Download - Banques Islamiques
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
MMOIRE PRSENT POUR LOBTENTION DU DIPLME NATIONAL DEXPERT-COMPTABLE
Auteur
: Mme Salima BENNANI
Prsident du jury : M. Abdelkader MASNAOUI, Expert-Comptable
DPLE
Directeur de recherche : M. Kamal MOKDAD, Expert-Comptable DPLE
Suffragants
: M. Mohammed HDID, Expert-Comptable DPLE
: M. Abdelmajid TOUIMI BENJELLOUN, Expert-Comptable DPLE
ADAPTATION DU PLAN COMPTABLE DES ETABLISSEMENTS DE CREDIT ET APPLICATION DES
NORMES IFRS AUX PARTICULARITES DE LA FINANCE ISLAMIQUE
INSTITUT SUPERIEUR DE COMMERCE ET D'ADMINISTRATION DES ENTREPRISES CYCLE D'EXPERTISE COMPTABLE (C.E.C)
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
DEDICACE
For who wants me to do what I never want to
Who believes that I can do what I never expect to
Who thinks Im able to do what I never think to
Who said you can do
So I did
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
REMERCIEMENTS
Je remercie mon directeur de recherche M. MOKDAD pour sa disponibilit et ses
conseils aviss.
Je remercie infiniment M. AMRAOUI sans qui ce mmoire naurait jamais vu le jour.
Je remercie toute lquipe du cabinet MAZARS pour son accueil chaleureux.
Je remercie la Direction de lISCAE, son staff administratif et son corps professoral,
pour leurs efforts.
Je remercie tous ceux qui mont soutenu.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Sommaire
Introduction gnrale p. 11
CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES FONDEMENTS ET LES PRODUITS DE LA FINANCE ISLAMIQUE
1. La thorie religieuse lie la Finance Islamique
1.1. Le cadre lgal ().p. 16
1.1.1. La foi ou le dogme ( )...p. 16
1.1.2. La Morale ( ).p. 17
1.1.3. La jurisprudence islamique () ..p.17
1.2. Lhistoire de la Finance Islamique p. 18
1.3 . Les principes fondamentaux de la Finance Islamique.p. 20
1.3.1. Linterdiction de lintrt ( ).....p.20
1.3.2. Linterdiction de lincertitude ou ala) ( ..p.22
1.3.3. Linterdiction de lactivit illicite ( )
1.3.4. Lintermdiation dans linvestissement.p. 23
1.3.5. Le partage des pertes et profits (3P)..p. 24
1.3.6. La connexion lconomie relle..p. 24
2. Les produits de la Finance Islamique
2.1. Les produits financiers islamiques comprenant un systme de
partage des pertes et profits (3P) ...p. 25
2.1.1. La Mudaraba ( )..p. 25
2.1.2. La Musharaka () ...p. 25
2.2. Les produits financiers islamiques bass sur le principe du cot plus
marge .p. 26
2.2.1. La Murabaha ( ) .p. 26
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
2.2.2. Le Salam () ....p. 27
2.2.3. LIstisnaa ( ) ...p. 27
2.3. Les autres produits financiers islamiques ...p. 27
2.3.1. LIjara ou lIjara Muntahia Bi Attamlik
( ) ...p. 28
2.3.2. Les Sukuks ( ) ..p. 28
3. Le rle central du Sharia Board ....p. 29
1re PARTIE : LA COMPTABILITE DES OPERATIONS DE LA FINANCE
ISLAMIQUE AU NIVEAU DU PCEC : ANALYSE ET PROPOSITIONS
DADAPTATION
Chapitre 1 : Analyse du cadre comptable des produits alternatifs du PCEC et propositions de recommandations pour son adaptation la Finance Islamique
1.1. Analyse du rfrentiel comptable du PCEC des produits alternatifs
1.1.1. La Murabaha ...p. 33
1.1.2. La Musharaka...p. 36
1.1.3. Ijara ...p. 39
1.2. Propositions dadaptation et approfondissement du rfrentiel
comptable des produits alternatifs aux particularits de la Finance
Islamique .....p. 45
1.2.1. La Murabaha ....p. 46
1.2.2. La Musharaka....p. 61
1.2.3. Ijara ..p. 65
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Chapitre 2 : Proposition dun rfrentiel comptable spcifique aux principaux produits futurs de la Finance Islamique
2.1. Les Sukuks ....p. 70
2.1.1. Comptabilisation de lopration Sukuk chez la BI.p. 72 2.1.2. Comptabilisation du Sukuk chez le fond Sukuk .p. 73 2.1.3. Comptabilisation de lopration Sukuk chez le SPV.p. 77
2.2. La Mudaraba ..p. 79
2.2.1. La banque en tant quinvestisseur...p. 79 2.2.2. La banque en tant que Mudarib p. 84
Conclusion de la premire partie ..p. 88
2me PARTIE : DEFIS MAJEURS DANS LAPPLICATTION DES NORMES
IFRS AU NIVEAU DE LA FINANCE ISLAMIQUE
Chapitre 1 : Problmatique dapplication des normes IAS/IFRS la Finance Islamique
1.1. Par rapport au cadre conceptuel ...p. 93
1.1.1. Le principe de prminence de la substance sur la forme
..p. 101
1.1.2. Le principe du cot historique ...p. 101
1.2 Au niveau des normes ..p. 104
1.2.1. LIAS 17 : les contrats de location ..p. 104
1.2.2. LIAS 18 : produits des activits ordinaires ..p. 110
1.2.3. LIAS 24 : information relative aux parties lies .p. 116
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
1.2.4. LIAS 32 : instruments financiers prsentation,
lIAS 39 : instruments financiers comptabilisation et valuation
et lIAS 40 : immeubles de placement ..p. 119
1.2.5. LIFRS 7 : instruments financiers : informations fournir .p. 127
Chapitre 2 : Propositions dadaptation des normes IAS/IFRS aux exigences de la Finance Islamique
2.1 Au niveau du cadre conceptuel .....p. 133
2.1.1. Le principe de prminence de la substance sur la forme
...p. 133
2.1.2. Le principe du cot historique ...p. 134
2.2 Au niveau des normes ..p. 136
2.2.1. LIAS 17 : les contrats de location ..p. 136
2.2.2. LIAS 18 : produits des activits ordinaires ..p. 137
2.2.3. LIAS 24 : information relative aux parties lies .p. 139
2.2.4. LIAS 32 : instruments financiers prsentation,
lIAS 39 : instruments financiers comptabilisation et valuation
et lIAS 40 : immeubles de placement ..p. 141
2.2.5. LIFRS 7 : instruments financiers : informations fournir p. 145
Conclusion de la deuxime partie ...p. 147
CONCLUSION GENERALE : SYNTHESE GENERALE DES APPORTS DU
MEMOIRE
Glossaire.p. 154
Bibliographiep. 159
Annexes .p. 160
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Liste des abrviations
FI : Finance Islamique.
AAOIFI : Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial
Institutions.
CIBAFI : General council of Islamic BAnking and Financial Institutions.
BI : Banques Islamiques.
IFI : Institutions Financires Islamiques.
PCEC : Plan Comptable des Etablissements de Crdit.
BAM : Bank Al Maghrib.
CGNC : Code Gnral de Normalisation Comptable.
SPV : Special Purpose Vehicle.
IFRS : International Financial Reportings Standards.
IAS : International Accountings Standards.
IASB : International Accounting Standards Board.
IFSB : Islamic Financial Services Board.
VNC : Valeur Nette Comptable.
VR : Valeur rsiduelle.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
INTRODUCTION GENERALE
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Introduction gnrale
Lors du 7me congrs national de lordre des experts comptables qui sest tenu El
Jadida, le 10 et 11 mai 2012, sous le thme Lexpert comptable et la dynamique du
changement , lun des sujets abords dans le cadre de ce 7me congrs a t les
mutations et les nouveaux mtiers de la profession dexpert comptable .
Il est ressorti des diffrents dbats du congrs que lun des nouveaux mtiers de
lexpert comptable, qui pourrait se profiler lavenir pourrait tre la connaissance
des particularits de la Finance Islamique (FI) aussi bien sur le plan juridique, fiscal, et
comptable, que celui de laudit et rvision des comptes.
Selon les professionnels, lexpert comptable a un double rle jouer : au niveau de la
mise en place de ce nouveau systme financier, et au niveau de son contrle. En
consquence, lexpert comptable doit se prparer et tre suffisamment outill pour
cette nouvelle mission, car son intervention exige non seulement une connaissance
des rgles, lois et normes gnrales mais galement une certaine matrise des
fondements du droit islamique.
