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COLLÈGE UNIVERSITAIRE FRANÇAIS DE MOSCOU
ФРАНЦУЗСКИЙ УНИВЕРСИТЕТСКИЙ КОЛЛЕДЖ ПРИ М.Г.У. ИМ. ЛОМОНОСОВА
Entre charité et précarité :
Une association encadrant les sdf moscovites en quête de légitimation
Margarita BALAKIREVA
Mémoire de recherche en sociologie
dirigé par Madame Maud Simonet, chargée de recherche
au CNRS IDHE-Nanterre,
et encadré par Ivan Chupin, enseignant en sociologie au CUF
2013
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PLAN
Introduction ............................................................................................................................3.
Chapitre I. Entre charité et marché : interaction des associations bénévoles sur le marché associatif ...................................................................................................................................................11
Première partie. Trois pierres d’achoppement de la vie associative :
gouvernement, religon, concurrence.......................................................................................12.
Des associations entre concurrence et complémentarité ........................................................13
Fiction politique ou « aide » gouvernementale aux associations............................................18
l’Eglise comme acteur majeur de la vie associative.................................................................21
Deuxième partie. En quête de légitimation : la carrière associative d’une organisation bénévole.....................................................................................................................................26
En perte d’identité : rôle de l’Eglise et combat pour la légitimation........................................27
Champs de concurrences : diverses critiques...........................................................................30
Auto-critique comme moteur de la professionnalisation...........................................................33
Chapitre II. Revers de la fortune : engagement et désengagement des bénévoles
vus à travers les concurrences associatives................................................................................37
Première partie. Recrutement et fonction des adhérents d’une association ..............................38
Organisation du temps et de l’espace, fonctionnement de l’oragnisation.................................38
« Figures » du bénévole : types de participants.......................................................................41.
La division symbolique du travail bénévole...............................................................................44
Deuxième partie. Quand l’amour fait défaut : désengagement des bénévoles...........................51
Faire face aux difficultés : bénévoles et complication des taches..............................................51
Désengagement comme moteur d’auto-promotion....................................................................57
Concurrence interne et stratégies de pression..........................................................................59
Conclusion.................................................................................................................................62
Bibliographie..............................................................................................................................65
Annexe 1. La liste des entretiens................................................................................................69
Annexe 2. Tableaux...................................................................................................................70
Annexe 3. Le sommaire du manuel sur le travail bénévole publié par l’ONU.........................76
Annexe 4. Photos de l’organisation étudiée ..............................................................................77
3
Introduction
Le monde des associations : entre l'enclume et le marteau
En Russie le nombre de sans-abri s’est accru d’une manière considérable après la chute de
l’Union soviétique (à cause des troubles et d’un énorme précarité sociale, du chômage et des
machinations avec l’immobilier), mais aussi après l’abolition de la loi pénale sur la mendicité1
(art. 198 et 209 du Code pénale de RSFSR2). Dès lors la capitale a vu paraître de nombreuses
associations visant à aider la population des plus démunis et, paradoxalement, la politique
étatique n’a subi aucun changement important dans ce domaine depuis les années 1990. De plus,
c’est l’Eglise qui a pris en charge ces couches sociales et les travailleurs religieux s’opposent à
l’action gouvernementale en prônant la primauté de l’Eglise dans les questions de l’aide sociale.
Ainsi, voyons-nous se construire un système de concurrence implicite entre l’Etat et l’Eglise qui
pèse sur le champ associatif.
Aussi avons-nous considéré intéressant de point de vue sociologique d’aborder cette question des
associations qui fonctionnent sous la pression étatique et ecclésiastique et doivent faire face à la
concurrence interne du marché associatif. Evidemment, afin d’obtenir le soutien et des
ressources matérielles ainsi que des biens symboliques les associations doivent se conformer
aux exigences des représentants de l’Eglise, l’Etat ne subventionnant aucunement l’oeuvre
associative bénévole et, pis encore, se révélant parfois répressif vis-à-vis ces organosations. Il est
à constater une position très proche de celle entre l’enclume et le marteau : d’un côté, les
associations sont obligées de louvoyer entre les organismes gouvernemantaux et religuieux, d’un
autre côté, elles cherchent à préserver leur identité associative, leur statut autonome. Tout cette
affaire est aggravée par les concurrences implicites qui surgissent sur le marché associatif entre
plusieurs organisations.
Donc, il nous semble intéressant de comprendre comment les associations arrivent à résoudre
leurs problèmes en gagnant de la crédibilité et du pouvoir symbolique en défiant les contraintes.
En effet, les organisations élaborent certaines stratégies propres à remédier à leur statut précaire,
afin de devenir légitimes (cela veut dire obtenir du poids pour devenir une « troisième force » sur
le marché de l’aide sociale). Ces stratégies-là consistent à réduire la pression des pouvoirs et en
même temps à s’imposer en tant qu’acteur majeur sur le champ associatif. 1 Cette loi réprimait tout vagabondage et toute écorniflerie (parasitisme) dans le pays en renvoyant des mendiants hors de la capitale (à 110 kilomètres de Moscou, ainsi la loi est dite « loi de 110ième kilomètre). 2 La République socialiste fédérative soviétique russe, la Fédération de la Russie actuellement.
4
Néanmoins, la quête de la légitimité (ou dans certains cas, du renforcement des positions déjà
légitimes), qui s’introduit en termes de concurrence ou coopération, peut avoir des conséquences
inattendues sur l’association même, vu les réactions des bénévoles concernant différents
mouvements vers cette imposition sur le marché. Ainsi, allons-nous voir comment les simples
acteurs des organisations influencent et corrigent les stratégies concurentielles.
Mais avant de nous lancer dans le déploiment de la problématique et dans les réflexions sur les
questions à résoudre dans notre travail, il faut voir comment les débats sur les associations ont
été abordés par les chercheurs éminents français ainsi que par leurs collègues russes.
Etat des savoirs : discours français et silence russe
Le discours sur le travail des associations, le bénévolat-volontariat et l’aide sociale est abondant
en France. Chaque oeuvre traitant sur le problème des sdf (sans-abris, sans-logis) revient sur
l’encadrement de la population concernée et les méthodes aiadant à remédier à la précarité
extrême au niveau de l’Etat3. Quant aux travaux expressément didiés aux études des
associations, ils sont aussi différents et assez nombreux4.
Ces derniers temps les chercheurs portent plus d’intérêt sur les problèmes de la concurrence sur
le marché associatif dont les enjeux principaux sont d’ordre financier (financement de l’oeuvre
aossciative par l’Etat provoquant une sorte de gestion financière du monde associatif par le
gouvernement) et symbolique (luttes des positions et quête du statut particulier – de référence,
par exemple). Les concurrences forcent les organisations à s’améliorer afin de devinir plus
performantes et par conséquent plus âptes à concourir pour différents biens. L’amélioration
suppose dans la plupart des cas des stratégies de la reconstruction de l’organisation (de la
structure et des effectifs devenant de plus en plus salariés) et de l’implantation des modèles du
management des bénévoles. Ces actes de la salarisation permettent aux chercheurs de parler du
bénévolat dans les termes de la sociologie du travail et – des organisations comme des
entreprises visant à conquérir le marché. Ainsi la question du bénévolat peut-elle être vue à
diverses échélles – engagement indivudiel (militant, socialisateur au niveau personnel) et
engagement du travailleur dans une compagnie (au niveau plus large, entrant parfaitement dans
les jeux du salariat habituel). Dans notre travail nous avons utilisé des oeuvres portant sur la
3 Ici nous pouvons citer des oeuvres de Dumon (2012), Declerck (2001), Brousse (2008), oeuvre colective sous le direction de Gaboriau et Terriolle (2003), ainsi que nombreux articles consacrés aux études du sans-abrisme. 4 Citons entre autres : Dauvin et Siméant (2002), Havard Duclos et Nicourd (2005), Prouteau (2003), Simonet (2004/1), Hély (2004),Le Crom et Retière (2003).
5
concurrence des associations, notamment de l’oeuvre de M. Hély et M. Simonet (2003).
Pourtant, la littérature française a été repensée par nous, vu les différences du contexte et du
terrain liées aux plusieurs divergences entre la France et la Russie sur les problèmes du travail
social.
D’abord, en Russie il existe peu d’associations qui résolvent d’autres problèmes que l’exclusion
sociale (peu d’organisations bénévoles s’occupent de la formation, de l’écologie, du sport, etc.).
Ainsi, ne parlons-nous que des cas des organisations s’occupant des populations précaires (sans-
abri naturellee,ent) ce qui ne permet pas une plus large analyse du travail associatif en Russie
(faute de moyens de voir d’autres stratégies et en tirer une conclusion plus globale, notre
recherche se voyant réduite à l’étude d’un volet du marché associatif). Ensuite, en France, vu une
longue histoire de la vie asscoiative (établie par la loi 1901) et le caractère indépendant et laic de
l’engagement bénévole, il existe peu de travail étudiant les rapports des associations avec
l‘Eglise. Même s’il y en a quelques uns, il faut souligner que les associations françaises d’ordre
religieux ne se positionnent pas en tant que telles dans leur travail bénévole (elles postulent
même une indifférence complète vis-à-vis la confession des bénévoles5, parce que le travail
social est hors de toute religion). En Russie, l’Eglise joue un rôle majeur dans la mise en place
du travail associatif et la pression des pouvoirs ecclésiastiques est parfois aussi significative que
celle de l’Etat (dans le choix des associations de référence, par exemple). Au fait, les
associations russes ressentent une double contrainte – au niveau extérieur (Etat, Eglise) ainsi que
au niveau inférieur (concurrence entre des associations). Il est à préciser que le travail du type
associatif est toujours mené dans des églises du quartier (école du dimanche, équipe du foot pour
les jeunes, clubs familiaux, etc.).
Vu les différences entre les deux pays, nous avons essayé d’étudier la littérature russe traitant sur
cette problématique, et il s’est révélé que cette question est très peu étudiée en Russie. Il existe
quelques livres pour les travailleurs sociaux (manuels où la question sdf est étudiée sur une
vingtaine de pages), il existe un livre sur les sdf publié par les sociologues de l’Institut de
l’économie de la ville6 qui aborde le problème du sans-abrisme de point de vue méthodologique
(trentes pages sur les aides sociales en forme de vade mecum – quoi faire pour aider les sdf à
obtenir du repas ou à accéder aux services médicaux) et un livre des mêmes sociologues dressant
l’état actuel des chose dans ce domaine (quinze pages sur la politique sociale de l’Etat et les
5 Le Code du bénévolat sur le site de l’organisation orthodoxe MILOSERDIE (La Charité) http://www.miloserdie.ru 6 Kovalenko E. A., Fedorez A. V., Bezdomnost v Rossii: problematika i metodologia izuchenia (Sans-abrisme en Russie : problématique et méthodologie des étdues), Moscou : Fond l’Institut de la ville, 2006. Kovalenko E. A., Strokova E. L., Bezdomnost: est li vikhod? (Sans-abrisme : y a-t-il des solutions ?), Moscou : Fond l’Institut de la ville, 2010.
6
programmes existants). Il faut noter également un livre publié par le diocèse moscovite de
l’Eglise orthodoxe où il est décrit de manière très précise comment organiser un travail social
auprès de l’église, comment mettre en oeuvre des distributions de repas, des douches mobiles et
ainsi de suite, de plus, dans ce livre il est possible de trouver des conseils de tel type : comment
demander des dons, coment écrire des lettres aux puissances, comment faire des certificats
(encore un vade mecum très détaillé et destiné plutôt aux prêtres des paroisses voulant faire « de
bonnes affaires »). Quant aux études sur le travail des associations, il n’en existe aucune7.
Le même problème se pose avec l’analyse des acteurs du champ associatif, à savoir des
bénévoles. En fait, les bénévoles peuvent être vus dans la littérature française de différentes
manières : comme salariés des entreprises investissant à l’épanouissement de l’association (par la
voie de l’acquisition des savoirs spéciaux, par la fidélisation ou l’accéptation de la salarisation ou
de certaines normes et règles) et comme des acteurs indépendants profitant des organisations qui
leur donnent accès aux différents biens symboliques (Gaxie, 1970 ; Hirschman, 1995 ;
Vermeersch, 2004). En fait, il s’agit tout simplement de l’angle sous lequel le problème est
analysé. Dan notre travail nous allons revoir les deux visions des acteurs associatifs dans le
contexte russe et montrer comment les deux approches ne se collent pas si nous essayons d’en
parler dans le cadre des concurrences, les bénévoles étant très souvent contre cette idée de la
légitimation et de transformation en effectifs « non-salariés » (le mécontentement allans jusqu’à
l’abandon de la structure associative). En ce qui concerne le problème des bénévoles, il est à
communiquer qu’aucune oeuvre n’est consacrée à ce problème dans les études russes.
Problématique et questions épineuses
Ainsi, comme nous avons essayé de montrer à travers l’étude brève de la littérature, le problème
des associations peut être aborder à deux niveaux, le niveau des macro-études où les associations
sont prises comme des entités, des acteurs indépendants, et celui des micro-études proposant de
voir les bénévoles en tant que représentants des associations qui réagissent d’une certaine
manière aux stratégies concurentielles.
Dans un premier temps, il est à se demander pourquoi les associations russes cherchent à se
promouvoir sur le champ associatif, quels profits elles en tirent et pourquoi il leur est important
de devenir légitimes. La légitimation a un double enjeu, parce que, primo, elle permet de devenir
plus visible et d’attirer des financements,secudno, parce qu’elle peut aider à garder son 7 En derniers vingt ans il a été écrit 7 thèses sociologiques sur les sdf, dont seulement une traitant sur le travail social avec les sans-abri et une autre – sur le problème de l’encadrement par le gouvernement.
7
autonomie face aux pouvoirs publics et ecclésiastiques. Pourtant, la question de l’argent ne
semble pas être l’enjeu principal, la plupart des moyens provenant de dons privés. Donc, il reste
à apprendre quel est l’intérêt majeur de ce caractère légitime et à quoi il sert. De plus, comme
dans notre parcours sociologique nous avons choisi une association en quête de légitimation, il
sera intéressant de voir comment ce processus s’opère moyennant les critiques de différents
types (étatique, ecclésiastique, associstif) et quelles conséquences ce processus peut avoir sur les
bénévoles travaillant dans l’association.
Donc, l’étude du champ associatif se montre insuffisant sans l’analyse des raisons de
l’engagement et du désengagement des bénévoles dans une association. Pourquoi les bénévoles
viennent-ils dans une association concrèten qu’est-ce qu’ils y cherchent, quel est leur parcours
individuel au sein de cette association ? les raisons de l’engagement une fois apprise, il faudrait
voir les cas du désengagement des bénévoles. En effet, l’abandon du travail bénévole (qui n’est
pas nécessairement total, parce qu’un bénévole peut se réengager sous peu ou dans un temps
certain) peut être lié aux différentes raisons parmi lesquelles sont à citer les changements du
parcours socio-professionnel, d’un côté, et les réactions aux transformations (ou non-
transformation) de l’association, de l’autre côté. Dans notre cas, il est à étudier surtout le dernier
aspect du désengagement et comprendre à quel point les stratégies de la promotion du groupe
associatif contribuent au renoncement à la vie associative de ces membres. Et nous avons ici à
supposer que le rôle des bénévoles doive être compris d’une autre façon. Les bénévoles sont à
analyser pas comme des effectifs de l’entreprise (au macro-niveau), mais comme des clients de
l’organisation (selon la théorie de Hirschman sur les entrepises et les partis politiques). Les
transformations de l’association attirent une autre clientèle, l’ancienne pouvant réagir de
différentes façons – prendre la parole (freiner la transformation) ou quitter le groupe (changer
d’association ou partir pour un certain temps). Ce sont des axes principaux de notre analyse que
nous allons démonrer sous peu après avoir abordé les problèmes du terrain et avoir justifié le
choix de la méthodologie.
Terrain et méthodologie : problèmes et justification
Le thème abordé nous a posé plusieurs problèmes dont nous voudrions parler dans cette partie de
l’introduction. D’abord, nous avons déjà évoqué le manque de ressources littéraires, surtout
russes, pouvant nous aider à élaborer la sctructure du travail et à le gérer d’une manière plus
académique et cohérente. De plus, nous pouvons constater aussi le manque de ressources
statistiques presque indisponibles (sur la quantité des sdf, leurs parcours individuel, etc.) ou
8
même inexistantes (sur les financements des organisations, le travail des associations, etc.).
Ainsi, avons-nous dû faire tout le travail de collecte de données (concernant différentes
organisations touchées par notre étude) afin de pouvoir dresser un schéma du travail associatif.
D’abord, nous avions envisagé de parler des associations qui encadrent et prennent en charge des
sdf moscovites (afin de comprendre quel type d’aide est proposé et comment les associations
arrivent à partager leur terrain). Au fait, nous avons choisi 8 organisations selon quatre critères
précis qui nous ont aidées à réduire le champ de nos recherches : localité (le fait d’être fondé en
Russie, le critère excluant les organismes internationaux), activité exercée (les associations
s’occupant de l’aide d’urgence, le critère exclut les centres d’hébergement), mobilité et
dynamisme (les associations se rendant « sur les lieux », ce critère élimine les groupes
distribuant des aides dans un endroit fixé où les bénéficiaires doivent venir : cantines auprès des
églises, par exemple). Mais le choix des organismes associatifs a été dicté par le caractère des
services rendus : nous nous sommes intéressées aux associations qui proposent de l’aide
d’urgence pour voir comment elles arrivent à partager le terrain d’action, s’il y a des interactions
ou des concurrences et des services de complémentarité. Pourtant, depuis le début des recherches
l’intérêt principal de notre travail s’est déplacé sur une association choisie d’une manière
arbitraire (nous en reparlerons dans le premier chapitre de notre travail) et sur ses stratégies de la
légitimation et les conséquences de cette légitimation sur les participants du groupe associatif.
Donc, notre analyse porte surtout sur cette association, sans pourtant négliger les autres
associations afin de donner le contexte du fonctionnement de l’association étudiée. Après avoir
choisi un terrain particulier pour tester nos suppositions (sur le bénévolat et le rôle des autres
organisations dans le travail de celle étudiée), nous nous sommes heurtés aux problèmes de
l’entrée sur le terrian. Nous avons contacté en tant que sociologue les coordinateurs du groupe
mais nous n’avons reçu aucune réponse. Donc, afin de mieux comprendre la situation à
l’intérieur de l’organisation et les processus internes nous nous sommes inscrites comme
bénévole dans cet organisme ayant passé par la procédure de la pré-inscription et le petit
entretien avec la coordinatrice. Ayant obtenu la permission de fréquenter le groupe, nous avons
commencé nos études à la dérobée, mais comme cette expérience un peu journalistique (caché et
clandestin) est devenu assez pénible pour sociologue (vu l’engagement dans différentes actions,
une pression religueuse et nécessité de cacher la moitié des informations sur notre vie qui a été
constamment demandé par les « collègues ») nous sommes passée à découvert ce qui a d’abord
été accueilli avec mécontentement et a même provoqué le blocage du terrain pour un certain
temps.
9
Enfin, il faut évoquer les problèmes personnels liés au rejet des populations étudiées (sdf).
Comme nous avons décidé de participer à toutes les actions du groupe, nous avons dû fréquenter
les bénéficiaires des aides et avoir une expérience parfois dure du contact avec cette population
(odeur, chaire abîméen insultes, outrages), vu l’inhabitude de la communication avec cette
couche sociale. Néanmoins, cette expérience parfois brutale nous a aidées à comprendre
l’évolution des attitudes des bénévoles envers leurs bénéficiaires ainsi que le parcours
« professionnel » au sein de l’association.
En effet, la méthodologie du travail a été élaboré en fonction des difficultés rencontrées. Tout
d’abord nous avons opté pour l’approche etnographique8 afin de mieux comprendre les
comportements des bénévoles dans l’association et les relations entre eux. En continuant des
études du terrain en tant qu’observatrice9, nous avons entamé des entretiens (voir la liste
d’entretiens dans Annexe 1) afin d’entrendre les opinions des bénévoles sur l’association et des
changements dans la dernière et de comparer leurs paroles et leurs actions : ce qui a donné des
résultats intéressants sur les questions du désengagement.
De plus, nous n’avons point négligé les études statistiques et les conversations avec des
représentants d’autres associations pour voir ce qu’ils pensent sur l’association étudiée et en gros
sur le travail bénévole. Enfin ,nous avons étudié des documents étatiques et des interviews avec
les membres de l’administration étatique et ecclésiastique, ce qui nous a permis de faire entrer
notre asssociation dans un contexte plus large, celui des relations avec l’Etat et l’Eglise.
Ayant décrit les contraintes et aynat exposé la méthodologie, nous allons présenter maintenant la
structure de notre travail de recherches.
Présentation du plan
Comme nous avons mentionné ci-dessus, nous allons étudier le problème des associations à deux
niveaux – macro-niveau et micro-niveau au chacun desquels nous consacrerons un chapitre.
L’objectif de notre travail est de montrer comment l’association se positionne sur le marché
associatif, comment elle développe les statégies concurrentielles et à quel point les changements
de l’organisation peuvent influencer le départ ou l’afflux des « effectifs ». De plus, nous
8 « <...> je demeure un fervent partisan de l'ethnographie qui, à mes yeux, est essentielle pour comprendre l'extrême détresse sociale. Je suis en même temps obligé de lui reconnaître des limites pour ce qui est de la compréhension de certains phénomènes », Bourgois Ph. (1992, p. 76). 9 « Le choix de l’observation participante <...> a répondu à un souci de cohérence entre le point de vue adopté – celui de l’acteur – et les méthodes. Recueillir la parole de soi et la parole sur soi est le meilleur moyen d’avoir accès à la manière dont les indi- vidus se représentent leur propre engagement », Vermeersch (2004/4, p.684).
