Download - Code source 1978-1987
Depuis la fin de l’année 1975,
l’IRIA a piloté SPARTACUS,
cet ambitieux programme de
recherche qui devait mettre au
point un dispositif (orthèse) per-
mettant aux tétraplégiques de
recouvrer une certaine autonomie.
L’INSERM, le CNRS et le CEA se
sont associés à cette initiative qui
regroupait plus d’une dizaine de
partenaires scientifiques.
Trois ans plus tard, un peu plus de
cinq millions de francs ont été enga-
gés et le bilan de cette opération
s’avère mitigé. Les chercheurs ont
exploré des options très innovantes
pour piloter le bras manipulateur :
la SAGEM et l’IRISA ont déve-
loppé des techniques infrarouges
pour les capteurs de proximité alors
que le LAAS explorait les possibili-
tés offertes par les ultrasons. Des
avancées très significatives ont éga-
lement été réalisées en matière de
détermination de la position d’un
objet grâce à l’emploi de capteurs
de vision globale. Plus étonnant
encore, la réalisation d’une peau
artificielle pour la pince et des avan-
cées notables dans le domaine du
retour sur effort laissent entrevoir
de réelles potentialités dans un
domaine encore très peu développé.
L’interface entre l’utilisateur et l’ap-
pareil a également donné lieu à la
conception de prototypes extrême-
ment innovants fondés sur l’utilisa-
tion du souffle ou de la succion. Un
système recevant les mouvements
de la glotte et les convertissant en
un signal électrique a même été
testé. Il permet à l’utilisateur d’agir
sur le bras mécanique grâce à un
ordinateur capable d’interpréter ses
ordres.
« Le robot “sensible” viendra à
l’aide des grands handicapés »
titraient nos confrères de France
Soir au début de l’année 1976. Mais
le système est trop cher, trop lourd
et trop volumineux pour être opé-
rationnel. Le robot peut toutefois
être déjà utilisé dans d’autres
domaines, à commencer par l’indus-
trie où encombrement et coûts sont
des paramètres moins cruciaux.
■ AB & PG
No 1226 mars 2007
ANNÉE1978
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA
Et pendantce temps là...
Naufrage de l’AmocoCadiz dans le Nord-Finistère– Naissance deLouise Brown, le premierbébé éprouvette, àCambridge – Signaturedes accords de CampDavid entre Israël etl’Égypte– Mort du chan-teur et compositeurbelge Jacques Brel– Première édition duParis-Dakar – Le film dePatrice Leconte « LesBronzés» sort en salle –Première diffusion enFrance du dessin animéGoldorak.
Le 13 décembre 1978 – C’estaujourd’hui que prend fin dans labonne humeur le colloque inter-national sur les méthodes numé-riques qui s’est tenu cette annéeexceptionnellement à Rocquen-court. Dans les allées des ex-baraquements de l’OTAN, onentend à nouveau parler des lan-gues diverses comme aux plusbelles heures du SHAPE, avecune grande différence cepen-dant : les échanges avec les payscommunistes sont importants.En effet, depuis le voyage dugénéral de Gaulle en URSS, leschercheurs de l’IRIA ont pu met-tre en place des relations réguliè-res avec les mathématicienssoviétiques ou d’Europe de l’Estdont la réputation déborde lesfrontières. Les deux communau-tés scientifiques partagent cer-taines façons de faire, une com-mune chaleur et une passionpartagée des algorithmes. C’estdonc en nombre que les cher-
cheurs de l’IRIA se rendent àNovossibirsk dans le cadre de lacoopération franco-soviétique eninformatique. Cette lointaine villede Sibérie, située sur le trajet dutrans-sibérien, dépasse le million
d’habitants mais possède surtoutune université, fondée en 1959,dont la réputation en mathéma-tiques est devenue internatio-nale. De grands savants commele professeur Guri Marchuk ou
encore Sergei Sobolev et NicolayNicolayevich Yanenko font lagloire de ce que l’on peut appe-ler l’école sibérienne.Depuis le milieu des années1970, l’idée d’une coopérationinternationale centrée sur l’Eu-rope se fait jour et l’IRIA se rap-proche des chercheurs ouest-allemands – en dépit de l’échecencore frais d’UNIDATA –, desItaliens et même des Britanni-ques dont l’entrée dans le Mar-ché Commun a dû attendre ladisparition du général de Gaulle.Les Japonais, qui misent sur l’in-formatique appliquée, sont ausside plus en plus souvent invités.Quant aux pays en voie de déve-loppement, ils ne sont pasoubliés même si, ici, la coopéra-tion s’exprime différemment.Dans un monde qui reste divisé, iln’est pas faux d’affirmer que larecherche internationale dessineles alliances de demain, en éclai-reur. ■ AB & PG
Le célèbre mathématicien russe Guri Marchuk a assisté au colloque sur les perspectives de la rechercheen automatique et informatique qui s’est déroulé les 7 et 8 juin 1978 à l’Unesco (Paris)
à l’occasion du 10e anniversaire de l’IRIA. À sa droite, on voit Pierre Népomiastchy.
La renommée de l’IRIA s’étendde Chicago à Novossibirsk !
© I
NR
IA
SPARTACUS,
le pionnier de la robotique
Le MAT-1 développé par le CEAdans le cadre de Spartacus.
©IN
RIA
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 12 – 26 mars 2007)
La coopération scientifique avec
les Russes s’inscrivait dans la poli-
tique étrangère de la France qui
visait l’équilibrage entre les super-
puissances. Pour l’IRIA, les rela-
tions avec la Russie étaient avant
tout l’histoire d’une rencontre
entre deux hommes : Jacques
Louis Lions, qui dirigeait le Labo-
ria, et Guri Marchuk, le directeur
du centre de calcul d’Akademgo-
rodok – l’équivalent du centre de
calcul en France, et également
centre de recherche – qui devint
par la suite le ministre de la
Science et Technique (GKNT) et
vice-premier ministre, puis prési-
dent de l’Académie des sciences
d’URSS. Leur première rencontre
datait d’une mission officielle en
Russie en 1964 au cours de
laquelle les deux hommes sympa-
thisèrent et se découvrirent des
intérêts communs. Dès 1966 Mar-
chuk et son équipe effectuèrent
un voyage en France. J’étais un
étudiant de Lions et, comme je
parlais le russe, j’étais son inter-
prète. Par la suite, j’ai souvent
accompagné Lions lors de ses visi-
tes régulières en URSS, à Moscou
ou dans la cité scientifique d’Aka-
demgorodok, et, de façon plus
générale, je le représentais sou-
vent en tant qu’adjoint.
Au mois de décembre, se tenait le
traditionnel colloque sur les
méthodes numériques au Palais
des congrès de Versailles où nous
accueillions les équipes du centre
de calcul et d’autres instituts de
recherche de Akademgorodok. En
retour, au mois de mai, les cher-
cheurs du Laboria allaient en
Sibérie. À partir de 1972, des sémi-
naires ont été régulièrement orga-
nisés et ces échanges aboutiront,
au tout début des années 1990, à
la création, dans les locaux de
l’université de Moscou, du labora-
toire franco-russe A.M Liapunov
d’informatique et de mathémati-
ques appliquées. Pierre Nepo-
miastchy en a été le directeur et
j’ai fait partie du conseil scientifi-
que et du comité de gestion. Lors
de nos collaborations avec les
Russes, nous évitions de parler
des sujets militaires pour des rai-
sons évidentes. Il était question de
sujets fondamentaux concernant
des applications civiles de la
mécanique des fluides, les calculs,
la résolution des grands systèmes
ou l’étude de systèmes hiérarchi-
sés.
Contrastant avec le cadre formel
des relations avec l’URSS, les
échanges avec le reste du monde
et en particulier les États-Unis se
sont développés de façon infor-
melle. Vers le milieu des années
1980, les directeurs de la NSF
(National Science Foundation) et
de l’INRIA – respectivement Eric
Bloch et Alain Bensoussan – se
sont entendus pour formaliser le
réseau franco-américain devenu
très dense en finançant des
actions de recherche réunissant
des équipes INRIA et des équipes
universitaires américaines.
■ J. G.
« Au mois de mai, les chercheursdu Laboria allaient en Sibérie »par Georges Nissenancien directeur des relations internationales de l’INRIA.
« J’ai passé des nuitsentières à travaillersur Spartacus »par Bernard Espiaudirecteur scientifique adjoint de la direction du développementtechnologique
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice en chef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A. Enard, C. Genest,J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (mise en page : P. Laurent, iconogra-phie : L. Calderan)-Technoscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro : A. Beltran et P. Griset (« Histoire d’un pionnier del’informatique» paru chez EDP Sciences), J. Gramage et A.-M. Militan.
LE SAVIEZ-VOUS ?La Sems annonce le Mitra 15 – Le rapport Nora-Minc sur l’informatisa-
tion de la société française est publié – La société Transpac est créée
– Apple présente son premier lecteur de disquette à Las Vegas – Intel
lance la production de son processeur 16 bits 8086. Il est composé de
29000 transistors en technologie 3 microns et peut accéder 1 Mo de
Ram. Sa puissance est de 0.33 MIPS et il coûte 360 $.
J’ai quitté le service technique
informatique de l’IRIA à Rocquen-
court en 1976 pour aller à l’Irisa
(Rennes) travailler dans le projet
Spartacus. Ce projet pilote venait
d’être créé et était dirigé par un
champion d’escrime, Jack Guittet.
J’avais l’ambition de développer
une activité robotique : je voulais
faire de l’automatique pour la
robotique. Le sujet n’était pas
facile, c’était donc d’autant plus
intéressant !
À l’époque, la robotique en était à
ses débuts et on la considérait
plutôt comme manufacturière,
ayant comme seule application
l’automatisation des lignes de
production dans les usines. Dans
ce contexte Spartacus était très
novateur : c’était le premier projet
de robotique avec application
médicale. Spartacus était un robot
d’assistance pour des personnes
tétraplégiques. Mon sujet de
recherche consistait à utiliser des
capteurs infrarouges réalisés par
la Sagem, implantés dans les
doigts du robot, et à transmettre
l’information ainsi obtenue aux
commandes du robot. Ce dernier
était guidé dans des tâches de sai-
sie grâce à ces capteurs d’environ-
nement. Je me souviens avoir
passé des nuits entières à travail-
ler avec Pierre André qui venait de
Besançon et qui faisait de la com-
mande par glottométrie. À Ren-
nes, j’étais logé dans la Tour des
Maths qui, comme son nom ne
l’indique pas, avait été occupée
par des chimistes ! Dans mon
bureau, il y avait encore les pail-
lasses avec des robinets et d’au-
tres matériels de chimie.
La commande référencée cap-
teurs sur laquelle j’ai travaillé a
été implantée sur un manipula-
teur nucléaire MA23. Ensuite le
prototype MAT1 a été réalisé par
le CEA et a eu un grand retentisse-
ment médiatique. Les perspecti-
ves ouvertes par ce projet ont été
nombreuses. Spartacus a marqué
le début de la recherche en robo-
tique au service des personnes
handicapées. Il a d’autre part faci-
lité la rencontre de personnes
venant d’horizons différents qui
ont constitué la première com-
munauté robotique française. Par
ailleurs, la télé-opération a eu des
applications intéressantes dans
le domaine du nucléaire, par
exemple pour des manipulations
en zones à hautes radiations. Le
CEA a beaucoup travaillé dans ce
domaine.
La communauté créée autour de
Spartacus a servi à la création
ultérieure du projet ARA (Auto-
matique et robotique avancées)
lancé par Georges Giralt. L’activité
robotique à l’IRIA s’est amplifiée,
surtout à Rocquencourt. En ce qui
me concerne, la participation à
ce projet a clairement influencé
toute ma carrière. ■ A.-M. M.
© Michel Parent
Le robot MA23 a été conçu parJean Vertut et réalisé par leCEA. Trois capteurs de proxi-mité infrarouge à fibres opti-ques (réalisation Sagem) ontété intégrés sur une pince bidi-gitale et utilisés dans la com-mande référencée capteurs durobot pour la saisie automati-que d'objets.Une manipulation totalementautomatique a été montée dansla vitrine d'un grand magasinparisien pour Noël 1977 ou1978 (ci contre). Les comman-des développées sur le MA23ont ensuite été transférées surle robot MAT1, longtemps uti-lisé à l'hôpital de Garches.
Le MA23 développé par le CEAdans le cadre de Spartacus
© INRIA - Photo A. Eidelman
© INRIA - Photo R. Lamoureux
Le 20 novembre 1979 – Les bou-leversements du secteur de l’in-dustrie informatique menacentdésormais directement l’IRIA.Certes, un certain nombre dedéclarations semblaient l’an der-nier rassurantes quant à l’avenirde l’institut. Mais en réalité desdysfonctionnements continusperturbent, pour ne pas direparalysent, l’essor de l’IRIA mal-gré la réforme de 1972. Il seraitlong de pointer les multiples cau-ses qui ont débouché à la fois surl’inquiétude des personnels et surdes formes de désenchantementtant de la direction que des tutel-les. On peut souligner toutefoisque le statut administratif del’institut ne lui permet pas d’avoirla souplesse et la réactiviténécessaires quand il s’agit d’ou-vrir des voies nouvelles. Dans untel contexte, certains pensentqu’une nouvelle réforme ne seraitpas suffisante et qu’une solutionplus radicale s’impose. De cepoint de vue, la création, l’annéedernière, de l’Agence pour ledéveloppement des applicationsde l’informatique pourrait bienêtre le signe que le gouverne-ment du Président Valéry Giscard
d’Estaing ne regarde plus l’IRIAavec le même œil.Faut-il alors évoquer un démem-brement ? Avec le peu d’informa-tions dont nous disposons, lescraintes les plus diverses s’expri-ment aujourd’hui par la voix dessyndicats qui sont unis devantcette menace persistante dedémantèlement. Ils parlentd’éclatement et s’inquiètent tout
particulièrement du sort du Labo-ria. Le 16 mai dernier, le journal« Le Monde », qui passe pourgénéralement bien informé, pré-cisait que le Laboria seraitdécentralisé vraisemblablementà Rennes ou à Valbonne, dansles Alpes-Maritimes, où il estquestion de développer un centrede technologies de pointe. Deuxjours plus tard, dans « l’Éclair du
centre », Michel Durafour posaitla candidature de Saint-Étiennepour l’implantation de l’IRIA. Àl’automne, la presse annonçaitque le CNRS allait désormaisaccueillir une partie des fonc-tions de l’IRIA. La fin de l’annéeapprochant, les rumeurs se fontplus précises. L’informatisationde la société reste d’actualitémais l’IRIA serait réformé. Unnom a déjà été avancé pour ladirection de la nouvelle structureet ferait l’unanimité dans lessphères dirigeantes. Les fonc-tions de l’institut seraient parta-gées avec l’Agence nouvelle-ment créée, qui s’appelledésormais l’Agence de l’informa-tique. Certains spécialistes fontsavoir que, dans ces conditions,ils préféreraient poursuivre leursrecherches hors de France. Lanouvelle de la suppression immi-nente de l’IRIA inquiète le per-sonnel d’autant qu’aucune expli-cation n’a été fournie sur lepartage des rôles entre l’Agencede l’informatique et le succes-seur de l’institut. Bien que per-ceptible, l’angoisse reste teintéede la volonté de réussir un nou-veau départ. ■ AB & PG
L’IRIA sera-t-il dé-
localisé à Rennes?