Concrtement, lexpert comptable pourrait intervenir en coordination avec BAM
et/ou le Sharia Board pour lanalyse des produits financiers et des contrats qui sont
soumis son expertise. Il pourrait offrir son assistance tout acteur qui sintresse
ce secteur dactivit mais aussi laudit rgulier des produits de la Sharia, et laudit
de lactivit des BI.
Prsente dans plus de 75 pays, la Finance Islamique gre actuellement un en-cours
estim plus de 1 000 milliards de dollars(1), en volution de plus de 50% par rapport
2008 et de 21% par rapport 2010(1), soit un taux de progression annuel moyen de
lordre de 15%. Et alors que le systme financier de plusieurs pays du monde
occidental connat des difficults majeures, les institutions financires islamiques ont
gard leur rythme de croissance, et nont pas ressenti les effets de la crise mondiale.
Aujourdhui, on estime 25% le taux de la population mondiale de confession
musulmane, et entre 40 et 50% de leur pargne est gre actuellement par la Finance
Islamique contre 10% en 2007(1).
Depuis leur mise en place le 1er octobre 2007 par la recommandation n 33/G/2007
de Bank Al Maghrib, les produits alternatifs nont cess de susciter des polmiques au
sein de la communaut financire marocaine. Si on fait abstraction du ct
(1) site internet biz.web du 14/02/2011
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
thologique, la polmique a t dordre purement fiscal au dpart : double
imposition de lacte de cession en ce qui concerne les droits de mutation (dans le cas
dun contrat Murabaha), application dun taux de TVA de 20% sur les prts octroys
au lieu de 10% pour le secteur bancaire classique, application de la TVA sur la totalit
de la mensualit (capital et intrts galement) ; mais laspect rglementaire
comptable des produits alternatifs na pas t suffisamment voqu.
Sil est vrai que le Maroc na pas encore octroy dagrment une banque islamique
proprement parler, il est tout aussi vrai que certaines banques de la place financire
marocaine (Attijariwafabank, La Banque Populaire) ont commenc partir de 2007
commercialiser les produits alternatifs via leur rseau classique.
Ce nest quen 2009, quune banque marocaine (Attijariwafabank) a cr une filiale
(en tant que socit de financement et non en tant que banque) ; savoir DAR
ASSAFAA , charge de commercialiser dans un premier temps les produits alternatifs
(hors le produit Ijara), et dans un deuxime temps de collecter lpargne publique.
Le lgislateur marocain a accompagn lintroduction des produits alternatifs dune
srie de mesures fiscales, mais le cadre rglementaire comptable na pas t
suffisamment apprhend.
Nous estimons galement que le cadre comptable spcifique la Finance Islamique
nest pas suffisamment connu par la profession des Experts Comptables au Maroc.
Do lobjectif de ce mmoire : analyser le rfrentiel comptable des tablissements
de crdit actuellement en vigueur au Maroc. Est-il adapt aux spcificits
des produits proposs par les banques islamiques ? Quen est-il des normes IFRS ? Ou
alors des normes de lAAOIFI (lAccounting and Auditing Organisation for Islamic
Financial Institutions)? Quelles sont les points de divergence et/ou de convergence
entre les pratiques comptables locales et celles des banques islamiques ? Et les
pratiques comptables internationales et celles des banques islamiques ?
Lintrt de se pencher sur le rfrentiel comptable de la Finance Islamique est dict
galement par des exigences de plus en plus fortes des investisseurs en matire de
transparence, de pertinence et de benchmarking de linformation financire (surtout
aprs les scandales et les faillites des banques qui ont secou la place financire
internationale) et dans le cas des banques islamiques, des pargnants qui sont un
acteur important au sein de la banque.
Le Maroc nest pas encore dot dune banque islamique, et la Finance Islamique y est
ltat embryonnaire, mais en dcembre 2011, des discussions ont t entames
entre le nouveau gouvernement de M. BENKIRANE et une banque qatarie qui serait
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
intresse par crer une banque islamique au Maroc (1). En outre, selon le Ministre
dlgu charg des Affaires Gnrales et de la Gouvernance, un projet de loi
exhaustif relatif l'introduction de la finance islamique dans le systme bancaire
marocain est en cours d'laboration. Ce projet est actuellement en examen et
pourra tre fin prt prochainement selon le Ministre prcit.2
Il serait donc opportun dapprcier le cadre lgal comptable, pour analyser, si notre
pays est prpar lintroduction de la finance islamique. Si oui, dans quelle mesure,
si non, quelles sont les adaptations prvoir ?
Mon intrt pour le sujet est dautant plus fort que jai eu lhonneur dassister au
premier Forum Africain sur la Finance Islamique qui sest tenu en 2008 Rabat, et
auquel ont particip quelques sommits de la Finance Islamique de plusieurs pays :
Maroc, Tunisie, Algrie, Ile Maurice, Soudan, Egypte., les prsidents de quelques
banques marocaines ainsi quun grand cabinet daudit marocain.
Par ailleurs, jai galement obtenu en 2012 le certificat de banquier islamique agr
(Certified Islamic Banker) dlivr par le CIBAFI (General Council of Islamic Banking and
Financial Institutions).
Le prsent mmoire ne prtend pas une analyse thologique des produits de la
finance islamique (sont-ils oui ou non conformes la Sharia?), ni un benchmarking
entre la finance islamique et la finance conventionnelle en termes de rendement et
de rentabilit, ni une analyse des risques propres la finance islamique, que ce soit
en termes de risque de liquidit, de risque march ou de risques oprationnels, ni
galement une analyse des impositions fiscales actuelles existantes au Maroc, et
limposition des produits de la finance islamique dans le Monde.
Lobjectif principal recherch de ce mmoire est double :
- Lanalyse du cadre rglementaire comptable actuel au Maroc et la proposition de
recommandations comptables concrtes pour ladapter, si besoin est, aux principes
de la Finance Islamique, ce qui permettra aux futures institutions financires
islamiques qui sinstalleront au Maroc dvoluer dans un rfrentiel comptable
adapt et appropri.
- Lanalyse des normes IFRS par rapport aux normes comptables de lAAOIFI, afin de
ressortir avec les divergences et/ou convergences entre les 2 rfrentiels et de
prvoir les adaptations (possibles ?) pour une meilleure adquation de ces normes
avec la comptabilit des institutions financires islamiques.
(1) source : journal AL Massae du 27 dcembre 2011 (2) source : journal Attajdid du 14 mars 2012
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Pour ce faire, la mthodologie adopte a t pour la premire partie :
comprhension de la structuration juridique des produits alternatifs prvus
par la recommandation de BAM n 33/G/2007, selon les dispositions de la
Sharia et les recommandations des diffrents Boards,
analyse du plan comptable sectoriel des tablissements de crdit (PCEC) pour
la partie qui traite des produits alternatifs,
analyse du code gnral de normalisation comptable (CGNC), quand le PCEC
ne mentionne pas ou ne fait pas rfrence certains traitements comptables
particuliers des produits alternatifs,
dtermination des points de convergence et/ou de divergence entre les
schmas comptables du PCEC et de la note explicative de BAM, et les schmas
comptables labelliss Sharia compliant ,
proposition de schmas comptables des produits alternatifs plus adpats la
FI au vu des divergences releves,
proposition de schmas comptables de 2 produits bancaires phares de la FI
non prvus initialement par la recommandation n 33/G/2007.
En ce qui concerne la seconde partie, la mthodologie adopte a t :
analyse des principales normes IFRS qui traitent des instruments financiers, et
dont on peut tablir un parallle avec les produits bancaires de la FI,
analyse du cadre conceptuel des normes IFRS ainsi que du cadre conceptuel
des normes AAOIFI,
dtermination des points de convergence et/ou de divergence avec analyse de
leur impact sur la prsentation des comptes,
essai et proposition de convergence des normes IFRS et AAOIFI pour une
meilleure comparabilit de linformation financire au niveau mondial.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
CHAPITRE
PRELIMINAIRE
LES FONDEMENTS ET LES PRODUITS DE LA
FINANCE ISLAMIQUE
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
1. La thorie religieuse lie la Finance Islamique
La comprhension de la Finance Islamique nest pas aise pour des personnes
voluant dans des conomies bases sur un modle conventionnel. En effet, le
systme financier islamique se nourrit de fondements thiques et religieux puiss
dans la religion musulmane.
Afin de comprendre les particularits de la Finance Islamique par rapport la finance
conventionnelle, il est ncessaire de connatre ses fondements. Le droit musulman
ou aShari () est la justification et la base permettant la distinction entre les
deux systmes financiers.
Le droit musulman est scind en deux parties, dune part, le droit musulman qui
concerne le culte et tout ce qui sy rfre (la prire, le jene, le plerinage la
Mecque etc.) et dautre part, le droit musulman qui rgit les interactions et
transactions humaines (le mariage, les infractions pnales, les transactions
financires etc.).
