Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ?
Thèse Professionnelle
Document de Recherche
Mastère Spécialisé Entrepreneurs
Auteur : Antony BLAIN
Tuteur : Sandrine VIVIAN
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Table des matières CHAPITRE I : INTRODUCTION .......................................................................................................................... 1
1.1. Un contexte professionnel particulier ...................................................................................................... 1
1.1.1. Une société du changement ............................................................................................................. 1
1.1.2. Une vision inégale du monde professionnel .................................................................................. 2
1.1.3. La génération Y en décalage d’un point de vue professionnel ................................................... 5
1.1.4. L’entrepreneuriat, une alternative qui fait rêver ............................................................................ 7
1.2. Identification de la problématique............................................................................................................ 7
1.3. Objectifs de recherche ................................................................................................................................ 8
1.4. Délimitations ................................................................................................................................................ 8
1.5. Structure de la thèse .................................................................................................................................... 9
CHAPITRE II : REVUE DE LITTERATURE ...................................................................................................10
2.1. Les Y : qui sont-ils ? ..................................................................................................................................10
2.1.1. Une génération socialement connectée ........................................................................................10
2.1.2. Une génération professionnellement différente ..........................................................................12
2.1.3. Synthèse – Le profil d’un Y ............................................................................................................13
2.2. L’entrepreneur à travers le prisme de la littérature ..............................................................................14
2.2.1. L’entrepreneuriat, source de tous les « mots ».............................................................................14
2.2.2. L’entrepreneur, un modèle qui évolue ..........................................................................................15
2.3. Construction d’un modèle théorique d’entrepreneur Y ......................................................................19
CHAPITRE III : METHODOLOGIE ..................................................................................................................20
3.1. Une approche scientifique .......................................................................................................................20
3.2. Un processus rigoureux d’étude de la littérature ..................................................................................21
3.3. Des sources quantitatives limitées ..........................................................................................................23
3.4. Limites de recherche .................................................................................................................................25
CHAPITRE IV : ANALYSE ET DISCUSSION .................................................................................................26
4.1. L’entrepreneuriat, gène intergénérationnel ...........................................................................................26
4.1.1. L’entrepreneur, modèle de compétence .......................................................................................26
4.1.2. L’entrepreneur, un mental d’acier .................................................................................................28
4.2. Les Y marquent leur différence avec leurs prédécesseurs ..................................................................29
CHAPTRE IV : CONCLUSION ............................................................................................................................33
5.1. Conclusion .................................................................................................................................................33
5.2. Recherches futures ....................................................................................................................................34
5.3. Bibliographie ..............................................................................................................................................35
5.3.1. Livres et articles ................................................................................................................................35
5.3.2. Travaux de recherche / Rapports .................................................................................................35
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5.3.3. Articles sur Internet .........................................................................................................................36
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Antony BLAIN 1
Source : Pratiques culturelles, 2008, DEPS,
Ministère de la Culture et de la Communication, 2009
CHAPITRE I : INTRODUCTION
Cette première partie vise à présenter le contexte et l’environnement qui sont à la base de ce travail
de recherche. De cette réflexion découlera la problématique ainsi que la question de recherche
associée. Une fois le sujet posé, les objectifs, délimitations et définitions nécessaires à la
compréhension du lecteur seront exposés avant de conclure cette introduction par la présentation de
la structure de la thèse.
1.1. Un contexte professionnel particulier
1.1.1. Une société du changement
La société d’aujourd’hui est une société du changement (Bjerke, 2007, p. 1 ; ma traduction), à tout
point de vue, qu’il soit politique, économique ou technologique. Sur le plan politique d’abord, la
jeunesse d’aujourd’hui ne vit pas dans le même contexte politique que la jeunesse d’hier. En effet, si
les jeunes nés après la seconde guerre mondiale ont vu leur jeunesse façonnée par la guerre froide,
Mai 68 en France ou la course à l’espace, celle des jeunes issus des années 1990/2000 s’est
construite autour du 11 Septembre 2001, de la guerre en Irak ou de la tuerie de Colombine pour les
jeunes des Etats-Unis. D’un point de vue économique ensuite, on observe que la société a fortement
évolué au fil des années comme le souligne Julien Pouget en faisant référence au sociologue Louis
Chauvel et à son ouvrage les nouvelles générations devant la panne prolongée de l’ascenseur social
(2006) :
Le sociologue Louis Chauvel rappelle qu’en 1968 le taux de chômage, dans les deux ans de la sortie des
études, est de 4% (contre 33% en 1994). (Pouget, 2010, p. 17).
Enfin, d’un point de vue technologique, la société s’est littéralement métamorphosée avec l’arrivée
des Nouvelles Technologies d’Information et de Communication (NTIC). Castells, cité par Bjerke,
estime que c’est à la fin des années 90 que les graines de la révolution des technologies, plantées
dans les années 70, ont commencé à
grandir, sous la forme de nouveaux
processus et produits stimulant la
productivité et la concurrence. Plus qu’une
simple révolution technologique,
l’émergence des NTIC est selon Castells à
l’origine d’une « nouvelle économie ». En
effet, il estime que chaque révolution
technique a sa propre vitesse de diffusion
aux structures économiques et sociales et
que dans le cas présent, celle-ci aurait
besoin d’un quart de siècle seulement pour
équiper le monde de nouveaux outils, un
temps bien inférieur à ses prédécesseurs.
Cette évolution technologique se traduit
Figure 1 : Utilisation d'Internet en France à des fins personnelles selon l'âge (sur 100 personnes de chaque groupe)
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Source: Generations 2010, 2010, Pew Internet,
PewResearchCenter, 2010
Figure 2 : Utilisation d'Internet aux Etats-Unis selon les générations
aujourd’hui socialement par une utilisation beaucoup plus importante de ces technologies par les
générations ayant grandi avec les NTIC. A titre d’illustration, l’usage d’Internet est un bon indicateur
pour comprendre l’importance des NTIC dans la société d’aujourd’hui. Comme le présente la Figure
1, les plus jeunes (de 15 à 34 ans) sont entre 78 et 91% à utiliser Internet chaque mois, dont plus
d’une personne sur deux à l’utiliser tous les jours ou presque. Plus l’âge augmente et plus l’utilisation
courante d’Internet diminue, avec seulement entre 7 et 14% des 65 ans et plus qui l’utilisent chaque
mois. Le constat n’est pas propre à la France, il est identique dans d’autres pays développés,
notamment aux Etats-Unis comme le montre la Figure 2.
Si les statistiques sont supérieures à la France sur les générations les plus âgées, on retrouve bien
une pente décroissante allant des populations les plus jeunes aux populations les plus âgées.
Ces changements politiques, économiques et technologiques dans le temps forment un fond
commun qui, indépendamment des spécificités individuelles, relie les individus nés sur des périodes
proches (Pouget, 2010). Ce principe fondateur de la sociologie générationnelle nous permet
d’approcher les tranches d’âge sous la forme de générations qui, comme souligné par Pouget « sont
ainsi façonnées par les évènements, les leaders, les développements et les grandes tendances qui
interviennent durant l’enfance et l’adolescence ».
1.1.2. Une vision inégale du monde professionnel
Les études, travaux de recherches et ouvrages générationnels traitent aujourd’hui principalement de
quatre générations. S’il en existe une cinquième qui commence à apparaître dans la littérature, la
génération Z, elle ne sera pas traitée, n’ayant aucun contact à ce jour avec le monde professionnel et
l’entrepreneuriat. Nous nous limiterons donc dans un premier temps à présenter les quatre
générations du 20ème siècle : les traditionalistes, les baby-boomers, la génération X et la génération Y.
Figure 3 : les différentes générations du 20ème siècle
Les intervalles de temps qui définissent les générations pouvant varier de quelques années selon les
ouvrages, articles et travaux de recherche, il a été convenu de retenir la date moyenne. Ainsi, si une
date oscille entre 1944 et 1946, l’année 1945 sera retenue afin de niveler les différences.
1920 1930 1940 1950 1960 1980 1990 2000 1970
Traditionalistes Baby-boomers Génération X Génération Y
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Source: Mixing and Managing four generations of employees, 2005,
FduMagazine Online
Source: Mixing and Managing four generations of employees, 2005,
FduMagazine Online
Les traditionalistes (1922 – 1945)
Nés entre les deux guerres, cette génération de combattants, aujourd’hui appelée vétérans, est
restée ancrée dans les traditions. Travailler était une nécessité pour eux et la plupart d’entre eux
n’ont connu qu’un seul travail dans leur vie professionnelle (Johnson Controls, 2010 ; ma traduction).
Tableau 1 : Vision du monde professionnel des traditionalistes
Traditionalistes : 1922 – 1945
Valeurs Gros travailleur Respecte l’autorité Sens du sacrifice Le devoir avant tout Accepte les règles
Communication Ecriture formelle
Travail Une obligation Feedbacks / Récompenses
« Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » / Satisfaction du travail bien fait
Comportement Directif Commander et contrôler
Motivation Etre respecté pour son expérience
Relations Individuel Rapport travail / famille
Dissociation totale
Les baby-boomers (1946 – 1964)
Nés durant ou juste après la seconde guerre mondiale, ils ont vu le monde évoluer de manière
drastique durant 50 ans en assistant à une révolution industrielle et à la montée de la
communication et des technologies (Johnson Controls, 2010 ; ma traduction).
Tableau 2 : Vision du monde professionnel des baby-boomers
Baby-boomers : 1946 – 1964
Valeurs Bourreau de travail Efficacité Qualité Autorité
Communication A l’oral, en personne
Travail Une aventure Feedbacks / Récompenses
N’aime pas les feedbacks / Argent et grades
Comportement Consensuel Collégial
Motivation Etre estimé Etre désiré
Relations Travail d’équipe et Réunions
Rapport travail / famille
Le travail d’abord
La génération X (1965 – 1976)
Nés vers la fin des années 60, début des années 70, ils sont à l’origine des changements majeurs dans
le quotidien des entreprises. Ils occupent aujourd’hui la plupart des postes de management.
