Catégoriser l’oralité :L’exemple de l’oralité populaire
québécoise
par
Mathilde DargnatUniversité de Provence – Université de Montréal
29 novembre 2005, Aix-en-ProvenceSéminaire de Mme Hazaël-Massieux
Cette transcription qui outrepasse la norme semble être un des caractères de la littérarité.
J. Rey-Debove, in Catach : 1986, p. 81.
Problème général posé
La représentation de l’oralité populaire québécoise dans un corpus de cinq pièces de théâtre (1968-1998) de l’auteur M.
Tremblay
Problème étudié ici
La définition préalable de l’objet, c’est-à-dire :
1. Qu’est-ce que l’oralité populaire québécoise (OPQ) ?2. Quels phénomènes linguistiques rechercher dans les textes
?
Problématique
Plan de la présentation
IntroductionUn objet hybride
1. Point de vue externe 1.1. Quelles variations sociolinguistiques sont en jeu ?1.2. Le « joual », exemplification périodique de l’oralité populaire québécoise ?
2. Recherche d’une liste de traits linguistiques caractéristiques
2.1. Prosodie et phonétique2.2. Morphologie2.3. Syntaxe2.4. Lexique2.5. Phénomènes graphiques attendus
ConclusionConséquences pour la constitution du corpus
Introduction
• L’oralité populaire québécoise (désormais OPQ) renvoie :
À des phénomènes linguistiques observables (Phonétiques, prosodiques, syntaxiques, lexicaux, etc.)
À une certaine « idée » de l’oral, du parler populaire et du français québécoisCf. Notions d’ « imaginaire de la langue » (Houdebine : 2002) et de « sentiment épilinguistique » (Laurendeau : 2004)
Introduction
• Mise en évidence de l’imaginaire linguistique
Définition proposée par A.-M. Houdebine
Rapport du sujet à la langue, la sienne et celle de la communauté qui l’intègre comme sujet parlant-sujet social ou dans laquelle il désire être intégré, par laquelle il désire être identifié par et dans sa parole ; rapport énonçable en termes d’images, participant des représentations sociales et subjectives. (2002, p. 10)
Dans les entretiens semi-dirigés que nous avons utilisés, c’est ce« rapport énonçable » qui est visé dans les questions suivantes :
Que pensez-vous du « joual » ? Pouvez-vous le définir ? Qui selon vous parle « joual » ? Est-ce répandu partout au Québec ? Qu’est-ce que c’est « bien parler » ? Qui selon vous pourrait servir de modèle aux enfants pour leur façon de parler ? (Corpus Sankoff-Cedergren, 1971, question n° 6)
Introduction
« Imaginaires linguistiques » de l’OPQ
o L’imaginaire de l’OPQ est généralement exprimé négativement (Laurendeau : 1990 et 2004, Paquot : 1988 et Daoust : 1993)
- stigmatisation des locuteurs par la métaphore animale (cheval),
- idée d’une « contamination » par l’anglais,
- focalisation sur les jurons (sacres) et la vulgarité,
- idée d’une articulation relâchée et d’un manque de structure syntaxique.
o L’OPQ est aussi associée au domaine littéraire.En référence à une période donnée et à des auteurs qui ont cherché un certain réalisme langagier.
Introduction
La « surconscience linguistique » des écrivains francophones
Les écrivains québécois sont particulièrement exposés à l’imaginaire de la langue :
Il leur faut choisir une langue (l’anglais ou la français) dans une situation de contact linguistique. Ecrire en français, mais quel français ?
M. Beniamino (1999) et L. Gauvin (2000, 2004) parlent respectivement de « conscience linguistique » et de « surconscience linguistique » pour désigner cette situation particulière qui résulte de l’insécurité linguistique des locuteurs et des écrivains.