En droit musulman, les lois qui rgissent les transactions reprsentent peu prs 75%
du volume global du cadre lgal.
1.1. Le cadre lgal ()
La Sharia est la source du droit musulman, cest le cadre lgal qui rgit toutes les
transactions financires.
En Finance Islamique, le cadre lgal repose sur 3 sources : la foi ou le dogme, la
morale ou thique, et la jurisprudence.
La Sharia, cest donc le droit musulman dans sa globalit, cest lensemble des
doctrines et actes de culte, mais aussi des principes spirituels, des valeurs morales et
thiques, en un mot, cest la faon dagir et de se conduire dans lensemble des
domaines de la vie quotidienne que ce soit dans les relations entre DIEU et lHomme
ou entres les hommes eux-mmes.
1.1.1. La foi ou le dogme ( ) La foi est la croyance que DIEU existe, quIl est le crateur de cet univers. Il est par
consquent le crateur de lHomme qui nest que linstrument de DIEU sur Terre
pour la prennit de lEspce, lutilisation des ressources de la Terre, et ce dans
lobjectif noble daccomplir la volont de DIEU. LHomme a t honor par DIEU (
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
), et ce quelques soient son origine, sa religion, sa couleur, sa nationalit ect.
Croire en DIEU signifie que DIEU est le vritable propritaire de tout ce qui se trouve
sur Terre, lHomme ntant quun simple intermdiaire sur cette Terre.
Croire en DIEU, cela signifie galement croire que la vie de lHomme sur Terre est
temporaire, et que seule compte la Vie ternelle (rcompense des pieux). Tous les
agissements de lHomme (aussi bien sur le plan personnel que relationnel) doivent
tendre vers la prparation la vie future, qui est la vie ternelle.
Mais la foi relle nest pas seulement une simple croyance, cest aussi ce qui est
profondment ancr dans le cur et transparat dans les actes.
1.1.2. La Morale ( ) La Morale est un ensemble de principes, de jugements, de rgles de conduite
relatives au Bien et au Mal, de devoirs, de valeurs, parfois rigs en doctrine, quune
socit se donne, et qui simposent autant la connaissance individuelle qu la
conscience collective. (3)
La Morale se doit donc dtre un moyen dvaluer toutes les actions de lHomme, de
mme quune ligne directrice de tous ses comportements et transactions.
Les sociologues et les philosophes se sont longtemps interrogs sur les fondements
de la Morale :
Tout ce qui procure le bien-tre et le bonheur lHomme est-il moral ?
Lesprit humain est-il capable dtablir ses propres rgles de Morale ?
La Morale estelle la rsultante des us et coutumes dune socit donne ?
Ou alors la Morale tire t elle sa source de la religion ?
La Morale au niveau de la FI, nest ni utilitariste ni opportuniste, et tout ce qui
concourt au bien tre de lHomme nest pas forcement moral. En Finance Islamique,
la source de la Morale est le droit musulman.
1.1.3. La jurisprudence islamique ()
La jurisprudence islamique est lensemble des avis juridiques mis par les thologiens
musulmans et qui sont la traduction sur le plan pratique des textes religieux, quil
sagisse du Coran, de la Sunna (paroles du Prophte Mohamed (saaws), ou actes
accomplis, accepts ou approuvs par lui).
(3)
Source : Toupictionnaire : le dictionnaire de politique.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
La jurisprudence islamique sest base galement sur le consensus, le raisonnement
analogique, lusage ou lanalyse des comportements des musulmans durant la vie du
Prophte Mohamed (saaws).
La jurisprudence islamique a rpertori et classifi lensemble des actes de lHomme
au sein de 5 grandes catgories :
- lobligatoire,
- le souhaitable,
- lillicite,
- le dtestable,
- et le permis.
La jurisprudence islamique nest pas immuable dans le temps, elle se renouvelle en
fonction de la progression de lHumanit. Il est important de noter quil existe
plusieurs coles de jurisprudence en droit musulman qui peuvent diverger sur des
points de droit secondaires mais qui saccordent au sujet des principes gnraux du
droit musulman.
1.2. Lhistoire de la Finance Islamique
Durant des sicles, il ny eut pas vritablement de systme financier islamique
complet. Il ny eut que linterdiction de lintrt. On ne proposa pas des modes de
financement alternatifs ni nimagina dorganisations financires adaptes. Sans les
structures et les produits, on ne peut videmment pas parler de finance proprement
dite.
La FI na vu le jour qu partir de 1950, avec laccs lindpendance dune grande
partie des pays musulmans face la tutelle coloniale.
Durant la priode 1950-1970, plusieurs chercheurs ont essay dimaginer un systme
financier islamique bas sur les principes de droit musulman. A titre indicatif, voici le
nom de quelques chercheurs dans ce domaine :
M. Mohamed Abdullah Al Arabi (Egyptien), M. Mohamed Baqer Sadr (Irakien), M.
Mohamed Aziz (Pakistanais), M. Ahmed Abdelaziz Al Naggar (Egyptien), M. Mohamed
Najat Allah Seddiki (Pakistanais).
La premire application pratique des banques islamiques a vu le jour en 1962 en
Malaisie, via un fonds dpargne ddi au plerinage (Tabung Hadjji), et la premire
banque islamique a t cre en 1963 Mit Ghamr en Egypte.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
La priode 1970-1980, a vu la naissance de plusieurs banques islamiques : la Banque
Islamique Nasser (1971), la Banque Islamique de Dveloppement (BID en 1975), la
Dubai Islamic Bank en 1975 galement, la Faisal Islamic Bank en 1977
Lexpansion et la cration des banques islamiques ont continu durant les annes 80
et 90. Ce dveloppement sest accompagn par la mise en place des cadres lgislatifs
spcifiques la Finance Islamique au niveau de plusieurs pays : Malaisie, Iran,
Turquie, Emirats Arabes Unis, Soudan, Philippines, Yemen, Jordanie ainsi que la
cration dorganisations professionnelles telles que lAAOIFI en 1991.
Il est noter galement que durant cette dcennie, lexpansion des BI a dpass le
cadre des pays arabes, et plusieurs dentre elles on vu le jour en Asie : la Banque
Islamique de Malaisie (1983) en Malaisie, la Banque Islamique de Bangladesh en 1983
galement au Bangladesh, Etablissement Al Amine pour le Financement et
lInvestissement en 1986 en Inde ect.
Bien qu partir de 2001, limage des BI ait un peu pti des suites de lattentat du 11
septembre aux Etats-Unis, puisquon a assist lassociation des banques islamiques
au financement des activits terroristes, il nen demeure pas moins vrai que le
volume des dpts plus que doubl entre 2000 et 2010, et lon estime que la FI
grera vers la fin de cette dcennie 40 50% de lpargne mondiale des musulmans.
Les principales banques islamiques dans le monde sont : Al Rajhi Bank (Arabie
saoudite), la Kuwait Finance House (Kowet), la Dubai Islamic Bank (mirats Arabes
Unis), l'Abu Dhabi Islamic Bank (mirats Arabes Unis), Bank Al Jazira (Arabie
saoudite), Al Baraka Bank (Algrie) et Meezan Bank (Pakistan).
Aujourdhui, et eu gard aux taux de progressions affichs par les institutions
financires islamiques (plus de 10%), ainsi que laugmentation du prix du ptrole
linternational, et le volume important des liquidits que cela a drain sur les marchs
montaires, toutes les places financires de renom, y compris celles non
musulmanes, cherchent attirer les capitaux de la FI. Nous citerons notamment
lexistence de succursales de banques islamiques en Allemagne, en Suisse, au
Luxembourg, aux Etats-Unis, et la cration en Grande Bretagne de la premire
banque islamique en Occident en 2004.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
1.3. Les principes fondamentaux de la Finance Islamique
Comme la FI fait rfrence aux prceptes de lIslam, la morale religieuse, et la
jurisprudence islamique, cela sest traduit dans la pratique des transactions, par
linterdiction de :
- lintrt, - lincertitude ou ala, - et la spoliation.
La FI ayant interdit un ensemble de transactions commerciales qui ne rpondent pas
aux prceptes de la religion et de la morale religieuse, elle a donc mis en place un
systme conomique pour les transactions commerciales qui rpond cette exigence
et qui repose sur :
- lintermdiation dans linvestissement, - le partage des pertes et profits, - et la connexion lconomie relle.
1.3.1. Linterdiction de lintrt ( )
La prohibition de lintrt dans lIslam tire sa source dabord du Coran, qui entrine
cette interdiction dans 8 versets (cf. annexe n 5) :
Sourate Al Baqara, versets 275 277 et verset 279,
Sourate Al Imrane, verset 130
Sourate Annissaa, versets 160 et 161,
Et Sourate Arroum, verset 39.
