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ANTOINE ÉTEX
Ce mémoire a été lu à la réunion des Sociétés des Beaux-Arts
des départements,, tenue dans Vhemicycle de l'École des Beaux-
Arts, à Paris, le 27 mars 1894.
AIVTOIi\E ÉTEXPEINTRE, SCULPTEUR ET ARCHITECTE
1808-1888
PAR
P. E. AIANGEANTPEINTRE
MEMBRE DE LA COAniISSION DÉPARTEMENTALE
DES ARTS ET DES ANTIQUITÉS DE SEIN E-E T-OISE , A VERSAILLES
PARIS
TYPOGRAPHIE DE E. PLON, NOURRIT et C»«
RUE GA RANCI ÈRE, 8
1894
ANTOINE ETEXPEINTRE, SCULPTEUR ET ARCHITECTE
I
Dans un livre paru en 1865 ', M. de Lescure disait d'Étex :
a C'est un maître militant, universel, audacieux, comme au beau
temps de la Renaissance. » Cette courte appréciation résume avec
un rare bonheur, tout à la fois, et le caractère elle talent d'un
artiste qui fut avant tout un homme d'action doublé d'un homme
de cœur, doué d'un tempérament ardent ; un fougueux et un con-
vaincu.
C'est autant par son caractère et par son existence que par son
œuvre considérable et diverse qu'Etex évoque le souvenir de ses
illustres devanciers. Comme eux, il voulut affirmer l'union intime
des trois arts, Peinture, Achitecture, Sculpture, en les pratiquant
simultanément; ainsi que certains d'entre eux, il fut amené à jouer
un rôle dans les luttes politiques d'une époque troublée; enfin,
suivant l'exemple des Léonard et des Cousin, il laissa des écrits
sur l'Art et sur son enseignement, mettant en pratique dans toute
son acception cette vieille devise d'un maître ancien et que
souvent il aimait à citer : Nulla dies sine linea.
Né à Paris le 20 mars 1808, Antoine Étex, comme beaucoup
d'hommes de haute valeur, dès les premières années de sa jeunesse
aux prises avec le côté matériel de l'existence, n'avait le plus sou-
vent pour se livrer à l'étude de l'art (|ue les moments consacres
par d'autres à leur repos ou à leurs plaisirs.
' François /", & propos du groupe d'ICtcx érigé à Cognac.
— 6 —
Ses parents, Lyonnais de naissance, étaient de simples artisans,
mais pratiquant l'un et l'autr-e des métiers d'art : le père, habile
sculpteur d'ornement, la mère, brodeuse adroite, courbée du matin
au soir silr son métier, qui, dans les mauvais jours^ fut parfois la
seule ressource de la famille; les mauvais jours étaient fréquents,
les travaux d'art chômaient souvent à cette époque, au point que lo
père fut un moment réduit, pour gagner vingt sous par jour, à tail-
ler des bois de fusils dont il se faisait alors une consommation
terrible. Par compensation, les événements de 1814 et de 1815 ame-
naient chez la brodeuse les uniformes chamarrés des hauts digni-
taires de l'empire ou du royaume, uniforme dont on se contentait
de changer à la hâte les broderies et les insignes.
Malgré la modestie des ressources de la famille, on tint à donner
à Etex et à son frère Jules, de deux ans moins âgé que lui, une
simple mais solide instruction; les enfants suivirent d'abord les
cours de l'école mutuelle, où le jeune Antoine, laborieux et d'es-
prit ouvert, bien que quelque peu indiscipliné, devint en peu de
tempsmoniteur général; quelques années plus tard, grâce à une
bourse obtenue par ses efforts constants, il put entrer à l'institu-
tion Nyon, célèbre à cette époque, où rapidement il termina les
études qui lui étaient nécessaires.
'Poussé par une vocation irrésistible, ayant à quatorze ans assez
d'acquis pour aider son père dans ses travaux, il renonça vite à la
pratique d'un art qui n'exigeait que de l'habileté de main, simple
métier que le jeune homme jugea sans avenir pour lui. Malgré sa
jeunesse, maître des procédés matériels dé la sculpture, il aida
dans leurs travaux quelques artistes que connaissait son père, trou-
vant ainsi l'occasion, tout en subvenant à ses besoins, de perfec-
tionner, d'approfondir ce qu'il savait déjà de l'art statuaire, pour
lequel il se sentait né.
Peu après, en 1823, il put entrer à l'École des Beaux-Arts, dans
l'atelier deBosio, abandonné bientôt pour celui de Dupaty, où il s(>,
trouva avec Simart, son ancien et son aîné, avec lequel il partage;)
tout de suite la première place.
Travaillant sans relâche, forcé pour vivre de s'asti'eindre à des
besognes mal rétribuées indignes de son jeune talent, il trouva
dès celte époque le temps d« satisfaire son besoin d'étudier l'Art
iousses différentes manifestations en menant de front l'étude de la
peinture et de la sculpture.
Pradier, alors dans toute la plénitude de son talent, avait -remar-
qué les essais du jeune homme; il l'appela auprès de lui, lui fai-
sant dès le début l'honneur de lui demander de l'aider à l'achève-
ment d'une des statues qu'il exécutait pour la façade du palais de
la Bouise à Paris.
Corlot ayant succédé à Dupaty dans la direction de son atelier,
Etex, qui ne se sentait aucun goût pour ce nouveau maître, ne parut
plus chez lui et s'attacha à Pradier, qui s'était pris d'affection
pour lui et devint à partir de ce moment son seul maître, son con-
seil et son appui.
En 1826, l'auteur de Sapho ne faisait pas encore partie de l'Aca-
démie des Beaux-Arts ; l'Institut était maître incontesté à l'Ecole, et
dans les expositions, le nom de Pradier était la pire des recom-
mandations; quoi qu'il fît, Etex était régulièrement mis hors con-i
cours chaque fois qu'il présentait un travail signé de lui^
Quelque peu découragé par ces échecs cruels, bien que prévus,
par ce parti- pris devant lequel tous ses efforts venaient échouer, il
trouva dans la conscience qu'il avait de sa valeur, et plus encore
dans l'appui affectueux de son maître, la force de ne pas perdre
complètement courage.
Ingres, qui venait parfois à l'atelier de Pradier, contribua de son
côté à encourager le jeune homme. Sentant en lui l'étoffe d'un
artiste d'avenir, il lui offrit son atelier, ses conseils, honneur dont
il était peu prodigue. Etex acceptaavec reconnaissance, etl'influence
d'Ingres sur ses idées fut prépondérante dans la suite. On verra
plus loin qu'à certains points de vue, il est légitime de regretter
l'intransigeance de certaines opinions du grand peintre; transmises
à ceux qui avaient assidûment fréquenté son atelier, peut-être ont-
elles laissé des traces trop profondes et en quelque sorte ineffa-
çables.
Concurrent malheureux, Etex n'obtint au concours de Rome, en
1832, que le second grand prix; il eut du moins la consolation
d'avoir modelé une figure remarquable et remarquée, aussi bien
au point de vue de l'interprétation du sujet que de l'expression de
la forme elle-même; Hyacinthe frajjpé par le palet d'Apollon
annonce déjà un talent réel et original ; tandis que ses concurrents
— 8 —
représentaient leur personnage élendii, mortellement atteint, lui,
hardiment, le montre au moment où, frappé au front, il chancelle,
portant d'un geste instinctif la main à sa blessure '.
Au concours de l'année suivante, même insuccès.
Malgré les huit années qu'il avait encore pour concourir, lîtex
quitta l'Ecole, qui ne lui laissa pas un bon souvenir, renonça déG-
nitivement aux récompenses académiques, et se mit à modeler une
statue.
Cette statue, Léda et le Cygne, peut être à juste titre qualiflée
d'oeuvre de jeunesse dans toute la bonne acception du terme. Sujet
délicat dont il sut se tirer avec bonheur, exprimant surtout le
charme résultant de l'heureux rapprochement d'une forme d'oi-
seau et d'un corps de femme. A g£noux, Léda caresse le cygne-
dieu dont le long col onduleux, la tête câline, serpente sur les
épaules, effleure le cou de la mortelle séduite ^ et aimée.
L'exécution de cette charmante œuvre n'était pas à ce moment
son unique préoccupation ; aussitôt qu'il entendit les rumeurs de
l'çmeute troubler le recueillement de son atelier, il descendit dans
la rue et prit à la révolution de 1830 une part que son ardente
jeunesse ne pouvait manquer de rendre active; après trois jours
passés dans Paris, les armes à la main, ses camarades et lui se remi-
rent à la besogne, Vescamotage accompli, pour employer son
expression.
Quelques jours après son avènement au ministère, M. Guizot
fit annoncer à Etex qu'il venait de lui être accordé une pension de
1,500 francs pendant deux ans.
C'était une petite fortune pour le jeune homme; aussitôt le pre-
mier trimestre touché, il partit pour l'Italie, qu'il considérait commeune sorte de terre promise; il y séjourna jusque vers le milieu de
l'année 1832. Il ne rentra en France qu'après avoir passé quelques
temps en Algérie et en Espagne, d'où il rapporta une foule d'im-
pressions nouvelles, de nombreuses aquarelles et quantité de
croquis.
Comme ancien combattant de 1830, toujours épris de l'idée
' Cette figure fut commandée en marbre par le baron Turpin.
^ La Léda ne fut exécutée en marbre et exposée que quatre ans apr«s avoir
été modelée (Salon de 1834). ,
— 9 —
républicaine, du principe de la liberté, il s'intéressa vivement au
sort de l'Italie ; en communion d'idées avec les patriotes italiens, il
se lia avec certains d'entre eux, notamment avec Melloni, dont il fil
le portrait, se compromettant et conspirant quelque peu, travail-
lant beaucoup, se passionnant pour les chefs-d'œuvre des écoles-
italiennes qu'il pouvait enfin admirer.
C'est pendant ce séjour qu'il exécute le Caïn et safamille mau-dits de Dieu.
Exposé au Salon de 1833, ce beau groupe y produisit une sen-
sation profonde ; il classa d'emblée au premier rang son auteur, qui
put dans la suite, à force de talent, égaler quelquefois, mais jamais
surpasser l'œuvre superbe de ses débuts.
Une médaille de première classe fut la consécration de ce succès et
la récompense de l'auteur; mais, contrairement à ce que celui-ci espé-
rait, Cam n'eut cette année, ni la suivante, les honneurs du marbre.
Le public et la presse avaient unanimement couvert l'artiste
d'éloges : ce fut tout, pour le moment du moins ; mais une occasion
allait se présenter qui permit à un homme intelligent de réparer
cet injuste oubli.
En arrivant au pouvoir, un des premiers actes de M. Thiers avait
été de faire achever à Paris un certain nombre de travaux inter-
rompus. Parmi eux l'Arc de triomphe, érigé au milieu de la place
de l'Etoile, semblait depuis de longues années comme oublié, envi-
ronné de toutes parts d'échafaudages déserts; construction menaçant
de devenir une ruine avant d'avoir été un monument.
