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CRIc No109-RI15 (2015-2016) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
Commission des Relations internationales et des
Questions européennes, des Affaires générales, des
Hôpitaux universitaires, des Professions des soins de
santé et du Règlement, de l’Informatique, du Contrôle
des communications des membres du Gouvernement et
des Dépenses électorales du
PARLEMENT DE LA
COMMUNAUTÉ FRANÇAISE Session 2015–2016
30 MAI 2016
COMPTE RENDU INTÉGRAL
SÉANCE DU LUNDI 30 MAI 2016 (APRÈS-MIDI)
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 2 )
TABLE DES MATIÈRES
1 Questions orales (Article 81 du règlement) 3
1.1 Question de Mme Magali Dock à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Accord de principe conclu avec le Québec concernant le minerval pour les étudiants
belges» ................................................................................................................................... 3
1.2 Question de M. Jean-Luc Crucke à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Positive Belgium» ................................................................................................................ 4
1.3 Question de M. Gilles Mouyard à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Réseau Anti-Radicalisation» ................................................................................................. 5
1.4 Question de Mme Magali Dock à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Projets de coopération en Asie du Sud-Est et ouverture vers le Myanmar» ............................. 7
1.5 Question de Mme Magali Dock à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Disponibilité et utilisation d’imprimantes 3D dans les hôpitaux universitaires» ..................... 7
1.6 Question de Mme Valérie Warzée-Caverenne à M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Étude américaine sur l'influence des valeurs politiques et culturelles françaises
sur le taux plus élevé de djihadistes en France et en Belgique» ................................................ 8
1.7 Question de Mme Valérie Warzée-Caverenne à M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Coordination avec le gouvernement wallon au sujet du Pacte pour un
enseignement d’excellence» .................................................................................................. 10
1.8 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Programmation du Centre Wallonie-Bruxelles de Paris»...................................................... 11
1.9 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Comité de concertation du 25 mai» ..................................................................................... 13
1.10 Question de Mme Caroline Persoons à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Cellule Art et Antiquités de la police fédérale» ................................................................... 15
2 Ordre des travaux 17
( 3 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
Présidence de M. Jacques Brotchi, prési-
dent.
L'heure des questions et interpellations
commence à 14 h 20.
M. le président. – Mesdames, Messieurs,
nous entamons l’heure des questions et interpella-
tions.
1 Questions orales (Article 81 du
règlement)
1.1 Question de Mme Magali Dock à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Accord de principe conclu
avec le Québec concernant le minerval
pour les étudiants belges»
Mme Magali Dock (MR). – Lors de votre
mission au Canada en février, vous vous êtes en-
tretenu avec le premier ministre du Québec et
vous avez évoqué les difficultés des jeunes Belges
qui veulent étudier au Québec. En effet, alors que
les étudiants français paient le minerval au tarif
des Canadiens non-résidents au Québec, c’est-à-
dire 7 500 dollars, les Belges, eux, doivent payer
le minerval pour les étrangers, qui s’élève à
18 000 dollars. Le premier ministre québécois
avait déclaré: «Nous souhaitons corriger cette
situation, qui n’est pas agréable pour nous non
plus».
Depuis quelques mois, en Fédération Wallo-
nie-Bruxelles, nous parlons d’une hausse du mi-
nerval pour les étudiants étrangers. J’y suis plutôt
favorable, sauf lorsqu’il s’agit de ne pas respecter
une parole donnée à un partenaire étranger. Ainsi,
la proposition du ministre Marcourt de faire payer
aux étudiants étrangers un minerval de
12 250 euros risque de fâcher M. Philippe Couil-
lard, avec qui vous avez déclaré avoir conclu un
accord de principe sur la réduction du minerval
québécois pour les étudiants belges.
Le premier ministre québécois, M. Philippe
Couillard, vous a-t-il contacté à la suite du projet
de M. Marcourt d’augmenter le minerval pour les
étrangers? L’accord de principe que vous avez
conclu avec M. Couillard est-il toujours
d’actualité?
Afin de respecter votre parole et de pour-
suivre tout de même les projets de votre ministre
de l’Enseignement supérieur, prévoyez-vous une
exception à cette augmentation pour les étudiants
québécois? L’idée de tarifs différenciés pour les
étudiants québécois est-elle sur la table?
Pourquoi ne pas créer un tarif particulier
pour les étudiants ressortissant des pays membres
de la francophonie, en concluant des accords de
réciprocité des tarifs? Selon quelles conditions
cela vous semble-t-il possible?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – En
février, j’ai à nouveau eu l’occasion d’attirer
l’attention du premier ministre québécois sur une
différence de traitement réservée aux étudiants
français par rapport aux étudiants wallons et
bruxellois.
Il faut savoir que des accords privilégiés
existent pour les étudiants de ce pays. Il existe
également un statut pour les étudiants français et
pour les étudiants du reste du monde. Nous nous
trouvions en l’occurrence dans la troisième caté-
gorie.
J’ai constaté avec plaisir que M. Couillard
était favorable à l’idée de revoir le régime et de
faire en sorte que les Français et les Belges fran-
cophones soient inscrits sous le même statut et
bénéficient de tarifs de réduction identiques,
d’autant plus que la France et la Belgique franco-
phone témoignent d’une attitude très proche dans
les engagements bilatéraux.
Cet engagement de principe n’a pas été remis
en cause jusqu’à présent, mais je n’ai pas reçu
d’informations concernant son exécution pratique.
Nous avons un accord qui permet, s’il est
mené à terme, que l’ARES, les universités, les
hautes écoles et notre ministère puissent bénéfi-
cier de conditions d’inscription équivalentes à
celles des étudiants français.
Cet accord est important car il nous permet
d’avoir accès à différentes formations dans le
cadre de ces échanges.
Nous nous efforçons de réaliser concrètement
le rapprochement entre nos pays et, en avril der-
nier, une première réunion de cadrage a permis
d’établir un calendrier faisant en sorte que les
inscriptions sous les nouvelles conditions puissent
être réalisées d’ici 2017.
Il faut également noter qu’une discussion a
lieu au Québec afin d’augmenter tous les frais
d’inscription des étudiants étrangers faisant partie
des deuxième et troisième catégories.
Nous poursuivons les négociations, mais
elles ne sont toujours pas affinées.
Quant à votre question portant sur nos éta-
blissements d’enseignement supérieur, nos univer-
sités et le cadre de financement restreint, il existe,
comme au Québec, un principe d’autonomie
Par ailleurs, il reviendrait à notre gouverne-
ment de déterminer sa position dans le cadre de la
révision des montants des droits d’inscription, y
compris les droits d’inscription complémentaires
pour lesquels des aménagements pourraient être
prévus.
Je pense notamment à l’application des seuls
droits ordinaires d’inscription en cas de conclu-
sion d’accords bilatéraux qui comprendraient des
clauses de réciprocité accordant un statut
d’étudiants nationaux ou issus de l’entité intra-
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 4 )
étatique d’accueil aux étudiants provenant de pays
de l’entité infra-étatique d’envoi signataire d’un
tel accord.
Mon collègue, le ministre Marcourt, a déjà
pu vous rassurer dernièrement en précisant que le
décret laisse l’opportunité d’établir des accords
spécifiques avec différents pays. À mon sens,
cette liberté pourrait permettre de conclure des
partenariats spécifiques comme vous le suggérez.
La porte peut donc être ouverte grâce à ce méca-
nisme.
Cela, sans oublier que la qualité de notre en-
seignement et de notre recherche scientifique doit
tenir compte de la nécessité d’attirer des talents
internationaux et de former nos jeunes dans les
mêmes conditions.
Pour répondre aussi précisément que possible
à votre question, des tarifs préférentiels peuvent
être mis en place en fonction des partenariats,
notamment dans le cadre de nos relations avec les
pays francophones. Nous inscrirons donc toujours
une clause tenant compte des efforts mutuellement
consentis.
Notez toutefois que les droits d’inscription
que nous appliquons aux étudiants étrangers sont
inférieurs à ceux appliqués dans les pays étran-
gers. On observe d’ailleurs au niveau international
une augmentation des droits d’inscription pour les
étudiants étrangers.
Nous sommes effectivement dans une pé-
riode de négociation. À titre personnel, j’ai voulu
plaider pour que nos étudiants bénéficient des
mêmes droits que les étudiants français. Une
clause de réciprocité me paraît toujours la bienve-
nue avec les pays dans lesquels nous bénéficions
nous-mêmes d’un avantage.
Je pense avoir été aussi précis que possible
dans les circonstances actuelles.
Mme Magali Dock (MR). – Je continuerai à
suivre l’évolution de ces négociations. Du point de
vue diplomatique, il importe qu’il y ait un accord
bilatéral. Nous ne pouvons pas faire payer aux
Québécois l’équivalent du niveau 3 du minerval.
Je vous remercie pour vos informations et ne
manquerai pas de vous réinterroger en fonction de
l’état d’avancement des négociations.
1.2 Question de M. Jean-Luc Crucke à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Positive Belgium»
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Pour lutter
contre le Belgium bashing, le premier ministre et
son gouvernement ont décidé de mettre 4 millions
d’euros sur la table, de négocier un plan lors du
Comité de concertation qui s’est récemment réuni
et de voir comment l’ensemble des entités du pays
pouvaient y participer.
Quelle est votre réaction concernant la ma-
nière dont ce plan a été présenté? Comment la
Fédération Wallonie-Bruxelles collaborera-t-elle à
ce plan Positive Belgium? Des mesures
d’amplification seront-elles prises?
Malheureusement, la Flandre a pris ses
propres initiatives de son côté, avec la création de
la cellule EventFlanders et le lancement de la
campagne Share our smile. Notre Fédération sera-
t-elle dans une dynamique semblable ou accorde-
ra-t-elle la préférence à une coopération avec le
pouvoir fédéral?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – J’ai
effectivement participé à la dernière réunion du
Comité de concertation mercredi dernier et ai pris
connaissance de la note d’intention du gouverne-
ment fédéral. Aujourd’hui, on ne peut pas encore
parler de «plan» puisque, comme vous le relevez
d’ailleurs vous-même, on est encore en train
d’affiner les contours de la procédure à mettre en
place.
