Download - De Loreto a Tabatinga
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
1/22
Jean-Pierre Chaumeil
De Loreto Tabatinga. D'une frontire l'autre : antagonisme sur
l'Amazone au xixe sicle et aprsIn: L'Homme, 1992, tome 32 n122-124. pp. 355-375.
Citer ce document / Cite this document :
Chaumeil Jean-Pierre. De Loreto Tabatinga. D'une frontire l'autre : antagonisme sur l'Amazone au xixe sicle et aprs. In:L'Homme, 1992, tome 32 n122-124. pp. 355-375.
doi : 10.3406/hom.1992.369541
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_369541
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_hom_5069http://dx.doi.org/10.3406/hom.1992.369541http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_369541http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_369541http://dx.doi.org/10.3406/hom.1992.369541http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_hom_5069 -
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
2/22
SS
Jean-Pierre Chaumeil
De
Loreto
Tabatinga
D une frontire l autre :
antagonisme sur
l Amazone
au
XIXe sicle
et aprs
Jean-Pierre
Chaumeil,
De
Loreto
Tabatinga.
D'une
frontire
l'autre :
antagonisme
sur l'Amazone au xixe sicle et
aprs.
Une frontire, prisme grossissant d'une
ralit
contraste pour tous ceux qui,
du
simple voyageur au scientifique, naviguent sur
l'Amazone au xixe sicle. Une bien morne frontire en vrit que celle qui spare le
Prou et le Brsil.
Y
rgne
la mme dsolation et
le paysage
y
est tout aussi
dlabr.
Pourtant un
fait
ressort constamment sous la plume
des
voyageurs Tabatinga offre
une image de grandeur mais Loreto une figure d'abandon,
comme
si,
en une si courte
distance,
la civilisation faisait
face
la barbarie la plus crue. Pourquoi donc
ce
contraste
si
radical
dans
l'apprciation
des
voyageurs
au
point de leur
faire
voir
la
civilisation
aux portes du Brsil, l o s'agenouille
en
ralit
un
tas de ruines ?
La plupart
des
voyageurs trangers qui, depuis La Condamine,
descendent
l'Amazone
jusqu au
Para relvent
une
coupure
profonde, assortie d'une
incomprhension totale,
entre
les
mondes
hispanique
et
lusitanien
en entrant
dans
le no
man's land
ce
vide o
le temps
et
la navigation paraissaient
suspendus qui spare la
dernire
possession
espagnole (Loreto) du premier
poste portugais (Tabatinga). En
apparence
rien
ne diffrencie
les deux sites
mme
dsolation,
mme
insalubrit,
mme
vtust des
lieux.
Pourtant
Tabat
inga
laisse aux
voyageurs
occidentaux
une
impression
de
grandeur,
d'aisance
qui faisait cruellement dfaut en
amont...
On connat en effet le long conten
tieux rontalier
qui oppose les deux
puissances
coloniales depuis
le
voyage de
Texeira
sur le rio
apo
en
1638-1639 jusqu au
trait
de
San Ildefonso
de 1777.
On
sait
galement que chaque commotion politique en Europe avait
pour
effet
de
raviver les
litiges frontaliers entre
les
deux
pays. Mais d o pouvait
venir
ce
changement
si radical dans
l'apprciation
des
voyageurs au point d entre
voir
a
civilisation
aux portes du
Brsil,
l o s'entassent des
cabanes blan
chies la chaux et
infestes
de
moustiques ?
Faut-il alors
s'orienter
non plus
vers le paysage encore que l'Amazone
offre
ici une vue
grandiose
mais
vers
l'image
d'un
Brsil
rsolument
tourn
vers
l'Europe,
alors
que
le
Prou,
min
par
de continuelles guerres
civiles suite
l'indpendance politique,
semble
L'Homme 122-124,
avr.-dc.
1992,
XXXLI (2-3-4), pp. 355-375.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
3/22
356
JEAN-PIERRE CHAUMEIL
davantage repli
sur
lui-mme et coup
du monde extrieur ?
Cependant, bien
avant les
vellits d'indpendance des deux pays, La Condamine souligne
dj
en
1743
le
contraste saisissant
entre
les
missions portugaises
et
espagnoles
A
Saint-Paul
[So Paulo de Olivana], nous commenmes voir au lieu
de
maisons
et d'glises de roseaux, des chapelles et des presbytres de maonnerie, de terre
et de
brique,
et des
murailles
blanchies proprement. Nous
fmes encore
agrable
ment
urpris
de voir
au
milieu de
ces
dserts des chemises de
toile
de Bretagne
toutes les
femmes
indiennes, des coffres avec des serrures et des clefs de fer dans
leurs
mnages, et
d'y trouver des aiguilles,
de petits
miroirs, des couteaux, des
ciseaux,
des peignes et divers
autres
petits meubles d'Europe que
les
Indiens
se
procurent
tous les ans
aux
Para dans les
voyages qu'ils y
font
pour y
porter le cacao
qu'ils
recueillent sans
culture
sur
les
bords du
fleuve.
Le commerce avec le Para donne
ces
Indiens
et
leurs
missionnaires
un
air
d'aisance,
qui
distingue
au
premier
coup
d'il
les
missions portugaises des missions castillanes du haut du Maraon,
dans lesquelles tout se ressent
de l'impossibilit
o
sont
les missionnaires de
la cou
ronne d'Espagne de
se fournir
d'aucune des commodits de la vie, n'ayant aucun
commerce
avec les Portugais leurs
voisins
en descendant le fleuve et
tirant
tout de
Quito o
peine envoient-ils une
fois l'anne,
et
dont
ils sont plus spars
par
la
cordilire
qu'ils
ne le
seraient
par une mer de mille lieues (La Condamine 1981
79-80).
Jusqu' la fin
du XIXe
sicle en effet, l'absence de communication
entre
le littoral Pacifique et l Amazonie pruvienne est
telle
que la voie d'accs
la
plus rapide consiste
contourner
la
moiti
septentrionale du sous-continent
par
Panama jusqu au Para, pour
ensuite
remonter l Amazone jusqu Iquitos
(Monnier 1890 399). Il
est
d'autre
part
significatif de noter que la seule
expdition
espagnole
sur
l Amazone au XIXe
sicle
(la Comisin Cientfica
del
Pacfico)
donne
l'inverse
une vue apocalyptique de Tabatinga lieu de dl
abrement o la faim tenaille
le
voyageur ds son arrive. De
surcrot,
la maladie
affecte
les
Espagnols peine dbarqus.
D o peuvent
bien
venir
tant de
malheurs
runis l o les autres voquent la fin de
leurs souffrances
et gotent
aux
bienfaits
de la civilisation retrouve
?
On examinera les raisons de ces
diffrences
d'apprciation
dans
la
littrature
des voyageurs trangers
du
XIXe
sicle
et
en
quoi
elles nous
informent
ou
anticipent
les
traditions
ethno
logiques dveloppes ultrieurement dans ces deux pays, l'une ouverte vers
l'extrieur, internationale,
l'autre
plus
ferme sur
elle-mme, encore largement
provinciale...
La guerre des
frontires
et PAmazone
Afin
de mieux cerner notre propos, il
convient
de rappeler brivement
l'histoire du litige
frontalier
entre les
deux
pays
et l'ouverture de l Amazone
la
navigation
internationale, vnements
qui,
chacun
leur
manire,
favori
seront les voyages
d'exploration.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
4/22
Antagonisme sur l Amazone 357
Suite au trait de Tordesillas sign en
1494
entre
l'Espagne et le Portugal se
fait le
grand partage
du continent
; l'Espagne reviennent
les terres
situes
au
del
de
370 lieues
l'ouest
des
les du Cap-Vert,
soit
les
deux
tiers
de
l Amr
ique u Sud. Mais ce trait n'est
jamais
valid
sur
le terrain. Le Portugal en
profite pour tendre
sa
frontire amazonienne vers l'ouest, notamment aprs
le
voyage du
Capitn Texeira
(1638-1639) qui
fixe
arbitrairement la ligne
de
dmarc
ation
sur le
rio
Aguarico
(affluent
du
rio
apo)
alors
qu Espagne
et Portugal
sont
toujours runis
sous la mme couronne.