C’est l’une des possibi-
lités évoquées actuelle-
ment avec Nice et Gre-
noble qui présentent
également des atouts
importants. Mais le
développement de la
Bretagne est une prio-
rité depuis les années
1950 et l’IRIA a contri-
bué depuis près de 10
ans au développement
de l’informatique dans
cette région. En parti-
culier, il a réussi, avec
l’université et le CNRS, à créer l’Institut de recherche
sur l’informatique et les systèmes aléatoires (IRISA)
en 1975. L’installation d’un pôle consacré à la recherche
en informatique et en automatique qui absorberait
l’IRIA ne serait que la
poursuite et l’accéléra-
tion des moyens dont
Rennes bénéficie ou va
bénéficier : l’université,
bien entendu, l’Institut
national des sciences
appliquées, l’École
supérieure d’électricité,
le Centre commun
d’études de télédiffu-
sion et de télécommu-
nication et le Centre
électronique de l’arme-
ment. Aujourd’hui, le
succès est patent puis-
que la Bretagne se
classe en quatrième position pour la recherche en infor-
matique et en automatique, presque à égalité avec Midi-
Pyrénées et proche de Rhône-Alpes. Elle possède donc
tous les atouts pour accueillir l’IRIA. ■ AB & PG
No 132 avril 2007
ANNÉE1979
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA
Et pendantce temps là...
Le Conseil Européendécide de créer un sys-tème monétaire euro-péen baptisé Ecu – Lepremier restaurant McDonald’s ouvre enFrance – Mère Thérésareçoit le prix Nobel de laPaix – La première fuséeAriane est réalisée –Saint Gobain rachète laparticipation de la CGEdans la CII.
Des menaces persistantes pèsent sur l’IRIA
Le personnel de l’IRIA s’est mis en grève ce 20 novembreà l’appel des syndicats SNTRS-CGT, SGEN-CFDT et SNCS-FEN.
Photo
©IN
RIA
Une décentralisation de l’IRIA à Rennes?
DR
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 13 – 2 avril 2007)
« Le protocole d’accord avaitl’avantage d’être à peu près vide »par Jean-Yves Violle,ancien secrétaire général de l’Irisa
« L’institut existera-t-ilaprès les fêtesde Noël? »par Danièle Steer,secrétaire de la section INRIA du syndicat SNTRS/CGT
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice en chef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A. Enard, C. Genest,J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (mise en page : P. Laurent, iconogra-phie : L. Calderan)-Technoscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro : A. Beltran et P. Griset (« Histoire d’un pionnier del’informatique» paru chez EDP Sciences), J. Paul et C. Sortais.
LE SAVIEZ-VOUS ?CII-HB sort le DPS 7 — Sony lance le walkman — Philips, Sony et
Hitachi sortent le CD audio — Début de la radiotéléphonie cellulaire —
Sortie du jeu Space Invaders de Toshihiro Nishikado chez Taito — Pre-
mier SPAM envoyé sur Arpanet à plus de 400 personnes par un res-
ponsable marketing de Digital Equipement Corporation. SPAM (en fran-
çais pourriel — contraction de poubelle et de courriel) fait référence à
un sketch des Monty Python et vient de la marque américaine du même
nom (Shoulder of Pork and hAM) qui vend de la viande en conserve bon
marché.
À la fin des années 1970, la Délé-
gation à l’aménagement du terri-
toire et à l’action régionale
(DATAR) ne voulait plus créer
d’emplois en région parisienne ; le
Laboria était bloqué à 80 postes.
Dès l’été 1978 se répandirent des
bruits sur la volonté de la DATAR
de délocaliser le centre de calcul
et le Laboria à Sophia Antipolis
pour y créer une Silicon Valley à la
française et de transférer les acti-
vités du Sesori à la nouvelle
Agence de l’informatique. La nou-
velle ne fut officielle qu’en
février 1979. Je me souviens qu’il
n’a cependant jamais été envisagé
de consulter le personnel alors
que nous nous battions déjà pour
plus de démocratie au sein de
l’institut.
Si les décrets de création de
l’Agence et de suppression de
l’IRIA étaient parus, la création de
l’INRIA ne faisait que l’objet d’an-
nonces. Il semblait y avoir des dif-
ficultés pour définir le statut du
nouvel institut et celui de ses
agents. Le personnel du Laboria
qui s’était fortement opposé à
quitter Rocquencourt ne savait
pas de quoi l’avenir serait fait. À la
veille des fêtes de Noël et des cinq
jours de congés octroyés à cette
occasion, aucune décision offi-
cielle n’était parue et nous guet-
tions chaque numéro du Journal
Officiel avec une inquiétude gran-
dissante. Nous sommes tous par-
tis avec en tête la question : « L’ins-
titut existera-t-il après les fêtes de
Noël ? ». L’INRIA a finalement été
créé par décret le 27 décembre
1979, sans création d’emplois et
plus d’un an après l’annonce de la
réorganisation de l’IRIA et de la
décentralisation du Laboria et du
centre de calcul. Restait la ques-
tion des personnels : pour les
chercheurs, dont le statut était
précaire, comme pour les ITA, il
n’y avait aucune garantie que la
décentralisation ou le refus d’aller
à l’Agence n’entraîneraient pas le
licenciement. Notre action a porté
sur la dévolution des emplois
entre l’Agence et l’INRIA ; nous
avons défendu ceux qui ne vou-
laient pas aller à l’Agence.
Grâce à l’action conjointe des per-
sonnels et des organisations syn-
dicales ainsi à celle du professeur
Lions, l’INRIA est resté à Roc-
quencourt. In fine, la décentrali-
sation s’est traduite par la créa-
tion d’une unité de recherche à
Sophia-Antipolis. Nous avons
obtenu que les départs se fassent
sur la base du volontariat avec des
indemnités conséquentes. ■ J. P.
© P
hoto
Fra
nce
Tele
com
En France, la Direction Générale des Télécommunications lance uneexpérience à grande échelle de son terminal télématique Minitel àVélizy, Versailles et Val de Bièvre.
La naissance du Minitel
© INRIA - Photo J.-M. Ramès
Avant de rejoindre Rennes, je tra-
vaillais au service administratif de
Rocquencourt en qualité de chef
du personnel. Dès 1969, alors
qu’il était question de vagues pro-
jets de création d’un laboratoire à
Rennes – on parlait à l’époque de
décentraliser l’IRIA –, j’avais indi-
qué à Alain Serieyx (alors secré-
taire général de l’IRIA) que j’étais
intéressé par cette perspective. Le
projet initial tourna court devant
l’impossibilité pour le ministère
de tutelle de s’engager financiè-
rement pour les dépenses de
fonctionnement induites par
cette décentralisation. Une opé-
ration menée conjointement avec
le CNRS, l’université de Rennes 1
et l’Insa de Rennes aboutit néan-
moins à la création d’un labora-
toire universitaire associé au
CNRS (LA 227) et soutenu par
l’IRIA qui mettait à sa disposition
des personnels de recherche et
des crédits.
Ce laboratoire prit le nom d’Irisa
et je fus mis à la disposition de
son directeur Michel Métivier
sous le titre pompeux de secré-
taire général à partir du 1er sep-
tembre 1974. Concrètement, je
m’occupais de la gestion des cré-
dits, de la rédaction des contrats
de recherche, du suivi des per-
sonnels – notamment des per-
sonnels rémunérés sur contrats
de recherche – et du suivi des mis-
sions, sans oublier l’interface
avec les services administratifs de
l’IRIA, du CNRS et de l’université
de Rennes 1. Ma tâche fut facilitée
par la confiance que m’accordè-
rent par la suite le président de
l’IRIA (INRIA à partir de 1980),
Jacques-Louis Lions, et son secré-
taire général, Vincent George.
Le premier travail que me
demanda le comité de direction
devant lequel le directeur de
l’Irisa était responsable fut de
rédiger un protocole d’accord
concrétisant la volonté des quatre
établissements partenaires d’œu-
vrer à l’existence et au bon fonc-
tionnement de l’Irisa. Ce proto-
cole, qui fut rédigé sur les
directives du Président de l’INRIA
et avec la collaboration d’Anne-
Marie Laroche du service juridi-
que de l’institut, avait l’avantage
d’être à peu près vide. Dans son
article premier, les signataires
s’engageaient « à maintenir les
moyens mis à la disposition de
l’Irisa » et – plus important –il
était mentionné que la direction
de l’Irisa était assurée par un
directeur nommé par le comité
de direction de l’Irisa. L’Irisa fonc-
tionna pendant près de 15 ans en
se fondant sur un protocole d’ac-
cord d’une très grande souplesse.
Comme l’avait dit Bonaparte,
« une bonne constitution doit être
courte et obscure »
■ C. S.
« Les ordinateurs sont comme les Dieuxde l’Ancien Testament :
beaucoup de règles et aucune pitié »Joseph Campbell, mythologiste américain.
© INRIA - Photo A. Eidelman
Le 10 avril 1980 – Moins dequatre mois après le décret decréation de l’INRIA le27 décembre dernier, où en estle nouvel institut d’informatiqueet d’automatique? Même si sonstatut d’établissement adminis-tratif rompt avec le passé, l’IN-RIA doit continuer de tendrevers les applications industriellesde la science et de la techniqueet assurer une large diffusion dusavoir et du savoir-faire de l’ins-titut. Son président, Jacques-Louis Lions a ainsi affirmé que les contratsfavorisent la connaissance des besoins desindustriels tout en faisant progresser lascience fondamentale.De nombreuses questions restent cependanten suspens. Le premier défi à relever est deréussir la décentralisation. L’établissement
d’une unité à Sophia Antipolis pourrait ouvrirla voie à de nouvelles implantations régiona-les, ce qui serait dans la logique d’un institutd’envergure nationale. Ensuite, il s’agit deconvaincre les tutelles que l’institut a besoinde ressources suffisantes et surtout d’unecertaine continuité dans les moyens. Trop
souvent par le passé des bud-gets maigres ou de rattrapagese sont succédé et ont ralenti lacroissance légitime de l’IRIA. Ilfaut aussi se poser la questionde l’évolution des formes decoopération avec le mondeextérieur. Certains parlent defiliales, d’autres espèrent que lalégislation ouvrira la voie del’entreprise aux instituts publics.Enfin, les syndicats, fortementémus par les derniers événe-ments, attendent du nouveau
président un dialogue concret pour ne pasavoir l’impression de subir des décisionsvenues d’un ministère ou d’un cabinet. Deschantiers complexes et quelquefois redouta-bles mais l’histoire récente du défunt IRIAmontre que la ressource humaine existe etqu’elle se plaît aux grands défis. ■ AB & PG
L’ avenir de l’INRIA repose très
largement sur les épaules
de son premier Président-directeur
général Jacques-Louis Lions.
Nommé pour trois ans, Jacques-
Louis Lions apparaît tout à la fois
comme le président du renouveau
et l’homme de la continuité. La
grève des 7 et 8 janvier dernier
aurait pourtant pu placer ce nou-
veau départ sous de bien mauvais
auspices. L’énergie et le charisme du
grand mathématicien ont très large-
ment contribué à surmonter ces dif-
ficultés. Le cap est en effet fixé très
clairement avec pour priorité l’ex-
cellence scientifique et le transfert
de technologie. Jacques-Louis Lions
a précisé sa doctrine lors du récent
conseil scientifique du mois de mars.
« Les projets de recherches seront
extrêmement souples, laissant à cha-
cun une très grande initiative indi-
viduelle, aucune idée ne sera jamais
refusée au départ, mais soumise à
un examen collectif, afin d’en véri-
fier et d’en approfondir l’intérêt. »
Au-delà de l’homme c’est en effet
un collectif qui monte en ligne. Jac-
ques-Louis Lions s’appuie sur un
premier cercle de disciples surnom-
més les Lionceaux mais il sait égale-
ment pouvoir compter sur une
génération de chercheurs qu’il a
choisis et qui ont désormais l’expé-
rience et la surface internationale
nécessaires pour donner à l’institut
les cadres indispensables. Organisa-
teur, Jacques-Louis Lions est égale-
ment un homme de communication.
Fort de son expérience à la tête du
Laboria, il entend bien rassurer les
autorités extérieures – qui compren-
nent avec quelques difficultés la
nature exacte des recherches
menées à l’INRIA – tout en préser-
vant en interne les équilibres entre
spécialités, localisations et commu-
nautés de recherche.
Académicien des sciences, profes-
seur au Collège de France, secré-
taire de l’Union mathématique
internationale, Jacques-Louis Lions
a fait des mathématiques appliquées
une discipline respectée dans l’uni-
versité et courtisée au-dehors. Il
n’en est pas moins resté accessible.
En renvoyant dos-à-dos, comme il
l’a toujours fait, les fanatiques de
l’art pour l’art et les inconditionnels
de l’utilitaire, il entend faire de l’IN-
RIA une institution de recherche de
premier rang, inscrite dans son siè-
cle. Sa stature apparaît donc comme
l’un des atouts majeurs de l’INRIA
au point que certains s’interrogent :
le pouvoir politique aurait-t-il
donné cette nouvelle chance à l’ins-
titut sans l’énergie et la caution
intellectuelle de celui qui en prend
cette année les rênes? ■ AB & PG
No 1410 avril 2007
ANNÉE1980
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA
Et pendant ce temps là...Marguerite Yourcenar est la première femme élue àl’Académie française – Éruption du Mont Saint-Hélensaux États-Unis – Lancement de la première chaîne d’in-formation en continu CNN – L’Irak envahit l’Iran – EnFrance, le comique Coluche est candidat à la présiden-tielle – John Lennon est assassiné à New York.
Dès sa naissancel’INRIA fait face à de grands défis
Jacques-Louis Lions, l’homme de la situation
© I
NR
IA
© INRIA
L’IRIA ajoute un N à son nom, et inaugure un nouveau logodont la légende dit qu’il fut conçu par Jacques-Louis Lions lui-même.
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 14 – 10 avril 2007)
« Tout le monde défilait à Rocquencourtpour voir le buroviseur »par Najah Naffah,ancien responsable du projet Kayak
Jacques-Louis Lions m’adit « une page se tourne »par Antoinette Theis,ancienne secrétaire de Jacques-Louis Lions.
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice en chef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A. Enard, C. Genest,J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (mise en page : P. Laurent, iconogra-phie : L. Calderan)-Technoscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro : A. Beltran et P. Griset (« Histoire d’un pionnier del’informatique» paru chez EDP Sciences), I. Belin et J. Gramage.
LE SAVIEZ-VOUS ?Inauguration par le parlement européen du réseau public Euronet —
Pacman envahit les bornes arcades — L’industrie s’empare de la tech-
nologie de la mémoire flash pour conserver sans alimentation les don-
nées utilisées par les systèmes intelligents embarqués dans les avions
ou les voitures — IBM (international business machines) lance le pre-
mier micro-ordinateur grand public baptisé IBM PC (personal compu-
ter). Il est commercialisé avec le système d’exploitation MS-DOS de
Microsoft ; il est doté de 16 à 64 Ko de mémoire vive et fonctionne
avec un processeur 8088 Intel.
Je suis arrivée en 1971 pour être
secrétaire de J.-L. Lions et je l’ai
accompagné durant la majeure
partie de sa carrière. En 1979, en
pleine turbulence de décentrali-
sation, de nombreuses rumeurs
circulaient sur l’avenir de l’insti-
tut, notamment sur le sort du
volet « recherche » qu’il était ques-
tion de rattacher au CNRS et
d’installer en province. Ne tari-
rait-on pas les échanges privilé-
giés avec le tissu universitaire,
industriel et scientifique desquels
le Laboria tirait sa substance, sa
raison d’être et sa notoriété ?
La création envisagée d’un nou-
veau pôle « high-tech » à Sophia-
Antipolis, fut une occasion extra-
ordinaire de justifier une
décentralisation et de créer I’IN-
RIA dans une perspective hardie
et habile de vocation nationale.
En effet, J.-L. Lions, nommé pré-
sident du nouvel institut en 1980,
associait dans un même orga-
nisme l’Irisa de Rennes, sous la
houlette de J.-P. Verjus, et le nou-
veau centre de Sophia-Antipolis,
confié à P. Bernhard et dont les
plans déployés sur la table de mon
bureau furent discutés et réalisés
en un temps record. S’y ajoutaient
les groupes de recherche de Gre-
noble, de Toulouse et de la Lor-
raine. Mais le cœur de l’INR1A
était maintenu à Rocquencourt,
préservant ainsi le savoir-faire
patiemment élaboré depuis tant
d’années et le réseau de relations
avec les grands organismes et les
autorités de tutelle.