Le texte de la note précise: «Il importe dès
lors de mettre en place à très brève échéance une
task force pour la définition des initiatives à pren-
dre par le fédéral et pour la coopération et la coor-
dination des actions des entités fédérées et autres
partenaires utiles, afin d’unir les efforts et d’en
garantir la cohérence générale».
Il est proposé de mener cette initiative sur
une période de deux ans, pour qu’elle puisse avoir
un impact suffisant. L’objectif est d’être pleine-
ment opérationnel dès octobre 2016. Il est donc
proposé dans ce contexte de faire appel à des ex-
perts en communication pour mener à bien un
travail sur différents fronts et lancer, à partir de là,
diverses actions de communication tant en Bel-
gique qu’à l’étranger. Il s’agit de rassurer et de
mettre en avant les atouts de la Belgique afin de
renforcer son potentiel en matière de tourisme,
d’événements, etc.
Le véritable plan ne pourra être élaboré qu’à
partir des conclusions de la task force dont je
viens de rappeler le cahier de missions. Cela étant,
je salue, comme je l’ai fait publiquement et le
répète aujourd’hui, la volonté du pouvoir fédéral
d’impliquer un maximum d’acteurs ainsi que les
entités fédérées, dont la Fédération Wallonie-
Bruxelles. Il est vrai qu’à l’inverse, on n’aurait
pas compris que nous tirions tous de notre côté.
Des initiatives propres à chaque entité n’auraient
servi personne. Cette campagne de communication
ambitionne donc de s’adresser à plusieurs groupes
cibles: la presse, les touristes, les voyageurs
d’affaires, les investisseurs ou plus simplement
nos concitoyens, qui doivent aussi trouver des
arguments.
Il est par ailleurs souligné que cette cam-
pagne doit s’adapter aux différentes perceptions
selon les zones géographiques: c’est notamment à
ce niveau-là que la Fédération Wallonie-Bruxelles
pourra apporter son expertise et, je l’espère, sa
plus-value.
( 5 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
Je puis vous assurer que, convaincus de
l’opportunité de prendre une initiative, nous y
avons réservé un accueil favorable et assuré
l’autorité fédérale de notre entière collaboration.
Nous voulons donc à la fois participer et cons-
truire. Il est d’ailleurs heureux que le gouverne-
ment fédéral ait décidé de réagir à l’image
négative dont nous souffrons tous aujourd’hui, et
qui est celle que certains colportent de la Belgique
depuis des mois.
Le premier ministre a déclaré vouloir consa-
crer 4 millions d’euros sur deux ans à cette cam-
pagne de communication. C’est un montant très
appréciable, qu’il faudra évaluer ensuite en fonc-
tion des objectifs du plan. D’autant plus que, si
nous devons lancer un marché portant sur
l’élaboration du concept global de la campagne et
sur la diffusion, il est encore un peu prématuré
d’en définir les contours financiers précis. De ce
point de vue, je compte bien être attentif à l’aspect
financier de ce dossier. Du débat contradictoire
ressort toujours une valeur ajoutée.
Je compte aussi veiller particulièrement à ce
que les hommes et les femmes qui travaillent quo-
tidiennement dans les services de nos différentes
institutions soient associés concrètement à cette
action.
Vous me demandez si des mesures
d’amplification seront programmées dans notre
Fédération. Le gouvernement n’a pas encore eu
l’occasion d’en débattre. Il s’est dit favorable à
cette initiative. Nous voulons connaître l’avis du
groupe de travail avant de décider de notre impli-
cation. Nous tenterons de trouver notre place dans
le processus.
Nous souhaitons aussi améliorer notre image
internationale. Lorsque je reçois notre délégation,
je l’encourage à diffuser une image de la Belgique
qui va à l’encontre du Belgium bashing et de
l’image d’un pays dispersé et affaibli donnée par
d’autres. Je continuerai à le faire avec d’autant
plus de conviction que nous avons coordonné
notre politique en la matière.
La majorité fédérale et les majorités fédérées
ont souligné que nous devions être attentifs au
contenu. Une campagne de communication est
importante mais, pour améliorer l’image du pays,
nous devons aussi travailler sur tous les éléments
fondateurs du doute, promouvoir la lutte contre le
radicalisme et soutenir les initiatives publiques.
Nous devons renouer le dialogue et ouvrir certains
débats dans notre société. Nous partageons tous
cette volonté. Le changement de méthodes et de
sens de l’écoute est important pour chacun des
acteurs de la reconstruction de l’image de la Bel-
gique.
Mus par cet esprit positif, nous nous inscri-
vons dans ce contexte compliqué, mais indispen-
sable. Nous ne pourrons rétablir l’image positive
de la Belgique que si nous avons tous la volonté
de faire partie de ce processus.
M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je remercie le
ministre-président pour la manière très positive
dont il aborde ce dossier.
Dans ce cas précis, le modèle belge, dont
vous connaissez le principe – L’union fait la force
–, doit prévaloir. Je constate que tout le monde n’a
pas fait preuve du même élan que vous, un élan
que, d’ailleurs, je partage.
1.3 Question de M. Gilles Mouyard à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Réseau Anti-Radicalisation»
M. Gilles Mouyard (MR). – En début de lé-
gislature, le gouvernement a adopté une stratégie
préventive ciblée pour faire face au phénomène de
la radicalisation violente. Diverses mesures ont
ainsi été prises, comme la création du RAR (Ré-
seau Anti-Radicalisation) qui, au lendemain des
événements du 22 mars, se voyait renforcé dans
ses missions.
Le RAR a donc pour mission, depuis le début
de cette année, de coordonner le plan de lutte et de
prévention contre le radicalisme adopté par
l’exécutif communautaire. À ce jour, ce dernier se
serait réuni plus d’une quinzaine de fois.
Monsieur le Ministre-Président, quelle est
votre analyse de la situation? Pourriez-vous faire
le point sur le travail réalisé par le Réseau Anti-
Radicalisation? Le RAR a-t-il pu tisser des con-
tacts avec les structures similaires en Wallonie et
au sein de la Région de Bruxelles-Capitale? Quels
sont les liens entretenus avec le fédéral en matière
de lutte contre la radicalisation? Le RAR dispose-
t-il, après cinq mois de fonctionnement, des res-
sources suffisantes à son bon fonctionnement?
Avant de conclure, je me permets d’attirer
votre attention sur un point. J’ai découvert derniè-
rement, en regardant une émission de télévision
française, qu’il y avait chez nos voisins une com-
mission antiradicalisme qui met autour de la table
les différents échelons de pouvoir, que ce soit au
niveau des départements, avec les délégués des
préfets, mais également les régions, le gouverne-
ment central et les représentants des écoles. Les
cas éventuels de radicalisation sont discutés au
cours de cette réunion. Parfois, cela débouche sur
des conseils: il faut faire attention, il faut plus
encadrer. La police est également présente. Cette
commission réalise un véritable travail proactif et
ciblé sur le radicalisme et cela semble fonctionner
correctement. Je n’en ai pris connaissance que
grâce à cette émission. J’aimerais que vous nous
expliquiez le fonctionnement du RAR. Est-ce un
peu le même type de travail ou est-ce totalement
différent?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – La
décision de renforcer le dispositif de lutte contre
le radicalisme prise en janvier 2016 l’a été dans le
cadre de l’évaluation de l’action menée pendant
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 6 )
une année, évaluation qui avait démontré le besoin
d’amplifier l’action de la Fédération Wallonie-
Bruxelles à travers le milieu associatif, à travers
l’administration, qui avait porté à notre connais-
sance des demandes de soutien, tant en formation
que dans la pratique: comment entrer sur le terrain
et appréhender concrètement le travail à accom-
plir? Les groupes de travail chargés de la re-
cherche, des outils de formation et des
interventions pluridisciplinaires ont réuni des
membres de la société civile, du monde acadé-
mique, de l’administration et, sur cette base, ont
identifié ces besoins. Pour ne pas en rester à des
démarches abstraites, on a traduit ces besoins en
termes de plans d’actions prioritaires. On a
d’abord constaté la nécessité pour tous d’avoir un
degré de formation transversale en matière de
radicalisme violent. Tous les secteurs l’ont de-
mandé. C’est un marché public qui ne devait pas,
selon nous, être lancé exclusivement pour notre
Fédération. Cela concerne aussi la Région de
Bruxelles et la Région wallonne. Un peu dans
l’esprit de ce que vous expliquiez, on a voulu lan-
cer une démarche qui touche tout le monde et
permette à chacun de s’exprimer.
Vous parliez du travail réalisé en France avec
les départements, les régions, l’État national, les
communautés de communes françaises. Nous
avons aussi des secteurs abrités dans ces institu-
tions. Ce choix permettra aussi à ces secteurs
d’échanger leurs expériences, de se rencontrer. On
est au cœur même du dispositif que vous décriviez
à propos de la France. On a beaucoup de points
communs à cet égard.
Nous ne regardons pas qui est à l’initiative.
Nous pensons qu’il est utile de conjuguer les ac-
tions. Par ailleurs, un cahier des charges en cours
de finalisation porte sur une recherche centrée sur
la question des trajectoires de jeunes qui ont opté
pour un engagement violent. Beaucoup de repor-
tages ont décrit les trajectoires de manière un peu
empirique: voilà ce qu’on observe, voilà comment
l’on tire un certain nombre de conclusions. Un peu
comme en médecine, Monsieur le Président, on
observe un phénomène et on se demande comment
on peut l’interpréter de manière scientifique, c’est-
à-dire le confronter à l’evidence-based. Cette dé-
marche d’investigation fait l’objet d’un cahier des
charges. Une leçon peut déjà être tirée des expé-
riences vécues à l’étranger, notamment au Québec
dont on parlait il y a quelques instants: les trajec-
toires ne sont pas uniques. Nous pouvons les re-
grouper par catégories. Un phénomène est
intéressant: aucun engagement n’est purement
idéologique. Les facteurs sont multiples. Il n’y a
jamais une lecture «monocausale» des trajectoires;
les ingrédients conduisant les jeunes à s’engager
sont variés. Un phénomène transversal apparaît
parfois: les personnes enclines à s’engager de
manière violente peuvent se retrouver d’un côté ou
de l’autre avec la même conviction. La versatilité
peut donc apparaître car l’engagement violent est
un choix individuel. Nous pouvons le constater à
la frontière ukrainienne.
