Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003
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Equipe : INRP, Département de Didactique des disciplines
DOUAIRE Jacques (INRP-IUFM de Versailles- Mathématiques)
ALLIEU-MARY Nicole (INRP- Histoire-Géogrphie)
HUBERT Christiane (INRP-IUFM de Créteil- Philosophie)
FILLON Pierre (INRP-Physique-Chimie)
PETERFALVI Brigitte (INRP- SVT)
PLANE Sylvie (INRP- IUFM de Paris- Français)
VERILLON Pierre (INRP- Technologie)
L’ARGUMENTATION A TRAVERS LES DISCIPLINES EN CLASSE DE 5ème
Mots clés : Argumentation - construction de connaissances - posture disciplinaire - enjeu
épistémologique –situations didactiques
1- PRESENTATION
Problématiques
L'introduction en classe de débats argumentatifs, portant sur des enjeux d’élaboration
d’une production commune à un groupe, ou de validation de résultats, pose la question du
statut de l’argumentation dans la discipline et des modifications qu’elle introduit par rapport
au modèle courant de la discipline scolaire.
Quelles sont les compétences, notamment langagières, construites lors de ces
débats ? Comment des élèves différencient-ils les débats menés dans différentes
disciplines ? Quelles sont les connaissances ou conceptualisations élaborées dans ces
débats ? Ce sont notamment à ces questions que cherche à répondre la recherche
«Argumentation et démonstration dans les débats et discussion en classe »,1 à la quelle
participent des équipes des IUFM d’Alsace, d’Aquitaine, de Bourgogne, des Pays de la Loire
1 Recherche INRP. (2000-2003),Responsable J. Colomb
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et de Picardie. Cette recherche a pour buts de préciser les finalités, les fonctionnements et
les statuts de l’argumentation dans différentes disciplines au primaire et au secondaire.
Dans le cadre de cette recherche une équipe pluridisciplinaire (français, histoire-
géographie, mathématiques, physique-chimie-SVT, technologie) du département de
Didactique des disciplines de l’INRP a expérimenté et analysé des débats argumentatifs
dans des classes de 5ème principalement de collèges en REP de la région parisienne. Nous
souhaitons simplement, lors de ce symposium faire part de quelques questions liées à ces
expérimentations, sans chercher pas à exposer des problématiques ou des apports élaborés
avec les équipes des IUFM cités précédemment . Ceci sera l’objet, à l’issue de la recherche,
de publications ou de communications ultérieures, mais, les échanges avec ces différentes
équipes ont bien évidemment nourri notre réflexion.
Expérimentation
Chacun des membres de cette équipe de l’INRP est engagé par ailleurs sur des
recherches spécifiques à la didactique de sa discipline pouvant porter ou non sur des objets
voisins de l’argumentation. Mais la volonté de clarifier le rôle des débats argumentatifs dans
les apprentissages disciplinaires nous a amenés à convaincre des enseignants de 5ème de
prendre en charge ensemble une classe d’un collège en ZEP de Gennevilliers (92) dans
laquelle ils participeraient à cette expérimentation. Les élèves de cette classe ont donc vécu,
toutes disciplines confondues, une vingtaine de séances présentant des débats argumentatifs
en petits groupes ou en classe entière. Ceci nous a permis aussi d’analyser plus
particulièrement les conduites argumentatives de quelques élèves. Dans un autre collège
dans le Val d’Oise des conditions voisines avaient été mises en place mais ont pu aboutir
simplement à des analyses internes à chaque discipline. Les expérimentations en
Technologie s’appuient sur d’autres classes.
Le choix du niveau de la 5ème était doublement conditionné par l’absence d’un
enseignement de la physique en 6ème, et par les risques qu’aurait fait courir à l’étude de
productions langagières orales et privées l’enseignement de la démonstration, souvent
accompagné de formes langagières types, à partir de la 4ème.
Des travaux antérieurs menés sur l’argumentation en psycho-linguistique, en
mathématiques, nous avaient permis de cadrer les compétences argumentatives des élèves
et d’adhérer progressivement à des enjeux et méthodes communes.
Méthodologie
Le contenu d’enseignement a été choisi avec le professeur selon des formes de travail
qui lui paraissaient réalisables. Les séquences comprenaient des moments de débat soit en
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petits groupes pour élaborer une production (argumentaire, résultat, proposition ou jugement),
soit collectifs pour formuler et débattre de ces productions. Suivant les situations un ou
plusieurs de ces échanges ont été enregistrés (son et image). L’étude des argumentations
développées s’est centrée sur :
- la dynamique des interactions dialoguées
- les raisonnements mis en œuvre
- le recours ou l’élaboration de connaissances disciplinaires
Nous avons recherché des axes d’analyse communs qui permettent d’expliciter les
convergences et divergences entre les disciplines, afin de prendre en compte la manière
dont les fondements épistémologiques et institutionnels des disciplines conditionnent des
aspects des pratiques d’argumentation. L’analyse des situations de débats expérimentées
s’appuie sur plusieurs critères :
- l’enjeu épistémologique au sein de ces disciplines scolaires (établir le vrai, préciser
le champ des possibles…) et les effets de ces pratiques sur les apprentissages (construction
de postures disciplinaires, conceptualisation, …) ;
- le rôle de l’argumentation dans des moments didactiques diversifiés (formuler un
questionnement, expliquer un phénomène, organiser des données, décider d’une action,
rendre compte d’une expérience, valider une production,…);
- la nature des échanges : les interactions entre les élèves et le rôle des interventions
de l’enseignant;
- le type d’argument utilisés par les élèves (recours à l’expérience personnelle,
sociale ou scolaire, à des connaissances disciplinaires, à des raisonnements,…) ;
- les caractéristiques des situations didactiques.
2- ARGUMENTER AU COLLEGE EN HISTOIRE-GEOGRAPHIE 2
Les axes de la recherche pour la didactique de l’Histoire-Géographie
Les programmes de 1996 font de l’argumentation un objectif de première
importance pour le collège en Histoire-Géographie. Sa pratique étant considérée - dans les
Instructions Officielles et leurs textes d’Accompagnements - comme « l’outil privilégié de
l’acquisition des connaissances et de la mémorisation », les enseignants sont invités à
« placer cet apprentissage au premier plan de leurs pratiques pédagogiques » : d’une part,
en organisant des débats nourris d’arguments ; d’autre part, en préparant leurs élèves aux
2 Nicole Allieu-Mary
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nouvelles épreuves du Brevet des collèges qui introduisent la construction de deux
paragraphes dits argumentés en Histoire ou Géographie et en Éducation civique.
