L A R E V U E D U D R O I T D E S R E S S O U R C E S H U M A I N E S
DLes
cahiers du
RH
Mensuel – N° 135 – Septembre 2007
DOSSIER
Le licenciement économique« aujourd’hui »
LECTURE
Le managementà l’école du rugby
LES FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Faut-il un plan anti-Halde ?
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
Durée du travail :un droit du paradoxe
L e chef de l'Etat vient de tracer les contours d'un « nouveau contrat
social, profondément renouvelé et différent ».
En deux mots, il faut simplifier. Le chantier est gigantesque.
A commencer par notre droit de la durée du travail.
Jacques Barthélémy ne cesse de le dire : c’est un droit technocratique, tatillon,
entortillé, incompréhensible, inapplicable et inappliqué. C’est l’ensemble de
son architecture qui doit donc être remanié pour lui donner plus de cohérence
et d’efficacité.
Inutile de percer de nouvelles fenêtres pour créer des courants d’air dans l’espoir
d’évacuer les effluves délétères des 35 heures. Ce n’est plus la façade qu’il faut
modifier, c’est à la reconstruction de tout l’édifice
qu’il faut s’attaquer, en commençant, comme au
rugby, par les fondamentaux : les fondations et
les murs porteurs.
Mal conçus, ils sont aujourd’hui la cause de graves fissures.
La loi entre dans les détails et corsète la créativité des partenaires sociaux dont
elle semble se défier. Ce faisant, elle multiplie les sources de contentieux.
Alors qu’elle devrait, au nom de sa fonction protectrice, s’attacher uniquement
aux murs de soutènement : durées maximales, repos minimum, etc., et laisser
aux partenaires sociaux le choix des aménagements et de la décoration intérieurs :
cadre d’appréciation et répartition de la durée du travail, majorations de salaire, etc.
Mais pour que cela puisse se faire de manière équilibrée, en conciliant efficacité
économique et avancées sociales, les accords doivent être signés avec des
interlocuteurs légitimes, c’est-à-dire majoritaires. C’est la meilleure garantie
contre les malfaçons sociales car, pour obtenir alors de la souplesse, il faudra
inévitablement accorder des contreparties significatives. Mais avec à la clé,
n’en doutons pas, la promesse de belles moissons pour les temps futurs.
Alain Dupays
Ravalement oureconstruction ?
Reveniraux fondamentaux
ÉDITORIAL
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 1
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20072
SOMMAIRE DES CAHIERS DU DRH
N° 135
ÉCLAIRAGE D’ANDRÉ DERUE
Le controle Urssafnouveau est arrivé !Si en principe les sondages « ne se trompent jamais », là ce sont les entreprises qui sont trompées. Sous couvertd’améliorer les « droits des cotisants », ce sont les moyensde contrôle des Urssaf qui sont renforcés, en les autorisantà procéder à des vérifications sur pièces ou à recourir auredressement par sondage. Pourvu que tout cela ne setransforme pas en carottage ! P. 3
LECTURE
Le management à l’école du rugby.
De Brennus au gouvernement, le rugby mène à tout. Ecole de l’abnégation, du sacrifice et de la solidarité, sportà la fois collectif et individuel, culte de la passe décisive…,pourquoi ne pas adapter ces valeurs à l’entreprise ?C’est le parti pris des auteurs de cet ouvrage qui utilisentla métaphore sportive pour proposer aux managers dedévelopper leurs compétences et celles de leurs équipes.Bref, tout pour faire vibrer le cuir plutôt que gérer des ronds de cuir ! P. 9
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHELEMY
Durée du travail :un droit du paradoxeLa loi, l’accord et le contrat… Non, ce n’est pas un westernoublié de Sergio Leone ! C’est l’architecture que devraitrespecter notre droit de la durée du travail.A la loi la fixation des principes, à l’accord leur adaptationau terrain et les précisions de détail et au contrat leurdéclinaison individuelle.Jacques Barthélémy démontre qu’on en est encore très loin,malgré la volonté politique affichée. La réalité est celle d’undroit rempli de paradoxes où la loi se mêle du détail et sedéfie de la créativité des partenaires sociaux. Le résultat,c’est une technocratisation et une complexité accrue d’undroit devenu inefficace. Quand nul n’est censé comprendrela loi… attention, danger ! P. 18
LES FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Faut-il un plananti-Halde ?Face au « testing », testez vos réactions ! Sinon, faute d’apporter la preuve de votre innocence, vos arguments ne vaudront pas un « COPEC ». C’est toute une culture d’entreprise qu’il faut donc modifier.Mais avant la mise en place d’un plan antidiscrimination, la désignation d’un « Monsieur Diversité » ou la rédactiond’une charte, des mesures d’urgence s’imposent. D’abord, rendre objectifs les critères de refus d’unecandidature. P. 30
DOSSIER
Le licenciementéconomique« aujourd’hui »Pourquoi moi et pas lui ? Pour quelle raison ?On va vous l’expliquer.C’est l’ordre des licenciements, leur notification et la prioritéde réembauchage qui sont au menu, ce mois-ci. P. 40
BLOC-NOTES
Rendez-vous P. 56
Reprenant à son compte une pratique lar-
gement répandue, en lui donnant doréna-
vant un fondement juridique qui ne rendra
plus contestable ce contrôle, le décret du
11 avril 2007 réglemente la possibilité de
« contrôles sur pièces », sous la dénomination
de « vérifications ».
Il ne s’agit plus ici de contrôler l’entreprise
dans ses locaux ou de procéder à un contrôle
de celle-ci dans les locaux de l’Urssaf, faculté
également reconnue dans certains cas par le
décret d’avril.
Si les textes nouveaux utilisent le terme de
« vérification », c’est sans doute pour bien mar-
quer la différence qu’il y a désormais entre
un contrôle qui se réalise nécessairement en
présence du cotisant ou de ses représentants
et une vérification qui est une opération uni-
latérale et solitaire menée dans les locaux de
l’Urssaf hors de leur présence.
C’est le sens du nouvel article R. 243-43-3 du
Code de la sécurité sociale qui prévoit que
les organismes de recouvrement procèdent
à la vérification de l’exactitude et de la confor-
mité à la législation en vigueur des déclara-
tions qui leur sont transmises.
Curieusement relatif aux
« droits des cotisants », c’est
en tout cas son intitulé, le
décret du 11 avril 2007 (1),
sorti dans l’indifférence gé-
nérale, ne va pas laisser insensibles très long-
temps les praticiens du contrôle Urssaf, au
premier rang desquels il convient bien sûr
de placer les entreprises, puisque l’essentiel
de ses redoutables dispositions sont entrées
en vigueur le 1er septembre dernier.
Nous ne commenterons pas ici chacune des
nombreuses mesures du dispositif nouveau
qui, à bien des égards, « révolutionnent » la
matière de telle sorte que de longs dévelop-
pements devraient y être consacrés (2).
Nous nous limiterons donc, pour cette fois, à
quelques observations sur deux des mesures
nouvelles qui sont, à notre sens, emblémati-
ques de certains des objectifs de la réforme.
Vérificationssur pièces…
Du « sur place » au « sur pièces »
On connaissait jusqu’à présent le contrôle « surplace » dans les locaux mêmes de l’entreprise,
tel qu’il est organisé par le fameux article
R. 243-59 du Code de la sécurité sociale.
Le contrôle Urssafnouveau est arrivé !Quelques semaines avant le beaujolais est arrivé le contrôle Urssaf nouveau !Le cru est prometteur mais charpenté et long en bouche. Et pourtant, celafaisait longtemps que l’on attendait une réforme, une vraie, du droit du contrôle Urssaf.C’est maintenant chose faite avec le décret du 11 avril 2007.
ÉCLAIRAGED’ANDRE DERUE
Par André DerueAndré Derue est Avocat, conseilen Droit Social, Associé du CabinetJacques Barthélémy et Associésdont il est membre du conseilscientifique et Responsable du Bureau de Lyon. Il est l’auteurde près d’une centaine d’articles,contributions et ouvragesessentiellement en Droit de la sécurité sociale.
(1) D. no 2007-546, 11 avr. 2007, JO 13 avr. (2) Voir « Contrôle Urssaf : du nouveau... ! », H.-G. Bascou, J.-C. Ranc et F. Taquet, CDRH no 134, juill. 2007.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 3
du 1er septembre 2007, puisque le nouvel ar-
ticle R. 243-43-4 du Code de la sécurité so-
ciale prévoit que l’organisme de recouvre-
ment peut envisager un redressement à l’issue
de sa vérification.
Procédure
Pour pouvoir procéder valablement à un
contrôle « sur pièces », le contrôleur de l’Urs-
saf doit aviser l’entreprise par lettre recom-
mandée avec demande d’avis de réception :
- des déclarations et des documents qu’il a
examinés lors de sa vérification ;
- des périodes auxquelles se rapportent ceux-
ci ;
- du motif, du mode de calcul et du montant
du redressement envisagé ;
- de la faculté dont l’entreprise dispose de se
faire assister d’un conseil de son choix pour
répondre aux observations faites (sa réponse
devant être notifiée à l’organisme de recou-
vrement dans un délai de trente jours) ;
- et enfin du droit pour l’Urssaf d’engager la
mise en recouvrement en l’absence de ré-
ponse de sa part à l’issue du délai précité.
Si, dans le délai de trente jours, l’entreprise
a fait part de ses observations, ce qui ne
constitue d’ailleurs nullement une obliga-
tion pour elle même si elle entend contes-
ter ultérieurement le redressement notifié,
l’Urssaf a l’obligation de lui indiquer par
courrier si elle maintient ou non sa décision
A cet effet, ils peuvent rapprocher les infor-
mations qui résultent des déclarations de l’en-
treprise avec d’autres documents que celle-
ci a déjà transmis ou produits elle-même et
avec les informations que d’autres « institu-tions » peuvent également et légalement leur
communiquer.
La sécurisation réglementaire à destination
des Urssaf, des vérifications qu’elles mènent
sur le contenu des déclarations qui lui sont
transmises, ne soulève pas de critique sur le
principe.
Il en est d’ailleurs de même de la possibi-
lité, désormais actée dans le nouvel article
R. 243-43-3 du Code de la sécurité sociale,
pour les organismes de demander par écrit à
l’entreprise de leur communiquer tout docu-
ment ou information complémentaire néces-
saire pour procéder à de telles vérifications.
Vérification « sur pièces »sans vérification préalable« sur place »
La question s’était posée de savoir si des vé-
rifications « sur pièces » pouvaient entraîner
un redressement, ou s’il convenait que tout
redressement soit nécessairement précédé
du respect de la procédure de contrôle sur
place prévue par l’article R. 243-59 du Code
de la sécurité sociale.
Or, cette question n’a plus lieu de se poser
pour les « vérifications » engagées à compter
ÉCLAIRAGED’ANDRÉ DERUE
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20074
Notification de la vérification « sur pièces »
effectuée par l’Urssaf (LAR)
30 jours maximum
Observations de l’entreprise
Aucun délai maximum
Réponse de l’Urssaf
Aucun délai minimum
Procédure derecouvrement
30 jours
Silence de l’entreprise
30 jours minimum
Procédure derecouvrement
dont un exemplaire doit par ailleurs être
remis à l’entreprise.
Or, s’il résulte du deuxième alinéa de l’arti-
cle R. 243-59-2 du Code de la sécurité so-
ciale que l’entreprise peut s’opposer à l’uti-
lisation de telles méthodes, à la condition
d’en informer l’inspecteur du recouvrement
par écrit dans les quinze jours suivant la re-
mise des documents précités, on relèvera
que demander à l’entreprise de s’opposer
éventuellement à l’utilisation de telles tech-
niques n’est pas du tout comparable quali-
tativement à la défunte exigence jurispru-
dentielle qui faisait peser sur l’Urssaf
l’obtention d’un accord préalable de l’entre-
prise !
Effets dissuasifs des refus
Tout est fait dans le texte nouveau pour ré-
fréner toute velléité de refus de la part de
l’entreprise !
Qu’on en juge : dès lors qu’elle s’est opposée
à l’utilisation de telles techniques, l’inspecteur
du recouvrement doit lui faire connaître :
- le lieu dans lequel les éléments nécessaires
au contrôle doivent être réunis ;
- ainsi que les critères, conformes aux néces-
sités du contrôle, selon lesquels ces éléments
doivent être présentés et classés.
On ne peut qu’être surpris que le refus ex-
primé par l’entreprise à l’utilisation d’une
technique de sondage permette à l’inspec-
teur du recouvrement d’exiger unilatérale-
ment de celle-ci ce qu’il n’est pas en mesure
d’imposer lors d’un contrôle « classique », à
savoir un lieu de remise des documents se-
lon des critères de classement et de présen-
tation qu’il aura choisis.
Le fait que l’entreprise dispose de la faculté
de faire valoir ses observations en réponse
dans un délai de quinze jours n’est qu’un
leurre destiné à instrumentaliser l’idée d’un
vain débat contradictoire car, en toute hypo-
de redressement. Rien n’impose toutefois à
l’Urssaf de motiver sa réponse, ce que l’on
regrettera vivement.
La mise en recouvrement des cotisations cor-
respondantes, ainsi que des majorations et
des pénalités de retard, peut être engagée soit
à l’issue du délai de trente jours dans le cas
où l’entreprise n’a pas fait part de ses pro-
pres observations dans ce délai, soit après
l’envoi par l’Urssaf du courrier par lequel elle
répond à ces observations.
Sondages…
De l’accord préalableà l’absence de refusde l’entreprise contrôlée
Fort habilement, il semble, à première lec-
ture, que le nouvel article R. 43-59-2 du Code
de la sécurité sociale consacre la jurispru-
dence de la Cour de cassation selon laquelle,
à défaut d’accord préalable de l’entreprise,
l’utilisation par l’organisme de recouvre-
ment d’une méthode de contrôle par échan-
tillonnage et extrapolation n’est pas licite
dès lors que cette dernière a à sa disposi-
tion tous les éléments permettant d’établir
un redressement sur des bases réelles (3).
C’est ainsi que le premier alinéa du nouvel
article R. 243-59-2 du Code de la sécurité
sociale prévoit que les inspecteurs du recou-
vrement peuvent proposer à l’entreprise
d’utiliser des méthodes de vérification par
échantillonnage et extrapolation. A cet ef-
fet, l’inspecteur du recouvrement doit re-
mettre à celle-ci, au moins quinze jours avant
le début de l’utilisation de telles techniques,
un document lui indiquant les différentes
phases de la mise en œuvre de ces métho-
des ainsi que les formules statistiques utili-
sées pour leur application, lesquelles ont
été définies par un arrêté du 11 avril 2007
ÉCLAIRAGED’ANDRE DERUE
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 5
(3) Cass. soc., 24 oct. 2002, no 01-20.699.
d’extrapolation envisagée pour chacun
d’eux. Fort heureusement, l’entreprise peut
présenter ses observations tout au long de
la mise en œuvre de ces méthodes et son
désaccord écrit impose une réponse écrite
de l’inspecteur du recouvrement, mais mal-
heureusement pas une réponse motivée.
Par ailleurs, dans sa lettre d’observations,
telle que prévue par l’article R. 243-59 du
Code de la sécurité sociale, l’inspecteur
ayant utilisé de telles techniques doit
préciser :
- la population faisant l’objet des vérifica-
tions ;
- les critères retenus pour procéder au tirage
des échantillons ;
- le contenu des échantillons ;
- les cas atypiques qui ont été exclus ;
- les résultats obtenus pour chacun des échan-
tillons ;
- la méthode d’extrapolation appliquée ;
thèse, c’est l’inspecteur qui a le « dernier »mot puisqu’il notifiera à celle-ci « le lieu et lescritères qu’il a définitivement retenus » !
Seule la fixation du délai pour la mise à dis-
position des éléments demandés doit se faire
d’un commun accord dans la limite maxi-
male de soixante jours.
Comme si cela ne suffisait pas, le texte pré-
cise que si les conditions précitées ne sont
pas remplies, l’opposition de l’entreprise
« ne peut être prise en compte », ce qui signi-
fie que l’utilisation de méthodes de contrôle
par échantillonnage et extrapolation peut
alors lui être imposée.
Garanties procédurales
En revanche, légitime est l’exigence qui
pèse sur l’inspecteur d’informer l’entre-
prise des critères utilisés pour définir les
populations examinées, le mode de tirage
des échantillons, leur contenu et la méthode
ÉCLAIRAGED’ANDRÉ DERUE
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20076
Proposition de l’Urssaf de recours à la technique de l’échantillonnage
(par écrit)
Réalisation du sondage
Observations de l’Urssaf
15 jours maximum
Refus écrit de l’entreprise
Aucun délai maximum
Notification du recours au contrôle classique
15 jours maximum
Observations de l’entreprise
Aucun délai maximum
Fixation des modalités du contrôle
Aucun délai maximum
Réalisation du contrôle
15 jours
Silence de l’entreprise
30 jours
Silence de l’entreprise
Aucun délai maximum
Procédure de recouvrement
15 jours maximum
Accord de l’entreprise
30 jours maximum
Contestation de l’entreprise
30 jours maximum
Communication du chiffrage réalisé par l’entreprise
Aucun délai maximum
Procédure de recouvrement
Il n’est nulle intention de notre part de nier
qu’une sécurité juridique accrue a été offerte
depuis quelques années aux entreprises.
Il en est ainsi, notamment, et peut être sur-
tout, des dispositions contenues dans l’or-
donnance du 6 juin 2005 (4), relatives au res-
crit et à l’opposabilité des circulaires
ministérielles publiées. Il en est ainsi égale-
ment de certaines des dispositions du dé-
cret du 11 avril 2007, par exemple en ce qui
concerne la mise en œuvre des modalités
de saisine de l’agence centrale des organis-
mes de sécurité sociale lorsqu’une entre-
prise est confrontée à des interprétations
contradictoires de la part de différentes
Urssaf…
En revanche, on ne peut nier qu’une bonne
part des objectifs poursuivis par le décret du
11 avril porte sur la sécurisation juridique
de certaines pratiques des organismes de re-
couvrement dont la validité était contestée.
L’exemple des sondages est de ce point de
vue remarquable.
Quelle que soit l’appellation donnée (son-
dage, échantillonnage, extrapolation…), de
telles techniques sont depuis de nombreu-
ses années utilisées de manière récurrente
par les organismes de recouvrement à l’oc-
casion de leurs contrôles.
De manière non moins systématique, l’uti-
lisation de telles techniques, dès lors qu’el-
les n’avaient pas fait l’objet de l’approbation
de l’entreprise, était, à chaque fois que cette
dernière contestait la validité du redresse-
ment dont il faisait l’objet, annulée par les
tribunaux.
De ce point de vue, le décret du 11 avril
2007 offre une incontestable sécurité juri-
dique pour les Urssaf en leur permettant,
dans des conditions particulièrement aisées,
de pratiquer de telles méthodes, l’entreprise
étant fortement invitée à ne pas s’opposer
à celles-ci.
- les résultats obtenus par application de cette
méthode aux populations ayant servi de base
au tirage de chacun des échantillons.
Dans le délai de trente jours suivant la com-
munication de la lettre d’observations par
l’inspecteur du recouvrement, l’entreprise
peut informer, par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception, l’organisme de
recouvrement de sa décision de procéder au
calcul des sommes dont elle est redevable ou
qu’elle a indûment versées pour la totalité des
salariés concernés par chacune des anoma-
lies constatées sur chacun des échantillons
utilisés. L’entreprise dispose ainsi de la faculté
de chiffrer elle-même son redressement… !
Une telle possibilité fait courir un nouveau
délai de trente jours pendant lequel l’entre-
prise doit adresser à l’inspecteur du recou-
vrement les résultats de ses calculs, accom-
pagnés des éléments permettant de s’assurer
de leur réalité et de leur exactitude, ce dont
l’inspecteur peut s’assurer en procédant à
l’examen d’un nouvel échantillon.
Double objectifde la réformeLes deux illustrations ci-dessus, tirées des
vérifications sur pièces et des sondages, par-
ticipent à un double objectif qui, en réalité,
n’a strictement rien à voir avec les « droitsdes cotisants » mis au fronton du décret du
11 avril 2007.
Ces deux objectifs traversent de toutes parts
les dispositions nouvelles au travers des deux
exemples précités.
Il s’agit d’atteindre un objectif de sécurité et
d’optimisation des contrôles et vérifications.
Sécurité juridique
Nous voulons parler ici, bien évidemment, de
la sécurité juridique des organismes de recou-
vrement et non de celle des entreprises.
ÉCLAIRAGED’ANDRE DERUE
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 7
(4) Ord. no 2005-651, 6 juin 2005, JO 7 juin.
De tels objectifs sont facilement identifiables
dans bien d’autres mesures du décret du
11 avril 2007, qu’il s’agisse de l’accès et de
l’utilisation des moyens informatiques qui
font l’objet du nouvel article R. 243-59-1 du
Code de la sécurité sociale, des possibilités
de contrôle dans les locaux de l’Urssaf pré-
vues par l’article R. 243-59-3 du Code de la
sécurité sociale, ou encore de l’extension
considérable du champ de la taxation forfai-
taire telle qu’elle résulte de la modification
de l’article R. 242-5 du même Code.
�
Les nécessités du financement du régime gé-
néral de Sécurité sociale ont leurs raisons
que la raison commune ne connaît point.
Ces raisons sont bien évidemment particu-
lièrement respectables.