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Source: Mixing and Managing four generations of employees, 2005,
FduMagazine Online
Source: Mixing and Managing four generations of employees, 2005,
FduMagazine Online
Précurseurs du changement dans les sociétés, ils ont vu évoluer le travail durant une vingtaine
d’années, pas toujours d’un bon œil (Johnson Controls, 2010 ; ma traduction).
Tableau 3 : Vision du monde professionnel de la génération X
Génération X : 1965 – 1976
Valeurs Faire le boulot Confiance en soi Besoin de structurer Besoin d’une direction Sceptique
Communication Direct Immédiat
Travail Un challenge difficile, un contrat
Feedbacks / Récompenses
Liberté, meilleur récompense
Comportement Tous égaux Challenger les autres
Motivation L’autonomie Pas de limites
Relations Entrepreneur Rapport travail / famille
Equilibré
La génération Y (1977 – 1993)
Nés fin des années 70, début des années 80, la génération Y est celle dont les repères temporels sont
les moins précis. Ayant grandi dans l’opulence, comparée aux autres générations, elle descend
d’ainés ayant profité de la révolution industrielle des années 70 qui ont été les premiers à bénéficier
de l’élévation du niveau de vie (Johnson Controls, 2010 ; ma traduction).
Tableau 4 : Vision du monde professionnel de la génération Y
Génération Y : 1977 – 1993
Valeurs Multitâches Ambitieux Tenace Entrepreneur Tolérant Objectifs
Communication Email Messagerie vocale
Travail Un moyen d’arriver à ses fins
Feedbacks / Récompenses
Culture de l’instantanéité / Donner du sens à son travail
Comportement Jeunes entrepreneurs Remise en questions
Motivation Travailler avec des gens créatifs et intelligents
Relations Aime participer Rapport travail / famille
Equilibré
Ces profils mettent en avant un grand nombre de différences entre les générations au travail, tant
sur les valeurs et comportements des individus que sur les attentes et motivations. Ces grandes
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Antony BLAIN 5
variations générationnelles sont à l’origine d’incompréhensions, notamment d’un point de vue du
monde du travail.
1.1.3. La génération Y en décalage d’un point de vue professionnel
Le monde professionnel se compose aujourd’hui des baby-boomers, des X et des Y. La génération des
traditionalistes étant aujourd’hui considérée comme professionnellement éteinte, il convient donc
de l’écarter du périmètre de recherche de cette thèse.
L’analyse des profils ci-dessus fait ressortir des affinités entre les baby-boomers et la génération X.
Les deux générations voient le travail sous le même angle, celui d’un challenge, d’une aventure. En
marge de cette vision, les X accordent une grande importance au résultat et à l’atteinte des objectifs,
ce qui coïncide bien avec l’importance des baby-boomers pour le travail. L’attirance des baby-
boomers pour le travail d’équipe et leur attitude dite plus consensuelle a permis aussi de faciliter
l’intégration des X dans le milieu professionnel. Pour conclure, ces deux générations ont longtemps
travaillé sans outils de communication, préférant le contact direct et le face à face, favorisant ainsi
les échanges.
La situation des Y à la lecture des profils est sensiblement différente. Le travail n’est pas leur seule
préoccupation, il n’est qu’un moyen d’arriver à leurs objectifs. De fait, la génération Y ne considère
pas que le sacrifice au travail soit si important, comme ces prédécesseurs prêts à tout pour atteindre
un objectif. Si les générations X et baby-boomers œuvraient au nom d’une entreprise et d’une cause
plus importante que la leur, la génération Y quant à elle œuvre avant tout pour son développement
personnel plutôt que celui de l’entreprise. Sur le plan technologique, la génération Y est née avec les
NTIC, les assimilant comme des éléments du quotidien, à l’inverse de leurs prédécesseurs qui ont dû
s’adapter et apprendre à maîtriser ces outils. Pouget va jusqu’à parler d’une forme de « moi
étendu » :
Pour la génération Y, il semble que la technologie fasse partie intégrante du « moi » et que les objets
dits « technologiques » s’apparentent à une forme de « moi étendu ». L’usage des technologies est
instinctif et s’apparente à la respiration : une action réalisée en continu à laquelle on ne réfléchit pas.
(Pouget, 2010, p.25)
Ce lien très fort entre les NTIC et la génération Y a développé chez ses membres des valeurs
spécifiques : une culture de l’instantanéité et un besoin de trouver du sens. Leur goût du temps réel
s’est très vite fait remarquer dans les entreprises: « ils veulent tout, tout de suite ». Habitués à
obtenir l’information en quelques clics, les jeunes voient en cette culture du temps réel une
opportunité de gérer plusieurs tâches en même temps. Vu comme un apport pour les sociétés, cette
culture de l’immédiat peut s’avérer être un levier puissant de modernisation, exerçant une pression
forte sur la société et les organisations. (Pouget, 2010). Cependant, celle-ci est souvent à l’origine de
clivages forts entre les générations :
Cette culture […] est également à l’origine de nombreux conflits dans le monde du travail où les jeunes
font face à des générations qui n’ont pas grandi dans l’ère du temps réel et qui valorisent
spontanément d’autres éléments comme la patience ou l’expérience. (Pouget, 2010, p.27)
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La génération Y, ayant eu très tôt accès à l’information et à des moyens d’obtenir des réponses s’est
rapidement interrogée sur la raison d’être ou de faire de ses actions. Surnommée génération
« Why » (génération pourquoi) par les Anglo-Saxons, la génération Y ressent le besoin de remettre en
question afin de comprendre le pourquoi d’une situation et le bien fondé d’un système choisi
(Pouget, 2010). Souvent interprété négativement par leurs ainés, cette philosophie de remise en
cause perpétuelle des systèmes établis et de l’autorité est à la source de nombreux problèmes
générationnels.
Force est de constater qu’il existe aujourd’hui un décalage entre la génération Y et ses prédécesseurs. Déjà en 2000, William Strauss et Neil Howe pointaient du doigt les doutes des générations précédentes à l’égard de la génération Y aux Etats-Unis dans leur ouvrage Millennials Rising: The Next Great Generation (2000) :
Si la plupart des Américains ne sont pas très confiants envers la nouvelle génération, c’est avant tout
car nombre d’entre eux pensent que l’histoire suit une ligne droite et que la jeunesse montante suivra
aveuglément la ligne tracée par les boomers et confirmée par la génération X. Cette ligne tend vers
plus d’égoïsme d’un point de vue personnel, une chute de l’intérêt public, plus d’obscénités dans la
culture et le discours quotidien, une croissance du risque à l’égard du sexe et des drogues, une apathie
générale envers la politique, une montée de la criminalité, de la violence et la poursuite de la
décadence sociale. (Howe & Strauss, 2000, p. 6 ; ma traduction)
Si un grand nombre de ces points ont été déboutés statistiquement (Howe & Strauss, 2000 ; Pouget,
2010), la confiance et le point de vue des générations précédentes à l’égard des Y restent plutôt
mitigés. Une étude menée en 2010 par BVA pour l’AFPA en France montre que moins de 15% des
DRH / Chefs d’entreprise interrogés estiment que le comportement des jeunes est tout à fait adapté
à la vie en entreprise. Dans des petites entreprises inférieures à 10 personnes, où les dirigeants
voient fréquemment leur personnel, seuls 55% considèrent que le comportement des jeunes est
adapté. S’il semble que la motivation et l’investissement soient les principales raisons (65% des DRH /
Chefs d’entreprise ayant mis en avant cette raison), un DRH / Chef d’entreprise sur trois a aussi mis
en avant le respect de la hiérarchie.
Ce sentiment d’incompréhension entre les Y et leurs prédécesseurs a été mis confirmé en 2011 en
Angleterre par ILM et Ashridge Business School qui au terme d’une étude1, menée sur les jeunes
diplômés anglais et leur relation avec leurs managers, sont arrivés aux conclusions suivantes :
La recherche a découvert un haut niveau d’insatisfaction chez les jeunes diplômés. Près d’un tiers
(32%) ne sont pas satisfaits de leur relation avec leur chef. Une majorité prévoit de changer
d’entreprise dans les deux ans à venir, tandis qu’un grand nombre souhaitent partir le plus rapidement
possible. L’étude a aussi révélé un profond décalage entre les jeunes diplômés et les managers sur de
nombreux points. (ILM & Ashridge Business School, 2011, p. 2 ; ma traduction)
En effet, les visions des Y et de leurs prédécesseurs au travail divergent totalement. S’ils sont plutôt
d’accord sur l’intérêt du travail avant tout (33% pour les jeunes diplômés, 48% pour les managers),
les Y accordent une très forte importance au salaire (32%) et à l’évolution de carrière (24%), deux
attentes faiblement exprimées par les managers (respectivement 7% et 9% des managers).
Côté management, les résultats varient fortement aussi entre les Y et leurs ainés. Alors que les Y
attendent avant tout d’un manager du respect (43%), de la confiance (35%) et un soutien fort à
1 Etude basée sur des questions à choix multiples
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 7
l’évolution de carrière (36%), le manager privilégié quant à lui avant tout la définition d’objectifs
(49%) et les feedbacks (50%) concernant le jeune diplômé. Il est intéressant de constater que près
d’un manager sur deux pense que les jeunes diplômés attendent d’eux des feedbacks sur leur
performance, alors qu’à peine un diplômé sur cinq a relevé ce comportement. Ces divergences
profondes conduisent aujourd’hui à ce que seulement un jeune diplômé sur quatre considère qu’il
existe une relation de coach/mentor entre lui et son manager, quand les managers sont trois sur
quatre à le penser.
Il existe ainsi bel et bien une fracture aujourd’hui entre les jeunes issus de la génération Y et les
membres des générations X et baby-boomers dans le travail. Celle-ci conduit donc les jeunes Y à
explorer d’autres voies répondant à leurs attentes et motivations, dont une en particulier :
l’entrepreneuriat.