Or les recherches en didactique de l’Histoire et de la Géographie, prenant acte de la
singularité des disciplines scolaires (Chervel, 1988) se sont penchées, dans un premier
temps, sur les formes courantes de leur enseignement. Elles ont mis en évidence l’existence
d’un modèle dominant, celui du cours dit dialogué (Audigier, 1993), dans lequel les
enseignants mettent en récit, sous forme de boucles didactiques (Audigier, Crémieux,
Mousseau, 1996), des résultats supposés acquis, des faits, le tout sans débat critique dans
la mesure où la finalité consciente (ou inconsciente) de fabriquer du consensus, du lien
social, par l’enseignement de savoirs considérés comme un patrimoine commun, l’emporte.
Ainsi, le jeu dialogual (question/réponse/évaluation/formalisation/compléments) ne laisse
que peu de place à une argumentation véritablement assumée par les élèves. L’enseignant
déroule le texte de l’Histoire-Géographie à apprendre en l’illustrant par des documents
choisis pour leur efficacité pédagogique. L’argumentation didactique cachée (Tutiaux-
Guillon, 1998) repose sur un subtil système : le maître dit la réalité des choses ; le « lubrifiant
pédagogique » est supposé recueillir l’adhésion des élèves ; le « régime de vérité » du texte
de l’Histoire-Géographie enseignée et à apprendre est celui de l’autorité.
Introduire ces pratiques argumentatives représente par conséquent de réels enjeux :
- sur le plan civique, en favorisant, par des interactions entre pairs (dans le respect
des différences), la construction d’un citoyen éclairé entre tolérance à l’opinion d’autrui et
refus d’un relativisme absolu ;
- sur le plan pédagogique, en instaurant un nouveau rapport maître/élèves, en
développant l’autonomie, en privilégiant une conception socio-constructiviste de
l’apprentissage ;
- sur le plan de l’épistémologie scolaire, principalement. D’une part, en permettant de
développer chez les élèves une posture située dans le double registre du COMPRENDRE-
EXPLIQUER (Ricoeur, 1955) où, comme dans les sciences homonymes, l’argumentation est
au centre du processus de construction-exposition des savoirs (Prost, 1996 ; Lautier, 1996).
D’autre part, en favorisant le développement d’une prise de distance critique par le recours à
des débats argumentés.
Cet apparent paradoxe entre demande institutionnelle et pratiques courantes
d’enseignement invite à poser une question de recherche : en quoi l’introduction de
l’argumentation comme pratique pédagogique nouvelle dans l’enseignement de l’histoire et
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de la géographie est-elle susceptible de modifier le modèle normal de la discipline scolaire,
voire le paradigme pédagogique ? (Bruter, 1993)
Le dispositif de recherche mis en place a permis de recueillir des observations dans trois
classes de cinquième situées dans des collèges différents. Cette recherche exploratoire,
descriptive-interprétative, permet – à son stade actuel – d’avancer quelques éléments de
réflexion sur les questions suivantes :
1- des élèves de collège auxquels on propose des espaces de discussion-débat dans
des cours d’Histoire-Géographie s’en saisissent-ils en argumentant réellement ? comment ?
si non, quelles difficultés rencontrent-ils ?
2- les temps d’argumentation observés permettent-ils de repérer quelque chose d’une
« posture disciplinaire » : argumentation en Histoire-Géographie, usages de la géographie
scolaire, raisonnements spécifiques ?
Entrer en argumentation
C’est une question que nous ne nous étions pas posée initialement. En effet les
travaux sur le développement des conduites argumentatives (Golder, 1996) montrent la
précocité de la capacité à argumenter pour de jeunes enfants dans le cadre de la vie
quotidienne. Il s’avère cependant que les tâches scolaires nécessitant une argumentation ne
sont pas « naturellement » à la portée de tous les élèves au niveau cinquième. Les situations
didactiques observées ont mis chacune en évidence des obstacles à l’argumentation, pistes
de réflexion non exhaustives : difficulté à communiquer avec ses pairs sur des objets où
l’implication personnelle est forte ; absence de représentation opératoire de l’attente scolaire
en matière d’argumentation ; complexité à gérer la place de ce que Ricoeur nomme les
« coïncidences émotionnelles ».
Ce dernier point paraît central pour la compréhension des mécanismes
d’appropriation des savoirs historiques et géographiques. Ainsi l’Histoire - essence de
l’homme pour reprendre les termes d’Aron - entretient naturellement avec ceux qui entrent
en commerce avec elle, un rapport privé. L’équilibre entre compréhension et distanciation
qu’elle engendre chez l’élève est complexe. L’un des corpus analysés, parce que le dispositif
permettait la libre parole des élèves, montre la force de ce langage en première personne
quand il est autorisé (extrait 1 SP, Stéphanie, Aurélie P.). L’analyse sémantique du contenu
des interlocutions montre que les prises de position (sur un objet disciplinaire : la richesse ou
la pauvreté du continent africain) empruntent quasiment toujours un chemin personnel, soit
dans le registre affectif, soit en affirmant une vision du monde. Et il semble (dans l’état actuel
du traitement des données) qu’une trop grande implication fasse obstacle au raisonnement
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économique et géographique3, mais que s’affirmer au nom du JE peut être un moyen pour
mettre à distance le savoir et l’objectiver. Une hypothèse : ces discussions et débats, où
l’expression en première personne est sollicitée, pourraient permettre de travailler le
« sociocentrisme » dont certains élèves (Extrait 2 SP, François) sont l’objet. Une piste pour
proposer des situations didactiques permettant un travail sur la dialogique Mêmeté-Altérité
(Lautier, 1997).