Ds
lors, la guerre des poteaux
s'engage sur
plus
d'un sicle ; les
bornes plantes par les uns sont
systmatique
menttruites
par
les autres qui se prtendent lss.
Durant
la seconde moiti
du xviie sicle et la premire moiti du xviip,
les bandeirantes portugais (colons-
aventuriers
devenus personnages
hroques
dans l'histoire
du Brsil)
harclent
sans
rpit
les
missions
espagnoles
de
l Amazone
la
recherche
d'esclaves
indi
gnes. Les jsuites, avec le pre Samuel Fritz en tte, tentent en vain de s oppos
er
cette
pntration qui met
lourdement
en
pril
l'uvre missionnaire. En
1728,
le
Portugal
maintient toujours
ses prtentions territoriales et envoie une
commiss
ion
olidement
arme
pour
restaurer la
borne
rige
par Texeira
(Garcia
1922
869). La thse de la
lgitimit
des frontires portugaises sur le
rio
apo
sera
long
temps soutenue
(voir
par
exemple Ribeiro de Sampaio 1825 70). En fait, la
pro
gression lusitanienne n'est contenue
qu'aprs la
signature des
traits de
Madrid
(1750)
et de San Ildefonso {Mil), fixant les frontires entre les deux colonies
aux
rios
Yavari
et Caqueta (appel Yapura au Brsil), situation qui perdure
jusqu en
1851.
La
politique
coloniale
du
Portugal
en
Amazonie, marque
par
l'action
du marquis de Pombal,
culmine
avec l'expulsion des jsuites du
Brsil
en
1759
(leur
expulsion
du Prou survient en 1768).
En application
du
trait
de
San Ildefonso, deux
commissions
(une
pour
chaque
pays) sont nommes
pour
procder aux
tracs
des limites. On
confie
la commiss
ion
ruvienne au gouverneur gnral
de Maynas,
don F.
de Requena qui,
de
1778
1793,
dfend
avec acharnement les intrts frontaliers
espagnols.
La
commission
s'installe pendant dix annes Teff (1781-1791) malgr l'hostilit
portugaise
et explore
le rio Yapura
(Caqueta), sans pour
autant
parvenir un
accord. Dcourag
aprs
ces
annes d'efforts vains et devant
la
souveraine
indif
frence
de
son
pays,
Requena
dcide
en
1793
de regagner
l'Espagne
en
descen
dantAmazone
jusqu au Para.
Tout le
monde connat
les
thses de
Requena
contre
la libre navigation
de
l Amazone
et
le commerce
vers
l'Europe via le
Brsil qui,
selon
lui, signifient la soumission
au
Portugal et la ruine du
commerce
espagnol par
le
cap Horn. D aprs
Requena,
il faut
l'inverse
dvelopper les
relations avec le littoral
Pacifique
et prparer
l'intgration
des
rgions
orien
tales la vice-royaut du
Prou.
On dit
mme
qu il
fonde
le village d Oran
(en souvenir de son exprience africaine) la bouche
du rio
apo pour barrer
la route
aux Portugais
(Porras
Barrenechea
1945
102).
Toutefois,
si Requena
n'obtient rien sur le terrain, son
rapport rdig
Madrid
en
1799
fait l'effet
d'une bombe et
conduit
la Real
Cdula
de
1802
qui ordonne la rincorporat
ion
u
Prou de tout le territoire de Maynas.
Rappelons
que Maynas dpendait
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
5/22
358 JEAN-PIERRE
CHAUMEIL
depuis
1716
de l'Audience de Quito
dont
Ploignement
gographique s'tait
rvl peu propice la dfense d'aussi
lointaines
contres. L Audience de
Quito
se
trouve
ainsi ampute
d'une
grande
partie
de
son
territoire
amazonien,
amput
ation qui donne lieu
encore
aujourd'hui
un
conflit frontalier entre l Equa
teurt le Prou.
Par ailleurs, la dclaration de
guerre
en 1801
entre
l'Espagne et
le
Portugal
rendant
du
mme coup
caduc
le trait de San Ildefonso pse non seul
ement de tout son poids sur la Real
Cdula,
mais aussi sur l'loignement
poli
tique
progressif
des deux colonies vis--vis de leur mtropole. C'est en effet
dans le
contexte des litiges et
du
rapport de forces
en Europe
qu'il
faut
resituer
la
formation
des tats nationaux en Amrique du Sud. La France
exerce
sa
domination
sur
l'Espagne, l'Angleterre
sur
le Portugal. Or, c'est en partie
l'Angleterre
que
l'on
doit
la
formation du
Brsil
et
le
dplacement du pouvoir
central de
Lisbonne
Rio (Rivire d'Arc 1978 187). Sous la pression des
armes
napoloniennes en effet, et soucieuse
de
sauver la
dynastie
tout en
prservant
le
Brsil
de tout dsir d'annexion trangre, la cour portugaise s'installe avec
l'appui
britannique
Rio en 1808, transformant ainsi une colonie en sige d'une
ancienne monarchie.
Sortant
alors
de son isolement sculaire,
le
pays s euro
panise grande
vitesse
et ouvre
ses ports
au commerce extrieur, tout part
iculirement avec
l'Angleterre.
Les voyages d'exploration l'intrieur des
terres,
jusqu alors
interdits
aux trangers, sont
autoriss.
En 1822,
le
Brsil s'rige
en empire
sous
la bienveillante protection de
l'Angleterre,
coupant ainsi
dfinitivement
les
ponts avec
son
ancienne mtropole.
Quasiment la mme poque,
le
Prou
se
constitue en rpublique
indpen
dante
1824) au prix de luttes longues et
sanglantes.
Autant dire que
si le pro
cessus d'indpendance est
pacifique au
Brsil, il est
particulirement
meurtrier
au Prou et se
prolonge
dans des guerres civiles pratiquement jusqu l'arrive
du
prsident
Ramon
Castilla
en
1845.
En outre,
et
suite
l'chec
de
Bolivar
avec la grande
Colombie
(1830),
les litiges frontaliers reprennent de
plus
belle en bordure des rios Caqueta et Putumayo, situation aggrave au Brsil
avec la rvolte populaire du Cabanagem qui secoue entre 1835-1840 le bas-
Amazone
et
fait des milliers de
victimes.
A
l'instar
de
nombreux voyageurs,
le
botaniste allemand
Poeppig
doit
se
cacher plusieurs mois dans
un village
proche de Blem
pour
chapper aux Cabanos qui tuent
les
Blancs, disait-on...
(Hemming
1987
230-231).
Ce
n'est
qu au
milieu du
XIXe
sicle que
les
premiers signes d'apaisement
se font
sentir.
En 1851,
le Prou signe
une convention
de navigation fluviale
(ratifie en
1858)
avec le Brsil, lui
concdant
le
territoire
du bas Putumayo-
Caquet,
une belle frange de quelque 80 000
km2,
en change de la libre navi
gation sur l Amazone
(Zarate 1957
31).
Certes un
tel accord signifie
une
perte
territoriale considrable
pour
le Prou, mais c'tait le prix de la libre naviga
tionendue
ncessaire par l'accroissement
du
commerce
fluvial
et
surtout
l'arrive
des
vapores
sur
l'Amazone.
