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Pierre Pariseau-Legault, Ph.D.(c), LL.M., inf.
Professeur, Université du Québec en Outaouais
Frédéric Doutrelepont, D.Ps.
Professeur, Université du Québec en Outaouais
LIBRE, ÉCLAIRÉ, DOCUMENTÉ
L’OBTENTION DU CONSENTEMENT AUX SOINS EN TANT
QUE CONDITION INDISSOCIABLE DE L’ALLIANCE
THÉRAPEUTIQUE
CONSENTEMENT UN BREF HISTORIQUE
DE LA RECHERCHE…
EN PASSANT PAR LE DROIT !
À LA CLINIQUE.
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CONSENTEMENT DIMENSIONS JURIDIQUES
* La présente réflexion cible le consentement de la personne majeure uniquement et s’inspire des balises juridiques et jurisprudentielles
actuellement établies au Canada et au Québec. Les éléments contenus dans cet article ne constituent ni des conseils, ni des avis légaux : en
aucun cas ils ne pourraient se substituer aux conseils d'un juriste.
MISE EN SITUATION
Gaston est un usager 32 ans, référé à l’infirmière pour antibiothérapie
intraveineuse à domicile à la suite d’une septicémie. Il soigne
actuellement un abcès survenu en raison de l’utilisation de drogues
injectables. En prenant connaissance du dossier, vous notez qu’il est
généralement méfiant au contact de nouveaux intervenants et qu’il est
toujours en phase active de toxicomanie (alcool et héroïne). Lorsque
vous le rencontrez, il est toutefois calme, à l’écoute et semble
comprendre vos explications. Sans le traitement prescrit, il existe un
risque de complication pouvant aller jusqu’au décès.
Quels sont les principaux enjeux à explorer?
Comment allez-vous procéder à vos interventions et à la
validation du consentement aux soins?
Quelles sont les informations que vous allez consigner
dans votre évaluation et votre note d’évolution?
UNE OBLIGATION
DÉONTOLOGIQUE
Art. 40 & 41 du Code de déontologie des Infirmières et Infirmiers du Québec [13]
Par ailleurs, selon l’intervention, le consentement
peut être explicite (i.e. verbal) ou implicite (i.e.
tendre le bras). Il peut être signé, ou non, mais
devrait être documenté dans les notes d’évolution.
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LES SOINS ET TRAITEMENTS
UNE DÉFINITION LARGE
Code Civil du Québec, art. 11 [1]
« […] qu’il s’agisse d’examens, de
prélèvements, de traitements ou de toute
autre intervention … »
LE CAS DE GASTON :
UNE SITUATION FRÉQUENTE
Deux éléments importants doivent être soulignés :
• D’une part, l’état de toxicomanie présenté par l’usager
;
• D’autre part, les problématiques de santé physique
potentiellement urgentes présentées par l’usager
(septicémie, abcès) ;
LE CAS DE GASTON :
UNE SITUATION FRÉQUENTE
En apparence distinctes, ces deux problématiques
sont pourtant interreliées;
1. La toxicomanie de Gaston peut influencer son état
mental et sa capacité à consentir, au même titre
qu’une telle capacité peut varier en fonction du stade
de la dépendance [14] ;
2. La toxicomanie présentée par Gaston peut aussi
influencer le traitement de ses problèmes de santé
physique. [14]
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LIBRE &
ÉCLAIRÉ
Sans crainte
Sans contrainte
Sans menace
Sans pression
LIBRE &
ÉCLAIRÉ
« (le diagnostic) ; la nature du traitement; les
interventions à effectuer; les bénéfices et les
risques associés aux interventions; les
conséquences d’un refus ou d’une non-
intervention; [ainsi que] les autres
possibilités de traitement. » [2]
Sans crainte
Sans contrainte
Sans menace
Sans pression
TOUTE PERSONNE
EST PRÉSUMÉE APTE
Code Civil du Québec, art. 4 [1]
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APTITUDE &
SANTÉ MENTALE
La présence d’une maladie mentale, d’un régime de
protection au même titre qu’une décision déraisonnable
(i.e. opposée à l’opinion du clinicien) ne sont pas
synonymes d’inaptitude.
L’aptitude à consentir à un soin peut varier dans le temps
et selon le soin proposé ! Elle réfère à une décision
précise, dans un contexte précis, sous des conditions
précises et à un moment précis. [3-7, 14]
LES CRITÈRES DE
LA « NOUVELLE-ÉCOSSE »
1. La personne comprend-elle la nature de la
maladie pour laquelle un traitement lui est
proposé ?
2. La personne comprend-t-elle la nature et le but
du traitement ?
3. La personne saisit-elle les risques et les
avantages du traitement, si elle le subit ?
4. La personne comprend-t-elle les risques de ne
pas subir le traitement ?
5. La capacité de comprendre de la personne est-
elle entravée par la maladie ? [8]
APTITUDE &
SANTÉ MENTALE
Un consentement substitué est possible si
la personne est jugée inapte à donner son
consentement ou refuser des soins.