Acquérir une posture disciplinaire
Les séquences observées, fortement « théâtralisées » et portant sur des sujets de
société, pouvaient être perçues par les élèves comme non-disciplinaires, davantage
centrées sur la persuasion que la conviction : organisation de la coupe du monde de football,
demande d’aide auprès de l’ONU, débat à partir d’un photo-langage. Le corpus constitué a
donc fait l’objet d’une analyse ciblée sur les aspects disciplinaires de l’argumentation
développée. Comment des élèves de cinquième intègrent-ils certaines des exigences
épistémologiques de la géographie scolaire ? Trois niveaux, correspondant à des grains
d’analyse des interlocutions différents, ont permis plusieurs constats.
D’une part, à un niveau « macro » (le corpus étant pris dans sa globalité), les élèves
argumentent en Histoire-Géographie : il est certes impossible de repérer nominativement ce
qui est réellement construit par chaque élève mais l’analyse de plusieurs débats en petits
groupes, sans intervention enseignante, montre : l’utilisation spontanée d’un vocabulaire
spécifique (notions de géographie) voire le recours à des entités globales pour penser une
société donnée4 ; la manipulation de grilles d’analyse aux critères géographico-économiques
permettant de catégoriser un État quant à son stade de développement ; le choix d’étayages
(faits ou raisonnements) appartenant au registre historico-géographique ; des traces d’une
conception articulée de la discipline scolaire qui puise ses arguments dans l’ensemble du
champ des sciences sociales ; la nature complexe de certains schémas explicatifs ; la
recherche, pour expliquer, de circuits de causalité ; l’inscription des argumentations dans des
champs paradigmatiques (rapports dialogiques hommes-nature ou conception sociale d’une
géographie qui convoque des savoirs construits ailleurs) identifiables ; voire, le recours à des
modèles explicatifs construits en Histoire (développement par le machinisme) et transférable
à une situation jugée voisine. Certes le suivi de certains élèves révèle une grande
3 Stéphanie restera tout au long de la séquence dans le pathos. 4 Extrait 2 SP, Caroline. Pour répondre à François, qui brandit un document représentant des nomades sous leur tente, elle défend une argumentation plus abstraite et décentrée : il existe des modes de vie différents (nomades et sédentaires) ; ce qui les distingue n’est pas affaire de richesse ou de pauvreté, mais de modes de vie.
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hétérogénéité dans cette posture disciplinaire, mais les échanges montrent que petits ou
grands parleurs partagent un champ de références communes.
Dans un second registre, à une échelle intermédiaire (bloc constitué par le travail
d’un groupe centré sur une tâche), les observations montrent qu’à partir des postures
développées par certains élèves très présents dans les interlocutions, les discussions se
structurent de manière différente selon les groupes, faisant état d’usages différenciés de la
géographie scolaire. L’analyse des groupes de AW est révélatrice. Trois groupes, ayant
pourtant bénéficiés d’un enseignement identique, développent des conceptions différentes
de la géographie telle qu’elle est perçue à l’école : un modèle pour lire le monde de manière
politico-économique (Extrait 2 AW, 4a - Lamia) ; un outil pour posséder le monde en le
catégorisant (Groupe Éthiopie – AW - Sarah5) ; la reproduction de représentations sociales
largement dominantes en Occident (Extrait non reproduit, Othman).
- Raisonner en géographie ? Au niveau d’une intervention ou d’échanges brefs entre
élèves, des raisonnements (combinaison, articulation d’inférences) venant étayer les prises
de position sont repérables.
Les observations ont montré – au stade où nous en sommes – à la fois une certaine variété
et l’émergence de raisonnements prototypiques qui sont à interroger sur le plan épistémique.
a) des schémas inférentiels (schéma Lamia), soit linéaires (type causal), soit en
« boucle » (cercles vicieux ou vertueux) ;
b) des raisonnements « par le contraire » : penser la différence en référence au
modèle connu (Extrait 2 SP – François, tableau) ;
c) l’usage de métaphores ;
d) des raisonnement analogiques (fréquents mais difficiles à repérer car
incomplètement énoncés) ;
e) des raisonnements complexes déroulant plusieurs logiques en parallèles (Extrait
SP1, Yohann)
Cette recherche soulève de nombreuses questions dans la mesure où elle s’appuie
sur un nombre restreint d’observations. Pour les raisons méthodologiques énoncées plus
haut, l’argumentation saisie ne concerne pas des phases de construction de notions, mais la
manipulation de savoirs élaborés en amont. Il est difficile (sauf quelques rares cas)
d’analyser ce que des élèves ont pu construire au cours de ces interlocutions. Elle met
néanmoins en évidence la place nécessaire d’un « étayage épistémologique » que doit
5 Ses interventions constituent la trame du travail du groupe : chacune d’entre elles « lance » le groupe sur l’exploration d’une dimension économico-géographique.
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endosser l’enseignant. Sans la problématisation que lui seul est capable de proposer
(surtout au niveau du collège) les argumentations développées de manière souvent
pertinentes par les élèves ne permettent pas de modifier, pour le groupe, le statut des
savoirs interrogés.
ANNEXES
Extrait 1 SP
1 - Aurélie P. GR : Cette carte (le père et l’enfant) je l’ai choisie parce que déjà je la trouve
très jolie et aussi parce que je trouve que les Africains, le continent africain, c’est des gens
qui ont souffert et tout ça, mais leur seul espoir c’est leur enfant, et l’amour pour leur enfant.
2 - Stéphanie : elle dit que les parents ils aiment leurs enfants mais moi je suis pas d’accord,
parce que s’ils aimaient leurs enfants, ils en feraient pas parce que là ils sont pauvres et ils
les voient souffrir, et j’aime pas moi.
3 - Aurélie P.GR : moi je crois que le plus important c’est l’amour et pas simplement j’ai
trop…. C’est pas parce qu’on a beaucoup d’enfants qu’on a beaucoup de problèmes. C’est
tout à fait le contraire.
4 - Julie B. CA : En plus si ils avaient pas beaucoup d’enfants il en aurait beaucoup moins.
5 - Aurélie L. : en fait Stéphanie se transforme en journaliste bête qu’on a vu sur le dessin
(voir dessin 9), parce que comme ils ont dit sur le dessin s’ils font plein d’enfants c’est leur
richesse, ils mettent tout leur amour peut-être qu’ils ont pas eu quand ils étaient jeunes, et
pour survivre ils sont bien obligés d’en avoir.