10
voudrions voir s’il existe un acheminement vers une vraie professionnalisation (vu l’amélioration
des services rendus et des diversifications de taches,puisque la salarisation n’est point présente
dans beaucoup d’associations russes), et comprendre s’il est possible de parler des bénévoles
comme des clients de l’association et pas comme des travailleurs.
Le premier chapitre sera consacré à l’analyse du macro-niveau du champ associatif. D’abord,
dans la première partie du travail nous étudierons les relations entre les associations décrites en
termes de coopération, neutralité et concurrence. Les associations semblent être en relations de
complémentarité, mais l’analyse des champs d’intervention montrera l’ambiguïté de telles
suppositions et révélera les jeux de concurrence dense sur le marché associatif. Ensuite, nous
entamerons l’analyse des relations entre les associations et l’Etat / l’Eglise afin de comprendre
les difficultés à surmonter que les structures associatives ressentent ayant affaire aux institutions
étatique et laïque, mais nous regaderons de près la concurrence qui surgit entre l’Etat et l’Eglise
et comment l’Eglise profite de la vie associative afin de se posiotionner contre l’Etat. Dans la
deuxième partie de ce chapitre nous nous plongerons dans les études d’une association en quête
de légitimation afin de voir la mise en place du réseau de concurrences et d’interactions, ainsi
que les stratégies de promotion que l’organisation analysée applique pour obtenir l’accès sur le
marché associatif, l’accès aux biens matériels et symboliques. L’essentiel de cette partie est de
montrer quels sont les atouts et les désavantages du processus de la légitimation pour une
association dans le cas russe.
Le deuxième chapitre sera consacré à l’analyse au micro-niveau, où nous essaierons d’entrer
dans le processus de la légitimatiion et de le voir de l’intérieur. Dans la première partie nous
étudierons la sctructure de l’association, son fonctionnement, ses « effectifs » en passant par
l’analyse de la division symbolique du travail Ensuite nous verrons les cas de l’engagement et
surtout celui du désengagement (sous différents angles : parcours socio-professionnel individuel,
réactions aux changements dans l’organisation et une variante particulière du désengagement
incomplet). Les analyses de ces cas nous aideront à comprendre les concurrences internes dans
l’association et les rapports des forces entre plusieurs acteurs. De plus, l’étude de ce volet du
bénévolat nous aidera à mieux comprendre les raisons de l’engagement des bénévoles dans une
association ainsi qu’à repenser le problème du bénévolat en général.
11
Premier chapitre
Entre charité et marché :
interaction des associations bénévoles sur le marché associatif
Dans cette partie nous étudierons, dans un permier temps, différentes organisations à buts non-
lucratifs qui encadrent les couches sociales les plus démunies (sdf, sans-abri). D’abord nous
regarderons de près les différentes relations qui existent entre les associations au niveau
municipal (à Moscou) , à savoir les rapports de coopération et de concurrence (il y en a des
formes particulières, latentes que nous dégagerons lors de notre analyse) et nous chercherons à
savoir s’il est possible de parler d’une division du travail et d’une certaine complémentarité.
Puis nous entamerons l’étude des relations des organisations avec l’Etat et l’Eglise comme
facteurs majeurs du développement du champ associatif. Après avoir fini l’analyse des
associations en général, nous nous centrerons sur l’exemple d’une association en quête de
légitimation (Pelmechki na plechke), choisie d’une manière arbitraire, et nous essayerons de
comprendre les effets de la concurrence associative qui surgissent pendant ce processus de
légitimation et ses conséquences sur les membres de l’association concernée.
12
Trois pierres d’achoppement de la vie associative : gouvernement, religon, concurrence
Dans la situation actuelle d’accroissement de la population sdf plusieurs organisations non-
gouvernementales ont vu le jour pendant la première décennie du XXI-ième siècle, de plus il est
à constater qu’après la chute de l’Union soviétique certaines associations internationales ont eu
la possibilité de s’installer en Russie (notamment à Moscou) pour aider les plus démunis (Armée
du Salut, Ordre des Missionnaires de la Charité de Mère Teresa, CARITAS). Le but de notre
analyse dans cette partie est de présenter les associations moscovites qui encadrent les sdf et de
les comparer avec les politiques publiques qui investissent au niveau gouvernemental dans les
mêmes sphères de l’aide sociale. Pour notre étude nous avons choisi 8 associations qui ont
quatre traits communs que nous présentons ci-dessous :
1. localité ou nationalité10 (organisation étant fondée en Russie) : les associations étudiées
ont été mises en place à Moscou sans intervention d’organisations internationales (telles que
CARITAS ou l’Armée du Salut), leur fondation a été accomplie au niveau national ;
2. activité exercée (organisations choisies distribuant des aides de première necessité11 : repas
chauds, vêtements, médicaments) : nous avons exclu de l’analyse des centres de désinfection ou
d’hébergement qui distrubuent aussi l’aide alimentaire, mais leur action est un peu particulière
(le principe du choix des sdf y est prépondérant12) ;
3. dynamisme et mobilité (organisation se rendant « sur les lieux » et distribuant des biens
matériels sur le territoire des sans-abri) : ici nous insistons sur le caractère mobile des groupes
proposant des premières aides13.
Les critères du choix exposés, nous voudrions passer à l’analyse des organisations qui se
déroulera sous deux angles. D’abord nous verrons des relations inter-associatives (en nous
lançant sur un espace autonome), puis nous allons estimer le travail de ces organisations dans le
contexte gouvernemental (comment elles travaillent avec les fonctionnaires de l’Etat dans une
perspective de sociologie de l’action publique).
10 Ryfman (Ryfman, 2009) évoque dans ce cas-là la notion de « souveraineté » et de « internationalité ». 11 En Russie comme en Frace ces derniers temps « l’accent <est> mis sur les politiques d’urgence », Brousse (2008, p. 73). 12 Les maraudes ou les groupes mobiles ne refusent pas de donner à manger si le « client » n’a pas de certificat du centre de désinfection (le fait d’avoir passé des procédures médicales spéciales pour soigner la pédiculose, par exemple). Dans les centres l’accès aux repas est impossible sans ce certificat. 13 Il existe des centres de distribution de repas auprès des églises, mais les sdf sont obligés de s’y rendre afins de recevoir de la nourriture, de plus, il y a un critère de choix parmi les gens ayant des certificats de désinfection et ceux qui n’en possèdent pas.
13
Encadré n° 1. Les jeux de chiffres : des statistiques différentes
Selon les statitistiques officielles présentées par le Département municipal de l’aide sociale de Moscou
(2011) le nombre de sans-abri est estimé à 6067. Ces statistiques sont basées sur des données obtenues
lors du Recensement de la population en 2010 par l’organisation «Rosstat » (Statistiques russes) d’où leur
caractère incertain. Aussi, le chef du Département Vladimir Petrosyan a-t-il déclaré dans une interview
que ces chiffres doivent être vérifiés scrupuleusement et que le nombre de sdf est deux fois plus grand
(environ 12 000). Les sociologues indépendants, qui sont les experts subventionnés par la fondation
Institut de l’économie de la ville et les sociologues au service de l’Appareil de l’Etat du responsable des
droits de l’homme à Moscou, stipulent que le nombre de sans-abri moscovites constitue 10,8% de la
population municipale, soit 75 000 sdf (6 fois plus que selon les chiffres officiels). Par exemple, le
responsable des droits de l’homme à Moscou annonce dans son communiqué publié sur le site officiel
http://www.ombudsman.mos.ru/ que « ... en 4 dernières années le nombre de sdf a multiplié de 2,5 fois. Si
en 2006 la partie des sdf dans la population moscovite était estimé à 6%, en 2010 les sociologues parlent
des 14,2% de la population » .
De surcoît, les statistiques différentes révèlent les motifs cachés de la politique gouvernementale : comme
la question du sans-abrisme est exclu de tous les débats au niveau législatif, le gouvernement ne semble
même pas désirer résoudre ce problème (aboutir à «zéro ») en passant sous silence les cas de la précarité
extrême.
Des associations entre concurrence et complémentarité
Pour faciliter notre tâche nous avons construit les tableaux cumulatifs (à voir Annexe 2, Tableau
1. Aide d’urgence dans la rue: organisations et groupes mobiles de différents niveaux ) où nous
avons placé les 8 organisations étudiées. L’analyse du contenu a rendu possible la classification
des associations selon les axes suivants :
- religiosité / laïcité (7 sur 8 organisations sont religieuses orthodoxes) ;
- spésialiste de secteur / généraliste (4 sur 8 sont spécialisées, à savoir ne s’occupent que des
sdf, le reste étant incorporé dans une structure plus puissante) ;
- bénévolat / professionnalisation (2 sur 8 utilisent dans ce travail social spécifique d’aide
d’urgence des professionnels recrutés selon le métier exigé : médecin, infirmière, conducteur -
et qui touchent des salaires comme des travailleurs sociaux) ;
14
- mono-activité / pluri-activité (4 sur 8 ne s’occupent que des premières aides – repas et
vêtements, les autres proposant un spectre plus large de services sociaux –renouvellement des
papiers / renvoi à la maison / recherche de l’emploi).
Vu l’unanimité religieuse de la plupart des organisations et l’uniformité des fonctions (toutes
distribuent des repas chauds et des vêtements) nous pourrions supposer que ces organisations
travaillent ensemble afin de mieux aider leurs bénéficiaires14 et qu’il existe une complémentarité
certaine. Et en regardant les jours de la distribution des repas nous nous confirmerions dans notre
hypothèse : les organisations aident surtout près de grandes gares où la concentration des sdf est
la plus spectaculaire (surtout à la place des trois gares – Kazanskiy, Leningradskiy, Jaroslavskiy
– jugée la plus « empestée15 » par les sdf) et les temps de leur travail ne se croisent pas, ce qui est
bien visible dans le Tableau 2 (Annexe 1). Un seul cas de croisement est présent dans la partie 3
du Tableau 3 (chiffres 2 dans la case « lundi-soir »). Il s’agit de la place des trois gares où le
lundi il y a deux groupes qui fonctionnent le soir : il est à préciser que la première organisation
La Gare Kourskiy – Enfants sans-domicile distribue dans un endroit fixe, près d’une station de
trains régionaux Kalanchevskaya, la deuxième de genre maraude Les gens des gares distribue
des repas dans les salles d’attente d’une des gares – Kazanskiy).
Dans le tableau il n’y a que trois lieux principaux où les bénévoles font leur service, pourtant à
Moscou il y a aussi quatre gares qui ne sont presque aucunement encadrées par le travail social.
Ce sont les gares Savelovskiy, Rizhskiy, Kievskiy et Bielorousskiy qui ne sont fréquentées que
par le bus Charité qui fait le tour de toutes les gares dans la nuit en hiver quand il fait froid. A
part cette aide il n’y a pas là de groupes bénévoles. Il ya ici un paradoxe parce que les gares
Kievskiy et Savelovskiy figurent parmi les plus citées dans les médias et les plus invoquées par
les sdf eux-mêmes16 :
« J’aime bien Kievskiy. Ici, on ne ferme pas la nuit, on ne chasse pas dehors », Angella, sdf depuis 3
semaines, 43 ans, Ukrainienne, entretien réalisé lors d’un accompagnement au foyer pour les
immigrants, le 25.02.2013
« A Kievskiy, c’est tout particulier.. il y a des gens qui y habitent une éternité ! je te montrerai un type
qui est dans la gare comme à la maison. Il a toujours tiré à quatre épingles, chic, en costume, avec une
14 “Des associations se regroupent en collectifs pour avoir un poids plus important ... », Brousse (2008, p. 71). 15 Terme utilisé par Nadya Klueva, psychologue du CARITAS, travaillant dans le centre de la réabilitation Marfino, lors de l’entretien réalisé le 8.02.2013 dans le centre CARITAS. 16 La gare Savelovskiy est la plus dangereuse parce que le taux de criminalité y est supérieur à ceux des gares encadrées par les bénévoles.La gare Kievskiy est jugée la plus « chaleureuse » par les sdf : la gare ne ferme pas ses portes la nuit et les sdf peuvent dormir dedans (s’ils n’ont pas de problème avec des agents de police).
15
trentaine de sac et de rouleaux autour de lui ! et les surveillants sont cléments, ils ne chassent pas les
gens », Dmitriy, bénévole, 19 ans, dans la maraude, entretien ayant eu lieu le 5.03. 2013.
« Euh, je veux pas aller à Savelovskiy. Pourquoi ? là, c’est dangereux, la nuit surtout. On peut se faire
voler, on peut se faire taper dessus », Serge, sdf depuis 7 ans, 25 ans, sorti de la maison d’enfants,
paroles entendues lors d’une maraude le 19. 02.2013.
De plus, même en analysant les gares concernées il est à constater que l’aide proposée est aussi
partielle : la case « matin » est vide dans toutes les parties17 ; dans la gare Pavelezkiy il n’y a pas
d’aide le lundi et le mardi ; dans la gare Kourskiy les bénévoles ne sont pas présents le lundi et
le vendredi ; sur la place des trois gares la situation est moins favorable parce que les bénévoles
n’y viennent que trois jour par semaine (début de la semaine). Et cette situation ne concerne que
le centre-ville (la périphérie reste « cachée » et point « explorée », selon l’opinion du chef du
département synodal de l’aide sociale Ilya Kouskov exprimée dans un article sur le site officiel du
mouvement).
La restriction du champ de l’action bénévole nous amène à supposer que le choix des gares par
les organisations (surtout leurs coordinateurs) est géré par les stratégies de la concurrence interne
et le désir de se faire remarquer (hypothèse surtout valable pour des associations « en
ascension »). Même si les coordinateurs prônent la nécessité de la coopération, la bienveillance
des bénévoles vis-à-vis du travail des bénévoles des autres associations (discours type sur le site
de MILOSERDIE, organe principal religieux de l’aide sociale) et parfois une certaine hostilité
remarquable (dans les jugements sur le mode de travail, les critiques) peuvent justifier
l’hypothèse de la concurrence. Les organisations gagnent de la notoriété auprès des sdf (gagnent
« leur public ») afin de pouvoir se promouvoir sur le marché associatif. Très souvent les
coordinateurs et les bénévoles évoquent des raisons plutôt théoriques de leur engagement dans
telle ou telle association (sans penser ou parler de la concurrence évidemment).
Dans ce cas-là il est à mentionner deux types d’approche que les bénévoles mettent en pratique
dans leur travail – neutre et personnelle. Ces approches concernent le comportement du
bénévole, ses jugements sur les « clients » et la vision de la réinsértion des sdf dans la société.
Le premier est à distance quand le bénévole soigne le sans-abri sans compassion ni émotions
personnelles. Il distribue des repas en silence, ne parle pas aux bénéficiaires (il ne prononce que
des commandes ou des remarques telles que « Circulez ! », «N’oubliez pas votre thé ! », etc.), il
garde la neutralité et bâtit un « mur » abstrait entre lui et les « clients » qui empêche les sdf de se
17 Ce qui s’explique bien par le caractère de l’action bénévole la plupart des cas se déroulant le soir après le travail.
16
sentir à l’aise (d’où toutes sortes de problèmes surgis pendant les distributions). Ce
comportement ressemble beaucoup à celui des travailleurs sociaux :
« Il faut être charitable et montrer parfois la force, ils [les sdf] doivent comprendre qu’on n’est pas ici à
leur grâce, faut estimer nos règles ; faut pas faire ce qui n’est pas permis, dépasser la barrière, ne pas
respecter la queue ! », Dmitriy, coordinateur de l’organisation Pelmechki na plechke, dans un courrier
commun (envoyé le 13.03) après le jour de la distribution dur, le 12.03.2013.
Les bénévoles ont parfois des émotions personnelles négatives :
« Tu lui donne des gants [au sdf], il revient une autre nuit sans ces gants. Tu lui demande où ils sont. Il
répond qu’il les a jetés à la poubelle parce qu’il les avait trempés. Il sont comme des enfants, ils pensent
que nous DEVONS les soigner ! », Vladimir, travailleur du bus Charité , dans un article publié sur le site
MILOSERDIE le 06.03.2008.
Cette aprroche ne sous-entend pas l’utilisation de l’aide des sdf dans le travail social (les
bénévoles de Pelmechki na plechke refusent chaque aide proposée pendant les distributions : «
Merci, mais il ne faut pas le faire, allez attendre dans la queue... », « Non, merci, nous le ferons
nous-mêmes, écartez-vous...18 »). Le refus de l’aide montre une méfiance évidente des bénévoles
envers leurs « clients », et dans ce cas-là il ne s’agit pas d’une simple répulsion personnelle ou de
peur, mais plutôt de la distance qui est créée et maintenue d’une manière consciente19. Et nous
pourrons constater le désir des organisations de rapprocher le rapport des bénévoles au public de
celui entretenu par les professionnels ce qui suppose une sorte de formation.
Le deuxième est personnel quand le bénévole se positionne en tant qu’ami du bénéficiaire, lui
propose son aide et surtout – son attention et ses soins particuliers. Ce comportement a été
adopté par certains groupes de bénévoles afin de protesteer contre l’approche neutre
(« inhumaine » à leur avis) qui sous-estime les sdf et les prennent pour des gens brutaux et mal
élévés :
« Mais mon Dieu, on les nourrit comme des poules, comme des animaux ! Mais ils sont humains ! »,
Maria Perminova, chef du service social CARITAS à Moscou, lors d’un séminaire sur le travail associatif
et bénévole, le 8.02.2013
18 Quand un sdf a proposé de porter des thermos vers l’endroit d’où les bénévoles distribuent des repas. 19 De temps en temps les bénévoles peuvent avoir des relations plus proches avec tel ou tel sdf ce qui est en fait exceptionnel. Le mouvement Danilovzi a même organisé le 13 mars 2013 un séminaire intitulé « Dire au bénéficiaire NON » afin d’aider à apprendre aux nouveaux-venus à garder la distance (bien que Danilovzi se positionne comme un groupe avec une approche personnelle).
17
« Si vous traitez une personne comme un objet d’aide, elle va se conduire comformément à votre attitude.
Nous [l’organisation Les Amis dans la rue] sommes AMIS (* en accentuant ce mot). C’est pourquoi vous
n’allez pas nous entendre parler des « sdf », « sans-abri », « clients », « bénéficiaires », « travailleur
social ». Cette approche nous avons emprunté à nos collègues de la communauté catholique », Nathalia
Markova, coordinatrice de l’organisation Les Amis dans la rue - Les Amis de la communauté de
Sant’Egidio, propos recueillis lors d’une rencontre informelle le 21.02.2013.
Parfois les partisans de l’approche personnelle essaient de resocialiser des sdf par le travail
social. Ainsi les sans-abri travaillent-ils avec des bénévoles, ils coupent du pain, distribuent des
paquets avec de la nourriture, parfois ils peuvent faire des pensements à leurs camarades :
« Ils [sdf] sont très heureux de pouvoir nous aider. Ils ressentent leur utilité. Il faut les croire malgré
tout. Ils en sont reconnaassants. On DOIT les croire », Maria Perminova, chef du service social
CARITAS à Moscou, lors d’un séminaire sur le travail associatif et bénévole, le 8.02.2013.
En gros les deux approches divisent les organisations en deux parties. La première comprend les
groupes locaux (nationaux), créés sous l’impulsion personnelle ou à la suite de l’ordonnance ou
la proposition d’un corps administratif religieux (sur les 8 organisations étudiées dans cette
partie, 6 sont nationales). Ces groupes ont moins d’expérience professionnelle dans l’aide
sociale, leur bénévoles s’instruisent « sur le tas » et n’utilisent presque pas l’expérience des ONG
internationales. La deuxième est composée de groupes influencés fortement par le mouvement
bénévole étranger (La Communauté de Sant’Egidio fondée en 1968 en Italie, dont modèle a été
« apprivoisé » par Les Amis dans la rue qui ont inspiré la création du groupe mobile de
Danilovzi) ou sont simplement les filiales des mouvements internationaux (Armée du Salut,
CARITAS). Leurs membres obtiennent une formation (explicite – au cours des séminaire
spécialisés et implicite – par l’expérience personnelle des anciens transmises pendant le travail
social) et en cela sont plus professionnalisés. De plus les coordinateurs des groupes utilisent leurs
connaissances des manuels sur le management du bénévolat pour mieux organiser le travail des
associations. Ainsi, le mouvement Danilovzi a organisé l’Union des mouvements bénévoles et
dans le cadre de cet organisme les coordinateurs ont publié sur le site de leur organisation un
manuel de l’ONU (le projet des jeunes volontaires de l’ONU) sur la travail bénévole Gestion des
bénévoles : manuel pour les managers où les auteurs apprennent à bien gérer le bénévolat :
comment recruter et qui, comment informer, comment ( ce qui est plus intéressant) motiver le
bénévole au travail et comment sortir des sutuations ambiguës et parfois dangereuses (voir :
Annexe 3, Le sommaire du manuel sur le travail bénévole publié par l’ONU).
18
En effet, dans ce manuel sont publiées des informations visant à rendre le travail bénévole plus
professionnel et plus effectif, sans oublier l’approche familière. Dans quelque sorte le manuel
sert à instruire surtout les dirigeants des organisations plutôt des bénévoles ordinaires qui
puissent le prendre pour un livre de chevet.
Ainsi, il est à constater qu’il existe des tensions entre des ONG (espace-temps, théorie-approches
différentes), même si elles ont beaucoup de points communs et se positionnent comme des
organismes ouverts à tout genre de cohabitation / coopération.