En
1853,
le
vapeur
Marajo
de
la
toute
rcente
Compagnie brsilienne de
navigation (Companhia
do
navigao e
comercio
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
6/22
Antagonisme sur l'Amazone 359
do
Amazonas)
inaugure
la
ligne Manaus-Nauta, suivi une anne aprs par
le
Manorcha
(Wilkens
de
Mattos 1854).
Paralllement,
les
voyages
d'exploration
s'intensifient
au
profit
notamment
des Britanniques et des
Nord-
Amricains
trs
soucieux d'tendre leur influence
sur
toute
l'Amazonie
(voir par exemple
les voyages
de Herndon et Gibbon).
C'est
d'ailleurs
sous
la
pression continuelle
de
ces deux
puissances
que le Brsil est
contraint
d'ouvrir l Amazone
au
trafic
international. En 1866
le
dcret d'internationalisation de
l Amazone est sign
(Rivire
d'Arc
1978
197). La Compagnie
brsilienne de
navigation passe
sous
tutelle britannique et devient en
1872
l'Amazon Steam Navigation
Company
(Reis
1989 224). De nouvelles lignes
maritimes
sont tablies
avec
Liverpool,
Londres,
Le
Havre,
etc.
L'Amazonie
brsilienne
entre
alors
intgralement
dans
l'orbite commerciale domine par l'Angleterre.
Du
ct
pruvien, la
navigation
vapeur ravive
les missions d'exploration
et
remet
l'ordre du jour
la
question
toujours
en suspens du trac des
fron
tires
avec le
Brsil. La Comisin hidrogrfica del Amazonas cre en 1867
et place
sous les ordres
du contre-amiral nord-amricain Tucker
participe au
dsenclavement de l'Amazonie
pruvienne
en
ouvrant
de nouvelles voies de
communication.
Mais la guerre
du
Pacifique contre
le
Chili (1879-1883) ruine
l'conomie pruvienne
et
donne
un
coup
d'arrt au dveloppement
du
commerce
sur l'Amazone. Si le
boom
caoutchoutier de
1880
relance
la
machine
cono
mique, il
fomente
aussi les conflits frontaliers avec la Colombie
pour
le
contrle
des
rives du
Putumayo
riches en
gomme
lastique.
Mais
d'une
manire
gnr
ale, le
Prou oriental
reste
largement dpendant
du Brsil et de son protecteur
l'Angleterre
pour le commerce
international.
Les
expditions scientifiques
du xixe
sicle
Durant
la priode coloniale, les rcits d'exploration sur l'Amazone ( l excep
tion
u
voyage de La Condamine) sont essentiellement l'uvre
d'Espagnols
ou
de Portugais.
Le
Brsil notamment maintient
ses
frontires fermes aux voya
geurs
trangers
dans
le but
de
prvenir
toute
tentative de
colonisation
ext
rieure (c'est d'ailleurs l'un
des motifs
de l'expulsion des
jsuites
en
1759). On
se
souvient
galement que Humboldt,
souponn
d espionnage et
de
pro
pagation
d'ides
subversives rencontre du Portugal, est empch d'entrer
au
Brsil
par
le
rio Negro (Hemming 1987
133). Tout
aussi grande
est
d ail
leurs
l'hostilit des Espagnols
envers les
trangers.
Accuss de
rechercher d hypo
thtiques
trsors sous couvert de la science, les membres de l'expdition La
Condamine en font la triste exprience lors de l'meute de Cuenca en Equateur
o
l'un des leurs
est assassin.
Cette
xnophobie
paranoaque
change
fort
heureu
sement avec
l'indpendance
des
deux pays, ouvrant l're
des
grandes expdi
tions
cientifiques
et
commerciales.
Les
relations privilgies
entre
l'Angleterre
et le Brsil favorisent dans un premier temps l'entre des voyageurs
britanniques,
suivis de prs il
est
vrai par
les
Allemands et
les
Franais1.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
7/22
360 JEAN-PIERRE CHAUMEIL
Alors qu'apparaissent au dbut du
XIXe
les signes annonciateurs
du
dmant
lement
des empires
coloniaux,
l'Amazonie
commence
acqurir
une
existence
propre en se
montrant
rticente
l'intgration
dans
les
nouveaux ensembles
territoriaux qui se dessinent. Grce sa politique isolationniste (le Para
par
exemple reste
loyal au Portugal contre la dclaration d'indpendance de
1822),
l Amazonie
devient
peu
peu
un
objet
de
recherche en
soi pour
les
voyageurs
naturalistes
puis,
plus
tard, pour les ethnologues. C'est donc plus sur une base
politique que
gographique
que se constitue le lieu Amazonie
au
XIXe
(Rivire d'Arc
1978).
De
Loreto
Tabatinga
Les expditions scientifiques qui, cette poque, empruntent l Amazone
doivent s'arrter, ne
serait-ce
que quelques heures (formalits
douanires
obligent), aux deux
postes frontires
de
Loreto
et
de
Tabatinga
distants d'une
soixantaine de kilomtres
par
le fleuve {cf. carte).
Nous
disposons donc leur
sujet
tout
au long
du
xixe
sicle
de descriptions
souvent
dtailles, aussi bien
avant la navigation
vapeur qu'aprs.
Or,
lire
les
voyageurs,
il est frappant
de constater
avec
quelle invariabilit
ils opposent
les deux
sites,
pourtant
si
semblables, comme si la faible distance
kilomtrique
qui les spare signifiait
pour
les
auteurs
un tout autre
passage,
celui
en
l'occurrence qui
conduit
de
la
barbarie
(Loreto)
la
civilisation
(Tabatinga). En effet, ce
voyage
de plusieurs heures par
le
fleuve
est littralement
gomm
des rcits, ou
plutt
il y
apparat
comme un voyage hors du temps. On passe sans
transition
d'un
lieu l'autre, autant dire d'un
temps
un
autre.
Accentuant
ainsi le
contraste,
les voyageurs
veulent
en fait
opposer deux
pays,
deux
mondes
perus
linguisti-
quement,
culturellement
et
surtout
politiquement diffrents, notamment face
aux
puissances non ibriques
auxquelles
appartient la majorit d'entre eux. Mais
avant de laisser
la parole aux
voyageurs,
il importe de
prciser brivement l'origine
des deux postes frontaliers et le rle
qu'ils ont
jou dans la rgion.
Loreto
se
trouve
sur
l'un
des
emplacements
occups par l'ancienne
mission
de Nuestra Seora
de
Loreto
de
Ticunas fonde en 1760 par les jsuites2. Sou
mise
aux
incursions
portugaises, cette mission d'Indiens ticuna est
abandonne
peu
d'annes aprs l'expulsion
des jsuites du Prou
en 1768. Malgr
son
exis
tence
phmre, elle joue un
rle important
dans
le commerce rgional comme
centre de fabrication
du
curare, poison que les Ticuna
expdiaient
jusqu aux
missions de Guayaquil et de Macas (Schuller 1911 366). Durant le
XIXe
sicle,
Loreto reste
une
bourgade sans
importance,
voue
au
petit commerce et la
contrebande.
En
1864, la frontire est dplace en aval, Leticia, qui devient
port colombien aprs
le trait
Salomon-Lozano
de
1922.
Le
fort
de
Sao
Francisco Xavier
de Tabatinga
est
construit
en
1766
sur
la
rive gauche de l Amazone pour contrler le trafic de contrebande qui prospre
depuis dj
plusieurs dcennies
entre les
deux colonies3. Le Prou troque
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
8/22
Antagonisme
sur l'Amazone 361
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
9/22
362
JEAN-PIERRE
CHAUMEIL
Village de
Nuestra
Seora de Loreto (rive gauche de l'Amazone)
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
10/22
Antagonisme sur l'Amazone
363
Vue du poste et du village de Tabatinga
Gravures d'aprs
P. Marcoy
(1869, 2
309 et 333).