On décida l'achèvement de ce colosse ; deux des quatre trophées
furent commandés, l'un à Rude, l'autre à Cortot, le troisième fut
donné à Etex. Ce fut lui, le plus jeune des trois artistes (il n'avait
alors que vingt-six ans), qui trouva moyen, sans cependant suivre
le programme tracé, d'imposer ses idées, qui séduisirent tellement
le ministre que le (|uatrième emplacement à décorer lui fut attri-
bué. Il est intéressant de reproduire telle qu'elle fut rédigée par
M. Thiers, en 1835, la liste des sujets à traiter par les artistes.
1792. Le Départ des armées (la Marseillaise de Rude). — 1806.
L'époque triomphale, la Conquête (haut relief de Cortol). — 1814f.
Le Malheurj la Résistance opiniâtre. — 1815. La Paix (ces
deux derniers par Etex).
— 10 —
La première œuvre d'Etex, qui affirmait magistralement la puis-
sance de son talent, avait éveillé bien des jalousies, fait bien des
envieux. La commande des trophées de TArcde triomphe déchaîna
contre lui et l'Institut et l'Ecole, les maîtres et les élèves; ce
n'étaient plus seulement des envieux, c'étaient des ennemis; la
guerre lui fut déclarée. Tout fut tenté pour dénigrer l'œuvre nou-
velle et décourager l'artiste. Aussitôt découvertes, les sculptures de
l'Arc de triomphe furent déclarées mauvaises, inacceptables. Il
n'y eût plus désormais qu'une voix pour accueillir par des critiques
acerbes toutes les œuvres, signées Etex, qui parurent aux Salons.
Les limites étroites imposées à celte étude nous forcent à faire
un choix restreint dans l'œuvre de l'éminent artiste; de même que
seules les cimes des arbres les plus élevés d'une forêt lointaine sont
visibles, de même il n'est possible et intéressant de ne distinguer
que les plus saillantes d'entre les productions du fécond et labo-
rieux maître.
Malgré les attaques des uns, l'indifférence simulée des autres,
Etex ne cessa de produire et d'exposer : au Salon de 1837 il en-
voyait une statue de sainte Geneviève; en 1839, le Caïn reparut,
en marbre cette fois, grâce à M. de Montalivet, qui en avait provo-
qué la commande et qui fit envoyer le groupe au Musée de Lyon.
Etex vit, l'année suivante, un modèle qu'il avait envoyé au con-
cours pour l'érection d'un monument au maréchal Fabert, à Metz,
choisi à une grande majorité, malgré toutes les intrigues mises en
œuvre.
La même année et les suivantes sortirent successivement de ses
ateliers une statue de Charlemagne pour la salle des séances de la
Chambre des pairs, au palais du Luxembourg; un groupe placé
plus tard à l'hôpital Lariboisière, La ville de Paris implorant Dieu
pour les victimes du choléra;— le Monument de Vauban à l'église
des Invalides; — celui de Géricault au cimetière du Père-Lachaise;
— une statue de Blanche de Castille pour le Musée de Versailles;
— le Saint Louis de la barrière du Trône; — la statue de Ros-
sini, disparue dans l'incendie de l'Opéra de la rue Le Peletier
en 1873.
Puis successivement il exécuta la statue du général Lecourbe, à
Lons-le-Saunier; le Christ à la colonne, à Saint-Eustache (1856) ;
— 11 —
le Saint Augustin, A la Madeleine. Au Salon de 1859, Xa. Douleur
Maternelle, groupe acheté sur les instances de Mme la princesse
Alathilde et placé à Poitiers, où une autre œuvre du même auteur
commandée plus tard lui fait pendant.
En 1860, il part pour Cognac, où il obtint la commande d'une
statue équestre de François P% qui ne put être inaugurée que
quatre ans après.
Toujours épris de la grande sculpture décorative, il se mit à
exécuter à ses frais un groupe colossal composé de deux figures,
les Naufragés, qui fut exposé en 1867 (Exposition universelle)
et acquis seulement en 1886 et placé au parc de Montsouris.
En 1870-71, au milieu des angoisses que lui causaient les évé-
nements dont no'js gardons tous le souvenir, il eut la satisfaction
de rendre hommage à la mémoire de M, Ingres, en étant chargé
de la commande du monument que Montauban, sa ville natale,
avait décidé de lui élever.
Ne doutant jamais de lui-même, à l'âge de soixante-seize ans,
Etex entreprit de concourir à IVice pour le monument que la mu-nicipalité de celte ville voulait consacrer à Garibaldi. Choisi pre-
mier à l'unanimité, il se mit avec une ardeur juvénile au travail;
la tâche n'était pas au-dessus de ses forces, mais les luttes qu'il eut
à soutenir par suite des mauvaises volontés et des obstacles qui lui
étaient constamment opposés achevèrent de ruiner sa santé, son
énergie devenait impuissante, il ne put mènera bien cette dernière
entreprise. Ses modèles laissés inachevés furent repris, et l'œuvre
interrompue terminée après sa mort par un sculpteur de haute
valeur, G. Deloye, qui, chargé par la famille de remplir les enga-
gements de l'artisle qui n'était plus, sut s'acquitter avec talent et
bonheur de celle tâche difficile et de cette lourde succession.
L'œuvre sculptée d'Etex ne se borne pas aux productions capi-
tales que nous venons d'énuniérer; en dehors des nombreuses
statues dont on trouvera le catalogue d'autre part, il laisse une
quantité de portraits, busles et médaillons d'un art très personnel,
et qui seuls suffiraient à la réputation d'un grand artiste.
Citons au hasard les bustes de Charlet, Cavaignac, Berryer,
le duc d'Orléans, général Chanzy, Alexandre Dumas père, Dela-
croix, Chateaubriand, Judith Gautier, Alphonse Karr, Corot, Liszt,
Mclloni, Lablache. '
— 12 —Bien qu'inférieur comme peinlre, ses tentatives méritent mieux
qu'une simple mention, d'autant qu'il fut le premier de ce siècle à
proclamer la nécessité de l'étude simultanée des trois arts et à
appuyer cette théorie par une pratique personnelle.
Dès l'École des Beaux-Arts, il menait de front l'étude de la
sculpture et celle de la peinture, et même le hasard fit qu'il débuta
dans une exposition publique, non comme sculpteur, mais commepeintre.
Un jour qu'en compagnie d'un camarade, Gérard Séguin, il
terminait une étude de femme nue, arrive Alexandre Dumas, que le
tableau séduit et qui veut absolument l'emporter.
A quelque temps de là, c'était en 1828, étonnement d'Etex, qui
reconnaît au milieu des œuvres de Delacroix, Delaroche, David
d'Angers, Ingres et Pradier, son étude prêtée par l'excellent ro-
mancier, qui voulait ainsi contribuer au succès pécuniaire de cette
exposition, faite pour secourir les Grecs, au moment de la guerre
de l'indépendance.
Pendant son séjour en Italie, l'artiste ne cessa pas ses travaux
simultanés de peinture et de sculpture; il rapporta de Rome des
copies, un tableau, les Médicis, des études, entre autres un portrait
de femme de la campagne de Rome, légué à l'éminent statuaire
Eugène Guillaume. A partir de 1844, presque à chaque Salon, il
expose dans la section de peinture. C'est ainsi qu'on vit de lui un
Martyre de saint Sébastien en 1844, actuellement au Musée de
Rouen ; la Mort du Prolétaire en 1845, donné au Musée de Lyon;
Eurydicef au Musée du Luxembourg; le tableau de la Gloire des
Etats-Unis , immense toile contenant les portraits des hommes
illustres du nouveau monde et de tous ceux qui coopérèrent à l'œu-
vre de son indépendance. Il exposa aussi de nombreux panneaux
décoratifs, des portraits, notamment celui de Chateaubriand en
1847, très intéressant, et le, sien, aujourd'hui placé dans les atti-
ques du Musée de Versailles.
En architecture, les monuments funèbres de la famille Raspail,
du poète Brizeux à Lorient, de la famille Le Harrivel du Rocher,
de M. Schœlcher et d'autres encore, forment une suite intéressante.
De nombreux projets lui sont dus en outre; celui pour la
reconstruction de l'Opéra, un projet d'église consacrée aux Sept
— 13 —
Sacrements, une école de natation, des idées igénieuses ou origi-
nales pour la décoration de certains points de Paris, enfin le projet
du monument de l'Assemblée nationale pour Versailles.
La pointe du graveur ne lui fut pas non plus étrangère : une belle
eau-forte de lui reproduit son œuvre maîtresse, Caïn; puis à
signaler encore une suite extrêmement intéressante de compositions
gravées au trait et destinées à accompagner la traduction en vers
que fit Léon Halévy ' des chefs-d'œuvre des tragiques grecs.
Il se fit même illustrateur, pour chercher à exprimer par le
crayon l'inexprimable Z>^y^;^e Comédie(\n Dante. Malheureusement
ses compositions, faites pour être rendues par la gravure sur bois,
furent dé|)lorablement gravées et aussi mal imprimées; il est vrai
de dire que les procédés étaient encore dans leiir enfance et que
le dessinateur n'avait peut-être pas songé à se préoccuper des res-
sources particulières à cet art de la gravure sur bois, dont on a
appris depuis à tirer un si bon parti.
Etex fut encore écrivain et conférencier. Il publia un Cours de
dessin en 1851, composé d'un volume de texte et d'une suite de
planches litliographiées, travail rempli de précieux enseigne-
ments. Une brochure sur l'Exposition de 1855 (Exposition univer-
selle), une autre sur le Sulon de 1863, des Notices sur David d'An-
gers, Pradier, Ary Scheffer, un volume de Souvenirs^ dix Leçons
sur les trois arts professés dans le grand amphithéâtre de l'Ecole
de médecine en 1860-61, une conférence à l'Athènée sur Gavarni,
d'autres enfin à Nice, où sa santé l'obligeait à se retirer durant
l'hiver pendant les dernières années de sa vie.
II
Malgré l'autorité de son nom et la valeur de ses œuvres, il est
permis de ne pas partager l'opinion de M, Ingres, lorsqu'il con-
seillait à Etex de ne pins faire que de la peinture. Non seulement
l'œuvre sculptée de l'auteur du Caïn est incontestablement supé-
rieure à tout ce qu'il a produit en peinture, mais encore il n'est
' Frère de l'auteur de la Juive.
— 14 —
pas possible de douter que la nature ne l'eût formé pour la carrière
de sculpteur, et non pour celle de peintre, i
On ne trouve, en effets en lui à un assez haut degré ni les quali-
tés d'un coloriste, ni celles d'un dessinateur au point de vue spécial
de l'art du peintr^. Les modelés sont durs, les contours secs, la.
copiposition ne s'éloigne pas sensiblement de celle d'un basrrelief,
et, le pinceau à la main, il ne retrouve pas la belle audace, la fougue
et la touche vigoureuse qu'il imprime à la terre ou au marbre lors-
qu'il manie l'ébauchoir ou le ciseau.