Cette interdiction tire galement son fondement dun Hadith du Prophte Mohamed
(saaws) : lor schange avec lor, largent avec largent, le bl avec le bl, lorge
avec lorge, les dattes avec les dattes, le sel avec du sel, de la main la main,
qualits et quantits gales.
Il est courant de croire que lintrt interdit par lIslam est celui pratiqu sur des
dettes en contrepartie dune prolongation de lchance de paiement ; en ralit
lintrt interdit par lIslam comprend :
- lintrt pratiqu sur un capital prt (augmenter le montant rembourser en
contrepartie dun paiement diffr),
- le rchelonnement des dettes (augmentation du capital dune dette chue en
contrepartie dune prolongation dchances),
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
- lchange des 6 sortes de biens cits dans le Hadith avec des quantits ingales
(certains juristes ayant gnralis cette interdiction lensemble des biens qui
peuvent faire lobjet dune mesure par une des units de mesures admises,
tels que le kilogramme, le litre, le mtre),
- le report de la rception ou de la livraison, lors de lchange dun des 6 biens
numrs par le Hadith, sans augmentation de quantits.
De ce fait, linterdiction de lintrt dans lIslam est beaucoup plus gnrale que
linterdiction de lintrt en lui mme, elle stend mme des transactions non
montaires (vente de biens et marchandises).
Il est noter galement, que lIslam nest pas la seule religion ayant interdit lintrt.
Cette interdiction a t confirme par toutes les religions monothistes.
De plus, lune des confusions qui sopre souvent, est de croire que lIslam nintgre
pas le facteur temps quant au paiement dune dette, et que le paiement dune dette
terme est identique au paiement dune dette avant terme, en partant du principe
de linterdiction de lintrt.
En ralit, le Prophte Mohamed (swaas) a instaur une rgle de jurisprudence de
base dans le droit musulman et mme lune des premires thories conomiques en
matire dactualisation, en diffrenciant entre le prix dun bien achet et pay au
comptant, et le prix dun bien achet et pay terme. La rfrence en la matire est
lhistoire des juifs de Mdine qui avaient vendu leurs champs de dattes aux
musulmans du temps du Prophte Mohamed (swaas), le Prophte avait exig le
paiement au comptant du prix desdits champs. Ce prix prenait en considration le fait
que le paiement stait effectu au comptant et avant mme que le fruit ne mrisse
compltement.
Le principe gnral retenir pour linterdiction de lintrt dans la doctrine
musulmane est que largent nest pas un bien en soi, cest un moyen dchange, il ne
saurait tre une marchandise qui produit une valeur intrinsque.
De plus, la Finance Islamique prohibe la thsaurisation car dans lIslam largent ne
doit pas constituer une source de puissance. La thsaurisation est un terme
technique conomique dcrivant une accumulation de monnaie, soit pour en tirer un
profit, soit par absence de meilleur emploi, et non par principe d'conomie ou
d'investissement productif.
Thsauriser ses avoirs cela signifie, ne participer qu son enrichissement personnel
et ne pas faire profiter lconomie en gnral. La thsaurisation est souvent assimile
la spculation.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Il est important de faire la distinction entre lpargne et la thsaurisation. Cette
dernire notion induit lide de non-productivit du capital. Par exemple, un compte
dpargne ne gnrant pas dintrt nest pas une forme de thsaurisation car ce
capital est utilis par la banque des fins productives.
Il est vident que la contrainte de non thsaurisation encourage linvestissement, elle
oblige cependant les IFI ne pas conserver trop de liquidits durant une longue
priode. Afin de satisfaire cette obligation, les banques islamiques tolrent un ratio
de cash allant jusqu'a 49%.
1.3.2. Linterdiction de lincertitude ou ala ()
De mme que lIslam a prconis linterdiction de lintrt dans son sens le plus large,
il a interdit toute vente o lune ou lautre des parties serait en situation de
mconnaissance de lun des piliers constitutifs dun contrat tel que : le prix, le bien
achet, les parties au contrat, la date de livraison du bien etc.
Cette interdiction tire son fondement du fait quaucune des deux parties au contrat
ne doit tre lse ou en situation dinfriorit par rapport lautre. Le contrat en lui-
mme ne doit laisser aucune zone dincertitude quant son droulement ou son
excution.
Si le risque zro nest pas tolr en Islam (intrt), le risque maximal ne lest pas tout
autant. Le risque maximal tant lincertitude.
Lincertitude dans les transactions en FI ninvalide un contrat que si elle est abusive,
les juristes ont fix 4 conditions importantes qui permettent didentifier une
transaction comme incertaine ou alatoire :
que lincertitude couvre la majorit des clauses du contrat ou de la
transaction : tel que la vente dun bien impossible livrer, la vente dune
rcolte qui nest pas encore apparue, la vente dun bien qui nest pas la
proprit du vendeur ou que lon est pas sr de trouver sur le march lors de
la conclusion du contrat de vente ( ), que lincertitude couvre les transactions commerciales de ventes et
dchange, car nous ne pouvons parler dincertitude en ce qui concerne les
contrats titre gracieux tels que les cadeaux, dons et donations,
que lincertitude affecte lun des constituants de lobjet du contrat : objet,
quantit, qualit,
que lincertitude touche un contrat dont aucune des parties na nul besoin
ou est en situation dobligation morale pour son acceptation.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
En consquence, le lgislateur musulman reconnat lexistence de llment incertain
au niveau des contrats, et valide le contrat tant que cette incertitude garde un
caractre mineur.
Parmi les applications pratiques de lincertitude dans les transactions actuelles, citons
les contrats dassurance, dentretien et de maintenance, les contrats de couverture
de risque, les options, les swaps.
1.3.3. Linterdiction de lactivit illicite ( )
LIslam, dans son dsir dquilibrer entre les parties au contrat, a interdit toute
transaction illicite. La notion de transaction illicite doit tre entendue dans son sens
le plus large, et doit se rfrer aux prceptes de la religion et non pas au fait de
lHomme.
Sont considres donc comme des transactions illicites en FI, les activits
monopolistiques, les ventes forces ou ralises sous la contrainte, les expropriations
abusives, les surenchrissements frauduleux, les ventes dont lobjet est dfectueux
ect.
De mme, la FI prohibe l'investissement dans des secteurs dont lactivit est juge
illicite comme le tabac, l'alcool, le jeu, le sexe et l'armement.
1.3.4. Lintermdiation dans linvestissement
Lintermdiation dans linvestissement signifie que les banques islamiques ne jouent
pas uniquement le rle dintermdiaires financiers, mais participent lexpansion des
conomies en finanant des projets dinvestissement et en crant une interconnexion
troite entre les dposants (fournisseurs) et les investisseurs (utilisateurs finaux).
Ainsi, les BI jouent le rle dintermdiaire entre le capital et le travail, entre ceux qui
possdent des capitaux mais ont peu ou pas dexprience dans linvestissement, et
les entrepreneurs qui ont un savoir faire dans la gestion de linvestissement mais peu
ou pas de capital.
Le rle dagent dinvestissement que joue les BI requiert pour les banques dtudier
continuellement les opportunits dinvestissement, les besoins du march et
dinnover en termes de techniques financires nouvelles conformes la Sharia.
Ce statut dintermdiaire investisseur permet une solidarit entre les diffrents
partenaires, garantit une rpartition quitable entres les acteurs de la socit et
permet un grand nombre dinvestisseurs et de dposants dtre associs dans
lensemble des actifs de la banque.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
1.3.5. Le partage des pertes et profits (3P)
Comme il a t expliqu prcdemment, la FI interdit lintrt qui correspond une
situation de risque nul ou quasi nul pour la banque.
Le principe de jurisprudence retenu ce niveau est ,
ce qui signifie, que ne peut prtendre un bnfice, celui qui naccepte pas de
supporter une partie des pertes.
De mme, ne peut prtendre une rmunration celui qui refuse de prendre le
risque sur son actif.
On peut comparer les investisseurs des banques islamiques des actionnaires qui
reoivent des dividendes quand la socit ralise des profits ou perdent une partie de
leurs conomies quand elle enregistre une perte. Le rendement du contrat islamique
est li la rentabilit et la qualit du projet, pour assurer une rpartition plus
quitable de la richesse. Les instruments financiers islamiques sont des contrats entre
les fournisseurs et les utilisateurs de fonds qui se partagent le risque.