Extrait 2 SP
21 - François : nous on a notre cheminée chez nous, la plupart enfin, en vacances par
exemple, on en a des cheminées, nous on est dans le canapé tranquilles, la télé. Eux la
cheminée c’est ça : pour eux, dehors, un bout de bois du feu c’est tout. Voilà ils se
réchauffent avec ça seulement. (il a choisi une carte d’un nomade faisant du feu, une carte
de bidonville, une où des enfants dorment dehors, une carte avec une variété de pains).
Alors que eux, puis ce qu’ils mangent c’est dégueulasse, nous on aime bien ça là , des bons
pains, des pains au chocolat et tout, des pains au raisins et des croissants tout ça. Le matin,
bien tranquilles. Eux voilà ils meurent dans les détritus, ils mangent ce qu’il y a par terre,
avec des rats, des souris ça se trouve. Il justifie après son choix pour SP : C’est pour
montrer l’enfant qui dort. A noël il aura rien, eux après ils peuvent regarder la télé et tout : à
noël ils ont des cadeaux, tout ça et tout, ils vont à Disney land.
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22 - Humblot : C’est pour revenir à Aurélie, moi je pense qu’en Afrique ou partout ailleurs
dans le sud, la naissance ça sera peut-être la nouvelle ( quelqu’un souffle : existence),
existence, le renouveau du sud (quelqu’un souffle de l’Afrique). Les enfants ils vont trouver
quelque chose pour s’en sortir et à force l’Afrique elle aura….
23 – Caroline Delbecq : Je suis pas d’accord avec François (je crois qu’elle conteste le
choix de la photo du nomade qui fait un feu comme argument de pauvreté) parce que les
nomades c’est pas pauvres c’est riche, (quelqu’un dit caravaniers) c’est leur désert à eux.
(confus) c’est comme nous on est des sédentaires, c’est notre mode de vie, que eux c’est
nomades c’est pas pauvres.
Extrait 3 AW
Il s’agit du groupe « Algérie »
a : Lamia (parle beaucoup),
b : Shérazade (timide),
c : Siabou.
Il y a une voix de garçon : Siabou
Une voix de fille lit la consigne.
1 –a - et moi franchement j’ai une idée, venez on fait l’Algérie
2 – a - Moi je dis on est des représentants de l’Algérie.
3 – b – ils disent même pas c’est quel pays
4 – a – vas y moi ce que je dis, eh écoutez moi. On est l’Algérie, on est les représentants et
tout ça ; en fait ce que je voulais faire, on est les représentants, t’as vu dans le truc, dans
notre cahier, on avait dit que , on avait écrit que le Maghreb, il faisait du commerce avec
l’Europe et tout ça, on dit vas y l’Algérie elle fait beaucoup plus de commerce, elle fait
beaucoup plus de commerce, je sais pas moi elle exporte beaucoup plus de marchandises,
de premières matières, de trucs industriels, d’activités industrielles avec l’Europe et t’as vu
après avec cet argent, on construit des bâtiments, on donne la moi.., d’un côté on permet à
l’état de s’enrichir et de l’autre côté on construit des bâtiments, avec l’argent de l’état , elle
peut arrêter
5 – c – Les écoles
6 – a – elle peut arrêter les guerres, avec …et tout ça…bon c’est une idée
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Groupe Éthiopie – AW – Sarah
Pour répondre à la question [82] « d’abord il faut dire un pays », elle balaye plusieurs
indicateurs - alors que visiblement elle n’en maîtrise pas forcément le contenu - et entraîne
avec elle le groupe ce qui donne à la structure d’ensemble :
- 14 : où ? [localisation]
- 20-21 : Afrique sèche ou Afrique humide ? [quelle zone climatique ?]
- 75 : peuplement [répartition]
- 92 : PIB par habitant [richesse économique] peut-être confondu avec revenus
- 114 : taux de croissance naturelle
- 129 : ? [richesse du pays ?]
- 167 : taux de développement [ ?]
Exemples de raisonnements structurant des argumentations
a. type chaînage inférentiel, Lamia
Choix initial : le raisonnement est là pour « étayer » un choix : « on fait l’Algérie » [1].
L’objectif (« arrêter les guerres » [6]) est repris en [25c] (« le problème c’est quoi ? c’est qu’il
y a des guerres ») et en [53] (« le problème c’était les guerres civiles »).
Elle développe alors un raisonnement politico-économique (1a- 4 a- 6a) :
départ : une connaissance acquise en cours (« dans notre cahier (…)on avait écrit ») :
existence d’un commerce Maghreb-Europe
+ solution : l’Algérie fait beaucoup plus de commerce (justification du choix 1 a « on fait
l’Algérie » par un argument : elle peut encore développer son commerce)
[Lamia est dans un processus dynamique qui « part » de l’Algérie : grâce à l’argent de
l’ONU, elle développe ses activités industrielles… i.e. l’argent de l’ONU ne sert pas
directement à construire des bâtiments, etc. son raisonnement privilégie le rôle de l’État qui
intervient dans le domaine économique]
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chaînage : exporte marchandises, matières premières, trucs industriels, d’activités
industrielles avec l’Europe
argent
enrichissement État
« d’un côté on permet à l’État de s’enrichir et de l’autre côté, construction
bâtiments »
elle peut arrêter les guerres (6a)
[recours à un lien de causalité (quand on a de l’argent, on peut arrêter les guerres)
s’appuyant sur une hypothèse non explicitée : la cause des guerres en Algérie provient des
mauvaises conditions de vie, bidonvilles…]
renforcement (14a) bâtiments → plus de bidonvilles
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b. Extrait SP1 : raisonnement complexe
54 – Yohan : Moi j’ai choisi cette photo là qui représente du chocolat6 pour représenter la
richesse de l’Afrique, en chocolat, en cacao et en café. Et cette photo là pour montrer qu’on
les rabat7, qu’on les rabaisse, qu’on se moque d’eux, et tout ça et aussi y a dans le cahier le
prix du café en 1989 (SP précise du cacao), oui mais y a les deux, du café en 1989, c’était à
200 F et là en 1993 c’est 60. Et le cacao en 89 c’était à 400, et là en 93 c’est à 200. Donc
c’était pour dire que voilà. Ils sont riches mais c’est nous on les enfonce, on les rabaisse,
parce qu’on baisse les prix, tout ça et voilà c’est tout.