Son Saint Sébastien de Rouen, non plus que son tableau du,
Musée de Lyon, la Mort du Prolétaire, n'est comparable à la
moindre des figv|res dçsideux trophées de l'Arc de triomphe ou
de n'importe q»i,&ll€ statue modelée par lui.
Seules quelques études présentent un intérêt assez grand et
prouvent, malgr<^ les réserves qui précèdent, qu'un homme doué
comme lui ne peut rien faire d'indifférent; le rare mérite de sa
sculpture amène, du reste, forcément à faire des comparaisons par
trop défavorables pour tout ce qui ne possède pas la même valeur.
Par la puissance de l'exécution, ces premières œuvres d'un jeune
homme de vingt-cinq ans rappellent d'assez près la magistrale
ampleur de Pierre Puget; mais leur conception apporte une note,
nouvelle, l'expression par. la composition des groupes, par l'atti-
tude des personnages, par leur physionomie.
Ces qualités n'avaient pas échappé à M. Ingres, qui, avec l'in-
transigeance et l'absolutisme qu'il mettait à exprimer ses théories,
dit à Etex, qui lui montrait son Caïn avant de l'envoyer à l'Expo-
sition : « Tâchez de vous faire commander ce groupe en marbre,
puis, avec l'argent de cette commande, faites un Caïn debout, et
anéantissez ce travail » ; et il ajouta : « Votre groupe est superbe,
personne en ce temps-ci n'est capable de modeler cela; c'est du
beau, du très beau Canova; c'est de la sculpture d'expression;
brisez cela, je vous le répète, mais seulement quand il vous aura
été commandé. » Ce discours ne peint-il pas l'homme?
Etex ajoute ': «M. Ingres, à ce moment-là, me paraissait avoir
perdu la raison. Aujourd'hui, quarante ans après que ce jugement
a été porté, je le comprends mieux, et j'avoue que, la sculpture
* Souvenirs d'un artiste.
— 15 —
étant l'art de la forme par excellence, l'expression y devient un
dangor. Mes tentatives faites depuis dans ce genre ne servent qu'à
donner raison à M. Ingres. »
Oui certes la sculpture est l'art de la forme par excellence ! Mais
est-il interdit d'ajouter à cette forme sans lui nuire? Ne doit-oa lui
faire exprimer autre chose que la seule apparence matérielle?
Michel-Ange, Donatello, ont-ils procédé autrement? Le Julien de
Médicisj par exemple, n'est-il que l'expression de là iorme seule.
^
Les anciens, qui considéraient plus que les modernes la statuaire
suivant la manière de voir de M. Ingres, ne représentaient pas de
la même façon la divinité et l'homme. Que l'on compare une slatue
de Zeus avec celle du gladiateur ou du discobole!
Cette opinion et cet enseignement trop exclusifs ont laissé des
traces dans les œuvres ultérieures d'Etex, et c'est peut-être la rai-
son pour laquelle il s'est trouvé éloigné du mouvement romantique,
qu'il aurait pu et dû diriger avec autant d'autorité que tels autres
artistes de son temps.
Non sans quelque parti pris, les critiques lui reprochèrent, à dif-
férentes reprises, de rester au-dessous de son œuvre de début, de
s'être assagi en un mot ; c'est là un reproche un peu exagéré
peut-être, et que l'on jette volontiers à la tête de tout homme qui
a débuté par un coup de maître. Cette critique, qui n'est pas dénuée
de fondement, n'empêche pas cependant de constater la haute
valeur de ses œuvres qui succédèrent à celles de ses débuts.
Sans contester la part d'influence que des hommes tels que
David d'Angers, Préault, Barye , exercèrent sur les artistes du
milieu de ce siècle, il est hors de doute que le Caïn produisit une
sensation vive et profonde, fit école en un mot; l'impression s'en
retrouve dans les œuvres d'artistes de premier ordre : YUgolin de
Carpeaux, le Paradis perdu de Perrault, et bien d'autres encore;
c'est là un fait indiscutable.
Même dans les œuvres où son talent se sentait moins à Taise, où
sa fougue ne pouvait se donner carrière, on rencontre une note
bien particulière où l'on sent l'influence directe de Pradier,
influence très peu visible au contraire dans ses grandes composi-
tions, dans son œuvre de longue haleine, comme les Trophées de
l'Arc de l'Étoile.
Parmi celles-ci, l'on peut citer : la slatue à'Hélène àc la cour
— 16 —
-du Louvre, si délicatement drapée, la Blanche de Casiille du
Musée de Versailles, la Sainte Geneviève àe Clamecy etc.; ces
statues et quelques autres en petit nombre possèdent même une
^râce élégante, caractère assez rare chez Etex. A part la Léda,
œuvre de débat, Françoise de Rimini^ un bas-relief, et les statues
dont il vient d'être question, il faut reconnaître que la force, la
puissance et la grandeur étaient les qualités maîtresses du sta-
tuaire; des projets de groupes d'une dimension colossale, de fon-
taine monumentale restés malheureusement à l'élat de maquettes
auraient montré combien Etex était doué pour faire grand; la for-
tune contraire ne l'a pas permis.
Dans un genre plus intime, le portrait, Etex sut exceller égale-
ment; ses busles ou médaillons sont d'un art très sincère, d'une
sobriété d'exécution remarquable et d'une ressemblance pénétrante.
Il ne faut pas s'attendre à trouver, en Etex architecte, la haute
personnalité qu'il possédait comme statuaire; dans le domaine rela-
tivement simple de l'architecture destinée à servir d'accompagne-
ment à une œuvre de sculpture, il a certainement trouvé des com-
binaisons ingénieuses ; tout ce qu'on en pourrait dire ne vaudra
jamais la vue du Tombeau de la famille Raspail au cimetière du
Père-Lachaise, le soubassement de la statue de François I" à Co-
gnac; la recherche des profils, le calcul juste des proportions, la
sobriété, l'ampleur de la niasse prouvent, en dehors d'un senti-
ment spécial, l'étude éclairée de tout un ordre de connaissances
jusque-là trop ignorées par les artistes de notre siècle.
Ses tentatives dans le domaine plus complexe de l'architecture
proprement dite paraissent avoir été moins heureuses. Nous avons
déjà cité ses principaux projets; celui de l'Opéra est de beaucoup le
plus important et aussi le plus intéressant à tous les points de vue.
Il faut convenir que comme aspect décoratif, surtout pour la
partie inférieure, l'impression n'est pas séduisante, les grandes
lignes droites limitent de toute part la base de l'édifice, base écrasée
et sans reliefs, des baies également distantes, toutes semblables, rec-
tilignes ou bien, suivant l'étage, se terminant en haut par des arcs
en anses de panier, font un peu songer à des constructions improvi-
sées en bois découpé. Cette critique faite, constatons une heureuse
idée, bien dans les données de l'architecture et du reste employée
— 17 —
depuis, notamment à l'Opéra de Paris : nous voulons parler de
l'indication très claire à l'extérieur des divisions intérieures de l'édi-
fice. Un immense vaisseau surmonté d'un fronton révèle clairement
l'emplacement et la destination de la scène, isolée ainsi presque en-
tièrement du reste de l'édifice. En avant, une rotonde : c'est la salle.
Enfin, au-dessus du vestibule, au premier étage de la façade, le
foyer et une loggia.
Mais laissons à des critiques plus compétents le soin de discuter
le plan, qui n'est pas à l'abri de toute critique, mais qui présente
des qualités fort remarquables. Ces qualités impressionnèrent telle-
ment, que l'administrateur de l'Opéra, voyant le projet, dit à
Etex : ft On va se moquer de votre projet de théâtre. Cependant,
avant vingt ans, les salles de spectacle seront toutes construites
sur votre modèle exposé celle année' iî , et il ajouta que, pour
la rédaction du programme au second degré, il prendrait trois
choses capitales dans ce projet. Les trois grandes divisions : salle,
scène et vestibule, puis l'isolement de la scène par un mur exté-
rieur ".
C'était là, si l'on veut, un succès, mais un succès anonyme.
Un homme aussi heureusement doué, possédant l'amour de l'Art,
d'imagination vive et passionné pour tout ce qui était production
de là pensée, ne pouvait qu'exprimer avec bonheur ses idées lors-
qu'il lui arrivait d'écrire sur l'Art, soit pour l'enseigner, soit pour
faire œuvre de critique.
Il savait au besoin, puisant dans ses nombreux souvenirs, racon-
ter gaiement les intéressants épisodes de sa longue existence.
C'est ainsi qu'étant à Rome devant l'œuvre écrasante de Michel-
Ange à la chapelle Sixtine, « il y avait près de moi, raconta-t-il, un« bon vieillard, qui était le pape Grégoire XVI. Un familier du
« Saint-Père me dit qu'il avait eu, à quelques jours de là, unett singulière affection. Ce digne Pape, il faut l'avouer, joignait aux.
tt nombreuses vertus qu'on lui connaissait un seul petit défaut; il
tt aimait, disait-on, un peu trop le bon vin.
tt Lorsqu'il fit cette dernière maladie, son médecin lui avait
« conseillé de mêler son vin. Le Pape avait obéi à la prescrip-
' Souvenirs d'im artiste.
* Note manuscrite.
r- 18 —a tion, il avait mêlé son. vin, mischiato, et son nez rougissait
« toujours. Sa face était violette et enflammée outre mesure, le
u mal empirait. Le pauvre docteur n'y pouvait rien comprendre.
xt Enfin, poussé à bout de sa science, il questionna son malade et
« lui demanda comment il mêlait son vin.,
vi
.
— Col vino Francese, avec du vin de France, du vin de
Champagne, dit le malade.
,1 — Oh ! je ne m'étonne plus, dit le docteur; je voulais dire
coU'aqua, avec de l'eau, iS'«w^o Padre., _ [
. — Oh! che peccato! fit Grégoire XVI. Era tanto hono cosû,
C'était si bon ainsi ! » ;,
.
, :
Autre part il raconte qu'en 1830, pendantla révolution, on avait
chargé les artistes, presque tons de la garde nationale, de veiller à
la conservation des galeries du Louvre; ils étaient installés, qui dans
les salles de peinture, qui dans celles de sculpture. Au moment où
les gardes chargés de relever le poste entraient dans le grand salon
carré, on entendit un grand bruit de voix dans la galerie du bord
de l'eau; on trouva MM. Ingres et Paulin Guérin qui, à la suite
d'une discussion sur Raphaël, en étaient arrivés au paroxysme de la
fureur, u Paulin Guérin, grand et fort, ne parlait plus, il aboyait
«horriblement; M. Ingres, rond et petit,, écumait de rage,
tt Heureusement ils avaient déposé leurs armes à la place où on
«les avait mis en faction, M. Ingres son grand sabre, et Paulin
« Guérin son fusil de munition. »
Les Souvenirs d'un artiste, auxquels sont empruntées ces anec-
dotes, sont une sorte d'autobiographie publiée vers 1876, d'une
Jecture intéressante malgré un peu de confusion; les ouvrages de
ce genre gagneraient à être publiés sous forme de notes écrites
sous l'impression des faits et seulement classés par ordre de
date. Les souvenirs sont souvent des mémoires écrits dix, vingt,
trente ans après les événements, ce qui, malgré toute la bonne
volonté et forcément même, en dépit de la sincérité de l'auteur,
leur retire leur plus grande qualité, l'exactitude absolue de
l'impression au moment où elle s'est produite.