Les IFI sont appeles donc :
identifier les risques auxquels peut sexposer lactivit financire,
valuer continuellement ces risques en utilisant un systme dinformation
adapt,
choisir les risques auxquels les institutions peuvent sexposer et que le capital
peut supporter,
contrler continuellement les risques afin de pouvoir prendre les bonnes
dcisions au bon moment afin daccrotre les bnfices tout en diminuant
limpact des risques.
1.3.6. La connexion lconomie relle
Comme les BI sinterdisent la pratique de lintrt, elles sobligent en contrepartie
soit, participer en tant que partenaire dans des projets dinvestissement, soit
faciliter la circulation des biens et marchandises.
De ce fait, la FI reste connecte lconomie relle, car elle interdit toute transaction
spculative qui naboutit pas une cration de richesse ou un transfert de cette
richesse.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
2. Les produits de la Finance Islamique
La traduction pratique des prceptes religieux au niveau des transactions
commerciales a conduit les conomistes musulmans imaginer des produits
financiers divers, qui se basent sur des systmes de rmunration distincts.
A ce titre, on distingue entre les produits financiers qui se basent sur le principe de
partage des profits et pertes, et les produits financiers qui se basent sur le principe
dune marge bnficiaire applique un cot.
2.1 Les produits financiers islamiques comprenant un systme
de partage des pertes et profits (3P)
Les produits financiers islamiques bass sur les 3P comprennent essentiellement : la
Mudaraba et la Musharaka.
2.1.1. La Mudaraba ( ) Il sagit dun contrat o le financier apporte le capital un entrepreneur (ou vice
versa), charge pour ce dernier de le faire fructifier grce son savoir faire. Les
profits sont partags in-fine entre le financier et lentrepreneur selon une quote-part
convenue lors de la conclusion du contrat de Mudaraba.
En cas de pertes, le financier perd son capital ( hauteur de la perte), car il ny a
aucune garantie de capital, et lentrepreneur perd leffort et le travail.
Sil est tabli que la perte du capital est due une fraude ou une ngligence de la
part de lentrepreneur, il peut tre tenu de compenser les pertes subies.
Quand cest la banque qui joue le rle de lentrepreneur, elle ouvre des comptes
dinvestissements pour ses dposants, et utilise les fonds ainsi collects pour financer
des projets dinvestissement identifis. Les pertes sont supportes par les dposants
uniquement, et les profits leur reviennent au prorata de leur quote-part aprs
prlvement de la rmunration de la banque.
2.1.2. La Musharaka ( )
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
La Musharaka est un contrat de participation o le capital du projet est fourni par un
ou plusieurs investisseurs (ou alors une BI et un ou plusieurs partenaires). Les pertes
et les profits sont partags au prorata de lapport financier de chacun. Toutes les
parties au contrat peuvent participer, si elles le souhaitent, la gestion de la socit
en participation.
Il existe 2 types de Musharaka : la Musharaka de biens et la Musharaka contractuelle.
La Musharaka de biens est la mise en commun de bien matriels mobiliers ou
immobiliers (apports en nature), que cette mise en commun rsulte dune volont
propre des parties ou soit le fait de conditions externes telles que le don ou
lhritage.
La Musharaka contractuelle est celle qui se base sur un contrat conclu entre les
parties pour la mise en commun dargent (apports en numraires), de travail ou
mme de notorit.
De plus, la Musharaka peut tre fixe comme elle peut tre dgressive.
La Musharaka fixe signifie que les parties contractantes demeurent partenaires au
sein de la socit en participation jusqu lexpiration de la dure du contrat.
La Musharaka dgressive signifie que lune des parties se dsengage progressivement
de la socit en participation jusquau retrait total.
2.2. Les produits financiers islamiques bass sur le principe du
cot plus marge
Dans ce type de contrat, la BI joue le rle dun commerant, qui vend un bien donn
dfini contre une marge connue et convenue lavance.
2.2.1. La Murabaha ()
Le contrat Murabaha constitue le type de contrat le plus utilis en FI (environ 70%
des transactions commerciales).
Il sagit dune vente dun bien connu et dfini lors de ltablissement du contrat, avec
une marge connue et ngocie entre les 2 parties. Le cot de revient du bien doit
tre connu par lacqureur final.
Le paiement de ce bien par lacqureur final peut tre effectu au comptant, terme
ou temprament.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Le contrat Murabaha est un contrat tri-partite, entre un fournisseur, la BI, et
lacqureur final. Les contrats entre le fournisseur et la BI, et le fournisseur et
lacqureur final doivent tre distincts.
Le contrat Murabaha obit des rgles trs strictes en matire de :
promesse de vente,
livraison du bien,
de garanties durant les diffrentes phases de possession du bien,
de dpts de garantie verss,
de modalits de calcul du prix de revient,
de modalits de dtermination de la marge bnficiaire,
de paiement du bien aussi bien par lacqureur initial que par lacqureur final.
2.2.2. Le Salam ( ) Le Salam est la vente dun bien que lon peut dcrire (non dsign spcifiquement au
niveau du contrat) avec livraison diffre et paiement au comptant la date de
conclusion du contrat.
La description du bien comprend lindication du genre du bien, de sa quantit et de
sa qualit.
Le paiement du bien se fait obligatoirement au comptant lors de la conclusion du
contrat, alors que la livraison du bien seffectue terme une chance convenue
davance par les deux parties.
Ce type de contrat est particulirement adapt pour le financement des activits
agricoles.
2.2.3. LIstisnaa ( ) Il sagit dun contrat par le biais duquel une partie demande une autre partie, de lui
fabriquer un bien dfini dans son genre, sa qualit et sa quantit, moyennant un prix
fix lavance entre les deux parties.
Le prix de la fabrication du bien peut tre pay en tout ou en partie la date de
conclusion de lacte, il peut tre diffr et pay la date de la livraison du bien, soit
au comptant, terme ou temprament.
LIstisnaa est adapt pour le financement des investissements aussi bien mobiliers
quimmobiliers : promotion immobilire, quipements lourds tels quavions, bateaux,
centrales de production ect.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
2.3. Les autres produits financiers islamiques
Les autres produits financiers islamiques se basent sur un systme de revenu, locatif
pour le cas de lIjara et productif pour le cas des Sukuks.
2.3.1. LIjara ou lIjara Muntahia Bi Attamlik
( )
lIjara est un contrat de location, ayant pour objet le transfert de proprit de
lusufruit dun bien dfini, un prix dfini, pendant une dure dfinie. La date de
dbut deffet du contrat peut tre diffrente de celle de sa conclusion.
Dans un contrat Ijara tous les risques inhrents lactif (assurances, entretien) sont
la charge du propritaire.
LIjara Muntahia Bi Attamlik est un contrat dIjara auquel se greffe une promesse de
cession du bien la fin de la dure du bail.
Le contrat de cession du bien lou doit tre distinct du contrat de location, et est
tabli la date de cession et non pas la date de conclusion du contrat de location.
2.3.2. Les Sukuks ( )
Les Sukuks sont des instruments financiers obligataires islamiques adosss un actif
tangible. L'actif tangible (le sous jacent) doit tre obligatoirement licite. Ils sont
juridiquement plus assimils des certificats dinvestissement qu des obligations.
Les Sukuks sont, soit des investissements raliss par les Etats ( Sukuk souverain), soit
des investissements raliss par une socit ou une banque (Sukuk corporate).
La rmunration des investisseurs nest pas un montant fixe, mais est adosse au
rendement de lactif. Le rendement peut tre locatif ou sous forme de bnfices. Les
Sukuks sont structurs de telle sorte que leurs dtenteurs courent un risque de
crdit.
Le porteur des Sukuks bnficie dun droit de coproprit sur les actifs, quil peut
exercer en cas de dfaillance de lmetteur.
Selon lAAOIFI, il existe au moins 14 modalits de structuration des Sukuks. Dans la
pratique, les plus utiliss sont:
Sukuks Ijara : lactif sous jacent est gr par un contrat Ijara,
Sukuks Mudaraba : lactif sous jacent est gr par un contrat Mudaraba,
Sukuks Musharaka : lactif sous jacent est gr par un contrat Musharaka,
Sukuks Istisnaa : lactif sous jacent est gr par un contrat Istisnaa,
Sukuks Salam : lactif sous jacent est gr par un contrat Salam.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
3. Le rle central du Sharia Board
Littralement, lappellation Sharia scholar dsigne tout savant musulman qui a
une connaissance approfondie des sources de la Sharia.
Cependant, dans le domaine de la Finance Islamique, lusage de ce titre se fait de
faon plus restreinte : nest qualifi de la sorte que le thologien qui, en sus de son
rudition concernant les sources musulmanes et les fondements du droit musulman,
possde une excellente matrise de la jurisprudence des affaires, et des
connaissances dans le domaine de la finance conventionnelle.