Nous pouvons en effet schématiser ainsi le raisonnement de Yohan
l’Afrique est riche ET on les « enfonce »
(« en chocolat, en cacao et en café »)
[l’argument-photo suggère que
des gens riches en consomment]
« on les rabat, on les rabaisse, et « du café en
1989, c’était à 200 F
on se moque d’eux et tout ça » aussi et là en 1993 c’est 60.
Et le cacao en 89 c’était 400,
et là en 93 c’est à 200. (…)….
On les enfonce, parce qu’on
baisse les prix… et voilà tout »
6 il ne s’agit pas d’un tas de graines de cacao en vrac, mais d’un plateau où trône une tasse (en argent ?) ciselée et des chocolats ( ?) posés sur un plateau. 7 Il s’agit de la publicité désormais classique du « y’a bon… banania ».
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c. extrait SP2 -Raisonnement point par point
Nous Eux
21. Cheminée, vacances, canapé, télé
Des bons pains, des pains au chocolat, des
pains aux raisins et des croissants
Cadeaux, Noël, Disney Land
27. appartement
voiture
collège
levé 7 h 30
21. Un bout de bois
Ce qu’ils mangent c’est dégueulasse, ce qu’il
y a par terre, des rats, des souris
Pas de noël
27. « la-dedans » (bidonville)
à pieds
enfants au travail
lever 4 h
3- ARGUMENTER EN MATHEMATIQUES 8
A- Problématiques et méthodes
Quelles fonctions pour l’argumentation en mathématiques
Les apprentissages mathématiques s’appuient de façon essentielle sur des phases
de résolution de problème, en particulier lors de la découverte d’une connaissance nouvelle
(notamment si les conceptions des élèves font obstacle), ou lors de son réinvestissement
dans un nouveau contexte. Mais la résolution du problème ne s’achève pas par la recherche
d’une solution, il est nécessaire que celle-ci soit explicitée et critiquée. Dans les phases de
recherche, d’élaboration d’une solution (conjecture, résultat, méthode, proposition),
l’argumentation appuie une heuristique individuelle ou collective : construction d’une
représentation progressive de la tâche, formulation d’hypothèses… les débats visent la
construction d’une solution commune. Dans les phases de validation, qui, à la fin du cycle 3
du primaire ou au début du collège, s’appuient principalement sur la formulation et la critique
orales des productions, les débats argumentatifs ont alors pour but l’élaboration de preuves
mathématiques. Comme dans toute argumentation prise dans un domaine scientifique bien
défini, l’argumentation en mathématique vise deux buts : convaincre un auditoire (ici
représenté par un groupe d’élèves ou par la classe) et établir le vrai ou le vraisemblable
selon des critères qui sont progressivement élaborés. Il est toutefois important de distinguer
deux types de débats argumentatifs selon que les jugements sont élaborés, soit pour établir
si une proposition est vraie ou fausse selon les critères de la rationalité, soit pour comparer
8 Jacques Douaire et Christiane Hubert
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des méthodes selon des critères plus « techniques» (fiabilité, rapidité, universalité…). . Les
critères de jugement sont donc différents dans ces deux cas : toutes les tâches de validation
ne consistent donc pas à établir le vrai ou le faux. Or au cycle 3 de l’école primaire les
méthodes de validation élaborées par les élèves ont évolué de la validation pratique, à la
production de raisonnements, en passant par la vérification des contraintes de l’énoncé; ces
processus de validation prennent donc appui sur des constats empiriques basés soit sur
l’évidence de la perception, la mesure, des calculs, ou des savoirs reconnus. Le recours à
ces différents types de validation pose les questions de leur coexistence en fin de cycle 3 et
au début du collège, de leur statut en tant que preuve, ainsi que du changement de régime
de vérité en classe de mathématiques. La construction des connaissances mathématiques
suppose donc que l ‘élève appréhende les critères pour établir le vrai, qu’il les mette en
œuvre et en perçoive la nécessité.
Cette formulation de propositions, et cette élaboration souvent collective de preuves
ainsi que leur critique peut s’effectuer lors de débats dans des groupes ou lors de mises en
commun dont l’existence et l’articulation avec les moments d’institutionnalisation des
connaissances restent très variables selon les classes. Les débats analysés dans cette
expérimentation portent sur ces différents types d’argumentation.
Pourquoi étudier l’argumentation en mathématique en 5ème?
En 5ème les raisonnements déductifs ne sont pas encore élaborés dans un but
d’introduction de la démonstration; celle-ci sera un objet d’étude l’année suivante. Les élèves
n’abordent pas des énoncés types selon des formes parfois contraignantes. Les
raisonnements ne sont pas produits par les élèves principalement en référence à un modèle
enseigné.
En effet, l’enseignement de la démonstration, s’il fait l’objet de plusieurs options
didactiques (centrées selon sur les formes langagières, la structuration des étapes,
l’organisation interne d’un « pas » de déduction, la démonstration comme outil de preuve…)
vise la prise de conscience de la spécificité du raisonnement démonstratif. L’écrit seul
permettant le détachement indispensable pour comprendre comment une démonstration
prouve. Contrairement à l’argumentation mise en œuvre en 5ème, les questions liées à la
rédaction prennent une importance accrue pour les démonstrations à partir de la 4ème .
Présentation des deux séquences observées
Deux situations ont été expérimentées. L’une portait sur la recherche d’un point situé
à égale distance de trois autres. Ce problème a été résolu par le tracé, par recherche
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15
empirique ou avec le recours aux médiatrices, ce recours pouvant lui-même être justifié ou
non par des propriétés. La notion de médiatrice d’un segment avait été abordée quelques
mois auparavant. L’enjeu argumentatif portait sur la critique de résultats (existence de 0,1,
ou plusieurs solutions), des méthodes de résolution (tracés empiriques, recours aux
médiatrices), des méthodes de validation (pratique ou recourrant à des propriétés). Ce
problème permettait donc de mettre en confrontation des types de preuve différents.