Toutefois, on ne peut occulter, sur le terrain
des principes, qu’un nécessaire équilibre doit
être trouvé dans la relation entre l’organisme
en charge du contrôle et le contrôlé dont la
nécessaire protection doit être assurée.
Il est peu probable que les termes du dé-
cret du 11 avril 2007 parviennent à un tel
objectif.
On ne peut qu’espérer, et à la vérité nous ne
doutons pas un instant que le comportement
des organismes du recouvrement et de leurs
inspecteurs, sous l’œil bienveillant de leurs
autorités de tutelle, rétablira ce qu’un décret
n’a pas voulu faire. �
Optimisation des contrôles
L’objectif d’optimisation du contrôle est éga-
lement omniprésent dans de nombreuses
dispositions du décret du 11 avril 2007.
Il est d’ailleurs particulièrement respectable
puisqu’il vise à économiser le temps des agents
des organismes de recouvrement de telle ma-
nière que les redressements envisageables in-
terviennent dans des conditions optimales.
Les sondages en sont une utile illustration.
En effet, en évitant des contrôles exhaustifs,
dont la Cour de cassation a proclamé pen-
dant de nombreuses années qu’ils étaient la
seule méthode de nature à fonder juridique-
ment un redressement, au profit de l’utilisa-
tion de techniques d’échantillonnage et d’ex-
trapolation, le gain de temps est considérable
et précieux. Cela permet aux agents des or-
ganismes de recouvrement de procéder à des
redressements parfois conséquents, dans
des délais optimum.
Il en est de même en ce qui concerne les vé-
rifications sur pièces. D’une part, elles évi-
tent de procéder obligatoirement à des contrô-
les sur place avant de notifier un redressement,
ce qui constitue un gain de temps conséquent.
D’autre part, de telles vérifications peuvent
être faites par tout agent de l’Urssaf, ce qui
dégage en conséquence un temps précieux
pour que les inspecteurs du recouvrement
se consacrent à des contrôles sur place ou
à des contrôles dans les locaux de l’Urssaf,
lorsque ceux-ci peuvent avoir lieu, depuis le
décret du 11 avril 2007.
ÉCLAIRAGED’ANDRÉ DERUE
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20078
LECTURE
- le respect ;
- la solidarité.
Cela signifie aller chercher au plus profond
de soi des ressources physiques et mentales
pour aider son partenaire lorsque celui-ci se
trouve en difficulté et donc, le plus souvent,
accepter, pour aller au contact, de prendre
des coups et risquer de tomber ;
- l’humilité.
Au rugby, l’humilité va de paire avec l’excel-
lence. Comme l’excellence est fragile et tou-
jours à réinventer, si les joueurs ne se remet-
tent pas en cause, même après une victoire,
alors, non seulement ils n’avancent plus,
mais pire, ils risquent, par manque de vigi-
lance, de concentration ou de baisse de
condition physique, de se blesser très gra-
vement.
Regarder ce qui marche bien dans le monde
du rugby et, à partir de là, en tirer des ensei-
gnements utiles pour le monde de l’entreprise
est tout à fait pertinent.
Comme le rugby professionnel, l’entreprise
est engagée dans une compétition sans merci,
un championnat qui sent la poudre et où seu-
les les meilleures équipes survivent.
«Pour reprendre le slogan de la
Fédération française de rugby,
« le sport, une école de la vie »,le rugby peut être une formi-
dable école de vie pour l’en-
treprise. Plus que le sport d’une façon géné-
rale, le rugby recèle en effet au moins trois
atouts qui participent à créer un esprit d’équipe
tout à fait particulier et très proche de celui
qui doit animer les hommes et les femmes qui
font l’entreprise.
Très tôt, le rugby, ou plus sûrement ce qui n’était
sans doute encore qu’un entre-deux entre le
rugby et le football, a été utilisé pour forger les
caractères, modeler les qualités de fair-play, dé-
velopper de vraies personnalités et ainsi pré-
parer au mieux les étudiants aux responsabi-
lités du monde de l’entreprise.
Son deuxième atout réside dans la nature même
du rugby. C’est un sport de combat collectif
où chacun a sa place, quel que soit son gaba-
rit (même si c’est un peu moins vrai au-
jourd’hui).
Son troisième atout est lié aux valeurs que le
rugby véhicule :
- la convivialité ; � � �
LE MANAGEMENT ÀL’ÉCOLE DU RUGBY
Retrouver lesfondamentaux du
managementpar Jacques Delmas,
François Leccia etLoïck Roche
Ed. Dunod 2007Collection Stratégies
et Management224 pages
22 €
Le managementà l’école du rugbyRetrouver les fondamentaux du management
Les valeurs du rugby ne sont pas si éloignées de celles de l'entreprise quand elles s'appellent volonté, combativité, courage, surpassement de soi,solidarité, esprit d'équipe, défense du maillot, défense du village, amour et fierté, courage et altruisme.Dans la compétition économique mondiale qui se joue au quotidien, les entreprises ont donc sans doute beaucoup d'enseignements à tirer de ce sport.
Par AlexandreReymannd’après l’ouvrage de Jacques Delmas,François Leccia et Loïck Roche
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 9
LECTURE
fond de la personne un sursaut, des choses
qu’elle n’arrive pas à trouver spontanément
en elle pour pouvoir les donner.
La motivation, c’est aussi réussir à faire en sorte
que la personne puisse réussir.
Dans le rugby du XXe siecle, on se mettait des
coups contre le mur. Maintenant, on a un dis-
cours d’avant match, qu’on appelle la cause-
rie. L’idée, c’est de toucher avec deux ou trois
mots et d’aller chercher le meilleur de chacun
des joueurs pour que tous donnent le meilleur
d’eux-mêmes. Il s’agit de cibler l’objectif et de
dire comment on va y arriver. La même démar-
che peut être utilisée dans les entreprises.
Projet
Pour réussir, que ce soit dans l’entreprise ou
sur un terrain de sport, il faut parvenir à pen-
ser autrement et à inscrire l’organisation dans
un projet, autrement dit, à lui donner du sens.
Le projet, c’est le référentiel. Il faut se projeter
en fixant des objectifs. Si l’on veut que les in-
dividus s’inscrivent dans ce projet, il faut leur
donner une vision et leur montrer ce qu’ils
vont devenir, s’ils peuvent progresser.
On peut, par exemple, légitimer l’importance
d’un match en ce qu’il va permettre d’acqué-
rir un confort par rapport au championnat.
Pour ce qui est de l’entreprise, le fait de mon-
trer une détermination pleine de sens est un
outil de management puissant, un de ceux
qui peut transformer un groupe et le conduire
à réaliser de grandes choses.
Donner du sens, c’est ce plus qui va faire qu’un
métier va être vécu comme passionnant et pas
seulement intéressant ou, pis, ennuyeux.
Cette quête de sens permet aux joueurs, pour-
tant passionnés par ce qu’ils font, de trou-
ver en eux les ressources nécessaires pour
se surpasser sur le terrain. C’est cette même
quête de sens qui va, dans l’entreprise, pal-
lier l’absence de passion des hommes et des
femmes.
Match rugby/entreprise
L’entreprise impose de travailler selon des ob-
jectifs, souvent à court terme, pour atteindre
un objectif plus global sur un exercice.
Le rugby professionnel impose également
d’obtenir des résultats tous les week-ends si
l’on veut atteindre son objectif global à la fin
du championnat.
Comme dans l’entreprise, le suivi des objec-
tifs, presque au quotidien, est très important.
L’atteinte des résultats à court terme est condi-
tionnée par la nécessité d’une vision à long
terme. Dans le monde du rugby, comme dans
celui de l’entreprise, on est à la recherche de
compétitivité exacerbée et tout le monde doit
en être conscient.
Passion des joueurs
La différence essentielle entre une équipe de
rugby et une entreprise tient dans ce point
clé : les joueurs, et le plus souvent les per-
sonnes qui travaillent au sein d’un club, sont
passionnés par ce qu’ils font, au contraire de
ce qui se passe dans l’entreprise où c’est
rarement le cas.
La première raison tient en ce que beaucoup
n’ont jamais identifié ce qu’ils voulaient
vraiment faire de leur vie professionnelle.
La deuxième raison tient en ce que, parmi
les personnes qui ont identifié ce qu’elles
voulaient en faire, toutes n’ont pas réussi à
le mettre en œuvre.
En terme de motivation, on voit tout de suite
la difficulté dans laquelle l’entreprise va se
trouver.
Engagement des hommes
Pour obtenir des joueurs un sursaut, pour les
pousser à se supasser, il n’y pas d’autres solu-
tions que de les bousculer. Il ne faut pas par-
ler à leur intellect, mais à leurs tripes. Ce qu’on
appelle motivation, c’est obtenir au plus pro-
Donner du sens,c’est ce qui va faire
qu’un métier vaêtre vécu comme
passionnant
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200710
Famille
La famille est quelque chose de fondamental
dès lors que l’on parle de la culture et des va-
leurs dans le domaine du rugby.
Faire partie de la famille est une expression
courante dans le monde du rugby. Cela tra-
duit aussi bien l’appartenance au milieu du
rugby que l’adhésion à une mentalité fondée
sur des valeurs d’engagement, d’amitié et de
fidélité. Cette notion de famille, bien qu’elle
renvoie à l’idée d’échanges et de rapports non
marchands, a toujours trouvé un écho parti-
culier dans le monde de l’entreprise.
Au sein d’un club, on peut dire que la famille
est constituée de quatre groupes : les diri-
geants, les entraîneurs, les joueurs et le public.
S’il est difficile d’établir un lien de corrélation
entre la dynamique des supporters et la vic-
toire d’une équipe, ce qui est intéressant, c’est
le partage d’un sentiment d’appartenance et
d’un état d’esprit qui, parce qu’il repose sur
des valeurs fortes, justifie pleinement la place
du public au sein de la famille.
Le parallèle avec l’entreprise est possible si
l’on considère le public comme un segment
de clientèle du club. La place des clients, tout
comme celle du public, se situe « au cœur del’organisation ». Sans clients, il n’est pas d’en-
treprise, sans public, il n’est pas de spectacle.
Environnement « familial »
Au-delà du cercle familial, le club, comme l’en-
treprise, ne peut pas faire l’économie d’une ré-
flexion capable d’intégrer l’ensemble des par-
ties prenantes, au premier rang desquelles
figurent ses partenaires.
Sans résultats sportifs, le public ne va plus rem-
plir ni le stade, ni son rôle de seizième homme.
Le club va peiner pour recruter des joueurs et
des entraîneurs de talent ; les sponsors ne re-
signeront pas car communiquer sur une équipe
qui perd, ce n’est pas ce qu’ils recherchent ; les
médias vont s’intéresser à d’autres. � � �
Fondamentaux
Le premier objectif consiste à travailler sur la
culture et les valeurs, autrement dit sur le ter-
reau sur lequel le projet va pouvoir croître et
se développer.
Culture et valeurs communes
Force des histoires et des légendes
L’histoire d’un groupe, d’une équipe, peut de-
venir une épopée, une quête importante, un
voyage partagé dont les images donnent de la
force, une vision et une cohésion à un groupe,
et même un sens du destin… bref une légende !
Plus puissante que les discours, plus puis-
sante même que les règles de travail, cette lé-
gende est un formidable outil pour donner
de la cohésion et développer un comporte-
ment véritablement positif chez les hommes
et les femmes d’une même équipe et, ainsi,
créer une culture très forte.
Une culture de groupe faite de participation
et de sacrifice, où même les plus grands athlè-
tes arrivent à se départir de toutes formes
d’égoïsme, est le meilleur moyen de construire
une équipe qui gagne.
Rappel des racines
Si l’existence de racines est importante, il est
tout aussi important de rappeler celles-ci.
C’est ce qu’ont fait de nombreux clubs où, au
siège, les trophées, les photos, les fanions des
équipes adverses sont autant de marques qui
évoquent le chemin parcouru, scandent les
étapes franchies et retracent des moments de
vie qui, en véhiculant des émotions et de l’af-
fect, donnent un sens à l’identité collective.
Dans le même esprit, certaines sociétés, à
l’exemple de Citroën, ont créé des musées.
Ils sont autant de témoignages de l’évolution
d’entreprises fortement enracinées culturel-
lement.
Le management à l’école du rugby
Une culture degroupe est le
meilleur moyen de construire uneéquipe qui gagne
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 11
LECTURE
mi-temps sont autant d’événements qui rap-
pellent sans cesse l’histoire et les valeurs du
club.
Diffusion des valeurs et de la culture dans l’entreprise
Pour ce qui est de l’entreprise, les choses sont
plus complexes. Tout d’abord, parce que la
plupart d’entre elles ne peuvent pas prendre
appui sur des histoires « clé en mains ». En-
suite, parce les couleurs de l’entreprise sont
souvent moins repérables que celles d’un club.
Hormis l’exception des uniformes, il n’y a pas
de « maillots ». Le seul moyen de véhiculer une
culture et des valeurs consistera plutôt en une
action volontariste de la part de ses dirigeants.
Dans l’entreprise, une des meilleures actions,
pour diffuser et faire partager au plus grand
nombre une même culture et des valeurs com-
munes, est la narration. Les histoires et les lé-
gendes aident l’organisation à accueillir de
nouvelles personnes, à s’adapter au change-
ment, à définir ce que sont les hommes et les
femmes qui la composent et ce qu’ils font.
Un des grands raconteurs de ces histoires mo-
dernes est le cofondateur d’Apple, Steve Jobs.
Il s’est servi des histoires où s’affrontaient le
bien et le mal pour donner de l’énergie à son
équipe.
Pendant que les développeurs travaillaient
jour et nuit, Steve Jobs les poussait en racon-
tant des histoires où se côtoyaient l’ombre et
la lumière. L’ogre IBM se voyait ainsi fustigé :
« Si l’on ne réussit pas, prédisait Steve Jobs,IBM sera le maître du monde. Si nous ne réus-sissons pas à être compétitifs avec des produitsplus innovants et plus performants que les leurs,alors ils prendront tout. […] Ils auront le plusgrand monopole de tous les temps. […] À partnous, personne ne peut arrêter IBM. ».Les dirigeants exceptionnels parviennent ainsi
à donner à leurs équipes le sens de l’ambition,
le sentiment que la tâche qui leur incombe est
À l’inverse, avec de bons résultats, des phé-
nomènes positifs vont se créer : des joueurs
et des entraîneurs de talent vont signer. Ils
travailleront dans une ambiance sereine. Les
sponsors suivront et paieront souvent cher
pour figurer sur le maillot. Les collectivités
communiqueront sur l’appartenance du club
à leur territoire et les droits de retransmission
viendront alimenter les caisses du club. Il sera
alors plus facile de formuler de nouvelles exi-
gences aux entraîneurs et aux joueurs en ter-
mes d’objectifs. Le club pouvant les rémuné-
rer plus correctement, une nouvelle émulation
va naître de l’arrivée de nouveaux talents.
Adversaire
La notion de famille doit enfin inclure
jusqu’aux adversaires car, pour exprimer ses
talents et progresser, une équipe a besoin de
se confronter à d’autres équipes. Et mieux
même, elle a besoin de perdre aussi pour pro-
gresser. Mais cela veut dire également que
plus une équipe va grandir, plus elle va avoir
besoin d’adversaires à sa taille. En cela, à
l’image du monde économique qui, encore et
toujours, se recompose, le jeu et le club sont
en perpétuel mouvement et renouvellement.
Vouloir et savoir viser plus haut
Faute d’histoires et de légendes, faute de my-
thes, le groupe ou l’équipe perd la vigueur
créatrice qui est sa force naturelle. Mieux vaut
donc une légende, même imparfaite, que pas
de légende du tout. S’il n’existe pas de raci-
nes, il va falloir en inventer.
Diffusion des valeurs et de la culture au sein du club
Pour ce qui est du club, le maillot, les suppor-
ters, la fièvre qui peut saisir une ville, la ma-
nière de célébrer les victoires ou, tout simple-
ment, les rites de ce qu’on appelle la troisième
Une équipe a besoinde perdre aussi pour
progresser
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200712
Imprimer sa marqueSi avoir une identité est une nécessité pour
tout groupe humain, la mettre en mouvement
est la condition de sa survie. Dans un club,
comme en entreprise, cela se traduit dans un
projet, en quelque sorte, une feuille de route
qui fixe les objectifs à atteindre.
Pour cela, il faut un dirigeant qui porte cet
état d’esprit. Il est important, en plus de cela,
de s’assurer que cette vision est bien parta-
gée par tous.
Rôle du dirigeant
Une organisation qui n’a pas à sa tête un di-
rigeant qui « tient la route » est par essence
très fragile. Les grands entrepreneurs, tous à
leur manière et avec leur propre personna-
lité, ont imposé un style. En tant que tels, ils
ressemblent à des aventuriers nés pour en-
treprendre, créer et développer.
Le dirigeant est l’expression incarnée du pro-
jet, que ce soit dans son entreprise ou auprès
des partenaires et des concurrents.
Si le dirigeant doit être solide moralement et
capable d’une grande énergie dans l’action, il
doit surtout être porteur d’une vision. Il doit
être ce qu’on appelle une « personnalité ». Au
sens premier du terme, il en est l’âme.
Dans le même temps, si les contours de cette
vision doivent être très clairs, le contenu
même n’est pas précisément défini. Le pro-
jet ne saurait donc être conçu comme un pro-
duit fini, mais davantage comme une roue
en mouvement qui s’enrichirait des événe-
ments, des évolutions du groupe, des apports
des uns et des autres.
Le projet peut être symbolisé par le ballon qui
doit vivre en permanence. Chaque joueur par-
ticipe à son mouvement avec un objectif clair :
apporter quelque chose en plus chaque fois
qu’il s’en empare pour aider à atteindre les
objectifs fixés qui passent par la capacité à
marquer le plus de points possible. � � �
monumentale, y compris quand le travail quo-
tidien n’a pas pour vocation de changer le
monde. C’est le cas, par exemple, de la so-
ciété Charles Schwab. Le PDG, David Pot-
truck, refusant de voir l’activité de son en-
treprise comme seulement de la gestion
financière, préfère dire à ses employés qu’ils
sont les conservateurs des rêves de leurs
clients. En s’assignant une cause qui dépasse
le simple commerce, en opposant une mis-
sion à une tâche, il a pu convaincre les em-
ployés que leur travail était essentiel pour le
bien-être de leurs clients.
Création d’histoires
La culture et les valeurs peuvent être véhicu-
lées à partir :
- d’un socle historique. Les racines de la terre
pour un club, la légende des entrepreneurs
pour l’entreprise ;
- d’histoires qui vont opposer le bien et le mal,
comme par exemple les nouveaux entrants
sur un marché qui vont se frotter aux « te-nants du titre » ;
- d’un scénario plus complexe souvent plus
efficace que les simples oppositions entre le
bien et le mal.
Pour l’entreprise qui ne pourrait se réclamer
d’une légende accompagnant ses créateurs,
ou pour un club qui ne pourrait s’appuyer sur
les seules racines de la terre, plusieurs points
doivent être réunis. La culture et les valeurs
doivent :
– être porteuses de sens : les salariés veulent
que ce qu’ils font soit important et crée une
différence concurrentielle ;
– engager ceux qui y adhèrent à faire partie de
quelque chose de plus grand qu’eux : cha-
cun doit se reconnaître comme partie pre-
nante d’une mission collective qui, de par
son importance et ses perspectives, consti-
tue une véritable aventure ;
– être porteuses de l’espérance d’appartenance.
Le management à l’école du rugby
Chacun doit sereconnaître comme
partie prenanted’une mission
collective
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 13
LECTURE
Facteurs clés de succès pour atteindre un objectif
Selon les plus grands entraîneurs, il faut pour
réussir :
- une capacité à « banaliser » l’objectif majeur
que l’on veut atteindre.
Pour atteindre un objectif, il faut le banali-
ser et, dans le même temps, rendre hom-
mage à la qualité et au travail exceptionnels
de l’équipe. C’est ce qu’a fait Aimé Jacquet
avec l’Équipe de France lors de la Coupe du
monde en 1998. Tout son discours a consisté
à répéter : « C’est mérité, c’est normal […] Ona tellement travaillé pour en arriver là », sous-
entendu, on a plus travaillé que les autres ;
- définir un objectif plus grand encore, de
sorte que l’atteinte du véritable objectif
fixé se fasse presque « de surcroît », pour
ne pas dire « par inadvertance ».
Pour atteindre un objectif, il faut l’intégrer
dans un objectif plus grand encore, un « méta-objectif ». C’est peut-être une des raisons pour
lesquelles le BO a perdu en finale de la Coupe
d’Europe 2006. L’objectif affiché, depuis le
début de la saison, était de devenir champion
d’Europe. Cet objectif était bien devenu l’ob-
jectif numéro 1. Peut-être donc aurait-il été
pertinent de relativiser cet objectif en l’inté-
grant dans un objectif plus grand encore
comme, par exemple, faire le doublé cham-
pion d’Europe et champion de France la même
année. Cela aurait peut-être enlevé un peu de
pression en finale du championnat d’Europe,
quitte à en remettre après pour faire le dou-
blé, mais, à ce moment-là, l’objectif d’être
champion d’Europe aurait été atteint ;
- de l’expérience.
L’expérience, c’est être déjà passé par-là, c’est
avoir déjà vécu physiquement une situation.