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
11/22
364 JEAN-PIERRE CHAUMEIL
du
poisson
sal,
de l'huile de
lamantin, des
tortues, de
la salsepareille,
de
la
cire
d'abeille
et
autres
produits contre des outils
en
mtal, des
hameons
ou
des
tissus
en
provenance
d Europe
via
le
Brsil.
Les
deux
postes
frontaliers
en tirent profit, mais comme tout lieu de prosprit rapide,
ils
ne tardent pas
se
transformer en repaire de maraudeurs et de trafiquants. La ncessit
d'une
garnison militaire
Tabatinga
se fait sentir,
mais
il est vrai sans jamais menac
erellement le trafic de contrebande. Par une politique frontalire trs ner
gique
du
Brsil, Tabatinga s'est converti aujourd'hui en un
complexe
urbain
important,
compar
ce
qu'offrent
la
Colombie et
le
Prou
(Seiler-Baldinger
1983).
Le
botaniste allemand Spix4
est
incontestablement
le premier scientifique
tranger
dcouvrir Tabatinga,
en
1820.
Cependant, il
faut
attendre les
voyages
de
Maw
(1828)
et
surtout
de
Poeppig
(1831)
pour avoir
un
point
de
vue
oppos
ant es deux postes. La description de
Poeppig
est cet gard difiante. Sans
s'tendre
sur Loreto
(peupl par quelques descendants d'Indiens ticuna plus
ou
moins baptiss), le voyageur allemand
dpeint longuement
les belles mai
sons blanches
et
spacieuses
de Tabatinga, signes indiscutables
ses
yeux de
civilisation
europenne et qui
tranchent
fort
avec
le
dcor
misrable des
villages
du
Prou. De surcrot,
l'argent, qui n'tait d'aucune utilit depuis les
Andes
pruviennes,
rapparat dans les
transactions commerciales,
ce
qui a pour
effet,
dira
Poeppig,
de rendre les
gens
plus hospitaliers. Enfin, l'auteur observe une
coupure
linguistique nette
entre
Loreto et Tabatinga le quechua parl comme
lengua
franca
le
long
de
l Amazone
pruvien
est
inconnu
Tabatinga.
Quelques
annes aprs,
les officiers britanniques Smyth et
Lowe, puis
le
voyageur
fran
aisMarcoy trouvent les deux postes en
ruine.
Leurs propos sont dmentis peu
aprs par
le
lieutenant
nord-amricain Herndon
qui pressent
dj
la civilisation
Loreto
dont
le
commerce,
tomb aux mains des
Brsiliens,
est devenu subit
ement
actif.
Mais pour lui, la civilisation vraie commence Tabatinga :
It
was
quite pleasant, after coming
from
the Peruvian villages, which are all nearly
hidden
in the woods, to see
that
Tabatinga
had
the
forest
cleared
away
from about
it, for a space
of forty
or fifty acres ;
was
covered
with green
grass ; and had a grove
of orange-trees
in its
midst... (Herndon
&
Gibbon
1854
236).
Avec l'introduction
de
la
navigation
vapeur
en 1853, les communications
fluviales
se font
plus
rapides
dfaut d'tre plus
frquentes. Au lieu de chan
ger
e rameurs5, on change
dsormais de vapeur Tabatinga
Et
malheur
aux
voyageurs qui
manquent
le
rendez-vous
car il leur faudra attendre plusieurs
semaines dans un exil des plus solitaire. Le village ne s'anime en effet
qu
l'approche
des
dates
prsumes de mouillage des
bateaux dont
les sirnes
rameutent tous les contrebandiers alentours.
Les
vapeurs partis, les
nues
de
moustiques
reprennent leurs
droits
et
le
silence
de
la
fort se referme
sur
Tabat
inga. Ainsi
coulent les
annes quand, en
1865,
arrive la Comisin cientfica
del
Pacfico
compose
de
naturalistes
espagnols, parmi lesquels Jimenez de la
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
12/22
Antagonisme sur l'Amazone 365
Espada (Almagro 1984).
Le
tmoignage de
cette expdition, dont
les vises de
reconqute coloniale sont
peine voiles,
est intressant en ce qu il s'annonce
favorable aux
tablissements pruviens
(solidarit
hispanique
oblige
).
C'est
en effet une avalanche de calamits qui
s'abat sur la
Comisin ds son
entre
Tabatinga
N'importe qui pourrait
croire qu'
Tabatinga,
cet endroit
o deux vapeurs accostent,
on trouverait des
produits de toute classe ; or c'est tout
le contraire
qui
se passe
et
nous y subissons
plus
de famine que durant tout
le
voyage
antrieur [...]. S'il
n'y
avait
ni aliments ni ressources d'aucune sorte, il y
avait
en revanche une prodigieuse
quantit de moustiques, de
mouches
[tbanos] et
autres insectes
nuisibles,
qui
nous
empchaient de
dormir
jour et nuit. Une chaleur torride et des pluies
diluviennes
compltaient
le tableau [...]. Assurment, les 28 jours que
nous
passmes Tabat
inga
au
milieu
de
tant
de
calamits
ont t
les
plus
pnibles de
notre
voyage,
ayant
mme vcu quelques
jours
de
jene
total, et
ce malgr les
deux
vapeurs,
la
prsence
d'un lieutenant-colonel, d'un rgisseur
et d'une garnison
de 25 hommes (Almagro
1984 137-138 ;
ma
traduction).
Enfin, pour couronner le tout, la maladie frappe le botaniste de l expdi
tionui meurt peu aprs son retour Madrid. A
n'en
pas
douter,
Tabatmga
tait
fatal aux Espagnols
Au
moment
tant
attendu
d'embarquer
sur
le
vapeur
en partance
pour Manaus,
la
Comisin
a
l'ultime malchance de croiser
la
frin
gante
expdition
nord-amricaine dirige
par
le naturaliste
suisse Agassiz
...
nous fmes
la connaissance
d'
Agassiz
et
de ses compagnons, notant le
contraste
entre les deux
commissions scientifiques. Eux
commenaient le
voyage
en vapeur et
avec
tous les moyens
ncessaires ; c'est ainsi qu'ils taient bien
habills
et
fort
prsent
ables. Nous,
nous
tions compltement dpenaills,
sans
habits,
sans
chaussures, avec
une barbe
de plusieurs
jours [...].
La
temprature
et l'humidit avaient moisi
les
quelques effets qui
nous
restaient
[...] notre groupe donnait plutt l'image de mend
iants
que d'individus mandats
par un
gouvernement europen
(op.
cit.
: 140-141).
Cette descente aux
enfers
de la Comisin
del
Pacfico Tabatinga
contraste galement avec
les
tmoignages
postrieurs.
Ainsi, le
voyageur
fran
ais
Wiener,
qui
fait
escale
Loreto
et
Tabatinga
en
1880,
crit
En
arrivant
Tabatinga, au
sortir de la zone que nous venons de parcourir,
on res
sent l'impression bienfaisante
de l'entre
dans les zones
civilises.
Le malaise vague
qu'on prouve
en pays
sauvage disparat.
Et
pourtant Tabatinga
ne mrite
gure le
nom de
ville.
Derrire les fortifications, qui ne sont en ralit que des retranchements,
il ne s'lve
que deux habitations
en bon
tat... toutes
les autres
huttes,
au
nombre
de trente-cinq ou
de
quarante, sont misrables (Wiener 1883-1884
275).
La
double image d'un
Tabatinga
la
fois sauvage
et
civilis
se retrouve
dans les rcits ultrieurs, dont celui
du
Franais
Monnier
(1890 410-418).
