Download - chômage, endettement et crise climatique
A Propos de la COP 21 :
chômage, endettement
et crise climatique
Quelques réflexions qui me semblent importantes,
par Alain Lambert – ATTAC Le Havre
Le monde change. Énormément.
Le monde a déjà changé. C'était il y a 5 siècles après plus d'un millénaire
d'une pensée unique où la terre était au centre de l'univers, placée ici par les
grecs, par Aristote et Ptolémée. Cinq personnages extraordinaires - Copernic,
Kepler, Tycho Brahé, Galilée et Newton - ont révolutionné la vision de l’uni-
vers et ont fait tourner la terre sur elle-même et autour du soleil. Peu de
temps avant eux, au milieu du XV siècle, Johannes Gutenberg, a inventé l'im-
primerie, faisant accéder le livre à tous.
C'était le début d'un nouveau monde avec une nouvelle façon de réfléchir. Les
nouveaux courants de pensée ne sont plus dominés par le dogme et l'église. La
science est née et avec elle de nombreuses découvertes et innovations tech-
nologiques. Le futur était déterminé. Pour le connaître, il suffisait de décrire
le présent avec de plus en plus de précision. On a cru alors que la terre appar-
tenait à l'homme, qu'il pouvait la domestiquer.
Puis au début du 20ème siècle, alors que le savant Lord Kelvin déclarait « il
n'y a plus rien à découvrir en physique aujourd'hui, tout ce qui reste est
d'améliorer la précision des mesures», d’autres scientifiques, physiciens de
formation, ont à nouveau révolutionné notre vision de l’univers. De l’infiniment
grand avec la théorie de la relativité d’Einstein à l’infiniment petit avec la
théorie quantique de Borh, la réalité du monde ne correspond plus à notre
perception de tous les jours.
Le monde n'est plus déterminé ni prévisible. La nouvelle physique fait place au
hasard. La terre n'appartient plus à l'homme. Mais la plus part d’entre nous
continuent à se représenter l’univers tel que celui décrit par Newton et à
croire que la nature nous appartienst
En plus, d’une façon similaire à l’apparition de l’imprimerie simultanée à la ré-
volution copernicienne, est apparue le transistor nés justement de la théorie
quantique. L’informatique et le réseau internet en a découlé. Ce nouveau
moyen de communication mondial contribue à l’apparition d’une nouvelle révo-
lution.
En 3 générations tout a changé. Les philosophes comme Michel Serres avec
sa « petite poucette »ou comme Marc Luyckx Ghisi dans son livre
« surgissement d'un nouveau monde » le décrivent très bien :
« le changement de civilisation que nous sommes en train de vivre est
rapide et profond, car la rationalité moderne, l'approche patriarcale, et
le capitalisme industriel ne sont plus capables de formuler une réponse
satisfaisante ni aux problèmes de notre survie collective et de celle de
l'environnement, ni aux problèmes sociaux et démographiques de notre
monde en ce début de XXIe siècle. »
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Il semblerait que même les principes de l'économie aient changés, c'est du
moins ce que nous racontent les journaux télévisés et la plupart des hommes
politiques. Et pourtant malgré la timide apparition de Keynes au 20ème siècle
un retour en arrière s'est produit. Le capitalisme qui a commencé à se déve-
lopper également à partir de la révolution copernicienne est toujours là. La
pensée d'Adam Smith et sa main invisible du marché sont toujours à la source
de la pensée dominante et « unique » en économie même si elle a évolué et
s'est drapée de mondialisation pour devenir l'ultralibéralisme. Mais sur le
fond, rien n’a changé. Le renouveau apporté par Keynes semble avoir disparu.
L'arrivée de l'ultralibéralisme
Depuis une trentaine d'année le monde se réorganise autour d'une conception
renouvelée de l'économie, mais toujours inspirée de la « main invisible du mar-
ché ». Elle est basée autour d’un marché unique libre de toute contrainte. La
chute du mur de Berlin a scellé la victoire d'une nouvelle pensée économique
libérale qui affirme la suprématie de la liberté comme principe politique et
économique. Tout ce qui est voulu par les peuples au travers de leurs repré-
sentants élus est toujours jugé néfaste, inefficace par opposition à la main
invisible du marché qui elle seule devrait apporter la prospérité.