Code Civil du Québec, art. 11 [1]
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APTITUDE
SANTÉ MENTALE
La personne autorisée à consentir de
manière substituée doit agir dans le seul
intérêt de la personne soignée et (si
possible) en respect de ses volontés.
Code Civil du Québec, art. 12 [1]
&
APTITUDE
SANTÉ MENTALE
Le consentement substitué (soins requis par l’état de
santé) est donné par le mandataire, le tuteur ou le
curateur. Si la personne n’a pas de tels représentants,
le conjoint, un proche parent ou une personne
démontrant un intérêt particulier pour la personne
soignée sont aussi autorisés à offrir un consentement
substitué.
Code Civil du Québec, art. 15 [1]
&
APTITUDE
SANTÉ MENTALE
Les soins doivent être bénéfiques malgré la
gravité et la permanence de certains de
leurs effets …
Code Civil du Québec, art. 12 [1]
&
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APTITUDE
SANTÉ MENTALE
Ils doivent être opportuns dans les
circonstances …
Code Civil du Québec, art. 12 [1]
&
APTITUDE
SANTÉ MENTALE
Les risques qu’ils présentent ne doivent pas
être hors de proportion avec les bienfaits
espérés.
Code Civil du Québec, art. 12 [1]
&
UNE EXCEPTION*
« En cas d'urgence, le consentement aux
soins médicaux n'est pas nécessaire
lorsque la vie de la personne est en danger
ou son intégrité menacée et que son
consentement ne peut être obtenu en
temps utile […] » (Code civil du Québec, art. 13) [1]
* En cas de dangerosité grave et immédiate pour la personne ou pour autrui, voir aussi la Loi sur la protection des personnes dont
l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui
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L’AUTONOMIE UN BREF HISTORIQUE
PATERNALISME
CONSUMÉRISME ?
AUTONOMIE
QUELLE PLACE POUR LE CLINICIEN ?
L’AUTONOMIE DIMENSIONS ÉTHIQUES
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QUELLES DIFFÉRENCES ?
• RESPECT DE SA LIBERTÉ ?
• RESPECT DE SES CHOIX ?
(AUTO-DÉTERMINATION)
• RESPECT DE SON AUTONOMIE ?
RESPECT DE LA PERSONNE
JOHN STUART MILL ET
LA LIBERTÉ [9]
QUELLES DIFFÉRENCES ?
Une conception négative de l’autonomie
(la liberté de…) ;
Quels sont les limites à la liberté qui peuvent être
imposées par la société ?
Principe de non-nuisance (aux autres, mais aussi à
soi même).
EMMANUEL KANT ET
L’AUTO-DÉTERMINATION [10]
QUELLES DIFFÉRENCES ?
Une conception positive de l’autonomie (la capacité de…) ;
Une décision moralement acceptable est le fruit d’un libre-arbitre ;
Elle relève de la capacité de se fixer ses propres buts, de s’auto-
gouverner et d’agir selon des principes moraux universels ;
Implique de se respecter soi-même et de respecter par le fait
même toute autre personne.
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AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
AUTONOMIE RELATIONNELLE ?
QUELLES DIFFÉRENCES ?
L’autonomie individuelle fait réfère à l’individu
rationnel, capable de raisonnement et libre de ses
actions (Mais cet individu est-il réellement totalement
indépendant du contexte dans lequel il évolue ?) ;
L’autonomie relationnelle réfère au caractère social et
contextuel de l’autonomie (Mais cela fait-il de l’individu
une personne incapable de raisonnement « rationnel »
?).
AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
RELATIONNELLE ?
Peut-on réellement privilégier une
approche de l’autonomie au détriment
d’une autre ?
Une approche uniquement individuelle de
l’autonomie peut potentiellement créer un
cloisonnement relationnel et laisser l’usager
seul face à ses choix.
AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
RELATIONNELLE ?
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Une approche uniquement relationnelle peut
constituer une menace à la liberté
décisionnelle, ainsi qu’à l’expression du droit
à l’auto-détermination.
AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
RELATIONNELLE ?
Il s’agit d’un double processus, soit une
démarche de négociation intersubjective
(entre plusieurs agents moraux) et une
démarche de négociation individuelle (la
personne face à la maladie).
AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
RELATIONNELLE ?
La démarche de négociation intersubjective
constitue un espace de dialogue entre
l’usager et le clinicien. Elle doit tendre vers
l’équité relationnelle et s’appuyer sur les
compétences cliniques de l’infirmière. [11]
AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
RELATIONNELLE ?
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La démarche de négociation personnelle constitue un
espace expérientiel, formé par ses dimensions
phénoménologiques, sociales et politiques. Doit donner
ouverture à une compréhension plus profonde du
cheminement de l’usager à travers la maladie. Dans le
cas de Gaston, on peut penser que la toxicomanie
impliquera, par exemple, l’adoption d’une approche
orientée vers le changement. [12, 14]
AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
RELATIONNELLE ?