Introduction
C’est ce que j’appelle la surconscience linguistique de l’écrivain. Je crois que le commun dénominateur des littératures dites émergentes, et notamment des littératures francophones, est de proposer, au cœur même de leur problématique identitaire, une réflexion sur la langue et sur la manière dont s’articulent les rapports langues/littérature dans des contextes différents. La complexité de ces rapports, les relations généralement conflictuelles – ou tout au moins concurrentielles – qu’entretiennent entre elles deux ou plusieurs langues, donnent lieu à cette surconscience dont les écrivains ont rendu compte de diverses façons. (Gauvin : 2000, p. 8)
Introduction
Il faut prendre en compte cette composante « imaginaire » de la langue pour définir l’objet OPQ :
C’est parce qu’il s’agit d’un objet hybride (fictif, idéologique et linguistique) que l’ «effet de réel», d’oralité populaire québécoise, peut se produire dans un texte écrit.
Avant de proposer une liste de traits linguistiques descriptifs, on s’interrogera plus systématiquement sur :
- Une définition sociolinguistique de l’OPQ (en terme de variations)- La cristallisation ambiguë sur le « joual » dans les années 60 et 70- La position de M. Tremblay
Introduction
1. Point de vue externe
1. 1. Quelles variations sociolinguistiques sont en jeu ?
1. 2. Le « joual », exemplification de l’oralité populaire québécoise ?
1. 1. Quelles variations sociolinguistiques sont en jeu ?
1.1.1. Les différents lieux de la variation linguistique
1.1.2. Fonctions symboliques des variétés
1.1.3. La « réévaluation stylistique » des registres à l’oral et à l’écrit
1.1.4. Schéma récapitulatif et place de l’OPQ dans le double continuum linguistique
1.1.1. Les différents lieux de la variation linguistique
Variations selon l’usager (Gadet : 2003)
Variation diachronique (espace temporel)
Variation diatopique (espace géographique)
Variation diastratique (appartenance sociale)
Selon l’usage (Gadet : 2003)
Variation diaphasique (selon la situation)
Variation diamésique (selon le canal : visuel / phonique)
1.1.1. les différents lieux de la variation
1.1.2. Fonctions symboliques des variétés Perspective diglossique (Ferguson : 1959, Chantefort : 1976)
Variété basse et variété haute.
La diglossie est une situation linguistique relativement stable dans laquelle, outre les formes dialectales de la langue […] existe une variété superposée très divergente, hautement codifiée (souvent grammaticalement plus complexe), véhiculant un ensemble de littérature écrite vaste et respecté, […] qui est surtout étudié dans l’éducation formelle, utilisée à l’écrit ou dans un oral formel mais n’est utilisée pour la conversation ordinaire dans aucune partie de la communauté. (Ferguson, trad. par Calvet : 1993, p. 43)
Question : L’OPQ est-elle la variété basse ? Si oui, quelle est la variété haute au Québec ?
1.1.2. Fonctions symboliques des variétés
Perspective tétraglossique (Gobard : 1976)
Fonctions : vernaculaire, véhiculaire, référentiaire, mythique.
Question : Que faire de l’usage du « joual » en littérature ?
1.1.2. Fonctions symboliques des variétés
ECRIT ORAL
Soutenu (1)
Naturel (2)
Familier (3)
Soutenu formel
Normalisé (2)
Naturel (3)
Familier (4)
Soutenu poétique
(1)
Populaire
1.1.3. Réévaluation stylistique des registres
Schéma
1.1.3. La « réévaluation stylistique » des registres
1.1.3. La « réévaluation stylistique » des registres
Commentaire
En fait, on pourrait dire que la correspondance est ici orientée de l'écrit vers l'oral, dans la mesure où le registre (1) de l'oral est en partie une projection de l'écrit sur l'oral. Le français écrit naturel correspond à la partie la plus neutre du registre soutenu de l'oral et à son registre normalisé. Le français écrit familier correspond au registre naturel de l'oral ; il faut noter cependant que le très fort contrôle socio-culturel qui pèse sur l'écrit en fait un registre tout juste toléré et que l'étiquette de relâché lui conviendrait peut-être mieux [correspond à la barre double dans le schéma]. Quant aux formes issues du dernier registre du français parlé [4 dans le schéma], le registre familier, elles sont proscrites de l'écrit, sauf au titre des effets spéciaux du texte littéraire, où elles fonctionnent pratiquement comme substitut du français populaire, soit dans une visée sociolectale (les romanciers réalistes et naturalistes, soit dans une visée de subversion langagière ou sociopolitique (cf. Céline et Queneau). (Anis : 1981, p. 20)
1.1.3. Réévaluation stylistique des registres
• Conséquences générales : L’oral standard est assimilé à l’écrit normatif. Cf. la notion d’ « idéologie du standard » (Milroy & Milroy : 1992 repris dans Gadet : 2003).