Les autres écrits d'Etex sont tous consacrés soit à l'enseigne-
ment, soit à la critique; les principes de dessin que contient son
cours élémentaire sont ceux professés actuellement; l'un des pre-
— 19 —
miers il réagit coulre la métlioile à. la mode il, y a citupianle ans,
qui consistait à employertoiite l'application, toute la bonne volonté
de l'élève à copier des hachures savantes et inutiles : n Je le
I répète, dit-il, je le répète avec intention, craxjonner n'est pas" dessiner, et ceux qui enseignent aujourd'hui apprennent plutôt
tt à crayonner qu'ils n'apprennent à dessiner T CeïheHe& hachures,
« ces beaux estonipages, où tant de temps est sacrifié, n'apprennent
«rien aux élèves. On exige des commençants une main habile,
« exercée, comme celle d'un homme qui aurait vingt ans de pra-
« tique dans l'art : erreur! mensonge! sottise tout à la fois qui
« découragent les élèves en les faisant douter d'eux-mêmes ! On• « leur demande l'impossible : le résultat que donne seule la pra-
tt tique avant d'avoir pratiqué! Après avoir parfaitement.trouvé
a vôtre dessin général, que cliaque coup de crayon soit l'expression
tt d'une forme, que chaque hachure aide au modelé, l'explique ;
a voilà la belle, la vraie manière de dessiner à l'exemple du dessin
tt des maîtres. C'est dessiner comme eux dans le sens perspectif,
II c'est le vrai dessin, le dessin exact, le dessin intelligent! «
: . Et plus loin : «Au lieu de laisser épouvanter vos enfants par
«les pédants, montrez-leur dans l'art ce qu'ils voient dans la
« nature; elle leur ouvre les bras, les appelle, leur sourit; qu'ils
« suivent l'impulsion de leur cœur; tout modèle qui ne leur dira
« pas : « Venez à moi, je suis facile » , doit être rejeté par eux
«comme un poison dangereux. «,
« La chose principale est d'apprendre à voir juste, et l'on
« n'apprend à voir juste qu'en exerçant son œil à la rectitude. Le
« sentiment ne s'apprend pas, mais il se développe considérable-
« ment par l'exemple; nous ne saurions trop répéter aux élèves de
« ne voir que les chefs-d'œuvre des plus grands maîtres dès le
«commencement, de ne voir que des , ouvrages véritablement
« beaux et reconnus pour tels depuis des siècles. »
Voilà un noble langage, digne de l'artiste qui le tient ; ses conseils
sont écoutés de noç jours, en partie du moins : un jour viendra où
ces principes seront rais en pratique partout.
C'est avec la même chaleur qn'Etcx, dans chacune de ses bro-
chures, à chacune de ses conférences, par la plume et la parole,
combat pour la cause qu'il défend; souvent, c'est avec un senti-
ment d'amertume et de tristesse qu'il cherche à lutter contre
— 20 —
les injustices dont il avait souffert et dont il avait vu souffrir.
Quelques lignes sur M. Ingres indiquent bien que, malgré son
affection pour son art, il n*était pas sans juger d'une façon très pré-
cise ses qualités et ses défauts : « M. Ingres est fragmentaire, plus
tt analytique que synthétique, plus raisonneur sensible par certains
« côtés des formes dans l'art que passionné pour ce qui bat dans
«le cœur de l'homme, sans drame réel en un mot; sculpteur-
t. peitître plutôt que peintre, sculpteur et architecte; rageur de
u détail, piétinant en femme sur la tombe de son ennemi mort,
u mais incapabje de se tenir en face de cet ennemi armé de toutes
« pièces pour résister à ses coups, aimant mieux qu'un autre se
u charge de la besogne, et cela sans manquer de courage toute-
« fois. » {Revue de l'Eapposition universelle de 1855.)
Tantôt, c'est une lettre indignée qu'il imprime et fait distri-
ùer ; on venait de refuser les tableaux de Delacroix et les sculp-
tures de Barye au Salon : « Quelle confiance peut-on avoir en des
f juges assez aveugles pour préférer à une toile de Delacroix tant
i< de peintures de toutes espèces, et aux animaux de Barye les figures
u insignifiantes que nous voyons dans les salles de la sculpture? »
Tantôt, faisant allusion au retentissant succès d'une artiste
célèbre, surtout à cette époque, il écrit des pages pleines de bon
sens au sujet des prétentions de certaines femmes qui, abandou-
nantle rôleque la nature leuraassigné, prétendentfaire àriiomme,
dans le domaine des arts, des sciences ou des lettres, une concur-
rence déplacée. C'est une réponse toute faite aux revendications
actuelles, aux théories d'égalité mal comprises que la presse
accueille de temps à autre et qui exaspéraient le vieil artiste. Ce
passage est trop d'actualité pour ne pas être cité; le voici :
« ...Les femmes aussi veulent avoir leur part du budget.
a Pauvres femmes ! ... Il n'y a pas de lois, de barrière, qui puis-
« sent préserver le saint foyer de la famille de cette maladie, de
« cette peste, de cette infection, qui enlève une fille à sa mère, une
tt épouse à son mari, une mère à ses enfants...
«Heureusement l'humanité, dans le bon sens, laisse encore
« assez de femmes saines de cœur et d'esprit pour nous conserver
tt des filles, des épouses et des mères. Celles-là, au moins, les
« braves, comprennent admirablement que les centauresses sont
« des monstres, et que toute femme qui, par un sot orgueil, une
— 21 —
« folle vanité, ne reste pas dans sa sphère, dans les plus pures,
tt les plus nobles attributions de son sexe, bouleverse la nature
a et manque à sa mission providentielle.
« Au surplus, pour calmer l'excitation cérébrale de ces dames
tt avant qu'elles s'engagent dans un labyrinthe sans issue, prions-
« les de chercher dans les galeries des anciens, puis dans celles
« des modernes, quelles sont les œuvres de femmes qui puissent
u lutter avantageusement avec les ouvrages des hommes, (|ui res-
« tent pleins de vigueur devant l'épreuve du temps. Quelle femme
« pourra jamais soutenir une de ses œuvres à côté des sculptures
'i de Phidias, des peintures de Michel-Ange, du Giorgion, de
« Léonard de Vinci, de Titien ? Pour en finir à jamais avec cette
it cause jugée par la sagesse des nations, prenez les gros chevaux
« de votre héroïne, et mettez à côté un simple croquis de Géri-
tt cault, et vous me direz si consciencieusement il est raisonnable
« d'user tant d'efforts pour arriver à un aussi faible résultat. On
tt me répondra avec une apparence de raison : « C'est beaucoup
(t mieux que ce que font beaucoup d'hommes. » Cela peut être
a vrai; mais au point de vue où nous avons compris le sacerdoce
K de l'Art, ce détail est insignifiant pour nous, qui voudrions voir
« anéantir tout ce qui n'est pas considéré comme une belle chose,
il un chef-d'œuvre, par le jugement infaillible de la postérité,
« s'ensuit-il que nous devions interdire aux femmes l'exercice de
te leur intelligence par les beaux-arts ? Au contraire, nous voudrions
« que toutes les femmes fussent en état d'apprendre à dessiner à
« leurs enfants.
«Cela semble paradoxal, et l'on trouve tout naturel qu'une
«jeune personne abandonne sa mère pour suivre des leçons de
" peinture dans un atelier où se trouvent réunies vingt femmes
« sorties de je ne sais où, et où il y a des modèles des deux sexes,
« sans compter le professeur et son influence; ou bien qu'elle étale
« ses grâces devant un chevalet, qu'elle monte sur un marchepied
« dans une galerie publique.
« Les danseuses ont au moins la rampe, toute la largeur de l'or-
« cheslre, pour les garantir d'impudiques regards ;mais les pein-
es tresses!... et les sculpleuses donc!... Comme ça va bien à leur
« sexe chaste et timide de fouiller dans la forme, d'enlever la
a peau et les muscles pour chercher la place des os ; de manier la
" niasse, le lourd marteau du sculpteur, de tenird'une main ferme
« nn gros ébauclioir, un énorme ciseau, ou bien de se barbouiller
a de terre glaise ! C'est encore moins coupable, me direz-vous, que
" d'empoisonner son enfant, à peine formé dans son sein, par
il l'odeur des couleurs. Et voilà les sacrifices que l'on encourage,
< sans parler des malheureuses qui font de mauvais livres, de mau-
« vaises pièces de théâtre et de mauvais romans, qui montent à
a cheval et qui jurent en fumant.
« J'aime mieux la simple femme qui, dans sa candeur, dans sa
ti haute raison, sa vertueuse sagesse, trouve que pour elle il n'y a
.1 rien de plus noble, de plus haut, de plus grand que d'être en
« commençant une excellente fille pour tous ceux qui l'entourent,
< la joie du père et de la mère, puis l'épouse, enfin la mère
il adorée, vénérée, le centre affectueux, l'ange protecteur du foyer
i domestique qui s'éteint au son des voix reconnaissantes des
« enfants qui la pleurent. Ces femmes-là auront du moins le droit
« de demander à la société des fils et des filles dignes d'elles-
-mêmes. Mais, ôvous ! femmes extravagantes d'orgueil, folles de
: vanité, dites-moi ce que sont devenus vos fils, et oii sont vos
£1 filles, w
« Etex, vous êtes un brave cœur, lui disait l'excellent Charlet
< avec son ton gouailleur, et vous mourrez à l'hôpital. « De fait,
après avoir durant plus de soixante ans travaillé sans relâche, il
ne laissa qu'une très petite fortune dont il vivait modestement avec
celle qui, durant cinquante-cinq ans, avait partagé une existence
agitée sans doute, mais bien remplie.
Etait-ce une conséquence de l'enseignement reçu à l'atelier
Ingres? Son esprit large et éclectique, qui confondait en une mêmeadmiration les chefs-d'œuvre de Raphaël et ceux de Rembrandt,
le suave mysticisme de Fra Angelico et la furia de Rubens, fut tou-
jours rebelle à la compréhension des beautés de notre art natio
liai, si Original, si grand et si varié. Tout jeune encore, il osait
parler à l'auteur à^OEdipe des peintres réprouvés par lui, tels
Rubens et Delacroix. Ingres finit par lui répondre un jour, à pro-
pos de l'un de ces deux maîtres : « Eh bien, oui c'est beau, mais
ci surtout ne répétez à personne ce que je viens de vous dire. 5)
Cependant, Etex, qui admirait tant les primitifs italiens et flamands,
ne voulut jamais admettre que l'art gothique fût un art; malgré
—- 23 ~ses séductions et ses enchantements, il ne trouvait dans l'admirable
audace de ses architectes que des tours de forcé inutiles, et dans
le style naïf de ses sculpteurs que maniérisme et gaucherie.