Cette nouvelle pensée économique, l'ultralibéralisme, impose la limitation du
pouvoir du peuple souverain, à savoir la démocratie et s’accommode très bien
des régimes dictatoriaux. Il s'agit de rechercher la baisse des coûts et la
rentabilité pour faire un maximum de profits avec pour conséquence les délo-
calisations et la robotisation, les salariés étant devenus un facteur de coût.
L'aspect social n'est pas pris en compte dans cette nouvelle doctrine.
Par ailleurs seul compte les objectifs de rentabilité à cours terme. Le marché
est myope, sa vision est limitée à 2 ans et au grand maximum à 5 ans. Par
exemple, il est incapable d'anticiper ce qu'il faudrait faire pour limiter à long
terme le réchauffement climatique. Les notions d'économie verte, de déve-
loppement durable sont apparues uniquement comme de nouvelles niches pour
réaliser des profits.
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Ce nouveau dogme économique qu'est l'ultralibéralisme se traduit par 4 exi-
gences ou 4 « libertés» fondamentales imposées aux États-nations :La libre
circulation des biens ; la libre circulation des capitaux ; la libre circulation
des individus (et de leurs collaborateurs) et enfin la libre circulation des ser-
vices. Il s'agit bien sûr de libertés pour les multinationales de l'industrie, du
commerce et de la finance et non pas de liberté pour les citoyens (restons
sérieux quand même).
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La libre circulation des marchandises
Donc, pas de droits de douane, pas d'interdiction de produits entrants par
des lois ou normes nationales restrictives (OGM par exemple), pas de subven-
tion nationale ou régionale, pas de préférence locale
La libre circulation des capitaux
L'objectif est de ne pas pouvoir interdire cette circulation même si celle-ci
permet à une entreprise multinationale de pratiquer l'évasion fiscale en toute
légalité. Cette libre circulation des capitaux est déjà mise en œuvre avec le
traité de l’Union européenne, exemple modèle de la mondialisation (article 63
TFUE ; ex-article 56 TCE)
La libre circulation des personnes
Cette liberté interdit toute restriction de la circulation des entreprises et
des salariés. Cela permet par exemple d'embaucher en France des salariés
d'autres pays en payant les charges sociales selon les règles de ce pays. (J'ai
bien dit libre circulation des salariés, pas des migrants. Actuellement les mi-
grants qui obtiennent le statut de réfugiés en Allemagne sont principalement
ceux qui ont les diplômes recherchés par les entreprises.)
La libre circulation des services
Cela concerne toutes les prestations commerciales, industrielles, artisanales
ou de professions libérales telles que banques, assurances, transport,… Par
exemple, les États ne peuvent plus imposer un niveau d’exigences en matière
de formation professionnelle.
Ces exigences de « liberté » se mettent en place progressivement par des
traités de libres échanges, par la pressions de lobbies sur les politiques et
aussi par l'organisation mondiale du commerce qui a été créée dans ce but.
Les peuples ne sont pas consultés pour la mise en place des zones de libre
échange, d'unions douanières et de traités internationaux.
Ainsi un nouveau traité, le TAFTA ( partenariat transatlantique d’inves-
tissement et de commerce), ardemment soutenu par les multinationales,
est négocié dans la plus totale opacité, entre l’UE et les États-Unis. Il
prévoit la création d’une zone de libre-échange transatlantique souvent
appelée grand marché transatlantique. Il permettrait, en particulier, aux
multinationales d’attaquer en justice, tout État qui ne se plierait pas aux
normes du libéralisme.
Les ultralibéraux veulent nous faire croire qu'ils sont modernes et progres-
sistes. Ils seraient même les seuls. Ils veulent nous faire croire que, si c'est
la crise, c'est parce qu'on ne va pas assez vite et assez loin dans les ré-
formes libérales qu'ils proposent. Ils exigent la réduction définitive des pré-
rogatives des états. Ils le répètent journaux télévisés après journaux télévi-
sés et magasines « C dans l'air » après magasines « C dans l'air » . Ils ne se
rendent pas compte que si crise il y a, c'est en fait une crise du capitalisme
lui-même.
Profonde, inquiétante, sans rafistolage possible.
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En fait, ce modèle économique sous ses airs de modernité, ne prend absolu-
ment pas en compte les modifications profondes du monde. Les ultralibéraux
n’arrêtent pas de nous dire que le monde change, qu'il faut s'adapter, que
l'état providence c'est fini. Ils ne se rendent pas compte qu'ils s'accroche au
monde ancien en imposant un totalitarisme des multinationales sous prétexte
de remplacer le totalitarisme d'état.