Nul
doute donc
qu
travers
ces
tmoignages
ce
ne
sont
pas
les
qualits
d'observation ou de
fiabilit
des voyageurs qui peuvent
tre
mises en cause,
non
plus
d'ailleurs qu'une subite volution de l'conomie rgionale Loreto
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
13/22
366
JEAN-PIERRE
CHAUMEIL
et Tabatinga n'ont
pratiquement
pas chang en taille et en dmographie pendant
un
sicle. En fait ce
qui a
chang, c'est la
situation
globale du
Brsil
avec sa
fantastique
ouverture
vers
l Europe
(Angleterre
et
France
en
particulier).
C'est
vraisemblablement
cette image internationaliste du Brsil qui influence
l'apprciation des voyageurs bien au del de la ralit observable au point de
leur
faire
voir
la
civilisation
l
o
gt en
vrit un tas de ruines.
A Tabatinga
on
pntre dans l'orbite europenne et le mot brsil devient vite synonyme de
civilisation . En revanche
le
Prou, affaibli par d'interminables
conflits
la
fois
internes et
externes,
prsente
plutt
la figure
inverse
celui du repli sur
soi, de l'instabilit politique et d'un certain marasme conomique qui s'exprime
localement
par
la persistance
d'une
contrebande juge vitale avec le Brsil,
tout
au
moins jusqu l poque du
caoutchouc. Pas tonnant
que
dans
ce contexte
la
Comisin
del
Pacifico,
solidaire
d'un
pays dont
elle
dfend
les
couleurs
scientifiques et d'une
ancienne
colonie que l'Espagne n'accepte pas d'avoir
perdue, a t la seule expdition prendre
parti
pour
le
Prou
contre le
Brsil.
Dans ce
conflit d'intrts politiques, l'pisode tragique de Tabatinga prend alors
tout
son
relief.
Si l on veut prsent rsumer ce
passage
de la frontire , tout la
fois
dans sa
ralit
gographique et
dans
l'imaginaire des voyageurs (hormis la
Comisin del Pacfico),
on
obtient
le schma
suivant
Frontire
LORETO
Ama
5ONE Tabatinga
[PROU]
sauvagerie
monde hispanique
contrebande
vers
le
Brsil
[Brsil]
civilisation
monde
lusitanien
europanis
trafic
international
II va
sans dire
qu'une telle
diffrence d'ouverture de ces deux
pays
vis--vis
de
l'Europe
a
non
seulement des
incidences sur
leurs conomies respectives,
mais se
rpercute
dans
tous
les domaines du
savoir. C'est
ainsi que le discours
scientifique
brsilien est trs vite
influenc par les
modles thoriques imports
d Europe
et
d'Amrique
du
Nord, alors que cette influence
est beaucoup
plus
tardive et
limite au Prou. Le darwinisme, par exemple,
trouve infiniment
plus
d'cho
au Brsil qu au Prou, suscitant ds la
seconde
moiti
du
XIXe
les
voyages de
Wallace
(1849-1852),
de
Bates (1849-1859),
de
Spruce
(1849-1855)
ou mme
d'Agassiz
(1865-1866) qui
rfutait
les thories de
Darwin. Rien
de
semblable au Prou mme
si Spruce y sjourne plusieurs annes (1855-1857,
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
14/22
Antagonisme
sur
l'Amazone
367
1861-1864). Il
serait
cet gard intressant de comparer, mme brivement,
le dveloppement des
recherches ethnologiques
dans
ces deux pays, recherches
qui
se
sont
largement
appuyes
leur
dbut
sur
les
rcits
des
voyageurs
du
XIXe.
On connat
par ailleurs
l'importance des
travaux de La Condamine,
Humboldt, d'Orbigny, Rodrigues Ferreira ou Spix et
Martius,
pour n'en citer
que
quelques-uns,
sur l'ethnologie amricaniste moderne.
Regard
frontalier
sur
l ethnologie
Avant
d'introduire
la
comparaison,
il faut
souligner
l'ignorance mutuelle
dans laquelle se sont constitues
les
ethnologies
brsilienne
et pruvienne. Rien
l
d'tonnant,
observera-t-on,
au
regard
du
vieil
antagonisme
qui
divisait
les
deux pays
et,
au
del, les
mondes hispanique
et
brsilien.
Si aujourd'hui cette
situation
tend
changer grce une meilleure coopration scientifique mar
que par des changes croissants
entre instituts
de
recherche
en Amrique
du
Sud6, la
distance qui spare encore les deux ethnologies demeure importante.
Il
est vrai que
les
spcificits et les mthodes de recherche ne sauraient
tre
les mmes
entre
un Prou essentiellement andin et un
Brsil avant tout
amazon
ien, ais
cela n'explique pas
tout
;
il
y va aussi des
ambitions
et de
la
matur
it
horique
des,
deux
anthropologies.
Les
dbuts
de
l'ethnologie officielle
au Prou
sont troitement lis
au
courant
indigniste
des annes 40,
et
plus
particulirement
L.
Valcarcel
qui
cre en 1931
le premier
institut d'anthropologie l'Universit
nationale
San
Marcos de
Lima.
Cette date
marque
donc
l'institutionnalisation
de l enseigne
mentt de la pratique ethnologique
au
Prou. Auparavant, il n'existait pas
vraiment de tradition ethnologique les investigations taient le fruit de
chercheurs isols,
nationaux et surtout
trangers
(Raimondi, Markham,
von
Tschudi,
Middendorf, par
exemple). Valcarcel
participe par
la suite la cra
tion de plusieurs instituts de recherche en ethnologie,
discipline
troitement
lie
alors
l'archologie et l'histoire.
Aprs
plusieurs
voyages
effectues
aux tats-
Unis entre 1937-1941,
Valcarcel amorce une longue
collaboration avec des
ethno
logues
nord-amricains.
La
Smithsonian
Institution,
le
Viking
Fund,
ainsi
que
plusieurs universits (Yale,
Harvard, Cornell) jouent
ds lors un rle essentiel
dans
les
premiers grands projets
de recherche andine
(Valcarel 1985).
C'est donc
le
modle
culturaliste
nord-amricain
qui
marque
les
dbuts de l'ethnologie
offi
cielle
au Prou.
L'influence
europenne,
anglaise
puis franaise,
est
moindre,
avec notamment
la
fondation
la fin des
annes 40 de
l'Institut franais
d'tudes
andines Lima. A partir des annes
60 l'ethnologie andine s'associe
de grands
noms de la recherche et acquiert une dimension internationale.
Il
n'en est
pas
de
mme
de l'ethnologie amazonienne qui demeure
marginale, malgr
l impul
s iononne
par
S.
Vrese dans les annes 70. Elle ne bnficie d'ailleurs tou
jours
pas
d'un
rel statut
acadmique
elle
est
de
fait
peu enseigne dans
les
universits
(Barclay 1988).
Si plusieurs centres7 organisent et diffusent
la
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
15/22
368 JEAN-PIERRE
CHAUMEIL
recherche amazoniste, celle-ci reste essentiellement monographique
et
applique.
D une manire gnrale, l'ethnologie pruvienne n a pas
produit
de nouvelles
synthses
ni
de
travaux
comparatifs
analogues
ceux publis
dans
le
Hand
book of
South
American Indians
en
1946-1950,
ni
mme ceux,
antrieurs,
de
Tessmann8.
Malgr sa grande qualit et son ouverture des thmes relat
ivement nouveaux dans l'histoire de la
discipline (anthropologie urbaine, tudes
sur la
modernit,
la
religion
populaire,
etc.), elle
reste
encore largement
pro
vinciale, comme l'indique
l'absence tout
fait
significative
d'une
association
d'anthropologues nationaux9.
S
appuyant
sur les travaux scientifiques de la seconde moiti du xixel,
l'ethnologie
brsilienne
se
dveloppe comme discipline autonome
partir
de
1920.
L'ethnologue
allemand Nimuendaju
en est alors la figure
principale.