1.1.4. L’entrepreneuriat, une alternative qui fait rêver
Même si l’entrepreneuriat reste aujourd’hui en Europe une action essentiellement issue de
l’identification d’une opportunité (57,7% des créations d’entreprise, Eurostat, 2009), près d’une
création d’entreprise sur trois se fait par insatisfaction dans la situation précédente ou changement
de situation familiale. Seule la Grèce fait véritablement exception avec 42,4% des créations basées
sur la nécessité. Cependant, si un entrepreneur sur deux considère l’avoir fait sur la base d’une
opportunité, un entrepreneur sur quatre parmi eux déclare l’avoir aussi fait en raison d’une
insatisfaction dans sa situation précédente (Eurostat, 2009). L’entrepreneuriat semble aujourd’hui
être une alternative intéressante pour les insatisfaits du monde professionnel, la génération Y en tête
de file.
En effet, le statut d’entrepreneur fait aujourd’hui rêver les jeunes. En 2005, un sondage réalisé par
Gallup aux Etats-Unis auprès de personnes de 18 à 29 ans révélait que près de 75% d’entre eux
souhaitaient créer leur propre entreprise plutôt que de travailler pour quelqu’un d’autre (Institute
for the future, 2007). Plus récemment, une étude sur la génération Y face à l’entreprise, réalisée par
OpinionWay pour KPMG, révélait que 82% des sondés (dont 34% en premier choix) rêvaient d’être
chef d’entreprise ou à leur compte, ce besoin se faisant plus ressentir chez les actifs plutôt que chez
les étudiants.
1.2. Identification de la problématique
Partant du constat que les jeunes d’aujourd’hui, issus de la génération Y et vivant dans les pays
développés, sont fortement attirés par l’entrepreneuriat, que ce soit par nécessité, par rejet du
modèle traditionnel du travail ou par un effet de mode poussé par les politiques, il est intéressant de
se poser la question de ce que représente un entrepreneur aujourd’hui pour la génération Y. Est-il le
même que celui d’il y a 20 ans, décrit en 2003 par Döllinger comme esseulé, secret, partant de rien et
ne faisant confiance à personne ? Existe-il un profil unique d’entrepreneur ou bien de multiples ? Est-
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 8
il possible que la réponse se trouve dans un mélange des deux et que derrière une base commune se
distingueraient des caractéristiques spécifiques à chaque génération ?
Résolument orientée vers la génération Y, à laquelle l’auteur appartient, cette thèse tentera
d’apporter une réponse à la question suivante :
Existe-il un profil d’entrepreneur Y ?
1.3. Objectifs de recherche
La génération Y représente aujourd’hui dans le monde la plus grande génération. Avec près de 13
millions d’individus en France (21% de la population française), 70 millions aux Etats-Unis (22% de la
population américaine) et 200 millions en Chine (15% de la population chinoise), cette génération
représente un défi capital pour l’économie d’aujourd’hui et de demain. En Europe, les 100 millions de
jeunes concernés (13% de la population européenne) représentent un enjeu politique (et
économique) majeur dans le redressement de l’Europe. De fait, l’intégration et le management de
cette génération dans les entreprises devient un élément clé dans les stratégies développées. Une
fois maîtrisées, ces deux pratiques peuvent devenir de véritables leviers de performance et
d’innovation comme l’a prouvé Google ces dernières années en centrant sa politique sociale sur
cette génération de « jeunes ». Cependant, si de nombreux ouvrages2 présentent des méthodes pour
retenir la génération Y dans les sociétés, aucun ouvrage en l’état actuel des recherches effectuées
par l’auteur ne présente de méthodes pour reconnaitre et exploiter le potentiel entrepreneurial (et
surtout intrapreneurial) des jeunes de la génération Y. En effet, si la littérature sur les thèmes de
l’entrepreneuriat et de la génération Y abonde, celle à la frontière des deux sujets semble très
limitée, même inexistante dans le cadre des recherches de l’auteur.
Ainsi, les objectifs affichés de cette thèse sont :
- d’initier un premier travail aux frontières de ces deux thématiques ;
- de chercher s’il existe une relation entre les deux pouvant permettre aux dirigeants
d’entreprise de déceler, développer et accompagner les initiatives entrepreneuriales des
jeunes, privilégiant ainsi l’innovation au sein de leur entreprise plutôt que la naissance d’une
nouvelle concurrence souvent déjà bien présente.
1.4. Délimitations
2 Ouvrages de référence : « Intégrer et Manager la génération Y » - Julien POUGET (2010) « Manager la génération Y avec les neurosciences » - Alan FUSTEC, Dominique SAPPEY-MARINIER (2011) « Not everyone gets a trophy: how to manage generation Y? » - Bruce TULGAN (2009) « Managing Generation Y: Global Citizens Born in the Late Seventies and Early Eighties? » - Carolyn Martin (2001)
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 9
En l’absence de littérature et de travaux de recherche sur ce sujet spécifique à la frontière de deux
grandes thématiques, facilitant ainsi l’élaboration et la mise en place d’un système afin de collecter
des données primaires, et en raison de contraintes temporelles très fortes, cette thèse se basera
essentiellement sur le croisement de données quantitatives et qualitatives secondaires collectées sur
chacune des deux thématiques (« entrepreneuriat » et « génération y »).
Ce travail de recherche se focalise aussi uniquement sur les pays développés, au sens décrit par
l’ONU. En effet, bien que la distinction entre pays ou régions "développés" et "en développement"
ne corresponde à aucune nomenclature officielle à l'échelle du système des Nations Unies, on
considère dans la pratique généralement comme développés le Japon en Asie, le Canada et les États-
Unis en Amérique septentrionale, l'Australie et la Nouvelle-Zélande en Océanie et l'Europe (Division
statistique des Nations Unis, 2011).
Enfin, le but de cette thèse n’est pas de créer des règles universelles et d’établir une vérité unique
mais d’étudier l’existence d’un nouveau domaine de recherche sur la génération Y et d’initier une
première approche le cas échéant.
1.5. Structure de la thèse
Etat de l'art
• L'étude séparée de la litératture autour des deux thèmes principaux doit permettre de construire un modèle qui sera confronté par la suite aux différentes études qualitatives.
Méthodologie
• Cette section sera consacrée à la présentation de la méthodologie mise en oeuvre pour répondre à la question de recherche initiale.
Résultats et analyse
• Cette section vise à présenter les résultats collectés et les analyser afin d'en tirer les informations clés permettant de répondre à la question initiale.
Conclusion
• La conclusion permettra de répondre à la question initiale : existe-t-il un profil d'entrepreneur Y ?
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CHAPITRE II : REVUE DE LITTERATURE
Le chapitre 2 se concentre sur le positionnement du sujet dans l’existant. L’objectif ici est de partir de
la littérature existante sur les thèmes importants du sujet, la génération Y et l’entrepreneuriat, afin
de construire un modèle théorique d’entrepreneur Y qui sera par la suite confronté aux données
quantitatives collectées.
2.1. Les Y : qui sont-ils ?
Evoquée en 2000 par William Strauss et Neil Howe dans leur ouvrage Millennials Rising: The Next
Great Generation, la génération Y reste un grand mystère pour les chercheurs. En effet, malgré les
années, ceux-ci peinent toujours à définir avec exactitude les bornes de cette génération.
Initialement définies entre 1982 et 2000 (Strauss & Howe, 2000), ces bornes ont longtemps varié
selon les auteurs et les rapports. Ainsi, faisant une « moyenne » de ces dates, on peut considérer que
cette génération est comprise entre 1977 à 1993. En tenant compte de ces dates, les Y auraient
aujourd’hui entre 18 et 34 ans, ce qui est cohérant avec les tranches d’âge que l’on retrouve dans
différents rapports (Global Entrepreneurship Monitor, 2010 ; PewResearchCenter, 2010).
Communément appelés « Génération Y » en France, ils ont été appelés également par d’autres
noms : « Génération Pourquoi », « Génération Digitale » ou encore « Enfants du Millénaire ».
Comme évoqué dans le chapitre précédent, les Y représentent la plus importante en nombre
d’individus devant la génération X avec un peu plus de 1,7 milliards d’individus (Johnson Controls,
2010), soit 25% de la population mondiale. La taille importante de cette population s’explique
notamment par une explosion dès 1975 du nombre de naissances, passant du plus faible nombre de
naissances enregistré depuis 1950, proche de 3 millions, à 4,2 millions en 1990, avant de se stabiliser
autour de 3,9 millions d’enfants par an. Cette explosion des naissances est la résultante de deux
conditions majeures. Tout d’abord, le secteur de la santé a fortement progressé avec l’arrivée des
fécondations in vitro, l’augmentation du taux d’immunisation des enfants, et les progrès médicaux, à
l’origine d’une chute drastique du nombre d’enfants morts nés, passant de 354 individus sur 10000
naissances en 1946, mères et enfants, à 73 en 1996 (Strauss & Howe, 2000). La seconde raison à
l’origine de ce boom, selon Strauss et Howe, serait la forte élévation du niveau de vie. En effet, entre
1982 et 1997, le revenu moyen des familles a fortement augmenté dans quatre des cinq tranches,
permettant ainsi aux parents d’assumer financièrement des enfants.
2.1.1. Une génération socialement connectée
Dans la vie de tous les jours, les Y sont avant tout une génération interconnectée. Née à l’aube de
l’ordinateur personnel, ils ont grandi avec Internet et les communications mobiles (Johnson Controls,
2010). Surnommés « Digital Natives » par Marc Prensky, spécialiste des NTIC (Pouget, 2010), ils ont
un rapport très différent de leurs ainés.
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 11
Source : Pratiques culturelles, 2008, DEPS,
Ministère de la Culture et de la Communication, 2009
Le rapport télévision/Internet,
par exemple, est un excellent
marqueur de cette différence.
Les chiffres issus du ministère
de la culture et de la
communication de 2009
montrent une faible et
décroissante utilisation de la
télévision par les jeunes,
passant de 18 à 16 heures par
semaine entre 1997 et 2008,
alors qu’à l’inverse la tendance
est opposée pour leurs ainés,
qui regardent désormais entre
21 et 27 heures la télévision
chaque semaine, contre 19 à 26
en 1997. Cette tendance
observée en France se retrouve
aussi aux Etats-Unis où le
pourcentage d’enfants passant plus de quatre heures par jour à regarder la télévision est passé de
52% à 32% pour enfants des écoles primaires, 39% à 28% au collège, et 26% à 18% au lycée.