Pourtant cette politique économique se heurte à de nombreuses impasses qui
sont en partie liées à ses propres contradictions et en partie liésà l'évolution
technologique.
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Trois impasses ou échecs
L'évolution de la technologie informatique, liée à une augmentation ex-
traordinaire de la consommation et la dérive ultralibérale conduit à l'ap-
parition en France, en Europe dans le monde entier, de 3 problèmes fon-
damentaux.
le manque d'emploi pour tous et le chômage
la poursuite amplifiée du réchauffement climatique
l'endettement des états
1 - le manque d'emploi pour tous et le chômage
Près de 90% des Européens travaillaient dans l'agriculture en 1900. La méca-
nisation et l'augmentation des rendements font que, aujourd'hui, ils sont
moins de 4 % de la population, tout en produisant 7 fois plus. Dans un premier
temps ces travailleurs sont partis vers l'industrie. Mais dans ce deuxième
secteur, l'automatisation et la robotisation contribuent également à une di-
minution de la main d’œuvre nécessaire. Dans un deuxième temps on a consta-
té à un déplacement de l'activité vers le 3ème secteur d'activité : les ser-
vices.
L'apparition de l'informatique et particulièrement d'internet va également
provoquer une diminution importante de la main d’œuvre dans ce secteur
d'activité. Le commerce se fait de plus en plus sur internet. Les produits
comme le livre et la musique ou les journaux n'ont plus besoins de support.
Les banques n'ont plus besoin de personnel pour traiter les chèques et ont de
moins en mois besoin de locaux pour recevoir du public. Les organisations
d'échanges sur internet entre personnes concurrencent les services en place
(taxis…). On peut imaginer une autre organisation de l'éducation nationale
avec une utilisation plus massive d'internet qui limiterait les besoins d'enca-
drement tout en étant aussi efficace. De plus en plus d'essais parlent de la
fin du travail ! La main-d'œuvre peu qualifiée sortira du système.
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Si le slogan « travailler plus pour gagner plus » a du sens pour un individu, il
est complètement irréaliste pour l'ensemble de la société.
Marc Luyckx Ghisi fait le pronostic suivant (voir son livre - surgissement
d'un nouveau monde )
« Dans les années à venir nous pourrions avoir la situation (de l'emploi) sui-
vante dans l'union européenne :
6 % dans l'agriculture (légère augmentation avec l'agriculture bio),
10 % dans la production industrielle, ( de moins en moins d'emploi),
30 % dans les services
et le reste ? »
C'est la grande inconnue. Aucun politique ne le sait vraiment. Il n'y a que des
promesses creuses de création d'emplois.
L'avenir est dans le travail partagé. L'avenir est à la semaine de 24
heures. Dans la fin d'une certaine croissance à tout prix. Le social est
dans l'attribution d'un revenu d'existence (ou revenu de base). L'ultrali-
béralisme est incapable d'envisager cela.
2 - le réchauffement climatique
Le réchauffement climatique, également appelé réchauffement planétaire, ou
réchauffement global, est un phénomène d'augmentation de la température
moyenne des océans et de l'atmosphère terrestre, mesuré à l'échelle mon-
diale sur plusieurs décennies, et qui traduit une augmentation de la quantité
de chaleur de la surface terrestre. Dans son acception commune, ce terme
est appliqué à une tendance au réchauffement global observé depuis le début
du XXe siècle.
En 1988, l'ONU crée le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution
du climat (GIEC) chargé de faire une synthèse des études scientifiques sur
cette question. Dans son dernier et cinquième rapport, auquel ont participé
plus de 2 500 scientifiques de 130 pays, le GIEC affirme que le réchauffe-
ment climatique depuis 1950 est très certainement dû à l'augmentation des
gaz à effet de serre d'origine humaine (probabilité évaluée à 95%). Les con-
clusions du GIEC ont été approuvées par plus de quarante sociétés scienti-
fiques et académies des sciences, y compris l'ensemble des académies natio-
nales des sciences des grands pays industrialisés.
Selon la trajectoire la plus optimiste proposée par le GIEC, il nous reste une
chance de maintenir la hausse des températures sous le seuil de 2°C en 2100
(entre +1°C et +2,4°C), par rapport au niveau de 1850. A condition bien sûr de
prendre des mesures pertinentes dans tous les pays de la planète et en parti-
culier les plus développés.