Cela permet de ne pas perdre d’influx. La
première fois, avant quelque chose d’impor-
tant, on ne dort pas toujours ; la quinzième
L’évaluation du degré de partage de la vision
du dirigeant est un indicateur de la cohésion
du groupe.
On est, à ce stade, véritablement dans la di-
mension stratégique.
Pour cela, le dirigeant va s’entourer d’un pre-
mier cercle de compétences qui est, dans les
grandes entreprises, celui du top manage-
ment.
Une des forces du dirigeant est d’attirer à lui
des talents et, surtout, de les fidéliser.
Fixer des objectifs et tutoyer l’excellence
Une fois le projet défini, il faut fixer des
objectifs.
Cela veut dire dessiner un plan de progres-
sion qui va permettre au groupe, non pas d’ac-
céder à l’excellence, mais de « réussir à la tu-toyer ».Se développer, progresser, atteindre des ob-
jectifs de plus en plus ambitieux, cela peut
être une force et une faiblesse. Une force parce
que, sans cette dimension, il y a fort à parier
que nous serions encore, à l’heure qu’il est,
au fond de quelques grottes. Une faiblesse
parce qu’une ambition mal maîtrisée peut
conduire au plus retentissant des échecs.
Ce n’est pas parce que des objectifs ont été
atteints qu’il faut à tous crins travailler tou-
jours à des objectifs encore plus ambitieux.
Un club peut très bien, en plein accord avec
son projet, avec ses valeurs, avec sa culture,
se trouver à sa place dans une division du
championnat qui n’est pas forcément l’élite.
Ce qui est vrai sur le terrain de rugby est
vrai aussi au niveau de l’entreprise. Comme
pour le rugby, il existe des temps de jeu, des
temps forts, des temps de développement
et des temps, a priori moins forts mais tout
aussi importants, de récupération des bal-
lons, de consolidation de position pour les
entreprises.
Pour atteindre unobjectif, il faut le
banaliser et, dans lemême temps, rendrehommage au travail
exceptionnel del’équipe
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200714
Résister aux tentations des illusions
Proche de la tentation manipulatoire, le ma-
nagement par l’affectif est une illusion car on
est dans le domaine de la performance et de
l’excellence.
En revanche, il faut se prémunir de l’illusion
qu’il y aurait à ne manager que de façon asep-
tisée. On peut dire les choses avec chaleur mais
en sachant doser.
Par ailleurs, si on souhaite manager par les
sentiments, c’est plus à des vertus positives,
telles que la générosité, la solidarité, l’engage-
ment, qu’il faut faire appel.
Elles permettent à l’individu de se mettre au
service du groupe et d’aller un peu plus loin
que ce qui était imaginé au départ.
Réussir à être authentique
Ce qui importe surtout, c’est que les entraî-
neurs ou les managers soient authentiques. Il
n’y a rien qui ne sonne plus faux que quelqu’un
qui voudrait faire du « chaleureux » alors qu’il
ne sait pas faire ou qui voudrait nettoyer son
discours de tout affect alors que ce n’est pas
sa façon de s’exprimer.
Les sept qualités du manager
Hors les tentations et les illusions, l’entraî-
neur, comme le manager, doit surtout déve-
lopper un certain nombre de qualités.
Il doit :
- être un relais des dirigeants.
Ils doivent élargir la perspective des hom-
mes dont ils ont la responsabilité. Ils sont
les relais, les courroies de transmission, un
peu de ce ballon qui doit ensuite passer à
chacune des personnes qui fondent l’équipe.
Comme le dirigeant, cela n’est possible que
si l’entraîneur et le manager ont suffisam-
ment confiance en eux ;
- savoir travailler en équipe.
Ils doivent être capables de réfléchir avec les
personnes de leur équipe à la meil- � � �
fois, on a du mal à se tenir éveillé. Pour pal-
lier, pour partie, à l’expérience globale d’une
équipe, on peut se reposer sur des joueurs
qui, parce qu’ils ont fait partie d’autres aven-
tures, ont acquis de l’expérience. Cela est évi-
demment très vrai pour l’entreprise. L’expé-
rience est infiniment plus utile que les cours
ou les théories car il n’y a pas deux situations
semblables. Il va donc falloir gérer l’incer-
tain, avoir une vision du métier à long terme
pour savoir où l’on veut aller, comment on
veut y aller et avec qui.
Mais, qu’il s’agisse de la définition d’un pro-
jet, de la définition des objectifs, de l’atteinte
de ces mêmes objectifs, qu’il s’agisse enfin
des techniques de banalisation, d’intégra-
tion de ce même objectif au sein d’un mé-
taobjectif, pour que cela fonctionne, il faut
créer un climat de confiance tel que rien,
désormais, une fois décidé, ne puisse être
impossible.
Management
Apprendre à l’école de l’entraîneur
Résister aux tentations de la « toute-puissance »
L’entraîneur, et le manager, doivent se défier
de la tentation « toute-puissante » de vouloir
courir plus vite que les athlètes, être meilleur
que les joueurs sur le terrain, être plus com-
pétent que les hommes et les femmes de son
équipe. Le manager doit se méfier d’autres ten-
tations telles que la tentation manipulatoire :
« réussir à faire penser les hommes et les femmesde mon équipe comme moi je pense », faire chan-
ger l’autre. En revanche, en tant que manager,
on peut travailler pour permettre aux hom-
mes et aux femmes de ses équipes de déve-
lopper des qualités, de travailler à l’améliora-
tion de leur mode de communication.
Le management à l’école du rugby
Ce qui importesurtout, c’est que les
entraîneurs ou lesmanagers soient
authentiques
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 15
LECTURE
- être capable de dire les choses.
Dans le même mouvement, la franchise est
une qualité indispensable de l’entraîneur et
une qualité essentielle pour la réussite de
l’équipe. Il faut dire les choses clairement,
même si c’est difficile pour un joueur d’ac-
cepter la critique. La franchise est l’une des
bases du métier d’entraîneur ;
- être solide moralement mais aussi, par
certains côtés, physiquement.
La septième qualité, enfin, mais elle sous-
tend toutes les autres, est la solidité de l’en-
traîneur. Il faut pouvoir tenir le coup psy-
chologiquement et physiquement.
« Mouiller le maillot »
L’entraîneur, au quotidien, comme le mana-
ger, n’est confronté qu’à une seule question :
celle de la décision. Cette question, si elle n’est
pas toujours présente, refait surface chaque
fois qu’un système de jeu prévu et mis en place
doit évoluer, chaque fois que les automatismes
doivent être modifiés.
Savoir prendre des initiatives
Savoir prendre des initiatives, profiter des oc-
casions et des opportunités, doit être le réflexe
de chacun.
Pour innover, une équipe sur le terrain peut,
par exemple, mettre en place une nouvelle dé-
fense, travailler de nouvelles combinaisons de
jeu ; elle peut aussi, dans le cours du match,
« improviser » et inventer en fonction de telle
ou telle situation.
S’inscrire dans une démarche de progrès
Il faut tout mettre en œuvre au quotidien pour
se donner les moyens de progresser. Ces pro-
grès se faisant finalement beaucoup par essai
de solution et élimination de l’erreur.
Il faut aussi regarder ce qui se passe ailleurs
pour s’en inspirer et créer de nouvelles com-
binaisons pertinentes.
leure solution possible. Ils doivent impliquer
les hommes et les femmes avec qui ils travail-
lent pour les solliciter, pour recueillir leurs
avis, leurs suggestions. Enfin, et surtout, ils
doivent savoir déléguer, bref faire confiance ;
- savoir se remettre en cause.
Au-delà de leur remise en cause au niveau
personnel, ils doivent être capables de re-
mettre en cause les choix qui ont pu être
faits, et notamment en matière de stratégie.
Cette faculté à se remettre en cause doit al-
ler de pair avec une grande modestie par
rapport à leurs résultats ;
- faire progresser les personnes individuel-
lement et collectivement.
Ils doivent faire progresser chaque personne
et, au-delà, toute l’équipe. C’est même la rai-
son d’être de l’entraîneur et du manager.
Pour faire progresser un joueur, on peut tra-
vailler sur sa polyvalence (sa capacité, à la
fois, à pénétrer, à jouer au pied, à distribuer,
à défendre…) ou lui donner d’autres respon-
sabilités ;
- avoir des relais au sein même de ses équipes.
Le premier de ces relais, c’est le capitaine.
Le capitaine a un rôle de leader sur le ter-
rain. Il a pour mission de regrouper les for-
ces, de resserrer et de reconcentrer les équi-
piers. C’est lui qui met en place la stratégie
que l’on va adopter et qui est soumise aux
joueurs en essayant d’être le plus persuasif
possible.
Le deuxième de ces relais, ce sont les joueurs
cadres. Les joueurs cadres sont souvent des
meneurs ; ils ont un impact fort et même une
certaine ascendance sur les autres joueurs.
Ils portent et ils véhiculent les valeurs du
club. Si ce n’est pas obligatoire, ils sont sou-
vent un peu plus âgés que les autres joueurs.
Cela signifie également qu’on ne veut pas de
star dans une équipe. Des gars solidaires :
oui. Des gars généreux : oui. Mais des « ga-lactiques » : non. « La star, c’est le club. » ;
Savoir prendre desinitiatives, profiter
des occasions et desopportunités, doitêtre le réflexe de
chacun
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200716
Le succès ne doit pas apparaître
comme une fin en soi mais comme
une étape quipermet d’envisager
de nouvellesconquêtes
Savoir rester concentré
Tout se joue sur les détails, à commencer par
la victoire. Une des questions que va donc
devoir résoudre l’entraîneur est la capacité à
garder ses joueurs sous une bonne pression,
que ce soit pendant les matchs ou pendant
les entraînements, de façon à ce qu’ils res-
tent le plus concentrés possible.
Ce qui importe, c’est de réussir à faire en sorte
que la pression ne soit pas vécue comme un
facteur négatif mais qu’elle puisse être vécue
comme un facteur positif. Pour exploiter son
potentiel et même trouver des ressources qu’un
joueur ne soupçonne pas en lui, pour que,
dans le match, cela devienne naturel, il faut
que la pression soit mise pendant toute la du-
rée des entraînements. On peut imposer des
exercices de façon plus rapide que ce qui se
passe durant les matchs. C’est la condition
pour qu’un geste puisse se faire, par la suite,
sans que le joueur ne se pose de question.
Savoir gérer les succès et les échecs.
Un succès, cela rend plus fort. C’est une évi-
dence.
Le succès ne doit pas apparaître comme une
fin en soi mais comme une étape qui permet
d’envisager de nouvelles conquêtes. Un som-
met a été atteint, mais la chaîne des Pyrénées
qui s’étend devant les joueurs et les entraî-
neurs est pleine de nouvelles promesses. Si
ce travail n’est pas fait, alors le sommet d’après
ne sera pas atteint.
Quant aux défaites, cela fait partie de l’aven-
ture humaine. On en tire toujours des ensei-
gnements.
Pour surmonter une défaite, pour relever la
tête, pour se remobiliser, pour repartir de
l’avant, c’est exactement comme pour dépas-
ser un succès. Il faut l’analyser, le disséquer
et le décortiquer de A à Z. Il faut prendre en
compte tous les paramètres,
poser toutes les questions,
aller au fond de l’analyse et
s’expliquer clairement. �
Le management à l’école du rugby
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 17
Un autre ouvrage consacré au même sujetvient également d’être récemment publié.Il décrit, en sept chapitres, les chemins parallèlesdu management et du rugby.
« L’esprit rugby, pour un autre leadership »de Vincent Lafon et Pierre VillepreuxEditions Village Mondial, Août 2007200 pages, 19 €
A l’heure où Nicolas Sarkozy annonce vouloir une nouvelle fois assouplir les 35 heures,Jacques Barthélémy alerte sur le technocratisme de notre droit de la durée du travail etpointe du doigt les paradoxes qui le caractérisent.Voilà un droit qui incite de plus en plus à la négociation d’accords dérogatoires maismaintient, voire accroît, parallèlement le poids de la loi au prétexte de la fonctionprotectrice qu’il est censé assurer.Malgré la volonté de simplification proclamée par tous les gouvernements, le législa-teur entre dans le détail au lieu de poser des principes et délimite inutilement l’espacelaissé aux accords collectifs. Ce qui aboutit à une complexité accrue et une ineffectivitédes textes.La méprise sur la vraie portée de la durée légale du travail et l’ignorance des souplessesnégociables avec les partenaires sociaux empêchent le déploiement de stratégies har-dies et adaptées au contexte de l’entreprise.Le temps partiel est, dans le Code du travail, une déclinaison du temps choisi alors qu’ilest en réalité souvent subi. Sous l’impulsion des partenaires sociaux, c’est un droit au« libre choix » du temps de travail et des heures supplémentaires qui devrait être ins-tauré, permettant de gommer la différence entre temps plein et temps partiel.Enfin, l’emboîtement les uns dans les autres des articles du Code du travail, souventpar simple commodité technique, conduit en cas d’infraction à des condamnations encascade, ce dont personne n’a vraiment conscience…
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200718
Durée du travail :un droit du paradoxe
incitatives, à savoir neutralité fiscale des rému-
nérations correspondantes pour le salarié,
exonération de charges sociales pour le sala-
rié et pour l’employeur. Quelle que soit in finel’efficacité du dispositif en terme de pouvoir
d’achat, donc de croissance économique (et
d’emploi ?), celui-ci va une nouvelle fois accen-
tuer la tendance à la technocratisation d’un
droit dont la maîtrise est réservée à quelques
initiés. C’est plus qu’un toilettage qui serait
nécessaire pour que l’usager du droit puisse y
voir clair ; une refonte totale est indispensable.
La loi médiatisée par le slogan
« travailler plus pour gagnerplus » doit être saluée comme
un tour de force en ce qu’elle
réussit à ne modifier en rien le
Code du travail ! Seuls le droit de la sécurité
sociale et le droit fiscal sont touchés. Plutôt
que réformer le droit de la durée du travail
— dont la complexité est telle qu’elle induit
son ineffectivité — on s’attache à (seulement ?)
créer l’envie (le besoin ?) d’augmenter le vo-
lume des heures de travail par des mesures
Par Jacques BarthélémyAvocat conseil en droit socialAncien Professeur associé à laFaculté de droit de MontpellierCréateur du Cabinet JacquesBarthélémy et associés
elle a pour objet de décliner une autre direc-
tive en date du 12 juin 1989, consacrée spéci-
fiquement à la santé. Certes, cette filiation re-
lève d’un souci d’augmenter les chances de
donner vie à ce texte : si, en effet, la directive
de 1993 avait été conçue sous l’angle de l’or-
ganisation du travail, l’unanimité était requise.
Or, la Grande-Bretagne était hostile à un texte
communautaire sur la durée du travail. En po-
sitionnant le débat sur le terrain de la santé,
la majorité qualifiée suffisait. Ceci étant, cet
ancrage du droit de la durée du travail sur
celui de la santé et de la sécurité ne peut que
produire des effets. C’est ainsi que la Cour
de justice des communautés européennes a
annulé le dispositif de cette directive concer-
nant le repos dominical (2). Si, au nom de la
santé et de la sécurité des travailleurs, un re-
pos chaque semaine s’impose, cet objectif ne
saurait justifier que ce repos soit pris le diman-
che. Plus fondamentalement, cette finalité exige
des durées maxima de travail et encore plus
un repos minima entre deux jours, deux se-
maines, deux années de travail. Elle ne peut
par contre se concrétiser par une durée légale,
surtout si celle-ci n’est — comme c’est le cas
dans le droit français — qu’un seuil de déclen-
chement de droits à rémunération majorée et
à repos compensateur.
Un autre exemple illustre l’importance de
l’ancrage du droit de la durée du travail sur
celui de la santé : c’est le régime des équi-
valences. Au regard de la définition du temps
de travail effectif telle qu’elle résulte de l’ar-
ticle 2 de la directive, la notion française
des temps d’équivalence ne peut prospérer.
Ceci étant, la requalification en temps de
travail effectif n’a d’effet que pour la déter-
mination de la durée maximum de travail
et les repos minima. Elle ne saurait
Durée du travail : un droit du paradoxe
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 19
Désintérêt des universitaires
Pendant longtemps, le droit de la durée du tra-
vail n’a pas intéressé la doctrine. Ses représen-
tants le dédaignaient en raison de son carac-
tère trop réglementaire. Il est significatif, par
exemple, que, dans la célèbre collection Ca-merlynck, le tome sur la réglementation — dont
la durée du travail est un élément important
— soit le seul à avoir été confié non à un uni-
versitaire mais à un praticien (certes excellent).
Pourtant, d’importantes questions se posaient,
telles que la convergence de la définition du
temps de travail en droit du travail et en droit
de la sécurité sociale, le caractère impératif (ou
non) du module hebdomadaire d’un côté et
de l’horaire collectif d’un autre côté, l’identifi-
cation de ce qui est d’ordre public au sens strict
et civiliste du terme, d’autant plus essentielle
que, en cette matière, les normes concrétisent
un objectif de protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs.
En préambule de l’ouvrage des conseillers Syl-vie Bourgeot et Michel Blatman, consacré à « l’étatde santé du salarié » (1), le président de la cham-
bre sociale de la Cour de cassation, Pierre Sar-gos, indique avec pertinence que l’ensemble
des normes intéressant la protection de la santé
consacre un véritable droit fondamental du
travailleur, son droit à l’intégrité physique.
Durée du travailet protection de la santé
A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que
la directive du 23 novembre 1993 sur la du-
rée du travail — que les lois Aubry ont, par cer-
taines de leurs dispositions, transposée dans
notre droit interne — s’inscrit dans un objec-
tif de protection de la santé et de la sécurité
des travailleurs. Non seulement ladite direc-
tive fait allégeance à cet objectif, mais encore
(1) Bourgeot S. et Blatman M., L’Etat de santé du salarié, Edition Liaisons, collection droit vivant, 2005. (2) CJCE, 12 nov. 1996,aff. C-84/94, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande c/ Conseil de l’Union européenne.
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
affecter les effets de la durée légale (qui n’est
qu’un seuil de déclenchement des droits),
en particulier sur les rémunérations (3).
Durée du travail et progrès social
Quelle que soit l’importance de l’objectif de
protection de la santé et de la sécurité, le droit
de la durée du travail se justifie pourtant à
d’autres titres : celui du progrès social qui,
pour le coup, peut expliquer une durée lé-
gale, peu important que celle-ci ne soit pas
impérative. Cela peut notamment impulser
la réduction de la durée effective du travail
ou le libre choix, éléments d’amélioration des
conditions de travail, et optimiser le fonction-
nement des entreprises à partir d’horaires
adaptés à l’activité.
Rôle déterminantde la négociation collective
Ces objectifs, distincts mais complémentai-
res de celui de protection de la santé, ne peu-
vent qu’inviter à une réflexion sur la source
de droit la plus apte à faciliter la concrétisa-
tion de ce droit.
Si l’on excepte les normes impératives inspi-
rées du souci de protection de la santé, c’est
au tissu conventionnel qu’il faut confier cette
responsabilité.
La nature contractuelle prioritaire de la
convention collective lui permet d’adapter
les normes à un contexte précis et/ou à un
objectif déterminé, ce qui favorise la conci-
liation entre efficacité économique et pro-
grès social ; sa nature complémentaire de
loi professionnelle, consacrée par sa fonc-
tion normative, l’autorise à créer au profit
des travailleurs ces droits qu’il leur est im-
possible de négocier individuellement en
raison du caractère déséquilibré de la rela-
tion contractuelle.
Nécessité d’un droitlégal de la durée du travail
On peut alors soutenir que fixer une durée
légale du travail est important, même si un
débat doctrinal est nécessaire pour en cerner
à la fois le niveau et la nature ainsi que les
avantages tirés par le salarié de son dépas-
sement. Plus fondamentalement, un droit
légal de la durée du travail est indispensable.
Au demeurant — et pour la raison première
exprimée ci-dessus — les premiers textes in-
téressant le droit du travail ont concerné la
durée du travail (protection des femmes, des
jeunes, repos hebdomadaire…). Ce n’est pour-
tant qu’assez tard qu’une législation d’en-
semble sur ce thème voit le jour au travers
de lois phares du Front Populaire, celle du
21 juin 1936 immortalisée par la semaine de
40 heures et celle du même mois (20 juin
1936) instaurant un droit à congés annuels
(deux semaines à l’époque).
Extrême sensibilité des questionsde durée du travail
Le thème de la durée du travail est chargé d’af-
fectivité, la réduction du volume des heures
travaillées étant au cœur des revendications
sociales depuis l’aube de l’ère industrielle. La
récente loi votée par le Parlement visant à
concrétiser le slogan « travailler plus pour ga-gner plus » l’est tout autant, et ceci quelle que
soit la justification de ce dispositif au plan
économique. Rien d’étonnant en conséquence
à ce que la tension monte chaque fois qu’un
texte intéressant ce domaine est en prépara-
tion. Ce contexte conduit du reste, souvent
au mépris du rationnel, à louer (ou rejeter)
des projets qui s’inscrivent dans la continuité
par rapport aux textes préexistants que l’on
avait critiqués (ou loués). Ainsi, et au-delà des
polémiques, la loi Seguin de 1987 et la loi
(3) Cass. soc., 13 juin 2007, no 06-40.823.
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200720
élargi et l’importance des effets de celles-ci s’est
accrue, mais encore l’atteinte au principe de
faveur qui résulte de cette technique suscitait
la nécessité de compléter l’exigence de repré-
sentativité des acteurs de la négociation par
une exigence complémentaire de légitimité.