Sur Internet, le constat est totalement à l’opposé. En effet, entre 80 et 90% des jeunes de la
génération Y utilisent couramment internet, dont près de 60% tous les jours ou presque (Ministère
de la Culture et de la Communication, 2009). Le constat est le même aux Etats-Unis où selon une
étude de 1999 réalisée par Roper Starch Worldwide, les jeunes âgées de 8 à 17 ans allant
régulièrement sur Internet représentaient 42% en 1988, contre seulement 25% deux ans auparavant.
Leurs ainés, quant à eux, ne sont que 38 à 52% à aller régulièrement sur Internet, un chiffre
beaucoup plus faible. Pouget y voit là véritablement un effet générationnel, durable dans le temps :
L’auteur de l’étude (note de l’auteur : Les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique,
d’Olivier Donnat) affirme qu’il y a là un véritable « effet générationnel » et que les différences
observées sont durables. (Pouget, 2010)
Au-delà d’une utilisation fortement accrue des écrans pour s’informer et se divertir, avec près de 37
heures par semaine (Ministère de la Culture et de la Communication, 2009), les Y étendent cette
utilisation à d’autres fins, telle que la recherche d’emploi, où 81% des jeunes diplômés utilisent des
sites d’offres d’emploi selon une étude TNS (Pouget, 2010), et les réseaux sociaux, où selon une
étude récente menée en 2010 par ComScore, 49,6% des visiteurs sur Facebook, Twitter et LinkedIn
ont entre 15 et 34 ans.
Constamment connectée, la génération Y est aussi socialement une génération mondialisée. Comme
le fait remarquer Pouget, grâce au développement exceptionnel des technologies de l’information, il
n’a jamais été aussi facile de savoir ce qui existait ailleurs. Finies les barrières physiques,
l’information voyage à tout heure, en tout endroit, par-delà les frontières et sans aucune restriction.
Figure 4 : Utilisation de la télévision en France selon l'âge (sur 100 personnes de chaque groupe)
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 12
Thomas Friedman, cité par Pouget, explique dans son ouvrage Le monde est plat que les technologies
de l’information fonctionnent comme un facteur d’aplanissement du monde. Cet aplanissement,
combiné à l’ouverture des frontières par le monde, la création de zone de libre circulation et
l’apparition des transports low cost, est à l’origine de l’élargissement de l’horizon des Y.
Au regard de ce constat, la génération Y peut être décrite comme curieuse, technophile, connectée
ou même ouverte sur le monde, des caractéristiques que l’on retrouve dans l’étude Who are the
Millennials ?, conduite par Deloitte en 2008. On observe par ailleurs que les entreprises, comme
Deloitte citée précédemment, cherchent de plus en plus à comprendre les comportements et
motivations des Y, personnellement et professionnellement.
2.1.2. Une génération professionnellement différente
Les Y ayant toujours eu accès à l’information en quelques clics, ils ont développé une affinité forte
avec le temps réel, au point d’en arriver à un constat partagé de tous : ils veulent tout, tout de suite
(Pouget, 2010). Combinée à leur ambition, une tendance apparaît et met en lumière une des
attentes fondamentales des Y : ils souhaitent rapidement être consultés et inclus dans les décisions
managériales (Johnson Controls, 2008 ; Coulon et al., 2008). Celle-ci se confirme puisque dans son
étude en 2011, ILM et Ashridge Business School arrivent à la conclusion que plus de la moitié des
jeunes consultés (56%) espèrent atteindre un rôle de manager dans les premières trois années, dont
13% dès la première année.
Motivés par l’argent, le statut et la carrière (ILM & Ashford Business School, 2011), les Y cherchent
aussi un sens à leur travail. En effet, selon Pouget, la génération Y exprime le besoin de comprendre
le pourquoi des situations existantes ou des actions à réaliser. Mis en relief avec les points
précédents (facilité d’accès à l’information, vision mondialisée, etc.), on peut comprendre ce besoin
des jeunes à questionner le bien fondé d’un système. Sans forcément chercher à le remettre en
cause, les jeunes souhaitent aujourd’hui davantage comprendre les mécanismes et décisions, à
l’inverse de leurs ainés qui pouvaient se contenter d’une directive venant de la hiérarchie (Pouget,
2010). L’étude britannique d’ILM et Ashridge Business School conforte aussi cette attente des Y
puisque près d’un jeune sur trois ressent ce besoin de sens.
Attirés par le défi que représente le travail pour eux, les Y recherchent constamment un challenge
intellectuel ainsi que des opportunités d’apprendre (Johnson Controls, 2010, Tremblay et al., 2010).
Capables de travailler efficacement et rapidement (Cochran, 2007), ils s’adaptent aux changements,
technologiques notamment, et valorisent le mentorat et la formation afin de pouvoir évoluer. ILM et
Ashridge Business School tendent à confirmer ces dires puisque selon leur étude, plus d’un jeune sur
deux (56%) considère que le manager idéal serait un coach et mentor.
Dernier point, les Y aiment l’indépendance et les libertés qu’on leur laisse dans leur travail. Issus
d’une génération où le taux de divorce n’a jamais été aussi élevé, nombre d’entre eux ne vivent pas
(plus) dans une famille composée des deux parents. D’après les chiffres de 2000 de l’US Bureau of
Census, plus d’un enfant sur trois vivait dans une famille non composée des deux parents, contre un
sur six en 1970 (Strauss & Howe, 2000). De fait, ils ont été laissés à eux-mêmes et ont dû apprendre à
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 13
prendre soin d’eux tout seuls (Carolyn A. Martin, 2005). Une fois encore, ILM et Ashridge Business
School confirment cette tendance puisque 35% des jeunes attendent de leur manager une confiance
en leur manière de faire les choses.
2.1.3. Synthèse – Le profil d’un Y
L’étude des Y nous a permis de distinguer un certain nombre d’affinités et de compétences qui les
caractérisent afin de définir un modèle théorique du profil du jeune de la génération Y.
Profil d’un Y
Besoin
d’autonomie
Besoin de
responsabilités
Besoin de
challenge
Besoin
d’accompagnement
Besoin de
sens
Besoin
d’accomplissement Attentes
Caractéristiques
Légende
Figure 5 : Profil théorique d'un Y
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 14
2.2. L’entrepreneur à travers le prisme de la littérature
2.2.1. L’entrepreneuriat, source de tous les « mots »
L’entrepreneuriat, au sens large, est une notion abstraite qui fût et est encore aujourd’hui étudiée
selon diverses approches. En 2003, Davidsson (cité par Bjerke, 2007, p.16 ; ma traduction) identifiait
trois manières d’approcher l’entrepreneuriat :
1. En étudiant les caractéristiques d’un entrepreneur
2. En étudiant les processus et évènements propres à un entrepreneur
3. En étudiant les résultats auxquels arrive un entrepreneur
Selon Bjerke, qui cite à témoins Timmons, Coulter, Zimmerer & Scarborough et Kuratko & Hodgettes,
tous spécialistes et principaux écrivains de la littérature sur l’entrepreneuriat, l’entrepreneuriat serait
un mélange complexe de ces trois approches. Il semble donc compliqué d’apporter une définition
précise. Cependant, en se basant sur les relations existantes entre la créativité, l’innovation et
l’entrepreneuriat on peut le représenter comme la création de nouvelle valeur pour l’utilisateur
(Bjerke, 2007). Cette création de valeur, à la base de nouvelles idées, de nouveaux produits ainsi que
de nouveaux emplois, est vitale pour le développement économique des pays (Bjerke, 2007). Citant
Ushido, Coulter et des études européennes, Bjerke synthétise le rôle et l’importance de
l’entrepreneuriat dans l’économie comme suit :
Les entrepreneurs sont des agents du changement, créant des innovations de toute taille ;
L’entrepreneuriat libère la créativité des individus ;
L’entrepreneuriat participe à la croissance et la création d’emplois ;
L’entrepreneuriat est crucial pour la compétitivité ;
L’entrepreneuriat augmente les choix des consommateurs ;
L’entrepreneuriat peut contribuer à promouvoir la solidarité sociale et économique dans une région.
(Bjerke, 2007, p.16 ; ma traduction)
Facteur d’innovation, de compétitivité, mais surtout de croissance économique, on comprend
aisément la montée en force de cette tendance pour l’entrepreneuriat, poussée par les politiques et
l’éducation. Elle s’appuie notamment sur une évolution de la société favorable à l’entrepreneuriat.
Ci-après les caractéristiques majeures de notre nouvelle société entrepreneuriale :
Nous sommes dans une société du changement
Les NTIC et autres technologies y jouent un rôle décisif
Le savoir est devenu la pierre angulaire
Le business a évolué (apparition des industries de services)
De nouvelles organisations et méthodes de travail sont apparues
Les réseaux sont devenus un enjeu considérable
Nous vivons dans un monde globalisé
La distance et le temps ont évolué
De nouveaux types de capitaux sont apparus
Les frontières industrielles ont été assouplies
En moyenne, les dirigeants de l’économie ont acquis de l’expérience
Les mots sont devenus importants Source : Bjerke, Understanding Entrepreneurship, 2007, p.7 ; ma traduction
Tableau 5 : Caractéristiques de notre société entrepreneuriale
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 15
2.2.2. L’entrepreneur, un modèle qui évolue
Depuis plus de 300 ans la littérature parle d’entrepreneuriat et d’entrepreneurs. Pour autant, si la
littérature sur ces domaines est vaste, elle peine à peindre un profil type de l’entrepreneur. Cela
s’explique notamment par l’évolution de la société (Bjerke, 2007) et des comportements des
individus en tant qu’entrepreneurs (Dollinger, 2003). Ainsi, si des caractéristiques sont rapidement
apparus incontournables dans le profil de l’entrepreneur, d’autres sont apparus au fil du temps. Il
convient donc de retracer l’histoire de l’entrepreneuriat afin de dresser un portrait au plus juste de
l’entrepreneur.
L’étude de l’entrepreneuriat fût durant près de 2 siècles et demi le domaine des économistes.