L’OPQ renvoie à une idée commune du non-standard, c’est-à-dire à tout ce qui est déviant par rapport à la norme écrite.
Cette idée commune est un imaginaire où les types de variations sont intriquées.
Le familier et le populaire sont parfois difficiles à distinguer.
• Conséquences pour l’analyse des textes : Quelles marques rechercher ? Quelles sont les saillances stylistiques qui construisent l’effet d’OPQ ?
1.1.3. Réévaluation stylistique des registres
Place de l’OPQ dans une perspective de double continuum linguistique
1.1.4. Schéma récapitulatif (double continuum)
Continuum des usagesbasilecte acrolecte
variété basse (L)
variétés hautes (H)
FRANÇAIS
ANGLAIS
Français québécois(standard 1)
Anglais américain Populaire
OPQ Français européen
(parisien)(standard 2)
1.2. Le « joual », exemplification périodique de l’OPQ
1.2.1. Origine du mot et contexte d’apparition
1.2.2. Exemples de définitions
1.2.3. La position de Michel Tremblay
• André Laurendeau dans Le Devoir, 21 octobre 1959
Ça les prend dès qu’ils entrent à l’école. [...] Tout y passe : les syllabes mangées, le vocabulaire tronqué ou élargi toujours dans le même sens, les phrases qui boitent, la vulgarité virile, la voix qui fait de son mieux pour être canaille… [...] Une conversation de jeunes adolescents ressemble à des jappements gutturaux. De près cela s’harmonise mais s’empêtre : leur langue est sans consonnes, sauf les privilégiées qu’ils font claquer. […] J’en connais même [des parents] qui envoient leur progéniture à l’école anglaise. Et savez-vous pourquoi ? Pour que les jeunes n’attrapent pas cet ‘affreux accent’. […] Est-ce une illusion ? Il me semble que nous parlions moins mal. Moins mou. Moins gros. Moins glapissant. Moins JOUAL.
1.2.1. Origine du mot et contexte d’apparition
1.2.1. Origine du mot et contexte d’apparition
• Jean-Paul Desbiens, Les Insolences du Frère Untel, 1960.
Le nom est d’ailleurs fort bien choisi. Il y a proportion entre la chose et le nom qui la désigne. Le mot est odieux et la chose est odieuse. Le mot joual est une espèce de description ramassée de ce que c’est que le parler joual : parler joual, c’est précisément dire joual au lieu de cheval. C’est parler comme on peut supposer que les chevaux parleraient s’ils n’avaient pas déjà opté pour le silence et le sourire de Fernandel. […] Le vice est profond, il est au niveau de la syntaxe. Il est aussi au niveau de la prononciation [...] Le joual est une langue désossée : les consonnes sont toutes escamotées [...] Cette absence de langue qu’est le joual est un cas de notre existence, à nous, les Canadiens français. On n’étudiera jamais assez le langage. Le langage est le lieu de toutes les significations. Notre inaptitude à nous affirmer, notre refus de l’avenir, notre obsession du passé, tout cela se reflète dans le joual, qui est vraiment notre langue.
1.2.1. Origine du mot et contexte d’apparition
Le joual ce n'est plus le nom commun qui dit la dislocation du français des champs au contact de l'anglais des villes. Le joual est devenu une appellation contrôlée de l'un des niveaux de langage, à la disposition de l'écrivain québécois comme tous les autres niveaux langagiers.
(J. Godbout : 1974, cité par P. Laurendeau : 2004, p. 439)
1.2.2. Quelques définitions
1.2.2. Quelques définitions
Ce concept [le joual] ne renvoie pas à une réalité précise et unique mais sert plutôt de « fourre-tout » pour désigner de façon péjorative le parler de « l’Autre » ; parler du prolétariat urbain pour le campagnard, parler rural pour l’habitant de la ville.