Représentativitédes organisations syndicales
Tant que l’objet de la négociation n’est que de
créer des avantages plus favorables, il importe
peu que le syndicat signataire ait une audience
modeste puisque l’ordre public social interne
à la collectivité concernée n’est pas menacé. La
légitimité des acteurs s’impose par contre lors-
que le principe de faveur voit son champ et sa
portée relativisés ; la négociation tend alors à
privilégier l’intérêt de la collectivité sur celui
de l’individu. Cela permet de soutenir que la
technique de dérogation confère à la collecti-
vité concernée une certaine consistance juri-
dique : si, en effet, des syndicats de salariés si-
gnent un accord écartant une norme légale —
ou instaurant un avantage moins favorable que
celui émanant d’un accord de rang supérieur —
c’est que, en contrepartie, ils ont obtenu des
avantages et qu’ils estiment cet accord plus fa-
vorable dans l’ensemble. On peut ainsi avoir
échangé flexibilité (des horaires) contre réduc-
tion du nombre des heures et niveau de l’em-
ploi, ce qui revient à sacrifier un avantage in-
dividuel au profit d’un avantage collectif. Le
problème est d’autant plus sérieux que, selon
l’article L. 135-2 du Code du travail, les avan-
tages nés d’un accord collectif, s’ils s’appliquent
aux contrats de travail en cours sauf disposi-
tion plus favorable, ne s’y incorporent pas.
Au vu de ce qui précède, la loi Fillon sur le dia-
logue social peut apparaître comme l’aboutis-
sement d’un processus engagé par l’ordon-
nance des 39 heures, ce qui en surprendra
plus d’un ! En facilitant la mesure positive de
la légitimité grâce à l’accord majoritaire,
quinquennale de 1993 s’inscrivent dans le
prolongement de l’ordonnance des 39 heu-
res du 16 janvier 1982. De même, la loi de
janvier 2003 sur les heures supplémentaires
n’est pas aussi attentatoire aux lois Aubry
qu’on veut bien le soutenir. Ceci étant, le jeu
politicien a des effets d’autant plus graves sur
l’économie de cette réglementation que,
contrairement à ce qui vaut dans nombre
d’états voisins, la part de responsabilité des
élus de la nation y est excessive. Cela conduit
à une situation paradoxale, d’autant plus à
fustiger qu’elle contribue à la complexifica-
tion, donc à l’ineffectivité, de ce droit !
Premier paradoxe
On incite au développement du droit conven-
tionnel et, en même temps, on accroît subs-
tantiellement le poids de la loi.
Extension des dérogationsconventionnelles
Le droit de la durée du travail est le domaine
dans lequel la place conférée au contrat col-
lectif est la plus importante dans notre arse-
nal juridique et, simultanément, le volume des
textes légaux y est hypertrophié. A cet égard,
il est important de souligner que le dispositif
le plus marquant de l’ordonnance des 39 heu-
res n’est pas la réduction de la durée légale du
travail mais l’introduction de la technique de
dérogation ; elle permet de rendre la norme
légale ou réglementaire supplétive d’un dis-
positif conventionnel. Du reste, c’est cela qui
est à l’origine de l’intérêt de la doctrine pour
le droit de la durée du travail. Toutefois, on n’a
pas pris alors la mesure du bouleversement
que cette brèche dans la hiérarchie des sour-
ces allait provoquer : non seulement loi après
loi — que le gouvernement soit de droite ou
de gauche — le champ des dérogations s’est
Durée du travail : un droit du paradoxe
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 21
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200722
cette loi affine en effet un dispositif — le droit
d’opposition — qui ne la mesure que négati-
vement.
Fonction protectrice de la loi
On peut comprendre que, au nom de la fonc-
tion protectrice du droit du travail, le tissu lé-
gislatif reste abondant tant que, par la mise
en œuvre de la technique de dérogation, le
droit conventionnel n’a pas de fait été mis en
situation d’assurer cette fonction au-delà des
normes consacrant un objectif de protection
au sens civiliste de la notion d’ordre public.
Le thème de la durée du travail est celui sur
lequel on a le plus négocié depuis 20 ans, ceci
en raison des gains potentiels de productivité
susceptibles de naître de l’optimisation des
normes grâce à la technique de dérogation
mais aussi aux mesures d’incitation, spéciale-
ment sous forme d’exonérations de charges
sociales. Le tissu conventionnel, de branche
aussi bien que d’entreprise, est dès lors très
abondant concernant le thème de la durée du
travail et, dans de nombreux domaines, il a
rendu de fait caducs certains règlements.
Boulimie législative
Pourquoi conserver un tissu législatif aussi
dense et, pire, pourquoi continuer à le faire
enfler ? Ainsi, alors que, usant de la faculté of-
ferte à la convention de branche étendue et à
l’accord d’entreprise de déroger aux modali-
tés de répartition et d’aménagement des ho-
raires fixés réglementairement, les conventions
collectives ont largement adapté les normes
aux mutations du travail nées des effets des
progrès des TIC, pourquoi n’abroge-t-on pas
les décrets d’application de la loi des 40 heu-
res ? Ils sont en effet les textes d’application
d’une loi dont l’économie générale est radica-
lement différente de celle d’aujourd’hui, née
de l’ordonnance des 39 heures. Pourquoi, de
même, encadrer dans le détail la dérogation ?
On peut considérer que, en raison du déséqui-
libre contractuel, elle doit être prohibée. Si on
y a recours, c’est qu’on admet que, contraire-
ment à ce qui vaut pour le contrat de travail,
l’équilibre des pouvoirs est possible dans la
négociation de l’accord collectif. D’où, du reste,
la nécessaire relativisation de la critique ma-
jeure à l’égard de la loi Fillon sur le dialogue
social : la réduction du champ du principe de
faveur n’est pas attentatoire à la fonction pro-
tectrice du droit du travail à la double condi-
tion que l’exigence de représentativité des né-
gociateurs soit complétée par une exigence de
légitimité et que les règles de conduite de la
négociation soient fixées par accord des par-
ties afin de garantir équilibre des pouvoirs,
comportement de bonne foi, exécution loyale
pour que le contrat puisse faire la loi des par-
ties au sens de l’article 1134 du Code civil. La
loi Fillon n’a toutefois concrétisé que la pre-
mière de ces deux exigences.
Le goût du législateur pour les détails au mé-
pris de la Constitution, qui lui assigne comme
tâche de surtout fixer les principes, témoigne
de sa suspicion à l’égard de la capacité des ac-
teurs sociaux à créer leur loi commune. En ou-
tre, cet excès de lois contribue largement à
l’ineffectivité de la loi car, devenue trop com-
plexe, nul ne la connaît. Enfin, le législateur
devrait, par souci déontologique, examiner
scrupuleusement la compatibilité de disposi-
tifs qu’il entend ajouter à ceux préexistants.
Le droit des repos compensateurs atteste qu’en
n’ayant pas ce réflexe, il pollue gravement le
droit de la durée du travail.
Deuxième paradoxe
L’intention de chaque gouvernement est de sim-
plifier et de contractualiser le droit de la durée
l’usine à celle du savoir et où l’autonomie de
plus en plus grande des travailleurs induite
des progrès des TIC susciteront l’évolution
des critères identitaires de la notion de du-
rée du travail comme de ceux de la subordi-
nation juridique qui les conditionnent. Par
contre, quel intérêt tire-t-on de la déclinaison
de cette définition pour l’appliquer à des ca-
tégories de travailleurs et/ou à certaines sé-
quences de la vie du travailleur ? La notion
de temps de travail étant d’ordre public, c’est
des éléments de fait que doit se déduire la
qualification juridique des différents temps.
En définissant le régime juridique des temps
de travail des cadres ou en ciselant les temps
d’astreinte ou de déplacement, le législateur
ne fait que compliquer les choses dès lors
que le juge, qui doit tenir compte des élé-
ments de fait, ne peut que tenter alors de pro-
céder à des subdivisions, ce à quoi, du reste,
la doctrine le prépare (4).
Encadrement législatifexcessif des dérogationsconventionnelles
Le législateur doit fixer les domaines où la
dérogation peut prospérer, faute de quoi les
principes sur lesquels le droit du travail a
fondé son autonomie seraient bafoués. Pour
autant, est-il nécessaire qu’après avoir ou-
vert cet espace d’autonomie au droit conven-
tionnel il brime la créativité des acteurs so-
ciaux en fixant des limites à la dérogabilité,
lesquelles ne devraient naître que de l’ap-
plication de règles d’ordre public ortho-
doxe ?
Par ailleurs, cette pratique législative ex-
pose le tissu conventionnel à un risque de
judiciarisation excessive, le contrat faisant
alors difficilement (seul) la loi des parties.
Enfin, elle a pour effet de maintenir
du travail. In fine, c’est à plus de complexité et
plus de tissus législatifs qu’on assiste.
De la volonté affichéeà la réalité
Chaque ministre du Travail auteur d’un des
projets de lois intéressant la durée du tra-
vail depuis l’ordonnance des 39 heures a af-
fiché la belle intention de simplifier et de fa-
voriser la contractualisation en cette matière.
Après le vote du Parlement, on arrive systé-
matiquement à la situation inverse, marquée
par plus de complexité et un volume de tex-
tes législatifs plus abondant.
Il est certes des complexités qui se justifient
par la fonction protectrice du droit du tra-
vail, notamment pour promouvoir les droits
et libertés fondamentaux. Ailleurs, elles sont
d’autant plus critiquables qu’elles condui-
sent à l’effet inverse de celui poursuivi, donc
à l’ineffectivité du droit, en rendant inintel-
ligibles les textes et en provoquant une dé-
rive technocratique dans la déclinaison de
la règle.
Définition illusoire du tempsde travail effectif par la loi
Un exemple, plus qu’un long discours, éclai-
rera ce propos. On ne peut qu’approuver la
loi Aubry I d’avoir défini le temps de travail
effectif, encore que l’on s’en soit passé sans
dommage pendant 60 ans, la jurisprudence
ayant largement suppléé à cette carence.
Mieux, ses définitions ont évolué dans le
temps pour tenir compte des effets des mu-
tations du travail. Mais il fallait transposer
la directive du 23 novembre 1993 qui défi-
nit le temps de travail.
Ceci étant, le texte actuel de l’article L. 212-
4 ne résistera pas à l’épreuve du temps dans
la mesure où le passage de la civilisation de
(4) Barthélémy J., « La notion de temps de travail effectif, son évolution, sa déclinaison », Semaine juridique social, oct. 2005.
Durée du travail : un droit du paradoxe
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 23
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200724
le volume de la loi à un niveau anormale-
ment élevé, au mépris de l’intérêt tant des
salariés que des entreprises.
Technocratisme, dévaluationet judiciarisation du droitde la durée du travail
Au demeurant, la boulimie législative conduit
à une dérive technocratique qui a des effets
inverses de ceux que peut procurer la place
plus importante du tissu conventionnel qu’au-
torise la technique de dérogation. Cette dé-
rive est d’autant plus préjudiciable à l’intérêt
général qu’employeurs et salariés sont
confrontés en permanence au droit social.
Cette technocratisation et la complexité du
droit de la durée du travail font alors que les
stratégies sont conduites sans s’inquiéter du
droit que l’on ne sollicite que pour mettre en
forme les actes et même seulement pour dé-
nouer les litiges. Il en résulte une dévalua-
tion du droit, perçu alors seulement comme
une somme de contraintes. Il en résulte aussi
une judiciarisation excessive du droit du tra-
vail qui ne peut qu’entraîner des réflexes
contraires à la dynamisation et à la créativité
en matière d’emploi.
Troisième paradoxe
L’opposition entre apparence et réalité conduit
à des stratégies déviantes.
Apparence et réalité
De l’ordonnance du 16 janvier 1982, on n’avait
retenu que la réduction de la durée légale du
travail de 40 heures à 39 heures, donc la remise
en cause d’un symbole quasi mythique. Déjà
les critiques se focalisaient sur les effets dévas-
tateurs sur le plan économique, donc sur le
plan de l’emploi, de la réduction du volume des
temps de travail. C’était confondre durée légale,
qui n’est qu’un seuil, et durée effective, la confu-
sion étant toujours vivace 20 ans plus tard, ses
effets dans l’opinion ayant été accentués par la
réduction de la durée légale à 35 heures.
Partie immergée de l’iceberg
Le passage de la durée légale de 40 à 39 heu-
res, aujourd’hui de 39 à 35 heures, outre
qu’on lui confère des effets directs qu’elle
ne peut pas avoir, était (en 1982, puis en
1998) la partie visible de l’iceberg. L’essen-
tiel est ailleurs, masqué par la ligne de flot-
taison et dont, de ce fait, on méprise, voire
on ignore, l’impact. L’économie de la régle-
mentation de la durée du travail actuelle née
de l’ordonnance du 16 janvier 1982 tranche
avec celle de la loi du 21 juin 1936, dite des
40 heures, par trois caractéristiques essen-
tielles.
Effet de simple seuil de la durée légale
On est d’abord passé d’un régime d’auto-
risation systématique de toutes les heures
supplémentaires à un régime de simple dé-
claration dans la limite d’un contingent an-
nuel. Cela a considérablement accru la qua-
lification de simple seuil de la durée légale,
davantage du fait qu’au contingent régle-
mentaire on pouvait déroger en plus ou en
moins par convention collective de bran-
che étendue. La qualification de simple seuil
de la durée légale est encore plus nette de-
puis que, par les effets conjugués de la loi
de janvier 2003 et de celle du 4 mai 2004,
d’un côté le droit à repos compensateur de
100 % est aligné sur le contingent conven-
tionnel et non plus réglementaire, de l’au-
tre la source de droit créatrice de ce contin-
gent dérogatoire peut aussi être un accord
d’entreprise.
Autant dire que l’affirmation, très habituelle,
selon laquelle on a obligé, avec les lois Au-
bry, à ramener l’horaire collectif à 35 heures
l’horaire collectif en simple horaire de réfé-
rence, entrées et sorties décalées, est désor-
mais possible sous différentes formes. Une
nouvelle fois, on s’aperçoit que la critique
faite aux lois Aubry de construire un carcan
administratif ne tenant pas compte de la spé-
cificité de l’activité professionnelle doit être
tempérée dès lors que dérogations aux mo-
dalités de répartition de l’horaire collectif
dans la semaine ou sur une période plus lon-
gue et les aménagements des temps par des
entrées et sorties décalées sont largement fa-
cilités, particulièrement au travers d’accords
dérogatoires tant de branche que d’entre-
prise. Au demeurant, cette critique ne sau-
rait viser que les lois Aubry dès lors que, sur
ce domaine des aspects qualitatifs du droit
de la durée du travail, ces lois s’inscrivent
dans le chemin tracé par l’ordonnance de
1982 et élargi par les lois intermédiaires, Se-
guin de 1987 et quinquennale de 1993 no-
tamment. La relativisation de la portée du
modèle hebdomadaire et la réduction du rôle
de l’horaire collectif au rang de simple ho-
raire de référence sont des instruments de
flexibilité d’autant plus à utiliser que, par la
négociation collective, la plus grande har-
diesse est possible en la matière.
Extension des dérogationsconventionnelles
Le caractère désormais supplétif de nom-
bre de normes légales et réglementaires à
l’égard du tissu conventionnel autorise en-
fin une ingénierie juridique permettant d’op-
timiser le fonctionnement de l’entreprise
par l’adaptation des normes aux spécifici-
tés de l’activité et aux objectifs stratégiques.
Sous cet angle, la technique de dérogation
doit être rapprochée des dispositions de la
loi du 13 novembre 1982 relative à � � �
Durée du travail : un droit du paradoxe
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 25
est totalement infondée, surtout si l’on prend
en considération que, pour la jurisprudence,
le maintien de l’horaire de 39 heures n’oblige
pas à l’augmentation des salaires de 39/35e (5).
Si réduction massive de la durée effective du
travail il y a eu, les causes en sont davantage
à rechercher dans les exonérations de char-
ges accompagnant la signature d’un accord
dit « ARTT » et la réduction de l’horaire col-
lectif échangée contre la flexibilité. Au de-
meurant, il est significatif que, au moment
où l’on entend inverser la tendance en inci-
tant à travailler plus, on ne songe même pas
à modifier, sinon supprimer, la durée légale,
ce qui atteste qu’elle est un seuil de moins
en moins contraignant. Un simple accord
d’établissement pourrait — en portant le
contingent à 440 heures (au lieu de 220 heu-
res) — permettre un horaire collectif égal à la
durée maximum de 44 heures en moyenne
sur deux semaines consécutives ! Si l’on en-
tend donner sa pleine mesure à la loi récente
consacrant le slogan « travailler plus pour ga-gner plus », il faudra bien que, notamment
dans les entreprises, on négocie une déroga-
tion au contingent réglementaire, par exem-
ple en contrepartie d’un relatif libre choix du
salarié dans l’exécution des heures supplé-
mentaires au-delà de l’horaire collectif (le-
quel peut être fixé au-delà de 35 heures).
Relativisation du cadre hebdomadaireet de l’horaire collectif
Le module hebdomadaire s’est transformé
ensuite en simple module de droit commun
auquel on peut aisément substituer — par la
négociation — un cycle plurihebdomadaire
ou la modulation annuelle alors que précé-
demment il était impératif, sauf cycles pré-
vus par le décret professionnel de la loi des
40 heures. De même, la transformation de
(5) Cass. soc., 13 juin 2007, no 05-44.843 ; Cass. soc., 13 juill. 2005, no 04-47.265.
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200726
la négociation annuelle obligatoire (L. 132-
27 à L. 132-29). Les objets de cette négo-
ciation — salaires et temps de travail — sont
ceux traitant des moyens de concrétiser les
projets que l’entreprise poursuit pour un
exercice. Or, salaire et temps de travail sont
des domaines où la dérogation est possi-
ble. Cela permet d’optimiser les moyens
servant à la réalisation des objectifs sans
pour autant faire perdre au droit du travail
sa fonction protectrice naturelle. Sous cet
angle et une nouvelle fois, la loi Fillon sur
le dialogue social accroît la tendance en re-
lativisant le champ et les effets du principe
de faveur dans les rapports entre conven-
tion de branche et accord d’entreprise et
en permettant à ce dernier de déroger à la
loi dans tous les domaines où la conven-
tion de branche est autorisée à le faire, donc,
pour l’essentiel, dans celui de la durée du
travail. Il faut aussi souligner la relation sus-
ceptible d’exister concrètement — à partir
de la stratégie sociale de l’entreprise — en-
tre négociation triannuelle sur la GPEC et
technique de dérogation (6).
Bref, le droit de la durée du travail est le
creuset d’un droit du travail conciliant éco-
nomique et social grâce à une plus grande
autonomie du droit conventionnel. Le fait
qu’on n’en ait généralement pas conscience
empêche concrètement le déploiement de
stratégies adaptées. Mais il est vrai que cela
passe inévitablement par le recours à la né-
gociation et que nombre de dirigeants de
PME y sont allergiques. Certaines organi-
sations répugnent par ailleurs à entrer dans
le jeu de la négociation dérogatoire et de
l’accord « gagnant-gagnant » qui en découle (7).
Il n’est pas inutile de souligner alors que la
loi du 4 mai 2004 autorise le transfert du
pouvoir de négociation dans les PME sur
les institutions représentatives du person-
nel à condition que la convention collec-
tive de branche l’ait prévu et ait organisé la
procédure « d’agrément » de ces accords
d’entreprise par la commission paritaire de
la branche. Il convient alors de définir si le
contrôle de celle-ci est d’opportunité ou
seulement de légalité. Il est surprenant que
les négociateurs de branche ne se saisissent
pas de ce qui pourrait être un levier formi-
dable de développement de la négociation
d’entreprise.
Quatrième paradoxe
L’architecture de l’opposition entre temps
choisi et temps subi est gauchie par l’oppo-
sition entre temps plein et temps partiel. Les
dérives en ce domaine sont une nouvelle fois
la résultante d’approches affectives condui-
sant à des postulats faux. Ainsi, derrière
« temps choisi » on entend généralement
« temps partiel » qui est souvent du temps
contraint. Des clarifications s’imposent donc,
dont dépendent des évolutions positives.
Réglementation élaboréepour un travail à temps plein
La loi des 40 heures a été construite en fonc-
tion de l’objectif de modélisation des horaires
par voie réglementaire et d’un temps effectif
de travail de 40 heures. La stricte hiérarchie
entre loi, règlement et convention suscitait le
caractère impératif de normes simplement
aménagées en fonction de la nature de l’acti-
vité. D’où les quelques quarante-cinq décrets
professionnels d’application, toujours en vi-
gueur mais que plus personne ne connaît. Il
n’est pas sûr que toutes les directions dépar-
tementales du travail les possèdent !
(6) C. trav., art. L. 320-2. (7) Soubie R., « Quelques observations sur les accords donnant-donnant », Droit social, 1985.
pour le temps plein. Ceci étant, le temps
partiel est souvent contraint, essentielle-
ment du fait du niveau élevé du chômage
mais aussi du recours systématique à cette
forme de contractation dans certaines ac-
tivités. D’où, du reste, la qualification de
travail précaire attachée au temps partiel.
On notera que l’architecture nouvelle née
de l’ordonnance du 12 mars 2007 de reco-
dification contribue à une plus grande cla-
rification en ce domaine (9).
