modérée
Pas de problèmes psychologiques
0
1
2
Indice de Masse Corporelle
IMC = [poids] /[taille]²en kg par m²
Poids = kg Taille = m
IMC = [ ]/[ ]² =
IMC < 19
19 ≤ IMC ≤ 21
21 ≤ IMC ≤ 23
IMC ≥ 23
0
1
2
3
Prend plus de 3 médicaments Oui
Non
0
1
Le patient se sent-il en meilleure ou moins
bonne santé que la plupart des personnes
de son âge ?
Moins bonne
Ne sait pas
Aussi bonne
Meilleure
0
0,5
1
2
Age > 85 ans
80-85 ans
< 80ans
0
1
2
SCORE 13 /17
Consultation d’oncogériatrie
Patiente accompagnée de sa belle fille
Interrogatoire:
Ne se rappelle pas avoir vu à 2 reprises le dermatologue, s’en souvient quand ça belle-fille l’évoque
Se rappelle avoir subi une amputation du pouce mais ne connait pas la maladie causale
Condition de vie rapportée par la belle-fille avec quelques informations apportées par la patiente
Labilité d’humeur, veut partir à plusieurs reprises de la consultation: « elle est toujours comme ça , elle n’aime pas l’hôpital »
Consultation d’oncogériatrie
EVALUATION GERIATRIQUE
Mode de vie Domicile, veuve, 1 fils qui vit à 2km, qui a repris l’exploitation familiale / mange chez son fils et sa belle fille le midi / • IDE pour les médicaments 1x/j • Aide ménagère 2x/semaine • Aides extérieures qu’elle a eu du mal à accepter
Famille Veuve depuis 1990, 3 enfants, 1 fils assez présent
Autonomie ADL 6/6 IADL 2/4
Toilette: Dit faire seule sa toilette, confirmé par la belle fille Cuisine: se ferait à manger, courses faites par la belle-fille aliments périmés dans le frigo Ne gère pas son budget et les médicaments
Consultation d’oncogériatrie
Cognition et thymie Ancienne cultivatrice, CE – MMSE 15/30 s’agace vite et ne comprend pas pourquoi on l’embête, n’arrive pas revenir sur son histoire de vie, Notion de Sd confusionnel en post-opératoire de l’amputation
Nutrition Poids 57kg pas de notion de perte de poids récente, vêtement à la taille de la patiente
Locomoteur Pas de trouble de la marche / Test habituel OK
Continence OK selon patiente,
sous-vêtements souillés selon la belle-fille
Sensoriels Acuité visuelle et auditive correcte
Douleurs Difficilement définie par la patiente, douleurs à l ’élévation du bras, et sensation de tiraillement calmé par le traitement
Consultation d’oncogériatrie
CONCLUSION DE L’EVALUATION
Patiente qui n’a pas compris le diagnostic
Sous-évaluation des troubles cognitifs par l’entourage
Risque > Bénéfice à l’introduction du MUPHORAN
Surveillance au domicile, acceptation d’aide?
Effets indésirables non négligeables avec bénéfice faible
Consultation d’oncogériatrie
Radiothérapie antalgique?
Pas de douleur pour l’instant
Pas de traitement antalgique
Risque > bénéfice? Labilité d’humeur, ne veut pas se déplacer
Surveillance clinique et soins de confort avec traitement antalgique PO d’abord avant tout autre mesure
Histoire de la maladie (2)
Patiente perdue de vue pendant 2 mois: pas de suivi sur le Centre Hospitalier de proximité
Demande de consultation d’oncogériatrie en urgence au CH de proximité:
Patiente hospitalisée en service d’Oncologie
Admission via le SAU pour:
Altération de l’état général
Patiente confinée lit fauteuil depuis 3 jours
Question posée: faut-il poursuivre la radiothérapie?
Histoire de la maladie (2)
Programmation d’une radiothérapie antalgique:
Schéma retenu: 5 séances, 1 tous les jours pendant 5 jours
Temps de trajet domicile centre de RTE: 1h30 aller-retour
Avis oncogériatrique en service d’Oncologie du CH de proximité
Interrogatoire:
De la patiente: Patiente prostrée dans son lit, yeux fermés, en chien de fusil
Ne répond pas aux questions simples
Rupture avec l’état antérieur selon la famille depuis les 2 dernières séances de RTE
Des soignants: Perte d’autonomie complète
Refus alimentaire
Incontinence urinaire et fécale
Avis oncogériatrique en service d’Oncologie
Examen clinique:
Présence d’une brûlure G3, s’étendant
Sur l’hémithorax gauche, face antérieure, face latérale, face postérieure
Le creux axillaire gauche
Soins locaux
Discussion: • Report RTE • Arrêt RTE
A partir d’un cas clinique – question/réponse
1. Comment qualifier l’état neuro-psychiatrique de la patiente à son admission en service d’oncologie? Quel peut en être la conséquence?