(P. Chantefort : 1976, p. 91)
1.2.2. Quelques définitions
Il me paraît donc plus précis de restreindre le terme joual à une manière de parler ou de réaliser les surfaces phonétiques […] Les particularités des autres plans linguistiques, je les conçois plutôt comme des caractéristiques du dialecte québécois, non du parler joual. […] Le joual est essentiellement parlé et très difficile à transcrire phonétiquement. C’est justement le niveau de langage le moins surveillé, le moins attentif à la prononciation, qu’on a stigmatisé sous le terme joual.
(L. Santerre : 1981, p. 41-47)
1.2.2. Quelques définitions
En résumé : un « potentiel réducteur »
Le fait d’enfermer le vernaculaire sous l’étiquette d’un métaterme avait déjà en soi un formidable potentiel réducteur. Le réductionnisme prendra son allure de croisière lorsque le discours élitaire fournira pour lui-même et pour les masses la définition du terme. On cherchera à circonscrire le joual à un espace (réductionnisme topique), à une classe que l’on minorisera dans le même souffle (réductionnisme stratique), à la vogue d’un temps (réductionnisme chronologique).
(P. Laurendeau : 1992, p. 288)
1.2.2. Quelques définitions
• Un écrivain, étendard malgré lui
Michel Bélair – Après voir fait les Belles-Soeurs et toutes les pièces qui ont suivi, après avoir adapté Lysistrata et l'Effet des rayons Gamma sur les vieux garçons, qu'est-ce que vous comptez faire ?
Michel Tremblay – [...] Le milieu des clubs, le milieu de la Main, le milieu de Carmen. C'est le milieu de Carmen qui s'en vient. Y s'en vient c'milieu-là. Qu'est-cé qu'à fait Carmen quand à sort d'la maison pis qu'à dit à sa soeur qu'une fois qu'à va avoir passé le pas d'la porte à va l'oublier pour de bon. C'est c'qu'y arrive à elle en dehors d'la famille qui commence à m'intéresser.
(Entretien, dans M. Bélair : 1972, p. 74)
1.2.3. La position de M. Tremblay
1.2.3. La position de Michel Tremblay
• Michel Tremblay et le « joual », en cinq ou six temps ?(Cf. Gauvin : 2000, p. 124-126)
1—Le joual-reflet : « Je ferai parler mes personnages avec les expressions qu’ils utilisent dans leur vie de tous les jours. Par souci d’exactitude, ils ne diront pas mosus mais tabarnak. » (La Presse, 17 décembre 1966)
2—Le joual politique : « Le joual, c’est une arme politique, une arme linguistique […] c’est un devoir que d’écrire en joual tant qu’il restera un Québécois pour s’exprimer ainsi. » (La Presse, 16 juin 1973)
3—Le joual universel : « Quand on fait du théâtre, il faut toujours transposer […] Dans tous les pays du monde, il y a des gens qui écrivent en joual. » (La Presse, 16 août 1969)
1.2.3. La position de M. Tremblay
4—Le joual exportable : « Ce qui me permet d’aller ailleurs c’est mon côté local ou régional. » (Le Devoir, 26 février 1977)
5—Le joual : ni écran ni refuge : « Si j’écris en joual, c’est pas pour me rendre intéressant ni pour scandaliser. C’est pour décrire un peuple. Et le monde parle de même icitte ! » (Le Jour, 2 juillet 1976)
1.2.3. La position de M. Tremblay
Il y aurait un sixième point à ajouter à la liste, et c’est là l’hypothèse principale de ma thèse quant à l’évolution des représentations de l’OPQ dans ses textes :
Le joual-affectif.
Les marques d’oralité n’ont plus grand-chose de politique, elles ne sont là que pour connoter affectivement la langue maternelle (de sa mère). Cf. Le personnage de Nana dans Encore une fois, si vous permettez (1998).