Cantillon apporta en 1755 la première définition d’un entrepreneur, le présentant d’un point de vue
commercial comme un preneur de risques. Celui-ci achetait des marchandises à un prix tout en
n’ayant aucune idée de la demande et du prix auquel il allait pouvoir les revendre (Bjerke, 2007). Plus
de deux siècles et demi plus tard, la littérature est toujours en accord avec ce principe fondamental
(Bridge et al., 2003 ; Kuratko, 2003). En 1855, Say, économiste français, expliquait que les
entrepreneurs étaient capables de rassembler des facteurs de production et de bâtir des entreprises
à partir de ceux-ci. De son point de vue, les entrepreneurs étaient avant tout des créateurs de
business (Bjerke, 2007). En 1934, Schumpeter, économiste Autrichien, compléta ce profil en
expliquant que l’innovation était la fonction critique de l’entrepreneur (Bjerke, 2007). Il fût le
premier à faire la nuance entre un entrepreneur et un manager, précisant que l’on cesse d’être
entrepreneur le jour où il n’y a plus d’innovation. Enfin, Kirzner présenta l’entrepreneur comme un
opportuniste cherchant des déséquilibres dans le système économique à exploiter pour coordonner
la production de ressources de manière plus efficace que précédemment (Kirzner, 1973, cité par
Bjerke,2007). Ainsi, durant ces premiers siècles d’étude, le profil type de l’entrepreneur à l’égard de
la littérature ressemblait au schéma suivant :
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 16
Figure 6 : Profil type d'un entrepreneur vu par les économistes
Depuis l’apparition de l’entrepreneuriat dans les écoles de commerce en 1960, d’autres travaux sont
venus compléter ce premier modèle, dont ceux conduits par McClelland. Outre les caractéristiques
propres à un entrepreneur, il identifia la motivation de chacun et la déclina selon trois besoins : le
besoin d’accomplissement, le besoin de pouvoir (équivalent au besoin de responsabilités) et le
besoin d’appartenance (équivalent au besoin de sens). Selon lui, les entrepreneurs sont avant tout
dirigés par ce besoin d’accomplissement. Ainsi, outre les capacités intrinsèques des individus à
identifier, bâtir et gérer un business, un entrepreneur est aussi identifiable grâce à ses motivations et
attentes.
En 2003, Bolton & Thompson construisent le Framework FACETS. Selon eux, six thèmes, formant
l’acronyme FACETS, permettent d’identifier un entrepreneur : Focus – Advantage – Creativity – Ego –
Team – Social, les quatre premières facettes (FACE) constituant la base de tout entrepreneur. De ce
fait, les facettes Social et Team ne seront pas traitées, puisque représentant des facteurs
additionnels aux facteurs de base et servant à définir à quel type d’entrepreneur un individu
correspond.
Entrepreneur
Goût du risque
Opportuniste
Créateur de business
Innovant
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 17
Source: Bolton & Thompson, The entrepreneur in focus: achieve your potential, 2003, Thomson
Figure 7 : Framework de Bolton & Thompson (FACETS)
D’après Bolton & Thompson, un entrepreneur possède un vrai désir de bousculer l’ordre établi des
choses et se concentre essentiellement sur les objectifs, les délais et l’action. Kuratko (2004) et
Bridge et al. (2003, cité par Bjerke, 2007) vont dans le même sens en mettant cependant l’accent sur
le désir d’accomplissement et de grandir. De plus, un entrepreneur se concentre sur la recherche
d’une opportunité. Certains iront jusqu’à parler d’obsession (Bjerke, 2007 ; Kuratko, 2003). Outre la
concentration et la recherche d’opportunités, l’entrepreneur doit surtout être quelqu’un de créatif
(Bolton & Thompson, 2003 ; Bridge et al., 2003), capable d’innover (Bjerke, 2007). Personnellement,
il doit être motivé, confiant (Bolton & Thompson, 2003), mais surtout déterminé, persévérant et
totalement investi (Kuratko, 2003). Les auteurs de littérature vont plus loin sur le plan personnel en
mettant en avant l’importance d’un locus de contrôle interne dans la vie d’un entrepreneur (Bridge
et al., 2003 ; Kuratko, 2003, Bolton & Thompson, 2003). Bien que le Framework de Bolton &
Thompson soit partagé par leurs pairs, une autre dimension essentielle revient constamment dans la
description d’un entrepreneur : la prise de risques (Bridge et al., 2003 ; Kuratko, 2003).
En somme, la littérature nous permet aujourd’hui de modéliser le profil type d’un entrepreneur de la
manière présentée en figure 8.
Focus
• To focus on target
• To focus on time
• To focus on action
Advantage
• To find the opportunity
Creativity
• To innovate with new ideas
Ego
• To be motivated, confident and dedicated
• To have an internal locus of control
• To be responsible
Social
• To deliver on a cause
Team
• To multiply your potential
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 18
Besoin de
sens
Besoin
d’accomplissement
Besoin de
responsabilités
Goût du
risque
Esprit
opportuniste
Attentes
Caractéristiques
Légende
Figure 8 : Profil théorique d'un entrepreneur
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 19
2.3. Construction d’un modèle théorique d’entrepreneur Y
L’étude de la littérature sur la génération Y et l’entrepreneuriat a permis de construire un modèle
théorique de l’entrepreneur Y. Ce modèle sera confronté aux résultats quantitatifs obtenus afin de
vérifier la validité de ce modèle.
Goût du
risque
Esprit
opportuniste
Besoin
d’accomplissement
Besoin de
responsabilités
Besoin de
challenge
Besoin
d’accompagnement
Besoin de
sens
Besoin
d’autonomie Attentes
Légende
Caractéristiques
Figure 9 : Modèle théorique d'un entrepreneur Y
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 20
CHAPITRE III : METHODOLOGIE
Le chapitre 3 présente la méthodologie employée par l’auteur pour mener sa recherche sur
l’existence d’un profil d’entrepreneur spécifique à la génération Y. Après une introduction sur
l’approche utilisée, nous verrons sur quelles données l’auteur s’est reposé pour présenter ces
résultats ainsi que les limites de la recherche.
3.1. Une approche scientifique
Afin de conduire cette recherche entrepreneuriale, l’auteur a décidé de procéder selon l’approche
scientifique classique : élaboration d’une hypothèse puis vérification de la validité de l’hypothèse
posée grâce à l’utilisation de données quantitatives. Partant de l’hypothèse de départ qu’il existe un
profil d’entrepreneur spécifique pour la génération Y, l’auteur s’est servi de la littérature de ces deux
domaines pour arriver à une modélisation des profils type d’un Y et d’un entrepreneur. La
confrontation de ces deux modèles a conduit à la construction d’un modèle théorique
d’entrepreneur Y. Ce modèle a ensuite été confronté à la collecte des données afin de valider ou
réfuter l’hypothèse de départ. La figure 10 présente de manière schématique l’approche ainsi
utilisée.
Figure 10 : Méthodologie de recherche employée par l’auteur
La conduite d’une telle recherche reposait sur deux types de données fondamentales : la littérature
employée menant à la construction du modèle théorique et les données quantitatives collectées afin
de confronter ce modèle théorique à la pratique.
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 21
3.2. Un processus rigoureux d’étude de la littérature
Afin de répondre le plus précisément et le plus justement à la problématique initiale, il était
nécessaire de dresser le portrait le plus fidèle de l’entrepreneur Y au travers de la littérature.
Cependant, l’émergence de la recherche autour de la génération Y et l’absence quasi-totale de
travaux à la frontière de ces deux domaines rendaient l’élaboration de ce profil d’entrepreneur Y
compliquée. Il fût donc décidé d’étudier les deux domaines séparément et de dresser le profil le plus
proche fidèle possible afin de construire un modèle théorique pour notre étude. De fait, il était
nécessaire de récupérer une littérature pertinente et donc par extension de mettre en place un
processus rigoureux de sélection des sources, comme résumé dans les figures 11 et 12, présentant
respectivement la collecte de livres et travaux de références sur les domaines de la génération Y et
de l’entrepreneuriat ainsi que la collecte de données qualitatives complémentaires.
Figure 11 : Processus de collecte de livres et travaux de référence sur les deux domaines couverts
Au commencement, le travail de collecte de données s’est articulé autour de la question
fondamentale suivante : comment avoir une littérature pertinente ? Assez intuitivement, le domaine
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 22
de la recherche est apparu comme une source efficace et pertinente, puisque croisant et regroupant
un nombre conséquent de sources. Ainsi, un premier travail de recherche de travaux sur les bases de
données de recherches / thèses, couplé à l’utilisation de Google Scholar, a permis de collecter un
nombre conséquent de travaux académiques. Cette recherche s’est articulée sur 3 axes : la
génération Y, l’entrepreneuriat, et la génération Y dans l’entrepreneuriat. Si le 3ème axe s’est révélé
peu fructueux, les 2 premiers ont permis d’obtenir plusieurs travaux intéressants sur les domaines
ciblés. Une extraction bibliographique a permis par la suite de collecter un très grand nombre de
sources de tous types : articles de journaux, articles sur Internet, livres, travaux de recherche, etc.
L’information étant abondante, il convenait de la trier par pertinence. Afin de constituer un socle
solide, il fût décidé de prioriser avant tout les livres traitant spécifiquement des deux domaines
concernés : la génération Y et l’entrepreneuriat. Ainsi, le croisement de l’ensemble des livres trouvés
dans les différentes bibliographies et la fréquence des citations dans les travaux de recherche ont
permis après diverses itérations successives de sélectionner les livres de références qui seraient
utilisés afin de modéliser les deux profils.