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Dans la trajectoire la plus pessimiste (celle qui se produira si on n’agit pas en
faveur du climat en limitant nos émissions de gaz à effet de serre), les tem-
pératures pourraient augmenter jusqu’à 5,5°C (entre +3,3°C et +5,5°C ). Dans
ce scénario du pire, le niveau des océans s'élèverait de 1 mètre.
Les événements extrêmes comme les fortes pluies dans les hautes latitudes
(en Europe par exemple) ou dans les régions tropicales deviendront plus in-
tenses, et se produiront plus fréquemment d'ici la fin du siècle, au fur et à
mesure que les températures augmenteront. A l'inverse, les zones sèches
verront une baisse des précipitations au fur et à mesure que les tempéra-
tures augmenteront.
Le premier objectif déclaré de la COP 21 (Conférence Paris Climat) de dé-
cembre 2015 est d'ailleurs de maintenir le réchauffement climatique mondial
en-deçà de 2 °C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Malheureuse-
ment les documents en préparation pour ce sommet ne montrent pas de
signes encourageants pour la réussite de ce sommet. Il faut dire que les en-
treprises multinationales les plus importantes et les plus influentes sont liées
au gaz, au charbon et au pétrole.
L'avenir est sur le long terme, dans la mise en place d'ambitieux pro-
grammes nationaux de diminution des énergies issues du gaz, du charbon
et du pétrole, dans d'ambitieux programmes d'économie d’énergie, dans
la promotion systématique des circuits économiques locaux. Ces pro-
grammes sont à trop long termes pour être engagé spontanément par un
marché libéral .
3 - l'endettement des états
Pour comprendre l'origine des dette, il faut comprendre le système moné-
taire : c'est quoi la monnaie ?
On pense souvent que la monnaie est apparue pour remplacer le troc. En fait
ce n'est pas tout à fait exact, c'est la dette qui a remplacé le troc. Et la
monnaie qui est apparue n'est qu'une forme particulière de matérialisation de
la dette.
On peut imaginer que, dans une tribu, quelqu'un - le chasseur - soit particuliè-
rement habile à la chasse. Aujourd'hui, son arc est cassé et il en demande un
à celui qui est particulièrement habile à sa construction. En échange, il lui
propose du gibier, mais pas le jour même, plus tard quand il aura chassé. Il y a
la une promesse de troc, une première dette. C'est bien ce que constate Da-
vid Graeber dans son livre « dette 5000 ans d'histoire ». Il montre que le
système de crédit, apparu dès le premières sociétés agraires, précède de loin
l'invention des pièces de monnaie. Dans la société mésopotamienne, les
échanges étaient enregistrés sur des « tablettes ». Par la suite, la pièce d'or
n'était qu'un moyen bien pratique pour enregistrer les dettes.
Qu'en est il aujourd'hui ? Fondamentalement rien n'a changé. On inscrit plus
les dettes sur des tablettes en argile, mais dans la mémoire des ordinateurs.
Le principe est resté le même, mais les échanges étant infiniment plus nom-
breux et concernant la terre entière, les règles comptables nécessaires pour
enregistrer ces échanges sont plus strictes et plus complexes.
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Fondamentalement il n'est question que de crédit et de dette, c'est le fonde-
ment de nos systèmes monétaires. Comment est créée la monnaie : principale-
ment par les banques privées, à partir de rien du tout, à l'occasion des prêts
qu'ils accordent. Leur seule règle c'est de rester toujours solvable et de dis-
poser de suffisamment de liquidité (conformément aux accords de Bâle).
A cette fin les banques privées reçoivent des banques centrales des prêts qui
correspondent en fait à de la création monétaire et qui en pratique ne seront
jamais remboursés. Cet argent ne va pas dans l'économie réelle mais leur sert
à respecter les accords de Bâle et à ne pas faire faillite.
Les banques privées peuvent à leur tour créer 10 fois plus de monnaie à partir
de rien et le prêter aux industries, aux commerces, aux états et aux particu-
lier et exiger le remboursement avec intérêts non négligeables.