1.2.3. La position de M. Tremblay
2. Recherche de traits linguistiques
2.1. Traits prosodiques et phonétiques
2.2. Traits morphologiques
2.3. Traits syntaxiques
2.4. Traits lexicaux
2.5. Phénomènes graphiques attendus
Recherches préalables :
Compte tenu de l’intrication des variations dans l’imaginaire linguistique de l’OPQ, on recherchera :
Des phénomènes généraux caractérisant une production orale
Des éléments de l’oral familier qui, une fois transcrits, « font » populaires
Des particularités québécoises phonétiques, syntaxiques et lexicales
Corpus scientifique :
Ouvrages et articles décrivant le français parléOuvrages et articles décrivant le français populaireOuvrages, articles et dictionnaires décrivant le français québécois et le « joual »
2. Recherche de traits linguistiques
Rythme soutenu par des appuis du discours (particules discursives)
Ex. Là, écoute donc, tu sais, tu sais je veux dire, hostie
Avalement articulatoire et conséquences phonétiques
Moi je vas [ma]
En tout cas, en tous les cas [teka]
Je suis bien ici [ybnisit]
Pas du tout [ptut]
2.1. Traits prosodiques et phonétiques
2.1. Traits prosodiques et phonétiques
• Phénomènes vocaliques
Relâchement des voyelles fermées [i, y, u] en [I, Y, ] (en syllabe accentuée)
habitude [abitYd] puis [abItYd] par assimilation régressive.
Ouverture du [] en [] et en [a] (en particulier devant [r])
Elle est enfermée [:tfarme]
Tabernacle [tabarnak]
Postériorisation du [a] en [] et arrondissement en [] (en finale absolue)
Canada [kanad]
Gestion du « e muet »
Venir [vnir]
Je me le demande [mldmd] (on conserve les « e » pairs)
2.1. Traits prosodiques et phonétiques
Diphtongaison des voyelles longues accentuées
Dans le garage [dlgara]
Cinq [sak]
C’est mon père [sempr/par/peir]
Prononciation du graphème « OI »
Le bois [lbw] ou [lbw]
Moi, boisson [mwe], [bwes]
Des moignons, une poignée [dem], [ynpe]
Je crois bien [jkreb]
2.1. Traits prosodiques et phonétiques
• Phénomènes consonantiques
Affrication de [t] et [d] (devant [i, y] et leurs variantes)
La petite [laptsIt]
C’est dur [sedzyr]
Prononciation de [t] finaux (orthographiques ou non)
La nuit [lanIt]
J’ai tout fait ici [etYtftIsIt]
Palatalisation ou yodisation de [d] et [g] (devant semi-voyelles)
Une baguette [ynbagjt]
Le diable [lyab]
De la drogue [dladrj]
2.1. Traits prosodiques et phonétiques
Simplification des groupes consonantiques
Les muscles [lemysk]
C’est votre ami [sevotami]
Liaisons hypercorrectives
Elle a eu neuf enfants [alaynfzf]
Je suis en forme [ytfrm]
2.1. Traits prosodiques et phonétiques
2.2. Traits morphologiques
Personnes Formes conjointes Formes disjointes
Sujet COD COI
12
3 masc.3 fém.
45
6 masc./fém.
j(e)t(u)i, ya(l)
on/nousvous
y/ils/elles
m(e)t(e)
l(e), lél(a)
nousvousles
m(e)t(e)y/luiy/luinousvousleu(r)
moé/moi toé/toi
luielle
nous autresvous autres
eux autres/elles
Exemple : formes des pronoms personnels en français québécois oral
2.2. Traits morphologiques
2.3. Traits syntaxiques
• L’exemple des dislocations avec reprise ou « doubles marquages »
Dislocation du sujet ou du complément avant le verbe (gauche)
Elle « fait intervenir deux parties, au moins. La partie centrale s'identifie comme noeud verbal saturé fini ; celui-ci comporte un ou plusieurs dépendants directs ou indirects, dont au moins un qui soit clitique. Cette partie centrale est précédée d'une partie gauche, qui prend la forme d'un noeud saturé ; la partie gauche sera coréférente avec un des dépendants clitiques de la partie centrale (la coréférence ne suppose pas un accord de fonction syntaxique entre les deux) ». (Mertens : 2005, p. 18)
Exemples : ce disque / on le demande partoutQuelquefois les guides / ils ne les montrent pas parce que la tombe / elle est loin de la ville. (Duras citée par Blasco : 1997, p. I)
2.3. Traits syntaxiques
2.3. Traits syntaxiques
Dislocation du sujet ou du complément après le verbe (droite)
Elle « fait également intervenir une partie centrale sous forme de noeud verbal saturé fini, suivie cette fois-ci d'un noeud coréférent avec un des dépendants directs du noeud verbal.[...] Sur le plan informationnel, la partie droite est interprétée comme une information d'arrière plan, comme un simple rappel, qui ajoute peu à l'information fournie dans la partie centrale. » (Mertens : 2005, p. 19)
Exemples :ça devrait être objectif / la scienceJ'ai demandé à tonton où il le souhaitait, son abri à volailles (Courchay cité par Blasco : 1997, p. 2).