Lexercice de cette double comptence lui permet de pouvoir analyser
consciencieusement le caractre Sharia Compliant des produits financiers et des
contrats qui sont soumis son expertise. Il est en effet vident que, tout comme
laccs direct aux noncs des diffrents codes composant la lgislation ne suffit pas
pour faire dun individu un expert du droit capable de conseiller et dassister des
citoyens en justice, la simple consultation des normes imposes dans la Finance
Islamique ne peut en aucune faon suffire pour lanalyse et laudit de compatibilit
sharia dun produit.
Dans la pratique, le Sharia scholar nintervient pas seul : il est associ dautres
collgues au sein dun groupe de travail appel Sharia board (ou Comit de
Conformit Sharia CCS).
Ce comit de conformit, compos de trois Sharia scholars au moins, est totalement
indpendant dans ses prises de dcision des instances dirigeantes de ltablissement
pour lequel il exerce. Les rsolutions quil adopte, que ce soit la majorit ou
lunanimit (suivant le mode opratoire retenu), doivent ncessairement tre
respectes et appliques par lorganisme financier.
Le Sharia board a pour principales missions :
de conseiller et dassister les institutions qui dsirent raliser des oprations
de finance islamique dans llaboration des contrats et des produits qui soient
en conformit avec les principes du droit musulman,
danalyser la documentation lgale et les caractristiques des produits sharia
compatibles labors par les quipes de dveloppement des tablissements
financiers pour sassurer notamment quils respectent :
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
les impratifs dhonntet, dintgrit et dquit ( travers le juste
partage des risques notamment) entre les diffrentes parties,
linterdiction de labus, de la tromperie et du mensonge,
linterdiction de contribuer directement ou indirectement des
oprations illicites (comme linvestissement dans une socit qui a pour
activit principale la production dalcool par exemple),
linterdiction de lintrt,
la ncessaire absence dincertitude importante et dala majeur au
niveau des contreparties, ect..
dmettre son avis (Fatwa) de Sharia compatibilit au terme des changes avec
les responsables de linstitution financire, lorsque les ventuelles
modifications requises dans la structuration des produits ou autre ont t
apportes,
de procder laudit rgulier des produits Sharia Compliant pendant leur
dure de vie afin de sassurer que, dans la pratique, les normes imposes pour
la validit et le caractre licite de chacune des oprations ralises sont
effectivement respectes. En effet, il suffit parfois dune modification mineure
dans le droulement des diffrentes phases composant une transaction pour
rendre celle-ci caduque : dans le cadre dune Murabaha par exemple, o le
financier achte un bien sur demande de son client pour le lui revendre avec
une marge bnficiaire dtermine (ce montage constitue une alternative
tolre au crdit la consommation), si la marchandise acquise est revendue
avant que lintermdiaire en prenne possession (directement ou par le biais
dun agent), cest lensemble de lopration de financement qui nest plus
Sharia compatible,
dadopter les mesures requises en cas de non respect avr des conditions
imposes dans la mise en application dun produit au sujet desquels un avis de
Sharia compatibilit a t mis,
danalyser les retours dinvestissements Sharia compatibles, de les purifier en
y retranchant la part ventuelle de revenus rsultant doprations illicites
ralises de faon secondaire pour loffrir une cause charitable. Cest le cas
notamment des dividendes provenant de socits dont lactivit principale est
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
licite mais dont une petite part du chiffre daffaire provient de placements
intrts ou dune activit illicite.
de raliser des rapports annuels afin de confirmer le caractre Sharia
compatible des oprations ralises par les institutions financires. Le choix de
sorienter vers les outils de la Finance Islamique rsultant la plupart du temps
de considrations religieuses, morales et spirituelles, ces rapports dopinion
sont esssentiels pour rassurer les investisseurs et clients musulmans.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
PARTIE1
Objectif : lobjectif de cette premire partie est danalyser le degr de conformit des
dispositions du CGNC et des schmas comptables proposs par BAM avec les
exigences de la Finance Islamique, de proposer les schmas comptables non prvus
initialement par BAM ou insuffisamment dvelopps ainsi que les modifications
apporter au cadre comptable marocain.
Mthodologie : analyse des schmas comptables proposs par la note explicative de
BAM, analyse de la structuration juridique des produits de la FI tels quapprouvs par
les instances internationales de la Sharia, et analyse du PCEC et du CGNC afin de
dterminer les divergences majeures.
Hypothses confirmer ou infirmer : les schmas comptables du PCEC et le CGNC ne
rpondent pas compltement aux spcificits de la FI, il convient dans le cadre de
linstallation de banques islamiques au Maroc de les revoir en consquence.
LA COMPTABILITE DES OPERATIONS DE LA
FINANCE ISLAMIQUE AU NIVEAU DU PCEC :
ANALYSE ET PROPOSITIONS DADAPTATION
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Chapitre 1 : Analyse du cadre comptable des produits
alternatifs du PCEC et propositions de recommandations
pour son adaptation la Finance Islamique
1.1. Analyse du rfrentiel comptable des produits alternatifs
au niveau du PCEC
Ds ladaptation de la recommandation n 33/G/2007 par Bank Al Maghrib, le PCEC a
t amend en consquence, et une note circulaire de BAM a t tablie par la
Direction de la Supervision Bancaire, qui explicite les schmas comptables de
fonctionnement des comptes comptables, destins recueillir les critures des
produits alternatifs.
1.1.1. La Murabaha
La Murabaha tant une opration commerciale dachat et de revente, elle passe
selon le PCEC par 4 phases de comptabilisation :
la conclusion du contrat,
larrt comptable,
la constatation de provisions pour crances en souffrance,
et le dnouement du contrat. Conclusion du contrat : cette tape se matrialise elle mme par 3 sous-
phases distinctes :
la promesse de vente (la promesse de vente nest pas une phase
obligatoire),
lachat du bien objet du contrat Murabaha,
et la revente du bien au client.
la promesse de vente : elle est comptabilise en hors bilan au dbit du
compte 80285 engagements de financement oprations de
Murabaha .
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Lacquisition ou possession du bien : selon le PCEC, lacquisition du bien
est comptabilise comme suit :
Dbit Crdit
3716 Biens acquis dans le cadre des
oprations de Murabaha
367 Fournisseurs de biens et services
Cas de lavance client : il est usuel que le client, pour lacquisition dun bien
donn, verse la banque, une avance faire valoir sur le prix final
dacquisition du bien, et sur laquelle, la banque ne prlve aucune marge
bnficiaire. Le PCEC prvoit les critures comptables suivantes :
Dbit Crdit
12 Comptes ordinaires des tablissements
de crdit
3661 Avances et acomptes sur oprations
Murabaha
La vente ou cession du bien au client : ds que le contrat de cession est
finalis avec le client, la vente doit tre constate dans les comptes de la
banque selon le schma comptable suivant prvu par le PCEC :
Dbit Crdit
3661 Avances et acomptes sur oprations
Murabaha (le cas chant pour solde du du
compte)
2750 Crances sur la clientle oprations
Murabaha (solde net des oprations)
3716 Biens acquis dans le cadre des
oprations de Murabaha (pour solde du
compte)
7531 Produit sur oprations Murabaha
(marge bnficiaire)
Selon le PCEC, la vente tant effectue temprament, la marge bnficiaire dgage
par la banque ne concerne pas un seul exercice mais plusieurs exercices. Il convient donc
de ltaler sur la dure du contrat Murabaha, et de la rattacher aux exercices qui la
concernent :
Dbit Crdit
7531 Produits sur oprations Murabaha
3872 Produits constats davance
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Lors des arrts comptables suivants, on constatera la quote-part des produits du
contrat Murabaha qui concernent les exercices ultrieurs et ce jusqu la fin de la
dure du contrat Murabaha.
Dbit Crdit
3872 Produits constats davance
7531 Produits sur oprations Murabaha
Provisions pour crances en souffrance : ds constatation de la dfaillance du
client, le PCEC prvoit lobligation de reclasser lencours du compte 2750 (Crances sur la
clientle oprations Murabaha) en crances en souffrance, selon les rgles de
reclassement spcifies par la note circulaire n 19 de BAM.