Fiction politique ou « aide » gouvernementale aux associations
Dans le domaine d’aide sociale particulière choisi pour nos recherches (distribution de repas sur
le territoire des sans-domicile : près des gares et des stations de métro) il est difficile de voir
travailler des organismes gouvernementaux : il existe un département d’aide d’urgence qui
s’intitule La Patrouille sociale (12 brigades en voitures et 10 brigades « pédestres ») et dont les
fonctions sont de reconduire des sans-abri aux stations de désinfection (il y en a 3) en proposant
la première aide médicale à ceux qui en ont besoin. Ce groupe mobile donne des renseignements
sur le renouvellement de papiers et sur d’autres organisations travaillant dans la sphère d’aide
sociale aux plus démunis, mais sa fonction est plutôt intermédiaire.
Le gouvernement s’occupe surtout des centres de désinfection et d’hébergement, mais, tout en
incitant les corps différents à travailler ensemble pour améliorer les conditions des sans-abri,
tente parallèlement de limiter les actions des associations bénévoles. Il n’est pas très rare
d’entendre des pouvoirs publics se proclamer assez réticents envers les distributions dans la rue.
Le 20 mars 2011 les administrations municipales ont exigé d’arrêter les distributions de repas en
centre-ville parce que « le centre doit être propre » (d’après article publié sur le site
MISLOSERDIE le même jour).
Le gouvernement essaie de s’occuper des sans-abri d’une manière plus stable (afin de stabiliser /
fixer les populations20), surtout il organise des centres d’hébergement étant parallèlement des
centres de resocialisation (sa fonction essentielle car les ONG peuvent rarement se permettre de
faire loger dans ses appartements ou ses bâtiments des sdf vu le manque des finances) et il y en a
8 à Moscou. Le problème est que la plupart de ces centres n’hébergent pas tout le monde. Il
existe des règles d’entrée assez strictes (exigence des papiers, des certificats de passage par des
centres de désinfection, critères particuliers tels que âge, sexe, maternité pour les femmes, 20 Le gouvernement a même mis en place en 2012 le système de prise des empreintes digitales (dans les centres d’hébergement d’urgence) pour créer une base de données et circonscrire la population des sdf moscovites.
19
présence dans le centre pendant une partie de la journée - 24 h sur 24h / seulement nuit ou jour).
Il n’y a presque pas de centres de séjour dans la journée où les sdf pourraient se reposer et
résoudre leurs problèmes (il y en a un s’occupant de la resocialisation des sans-abri et l’accès y
est aussi limité).
Quant à la distribution de repas chauds, le gouvernement a laissé cette action aux organismes
non-gouvernementaux à en croire les données quantitatives. Un sdf peut recevoir de la nourriture
au centre de désinfection après être passé par le même centre et avoir reçu un certificat de sa
« propreté ». Si tel est le cas, le sdf reçoit des repas chauds en vaisselle plastique. Il n’est pas
anodin de noter qu’il existe à Moscou seulement trois centres de désinfection et leurs qualités et
capacités ne sont pas de niveau satisfaisant :
« Selon l’opinion d’Ilya Kouskov, chef du département synodal de l’aide sociale, le niveau des services
rendus par les centres de désinfection n’est pas suffisant. Il y a seulement trois centres, ils peuvent faire
laver et désinfecter 60 personnes par jour, le chiffre étant minimal » (tiré d’un article publié sur le site
DIAKONIA. RU (organe orthodoxe) le 15.11.2010).
Les centres de désinfection vu le manque de ressources sont obligés d’entrer en contact avec des
églises où ils prennent des vêtements et où ils renvoient des sdf pour leur resocialisation
suivante.
Néanmoins le département gouvernemental, responsable de l’aide sociale municipale, publie
dans ses rendus annuels des programmes ambitieux de coopération et de prévention de
l’exclusion sociale à Moscou. Selon ces programmes les centres travaillent suffisamment en
proposant des aides différentes aux sdf (leur travail « a permis d’améliorer la situation
criminogène dans la capitale »). Les statistiques officielles annoncent que 6000 personnes ont
reçu en 2011 de l’aide des centres de resocialisation et d’hébergement et 200 personnes
reçoivent chaque jour de la nourriture chaude dans des centres de désinfection. Les chiffres
paraissent être étranges étant donné qu’une maraude constituée de deux personnes mise en place
par une organisation non-gouvernementale (par exemple, Pelmechki na plechke) nourrit 50-70
personnes par jour. L’inefficacité des structures gouvernementales de l’aide sociale et leur
inertie dans la recherche des solutions des problèmes actuels poussent les ONG à développer et à
déployer leurs actions humanitaires, et le gouvernement répond en essayant d’adopter une loi sur
le bénévolat qui circonscrit le travail social et le place dans un cadre administratif.
L’action étatique répressive envers différentes organisation bénévoles (non seulement
pourvoyant de l’aide de première necessité) se voit à plusieurs niveaux :
20
- législatif (préparation de la loi sur le volontariat et les conséquences de cette loi sur la vie
associative) ;
- fiscal (scandale des impôts qui a touché la fondation de doktor Liza, processus entamé en hiver
2012) ;
- administratif (fermeture après un raid de police de la maison de travail NOE fondée par le
prêtre Emeliyan en février 2013).
Afin de mieux comprendre l’action de l’Etat au niveau législatif, nous vourdions voir un peu la
loi sur le volontariat21. Les article qui ont provoqué le plus de débats (la loi a été enfin rejetée par
le gouvernement le 30.03.2013, elle doit « être retravaillée ») ont effleuré deux problèmes –
gouvernance des organisation et relations « bénévole – bénéficiaire ». Dans la partie 2 de
l’artcile 8 de la loi il s’agit des chefs des organisations qui doivent (et peuvent eux seulement)
gérer le processus de l’aide bénévole. Et ces chefs-là doivent être nommés par le gouvernement
(donc, ce sont des fonctionnaires qui doivent s’occuper de l’action bénévole). La chose
paradoxale, parce que toutes les ONG sont hors le pouvoir public et le fait de placer un
foctionnaire au sommet de l’organisation la transforme en organe administratif. Dans l’article 12
il s’agit aussi des contrats que les bénévoles doivent signer avec les bénéficiaires (si le
bénéficiaire refuse de signer un contrat d’aide, le bénévole n’a pas le droit de lui donner à
manger) autant qu’avec les coordinateurs des groupes. De plus, le bénévole est obligé d’avoir un
livret de bénévole où il va décrire son action humanitaire (ce qu’il fait, qui il aide, etc.). Ainsi,
cette implantaion de la bureaucratie au sein du champ associatif vise à transformer le secteur
bénévole en une sorte de service d’appoint dont les pouvoirs publics peuvent se servir au cas
d’urgence.
Pourtant, il faut souligner que la position de l’Etat est très souvent marquée par le statut de
l’association concernée, à savoir par son appartenence à l’église orthodoxe. Et ainsi pouvons-
nous mentionner les problèmes de la légitimation et de la légitimité de l’action.
Les organisations étudiées dans cette partie n’ont pas le même statut, même si elles ont les
mêmes fonctions et buts. Sur 8 organisations analysées seulement quatre ont un statut stable et
21 En fait, elle a été proposée à la Douma (organe législatif russe) après l’innondation à Krimsk quand les pouvoirs publics n’avaient pas pu réagir d’une manière rapide et prévenir les populations, et puis ces pouvoirs se sont montrés incapables de remédier aux dégâts et d’aider les gens touchés par la catastrophe naturelle. Alors, des centaines de bénévoles ont organisé des aides d’urgence (vêtement, repas, aide physique) pour sauver les hanitants de Krimsk. Leur action était assez militante et pleine de critiques lancées au gouvernement, et ces critiques ont provoqué l’élaboration de la loi sur le volontariat.
21
une influence particulière sur les décisions concernant leur sphère de travail social22. Les critères
de l’obtention du statut sont soit financiers (capital économique), soit temporaire (capital
symbolique obtenu au cours des années). Et l’obtention du statut peut se dérouler « du bas vers le
haut » et « du haut vers la bas ». Ainsi les organisations de doktor Liza et la gare Kourskiy -
Enfants sans-abri sont les plus anciennes en Russie, ce qui assure leur professionnalité, leur
création a été faite « par le bas » (du peuple) : une initiative des gens actifs qui commencent à
gagner de la confiance et puis ont des financements. Le placement des bus d’aide d’urgence a été
fait « par le haut » (par l’orodonnace des responsables de l’administration orthodoxe) ou a été
dès le début vivement soutenu par les corps administratifs religieux. Dans ce cas-là les
problèmes du financement ne sont pas prioritaires et les organisations cherchent à gagner de la
confiance étant déjà largement subventionné.
Il faut souligner aussi que la procédure de la légitimation a ces conséquences sur le travail
bénévole : l’organisation reconnue pour préserver le statut obtenu tend à se professionnaliser23.
Dans le cas des organisations créées par l’administration de l’église, il n’est point question de
« bénévole » : les coordinateurs recrutent des spécialistes ayant un métier (annexe 1, tableau 1,
colonnes « recrutement » et « exigences »).
Donc nous pourrions stipuler que les organisation à Moscou (en Russie en gros) ont un double
chemin ) suivre vers la légitimation. Soit de gagner de la confiance parmi les associations et la
« population » concernée, soit de se rendre à la merci d’un organe religieux (et se mettre sous la
protection de l’église orthodoxe).
l’Eglise comme acteur majeur de la vie associative
L’Eglise peut être désigner en tant qu’acteur majeur de la vie associative pour plusieurs raisons.
Nous avons déjà décrit des associations créées par les administrations religieuses (des diocèses
ou le Conseil synodal de Moscou). Ajoutons que ces organisations religieuses s’opposent aux
autres groupes intervenant sur le marché associatif :
22 La fondation de doktor Liza a une reconnaissance internatonnale grâce à son travail dans le domaine des soins palliatifs. Elle a été élu au Conseil présidentiel des droits de l’homme. La gare Kourskiy – Enfants sans-abri est une des plus ancienns organisations en Russie s’occupan des sdf, les coordinateurs de ce groupe sont souvent consultés pendant des débats sur de nouveaux programmes contre l’exclusion sociale. La bus Charité ainsi que le bus de la fondation de bienfaisance Aide et Protecteur sont financés directement par l’église orthodoxe et dépendent des décisions du diocèse. 23 Tel est le cas de l’organisation la gare Kourskiy - Enfants sans-abri. Maintenant elle propose de choisir des tâches à ses bénévoles lors du recrutement (consulter annexe 1, tableau 1, colonnes « recrutement » et « exigences »).
22
«Il faut finir avec les disctributions dans la rue : cela débauche les sdf, les fait perdre toute motivation,
ils savent qu’ils vont recevoir des aides et ils ne font rien, ne se resocialisent pas », le diacre Oleg
Vichinckiy, chef du bus Miloserdie, dans une interview faite le 25.03.2013 par un journaliste du journal-
internet « L’Orthodoxie et le monde ».
L’Eglise a sa vision de l’action bénévole. Par exemple, dans le manuel publié par Ilya Kouskov,
chef du département synodal de l’aide sociale, sont décrites des étapes de la mise en place du
travail bénévole (Kouskov, 2011). D’abord les aides s’organisent autour d’une église : les prêtres
doivent chercher des mécénats en écrivant des lettres spéciales (exemples donnés dans le
manuel), puis trouver des bénévoles et commencer à distribuer des repas à la base de l’église (à
l’intérieur du bâtiment principal ou dans des édifices faisant part de l’ensemble paroissial). Et
seulement après avoir bien organisé le travail dans l’église qu’il est possible d’entamer le travail
d’urgence dans les rues (qui demande plus de ressources humaines et financières). En fait, le
manuel est construit comme celui de l’ONU, mais retravaillé de point de vue religieux, avec des
accents mis sur le service rendu à Dieu, les aides sociales comme priorité de l’Eglise. De
surcroît, ce qui est à remarquer, le représentant des services synodaux accentue dans
l’introduction au manuel [manuel publié en 2011] le rôle répressif de l’Etat d’autrefois (y
compris les lois répressives dans l’URSS) :
« L’Etat agissait toujour par des actes répressifs interdisant la mendicité. (p. 7) <...> Il n’y a pas
maintenant en Russie de bon service efficace et complexe d’aide sociale au niveau étatique. (p.14) <...>
Ce système est en train de se construire, mais reste encore beaucoup à faire, le succès dépendant de tous
les participants – et le gouvernement, et les organisations publiques, et l’Eglise. <...> Mais le rôle
unqiue de l’Eglise est de garder et cultiver dans son approche des relations familières avec les sans-
abris. Les relations personnelles (amicales) se distingueront toujours de l’approche de l’Etat ; parce que
la religion sait voir derrière les circonstances le visage réel de l’homme en souffrance .. celui du Christ
(p.15) »
Ces remarques nous renvoient à un autre phénomène - celui de la concurrence au plus haut
niveau, celui de l’Eglise et de l’Etat. En fait, l’Eglise procède de la même manière que l’Etat,
celle de la bureaucratisation des associations – mais au sein de l’Eglise. Par exemple, dès qu’une
association obtient un certain statut ou acquiert une certaine visibilité dans les médias, le Conseil
synodal commence à s’y intéresser en y renvoyant ses représentants afin de voir le travail et, si
nécessaire, le corriger en donant des conseils (le cas d’initervention d’Ilya Kouskov sur le
champ du travail d’une association bénévole sera étudié dans la deuxième partie) :
« Ah, vous savez, il existe l’Eglise orthodoxe et les autre , l’opinion orthodoxe et les autres. Elle ne veut
point dialoguer, point de contact. Moi personnellement, je suis orthodoxe, mais ce comportement
23
m’afflige. A CARITAS la religion ne compte pas, c’est l’aide qui compte. Chez eux [associations
orthodoxes] la religion compte le plus », Maria Perminova, chef du service social CARITAS à Moscou,
lors d’un séminaire sur le travail associatif et bénévole, le 8.02.2013.
Un autre moyen d’exercer une influence est de comencer à subventionner le groupe bénévole. En
gros, les financements de l’Eglise sont absolument cachés des yeux du gouvernement, c’est la
chose la plus obscure dans tout la vie ecclésiastique. L’église qui a beaucoup de paroissiens peut
bénéficier de dons considérables et peut se permettre de « tenir » une association bénévole à sa
solde. Comme les associations doivent se procurer de l’argent de provenance privée (l’Etat ne
subventionnant aucunement l’oeuvre bénévole), elles cherchent des mécénats, et le plus puissant
en est l’Eglise orthodoxe. Pourtant, l’adhésion à une église peut avoir des conséquences pénibles
sur le statut de l’association. Mais cette questions-là sera étudiée de près dans la deuxième partie
de ce chapitre.
De plus, l’Eglise est capable d’influencer le choix des associations de référence. Même si elle ne
peut pas bloquer « physiquement » l’intervention de tel ou tel organisme sur le marché associatif
(interdire d’aider), elle peut le faire de point de vue médiatique (bloquer les publicités ou
l’apparition sur des sites qui promeuvent l’action bénévole). Par exemple, lors de la mise en
place d’un nouvel organe médiatique dont les auteurs (équipe du CARITAS) avaient l’ambition
de réunir toutes les associations bénévoles afin de mieux gérer leur coopération, les représentants
de l’Eglise officielle ont défendu de publier n’importe quelle information sur l’Armée du Salut :
« L’ouverture du site dépendait de cette décision [publication des infos sur l’Armée du Salut] : si nous
n’avions pas suivi les exigences de l’Eglise, le site n’aurait pas été ouvert » , Nadya Klueva, psychologue
du CARITAS, travaillant dans le centre de la réabilitation Marfino, lors de l’entretien réalisé le
8.02.2013 dans le centre CARITAS.
Enfin, il est à constater que l’Eglise essaie de gérer l’action bénévole et rappeler à l’ordre au cas
où l’association semi-dépendante ou dépendante complètement tache de faire qulque chose hors
des normes de l’Eglise.Cette institution fonctionne comme l’Etat, mais l’Etat agit d’une manière
plus radicale (loi, scandale, etc. vois ci-dessus). De plus, l’Eglise devient de plus en plus
puissante et peut peser dans des questions humanitaires, étant donné qu’elle est la seule à
s’occuper d’une manière consécutive de l’action bénévole et par conséquent elle entre dans les
rapports de force avec l’Etat, en jugeant des matières où l’Etat n’est point compétent (la loi sur le
bénévolat a été rejetée après avoir provoqué d’énormes débats, ce qui montre l’incapacité de
l’Etat de mettre en place une solution convenable du problème et de revoir sa politique d’aide
sociale).
24
Encadré n° 2. Le budget d’une église orthodoxe
Une revue indépendante moscovite « Bolchoy gorod » (La Grande ville, n° 6 (318) pour le
10.04.2013) a dressé le budget d’une église orthodoxe ordinaire afin de montrer comment la
paroisse gère ses affaires financières (mars 2013).
Les recettes :
+ 220, 3 mille roubles = 5,507 mille euros (dons laissés les « tirelires » spéciales installée dans
l’intérieur);
+520 m. r. = 13 m. e. (dons reçus par les travaileurs du magasin de l’église – achats des
services et sacrements) ;
Les dépenses :
- 25 m. r. = 625 e. (versements au diocèse) ;
- 6 m. r. = 150 e. (facture d’eau) ;
- 122 m. r. = 3, 05 m. e. (factures d’électicité et de chauffage) ;
- 55 m. r. = 1, 375 m. e.(impôts sur les salaires) ;
- 18 m. r. = 450 e. (préparation des hosties) ;
- 3,7 m. r. = 92,5 e. (fournitures de bureaux : papier, encre pour l’imprimante, etc.) ;
- 156 m. r. = 3,9 m. e. (cierges, livres, vases sacrés – à vendre via le magasin del’église) ;
- 45 m. r. = 1,125 m. e.(restauration et petits travaux) ;
- 25 m. r. = 625 e. (produits pour la cuisine) ;
- 10 m. r. = 250 e. (système de surveillance des lieux) ;
- 182 m. r. = 4,55 m. e. (fonds des salaires : prêtres, vendeurs du magasin, gardiens, etc.) ;
- 1,6 m. r. = 40 e. (facture de téléphone) ;
- 38 m. r. = 950 e. (cadeaux et souvenirs pour les fête des enfants).
Le reste :
+ 53 m. r. = 1, 325 m. e. (réserve).
Les recettes dépendent largement des paroissien, l’Etat n’aidant qu’ faire des travaux de
reconstruction. Aussi est-il important pour un église d’avoir une bonne paroisse qui apporte de
l’argent. Les concurrences entre les églises visent surtout à gagner plus d’auditoire. Cela
permet d’avoir plus de versements et d’investissement.
25
Nous avons essayé dans cette partie de montrer les différentes organisations qui interagissent
dans le champ associatif et leurs relations avec l’Etat et l’Eglise. Nous pouvons constater qu’il
existe une concurrence interne entre les associations qui sont forcées d’agir sous la double
pression de l’Etat (qui cherche à contrôler l’action bénévole) et de l’Eglise (qui essaie de
coordoner le plus possible). Maintenant nous allons voir comment les effets de la concurrence
peuvent influencer le développement d’une organisation en quête de légitimation, en étudier les
stratégies et les conséquences.
26
En quête de légitimation : la carrière associative d’une organisation bénévole
Comme terrain de recherches nous avons choisi l’association Pelmechki na plechke (trad. De la
bouffe sur la place) créée en 2007 par un groupe d’étudiants de l’Université d’Etat de Moscou.
Cette organisation bénévole Pelmechki na plechke a été choisi d’une manière atypique selon trois
critères : a) c’était le seul organisme à ne pas se positionner (sur Internet ou par le titre) comme
une association religieuse ; b) cette organisation était monofonctionnelle, elle ne s’occupait au
moment des études que des sans-abri, ce qui était pratique vu la simplicité de l’étude (possibiité
de restreindre le champ des recherches, d’éliminer des détails) ; c) cette organisation a été la
première que nous avons trouvée sur Google.ru et le titre en a été extrêmement attirant vu sa
fraîcheur et son caractère inhabituel, exotique (sans pathos ni fadeur habituelle des titres de ce
genre d’organisations = « Une bonne charité » ou « Aide aux sans-abri », etc.), donc le choix a
été dans une certaine manière subjective.
Plus tard, dès que nous eûmes commencé à étudier l’organisation nous y étant inscrites, nous
avons appris que Pelmechki na plechke était aussi une organisation religieuse abritée par l’église
de la Sainte-Tatiana dans la cuisine duquel les bénévoles préparent des repas et dans un local
duquel ils trient des vêtements apportés par des paroissiens ou par ceux qui ont appris des
informations sur le groupe et ont voulu l’aider de telle ou telle sorte. Néanmoins cette découverte
a rendu rendu notre recherche plus intéressante parce que maintenant depuis cette association
nous pouvions étudier l’inter-action des diverses associations religieuses opérant dans la même
sphère de l’aide sociale
Depuis la fondation, l’association a subi une série de changements dont le plus important était le
déménagement de l’association à l’église de la Sainte-Tatiana24 (autrefois l’association se situait
dans un appartement privé où un couple d’étudiants, membres de l’association,habitaient). Le
déménagement a été suivi d’un autre événement assez important qui s’est passé dans deux
années – « la passation des pouvoirs » : l’ancienne fondatrice a quitté le groupe en 201125 (pour
fonder une autre organisation Starost v radost (trad. : La viellesse dans la joie). Les
coordinateurs se remplacent et au début de 2012 vient une fille, spécialiste en relations publiques
qui essaie de donner une nouvelle vie à l’organisation alors en déclin26. Elle a entamé quelques
rénovations (changement de titre du groupe, publications des nouvelles dans la presse et à la
24 La coordinatrice et la cofondatrice du mouvment Sacha S. était alors en 2009 secrétaire de presse du prêtre de l’église de la Sainte-Tatiana et elle a lancé l’idée de la coopération de l’église et du mouvement naissant (elle a proposé de laisser le mouvement agir dans la cuisine de l’égliseà. Et le prêtre a soutenu cette initiative. 25 Liza O., lors d’une rencontre informelle le 12.02.2013: « j’ai vu que tout était bien et j’ai compris que je pouvais partir ». 26 Les médias ont porté en 2011 un intérêt particulier au groupe (vidéo tournée par la Première chaîne de la TV russe, vidéo d’un chaîne turque), de plus l’association a vu la perte d’intérêt du coté des bénévoles.