2. Quels types de douleurs peut-on reconnaître chez cette patiente?
3. Quels outils connaissez-vous pour évaluer la douleur?
4. Quels traitements pour quels types de douleurs?
Comment qualifier l’état neuro-psychiatrique de la patiente à son admission en service d’oncologie?
Quel peut en être la conséquence?
Etat neuro-psychiatrique
Etat neuro-psychiatrie à l’entrée en Oncologie = SYNDROME CONFUSIONNEL devant l’association:
TROUBLES COGNITIFS:
Trbles de l’attention, du langage
TROUBLES DE LA VIGILANCE:
Patiente prostrée
Au maximum, endormissement profond, insomnie prolongée
TROUBLES PSYCHIATRIQUES:
Agitation psychomotrice ± agressivité, quand on la touche
Ou au contraire apathie et perplexité anxieuse (confusion hypo-active)
SURVENUE BRUTALE: RUPTURE AVEC ETAT ANTERIEUR
Outil en pratique
CRITERES Oui Non
1) Début soudain
2) Troubles de l’attention
3) Pensée désorganisée
4) Perturbation de la conscience
Repères épidémiologiques
La douleur chez la personne âgée:
Mal connue
Mal reconnue
Mal traitée
Quand est-il en cas de troubles de la communication ?
Repères épidémiologiques
Enquête de prévalence de la douleur:
Prévalence: 51% pour une moy d’âge de 85 ans
Douleur et patient dyscommuniquant (Taux de répondeur 81%)
Non répondeur Répondeur
Détection 35% 54.6%
Evaluation 1.4 2.23
Traitement 26.5% 50.2%
D.Lhuillery et Al. Prévalence de la douleur chez des patients âgés. Douleurs. 2007, 8, 1 : 17-20
Physiopathologie et vieillissement
Particularités gériatriques indépendamment du statut cognitif:
Perturbation de la conduction nerveuse
Altération du SNC et du SNP
Avec 2 aspects:
↘ QUANTITATIVE DES FIBRES NERVEUSES
↘ QUALITATIVE DES FIBRES NERVEUSES
Physiopathologie et vieillissement
↘ QUANTITATIVE DES FIBRES NERVEUSES
Perte de la discrémination (multiples pathologies, atteinte sensorielle)
Douleurs viscérales silencieuses
Seuil de sensibilité (intensité – qualité)
DYSALGIE OU
PRESBYALGIE
Physiopathologie et vieillissement
↘ QUALITATIVE DES FIBRES NERVEUSES : ↗ temps de latence, ↗ somation
↘ plainte pour douleur légère
↗ plainte pour douleur modérée à intense
= RETARD A L’ALLUMAGE = RETARD DIAGNOSTIQUE
↘ Tolérance
↘ capacité de récupération
HYPERALGESIE
Types de douleurs
Douleurs NOCICEPTIVES (excès de nociception):
surstimulation des fibres véhiculant les messages nociceptifs de la périphérie vers la moelle épinière et les centres supraspinaux
Causes:
douleur aiguë : postopératoire, traumatique, infectieuse, dégénérative....
douleur chronique : pathologies lésionnelles persistantes plus ou moins évolutives (cancer, rhumatologie...)