L’autre séquence observée proposait de comparer des propositions d’échange en
fonction d’un exemple connu (échanger 12 objets d’une catégorie contre 9 d’une autre). Le
recours à la proportionnalité n’étant pas induit, certains élèves voulaient conserver des
écarts constants de 3, quelque soit le nombre d’objets proposé (échanger par exemple 9
objets de la première catégorie contre 6 de la seconde). Ce thème permettant de repérer
une évolution éventuelle par rapport à des productions observées au primaire où ce type de
règle d’échange privilégiant la conservation d’un écart est fortement présent. L’enjeu
argumentatif portait sur la critique des échanges (résultats proportionnels ou non) et de leurs
justifications.
Dans les deux types de séquences, les élèves produisaient des solutions
(individuellement puis par groupe), puis les groupes avaient à porter des jugements sur ces
productions. Ces jugements étant exposés et critiqués lors d’une mise en commun suivie
d’une synthèse du professeur. Dans les deux situations, les débats portent donc sur des
productions auxquelles les élèves accordent une certaine valeur. Les exemples présentés
dans cette intervention portent essentiellement sur cette seconde situation.
B- Résultats
Quelles interactions dialoguées
Ces interactions sont évidentes. Les élèves entrent dans un débat argumentatif
élaboré en mathématique. Lors de débats en groupe, même dans une situation de validation,
les élèves cherchent à trouver un accord en reconstruisant une solution. Il n’y a pas de pas
de décrochage vers d’autres buts, les élèves restent concentrés sur un débat mathématique
assez long avec un investissement fort de certains élèves; les arguments de chacun sont
pris en compte. Les échanges visent une recherche du consensus, sans concession. Les
élèves se positionnent comme étant membre d’un groupe.
La dynamique des interactions dialoguées permet une évolution des points de vue, il
y a une réelle coopération, voire co-construction. Mais les buts visés peuvent être d’ordres
différents dans ces tâches de jugement portant sur des propositions produites par d’autres
élèves ou eux-mêmes préalablement. Certains élèves élaborent une réponse propre au
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16
groupe avant de porter un jugement sur les solutions à étudier. Pour d’autres, c’est
l’ensemble des réponses et leurs relations qui sont examinées.
En s’appuyant sur des critères explicités par Elisabeth Nonnon 9 , nous avons pu
constater :
- une répartition et une circulation de la parole effectives,
- des indices de décentration dans la constitution d’une référence commune,
notamment des efforts pour interpréter le point de vue de l’autre d’autant plus difficile que la
position de chacun se modifie au cours des discussions.
- différents modes de cohérence dans les enchaînements aux propos des autres :
- des reprises avec ou sans étayage,
169 L Mais non, moi je dis, celle-là elle est fausse, la 3 elle est
fausse
170 N Pourquoi, dis-moi pourquoi; ben, moi aussi je pense ça
171 L Attends, attends, je vais t’expliquer : 12 divisé par 3 est
égal à 4 et 9 divisé par 3 est égal à 4
- des améliorations de formulation,
246 L La règle d’échange est de 3 images
247 N Non, non, de 3 écarts
248 I Non, non, d’un écart de 3 images
- des suggestions d’action, des co-élaborations de message,
- des rectifications, ajustements, des oppositions
66 S Elle a pas écrit une phrase
67 N Mais les calculs, ça explique, regarde…
- des objections, amenant à expliciter
77 N C’est vrai quand c’est pour la 3, quand on regarde pour
la 3 on voit que c’est vrai mais quand on regarde pour Alix et moi, on
voit que c’est faux
78 L Non, non, attends écoute, écoute, tu sais ce que tu as écrit
dans la 4, c’est faux
9 Communiqués par Josette Isidore-Pringent (IUFM de Bourgogne)
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- des changements de niveau : récapituler, détacher la conclusion, changement avec
d’objet du thème
183 L Ce qu’il faudrait faire, c’est de trouver si 8 images de
chanteuses pour 8 de footballeurs est vrai ou pas et après, on a la réponse à
tout
- des interprétation du point de vue de l’autre
- des conduites méta-disciplinaires : prise de distance par rapport à son propre discours,
- expression de doutes :
98 N Je sais pas mais justement c’est ça qu’on doit trouver
Dans ces échanges assez longs, des positions antérieures sont rappelées, mais ne
s’accompagnent pas de synthèse globale
Quelles connaissances construites ?
Des conceptions erronées qui pouvaient exister depuis l’école primaire ont été mises
en évidence (conserver un écart constant entre les données). Si les contradictions internes à
ces modèles n’ont pas été résolues lors des débats en petit groupe, elles ont été explicitées
ensuite lors des mises en commun, par les relances (recherche pour de nouvelles valeurs)
sollicitées par l’enseignant. Les connaissances permettant de les résoudre ont été rappelées
ou introduites par l’enseignant lors de la synthèse.
Il y a assez peu de références à des savoirs mathématiques, aux critères de
rationalité de la discipline, à des régimes de vérité (questions de preuve, rôle de la
précision), ou même aux attentes scolaires (en maths il ne peut y avoir plusieurs résultats,
« en math on fait…»). Si des hypothèses sont formulées, leur test ou leur critique ne sont
pas toujours menés à leur terme. De plus les débats en groupe ne garantissent pas la
précision du vocabulaire (contrairement aux mises en commun, où le maître incite à préciser
le vocabulaire).
Ces constats effectués dans une ZEP de la banlieue parisienne où le niveau scolaire
est faible, avec une faible intériorisation des attentes scolaires. De plus dispositifs construits
se sont avérés parfois un peu complexes pour les élèves qui pour la proportionnalité avaient
à porter un jugement collectif sur l’exactitude et la cohérence d’un premier jugement
individuel. D’autres débats ayant pour but l’élaboration d’une solution commune, peuvent
avoir une relation plus simple avec les savoirs interrogés.
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18
Quels raisonnements sont développés par les élèves ?