Il existe donc un besoin d’objectivation, de
recherche scientifique que nous avons voulu ap-
profondir par des moyens ad hoc. Les actions
prioritaires dont je vous parlais vont être mises en
œuvre par deux centres opérationnels que nous
allons développer. Ils vont rencontrer trois objec-
tifs.
Le premier est de mettre à la disposition des
citoyens confrontés à des problèmes liés à la radi-
calisation violente une équipe pluridisciplinaire,
ce qui étaye ce que je viens de vous dire sur notre
pressentiment de la multiplicité des causes
d’engagement et des trajectoires. Cette équipe,
spécialement formée à cette problématique, est
compétente pour intervenir en appui des familles,
mais aussi des individus confrontés à ce problème.
Le deuxième concerne la mise à disposition
des institutions qui en expriment le besoin, de
spécialistes compétents pour intervenir lorsque
des dynamiques de groupe ou des situations de
polarisation pouvant mener à de la violence sont
constatées.
Enfin, le troisième objectif porte sur la créa-
tion, par des intervenants de première ligne de la
Fédération Wallonie-Bruxelles, d’outils pouvant
être utilisés dans la prévention et la lutte contre le
radicalisme violent. Ces outils sont davantage
génériques et peuvent servir à tout un chacun.
Pour le reste, je vous confirme que la Fédéra-
tion Wallonie-Bruxelles collabore activement avec
les autres entités fédérées; j’en ai déjà démontré
l’utilité dans le domaine de la lutte contre le rad i-
calisme. Nous jouons un rôle d’ensemblier unis-
sant les différentes entités francophones.
La Wallonie, la Région de Bruxelles-Capitale
et la Communauté germanophone sont conviées à
toutes les réunions du comité stratégique du Ré-
seau Anti-Radicalisation. Notre référent participe
aux réunions d’information et de concertation
organisées par le SPF Intérieur, qui rassemble lors
de ses réunions les représentants des Communau-
tés, des Régions et des administrations fédérales.
Enfin, mon cabinet participe également aux réu-
nions organisées par le gouvernement fédéral avec
les autres entités fédérées pour le suivi des déci-
sions du comité de concertation, dont la dernière
réunion remonte déjà au 28 janvier 2015.
M. Gilles Mouyard (MR). – Je vous remer-
cie pour cette réponse très complète.
Ne faudrait-il pas réfléchir à un quatrième
axe pour cibler les problèmes potentiels de ma-
nière plus individuelle?
Si un directeur d’école constate un change-
ment de comportement chez un jeune, il devrait
pouvoir en faire part à une personne de référence,
afin d’entamer un travail avec ce jeune. Il devrait
également avoir la possibilité d’en informer les
( 7 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
autorités compétentes, susceptibles d’assurer un
suivi et d’apprécier s’il n’y a pas d’autre risque,
dans la mesure où l’on sait que, parfois, les jeunes
radicalisés sont formés à la dissimulation.
Le reportage que j’ai vu sur la situation en
France allait aussi dans ce sens.
Ne pensez pas que je souhaite organiser une
surveillance de tous les élèves mais, parfois, lors-
qu’un problème se manifeste avec un élève, en
parler avec lui n’est pas suffisant. Les jeunes radi-
calisés sont aussi formés à la manipulation. Ils
peuvent jouer les innocents et, en réalité, fabriquer
une bombe chez eux! Ça s’est vu…
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Ce
quatrième axe fait sens. Je pense qu’il est inscrit
dans les priorités, mais pas de manière détaillée.
Ne pas avoir une approche intuitu personae
serait une erreur. Nous entendons cet argument et
l’approuvons.
1.4 Question de Mme Magali Dock à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Projets de coopération en
Asie du Sud-Est et ouverture vers le
Myanmar»
Mme Magali Dock (MR). – Wallonie-
Bruxelles International, via l’APEFE,
l’Association pour la promotion de l’enseignement
et de la formation à l’étranger, met en place et
finance des projets de coopération avec des pays
du Sud, en Afrique, en Amérique latine, au
Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.
Selon le site de l’APEFE, en Asie, les projets
sont développés au Laos, au Cambodge et au
Vietnam. Ils permettent notamment de former des
jeunes à la mécanique automobile, à la gestion de
supermarchés, etc.
Par contre, la Note de politique internationale
ne mentionne que la Chine et le Vietnam, pour
l’Asie; pas un mot sur le Laos et le Cambodge, ni
sur d’autres pays partenaires potentiels. S’agit-il
d’un oubli ou les programmes avec ces deux pays
ne sont-ils plus poursuivis?
Si mes informations sont bonnes, les pro-
grammes actuels s’étendaient de 2014 à 2016.
Nous sommes presque mi-2016. Les projets enta-
més seront-ils reconduits après 2016? Dans la
négative, pourquoi? Des partenariats avec d’autres
pays d’Asie du Sud-Est sont-ils envisagés? Si oui,
pour quels types de projets? À la suite de son ré-
cent développement démocratique, le Myanmar
est-il un partenaire envisageable pour l’APEFE?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je
vous remercie de me permettre de préciser que
l’APEFE met en œuvre, au Cambodge, au Laos et
au Vietnam, un programme pluriannuel – vous
l’avez vous-même relevé – qui se termine en
2016. Il s’agit d’un programme régional, au sens
géopolitique du terme qui, au-delà de l’objectif
spécifique relatif à la formation technique et pro-
fessionnelle, vise à resserrer les liens entre ces
trois pays, dans le cadre de l’Association des na-
tions de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), par le biais
d’un support de la francophonie. Ce programme
est d’ailleurs porté par un partenariat entre États,
signé par les instances compétentes des trois pays,
sous l’égide de l’Organisation internationale de la
francophonie (OIF) et auquel Wallonie-Bruxelles
International (WBI) et l’APEFE sont parties pre-
nantes.
Ce programme se termine en décembre de
cette année et n’aura pas de suite, dans la mesure
où ces trois pays ne figurent plus dans la liste des
pays prioritaires de la coopération fédérale belge,
elle-même établie par l’arrêté royal du 10 avril
2014.
Comme vous le savez, les programmes de
l’APEFE sont directement financés par la Coopé-
ration belge au développement; c’est d’ailleurs un
très bel exemple de coopération avec les entités
fédérées.
Le Myanmar ne figure plus sur la liste; dès
lors, l’APEFE ne peut y développer de pro-
grammes à partir des fonds qui proviennent de ce
type de coopération.
Pour sa part, la Note de politique internatio-
nale ne mentionne que la Chine et le Vietnam car,
plus encore dans le contexte budgétaire actuel, la
préoccupation va à la concentration géographique
des moyens financiers et humains, dans une lo-
gique d’efficacité.
Cela dit, le Vietnam est un pays central, dans
cette région de l’Asie du Sud-Est, et nous pour-
rions donc programmer des actions régionales
dans les domaines académique, culturel, écono-
mique, grâce à nos différents outils, comme cela
se fait aujourd’hui pour d’autres pays du monde.
Mme Magali Dock (MR). – Je prends acte
de votre réponse. Je suis ravie de l’efficacité dont
vous faites preuve et qui doit être la pièce maî-
tresse de la coopération en Chine et au Vietnam,
notamment au niveau académique.
1.5 Question de Mme Magali Dock à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Disponibilité et utilisation
d’imprimantes 3D dans les hôpitaux
universitaires»
Mme Magali Dock (MR). – Les impri-
mantes 3D sont de plus en plus utilisées par la
médecine dans le monde, même si cette technique
est encore mal connue du grand public, pour qui
cela reste une invention spectaculaire, mais finan-
cièrement inaccessible. Pourtant, en Chine, des
chirurgiens ont imprimé une vertèbre grâce à une
imprimante 3D et l’ont implantée chez un garçon
de 12 ans qui souffrait d’une tumeur à la moelle
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 8 )
épinière. En Grande-Bretagne, c’est la pommette
d’un accidenté de la route qui a été reproduite de
cette manière. Les exemples ne manquent pas.
Grâce à cet outil, les médecins peuvent reproduire
le membre ou l’os à l’identique par rapport à
l’«original» du patient. Bref, c’est une révolution
dans le monde de la chirurgie!
Une autre utilisation de l’impression 3D me
semble tout aussi innovante et primordiale: la
reproduction de certaines parties du corps d’un
patient sur la base de scanners multiples. Elle
permet au chirurgien de préparer son intervention
en évaluant les différentes stratégies.
Par exemple, lorsqu’un patient souffre d’une
tumeur complexe au cerveau, le chirurgien peut
reproduire ce dernier grâce à l’impression 3D et
préparer son intervention en amont.
De combien d’imprimantes 3D nos hôpitaux
universitaires disposent-ils? Comment ce matériel
est-il partagé entre les différents hôpitaux et ser-
vices? Quel est le budget alloué à l’achat et à
l’entretien de ces imprimantes 3D? Quels sont les
usages qu’en font les chirurgiens dans nos hôpi-
taux universitaires? S’agit-il davantage
d’impression d’os ou de membres, ou plutôt de
reproduction de parties du corps? L’utilisation
d’imprimantes 3D et les formations afférentes
sont-elles des priorités de nos hôpitaux universi-
taires? Ceux-ci ont-ils noué des contacts et parte-
nariats avec des universités étrangères, par
exemple aux États-Unis, pour développer
l’utilisation de ce type d’imprimante?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Un
petit nombre d’appareils médicaux est soumis à
autorisation et agrément, pour des raisons de santé
publique ou de sécurité sociale. Les imprimantes
3D n’en font pas partie. Les hôpitaux peuvent
donc en acquérir sans m’en informer.
La législation héritée du pouvoir fédéral qui
nous a transmis cette compétence ne prévoit au-
cune subvention spécifique pour ce matériel, que
ce soit à la charge d’honoraires médicaux, du ma-
tériel médical ou non médical voire du forfait
informatique qui relève toujours du pouvoir fédé-
ral.