Ecoutez ce qu'il écrit à propos de Notre-Dame de Paris : « Eua présence de cette masse noire, flanquée de ces deux grandes
« tours féodales criblées de trous et comme sculptées au hasard
K par une artillerie formidable,, je me demande : Esl-il donc vrai
« que cela soit beau ? Alors je tourne autour de l'édifice. SI la
• 't façade m'a déplu, les côtés me déplaisent bien davantage encore :
« je ne puis comprendre comment, pourquoi, cette œuvre barbare
" a pu trouver tant d'admirateurs ! J'entre, et mille détails confus,
« maniérés, mal raisonnes : des femmes dont les mains cassées
« dans leurs attaches crispent l'artiste qui les regarde, des mons-
<i très, des chardons, des gargouilles, toute cette horde grotesque
« me fait la grimace; tout cela est baroque, tout cela grouille et,
« comme un charivari carnavalesque, fait un vacarme infernal aux
«oreilles de la pure et chaste harmonie. i
« Des lignes se heurtent, des formes les plus bizarres, les plus
« disparates se brisent entre elles et se tordent comme les membrestt des malheureux jetés dans le lac de poix bouillante de l'Enfer
it de Dante. Et c'est au milieu de ces choses épouvantables, de ces
« horreurs souvent indécentes, qu'enfants on nous apprend à prier
:«Dieu; ce Dieu si bon, nous dit-on, si plein de mansuétude et
«d'amour. » Son jugement ne varie pas; qu'il s'agisse de Notre-
Dame de Paris, de Saint-Ouen ou de Saint-Maclou de Rouen, de
Notre-Dame de Chartres ou d'Amiens, aucun monument ne trouve
grâce devant lui s'il est postérieur à la fin du douzième siècle ou
antérieur au seizième. Ce n'est pas un parti pris, cela ressemble à
une obsession.
III
Détaille moyenne, le front haut, les yeux d'une vivacité singu-
lière, la volonté empreinte sur chacun de ses traits, tout en la
personne d'Étex montrait qu'on se trouvait en face de quelqu'un.
On a pu lui reprocher d'avoir un caractère difficile, une fran-
chise brutale, exagération d'une qualité, et quelques animosités
— 24 —
aussi sincères que certains de ses griefs étaient fondés. Son carac-^
tère fougueux s'était lentement aigri ; il avait conscience de sa
valeur et voyait les médiocres triompher; il s'était vu, en raison de
sa supériorité, mettre à l'écart presque à partir de ses débuts; son
succès lui avait créé deux sortes d'ennemis : ses camarades jaloux
de son triomphe, et ses aînés qui assistaient avec appréhension à
l'avènement d'un rival dangereux.
Aussi, toutes les fois qu'il en trouvait l'occasion, arguait-il de la
légitime défense et usait-il de ce droit. Il avait conservé cepen-
dant des amis bons et sûrs, Charlet entre autres, qui, dans une lettre
datée del8M, appréciait ainsi son caractère... « Vous avez à mes
K yeux et dans ma conscience et mon sentiment profond, bien
K intime, bien indépendant, fait une des plus belles choses de la
« sculpture moderne; votre Caïn est, à mon avis, une de vos meil-
« leures productions; il y a du cœur et de l'âme,, mais je ne dois
« pas exiger que vous soyez autrement que votre nature le veut,
K vous avez les lignes du rageur, vous êtes l'homme à la boutade
« comme à l'élan généreux, tout cela est écrit dans votre structure
a et les lignes de votre face, et je m'y connais. » C'était bien là la
vérité ; la dominante morale d'Etex était la générosité et le cœur,
et son pire ennemi lui eût tendu la main qu'il l'eût acceptée sans
arrière-pensée.
Les jugements portés sur lui par ses amis ne différaient guère;
voici des fragments de lettres : le premier de la grosse écriture de
Dupont de l'Eure en 1835, où le célèbre homme politique montre
en même temps des sentiments très flatteurs à l'endroit de celui
qui les faisait naître, et donne carrière à son esprit caustique;
le second, du vieux peintre Granet, qui contient un jugement con-
forme à ce qui vient d'être dit : « ...Vous savez que je ne suis pas
« très empressé d'assisjer à l'ouverture de la session législative, dit
« Dupont de l'Eure, et que je suis homme à ne me rendre à la
(c Chambre que le plus tard possible. Pourtant, si quelque chose
K peut me consoler des dégoûts que j'y éprouverai, c'est le plaisir
K de révoir quelques amis, parmi lesquels je prends la liberté
« de vous compter, et d'assister aux aimables soirées de là rue de
«l'Ouest, soirées que je préfère beaucoup aux bruyantes assem-
tt blées du Palais-Bourbon.
« Je voudrais bien que vous pussiez demander à M. Thiers ce
« qu'il pense de la brochure de M. Capefigue, si impertinente pour
« lui, surtout si l'auteur a été inspiré par MM. Guizot et de Broglie.
« Le petit ministre, quelle que soit sa suffisance, doit se sentir bien
" humilié du rôle qu'on lui a fait jouer et qu'on lui reproche avec
Il mépris. Il faut être descendu bien bas poiir garder le pouvoir à
>< ce prix! et quel pauvre rhéteur que celui qui n'a que de vaines
't paroles à opposer à d'aussi accablantes accusations!
« Adieu, Monsieur, portez-vous bien et vivez heureux et indé-
« pendant dans votre atelier et au milieu de vos amis; cela vaut
« mieux que d'être député et même ministre. »
Celle de Granet est à peu près de la même époque; la voici :
« Bon voisin, je vous remercie de votre souvenir, votre petite
a lettre m'a confirmé que vous êtes un homme de cœur, l'on est
('. bien heureux d'en rencontrer dans le siècle où nous vivons,
il gardez bien précieusement cette rare qualité. Du talent et du
u cœur, voilà, mes amis, voilà ceux que j'aime et avec qui je
^i désire passer le reste de ma vie. Toute autre réunion n'a plus
c de charme pour moi. Causer simplement de notre bel art avec
tt des hommes tels que vous, voilà la seule chose qui peut me dis-
« traire de tous mes malheurs... »
Ses relations avec d'autres de ses confrères étaient moins cor-
diales; en 1855, David d'Angers et Pradier lui ayant conseillé de se
présenter à l'Institut, il alla trouver un sculpteur que nous ne
nommerons pas, pour lui demander sa voix, suivant l'usage. Il
croyait trouver un camarade, et voici la réponse qu'il obtint: «Nous
ne sommes pas républicains à l'Institut. Puis j'ai mes élèves. «
Cette tentative le guérit à jamais de l'envie de faire partie de
l'Académie des Beaux-Arts,
« Le courageux et infatigable Etex » ,pour employer une expres-
sion de David d'Angers, continuait malgré tout à enfanter des
œuvres; mais il était capable par sa belle indépendance de compro-
mettre avec une vérité dite un peu haut les avantages acquis en
une année de travail assidu. En 1834, invité à un bal à l'Hôtel de
ville, AI. de Montalivet, qui s'intéressa toujours beaucoup à lui, le
présenta au duc d'Orléans comme le futur auteur de son buste,
dont on n'avait pu encore lui faire accepter la commande.
Sincèrement il répondit qu'en effet on lui avait proposé ce tra-
vail, mais qu'il n'avait pas accepté. " Pourquoi? ^ répondit le
— 26 —
prince surpris et peu habitué à une pareille franchise. « Parce
que les princes né posent pas. Ensuite, pour uti ai-tiste, des séances
ailleurs qu'à son atelier, des allées et venues, des difficultés sans
nombre, l'empêchent de faire un bon travail. C'est pourquoi j'ai
refusé cet honneur. » Mais, répondit le prince, «je vous promets de
poser, et je vous donnerai tout le temps qui vous sera nécessaire
pour faire uri bon travail. Dites-moi votre jour, votre heure, et je
serai à votre atelier. »
Ayant dans la Suite désire faire le buste de Berryer, il s'en alla à
Angerville travailler dans des conditions qu'il n'acceptait pas aux
Tuileries; non qu'il eût changé d'avis : il trouvait tout naturel de
faire par déférence pour lïn grand talent ce qu'il refusait à l'éti-
<{uette de la cour.
« Vous voulez bien, écrivait le grand orateur, ajouter un grand
<i honneur à celui qu'on accorde à ma vieillesse. Me voici devenu
^i cependant un sujet peu digne de votre talent; mais comment
i^ me refuserais-jé à la proposition qiie vous voulez bien me faire...
«je suis charmé de vous recevoir; votre vie, cloîtrée comme vous
^i le dites, ne m'a pas privé de connaître vos ouvrages, et j'ai
a. désiré une occasion de vous rencontrer. Les quelques jours que
« vous voulez bien passer ici me laisseront un excellent souvenir
<t et les libres allures de la causerie au coin du feu vous feront
-.(découvrir pour ma vieille tête une attitude moins compassée
^' que celle d'un homme qui pose dans un atelier... »
Malgré la cordialité de ses rapports avec la famille royale, Etex
ne se sentait pas taillé pour remplir d'une façon quelconque le rôle
<le courtisan ; on voit par ce qui précède qu'il s'en serait mal acquitté.
A un dîner auquel il assistait à Compiègne, il fait la remarque
•suivante : « Au dîner, le duc d'Orléans était en uniforme de général,
-i< le duc de Nemours en colonel de lanciers. 11 y avait parmi les
o( invités des militaires à moustaches blanches, de vieux généraux.
« Je ne puis cacher la pénible impression que je ressentis en
it voyant ces vieux grognards s'aplatir devant ces tout jeunes gens,
it dont l'aîné n'avait pas vingt ans et le plus jeune seize ou dix-
« sept au plus, jj
Il avait joué un rôle dans la révolution de 1830 : il fut du
î^ombre de ceux à qui celle de 1848 avait fait concevoir les plus
prestigieux espoirs; dès le début des événements de Février, il
— 27 —
abandonna tout pour se consacrer à la cause'de Vordre et delà
liberté, comme on disait en ce temps; mais, malgré ses espoirs,
il avait déjà l'expérience de ce qui s'était passé en juillet 1830 :
«J'étais inquiet, car bien que j'aie toute ma vie marché avec les plus
avancés, j'ai plutôt été un évolulionnaire qu'un révolutionnaire,
plutôt un constructeur qu'un démolisseur. 5) L'histoire de cette
époque de sa vie serait trop longue. Candidat à la députation sur
le conseil de Crémieux, il échoua avec 23,000 suffrages ; il en
aurait eu besoin de 100,000 pour posséder la majorité. C'était un
échec de plus dans sa carrière, et non le plus regrettable; eùt-il
même eu l'occasion de faire servir sa bonne volonté au bien public,
son rôle élait bien plus utile dans le recueillement de son atelier,
au milieu de ses travaux habituels. C'est ce que les événements lui
firent comprendre; s'étant pris d'amitié pour le général Cavaignac,
qu'il avait eu l'occasion de voir de près, il voulut par considération
pour son caractère laisser son buste à la postérité. Le général lui
répondit avec humour : « Il n'y a pas trop à se fâcher contre les
gens qui nous reprochent de rester les mêmes. C'est un bon
défaut. — Quant à la postérité dont vous parlez, je vois que vous
affrontez résolument le grenier où le modèle (entraînera son peintre.