Respect de la vie privée
Cette question est cruciale dans la mesure
où le respect de la vie personnelle à l’inté-
rieur de la sphère professionnelle tend à de-
venir une liberté individuelle ne pouvant être
bafouée qu’à la marge au nom de l’intérêt de
l’entreprise, lequel, sous l’effet de l’article
L. 120-2 du Code du travail légalisant le prin-
cipe de proportionnalité, tend à prendre de
la consistance par la conjugaison des inté-
rêts catégoriels de la collectivité du person-
nel et de celle des actionnaires. De même, la
conciliation entre vie professionnelle et vie
privée devient un objectif favorisant la ci-
toyenneté du salarié, d’autant plus facile à
fixer que la stratégie de Lisbonne en fait un
moyen de promouvoir la « flexi-sécurité » dans
la perspective du plein emploi.
Vers un droit au libre choix
Dès lors, plutôt qu’opposer temps plein et
temps partiel, mieux vaut favoriser l’oppo-
sition temps contraint-temps choisi. Pour
que le libre choix soit effectif, y compris pour
le temps plein, il faut déployer des règles de
conduite de la négociation, de la conclusion
et de la révision du contrat de travail qui fa-
vorisent l’égalité de pouvoir malgré
Ces décrets ne concernent que les salariés à
« temps plein », ce qui a conduit par exemple
à conclure que le régime d’équivalence, orga-
nisé par ces décrets, ne s’applique pas au temps
partiel, ni en valeur absolue, ce qui serait
contraire au principe de proportionnalité, ni
en valeur relative. Si le régime d’équivalence
naît d’un accord collectif, la règle de propor-
tionnalité devrait donc s’appliquer — contrai-
rement à la position généralement admise et
à la jurisprudence (8) — au nom de l’égalité de
traitement. C’est important à souligner dès
lors qu’un régime d’équivalence d’origine
conventionnelle est possible même s’il ne peut
prendre vie que par la truchement d’un dé-
cret simple.
Différentes formesde temps choisi
Le Code du travail a consacré une section
au temps choisi. Il y figure l’article sur les
horaires individualisés, solution logique
puisque le salarié dispose d’un relatif libre
choix pour fixer le volume des heures ef-
fectuées sur une journée ou une semaine
ainsi que le moment du travail. Au demeu-
rant, à l’époque où ce texte a été promul-
gué (en 1974), il apparaissait comme une
dérogation à un principe, celui du carac-
tère impératif de l’horaire collectif. Cette
section traite aussi du temps partiel auquel
il faut associer le travail intermittent. Ici,
l’idée de temps choisi peut s’admettre dès
lors que le salarié intervient par son
contrat — obligatoirement écrit — pour fixer
durée et répartition de l’horaire. En revan-
che, c’est important à souligner, le recours
aux heures supplémentaires comme la ré-
partition de l’horaire collectif sont du do-
maine du pouvoir normatif de l’employeur
(8) Cass. soc., 27 sept. 2006, no 04-43.446. (9) Barthélémy J., « L’architecture du droit de la durée du travail », CDRH n°132,mai 2007.
Durée du travail : un droit du paradoxe
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 27
LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200728
la subordination juridique et la dépendance
économique. Il appartient dès lors aux ac-
teurs sociaux de concevoir un contenu plus
qualitatif des accords sur la durée du travail.
La connaissance parfaite du contexte grâce
à une information ciblée obligatoire, l’assis-
tance possible d’experts, un délai de réflexion
avant d’arrêter la décision, la durée limitée
d’application des nouvelles conditions de
travail, une procédure interne destinée à ré-
soudre préventivement par la conciliation,
voire l’arbitrage, les désaccords, etc., sont
autant d’éléments permettant de donner un
sens à l’expression « libre choix ».
Rien ne s’oppose à ce que les acteurs sociaux
s’engagent dans une telle voie… sauf peut-
être un défaut de créativité d’autant plus net
que généralement ils ne conçoivent le droit
que comme une source de contraintes et un
moyen de mettre en forme des stratégies ar-
rêtées sans son concours. Il est grand temps
qu’on prenne en compte l’intérêt de l’appro-
che organisationnelle du droit social (10) !
La confusion entre les expressions « tempschoisi » et « temps partiel » est d’autant plus
néfaste que l’ingénierie juridique donnant
corps à la notion de temps choisi, ou plus
généralement de libre choix, permettrait de
gommer la différence entre temps plein et
temps partiel qui devient partiellement sur-
réaliste et a des effets pervers.
Ainsi, lorsque l’horaire collectif coïncide
avec la durée légale, soit 35 heures par se-
maine, l’employeur peut imposer au sala-
rié d’effectuer des heures supplémentaires
tandis que, s’il effectue 34 h 59, les heures
complémentaires sont contractualisées !
Même remarque en ce qui concerne les mo-
dalités de répartition de l’horaire. Où est le
bon sens dans tout ceci ?
Cinquième paradoxe
Le cinquième des paradoxes, et non des moin-
dres en raison des nombreuses hypothèses
où il est en état de s’exprimer, est hérité de
ce que, dans le domaine de la durée du tra-
vail, les articles du Code du travail s’emboî-
tent les uns dans les autres comme des
poupées gigognes.
Interaction entre duréeet modalités de répartition
Ainsi, l’article L. 212-1, qui fixe la durée légale,
est conditionné à la fois par l’article L. 212-4
qui définit le temps de travail et par l’article
L. 212-2 qui détermine les modalités de répar-
tition de l’horaire. La relation entre ces arti-
cles est logique puisque, pour évaluer le nom-
bre d’heures effectivement travaillées, on a
besoin de séparer temps de travail et autres.
Il faudrait aller un peu plus loin en distinguant
parmi les autres ceux qui sont de repos, ceux
qui correspondent à une sujétion et ceux qui
sont du domaine de la vie personnelle. La tâ-
che pour les distinguer devient de plus en
plus difficile en raison des mutations du tra-
vail induites des TIC.
Cette relation est également logique puisqu’il
est nécessaire de savoir sur quelle période on
décompte les temps : semaine, multiple de
semaines, année.
Durée légale,heures supplémentaireset repos compensateur
Mais au-delà, le champ du droit aux heures
supplémentaires (L. 212-5) est déterminé par
référence à celui de la durée légale et celui du
droit au repos compensateur (L. 212-5-1) par
(10) Barthélémy J., « Le droit social, technique d’organisation de l’entreprise », Editions Liaisons, 2003.
législateur dans des questions de détails da-
vantage de la compétence du contrat sont à
l’origine d’une tendance paroxysmique (11) qui
s’explique d’autant moins que ce domaine est
le creuset d’une nouvelle conception du droit
du travail laissant une place plus importante
au tissu conventionnel dans la déclinaison de
sa fonction protectrice.
Les outils juridiques existent pour mieux
concilier efficacité économique et aspirations
sociales grâce à l’autonomie du contrat col-
lectif à l’égard de la loi, autonomie vectrice
d’optimisation des normes sans altérer la fonc-
tion protectrice du droit du travail.
Mieux, l’abondance du tissu conventionnel
est telle aujourd’hui dans ce domaine de la
durée du travail que l’on peut, sans risque de
vide, imaginer un reflux de la loi sur les prin-
cipes fondamentaux, concrétisés ici par le
souci de préserver la santé et la sécurité du
travailleur, c’est-à-dire l’ordre public de pro-
tection, d’autant plus à prendre en compte
que l’employeur est tenu à une obligation gé-
nérale de sécurité de résultat. Sans doute fau-
dra-t-il, pour donner plus de cohérence et d’ef-
ficacité à l’ensemble, s’intéresser aussi aux
rapports de l’accord collectif et du contrat de
travail. Le régime des temps partiels, celui de
l’intermittence et celui du travail de nuit y in-
vitent et peuvent servir de points d’appui à
une réflexion prospective d’ensemble. �
référence à celui concernant les heures sup-
plémentaires… En conséquence, la manière
dont on va évaluer le temps de travail effec-
tif en application de l’article L. 212-4 aura des
répercussions en cascade sur le salaire ma-
joré, les repos compensateurs, le moment où
sera épuisé le contingent d’heures pouvant
être utilisées sans autorisation préalable de
l’inspecteur du travail !
Or, les litiges soumis au Conseil de prud’hom-
mes en matière de durée du travail relèvent
souvent d’une demande de salaire pour non-
respect de la majoration pour heures supplé-
mentaires. Le moyen auquel il est recouru par
le demandeur est tiré de l’application du cri-
tère de disposition à l’égard de l’employeur
définissant le temps de travail. Dès lors, la dé-
cision du tribunal d’accepter une demande
de complément de salaire se traduit indirec-
tement par un éventuel droit à repos compen-
sateur, par l’imputation d’heures sur le contin-
gent, par le dépassement de la durée
maximum, etc., avec des effets possibles sur
le plan pénal. De cela, les acteurs sociaux n’ont
pas nécessairement conscience.
�
La complexification du droit de la durée du
travail née d’un excès de lois comme sa dé-
rive technocratique née de l’implication du
(11) Barthélémy J., « Les tendances paroxysmiques du droit de la durée du travail », CDRH no 57, avr. 2002.
Durée du travail : un droit du paradoxe
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 29
Par Sylvain Niel Vice-Président d’Avosial
Directeur du département GRH FIDAL
14, bd du Général Leclerc92527 Neuilly-sur-Seine Cedex
Tél. : 01 47 38 54 [email protected]
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200730
ressemble à s’y méprendre à un autre CV
qu’elle a déjà reçu la semaine dernière.
La candidate aurait-elle écrit deux fois
par erreur ?
Elle fouille, trouve et découvre un se-
cond CV en tous points semblable mais
dont le nom du candidat est à conso-
nance étrangère alors que celui men-
tionné sur l’autre est d’origine française.
Perplexe, elle montre sa découverte à
un collègue qui s’exclame « fais atten-tion, nous sommes testés ! ».
Par acquis de conscience, elle tente de
joindre les candidats sur leur portable,
laisse des messages qui resteront sans
réponse.
Elle décide malgré tout de les convo-
quer pour des entretiens de recrute-
ment. Evidemment personne ne se pré-
sente. L’entreprise fait de toute évidence
l’objet d’un « testing ».
Certains cherchent à sensibiliser les di-
rections d’entreprises en piégeant leurs
recruteurs pour obtenir à leur encon-
tre des sanctions exemplaires qu’ils es-
pèrent dissuasives.
Comment procèdent-ils ?
Comment l’entrepr ise peut-elle se
protéger ?
Face à l’activisme des associationsantiracistes et à la recrudescencedes testing et des interventions dela Halde, les DRH ne peuvent pas se permettre de rester statiques.Sylvain Niel propose plusieurs pistes d’action.
«Etre âgée de 18 à 22 ans,faire une taille de vête-ments entre 38 à 42 etavoir le type BBR (bleu,blanc, rouge) » men-
tionne le fax brandi par l’avocat de l’as-
sociation antiraciste. Le président de la
cour d’appel se caresse le menton et vise
de son regard inquisiteur les trois diri-
geants accusés qui baissent les yeux,
déjà coupables.
Pour les plaignants, le propos est sans
ambiguïté puisque, suite à ce fax, le pour-
centage des candidates maghrébines ou
africaines recrutées est passé de 40 % à
moins de 4 %. Pour faire un exemple, la
cour condamne les entreprises à
30 000 € d’amende et l’auteur du fax à
trois mois de prison avec sursis (1).
Autre lieu, un siège social en région pa-
risienne où une assistante en recrute-
ment se demande si elle n’a pas des hal-
lucinations. Voici un nouveau CV qui
Faut-il un plananti-Halde ?
DISCRIMINATIONS
(1) Le 1er juin, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé les sociétés en cause ainsi que d’anciens cadres, qui étaient poursuivis pour avoir pratiquéla discrimination raciale lors du recrutement de démonstratrices.
qui porte la responsabilité de « l’apar-theid ». Tous les moyens sont bons.
Cela va de la délation anonyme à l’en-
quête discrète menée en interne par
les syndicats, ou certains salariés, en
passant par l’interception de mails,
de fichiers, de logiciels ou de dos-
siers d’évaluation compromettant.
Un stagiaire a ainsi signalé, à une as-
sociation antiraciste, l’existence d’une
banque de données informatique où
les collaborateurs étaient classés en
fonction de leur couleur de peau
(PRI : bonne présentation, PRII : pré-
sentation passable, PRIV : collabora-
teur de couleur).
Certains conseillent de recueillir la
preuve par testing en présence d’un
huissier de justice. D’un coût
Comment procèdentles « victimes » ?
Pièges tendusaux entreprises
Pour « frapper fort », les associations
antiracistes portent leurs actions de-
vant les tribunaux répressifs : en l’oc-
currence, le tribunal correctionnel.
La loi le leur permet désormais.
Elles recourent, pour ce faire, à tous
les moyens de preuve. C’est d’abord
le témoignage des salariés ayant reçu
l’ordre de rejeter les personnes de
couleur, de rayer les noms à conso-
nance maghrébine ou africaine, ou
d’exclure les candidats âgés. Certai-
nes associations n’hésitent pas à sai-
sir le président du Tribunal de grande
instance pour obtenir une ordon-
nance permettant de faire procéder
par un huissier à une saisie et à un
contrôle de fichiers ethniques. D’au-
tres enfin recourent au « testing ».
Cette pratique consiste à simuler une
demande émanant d’une personne
issue d’une « minorité apparente » afin
de susciter un traitement discrimi-
natoire et de pouvoir le prouver.
La Cour de cassation considère que
le testing est un mode de preuve va-
lable. Aucune disposition légale ne
permet, selon elle, aux juges répres-
sifs d’écarter des éléments fournis à
l’appui d’un recours au seul motif
qu’ils auraient été obtenus de façon
illicite ou déloyale. Il appartient seu-
lement au magistrat d’en apprécier
Faut-il un plan anti-Halde ?
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 31
la valeur probante après les avoir sou-
mis à une discussion contradictoire (2).
Le testing a par ailleurs été légalisé
par l’introduction d’un article spéci-
fique dans le dispositif répressif de
lutte contre la discrimination (3).
Pour lancer un testing, les associa-
tions antiracistes suggèrent d’établir
un protocole d’enquête.
En tout premier lieu, elles préconi-
sent de définir un échantillon repré-
sentatif. Afin d’éviter toute contesta-
tion ultérieure sur la qualité du panel
retenu, elles recommandent de dé-
multiplier le nombre de CV, en mo-
bilisant, pour ce faire, plusieurs per-
sonnes. Elles suggèrent de donner à
cette opération un côté festif en l’agré-
mentant d’un repas !
La seconde étape consiste à « tendreun piège » en mettant en évidence la
discrimination. Le comportement re-
proché à la personne testée doit ap-
paraître dicté par une seule et uni-
que raison : l’appartenance de la
victime à une minorité apparente.
C’est le cas de « l’audit par couple »où deux CV sont adressés à l’entre-
prise, l’un d’un blanc, l’autre d’un
homme de couleur. Précision utile :
les CV étant identiques et risquant
d’attirer l’attention des recruteurs, ils
sont souvent envoyés à des dates sé-
parées de plusieurs jours et à des des-
tinataires différents.
La dernière étape consiste à identi-
fier le discriminateur potentiel. Du
président au cadre opérationnel, en
passant par le DRH, il s’agit d’établir
Quand la Halde testeles entreprises….
La Halde a testé, en 2006, le recrute-ment de trois grandes entreprises. Ellea adressé 1 080 CV, soit plus de 300 pargroupe. L’enquête a conclu à des diffé-rences de traitement « faibles et non si-gnificatives » entre les candidats. Toute-fois, elle a noté que :- le critère d’âge semble avoir l’impact
le plus négatif sur les chances de suc-cès des candidats ;
- l’apparence semble également avoir plusd’impact négatif sur le traitement desCV de cadres que d’autres variables ;
- s’agissant des emplois non cadres, l’âge,l’origine maghrébine et, à un moindredegré, l’apparence paraissent avoir uneinfluence sur le traitement des CV lesmoins qualifiés.
(2) Cass. crim., 11 juin 2002, no 01-85.559. (3) C. pén., art. 225-3-1 : les délits prévus par la présente section sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou plusieurs personnes ayantsollicité l'un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement estjudiciairement établie.
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200732
relativement élevé, cette pratique
conduit certaines associations à re-
commander de contacter une CO-
PEC (4) pour demander à bénéficier de
l’aide judiciaire. A défaut, elles conseil-
lent de se rapprocher de la police. En-
fin, d’autres suggèrent de faire appel
aux services de l’inspection du travail
car ces derniers peuvent accéder à tout
document utile dans le cadre d’une
enquête en discrimination et relever
par procès-verbal les infractions.
L’objectif de toutes ces actions est d’ob-
tenir le renseignement qui va permet-
tre d’engager un recours judiciaire
contre l’entreprise. Information d’au-
tant plus délicate à obtenir qu’elle est
souvent codée, secrète et protégée.
Poursuites judiciaires
Une fois la discrimination mise à jour,
la victime peut :
- saisir la Halde ;
- porter plainte ;
- ou assigner l’auteur devant le conseil
des prud’hommes.
Les associations antiracistes peuvent
également déposer une plainte au
nom d’une victime de discrimina-
tion. Sont concernées celles qui sont
constituées depuis au moins cinq ans
pour la lutte contre les discrimina-
tions. Elles doivent cependant justi-
fier d’un accord écrit de la victime.
Elles peuvent aussi se porter partie
civile à ses côtés.
Un syndicat peut par ailleurs exercer
toute action en justice en faveur d’un
salarié ou d’un candidat pour des in-
fractions relatives aux règles d’égalité
professionnelle ou de rémunération (5).
Il peut assigner l’auteur de l’infraction
sous réserve d’en avoir informé la vic-
time par écrit et qu’elle ne s’y soit pas
opposée. Celle-ci n’est pas obligée de
se présenter à l’audience.
Les intéressés peuvent assigner le res-
ponsable ou porter plainte contre lui.
Deux actions aux caractères fonda-
mentalement différents en raison de
leurs conséquences.
Assignation devantles prud’hommes
L’action devant le conseil des
prud’hommes peut être engagée par
des collaborateurs de l’entreprise ou
par ses anciens salariés.
Elle peut aussi l’être, s’agissant d’une
discrimination à l’embauche, par des
candidats alors qu’aucun contrat de
travail n’a encore été conclu (6).
Lorsque la discrimination concerne
des stages d’étudiants, il semble que
ce soit également le conseil des
prud’hommes qui soit compétent et
non le TGI. Cette question n’a pas
encore été tranchée par la jurispru-
dence.
Compte tenu de l’application aux sta-
giaires des dispositions de l’article
L. 122-45 du Code du travail relatif
aux discriminations prohibées, la com-
pétence prud’homale peut, selon
nous, être retenue sur le fondement
du « bloc de compétence » établi en la
matière par la Cour de cassation « auprofit du juge naturel du travail » (7).
(4) Commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté. (5) C. trav., art. L. 123-6, al. 1 ; C. trav., art.L. 123-1 ; C. trav., art. L. 140-2 ; C. trav., art. L. 140-4. (6) Cass. soc, 20 déc. 2006, no 06-40.662 ; Cass. soc., 20 déc. 2006,no 04-16.550. (7) Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 06-40.66 ; Rapport annuel 2006 de la Cour de cassation, La Documentation fran-çaise.
Ce type de recours vise à obtenir des
dommages et intérêts, ou à faire an-
nuler la décision qui a été prise (8).
Les demandes d’annulation émanent
en général de collaborateurs en poste
ou d’anciens salariés contestant la
validité de la rupture de leur contrat
de travail.
En cas d’annulation de licenciement,
le juge peut condamner l’entreprise
à réintégrer le salarié concerné. Dans
ce cas, celui-ci peut prétendre à un
rappel de salaire depuis la date de la
fin de son préavis jusqu’au jour de
sa réintégration.
Si la mesure discriminatoire l’a
conduit à être évincé d’une promo-
tion ou d’une évolution de carrière,
il est rétabli dans ses droits et indem-
nisé (9). Il est alors classé dans l’em-
ploi qui lui a échappé et bénéficie
d’un rattrapage de salaire (10).
Le demandeur doit présenter des élé-
ments de fait laissant supposer l’exis-
tence d’une discrimination directe
ou indirecte.
Au vu de ces éléments, l’entreprise
doit prouver que sa décision est jus-
tifiée par des éléments objectifs étran-
gers à toute discrimination.
Dans cette perspective, le juge peut
ordonner toute mesure d’instruction
utile. Il en va fréquemment ainsi en
présence de discriminations indirec-tes apparentes.
A la différence de la discrimination
directe qui est nécessairement vo-
lontaire et intentionnelle, la discri-
mination indirecte résulte d’un
constat objectif. C’est le cas des or-
Faut-il un plan anti-Halde ?
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 33
Médiatisation de la plainte
Certaines associations antiracistes ré-
clament une condamnation exem-
plaire devant les tribunaux et sollici-
tent la publication du jugement dans
des quotidiens de grande audience.
C’est d’ailleurs souvent cette média-
tisation de l’affaire qui est recherchée.
C’est le « naming shaming ». Elles es-
comptent une publication de nature
à ruiner une réputation ou suscepti-
ble d’affecter les ventes de l’entre-
prise concernée. Malheureusement,
la médiatisation du procès dépasse
souvent celle de la condamnation
prononcée à l’issue d’un long déli-
béré : fait révélateur de cette tendance,
l’affaire du « BBR » a été largement
médiatisée, alors que la cour d’appel
n’avait pas encore rendu sa décision.