Nonobstant l’intérêt de ce matériel utile pour
la prévention et les soins curatifs, je ne dispose
pas de davantage d’information. Renseignements
pris, il semble qu’aucun des quatre hôpitaux uni-
versitaires ne possède ce type d’appareillage, mais
des partenariats existent. On m’a rapporté
l’exemple des Cliniques Saint-Luc qui utilisent
une application développée par la start-up 3D Side
créée en février 2015 à Louvain-la-Neuve grâce au
rapprochement des activités des spinoffs Visyos et
Sentis.
3D Side planifie, en collaboration avec les
médecins des Cliniques universitaires Saint-Luc,
des interventions complexes dans une logique
préventive et de préparation. Cela se fait au cas
par cas et permet de guider un chirurgien autre-
ment que par une visualisation 3D théorique en
salle d’opération, grâce des instruments réalisés
sur mesure par les technologies 3D.
Je ne ferai pas d’exposé sur les potentialités
de la 3D, qui sont énormes. La démonstration en a
été faite, notamment dans les domaines de la chi-
rurgie reconstructrice et de la reconstruction cellu-
laire à partir de substrats 3D. Nous n’en sommes
qu’aux balbutiements. Ces matières ont évidem-
ment un intérêt primordial pour la recherche et,
singulièrement, la recherche appliquée à la santé.
Mme Magali Dock (MR). – Je remercie le
ministre-président pour sa réponse et l’intérêt
qu’il porte à cette matière. Je suis persuadée que
nous n’en sommes encore qu’au début.
Je regrette que les hôpitaux universitaires ne
disposent pas de ce matériel mais, dans sa dernière
édition, Le Journal du médecin signale que ces
techniques sont de plus en plus abordables.
Je salue les partenariats et je vous rejoins sur
les potentialités gigantesques de ces outils pour la
médecine.
1.6 Question de Mme Valérie Warzée-
Caverenne à M. Rudy Demotte, mi-
nistre-président, intitulée «Étude
américaine sur l'influence des valeurs
politiques et culturelles françaises sur
le taux plus élevé de djihadistes en
France et en Belgique»
Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –
Deux chercheurs américains issus de la Brookings
Institution, un prestigieux centre d’études améri-
cain, ont établi que les valeurs politiques et cultu-
relles françaises, en ce compris en Belgique
francophone, jouent paradoxalement un rôle clé
dans la radicalisation islamiste. Selon William
McCants et Christopher Meserole de la Brookings
Institution, «le danger que posent les djihadistes
est plus grand en France et en Belgique que dans
le reste de l’Europe».
Leurs réflexions ont fait l’objet d’un article
intitulé The French Connection publié dans la
revue Foreign Affairs, vivement contesté par
l’Ambassadeur de France aux États-Unis.
Pour ces deux auteurs, «le premier facteur
n’est pas qu’ils viennent d’un pays riche ou non
ou d’un pays éduqué ou non; le premier facteur
n’est pas non plus qu’ils soient eux-mêmes riches
ou non, qu’ils aient un bon accès à l’internet ou
pas». Le premier facteur est, selon eux, qu’ils
proviennent d’un pays francophone ou ayant eu le
français comme langue nationale. L’explication
qu’ils avancent se résume en trois mots: la «cul-
ture politique française». La conception incisive
de la laïcité ainsi que la corrélation entre le taux
d’urbanisation élevé et le taux de chômage élevé
dans certains quartiers sont mises en exergue dans
( 9 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
l’étude.
Monsieur le Ministre-Président, quelle est
votre position sur cette étude et les constatations
établies? L’Organisation internationale de la Fran-
cophonie a-t-elle pris position sur cette étude?
Que répondez-vous lorsque la «culture politique
française» est pointée du doigt comme responsable
du taux plus élevé qu’ailleurs de djihadistes sur
son territoire?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Le
problème du djihadisme est fondamental et,
comme je l’ai dit à propos de la mise en place de
stratégies préventives, nous devons procéder à une
analyse rigoureuse et à des investissements à tous
les niveaux et à tous moments.
Une approche européenne est donc indispen-
sable et doit être basée sur des modèles de com-
préhension qui sont nuancés, multifactoriels et qui
entrent forcément en contradiction avec les visions
caricaturales.
Ainsi convient-il de considérer la portée de
l’étude que vous évoquez.
Avant tout, il faut préciser que Foreign Af-
fairs n’est pas une revue scientifique, mais un
magazine de débats relatifs à la politique étran-
gère. L’approche des chercheurs n’a rien de scien-
tifique, comme en témoigne le fait qu’aucune
méthodologie ou donnée n’apparaisse. Il ne s’agit
que d’assertions qui, jusqu’à preuve du contraire,
ne constituent pas un élément de bilan scienti-
fique, mais qui s’apparente plutôt au dogme.
Sur le fond, ces chercheurs se basent sur des
chiffres d’une base de données particulière, alors
que nous savons que ces chiffres fluctuent sensi-
blement d’une base à l’autre, parfois du simple au
double, compte tenu du chiffre noir de ceux dont
on ignore le départ. Ainsi, dans certaines bases de
données, le phénomène de foreign fighters frappe
plus l’Allemagne et l’Angleterre que la France et
la Belgique.
Par ailleurs, vous aurez noté que ces cher-
cheurs considèrent la Belgique comme franco-
phone. On peut en sourire mais, plus
sérieusement, cela atteste d’une profonde mécon-
naissance de la structure et de la réalité de ce pays
ainsi que des filières mises au jour à Anvers ou à
Vilvorde. Ces chercheurs partent aussi du principe
que les attentats islamiques ont commencé avec
les attaques de Paris de 2015, événement mar-
quant, mais c’est oublier un peu rapidement les
attentats de Madrid, en 2004, qui ont fait
190 morts et de très nombreux blessés, ceux de
Londres, en 2005, qui ont fait 50 morts et
800 blessés, le meurtre de Théo Van Gogh ou
encore les attentats de Boston, en 2013, qui ont
fait trois morts et 264 blessés. L’enquête sur les
attentats de Paris a en outre révélé des ramifica-
tions en Angleterre, aux Pays-Bas, en Turquie, en
Allemagne et au Danemark. Je ne reviens même
pas sur les attentats aux Twin Towers de New
York. Le phénomène est européen et mondial.
Imaginer autre chose mène à la caricature et au
préjugé.
Je voudrais également faire remarquer sur le
fond que c’est moins la culture politique ou la
langue française que les auteurs épinglent dans
l’approche «agressive» du sécularisme français.
Ils mentionnent notamment l’interdiction du voile
intégral. De nombreux pays ont, à cet égard, une
approche plus mixte.
Ainsi, la Flandre accorde des jours de congé
spécifiques dans les écoles et a pris une mesure
d’interdiction générale du foulard ou encore, bien
que de tradition multiculturelle, les Pays-Bas et le
Québec ont interdit le voile intégral. Le Québec
connaît d’importants débats très proches de ceux
que nous connaissons sur le foulard ou le halal et
évolue sur ces questions de manière différente que
le reste du Canada. Comment expliquer alors
qu’aucun attentat n’ait eu lieu dans ces territoires?
Cela étant, ne nous trompons pas d’enjeu: ce
n’est pas parce que nous pouvons critiquer cette
étude que nous devons nous exonérer de toute
action contre le radicalisme; ce serait d’ailleurs
aussi caricatural que le produit même de l’étude.
Ce n’est pas ce que nous faisons puisque cette
étude a fait l’objet d’une analyse, qui a notamment
donné lieu aux critiques que je viens d’émettre.
Je m’en suis directement entretenu avec la
Secrétaire générale de l’OIF, Mme Michaëlle
Jean, et lui ai fait part de mon souci de voir pro-
pagés des préjugés de pareille manière. Elle m’a
transmis des éléments d’analyse que j’évoque très
sommairement dans ma réponse.
Aujourd’hui, l’espace francophone est très
durement touché par le radicalisme: la Belgique,
la France, la Tunisie, le Burkina Faso, la Côte
d’Ivoire ou le Mali. Il est donc à la fois normal et
essentiel que la Francophonie s’en préoccupe,
qu’elle sache qu’elle a aussi un rôle à jouer face à
ce fléau dans son propre espace. C’est dans ce
sens que la Fédération inscrit aussi son action
dans l’OIF.
Nous menons une diplomate active, comme
ce fut le cas encore très récemment lors de mes
missions au Burkina Faso ou au Sénégal: nous
allons sur le terrain à la rencontre des acteurs et
leur demandons quels sont les éléments d’analyse
et de recettes pour appréhender des phénomènes
de radicalisme. La situation au Sénégal, par
exemple, est très intéressante: on voit que les fra-
ternités musulmanes ont permis jusqu’à présent –
et je touche du bois – d’éviter les dérives radi-
cales.
Ces approches territoriales ont l’intérêt de la
comparaison et démontrent, si besoin en était, que
les francophones de Belgique ne se limitent pas à
mettre en œuvre des stratégies ici, mais marquent
aussi leur intérêt sur le terrain de la diplomatie
internationale et y agissent concrètement.
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 10 )
Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –
Monsieur le Ministre-Président, cette étude
s’inscrit dans le cadre de la problématique de la
radicalisation.
La radicalisation fait couler beaucoup
d’encre et suscite de nombreux débats dans notre
pays depuis les récents événements. Il faut être
ouvert à tout. Vous avez évoqué différentes ren-
contres dans d’autres pays de la francophonie.
Toute rencontre est enrichissante et permet parfois
d’apporter des réponses différentes aux questions
qui se posent. Le débat reste ouvert. Cette étude
n’est qu’un élément supplémentaire susceptible de
nourrir votre analyse, laquelle doit être rigoureuse
et ne peut se limiter à des caricatures ou à des
effets de société qui n’ont rien à voir avec la rad i-
calisation.
1.7 Question de Mme Valérie Warzée-
Caverenne à M. Rudy Demotte, mi-
nistre-président, intitulée «Coordina-
tion avec le gouvernement wallon au
sujet du Pacte pour un enseignement
d’excellence»
Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –
Les travaux du Pacte pour un enseignement
d’excellence se concrétisent par la sortie du deu-
xième avis du groupe central. Les acteurs de
l’enseignement posent la question du financement
et de la priorisation. Les derniers travaux du Pacte
montrent que votre gouvernement envisage, pour
accompagner les jeunes élèves, notamment en
maternelle, un recours plus fréquent, voire perma-
nent, aux services de puéricultrices et de spécia-
listes en psychomotricité. Les investissements
numériques pourraient aussi être renforcés.