27
radio, coopérations avec d’autres assoiciations religieuses, délibérations sur d’autres projets afin
de dépasser la caractère monofonctionnel du groupe) ce qui a provoqué des réactions et des
résistances parmi les collègues (concurrence) ainsi que dans l’association même (refus de
participer dans la quête de légitimation).
Nous étudierons les effects de la concurrence dont l’association est devenue « victime » et
parallèlement nous analyserons des stratégies de la promotion du groupe qui ont des effets sur
les participants et éveillent chez eux des sentiments contradictoires. Notre travail se déroulera à
trois échelles : associative (critique des collègues et concurrence interne), ecclésiastique
(interaction avec l’Eglise) et gouvernementale (Etat et son rôle dans la promotion du groupe).
En perte d’identité : rôle de l’Eglise et combat pour la légitimation
L’organisation n’a jamais eu de problèmes avec les pouvoirs municipaux. Son action a même
intéressé la Première chaîne (chaîne gouvernementale où les sujets sont commandés en une
partie par le gouvernement), marque d’un intérêt particulier. De plus, l’association est citée
parmi les organisations avec lesquelles coopèrent les plus grandes associations (par exemple, elle
figurent dans la liste des partenaires sur le site de l’organisation MILOSERDIE ou sur le site
ESLI DOMA NET (trad. : S’il n’y a pas de maison)).
Pourtant, les pouvoirs locaux ont parfois essayé de supprimer l’action bénévole quand elle
devenait gênante. Lors de la maraude du 12.03.2013 le groupe de bénévoles a été chassé de
l’intérieur de la gare par les gardiens (garde privée de la gare) et a dû distribuer des repas en
pleine rue, dans un square à 100 mètres du bâtiment, par les temps extrêmement froids (moins 15
degrés). Un des motifs de cette expulsion était émis par le représentant de la garde :
« Vous voulez que votre enfant voie ÇA ? Moi, je ne LE veux pas ! », un gardien de 40 ans, lors de la
procédure administrative d’expulsion [quand les sdf voient des bénévoles, ils créent une foule autour du
groupe afin de recevoir des repas et des médicaments, celui qui arribe an dernier, peut ne rien obtenir,
d’où la pression extrême et un nombre considérable de bénéficiaire localisés dans un endroit da la gare].
En fait, les raisons de cette procédure étaient plus profondes qu’un simple désir de ne pas
montrer des choses « abominables » aux voyageurs. Ce jour-là l’administration de la gare
attendait une commission gouvernementale et voulait garder « la propriété des lieux27 » (selon
les confidences d’un des gardiens). Le statut du groupe et l’uniforme avec l’image de l’église où
27 « Le mendiant s’appréhende ... comme signe d’une dégradation du quartier, et donc, d’une dévalorisation des comerces... », Brousse (2008, p.87).
28
le groupe est abrité n’ont joué aucun rôle décisif dans la prise de la décision de chasser les
bénévoles. Enfin, nous pouvons constater que cette mesure révèle en gros la position de l’Etat
envers l’action bénévole : les associations peuvent nourrir les sdf jusqu’au moment où ça permet
de garder leur invisibilté (comme s’ils n’existaient pas). Dès que les sdf deviennent visibles (ils
forment une foule ou une queue), les administrations recourent aux actions répressives, si cette
présence peut troubler l’ordre public, être scandaleuse aux yeux des citoyens ou des hôtes de la
capitales qui la voient (la distribution des repas dans un lieu fixé à la gare se produit le soir, vers
21 heures et le processus est « caché » dans un square où il y a peu de citoyens qui passent28).
En revanche, les relations avec l’Eglise semblent être plus denses et ambiguës. En effet, le
combat pour la légitimation du groupe étudié se déroule aux différents niveaux depuis 2009 et a
touché dès lors toute la structure de l’organisation ainsi que le mode de son fonctionnenement.
Si nous analysons les changements qui se sont produits dans le groupe dans les dernières années
(de 2009 à nos jours) et qui ont investi dans l’affaire de sa promotion, nous allons constater qu’il
y en a de trois types :
- spatial (déménagement de l’appartement privé à l’église) ;
- économique (lié au changement spatial, parce que le groupe est financé par la paroisse) ;
- professionnel (apparition des « métiers », des projets d’élargissement de l’action ; cas du travail
avec des organismes légitimes).
Donc, les deux changements sur trois sont provoqués par l’entrée du groupe dans les sphères de
la puissance de l’Eglise (comme le groupe est abrité par une des églises, il est en quelque sorte
encadré par l’Institution orthodoxe même – par l’Eglise orthodoxe).
Le déménagement du groupe en 2009 a été motivé par deux raisons – explicite et implicite. La
version officielle était de quitter l’appartement des amis (la présence des bénévoles devenue trop
encombrante). Néanmoins certains bénévoles « anciens » (fréquentant l’association dès le début)
disent que le déménagement était favorable de point de vue budgétaire29. En réalité l’association
a eu plus de financements : ils ont pu acheter des thermos, de la vaisselle nécessaire, de plus ils
ont eu la possibilité de diversifier leurs « menu » (ayant plus d’argent ils ont réussi à préparer des
28 « Chacun <souhaite> l’existence de ce genre de service, mais pas surson territoire », Brousse (2008, p. 84). 29 Les coordinateurs disent qu’ils peuvent maintenant se permettre d’acheter des uniformes ou d’investir dans d’uatres projets, loger quelques gens qui sont les plus démunis, acheter des tickets pour les trains et les bus, la chose autrefois impossible (ou possible, mais plus rare vu les dépenses non remboursées des activistes du groupe).
29
repas plus copieux30 et ont pu distribuer plus de portions31). L’église aide matériellement parce
que ses paroissiens laissent des donations. Mais l’accueil du groupe ne peut pas être nommé une
action purement charitable. En fait, l’église profite énormément du séjour du groupe, en
estimant les bénévoles être à son service. Elle peut même critiquer un peu afin de désigner aux
bénévoles leur position précaire dans l’église (l’administration juge gênante les stock des
vêtements et produits dans une chambre où les juristes-étudiants donnent des consultations) :
« Vous savez, le père a dit que vous deviez débarasser les lieux, emporter des vêtements du dépôt : les
plombiers n’arrivent pas à réparer le système de tubes ! », Nikolay, conducteur du groupe, salarié de
l’église (travaille comme gardien), à peu près 40 ans, lors d’un jour de préparation des repas au
coordinateur du groupe (le 12.02.2013).
Il est publié sur le site Internet de l’église dans la partie avec des actions charitables une annoce
de l’action sociale auprès des sans-abri où l’association est présentée comme un organe de
l’église (en rien autonome : « notre travail bénévole », « travail bénévole de la paroisse »). De
plus, les bénévoles après le déménagement ont reçu un cadeau de l’administration – des vestes et
des capes avec des logos, mais des logos de l’église (voir : Annexe 4, Image 6). Donc, l’action
bénévole était en quelque sorte appropriée par l’église. Comme l’église de la Sainte-Tatiana est
une des plus importantes à Moscou ayant un pouvoir symbolique considérable32, elle entre dans
le champ de concurrences entre les églises et un des facteurs importants dans le jeu des
concurrence pour un institut orthodoxe est le fait de rendre des services sociaux (cela attire du
financement et de l’aide du Conseil synodal). Nous voyons ici une sorte de symbiose entre
l’église et l’association pourtant cette symbiose a fait perdre une partie de son identité à
l’association.
En quelques sorte, le groupe a su se rendre légitime, mais par le biais de l’église. Il a acquis de la
visibilité (publicité sur le site et parmi les paroissiens) et de la présentativité (finances,
uniforme).
Nénamoins, il essaie de préserver son autonomie en diversifiant ses actions et des liens dits
« professionnels », de plus, en essayant de plus s’investir sur le marché associatif. Nous
reparlerons des stratégies de la légitimation après nos études des champs de concurrence et de
diverses critiques.
30 Avant c’étaient des pelmeni (= ravioli russes) distribué dans des verres en plactique (genre « clochard »), maintenant les coordinateurs achètent des conteneurs spéciaux avec un couvercle dont le volume est 2, 5 fois plus de celui d’un verre en plastique. 31 A peu près 200 portions contre 50-60 en 2008. 32 Vu son positionnement en tant que l’église de la première université russe (MGU). Ici le partriarche vient rendre service le 25 janvier (jour de la Sainte-Tatiana), la marque de la reconnaissance sans précédent.
30
Champs de concurrences : diverses critiques
Selon la classification proposée dans la première partie, l’association Pelmechki na plechke a les
qualités suivantes : religieuse, spécialisée en un secteur, bénévole, exerçant une mono-activité.
Entrée sur le champ des associations sérieuses après le déménagement dans l’église de la Sainte-
Tatiana (en essayant de dépasser le caractère amateur du groupe), l’association a commencé à
regagner de la confiance auprès des collègues et des sdf (la promotion de l’organisation pouvant
être jugée comme celle « par le haut » partiellement, parce que, d’un côté ,elle a été fondée hors
de l’influence ecclésiastique, mais, de l’autre côté, elle a joui d’une visibilité considérable après
s’être installée dans les locaux de à l’église). Mais le développement des relations et la visibilité
du groupe ont provoqué des critiques de toutes sortes (réactions à la promotion et indices de la
concurrence naissante) qui peuvent réunies en trois blocs :
1. critiques des associations ;
2. critiques de l’Institut de l’Eglise ;
3. critiques des bénéficiaires des aides .
Les associations-« partenaires » critiquent surtout le modèle associatif du groupe Pelmechki na
plechke. Et ces critiques se multiplient et viennent de deux cotés – des associations qui prônent
un autre modèle d’interaction avec les sdf et des associations ayant les mêmes méthodes du
travail (et qui ont la même opinion sur les questions religieuses).
Evidemment, les bénévoles de l’association paraissent traiter des sdf comme des gens humbles et
digne de pitié, de plus pour la plupart des participants leur action bénévole est un genre de
service rendu à Dieu, donc il y a une sorte d’étrange mélange de l’amour des autres et du
sentiment de la victime acceptée (auto-humiliation) dans les discours qu’ils prononcent dans les
médias ou pendant des entretiens :
« Nous devons nous rappeler chaque fois que NOUS leur SERVONS et au moment de la distribution nous
devons être dans un état pieux et humble, parce que si nous leur parlons en appuyant sur notre force, cela
les rend plus agressifs », Nastya, mambre du groupe Pelmechki ne plechke, 27 ans, dans un courrier
commun lors de la discussion sur un jour de distribution, le 24.04. 2013.
Pourtant, un jour une des sorties s’est déroulée d’une manière inhabituelle et déclenché d’autres
discours, plus brutaux et moins compatissants. Le 12 mars la situation s’est déroulée d’un
manière inattendue et elle est devenue incotrôlable : le groupe a été divisé en deux par la foule
des sans-abri pendant la distribution et il y a eu une sorte de bagarre où les sdf ont essayé
31
d’arracher des repas chez les bénévoles. Effrayés, ceux derniers ont fermé des thermos et ont
refusé de continuer la distribution, cette décision provoquant une nouvelle vague de
mécontentement. Le même incident s’est déroulé de nouveau le 23 avril 2013, de nouveau il y a
eu une bagarre. Dans les deux cas les bénévoles citent des raisons extérieures qui ont provoqué le
changement de l’ordre habituel (la permière fois – une voiture garée sur l’endroit habituel de la
distribution, la deuxième fois – la petite barrière séparant la foule et les bénévoles peinte sous
peu). En fait, il y a eu beaucoup de gens nouveaux, les mécanismes de la distribution étant mal
coordonnés et la foule – mal retenue, les tâches pas très bien réparties, le ccordianteur n’ pas pu
remédier à la situation et tout remettre à l’ordre. Ce fait montre que malgré des acquisitions de
finances et de statut le groupe reste amateur en quelque sorte n’étant point habitué aux situations
extrêmes.
Néanmoins, les bagarres ont provoqué une reflexion chez des coordinateurs sur l’efficacité du
travail et les a poussés à organiser une rencontre avec un psychologue étudiant le phénomène du
sans-abrisme (personne n’y est venu, à vrai dire, sauf le coordinateur et un bénévole s’occupant
de la mise en place de la maraude de cette assocaition) . La réaction à la désobéissance montre
que les bénévoles du groupe ont l’approche neutre de leurs clients et donne à manger pour
donner à manger parfois s’occupant d’autres choses sans une application necessaire. Les
partisants de l’approche personnelle (Danilovzi et CARITAS) ont reproché au groupe cette
manière de se distancier des bénéficiaires :
« ils veulent aider, mais ils n’ont aucune confiance à ceux qu’ils aident ! il faut être confiant ! ce sont des
adultes dans une situation très difficile !», Maria Perminova, chef du service social CARITAS à Moscou,
lors d’un séminaire sur le travail associatif et bénévole, le 8.02.2013.
[A comparer avec les paroles d’un des bénévoles des Pelmechki, Tanya Z., 20 ans, une fille assez
religieuse qui est depuis deux ans dans l’organisation : « non, il fait leur rappeler à l’ordre ! ben, on peut
être humble ; mais quand une centaine de gueux ivres et sales vous entourent, il faut prendre des
décisions, parfois assez cruelles ! », dans un courrier commun lors de la discussion sur un jour de
distribution, le 24.04. 2013.]
Toutefois les collègues ayant la même approche neutre jugent aussi assez sévèrement
l’association en lui reprochant le manque de religiosité (distribution de repas sans prières tandis
que les autres associations du tel type le font) et d’expériences professionnelles (refus de mettre
des masques sanitaires, chaos pendant la distribution de repas et de vêtements). Voilà un des
exemples de ce genre de critiques. Nous avons déjà parlé de l’oeuvre de l’Eglise essayant de
contourner les associations religieuses. Le 05.02.2013 le chef du département synodal de l’aide
sociale Ilya Kouskov est arrivé à l’église de la Sainte-Tatiane afin de participer à l’action. Il a proposé son
32
bus (de la fondation Aide et Protecteur), a offert à tous les participants de bouquins de la Bible (afin de
nouer des liens d’amitié avec le goupe au nom du Conseil synodal) et est allé à la gare avec les bénévoles.
Alors, il a enchaîné, d’une manière appuyée, des critiques : manque de masques et de gants médicaux,
point de prière au début de la distribution, trop de désorde lors de la distribution. Sa critique a surtout
touché la coordinatrice du groupe Anna O., parce que c’est elle qui a insisté pour qu’on invite Ilya
Kouskov, quelqu’un d’une grande importance dans le monde religieux et les sphères de l’aide sociale
(l’invitation visant en fait à montrer le groupe et son action auprès des pouvoirs de l’Eglise, à voire venter
en quelque sorte).
Les critiques des colègues ne sont pas prises en considération par les coordinateurs qui préfèrent
apprendre des choses par leur propre expérience. Néanmoins les associations ne sont pas les
seules à critiquer.
Les critiques plus pénibles pour les bénévoles sont celles des sdf. Comme le groupe aide les gens
sur la place des trois gares, les « habitants » de ces lieux peuvent comparer avec le travail des
autres (surtout celui de l’association légitime La gare Kourskiy – Enfants sans-abri, mais aussi
avec l’association Les gens des gares et parfois les Amis dans la rue). Les sans-abri critiquent
surtout la lenteur de la distribution (« vous êtes nombreux, effet est nul ! »), le manque de repas
(« c’est fini !! déjà ?? comment c’est possible ?!! »), le manque d’ordre et l’absence d’une vraie
queue (« regadrez ! ils mangent pour la troisième fois ! et il y des gens qui ont faim ! », « c’est
du bordel ! vous pouvez pas organiser ! regardezom il va ! donnez d’abord aux femmes ! »), les
critiques des repas (« c’est quoi ? de la soupe ?! et les autres donnent des pâtes !! ils ont
toujours des pâtes !! et vous non ! », « qui a préparé ces pâtes ?! c’est de l m*rde, mangez-en
vous-même ! dites au cuisinier qu’il est con, qu’il apprenne à cuisiner » )
[les critiques et remarques présentées ci-dessous sont recueillies lors de notre propre action en tant que
bénévole pendant les distributions en 2013: le 22.01, le 29.01, le 05.02, le 12.02, le 19.02, le 05.03, le
12.03, le 19.03].
Il est à mentionner que les critiques sont constantes : presque chaque jour où nous allions à la
gare, il y avait des critiques. Les critiques des bénéficiaires provoquent post-factum des réactions
négatives chez les bénévoles et aggravent la situation en « fortifiant » la distance, de plus ces
critiques sont à la base du burn-out de certains d’entre eux :
« Je ne veux pas y aller.. Je ne sais pas pourquoi. Je suis fatiguée, peut-être », Nastya, Nastya,
mambre du groupe Pelmechki ne plechke, 27 ans, propos entendus le 29.01.2013.
33
Les critiques énumérées montrent que le travail du groupe est bien surveillé et « coordonné » par
différents acteurs du marché associatif. Il reste à voir comment les critiques favorisent le
développement du groupe étudié.
Auto-critique comme moteur de la professionnalisation
Les critiques devenant abondantes et la dépendance à l’église de plus en plus croissant, les
bénévoles de l’association Pelmechki na plechke cherchent à revoir leur action pour améliorer la
qualité des « services » rendus. En effet, nous pouvons déceler deux démarches à suivre. La
première s’introduit dans la notion de l’auto-critique, et la deuxième se voit dans la recherche d’
activités alternatives.
Les deux jours « catastrophe » (le coordinateur du groupe Dmitriy a nommé un jour comme
« apocalypse des sdf ») ont provoqé des débats au sein de l’organisation. Les bénévoles se sont
divisés d’abord en ceux qui sont pour une approche plus personnelle (clément, humble, calme)
et en ceux qui sont pour une politique de l’association plus sévère et austère :
Approche personnelle : « Il faut comprendre que nous ne sommes pas dans les locaux de l’église ! Nous
arrivons chez eux [sdf] , dans leur maison ! Il faut respecter ça ! Nous ne pouvons pas leur dicter quoi
que ce soit, leur imposer des règles ou des normes, la discipline », Yakov, 28 ans, bénévole depuis 6 mois,
dans un courrier commun, le 14.03.2013.
Approche à distance : «Une sorte de rigeur, et même de rudesse, nous avons le droit de leur montrer, je
crois. Bien-sûr, pas pour décharger notre colère. Mais nous ne devons pas faire de la courtoisie, sinon
ils ne vont pas nous prendre au sérieux ! il faut parler la même langue brutale qu’ils parlent », Dmitriy,
coordinateur de l’organisation Pelmechki na plechke, dans un courrier commun, lettre envoyée le
13.03.2013.
« Nastya [à une des bénévoles], la prière c’est toujours bien, mais sans discipline
nous ne pourrons rien faire ! J’ai entendu plusieurs fois les sdf dire qu’ils ne viennent pas à nos
distributions parce qu’ils ont peur des bagarres et du chaos qui s’y déroulent ! Ils ont peur d’être écrasés
par la foule ! », Tanya Z., 20 ans, depuis deux ans dans l’organisation, dans un courrier commun, lettre
envoyée le 24.04.2013.
Par contre, les bénévoles ne critiquent pas que des relations avec les sdf (le comportement
demande parfois une maîtrise particulière psychologique vu les populatiosn concernées). Ils
critiquent aussi le déroulement de l’action et la structure du groupe.
34
La première fois a provoqué des critiques de manque d’ordre, de capacités professionnelles, de
maîtrise de la situation ainsi que manque de bénévoles. Le coordinateur Dmitriy a écrit dans une
lettre envoyé sur l’adresse commune (le 12.03.2013) qu’il y avait eu des raisons internes et des
problèmes d’organisation qui avaient engendré le désordre : 1) manque de gens (« peu de
bénévoles à la disctribution » ; 2) manque de technique (« point de coordination d’actions) ; 3)
manque d’organisation (« les rôles n’étaient pas partagé avant le départ »). Puis, il a proposé de
mettre en place certaines règles : 1) il faut avoir un responsable à chaque distribution qui
organise le processus et prescrive qui doit faire quoi; 2) il est interdit de se déplacer sans la
permission du responsable (de quitter l’endroit habituel) ; 3) il faut garder le rythme du processus
de la distribution.
La deuxième fois a révélé les mêmes problèmes (dans un mois après cette correction de
Dmitriy). Cette fois-ci c’est Anna O. qui a participé à la distribution et l’a critiquée après (dans le
mél du 24.04.2013). Les critiques essentielles : 1) trop de monde (les bénévoles ne peuvent pas
organiser le processus d’une manière cohérente) ; 2) manque de coordination (la distribution n’a
pas commencé en même temps) ; 3) manque de réaction (les hommes ont enflammé les sdf, et il
n’y eu personne qui ait pu les « localiser »). Elle a de nouveau proposé des règles : 1) il faut
travailer ENSEMBLE ; 2) si quelqu’un arrive à la gare sans prévenir, il ne lui est pas permis de
participer à la distribution ; 3) le nouveau bénévole ne peut pas particpier à la distribution si les
coordinatuers ne lui ont pas expliqué ce qu’il faut faire33 ; 4) il faut écouter le coordinateur et
oublier la « démocratie ». Les critiques d’Anna sont plus sévères parce que ce jour-là
l’association a accueilli les représentants d’autres villes pour leur montrer comment il faut aider
les pauvres (encore une démarche en quête de légitimation : positionnement de l’association
comme ayant beaucoup d’expérience qu’elle peut partager avec d’autres travailleurs du champ
associatif). Et c’était encore un échec (comme pendant la vistie de Ilya Kouskov décrite ci-
dessus).