Types de douleurs
Douleurs NEUROPATHIQUES:
modification des processus de transmission et/ou de contrôle du message « douloureux » à la suite d’une lésion nerveuse périphérique ou centrale
Causes:
Traumatiques
Toxiques: OH, CT, RTE
Tumorale: compression, infiltration, métabolique
Métabolique: diabète
Types de douleurs
Douleur
NOCICEPTIVE NEUROPATHIQUE
Antalgiques ATD, AntiE
Bon pronostic: 90% Mauvais pronostic: 25%
38% 52% 10%
• Dleurs locales,
• simultanées,
• Exam neuro normal
• Brûlures, décharge…
• Projetées, décalées
• Exam neuro anormal
Outils d’évaluation
Rappel:
Patiente de 88 ans: DYSALGIE + PRESBYALGIE Troubles cognitifs pré-existants
Syndrôme confusionnel sur douleurs
Place de l’auto-évaluation? AUCUNE
Importance des outils d’hétéro-évaluation: Echelle ALGOPLUS
Echelle DOLOPLUS
Echelle ECPA
Echelle d’évaluation de la douleur, mais pas de distinction entre nociceptive et neuropathique
ALGOPLUS développée pour l’hétéro-évaluation de :
Douleurs aigües
Accès douloureux transitoire
Douleurs provoqués par les soins
ALGOSPLUS ≥ 2 : PATIENT DOULEUREUX • Administrer un antalgiques et attendre son effet, • Revoir le traitement antalgiques de fond si le patient n’est pas soulagé
Hétéro-évaluation de la douleur
Hétéro-évaluation de la douleur
Echelle DOLOPLUS, évaluation douleurs chroniques: 30 items
Plus de précisions: 10 items regroupés en 3 sous-groupes: Retentissement somatique
Retentissement psychomoteur
Retentissement psychosocial
Nécessite un apprentissage
Evaluation quotidienne et suivi quotidien
Côter en équipe pluridisciplinaire
DOLOPLUS ≥ 5/30: Patient DOULOUREUX
Hétéro-évaluation de la douleur
Echelle ECPA, évaluation de la douleur aux soins: 8 items
Evaluation de la douleur à 2 moments clés:
Au « repos »
Pendant un soin
Chaque item côté de 0 à 4: items indépendant les uns des autres
0 = pas de douleur
4 = douleur concidérée comme forte pour l’item
Cotation possible par 1 soignant
Hétéro-évaluation de la douleur
3 échelles validées:
Echelles complémentaires
Nécessité de s’approprier les outils
TRACABILITE INDISPENSABLE:
Heure de l’évaluation
Antalgiques données avant ou non…
Sinon ça ne sert à rien !!!
PAS DE COMPARAISON D’UN PATIENT A L’AUTRE
Outils regroupés:
Pharmacocinétique
Particularités physiologique du sujet âgé
↘ masse maigre ↗ masse grasse
↘ eau totale du corps et ↘ soif
↘ albumine plasmatique (dénutrition)
Effets sur les médicaments
Liposolubles = accumulation Fentanyl, BZD, buprénorphine
Hydrosolubles = ↘ vitesse de distribution, ↗ latence
Morphine, oxycodone,
paracétamol
Liés aux protéines = ↗ fraction libre, risque de surdosage ou interactions
Aspirine, buprénorphine
Pharmacocinétique
Particularité physiologique du sujet âgé:
Ralentissement du transit
↗ délai d’action
LAXATIFS +++
↘ métabolisme hépatique
↗ durée d’action
↘ fonction de filtration du rein
Risque d’accumulation
↗ durée de vie
Choix des molécules
« START LOW AND GO SLOW »
Doses initiales plus faibles
Molécules à demi-vie courte
Hydrosolubles
Peu liées aux protéines
Produits de dégradation peu ou pas actifs
Douleurs nociceptives Palier OMS
REGLES DE PRESCRIPTION:
• Palier 1 seul
• Palier 1 + 2 autorisé
• Palier 1 + 3 autorisé: le palier 1 agit
comme co-antalgique
• Palier 2 + 3 NON
• Palier 2 franchi = LAXATIF
VOIE D’ADMINISTRATION
Palier 3
PO = ½ SC = 1/3 IV
Sauf Oxycodone PO = ½ SC = ½ IV
Douleurs neuropathiques
Arsenal thérapeutique différent:
Oxycodone: action aussi sur la douleur neuropathique
ATD: Laroxyl®, Effexor®, Cymbalta®
Anticonvulsivant: Neurontin®, Lyrica®, Rivotril®
Anesthésiques locaux si allodynie: Versatis®
Equipe douleur
Alternance de période de confusion hypoactive et d’agitation:
Voie PO inexploitable
Douleurs:
prise en charge par Oxycodone SCSE + bolus toutes les 2h max. 6/j sinon ↗ 30% de la dose de fond
Bolus systématique avant réfection des pansements
Anxiolyse:
Hypnovel en dose de fond SCSE avec bolus toutes les 2h si anxiété majeure, objectif RUDKIN 1-2 le jour, 2-3 la nuit
Bolus systématique avant réfection des pansements
Equipe douleur
Associé à un protocole pansement adapté aux radio-dermite: action locorégionale
Dimension familiale prise en charge:
Famille vue en consultation par psychologue de l’équipe douleur
TAKE HOME MESSAGE
Patient non communiquant:
Douleur peut se traduire par CONFUSION
CONFUSION = URGENCE
3 Echelles d’hétéro-évaluation: ALGOPLUS / DOLOPLUS / ECPA Traçabilité indispensable
Avant un soin, pendant, après
« Start low and go slow » si douleur intense: titration IV
Changement du plan personnalisé de soins oncologique = nouvelle évaluation onco-gériatrique