Pour ces associations, il est plus effi-
cace de communiquer sur le testingqui soutient la plainte que sur le ré-
sultat du procès. Elles n’hésitent donc
pas à inciter à la publication des ré-
sultats du test sans attendre la déci-
sion de justice. Pour intensifier le pré-
judice commercial de l’entreprise
testée, elles recommandent par ail-
leurs aux victimes de distribuer des
tracts, par exemple, à l’entrée d’un
magasin un jour de grande affluence
ou de défilé en centre-ville.
Un risque que les DRH doivent an-
ticiper.
Saisine de la Halde
La victime d’une discrimination peut
choisir de saisir la Halde au lieu d’as-
signer l’auteur devant le
ganes de direction dont les femmes
sont exclues, des ouvriers d’origine
africaine employés exclusivement
pour certains travaux, des seniors
écartés des services commerciaux,
ou des obèses évincés de certains
emplois…
Dépôt de plainte
Le dépôt de plainte a pour objet l’ob-
tention à la fois de la condamnation
pénale de l’auteur de la discrimina-
tion et de la réparation du préjudice
qu’il a occasionné.
L’administration de la preuve n’obéit
pas, devant le tribunal correctionnel,
au même régime qu’en matière
prud’homale. Il faut que l’intention
de discriminer soit établie. Le seul
constat de faits laissant supposer
l’existence d’une discrimination ne
suffit pas à caractériser cet élément
intentionnel. C’est notamment pour
cette raison qu’une même affaire peut
amener le conseil des prud’hommes
à condamner un employeur pour dis-
crimination alors que celui-ci serait
relaxé par le tribunal correctionnel.
Devant le juge répressif, l’enjeu est ce-
pendant tout autre que devant les
prud’hommes, dans la mesure où le
coupable risque jusqu’à trois ans d’em-
prisonnement ferme et 45 000 €
d’amende (11). Les condamnations à
des peines d’emprisonnement sont
néanmoins relativement rares, voire
exceptionnelles, car l’intention crimi-
nelle est difficile à établir, et c’est pour
cette raison que certaines associations
recourent à d’autres voies dissuasives.
(8) C. trav., art. L. 122-45, dernier al. (9) Cass. soc., 24 févr. 2004, no 01-46.499. (10) Cass. soc., 23 nov. 2005, no 03-40.826. (11) C. pén., art. 225-1 et s.
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FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200734
conseil de prud’hommes ou de por-
ter plainte.
Quel est le rôle exact de cette auto-
rité et quels sont ses pouvoirs ?
Rôle et pouvoirs de la Halde
En matière de discrimination, diffi-
cile d’ignorer la Halde (Haute auto-
rité de lutte contre les discrimina-
tions et pour l’égalité) mise en place
en 2005 (12). Comme la Cnil, c’est
une autorité administrative indépen-
dante qui intervient aussi bien pour
sensibiliser que pour sanctionner
les auteurs de discriminations, di-
rectes ou indirectes.
Pour la conduite de sa mission, la
Halde est dotée de moyens et de pou-
voirs particulièrement importants.
Elle peut émettre des recommanda-
tions, lancer des investigations, pro-
poser une médiation ou une trans-
action pénale.
Elle peut engager des poursuites de-
vant les tribunaux, suite à sa saisine
par une victime, une association ou
un parlementaire.
Elle peut également s’autosaisir uni-
quement sur la base de faits portés
à sa connaissance.
Une fois saisie, la Halde dispose de
pouvoirs d’investigation qui vont de
la demande d’informations ou de do-
cuments, assortie d’une mise en de-
meure, à des auditions et des vérifi-
cations sur place diligentées par ses
agents. Elle peut convoquer toutes
les personnes qu’elle désire enten-
dre. Les intéressés sont prévenus au
préalable, dans un délai d’au moins
quinze jours, de l’objet de l’audition.
Ils peuvent se faire assister d’un avo-
cat. Un procès-verbal contradictoire
de l’audition est dressé durant l’in-
terrogatoire, dont un exemplaire leur
est remis. Pour compléter son dos-
sier, la Halde peut interroger les ser-
vices de police et les inspecteurs du
travail.
Ses services peuvent exiger de pren-
dre connaissance d’informations à
caractère confidentiel ou secret. En
cas de refus, ils peuvent mettre en
demeure les réfractaires, par lettre re-
commandée avec avis de réception,
de leur répondre dans le délai qu’ils
fixent. Si le destinataire ne répond
toujours pas, la Halde peut saisir le
juge des référés afin d’obtenir une or-
donnance assortie d’une astreinte fi-
nancière à l’encontre de l’intéressé.
Elle peut en outre charger ses agents
de procéder à des vérifications dans
les locaux de l’entreprise en procé-
dant, le cas échéant, à des auditions.
En principe, un avis préalable est
adressé aux personnes intéressées et
leur accord est sollicité. En cas de re-
fus, la Halde peut également saisir le
juge des référés afin qu’il autorise
cette visite. Elle donne lieu ensuite à
un rapport écrit qui est communi-
qué par lettre recommandée avec avis
de réception aux personnes intéres-
sées. Celles-ci sont invitées à faire
connaître leurs observations dans un
délai d’au moins dix jours.
La saisine de la Halde ne suspend
pas les délais relatifs à la prescription
des actions en matière civile et pé-
nale et aux recours administratifs et
contentieux.
(12) L. no 2004-1486, 30 déc. 2004 ; D. no 2005-215, 4 mars 2005.
Il faut envisager des mesures con-
crètes pour :
- éviter toute mesure discriminatoire ;
- mais aussi prévoir les moyens d’une
défense efficace contre toute accu-
sation.
Plan d’actionantidiscrimination
Correspondant égalité des chances
Les plus grandes entreprises dési-
gnent fréquemment un correspon-
dant antidiscrimination, appelé quel-
quefois « Monsieur ou MadameDiversité ». Il, ou elle, anime un
groupe de travail en charge de pré-
coniser des actions correctives.
Certaines entreprises mettent en
place une procédure interne permet-
tant à tout collaborateur victime de
discrimination de saisir la direction
des ressources humaines ou le cor-
respondant « Diversité ». La saisine
de cet interlocuteur est confiden-
tielle et est facilitée pour favoriser
une communication libérée de toute
contrainte ou menace de représail-
les. D’un point de vue logistique,
c’est d’abord un numéro vert. C’est
ensuite un guide d’entretien à des-
tination de l’enquêteur où sont men-
tionnées les questions à poser au
plaignant. Suite à ces entrevues, un
rapport est rédigé, dans lequel sont
préconisées des mesures correcti-
ves en présence de discrimination
établie. Dans ce cas, la direction pro-
pose souvent une transaction pour
indemniser la victime du préjudice
passé et sa réintégration dans ses
droits s’il a été écarté d’une
nel. Dans les autres cas, le procureur
doit autoriser la Halde à transiger,
en indiquant éventuellement le mon-
tant minimal de l’amende à propo-
ser à l’auteur de l’infraction.
Si l’action publique n’a pas été dé-
clenchée et que l’auteur accepte les
sanctions proposées par la Halde,
la transaction n’est pas pour autant
valable. Elle doit être homologuée
par le procureur de la République.
Le procureur, saisi par la Halde, doit
se prononcer dans le mois suivant
la réception du dossier de demande
d’homologation. Le ministère pu-
blic peut refuser l’homologation si
la sanction pénale négociée est dis-
proportionnée au regard de la gra-
vité des faits et de la personnalité
de l’intéressé. Le Parquet conserve
donc la main sur la transaction pé-
nale. Par ailleurs, si la transaction
pénale inclut la réparation du pré-
judice supporté par la victime, la va-
lidation est soumise à son accord.
Une fois homologuée par le Parquet
et acceptée par la victime, la transac-
tion pénale éteint les poursuites et
n’est pas inscrite au casier judiciaire
du responsable.
Que peut fairel’entreprise ?
Compte tenu des risques de testinginopinés ou de poursuites judiciai-
res, la plupart des directions estiment
qu’il n’est pas envisageable de rester
statique.
L’adhésion à la charte sur la diversité
ne suffit pas à prévenir ces risques.
Transaction pénale
A l’issue de son enquête, la Halde,
convaincue d’avoir démasqué un ou
plusieurs actes discriminatoires, peut
proposer une transaction pénale à l’au-
teur de l’infraction. En présence d’une
discrimination qu’elle juge avérée, la
Halde peut suggérer à l’auteur des faits
le versement d’une amende transac-
tionnelle. Cette proposition finan-
cière est limitée à 3 000 € pour une
personne physique et à 15 000 €pour
une personne morale. La Halde peut,
en plus, proposer une indemnisation
de la victime et des mesures d’affi-
chage ou de publicité de sa décision.
La personne incriminée peut refu-
ser cette proposition. Dans ce cas, la
Halde peut mettre elle-même en mou-
vement l’action publique au moyen
d’une citation directe devant le tri-
bunal correctionnel.
En revanche, si la transaction est ac-
ceptée et exécutée dans les délais
prescrits, il y a extinction de l’action
publique, sous réserve qu’elle n’ait
pas été engagée.
En principe, la transaction n’est plus
possible si une action publique est
déjà enclenchée. Cela peut être le cas
si une enquête est en cours. Le pro-
cureur de la République doit dans
ce cas indiquer à la Halde s’il accepte
la transaction qu’elle entend propo-
ser. Le ministère public peut refuser
la proposition transactionnelle si les
faits ne constituent pas le délit de
discrimination ou si, au contraire,
ils sont d’une telle gravité que des
poursuites pénales doivent être en-
gagées devant le tribunal correction-
Faut-il un plan anti-Halde ?
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 35
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200736
évolution professionnelle méritée.
En ce qui concerne l’immunité du
correspondant « Diversité », la juris-
prudence considère qu’un collabo-
rateur ne commet aucune faute s’il
signale de bonne foi à sa hiérarchie
les propos racistes tenus par le res-
ponsable du personnel à l’encontre
des candidats à l’embauche, ces faits
étant en rapport avec ses attribu-
tions, notamment celle de veiller à
l’éthique de l’entreprise (13).
Audit diversité
Certaines entreprises procèdent à
un état des lieux pour identifier les
risques de discrimination. L’objec-
tif est d’identifier les secteurs, ser-
vices ou équipes où la diversité est
insuffisante. Cela passe par une me-
sure quantitative du poids de cer-
taines minorités apparentes telles
que les femmes, les seniors, les per-
sonnes issues de l’immigration ou
les handicapés. Ce rapport apparaît
toutefois très délicat à réaliser.
Tout d’abord, l’analyse de la diver-
sité nécessite le recueil, le traitement
et la conservation d’informations
personnelles. L’exploitation d’un
tel fichier est soumis à une déclara-
tion préalable auprès de la Cnil.
Celle-ci estime que l’instauration
d’un fichier « ethno-racial » doit être
limitée à un traitement statistique
des données issues des fichiers de
personnel (ex : nom, prénom, na-
tionalité, lieu de naissance, adresse).
Elle recommande plutôt de déve-
lopper des enquêtes par question-
naires anonymes (14). La Cnil évoque
le lancement dans les grandes en-
treprises d’un « audit diversité » tous
les ans au moins. Enquête notam-
ment conseillée pour celles qui ont
adhéré à la charte de la diversité.
Cette étude peut être réalisée éven-
tuellement sous le contrôle de la
Halde. Cnil et Halde en examine-
ront les modalités de réalisation et
ses résultats. Dans ce cadre, des
mentions relatives à la nationalité
et au lieu de naissance des parents
peuvent être admises.
Il existe ensuite un autre danger car
le résultat d’une telle enquête doit
être communiqué, à leur demande,
à l’inspection du travail ou à la Halde.
En outre, un des experts du comité
d’entreprise peut en prendre connais-
sance. Son caractère confidentiel ap-
paraît de ce fait très limité.
D’autres firmes procèdent au testingde leur propre service pour révéler
d’éventuelles discriminations à l’em-
bauche. Cette pratique ne va pas sans
soulever des difficultés dans la me-
sure où, bien qu’admise contre l’em-
ployeur, elle apparaît discutable lors-
que c’est ce dernier qui l’utilise contre
ses propres salariés. De toute éviden-
ces « l’autotesting » doit suivre la pro-
cédure applicable à l’utilisation de
tout système de surveillance : consul-
tation des représentants du person-
nel et information des salariés sont
dès lors indispensables.
Formation
Les grands groupes recourent égale-
ment à des stages de formation des-
tinés au management. La prévention
(13) Cass. soc., 8 nov. 2006, no 05-41.504. (14) Rapport de la Cnil du 15 mai 2007.
Ce sont souvent non seulement les pra-
tiques à risques qui doivent être iden-
tifiées et révisées mais aussi toute la
procédure de recrutement qui doit être
mise en examen.
Si le recrutement ne peut être cen-
tralisé ou externalisé vers des spé-
cialistes, il faut impérativement sen-
sibiliser et former l’ensemble des
collaborateurs qui participent à son
processus. C’est-à-dire les « recru-teurs ».
Chaque recruteur doit établir un pro-
fil pour le poste à pourvoir et rem-
plir une grille de présélection.
Cette grille précise pour chaque
poste :
- le diplôme exigé ;
- la formation professionnelle suivie ;
- la pratique d’une langue ;
- la maîtrise de certaines techniques
à l’instar de certains développements
en informatique ;
- l’expérience dans le métier ou la
branche d’activité.
Il s’agit de critères apparents qui doi-
vent figurer sur l’offre d’emploi.
- date de naturalisation ;
- modalités d’acquisition de la natio-
nalité française ;
- nationalité d’origine ;
- numéros d’immatriculation ou d’affi-
liation aux régimes de Sécurité sociale ;
- détail de la situation militaire : sous
la fome « objecteur de conscience,ajourné, réformé, motifs d’exemptionou de réformation, arme, grade » ;
- adresse précédente ;
- entourage familial du candidat
(nom, prénom, nationalité, profes-
sion et employeur du conjoint ainsi
que nom, prénom, nationalité, pro-
fession et employeur des parents,
des beaux-parents, des frères et
sœurs et des enfants) ;
- état de santé ;
- taille ;
- poids ;
- vue ;
- conditions de logement (proprié-
taire ou locataire) ;
- vie associative ;
- domiciliation bancaire ;
- emprunts souscrits.
10 questions pour révéler les modificationsà envisager dans le processus de recrutement
1. Qui peut recruter dans l’entreprise ?
2. Le recruteur connaît-il les règles antidiscrimination ?
3. Qui rédige l’offre d’emploi ?
4. L’une des mentions proscrites par la Cnil figure-t-elle sur l’offre d’emploi ou dansles dossiers de candidature ?
5. Tous les candidats non retenus reçoivent-ils une réponse ?
6. Le refus est-il motivé ?
7. Existe-t-il une liste de réponses types ?
8. Une liste de critères de sélection est-elle établie avant le recrutement ?
9. Les lettres de réponse aux candidats sont-elles conservées ?
10. Les candidatures spontanées suivent-elles la procédure définie pour le recrute-ment lancé par annonce ?
des discriminations peut être le thème
même du stage, ou bien être une sé-
quence d’une action de formation
plus globale portant, par exemple,
sur la responsabilité des managers.
Charte diversité
Certaines grandes entreprises orga-
nisent une communication en faveur
de la diversité. Elles y voient une rai-
son de développer une politique nou-
velle dans la gestion des ressources
humaines en mettent en avant le bras-
sage des cultures, des races et des
ethnies. Leurs sites Internet et jour-
naux d’entreprise sont mobilisés pour
faire connaître les mesures concrè-
tes prises en faveur des « jeunes desquartiers », des « mères de familles »,
des « handicapés » ou des « seniors ».
Dans la perspective d’un véritable
engagement, elles révisent leurs pro-
cédures de recrutement. Certains cri-
tères de sélection sont éliminés pour
favoriser l’intégration de minorités
apparentes qui sans cela seraient éli-
minées. C’est l’émergence d’une dis-
crimination positive.
Révision des procéduresde recrutement
Toujours dans le registre de la pré-
vention, certaines entreprises révi-
sent leurs méthodes de recrutement.
Elles confrontent les dossiers de can-
didatures qu’elles font remplir avec
les normes admises par la Cnil.
En ce qui concerne les opérations de
recrutement, la Cnil estime que la
collecte des informations suivantes
est irrégulière :
- date d’entrée en France ;
Faut-il un plan anti-Halde ?
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 37
FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200738
CV anonyme
La loi relative à l’égalité des chances
a imposé le recours au CV anonyme
dans les entreprises de 50 salariés et
plus (15). Ses modalités d’application
devaient être fixées par un décret.
Mais entre-temps, l’accord interpro-
fessionnel sur la discrimination (16) a
opté pour l’expérimentation.
Pour l’instant, l’anonymat du CV n’est
donc pas obligatoire.
Certaines entreprises ont toutefois
mis en place une procédure de re-
crutement assurant l’anonymat des
Les réponses à adresser à un candidat dont vous ne retenezpas la lettre
Choisissez l’un des motifs de rejet suivants :
� Formation initiale inadaptée au poste
� Absence de diplôme exigé pour le poste
� Absence de certificat ou de permis de conduire
� Absence de mentions sur la (ou les) langue(s) étrangère(s) indispensable(s)
� Méconnaissance du secteur d’activité
� Absence d’expérience dans le secteur d’activité
� Absence d’expérience dans l’emploi proposé
� Incohérence du parcours professionnel par rapport à la formation
� Inadéquation des expériences professionnelles
� Date de disponibilité inadaptée
� Insuffisance de la durée des expériences professionnelles
� Filière et niveau d’étude non adaptés
� Information incomplète sur la lettre de candidature
� Information incomplète sur le CV
� Niveau de connaissance de la langue insuffisant
� Absence d’expérience du management
� ...
(15) C. trav., art. L. 121-6-1 : dans les entreprises de 50 salariés et plus, les informations mentionnées à l'article L. 121-6 et com-muniquées par écrit par le candidat à l'emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modali-tés d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. (16) ANI relatif à la diversité dans l’entreprise,12 oct. 2006.
Il est même fortement conseillé de
préciser sur cette offre que l’absence
de ces précisions sur la lettre du can-
didat entraînera automatiquement le
rejet de son dossier.
Puis vient le tri où chaque candidat
est noté en fonction des critères ap-
parents auxquels il satisfait.
Les meilleurs sont alors convoqués
pour un entretien de recrutement et
ceux qui ne sont pas retenus doivent
recevoir une réponse courte mention-
nant le ou les critères qu’ils ne rem-
plissent pas.
mesure où cet organisme a la nature
juridique « d’autorité administrative »,
les recours dirigés à son encontre doi-
vent être portés devant les tribunaux
administratifs.
Il n’est pas possible d’utiliser le recours
pour excès de pouvoir car, selon le
Conseil d’Etat, les recommandations
émises par la Halde « ne constituent pas,par elles-mêmes, des décisions adminis-tratives ». C’est donc un recours de droit
commun qui doit être exercé. A l’ins-
tar des décisions de la Cnil, celles de
la Halde semblent pouvoir être soumi-
ses au même contrôle, notamment
lorsqu’elles sont particulièrement coer-
citives ou lorsque le droit est manifes-
tement bafoué. Cela peut être le cas
d’une transaction pénale signée alors
que les droits de la défense n’ont pas
été respecté ou encore d’un testing im-
prudemment médiatisé.
Face au « gendarme » de la lutte anti-
discrimination, il faut s’apprêter à dres-
ser « les légions des droits de la défense ». �
- aux supérieurs hiérarchiques ou à
l’employeur de la personne dénon-
cée.
Ce délit vise également les saisines
injustifiées de la Halde.
La dénonciation calomnieuse est lour-
dement sanctionnée dans la mesure
où le coupable risque jusqu’à cinq
ans d’emprisonnement et 45 000 €
d’amende.
Ainsi, Monsieur Omar X qui avait dé-
noncé anonymement à la Cnil un des
responsables d’une caisse d’assurance
maladie qui aurait tenu, selon ses di-
res, un fichier discriminatoire pour
les personnes d’origine étrangère a,
après enquête ayant révélé la calom-
nie et démasqué le délateur, été
condamné à un an d’emprisonne-
ment avec sursis et mise à l’épreuve
ainsi qu’au versement de 3 500 € de
dommages-intérêts (18). En présence
d’une saisine fantaisiste de cette au-
torité, la direction doit s’interroger
sur l’opportunité de porter plainte
pour dénonciation calomnieuse.
L’employeur peut en outre envisager
la rupture du contrat de travail du
délateur coupable puisque la juris-
prudence qualifie de faute grave le
fait pour un salarié de porter de faus-
ses accusations contre son employeur,
ces imputations diffamatoires étant
de nature à porter atteinte à sa répu-
tation personnelle et à celle de la so-
ciété qu’il dirige.
L’entreprise peut par ailleurs contes-
ter les décisions de la Halde. Dans la
(17) C. pén., art. 226-10 : la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives oudisciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'ydonner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Lafausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pasimputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. (18) Cass. crim., 5 sept. 2006,no 06-80.320.
candidatures. Pour ce faire, elles uti-
lisent l’outil Internet. Le recruteur
reçoit une candidature où sont mas-
quées les données concernant l’ori-
gine du postulant (photo, nom, pré-
nom, âge, adresse, sexe et nationalité
sont cachés).