La question du financement est complexe.
Les marges budgétaires ne sont pas extensibles à
souhait. Si votre gouvernement ne veut pas être
confronté à des choix cornéliens, et trahir une
partie de l’ambition du Pacte, il devra collaborer
avec d’autres niveaux de pouvoir pour financer
certaines mesures.
Cette possibilité avait d’ailleurs déjà été évo-
quée récemment pour la fourniture des tablettes
aux classes wallonnes. Le ministre Marcourt
s’était récemment dit ouvert à une éventuelle nu-
mérisation des classes, prévue dans le Pacte. Le
matériel informatique serait alors financé par le
gouvernement wallon.
Pour l’emploi des professeurs et des accom-
pagnants scolaires, communément appelés aides
complémentaires, le nombre de périodes orga-
niques financées par la Communauté française
serait – tel est le sentiment de la Commission cen-
trale de gestion des emplois – revu à la baisse, au
profit de périodes payées sous contrat APE, et
donc financées par la Région wallonne.
Ces deux exemples montrent la connexion
entre la Communauté, qui indiquerait la marche à
suivre, et la Région, qui financerait les mesures
que la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peut sou-
tenir.
Comment la coordination avec le gouverne-
ment wallon s’organise-t-elle? Le ministre-
président s’emploie-t-il à renforcer les accords
avec ses partenaires wallons et bruxellois afin de
financer certaines nouvelles mesures ambitieuses?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je
ne vous ferai pas l’outrage de vous rappeler que
les travaux sur le Pacte pour un enseignement
d’excellence sont toujours en cours. À ce jour, le
gouvernement n’a pas encore adopté le pacte en
tant que tel. Il convient par contre de préciser que
nous avons analysé le rapport rédigé par le groupe
central, dans lequel figurent une série de proposi-
tions et d’orientations. Celles-ci ne sont pas en-
core définitives et demandent à être affinées. Il
s’agit d’une étape de travail intermédiaire. Les
travaux complémentaires ont commencé et seront
menés rapidement afin que nous décidions des
mesures à prendre à court, moyen et long terme.
Dans le cadre de ce travail de priorisation
auquel s’attèlent tous les acteurs du pacte, se pose-
ront les questions budgétaires et matérielles. Il est
évident que toutes les propositions ne pourront pas
être prises en compte en même temps. Nous al-
lons, comme je l’ai dit, les séquencer sur le court,
le moyen et le long terme. Il est, pour ce faire,
essentiel d’analyser l’impact de chacune des me-
sures sur le système éducatif, dans l’ordre des
priorités, et de mettre en regard ces priorités et le
coût qu’elles impliquent. Sur cette base, nous en-
visagerons le financement.
Si certaines propositions s’avèrent très coû-
teuses, d’autres mesures sont susceptibles de recy-
cler voire de dégager des moyens. Il faudra donc
chercher l’équilibre juste. Nous ne sommes en
effet pas ici pour ajouter de la dépense à la dé-
pense. Nous allons aussi envisager les attributions
budgétaires qui peuvent être modifiées.
Cela dit, j’insiste à nouveau sur le processus
du pacte et sur la nécessité, pour nous et pour nos
enfants, d’investir dans ce secteur important
qu’est l’enseignement. Vous avez donc raison de
mettre en évidence la nécessité de dépasser la
ligne d’horizon institutionnelle qui est la nôtre. Il
faut établir des connexions entre la Fédération
Wallonie-Bruxelles et les Régions wallonne et
bruxelloise, dont des représentants siègent
d’ailleurs au Comité d’accompagnement du pacte.
La Fédération veille, par exemple, à ce que la
Région bruxelloise soit associée à la mise en
œuvre du plan Marshall en Wallonie pour faire en
sorte que les liens entre Bruxelles et la Wallonie
soient aussi abordés sous l’angle de la réflexion
des modalités d’enseignement à mettre en place.
Nous réfléchissons aussi à la manière
d’implémenter la Stratégie 2025 de la Région de
Bruxelles-Capitale dans les structures de
( 11 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
l’enseignement.
Dans les exemples de collaboration relatifs
au numérique et se rapportant, cette fois-ci, à
l’autre Région, la Wallonie, une décision vient
encore d’être prise par M. Marcourt, dans le cadre
de son quatrième plan numérique. Il a veillé à ce
que la Région dont il est originaire investisse
7 millions d’euros pour moderniser le parc infor-
matique des établissements situés sur son terri-
toire. C’est toujours cette logique d’affinités entre
la Fédération Wallonie-Bruxelles et les Régions
qui nous guide dans la mise en œuvre des diffé-
rentes collaborations.
Nous avons aussi mis en place un groupe de
travail qui réunit les représentants des ministres
compétents en matière d’enseignement qualifiant
et les représentants des ministres régionaux com-
pétents en matière de formation. Quand on réflé-
chit aux besoins de la Région de Bruxelles-
Capitale et à ceux de la Wallonie, on se trouve au
cœur du dispositif portant sur les connexions entre
enseignement, économie et formation. Là, nous
mettons en exergue des questions relatives à la
définition des fonctions respectives, des interac-
tions des opérateurs d’enseignement qualifiant et
de formation, qui fondent les démarches substan-
tielles, voire «ontologiques», de ce que nous vou-
lons mettre en place par le biais du Pacte
d’excellence.
Voilà pour les premières étapes. Nous atten-
dons l’automne pour que la priorisation nous per-
mette d’avancer plus loin dans les synergies à
mettre en œuvre avec les récipients institutionnels
que sont les deux Régions.
Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –
Monsieur le Ministre-Président, je suis bien cons-
ciente que le Pacte d’excellence n’en est qu’à ses
balbutiements. C’est pourquoi ma question prenait
en compte les aides complémentaires déjà exis-
tantes: les puéricultrices, les heures de psychomo-
tricité, l’aide fournie par la Région wallonne pour
l’aménagement de cyberclasses ou la fourniture de
tablettes numériques.
Les commissions zonales répartissent, en
fonction de critères établis, les emplois dans les
différents établissements. Déjà aujourd’hui, on
commence les réunions en disant que l’on «gère la
misère», car toutes les écoles ont de tels besoins…
Point positif, le groupe de travail du Pacte
pour un enseignement d’excellence fait exacte-
ment le même constat: il faut renforcer les aides
complémentaires dans nos écoles, plus spécifi-
quement pour les plus jeunes, en maternelle.
Je voulais souligner qu’aujourd’hui, déjà, on
a du mal à joindre les deux bouts.
La question soulevée ici portait sur le per-
sonnel, alors que nous connaissons le manque de
moyens des écoles malgré l’aide des Régions sous
la forme d’APE en Wallonie et d’ACS à
Bruxelles. Ne faudrait-il pas penser à l’impact
budgétaire de ce type de mesures qui répondent
aux besoins exprimés par le terrain et que complé-
tera le Pacte pour un enseignement d’excellence?
Je me réjouis que vous ayez une discussion avec
les autres gouvernements et j’espère que nous
n’aurons plus à gérer la misère et que nous pour-
rons aider les enseignants.
1.8 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Programmation du Centre
Wallonie-Bruxelles de Paris»
M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Monsieur le
Ministre-Président, la presse s’est fait l’écho
d’une exposition consacrée à Paul Delvaux au
Centre Wallonie-Bruxelles de Paris, durant toute
la saison d’été, jusqu’au 19 septembre. Je vou-
drais, à travers vous, féliciter la direction artis-
tique pour cet excellent choix, particulièrement
emblématique et susceptible de drainer vers le
Centre un nombreux public parisien, français et
international, vu la renommée de cet artiste. Il me
semble toutefois souhaitable de pousser la ré-
flexion un peu plus loin et de vous interroger à
cette occasion sur la vocation de base du Centre
Wallonie-Bruxelles de Paris.
Si je me réfère au site internet de Wallonie-
Bruxelles International (WBI), le Centre est «la
vitrine pour Paris et la France des multiples as-
pects de la création en Wallonie et à Bruxelles».
De plus, si je relis la note de politique internatio-
nale, en particulier son chapitre La créativité et la
culture comme outils de rayonnement, je relève
que la mission principale de WBI en matière cul-
turelle consiste «à soutenir les opérateurs culturels
et créatifs en vue de renforcer leur dimension in-
ternationale via des mécanismes spécifiques favo-
risant leur exportation sur les marchés/festivals ou
manifestations prioritaires à l’étranger et/ou en
Wallonie et à Bruxelles dans la mesure où ceux-ci
contribuent au développement de réseaux de coo-
pération et de diffusion bénéfiques pour nos opé-
rateurs». En outre, cette note mentionne
explicitement le Centre Wallonie-Bruxelles de
Paris parmi les instruments qui ont un rôle essen-
tiel pour «favoriser la diffusion et la mise en mar-
ché des opérateurs culturels de la Fédération
Wallonie-Bruxelles à l’international». Ce centre
n’est donc pas un lieu culturel parisien parmi une
multitude d’autres. À juste titre, l’accent est mis
sur son rôle tout à fait spécifique comme «trem-
plin» pour aider nos créateurs à se développer sur
le marché parisien et français, bien davantage que
sur des rétrospectives à caractère patrimonial qui
ont toute leur valeur et toute leur raison d’être en
elles-mêmes, mais qui visent d’autres objectifs.
Ma question porte dès lors sur le principe et
l’opportunité d’inclure des événements de type
emblématique et patrimonial dans la programma-
tion du Centre, qui est un des outils majeurs de
notre Fédération pour la diffusion internationale
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 12 )
de la création contemporaine dans nos Régions. Si
cette opportunité est fondée, quelle place peut-elle
leur être accordée pour ne pas mettre en péril la
mission de base, à savoir la promotion de la créa-
tion actuelle?
Même s’il s’agit de la période estivale, la du-
rée de cette exposition m’interpelle. Est-il courant
d’organiser au Centre des expositions de
quatre mois? Loin de moi l’idée de nier l’intérêt
évident d’une exposition Delvaux, mais ne faut-il
pas plutôt encourager l’organisation d’une telle
rétrospective dans un lieu culturel parisien plus
adéquat et susceptible d’accueillir un plus grand
nombre de visiteurs? Enfin, en ces temps de di-
sette budgétaire, j’aimerais vous interroger sur le
coût global de cette exposition.