Lors de la situation de proportionnalité, certains élèves produisent des raisonnements
logiques : mise en évidence de propositions contraires, de contradictions dans les propos
successifs d’un autre élèves, référence à des cas établis antérieurement comme vrais,
utilisation de contre-exemples…
D’autres élèves font appel à des calculs, produisent de nouveaux résultats, sans
percevoir toujours la contradiction avec des propos antérieurs : ils se centrent plus sur
l’élaboration d’une nouvelle solution que sur l’explicitation erreurs produites.
En géométrie, pour placer un point situé à égale distance de trois autres, plusieurs
types de constructions coexistent : placer empiriquement le centre du cercle puis tracer
celui-ci, construire les médiatrices du triangle formé par ces trois points en justifiant ou non
cette construction par les propriétés des médiatrices. Ces méthodes correspondant à des
types de validation différents. Les critiques formulées par les élèves ne mettent pas
principalement en évidence ces différences portant sur le régime de vérité en mathématique,
; ces critiques peuvent s’appuyer sur d’autres critères (clarté de l’énoncé, simplicité de la
méthode…) moins constitutifs de la discipline. Le débat n’a pas permis de trancher entre
différents régimes de vérité, mais a mis en valeur les limites de certaines constructions.
4- ARGUMENTER EN SCIENCES EXPERIMENTALES
En nous appuyant sur quelques études de cas concernant des situations
argumentatives en classe de cinquième, nous proposerons ici quelques réflexions et
tenterons de donner des éléments de réponse à une série de questions concernant
l’argumentation en classe de sciences. Les généralisations sont difficiles étant donné que
selon les domaines et les natures des tâches, les types d’arguments invoqués sont très
différents. Dans l’enseignement scientifique comme dans la science qui se construit, le jeu
entre les registres empirique et du modèle se différencie beaucoup selon les domaines et
selon qu’on se situe dans un problème d’élaboration de modèle ou de construction d’un
protocole expérimental par exemple. Nous nous appuyons ici sur des situations rencontrées
en biologie (à propos de la nutrition et de la circulation sanguine) et en physique et chimie (à
propos de l’électricité et de la structure particulaire de la matière ). A travers ces exemples,
nous cherchons à déterminer quel lien les argumentations produites par les élèves en classe
de science ont avec l’épistémologie de la discipline, avec le jeu scolaire des échanges, et
comment elles interviennent dans l’apprentissage scientifique.
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Le débat sur la plausibilité et la réfutation jouent un rôle central dans
l’élaboration des connaissances scientifiques et détermine leur nature même. Dans
quelle mesure retrouve-t-on cela dans les situations expérimentées en classe ?
L’argumentation intervient en effet dans l’élaboration scientifique, notamment par sa
fonction de réfutation (Popper,1985), mais aussi par l’importance de la production langagière
qui la sous-tend, en délimitant les problèmes et en rendant possible la discussion critique.
Nos données sur les élèves montrent, par exemple, que lorsqu’ils sont placés en
situation de recherche d’un accord s’appuyant sur un choix entre deux modèles pour rendre
compte d’un phénomène, deux types de propositions argumentatives, complémentaires et
étroitement imbriquées, apparaissent :
- les unes, positives, construisent l’objet ou permettent d’ouvrir l’ensemble des
possibles de la discussion. On retrouve ici la fonction de schématisation de Grize (1982). Par
exemple , dans une séquence où un choix doit être fait entre deux schémas correspondant
à deux modèles différents de circulation sanguine (voir annexe 1, p.1), un élève, Julien,
propose deux analogies parallèles pour caractériser chacun des deux modèles entre
lesquels les élèves ont à choisir, mais sans faire de lien explicite avec son propre choix. (voir
annexe 2). Ce type de proposition, sans intervenir directement sur le choix, permet de
constituer l’objet sur lequel des raisonnements aboutissant à des décisions sur la plausibilité
pourront porter. Il contribue à préciser les significations, les implications qu’elles pourraient
avoir et prépare le terrain des suivantes.
- les autres, négatives, souvent accompagnées d’un versant comparatif positif,
interviennent directement pour les choix, pour les décisions sur l’impossible et le nécessaire.
Ils procèdent par élimination, et conduisent à restreindre le champ d’investigation, en
montrant l’impossibilité de la thèse non adoptée. On peut voir dans le schéma structurel de
l’argumentation développée dans la dernière phase de cette séquence qu’un autre élève,
Hadrien à partir d’une proposition de ce type, déclenche une controverse avec le premier
(voir annexe 1 p.2 et annexe 2). L’éclosion de cette controverse, reprise par les autres
élèves, est directement liée à ce type d’argument, par la précision qu’il apporte dans la
représentation du problème. Elle n’est pas terminée pour autant, car l’argument est retourné
positivement par Julien, le premier élève, de façon qu’il soit compatible avec sa propre thèse,
par un déplacement de signification. C’est un troisième élève, Yohan (voir les interventions
de cet élève, annexe 2), qui finit par établir une cohérence globale, en jouant un rôle de
conciliateur sur le plan du langage, rendant les deux analogies de départ homogènes et
permettant ainsi une comparaison aboutissant au choix entre les deux modèles de réseau
sanguin proposés.
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20
Le rôle important de la comparaison et des raisonnements négatifs (disqualifiant la
thèse contraire à celle qu’on veut montrer) est en partie attribuable au type de tâche proposé
dans ce cas (choix entre deux modèles). On le retrouve néanmoins aussi dans toutes les
procédures expérimentales où on sépare des variables. Le travail devra être prolongé pour
cerner le rôle de ces types de raisonnements dans des tâches de nature différente.
Dans quelle mesure la mise en relation argumentative des registres empiriques
et du modèle, comme étayage pour leur construction mutuelle, centrale dans
l’épistémologie des disciplines scientifiques, est-elle réalisée par les élèves dans les
séquences expérimentées ?