2.3. Traits syntaxiques
• Autres phénomènes
L’interrogation et l’exclamation avec la particule « tu »Exemples :Tu viens tu ?Il est tu beau, celui-là !
La négation (absence du « ne », double négation)Exemples :J’en veux pas pantoute. / Il a pas rien vu. / Y a pas personne.Marie viendra plus, elle a pas voulu dire pourquoi.
L’absence de déterminant après les prépositions « à » et « dans »Exemples :Tu viens à soir ?Y l’a mis dans cuisine.
• Les emprunts à l’anglais
La situation de contact avec l'anglais est à l'origine de nombreux emprunts, plus ou moins intégrés au français.
Des pinottes : des cacahuètes (vient de peanut)
Les bécosses : les toilettes (vient de back house)
Enfirouâper quelqu’un : tromper quelqu’un, le rouler dans la farine (vient de in fur wrap)
Pitcher quelque chose : lancer quelque chose (vient de to pitch)
2.4. Traits lexicaux
2.4. Traits lexicaux
2.4. Traits lexicaux
• La gestion des tabous (la religion et la sexualité)
Le français populaire québécois se sert du vocabulaire eucharistique comme pioche lexicale des jurons, qui sont appelés sacres.
Exemples : tabernacle, calice, ciboire, Christ, Bon Dieu, maudit etc.
Ces sacres sont atténués lorsqu’ils sont déformés, dans la prononciation et la graphie.
Exemples : tabarname, tabarnouche, cibole, crisse, bonyeu, sautadit, etc.
Ils ont la possibilité de fonctionner en « chapelet » :
Exemples : crisse de cibole de tabarouette, etc.
• La disposition typographique peut jouer un certain rôle dans la différenciation des tours de parole et des niveaux d’énonciation.
Ex. titres vs corps de texte, locuteurs/personnages, commentaires/didascalies vs parole, etc.
• On peut s’attendre à une extension de l’usage graphique de l’apostrophe pour marquer les élisions autres que celles permises par les règles orthographiques.
Ex. p’tit, v’nir, j’vas partir.
2.5. Phénomènes graphiques attendus
2.5. Phénomènes graphiques attendus
•Des « néographies phonétisantes »
Ex. fermer / farmer, boisson / boésson, fatigué / fatiqué, catalogue / cataloye, elle / a(l), il / y.
• Une transcription des « scories » inhérentes à toute énonciation orale spontanée (amorces, chevauchements)
Ex. j: je suis pas d’accord.
• La non-systématicité de certaines orthographes. Le registre et le niveau de langue ou le contact avec l’anglais en cause dans l’OPQ font que certains mots n’ont d’existence qu’orale.
2.5. Phénomènes graphiques attendus
Conclusion
Conséquences pour la constitution d’un corpus d’OPQ
• Le choix d’un corpus en deux parties
• Les critères de sélection
• L’intérêt d’une comparaison des deux sous-corpus
Merci de votre attention … à vous de travailler maintenant !
Conclusion
Ouverture pratique : extraits du corpus (Cf. exemplier)
1. Quels sont les éléments « saillants » que vous pouvez relever ?
2. De quel type de variation relèvent-ils ?
3. Reconnaissez-vous des phénomènes linguistiques listés ci-dessus ?
Ouverture pratique