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je
vous remercie, Monsieur le Député, pour l’intérêt
que vous manifestez pour l’espace culturel fran-
cophone de Belgique, que nous cherchons à diffu-
ser par-delà nos frontières.
Dans l’établissement de sa programmation,
l’équipe du Centre veille particulièrement à ce que
les créateurs de chaque discipline valorisée jouis-
sent d’une visibilité qui leur permette de se pro-
fessionnaliser davantage et favorise leur mise sur
le marché. C’est là que nos créateurs doivent trou-
ver des débouchés. Cette terminologie souligne
notre conscience accrue de l’impact économique
de l’action culturelle. L’un des objets de discus-
sion de votre commission est d’ailleurs de porter
la culture au pavois de l’économie sans l’y ré-
duire.
En vertu de sa mission, le Centre agit princi-
palement en faveur des artistes qui œuvrent au-
jourd’hui à la vitalité de notre création, comme en
atteste sa programmation de 2015 qui comptait pas
moins de 150 événements. Comme vous, je trouve
remarquable d’avoir choisi de consacrer une expo-
sition à Paul Delvaux. J’attire aussi votre attention
sur le cahier des charges. La direction du Centre
prescrit de «mettre en valeur le patrimoine artis-
tique de l’ensemble de la Fédération Wallonie-
Bruxelles, en ce compris nos institutions mu-
séales». Il est indéniable que le Centre n’a de
cesse de placer sous les feux de la rampe nos mu-
sées et nos centres d’art. C’est le cas avec le Mu-
sée d’Ixelles, comme ce fut le cas avec le Musée
des Beaux-Arts de Liège ou le Musée des Arts
contemporains du Grand Hornu, le Mac’s.
L’œuvre de Paul Delvaux n’avait plus connu
d’exposition majeure en France depuis 1991, avec
celle organisée au Grand Palais. Sans la collabora-
tion exceptionnelle des collectionneurs Pierre et
Nicole Ghêne du Musée d’Ixelles, celle-ci n’aurait
jamais pu voir le jour. Notre presse, et c’est heu-
reux, y a fait largement écho; il en a été de même
du côté français, qui accorde un intérêt particulier
à notre Centre, situé face au Centre Pompidou.
Bien au-delà de cette exposition, l’identité du
Centre Wallonie-Bruxelles et sa riche programma-
tion s’affirment avec dynamisme. Ses taux de
fréquentation sont toujours en train de croître et
son public se diversifie. Les expositions dites pa-
trimoniales que le Centre programme sont en
quelque sorte un vaisseau amiral, une façon de
mieux valoriser par la suite nos artistes actuels. La
tendance artistique actuelle relève d’ailleurs la fin
d’une dichotomie stricte qui peut exister entre
patrimoine et création contemporaine. J’en ai moi-
même été le témoin direct, puisqu’on avait jadis
réparti la compétence de la Culture entre deux
ministres. L’un s’occupait de la culture patrimo-
niale, les artistes morts, l’autre des artistes vi-
vants. Inutile de vous dire que, lorsqu’on se
trompait en envoyant le ministre compétent pour
les artistes morts à l’inauguration d’une exposition
d’artistes vivants, c’était assez traumatisant.
C’était un peu comme si la grande faucheuse se
présentait à la porte…
Si l’amateur d’art au regard aiguisé peut
s’introduire dans les champs parfois arides de la
création contemporaine, le grand public trouve
dans cette nouvelle harmonie entre patrimoine et
art contemporain les clés d’une compréhension de
démarches artistiques qui émergent pour braver
parfois un certain hermétisme.
La prochaine exposition du Centre
s’intitulera d’ailleurs Images et mots depuis Ma-
gritte, ce qui montre bien la connexion entre le
patrimoine et la création. Elle se déroulera du
13 octobre 2016 au 29 janvier 2017, sous le com-
missariat de Michèle Bodson. Elle s’appuiera sur
le constat de ce lien organique. Elle mettra en
valeur les relations entre l’écriture et les arts plas-
tiques, du surréalisme à Cobra, à l’art conceptuel
et aux médias actuels, à travers une sélection
d’œuvres de René Magritte, de Marcel
Broodthaers, de Jacques Charlier, de Joëlle Tuer-
linckx et d’Ann Veronica Janssens. Cette exposi-
tion sera aussi l’occasion de renforcer notre
partenariat avec Beaubourg.
Le Centre a pris l’habitude de programmer
quatre grandes expositions par an. La durée de
celle qui est consacrée à Paul Delvaux a été pen-
sée au regard de l’impact relatif à la communica-
tion et des coûts générés par le prêt exceptionnel
des œuvres de la collection particulière.
Quant au coût des expositions du Centre, je
puis vous dire qu’ils varient entre 40 000 et
55 000 euros, en ce compris les frais de communi-
cation. Une exposition dite patrimoniale n’est pas
nécessairement plus onéreuse que la valorisation
de jeunes créateurs. Dans le premier cas,
l’importance des coûts réside dans les droits et les
assurances et, dans le deuxième cas, dans
l’invitation de tous les créateurs, afin qu’ils pré-
sentent leur travail auprès des professionnels et de
la presse.
J’aimerais rappeler, dans une conclusion
toute provisoire, que le Centre Wallonie-Bruxelles
est un des outils majeurs du rayonnement de la
( 13 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
Fédération Wallonie-Bruxelles et que son ouver-
ture au développement de réseaux de coopération
et de diffusion s’avère très bénéfique pour nos
opérateurs et pour nos artistes, un peu comme
nous le faisons aussi dans le domaine des arts de
la scène, notamment en Avignon.
M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Je vous re-
mercie pour cette réponse, comme souvent teintée
d’humour, Monsieur le Ministre-Président. Je suis
satisfait de votre mise en contexte, car elle montre
bien l’équilibre trouvé par le Centre Wallonie-
Bruxelles entre la création contemporaine et le
patrimoine.
Pour moi, le Centre est avant tout et malgré
tout un outil de développement économique, non
pas au sens commercial du terme, mais pour la
«mise sur le marché» de nos artistes. S’ils ne peu-
vent vivre de leurs œuvres, ils se trouveront en
grande difficulté, au péril de cette création qui
constitue pourtant un des éléments forts de notre
richesse et de notre identité. Ce faisant, si l’on
s’appuie sur notre patrimoine, comme c’est le cas
ici et lors de la prochaine exposition qui a l’air
bien alléchante, tant mieux!
La dernière exposition consacrée à Delvaux,
en 1991, a été organisée dans un grand lieu em-
blématique de l’art et de la culture française. Une
des forces que le Centre pourrait développer grâce
au réseau qu’il a déjà tissé sur place est la multi-
plication de ce genre d’initiatives. Il faut profiter
des lieux qui attirent par eux-mêmes, comme le
Grand Palais, pour y valoriser nos créateurs et
notre patrimoine.
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je
suis heureux que cette question m’ait été posée.
Pour corroborer votre propos, je dirai que nous
avons aujourd’hui une lecture ossifiée notamment
de l’architecture et de la création. C’est comme si
l’on devait sanctuariser la culture pour lui donner
de la valeur. Pour que la culture patrimoniale
trouve un prolongement et une valeur ajoutée, il
faut que la culture créatrice s’y accole, l’une
s’enracinant dans l’autre.
Des expositions actuelles intéressantes sur la
représentation patrimoniale montrent que l’image
des édifices, aujourd’hui, n’est pas celle qu’ils ont
eue depuis toujours. Au fil des siècles, les édifices
ont été bâtis, modifiés, reconfigurés avec un pro-
duit final qui nous inspire un sentiment
d’harmonie et de beauté, voire de surprise. Il en va
de même pour les racines créatrices. Les différents
courants qui ont traversé nos contrées ne détermi-
nent pas aujourd’hui le comportement des créa-
teurs, mais en sont généralement les racines. Cette
réflexion apporte une vision nuancée du monde à
l’heure où l’on aime les dichotomies. Elle montre
que l’enrichissement provient davantage du bras-
sin et du métissage de la culture qui se juxtapose
et s’interpénètre de génération en génération que
d’un acte créateur ex nihilo. L’humanité se re-
trouve dans la création à travers chacune de ses
couches. Vous m’avez donné l’opportunité
d’exprimer ce point de vie intéressant qui n’est
plus explicité dans notre société, car elle n’a plus
le temps de la nuance, mais tend à la caricature.
1.9 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Comité de concertation du
25 mai»
M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Cette ques-
tion aurait peut-être pu être jointe à la question de
M. Crucke pour l’intérêt du débat.
Le 18 mai dernier, Bernard Delvaux, patron
de la Sonaca, Johnny Thijs, ex-CEO de La Poste,
et Baudouin Meunier, administrateur délégué des
Cliniques universitaires UCL Mont-Godinne,
s’exprimaient via une carte blanche dans la presse.
Face aux dysfonctionnements de notre État, no-
tamment les difficultés de coordination entre ni-
veaux de pouvoir, ils suggèrent un changement de
méthode mettant l’accent sur cinq projets trans-
versaux – mobilité, énergie, sécurité, vieillisse-
ment, compétitivité – qui «doivent faire l’objet
d’une concertation active et constructive dans
laquelle chaque parti démocratique doit pouvoir
trouver sa juste place et les partenaires sociaux la
leur».
Le cdH se retrouve parfaitement dans cet ap-
pel. Nous avons d’ailleurs plaidé à plusieurs re-
prises pour une politique qui dépasse les clivages
majorité/opposition et État fédéral/entités fédérées
pour faire face aux enjeux qui engagent le présent
et notre avenir commun. Le lieu à partir duquel
pourraient converger tous ces acteurs existe déjà.
Il s’agit du Comité de concertation, qui s’est jus-
tement réuni mercredi dernier. Je souhaiterais
vous interroger sur l’esprit qui a prévalu lors de
cette réunion et sur un point particulier de l’ordre
du jour.