Pragmatique autant que vision-
naire, J.-L. Lions, réfléchissant à
l’organigramme de 1’INRIA, me
dit aussitôt « Dessinez-moi un
camembert », montrant ainsi son
souhait de définir une direction
collégiale dans le droit-fil de ce
qui était déjà la méthode Lions :
déléguer, faire confiance en susci-
tant chez chacun le meilleur de
ses possibilités, faire circuler l’in-
formation, écouter puis décider
en ponctuant d’un « ne perdons
pas de temps ! ». Et cela toujours
avec enthousiasme, droiture,
modestie et avec le souci très vif
de contribuer à un rayonnement :
« c’est bon pour la science et c’est
bon pour la France ». Où s’instal-
ler ? Autre question dont le sym-
bolisme ne lui échappa pas. Le
choix se porta finalement sur les
bâtiments du centre de calcul qui
lui permettaient de quitter ceux
de la recherche sans pour autant
intégrer ceux de l’ancienne direc-
tion. Le jour de la transition, il y
avait à peine une dizaine de
mètres à parcourir, du bâtiment
16 au 8, et aussi une nouvelle voie
où s’engager, peut-être semée
d’embûches. D’une voix rendue
sourde par l’émotion, J.-L. Lions
me dit alors « une page se
tourne ». ■ J. G.
© Photo INRIA
« En 1980, près de six millions de personnes étaient concernées en France par le travail de
bureau, soit 950 000 secrétaires et dactylos, 1 650 000 cadres administratifs et 3 000 000
d’employés de bureau. Cette population met en circulation 250 milliards de pages par an,
émet et reçoit 10 milliards d’appels téléphoniques. Comment, avec l’aide de l’informati-
que, pourra-t-on à terme simplifier ces activités ? La réponse s’appelle bureautique, c’est-
à-dire l’automatisation des fonctions d’information et de communication. »Dossier Le bureau de demain, La Recherche, no 136, 1982.
Le buroviseur
© INRIA - Photo A. Eidelman
© INRIA - Photo Studio 9
Aujourd’hui, quoi de plus com-
mun qu’un PC multimédia ? C’est
en quelque sorte ce que nous
avons inventé au début des
années 1980 avec notre « burovi-
seur », dans le cadre du projet
pilote Kayak. L’histoire remonte à
1978, quand nous avons réfléchi
avec Louis Pouzin – l’homme du
réseau Cyclades – à ce que serait
un terminal de bureautique
moderne adapté aux besoins
d’une secrétaire ou d’un cadre.
Rien de ce genre n’existait en
France mais nous sommes allés
voir les développements en cours
aux États-Unis et puiser des idées
au MIT, au Stanford research insti-
tute et au laboratoire de Xerox.
Nous avons d’emblée été inspirés
par l’ordinateur personnel inter-
actif Alto, développé par Xerox
sous la direction d’Alan Kay et
dédié à la programmation. En
rentrant, j’ai lancé Kayak qui a
rapidement mobilisé une quaran-
taine de chercheurs (dont une
dizaine sur postes IRIA). Nous
avons conçu le buroviseur en six
mois, avec un processeur Intel de
8 bits et des mémoires et cartes
banalisées. Nous y avons ajouté le
traitement de la voix et des appli-
cations bureautiques interactives.
En le voyant, Alan Kay et ses collè-
gues ont été bluffés. Professeurs et
chercheurs américains et cana-
diens sont vite devenus des visi-
teurs permanents de l’IRIA et des
centres de recherche français.
Une thèse du MIT a même été
menée dans notre équipe. En 1981
nous avons fait un véritable show
devant 800 personnes et la presse :
le buroviseur disposait d’un écran
à plusieurs fenêtres, d’une souris
à trois touches fonctions, d’une
interface homme-machine très
évoluée, de la reconnaissance et
synthèse vocale, d’une connexion
en réseau local, d’un traitement
de texte, d’un écran graphique et
d’un éditeur comparable à l’ac-
tuel Powerpoint (mais avec 15 ans
d’avance). Universitaires, étu-
diants et délégations étrangères
défilaient à Rocquencourt pour le
voir et le tester. Malheureusement
les tentatives d’industrialisation
n’ont pas abouti : le marché n’était
pas prêt à adopter une solution
aussi évoluée ! Bull, qui était au
conseil d’administration de l’IRIA,
a décidé d’exploiter notre savoir-
faire. J’ai rejoint le groupe avec
une grande partie de mon équipe
et nous avons pu faire aboutir plu-
sieurs projets industriels comme
ImageWorks et FlowPath mais
aucune solution complète grand
public. Seuls quelques burovi-
seurs ont été distribués aux uni-
versités, et des grands comptes
comme le ministère des finances
s’en sont inspirés pour bâtir leurs
modèles de bureautique. Dom-
mage tout de même que l’on n’ait
pas plus breveté ! ■ I. B.
© Najah Naffah
Le 11 mai 1981 — L’élection deFrançois Mitterrand saura-t-elleapaiser le climat social délétèrerégnant à l’INRIA ? Après lagrève du 20 novembre 1979 liéeà la disparition de l’IRIA, puiscelle des 7 et 8 janvier 1980 àpropos de la séparation des biensentre le nouvel INRIA et l’Agencepour l’informatique, c’estaujourd’hui le sort des person-nels hors-statuts qui inquiètentles personnels de l’INRIA ainsique des problèmes d’avance-ment de carrière, de revalorisa-tions de salaire, de primes, etc.Pour lutter contre l’inflation, legouvernement a mené durant lesannées 1970 une politique dedéfense du franc et de gel dessalaires qui a irrité de nombreu-ses catégories sociales. Un cer-tain nombre de fois le « pot » dela direction pour la nouvelleannée a été boycotté en faveurdu « pot » des syndicats. Nom-bre de ces revendications sontd’ailleurs communes à l’ensem-
ble des organismes de rechercheavec, en tête, le CNRS qui repré-sente les bataillons les plusimportants de chercheurs et ITA,suivi de l’INRA et de l’INSERM.Mais elles sont exacerbées à l’IN-RIA par les incertitudes et lescraintes associées à la naissance
du nouvel institut. Le personneladministratif attend des recrute-ments et des revalorisations tan-dis que les chercheurs réclamentdes ouvertures de poste et la findes blocages statutaires. Il est ànoter également que pendant lesannées 1970, la discrimination
de salaires entre hommes et fem-mes, en particulier pour le per-sonnel administratif le moinsqualifié, est régulièrementdénoncée. L’association qui gèreles œuvres sociales (comme lerestaurant) figure égalementparmi les revendications du per-sonnel car il est souhaité qu’ellesoit aidée et encouragée. Toute-fois, la nécessaire mobilité despersonnels dans un secteur depointe suppose que des solutionsoriginales soient trouvées avecles représentants du personnelpour ne pas figer la situation.Établissement de taille moyenne,encore peu dispersé d’un pointde vue régional, l’INRIA bénéfi-cie néanmoins d’un présidentapte au dialogue social. Les pre-miers résultats sont encoura-geants et l’atmosphère devientd’autant moins lourde que lenouveau gouvernement souhaiteapporter une solution définitive àla question récurrente de l’avenirdes hors-statuts. ■ AB & PG
W here is the Hut? Telle pourrait
être la question posée par un
improbable touriste britannique se
présentant pour visiter Voluceau.Au
sein des constructions anonymes
héritées de la rationalité améri-
caine, le bâtiment 8 est en
effet devenu un lieu quasi
mythique pour un nombre
croissant d’informaticiens à
travers le monde. Les anglo-
saxons l’ont baptisé la
« hutte ». L’identité du lieu
s’affirme en fait à travers ses
occupants, un groupe de cher-
cheurs – que d’aucuns comparent
à une tribu d’irréductibles gaulois –
qui s’est formé il y a quelques années
sous la protection bienveillante de
Jacques-Louis Lions soucieux de
faciliter l’émergence de thématiques
réellement neuves en informatique.
Il fit ainsi confiance à de jeunes doc-
teurs ayant soutenu leur thèse aux
États-Unis et revenant en France
avec le désir d’explorer de nouveaux
territoires.
Gilles Kahn et Gérard Huet furent
ainsi à l’origine du premier projet
dirigé par cette nouvelle génération.
Sur les pas de Dana Scott, père de
la sémantique des langages de pro-
grammation, l’IRIA, maintenant
INRIA, est devenue dans leur sillage
l’une des rares institutions mondiales
à s’engager de manière consistante
dans le domaine du Lambda Calcul.
Jean Vuillemin, Philippe Flajolet et
Jean-Jacques Lévy ont réalisé en une
dizaine d’années des avancées déci-
sives dans le domaine des langages
de programmation.
Ces réussites n’ont pas
changé l’état d’esprit d’un
lieu où les sympathies
dépassent largement le
cadre professionnel et où les
échanges internationaux
sont plus que jamais privilé-
giés. Profitant de la fusion
entre CII et Honeywell-Bull,
Gilles Kahn a obtenu l’attribution
d’une machine américaine le GE 645
de General Electric. Faute des VAX
dont ils rêvent, les hommes du Bâti-
ment 8 s’adonnent grâce à elle à
une nouvelle forme de communica-
tion aux formes curieuses et à l’ave-
nir incertain : le « courrier électro-
nique ». ■ AB & PG
No 1516 avril 2007
ANNÉE1981
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA
Et pendantce temps là...
François Mitterrand estélu président de la répu-blique française – Lasérie américaine Dallasarrive sur les écrans fran-çais – Mort du plus grandchanteur de reggaejamaïcain Bob Marley –Les premiers cas deSIDA sont déclarés –Mariage du PrinceCharles et de Lady Diana– Lancement de la pre-miere chaîne musicaleMTV – Les députés fran-çais votent le projet de loide Robert Badinter abo-lissant la peine de mort –Mise en circulation dupremier Train à GrandeVitesse (TGV).
Questions sociales récurrentes à l’INRIA
Voluceau :la destination de curieux touristes étrangers...
© Ina
©Phil
ippe Jacq
uet
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 15 – 16 avril 2007)
« Retranscrire les brouillonsdes chercheurs relevaitde méthodes extra-terrestres ! »par Martine Verneuille,assistante des projets Mathfi et Sosso2
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactriceen chef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A.Enard, C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Concep-tion-réalisation : Direction de la communication/INRIA(mise en page : P. Laurent, iconographie : L. Calde-ran)-Technoscope (F. Breton). Ont collaboré à cenuméro : A. Beltran et P. Griset («Histoire d’un pion-nier de l’informatique » paru chez EDP Sciences), V.Coronini.
LE SAVIEZ-VOUS ?IBM (international busi-
ness machines) lance le
premier micro-ordinateur
grand public baptisé IBM
PC (personal computer) -
Xerox commercialise le
Star 8010, une machine
évoluée qui est dotée
d'une interface entière-
ment graphique utilisant le
copier-coller et les menus
contextuels. Trop chère
(17000 $) et trop en
avance sur son temps,
elle n'aura aucun succès
commercial.
Versaillaise mais encore insensi-
ble au charme de l’IRIA, je me pré-
sente en décembre 1978 dans le
bureau de Monsieur
Guannel pour un
poste de secrétaire. Il
me propose d’occu-
per le poste d’assis-
tante de projet au
Laboria étant donné
mes références en
langue anglaise. Et
cela tombait bien ! Ce
poste m’offrait une
nouvelle approche du
métier même si 99%
de mon temps de travail restait
consacré à la frappe d’articles ou
de thèses. La frappe, dans l’uni-
vers de l’informatique, c’était
séduisant. Je découvrais un
monde avec des signes, des for-
mules, des dessins, un ensemble
de caractères extra-terrestres mais
très esthétiques. Seul bémol,
retranscrire les brouillons des
chercheurs et les mettre en forme
relevait également de méthodes
extra-terrestres ! Notre outil de
travail était une machine mécani-
que, ou semi-électrique, un peu
mutante puisqu’elle disposait de
petits emplacements carrés,
situés près des ballets chargés de
frapper la lettre sur le ruban
encreur. Ces emplacements nous
permettaient d’insérer des bâton-
nets « Typit » affublés de π, de ζ ou
de Σ , qui à la place d’une lettre,
allait frapper à leur tour le ruban.
Si on y ajoute la manipulation des
repères du papier glacé permet-
tant une bonne disposition des
mots, notre travail ne se conten-
tait pas de retranscrire l’article du
chercheur mais il lui donnait réel-
lement vie. Si l’ambiance de tra-
vail est toujours restée très agréa-
ble avec mes collègues, Martine
Cornélis, Chantal Delebarre,
Claudine Lucas, Domi-
nique Poulicet, et les
équipes de recherche
dont celle d’Alain Ben-
soussan, le métier a
inexorablement suivi
l’évolution de nos
outils de travail. Des
machines IBM à boules
aux machines ETAP à
mémoire et enfin aux
premiers Macintosh,
les membres de
l’équipe devenaient de plus en
plus indépendants. Notre activité
était volée par la technologie et,
en même temps, nous conduisait
à découvrir de nouvelles métho-
des d’édition : le latex, le web, etc.
Bien qu’aujourd’hui l’idée d’avoir
les doigts musclés pour taper un
article semble insensée, un point
reste inchangé : celui de rester
plusieurs heures par jour assise
face à une machine, comme dés-
ormais tout le monde à l’INRIA.
■ V. C.
Un heureux concours de circons-
tances m’a amené dans le bureau
de Gilles Kahn en 1980. Imposant
et pédagogue, il m’a chaleureuse-
ment accueilli et a commencé à
m’expliquer le travail qu’il souhai-
tait me confier. Au bout de quel-
ques minutes, il s’est interrompu
par un « ça ne peut pas continuer
comme ça ! » et a poursuivi, en me
tutoyant cette fois. L’échange a
duré toute l’après-midi.
J’ai donc démarré au sein de
l’équipe Croap où Gilles Kahn,
Bernard Lang et Véronique Don-
zeau-Gouge travaillaient déjà
depuis des années. Il y avait aussi
Bertrand Mélèse et Elham Morcos,
sans oublier les autres membres
du célèbre bâtiment 8 : Jean-Jac-
ques Levy, Gérard Huet, Jean Vuil-
lemin, Jean-Marie Hullot, Jérome
Chailloux, Philippe Flajolet... et
Lydia Paganini qui choyait tout ce
petit monde. Dans une ambiance
où défis et débats s’invitaient tous
les jours, dans des bureaux où la
densité humaine atteignait des
taux intolérables aujourd’hui,
nous avions pour mission de faci-
liter le travail des programmeurs.
Le symbole de ces recherches était
le programme Mentor développé
sur l’Iris 80 à partir de 1975. Écrit
en Pascal, il permettait d’optimi-
ser la manipulation des program-
mes et d’en améliorer la visualisa-
tion. Ce faisant, ces recherches
nous éloignaient tout doucement
des éditeurs ligne à ligne et,
inconsciemment, du service des
perforatrices chargées, via le cour-
rier interne, de transmettre aux
chercheurs leurs programmes
transformés en cartes perforées...
Qu’il s’agisse des appels d’offre du
département de la défense améri-
caine (DOD) ou simplement des
jeux-concours que nous enga-
gions par défi à la cafétéria, nous
travaillions avec le même matériel
et les mêmes courtes sessions sur
le système d’exploitation Multics ;
il y en avait cinquante seulement
dans le monde. En repensant à
cette époque, ce qui me semble le
plus incroyable est le décalage
qu’il y avait entre la qualité des
idées que mes collègues chevron-
nés faisaient émerger et les faibles
performances du matériel. À l’is-
sue de ma thèse, l’expérimenta-
teur né qu’était Gilles Kahn a
amorcé la délocalisation du projet
Croap vers les cieux sophipolitains
avec toujours ce même objectif :
observer, comprendre le monde
de l’informatique et l’aider à gran-
dir dans la bonne direction
■ V. C.