Va donc pour le marbre, mais il est bien convenu que vous en
testerez possesseur, -d
N'ayant jamais appris à dissimuler ni sa pensée, ni ses senti-
ments, à cause de ses idées libérales, de ses relations avec les per-
sonnalités les plus avancées du parti, ses amis eurent à craindre
plusieurs fois qu'il ne fût inquiété; dans sa correspondance, il
existe encore une carte que M. Hippolyle Carnot déposa chez lui et
où il écrivit au crayon : « Serait-i! vrai, comme on le dit, que vous
avez reçu un ordre d'exil? J'espère qu'il n'en est rien. «
Ses affaires l'avaient appelé à Londres, où, à bout de ressources,
•il avait tenté une vente publique qui ne réussit pas.
Il se trouva amené à fréquenter les réfugiés politiques, singu-
lier milieu, si l'on en croit les notes qu'il a laissées sur sa vie.
a Quand je me trouvais avec l'un d'eux, il me disait de l'autre :
K Défiez-vous d'un tel, c'est un mouchard •>-, et ainsi de tous, n A son
retour, un ami qu'il avait vu au ministère lui disait : « Si vous
saviez dans quel nid de vipères vous vivez quand ^vous êtes à
Londres! Je viens de lire tout ce que vous avez fait et dit depuis
— 28 —
rôtre départ de Paris. Si vous lisiez les noms, es signatures, vous^
seriez bien étonné. »
C'est à cette époque qu'Étex fit le buste de Proudhon, à qui il;
adressait une lettre dont voici la copie; elle montre quelles ilIu.T
sionS il nourrissait alors :;
tt Citoyen, je suis heureux et fier de m'associer à votre œuvre
« régénératrice. Propriétaire et père de famille, je ne serai pas
" «uspect en vous apportant ma part de dévouement, mon nomu pur de toute souillure. Oui, je le soutiens avec vous, toute pro-
« priété qui n'est pas le fruit du travail de celui qui la possède est
« un vol fait à la société.
,« 93 a détruit l'orgueilleuse noblesse, 1830 a été escamoté par
tt Louis-Philippe au profit des intrigants; 184:8 détrônera à
«jamais, je l'espère, la honteuse influence de l'argent,
i « Nos filles à marier ne seront plus cotées comme les actions
:t'- des. chemina de fer à la Bourse. Dieu soit loué! Salut et frater-
« nité.
-, K Etex. »
. Cette lettre eut pour résultat de le faire poursuivre ; il se défendit
lui-même et fut acquitté à une vojx de majorité.
11 avait entrepris le buste de Proudhon, qui, exposé en Angle-
terre, produisit un effet auquel son auteur ne s'attendait pas : un
lord Anglais lui fit des propositions d'achat, pour avoir le plaisir
de le briser. Du reste, le modèle lui-même ne prenait pas grand
plaisir à contempler son effigie, car voici un extrait d'une lettre
qu'il écrivait en janvier 1851 de la Conciergerie, où il venait d'êtr^
interné :
tt Que faites- vous vous-même? où êtes-vous? après avoir fait de
«la grande sculpture et vous être essayé dans la peinture révo-
it lutionnaire, vous voilà devenu professeur de dessin et auteur.
« Ou vous arrôlerez-vous? Quels sont vos plans? avez-vous envoyé
"quelque chose d'important à l'Ejtposition? J'entends dire que
«vous n'avez pas craint, d'y étaler mon ingrate figure, ce qui
« attire à l'original, dont l'amour-propre s'en rit, et à l'artiste,
« qui n'en peut mais^ force critiques désobligeantes. Mon cher
« sculpteur, ce n'est pas le tout de savoir pétrir l'argile et tailler
-.tt le marbre : il faut encore, vous le voyez, choisir drs sujets qui
— 29 —a soient agréables au public. Le président de la République n'est
«pas plus beau que moi, ce qui veut dire qu'il est fort laid .:
a envoyez son buste à l'Exposition, je suis sûr qu'il trouvera des
« admirateurs. Depuis huit jours le troupeau a dû s'en multiplier
" prodigieusement. Le National même n'a pu lui refuser le tribut
«de son admiration. Mon cher Etex, vous avez assez soufl'ert
a comme cela de ma rencontre dans le monde; faites-moi le
« plaisir d'aller prendre ce maudit plaire, que je vous deman-
tt derai quelque jour, si, jamais rendu à la liberté, je puis con-
'< quérir pour moi et les miens, par mon travail, un peu d'aisance
tt et récompenser votre zèle pour ma renommée. Otez-le de là,
tt vous dis-je : sinon, je vous en préviens, je sollicite une permis-
tt sion de sortie, et j'irai moi-même gratter avec mon couteau nez,
« œil, bouche, front, tout ce qui enfin pourra me faire recon-
« naître, jusqu'au nom et au numéro. Donnez, je vous prie, à ma« modestie ou, si vous aimez mieux, à ma captivité, à qui la
« modestie seule peut convenir, cette petite satisfaction. Vous
:t obligerez essentiellement celui qui, à l'estime la plus sincère,
« joint la sympathie et la reconnaissance la plus vive.
a P.-J. PrOUDHON. n
Bien qu'un peu longue, cette lettre méritait à plusieurs titres de
prendre place ici ; elle montre sous un aspect plaisant et presque
enjoué le célèbre publiciste dont le buste n'a pas été détruit : un
exemplaire en marbre existe encore; il est en la possession de la
famille du statuaire.
L'Empereur n'ignorait paslessentiments très républicains d'Etex5
malgré le rôle qu'il avait joué, et un peu malgré lui, il le fit inviter
à venir le trouver au palais de Saint-Cloud, le chargea de la défense
des intérêts menacés des artistes français exposants à New-York,
en 18.55. Etex effectua le voyage d'Amérique; ses négociations
furent couronnées de succès, mais il rapporta une désillusion de
plus : la république des États-Unis n'était pas la république
modèle qu'il espérait voir. Comme il faisait part de cette impres-
sion peu favorable à i\I. Chevreul, qui lui demandait son avis sur ce
qu'ilavaitvu, l'illustre vieillard dit : «C'estbien cela, c'est l'impres-
sion que Volney m'a rapportée dans le temps à son retour d'Amé-
rique. »
-^ 30 —
Etex était tout préparé pour devenir un adepte des systèmçïs
philosophiques qui eurent tant de vogue au milieu du siècle. En
relations suivies avec Enfantin et les saint-simoniens, après 1848
il crut à l'avenir du culte de l'humaiiité, la nouvelle philosophie
positiviste imaginée par Auguste Comte, esprit fort savant et fort
éclairé; quelque temps ilcompta parmi les plus fidèles disciples
du maître; un jour vint où avec amertume il constata encore une
fois que là n'était pas l'avenir. « Je m'aperçus que, mis à l'épreuve
" dans plusieurs circonstances décisives, les amis de l'humanité,
tt dont la devise capitale était de vivre pour autrui, s'occupaient
« de vivre beaucoup pour eux-mêmes, y compris le maître. Aussi,
a après avoir laissé de ma laine après ce nouveau buisson, j'écrivis
ft à Auguste Comte que sa religion sans Dieu nie paraissait impos-
« sible, mais que je lui serais toujours reconnaissant de m'avoir
« mis scientifiquement sur la route du progrès par l'ordre dans
ce l'humanité. » ^
Plus tard, au moment de son troisième voyage en Italie (1862),
séduit autant par la fine et sereine bonhomie du pape Pie IX que
frappé du mérite de ceux qui l'entouraient, il se reprit à penser
qu'en fait de croyances, l'Evangile et le christianisme étaient
l'expression la plus haute, la plus vraie et la plus humaine de la
philosophie et de la morale..
Ce retour aux croyances de son enfance était dû en partie, il faut
le constater, au violent polémiste Louis Veuillot, qu'il connais-
sait depuis longtemps, avec lequel il séjourna quelque temps à
Rome et qui faisait le plus grand cas de lui, ainsi que le prouve cet
extrait d'une de ses lettres : « ...Je m'embarquerai le premier
« lundi de mai. Impossible d'être prêt plus tôt. D'ici là vous aurez
" vu tout ce que vous voulez revoir; vous préparerez ainsi la leçon
« que vous nie donnerez. Quelle fête de vous entendre expliquer
tt ces merveilles et de prier le bon Dieu pour se remettre qn haleine !
« Votre présence ne me donnera pas seulement des oreilles, elle
" me donnera aussi désidées. Je verrai mieux m« Rome en élu-
a diant la vôtre, et je vous payerai en millionnaire avec vos fonds.
« Je vous remercie de songer à mon. logement. J'en ai un.
te Mgr de Moulins me recevra dans sa vaste tente de la piazza
tt Navonà. Cela était entendu dès avant mon départ et c'est méine
« ce qui m'a décidé, car autrement la route eût été un peu,longue
^ 31 ^'c pour un journaliste à pied. Un des élranges malheurs de ma-
-< situation est d'être obligé de faire une certaine ligure. Une man">i sarde et la /r«^;o?*a m'iraient mieux (ju'un palais, mais j'aurais
i l'air de Bélisaire, on jetterait des sous dans ma casquette. Vous
u verrez que j'ai mes raisons pour ne pas m'exposcr à cela. J'ai eu
« le plaisir de donner de vos nouvelles à M. l'abbé G***, qui vous-
.1 est toujours fort attaché et qui lit avec grand plaisir vos cours, où
« il retrouve son hompie, l'ancien et le nouveau. Malgré mes occu-
u palions,je me donne le même passe-temps, et il me plaît fort. «
Artiste au fond de l'àme, impressionnable à l'excès, très prime-
sautier, sa première idée, son premier mouvement, sa première-
pensée étaient les meilleurs.
Jamais il ne manqua, lorsque l'occasion s'en présentait, de-
payer de sa personne. C'est lui qui, passant un jour dans le cime-
tière du Père-Lachaise, voit une tombe abandonnée; il s'informe;
apprend qu'il est devant la sépulture du grand peintre Géricault,
Emu, indigné, il court trouver les anciens amis du peintre, ras-
semble des souscripteurs, niais non des souscriptions, fait décider
un concours, y expose, est choisi premier, et finit par exécuter le
monument presque entièrement à ses frais.