Nous voyons que les critiques sont de la même nature : manque d’organisation et de chef qui
puisse gérer la travail . De plus, les coordinateurs traitent des choses qui sont évidentes pour les
chefs des organisations qui ont lu, par exemple, les manuels sur le travail bénévole (l’instruction
des bénévoles et la coordination du travail y figurent comme des principes primordiaux). Ce
manque d’expérience et de bonne gestion montre qu’en fait l’association n’arrive pas à sortir de
son état amateur et même s’il s’agit ici d’une aspiration à l’action plus professionnelle (dans le
sens du travail plus performant et plus technique, sans parler de la répartition des tâches ou des
33 De notre expérience personnelle nous pouvons constater qu’il n’y a aucune instruction préliminaire : nous avons été poussé à distribuer des repas tout de suite le premier jour de notre arrivée à l’organisation.
35
« postes » à l’intérieur de l’association), elle ne peut pas être accomplie pour l’instant vu un
travail insiffisant du corps des chefs (manque d’instruction et nécessité forcée des bénévoles de
se fomer « sur le tas »).
L’auto-critique vise à améliorer le travail de l’association à la gare et la rendre plus performante
(dans sa course vers la légitimation). Pourtant, les bénévoles réfléchissent à étendre leur champ
d’action. Ces derniers temps les membres du groupe pensent à surmonter leur mono-activité en
cherchant d’autres activités ( ou alors des actions alternatives). Par exemple, ils ont voulu créé un
centre d’hébergement pour les vieilles femmes sdf (expérience a eu lieu il y 18 mois et c’était un
échec, mais les bénévoles continuent à y réfléchir) ou des centres mobiles sanitaires (afin de
permettre aux sdf de prendre une douche). L’association a mis en place déjà une maraude qui
encadre des sdf près du métro Biblioteka imeni Lenina (station plus proche de l’église) et des
sans-abri à la gare Kievskiy (dont l’encadrement n’est point satisfaisant au niveau de toutes les
organisations), pourtant, la maraude ne sort pas chaque fois à cause du manque de gens. Les
recherches de nouvelles fonctions vont de pair avec la « professionnalisation » des bénévoles.
Stricto sensu il y a deux types de bénévoles dans l’organisation – « anciens » et « nouveaux » et
les premiers ont des rôles dans l’organisation (c’est le noyau du groupe), les deuxièmes étant
présentés comme de la main d’oeuvre. Ainsi existe-t-il des «métiers » suivants - juriste /
comptable, cuisinère, conducteur, spécialiste en relations publiques, technicien du logiciel.
Même la distribution des tâches se déroule selon les critères de la présence dans l’association
(plus un bénévole a de confiance, plus il reçoit de commandes exceptionnelles telles que renvoi
à la maison, achat des billets, hébergement, renouvellement du passeport).
La « professionnalisation » aide le groupe à se promouvoir parmi d’autres organisations et se
positionner en tant que groupe independant ayant une identité particulière et des traditions quasi
familialies (par exemple, s’il arrive un malheur à un bénévole, il demande aux autres de prier
Dieu pour qu’il aide, en envoyant la lettre sur l’adresse électronique commune). L’interaction
avec d’autres associations contribue à la consolidation de l’organisation. Pourtant le choix de
l’organisation partenaire se révèle aussi étrange. En réalité la coordinatrice de Pelmechki essaie
de nouer des liens avec des associations orthodoxes plus puissantes telles que la fondation Aide
et Protecteur34.
Et ce double jeu sur sa propre identité et le désir d’être protégée par un organe administratif
othodoxe montre le problème de la légitimation sous un autre angle. En effet le groupe est
34 L’association a aimablement proposé son bus pour aller distribuer des repas deux fois en janvier 2013, la deuxième fois le fondateur en personne (Ilya Kouskov) est arrivé pour surveiller le processus et le travail des bénévoles.
36
martelé entre deux types d’auto-promotion – celle « par le bas » et « par le haut ». Elle ne peut
pas devenir absolument autonome quoique elle y aspire (le manque de ressources autonomes
empêche de le faire), mais le fait d’être encadré par un groupe plus puissant (et en perspetive en
devenir partie) ne plait non plus aux coordinateurs. Donc l’organisation piétine dans son statut à
moitié légitime, à moitié animateur. De plus, la promotion « par le bas » est devenue presque
impossible vu l’intérêt particulier des organismes ecclésiastique porté au travail social. Cet
intérêt est peut-être apparu après l’arriveé des organisations étrangères à Moscou qui a provoqué
la peur des pouvoirs orthodoxes concernant l’influence et les rapports de forces.
Afin de finir notre macro-analyse du travail de l’association choisie, nous pouvons constater que
l’organisation Pelmechki na plechke représente un bon exemple du modèle de la légitimation
d’une association en Russie de nos jours avec des limites d’auto-légitimation (ascension « par le
bas »). De surcroît, le cas analysé montre l’intérêt particulier que l’église porte à circonscrire
l’action bénévole, à savoir la soumettre sous son contôle. Néanmoins les problèmes de la
légitimation touchent les bénévoles eux-mêmes qui ne supportent pas les jeux de concurrence et
quittent le groupe. Le cas d’engagement et désangagement sera analyser dans la deuxième partie
de notre travail.
37
Deuxième chapitre
Revers de la fortune : engagement et désengagement des bénévoles
vus à travers les concurrences associatives
L’étude des associations au macro-niveau laisse dans l’ombre un élément important de la vie
associative – à savoir les gens qui font du travail bénévole. Dans les analyses des concurrences
et des intercations les association sont prises comme des entités où les bénévoles sont des
rouages ou des composants aidant à mettre en place les stratégies de légitimation ou de
promotion sur le marché de l’aide sociale. Néanmoins, il ne serait pas anodin de mentionner que
les bénévoles peuvent jouer un rôle majeur dans les affaires de l’association et corriger les
tactiques administratives si celles des coordinateurs ou des chefs leur ne conviennent pas. Les
réactions des bénévoles varient selon le caractère des changements entrepris et vont parfois
jusqu’au désengagement ou réengagement dans une autre sphère. Dans ce chaître nous allons
procéder à la micro-analyse de la structure associative que nous avons choisie comme exemple
type d’une organisation en quête de légitimation. Dans un premier temps, nous allons étudier les
bénévoles, leur engagement dans l’association de point de vue de leur parcours socio-
professionnel qinsi que leur carrière associative. Dans un deuxième temps, nous allons voir des
cas du désengagement afin d’en apprendre les causes essentielles.
38
Recrutement et fonction des adhérents d’une association
Pour devenir bénévole il faut de la volonté et du désir d’aider les autres, comme croient la
plupart des nouveaux venus dans des associations. Servir la cause commune et au nom de Dieu
(une remarque importante vu le caractère presque religieux de l’association étudiée) - on ne
saurait inventer rien de plus séduisant pour ceux qui aspirent à faire quelque chose de bon et
utile. Pourtant, Camus a eu raison en disant que « l’enfer c’est les autres ». Les bénévoles
doivent parfois faire face à des situations pénibles causées non seulement par le travail, mais
aussi par les autres participants du groupe.
Dans cette partie nous allons comprendre comment les bénévoles viennent dans l’association
étudiée et de quelle façon sont-ils recrutés, quelle est la division symbolique du travail bénévole
et comment ils investissent dans le fonctionnement de la structure analysée.
Organisation du temps et de l’espace, fonctionnement de l’oragnisation
Le groupe analysé a été créé en 2007 par certains étudiants de l’université d’Etat de Moscou (6
personnes sur 8 parmi les anciens fondateurs étant les élèves d’ « alma mater », nom de
MGU35). Alors c’était un organisme réunissant des amateurs qui voulaient faire de « bonnes
affaires » (Liza O., une des fondatrices du groupe), pourtant leurs poids n’était ni remarquable,
ni entravant pour les participants même :
« Autrefois c’était pas comme aujourd’hui, tu sais.. on était entre amis, on allait acheter des produits (des
pelmeni), puis on venait à l’appartement préparer des repas et enfin on en distribuait sur la place des
trois gares » (Dmitriy, coordinateur, 26 ans).
En 2009 une des fondatrices a su obtenir la permission pour le groupe d’être logé dans des
locaux de l’église de la Sainte-Tatiana. Dès lors le fonctionnement de Pelmechki na plechke se
déroule sur le territoire de l’église.
Le groupe présenté nourrit les gens à la gare chaque mardi36 dès 20.30-21.00 (le temps de
l’arrivée dépend de la situation sur les routes moscovites – cas des embouteillages – et de la
35 Université d’Etat de Moscou, la plus ancienne université en Russie étant nommée la meilleure université où les étudiants reçoivent la formation classique (académique). Il est très difficile d’y entrer et d’y faire ses études. Les étudiants de MGU possèdent un gros capital symbolique. 36 Autrefois aussi vendredi à 17. Maintenat il est impossible de le faire vu le manque de ressources (matérielles et humaines).
39
présence de la voiture, dans le cas du manque de laquelle les bénévoles sont obligés de prendre
le métro : le fait soulignant une certaine précarité financière). Les membres devraient arriver à
partir de 17h, mais la plupart des gens viennent vers 18h – 18h 15 min. Il y a deux endroits où
l’action des bénévoles se déroule dans l’église – la cuisine et le dépôt. Dans le dépôt (que
l’association partage avec les juristes-étudiants de MGU qui y donnent des consultations
juridiques gratuites) les bénévoles gardent des produits (le stock de pâtes, de concentré de
tomates, de sel, de céréales, etc.), trient des vêtements (laissés par les paroissiens ou par ceux
qui, ayant appris quelque chose sur l’action bénévole, ont apporté des affaires inutiles pour adier)
et examinent des médicaments qu’il faut prendre à la gare. Le coordinateur du groupe y
« siège ». La préparation des repas se passe à la cuisine qui est « divisée » en deux parties
(secteurs du travail) : la première partie – les fourneaux – où les responsables préparent des repas
chauds et du thé (ici il y a un autre « coordinateur » - la cuisinière majeure , aussi bénévole, qui
surveille le processus) et la deuxième – la table – où on fait du repas « froid » - des tartines. Le
comportement des bénévoles est différent dans ces deux espaces de la cuisine. Les fourneaux est
un espace de travail austère et dur où les bénévoles font leur « boulot » en silence, sans papoter
ni rigoler. Le travail ici est assez dynamique, il faut être toujours attentif pour faire tout au plus
vite (remplir des barquettes en plastique, faire bouillir de l’eau pour le thé, laver la vaisselle, etc.)
A table la situation est moins tendue, ici les membres discutent, partagent des opinions,
plaisentent. Comme le travail est moins stressant (il faut préparer des tartines avec du pâté ou du
beurre et du pain), les membres sont ici plus détendus et plus à l’aise, les ordres de la cuisinière
ne sont pas obligatoires, elle ne surveille pas ce qui se passe à table. L’investissement du
bénévole dans les deux espaces de l’église est différent et dépend de sa position dans le groupe
(« ancienneté »). Après l’église les bénévoles partent pour la gare pour distribuer des repas. En
effet il est à distinguer deux types d’action hors de l’église – la distribution dans un endroit fixé
sur la place des trois gares (près de la gare Kazanskiy) et la maraude mise en place depuis le 1er
janvier 2013. Parfois si les bénévoles manquent à la distribution de repas chauds, le départ de la
maraude est annulé (la maraude a été supprimée 5 fois en 2,5 mois de l’observation de janvier en
mars, soit 5 sorties sur 10 sorties possibles, ce qui montre les difficultées liées aux ressources
humaines surtout, voir : Encadré n° 4). La participation à la maraude dépend de la volonté du
membre, pourtant le coordinateur peut se permettre de nommer quelqu’un qui fasse une
promenade à travers des endroits indiqués.
La distribution de repas se déroule pendant une trentaine de minutes (de 21h à 21 h 30), après les
bénévoles donnent des médicaments et des vêtements. Le processus de la distribution n’est
presque jamais discuté et comme il y a toujours certaines personnes qui sont de nouveaux venus,
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il arrive des problèmes et des relantissements dans la distribution, ce qui provoque des gênes
chez les bénévoles et des critiques chez les sans-abri37 :
« Il y une autre organisation ici, les repas sont distribués par trois personnes et ils le font plus vite que
vous ! » (un sans-abri, à peu près 40 ans, ressortissant d’un pays asiatique)
Le groupe dispose d’un courrier commun ([email protected]) et il est demandé
chaque fois d’accuser la présence ou l’absence pendant la prochaine distribution afin d’aider les
coordinateurs de mieux gérer le processus (les bénévoles indiquent l’heure de l’arrivée, s’ils
apportent quelque chose – le plus souvent il faut apporter du pain pour des tartines, s’ils aident
dans la cuisine ou ils vont aussi / ou à la gare). Ces derniers temps les coordinateurs ont forcé les
participants à distribuer des rôles avant le départ vers la gare vu la situation dangereuse qui s’est
passée avec le groupe le 12.03, quand les bénévoles ont subi une violente agression des
« clients » qui sont parvenus à séparer les membres du groupe et à diviser son unité en plaçant
les bénévoles dans un état précaire :
« Notre groupe est arrivée vers 21 heures. Il ne faisait pas très froid comme d’habitude et
grâce aux températures clémentes il y avait plus de gens dans la foule qui étaient venus
recevoir leur portion. Sur l’endroit actuel quelqu’un avait garé sa voiture. Nous avons dû
changé de place. Cela a déjà irrité les sdf : ils avaient occupé des places auparavant et
maintenant les premiers étaient presque derniers dans la queue. La queue a commencé à
se brouiller. Nous avons entamé le processus de la distribution sans attendre que
quelqu’un remette la queue en ordre. Il est venu d’autres sdf qui habitaient près du
système de ventilation du métro (là, il fait chaud en hiver, c’est un endroit « chic »,
priviligié) et se sont mis à quereller avec le coordinateur que nous distribuions des repas
près de leur « maison » et cette « maison » allait se transformer en poubelle (les sdf
jettent partout des conteneurs et de verre en plastique à la fin du repas et il est rare qu’ils
aident à tout ramasser). Dmitriy [coordinateur] est entré en discussion, assez calmement
et doucement (il le fait toujours d’une manière calme quoiqu’il prône chaque fois
l’application des méthodes sévères). Et la foule a commencé à presser et les bénévoles
(dont la plupart sont peu expérimentés) cédaient petit à petit à cette pression. Donc,
certains bénévoles sont restés à leur place ) distribuer des repas chauds (des pâtes et du
thé, le groupe dont je faisais partie), les autres ont changé de position (ils distribuaient
des tartines et du thé) – et le groupe s’est vu divisé en deux. La foule en a profité et a
37 Dans le premier chapitre (deuxième partie) nous avons déjà indiqué le manque de formation des bénévoles ce qui engendre des problèmes lors des sorties du groupe.
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commencé à entourer des bénévoles38. Les bénévoles effrayés ont fermé des thermos et se
sont placé en position de défense (petits groupes entourés par les sans-abri). Les
réactions étaient abondantes ; quelques sdf ont crié à arracher des repas, d’autres se
sont mis à pleurnicher en suppliant de recommencer la distribution. Lors de cet incident
le coordinateur s’est perdu complètement et ne savait comment réagir. Petit à petit la
situation s’est stablisée, les sdf ont cessé de pousser et le processus a été mené jusqu’à la
fin »
(extrait du journal du terrain, le 12.03.2013, vers 21h ; nombre de participants – 10 avec
le coordinateur).
Néanmoins, la distribution des rôles se passe toujours très mal, les membres oublient ce qu’il
doivent faire et ils refont la liste de rôles sur place.
Ainsi est-il à constater que les bénévoles peuvent choisir leur activité dans le groupe (toutes
proportions gardées) : intérieure et extérieure, chacune étant aussi divisée en deux (extérieur –
gare ou maraude // intérieur – cuisine / dépôt). Pourtant la gratuité du choix est à remettre en
cause parce que ce n’est pas toujours le bénévole qui choisit l’activité. Avant d’entamer l’analyse
des fonctions bénévoles dans l’association nous voudrions donner une description des gens qui
participent à l’action du groupe.
« Figures » du bénévole : types de participants
Pendant les 3 mois où nous menions nos recherches en tant que bénévoles dans l’organisation
Pelmechki na plechke nous avons pu dresser une liste de participants et faire des fiches
biographiques, dont nous allons exposer les résultats.
L’analyse s’est portée sur plusieurs critères dont l’âge, le sexe, la formation, la situation
familiale, la situation financière, le statut professionnel et la religiosité. Nous avons estimé
surtout les gens qui ont fréquenté l’église et la gare, sans inclure dans notre analyse les « sortis »
et les adhérents « à distance ». Les gens introduits dans l’analyse ont été rencontrés par nous
quand même une seule fois (ou plus) pendant notre travail bénévole. Les résultats des recherches
sur les caractéristiques personnelles sont les suivants :
38 Les sdf ont toujours peur de ne rien recevoir – cela arrive chaque fois presque : soit des tartines manquent, soit le thé ; lors de notre engagement nous n’aurions pu nommer aucun jour en 3 mois où il y ait eu des repas pour tous
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- âge : 78 % des membres ayant moins de trente ans (de 19 à 30 ans):
- sexe : 53 % des membres étant femmes;
- formation: 69 % des membres ayant la formation supérieure (19% ont fait leurs etudes à
MGU);
22 % des membres en train d’obtenir leur diplôme (= étudiants) ;
-statut professionnel : 69 % des membres ont un travail stable (bénévolat – tâche
supplémentaire) ;
- situation familiale: 22 % des membres étant mariés;
- situation financière : 80% des membres de classe moyenne russe (assez aisée) ;
- religiosité : 12,5 % des membres n’étant pas pratiquants.
Donc, nous pouvons stipuler que la majorité des bénévoles sont issus d’un milieu favorisé ayant
un certain capital culturel ou économique, ils sont libre (célibataires) et font de « bonnes
affaires » au nom de Dieu. De plus, c’est un peu une association des jeunes qui représentent
l’image de l’organisation comme créée et dirigée par des jeunes gens actifs et croyants. Ce qui
influence, à propos, l’image de l’église qui recrute des bénévoles parmi ces jeunes paroissiens.
Cette stratégie de renouvellement de ressources humaines améliore l’image de l’église et lui
donne un caractère plus moderne, plus ouvert à la jeunesse (sans sclérose ecclésiastique).
Néanmoins, il existe d’autres critères d’analyse pas moins intéressants. Il est à constater que
pendant nos recherches nous avons vu en somme 32 personnes, chaque mardi il y avait d’environ
de 11 à 16 personnes (certains viennent dès le début à l’église, d’autres arrivent vers 19h,
d’autres encore étant présents à la gare seulement). Parmi ces 32 personnes il est possible de
distinguer celles qui forment un noyau (gens venant assez souvent – 6 personnes) et celles qui
font partie de la « périphérie » (gens dont la fréquentation est petite – 14 personnes – ou
moyenne – 12 personnes). De plus, après avoir étudié l’ancienneté du séjour dans l’association,
nous avons dégagé trois types d’adhérents – « anciens », « néophytes » et « touristes39 ».
- les « anciens » (plus d’un an dans l’association) : le groupe assez limité et consolidé qui
contient 13 personnes dont seulement deux sont présentes d’une manière régulière (8 ou 7 jours
sur 8) contre . Ils sont des relations amicalesn discutent des problèmes, parlent des « temps
passés » (« Tu te souviens de l’époque des premières distributions ? c’était si cool... » Dmitriy,
coordinateur, à Ludmila, les deux étant des bénévoles dans ce mouvement asssociatif depuis
2008, soit 5 ans déjà). Parfois les anciens viennent juste pour voir des copains (« Euuh.. je ne
reconais personne, hein.. » Tanya Z., bénévole depuis 2011, à nous, les « verts » travaillant dans 39 Notion empruntée à Xavier Zunigo parlant des bénévoles à Calcutta (Zunigo, 2007/5).
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la cuisine), ils se voient hors des murs de l’église (relations intimes personnelles : mariage de
Vadim I., accompagné par Anton S. par exemple), se permettent d’informer les autres sur les
actions qui se passent dans leur vie (naissance d’un bébé ou un proche parent en état de coma), le
courrier commun étant la ressource principale d’envoi de ces messages personnles. Ils sont plus
prédisposés à l’épuisement (dont les causes et les conséquences seront étudiées dans une autre
partie). La plupart des anciens ont été recrutés dans l’université (entre amis) et un peu plus tard –
par les bénévoles déjà parmi les paroissiens de l’église de la Sainte-Tatiana ;
- les « néophytes » (de 2 à 12 mois dans l’association) : le plus grand groupe (14 personnes),
dispersé qui noue des amitiés, mais se distancie du groupe des anciens (les neauveaux adeptes
sont plutôt favorables soit à ceux qui sont venus dans le groupe en même temps qu’eux-mêmes
ou à ceux qui viennent d’adhérer). Pour eux le travail bénévole est un service, une affaire noble.
Ils sont très enthousiastes envers ce qu’ils font. Le recrutement des derniers s’est passé via
Internet (surtout des réseaux sociaux et le site Internet bezdomnye.org, et alors ils sont contactés
par le coordinateur ) ou parmi les paroissiens. Les néophytes sont plus nombreux mardi (5
personnes sont présentes presque chaque mardi – 7 jours sur 8 jours ou 8 jours sur 8) et ils
essaient de faire le plus possible (prendre tout travail, aider au maximum), ils ne gèrent point leur
temps (les « anciens » pouvant leur laisser le « sale travail »). De plus, les néophytes sont dans la
majorité très religieux / convertis (en rusee « vozerkvlenniy » - revenus à la foi, devenus de
fervents adeptes de la foi orthodoxe) ;
- les «touristes » (moins de 2 mois dans l’association) : le groupe peu nombreux (5 personnes)
qui inclut différents gens dont la présence au sein du groupe est passagère, pour lesquelles l’aide
aux sans-abri constitue une sorte d’expérience touristique extrême confinant au danger en
quelque sorte. Les « touristes » peuvent rester dans le groupe et devenir néophytes après , ce qui
est assez rare ces derniers temps (une personne sur 5 étant revenu après deux visites de
l’association) :
« Il y a toujours quelqu’un qui vient. Chaque fois une nouvelle personne ! on s’intéresse à notre action,
bah, mais.. c’est... c’est pas sérieux... » Nastya K., cuisinière, depuis un an dans l’association.