Homme
de
terrain,
il
impose
un
nouveau
style
de
travail ethnologique
(bas
sur des sjours prolongs et l'usage des langues indignes) et inaugure un
type
canonique
de
description monographique qui
marqueront
l'anthropologie
brsilienne. Les enseignements
dispenss quelques annes
plus
tard
par
Baldus,
Lvi-Strauss
ou Bastide,
entre
autres, donnent la
discipline
sa
pleine dimens
ion
cadmique (Fernandes 1975).
Deux
tendances se dessinent l'une
oriente
vers
l'ethnologie indigne
n, l'autre vers l'anthropologie de la Sociedade Nacion
al lus proche de la sociologie.
En
1941, la communaut anthropologique
se
regroupe autour de la Sociedade Brasileira
de
Antropologa e
Etnologa,
entit
relaye en 1955 par
l Associaao
Brasileira de Antropologa dont
on
connat
aujourd'hui
la
grande
activit
scientifique.
Dans
les
annes
50
le
Museu
do
Indio
fond par
Ribeiro et le
dpartement d'anthropologie
du Museu Nacional
de Rio o enseigne
Cardoso
de Oliveira, deviennent successivement les hauts
lieux
de l'ethnologie brsilienne. A partir
de 1970
la recherche ethnologique
ne
cesse
de s'largir (Brasilia, Campinas, etc.) et intgre tous les grands
cou
rants
de l'anthropologie moderne
(Cardoso
de Oliveira
1988
; Lins
Ribeiro
1987-1988 ; Ramos
1990).
Elle
se
caractrise
donc par une
longue
tradition aca
dmique et
une
grande ouverture
internationale.
Solidement inscrite
dans
le
paysage politique national,
elle bnficie
galement d'une large
diffusion
dans
la socit brsilienne. Enfin, depuis 35
ans elle est
organise en une association
regroupant
aujourd'hui
plus
de
500
anthropologues
professionnels.
Autant
de
traits qui la
distinguent
de l'ethnologie
pruvienne.
Si l on se prtait
au
jeu
des
contrastes
comme l'ont fait les voyageurs en leur temps,
on
pourrait dire
pour
conclure
que
la
situation des deux
anthropologies rappelle
l'opposition
releve au
XIXe entre
un Loreto pusillanime et un Tabatinga o
se dgageait
une certaine
impression
de
grandeur, d'aisance qui
faisait cruellement dfaut
en
amont...
.
CNRS,
Paris
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
16/22
Antagonisme sur l'Amazone
369
NOTES
1.
Il
n'entre
pas
dans
le
propos
de cet
article
de
recenser
les
diffrentes
expditions scientifiques
qui
se
succdrent dans
les
basses
terres
du Prou
et
du
Brsil.
On
consultera, pour
le
Prou,
RAI-
MONDI 1879 et NUEZ 1989, pour
le
Brsil GARCIA 1922, SAMPAIO 1955, HEMMING 1987
et
PACHECO
de
OLIVEIRA 1987.
2.
La situation
gographique de la mission est confuse.
Sur
la carte de Veigl (1768),
Nuestra
Seora
de
Loreto
est
situe
l'embouchure du rio Araquari (Atacuari),
alors
que
sur
celle de
Velasco
(1789)
elle figure
l'embouchure
du
rio Tucut,
ancien
nom
du
rio
Loreto-yacu selon
VILLAREJO (1988
72). Au
milieu
du XIXe, MARCOY (1869 337) place Loreto l'embouchure du rio Amacayacu.
Si
ces informations
sont
exactes, Loreto aurait donc eu au
moins
trois
localisations
avant de
dispar
atre comme toponyme
des
cartes gographiques.
3. Aprs le trait
de
Madrid (1750) un premier poste (So
Jos)
est
lev
l'embouchure du rio
Yavari,
mais est
abandonn
au profit de
Tabatinga
qui jouissait d'une
meilleure
vue sur le fleuve.
4.
Pour des
renseignements sur les voyageurs, voir liste
ci-dessous.
5.
Les
voyageurs
avaient
pour
habitude d'utiliser des rameurs
cocama
du
ct pruvien
qu'ils
changeaient pour des rameurs ticuna la
frontire
brsilienne.
6. Voir par exemple les changes dans
le cadre
de
PAssociaao
de Universidades Amaznicas
(UNAMAZ) cre en
1987
et
laquelle participent
huit
pays, dont
le
Prou
et le Brsil.
Notons
cependant que s'il y
a
un afflux de chercheurs pruviens dans les universits brsiliennes, l'inverse
est loin
d'tre
vrai.
7. Par
exemple
le CIAAP
(Centro
de Investigacin Antropolgica de la Amazonia Peruana), le
CAAAP
(Centro
Amaznico de Antropologa y
Aplicacin Prctica), le
CIPA
(Centro
de
Investigacin
de
la Amazonia Peruana) ou
l'IEP
(Instituto de
Estudios Peruanos)
qui a intgr l'Amazonie dans
ses axes
de recherches.
8.
Le projet de publication d'un Guide ethnographique de
l'Amazonie pruvienne dans le cadre du
CIAAP devrait prochainement
combler
cette
lacune. Le Brsil
a
tent une
dition
actualise du
Hand
book ous
le
titre
Suma
Etnolgica Brasileira (1986).
Seuls 3
des
7
volumes annoncs
sont
parus
ce
jour.
9.
Il y eut pourtant diverses
tentatives comme
1 Asociacin Peruana de
Antroplogos
vers
1966-1967,
ou plus rcemment le Colegio de Antroplogos del Per, mais qui n'ont pas eu de suite.
10.
C'est
von
MARTIUS
(1863,
1867) que l'on doit la
premire
tude systmatique sur
les
populations
indignes
du
Brsil
et leur rpartition linguistique.
11. Le
Servicio
de Proteo aos Indios
(SPI),
anctre de l'actuelle FUNAI (Fundao
Nacional dos
Indios)
est cr
en 1910
par le
gnral Rondn. Il
jouera
un rle important
dans
la politique indigniste
du Brsil.
PRINCIPAUX VOYAGES SCIENTIFIQUES SUR L'AMAZONE
AU XIXe SICLE DCRIVANT LA FRONTIRE PROU-BRSIL
Spix, J. B.
von
; 1817-1820* Respectivement botaniste et zoologiste
Martius,
C. P. F. von d'origine allemande,
envoys
au
Brsil
par
le roi Maximilien de Bavire. Ils sont
les
premiers
Europens
non portugais autoriss
explorer
l'Amazonie brsilienne.
Maw,
H.
L.
1828 Premier officier
de
la
marine
britannique
descendre l'Amazone
jusqu'au Para.
* Annes du
voyage.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
17/22
370 JEAN-PIERRE
CHAUMEIL
Poeppig,
E. 1829-1832
Smyth,
W.
;
Lowe,
F. 1834-1835
Valdez y Palacios, J. M.
1843
Ijurra, M. 1841-1845
Castelnau,
F.
de
1846-1847
Marco y, P. (pseudonyme
de
1846-1847
L. Saint-Cricq)
Osculati, G.
1846-1848
Castrucci,
G.
E.
1850-1851
Herndon, L. 1851-1852
WlLKENS DE MATTOS, J. 1854
Spruce, R.
1855
Michelena
Y
Rojas,
F. 1855-1859
Ave-Lallemant,
R.
1858-1859
Almagro, M. 1865
Jimenez
de
la
1865
Espada, M.
Mdecin
et botaniste.
Premier
scientifique
allemand
descendre l'Amazone
jusqu'au
Para.
Officiers
de
marine
britanniques,
chargs
d'tablir
une
voie
navigable
entre l'Amazone
et l'Atlantique.
Voyageur pruvien contraint de fuir son
pays
par
l'Amazone.