Affirmer qu'il ne faut plus s'endetter, que c'est mal, c'est affirmer qu'il ne
faut plus d'échange économique ! Affirmer que les états ne doivent plus être
endettés, c'est un non sens économique absolu. En préconisant, en Europe, un
déficit annuel de 3 %, c'est admettre qu'il faut continuer à s'endetter. En
fait, ces affirmations ne sont là que pour culpabiliser les populations (qui dé-
pensent plus qu'ils ne gagnent, sur le dos de nos enfants, ces inconscients!). Il
est ainsi facile de refuser tout progrès social, toute augmentation de salaire
(vous n'y pensez pas avec notre niveau d'endettement!)
Pour citer David Graeber : trop d'économistes actuels perpétuent cette
vieille illusion d'optique, selon laquelle l’opprobre est forcément à jeter sur
les débiteurs, jamais sur les créanciers. Ils oublient aussi une leçon déjà bien
connue de la civilisation mésopotamienne : si l'on veut éviter l'explosion so-
ciale, il faut savoir « effacer les tablettes »
Au lendemain de la 2ème guerre mondiale la France était ruinée, il fallait tout
reconstruire. De plus la dette publique s'élevait à 110% du PIB. Plus que main-
tenant !
Quels ont été les choix du gouvernement de l'époque ? Exactement le con-
traire de ce qui est proposé aujourd'hui : Relance et nationalisations. Résul-
tat : en 1973 le taux de l'endettement public de la France n'était plus que de
7% du PIB. Depuis il n'a pas cessé d'augmenter
Que c'est il passé ?
En 1973, le premier ministre prend une décision historique : il décide que
l’État ne pourra plus emprunter auprès de la banque centrale mais principale-
ment auprès des banques privées. Ceci sans le moindre débat public ! Il dit : «
Je place l’État au service des créanciers, des épargnants. Finie l’inflation qui
érode le capital. Vive les rentiers ! » Fini l’ordre des salariés et des entrepre-
neurs, finies les Trente Glorieuses, la monnaie se renforce, le chômage aug-
mente, les salaires stagnent, la rente réapparaît.
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Les autres pays européens ont suivi cette logique détestable. Les traités de
Maastricht et de Lisbonne confirment cette interdiction faite aux banques
centrales.
C’est depuis cette date que la dette de la France a commencé à augmenter :
l'État est obligé d'emprunter sur les marchés financiers… à des taux incer-
tains, toujours supérieurs au taux de croissance. A budget constant, la part
consacrée au paiement des intérêts de la dette augmente mécaniquement et
donc la part consacrée aux dépenses publiques diminue : c'est l'effet « boule
de neige ».
Sans cette mesure, avec des dépenses identiques, la dette serait restée très
faible ! A la place du paiement des intérêts on aurait pu investir dans la santé,
l’éducation… Les rentiers, banques et institutions financières eux sont très
contents de pouvoir prêter de l’argent aux états à des taux élevés avec une
garantie de remboursement. C’est pour eux que tout est fait pour garder la
note AAA !
On nous dit, oui mais comme cela on ne fait plus fonctionner la planche à bil-
let, donc plus d'inflation. C'est faux ! La planche à billet fonctionne de plus
belle. La création monétaire n'a jamais été si élevée ! Seulement ce n'est plus
l'état qui la fait fonctionner à travers la banque centrale. Ce sont les banques
privées !
Le système bancaire est le plus important des services publics. C'est lui qui
gère la création et la circulation de la monnaie. C'est par lui que passent le
paiement des salaires, des retraites, des achats de nourriture, le paiement
des services de santé, d'éducation etc. S’il s'écroule, c'est l'activité de tout
le pays qui s'arrête. C'est semblable à la circulation sanguine, si elle s'arrête
la mort survient. Le système bancaire est le premier des services publics.
Pourtant, à réflexion, (pas) aussi curieusement que cela puisse paraître ce
service public n'est pas nationalisé, il est dans le domaine privé ! C'est devenu
un service privé qui n'a pas d'ordre à recevoir de l’état !
Dans les propos de nos dirigeants, on a l'impression, qu'il faudrait remercier
les banques et les investisseurs privés d'avoir la gentillesse de nous prêter
ces sommes d'argent impressionnantes que constitue la dette publique. On a
l'impression que ces sommes sont prélevées sur leur fortune personnelle
alors que, directement ou indirectement, cet argent prêté est créé à partir
de rien (ex-nihilo) par le mécanisme de la création monétaire. Si leur rem-
boursement détruit la monnaie empruntée (qui donc ne bénéficie pas aux
banques), il n’en est pas de même des intérêts qui viennent remplir les poches
des banques et de leurs actionnaires.