© Najah Naffah
« Nous nous éloignionsinconsciemment du servicedes perforatrices »par Thierry Despeyroux,projet Axis, INRIA Rocquencourt
Les bâtonnets «Typit» dans leur coffret.
Les perforatrices de l’IRIA « En 1970, l'IRIA comptait sept perforatrices qui
tapaient les programmes - principalement en For-
tran et en Cobol - sur des cartes perforées. Ces
dernières étaient ensuite reprises par la vérifica-
trice qui retapait sans perforer le même pro-
gramme afin de détecter des erreurs éventuelles.
Les pupitreurs ajoutaient ensuite des commandes
avec les cartes JOB et le tout était transmis aux
chercheurs dans des grands bacs. À partir de
1975, des consoles ont été connectées directe-
ment sur l'ordinateur 10070 en time sharing et les
cartes perforées ont progressivement disparu. Les
perforatrices sont devenues pupitreur sur le mini
réseau Cyclades ou techniciennes réseau sur
Mitra et le Mini 6 ou bien assistantes de projet. »Laure Martin, INRIA Sophia-Antipolis
Service des perforatrices en 1971, de gauche à droite et de l'avant à l'arrière : Michèle Verrier, Maïté Augier, Françoise Richard,Marie-Thérèse Freret, Hortense Hammel ( ?), Suzanne Ferrand, Laure Martin (photo fournie par Laure Martin).
« Je ne crois pas que ce soientles ordinateurs eux-mêmes qu’il faille
redouter, mais bien plutôt la façon dontla culture digèrera leur présence »
Seymour Papert, MIT Lab,Jaillissement de l’esprit, 1981.
© INRIA / Photo Jonathan Dumont
© INRIA / Photo Véronique Debry
Nombre de machines connectées sur internet en 1981: 213
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA - NO 16 - 23 AVRIL 2OO7
Le 8 novembre 1982 – Lamontée en puissance duplan filière électroniquerelance le débat sur lesformes de coopération en-tre recherche publique etrecherche privée. Certainséchecs spectaculaires et coû-teux ont démontré par le passéque les projets les plus visibleset les plus ambitieux ne don-naient pas toujours toutes lesgaranties du succès et ponc-tionnaient, sans véritable re-tour sur investissement, lesfonds publics.Modeste, pragmatique et per-formant, le club Modulef (Mo-dules Éléments Finis) consti-tue à cet égard une sorte decontre modèle dont la perti-nence semble plus que jamaisd’actualité. Débuté au milieudes années 1970, ce sont au-jourd’hui 75 équipes universi-taires, dont certaines du MIT,et un grand nombre d’indus-triels qui contribuent à Modu-lef et tirent le meilleur parti del’extraordinaire bibliothèquede logiciels dont ils peuventainsi disposer.Constitué à l’initiative du
Laboria, le club réunit depuis1975 un ensemble de labora-toires de pointe, tant universi-taires qu’industriels, qui met-tent en commun leurscompétences pour alimenterune bibliothèque de sous-pro-grammes à usages multiples,utilisables sur toutes les machi-nes. La méthode des élémentsfinis présente l’avantage d’êtrecapable de traiter des problè-mes à géométrie très complexeet de calculer des fonctions dis-continues. Des partenairesvenus d’horizons très différentsont rapidement été séduits parce concept de club où chacunmet ses avancées à la disposi-tion des membres tout en pro-fitant des recherches de tous.Dès 1976, le CEBTP, l’EDF,Thomson-CSF, l’Insa de Lyon,les universités de Paris VI,Jérusalem, Pavie, Montréal, sesont ainsi montrés très actifs,créant des modules qui contri-buent à la richesse de la biblio-thèque. Très rapidement, lesuccès de Modulef est devenutel que le Laboria a dû mobili-ser quatre personnes pourconstituer une équipe de coor-
dination gérant et optimisantla mise en commun des contri-butions des membres. Le prin-cipe coopératif respecte bienévidemment les droits des unset des autres. Ainsi, si les logi-ciels sont à la disposition desmembres à des fins de recher-che, leur propriété reste deplein droit au membre ayantécrit le programme concerné.Depuis peu néanmoins, il estquestion de transférer les droitspatrimoniaux des contributeursà l’Inria afin d’en permettre ladistribution libre et gratuite.Au fil des adhésions et dessynergies, les domaines d’ap-plication se sont multipliésamenant la création de clubsorientés vers des domainesplus spécifiques. Modulecopour la modélisation économi-que et Modulopt pour l’opti-misation ont ainsi démarré en1977. Il n’est pas interdit d’es-pérer qu’un tel exemple puisseinspirer les équipes de la rue deGrenelle à l’heure où le Gou-vernement souhaite relancerla recherche industrielle dansles hautes technologies.
■ AB & PG
Devant les grandes ques-
tions qui se posent ou se
sont posées à l’institut ces
dernières années, il est fré-
quent de voir les syndicats
de chercheurs s’unir pour
faire front. Leur
première tâche, et
non des moin-
dres, est d’es-
sayer de faire
entendre la voix
de l’institut face
au CNRS qui a
fatalement plus
de poids vu l’importance
de son personnel et dont
la préoccupation majeure
actuelle se concentre sur
la question du statut de
rattachement pour ses
chercheurs. Pourtant, en
dehors de l’unanimité sur
les questions fondamenta-
les, il existe bien une
variété de syndicats à l’In-
ria. De même que pour le
syndicalisme ouvrier, l’his-
toire récente du syndica-
lisme des chercheurs n’est
pas sans présenter des
tensions et des reposition-
nements. Parmi les plus
actifs on peut citer le
Syndicat national des
chercheurs scientifiques
(SNCS) qui a vu le jour en
1956 lors d’un congrès de
la Fédération de l’Éduca-
tion nationale (FEN) et
André Lichnerowicz, une
personnalité bien connue
de l’Inria, qui a joué un rôle
essentiel dans son déve-
loppement. Le Syndicat
national des travailleurs de
la recherche scien-
tifique (SNTRS-
CGT) a longtemps
eu l’oreille des
personnels techni-
ques. Il faut de
plus ajouter à ce
tableau les syndi-
cats généraux de
l’Éducation nationale
(SGEN-CFDT) et le syndi-
cat national de l’enseigne-
ment supérieur (SNESUP).
Les demandes syndicales
comportent donc des
revendications générales
mais aussi des attentes
spécifiques à l’institut. Tou-
tefois, si la petite taille de
l’Inria ne supprime pas les
conflits, elle rend les
contacts plus simples avec
la direction. Une culture
commune (mathémati-
ques, projets) rapproche
les dirigeants de leur per-
sonnel d’autant plus que
l’on trouve aujourd’hui à la
tête de l’institut un cher-
cheur de renom qui a fait
une bonne partie de sa car-
rière à Rocquencourt.
■ AB & PG
Modulef, un exempleà suivre pour la filièreélectronique?
ANNÉE 1982
La bibliothèque de Modulef permet, par exemple, de réaliser des simulations en aérodynamique externe,ici, une carte des pressions sur un véhicule.
Jérôme Jaffré,représentant du SNCS en 1982.
Et pendant ce temps là...
Instauration en France de la semaine des 39 heurespour les salariés et généralisation de la cinquièmesemaine de congés payés – La guerre des Malouinesqui oppose la Grande-Bretagne à l’Argentines’achève après trois mois de conflits – Israël restituele Sinaï à l’Égypte – Les premières machines d’ima-gerie du corps humain fonctionnant sur le principede l’IRM sont mises en vente – Steven Spielberg pré-sente son dernier film «E.T. », l’extra-terrestre.
«Une forte représentationsyndicale »
© INRIA / Photo A. Eidelman
Alain Caristan, du projet Chorus, devant le SM90
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 16 – 23 avril 2007)
« Il fallait préparer100 bandes magnétiquespour la réunion annuelle»par Dominique Bégis,directeur adjoint de l'INRIA Rocquencourt
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice enchef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A.Enard, C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (miseen page : P. Laurent, iconographie : L. Calderan)-Tech-noscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro :A. Beltran et P. Griset («Histoire d’un pionnier de l’in-formatique » paru chez EDP Sciences), C. Acharian etI. Bellin.
LE SAVIEZ-VOUS ?Les PTT lancent le Minitel –
Sony et Philips lancent le Com-
pact Disc Digital Audio (CD-
DA) capable de stocker une
heure de son stéréo de très
haute qualité – L’icône Smiley
fait son apparition – « Tron »
(Walt Disney) est le premier film
utilisant massivement des
effets spéciaux créés par ordi-
nateur.
Le Club Modulef est né en 1974 de
la volonté de l’IRIA et du labora-
toire d’analyse numérique de
Paris VI, en particulier celle
d’Alain Perronnet. L’idée était de
créer et d’entretenir collective-
ment une bibliothèque de pro-
grammes cohérente et normali-
sée, fondée sur la théorie des
éléments finis et destinée à la
modélisation de phénomènes
physiques divers. C’était un club
au sens anglais, sans échange
financier : contre une contribution
scientifique, les membres, cher-
cheurs et industriels, recevaient
une fois par an l’intégralité de la
bibliothèque. C’était un précur-
seur de l’actuelle communauté du
libre.
Je suis arrivé à l’IRIA en 1970 pour
faire ma thèse avec Jacques-Louis
Lions puis pour mener des recher-
ches en simulation et optimisa-
tion numérique avec Roland Glo-
winski. Nous nous chargions
également de récupérer les contri-
butions des membres du club, de
les valider, de les agréger pour for-
mer les versions nouvelles de la
bibliothèque Modulef et de pro-
poser de nouveaux développe-
ments. Sous l’impulsion de Jac-
ques-Louis Lions, Modulef est
devenu en 1978 un projet de
recherche dont j’ai assuré la direc-
tion. Durant ces années, Danièle
Steer et Marina Vidrascu ont
connu les nuits courtes qui précé-
daient les assemblées générales
annuelles : il s’agissait de mettre
au point la nouvelle version et de
préparer la centaine de bandes
magnétiques et les documents
d’accompagnement qui seraient
distribués aux membres du club à
cette occasion. Internet n’existait
pas et les rencontres étaient cru-
ciales pour la vie de la commu-
nauté. Elles fédéraient les cher-
cheurs de la communauté
d’analyse numérique mais égale-
ment des industriels comme Das-
sault Aviation, l’Aérospatiale,
Renault ou Thomson CSF. Sur ce
même modèle, le club a d’ailleurs
eu des petits frères : Moduleco et
Modulad.
La promotion de la bibliothèque
et du Club Modulef nous ont
conduits de Rome à Saint Jacques
de Compostelle et jusqu’en URSS
ou aux États-Unis. Cette activité
de valorisation, très prenante,
était difficilement conciliable avec
la recherche. L’INRIA a décidé de
créer, début 84, la filiale Simulog
pour réaliser en particulier cette
tâche et je me suis lancé dans
cette aventure avec Christian
Saguez. La recherche s’est pour-
suivie dans les projets de recher-
che Gamma et Macs. Quant au
club Modulef, il est toujours actif
et connaît un réel succès dont
témoignent de nombreux télé-
chargements. ■ C. A.
C’est avant tout une belle aven-
ture humaine. D’ailleurs, malgré
quatre changements de cap en 20
ans, le noyau dur des années 1980,
constitué autour de l’équipe de
Louis Pouzin, de Hubert Zimmer-
mann et du projet Cyclades, est
toujours là.
Dès 1979, nous nous sommes
intéressés à Unix (l’ancêtre de
Linux) qui venait d’apparaître aux
États-Unis. Nous n’avions pas le
droit d’importer le mini calcula-
teur DEC sur lequel il tournait.
Alors nous avons lancé le projet
pilote Sol pour créer une version
française d’Unix, en Pascal. Nous
avons développé des compila-
teurs avec plusieurs sociétés de
service et installé Unix sur des
machines françaises dont la
SM90, tout juste conçue au Cnet.
Nous avons créé la culture Unix en
France et formé beaucoup d’ingé-
nieurs système.
Parallèlement, nous travaillions
avec le projet de recherche Chorus
lancé par Hubert Zimmermann
avec Jean-Serge Banino et Marc
Guillemont. Chorus visait à inven-
ter un nouveau modèle de sys-
tème d’exploitation dit réparti,
capable de gérer plusieurs ordina-
teurs connectés entre eux par un
réseau. Comme certains d’entre
nous avaient rejoint le Cnet tout
en continuant des recherches à
l’INRIA, nous avons décidé de
combiner les innovations de Cho-
rus avec le système Unix de Sol, le
tout sur la SM90 du Cnet. La réa-
lisation du premier prototype,
baptisé ChorusOS, nous a amené
à fonder, en 1986, une des premiè-
res start-up issues de l’INRIA :
Chorus Systems. Nous étions une
petite dizaine de chercheurs de
l’INRIA, du Cnet et du projet Sol ;
Hubert Zimmermann était le PDG
et j’étais responsable de la straté-
gie technique.
Nous avons développé notre sys-
tème d’exploitation pour des
super calculateurs (Cray, ICL, Uni-
sys) et pour AT & T Unix System
Laboratories, l’inventeur d’Unix.
Nous avons ensuite orienté notre
activité vers le support des systè-
mes de télécommunication pour
des clients comme Alcatel, Nortel,
Lucent, Nokia ou Fujitsu. Nous
avons ensuite été rachetés par Sun
Microsystems en 1997 mais, ré-
cession oblige, la société s’est
séparée de notre activité en 2002.
J’ai alors créé Jaluna avec 35
anciens de Chorus Systems et
nous avons repris nos anciens
contrats et fait évoluer notre tech-
nologie vers la virtualisation du
matériel, afin de faire tourner plu-
sieurs systèmes d’exploitation sur
un même équipement de télé-
communication. Aujourd’hui,
Jaluna est devenue VirtualLogix,
plus évocateur, et bon nombre des
anciens des projets Sol et Chorus
sont toujours là.
■ I. B.
« Nous avons créé une des premièresstart-up de l'INRIA »par Michel Gien,co-fondateur de Chorus Systems, Jaluna et VirtualLogix
© 2005 Stanley Rowin
© INRIA / Photo Véronique Debry
Nombre
de machines
connectées
sur internet
en 1982:
235
© INRIA / Photo R.Rajaonarivelo
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA - NO 17 - 2 MAI 2OO7
Le 30 juin 1983 – On n’estjamais aussi bien servis quepar soi-même. Ce vieil adageévoque, sans le résumer, le suc-cès de la machine SM90 quicommence à équiper les équi-pes de recherche de l’Inria. Le projet SM90 est né à Lan-nion dans les laboratoires duCentre national d’études destélécommunications (Cnet).Les recherches ont été menéesentre 1980 et 1981 avec la col-laboration de la Société euro-péenne de mini-informatiqueet de systèmes (Sems) et ontabouti, l’année dernière, à laconstruction d’un premier pro-totype de machine Unixconçue en France autour d’unprocesseur 68000 de Motorola.Sollicité pour apporter sescompétences au développe-ment du projet, l’Inria s’estmontré doublement intéressé.Le projet lui a permis de parti-ciper à un projet stimulantpour l’industrie française touten valorisant ses propres com-pétences. De surcroît, la réali-sation d’une station de travail
française lui donnera enfinl’occasion d’acquérir desmachines plus proches de ses besoins. En effet, ses équi-pes de recherche, contraintesjusqu’alors « d’acheter fran-çais », ont longtemps été han-dicapées faute de pouvoir dis-poser des meilleurs matérielsdisponibles aux États-Unis.Grâce à cette double motiva-tion que l’Inria a apporté unecontribution importante dansla conception du système d’ex-ploitation et du compilateur duSM90. La licence de l’ensem-ble est offerte aux fabricantsfrançais (Bull, Thomson Télé-phone, TRT, CSEE, ESD,SMT-Goupil, Telmat) par leCnet. L’Agence de l’informati-que finance vigoureusementl’opération en annonçant unecommande de 50 machinespour différents laboratoires. Lesprojets CAO-VLSI, Sabre,Verso, Ergonomie, Réseau, Solet Chorus de l’Inria seront lesbénéficiaires des vingt premiè-res livraisons. Les créditsministériels de recherche sou-
tiennent directement cettepolitique d‘équipement à hau-teur de 25 millions de francspar an pour les quatre annéesà venir. Fort de ces premierssuccès, le projet SM90 devraitpermettre de relancer la poli-tique industrielle de la Francedans le domaine du matérielinformatique. Il est pour celad’ores et déjà envisagé d’instal-ler à Rocquencourt un Grou-pement d’intérêt public scien-tifique et informatique (Gipsi)regroupant les moyens etsavoir faire de Bull-Sems, duCnet et de l’Inria. Il réaliseraautour du SM90 des produits,tant matériel que logiciels, per-mettant de réaliser des postesscientifiques et des stations detravail pour des environne-ments temps-réel. Le travailréalisé dans ce cadre placera leséquipes de l’Inria dans l’évolu-tion fondamentale que connaîtà l’heure actuelle l’universinformatique avec le dévelop-pement d’Unix.