Figure 12 : Processus de collecte de données qualitatives
Afin de compléter cette première collecte de données issues de la littérature, une seconde collecte
de données qualitatives fût réalisée sur Internet, au travers de trois différents supports : Google,
Xerfi et les organismes publics ou instituts. Exception faite de Xerfi qui n’a donné aucun résultat,
Google a permis de collecter différents articles présents sur Internet sur les domaines concernés. Les
organismes et instituts n’ont peu retourné de résultats qualitatifs et Google fût privilégiée pour une
seconde recherche, plus approfondie. La quasi-totalité des sources collectées grâce à Google le fût
grâce aux mots clés suivants, déclinés en français et en anglais :
« Génération y »
« Entrepreneuriat »
« Manager génération y»
« Différences intergénérationnelles »
« Entrepreneur »
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 23
« Profil génération y »
« Profil entrepreneur »
3.3. Des sources quantitatives limitées
Afin de confronter le modèle théorique d’entrepreneur Y, construit à partir de la première récolte de
données, il était nécessaire de collecter des données quantitatives. Afin d’apporter des résultats
probants, l’auteur est parti de la question suivante : comment avoir des données quantitatives
pertinentes ? Il existe deux types de données quantitatives : les données secondaires et les données
primaires. Les données secondaires, aussi appelées données de secondes main, sont les données les
plus fréquentes puisqu’elles représentent les données issues des études / recherches / sondages
d’autres individus. L’utilisation de ces données présente de vrais avantages puisque le chercheur
peut se dispenser lui-même de recueillir les données sur le terrain afin de consacrer plus de temps à
l’analyse (Ibert et al., 1999). En complément des données disponibles, l’analyse sur le terrain et la
collecte de données dites primaires est un outil puissant permettant d’étudier un échantillon
spécifique. La figure 13 présente le processus de collecte des données quantitatives utilisé.
Figure 13 : Processus de collecte de données quantitatives
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 24
La première étape dans la collecte des données quantitatives fût de recenser l’ensemble des
données secondaires facilement accessibles. Pour cela, l’auteur a conduit une recherche selon quatre
axes : Google, Xerfi, les bases statistiques et les organismes publics et instituts. La recherche Google a
été conduite sur la base des mêmes critères employés lors de la collecte des données qualitatives.
Afin d’obtenir des statistiques pertinentes, des recherches ont été effectuées à trois échelles
différentes : national (INSEE), européenne (Eurostat) et mondiale (PopulationData, UNSD),
permettant ainsi de disposer de trois angles de vue différents sur les pays développés. Enfin, une
analyse détaillée de différents organismes mondiaux (Pew, Global Entrepreneur Monitor, Institute
for the Future, Guess) a permis de collecter de nombreuses données quantitatives sur
l’entrepreneuriat, notamment par tranche d’âge.
Afin de compléter ce set de données secondaires, il fût évoqué de collecter des données primaires
par le biais d’un sondage auprès des étudiants de Grenoble Ecole de Management ainsi que par la
conduction d’interviews auprès d’entrepreneurs de la génération Y. Cependant, en raison d’études
parallèles et d’un temps disponible trop limité, il fût décidé de se limiter à l’usage des données
secondaires collectées, déjà conséquentes. En somme, ce travail de recherche doit être relativisé en
fonction des études utilisées pour ce travail de recherche. Ci-après la liste des différentes études et
travaux utilisés pour analyser ce modèle théorique construit :
Institute of Leadership & Management - Great expectations: managing Generation Y (2011)
Cette étude, menée entre Janvier et Avril 2011 au Royaume Uni, a permis de collecter grâce à un
sondage sur Internet 1222 réponses de la part de jeunes diplômés actifs et 684 réponses de
managers ayant la charge quotidienne de travailler et superviser des jeunes diplômés. L’étude
explorait différents aspects du monde du travail, tels que la vie au travail, les habitudes des
managers, les relations entre les jeunes diplômés et les managers, les attitudes au travail, le
recrutement, l’apprentissage et l’évolution, l’engagement et enfin les effets de la récession. Les
jeunes diplômés sont majoritairement issus de la génération Y, avec 88% des sondés. Les managers,
quant à eux, sont essentiellement issus de la génération X (62% des réponses) et de la génération
baby-boomers (28% des sondés). Les réponses étant à choix multiple, les résultats exprimés
dépassent donc les 100%.
Ernst & Young - Nature or nurture? Decoding the DNA of the entrepreneur (2011)
Menée par le prestigieux cabinet d’audit, cette étude expose les résultats de 685 interviews auprès
de chefs d’entreprises, sur plus de 30 pays et couvrant 25 secteurs différents. Destinée à comprendre
le profil d’un entrepreneur, cette étude s’est focalisée essentiellement sur de grandes entreprises,
dont le chiffre d’affaires dépasse les 10 millions de dollars.
Tremblay M., Audet J. et Gasse Y. - Aspirants Entrepreneurs : le cas de la génération Y (2010)
Réalisé en 2010 par Maripier Tremblay, Josée Audet et Yvon Gasse, ce document de travail présente
les résultats d’une démarche exploratoire menée auprès de 59 demandes de bourse présentées
entre 2006 et 2009 par des étudiants du premier cycle de l’Université Laval dans le cadre du profil
entrepreneurial.
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN 25
APCE - Agence Pour la Création d’Entreprises - Les jeunes et l’intention entrepreneuriale
(2010)
Réalisé à partir d’un sondage mené par Opinion-Way pour l’APCE, CER France et le CODICE à
l’occasion du 17e Salon des entrepreneurs de Paris (2010), ce sondage porte sur un échantillon
représentatif de 1024 personnes âgées de 18 à 29 ans. Les interviews ont été réalisées du 8 au 17
décembre 2009 par l’intermédiaire d’un questionnaire en ligne sur système CAWI.
Johnson Controls - Generation Y and the workplace, annual report 2010 (2010)
Réalisée en 2010 dans 5 pays différents auprès de 5375 personne, dont plus de 4000 issus de la
génération Y, cette étude se concentre essentiellement autour de l’environnement au travail des
jeunes, notamment des 18-25 ans.
OpinionWay pour KPMG - La Generation Y face à l’entreprise (2010)
Réalisée par Internet sur système CAWI par OpinionWay pour le compte de KPMG auprès de 1008
jeunes de 18 à 30 ans entre le 16 et le 23 septembre 2010, cette étude quantitative observe le
comportement de la génération Y avec l’entreprise.
D’autres données quantitatives ont été utilisées pour l’interprétation des résultats et sont résumées
dans la bibliographie.
3.4. Limites de recherche
Bien que regroupant des données multiples de différents pays, de différents secteurs, et sur des
échantillons variés et divers, cette recherche reste limitée aux échantillons utilisés et aux limites
imposées par leurs auteurs. De fait, ces échantillons ne peuvent conduire à l’élaboration d’une vérité
unique mais doivent être considérés comme menant à des tendances générales.
De plus, les résultats obtenus doivent être relativisés avec les conditions géographiques initialement
posées. En effet, ce travail ne se limite qu’à l’exploration d’un profil d’entrepreneur Y dans les pays
développés. Il ne tient donc pas compte des pays dit émergents où les conditions d’entreprise et de
succès sont probablement différentes, comme le suggère le rapport de l’institut Global Entrepreneur
Monitor.
- Existe-t-il un profil d’entrepreneur Y ? -
Antony BLAIN
26
CHAPITRE IV : ANALYSE ET DISCUSSION
Le chapitre 4 présente les résultats obtenus et les confrontent au modèle théorique bâti dans le
chapitre 2. Dans un premier temps, on constatera l’existence d’un squelette commun à tout
entrepreneur, quelle que soit la génération concernée, avant d’observer des spécificités propres à la
génération Y.
4.1. L’entrepreneuriat, gène intergénérationnel
4.1.1. L’entrepreneur, modèle de compétence
Dans ses travaux conduits cette année, auprès de 685 chefs de grosses entreprises, Ernst & Young
« décode l’ADN de l’entrepreneur » et dresse à partir de ces interviews un profil type
d’entrepreneur, indépendamment de l’âge. Ce profil intergénérationnel met avant tout en avant
l’importance de la vision puisque plus de 3 entrepreneurs sur 4 interviewés (76% des sondés)
considèrent que c’est une qualité essentielle pour tout entrepreneur. La réussite d’une affaire repose
avant tout sur la capacité d’un leader à fédérer des ressources, humaines, techniques et financières
autour d’un même but. L’entrepreneur est ainsi l’architecte de cette vision.
Source: Ernst & Young, Nature or nurture? Decoding the DNA of the entrepreneur, 2011
Figure 14 : Principales qualités d'un entrepreneur selon l'étude d'Ernst & Young
Deux qualités en plus de cette vision ressortent majoritairement : la passion (73% des sondés) et la
direction (64% des sondés). La passion est un facteur très important pour un entrepreneur. En effet,
selon le travail de recherche réalisé par l’université Laval, au Canada, 15% des jeunes interrogés sont
motivés par le souhait de poursuivre leur passion. Ainsi, la passion est un facteur puissant dans la vie
d’un entrepreneur. Etonnamment, la qualité de direction n’apparaît qu’en troisième position. En
46%
49%
53%
64%
73%
76%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%
Prise de risques
Innovation
Integrité
Direction
Passion
Vision
Quelles sont les qualités les plus importantes d'un entrepreneur ?
fréquence en % de la population interrogée
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27
effet, outre l’importance de la vision et de la passion, une affaire ne peut que difficilement tourner
sans un dirigeant compétent et reconnu de ses équipes. Les jeunes confirment par ailleurs
l’importance de cette qualité dans l’étude menée par OpinionWay pour l’APCE l’année dernière, où
95% des jeunes interrogés ont fait part de leur accord avec le fait qu’un entrepreneur doit être un
bon dirigeant, 39% estimant même que c’était la qualité première d’un bon entrepreneur. On peut
supposer que les dirigeants interviewés ont mis en avant l’importance de la vision et de la passion
plutôt que la direction en raison du côté « non remplaçable » de ces qualités. Un entrepreneur
pourra toujours compter sur ses équipes pour l’appuyer et l’aider dans la conduite de l’entreprise,
mais la passion et la vision resteront toujours des qualités qui lui seront propres.
Ainsi, si l’on se replace dans le contexte de l’entrepreneur, le triptyque Vision – Passion – Direction
répond à trois des cinq questions qu’un entrepreneur se pose constamment (« Who, What, Where,
When, Why ? »). On retrouve bien ces trois qualités dans notre modèle théorique.