Parmi les « touristes » il est possible de rencontrer aussi des étrangers (un « ancien » du groupe a
emmené ses quatre étudiants de Birmanie (05.03.2013) afin de leur montrer l’action bénévole en
Russie). Les « touristes » cherchent des informations sur le net et dans des réseaux sociaux,
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parfois ils viennent après avoir participé au service divin où ils avaient entendu parler du groupe
bénévole auprès de l’église.
Ainsi avons-nous montré le corps des bénévoles dans l’organisation étudiée en esquissant un peu
le schéma des relations dans le groupe. Il reste à souligner que trois types des bénévoles
découverts sont importants pour l’analyse des fonctions des bénévoles dans le groupe et de la
division symbolique du travail bénévole.
La division symbolique du travail bénévole
La différenciation des participants selon le critère de l’ « ancienneté » se révèle prépodérante si
nous estimons les fonctions que les bénévoles remplissent dans l’association. En gros, une
certaine « professionnalisation40 » commence dès qu’ un bénévole s’est enraciné dans le groupe
et dès qu’il est arrivé à « s’acclimater », ce processus demandant de deux à trois mois environ
pendant lesquels le bénévole est testé d’une manière particulière : le coordinateur regarde
comment il se comporte à la gare, qu’est-ce qu’il peut faire, est-ce qu’il est disponible pendant
d’autres jours (pas seulement mardi), est-ce qu’il peut faire des choses plus sérieuses
(renouvellement des papiers, achat des tickets pour les sans-abri, achat des produits au
supermarché, de grands frais étant à la charge des coordinateurs qui utilisent pour ça l’argent des
dons privés), est-ce qu’il est capable de dépenser son propre argent (les coordinateurs demandent
d’acheter du painou parfois des paquets pour la poubelle ou du concentré de tomates, en bref
faire de petites dépenses qui ne sont pas rémunérées). Quant à la formation elle se passe « sur le
tas » : les anciens ou les néophytes n’expliquent presque rien, le nouveau venu doit comprendre
tout lui-même ou poser des questions sur l’action. Les coordinateurs ne s’occupent pas de
nouveaux en principe. Et le nouveau venu ne sais pas quoi faire, où aider et comment réagir dans
certaines situations :
« - Voulez-vous du thé ? allez, prenez-en (nos paroles en tant que représentants du groupe adressées à
une nouvelle fille ayant une vingtaine d’années, très timide et effacée).
- Non, je peux pas.
- Pourquoi, hein ?
- Mais je n’ai rien encore fait ! » (la fille pensant que dans le groupe régne le principe du « troc », que
pour obtenir quelque chose il fallait donner quelque chose).
40 Ici nous voudrions souligner que le mot « professionnalisation » désigne pour nous la capacité de faire un certain nombre de travaux exigeant une maîtrise de telle ou telle sphère d’action (comme synonyme de la formation ou instruction). Il ne s’agit pas d’acquisition de salaires, de diplômes spéciaux,etc. en effet, de tout ce qui contourne symboliquement le champ du travail classique.
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En fait le nouveau venu rencontre non seulement des problèmes professionnels (manque
d’expérience bénévole), mais aussi des problèmes sociaux – intégration étant assez difficile,
surtout si la personne est très timide :
«<Une fille s’approche du groupe des bénévoles faisant des tartines à table> :
- Il faut faire quelque chose ?
- Bein, non.. on ne sais pas... peut-être, aux fourneaux ?
<la fille va aux fourneaux> :
- Faut faire quelque chose ? Je peux vous aider ?
<Un bénévole s’occupant des pâtes> :
- bah.. je pense qu’il y a rien à faire.. peut-être, aidez là , avec des tartines ! »
Comme ça, les nouveaux venus, s’ils n’ont pas de connaissances dans le groupe, sont mis dans
une sorte de cocon d’où il est difficile de s’échapper. Ils ont l’impression d’être oubliés, point
remarqués, inutiles :
« Tout le monde fait des choses... il n’y a rien à faire.. » Eva, 24 ans, « touriste », un peu désespérée par
sa première expérience. « J’ai toujours voulu aider.. je me suis décidé de le faire.. et je suis venue.. et ici
tout le monde est si occupé... »
Le fait est que pour la plupart des membres anciens le groupe se présente comme un endroit où
ils voient des amis ou des copains. Ainsi un nouveau venu est-il pour eux un étranger qui doit
gagner de la confiance. De plus, il y a toujours assez de « touristes », chaque semaine une
nouvelle personne vient, et les anciens ainsi que les néophytes ne veulent point leur faire
attention.
De sucroît, pour les néophytes le nouveau venu est quelqu’un qui arrive pour travailler et pas
pour bavarder ( se socialiser). Et ils ne l’aident pas à s’intégrer. Cela ne veut pas dire que c’est
une sorte de cercle clos sans possibilité d’y entrer. Les gens sont aimables, tout simplement il
faut leur prouver que le nouveau venu n’y est pas pour se divertir.
Toutefois il existe une hiérarchie des tâches à l’église ainsi queà la gare et cette diversification
est explicable au niveau pratique (pourtant cette hiérarchie est moins soutenue à la gare vu un
état de choc permanent où se trouvent les membres du groupe pendant la distribution les résultats
de laquelle sont chaque fois imprévisibles). Toute personne arrivée peut s’occuper de quelque
chose selon ses capacités (voir : Tableau A ci-dessous).
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Tableau A. Division du travail au sein de la structure étudiée
Bénévole
(réunis selon le critère d’ancienneté)
Activité exercée
Eglise (cuisine / dépôt) Gare
Touriste faire des tartines, paqueter des repas chauds (en mettre dans des barquettes en plastique, laver le plancher, faire la vaisselle, jeter des ordures – des boîtes de conserves vides à la poubelle)
distribuer des assiettes, des fourchettes ou des cuillères ; distribuer du thé ou des tartines (tous les produits ou les objets sont donnés à un autre bénévole qui donne tout à un sasn-‐abri)
Néophyte préparer des repas (pâtes, soupe aux fèves, gruau de sarrasin, riz) ; ouvrir des boîtes de conserves, remplir des thermos, faire du thé, apporter des produits du dépôt ; aider à trier des vêtements et des médicaments ; acheter aussi du pain
mettre en assiettes de repas chauds, distribuer des barquettes ; distribuer des médicaments ; donner ( assez souvent) des repas aux mains des sdf (une expérience pénible pour les nouveaux venus)
Ancien gérer le processus à la cuisine, bien trier des vêtements (pour que les bénévoles puissent trouver vite des affaires nécessaires), des médicaments ; discuter le processus de la distribution, partager des rôles ; de plus, préparer les sacs avec toutes les affaires que le groupe va prendre à la gare et surveiller à ce que rien ne soit oublié (des assiettes aux masques ou gants médicaux en passant par les capes au symbole de l’église)
donner des repas aux mains des sdf, organiser et maintenir la queue, gérer des bagarres et des querelles
La division du travail montre que le passage d’un statut à l’autre (« pillons » ou « marches »
dans la carrière bénévole) se produit grâce à la formation que les bénévoles reçoivent petit à petit
(cas « église ») et à une habitude qui s’acquiert lors des distributions (cas « gare »).
Ainsi est-il à souligner que les tâches se distinguent selon deux objectifs. A l’église un certain
degré de formation est exigé dans certains cas (savoir-faire qui n’est pas pourtant trop
sophistiqué, à force de venir et apprendre chaque bénévole pouvant parvenir à maîtriser des
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connaissances obligatoires). A la gare la chose la plus importante est la maîtrise de la situation et
les capacités de surmonter le dégoût personnel (les « anciens » sont les plus proches des sdf), les
deux sont à apprendre au cours des participations constantes aux distributions. Si un nouveau
venu commence à accomplir une tâche un peu difficile il peut être choqué et parfois agressé
(faire quelque chose d’une autre manière et avoir de pénibles conséquences ) :
« J’ai confondu des vêtements, j’ai mis dans les sacs des choses pour les femmes. On a dû tout emporter
à l’église après la distribution, on n’a rien distribué » Nastya M., alors « touriste », maintenant ayant un
statut de « néophyte » [à la gare il y a peu de femmes et beaucoup d’hommes, donc les vêtements féminins
sont inutiles, la bénévole a confondu des paquets et a embrouillé le processus de la distribution]
« Il faut intérdire de venir sans prévenir, comme ça, tout court, à la gare ! c’est inadmissible ! ils
brouillent le processus de la distribution ! ils ne savent pas quoi faire ! » Anna O., coordinatrice du
groupe [sur ceux qui arrivent tout de suite à la gare, très souvent des « touristes » voulant regarder le
« show »].
La différenciation des tâches et des positions peut être vue au niveau quotidien et dans des
situations banales. Par exemple, les « anciens » arrivent surtout vers 19h, comprenant q’ à cette
heure-là tout le travail est déjà normalement fait. Ils prennent leur temps, ils ne sont pas pressés.
Par contre, les « néophytes » sont toujours à l’heure, essaient toujours d’apporter des produits,
acheter du pain, être à 100 pour cent utiles. Mais la différence entre les premiers et les
deuxièmes (nous ne prenons pas en considération les « touristes » vu leur statut instable /
précaire dans l’organisation) est beaucoup plus complexe et se voit au niveau idéologique.
Encadré n° 4. La maraude – et l’engagement personnel du chercheur
Dès mon arrivée à l’organisation en tant que bénévole j’ai été soumise à une sorte d’épreuve (des
« tests »). D’abord, dès la première visite de la gare j’ai dû donner des portions aux mains des sdf
(contact physique brutal), parce que, primo, il n’y avait pas assez d’ « anciens » libres, une étant occupée
par la distribution, deux autres – par la queue (et pour accélérer le processus les coordinateurs nomment
deux personnes resposables de la distribution aux mains). Secudno, parce que les « néophytes » présents
pendant la distribution ont refusé net d’avoir de contacts physiques avec des bénéficiaires (un dégoût pas
encore surmonté). Et je me suis forcée à le faire (afin de comprendre la confusion et le malaise des
autres). Le premier test a été passé sans un grand échec (la dynamique de la distribution , la queue énorme
de gens en haillons et le degré d’adrénaline extrême dans le sang fait oublier tout dégoût et petit à petit la
personne distribuant des repas s’y habitue). Après cette expérience j’ai rempli la même fonction pendant
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trois distributions consécutives (je donnais des repas aux mains). Un peu plus tard (le 05.03.2013) le
coordinateur m’a demandé de prendre part au groupe mobile (la maraude) que l’association a du mal à
mettre en place : les ressources humaines manquent (le 5.02, le 12.02, le 19.02, le 19.03 la maraude a été
annulée), de plus, le bénévole qui participe toujours à la maraude (autrefois c’étaient les coordinateurs
eux-mêmes qui tâchaient de revenir à l’église avant le départ du groupe principal à la gare) est un garçon
travaillant d’une manière autonome, qui ne se positionne pas comme bénévole de Pelmechki na plechke,
mais comme un « collaborateur libre ». Ainsi, les coordinateurs ont-ils accepté cette manière de cohabiter
afin de mettre en place leur groupe mobile qui contribue à la promotion du groupe et améliore son statut.
Donc, j’ai participé à la maraude deux fois. De plus, le coordinateur m’a démandé de faire descendre une
femme sans-abri dans un hôtel modeste (l’expérience unique, pourtant c’était un échec). Enfin, j’ai aidé
certains sans-abri en donnant leurs contacts au coordinateur du groupe qui a su les envoyer à la maison
(donc, j’ai fait preuve de l’initiative).
Après une pause de deux semaines je suis revenue chez les bénévoles et du coup j’ai compris que les
coordinateurs ont inventé moi une focntion dans le groupe – participant permanent de la maraude : « tu
sais, l’autre fois on n’a pas pu même envoyer la maraude, il n’y avait pas de gens » // « tu sais.. tu
pourrais aller avec Dmitriy [garçon qui a choisi de travailler en coopération avec l’association]
aujourd’hui ? il faut quelqu’un pour le groupe mobile ».
De cette manière, j’ai obtenu un rôle dans l’organisation (comme en parle Florence Weber dans son
oeuvre sur l’auto-analyse) . Certes, il n’est pas obigatoire de le faire, de plus, il y a eu deux fois où deux
autres filles m’ont remplacée, pourtant le choix de ma candidature pour la maraude est presque résolue
par le coordinateur, étant donné que je me connais déjà en la matière après avoir participé à l’action de
la maraude (j’ai passé par une certaine formation, « sur le tas », bien-sûr).
En fait il a été déjà mentionné que les « anciens » ont une approche intime des relations dans le
groupe. Pour eux Pelmechki na plechke est un lieu de rencontre amicale, le groupe reste pour eux
amateur en quelque sorte. Et toute transformation de l’ordre habituel peut être conçue comme
une atteinte à la liberté personnelle. Pour les « néophytes » l’organisation a déjà une notoriété
certaine comme un organe auprès de l’église dont parlent des médias , leur prêtre... Une situation
type de cette opposition s’est révélée il y a deux mois dans le choix du nouvel titre du groupe, la
bataille sur le net qui a duré depuis 5 mois. La nouvelle coordinatrice Anna O. (en essayant de
faire de la promotion du groupe en tant que spécialiste en relations publiques) a dit que
« Pelmechki avait grandi » et « l’ancien titre est devenu « petit » », ne répondant pas aux
exigences du moment (à savoir : entrée sur le grand marché associatif où il faut être
représentatif). La querelle a eu deux étapes . La première – latente, où les bénévoles parlaient du
titre de temps en temps, proposaient des titres sans rien changer, il y avait une certaine unanimité
d’ « anciens » visant à bloquer le commencement de vrais débats (« Ça dure très longtemps et on
ne décide rien depuis « ce longtemps » », Dmitriy, coordinateur, dans un entretien informel, le
49
05.03.2013). Puis un bénévole qui s’occupe du site Internet a proposé d’organiser un sondage
sur Internet. Les « anciens » y ont participé jusqu’à un moment, puis ont refusé d’aller plus loin
et ont demandé à mettre dans la liste des titires le titre ancien. Le responsable du sondage y a
consenti sous la pression des coordinateurs et a organisé le troisième tour où l’ancien titre l’a
emporté. Le fait a provoqué beaucoup de joie chez des « anciens » :
« Merci à Dieu que nous n’avons rien changé ! Quand nous avions mis la pagaïe, nous pensions que les
titres tomberaient du ciel l’un meilleur que l’autre, mais c’était au contraire ! Si un jour quand même
nous nous mettons à faire du rebranding des Pelmechki, il faudra créer un groupe de travail qui
étudierait tout à fond et donnerait des variantes de titres ! » Dmitriy, coordinateur, dans un courrier
commun, le 03.03.2013, à la fin de la discussion sur les titres.
Pour les « anciens » le titre est une des seules choses autonomes qui sont restées après le
déménagement du groupe à l’église (nous avons déjà parlé de l’annexion de l’association par
l’église dans la première partie de notre travail portant sur les concurrences dans le monde
associatif) et depuis tous les changements internes. Ils sont très attachés à ce symbole des temps
passés . Parfois ils citent des « mythes de création » du titre :
« Ouais, ouais, je m’en souviens ! C’est Sacha S. qui aurait dit : « Nommez-vous soit Pelmechki, soir
Makaroni (= pâtes), cela n’a pas d’importance ! » », Katya A., 25-30 ans, sortie de l’association, dans un
courrier commun, discussion sur les titres, lettre envoyée le 27.02.2013.
Bref, les « anciens » se sont montrés contre l’initiative du changement. Par contre, la dernière a
été largement soutenu par des « néophytes » pour lesquels le titre actuel est un peu bouffon et
point sérieux. Ils proposaient parmi des titres tels que : « Une bonne espérance », « L’un à
l’autre », « Une bouée de sauvetage », « Le nouveau jour » – des titres « fades » selons les
« anciens » :
« Mais Pelmechki, ça sonne beaucoup mieux ! Tenez, Aide et Protecteur, Enfants sans-abri, CARITAS,
Soteria ce sont des banalités ! il y a là trop de pathos ! « De la bouffe sur la place » – voilà un bon titre
pour caractériser le travail que nous faisons ! », Anton S., « ancien », depuis 3 ans presque dans
l’association, 30 ans, dans un courrier commun, lettre envoyée le 25. 02.2013.
Comme exemple de cette « querelle des anciens et des modernes » nous voudrions aussi citer
une discussion des membres sur le titre où l’ancien participant a lancé une sorte de plaisanterie
en proposant tout un éventail de titres possibles : « les tartines sur la mine » , « des pâtes dans le
50
placard », « du thé sur le quai », etc. Et les « anciens » ont accueilli ses propos d’une manière
très positive et ont continué à rigoler. Les « néophytes » se sont indignés en disant que c’était de
la moquerie, de la bêtise extrême :
« C’est de la bouffonerie », « en attendant cela on a le désir de se mettre à danser joyeusement », Yakov,
« néophyte », depuis septembre dans l’association, 28 ans, dans un courrier commun, lettre envoyée le
25.02.2013.
Les deux approches sont pourtant assez lucides et compréhensibles – pour les premiers le
groupe a son statut dans son passé (et le titre est ainsi important comme le passé) :
« Mais Kourskiy vokzal – Enfants sans-abri [association] ne s’occupe plus des enfants sdf, pourtant le
titre reste ! c’est leur histoire ! » Anna O., coordinatrice.
Pour les seconds le groupe n’a pas de passé fabuleux, en revanche il a des ambitions de
promotion, et le titre plus traditionnel et plus solide serait favorable à la promotion (et, du coup,
à la concurrence). Certains ont proposé de prendre le titre Tatianinzi (comme l’église qui abrite
le groupe est celle de la Sainte-Tatiana) qui réduirait en cendres les vestiges de l’ancienne
association Pelmechki (titre a été proposé par ceux qui sont venus à l’organisation au moment où
elle était déjà sous la protection de l’église) :
« A l’étape des délibérations orale on a émis la proposition de se nommer Tatianinzi. Il y a là de
l’exclusivité, ça s’apprend très vite, ça a un caractère religieux et point pathétique... de plus, nous avons
un emblème de l’église au dos sur l’uniforme, donc, aucun logo à inventer ! », Andrey Ch., sorti, ancien
coordianteut du groupe, dans un courrier commun, lettre envoyée le 25.03.2013 (photo à voir dans
Annexe 4, Image 6).
« Mais... à mon avis, Tatianinzi c’est nul, c’est banal », Tanya Z., « ancienne », depuis deux ans dans
l’organisation, dans un courrier commun, 20 ans, dans un courrier commun, lettre envoyée le 26 .02.
2013 (riposte à la lettre précédente).
Ce désir de s’effacer complètement en faveur de l’église montre à quel point l’influence du lieu
du culte est important pour la construction de l’image moderne de l’organisation.
Donc, nous pouvons constater que les différents types d’engagement dans le groupe (types de
bénévoles) sont liés aussi au statut du groupe qui se révèle important pour ses adhérents. Et de
surcroît, nous pouvons supposer que le désengagement ait aussi des causes profondes, plus que
personnelles dans ce cas-là. Les causes et les conséquences du désengagement des bénévoles
nous allons étudier dans notre deuxième partie.
51
Quand l’amour fait défaut : désengagement des bénévoles
Noua avons entendu les bénévoles dire plusieurs fois (les « anciens » surtout) qu’ils ne veulent
pas aller à la gare distribuer des repas. Ils citent diverses raisons, y vont en général, mais une
gêne reste. Intriguez par ce comportement, nous avons décidé de voir quels sont les raisons qui
sont chachées derrière ces paroles, et quel est le facteur majeur qui pousse les bénévoles d’aller
jusqu’au bout de leurs déclarations (« aller jamais à la gare » – abandonner le groupe). Dans
cette partie nous étudierons les « cas extêmes » de l’engagement dans la première partie et puis
verrons quelles sont les objectifs principaux du désengagement.
Faire face aux difficultés : bénévoles et complication des taches
Le travail dans l’association peut être différent comme nous l’avons démontré dans la première
partie sur la division des tâches bénévoles. Pourtant, nous n’avons abordé qu’un volet du travail
– travail direct / explicite qui signifie l’engagement sur place. Néanmoins, il est préférable de
souligner qu’il en existe d’autres. En gros, les bénévoles peuvent être engagés à distance et
remplir différentes fonctions hors de l’église ou la cuisine. Cet engagement à distance concerne
seulement les « anciens » et les « néophytes » (jamais – les « touristes »).
Parmi les travaux à distance il est à mentionner des tâches liées à la socialisation des sans-abri
(travail avec les clients) et celles liées à l’administration (travail d’amélioration du groupe), soit
travaux extra muros et intra muros :
1. Travail avec les sans-abri touche surtout les problèmes juridiques et administratifs tels que le
renouvellement des papiers, l’achat des tickets et le renvoi du « client » à la maison. Ce travail
est fait majoritairement par les « néophytes » ou les coordinateurs eux-mêmes (vu la
disponibilité des acteurs). Si personne parmi les « néophytes » ne peut aider à faire ce travail
jurdique, c’est le coordinateur qui en est surtout chargé. Sa responsabilité envers le groupe le
pousse très souvent à consacrer sa vie intime personnelle au mouvement :
« il se peut que je ne vienne pas aujourd’hui, j’ai des choses à faire. [ Dmitriy, le coordinateur, dans le
courrier commun, le 2 avril 2013] (un peu plus tard, dans une autre lettre) Je vais arriver parce qu’il n’y
a pas beaucoup de monde aujourd’hui et il faut aller à la gare. Si les gens arrivent, je repartirai faire
mes affaires ».