■ AB & PG
L’Inria inaugurera bientôt
les nouveaux locaux de
son unité de Sophia Anti-
polis. Certes, le plateau de
Valbonne où se trouve
Sophia a une longue his-
toire qui remonte au
Moyen-Âge, mais c’est
en 1969 que le sénateur
des Alpes-Maritimes Pierre
Laffitte a engagé la com-
mune dans une grande
mutation en affichant sa
volonté d’installer sur cette
zone pratiquement vierge
un espace dédié aux tech-
nologies de pointe. À
l’image de ce qui se fait
assez couramment aux
États-Unis, il s’agissait de
réunir dans un même lieu
des centres de recherche,
des entreprises et des
entités d’enseignement
afin de développer un site
d’excellence offrant les
meilleures conditions de
travail. La Côte d’Azur et la
proximité de l’aéroport de
Nice étaient des facteurs
importants de la réussite
de ce pari, mais l’obstina-
tion, les relations et l’ambi-
tion de Pierre Laffitte
furent tout autant néces-
saires. Sa qualité de poly-
technicien membre du
Corps des mines a pu faci-
liter l’installation de l’Inria
sur le site car Pierre Bern-
hard, qui a pris la tête de
l’antenne sophipolitaine de
l’Inria, est aussi membre
de ce corps d’élite. Là
encore l’Inria fait figure de
pionnier : quand l’institut
est arrivé à Valbonne, rien
ou presque n’existait.
Cette démarche nouvelle a
d’ailleurs surpris et les pre-
miers volontaires n’étaient
pas légion. Aujourd’hui, les
esprits semblent avoir
changé. Il le faudra bien
car l’Inria semble avoir
pour ambition d’ouvrir de
nouveaux espaces de
recherche dans des lieux
qui eux-mêmes sont à
l’avant-garde de ce qui se
fait habituellement
■ AB & PG
SM90 ou la fin dela disette en équipementpour les chercheursde l’Inria !
ANNÉE 1983
À Rocquencourt, le GIP SM90 et la machine SM90 connectée au système graphique Colorixréalisé par Louis Audoire.
Et pendant ce temps là...La retraite passe à 60 ans en France – Accord depaix Israélo-libanais – L’homme d’état et écrivainsénégalais Léopold Sédar Senghor est élu àl’Académie française – Luc Montagnier découvre levirus du Sida, HIV, à l’institut Pasteur – La sondeaméricaine Pioneer 10 est le premier objet terrestreà quitter le système solaire – Victoire de YannickNoah au tournoi de tennis de Roland Garros.
Une unité de rechercheà partir de rien
© ?
DR
© INRIA / Photo R. Rajaonarivelo
Le plateau de Valbonne où sera implantée l’unité de Sophia Antipolis
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 17 – 2 mai 2007)
« Je troquais le costume cravate pourle pull et le col de chemise ouvert... »par Pierre Bernhard,professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis et premier directeur de l’INRIA Sophia Antipolis
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice enchef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A.Enard, C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (miseen page : P. Laurent, iconographie : L. Calderan)-Tech-noscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro :A. Beltran et P. Griset («Histoire d’un pionnier de l’in-formatique » paru chez EDP Sciences), Rose-MarieCornus.
LE SAVIEZ-VOUS ?Bjarne Stroustrup développe une extension orientée objet au langage C :
le C++ – Le réseau Arpanet adopte définitivement le TCP/IP à la place de
NCP et devient un projet avant tout universitaire nommé Arpa-Internet ; le
volet militaire est désormais indépendant et nommé Milnet – Apple sort
Lisa, le premier micro-ordinateur à disposer d’une interface graphique.
C’est dans la perspective d’une
décentralisation de l’IRIA deman-
dée par la Datar, qu’en 1978 André
Danzin, conseillé par Jacques-
Louis lions, m’avait chargé de sui-
vre ce dossier pour une installa-
tion éventuelle à Sophia Antipolis.
J’étais à l’époque directeur du
Centre d’automatique et informa-
tique de l’École des Mines de Paris
(à Fontainebleau) et également
professeur à l’université Paris
Dauphine. Ma situation était assez
pittoresque car j’étais à la fois le
conseiller d’André Danzin qui dis-
cutait avec Pierre Laffitte sur l’op-
portunité de créer une unité de
l’IRIA à Sophia, et celui de Pierre
Laffitte, qui m’avait chargé, en
1976-1977, de constituer le labo-
ratoire de mathématiques appli-
quées de l’École des Mines à
Sophia !
Deux ans plus tard, après la
décentralisation partielle de l’IRIA
décidée par le cabinet du Premier
ministre Raymond Barre, j’étais
nommé directeur du centre de
l’INRIA Sophia Antipolis (on ne
parlait pas encore d’unité de
recherche). Nous avons convaincu
des chercheurs d’autres sites —
Rocquencourt notamment — de
venir s’installer à Sophia mais
aussi des scientifiques de la région
comme Gérard Berry. Des axes de
recherche se sont très rapidement
dégagés, notamment autour des
réseaux avec des gens comme
Christian Huitema, François Bac-
celli et plus tard Philippe Nain. Au
début, les pouvoirs publics
(CCI, etc.) nous reprochaient de
ne pas recruter de niçois ! Et là,
Gilles Kahn a eu une idée de génie
en expliquant qu’à défaut, nous
avions contribué à ramener des
élites niçois à Sophia (A. Dervieux,
A. Desideri, A. Michard, etc.).
Les universitaires ne voyaient pas
tous d’un bon œil la création de la
technopole de Sophia Antipolis.
Certains, dont Jean Céa et Jacques
Morgenstern, ont travaillé dès le
début avec nous et contribué au
succès de la technopole. Mais il
était parfois difficile de se faire
accepter car nous étions sur la rive
droite du Var et donc considérés
comme des étrangers ! Nous
entretenions des contacts régu-
liers avec l’université : j’étais moi-
même enseignant à l’université de
Nice dès mon arrivée et J.L. Lions
venait régulièrement rencontrer
les universitaires pour compren-
dre comment nous pouvions tra-
vailler ensemble. Lorsque j’allais à
l’université, je troquais le costume
cravate arboré habituellement par
les dirigeants de l’IRIA pour la
tenue plus décontractée des uni-
versitaires : pull et col de chemise
ouvert...
Gilles Kahn a été le principal
architecte du succès scientifique
de l’opération et Guy Sergeant a
été l’artisan de son succès maté-
riel. Marc Berthod a créé le pre-
mier projet de l’UR, Pastis, sur le
traitement d’images. Ce projet
nécessitait l’acquisition d’un gros
disque pour l’époque (80 Mo).
Cela représentait un investisse-
ment très important pour un
laboratoire mais le conseil scienti-
fique, constitué en majorité de
professeurs de l’université, a
d’emblée soutenu cet achat.
■ R-M. C.
En quittant mon bureau de l'Imag
en novembre 1982, j'avais soi-
gneusement mis dans ma sacoche
les deux premiers chapitres de la
thèse d'État sur les réseaux que
j'espérais terminer tranquillement
en attendant l'ouverture de nos
locaux prévus en 1983. En effet,
seul chercheur Inria décentralisé
depuis Grenoble (bien avant la
création de l'UR Rhône-Alpes), je
débarquais à Sophia en accord
avec son directeur pour monter le
service chargé de la gestion des
télécoms des nouveaux bâti-
ments. Mais lorsque j’ai retrouvé
Pierre Bernhard dans son bureau
à l’École de commerce et de
management Ceram – L’UR se
résumait à l’époque à une dizaine
de personnes dispersées entre les
locaux du Centre de mathémati-
ques appliquées, place Sophie
Laffitte, et le Ceram – il m’a donné
la clé de contact de la Renault 4L
de service et m’a dit : « Tu es
chargé de suivre le chantier des
nouveaux bâtiments ». Et la mis-
sion s’est révélée tellement inté-
ressante que je n’ai jamais écrit le
chapitre 3 de ma thèse !
Lorsque nos bâtiments ont été
livrés en 1983, nous étions une
quarantaine avec les collègues qui
nous avaient rejoints de Rocquen-
court et quelques nouvelles têtes.
Nous étions si peu nombreux que,
pour la première visite officielle,
nous avons dû déménager dans
les bureaux du rez-de-chaussée
Lagrange pour donner l’impres-
sion que tous les bureaux étaient
occupés. L’une des principales
inquiétudes de Pierre Bernhard
était alors de savoir si nous arrive-
rions à remplir les 7 000 m2
construits. En 2007, nous aurons
18 000 m2 et la pression ne dimi-
nue pas. C’est vraiment une
décentralisation réussie ! Quant à
moi, j’ai gardé le casque et les
deux chapitres de la thèse en sou-
venir, et depuis mon job navigue
toujours entre les deux…
■ R-M. C.
« J’ai gardé le casqueen souvenir... »par Guy Sergeant,adjoint au directeur de l'INRIA Sophia Antipolis
© INRIA / Photo J.M. Ramès
© INRIA / Photo A. Eidelman
© INRIA / Photo A. Eidelman
Nombre
de machines
connectées
sur internet
en 1983:
562
« J’ai toujours rêvéd’un ordinateur
qui soit aussi facileà utiliser
qu’un téléphone.Mon rêve
s’est réalisé.Je ne sais plus
commentutiliser montéléphone. »
Bjarne Stroustrup(Texas A&M University)L’unité de Sophia Antipolis en 1991, avec Pierre Bernhard devant le plan d’eau.
C’est un quadragénaire quivient de prendre la tête del’Inria en remplacement deJacques-Louis Lions. AlainBensoussan, né à Tunis,est un produit des forma-tions d’élite de la Nation,étant sorti du prestigieuxlycée du quartier latinLouis-le-Grand pour inté-grer l’École polytechniqueet l’École nationale de statistique et de l’ad-ministration économique(ENSAE). Il connaît bienl’Inria puisqu’il a com-mencé sa carrière à l’insti-tut, l’année même de sacréation en 1967. Après undétour par l’enseignement– dans des écoles toutaussi prestigieuses : uni-versité de Dauphine, Poly-technique et l’École nor-male supérieure – il arepris le chemin de Roc-quencourt en 1973 avantde s’engager dans uneexpérience européennequi l’a amené à diriger pen-dant deux ans l’Instituteuropéen d’études supé-
rieures et de recherchesen management, à Bruxel-les. Connu pour être unproche de Jacques-LouisLions, il y a fort à parierque le nouveau directeurcontinuera sur la lancée de son prédécesseur ettâchera d’accroître les coo-pérations européennesavec des instituts deniveau comparable. AlainBensoussan est par ail-leurs bien connu aux États-Unis puisqu’il est membrede nombreuses associa-tions de mathématiciensprestigieuses et qu’il y areçu plusieurs prix. Le nou-veau directeur se trouvedonc en territoire connu etce sera, sans aucun doute,un atout pour continuer etamplifier les mutations quel’Inria doit envisager et quisont déjà entamées. Nuldoute que ce fort enthème saura résoudre leséquations complexes quel’institut ne manquera pasde lui poser
■ AB & PG
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA - NO 18 - 7 MAI 2OO7
Le 6 janvier 1984 – C’estaujourd’hui qu’est crééeofficiellement la premièreentreprise issue de l’Inria,Simulog. Son directeur géné-ral Christian Saguez, épaulépar Dominique Bégis qui diri-geait le célèbre club Modulef,parie sur le fait que les hommessont le meilleur vecteur detransfert de savoir et que l’es-prit d’innovation des cher-cheurs pourra s’exprimer plei-nement dans un contexteconcurrentiel.Les transferts de technologiesont souvent décevants et ils’avère très difficile de conser-ver la dynamique d’une équipede recherche en se contentantde transférer ses résultats à uneentreprise qui les appliquerait.La création de clubs commeModulef a permis à l’Inria defaciliter l’apparition de tellesdynamiques. Cette solutionreste cependant limitéelorsqu’il s’agit de porter un pro-jet réellement innovant impli-quant fortement les acteurs surun objectif précis. Aller plusloin nécessite de créer desentreprises chargées de déve-
lopper et commercialiser lesinnovations issues de cesrecherches. Alors que le simplefait d’accoler les termes d’en-treprise et de recherche publi-que dans une même phraserelève déjà du blasphème pourcertains, on imagine à quelpoint l’idée qu’un organismede recherche public puissedevenir entrepreneur ne pou-vait que relever du tabou.La loi du 15 juillet 1982 créantles EPST (établissements pu-blics à caractère scientifique ettechnologique) a facilité lemouvement d’une rechercheplus tournée vers la « réalité »économique et a considérable-ment changé la donne enouvrant la possibilité, pour cesacteurs essentiels de la politi-que d’innovation, de créer desfiliales. Le président de l’InriaJacques-Louis Lions, qui abeaucoup contribué à cetaspect de la loi en tant queconseiller du Premier ministreLaurent Fabius, s’est rapide-ment employé depuis à concré-tiser sa volonté d’inscrire soninstitut dans une dynamiquede création d’entreprise.
Le premier projet que consti-tue Simulog a rapidement prisforme autour de ChristianSaguez, entré comme cher-cheur à l’Iria en 1972 et occu-pant depuis deux ans le postede délégué aux relations indus-trielles et internationales. Unrepas suffit aux deux hommespour se mettre d’accord surl’idée d’une entreprise dévelop-pant des logiciels de simulationet d’optimisation scientifique.Jacques-Louis Lions sollicite les partenaires de l’Inria et, le domaine étant reconnucomme l’un des points forts desa recherche, il les convaincsans trop de difficulté d’entrerdans le capital de la futureentreprise. C’est ainsi que Fra-matome et Serete participentpour 22,5 % alors que l’institutmise quant à lui 1,275 millionde francs dans l’aventure. Lelogiciel de CAO Blaise, conçuà l’Inria, sera le premier pro-duit commercialisé par Simu-log sous le nom de Basile. Si lesuccès est au rendez-vous, nuldoute que d’autres rejetons del’Inria verront bientôt le jour !
■ AB & PG
L’Inria lancela première filialede l’institut : Simulog
ANNÉE 1984
Et pendant ce temps là...Première sortie dans l’espace de deux astronautesaméricains sans être reliés physiquement à unenavette – Début de l’affaire Gregory en France –Lancement de la première chaîne à péage françaiseCanal + – Catastrophe chimique à Bhopal en Inde– Assassinat d’Indira Gandhi par deux sikhs de sagarde personnelle – Les soviétiques boycottent lesJO de Los Angeles – Assassinat du prêtre polonaisJerzy Popieluszko à Varsovie.
Le nouveau présidentde l’Inria
est un ancien de l’Iria
© ?
© Laurent Francez
Les fondateurs de Simulog devant le gâteau d’anniversaire des cinq ans de l’entreprise.De gauche à droite : Christian Saguez, Duc Duong et Dominique Bégis.