Constatation de la crance en souffrance :
Dbit Crdit
2911 Crances pr-doteuses (montant le
principal de la crance)
ou 2912 Crances doteuses (idem)
ou 2913 Crances compromises (idem)
2750 Crances sur la clientle - Oprations
de Murabaha (pour solde du compte)
Dbit Crdit
3872 Produits constats davance (pour
solde du compte)
297 Rmunrations rserves sur
oprations de Murabaha
Dotations aux provisions pour dprciation des crances
Dbit Crdit
6712 Dotations aux provisions pour en
crances en souffrance sur la clientle
2991 Provisions pour crances pr-
douteuses
ou 2992 Provisions pour crances doteuses
ou 2993 Provisions pour crances
compromises
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
1.1.2. La Musharaka
La Musharaka dsigne tout contrat qui a pour objet la prise de participation dans une
socit existante ou en cours de cration, en vue de raliser un profit. Les parties
contractantes participent aux profits et aux pertes hauteur de leur participation
dans le capital. Dans le cas qui nous concerne, la prise de participation peut tre
effectue par la banque directement ou via un fonds dinvestissement.
La participation peut tre fixe ou dgressive. Lenregistrement comptable des
oprations de Musharaka couvre les phases suivantes :
la conclusion du contrat,
la comptabilisation des produits,
larrt comptable,
et le dnouement du contrat.
Conclusion du contrat : sil existe un dcalage temporel et temporaire entre la
date de conclusion du contrat et celle de lacquisition physique des titres, il
convient daprs le PCEC, de procder la constatation dune criture en hors
bilan au dbit du compte 8418 Titres recevoir- oprations de Musharaka.
Ce compte est extourn lors de la rception des titres (cession des titres au nom
de la banque dans le cas dune socit existante ou la fin des formalits de
constitution dans le cas dune socit crer).
Les titres dtenus dans le cadre de la Musharaka sont inscrits leur valeur
dapport pour le cas des socits en cration, et pour leur valeur dachat pour
les socits dj existantes. Lcriture comptable prvue par le PCEC est :
Dbit Crdit
4262 Titres de participation - Oprations
de Musharaka
12 Comptes Ordinaires
Comptabilisation des produits : les dividendes des titres de participation lis
aux oprations de Musharaka perus par la banque sont comptabiliss comme
suit :
Dbit Crdit
12 Comptes Ordinaires
7265 Dividendes sur participations- Oprations de Musharaka
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Arrt comptable : larrt comptable permet dvaluer la valeur inscrite au
bilan des titres Musharaka. Le principe de prudence prconis par le CGNC
recommande de passer une criture de provisions pour les moins-values latentes. Les
plus values-latentes quant elles ne sont pas constates.
Lcriture comptable recommande par le PCEC est donc :
Dbit Crdit
6749 Dotations aux provisions pour
dprciation des autres immobilisations
financires
4269 Provisions pour dprciation
Si la provision pour dprciation devient sans fondements, alors une criture de
reprise de provision est constate :
Dbit Crdit
4269 Provisions pour dprciation
7749 Reprises de provisions pour
dprciations des autres immobilisations
financires
Dnouement du contrat : lchance du contrat Musharaka le contrat est
dnou, et 2 cas peuvent se prsenter :
Hypothse 1 : lopration de Musharaka est une opration de Musharaka
fixe, la banque se dsengage en totalit la fin de la dure du contrat.
Dans ce cas, les titres sont annuls de la comptabilit de la banque, et les
actifs reus et/ou passifs assums sont comptabiliss au bilan de la banque
en les affectant selon leur nature aux comptes correspondants.
Si le rsultat de cession est un profit, alors lcriture comptable
est :
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Dbit Crdit
12 Comptes Ordinaires (prix de cession)
4269 Provision pour dprciation
(ventuellement pour solde du compte)
7280 Plus- values de cession sur titres des
oprations Musharaka (pour le solde)
4262 Titres de participation- Oprations de
Musharaka (pour solde du compte)
Si le rsultat de cession est une perte, lcriture comptable est :
Dbit Crdit
12 Comptes Ordinaires (prix de cession)
4269 Provision pour dprciation
(ventuellement)
6280 Moins- values de cession sur titre
des oprations de Musharaka (pour le
solde)
4262 Titres de participation- Oprations de
Musharaka (pour solde du compte)
Hypothse 2 : le contrat de Musharaka est un contrat dgressif qui prvoit le
dsengagement progressif de la banque. Lcriture comptable prconise par
le PCEC est :
Si le rsultat de cession est un profit
Dbit Crdit
12 Comptes Ordinaires (prix de cession)
4269 Provision pour dprciation
(ventuellement pour solde du compte)
4262 Titres de participation- Oprations de
Musharaka ( hauteur de la valeur brute
dacquisition ou valeur dapport des titres
cds)
7280 Plus- values de cession sur titres des
oprations de Musharaka (pour le solde)
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
si le rsultat de cession est une perte :
Dbit Crdit
13 Comptes Ordinaires (prix de
cession)
4269 Provision pour dprciation
(ventuellement pour solde du compte)
6280 Moins- values de cession sur titre
des oprations de Musharaka (pour le
solde)
4262 Titres de participation- Oprations
de Musharaka ( hauteur de la valeur
brute dacquisition des titres cds)
Garanties reues : la banque peut recevoir des garanties dans le cadre du contrat
Musharaka, ces garanties sont inscrire en hors bilan au dbit des comptes 83
Engagements de garanties reus ou 87 Valeurs ou srets donnes ou
reues en garantie .
1.1.3. Ijara
Le produit financier Ijara dsigne tout contrat au terme duquel un tablissement de
crdit, met titre locatif, un bien meuble ou immeuble la disposition du client.
La location peut tre simple (Ijara Tachghilia), ou assortie dun engagement ferme
et/ou optionnel du client dacqurir le bien lou lissue de la priode de location
(Ijara wa Iqtinaa.).
Lenregistrement comptable des oprations dIjara doit couvrir les aspects suivants :
- la conclusion du contrat,
- la comptabilisation de limmobilisation,
- la comptabilisation des produits et charges,
- larrt comptable,
- le provisionnement des crances en souffrance,
- et le dnouement du contrat.
Conclusion du contrat : elle est traduite au niveau du PCEC par la constatation
en hors bilan de lengagement de financement au dbit du compte 8028
Engagements de financement sur oprations dIjara et de Murabaha.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Comptabilisation de limmobilisation : au niveau du PCEC, la comptabilisation
de limmobilisation se fait au cot dacquisition, telle que la notion de cot
dacquisition est dfinie par le CGNC, lcriture comptable est donc :
Dbit Crdit
47 Immobilisations donnes en Ijara wa
Iqtina
ou
48 Immobilisations donnes en Ijara
Tachghilia
367 Fournisseurs de biens et services
Le PCEC, prvoit que les frais engags pour lacquisition de limmobilisation et non
inclus dans le cot de lacquisition de limmobilisation tels que les droits
denregistrement, honoraires et commissions, frais dacte, sont comptabiliser en
charges.
Dbit Crdit
6339 Autres charges sur immobilisations
en Ijara wa Iqtina
ou
6349 Autres charges sur immobilisations
en Ijara Tachghilia
367 Fournisseurs de biens et services
Comptabilisation des charges : la comptabilisation des charges concerne la
constatation de la dotation aux amortissements du bien Ijara, la dotation aux
provisions pour dprciation des immobilisations en Ijara (le cas chant) et les frais
dentretien et de rparation.
Dotation aux amortissements : cest la constatation de la dprciation
conomique du bien Ijara.
Dbit Crdit
6331 Dotations aux amortissements des
immobilisations en Ijara wa Iqtina
ou
6341 Dotations aux amortissements des
immobilisations en Ijara Tachghilia
478 Amortissement des immobilisations
en Ijara wa Iqtinaa
ou
488 Amortissement des immobilisations
en Ijara Tachghilia
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Dotation exceptionnelle aux provisions : si la banque constate une dprciation
exceptionnelle sur les immobilisations objet du contrat Ijara (incendie, dgts
des eaux, vol), alors il y a lieu de passer une criture de provision pour
dprciation :
Dbit Crdit
6332 Dotations aux provisions des
immobilisations en Ijara wa Iqtina
ou
6342 Dotations aux provisions des
immobilisations en Ijara tachghilia
479 Provision pour dprciation des
immobilisations Ijara wa Iqtina
ou
489 Provision pour dprciation des
immobilisations Ijara Tachghilia
Frais dentretien : la constatation comptable des frais dentretien, diffre daprs le
PCEC selon que lesdits frais sont immobiliss ou pas.
Cas 1 : les frais dentretien sont de simples charges
Dbit Crdit
6339 Autres charges sur immobilisations
en Ijara wa Iqtina
ou
6349 Autres charges sur immobilisations
en Ijara Tachghilia
367 Fournisseurs de biens et services
Cas 2 : les rparations sont importantes et rcurrentes, dans ce
cas, des provisions pour grosses rparations peuvent tre
constitues.