« Comme il n’y a pas de gens qui puissent aider ce sans-abri à le faire enregistrer administrativement,
c’est moi qui dois le faire. Je dépense énormement de temps à faire ces choses –là, les papiers et tout, je
travaille sept jours sur sept jours. Mardi j’étais à la gare, mercredi et jeudi je faisais la régistration,
dimanche je renvoyais un sans-abri à la maison. Au travail on est inquiet que je parte trop tôt, je dis que
52
c’est pour le doctorat. Au doctorat je n’écris rien, je dis que je travaille. En fait, je surveille les affaires
de l’association. Ça prend tout mon temps. » (Dmitriy, le cordinateur, 25 ans, spécialiste en logiciel,
propos recueillis le 12 .02 .2013).
Les « anciens » s’occupent très rare de ce genre d’action juridique, vu le manque de temps
surtout (la justification essentielle étant le travail principal qui finit très tard ou d’autres actions
bénévoles). Pour les « néophytes » les critères sont assez variables en commençant par la notion
du service social rendu à Dieu (motivation religieuse) et en finissant par le désir de s’enraciner
dans le groupe le plus possible (conquête de positions dans l’association41).
Nénamoins, il est à souligner que même un tel travail qui demande des connaissances
particulières n’est pas expliqué. Le bénévole doit apprendre des choses au moment de l’action.
Citons-en deux exemples.
Un jour le coordinateur a envoyé une bénévole à faire loger une sdf dans un hôtel pour les
immigrants.La femme est arrivée avec de gros sac et la bénévole en a porté un pour aider la
femme. Elles ont fait 40 min de route. Arrivées à l’hôtel, elles ont appris que la femme sdf ne
pouvait pas être logée parce que sa carte de migration avait expiré il y a trois jours.La bénévole
a téléphoné au coordinateur et lui a expliqué la situation. Le coordianteur a réclamé qu’il savait
qu’on ne pouvait pas loger sans cette carte. Puis il a dit qu’on pouvait faire loger la sdf dans un
autre hôtel, situé àl’utre bout de la ville. Pour le coordinateur, la nécessité de vérifier les dates
d’expiration de carte était évidente, mais comme la bénévole ne pouvait pas le savoir (faute
d’explication reçues), il y a eu un échec (la femme sdf deçue par le voyage inutile, la bénévole –
par le premier échec dans sa carrière dans l’association).
Le deuxième exemple est pris dans une autre sphère du travail. Celle des savoirs concernant le
comportement dans des situations difficiles. La maraude est arrivée à la gare et après la
distribution de repas un homme assis sur un banc est entré en conversation en disant qu’il venait
de quitter la prison et il avait besion de dormir quelque part dans un endroit. Et selon son
argumentation, le groupe qui représentait un service social devait le loger dans un endroit
soécialement prévu pour ça. Un des bénévoles a expliqué que ces services étaient hors de leurs
compétences (d’une manière un peu arrogante, avec une petite agression), et l’homme a réagi
d’une manière brutale : il a crié au groupe de mots grossiers et a promis de le tuer sur place si les
bénévoles ne quittaient pas tout de suite les leiux. Les bénévoles sont partis en courant de la gare.
Cette expérience montre que les bénévoles n’étaient pas préparés à ce genre de situation et leur 41 Le fait d’être « ancien » pourvoit une statut particulier, munit la personne en bénéficiant du capital symbolique. Comme les « anciens » est un cercle un peu clos, la possibilité d’y entrer est perçu comme un exploit (une sorte de promotion).
53
comportement n’était pas convenable. Encore une fois, ils n’ont pas passsé par une instruction, ni
par une formation.
Encadré n° 5. Travail extra muros comme stratégie de la promotion dans le groupe.
Le cas d’une bénévole paraît être exemplaire. Nastya M. essaie de s’investir le plus, elle fait
toutes les tâches que le coordinateur lui propose de faire sans refuser, elle cherche à se fixer dans
l’association et obtenir plus de notoriété et de confiance auprès d’autres bénévoles. A part son
travail fervent elle fait toujours des compliments, aspire à être aimable avec tout le monde (elle a
aidé un bénévole à faire un certificat pour la piscine, a proposé à une autre bénévole de
fréquenter les cours de danse, etc.) et n’est pas assez religieuse (n’est pas patiquante). Pour cette
fille le groupe est un lieu d’épanouissement personnel et de conquête de position sociale (le fait
d’être ancien et donc devenir personne de réference dans l’association). Elle est originaire de
Tcheboksary, capitale de la Tchouvachie, une république de la fédération de Russie, ville assez
éloignée de Moscou. Arrivée il y a 4 ans à Moscou afin de trouver du travail (elle est médecin
de formation), elle cherche à se positionner et à créer des liens sociaux. Pour elle le travail dans
le groupe représente un double avantage – de se montrer comme une personne charitable et de
chercher un époux potentiel (elle « drague » le coordianteur du groupe).
2. Travail dans l’administration des affaires du groupe inclut toutes sortes de travail qui vise à
améliorer la vie de l’association et à la rendre plus performante. Ce travail est accompli par les
« anciens » et comprend plusieurs volets d’où il est possbile de tirer certaines suppositions sur la
professionalisation des tâches parmi lesquelles nous pouvons distinguer les suivantes :
- relations publiques : une « ancienne », Anna O. (de temps en temps nommée coordinatrice du
groupe), s’occupe de la promotion dans les médias (articles qui paraissent sur le site
MILOSERDIE) ; elle se positionne comme porte-parole de groupe (émissions à la radio42) ;
- géstion administrative (groupes dans les réseaux sociaux et le courrier commun, site Internet) :
un ancien s’occupe du maintien du site ainsi que du courrier commun, de plus, il essaie de
promouvoir le groupe sur le net (sur google.ru le premier site qui surgit après la demande tapée
telle que « sans-abri / aide aux sdf » est le site de ce groupe-là43) ;
42 La radio Govorit Moskva ( Moscou parle ), émission Dezhurniy po gorodu (Employé de la ville) enregistrée le 22.10.2012. 43 Certains touristes apprennent l’existence du groupe de cette manière, via Internet.
54
- aide juridique professionnelle : un juriste bénévole propose son aide dans les cas extrêmes et
donne des conseils pratiques dans différentes situations (recherche de logement, problèmes
admminstratif avec tel ou tel projet de l’association, par exemple, la mise en place de la maison
pour les vielles sans-abri) ;
- gestion financière (compte dans la banque) : un bénévole possède un compte bancaire sur
lequel les gens qui sympathisent le groupe peuvent verser des sommes pour le financer.
Pourtant cette manière d’exercer une « profession » est douteuse, parce qu’elle paraît plutôt être
une sorte d’arrangement des bénévoles avec le groupe : la profession n’est point acquise pendant
l’action dans l’association (quand les bénévoles suivent une formation après avoir entamé leur
travail dans le groupe pour mieux répondre aux exigences du dernier). Les bénévoles avaient dès
le début cette formation et leur engagement à distance peut être jugé comme succédané du travail
à la gare ou à la cuisuine. Ils cherchent leur niche qui leur permet de rester parmi les bénévoles
sans faire de sale boulot. En revanche, ils utilisent des compétences qu’ils ont eues lors de leurs
études universitaires et les mettent au profit du groupe. Parfois cela reste le seul moyen de
pouvoir s’engager (le spécialiste en logiciel ne peut pas venir parce qu’il a un nouveau-né et une
jeune famille qu’il nourrit (ce qui entre parfaitement dans sa carrière socioprofessionnelle), donc,
il s’occupe du site du groupe afin de rester au courant et aider au maximum).
Par contre, le travail à la cuisine et à l’église demande l’acquisition d’un certain savoir-faire
indispensable pour un bon fonctionnement du groupe (un bon déroulement du processus de la
distribution des repas ou de la préparation des plats) ainsi que le travail avec les san-abri.
Pourtant ce savoir-faire est à apprendre « sur le tas » : les bénévoles se heurtent parfois à des
problèmes liés à l’ignorance de certaines règles ou normes faute de les avoirs apprises grâce à
l’aide des collègues du groupe. Par exemple, le bénévole donne de l’argent à son client sans
acheter le ticket, comme résultat le sdf achète de l’alcool et ne repart point à la maison. Ou le
désir de loger un sdf dans un foyer ou une auberge peut rencontrer un échec parce que le
coordinateur n’a pas expliqué certaines choses importantes (nécessité d’avoir une carte de
migration non-expirée pour quelques foyers, etc.). Quant aux « professions » nées au sein de
l’organisation (cela veut dire que les gens qui les exerçent s’en croient les premiers responsables
et le sont pour tout le groupe44), nous pouvons en citer deux : celle de la cuisinière (une
« ancienne » s’occupant de la préparation et de la gestion de tout le processus à la cuisine) et
celle du conducteur (un ancien dont le seule fonction est d’emmener les bénévoles à la gare sur 44 Ils ne sont poirn rémunérés , ils ne touchent pas de salaire.
55
sa propre voiture et de les attendre là-bas afin de transporter les affaires, les thermos, etc. à
l’église à la fin de la distribution). Ces professions représentent un cas un peu particulier : la fille
est devenue cuisinière majeure parce que c’était son choix individuel (elle aime préparer et sans
elle le processusne s’arrête pas, donc, elle n’est point indispensable), le conducteur, lui ne fait
rien d’autre, en jugeant déjà siffisan son service en tant que « transporteur »). En fait, il faut
préciser qu’il n’y a pas de salsrisation ni d’acquisition d’une profession stable lolrs d’une
formation . Les bénévoles peuvent faire tout en même temps et le degré de leur engagement
dépend de leur « ancienneté » ( les « néophytes » font le maximum).
Ainsi, nous constatons que même si le groupe est en train de se battre pour la légitimation de son
action bénévole, il pense peu au caractère plus professionnel des services rendues et ne s’occupe
point de la formation des bénévoles (sans parler du corps des salariés qui n’y est point
représenté). Les bénévoles sont obligés d’apprendre « sur le tas »à bien agir et à faire tout
correctement, ce qui abîme l’image de l’association auprès des bénéficiaires de son aide et
d’autres organisations (quand les bénévoles n’arrivent pas à bien maîtriser le processus). Parfois
des voix s’élèvent pour répartir des tâches (surtout en ce qui concerne le travail à la gare) sur le
papier avant le départ (écrire qui doit faire quoi et comment) : de cette manière les bénévoles
aspirent à régler les situations difficiles :
« La distribution ce n’est pas le moment où on peut avoir une initiative personnelle ! » (Anna O.,
coordinatrice) // « Je crois que les rôles doivent être bien distirbués comme dans un match de foot : qui
est « attaquant » , qui est « défenseur » » (Lena L., 29 ans, « ancienne ») [les deux filles se sont
exmprimées dans le courrier commun pendant la discussion sur un jour de distribution, le 13.03.2013].
Toutefois, les tâches ne sont jamais accomplies deux fois par la même personne (il n’y a presque
jamais la même quantité ou même corps des bénévoles, aussi les tâches sont-elles faite par
d’autres gens chaque fois, il n’y a pas de mécanisation de travail, les gens s’habituent chaque
fois de nouveau les uns aux autres). Et le processus est très souvent perçu comme un vrai exploit,
une épreuve :
« Nous avons survécu à une autre distribution, mes félicitations, amis ! » (Dmitriy, le cooridnateur, dans
le courrier commun) // « Encore une fois nous l’avons fait, bravo et bon courage ! [distribué les repas] »
(Anna O., coordinatrice, dans le courrier commun).
56
D’un côté, les bénévoles ont l’occasion de travailler différemment dans l’association, d’un autre
côté, ils ont rarement un bon niveau de services, ne répondent pas aux exigences de la qualité
nécessaire. Evidemment , le travail même du bénévole apparaît comme une aventure demandant
des capacités plutôt psychologiques (foi, religiosité, courage, assiduité) que de qualités
profesionnelles (personne dans le groupe ne se plaint d’être mal instruit par les coordinateurs ou
du fait que le coordination ou le professionalisme leur manquent, les deux jugés comme
insignifiants) :
« Il nous faut être plus patients avec eux [les sdf], plus calmes, tout faire avec l’amour » (Yakov, 28 ans,
« néophyte », dans un courrier commun, lettre envoyée le 13.03.2013) [la discussion après un jour de
distribution, point de propos sur le caractère professionnel, ni sur les problèmes du manque de
compétences].
En quelque sorte, les coupables d’un mauvais déroulement de l’action sont toujours ou presque
toujours les bénéficiaires (sans-abri). L’absence de l’auto-critique a pour résultat l’absence
d’amélioration du fonctionnement et par conséquent la légitimation du groupe se révèle comme
freinée (au moins elle est assez lente et se produit surtout grâce à l’action externe des
« anciens » – promotion dans les médias ou participation aux séminaires des associations, à
savoir au niveau théorique et pas pratique). Seulement ces derniers temps les auto-critiques
émergent, mais – une chose paradoxale – ce sont les « anciens » qui critiquent implicitement les
« touristes » ou les « néophytes » dont la présence ne dure pas longtemps à l’organisation (Anna
O. dans une de ses dernières critiques a mentionné une fille Luda qui est entrée en discussion
avec des sdf et a provoqué un scandale, par exemple). Les nouveaux venus sont critiqués pour le
manque de compétences qui ne sont pas enseignées ou pour le maque de formation / de savoir-
faire qu ne sont pas donnés. Et la situation ne semble pas changer parce que les coordinateurs
ne se rendent pas compte de ce qu’ils doivent enseigner, eux-mêmes ayant reçu leur formation
« sur le tas ».
Donc, nous pouvons souligner qu’il existe dans le groupe différentes sortes d’engagement
(travail direct / travail à distance, travail avec les sans-abri / travail de la gestion du groupe).
Maintenant il est l’heure de comprendre s’il esxiste des types de désengagement et si tel est le
cas quelles en sont les raisons principales.
57
Désengagement comme moteur d’auto-promotion
Dans cette sous-partie de notre analyse nous allons aborder le problème du désangagement et
essayerons d’en comprendre les raisons ainsi que les spécificités. En parlant du groupe étudié il
ne serait pas anodin de citer le cas des « sortis » - les gens ayant abandonnés l’action bénévole et
les « anciens » dont la présence dans le groupe passe presque inaperçue.
Les « sortis » sont les bénévoles autrefois présents dans le groupe qui l’ont quitté pour
diiférentes raisons. Premièrement, l’abandon peut survenir après un choc – moral ou culturel dû
à la brutalité des émotions reçues lors du travail bénévole. Mais le choc peut être physique et
moral :
- le choc physique est ressenti par les « touristes »surtout, les gens qui viennent pour la première
ou deuxième ou troisième fois. L’odeur, l’apparence physique, les gestes brusques provoquent
chez les « touristes « des émotions ambigües (peur, dégoût, intérêt45):
«J’avais l’impression qu’ils [les sdf] allaient nous emporter comme un torrent... » ; « J’avais peur que
nous ouvrions la porte [de la voiture] et eux [les sdf] se jettent sur nous tout de suite ... » (Dacha, 19 ans,
« touriste », l’impression sur la première fois, propos recueillis le 5.02.2013).
Dans un certain temps le choc physique s’apaise, mais un autre choc apparaît – le choc moral /
culturel. Comme les « néophytes » et surtout les « anciens » sont les plus proches des sdf, ils sont
moins protégés : ils travaillent avec la queue des sans-abri, ils sont dans la foule des sdf et
essaient de gérer le processus de la distribution et par conséquent ils attirent l’attention des sdf
qui peuvent être rudes et grossiers envers leurs « bienfaiteurs ». Ainsi les « anciens » sont-ils les
plus éxposés et commencent à détester le comportement des sdf qui exigent sans rien donner en
revanche ni montrer aucune reconnaissance. Et les bénévoles ayant déjà une grande expérience
(plus d’un an) renoncent à aller à la gare sans expliquer ce refus ou sans l‘expliquer d’une
manière cohérente :
« Je ne sais pourquoi je ne veux pas y aller. Peut-être, c’est l’hiver.. » (Tanya Z., 20 ans, « ancienne », 2
ans dans l’organisation) // « Je ne sais pas pourquoi, mais je n’y irai pas.. ça fait déjà la troisième fois
que je ne le veux pas. Je ne sais pas.. c’est le manque d’amour [la fille étant très religieuse], peut-être.. je
fais tout dans la cuisine, mais je ne veux pas aller à la gare. Il faut faire une pause.. » (Nastya, cuisinière,
« ancienne » ; 1 ans dans l’organisation).
45 A comparere avec les émotions de Declerck dans son livre Les naufragés : avec les clochards de Paris, paru en 2001. .
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Les coordinateurs ou les « collègues » ne tachent aucunement de remédier à ce choc. Les
décisions sont à prendre par la personne elle-même. Soit elle assume et recommence à travailler
avec les sdf, soit elle change de « service à Dieu » (notion employée par les bénévoles eux-
mêmes), soit elle part.
Néanmoins, le départ des bénévoles dû à l’épuisement moral est très rare. Ils le font selon
d’autres raisons. Et il y en a deux types liés (les deux) à la carrière :
- changement de carrière professionnelle (avoir un bébé, changer de carrière, etc.). Comme la
plupart des gens faisant partie de cette organisation sont les jeunes , parfois étudiants, ils arrivent
à trouver un emploi et ils abandonne le travail bénévole direct. Après ils peuvent aider en tant
que « professionnels » (maintien du site, par exemple) ou ne pas aider du tout, sans s’arracher cu
groupe. Il est ç citer aussi le cas où les « anciens » se servent de leur travail bénévole comme
d’un tremplin afin de se promouvoir. La coordinatrice du groupe est devenue sous peu la
représentante de la plus grande association russe humanitaire religieuse MILOSERDIE où cette
fille travaille en tant que salariée, spécialiste en relations publiques (c’est elle qui a commencé à
promouvoir le groupe étudié et pour elle c’était un espace d’expérimentations). Un autre cas –
l’exemple du juriste du groupe qui s’occupe maintenant de la réforme juvénile et des actes de
Magnitskiy (afin de se créer une position plus stable et certaine dans le monde de la
jurisprudence) ayant abandonné tout travail bénévole (deux ou trois fois il est passé à la télé dans
les actualités comme bénévole du groupe ce qui a contribué à sa promotion) ;
- changement de carrière bénévole. Certains « anciens » quittent l’organisation pour trouver
d’autres associations où ils puissent s’investir. Les sortis dans ce cas-là émettent différentes
raisons qui peuvent être toutefois classées :
1. ils passent à une autre organisation qui a pour but de traiter d’autres catégories des
personnes étant socialement exclues (vielles gens dans des maison de retraite, enfants
abandonnés malade dans des hôpitaux) ; qui vise à renouveler des lieux de culte (reconstruction
des églises, par exemple).
2. ils créent leurs propres organisations afin d’obtenir plus d’autonomie (l’ancienne
coordinatrice a créé l’association Starost’ v radost’ (trad. « La Vieillesse dans la joie ») qui a été
en mars 2013 nommée parmi les préténdants au prix du journal AIF décerné aux meilleures
organisations humanitaires en Russie).
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Nous pourrions supposer que les « sortis » passés aux autres organisations humanitaires
cherchent un autre endroit où l’administration est plus bonne ou le travail est mieux coordonné,
ou bien où le statut de l’organisation donne plus de possibilités pour la promotion et pour le
développement de la carrière bénévole. Néanmoins, il faut constater qu’il n’y a pas de VRAIS
sortis. Les « anciens » ne quittent jamais l’organisation à 100 pour cent. Cela veut dire qu’ils
abandonnent le travail bénévole sans abandonner l’institution qui leur est très chère (lieu de
souvenirs communs et d’amitiés anciennes). Même s’ils n’aident aucunement, ils participent à
chaque bouleversement institutionnel et y réagissent (exemple : changement de titre et réaction
féroce des « anciens sortis » ne voulant rien changer dans l’organisation ). Ce poids des pouvoirs
« d’antan » est spectaculaire en ce qui concerne le statut du groupe : ils ne voient pas la nécessité
de la légitimation ou de la promotion. Pour eux, c’est un peu « le mythe de l’âge d’or » (ils
parlent des « autrefois » et des « alors »).
Donc, nous constatons que le désengagement des bénévoles n’est jamais complet (ils
n’abandonnent pas absolument et continuent leur action dans diverses sphères humanitaires ou
de différentes manières) et qu’il est caractérisé surtout par l’abandon du travail plutôt que par
l’abandon de l’organisation. Pourtant, à travers ce désengagement partiel nous pourrions juger
des mécanismes de l’influence que les bénévoles utilisent afin de préserver l’association telle à
laquelle ils se sont habitués. Et ce phénomène-là nous allons aborder dans notre troisième sous-
partie.
Concurrence interne et stratégies de pression
Il faut tout de suite souligner qu’en fait cette sous-partie va traiter surtout sur les stratégies du
rappel à l’ordre que les bénévoles utilisent (Gaxie, 1977 ; Hirschman, 1995). Il est impossible
dans la plupart des cas de constater que les bénévoles quittent l’association afin d’en trouver une
autre plus compétente ou moins professionnelle. En fait, nous avons montré que les « anciens »
sont toujours présents dans l’association, ils corrigent ses actions et pèsent chaque fois le degré
de danger que l’association peut courir si elle accepte telle ou telle politique du coordinateur.