© INRIA / Photo A. Eidelman
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 18 – 6 mai 2007)
« Vous êtes de Nice?Candidatez!»par Alain Dervieux,directeur de recherche, projet Tropics, INRIA Sophia Antipolis
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice enchef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A.Enard, C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (miseen page : P. Laurent, iconographie : L. Calderan)-Tech-noscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro :A. Beltran et P. Griset («Histoire d’un pionnier de l’in-formatique » paru chez EDP Sciences), Rose-MarieCornus, Yannick Le Thiec.
LE SAVIEZ-VOUS ?Mise en place du DNS (Domain Name Server) sur Internet. Jusque-là, il fallait connaître l’adresse numérique
de la machine recherchée ou tenir à jour un unique fichier texte contenant le nom et l'adresse numérique
correspondante de toutes les machines de l'Internet, ce qui est rapidement devenu impossible — Hewlett
Packard commercialise la première imprimante laser : la HP Laserjet. Elle a une résolution de 300 dpi et
coûte 3600 $ — Philips et Sony sortent le CD-Rom.
En 1980, une des vitrines de l’IN-
RIA est sa collaboration en calcul
scientifique pour l’aérodynami-
que avec les Avions Marcel Das-
sault, animée par Roland Glo-
winski et Olivier Pironneau côté
INRIA et Jacques Périaux côté
Dassault. L’une des percées
remarquée du tandem INRIA-
Dassault concerne l’adaptation
des nouvelles méthodes des élé-
ments finis au calcul aérodynami-
que autour d’un avion complet. Il
reste à passer à l’aérodynamique
complexe et notamment à la com-
bustion. Mais Roland Glowinski
pense à une carrière américaine et
réfléchit à la relève. Jacques-Louis
Lions se débat avec les projets
gouvernementaux de décentrali-
sation de l’institut et négocie – à la
place, finalement – la création du
pôle de Sophia Antipolis. Choisi
pour lancer ce nouveau pôle,
Pierre Bernhard est obligé de tra-
verser régulièrement mon bâti-
ment, ce qu’il fait à une telle
vitesse que mon étudiant de l’épo-
que tente de me persuader que
pendant ces courses effrénées des
zones d’écoulement supersonique
se développent derrière les oreil-
les de Pierre…
Par un hasard malicieux, le projet
d’une équipe de calcul scientifi-
que commence à se former lors
d’un voyage de Roland Glowinski
à Stanford. Il est abordé par un
Français, Jean-Antoine Desideri,
un SupAero passé à la Nasa et qui
y a déjà acquis des lettres de
noblesse en aérodynamique
numérique. « Vous êtes de Nice ?
justement nous allons ouvrir un
centre à Sophia Antipolis, Candi-
datez ! », lui répond Roland. Un
jeune major de l’X, Bernard Lar-
routurou, veut lui aussi faire de la
mécanique des fluides numérique
dans le Sud et reçoit la même
réponse de Jacques-Louis Lions :
« Candidatez ! ». À la même épo-
que, je fais part à Pierre Bernhard
de mon souhait de partir dans le
futur centre de Sophia pour y faire
de l’aérodynamique appliquée. Je
lui donne un exemplaire de ma
récente thèse d’état, pavé théori-
que indigeste, dont l’examen ne
manquera pas de l’inquiéter forte-
ment quant à mon intérêt pour les
applications. Il me l’avouera plus
tard… quand il sera rassuré sur ce
péril ! Parallèlement, Roland Glo-
winski et moi rendons visite à une
célébrité de la spécialité, Roger
Peyret du CNRS à Paris VI, qui
quitte Paris pour Nice et est
engagé comme conseiller scienti-
fique de la future équipe. Une
retouche de dernière minute va
mettre un ancien lionceau, Jean
Cea, professeur à Nice, à la tête de
cette équipe. Début 83, les cinq
membres de l’équipe se rencon-
trent à Sophia Antipolis pour un
premier séminaire – certains pour
la première fois ! L’aventure com-
mence.
■ R.-M. C.
Ce qui m’a frappée lorsque je suis arrivée à Rocquen-
court à la fin des années 70, c’est l’ouverture inter-
nationale de l’IRIA. Au départ j’ai partagé mon
bureau avec trois indiens puis ensuite avec deux
espagnols ! Cet environnement très stimulant m’a tel-
lement séduite que j’ai passé les vingt premières
années de ma carrière à l’institut. Vers le milieu des
années 1980, je me suis occupée, aux côtés d’Anne
Schroeder, des relations industrielles de l’institut. J’ai
ensuite dirigé l’UR de Rocquencourt durant plus de
6 ans, jusqu’en 1999. Les relations industrielles m’ont
très vite attirée. Travailler dans le concret convenait
parfaitement à ma nature pragmatique et à mon
envie de sortir de mon domaine de recherche. Il était
par ailleurs plus facile de concilier sa vie profession-
nelle avec une vie de famille.
C’était une époque clé pour les relations industriel-
les. Dans les statuts de l’institut, le transfert tenait la
même place que l’excellence scientifique et cela ryth-
mait toute la vie de l’organisme. Un des premiers
chantiers a été de régulariser les « doubles casquet-
tes » car beaucoup de gens passaient par l’INRIA puis
allaient et venaient dans l’industrie. En particulier, il
a fallu définir un cadre légal à un essaimage déjà
important et demander aux chercheurs de se posi-
tionner : institut ou industrie.
Nous avons également cherché à favoriser la création
d’entreprise en proposant aux chercheurs/entrepre-
neurs d’être hébergés à l’INRIA. La création du club
des start-up date de cette époque également tout
comme le démarrage des groupements d’intérêt
public (GIP). Ces collaborations entre partenaires
publics et privés permettaient la mise en commun de
moyens sur des problématiques ciblées pour une
durée limitée. Par exemple, le GIP SM90, créé en
1983, a rassemblé autour du développement de sta-
tions de travail graphiques une grande variété d’ac-
teurs : BULL, France Telecom/CNET et l'INRIA. Son
ambition était de créer un poste de travail à la fran-
çaise, ce qui, à l’époque des gros ordinateurs de type
Multics, était une idée novatrice. Une de nos préoc-
cupations était de trouver des capitaux pour les start-
up issues de l’INRIA car, à l’époque, il y avait peu d’ai-
des et pas d’incubateurs. Pour que l’INRIA investisse,
il fallait un arrêté interministériel ! Enfin, nous avons
déployé beaucoup d’effort pour instaurer un climat
de confiance et de compétence avec les entreprises,
arriver à faire du gagnant-gagnant sur la propriété
industrielle et intellectuelle. Cela a bien fonctionné
avec Renault par exemple.
■ Y. L. T.
« Pour que l’INRIA investisse,il fallait un arrêté interministériel !»Laure Reinhart,directrice de la stratégie à la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI)
© INRIA / Photo A. Eidelman
Nombre
de machines
connectées
sur internet
en 1984:1024
« L’innovation,c’est une
situation quel’on choisit parce
qu’on a unepassion brûlante
pour quelquechose ».
Paul Stevens Job
Le fondateur d’Apple, Steve Jobs,présente l’Apple Macintosh
au public en 1984.L’ordinateur possède une interface
graphique et se présentelui-même en disant
«Hello, I am Macintosh and I am gladto be out of that bag»
© L.R.
Le décret n°85-831 du 2 août 1985 fait de l’Inria un établissement public national à caractère scientifiqueet technologique (EPST) placé sous la double tutelle du ministre chargé de la recherche, Hubert Curien
(à gauche), et du ministre chargé de l’industrie, Édith Cresson (à droite).
Désormais, l’Inria est sous
une double tutelle, celle
du ministère de l’Industrie
et celle du ministère de
la Recherche, ce qui marque
un certain retour à une poli-
tique industrielle, même si
l’histoire de ces deux minis-
tères est remarquablement
imbriquée. Le ministère de
la Production industrielle,
apparu peu avant la guerre,
réunissait certaines fonc-
tions des ministères du
Commerce, des Travaux
publics et de l’Industrie dont
le rôle a été fondamental au
moment des pénuries puis
surtout du dirigisme indus-
triel qui marqua l’après-
guerre et les années 1960.
Avec l’arrivée de la gauche
au pouvoir en 1981, le projet
industriel reprend vigueur,
avec en particulier la créa-
tion d’un grand ministère de
l’Industrie, de la Recherche
et de la Technologie en
1982.
Les racines du ministère de
la Recherche remontent
quant à elles à l’époque du
Front populaire, en 1936,
avec la création d’un sous-
secrétariat à la recherche
scientifique confié à Irène
Joliot-Curie puis à Jean Per-
rin. En 1954, sous la IVe
république, un secrétariat
d’État à la recherche scien-
tifique et au progrès techni-
que apparaît. Son action est
relayée par le colloque de
Caen en 1956. La Ve républi-
que gaullienne crée de
nombreuses entités pour
développer la recherche et
l’on sait que l’Inria en est un
célèbre exemple. L’arrivée
de Valéry Giscard d’Estaing
aux fonctions de président
de la république unit pour la
première fois l’industrie et
la recherche sous la hou-
lette de Michel d’Ornano.
En 1981, recherche et tech-
nologie – puis recherche et
industrie en 1982 – passent
sous la responsabilité de
Jean-Pierre Chevènement
qui sera à l’origine de la poli-
tique de la filière électroni-
que et de la loi d’orientation
de la recherche. Toutefois,
après juillet 1984 et suite à
un retournement de politi-
que, industrie et recherche
ne sont plus placées sous la
même autorité, même si les
passerelles existent tou-
jours comme en témoigne
le fait que l’Inria soit désor-
mais sous les auspices –
que d’aucun espère favora-
bles – de la rue de Grenelle
et de la rue Descartes. ■ AB & PG
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA - NO 19 - 14 MAI 2OO7
Le 2 août 1985 – La modi-fication de statut de l’Inriaest enfin consommée.Depuis ce 2 août, l’institut arejoint la liste des autres éta-blissements publics à caractèrescientifique et technologique(EPST). Dès 1982, il apparais-sait en effet que le CNRS etl’Inserm ne bénéficiaient pasd’un statut adapté à leurs be-soins. Le statut d’EPST, c’est-à-dire une personne morale dedroit public dotée de l’autono-mie financière, fut donc appli-qué d’abord au CNRS, puis àl’Inserm, à l’Inra, etc. et finale-ment à l’Inria cette année.Certains établissements n’ontqu’une seule tutelle (pour leCNRS, le ministère de la Re-cherche), d’autres deux tutel-les (l’Inserm par exemple avecla Recherche et le ministère dela Santé). Toujours est-il quece changement attendu de-vrait donner à l’Inria des possi-bilités nouvelles tant de déve-loppement que de valorisationde ses recherches.La loi 82/610 du 15 juillet1982 a changé profondémentle paysage scientifique de notre
pays. Pour nos lecteurs qui nesont pas accoutumés à la lec-ture du Journal officiel, il n’estpas inutile de rappeler que cetexte, émanation de la volontéde la nouvelle majorité politi-que, se veut une rupture et unnouvel élan pour promouvoirune grande politique de re-cherche et d’essor industrieldans notre pays. Dès son arti-cle 1er, il est en effet déclaré :« La recherche scientifique etle développement technologi-que sont des priorités nationa-les. » Certains commentateursont vu dans ces affirmations unretour à la politique gaulliennedes années 1960 qui a mis l’ac-cent sur des secteurs de pointecomme le nucléaire, l’espaceet, bien entendu, « le Plancalcul ». Vingt ans plus tard,cette inflexion volontaristemarque encore la physionomiede notre recherche publique.La loi de 1982 va plus loin parcertains aspects puisqu’elle ainscrit noir sur blanc unniveau de dépenses de recher-che, soit 2,5 % du produit in-térieur brut, afin de « favoriserl’accroissement des connais-
sances, la valorisation des ré-sultats de la recherche, la dif-fusion de l’information scien-tifique et technique et la pro-motion du français commelangue scientifique ». Élémentfondamental pour l’avenir, l’ar-ticle 19 stipule que les EPSTsont autorisés à prendre desparticipations ou à constituerdes filiales. Enfin, elle a égale-ment mis en avant des pro-grammes mobilisateurs dontcertains, comme la maîtrise dela filière électronique, concer-nent directement l’informati-que : matériaux et composants,électronique professionnelle(télécommunications, spatial,médical), électronique grandpublic (audiovisuel, automo-bile...), infor-matique (micro-informatique, bureautique etgros calculateurs, logiciel), au-tomatisation et banques dedonnées. Un programme des-tiné à créer un mouvement vi-goureux dans l’ensemble de lafilière et dans lequel l’Inriapourra donner sa pleinemesure.
■ AB & PG
L’Inria, avant-dernierétablissementà devenir un EPST
ANNÉE 1985
Et pendant ce temps là...Mikhaïl Gorbatchev devient secrétaire général du particommuniste de l’URSS – Signature des accords deSchengen abolissant les contrôles aux frontières com-munes entre les états signataires – Drame au stade duHeysel (Bruxelles) pour la finale de la coupe d’Europedes clubs champions – En France, première campa-gne pour les restos du cœur lancée par le comiqueColuche – le Général Audran, responsable des affai-res internationales du ministère de la Défense, estabattu par Action directe.
Deux tutellespour une politique
© Ministère de la recherche © Minéfi / Sircom
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA (no 19 – 14 mai 2007)
« La transformationde l’institut n’a pas étéun long fleuve tranquille »par Vincent George,secrétaire général de l’INRIA de 1980 à 1996
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice enchef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A.Enard, C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (miseen page : P. Laurent, iconographie : L. Calderan)-Tech-noscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro :A. Beltran et P. Griset («Histoire d’un pionnier de l’in-formatique » paru chez EDP Sciences), Vincent Coro-nini, Yannick Le Thiec.
LE SAVIEZ-VOUS ?Commodore présente l’Amiga 1000, une machine multitâches, munie d’une interface graphique (le Workbench)
capable d’afficher des images en 4096 couleurs, d’afficher plusieurs résolutions différentes sur des parties de
l’écran et de jouer du son digitalisé en stéréo sur 4 canaux — Microsoft lance son logiciel de traitement de texte
Word et la première version du tableur graphique Excel pour Macintosh — Lancement du CDRom.
Dès l’été 1979, Jacques-Louis
Lions, futur président de l’INRIA,
m’a demandé de devenir secré-
taire général de l’institut. Se qua-
lifiant lui-même de « fanatique
d’organisation », son idée était de
mettre en place une gestion effi-
cace sans pour autant renoncer à
la « hiérarchie souriante » qui
caractérisait l’organigramme de la
direction. Cette époque a été mar-
quée par des événements
majeurs : la dissolution de l’IRIA,
la décentralisation de l’institut
avec la création des unités de Ren-
nes et de Sophia, le passage au
statut d’EPST, les plans successifs
de fonctionnarisation, etc.
C’est un décret en Conseil d’État
qui a transformé l’INRIA en EPST
en 1985. Le changement de statut
s’est matérialisé tardivement car
les ministères ont commencé par
les plus gros établissements,
CNRS en tête, avant de s’intéresser
à l’INRIA. Mais dès le début des
années 1980, nous avions adopté
un protocole de gestion moins
lourd, qui préfigurait les statuts à
venir. Le contrôleur financier de
l’époque estimait qu’à trop
contrôler, on ne contrôlait rien !
En homme avisé, il avait donné de
larges délégations à l’agent comp-
table et à l’ordonnateur. En deve-
nant EPST, nous avons bénéficié
de nombreuses facilités de ges-
tion, notamment la globalisation
des crédits des unités de recher-
che et une responsabilisation
accrue des directeurs d’UR. Précé-
demment, les comptes étaient très
cloisonnés, chaque transfert d’un
compte vers un autre nécessitait
une validation en conseil d’admi-
nistration : environ 500 décisions
modificatives provisoires du bud-
get étaient ainsi signées chaque
année ! Le gain de souplesse a été
considérable.