Il
est
de ce fait le premier
Pruvien
atteindre
le Para par cette
route.
Explorateur
pruvien.
Participe galement
l'expdition
de Herndon
(1851-1852).
Voyageur
franais, charg par
le roi
Louis-
Philippe
d'une expdition
dans les parties
centrales
de
l'Amrique
du
Sud. S'engage
ensuite
dans une carrire diplomatique.
Voyageur-artiste
franais,
sjourne
de
longues
annes au Prou, compagnon de
route
de Castelnau sur l'Urubamba et une
partie de PUcayali.
Voyageur
italien, auteur d'un
voyage
d'exploration sur le Napo et
l'Amazone.
Missionnaire
italien,
explore
le rio
Pastaza
et
descend
l'Amazone jusqu'au Para.
Officier
de
la marine
nord-amricaine, charg
par son gouvernement
d'valuer
le potentiel
commercial
de
l'Amazone.
Homme politique et voyageur brsilien.
Entreprend la premire navigation
vapeur
de Manaos
Nauta au Prou.
Botaniste
britannique.
Explore
pendant
15
ans
(1849-1864) une
partie
de
l'Amazonie
brsilienne, vnzulienne et
pruvienne,
ainsi
que
les Andes
du Prou et d'Equateur.
Homme politique et voyageur
vnzulien,
auteur
d'une expdition
en Amazonie.
Mdecin allemand,
effectue
plusieurs voyages
au
Brsil.
Mdecin espagnol et membre de la Comisin
Cientfica del Pacfico.
Naturaliste
et
clbre
amricaniste espagnol,
membre de la Comisin Cientfica
del
Pacfico.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
18/22
Antagonisme
sur l'Amazone
371
Agassiz,
L.
Schtz-Holzhausen,
C. D.
Fr.
von
Gabriac, Cte
de
Orton, J.
Raimondi,
A.
Brown,
B. C.
;
Lidstone, W.
Wiener, C.
Ordinaire, O.
1865-1866 Mdecin et naturaliste
d'origine suisse,
chef
de
l'expdition Thayer au Brsil.
1866 Voyageur naturaliste allemand,
visite
l'Amazonie
brsilienne,
bolivienne et
pruvienne.
S'intresse
aux projets de
colonisation allemande en Amazonie.
1866 Voyageur franais, carrire diplomatique.
1867 et 1873
Naturaliste
nord-amricain,
dirige
les
premires expditions sous
les
auspices de la
Smithsonian Institution.
1869 Clbre naturaliste et gographe
italien,
explore
le
Prou
pendant
plus
de 20
ans.
1873-1875 Brown dirige l'expdition d'exploration
organise
par l'Amazon
Steam
Navigation
Company
de
Londres.
1879-1882 Voyageur franais charg d'une mission
d'exploration en Amazonie. A dirig
auparavant une mission archologique au
Prou et
en
Bolivie
(1875-1877).
1885
Charg de
fonctions
consulaires, auteur d'un
voyage
caractre
gographique
et
commercial
sur
l'Amazone.
Monnier, M. (pseudonyme 1886-1887
de Jean-Marie
Albert
Marcel)
Voyageur franais
autour
du m onde, auteur
d'un
voyage
en Equateur, au
Prou
et au
Brsil (des Andes au Para).
Plane,
A.
1899-1902
Voyageur
franais, charg de missions
gographiques
et commerciales.
BIBLIOGRAPHIE
Agassiz,
Mme M. L.
1869 Voyage au Brsil.
Paris, Hachette.
Almagro, M.
1984
La Comisin cientfica del Pacfico.
Viaje
por Sudamericay recorrido delAmazonas 1862-1866.
Barcelona,
Laertes ediciones.
Ave-Lallemant, R.
1980 No Rio Amazonas (1859). Belo
Horizonte, ed.
Itatiaia.
Barclay, F.
1988 Notas acerca
de
la investigacin
social
en la Amazonia
peruana ,
/ Seminario de Investiga
ciones
ociales
en
la Amazonia.
Iquitos,
CETA
21-36.
Bouchot,
A.
1854
Histoire
du Portugal et de ses colonies. Paris, Hachette et Cie.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
19/22
372 JEAN-PIERRE
CHAUMEIL
Camino, A.
1985
Antropologa amaznica una visin
retrospectiva ,
in
H.
Rodriguez Pastor, ed., La
Antropologa
en
el
Per.
Lima,
Concytec
133-142.
Cardoso
de Oliveira, R.
1988
O que isso que chamamos
de
antropologa brasileira
? ,
in
Sobre
pensamento antropolg
ico.io de
Janeiro.
TB-MCT-CNPq.
109-128.
Castelnau, F. de
1851
Expdition dans
les
parties
centrales
de l'Amrique du Sud, de Rio de Janeiro
Lima,
et de
Lima au
Para,
5. Paris. Bertrand, diteur.
Da Silva
Arau jo e
Amazonas, L.
1984
Diccionario topogrfico,
histrico,
descritivo da Comarca do Alto Amazonas. Manaus,
Associao comercial do
Amazonas.
1ra ed. 1852.)
Faura Gaig, G.
1964
Los
Ros
de
la
Amazonia
peruana.
Lima.
Impr.
Colegio
militar
Leoncio Prado.
Fern ndes, F.
1975
Tendencias tericas da moderna investigao etnolgica no Brasil , in investigao etnol
gica
o
Brasil
e outros ensaios. Petropolis, Vozes 119-190.
Garcia, R.
1922 Historia das exploraes scientificas , in Diccionario histrico, geographico e etnographico
do Brasil,
1.
Rio
de
Janeiro, Imprensa nacional
856-910.
Hemming,
J.
1987
Amazon Frontier.
The Defeat
of
the Brazilian Indians. London,
Macmillan.
Herndon, L. L. Gibbon
1854
Exploration
of
the
Valley of
the
Amazon,
PART
1.
Washington, R. Armstong, public
printer.
I
Seminario
de investigaciones sociales en la Amazonia. Iquitos,
CETA,
1988.
La
Cond
amin, C, M. de
1981
Voyage sur l'Amazone. Paris. Maspero.
Lins Ribeiro, G.
1987-1988 Caminos de la antropologa
en
Brasil. Contribucin para una
interpretacin
cultural
mutua ,
Runa
XVII 65-82.
Marcoy, P.
1869
Voyage travers l'Amrique du
Sud,
de
l'Ocan
Pacifique l'Ocan
Atlantique,
2. Paris,
Hachette
Cie.
Martius,
C.
F. P.
von
1863, 1867
Beitrge zur Ethnographie und Sprachenkunde Amerika' , Zumal
Brasiliens.
Erlangen
Leipzig, 2 vol.
Maw, H. L.
1989 Narrativa da passagem do
Pacifico ao
Atlntico a travez los Andes
as provincias
do Norte
do Peru e descendu
pelo
rio
Amazonas at
ao Para. Manaus, Associao comercial do Amazon
as.Orig.
anglais 1831.)
MONNIER, M.
1890 Des Andes
au Para.
quateur-Prou-
Amazone. Pars, Pion.
Nuez, E.
1989 Viajes
y viajeros extranjeros por el Per. Lima, Talleres
grficos
Villanueva.
Orton,
J.
1876 The Andes and the
Amazon, or
across the Continent
of
South America.
New
York,
Harper
Brothers.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
20/22
Antagonisme sur l'Amazone 373
Osorio Machado, L.
1989 Misiones y estado colonial confrontacin entre dos formas de
control
territorial en la Amaz
onia
del
setecientos
,
Ciencia, vida
y
espacio
en
Iberoamrica
V
(3)
389-406,
Madrid.
Osterling,
J.
P. y
H. Martnez
1985
Apuntes
para
una
historia de la Antropologa social peruana decadas de 1940-1980 , in
H.