Ce monument, dont le marbre de mauvaise qualité âe détruisait
rapidement, fut déposé au musée de Rouen, où il est encore; Etex
toujours à ses frais, remplace ce tombeau par une stèle de sa com-
position, actuellement au musée Carnavalet. ,'En vertu du testa-
ment d'un fils naturel de Géricault, une somme de 50,000 francs
était attribuée à l'embellissement du tombeau du grand peintre. Le
vieil artiste reprit son œuvre primitive- et dépensa consciencieu-
sement la somme laissée parle testateur, employant à faire à l'âge
de soixante-dix-sept ans un pèlerinage en Grèce avec le produit
^i'un legs particulier qui lui était échu en même temps.
Rempli d'admiration pour Balzac, il fut le premier, peu de
temps après la mort du grand romancier, à émettre l'idée d'un
monument que l'auteur de la Comédie humaine attend encore.
- Alexandre Dumas, dont le cœur généreux était fait pour répondre
aux élans de celui d'Étex, lui écrivait à ce propos : «iChcr ami, jfc
reçois votre lettre à l'instant, c'est-à-dire à six heures de l'après-
midi. — Impossible demain, mon cher; je vais tuer des lapins ii-
Bondy, samedi, dimanche, lundi ou mardi!
-^ 32 —
« Je mets demain dans le journal votre ofTre à propos de Balzac.
Votre, etc.
« A. Dumas. »
Fidèle à ses affections, il avait provoqué également, de concert
,avec quelques-uns de ses camarades d'atelier, l'érection d'un tom-
beau à Pradier : le projet dont il est l'auteur devait être entiè-
rement exécuté par les anciens élèves du maître et les frais cou-
verts par eux. Cette généreuse initiative n'aboutit pas, par suite de
la mauvaise volonté de celui qui prétendait représenter les intérêts
de la famille.
Toujours soucieux de remplir un rôle utile, resté à Paris
pendant le siège, il fut l'un des premiers à se proposer au gou-
vernement de la Défense nationale pour essayer de partir dans
yn des premiers ballons, seul moyen de communication avec la
province resté à la disposition des malheureux assiégés. En raison
de son âge, sa généreuse proposition ne fut pas acceptée; il orga-
nisa alors un bataillon de vétérans volontaires, dont le rôle devait
être de contribuer à maintenir l'ordre dans les rues de Paris et de
faire le service intérieur, dévolu en temps ordinaire à l'armée,
retenue aux postes de combat.
Aigri par de longues années de luttes, mais non pas découragé,
mécontent du silence injuste et immérité qui peu à peu se faisait
autour de son nom, ses boutades, dont parlait Charlet en 18M,
n'avaient rien perdu de leur virulence;parfois il formulait des
jugements assez durs pour ses contemporains, avec une sévérité
plus apparente que réelle.;
Etex connut d'autres chagrins d'un ordre plus cuisant que ceux
de sa vie d'artiste; marié dès 1833, ayant eu deux filles et un fils,
en 1867 la fièvre pernicieuse lui enleva ce fils unique, alors lieute-
nant d'artillerie de marine en résidence à Saigon. Il ne laisse par
conséquent aucun héritier à qui il puisse transmettre le nom célèbre
que, son frère Jules, mort célibataire une année après lui, fut le
dernier à porter. Il appartient à la postérité de conserver précieu-
sement le souvenir de l'éminent sculpteur que l'indifférence vint
atteindre à la fin de sa longue carrière; nommé en 1841 chevalier
de la Légion d'honneur, quarante-sept ans après, le 13 juillet
1888, il mourait avec le même grade, miné depuis plusieurs années
— 33 —
parles ennuis et les difGcultés qu'il lenconira lorsqu'il entreprit
l'exécution du monument de Garibaldi à Nice.
L'année même de sa mort, le conseil municipal de Paris, pour
honorer un nom justement célèbre et en perpétuer le souvenir,
donna le nom d'Etex à l'une des rues de la capitale.
C'est le même sentiment qui nous a incité à entreprendre cette
modeste et courte étude; elle constitue un bien faible hommage à
une mémoire qu'il nous appartient de conserver; il est vrai, l'oubli
ne saurait l'atteindre, le marbre et la pierre défient pendant de
longs siècles le travail du temps lui-même; c'est néanmoins avec
une douce satisfaction que nous voyons inscrit ce nom sur chacun
de ces feuillets. Peut-être cette tentative, à peine une ébauche,
fera-t-elle naître la pensée à d'autres qu'à nous, plus compétents
et plus sûrs d'eux-mêmes, de faire une autre étude digne du sujet.
C'est notre espoir, c'est aussi notre but; puisse-t-il se réaliser
bientôt.
PIECES JUSTIFICATIVES
AXTOIIVE ÉTEX. STATUAIRE, PEINTRE ET ARCHITECTE
1808-1888
CATALOGUE DE l'oEUVRE DE i/aRTISTE.
1" Sculpture.
1830
Hyacinthe frappé mortellement par le palet d'Apollon. Second grand
prix de Rome (commandé en bronze par le baron Turpin de Crissé).
Léda et le Cygne, groupe exposé au Salon de 1835. (Ce groupe ori-
ginal est de grandeur nature; l'artiste en lit dans la suite trois répétitions
de différentes dimensions, dont une en marbre, les deux autres en bronze.)
1S32
Portrait de Melloni, médaillon.
1833
Cam et sa race maudits de Dieu, groupe en pUUrc, exécuté à Home et
— 34 -
exposé au Salon de la même année (médaille de 1" classe) et réexposé en
marbre au Salon de 1839.
Porlrait à^Albert Lenoir, médaille bronze.
1834-1835
La Résistance, la Paix, trophées colossaux à TArc de triomphe de
l'Étoile.
Françoise de Rimini et Paolo Malalesta, bas-relief marbre. Salon
de 1835.
Buste de Mme Taslu, marbre, Salon 1834.
Buste de M. Ch. Lenormant, marbre, Salon 1834.
Buste de Jeune homme, marbre. Salon 1835.
Buste de Mme Ch. Lenormant, marbre, Salon 1835.
Buste du docteur Rostan, marbre. Salon 1835.
1836
Buste en marbre de M. Thiers^.
Sainte Geneviève, statue en marbre exposée au Salon l'année suivante,
à Clamecy.
1837
Blanche de Castille, statue marbre au muses de Versailles, exposée au
Salon de 1838.
Buste de Dupont de l'Eure, marbre, exposé au Salon de 1838.
1838
Saint Augustin, statue colossale pour l'église de la Madeleine.
Damalis, statue marbre, Salon de 1838.
1840
Monument du maréchal Fahert , à Metz, commandé en marbre
en 1848.
La ville de Paris implorant Dieu pour les victimes du choléra, marbre
exposé en 1852 (à l'hôpital Lariboisière).
Buste à'Alfred de Vigny, marbre*.
Charlemagne, statue colossale pour la Chambre des pairs.
Buste de Charlet, marbre.
' Refusé par le jury du Salon de 1837.
2 Refusé par le juryalu Salon de 1840.
— 35 —
1841
» Tombeau de Géricault, au Père-Lachaise. La statue fut exposée au
Salon de la mêtue année.
Buste de M. E. Garcia, marbre. Salon.
Wasia à'Alfred de Vigny, Salon 1841.
1843
Statue de Rossini, pour le théâtre de l'Opéra; celte statue fut brûlée
dans l'incendie de 1873.
Buste en marbre de M. S. Vitet.
Buste en marbre de Mme Vitet.
Buste de Mme Napoléon Duchâtel.
1844
Buste de S. A. R. duc d'Orléans, marbre, Salon.
Buste de M. Odilon Barrot, marbre, Salon.
Buste de M. Sapcy , marbre, Salon.
Buste de M. Ad. B..., marbre, Salon.
1845
Buste de Mme Barrot.
Buste de Pierre Leroux.
Héro et Léandre, groupe marbre, Salon.
Buste de M. le général Pajol, marbre, Salon.
Buste de M. le vicomte d'Abancourt, marbre. Salon.
Buste du sculpteur Bartolini, h l'église Santa Croce, à Florence.
Statue de M. le chancelier prince Lebrun.
1847
Buste de Chateaubriand^ marbre.
Buste de M. de Rémusat.
Buste de Vivien.
Busle d'Ernest Pelet, marbre.
1848
Projet de monument pour Mgr Affre.
1849
Buste de M. Philips.
— ou
1850
Statue de Nyssia, marbre, Musée de Caen.
Olympia abandonnée dans l'île d'Ebride\ marbre, palais de Trianon.
Statue de la Jeune Héro, marbre.
1851
Buste de Proudhon, Salon, exposé année 1867.
Buste à^Auguste Comte, marbre.
1852
Le Dévouement, groupe plâtre, Salon de 1853, exécuté en marbre en
1859, Exposition universelle de 1867, au parc de Montsouris.
Statue du général Lecourbe, bronze, Lons-le-Saunier.
Monument de Vauban, Hôtel des Invalides.
1853
Tombeau de Pradier, exquisse plâtre. Salon.
Portrait de M. le baron C/iaillou des Barres, buste bronze, Salon.,
L'Amour filial.
Tombeau de lafamille Raspail, cimetière du Père-Lachaise.
Buste de feu M. Vieillard, marbre, exposé au Salon de 1859.
1855
Portrait de M. Pierce, président des États-Unis d'Amérique, buste plâtre.
Portrait de M. Benton, sénateur des Etats-Unis d'Amérique, médaillon.
Portrait de Mistress Frémont, médaille.
1856
Le Christ à la colonne, ronde bosse, église Saint-Eustache, Paris.
1857
Monument de l'archevêque de Paris Mgr Affre^ bronze.
Augustin Thierry, buste marbre pour la Bibliothèque nationale,
exposé au Salon.
Virginie, buste marbre, Salon.
' Cette statue, exécutée en 1842, représentait, à l'origine, la Pologne enchaînée
implorant ses libérateurs. Par ordre administratif, elle fut transformée en
Olympia; c'est ainsi qu'elle figura au Salon.
Mme Math'dde Gainbardi, l)usle plaire.
Stalue de saint Louis, ù la barrière du Trône.
1858
Polirait de Forster, graveur, médaillon bronze.
1859
La Douleur maternelle, groupe marbre, au Salon.
Paris, slatue marbre, cour du Louvre.
Hélène, slatue marbre, cour du Louvre.
Pierre Puget, slatue pierre, au nouveau Louvre.
E. Cavaicjnac, busle marbre, au Salon.
Portrait de Mme Vanden Heuven (Caroline Dupreij), busle marbre, au
Salon.
Portrait de Mme Judith Gauthier, busle marbre, Salon.
Statue du général Lecourbe, à Lons-le-Saunier, slatue et bas-relief
bronze.
1860
Esquisse du Monument de François P', pour Cognac.