Mais la transformation de l’insti-
tut n’a pas été un long fleuve tran-
quille. Nous avons dû faire face à
de nombreuses situations de crise
avec les personnels. Je me sou-
viens même avoir été (gentiment)
séquestré une soirée dans mon
bureau par des représentants syn-
dicaux réclamant le retour à Roc-
quencourt d’une personne
malencontreusement affectée
auprès de l’Adi, au 37e étage de la
Tour Fiat à La Défense alors
qu’elle était sujette au vertige ! De
même, les premiers conseils d’ad-
ministration se sont déroulés dans
des lieux tenus secrets jusqu’à la
dernière minute afin d’éviter l’en-
vahissement de la salle par des
manifestants qui, il est vrai, man-
quaient alors de visibilité sur leur
avenir. Mais au-delà des difficul-
tés rencontrées, je retiens finale-
ment, qu’ensemble, nous avons
réussi la mutation de l’INRIA.
■ Y. L. T.
J’ai rejoint le projet Cyclades en
septembre 1975 comme scientifi-
que du contingent. Suite à l’inci-
dent qui avait immobilisé le calcu-
lateur central de Rocquencourt
pour plusieurs mois (voir Code
source n° 9), l’équipe Cyclades
mettait en place un service d’ac-
cès à distance au centre de calcul
de Grenoble qui disposait aussi
d’un Iris 80. Mon premier travail
a consisté à développer un sys-
tème d’analyse et de visualisation
des flux d’activité de ce service.
L’Iris 80 a très vite été remplacé
par un calculateur Multics suffi-
samment puissant pour offrir un
accès en temps partagé à un grand
nombre d’utilisateurs simultané-
ment. À la même époque, la direc-
tion des moyens informatiques,
nouvellement créée par Jacques-
Louis Lions, s’est engagée dans le
développement de systèmes indi-
viduels et d’une infrastructure de
communication pour l’accès et le
partage des moyens de traite-
ment. Son travail s’appuyait sur la
concertation avec les projets et
services, et c’est en tant que cor-
respondant du projet Chorus que
j’ai participé aux travaux de spéci-
fication des systèmes de connec-
tivité. Les discussions, voire les
disputes, n’étaient pas rares entre
utilisateurs lorsqu’il fallait attri-
buer des connexions en fonction
du déploiement envisagé (bâti-
ment, projet, bureau, etc.) !
Tout au long des années 1980 les
équipes des moyens informati-
ques ont mis en œuvre des systè-
mes de communication en réseau
permettant de mailler finement
les bâtiments et de fournir le haut
débit. En particulier le remplace-
ment, dès 1982, des boîtiers de
connexion télématique par le
réseau X25 privé de Ouest stan-
dard télématique (OST) simplifia
la connexion filaire. Cette période
d’émergence mondiale des tech-
nologies de l’information et de la
communication a été activement
vécue par l’INRIA, par ses recher-
ches mais également par ses expé-
rimentations, améliorations, vali-
dations, recommandations et
utilisations des nouvelles techno-
logies !
C’est également au cours de cette
décennie que le projet d’informa-
tisation des services, lancé dès
1986 suite à une première expé-
rience réussie au sein du service
des relations extérieures par Phi-
lippe Le Puil, a permis de rattraper
le décalage visible avec les envi-
ronnements de travail de la
recherche.
Basculer vers les réseaux a été pas-
sionnant. Cela a aussi ouvert la
voie aux créations d’entreprises
issues de l’INRIA. Par exemple,
Chorus, le projet sur les systèmes
opératoires répartis animé par
Jean-Serge Banino, Hubert Zim-
mermann, Marc Guillemont,
Gérard Morisset et moi-même, a
donné naissance à Chorus Sys-
tems avec le renfort de Michel
Gien (projet pilote Sol). Mais voilà
qui mène à l’aventure Unix, linux
et du logiciel libre... ■ V.C.
« Les discussions, voire les disputes,n’étaient pas rares lorsqu’il fallaitattribuer des connexions »par Alain Caristan,directeur technique de l’Afnic
© INRIA / Photo A. Eidelman
Nombre
de machines
connectées
sur internet
en 1985:1961
« Essayez mon logiciel, diffusez-le librement. »A. Fluegelman, programmateur de San Francisco, invente le freeware.
Le robot V80 de Renault pouvait soulever 80 kg avec une accélération de 2 G!
Il était très dangereux et donc en cage (il avait transpercé une cloison au bâtiment 13
avant d’être déplacé au 24). Il s’agissait pour les équipes de François Germain – à l’ori-
gine de l’achat du robot – et d’Olivier Faugeras de rendre ces robots capables de s’adap-
ter à un environnement variable. Les logiciels de Nicholas Ayache (à droite) réalisaient la
reconnaissance d’objets disposés en vrac grâce à une caméra (image 2D sur l’écran) et
les logiciels de Jean-Daniel Boissonnat (à gauche) pilotaient le robot pour qu’il saisisse
délicatement ces pièces. Tout était automatique mais il n’était pas question de rester dans
la cage pour corriger les derniers bugs : Nicholas a le doigt sur le bouton d’arrêt d’ur-
gence ! La démo a eu beaucoup de succès et est même passée au JT. François Germain
et George Kryze ont aussi développé le capteur 3D qui a joué par la suite un rôle clé dans
l’approche géométrique de la vision par ordinateur du projet Robotvis.
© INRIA / Photo J. Wallace
© INRIA / Photo R. Rajaonarivelo
Dans le cadre du projet Eureka Prometheus, des techniques d’interprétation routièressont à l’étude à l’INRIA Sophia Antipolis, en collaboration avec l’INRIA Rennes
et les universités de Compiègne et de Clermont-Ferrand.
La création du Chaos Com-
puter Club en Allemagne
au début de cette décennie
avait montré que les
réseaux pouvaient être la
cible d’actions inamicales.
Les événements
dont l’Inria est la
victime depuis
quelques mois
en est une illus-
tration. Tout a
commencé à la
fin du mois de
mars dernier avec la pre-
mière intrusion réalisée par
des inconnus – Hackers,
crackers, pirates selon le
nom qu’on leur donne –
sur l’ordinateur Multics du
centre de calcul vectoriel
pour la recherche à l’Inria.
Dès le lendemain, l’ordina-
teur Cray était piraté à son
tour, suscitant une inquié-
tude tempérée par les
résultats de l’enquête
révélant que rien n’était
endommagé. La volonté
de se faire remarquer sem-
ble en effet être le principal
ressort des pirates qui
trouvèrent alors spirituel de
laisser pour tout message :
« Le Cray est momentané-
ment remplacé par un Sin-
clair ZX 81 » !!!
La révélation par la presse
de ces incidents a malheu-
reusement encouragé les
imitateurs qui ont ensuite
chercher à s’introduire sur
le réseau de l’institut via
Transpac. Depuis le début
de l’été, les tentatives d’in-
trusion se multiplient et
ont même entraîné l’arrêt
du Cray, perturbant de la
sorte très gravement le tra-
vail des chercheurs.
Les responsables du cen-
tre de calcul ont
rappelé que le
respect scrupu-
leux des procé-
dures de sécu-
rité est seul à
même de pro-
téger les utilisa-
teurs. Les caractéristiques
techniques des comptes
doivent rester strictement
confidentielles et les mots
de passe, qui ne doivent
pas rester en mémoire sur
les ordinateurs, doivent
être changés régulière-
ment. Par mesure de pré-
caution, le Cray a été
arrêté le week-end dernier.
Ce type d’affaire s’est
généralisé comme l’a sou-
ligné, il y a trois ans, l’ar-
restation aux États-Unis du
pirate Kevin Poulsen,
connu sous le pseudo-
nyme de Dark Dante, et
l’apparition des premiers
virus sur les PC en 1984.
Ce phénomène ne doit pas
être pris à la légère. Il n’y a
là rien de folklorique pour
la direction de l’INRIA qui a
d’ailleurs décidé de pren-
dre les dernières intrusions
très au sérieux, en dépo-
sant plainte contre X au tri-
bunal de grande instance
d’Evry. ■ AB & PG
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA - NO 20 - 21 MAI 2OO7
Le 3 janvier 1986 – Le pro-jet Eurêka, proposé par laFrance, a été lancé au coursde la conférence intergou-vernementale qui s’esttenue le 5 novembre der-nier à Hanovre, en Alle-magne, et qui réunissait dix-neuf participants : laCommission et les représen-tants de 18 états européensdont la Turquie qui siégeaitpour la première fois dansce genre d’assemblée. Lacrainte d’un fossé technologi-que croissant avec les États-Unis et le Japon est en effet aucentre des préoccupations et leprojet Eurêka incarne lavolonté de l’Europe d’agir encommun pour renforcer sacapacité industrielle et s’impo-ser sur le marché face auxautres grandes puissances.Une telle politique de coopéra-tion scientifique et technologi-que a déjà été amorcée par lacréation de structures intergou-vernementales comme le Cern,à Genève, et l’agence spatialeeuropéenne qui sont indénia-blement des réussites. Mais unprojet comme l’Euratom, né en
même temps que la Commu-nauté européenne et qui devaitpermettre à l’Europe des Six dese doter de l’énergie nucléairepacifique n’a pas donné lesmêmes satisfactions. Le biland’un quart de siècle d’activitéest bien faible car le « chacunpour soi » a dominé, sauf peut-être dans le domaine de lafusion qui reste de la rechercheà très long terme.Le projet Esprit, lancé en 1984et financé pour moitié par laCommunauté européenne,voulait déjà lancer l’Europedans la construction des ordi-nateurs de la cinquième géné-ration (il existe des projetsidentiques pour les télécommu-nications) mais il ne vise pasdirectement le marché. Sur ceplan, Euréka affiche donc unegrande ambition technologiqueen ayant pour objectif d’accroî-tre la productivité et la compé-titivité des industries et deséconomies nationales euro-péennes par le renforcement dela coopération entre les entre-prises et les instituts de recher-che en hautes technologies. Ceplan met l’accent sur six
domaines particuliers : lesmatériaux nouveaux, les lasersde puissance, l’opto-électroni-que et surtout la micro-électro-nique rapide, les supercalcula-teurs et l’intelligence artificiellequi intéressent directementl’Inria même si le handicap parrapport aux États-Unis estdevenu important. Un pro-gramme dont le délégué luxem-bourgeois qui se fait l’interprètede tous affirme qu’il demandede dépasser les « frontièresmentales » pour penser euro-péen. Pour un institut commel’Inria, penser européen estsans doute une nécessité maisaussi une pratique. Il est clairen tout cas que le nouveau pré-sident de l’institut, Alain Ben-soussan, insistera dans les moisqui viennent sur toutes les for-mes de coopération euro-péenne. À commencer, bienentendu, par les programmesEurêka qui sont du ressort del’institut, comme Prometheusqui devrait réunir dès cetteannée un gigantesque consor-tium sur le thème du véhicule« intelligent ».
■ AB & PG
Eurêka pour dépasserles égoïsmes nationaux
ANNÉE 1986
Et pendant ce temps là...Lancement de la première chaîne généraliste privée française LaCinq – La station orbitale russe MIR (paix en russe) s’installe dansl’espace – Après la victoire de la droite aux élections législativesle 16 mars, le président François Mitterrand nomme JacquesChirac Premier ministre.
Le pirate informatique,un nouvel acteurincontournable ?
© INRIA
Le Multics en proieaux attaques des pirates
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA(no 20 – 21 mai 2007)
« J.-L. Lions voulaitcontribuer au plan Fabiusen créant une nouvelleunité de rechercheen Lorraine »par Jean-Paul Haton,professeur à l’université Henri Poincaréet à l’institut universitaire de France
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice enchef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A.Enard, C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (miseen page : P. Laurent, iconographie : L. Calderan)-Tech-noscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro :A. Beltran et P. Griset («Histoire d’un pionnier de l’in-formatique» paru chez EDP Sciences), Véronique Poi-rel, Céline Sortais.
LE SAVIEZ-VOUS ?La société Thinking Machines commercialise le premier super ordinateur massivement parallèle, la Connection
Machine CM-1, pouvant comporter jusqu’à 65 536 processeurs ! La machine reconfigure les connexions inter-
nes entre les processeurs pour résoudre un problème donné. L’inconvénient de cette architecture est, bien
sûr, l’extrême complexité de la programmation et de l’optimisation — Lancement du Radio Data System (RDS
qui permet de transmettre des données numériques via les ondes radio ; il est en particulier utilisé par les pos-
tes radiophoniques des véhicules.
Je suis devenu en 1974 le deuxième
professeur d’informatique de la
faculté des sciences avec Jean-
Claude Derniame qui fut ensuite le
directeur du Centre de recherche
en informatique de Nancy (Crin).
Ce laboratoire, commun aux trois
nouvelles universités de la ville et
reconnu Laboratoire associé par le
CNRS, regroupait les enseignants-
chercheurs de cette discipline. Il
n’avait pas de locaux propres et
fondait son unité sur un séminaire
qui avait lieu tous les jeudis après-
midi sous la direction de Claude
Pair, son premier directeur. Il n’en
était pas moins l’un des grands
laboratoires français en informati-
que.
En 1981, dans le cadre du plan
Fabius destiné à développer les
hautes technologies en Lorraine
pour sauver la sidérurgie, j’ai reçu
un coup de fil de J.-L. Lions : il vou-
lait contribuer à ce plan en créant
une nouvelle unité de recherche en
Lorraine adossée au Crin. L’année
suivante, Jean-Marie Proth s’est vu
confier la direction de l’unité, avec
comme assistante Brigitte Pierrard,
et je suis devenu le premier prési-
dent du comité des projets. J’ai été,
en quelque sorte, la cheville
ouvrière des projets qui se sont
montés par la suite et qui étaient
issus en quasi-totalité du Crin. Les
six équipes Maia, Parole, Cortex,
Orpailleur, Merlin et Langue et dia-
logue sont nées de l’équipe Recon-
naissance des formes et intelli-
gence artificielle (RFIA) que j’avais
créée à l’université. L’intelligence
artificielle représente aujourd’hui
environ la moitié des thématiques
de recherche du Loria, tout ce qui
touche à l’imagerie, la fouille de
données, etc. !
L’UR a emménagé dans les locaux
du château du Montet. La co-
direction par le Crin et l’INRIA n’a
pas été facile car nous avions des
activités très proches et toutes les
équipes – comme aujourd’hui –
étaient des projets mixtes. Nous
avons bénéficié de l’image d’excel-
lence ainsi que de la structure et du
mode d’organisation de l’INRIA,
mais l’institut est arrivé avec très
peu de forces vives : Jean-Marie
Proth puis François Charpillet et
Michael Rusinowitch. Les moyens
financiers sont venus ensuite.
C’était bizarre car nous débau-
chions l’industrie (Sollac, IRSID)
tout en conservant de bonnes rela-
tions avec nos partenaires…
Un moment important a été la
construction de la tranche B des
bâtiments car, jusque là, nous
étions entassés dans les bâtiments
du 1er cycle de la faculté des scien-
ces. RFIA était dans une partie du
5e étage, en vase clos. Nous avons
eu la chance, contrairement à
d’autres laboratoires, de ne pas
éclater. Nous y avons gagné en visi-
bilité. ■ V. P.
Le 2 août 1985 le statut de l’INRIA
évolue, il devient un EPST. C’était
le résultat d’un long travail en
amont et cela a créé une véritable
effervescence au sein de l’établis-
sement. Une des conséquences
importantes de ce changement de
statut fut l’intégration des person-
nels contractuels dans les grilles
de la fonction publique sans avoir
à passer un concours au préalable.
Bien que délicat à gérer, ce glisse-
ment s’est plutôt bien passé. Les
personnels étaient contents d’in-
tégrer la fonction publique.
J’étais à cette époque l’assistante
de Maurice Robin qui, de respon-
sable du service des relations
internationales, fut nommé direc-
teur de l’unité de recherche de
Rocquencourt.