Avez-vous constaté un changement dans
l’attitude des membres du comité qui laisse augu-
rer une prise de conscience des défis à relever
ensemble? Comment cela se manifeste-t-il, no-
tamment dans votre chef? Certaines réunions ont
été houleuses et improductives. Je m’interroge
donc sur l’évolution de l’esprit du travail au sein
de ce comité.
Un des points de l’ordre du jour concernait la
décision prise par le Conseil des ministres fédé-
raux d’investir 4 millions d’euros pour mener une
stratégie de communication visant à redorer le
blason de la Belgique. Sans un changement radical
dans la logique et l’esprit de la concertation, je
crains que cette initiative soit inutile. Si, par bon-
heur, vous m’annonciez que ce changement a eu
lieu, il me semble utile de rappeler que l’image de
la Belgique à l’étranger ne dépend pas uniquement
du gouvernement fédéral. Il est dès lors fonda-
mental de réussir une approche commune à
l’étranger. Avez-vous également abordé ce point
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 14 )
en comité de concertation?
Avez-vous interrogé les délégations de Wal-
lonie-Bruxelles International sur l’image de notre
pays et, a fortiori, de notre Communauté à
l’étranger? Quels sont les propos qui vous revien-
nent? Quelles réponses pouvez-vous apporter avec
les moyens dont vous disposez?
M. Rudy Demotte, ministre-président. – J’ai
participé à cette réunion du Comité de concerta-
tion. Les formes de concertation en Belgique sont
multiples: parfois, des points sont portés
d’initiative, d’autres fois, des propositions sont
formulées par l’État fédéral. Je m’y suis exprimé
la dernière fois sur le thème de la pension du sec-
teur public et, plus particulièrement, des ensei-
gnants dans notre Fédération.
Nous avions de nombreuses raisons de dialo-
guer, mais ici, le contexte était celui de la volonté
affichée par le fédéral de se concerter sur le thème
du Belgium bashing et de voir comment nous pou-
vions progresser ensemble.
Le Comité de concertation devra se pencher
sur de nombreux autres sujets, complexes et par-
fois polémiques, comme la sécurité, le vieillisse-
ment, la compétitivité ou l’énergie.
La prochaine réunion n’ayant lieu qu’en juil-
let, nous attendrons pour voir si l’esprit restera
positif lorsque nous aborderons des thèmes qui
fâchent un peu plus. Pour l’instant, je ne peux que
me baser sur ce que j’ai éprouvé lors de la der-
nière réunion. J’ai voulu donner une image posi-
tive de ma propre lecture des faits, à commencer
par le point que je viens d’évoquer. J’ai porté de-
vant le comité, de manière totalement neutre, la
question de savoir jusqu’où nous voulions discuter
ensemble de l’appréhension de plus de
100 000 personnes du monde enseignant de la
problématique des pensions.
À ce stade, je n’ai pas eu le sentiment d’un
désintérêt du fédéral par rapport à ce que j’ai ex-
posé, pas plus que je n’ai eu d’assurance sur la
qualité du dialogue à venir.
Je suis une personne optimiste et j’espère que
l’issue sera positive.
Je songe aujourd’hui à l’impact de certaines
mesures pour les agents de la fonction publique et
plus particulièrement pour les enseignants de la
Fédération Wallonie-Bruxelles, pour lesquels la
réforme des pensions, telle qu’évoquée au-
jourd’hui et menée par mesures successives, pour-
rait avoir des conséquences malheureuses.
J’ai fait part de mes remarques sans esprit de
polémique, et je ne réserve pas mes commentaires
aux journalistes à la sortie du Comité de concerta-
tion, dans le but d’instiller un poison quelconque
aux uns ou aux autres; que chacun fasse comme il
l’entend.
Il était important de démontrer que lorsqu’on
veut organiser le dialogue, on doit être réellement
à l’écoute les uns des autres.
Aujourd’hui, le mécanisme de concertation
mérite d’être relancé sur de meilleures bases.
Certes, nous sommes dans une logique où l’on ne
peut pas dire a priori que les choses ne peuvent
pas déboucher sur du concret, mais si les comités
de concertation renvoient beaucoup de points aux
groupes de travail, ceux-ci ne reviennent plus avec
des propositions permettant de sortir de l’ornière.
Une révolution mentale doit intervenir.
Les problèmes peuvent également être liés à
l’attitude de l’autorité qui organise le comité de
concertation, par exemple lorsqu’elle donne le
sentiment d’une ouverture dans les contacts que
nous avons entre nous, mais qu’à l’usage de ses
arbitrages internes – je pense notamment aux
questions d’ajustement budgétaire –, elle tranche
des matières qui ont été laissées en suspens.
Vous m’interrogez par ailleurs sur l’initiative
de Positive Belgium. Le premier ministre part d’un
principe utile dans les circonstances actuelles, à
savoir investir de l’argent dans une campagne de
communication pour redorer l’image du pays.
Comme je l’ai dit à M. Crucke, nous allons
faire tout ce que nous pouvons pour nous y joindre
dès que la task force aura déterminé ses lignes de
force, mais nous devrons dans le même temps
veiller à ce que le fond évolue positivement. Si,
demain, le climat d’insécurité reste identique,
nous pourrons organiser toutes les campagnes de
communication que nous voulons, ce ne sera pas
bon. Si demain, nous n’avons pas la force de trou-
ver en nous le ressort pour améliorer le climat
social, c’est mauvais pour le pays. La déstabilisa-
tion du pays passe parfois par le sentiment que les
problèmes de fond sont insurmontables.
En ce qui me concerne, je ferai en sorte que
les différents groupes ciblés – la presse, les tou-
ristes, les voyageurs d’affaires, les investisseurs,
nos concitoyens – se voient motivés par un mes-
sage positif car il importe, dans des moments de
crise, des moments sombres, de délivrer ce dis-
cours. Et les messages envoyés par la Fédération
Wallonie-Bruxelles au fédéral, c’est que nous ne
sommes pas seulement intéressés par la démarche,
mais que nous voulons nous engager concrète-
ment. Nous avons aussi mené des actions sur le
terrain, partout où nous sommes présents avec nos
délégations. Nous distillons un message
d’encouragement positif.
Il importe à présent de faire en sorte que tout
fonctionne très correctement; que les missions
économiques et les chambres de commerce jouent
un rôle dans l’appréhension de l’image générale
de la Belgique; que les organes d’exportation
bruxellois et wallons aient un discours entrepre-
nant et positif; que l’Horeca ait demain la faculté
d’accueillir dans des conditions optimales davan-
tage de touristes pour qu’eux-mêmes se fassent le
relais de ce qui a évolué positivement à la suite
des situations d’attentats; que, finalement, nous
( 15 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
donnions l’image d’une nation qui se reprend en
main, creuset de diversités linguistiques et cultu-
relles cultivant l’art ô combien difficile, mais
riche, du compromis. Bref, un modèle, qui comme
beaucoup d’autres aujourd’hui, est secoué, mais
un modèle qui garde une légitimité parce qu’il
permet le débat démocratique et qu’il préserve
l’essentiel: l’image que nous donnons au reste du
monde.
M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Cette dis-
cussion est importante. L’État est fragilisé de
toutes parts, la démocratie sociale est bousculée,
la population est en souffrance et la cohésion so-
ciale est malmenée. Sans avoir encore une longue
expérience politique, je n’ai jamais connu pareille
situation.
Face à un tel chaos, nos gouvernements ont
une obligation de résultat, notamment au sein du
Comité de concertation. La concertation ne peut se
limiter à un échange de positions. Nous sommes
dans l’urgence. Je n’ai pas le sentiment au-
jourd’hui que les gouvernements s’inscrivent dans
cette logique d’obligation de résultat.
Je vous entends. Je lis la presse. J’aperçois
peut-être le début d’une nouvelle ère, un tournant
dans la manière d’appréhender cet espace qui
pourrait prendre une dimension symbolique forte
et redevenir le lieu où l’on reconstruit la confiance
et l’espoir.
J’entends que vous êtes neutre par rapport à
cette atmosphère de travail. Je m’en réjouis. Lors-
que les réalités et les majorités sont si différentes,
c’est la volonté politique qui fait toute la diffé-
rence.
Prendre des engagements est déjà une ex-
pression de la volonté politique. J’ai entendu les
engagements des uns et des autres. Après
l’engagement vient l’acte. Nous verrons alors la
force de l’engagement des uns et des autres. Nous
y verrons peut-être plus clair en juillet. J’insiste
sur l’urgence et sur l’obligation de résultat de ce
Comité de concertation.
L’image de la Belgique n’est pas un sujet
d’importance majeure, comparée au vécu quoti-
dien de nos concitoyens. Son importance est sym-
bolique. C’est le miroir dans lequel on se regarde.
Cette image doit être restaurée. Vous devez ac-
complir collectivement et avec succès cette pre-
mière démarche vers l’étranger.
J’ai entendu, dans votre réponse à
M. Crucke, que ce projet était encore en construc-
tion. J’ai lu dans la presse que les uns et les autres
souhaitaient associer la société civile à ce travail
sur l’image de nous-mêmes que nous véhiculons à
l’étranger. C’est une excellente idée.
La société civile, dans nos compétences, ce
sont les artistes et les sportifs. Des artistes et des
sportifs de notre Communauté devraient contri-
buer à redorer l’image de la Belgique à l’étranger.
Cet été, nos artistes et nos sportifs pour-
raient, lors de trois événements européens et mon-
diaux, contribuer à améliorer l’image de notre
pays. Je pense à Roland-Garros, à l’Euro 2016 et
aux Jeux olympiques. Au-delà de leurs perfor-
mances, ils pourraient mener une action particu-
lière.
Nos ambassadeurs pourraient attester de nos
capacités de résilience. Au-delà du travail des
politiques, des administrations, des agences, des
institutions et des délégués, la société civile peut
être notre meilleure ambassadrice. J’espère que
vous prendrez des initiatives dans ce sens.
1.10 Question de Mme Caroline Persoons à
M. Rudy Demotte, ministre-président,
intitulée «Cellule Art et Antiquités de
la police fédérale»
Mme Caroline Persoons (DéFI). – Si ma
question ne relève pas directement de la compé-
tence de notre Fédération, plusieurs raisons m’ont
convaincue de la déposer. Tout d’abord, ce sont
des responsables de musée qui m’a alertée sur le
devenir de la cellule «Art et Antiquités» de la
police fédérale. C’est aussi, vous comprendrez
pourquoi, parce que je vois un lien avec le débat
sur le radicalisme. Enfin, nous avons dans nos
compétences la culture, mais également les rela-
tions internationales, liées à ces compétences cul-
turelles.