1861
Tombeau du poète Brizeux, cimetière de Lorient.
Tombeau de Félix Liouville, cimetière du Pèie-Lachaise.
Le Génie du XTX" siècle, projet de fontaine monumentale destinée h
décorer l'extrémité de l'avenue de l'impératrice.
L'Amour piqué par une abeille, groupe marbre, Salon.
Félix Liouville, avocat, buste marbre. Salon.
M. Martinet, buste marbre, Salon.
M. E. Chevé, buste plâtre. Salon.
1862
Busle de S. S. le pape Pie IX, marbre.
Busle du cardinal Antonelli, marbre, Salon de 1867, E. V.
Buste de Mgr de Mérode, marbre. Salon de 1867, E. V.
Buste de Mgr de Dreux-Brézé, marbre.
Zouave pontifical, slaluelte plâtre.
1863
Saint Benoit se roulant sur les épines, statue marbre, musée du
Luxembourg, exposée au Salon de 1865.
— 38 —
1864
La Vierge immaculée, slatuc marbre.
Portrait de il/. Louis Veuillol, buste marbre, exposé 1867, E.V.
Monument de François P% h Cognac.
1865
Le Bonheur maternel, groupe marbre (musée de Poitiers), Salon 1866.
La Madeleine, statue marbre.
Portrait à'Eug. Delacroix, buste marbre, exposé au Salon.
1867
Bacchus et Ino, groupe marbre, E. V.
Portrait à^Auguste Comte, buste marbre.
Portrait de Lahlache, buste marbre, Salon.
Portrait du général Pâle, buste plâtre.
Marie-Joseph Chénier, buste marbre, Comédie-Française.
1868
Portrait de Berryer, buste marbre, Salon.
Projet d'un monument pour le Pérou.
Statue du maréchal Masséna, exposée au Salon ds 1870.
1869
Monument de S.-A.-D. Ingres.
Statue de Ingres, modèle plâtre, Salon,
Apothéose d'Homère, bas-relief plâtre, Salon.
Buste de M. F. de Lesseps, marbre. Salon.
1870
Une captive, bas-relief pierre, au Salon.
1871
Buste de il/. Solacroup, dii'ecteurdu chemin de fer d'Orléans, marbre.
Danaé, bas-relief marbre. Salon de 1872.
Portrait d'Arnaud de l'Ariège, buste marbre.
1872
Buste de M. de Franqueville, marbre.
— 30 —
1873
Pierre Leroiix, buste lonle, Salon.
Général Clianzy, buste bronze. Salon.
Jupiter et Danaé, bas-relief, marbre.
1874
Enfant endormi, statue marbre, Salon.
Joseph expliquant les som/es à ses frères, bas-relief pierre.
Tombeau du peintre Théodore d'Aligny, cimetière du Montpar-
nasse.
Tombeau de François Huet, cimetière du Monfparnasse.
1875
Suzanne surprise au bain, statue marbre.
1876
Chateaubriand, buste plâtre, au Salon. (Ce buste fut exécuté en 1847.)
Portrait de M. Marinoni, buste marbre.
1882
Portrait à'Alphonse Karr, médaillon plâtre.
Portrait de Disdéri, médaillon plâtre.
Buste de Victor Schœlcher, buste bronze.
1884
Daphnis et Chloé, groupe marbre, exposé au Salon.
Médaillon de Millière, exposé au Salon.
188G
Monument du colonel Hcrbinger, bronze cl pierre, au cimetière du
Montparnasse.
1888
Projet du monument de Garibaldi, à Nice. De nombreux médaillons et
bustes complètent l'œuvie statuaire d'A. Ktex. Pour la plupart, le manque
de date nous oblige à en dress:>r purement et simpljmcnl la listi>; liste
incomplète, puisque plusieurs n'existant qu'à un seul exemplaire en la
possession de la famille du modèle, certains de ct'ux-ci p;'uvent nous avoir
échappe.
— 40 -
BUSTES
Frédéric Sauvage, Alexandre Dumas père, de Rémusat, Lamhert-
hey, M. Hess, M. Thiers, Alfred de Vigny, Philips, Louis Blanc,
M. N. Duchâlel, Uitet, Louis Jourdan.
MÉDAILLONS
Paul Albert, G.-G. Ampère, Mme Calamalta née Raoul-Rochelle,
Ph. Bergeau, Hippolyte Carnol, Mme Claire Carnot, E. CharIon,
Général baron de Charelle, Corol, Corot père, Anl. Deschamps, Dupin
père, Docteur Paul Dubois, H. Forloul, Paul de Flotte, Jean Gournet,
P. Lhuillier, Liszt, Mme Cécile Liouville, Savinien Lapoinle, Mme Anna
Veyret, Célestin Nanteuil, Perthuisct, Levraud, Ledru-Rollin, Caussi-
dière, Martin Bernard.
1° Peinture.
1828
Baigneuse, élude demi-nature, exposée à l'exposilion faile au profil des
Grecs au moment de la guerre de l'indépendance.
1831
Femme de la campagne romaine (appartient à M. Eugène Guillaume,
statuaire), exposé en 1853.
Les Médias à Florence, exposés en 1862, musée de Montauhan
(nombreuses éludes, peintures et aquarelles rapporlées d'Italie et d'Algérie
à celle époque).
Flore, copie d'après le Titien.
1841
Portrait de Mme X.. . avec son enfant. Salon de 1859.
1844
Martyre de saint Sébastien, Salon 1844 (au musée de Rouen).
Joseph expliquant les songes à ses frères. Salon 1844. Appartient à
Mme Aubry, née Vitet.
1845
La Délivrance, mort du prolétaire. Salon (musée de Lyon).
1847
Portrait de Mlle Nissen, cantatrice, Suédoise,
— 41 —
Portrait de Chateaubriand.
Chateaubriand méditant les « Mémoires doutre-tombe »
.
1850
La petite Glaneuse.
La petite Gitana, gravés dans VArtiste.
1853
Eurydice, nymphe de Diane, exposé en 1855. E. V., au musée du
Luxembourg.
La Gloire des Etats-Unis (il existe de ce tableau de grandes dimen-
sions trois répétitions réduites).
1857
Isaac bénissant son fils Jacob, Salon 1857.
Danaé, Salon 1857,
L'Asie, panneau décoratif, Salon de 1857.
1859
Le Christ prêchant sur le lac de Génésarelh, Salon 1859.
Le Printempsjl'Eté, l'Automne, l'Hiver, pa.nnea.us.décovaii[s,?>a\on 1859.
L'Europe, l'Afrique, panneau décoratif, Salon 1859.
Portrait de M. Cambardi, du théâtre Italien, Salon 1859.
1861
Portrait de Mme X..., Salon de 1861.
Portrait de M. C. M..., Salon de 1861.
1864
Les deux fils de Joseph bénis par Jacob dans le palais de Pharaon,
Salon de 1864.
La Fuite en Egypte, repos de la sainte Famille, Salon 1864.
1865
VEsclave antique. Salon de 1865.
L'Esclave moderne, Salon de 1865.
Les Martyrs japonais, peinture décorative pour l'abside de la chapelle
des Pères Franciscains, faubourg Saint-Jacques, à Paris.
Vers 186H
Le Christ en croix, afiat voluntas tua », Salon 1885.
Le môme, réduction. -
Prométhée attaché au rocher.
1869
Eve.
La Gloire des Etats-Unis, exposé au Salon de 1885.
1877
Portrait de l'auteur, musée de Versailles.
(11 existe en outre de nombreuses exquisses et études non datées qui sont
restées la propriété de la famille.)
'^"Architecture. — Gravure.
1839
Cinq projets d'un monument de la Vapeur, pour la place de l'Europe.
1848
Projet du monument pour l'archevêque de Paris Mgr Affre. (Voir Sculp-
ture.)
Projet du monument de la révolution de Février.
1852
Monument de Vauban aux Invalides. [\So\v Sculpture?)
Tombeau de la famille Raspail au cimetière du Père-Lachaise. (Voir
Sculpture.)
Tombeau de M. Schœlcher.
Tombeau de Dornès.
Tombeau d'Armand Marrast.
1858
Neuf projets (publiés par la Revue municipale) comprenant un
ensemble d'édifices à construire. -
Esplanade des Invalides, Champ de Mars, Trocadéro, etc.
1860
Projet pour une école de natation. Salon de 1860.
1861
Tombeau du poète Brizeux à Lorient, (Voir Sculpture.)
Tombeau de la famille Liouville au cimetière du Père-Lachaise.
(Voir Sculpture.)
— 43 -
Projet pour la reconslruclion de l'Opéra, Salon 1861.
Projet de fontaine monumentale, Salon 18G1.
1864
Avant-projet d'une église des Sept Pécliés capitaux (sic) et des Sept
Sacrements.
Monument de François I" à Cognac. (Voir Sculpture.)
1874
Monument du peintre Caruel d'Aligny au cimetière du Montparnasse.
(Voir Sculpture.)
Tombeau de François Huet, cimetière du Montparnasse. (Voir Sculp-
ture.)
Projet pour le concours de l'église du Sacré-Cœur à Montmartre.
4" Eaux-fortes de ses principales œuvres.
Episodes de la vie de Henri IV. (Pour le monument projeté à Pau.)
1847
Statue de Rossini h l'Opéra.
Groupe de Caïn.
La Grèce tragique, recueil de 40 planches gravées à Teau-forte et
destinées à accompagner la traduction en vers du Théâtre grec par Léon
Halévy.
La Divine Comédie du Dante, suite de dessins gravés sur bois.
5» Ecrits.
1857
Essai d'une Revue synthétique de l'Exposition universelle de 1855.
Paul Delaroche, sa vie et ses œuvres, paru en 1857, dans le journal le
Siècle.
1859
J. Pradier, sa vie et ses ouvrages, par le plus ancien de ses élèves,
avec une eau-forte.
Cours élémentaire de dessin appliqué à l'architecture, à la sculpture,
à la peinture, ainsi quà tous les arts industriels. Brochure et album
composé de 50 planches lilhographiées.
Arij Scheffer, Etude sur sa vie et ses ouvrages {h l'occasion de l'exposi-
tion de ses œuvres).
_ 44 —
1860
L'Institut, l'Académie des Beaux-Arts et VEcole des Beaux-Arts.
Collection de tableaux anciens rapportés d'Espagne par M. Gan.
1860-1861
Dix leçons, conférences sur les trois arts faites dans le grand amphi-
théâtres de l'Ecole de médecine.
Conférences faites sur David d'Angers, Delacroix, Gavarni, Gros, Géri-
cault, et enfin différents articles de journaux sur les Beaux-Arts et Ja
politique.
1878
Souvenirs d'un artiste, ouvrage orné de planches et héliogravures et
d'un portrait de l'auteur. — Dentu, éditeur.
PARIS. — TVrOGnAPHIE DE E. PLON, NOURRIT ET C'% RUE GARANClÈRE, 8.