Suivant les résultats obtenus par Ernst & Young, l’innovation n’est que la 5ème qualité d’un
entrepreneur, derrière l’intégrité, avec « seulement » un entrepreneur sur deux sollicitant cette
qualité (49% des sondés). Ceci contraste fortement avec la mise en avant de cette qualité par Bjerke
qui en faisait l’élément déterminant de tout entrepreneur. Cette nuance peut s’expliquer par le point
de vue adopté par l’auteur Suédois. En effet, alors que l’étude menée par Ernst & Young se
concentre exclusivement sur le profil des leaders, Bjerke adopte quant à lui une approche plutôt
orientée business et création de valeur. L’innovation reste malgré tout un facteur très important,
tant pour les entrepreneurs que pour les jeunes, qui pensent à 90% qu’un chef d’entreprise se doit
d’être innovant, 28% estimant que c’est une des qualités principales d’un entrepreneur. A noter qu’il
est intéressant de constater que l’intégrité, non prévue initialement dans le modèle théorique, est
une valeur essentielle dans la vie d’un entrepreneur (53% des sondés)
Source: Ernst & Young, Nature or nurture? Decoding the DNA of the entrepreneur, 2011
Figure 15 : Principales sources d’apprentissage d’un entrepreneur selon l'étude d'Ernst & Young
En somme, les résultats obtenus mettent incontestablement la compétence du dirigeant en avant :
capacité à se projeter, capacité à diriger, capacité à innover, capacité à apprécier son travail.
L’entrepreneur est avant tout un modèle de compétence. Constat intéressant qui nous amène à nous
poser la question suivante : s’agit-il de compétences innées ou de compétences techniques ?
26%
30%
33%
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35%
Mentors
Hautes études
Expérience en tant qu'employé
Quelle formes d'éducation ou sources d'apprentissage vous ont permis d'acquérir les compétences nécessaires pour
bâtir des entreprises à succès ?
% des interviewés ayant choisi cette source
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28
Autrement dit, peut-on apprendre les compétences nécessaires pour être entrepreneur ? D’après les
résultats obtenus par Ernst & Young, cela ne serait pas lié à des dispositions génétiques. En effet,
l’éducation et l’expérience sont les deux facteurs principaux mis en avant par les entrepreneurs
sondés leur ayant permis d’acquérir ces compétences. Outre une éducation importante (30% des
sondés), c’est surtout l’expérience (33% des sondés) acquise lors de précédentes expériences
professionnelles qui expliquent le succès et les qualités d’un entrepreneur. Ainsi, selon les dires des
entrepreneurs, l’entrepreneuriat s’apprend et passe avant tout par la poursuite d’études et
l’expérience professionnelle acquise.
4.1.2. L’entrepreneur, un mental d’acier
Outre ces compétences, l’entrepreneur dispose d’un mental à toute épreuve. Si la littérature
s’accorde sur le fait qu’un entrepreneur doit disposer d’un locus de contrôle interne, les études
combinées d’Ernst & Young et de l’APCE tendent à le confirmer. Près d’un entrepreneur sur deux
(46% des sondés) estime qu’une des qualités essentielles d’un entrepreneur est de disposer d’un
goût prononcé pour le risque. Les jeunes, plus pragmatiques, sont seulement 12% à estimer que c’est
une compétence clé du profil de l’entrepreneur. S’il semble plutôt évident pour un entrepreneur de
dire qu’il a pris des risques pour réussir, les jeunes font bien de tempérer cette statistique. En effet,
plus que le risque, c’est avant tout un souhait de la part des entrepreneurs de ne pas subir en
reposant tout sur la chance ou le hasard mais en forçant les évènements de par leur comportement
et leurs actions. De fait, grâce à ce locus de contrôle interne, conséquence d’un esprit opportuniste
et d’une capacité à prendre des risques, les entrepreneurs cherchent à prendre le contrôle sur leur
environnement en agissant, en ayant l’audace de tenter, comme le soulignent les jeunes (32% des
sondés).
De plus, l’entrepreneur doit faire preuve d’une attention permanente. D’abord exprimés par Bolton
& Thompson au travers de la facette Focus de leur Framework, la concentration est une
caractéristique fondamentale de l’entrepreneur selon ses auteurs. Déclinée sous trois formes (Target
Focus, Time Focus et Action Focus), on la retrouve exprimée plusieurs fois dans l’étude d’Ernst &
Young. En effet, les entrepreneurs estiment à 38% qu’une des grandes qualités d’un entrepreneur est
son attention permanente au client et à 18% que c’est l’attention constante à la qualité. Que ce soit
une attention au client, à la qualité, au budget ou à n’importe quelle variable, l’entrepreneur doit
disposer d’une capacité de concentration et d’attention s’il ne souhaite pas passer à côté de quelque
chose.
Les études respectives d’Ernst & Young et de l’APCE auront permis de mettre en évidence un
squelette de l’entrepreneur autour d’un certain nombre de qualités telles que la vision, la passion, la
direction, l’innovation, l’attention ou encore l’audace, résultante d’un esprit opportuniste et un goût
pour le risque. Si l’on retrouve l’ensemble de ces caractéristiques dans notre modèle initial, on voit
apparaître deux qualités supplémentaires imprévues : l’intégrité et l’expérience en tant qu’employé.
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29
4.2. Les Y marquent leur différence avec leurs prédécesseurs
Cependant, s’il semble bien exister des qualités communes aux différentes générations, d’autres
qualités et motivations apparaissent lorsque l’on parle de la génération Y. En effet, les Y sont
effectivement technophiles et connectés en permanence comme le montre l’étude menée par
l’institut Pew. 95% des jeunes de la génération Y interrogés utilisent Internet aux Etats-Unis, dont
81% chez eux. En France, ils sont 91% donc plus de 60% à l’utiliser quotidiennement. 82% d’entre eux
utilisent le WIFI, mettant ainsi en avant une forte mobilité de la part des jeunes, en plus de cette
forte utilisation. Cette utilisation permanente de la technologie est très visible notamment aux Etats-
Unis où les Y pulvérisent toutes les moyennes générationnelles : 80% regardent des vidéos (contre
66% de moyenne), 83% utilisent les réseaux sociaux (contre 61% de moyenne), 66% utilisent les
messageries instantanées (contre 47% de moyenne) et enfin 50% jouent en ligne (contre 35% de
moyenne). En poussant plus loin l’analyse, on observe que sur les 15 activités les plus courantes
(emails, recherches, achats, etc.), la génération Y est 12 fois au-dessus de la moyenne des
générations. Outre l’usage courant d’Internet, les jeunes ne peuvent se passer de la technologie au
travail. L’étude menée par Johnson Controls montre que plus d’une personne sur deux ne peut se
passer des outils technologiques à sa disposition : téléphone mobile (53,1% des sondés), ordinateur
(52,8% des sondés), organiser / BlackBerry (46% des sondés). En somme, le fait que les Y aient grandi
avec la technologie et son explosion depuis plusieurs années (+26% d’utilisation d’Internet depuis 2
ans, toutes générations confondues) fait qu’il est difficile d’imaginer un entrepreneur Y aujourd’hui
sans ces technologies.
Technophiles invétérés, les Y font aussi preuve d’optimisme concernant leur avenir. Bien que peu
confiants envers le contexte économique actuel (21% seulement en France), les Y restent d’après
l’étude menée par KPMG optimistes quant à leur avenir professionnel à près de 68%. Il est
intéressant de constater que les plus jeunes et plus diplômés sont nettement plus confiants puisque
77% d’entre eux partagent cet avis. L’importance des études, citées précédemment par les
entrepreneurs, se retrouve une nouvelle fois encore auprès des jeunes. Ce fort optimisme des jeunes
confirme la pensée de Cochran qui les juge encore un peu naïfs à l’égard du monde entrepreneurial
(Cochran, cité par Tremblay et al., 2010).
D’un point de vue social, les Y sont considérés comme indépendants. En effet, professionnellement,
plus d’un jeune sur trois (35% des sondés) attend de son manager une liberté d’action, comme le
présente l’étude menée par ILM. D’un point de vue entrepreneurial, cette indépendance se
caractérise auprès des jeunes par un désir important (48% des sondés d’après KPMG, donc 34% en
premier choix) de créer son entreprise / se mettre à son compte. D’après l’APCE, ces chiffres sont
plus élevés puisque plus d’un jeune sur deux (54% des sondés) s’oriente vers la création d’entreprise
afin de devenir indépendant.
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30
Source: Tremblay Maripier, Audet Josée et Gasse Yvon, Aspirants Entrepreneurs : le cas de la génération Y (2010)
Figure 16 : Principales motivations selon l'étude de l’université Laval, Canada
Du côté des motivations, les Y ont des attentes qui leurs sont spécifiques. Si les traditionnalistes
étaient motivés par le fait de nourrir la famille et les membres de la génération X étaient motivés par
le goût du challenge, on constate que les motivations des Y sont plus nombreuses et variées. En effet,
quatre motivations se distinguent assez nettement d’après différentes études (APCE, 2010 ; ILM,
2011 et Tremblay et al., 2010).
Avant tout, les Y sont motivés par un besoin d’autonomie et d’indépendance. En effet, comme
stipulé précédemment, près de 54% des sondés ont manifesté leur désir d’indépendance comme
motivation principale à la création d’entreprise. D’après ILM, un jeune sur trois attend de pouvoir
travailler librement, avec autonomie. D’après le travail de recherche mené par Tremblay et ses
collègues au Canada, ils ne sont que 17%. Cette dernière donnée doit cependant être relativisée
étant donné la différence entre les méthodes statistiques utilisées. Alors que l’ensemble des études
est basée sur des questions à choix multiples, celle menée par les chercheurs canadiens utilise le
principe de choix unique. Il faut noter aussi que 20% des personnes concernées n’ont pas exprimé
leurs motivations. Ce qu’il est intéressant de constater, en revanche, est que selon eux le besoin
d’autonomie et de liberté est le second besoin le plus important pour les jeunes, derrière le besoin
d’accomplissement.