L’examen du CV est exclusivement
axé sur la formation et les compéten-
ces du candidat. Toutefois, d’après
certains utilisateurs, le recours au CV
anonyme n’a pas fondamentalement
modifié les caractéristiques des per-
sonnes recrutées.
Faire face aux accusationsde discrimination
La prévention, c’est aussi protéger l’en-
treprise contre une fausse accusation !
La discrimination est un délit, la dé-
noncer un droit. Accuser faussement
une personne d’une pratique discri-
minatoire est une calomnie.
La dénonciation, effectuée par tout
moyen et dirigée contre une personne
déterminée, d’un fait qui est de na-
ture à entraîner des sanctions judi-
ciaires, administratives ou discipli-
naires et que l’on sait totalement ou
partiellement inexact, constitue le
délit de dénonciation calomnieuse (17).
Cela concerne les dénonciations
adressées :
- à un officier de justice ou de police
administrative ou judiciaire ;
- à une autorité ayant le pouvoir d’y
donner suite ou de saisir l’autorité
compétente ;
Faut-il un plan anti-Halde ?
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 39
DOSSIER
Par le Cabinet JacquesBarthélémy et AssociésSous la direction deDominique Jourdan
Les Cahiers du DRH - nº 135- Septembre 200740
Le Cabinet Jacques Barthélémy poursuit l’actualisation de ses fiches pratiquespubliées en juillet 2003 dans le supplément des Cahiers du DRH (1).Après les préalables au licenciement économique, les procédures applicables, lesmesures d’accompagnement…, c’est à l’ordre des licenciements, à la notificationet à la priorité de réembauchage qu’est consacrée cette mise à jour.
Dominique Jourdan est directeur technique du Cabinet d’avocats « Jacques Barthélémyet associés ».Ce cabinet poursuit l’activité du cabinet fondé en 1965 par Jacques Barthélémy dont il partagela philosophie et poursuit la démarche.Forte de 130 collaborateurs dont 80 avocats et une vingtaine d’associés, et sous l’animation de sonfondateur historique, Jacques Barthélémy, cette société exerce au sein de 8 barreaux : Paris, Lyon,Bordeaux, Clermont-Ferrand, Montpellier, Nîmes, Rennes et Strasbourg.A l’instar de Jacques Barthélémy, et de son rôle majeur dans l’élaboration du droit et dont l’œuvrecréatrice et l’expérience est reconnue au plus haut niveau, le conseil scientifique du cabinet, dontDominique Jourdan est membre avec le doyen Paul-Henri Antonmattei, développe la rechercheappliquée en droit social à vision prospective et pratique.
(1) « Le licenciement économique après la loi Fillon », Les Cahiers du DRH, supp. au no 85, juill. 2003.
LE LICENCIEMENTECONOMIQUE« AUJOURD’HUI » (suite)
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 41
licenciement économique, l’employeur n’est
alors pas tenu de consulter le comité d’entre-
prise sur les critères d’ordre des licencie-
ments (6).
Les règles relatives à l’ordre des licenciements
ne s’appliquent toutefois pas lorsque l’em-
ployeur ne peut opérer de choix parmi les
salariés à licencier. Il en est ainsi lorsque tous
les salariés d’une entreprise de la même ca-
tégorie professionnelle sont licenciés (7), ou
quand au moment du licenciement le sala-
rié occupe le seul poste relevant de la caté-
gorie dont est décidée la suppression (8).
Attention, si le salarié est seul à occuper le
poste supprimé, il n’est pas nécessairement le
seul salarié de sa catégorie, situation qui exige
alors que soient définis les critères de licencie-
ment (9).
Etablissement des critères
Prise en comptedes critères légaux
Aux termes de l’article L. 321-1-1 du Code du
travail, en l’absence de convention ou d’accord
applicable, l’employeur doit prendre notam-
ment en compte :
- les charges de famille et en particulier cel-
les des parents isolés ;
- l'ancienneté de service dans l'établissement
ou l'entreprise ;
- la situation des salariés dont les caractéris-
tiques sociales rendent leur réinsertion pro-
fessionnelle très difficile, notamment
Le choix des salariés touchés par le li-
cenciement économique n’est pas en-
tièrement discrétionnaire. Il doit ré-
pondre pour partie à des critères objectifs et
être établi selon un ordre prédéterminé.
Hypothèses de miseen œuvre
La prise en compte de critères pour détermi-
ner les salariés à licencier concerne tous les
licenciements pour motif économique, qu’ils
soient individuels ou collectifs.
Ceux-ci peuvent être fixés par la convention
collective de branche ou par l’accord d’entre-
prise. L’employeur devra alors s’y conformer (2).
En l’absence de dispositions conventionnel-
les, les critères seront établis à l’occasion de
chaque licenciement. Il ne peut se prévaloir
d’un document établi unilatéralement par
l’employeur à l’occasion d’un précédent licen-
ciement économique (3).
Cette obligation ne joue que lorsque les licen-
ciements sont projetés (4). Tel n’est pas le cas,
par exemple, lorsqu’une entreprise s’est bor-
née à prévoir le passage du travail à temps
complet au travail à mi-temps, une mobilité
interne et le volontariat au départ sans qu’au-
cun licenciement ne soit prévu (5). De même,
si la réduction d’effectif envisagée ne doit se
réaliser, selon le plan de sauvegarde, qu’aux
moyens d’accords de rupture négociée conclus
avec les seuls salariés souhaitant quitter vo-
lontairement l’entreprise, à l’exclusion de tout
Ordre des licenciements
(2) Cass. soc., 20 janv. 1993, no 91-42.032. (3) Cass. soc., 8 avr. 1992, no 89-43.288. (4) Cass. soc., 3 déc. 1996, no 94-22.163 ; Cass. soc., 14 mars 2000,no 98-42.446. (5) Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-19.828. (6) Cass. soc., 12 juill. 2004, no 02-19.175. (7) Cass. soc., 27 mai 1997, no 95-42.419 ; Cass. soc.,14 janv. 2003, no 00-45.700. (8) Cass. soc., 1er avr. 2003, no 01-41.775 ; Cass. soc., 24 janv. 2007, no 04-41.648. (9) Cass. soc., 16 déc. 1997, no 95-44.628.
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DOSSIER
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200742
- autonomie : 1 à 3 points ;- esprit d’initiative : 1 à 3 points.
Charges de famille :- 1 enfant : 1 point ;- 2 enfants : 2 points ;- 3 enfants : 3 points ;- 4 enfants et plus : 4 points ;- majoration de 2 points pour parents
isolés.Sont pris en compte les enfants à charge ausens de la législation fiscale.Ancienneté dans l’entreprise :
- de 0 à 4 ans : 1 point ;- de 5 à 9 ans : 2 points ;- de 10 à 14 ans : 3 points ;- 15 ans et plus : 4 points.
Caractéristiques sociales rendant la réinser-tion professionnelle particulièrement difficile :
- âge :- de 18 à 39 ans : 1 point,- de 40 à 49 ans : 2 points,- 50 ans et plus : 4 points ;
- handicap reconnu par la COTOREP :10 points.
Les salariés qui obtiendraient le même nom-bre de points seraient départagés en appli-quant successivement les critères suivants :
- 1) handicap reconnu par la COTOREP ;- 2) qualités professionnelles ;- 3) charges de famille ;- 4) ancienneté dans l’entreprise ;- 5) âge.
des personnes handicapées (10) et des sala-
riés âgés ;
- les qualités professionnelles appréciées par
catégorie.
La liste n’est pas limitative. L’employeur peut
la compléter par d’autres critères objectifs,
à condition qu’ils ne soient pas discrimina-
toires (nationalité, sexe, religion, temps par-
tiel/temps plein, etc.).
A titre d’exemple, ces critères pourraient être
les suivants :
- niveau de diplôme ;
- possibilité de bénéficier d’une préretraite (13).
Une fois la liste des critères arrêtée, il est per-
mis à l’employeur de privilégier l’un d’entre
eux dès lors qu’ils ont tous été pris en compte (14).
A noter que l’ordre dans lequel le Code du
travail énumère les critères ne lie pas l’em-
ployeur. Il peut être opportun de pondérer
chacun des critères selon l’importance qu’on
souhaite lui attribuer en fixant, par exemple,
un nombre de points.
Exemple de grille d’application des critèresfixant l’ordre des licenciements économiques :Qualités professionnelles :
- compétences techniques : 1 à 3 points ;- polyvalence : 1 à 3 points ;- capacités d’adaptation : 1 à 3 points ;
La prévention du risque discrimi-
natoire commande de se fonder sur des élé-
ments aussi objectifs que possible. En cas
de contentieux, l’employeur pourra en effet
être amené à communiquer au juge les élé-
ments objectifs et étayés sur lesquels il s’est
appuyé pour arrêter son choix (11), par exem-
ple des grilles d’évaluation des qualités pro-
fessionnelles qui auront pu être établies lors
d’entretiens annuels (12).
CONSEIL
(10) Cass. soc., 11 oct. 2006, no 04-47.168. (11) Cass. soc., 16 sept. 2003, no 01-40.349. (12) Cass. soc., 28 nov. 2000, no 98-23.451 ; TGI Nanterre,23 janv. 2004, CCE Aventis Pharma France c/ SA Aventis Pharma. (13) Cass. soc., 21 juin 1984, no 82-40.264. (14) Cass. soc., 2 mars 2004, no 01-44.084.(15) Cass. soc., 27 oct. 1999, no 97-43.130.
L’employeur qui décide d’exclure
d’un licenciement économique collectif cer-
taines catégories de salariés objectives, par
exemple les plus âgés et ceux ayant un certain
nombre d’enfants, doit d’abord exclure ceux-
ci de la liste des salariés susceptibles d’être li-
cenciés et ensuite appliquer à l’ensemble les
critères relatifs à l’ordre des licenciements (15).
OBSERVATION
Lorsque, au contraire, le licenciement dans un
ou plusieurs établissements s’inscrit dans le
cadre d’une mesure générale arrêtée par le
siège, le comité central d’entreprise doit alors
être saisi pour consultation sur l’ensemble du
projet. C’est donc au niveau de l’entreprise,
c’est-à-dire du comité central d’entreprise, que
sera réalisée la consultation sur les critères de
choix. On peut s’interroger sur la nécessité de
consulter les comités d’établissement sur les
critères retenus au niveau du comité central
d’entreprise lorsqu’ils sont identiques à tous
les établissements, sauf à devoir évaluer leur
impact potentiel dans chacun d’eux.
Par ailleurs, rien ne paraissant interdire la fixa-
tion de critères propres à chaque établisse-
ment en fonction de ses caractéristiques pro-
pres en pareil cas, la double consultation
devrait s’imposer.
Consultation des représentantsdu personnel
L’employeur définit les critères retenus pour
fixer l’ordre des licenciements après consul-
tation du comité d’entreprise ou, à défaut, des
délégués du personnel. Concrètement, le chef
d’entreprise communiquera son choix au
moment de la remise du document d’infor-
mation sur le projet de licenciement visé à
l’article L. 321-4 du Code du travail et les re-
présentants du personnel se prononceront à
l’occasion de la réunion de consultation sur
le projet de licenciement.
Mise en œuvre des critères
Prise en comptedes catégories professionnelles
La mise en œuvre des critères correspond au
choix nominatif des salariés après que le prin-
cipe du licenciement ait été adopté. L’appli-
cation des critères doit être objective
Cadre de la déterminationdes critères
Sous réserve des critères fixés par voie conven-
tionnelle, depuis qu’ils ne relèvent plus des
dispositions du règlement intérieur, les cri-
tères sont définis par l’employeur après
consultation du comité d’entreprise, et ce à
l’occasion de chaque licenciement pour mo-
tif économique. Ils peuvent être donc diffé-
rents d’une opération à une autre.
Si l’appréciation de la réalité du motif écono-
mique et l’examen des possibilités de reclas-
sement doivent se faire dans l’entreprise, voire
dans le groupe auquel appartient l’employeur,
la détermination des critères de l’ordre des
licenciements ne peut se faire qu’au niveau
de l’entreprise. Le cadre du groupe ne peut
être retenu, y compris dans la situation d’une
restructuration concernant plusieurs socié-
tés du même groupe.
La seule question est celle du niveau à rete-
nir au sein de l’entreprise, lorsque celle-ci
comporte des établissements distincts, étant
précisé que l’article L. 321-1-1 du Code du
travail n’écarte pas le niveau de l’établisse-
ment puisqu’il vise « les entreprises ou établis-sements visés à l’article L. 321-2 ».Le niveau de détermination des critères est
en fait étroitement lié à la procédure mise en
œuvre dans les entreprises à structures com-
plexes au sein desquelles sont en place des
comités d’établissement et un comité central
d’entreprise. Les règles habituelles de répar-
tition des compétences entre ces différents
niveaux de représentation doivent à notre
avis s’appliquer.
Lorsque le licenciement sera décidé au sein
d’un établissement en considération de la
seule situation de l’établissement, dans la
limite des pouvoirs du chef d’établissement,
les critères, soumis au comité d’établisse-
ment, seront déterminés à ce niveau.
Le licenciement économique « aujourd’hui »
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 43
DOSSIER
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200744
Cadre d’application des critères
Par ailleurs, le cadre d’application est celui
de l’entreprise toute entière (21), c'est-à-dire
que les critères retenus sont à apprécier pour
la totalité des salariés d’une même catégo-
rie dans l’ensemble de l’entreprise, ce qui a
pour conséquence que les salariés dont les
emplois sont supprimés ne sont pas néces-
sairement ceux que l’application des critè-
res désigne pour être licenciés, y compris si
un service est supprimé dans sa totalité (22).
Dans l’hypothèse d’une entreprise à établis-
sements multiples, le cadre retenu devrait,
en l’absence de dispositions conventionnel-
les, être celui de l’entreprise ou, à tout le
moins, englober l’ensemble des établisse-
ments concernés par le projet de licencie-
ment (23). Un accord collectif peut néanmoins
valablement prévoir que l’ordre des licencie-
ments s’effectuera dans le cadre de l’établis-
sement ou à un échelon inférieur (24). Il en
est de même par « accord » avec le comité
d’entreprise (25).
Quand un accord collectif définit le cadre
d’appréciation des critères d’ordre des licen-
ciements, le juge veille à sa correcte applica-
tion. Ainsi en est-il de l’article 49 de la conven-
tion collective du personnel des banques qui
stipule que « les licenciements collectifs poursuppression d’emploi sont effectués dans unemême localité, par établissement et par natured’emploi, après avis du comité d’entrepriselorsqu’il en existe un ou, à défaut, des déléguésdu personnel, et suivant un classement établientre toutes les personnes occupées dans cha-cun des établissements de cette même localité ».
Ce faisant (26), elle valide le cadre convention-
nellement défini. C’est somme toute logique
quand on considère la rédaction de l’article
et vierge de toute discrimination. Ainsi la
charge de famille d’un salarié ne saurait-elle
être appréciée différemment selon que le sa-
larié est d’origine européenne ou non (16).
C’est par catégorie professionnelle qu’il faut
appliquer les critères retenus.
Attention, la Cour de cassation semble pri-
vilégier un critère formel sur une apprécia-
tion in concreto : a été ainsi cassée la décision
d’une cour d’appel ayant retenu comme ca-
tégorie professionnelle l’ensemble des sala-
riés qui exercent dans l’entreprise des fonc-
tions de même nature supposant une
formation professionnelle commune au lieu
de rechercher si l’ordre des licenciements
avait été respecté dans la catégorie profes-
sionnelle dont relève le salarié au sens de la
convention collective (19). Il est opportun, à
cet égard, de définir expressément, notam-
ment dans le plan de sauvegarde, ce que l’em-
ployeur entend par « catégorie professionnelle ».
En tout état de cause, la mise en œuvre des
critères de licenciement peut conduire à ce
qu’un salarié dont l’emploi n’est pas sup-
primé soit licencié (20).
Une catégorie professionnelle
peut être définie comme l’ensemble des sa-
lariés qui exercent au sein de l’entreprise des
fonctions de même nature supposant une
formation professionnelle commune (17). Il n’y
a pas lieu à cet égard de distinguer de caté-
gories entre les salariés à temps partiel et
ceux à temps plein. Ainsi, même en cas de
suppression d’un poste à mi-temps dans une
entreprise comportant deux salariés dont l’un
occupe le poste à mi-temps et l’autre un
poste à plein temps, l’employeur doit appli-
quer les règles relatives à l’ordre des licen-
ciements (18).
OBSERVATION
(16) Cass. soc., 8 avr. 2002, no 90-41.276. (17) Cass. soc., 13 févr. 1997, no 95-16.648. (18) Cass. soc., 7 juill. 1998, no 96-45.014. (19) Cass. soc., 16 mars2005, no 02-45.753. (20) Cass. soc., 29 juin 1994, no 92-44.466. (21) Cass. soc., 1er déc. 1998, no 96-43.980. (22) Cass. soc., 24 mars 1993, no 90-42.002.(23) CA Aix-en-Provence, 1er juin 1994, SA Griffine Maréchal c/ Barral. (24) Cass. soc., 23 sept. 1992, no 90-17.000 ; Cass. soc., 18 mai 2004, no 02-41.374 :solution implicite. (25) Cass. soc., 24 mars 1993, no 90-42.002. (26) Cass. soc., 27 janv. 1998, no 96-12.123.
Le salarié doit formuler sa demande par let-
tre recommandée avec demande d'avis de ré-
ception ou par lettre simple remise en main
propre contre décharge, avant l'expiration d'un
délai de dix jours à compter de la date à la-
quelle il quitte effectivement son emploi.
L'employeur doit faire connaître sa réponse
soit par lettre simple remise en main propre
contre décharge, soit par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception envoyée au
plus tard dix jours après la présentation de la
lettre du salarié (27). L’absence de réponse de
l’employeur, si elle ne rend pas le licenciement
sans cause réelle et sérieuse, donne lieu à ré-
paration du préjudice résultant de cette irré-
gularité formelle (28).
L. 321-1-1 et la place qu’il donne à la conven-
tion ou à l’accord collectif.
Le comité d’entreprise, appelé à se pronon-
cer sur les critères de choix, peut également
se prononcer sur le cadre d’application de ces
critères, sachant que celui de l’établissement
peut s’avérer le plus approprié. En effet, même
si l’appréciation du motif économique et des
possibilités de reclassement doit se faire au
niveau de l’entreprise, retenir l’application
systématique des critères au niveau de l’en-
treprise risque d’aboutir à des solutions où
des salariés seront licenciés, compte tenu du
choix des critères retenus, dans un autre éta-
blissement, géographiquement éloigné de ce-
lui qui connaît des difficultés.
Information du salarié
Selon l’article L. 122-14-2 du Code du travail,
l’employeur est tenu, à la demande écrite du
salarié, de lui indiquer par écrit les critères
retenus pour fixer l’ordre des licenciements.
Le salarié qui n’aurait pas usé de
la faculté de demander au chef d’entreprise
les critères retenus pour fixer l’ordre des
licenciements n’est pas privé de la possibilité
de se prévaloir, ultérieurement, de ces critè-
res et de demander réparation du préjudice (29).
A NOTER
(27) C. trav., art. R. 122-3. (28) Cass. soc., 20 janv. 1998, no 96-40.930 ; Cass. soc., 24 juin 2003, no 01-42.932 ; Cass. soc., 2 févr. 2006, no 03-45.443.(29) Cass. soc., 18 mai 2004, no 02-41.179.
Le licenciement économique « aujourd’hui »
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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 45
DOSSIER
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200746
Schéma de réponse à la demande d’énonciation des critères de choix retenus
< Date >, < Lieu >
Monsieur (ou Madame) < Adresse >
Lettre recommandée avec AR
(ou Lettre remise en main propre contre décharge)
Monsieur (ou Madame),
VARIANTE (si les critères retenus sont prévus par la convention ou un accord collectif)
En réponse à votre demande en date du <>, nous vous informons que les critères de choix retenus pour votre licenciement pour motif écono-
mique ont été ceux prévus par la convention collective <> du <> (ou l’accord collectif <> du <>), à savoir < préciser les critères >.
VARIANTE (si les critères retenus ne sont pas prévus par la convention ou un accord collectif)
En réponse à votre demande en date du <>, nous vous informons que les critères de choix retenus pour votre licenciement pour motif écono-
mique sont les suivants : < à préciser >.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 47
ployeur un avis écrit précisant la nature de
l’irrégularité relevée, l’employeur est tenu de
lui répondre. Sous réserve du respect des dé-
lais énoncés ci-dessus, l’employeur ne peut
adresser les lettres de licenciement tant qu’il
n’a pas répondu aux observations de l’admi-
nistration ;
- le second concerne les salariés protégés.Les lettres de licenciement des salariés bé-
néficiant d’une protection au titre d’un ou
de plusieurs mandats détenus ne peuvent
être adressées qu’après obtention de l’auto-
risation de l’inspecteur du travail.
Réduction des délais
Lorsqu’un accord collectif portant sur les condi-
tions du licenciement, et notamment sur les
mesures sociales d’accompagnement,
Délais de notificationdes licenciementsDélais normauxLes délais sont essentiellement fonction du
nombre de licenciements pour motif écono-
mique envisagé (voir tableaux infra).
Ces délais ne s’appliquent qu’à défaut de dis-
positions conventionnelles plus favorables.
Il s’agit de jours calendaires.