Pendant ce temps, le travail des
assistantes de services ou de
projets évoluait avec l’arrivée
des premiers micro-ordinateurs
« Macintosh ». Avant cela, nous
travaillions sur les machines IBM
à boules – les premières machines
électriques – amélioration ma-
jeure pour les assistantes qui sai-
sissaient les manuscrits scientifi-
ques qui comportaient de
nombreuses formules mathémati-
ques. Exercice, néanmoins fasti-
dieux, puisqu’il fallait changer de
boule très souvent, selon que l’on
tapait du texte ou des formules
mathématiques, mais c’était déjà
un réel progrès. L’arrivée des pre-
miers micro-ordinateurs a été éga-
lement l’occasion de nous former
sur de nouveaux outils, tels que le
traitement de texte, tableur, mais
aussi d’apprivoiser une souris que
l’on n’arrivait pas toujours à maî-
triser.
En 1986, Maurice Robin est
nommé directeur adjoint de l’IN-
RIA. Il fut remplacé par Anne
Schroeder à la tête de l’UR de
Rocquencourt qui connaissait
alors une très forte croissance en
termes d’effectifs. Une dizaine
d’années plus tard, j’ai rejoint le
service des relations industrielles
de l’unité de recherche de Rennes,
qui était alors dirigée par Jean-
Pierre Banâtre. ■ C.S.
Les personnels étaient contentsd’intégrer la fonction publiquepar Chantal Le Tonquèze,relations industrielles, INRIA/Irisa Rennes.
© INRIA / Photo C. Lebedinsky
Nombre
de machines
connectées
sur le pré-internet
en février 1986:
2308
en novembre 1986:
5089
« Pour 1,265 millions de francs HT, vous disposezd’une unité centrale avec 512 Ko de mémoire
et d’une unité de disque de 67 Mo »Publicité de Digital parue dans Le Monde informatique en 1982.
Gaston est arrivé au Loria grâce à Jean-Paul
Haton. Ce robot Nomad 200 était utilisé comme
plateforme expérimentale pour tester les modèles
développés au sein du projet Syco : fusion de cap-
teurs, raisonnement temporel et temps réel, pla-
nification d’actions, apprentissage et réseaux
neuro-mimétiques. © INRIA / Photo A. Eidelman
© INRIA / Photo J. Wallace
L’équipe d’Ilog dans leurs locaux de l’avenue Galliéni à Gentilly, avec Jérôme Chailloux, Catherine Granger,Matthieu Devin, Manuel Montalban,Antoine de Montgareuil, Pierre Haren et Odile Chénetier
comme anciens de l’Inria.
Pierre Haren agé de 34 ans
est le numéro un de l’en-
treprise. X-Pont, il a débuté
sa carrière au ministère
français de la Mer où il
a contribué à la création
de l’Ifremer. On dit qu’il
n’hésitait pas à tester lui-
même certains équipe-
ments scientifiques en
plongée sous-marine… Il
rejoint l’Inria en 1983 après
un doctorat passé au MIT.
Il y dirige le projet Smeci
consacré aux systèmes
multi-experts. Ce sont ses
qualités de gestionnaire de
la recherche associées à sa
parfaite connaissance de
l’informatique telle qu’on la
pratique dans le domaine
de l’intelligence artificielle
qui ont amené Alain Ben-
soussan, président de la
nouvelle filiale, à lui confier
la direction d’Ilog.
À ses côtés, Jérôme Chail-
loux, le père du langage de
programmation Le-Lisp, le
produit phare d’Ilog, est
entré à l’Inria sur les traces
du projet de conception
automatique de circuits
VLSI dirigé par Jean Vuille-
min. Il s’investit très rapi-
dement dans un projet
visant à développer un sys-
tème Lisp opérationnel
destiné au monde de la
recherche. Le langage Le-
Lisp est ainsi à la fois
un outil de travail et un
outil de recherche. Bien
que très sollicité par les
entreprises américaines,
Jérome Chailloux a désiré
rester en France. Grâce à
Usenet, il reste néanmoins
connecté en permanence
à une communauté de
recherche très internatio-
nalisée et il avoue passer
deux heures chez lui cha-
que soir sur son ordinateur
personnel pour répondre à
son courrier électronique.
Nul doute que les qualités
complémentaires des
deux chercheurs mettront
Ilog sur la voie du succès.
La démarche des deux
hommes souligne bien la
capacité d’adaptation des
chercheurs de l’Inria et leur
disponibilité lorsqu’il s’agit
de s’investir dans des
aventures industrielles. Si
toutefois celles-ci restent
en prise directe avec la
recherche ■ AB & PG
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA - NO 21 - 28 MAI 2OO7
Le 7 avril 1987 – Tournantimportant pour l’informa-tique française, l’institutnational de recherche eninformatique et en automati-que (Inria) crée sa premièrefiliale Ilog. Cette jeune entre-prise pénètre un marché radi-calement neuf – celui de l’in-telligence logicielle dont elletire d’ailleurs son nom – grâceà des années d’investissementde l’Inria dans le domaine deslangages. Le lancement du pro-gramme Formel par GérardHuet au début de cette décen-nie avait fait de l’Inria unacteur majeur dans ce domaineà l’échelle internationale. Laréalisation du langage Caml ena été un premier aboutisse-ment. Dès lors les industrielsréclamèrent à l’institut d’in-dustrialiser les logiciels issus deces programmes de recherche.Cette pression s’est récemmentaccentuée en raison de la noto-riété mondiale acquise par lelangage Le-Lisp élaboré parJérome Chailloux. Alain Ben-soussan a jugé qu’il était tempsde prendre place sur ce marché
de l’intelligence logicielle enpleine croissance mais large-ment dominé par des sociétésnées sur les campus américains.L’Inria est l’actionnaire majori-taire de la jeune entreprisedotée d’un capital d’un millionet demi de francs. Dirigée parPierre Haren et Jérome Chail-loux, elle orientera ses activitésvers le conseil et la formation,et commercialisera des langa-ges et des environnements spé-cialisés ainsi que des outils dedéveloppement de systèmesexperts. Cinq départementsassureront le développementde l’activité : langages (GregNuyens), environnements Lisp(Mathieu Devin), générateursde systèmes experts (PatrickAlbert et Catherine Granger),conseil (Manuel Montalban)et simulation (Patrice Poyet).Renault, Aérospatiale, EDF-GDF, Bull et Thomson sontparticulièrement intéressés parces nouveaux produits etseront les premiers clientsd’Ilog.Ilog restera néanmoins enétroite relation avec l’Inria et
les synergies qui en résulterontseront précieuses pour laFrance qui doit rester vigilanteen matière de normalisation.On estime en effet que lanorme Common Lisp acceptéepar les industriels américainsn’a pas la précision sémantiquesuffisante et l’Inria entend agirde manière décidée pour queLisp conserve à l’avenir unevéritable qualité scientifique.Pour cela la collaboration avecIlog sera précieuse car elleapportera à l’institut la visiondes industriels clients de safiliale sur ces questions.La création d’Ilog est ainsil’aboutissement d’une logiquede recherche fondamentalepermettant la création d’uneentreprise capable de commer-cialiser des produits parfaite-ment placés sur le marchéinternational. Si de surcroît,comme on l’espère, Ilog versequelques dividendes permet-tant d’améliorer un peu unbudget toujours chiche, larecherche française sera alorsgagnante sur les deuxtableaux ! ■ AB & PG
L’Inria se lance sur lemarché via sa filiale Ilog
ANNÉE 1987
Et pendant ce temps là...Mort de l’artiste Andy Warhol – Premier vol de l’AirbusA320 – Perpétuité pour l’ancien chef de la Gestapo deLyon Klaus Barbie – Le projet de tunnel ferroviaire sousla Manche démarre – Suite au référendum organisé surl’île, la Nouvelle-Calédonie reste française – Signaturedu protocole de Montréal de 29 pays pour la réductionde la production de gaz nocifs pour la couche d'ozone– Les pays du « G6 » signent à Paris les Accords duLouvre, destinés à enrayer la baisse du dollar US et àstabiliser les taux de change – La commission desNations Unies sur l’environnement et le développementpublie le rapport Brundtland intitulé « Our commonfuture » qui propose la définition du développementdurable.
Deux pointuresà la tête d’Ilog
© Ilog
J’ai rejoint l’INRIA fin 80, après la
délocalisation de l’université
expérimentale de Vincennes où je
menais des recherches en intelli-
gence artificielle, notamment sur
des outils de programmation sym-
bolique appliqués aux arts plasti-
ques et à la musique. J’ai été cha-
leureusement accueilli au
bâtiment 8. J’étais chargé de
concevoir une variante du langage
de programmation Lisp (le lan-
gage symbolique réservé à l’épo-
que aux grosses machines) pour
qu’il puisse être porté sur une
grande variété de stations de tra-
vail. Nous l’avons baptisé « Le-
Lisp ». Il a rapidement été utilisé à
Rocquencourt dans le projet de
conception de circuits intégrés
VLSI de Jean Vuillemin, dans les
outils d’aide à la programmation
du projet Croap de Gilles Kahn,
dans les premières versions du
langage Caml développé par
Gérard Huet et sur beaucoup de
sites de l’INRIA, en particulier
dans le projet sur les systèmes à
base de connaissances (Smeci)
dirigé par Pierre Haren à Sophia
Antipolis. De nombreuses person-
nes prirent part au développe-
ment (Jean-Marie Hullot, Mat-
thieu Devin, Jean Vuillemin,
Bernard Serpette, Bertrand Serlet,
etc.) et Le-Lisp devint un système
à base d’objets, intégrant des
bibliothèques graphiques, très en
avance sur son temps.
Dès 1984, les centres de recherche
industriels se sont montrés inté-
ressés pour acquérir des licences
d’exploitation et de portage. Face
à ce succès, en 1985, nous avons
créé « Les mardis du Lisp » qui
réunissaient chercheurs et indus-
triels autour de conférences sur
Le-Lisp. Fin 85, plusieurs centai-
nes de licences avaient été
octroyées. Pierre Haren a été un
des premiers à avoir l’idée de
créer une filiale de l’INRIA dédiée
au calcul symbolique, idée d’em-
blée soutenue par la direction de
l’Institut. Reconnaissons-le, nous
n’étions néanmoins pas très sûrs
de nous. Il nous a fallu toute l’an-
née 1986 pour préciser notre pro-
jet de filiale, que nous avons bap-
tisée Ilog (Intelligence logicielle).
A la fin de l’année, il ne nous man-
quait plus que la signature du
ministre de l’éducation nationale,
Alain Devaquet. Sa démission,
suite à la mort de l’étudiant Malik
Oussekine, a retardé notre lance-
ment de quelques mois, jusqu’au
7 avril 1987. Ilog s’est ensuite
développé très vite. Le mois der-
nier, Pierre Haren, toujours à la
tête d’Ilog a même eu l’honneur
de sonner la cloche du Nasdaq à
New-York pour le vingtième anni-
versaire de l’entreprise et le
dixième anniversaire de son intro-
duction au Nasdaq. ■ I. B.
L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA(no 21 – 28 mai 2007)
« Chaque mois,nous réunissionschercheurset industrielspour des conférencessur Le-Lisp »Jérôme Chailloux,cofondateur d'Ilog
Directeur de la publication : M. Cosnard. Rédactrice en chef : S. Casademont. Comité de rédaction : M.-A. Enard,C. Genest, J. Gramage, A. Garot. Conception-réalisation : Direction de la communication/INRIA (mise enpage : P. Laurent, iconographie : L. Calderan)-Technoscope (F. Breton). Ont collaboré à ce numéro : A. Beltranet P. Griset («Histoire d’un pionnier de l’informatique» paru chez EDP Sciences), Isabelle Bellin, Sabah Khalfa.
LE SAVIEZ-VOUS ?Microsoft lance Windows 2.0, la deuxième version de son interface graphique — Apple tente un procès contre
Microsoft pour avoir copié en grande partie l'interface graphique du Macintosh. Mais Microsoft gagne le pro-
cès car auparavant Apple avait copié les idées du PARC —L’US National Science Foundation démarre NSFnet,
qui deviendra une partie de l’Internet actuel — IBM présente ses PS/2 pour casser le standard du PC et
reconquérir des parts de marché : le nouveau bus de données 32 bits, baptisé MCA, est très performant, mais
surtout protégé par des droits d’auteur — Apple présente une nouvelle gamme au format desktop, les Mac II,
qui offre 6 slots d’extension.
Issu d’une formation d’ingénieur
en Informatique Industrielle, j’ai
découvert l’intelligence artificielle
et l’informatique théorique grâce
aux cours de DEA de Jean-Paul
Haton et de Jean-Pierre Finance.
Je souhaitais travailler sur le rai-
sonnement et je me suis donc
lancé avec J.-P. Haton en 1987
dans une thèse qui avait le cer-
veau comme objet de recherche.
Je souhaitais travailler avec les
biologistes ce qui m’a entraîné sur
des chemins jamais parcourus
auparavant ; c’est ainsi que je me
suis intéressé aux approches sym-
boliques et à leur lien avec les
approches numériques.
Mais les recherches en sciences
du vivant n’étaient pas encore à
l’ordre du jour. C’était un sujet
émergent à l’époque ; nous étions
précurseurs et souvent nous fai-
sions figure de gens pas très
sérieux. Il a fallu de longues dis-
cussions avec Bernard Laroutur-
rou et Gilles Kahn pour les
convaincre de la nécessité de
s’orienter vers le « bioinspiré ».
Grâce à plusieurs autres jeunes
chercheurs de l’INRIA engagés
dans la même démarche, cette
thématique a finalement été rete-
nue par ces deux PDG de l’insti-
tut qui étaient alors respective-
ment président de la commission
d’évaluation et directeur scientifi-
que. Les discussions étaient d’ail-
leurs très enrichissantes car Ber-
nard Larouturrou venait du calcul
scientifique et Gilles Kahn du cal-
cul formel et de la théorie.
Bien qu’a priori très fondamenta-
les, ces recherches ont par exem-
ple eu des applications dans
le domaine de la sidérurgie en
appliquant les réseaux de neuro-
nes aux laminoirs à la fin des
années 1990. Ces travaux conti-
nuent aujourd’hui dans l’équipe
Cortex avec Laurent Bougrain :
Comment mêler le calcul neuro-
nal avec des manipulations de
connaissances explicites ?
Ces thématiques sont peu explo-
rées et attirent des chercheurs
d’autres horizons comme Domi-
nique Martinez ou Thomas Voegt-
lin. Je m’appuie beaucoup sur la
transversalité et j’ai même passé
une maîtrise de psychologie et de
physiologie afin de pouvoir com-
muniquer aisément avec les spé-
cialistes de ces disciplines. Cela
est indispensable pour pouvoir,
par exemple, innover dans le per-
fectionnement des machines de
calculs parallèles en s’inspirant du
vivant. Il faut travailler sur le cal-
cul distribué pour faire évoluer les
processus et les limites physiques
de miniaturisation. Aujourd’hui,
nous travaillons à l’échelle du
neurone et nous cherchons à
comprendre comment cette entité
de base du cerveau s’organise
pour communiquer, travailler,
calculer avec les autres neurones.
Sciences du vivant, calcul numé-
rique et robotique sont étroite-
ment liés. ■ S.K.
« Il a fallu de longues discussionspour faire adopter le bioinspiré »Par Frédéric Alexandre, projet Cortex,INRIA Lorraine
© Ercim
© INRIA / Photo J. Wallace
Jérôme Chailloux et Jean-Marie Hullot testent sur l’ordina-teur Lisa d’Apple la version de Le-Lisp portée par la sociétéACT Informatique (1985). J.-M. Hullot a créé par ailleurs leprogramme SOS Interface, écrit en Lisp. Les droits sur celogiciel ont été rachetés en 1987 par la société NeXTComputer pour laquelle J.-M. Hullot travaillera ensuite etcréera notamment Interface Builder.
© INRIA