Rodriguez
Pastor,
ed.,
La Antropologa en
el Per.
Lima, Concytec 35-67.
Pacheco de
Oliveira, F.
J.
1987a Elementos para urna sociologa dos viajantes
,
in Sociedades indgenas e indigenismo
no
Brasil. Rio
de
Janeiro,
ed.
Marco Zero 84-148.
1987b
Os
Atalhos
de magia reflexes
sobre o relato
dos
naturalistas viajantes na
etnografa ind
gena , B o
et
im do Museu Paraense E. Goeldi 3/2: 155-188.
Poeppig, E.
1835-1836 Viaje en Chile, Per
y
por el ro Amazonas durante los aos 1827-1832. Iquitos, CETA
(trad, de l'original allemand par F.
Schwab).
Porras
Barrenechea, R.
1945
Una Descripcin
indita
de
Maynas
de
don Francisco
de
Requena , Boletn
de
la Sociedad
Geogrfica de Lima LXII
83-156.
Porras
Barrenechea,
R.
y
A.
Wagner
de Reyna
1981
Historia de
los
lmites del Per. Lima,
ed.
Universitaria.
Raimondi,
A.
1879
El Per III. Historia de la geografa del Per
(libro
segundo). Lima, Imprenta del estado.
Ramos, A. R.
1990 Ethnology Brazilian
Style. Brasilia,
Universidade de
Brasilia.
Res, A. C. Ferreira
1989
Historia
do Amazonas.
Belo
Horizonte,
ed.
Itatiaia.
(lre
d.
1931.)
RlBEIRO DE SAMPAIO, F.
X.
1825
Diario de viagem que
em visita,
e
correio
das
povoaoes
da Capitana de
S.
Jose do Rio
Negro fez o ouvidor, e intendente geral da mesma...
no
anno de 1774 e 1775. Lisboa, Tipograf
a
Academia.
Rivire d'Arc, H.
1978
La Formation
du
lieu
Amazonie
au xixe sicle
, Cahiers
des
Amriques
latines 18 183-213.
Rodrguez Pastor H., (compilador)
1985
La Antropologa en el Per. Lima,
Concytec.
Romero,
F.
1983 Iquitos y
la
fuerza
naval de
la
Amazonia (1830-1933). Lima,
Ministerio
de Marina.
Sampaio, T.
1955
Os
Naturalistas
viajantes e a etnografa
indgena. Salvador,
Progresso ed.
Santa-Anna Nerry, F.-J. de
1885 Le
Pays
des Amazones,
l'El-Dorado, les Terres
caoutchouc. Paris, Frinzine et Cie, diteurs.
Schuller, R. R.
1911
Documentos para la historia de
las misiones
de Maynas , Boletn de
la Real
Academia de
la
Historia
LIX (V) 337-387.
Seiler-Baldinger, A.
1983
Fronteras, poblacin y paisaje
cultural
en
el
Alto
Amazonas
, Amazonia Indgena
6
23-31.
Lima.
Smyth,
W.
F.
Lowe
1973
Narrative of a
Journey
from Lima to
Para,
across the Andes and down the Amazon.
Boston,
Milford House. (1st ed. 1836.)
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
21/22
374
JEAN-PIERRE CHAUMEIL
Spix, J. B.
von
C. F. P.
von Martius
1938
Viagem pelo Brasil 1817-1820, 3. Rio de
Janeiro, Imprensa
nacional. (Orig. allemand
1823.)
Tessmann, G.
1930 Die Indianer
Nordost-Perus. Hamburg,
Friederichsen De
Gruyter
Co.
Valcarcel, L. E.
1985
Inicios de la etnologa
en
el
Per ,
in
H.
Rodriguez
Pastor,
ed., La Antropologa en
el Per. Lima, Concytec
15-28.
Villarejo,
A.
1988
Asi
es
la Selva. Iquitos,
CETA.
Wiener,
C.
1883-1884 Amazone et cordillres ,
Le Tour
du
Monde XL
VI 209-304 ; XLVIII 337-416.
WlLKENS
DE
MATTOS,
J.
1854
Roteiro daprimeira viagem do vapor
Monarcha, desde
a Cidade
da
Barra do Rio Negro, capi
tal
a
Provincia
do
Amazonas,
at
a
Povoao
de
Nauta,
na
Repblica
do
Per.
Rio
Negro.
Tipografa
de M. S. Ramos.
Zarate Lescano, A.
1957
Per y Brasil. Relaciones y
lmites, antecedentes
histricos de
la
Amazonia.
Lima,
Ministerio
de la
Guerra.
-
7/23/2019 De Loreto a Tabatinga
22/22
Antagonisme sur l'Amazone 375
ABSTRACT
Jean-Pierre
ChauMEIL,
From
Loreto
to
Tabatinga.
From Border
to
Border
:
Antagonism
on
the
Amazon
in the 19th Century
and
Afterwards.
The
Amazonian
frontier
magnified
a
stark
reality
for
all those who, whether travelers or scientists, navigated
on
the Amazon River during the 19th
century.
Although the
borderland
between Loreto,
Peru, and
Tabatinga, Brazil,
was desolate, travelers
constantly contrasted the former's
abandonment to
the latter's
magnificence
as
though, in
the
short
distance
between
these two
posts, civilization had encountered the crudest
barbarity.
Why
did
they
perceive
this
contrast
and thus
see
civilization
at the Brazilian
border
where, in
reality, there lay
a heap of ruins ?
ZUSAMMENFASSUNG
Jean-Pierre Chaumeil, Von
Loreto
nach
Tabatinga.
Von einer Grenze zur
anderen
: der
Streit
ber
den
Amazonas
im
19.
Jahrhundert
und
danach.
Eine
Grenze, vergrerndes
Prisma einer
kontrastierten
Wirklichkeit fr all
diejenigen, die, vom einfachen
Reisenden
bis
zum Wissenschaftler, im 19. Jahrhundert den Amazonas befahren. Eine in Wahrheit
sehr trostlose Grenze,
die
Peru von Brasilien trennt. Dort herrscht ein und
dieselbe
Einde,
und die
Landschaft
ist genauso
heruntergekommen.
Und
doch wird ein Tatbestand bestndig
von der Feder der Reisenden hervorgehoben
Tabatinga
bietet ein
Bild
der Gre, Loreto
dagegen
die
Gestalt
der
Verlassenheit, als
ob die Zivilisation auf so kurzer
Entfernung
Angesicht
in Angesicht
mit
der
rohesten
Barbarei
stnde.
Woher
rhrt dieser so
radikale
Kontrast in der Bewertung
durch
die Reisenden, die sie gar die
Zivilisation" an
den
Pforten
Brasiliens dort erkennen
lt,
wo in Wirklichkeit nur ein Haufen
Ruinen
steht
?
RESUMEN
Jean-Pierre
Chaumeil,
De
Loreto a Tabatinga.
De
una frontera la otra : antagonismo
sobre el
Amazonas en
el siglo xix y despus. Una frontera, prisma de aumento de
una
realidad contrastada por todos aquellos que, desde
el simple viajero al cientfico,
en
el siglo xix navegan por
el
Amazonas. Una frontera verdaderamente poco
significativa
como la
que separa Peru de
Brasil.
All reina
la misma
desolacin y el paisaje esta igualmente
degradado.
Sin embargo bajo
la
pluma de los viajeros constantemente
se
destaca
un
hecho
Tabatinga ofrece una imagen prestigiosa
y
Loreto mas bien la del abandono, como si
en una distancia tan corta la
civilizacin
pudiera enfrentarse a la mas cruda
de
las barbarias.
Porqu entonces ese contraste tan
radical en
la apreciacin de
los viajeros hasta el punto
de mostrarles la civilizacin a las puertas de Brasil, donde en realidad
se
renen
un
montn
de
ruinas
?