Dbit Crdit
6339 Autres charges sur immobilisations
en Ijara wa Iqtina
ou
6349 Autres charges sur immobilisations
en Ijara tachghilia
5093 Provisions pour charges rpartir
sur plusieurs exercices
ou
5099 Diverses autres provisions pour
risques et charges
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Comptabilisation des produits : la comptabilisation des produits consiste
constater les revenus locatifs et les reprises des provisions pour dprciation des
immobilisations en Ijara, le cas chant.
Revenus locatifs :
Dbit Crdit
476 Loyers courus (Ijara wa Iqtina)
ou
486 Loyers courus (Ijara Tachghilia)
7331 Loyers Ijara wa Iqtina
ou
7341 Loyers Ijara Tachghilia Tachghilia (loyers)
Reprise de provisions pour dprciation des immobilisations
Dbit Crdit
479 Provision pour dprciation des
immobilisations Ijara wa Iqtina
ou
489 Provision pour dprciation des
immobilisations Ijara Tachghilia
775 Reprise de provisions pour
dprciation des immobilisations
incorporelles et corporelles
Arrt comptable : les arrts comptables sont loccasion pour la banque de
faire le point sur :
le rattachement des charges et produits leur exercice,
et le provisionnement des crances en souffrance.
Le principe de spcialisation des exercices : pour les besoins de rattachement
des produits lexercice qui les concerne, deux cas peuvent se prsenter :
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Cas 1 : le loyer factur couvre plus que la priode de larrt,
lcriture suivante est alors constate :
Dbit Crdit
7331 Produits sur immobilisations en Ijara
wa Iqtina
ou
7341 Produits sur immobilisations en Ijara
Tachghilia
3872 Produits constats davance
Cas 2 : le loyer factur ne couvre pas la totalit de la priode de
larrt :
Dbit Crdit
3881 Produits recevoir
7331 Produits sur immobilisations en Ijara
wa Iqtina
ou
7341 Produits sur immobilisations en Ijara
Tachghilia
Application du principe de prudence : la clture de lexercice, la banque peut
constater la dfaillance de son client, et appliquer les rgles prudentielles
prvues par la circulation n 19 de BAM.
Constatation de la dfaillance du client :
Dbit Crdit
4918 Crances en souffrance sur
oprations de Ijara
477 Loyers impays (Ijara wa Iqtina)
ou
487 Loyers impays (Ijara Tachghilia)
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Dotation aux provisions :
Dbit Crdit
6712 Dotations aux provisions pour
crances en souffrance sur la clientle
4998 Provisions sur oprations de Ijara
Dnouement du contrat : lchance du contrat Ijara, le traitement comptable
diffre selon que le bien objet du contrat a fait lobjet dune promesse de cession
au locataire ou non.
Hypothse 1 : le contrat Ijara est un contrat de location simple :
Cas 1 : le contrat Ijara nest pas reconduit : il ny a dans ce cas
aucune criture comptable passer, et limmobilisation reste dans
les comptes de la banque la fin de la dure du contrat.
Cas 2 : le contrat Ijara est reconduit : dans ce cas, les critures
comptables relatives lIjara depuis la conclusion du contrat
jusqu larrt comptable sont applicables.
Hypothse 2 : le contrat Ijara est un contrat de location avec option dachat :
Cas 1 : le client acquiert la proprit du bien lou et les critures
comptables de sortie du bien immobilis des comptes de la
banque sont daprs le PCEC :
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
En cas de perte :
Dbit Crdit
478 Amortissement des immobilisations
en Ijara wa Iqtina (pour solde du compte)
479 Provisions pour dprciation des
immobilisations en Ijara wa Iqtina
(ventuellement pour solde du compte)
6333 Moins-values de cession sur
immobilisations en Ijara wa Iqtina (pour
le solde en cas de perte)
12 Comptes Ordinaires (prix de cession)
47 Immobilisations en Ijara wa Iqtina
(pour solde cu compte) (pour solde du compte)
En cas de profit :
Dbit Crdit
478 Amortissement des immobilisations
en Ijara wa Iqtina (pour solde du compte)
479 Provisions pour dprciation des
immobilisations en Ijara wa Iqtina
(ventuellement pour solde du compte)
12 Comptes ordinaires (prix de cession)
47 Immobilisations en Ijara wa Iqtina
(pour solde du compte)
7333 Plus values de cession sur
immobilisations en Ijara wa Iqtina (pour le
solde en cas de profit)
(pour solde du compte)
Cas 2 : le client nacquiert pas le bien Ijara la fin du contrat. Le
PCEC prvoit didentifier limmobilisation non cde en la
reclassant dans un compte part. Le PCEC ne prcise pas si les
valeurs comptables inscrire au niveau des comptes 4723 et 4733,
sont les valeurs brutes ou les valeurs nettes comptables. Si tel tait
le cas, il conviendrait de solder, en sus des comptes
dimmobilisations, les comptes damortissement et de provisions
affrents lIjara wa Iqtina.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
Dbit Crdit
4723 Ijara wa Iqtina mobilire non loue
aprs rsiliation
ou
4733 Ijara wa Iqtina immobilire non
loue aprs rsiliation
47 Immobilisations en Ijara wa Iqtina
(pour solde du compte)
(pour solde du compte)
1.2. Propositions dadaptation et approfondissement du rfrentiel
comptable des produits alternatifs aux particularits de la Finance
Islamique
En Finance Islamique, le montage du produit financier en lui-mme nest pas suffisant
pour quun produit financier soit Sharia Compliant , il faut que sa comptabilisation
respecte galement le processus juridique qui a t mis en place pour le structurer.
Au niveau de cette deuxime partie du chapitre, nous analyserons donc les schmas
comptables des diffrents produits alternatifs, chaque tape de la vie du produit
financier, tout en soulignant pour chaque niveau si le principe de compatibilit avec la
Sharia a bien t respect ; et si non, quelle est la norme ou le fondement de droit
musulman qui a invalid un tel traitement comptable.
Il ne sagit nullement dans cette partie de dcrire les schmas comptables prvus par
le normalisateur AAOIFI, mais dadapter les schmas comptables proposs par le PCEC
aux exigences de la FI, tout en respectant les principes comptables fondamentaux du
CGNC.
1.2.1. La Murabaha
Nous avons bien prcis au niveau du paragraphe 1.1.1. que le PCEC ne prvoit que 4
phases de comptabilisation des oprations Murabaha, la structuration du produit en FI
fait ressortir quant elle, 6 phases distinctes :
la promesse de vente,
la possession du bien par la banque,
lavance client et/ou dpt de garantie,
larrt comptable,
la conclusion du contrat,
et le dnouement du contrat.
-
Salima BENNANI Adaptation du PCEC et application des normes IFRS aux particularits de la Finance Islamique
La promesse de vente : il ny a aucune divergence comptable soulever entre le
PCEC et les exigences de la FI, au niveau de la promesse de vente qui demeure
effectivement un hors-bilan.
La possession : le premier point de non conformit que lon peut signaler lors du
processus de comptabilisation du produit Murabaha est lenregistrement de la
possession du bien par la banque en tant que valeurs et emplois divers . En effet,
la reconnaissance du principe de possession et dappropriation du bien achet par la
banque, doit se traduire par la comptabilisation de cette opration dans la rubrique
comptable rfltant la nature de bien achet.
En Finance Islamique, la possession au niveau du produit Murabaha traduit
lacquisition par la banque du bien avant sa revente. La possession est une tape
incontournable et obligatoire, quelle soit physique ou simplement juridique ou
documentaire (la possession juridique est tolre lorsquil sagit de rception de
certains biens financs par crdit documentaire ou pour lacquisition de biens
spcifiques).
Le principe de FI est que lon ne peut vendre ce que lon ne possde pas et la vente
dun bien non possd fait partie des ventes avec incertitude (ventes interdites en
FI).
Cette possession par la banque doit donc tre traduite correctement au niveau des
comptes comptables. Lcriture comptable diffrera selon que lacquisition
concerne un bien meuble ou un bien immeuble dj dtenu par la banque.
De plus, dans sa prsentation de la Murabaha, le PCEC ne prvoit que le
financement des biens meubles ou immeubles (donc immobilisations corporelles)
alors que les pratiques en FI autorisent le financement dimmobilisations
incorporelles (brevets, marques, inventions) et mme de prestations de services.
Par ailleurs, il est important de souligner ce niveau une diffrence de principe
fondamentale entre le GCNC et la Murabaha de la FI. En effet, la FI admet la
possession juridique (comme par exemple la rception des documents de crdit
documentaire ou remise documentaire) comme un fait gnrateur de lcriture
comptable dachat du bien par la banque, alors que le CGNC prvoit que les
comptes d'achat sont dbits au moment de la rception des factures. Mais la
clture de l'exercice, l'entreprise peut :
- soit tre en possession de la facture sans avoir reu livraison des
marc