3%
7%
8%
15%
17%
19%
31%
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35%
Besoin de reconnaissance
Besoin de pouvoir
Besoin de défis/ambition
Poursuivre sa passion
Besoin d’autonomie et de liberté
Information non disponible
Besoin d’accomplissement
Motivations (Attention : choix unique)
% de la population ayant choisi cette réponse
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31
Source: APCE - Agence Pour la Création d’Entreprises, Les jeunes et l’intention entrepreneuriale (2010)
Figure 17 : Principales motivations selon l'étude de l’APCE
Résolument décidés à devenir indépendants (un jeune sur deux), ils sont aussi plus d’un jeune sur
trois à vouloir monter leur entreprise dans un but d’épanouissement. En effet, on constate d’après le
sondage de l’APCE que 38% des jeunes interrogés mettent en avant ce besoin d’épanouissement
comme motivation à créer une entreprise. Frustrés et déconnectés du monde du travail (comme vu
dans l’introduction), ils cherchent à sortir de ce système, trop rigide à leurs yeux, ne collant pas avec
leurs exigences professionnelles. L’étude menée au Canada arrive aux mêmes statistiques avec 31%
des jeunes étudiés.
Plus loin derrière apparaissent deux autres besoins des Y : les besoins de challenge et responsabilités.
Si près de 56% des sondés souhaitent obtenir plus de responsabilités au quotidien dans leur travail,
d’après ILM, ils ne sont que 7% à créer une entreprise pour avoir plus de pouvoir et responsabilités,
d’après l’étude canadienne. Les Y ont un vrai besoin de responsabilités dans leur travail mais n’en
font pas une priorité pour la création d’entreprise. De même pour le besoin de challenge, si 30% des
jeunes estiment rechercher un challenge lors d’un choix multiple, d’après l’APCE, ils ne sont plus que
8% lorsqu’ils n’ont droit qu’à une seule réponse. Les jeunes ont un goût pour le challenge comme
leurs ainés les X mais comme pour le besoin de responsabilités ils n’en font pas leur priorité lors de la
création d’entreprise.
Enfin, les besoins de sens et d’accompagnement, très présents au sein des entreprises, ont beaucoup
moins d’importance dans le cadre entrepreneurial. De fait, si ces besoins sont caractérisés dans le
monde du travail (56% des jeunes souhaitent être coachés par leur manager), ils ne trouvent pas
vraiment de sens dans l’entrepreneuriat. En effet, s’il semble évident que tout entrepreneur trouve
du sens à monter son entreprise, il semble peu probable qu’il ne prenne des risques, investisse du
temps, et de l’argent, uniquement pour donner du sens à sa vie. De même pour le besoin
30%
30%
38%
54%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
Réaliser un rêve
Se lancer un défi
S'épanouir
Etre indépendant
Motivations principales pour la création d'entreprise
% de la population ayant choisi cette motivation
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32
d’accompagnement, un individu montant son entreprise devient son propre patron et ne
recherchera de fait plus un mentor pour le guider.
En conclusion, les Y sont avant tout motivés par des besoins d’autonomie et d’épanouissement, qui
priment par-dessus toute autre motivation. Loin derrière, et beaucoup moins exprimés, les besoins
de challenge et de pouvoir représentent des motivations secondaires non négligeables. Enfin, s’ils
sont très présents dans le monde du travail, les besoins de sens et d’accompagnement ne sont pas
significatifs dans la sphère entrepreneuriale et n’intéressent que peu les entrepreneurs Y.
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33
CHAPTRE IV : CONCLUSION
5.1. Conclusion
La confrontation des données quantitatives collectées avec le modèle théorique construit a permis
d’ajuster le modèle initial, en constatant notamment que :
- les qualités de bâtisseur et de curiosité de notre hypothèse n’ont pas pu être démontrées
quantitativement. De fait, elles ont été retirées du modèle théorique initial ;
- les motivations de sens et d’accompagnement ne sont pas pertinentes dans le cadre
entrepreneurial mais seulement dans le cadre du travail en tant qu’employé. Elles ont donc
aussi été retirées du modèle théorique ;
- deux qualités non prévues dans le modèle initial ont été fortement visibles
quantitativement : l’expérience en tant qu’employé et l’intégrité. Ces deux qualités ont été
rajoutées dans le modèle final de l’entrepreneur Y.
En conclusion, les résultats obtenus nous laissent effectivement penser qu’il existe un profil
spécifique d’entrepreneur Y. En effet, s’il parait bien exister des compétences communes à tout
entrepreneur qui traversent les générations, il semblerait que chaque génération apporte son lot de
Figure 18 : Profil obtenu d'un entrepreneur Y
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34
spécificités. C’est du moins le cas de la génération Y qui modifie la donne en utilisant davantage les
NTIC mais également en ayant des besoins plus nombreux et plus complexes que ses prédécesseurs.
5.2. Recherches futures
Etant donné que la présente recherche se base essentiellement sur un lot d’études quantitatives
menées par différents organismes, il serait intéressant de conduire une expérimentation spécifique
pour revérifier ce modèle selon deux approches :
- D’un point de vue global, tester la génération Y à l’école afin d’adapter les formations aux
besoins des étudiants et des entreprises. Dans l’éventualité d’une étude spécifique à un
établissement, cette étude permettrait en outre de détecter le potentiel entrepreneurial au
sein de l’école et ainsi accompagner et aider les étudiants ayant des projets
entrepreneuriaux.
- D’un point de vue global, tester la génération Y au travail afin d’adapter les pratiques
managériales dans les entreprises. Dans l’optique d’une étude propre à une entreprise, cette
étude permettrait en outre de détecter le potentiel entrepreneurial au sein de l’entreprise et
d’améliorer la gestion de carrière de ces salariés et de les accompagner dans une démarche
intrapreneuriale plutôt que de les voir à terme partir et constituer une concurrence nouvelle.
L’étude de l’existence d’un profil d’entrepreneur Y ouvre la voie vers d’autres interrogations
susceptibles d’intéresser les chercheurs. La recherche a permis de constater que les qualités
d’entrepreneur passaient avant tout par la poursuite d’études et l’expérience professionnelle acquise
en tant qu’employé. Il pourrait de fait être intéressant de se poser la question du rôle des formations
professionnelles (notamment apprentissage et alternance) dans l’entrepreneuriat et de chercher à
constater si ces formations développent mieux le potentiel entrepreneurial des étudiants que les
formations classiques et les formations spécifiques à l’entrepreneur. Dans l’éventualité d’une
réponse positive, cela ouvrirait une voie vers la création de nouveaux types de formation autour de
l’entrepreneuriat pour les jeunes.
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35
5.3. Bibliographie
5.3.1. Livres et articles
Bjerke, B. - Understanding entrepreneurship (2007), Edward Elgar Publishing Pouget, J. - Intégrer et manager la génération Y (2010), Vuibert Strauss, W. & Howe, N. - Millennials Rising: The Next Great Generation (2000), Vintage Books Donnat, O. - Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique (2009), La Découverte
Bolton, B. & Thompson, J. - The entrepreneur in focus: achieve your potential (2003), Thomson
Learning
Kuratko, D. - Entrepreneurship: Theory, Process, and Practice (2003), South-Western College Pub
Ibert, J. ; Baumard, P. ; Donada, C. ; Xuereb, J.M. – Méthodologie de la recherche en gestion (1999),
Nathan
5.3.2. Travaux de recherche / Rapports
APCE - Agence Pour la Création d’Entreprises
Les jeunes et l’intention entrepreneuriale (2010) http://www.apce.com/cid97498/les-jeunes-et-l-intention-entrepreneuriale.html?pid=264
BVA pour l’AFPA
Enquête sur la formation professionnelle : regards croisés DRH / Chefs d’entreprises et jeunes (2005) http://www.bva.fr/administration/data/sondage/sondage_fiche/926/fichier_sondage_bva_pour_lafpa_-
_regards_croises_sur_la_formation_professionnelle8cfaa.pdf
ComScore
The 2010 Europe Digital Year in Review (2010) http://www.comscore.com/Press_Events/Presentations_Whitepapers/2011/2010_Europe_Digital_Year_in_Review
Deloitte
Who Are the Millennials? A.k.a. Generation Y (2009) http://www.deloitte.com/view/en_US/us/article/0ec81ea66dffd110VgnVCM100000ba42f00aRCRD.htm
Ernst & Young
Nature or nurture? Decoding the DNA of the entrepreneur (2011) http://www.ey.com/GL/en/Services/Strategic-Growth-Markets/Nature-or-nurture--Decoding-the-DNA-of-the-entrepreneur
Eurostat
L’Europe en chiffres (2009) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-EI-08-001/FR/KS-EI-08-001-FR.PDF
IABC (Reynolds, L. - Campbell Bush, E. - Geist, R.)
The Gen Y Imperative (2008) http://www.emerginghealthleaders.ca/resources/Reynolds-GenY.pdf
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Antony BLAIN
36
Institut national d’études démographiques
Population et Sociétés – Tous les pays du monde (2011) http://www.ined.fr/fichier/t_telechargement/38153/telechargement_fichier_fr_publi_pdf1_480.pdf
Institute of Leadership & Management
Great expectations: managing Generation Y (2011) http://www.i-l-m.com/research-and-comment/generationy.aspx
Institute for the Future
Intuit future of small business report (2007) http://http-download.intuit.com/http.intuit/CMO/intuit/futureofsmallbusiness/SR-1037_intuit_SmallBiz_Demog.pdf
Johnson Controls
Generation Y and the workplace, annual report 2010 (2010) http://www.haworth.it/it/content/download/8985/545554/file/Oxygenz-Report_2010_EN.pdf
Ministère de la culture et de la communication
Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique / Éléments de synthèse 1997-2008 (2009) http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf
OpinionWay pour KPMG
La Generation Y face à l’entreprise (2010) http://www.opinion-way.com/pdf/opinionway-kpmg_-_la_generation_y_face_a_l'entreprise_v2.pdf
PewInternet, a project of the PewResearchCenter
Generations 2010 (2010) http://www.pewinternet.org/Reports/2010/Generations-2010.aspx
Tremblay Maripier, Audet Josée et Gasse Yvon
Aspirants Entrepreneurs : le cas de la génération Y (2010) http://www.fsa.ulaval.ca/sirul/2010-001.pdf
5.3.3. Articles sur Internet
FduMagazine Online
Mixing and Managing four generations of employees (2005) http://www.fdu.edu/newspubs/magazine/05ws/generations.htm
United Nations Statistics Division
Régions développées (2011) http://unstats.un.org/unsd/methods/m49/m49regnf.htm#developed