Allongement des délais
Les délais peuvent être prolongés pour deux
motifs :
- le premier concerne uniquement les licenciementscollectifs portant sur au moins 10 salariés.Lorsque l’autorité administrative à laquelle
est notifié le projet de licenciement relève une
irrégularité de procédure et adresse à l’em-
Notificationdes licenciementspour motif économique
Catégories de personnel Entreprise avec ou sans IRP
Autres que personnel d’encadrement 7 jours ouvrables (1)
Personnel d’encadrement 15 jours ouvrables (1)
Catégories de personnel Entreprise avec ou sans IRP
Toutes sans distinction 7 jours ouvrables (1)
Importance du licenciement Délais Point de départ du délai
Moins de 100 salariés 30 jours • Notification du projet à laDDTEFP• 14 jours suivant la notifica-tion du projet à la DDTEFP si unexpert-comptable a été désigné
De 100 à 249 salariés 45 jours
250 salariés et plus 60 jours
Licenciement individuel
Licenciement collectif de 2 à 9 salariés
Licenciement collectif d’au moins 10 salariés
(1) Il s’agit d’un délai entre la date de l’entretien préalable et la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement. Il est exprimé en jours ouvrables.
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DOSSIER
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200748
ou celles visées à l’article L. 439-6 (comité
d’entreprise européen) ou L. 439-1 (comité
de groupe) dès lors qu’elles occupent ensem-
ble au moins 1 000 salariés.
Si l’information des salariés sur les condi-
tions de mise en œuvre du congé de reclas-
sement doit être faite au cours de l’entretien
préalable, lorsque celui-ci est requis, ou après
la dernière réunion de consultation du co-
mité d’entreprise (ou des délégués du per-
sonnel), la lettre de licenciement doit com-
porter la proposition du bénéfice de ce congé.
Proposition de la conventionde reclassement personnalisé
Dans les entreprises de moins de 1 000 sa-
lariés, le salarié dispose, pour accepter ou re-
fuser le bénéfice de la convention de reclas-
sement personnalisé, de 14 jours à compter
de l’entretien préalable, s’il a lieu, ou de la
dernière réunion de consultation des repré-
sentants élus du personnel.
Deux situations peuvent se présenter :
- à la date de notification du licenciement, le
délai de 14 jours n’est pas encore expiré.
Dans ce cas, la lettre doit rappeler au sala-
rié la date d’expiration du délai d’accepta-
tion ou de refus de la CRP et préciser qu’en
cas de refus cette lettre constituera la noti-
fication du licenciement ;
- à la date de notification du licenciement,
le délai de 14 jours est expiré. Dans ce cas,
si le salarié n’a pas répondu, ce qui s’assi-
mile à un refus, ou a expressément refusé
le bénéfice de la CRP, la lettre peut rappe-
ler ce refus. Si, à l’inverse, le salarié a ac-
cepté le bénéfice de la CRP, la lettre de no-
tification du licenciement n’a pas lieu d’être.
En effet, le contrat est alors rompu d’un
commun accord entre les parties, cette
rupture prenant effet à l’expiration du dé-
lai de 14 jours.
a été conclu à l’occasion du projet de licencie-
ment ou lorsque l’entreprise applique les dis-
positions préexistantes d’une convention ou
d’un accord ayant le même objet, l’autorité ad-
ministrative peut réduire le délai légal dans la
limite de celui qui lui est imparti pour faire part
de ses observations sur le projet de licencie-
ment notifié (21, 28 ou 35 jours selon l’impor-
tance du licenciement).
Contenu de la lettrede licenciement
La lettre de licenciement doit obligatoirement
comporter plusieurs éléments.
Enoncé du motif économique
Doivent être indiqués de manière précise les
motifs qui justifient et caractérisent le licen-
ciement.
Le motif énoncé doit comporter obligatoire-
ment deux éléments :
- l’élément causal, c’est-à-dire la raison éco-
nomique (difficultés économiques, muta-
tions technologiques, réorganisation de
l’entreprise...) ;
- l’élément matériel, c’est-à-dire l’incidence
de la raison économique sur l’emploi ou le
contrat de travail (suppression ou trans-
formation d’emploi, modification du contrat
de travail).
Compte tenu de l’obligation de reclassement
préalable à la charge de l’employeur, il est
indispensable d’exposer également les mo-
tifs qui s’opposent au reclassement du salarié.
Proposition de congéde reclassement
Cette mention ne concerne que les entrepri-
ses ayant l’obligation de mettre en œuvre les
congés de reclassement, c’est-à-dire celles
ayant un effectif d’au moins 1 000 salariés
droit, et ce dans le même délai. Ce droit de
priorité joue pour les emplois devenus dis-
ponibles qui sont compatibles avec sa quali-
fication ou avec celle(s) qu’il aurait acquise(s)
postérieurement à la rupture de son contrat
de salarié, sous réserve d’en avoir informé
l’employeur.
Prioritéde réembauchage
Le salarié licencié pour motif économique
bénéficie d’une priorité de réembauchage du-
rant un délai d’un an à compter de la date de
rupture du contrat de travail, à condition qu’il
ait manifesté l’intention de bénéficier de ce
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 49
Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de moins de 1 000 salariés
(Délai d’acceptation de la CRP non expiré)
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Dans le cadre d’une mesure de licenciement collectif, nous vous avons remis le <> une proposition de convention de
reclassement personnalisé. Nous vous rappelons que vous avez jusqu’au <> inclus pour nous faire connaître votre
décision d’y adhérer.
Nous vous rappelons également :
qu’en cas d’adhésion, votre contrat de travail se trouvera réputé rompu d’un commun accord des parties, aux condi-
tions qui figurent dans le document d’information remis à la date du <> ;
qu’à défaut d’adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors la notification de votre licenciement, sa date
de première présentation fixera le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre contrat de travail sera
définitivement rompu.
(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis
et que vous percevrez donc :
(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à
disposition.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé
prochainement.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du
<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.
Nous vous informons que, conformément à l’article L. 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité
de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,
vous devrez nous faire part de votre désir d’user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les
emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous
nous ayez informés de celles-ci.
Nous vous indiquons, par ailleurs, que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit indivi-
duel à formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle
demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons
que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de tra-
vail, peut se traduire par le versement d’une allocation.
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DOSSIER
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200750
Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compéten-
ces, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.
Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc
à réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées.
(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité
ou de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification
de la présente.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de moins de 1 000 salariés
(Délai d’acceptation de la CRP expiré)
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Dans le cadre d’une mesure de licenciement collectif et en l’absence d’adhésion (ou de refus d’adhésion) à la conven-
tion de reclassement personnalisé qui vous a été proposée lors de cet entretien, nous sommes au regret de vous notifier,
par la présente, votre licenciement pour motif économique.
La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre
contrat de travail sera définitivement rompu.
(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis
et que vous percevrez donc :
(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à
disposition.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé
prochainement.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du
<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.
Nous vous informons que, conformément à l’article L. 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité
de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,
vous devrez nous faire part de votre désir d’user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les
emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous
nous ayez informés de celles-ci.
Nous vous indiquons, par ailleurs, que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit indivi-
duel à la formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle
demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons
que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de tra-
vail, peut se traduire par le versement d’une allocation.
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 51
Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de 1 000 salariés et plus
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Dans le cadre d'une mesure de licenciement collectif, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre
licenciement pour motif économique.
La date de première présentation de cette lettre fixera donc le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre
contrat de travail sera définitivement rompu.
(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis
et que vous percevrez donc :
(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à
disposition.
(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé
prochainement.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du
<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.
Conformément aux dispositions de l'article L. 321-4-3 du Code du travail, nous vous proposons le bénéfice d'un congé
de reclassement dont les conditions de mise en œuvre vous ont été communiquées (par écrit) le <>. Nous vous rappe-
lons que vous disposez d'un délai de 8 jours à compter de la date de notification de la présente pour nous faire part de
votre décision. L'absence de réponse expresse de votre part sera assimilée à un refus de cette proposition.
Nous vous informons que, conformément à l'article L 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité
de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,
vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les
emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous
nous ayez informés de celles-ci.
Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel
à la formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle
demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons
que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de tra-
vail, peut se traduire par le versement d’une allocation.
Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compéten-
ces, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.
Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à
réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées.
(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité ou
de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification de la pré-
sente.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
DOSSIER
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200752
Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compéten-
ces, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai
imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à réception du justificatif de suivi de l’une des actions
susvisées.
(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité ou
de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification de la
présente.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
Le droit des salariés à bénéficier de la prio-
rité de réembauchage doit figurer dans la
lettre notifiant le licenciement, de même que
ses conditions de mise en œuvre.
� Pour des modèles de lettres delicenciement, voir pages 10 et suivantes.
Exercice du droit
Demande du salarié
Le salarié dispose du délai d’un an, à comp-
ter de la date de la rupture de son contrat
de travail, pour demander à bénéficier de la
priorité de réembauchage. Cette priorité ne
jouera alors que pendant l’année suivant la
rupture de son contrat et non celle de sa de-
mande. Des dispositions conventionnelles
peuvent néanmoins aménager cette règle
dans un sens plus favorable.
La date à partir de laquelle court le délai d’un
an a été précisée par la jurisprudence : il s’agit
du moment où prend fin le préavis, qu’il soit
exécuté ou non (33), ce qui laisse une période
de creux entre l’obligation de reclassement
préalable et la priorité de réembauchage, du-
rant laquelle l’employeur pourrait procéder
au recrutement de salariés autres que ceux
venant d’être licenciés pour motif économi-
que. On peut néanmoins raisonnablement
penser que ceux-ci pourraient valablement
reprocher au chef d’entreprise de ne pas s’être
acquitté loyalement de son obligation.
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 53
Priorité de réembauchage
(30) Cass. soc., 5 mars 2002, no 00-41.429. (31) Cass. soc., 5 févr. 2002, no 99-46.345. (32) Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-19.828 ; Cass. soc., 13 sept.2005, no 04-40.135. (33) Cass. soc., 27 nov. 2001, no 99-44.240.
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T out salarié licencié pour motif éco-
nomique bénéficie d'une priorité
de réembauchage durant un délai
d'un an à compter de la date de rupture de
son contrat s'il manifeste le désir d'user de
cette priorité au cours de cette année.
BénéficiairesLa priorité de réembauchage joue quelle que
soit l’ampleur du licenciement ou l’effectif
de l’entreprise et peut bénéficier à tout sa-
larié quelle que soit son ancienneté. Par ail-
leurs, l’article L. 321-14 du Code du travail
n’exclut nullement son application dans le
cas où le salarié a retrouvé un autre em-
ploi (30). Elle subsiste en cas de reprise de
l’entité économique par un autre em-
ployeur (31).
S’agissant de la nature de la rupture inter-
venue, la Cour de cassation a jugé qu’en ap-
plication de l’article L. 321-1, alinéa 2, du
Code du travail, les dispositions d’ordre pu-
blic des articles L. 321-1 à L. 321-15 du
Code du travail sont applicables à toute
rupture pour motif économique. Dès lors,
la priorité de réembauchage peut être invo-
quée par tout salarié ayant accepté un dé-
part volontaire (32). Elle est également appli-
cable aux salariés ayant accepté la
convention de reclassement personnalisé
emportant rupture d’un commun accord
du contrat.
DOSSIER
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200754
Compatibilité de l’emploi avecla qualification du salarié licencié
L’emploi disponible doit être compatible avec
la qualification du salarié licencié (41), c'est-à-
dire soit celle de l’emploi quitté lors de la rup-
ture, soit celle acquise par le salarié depuis
la rupture, entendu qu’il appartient à celui-
ci d’en informer l’employeur.
La durée du temps de travail, à temps partiel
ou à temps complet, de même que la nature
temporaire ou à durée indéterminée du
contrat ne sont pas déterminantes. Il semble
également que des emplois de qualification
inférieure mais que le salarié aurait pu occu-
per doivent être proposés (42).
Choix à opérer en cas de pluralitéde bénéficiaires
Si plusieurs salariés demandent à bénéficier
de la priorité de réembauchage, l’employeur
n’a pas à suivre un ordre déterminé et peut
choisir ses collaborateurs en fonction de
l’intérêt de l’entreprise, sauf à communiquer
au juge, en cas de contestation du salarié,
les éléments objectifs sur lesquels il s’est ap-
puyé pour arrêter son choix (43).
Sanctions
Deux sanctions peuvent frapper l’employeur
qui n’aura pas respecté les obligations liées
à la priorité de réembauchage :
- l’indemnisation du préjudice nécessairement
du fait de l’absence de mention relative à la
Propositions au titrede la priorité
Notion de poste disponible
La priorité de réembauchage ne s’exerce que
lorsque l’employeur procède à des embau-
ches. Dès lors, ne sont pas concernés les mou-
vements de postes par mutation interne (34).
De même, un emploi occupé par un salarié
dont le contrat de travail est momentané-
ment suspendu n’est pas disponible au sens
de l’exigence légale. Ainsi jugé que n’avait pas
à être proposé au titre de la priorité de réem-
bauchage le recrutement de salariés :
- pour remplacer temporairement des sala-
riés en congés payés (35) ;
- pour remplacer temporairement un salarié
absent (36) ;
- pour remplacer temporairement un salarié
en arrêt de maladie (37) ;
- pour faire face à l’arrêt momentané d’une
chaîne (38).
Curieusement, la Cour de cassation consi-
dère qu'alors même que les salariés ont été
licenciés pour motif économique en raison
du refus de la modification de leur contrat
de travail, l'employeur est tenu, s'ils le de-
mandent, de leur proposer, au titre de la prio-
rité de réembauchage, ces postes devenus va-
cants (40).
(34) Cass. soc., 6 juill. 1999, no 97-40.546. (35) Cass. soc., 1er juill. 1998, n° 95-44.428. (36) Cass. soc., 12 déc. 1995, no 94-40.827. (37) Cass. soc., 6 févr.1997, no 94-41.379. (38) Cass. soc., 21 oct. 1998, no 96-43.056. (39) Cass. soc., 26 janv. 1994, no 92-43.839. (40) Cass. soc., 24 oct. 2000, no 97-43.065.(41) Cass. soc., 21 oct. 1998, préc. (42) Cass. soc., 18 juill. 2000, no 98-42.542. (43) Cass. soc., 2 déc. 1998, no 96-44.416.
Les représentants du personnel doivent
être tenus informés des postes disponibles, la liste
de ceux-ci devant par ailleurs faire l’objet d’un
affichage dans l’entreprise.
A NOTER
Il ne faut pas déduire des exemples ci-
dessus que la priorité se limite aux seuls emplois sous
contrat à durée indéterminée : la priorité joue s’il s’agit
de pourvoir un emploi devenu disponible parce qu’il
n’a plus de titulaire, peu important que l’employeur
entende y faire face en recourant à un contrat
précaire (39).
ATTENTION
Cette sanction n’est toutefois pas applica-
ble aux licenciements des salariés qui ont
moins de deux ans d’ancienneté ou lorsque
l’effectif de l’entreprise est inférieur à onze
salariés. �
priorité dans la lettre de licenciement et dont
le juge appréciera le montant (44) ;
- le non-respect de la priorité elle-même, sanc-
tionné par l’octroi d’une indemnité qui ne
peut être inférieure à deux mois de salaire (45).
Proposition de lettre à adresser au salarié l’informant de l’existence d’un poste disponible
Lettre recommandée avec AR
Monsieur (ou Madame),
Suite à votre demande du < date >, nous faisant part de votre intention de bénéficier d’une priorité de réembauchage
dans le cadre de l’article L. 321-14 du Code du travail, nous vous informons qu’un poste de < nature du contrat, du
poste, qualification, rémunération, location, etc. >, compatible avec votre qualification, est devenu disponible.
Vous voudrez bien nous faire savoir avant le < date > si vous êtes intéressé par cette proposition, faute de quoi nous
considérerons que vous la refusez.
Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.
< Signature >
(44) Cass. soc., 25 avr. 2007, no 05-44.234. (45) C. trav., art. L. 122-14-4, dernier alinéa.
Le licenciement économique « aujourd’hui »
Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 55
Un débat sera ensuite organisé avec le
public autour de la thématique : com-ment « consolider le dialogue social »au niveau de l’entreprise ?Place ensuite aux arbitres :
Jean-Denis Combrexelle, directeur gé-
néral du Travail, ministère du Travail et
des Relations sociales, fera le bilan dela loi du 4 mai 2004 et abordera les
perspectives envisagées pour demain.
Marie-Laure Morin, conseiller à la cham-
bre sociale de la Cour de cassation,
traitera du rôle du juge dans l’inter-
prétation et l’application des accords
à travers le prisme de la loyauté de lanégociation.
L’après-midi fera la place belle à la
prospective :
- négociation collective et droit com-munautaire avec Jean-Philippe Lher-
nould, professeur à l’Université de Poi-
tiers, et Jean-François Renucci,
secrétaire général adjoint EMCEF (Eu-
ropean Mine Chimical and Energy
Workers Federation) ;
- accord de groupe avec Paul-Henri
Antonmattei, doyen de la faculté de
droit de Montpellier, et Henri-José Le-
grand, avocat au Barreau de Paris ;
- accords collectifs et restructura-tions avec Antoine Mazeaud, profes-
seur à Paris II (Panthéon-Assas), et Yves
Chagny, doyen honoraire, chambre
sociale de la Cour de cassation ;
- accords sur la « responsabilité so-ciale de l’entreprise » avec Christine
Neau-Leduc, professeur à la faculté de
droit de Montpellier, et Jacques Khe-
liff, directeur du développement dura-
ble et membre du comité exécutif,
Groupe Rhodia.
Bref, de quoi réfléchir sur les thèmes,
les points de frictions et d’achoppe-
ment et anticiper la prochaine réforme !Lieu : Paris, Hôtel de CrillonRenseignements : 08 25 08 08 00
Mercredi 10 octobre 2007(de 9 h à 11 h 30)
Evaluation des salariés :nouveaux enjeux,nouveaux risques
Il est aujourd’hui essentiel de disposer
d'outils fiables et objectifs, permettant
à l’entreprise de faire de l’évaluation
un levier de motivation et de perfor-
mance des salariés… tout en se pro-
tégeant des éventuels contentieux en
matière de discrimination.
- Comment mettre en place un sys-
tème d’évaluation des salariés sans
bafouer les règles de droit ?
- Comment utiliser l’évaluation pour
individualiser les rémunérations ?
Sylvain Niel, avocat associé, directeur
du département GRH, Fidal, Alexandre
Linden, conseiller à la chambre sociale
de la Cour de cassation, et Laurent Lim,
responsable pôle social, Cnil, répon-
dront à toutes ces questions et à cel-
les que vous leur poserez au cours d’une
prochaine matinée-débats, organisée
par la Lettre des Juristes d’Affaires et
la Semaine Sociale Lamy.Lieu : Hôtel de CrillonRenseignements : 08 25 08 08 00
RENDEZ-VOUS
Mercredi 10 octobre 2007(de 9 h à 11 h 30)
28e colloque de la revue« Droit social »
Quel droit pour lanégociation collectivede demain ?2004 fut l’année de la réforme.
En 2008, préparez-vous à la révolution !
C’est un peu sur ce constat qu’a été
conçu, cette année, le colloque de la
revue « Droit social ».
L’avenir proche pourrait bien être en
effet à la représentativité sur base élec-
torale et à l'accord conclu par des syn-
dicats réellement majoritaires.
Avant que ces pistes débouchent sur
un ANI ou une loi, il fallait donner la
parole aux différents acteurs. C’est l’ob-
jectif de ce colloque présidé par Jean-
Emmanuel Ray, professeur à l’Univer-
sité Paris I (Panthéon-Sorbonne).
Et avec quel plateau !!
Laurence Parisot, présidente du MEDEF,
François Chereque, secrétaire général
de la CFDT, et Christian Larose, mem-
bre du Bureau de la Fédération Textile
CGT, ouvriront le bal pour présenter ce
que veulent les partenaires sociaux.
BLOC-NOTES
Les Cahiers du DRH � Président, Directeur de la publication : J.-P. Novella � Rédacteur en chef : A. Dupays � Ont participé à ce numéro :J. Barthélémy - J. Hurtaud - J.-R. Le Meur - S. Niel - C. Phérivong - A. Reymann - A. Derue � Réalisation PAO : A. Benesti - S. Richard - A. Milic� Éditeur : WOLTERS KLUWER FRANCE - 1, rue Eugène et Armand Peugeot - 92856 Rueil-Malmaison Cedex � N° Indigo : 0 825 08 08 00
� Fax : 01 76 73 48 09 � SAS au capital de 220 037 000 € - RCS Nanterre 480 081 306 � Associé unique : Holding Wolters Kluwer France � Nº Commission paritaire :1011 T 79085 - Dépôt légal : à parution - Nº ISSN : 1297-0824 - Périodicité : mensuelle � Abonnement annuel : 748,39 €TTC - Prix du numéro : 61,26 €TTC - Prix de la reliure :25,53 €TTC
� Imprimerie Delcambre - 45, rue Delizy, 93500 PantinToute reproduction ou représentation intégrale ou partielle par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans la présente publication, faite sans autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon.Les noms, prénoms et adresses de nos abonnés sont communiqués à nos services internes et organismes liés contractuellement avec la publication, sauf opposition motivée. Dans ce cas, la communication sera limi-tée au service abonnement. Conformément à la loi du 6 janvier 1978, ces informations peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit d’accès et de rectification auprès de Lamy S.A. – Direction Commerciale.
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