Lorsque, suite à des spéculations hasardeuses, ce secteur est en crise, c'est
l'état (et donc le peuple) qui intervient pour le sauver et pour éviter le dé-
sastre économique. Ce qui prouve bien que le service bancaire reste le pre-
mier et le plus indispensable des services publics.
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L'avenir est dans la réappropriation de la création monétaire par les
états. Par exemple par la mise en place du système 100 % monnaie pré-
conisé par de plus en plus d'économistes. L'avenir est dans l'annulation
des dettes jugées insupportables. L'avenir est dans l'harmonisation fis-
cale et dans la suppression des paradis fiscaux. Là encore l'ultralibéra-
lisme est incompétent pour nous engager dans cette voie.
Mais attention, sortir de l'euro, pour retourner au franc, avec les mêmes
principes de monnaie-dette serait bien pire. C'est l'euro qu'il faut réformer.
Si on ne peut pas, alors il faut envisager le retour au franc avec un autre sys-
tème monétaire géré par l'état sous contrôle citoyen (par exemple le système
100 % monnaie)
______________
Quelle politique économique faudrait-il mener pour commencer à résoudre
ces trois problèmes majeurs que sont le manque d'emploi pour tous, le
réchauffement climatique et l'endettement des états. Certainement pas
la politique ultralibérale qu'on connaît. Elle est incompétente pour ré-
soudre les 2 premiers qui connaissent un aggravement sans précédent de-
puis que cette politique est menée en Europe. Et elle ne veut surtout pas
s'attaquer au 3ème qui représente une source de revenu incomparable
pour les rentiers.
Ce qui est sûr c'est qu'il faut traiter les 3 problèmes simultanément et
au moins en concertation entre de nombreux pays (l'Europe?) . Je crains
énormément que les politiques ne fassent semblant de s'attaquer qu'au
seul problème du réchauffement climatique. Ils ne vont préconiser que
des pseudo solutions compatibles avec l'ultralibéralisme. L’échec que cela
représenterait conduirait chaque pays à se replier sur lui-même en sui-
vant les propositions populistes de l’extrême droite avec toutes les con-
séquences catastrophiques associées (dictatures, guerres…)
Je considère que l'arrivée de l'ultralibéralisme n'est qu'un sursaut de
l'ancien monde. L'ultralibéralisme n'est plus moderne ; ce n'est pas un
progrès. C'est une tentative désespérée de sauver les 1 % les plus
riches et les multinationales. Il faut un changement complet de para-
digme.
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Et ce changement est déjà engagé. De plus en plus de citoyens le perçoi-
vent. De plus en plus d'économistes l'étudient et le proposent. Des nou-
velles formes d’échanges apparaissent, du logiciel libre aux amap en pas-
sant par les coopératives. Les structures pyramidales du management
sont dépassées. Des mouvements citoyens comme ATTAC sont présent
dans le monde entier.
« Les ZAD (zones à défendre) de Sivens, Notre-Dame des Landes ou de
Roybon font partie d’un grand mouvement mondial, la blocadie. C’est ainsi
que la militante altermondialiste Naomi Klein désigne dans son nouveau
livre (Tout peut changer, paru chez Actes Sud) un ensemble de mobilisa-
tions citoyennes locales qui s’opposent à de grands projets miniers et pé-
troliers au Canada, au Nigeria, en Grèce ou au Royaume-Uni. La bloca-
die, zone mouvante de conflits transnationaux préfigure, aux yeux de la
Canadienne, le grand mouvement social qu’elle appelle de ses vœux. »
Dans son nouveau livre Naomi Klein cite Arundhati Roy :
« Pour réinventer ce monde qui a vraiment mal tourné, il faudra commen-
cer par cesser d’écraser les personnes qui pensent autrement, dont l’ima-
ginaire est étranger au capitalisme comme au communisme- un imaginaire
qui envisage tout autrement le bonheur et l’accomplissement de soi. Pour
qui tel espace philosophique occupe la place qu’il mérite, il faudra accor-
der de l’espace physique à ceux qui semblent être les gardiens du passé,
mais sont en fait les guides de l’avenir. »
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Alternatiba - Le Havre - septembre 2015