Le rôle du clinicien ? Établir une alliance
thérapeutique, afin de maximiser l’autonomie,
faciliter son acquisition et contribuer à son maintien
(en contexte de maladie physique ou mentale). Cela
requiert de la part du professionnel des qualités à la
fois inter- et intra-personnelles. [11]
AUTONOMIE INDIVIDUELLE OU
RELATIONNELLE ?
DOCUMENTÉ
& LIBRE, ÉCLAIRÉ
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DÉMARCHE CLINIQUE
Pour s’assurer d’établir une relation de confiance favorisant
l’obtention du consentement, le professionnel devrait :
Établir un dialogue adapté à la compréhension de l’usager ;
Lors d’une incompréhension de la personne, s’assurer que
celle-ci est liée à son état mental et non aux explications trop
hermétiques de l’intervenant ;
Créer une relation bidirectionnelle favorisant un échange entre
l’intervenant et l’usager ;
Donner suffisamment de temps à l’usager afin qu’il puisse
formuler ses commentaires et questionnements ;
Rester sensible aux éléments pouvant favoriser la construction
d’un lien de confiance entre l’intervenant et l’usager (i.e. en
invitant un proche à la première rencontre).
ÉVALUATION
Le professionnel pour s’assurer de la validité du
consentement devrait:
Valider la compréhension de l’information transmise
par la mise en place d’un espace de dialogue (i.e.
remplacer « Avez-vous compris? » par « Qu’avez-
vous compris ? ») ;
S’assurer que l’usager possède la capacité de retenir
l’information ;
Valider la capacité d’analyse de l’information
transmise ;
Explorer la capacité d’autocritique ou d’insight de
l’usager, ainsi que sa capacité de jugement ;
S’assurer que l’usager est en mesure d’exprimer
clairement son consentement.
DOCUMENTATION
1. Documenter les constats de l’évaluation de la capacité de l’usager à
consentir, notamment en ce qui concerne ; la capacité de communiquer son
choix ; la capacité de recevoir et de comprendre l’information transmise ; la
capacité d’évaluer la situation ainsi que les conséquences de ses choix ; la
capacité de réfléchir aux différentes options possibles ; la capacité de raisonner
[15-16] ;
2. Cela impliquera que l’infirmière ait transmis les informations minimales
suivantes ; une description du but et de la nature de l’intervention pour laquelle
l’usager consent; les avantages, risques et conséquence de l’intervention et de
la non intervention; l’information sur les autres possibilités d’intervention ou
alternatives ; l’information quant à la possibilité de retrait du consentement ;
3. Documenter les questions posées par l’usager ainsi que les réponses
données par l’infirmière, en plus de décrire les documents remis à l’usager ;
4. Faire état des éléments contextuels pouvant altérer la capacité à consentir,
ainsi que des démarches médico-légales entamées afin de pallier au manque
de capacité et/ou de favoriser un retour à l’autonomie décisionnelle;
5. Documenter la décision de l’usager et ses motifs (consentement/refus).
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RÉFÉRENCES
1. Gouvernement du Québec – Code civil du Québec [Internet]. [cité 3 avril 2015]. Disponible sur :
http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/CCQ_1991/CCQ1991.html
2. Collège des Médecins du Québec. Qu’est-ce que le consentement libre et éclairé ? [Internet]. [cité 17 janvier 2015]. Disponible sur :
http://aldo.cmq.org/fr-CA/GrandsThemes/Consentement/DefConsentement.aspx
3. Cour Suprême du Canada. Starson c. Swayze. [Internet]. [cité 3 avril 2015]. Disponible sur : http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-
csc/fr/item/2064/index.do
4. Cour supérieure du Québec. Hôpital Maisonneuve-Rosemont c. R.D. [Internet]. [cité 3 avril 2015]. Disponible sur :
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5. Cour d’appel du Québec. M.C. c. Service professionnel du Centre de santé et de services sociaux d’Arthabaska-et-de-l’Érable.
[Internet]. [cité 16 janvier 2015]. Disponible sur :
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6. Veilleux AM. Le constat de l'inaptitude à consentir aux soins : par qui et comment [Internet]. [cité 25 mars 2015]. Disponible sur :
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7. Cournoyer I. Autorisations de soin. In. Droit et politiques de la santé, Bourassa-Forcier M , Savard AM (sous la direction de).
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8. Cour d’appel du Québec. Institut Philippe Pinel de Montréal c. A.G. [Internet]. [cité 23 mars 2015]. Disponible sur :
http://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/1994/1994canlii6105/1994canlii6105.html
9. Mill JS. On liberty. New Haven, Connecticut : Yale University Press; 2003, 249p.
10. Kant E. Fondements de la métaphysique des mœurs. Paris, France : Éditions Nathan; 1989, 167p.
11. Atkins K. Autonomy and autonomy competencies : a practical and relational approach. Nursing Philosophy. 2006 ;7(4): 205-215.
12. Van Wolputte S. Hang on to your self : of bodies, embodiment, and selves. Annual review of anthropology. 2004 ; 33(1): 251-269.
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15. Appelbaum PS. Assesment of patients’ competence to consent to treatment. The New England Journal of Medicin. 2007 ; 357(18) :
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sur : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2009/09-914-05F.pdf