Pourquoi n’y a-t-il point de désengagement pour d’autres organisations ? Nous avons cité un cas
exceptionnel : quand l’ancienne fondatrice est partie pour fonder une autre association, mais ce
cas-là demeure le seul. En principe, les rapports des anciens bénévoles dans cette association
ressemblent beaucoup aux celles dans une famille (nous l’avons déjà mentionné). Ils se
racontente des nouvelles, se soutiennent, s’interaident et critiquent les verts. Ils se comportent
comme des clients fidèles qui ne veulent pas abandonner leur association. Ils veulent qu’elle soit
60
toujours la même - un peu amatrice, accueillante et... fermée ( à « huis clos »). Les « anciens »
se montrent assez hostiles aux nouveaux venus (nous avons remarqué déjà leur comportement
indifférent envers les gens nouveaux46), ils ne les aident pas à se socialiser, à nouer des amitiés
(une fille qui est devenue « néophyte » a dû surmonter un vrai mur d’indifférence afin de créer
des relations dans le groupe. En gros, les « néophytes » travaillent avec les « néophytes » et
parfois les « touristes », les « anciens » préservant leur statut à part. C’est une hiérarchie dans
l’association qui est de facto insurmontable, parce que le critère principal de l’ascension c’est
l’ancienneté dans l’organisation (capital symbolique particulier) et il est impossible de se situer
parmi les « pères-fondateurs ». Voilà pourquoi, peut-être, les « néophytes » aspirant à obtenir les
mêmes biens symboliques (ou de la même importance) collaborent avec l’église et appuient sur
leur piété. Le fait à mentionner – le groupe a deux coordinateurs : l’un (garçon) est dès le début
dans l’organisation, l’autre (fille) est venue il y a un an et essaie de promouvoir l’association.
Donc, les deux coordinateurs représentent deux époques de l’existence du groupe – ancienne
(dans un appartement) et moderne (déménagé dans l’église). Les deux coordinateurs voient
diffréremment l’avenir du groupe (ancien – rien changer / moderne – se légitimer) et ont parfois
de « petites qurelles » , par exemple, sur l’heure du départ. La coordinatrice (« modrene ») juge
indispensable de partir à 20h pile. Le coordinateur (« ancien ») dit que l’heure a déjà changé
depuis longtemps parce que les bénévoles veulent préparer plus de repas et le conducteur n’est
pas contre ce décalage des heures. La moderne prône la discipline (il vaut mieux partir plus tôt,
parce que les repas ne suffisent jamais), l’ « ancien » lui montre qu’il est plus compétent dans
les questions de la gestion de l’organisation à ce niveau-là (niveau du travail) puisque il est
présent chaque jour de distributions et elle ne l’est pas. Leurs relations représentent la
quintessence des relations au sein de l’association : les « néophytes » veulent être sérieux,
formés, disciplinés (« petits bourgeois honnêtes») ; les « anciens » savent toujours ce qu’il faut
faire étant donné au’ils ont été toujours dans l’organisation (ils sont comme des « notables »).
Enfin, nous pourrions mentionner des stratégies que les deux camps utilisent afin de promouvoir
leurs intérêts dans l’association. Le « anciens » peuvent bloquer les décisions (exemple avec les
titres) et critiquer des « néophytes » (en montrant leurs compétences). Les
«néophytes » renvoient toujours à la discipline et montrent par les exemples du service fervent
qui est un vrai bénévole. Et la transformation de la structure dépend des tensions entre les deux
groupes. Ainsi, le groupe est-il confronté à un double problème : les « anciens » veulent garder
l’autonomie d’autrefois, l’identité associative, mais ne font rien pour promouvoir le groupe en
tant que tel (comme organisme autonome), les « néophytes » sont pour le changement en
échange de l’autonomie et quitte à perdre l’identité (le fait d’être une organisation à la solde 46 Voir : Première partie, troisième sous-partie (« La division symbolique du travail bénévole »).
61
d’une autre, plus grande et solide, est perçu positivement par eux, vu le fait que l’organisation
étudiée est elle-même perçue comme un organisme auprès de l’église qui le subventionne). Mais
cette situtaion peut être vue à travers les concurrences dans le groupe , et donc, il est possible de
revoir les relations « association – église » comme une symbiose où les deux acteurs profitent
des bien symboliques : l’église reçoit un organe d’aide bénévole soutenue par «les « néophytes »,
et les « néophytes » profitent du soutien de l’église dans leur concurrece avec les « anciens ».
En revanche, les «notables » influencent le développement du groupe et le sclérosent.
En quelque sorte les bénévoles ressemblent aux clients d’une erntreprise qui luttent pour la
qualité de leur compagnie et la rappellent à l’ordre si la dernière commence à changer du
« produit ». Du coup, les anciens clients (« anciens ») se mobilisent et tentent de remédier à cette
tournure des événements. Mais en même temps d’autres clients (« néophytes ») arrivent qui
apprécient beaucoup le nouvel ordre (nouveau produit). Et les deux groupes se mettent en
combat clandestin afin de déferndre leur « produit » (leur qualité).
L’analyse des parcours des bénévoles nous a permis de déceler des relations existant dans
l’association. D’abord, nous avons pu voir la hiérarchie présente dans le groupe pour étudier
après des relations entre les différents acteurs du micro-champ associatif et y retrouver des
concurrences internes.
62
Conclusion
Lors de nos recherches nous avons essayé d’étudier le champ associatif russe aux micro- et
macro-niveaux. L’objectif en était de comprendre comment les organismes associatifs
fonctionnent, s’interagissent et quelles sont leurs relations avec des instituts étatique et
ecclésiastique.
Les associations russes, s’occupant en majorité de la lutte contre la précarité et l’exclusion
sociale, sont placées dans un terrain d’action assez spécifique. D’un côté, elles sont impliquées
dans un jeu de concurrence implicite. Si au premier temps le chercheur a tendance de déceler le
travail de complémentarité : elles essaient de proposer leurs services sur les mêmes endroit mais
pendant les jours de la semaine différentes (afin de mieux répondre aux besoins des
bénéficiaires), pourtant, elles se distinguent par la qualité de services rendus (ce qui est
remarqué par les sans-abri eux-mêmes) autant que par la méthode du travail (à distance ou
personnelle). Ensuite, l’action bénévole est très souvent circonscrite par les mesures de l’Etat et
placés sous le contrôle informel de l’Eglise orthodoxe. Ainsi, nous avons pu voir apparaître deux
problèmes majeurs : l’aspiration de l’Eglise d’imposer son influence sur tout le marché associatif
et les concurrences entre l’Etat et l’Eglise dans les questions sociales. La fonction de l’Eglise est
comparable à celle des pouvoirs publics en France : comme l’Eglise reste le seul financeur du
champ associatif, elle peut influencer les activités des bénévoles et parfois même bloquer
l’action de certaines ONG, surtout internationales. Par cela, elle surveille toutes les activités sur
le champ associatif et devient plus compétente dans la sphère de l’aide d’urgence. Ces
compétences lui permettent d’accumuler des puissances afin de corriger les fonctions étatiques
au niveau social et plus globalement – au niveau de la politique publique. C’est ces résultats que
nous avons tirés de notre analyse du macro-niveau associatif.
Après avoir étudié les approches différentes du travail associatif et les stratégies concurrentielles,
nous nous sommes centrées sur les effets qu’une procédure de la légitimation peut produire sur
une association en quête de représentativité. L’association choisie (les critères du choix étant
décrits dans le premier chapitre, nous n’y revevnons plus) a été placée dans son contexte (travail
avec d’autres organisations et relations avec des instituts étatique et ecclésiastique) afin de
comprendre qulles stratégies elles emploie pour se promouvoir et quelles conséquences cette
promotion a sur la structure et les participant du groupe. Nous avons démontré que l’association
commence à améliorer ses services grpace aux différentes critiques provenant de collègues
63
(d’autres associations) et de bénéficiaires d’aide (sdf). De plus, il s’est révélé que l’activité du
groupe est de plus en plus encadrée par un organe de l’Eglise ce qui justifie notre thèse sur
l’influence extérieure de l’église tentant d’inclure l’organisation dans sa structure (et par
conséquent lui faire perdre son identité et autonomie).
Une fois l’analyse du macro-niveau fini, nous avons procédé à l‘étude des relations qui se créent
au sein de l’association choisie (micro-niveau). Et là nous avons constaté que les bénévoles ne
sont pas pareils, même s’ils servent la cause commune , ils le font de différentes manières
(division symbolique des tâches, statut des bénévoles dans la structure). De surcroît, en étudiant
les statuts des bénévoles nous avons découvert que les participants se patagent les possibilités
d’influencer les stratégies de la promotion du groupe. L’influence peut s’exercer à diverses
échelles et permet de constater la position ambiguë des bénévoles dans l’asssociation. Souvent
vus comme des « travailleurs » dans le champ associatif, ils se comportent comme la clientèle
tentant d’influencer (par la « prise de parole ») les décisions des coordinateurs-« chefs ». Cette
vision originale des fonctions des bénévoles dans le groupe explique le caractère partiel du
désengagement aperçu dans l’association étudiée (abandon du travail, mais point d’abandon de
l’organisation).
L’analyse des deux niveaux du champ associatif nous a montré le réseau des concurrences à
diverses échelles et a permis de faire quelques suppositions et propositions pour le travail à venir
que nous allons exposer ci-dessous. D’abord, Il est à souligner le rôle prépondérant de l’Eglise
qui commence à gagner plus de crédibilité et de confiance auprès de la populaton et en quelque
sorte grâce à son expansion sur le champ associatif (elle obtient de plus en plus de capital
symbolique et se montre le seul gérant des problèmes sociaux). Donc, il est à supposer que sous
peu l’Eglise pourrait contourner tout travail bénévole dans le pays, en écartant des associations
laïques (vu manque de ressources financières chez les dernières) et en élargissant le champ de
ses influences (sur d’autres organisations). Il sera intéressant de voir le rôle de l’Eglise dans la
construction de la politique publique de l’Etat et les stratégies ecclésiastiques mises en place
pour circonscrire (ou éliminer même) l’action étatique à ce niveau-là. Ces remarques concernent
la macro-analyse des services publics.
64
Un autre volet de recherches pourrait s’ouvrir sur les raisons et les conséquences du
désengagement des bénévoles sur les sctructures associatives. Les bénévoles étant la ressource
majeure humaine des organisations, il sera anodin de ne pas constater des effets désastreux que
l’abandon de l’association produit sur la dernière. Donc, il serait intéressant d’entreprendre
l’analyse des stratégies de recrutement et de fidélisation des bénévoles sous l’angle des stratégies
entrepreunales (bénévoles come clients des associations). Cette analyse-là pourrait être faite
d’una manière comparative c.-à-d. en étudiant le cas russe et celui de la France et en essayant de
comprendre les stratégies des associations nationales différentes .
65
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69
Annexe 1.
La liste des entretiens
№ nom sexe âge emploi association
1 Dmitriy m 19 étudiant Pelmehcki
2 Nadya K. f 25 psychologue CARITAS
3 Marina P. f 45 directrice du département de l’aide sociale
CARITAS
4 Dmitriy Ch. m 25 Spécialiste en logiciel
Pelmechki
5 Tanya Z. f 20 étudiant Pelmechki
6 Nastya f 27 économiste Pelmechki
70
Annexe 2.
Tableau 1. Aide d’urgence dans la rue: organisations et groupes mobiles de différents niveaux
a) L’Association Pelmechki na plechke (trad. « De la bouffe sur la place » )
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
Mouvement indépendant, abrité par la paroisse de l‘église de la Sainte-Tatiana
Religieux, orthodoxe // préparation des repas à la cuisine de l’église
Dons privés 6 ans (en novembre 2007)
Mardi 17h-18h à la cuisine de l’église, puis vers 21 h dans le square près de la place des trois gares
Distribution de repas chauds, de vêtements, de médicaments, aide juridique (rarement)
Via Internet, parmi les paroissien de l’église de la Sainte-Tatiana
-----------------
b) L’Association Danilovzi (groupe d’aide aux sans-domicile)
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
L’une des parties du grand mouvement Danilovzi (organisé et contrôlé par le centre des jeunes du monastère Danilovskiy / Maraude
Religieux, orthodoxe; préparation des repas à la cuisine du monastère (selon d’autres informations – à la maison )
Financée par la fondation orthodoxe « Predanie » (La légende) à buts non-luscratifs, non-gouvernemental (publication des comptes et des bilans sur Internet)
6 mois / crée au sein du mouvement en septembre 2012 (influence / modèle – Les Amis dans la rue)
Samedi ; à partir de 13 heures (réunion à la cuisine du monastère), puis distribution (vers 15h) près de la station de métro Pavelezkaya (près de la gare Pavelezkiy) ou dans le centre-ville.
1. préparations de repas chauds 2. distributions de repas / entrée en contacts avec des sdf, soutien moral 3. aide avec le renouvellement des papiers à la suite de perte ou de vol
Via site Internet, enquête à remplir, puis venir à une réunion (« d’embauche ») avec un passeport // OU venir à un « training » organisé par les volontaires du groupe
Jeunes gens de 18 à 35 actifs, responsables, prêts à aider « dans toutes les circonstances » (formule du site officielle)
71
c) Le bus MILOSERDIE (trad. Charité, sous la direction de la fondation MILOSERDIE ( La Charité))
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
Sous l’égide de la fondation orthodoxe La Charité (les pionniers de ce genre d’aide « mobile »)
Religieux, orthodoxe
Dons privés, aide financière de l’église othodoxe (publication des comptes de résultats sur Internet)
8 ans (le 25 novembre 2004 – première « sortie »)
En hiver (novembre –avril) – dans la nuit (départ de la gare Kourskiy à travers toutes les gares, y compris la place des trois gares) ; En été (mai – octobre) – dans la journée.
Point de bénévoles / Distribution des repas chauds, des vêtements, aide médicale ; en hiver les sdf dorment dans le bus. Les sans-abri sont reconduits aux centres de désinfection. En été le bus fonctionne comme un point d’aide médicale.
Travail rémunéré (salaires minima) ; trois « brigades » compenant un médecin (ou un aide-médecin), infirmière, deux infirimiers, conducteur.
Professionnels sachant leur métier
d) Le bus de la fondation de bienfaisance Zaschitnik i pokrovitel (trad. Aide et Protecteur)
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
Groupe d’aide sociale au sein de la fondation
Religieux, orthodoxe // Aide hors des gares (surtout près des stations de métro où il n’y a pas de bénévoles ou de maraudes (pas dans le centre de la capitale)
Dons privés, aide financière de l’église othodoxe (département synodal travillant sur les problèmes des sans-abri)
4 ans (fondé en 2008)
Lundi 13-15 h (Pokrovskiy boulevard), mardi 13h (stationde métro Novogireevo), mercredi 13-17h (gare Kourskiy), jeudi 13-15h (derrière la gare Pavelezkiy, près de l’église des saints Flore et Lavr)
Point de bénévoles Distribution de repas chauds, de vêtements, aide médicale ; aide avec les papiers et les tickets ; Te Deum (chaque fois à 13 h) + confession des sdf
Embauche de professionnels (annoces publiées sur le site de la fondation La Charité) ; travail rémunéré (le groupe contient 4 personnes, parfois un prêtre : aide-médecin, coducteur, travailleur social, infirmier)
Professionnels doivent être orthodoxe (le premier point dans des annonce d’embauche)
72
e) L’Association Druzia na ulize – Druzia obschini Svyatogo Egidia
(trad. Les Amis dans la rue - Les Amis de la communauté de Sant’Egidio)
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
Mouvement indépendant // Maraude , fondation et soutien d’un home pour les vieux sans-abri (février 2013)
Religieux, orthodoxe ; action se déroule dans un appartement privé (appelé « siège » du movement)
Dons privés // publication des comptes de résultats sur Internet
11 ans // En 2011 selon le modèle de La Communauté de Sant’Egidio (organisation catholique fondée en 1968 à Rome)
Samedi soir (heure des étudiants) et dimanche après-midi (plus âgés), Distribution près des gares et sur les places de gares (surtout la gare Kourskiy).
1. préparations de repas chauds 2. distributions de repas / entrée en contacts avec des sdf, soutien moral 3. distribution de vêtements et médicaments, des tickets de métro 4. resocialisation active des sdf (vacances passées ensemble, le réveillon de Noël à la maison, jeux de foot, fêtes de le glace)
Via site Internet (lettre aux coordinateurs) ou par un coup de téléphone (numéro indiqué sur le site)
------------
73
f) L’Association Kievskiy vokzal – Bezdomnie deti
( trad. La Gare Kourskiy – Enfants sans-domicile)
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
Mouvement indépendant qui a commencé a fonctionner en tant que groupe d’aide sociale aux jeunes sdf, puis vu une diversification des fonctions (travails avec des homes, des invalides, des prisonniers) // lieu fixé de distribution dans la rue
Religieux, orthodoxe
Dons privés 6 ans (en janvier 2006)
Le soir (vers 19.30-20h) six jours par semaine (sauf le samedi), près des gares (gares Kourskiy, Pavelezkiy et la place des trois gares – Leningradskiy, Yaroslavskiy et Kazanskiy)
Distribution de repas chauds et des vêtements, aide médicale (surtout s’il y a un certificat du médecin), aide financière (envoyer à la maison), aide avec les papiers.
Via Internet (enquête à remplir)
Recherche des professionnels (travailleurs sociaux, juristes) + répartition des tâches (volontaire peut choisir dès le début son « action » : trier des vêtements, chercher des informations, travailler avec le site Internet, etc.)
g) L’Association Louidi vokzalov (trad. Les gens des gares)
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
Groupe d’aide organisé par un diacre de l’église de l’Intercession de la Vierge (près de la place des trois gares)
Religieux, orthodoxe
Dons privés des pratiquants (fréquentant l’église)
5 ans (en janvier 2007)
Gare Kazanskiy (à la place des trois gares), dans la salle d’attente, une fois par semaine (lundi), vers 20.30
Distribution de repas chauds préparé par la matouchka de l’église(une petite quantité de portions – 15-20, pas plus), des vêtements (d’abord les bénévoles écoutent les demandes puis apportent des affaires)
Parmi les paroissiens de l’église (les « fidèles »), jeunes gens.
Paroissiens de l’église
74
h) Le bus d’aide sociale de la fondation « Spravedlivaya Pomosch’ » (Aide légitime , organisation internationale d’aide)
Statut et fonctionnement
Fondements sociaux (laïc / religieux)
Fonds Durée d’existence (date de création)
Travail bénévole (temps / espace )
Fonctions Recrutement Exigences (qualités des bénévoles )
Groupe d’aide qui fonctionne au sein d’une grande fondation dont les buts principaus sont l’aide médicale et les soins portés aux plus pauvres (soins palliatifs en général)
Laïc (liberté des croyances et des idées politiques)
Dons privés 5 ans (en juillet 2007)
Vers 17 h-17.30, mercredi, la gare Pavelezkiy
Distributions de repas et de vêtements, puis – aide médicale professionnelle (responsable – Doktor Liza, directeur de la fondation qui participe à toutes les « sorties» personnellement et porte beaucoup d’attention aux soins des sdf)
Via Internet, groupe dans le réseau social russe « V Kontakte », la page dans livejournal
-------------
75
Tableau 2. La répartition du temps et des jours d’investissement des bénévoles sur les lieux
Partie 1. Gare Pavelezkiy
Matin Après-midi Soir Nuit* lundi 1 mardi 1 mercredi 1 1 jeudi 1 1 vendredi 1 1 samedi 1 1 dimanche 1 1
Partie 2. Gare Kourskiy
Matin Après-midi Soir Nuit* lundi mardi 1 mercredi 1 jeudi 1 vendredi samedi 1 dimanche 1
Partie 3. La place des trois gares (Leningradskiy / Jaroslavskiy / Kazanskiy)
Matin Après-midi Soir Nuit* lundi 2 mardi 1 mercredi 1 jeudi vendredi samedi dimanche
* - Les aides dans la nuit sont proposées exclusivement par le bus Charité et surtout en hiver. En été (de mai en octobre) le bus ne circule que dans l’après-midi.
** - Les chiffres dans les cases indiquent le nombre d’organisations travaillants sur ce lieu dans l’espace temporel souligné.
***- Les cases grises indiquent les jours où il n’y a pas de distribution de repas.
76
Annexe 3
Le sommaire du manuel sur le travail bénévole publié par l’ONU
Introduction................................................................................................................................... 5
Qui est-ce qui est le bénévole, et qu’est-ce que c’est le bénévolat ?........................................... 6
Pourquoi l’homme veut-il devenir bénévole? ............................................................................. 7
Pourquoi les organisations ont-elles besoin de bénévoles ? ........................................................ 9
Processus de recrutement et de choix des bénévoles ................................................................... 9
• Recrutement des bénévoles ............................................................................................ 9
• Processus de choix.......................................................................................................... 12
• Commencement de l’activité.......................................................................................... 14
Commission de gestion .......................................................................................................... 15
• Information ........................................................................................................... 15
• Apprentissage des conditions physiques du travail et connaissance avec le personnel de
l’organisation ....... 16
• Préparation du bénévole au travail.................................................................................. 17
La culture de la gestion et le bénévole .................................................................................. 17
Motivation du bénévole .............................................................................................................. 19
1. Répartition des tâches entre les bénévoles ............ ................................................. 19
2. Rémunération comme motivation .................................................................................... 20
3. Feed-back comme instrument de motivation ............................................................... 22
4. Style de gestion ........................................................................................................... 23
Prévention et prise de solution dans des situations conflictuelles ..................................... 24
Risque du désengagement des bénévoles .................................................................. 25
Au lieu de conclusion ................................................................................................................. 28
Données supplémentaires....................................................................................................... 29
Histoire du bénévolat ....................................................................................................... 29
Tâches pratiques de gestion des bénévoles........ ........................................................... 31
Annexes ............................................................................................................................. 37
Liste de littératures étudiées
77
Annexe 4.
Photos de l’organisation étudiée
Image 1. Préparation des repas Image 2. Des pâtes en barquettes plastiques
Image 3. Distribution des barquettes (i) Image 4. Distribution des barquettes (ii)