J’ai appris par voie de presse la suppression
de la cellule de la police fédérale chargée des vols
d’œuvres d’art. Cette annonce a été confirmée le
11 mai dernier en commission de l’Intérieur du
Parlement fédéral.
Cette cellule a été constituée en 2006 et
comptait à cette époque cinq inspecteurs. Ce
nombre avait déjà été ramené à deux inspecteurs
uniquement, ce qui – il faut l’avouer – ne repré-
sente pour l’État une charge budgétaire que très
minime au regard de leur expertise et de leur utili-
té. La suppression de la cellule est justifiée par
l’optimalisation de l’organisation de la police
fédérale qui implique d’orienter la capacité cen-
trale de la police judiciaire fédérale vers ses mis-
sions prioritaires. Le trafic d’œuvres d’art et
d’antiquités ne figure pas parmi celles-ci. Cette
décision s’inscrit donc dans un mouvement
d’optimalisation lancé en 2013, alors que le con-
texte international et l’importance du trafic
d’œuvres d’art dans le financement du terrorisme
ont, depuis lors, fortement évolué.
Cette justification est surprenante lorsqu’on
sait la part que représente le vol et le trafic
d’œuvres d’art et d’antiquités dans le financement
du terrorisme international, phénomène qui con-
centre légitimement toute notre attention au regard
de la menace qu’il fait peser sur notre intégrité
physique, mais également sur nos libertés. L’État
islamique tire en effet des revenus substantiels du
CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 16 )
trafic illégal de pièces archéologiques, qui transi-
tent souvent par l’Europe pour arriver en Bel-
gique.
Le trafic des biens culturels est en outre le
troisième en importance dans le monde après le
blanchiment d’argent et le trafic de drogues.
La cellule ainsi supprimée serait intégrée,
avec d’autres, dans une nouvelle direction chargée
de la lutte contre le terrorisme, avec des moyens
supplémentaires. C’est toutefois occulter l’utilité
de la cellule «Art et antiquités» dans d’autres do-
maines, comme celui du blanchiment d’argent en
cas de rétrocommissions.
Enfin, ce choix va totalement à contre-
courant des choix opérés dans les autres États
membres de l’Union européenne. La Lituanie, la
Pologne et la Roumanie viennent en effet de créer
une cellule spécialisée dans le trafic d’œuvres
d’art et les cellules déjà existantes en Italie, en
France et aux Pays-Bas viennent d’être étoffées.
Plusieurs experts muséaux de notre Fédéra-
tion collaborent régulièrement avec cette cellule.
L’ASBL Le Bouclier bleu y collabore également.
Ce sont d’ailleurs eux qui m’ont prévenue de la
disparition de cette cellule. C’est une véritable
perte pour nos musées qui achètent des œuvres et
font attention à leur patrimoine.
Quelle est la position de votre gouvernement
face à cette décision? En tant que pouvoir ayant
parmi ses compétences la culture, ne nous est-il
pas possible d’intervenir auprès de l’autorité fédé-
rale?
Notre Fédération apporte une aide substan-
tielle à de nombreux musées situés sur son terri-
toire, mais peut-être aussi à des musées étrangers,
via sa politique de relations internationales.
M. Rudy Demotte, ministre-président. – La
décision a été prise par le gouvernement fédéral et
relève de l’organisation des services de police. Je
partage entièrement votre constat. Les mouve-
ments terroristes, aujourd’hui, tirent profit no-
tamment de la vente d’antiquités et d’œuvres d’art
volées. Un certain nombre de pièces transitent par
l’Europe et aboutissent en Belgique. La France et
notre autre voisin, les Pays-Bas, ont fait le con-
traire. Ils ont renforcé leur service «Art» dans leur
police. C’est aussi le cas des pays d’Europe cen-
trale et orientale, dont la Roumanie et la Pologne,
par exemple. J’ajoute que le Conseil des ministres
du Conseil de l’Europe a adopté un projet de man-
dat d’un comité d’experts chargé de l’élaboration
d’une nouvelle convention sur les infractions qui
concernent les œuvres et biens culturels.
Comme vous, je note que la Belgique
s’inscrit dans la direction inverse, en décidant de
supprimer cette cellule «Art et antiquités» qui ne
serait plus une priorité pour le gouvernement fédé-
ral. Je cite le texte: «Les autorités et la direction
de la police ont opté pour maximaliser les res-
sources humaines en les décentralisant, et garder
une capacité minimale au niveau central. Étant
donné que la criminalité relative à l’art et aux
antiquités n’est pas jugée prioritaire, sa prise en
charge est intégrée au travail régulier de la po-
lice.» Je ne suis pas d’accord. Dans cette optique,
c’est la police locale qui devrait assumer cette
tâche à l’avenir! On connaît déjà le débordement
de la police locale aujourd’hui!
Vous avez cité Le Bouclier bleu. C’est effec-
tivement une association belge chargée de la pro-
tection des œuvres d’art. Pour cet organisme, qui a
une expérience de terrain, il n’est pas possible
pour la police locale de s’investir dans cette tâche.
Elle n’a pas les outils nécessaires. C’est une spé-
cialité, c’est une criminalité qui n’est pas équiva-
lente à celle que l’on rencontre dans les
municipalités. Elle n’a pas non plus la capacité de
se confronter avec les outils déployés notamment
par Interpol. Elle n’a pas le type de connexions,
d’habitudes lui permettant de s’atteler à cette
tâche. Cela va aussi nuire à la lutte contre les vols
d’œuvres d’art chez nous, en Belgique.
Encore récemment, la cellule «Art» a pu
mettre la main sur des tableaux qui avaient été
volés il y a cinquante ans dans l’église de Bou-
vignes à Dinant et qui ont été retrouvés, il y a
quelques semaines, chez un antiquaire de Bruges.
La Belgique s’inscrit à rebours dans cette évolu-
tion générale. Je suis obligé de dire que l’image
que nous donnons de nous à l’étranger n’est pas
excellente. Ce n’est pas Positive Belgium et je
serais beaucoup plus réservé sur le mot à utiliser!
Comme je ne souhaite pas de polémique, je ne
dirai rien!
Le Parlement où le débat doit être mené,
puisqu’il s’agit réellement de tâches de police,
c’est le Parlement fédéral. Votre question me
donne l’occasion de vous dire que je me range à
votre point de vue. Je signale d’ailleurs qu’à
l’audition de votre intervention, j’ai aussi pris la
décision d’écrire au premier ministre pour lui ex-
primer mon ressenti à ce sujet. Je vais lui dire que,
sans vouloir empiéter sur les compétences fédé-
rales, nous considérons que c’est une erreur d’aller
aujourd’hui ouvrir les vannes – ou en tout cas ne
pas les fermer – du financement d’une certaine
forme de criminalité singulièrement liée au terro-
risme, alors que nous faisons tout pour la com-
battre.
Mme Caroline Persoons (DéFI). – Je re-
mercie le ministre-président pour sa réponse.
Qu’il prenne la plume pour exprimer au premier
ministre son ressenti à cet égard est certainement
positif! D’après un responsable du secteur muséal
fédéral, il y aurait une volonté de confier certaines
tâches dans ce domaine aux Communautés, étant
donné leur expertise en œuvres d’art, musées, etc.
Il y a peut-être aussi une envie de confier cette
cellule à la police locale, avec l’appui des Com-
munautés qui ont une expertise utile dans ce do-
maine. C’est peut-être aussi une tendance…
( 17 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)
M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je
ne voudrais pas être polémique, mais je souhaite-
rais apporter quelques éléments pour nuancer le
débat. Lors de la dernière réunion du Comité de
concertation, quand j’ai abordé la question du
régime des pensions, j’ai utilisé une image. J’ai dit
au premier ministre que nous étions dans un cli-
mat de Noël: lors d’une trêve, nous devons nous
mobiliser, mais il faut faire attention de ne pas
toujours rejeter les responsabilités sur les autres.
Je prends, par exemple, la suppression de la
bonification à la pension liée au diplôme. C’est
une catastrophe pour les travailleurs de la fonction
publique et en particulier pour les enseignants qui
ont fait un effort, parfois au détriment de leur qua-
lité de vie ou de celle de leurs parents qui se sont
saignés pour leur permettre de faire des études.
Pour bénéficier de cette bonification, ils devront
désormais cotiser. Certains craignent que, dans
une logique de «pilarisation» des pensions, les
entités publiques fédérées ne soient amenées à la
payer. Le pouvoir fédéral reporterait donc cette
charge sur les entités fédérées.
Si le pouvoir fédéral décidait de confier la
compétence en matière de lutte contre le vol
d’œuvres d’art ou de revente d’antiquités aux po-
lices locales, tout en demandant aux Communau-
tés d’intervenir, cela relèverait du même
raisonnement. Notre expertise est bien réelle, mais
elle ne porte pas sur ces aspects, elle n’est pas la
même que celle de cette cellule spécialisée. Je
voudrais rester optimiste sur la qualité de la colla-
boration et éviter de donner aussi le sentiment de
se défausser de ses responsabilités sur autrui.
Je le répète: je n’ai aucune forme de pensée
sous-jacente ou hypocrite à ce sujet, mais il serait
désastreux qu’à chaque fois qu’un problème appa-
raît, la même logique de report de responsabilité
soit appliquée.
2 Ordre des travaux
M. le président. – Les questions orales à
M. Rudy Demotte, ministre-président, de
Mme Véronique Waroux, intitulées «Situation en
Palestine» et «Massacres en cours sur le territoire
de Béni, dans la province du Nord-Kivu au Con-
go», et de M. Jean-Luc Crucke, intitulée «Adhé-
sion de la Catalogne à l'OIF», sont retirées.
La question orale de M. Jean-Pierre Denis à
M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée
«Initiatives de prévention du radicalisme et de
bien-vivre ensemble», est reportée.
Voilà qui clôt l'heure des questions et inter-
pellations.
L'heure des questions et interpellations se
termine à 16 h 05.