La nature de la tâche semble intervenir de façon déterminante dans cette mise en
relation. Nous avons pu observer que pour un problème du type de celui que nous venons
d’évoquer, les propositions d’ordre empirique sont rares et cela peut être imputé à la façon
dont la consigne de départ a été formulée. Dans ce cas, elle l’a été comme un problème de
vraisemblance d’un modèle. Les élèves ont tendance à se maintenir dans ce registre, à
quelques exceptions près, qu’ils se situent dans des modèles analogiques ou théoriques. En
revanche, dans une séquence sur les modèles particulaires en chimie, où la consigne était
de mettre en relation un « germe de modèle » avec des aspects phénoménologiques (des
caractéristiques des différents états de la matière) dans le but d’enrichir le modèle initial , les
élèves effectivement créent une articulation entre les deux registres. « Oui mais pourquoi au
bout d’un moment on ne peut plus tirer sur le piston ? » s’interroge par exemple Imène à
propos d’une seringue contenant de l’air, alors qu’ils ont défini auparavant des
caractéristiques du modèle permettant d’« expliquer la limite de compressibilité des gaz
(« les particules se rapprochent au point d’être collées ») mais pas celle de leur
expansibilité. La consigne leur demandait explicitement cette mise en relation et ils s’en
montrent ici capables. Ce qui ne veut pas dire que ce type de mise en correspondance soit
spontané chez eux. Le fait de discuter les caractéristiques d’un modèle trouble a priori les
élèves, pour lesquels le statut épistémologique des modèles est loin d’être construit. Ceci est
d’ailleurs directement relié à la conception du rôle de la discussion dans l’élaboration des
savoirs scientifiques.
Sur quoi s’appuient les arguments développés par les élèves ?
Nous avons repéré, dans les argumentations des élèves, le recours à des
conceptions spontanées des phénomènes en jeu, à des données, à l’expérience
personnelle, sociale ou scolaire (transdisciplinaire), à des connaissances disciplinaires, à
Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003
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des phénomènes imaginaires, impossibles à valider, pas toujours recevables
scientifiquement. Ces étayages peuvent être assimilés, selon le cas, à des garanties ou des
fondements de natures différentes, si l’on reprend les termes de Toulmin (1993). Ces
assertions sont fréquemment intégrées dans des raisonnements réfutatifs, dans des
analogies, dans des raisonnements variés.
A titre d’exemple, dans un travail en groupe portant sur le choix entre deux schémas
de circulation du courant dans un circuit électrique10, Imène, s’appuie sur deux phénomènes
imaginaires, impossibles à valider : « … en fait … il ne peut pas partir tout droit parce que
sinon, à un moment donné, ça arrivera, ils se rencontreront (avec un geste des deux mains
qui se rejoignent comme dans les courants dans le schéma deux)…. et finalement ça va
éclater (avec un geste des deux mains, doigts écartés)… Si il part de du pôle moins, la
lumière ne va pas être forte … ». Le premier phénomène imaginaire (l’explosion de la lampe)
lui permet de réfuter le modèle des courants antagonistes ; le second (la lampe éclaire moins
fort) lui permet de renforcer le choix qu’elle fait du modèle circulatoire partant de la borne
positive.
Quel rôle peut occuper l’argumentation dans la construction de concepts, de
modèles ?
La recherche de la vraisemblance ou de la vérité d’une proposition lorsque les élèves
examinent le champ des possibles pendant un débat argumentatif intervient aussi dans la
construction des concepts (par la précision progressive apportée à l’emploi des termes
utilisés) ou des modèles (par exemple en établissant de nouvelles contraintes qu’ils doivent
prendre en compte).
Dans le débat en petit groupe sur l’électricité cité précédemment, les échanges entre
les élèves ont permis, par la nécessité ressentie de devoir préciser leurs énoncés successifs,
d’avancer dans la distinction de deux concepts (ceux de circuit et courant) tout d’abord
confondus (voir annexe 3). L’argumentation intervient ici dans la levée progressive des
ambiguïtés, des malentendus ou des incompréhensions ; elle leur permet de préciser
progressivement le sens des termes employés parce qu’il y a une nécessité (introduite dans
la tâche) de se mettre d’accord sur un choix commun. Cette évolution doit se comprendre
aussi en référence au fait que les élèves avaient à produire un écrit à présenter à la classe à
l’issue de ce débat. Les exigences de l’écrit interviennent simultanément sur ce processus.
L’ébauche, dans l’activité argumentative, de raisonnements énoncés en termes flous, non
10 On proposait aux élèves un schéma d’un montage pile-ampoule, avec dans un cas des flèches figurant deux courants antagonistes partant des deux pôles de la pile (représentation fréquemment rencontrée chez des élèves), dans l’autre, des flèches figurant un modèle circulatoire du pôle positif au pôle négatif.
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stabilisés peut conduire, comme dans ce cas, à une rétroaction sur un emploi plus univoque
des termes qui les composent et une élaboration des concepts correspondants.
Dans une autre séquence sur la circulation sanguine, un débat en petit groupe a permis un
début de construction d’un modèle de circulation qui tienne compte simultanément de la
nécessité d’entrées et de sorties (correspondant aux échanges nutritifs et respiratoires déjà
étudiés précédemment) et de la contrainte que le système soit fermé. Ces deux
caractéristiques, à première vue paradoxales, entrent en effet fondamentalement en jeu
dans la compréhension de la fonctionnalité et de la raison d’être de ce système.
L’introduction de phases argumentatives en classe de science intervient-elle
dans la prise de conscience par les élèves des modes de construction des savoirs en
science ?
Dans l’enseignement des sciences expérimentales, la préoccupation de placer les
élèves dans des situations de débat argumentatif vient en rupture avec une coutume
d’enseignement où les résultats de la science sont centrés essentiellement sur des aspects
empiriques. Lorsque des modèles sont utilisés, ils sont présentés le plus souvent comme
des vérités non discutables, se confondant au réel. Par ailleurs, les protocoles
expérimentaux utilisés par les élèves, plus souvent pour valider des hypothèses que pour les
réfuter, sont rarement établis et discutés par eux.
Placer les élèves dans des situations de débat argumentatif où ils sont en mesure de
discuter de systèmes explicatifs ou de la construction de plans d’expériences pour valider ou
réfuter des hypothèses, peut contribuer à l’élaboration de nouvelles représentations sur la
construction des savoirs en science : lorsque le débat s’instaure de façon effective et qu’il y a
un véritable enjeu, apparaissent en effet des interventions méta-argumentatives, qui
explicitent le caractère probant ou non des propositions émises : « ce n’est pas une
preuve », « cela ne change rien à ce que j’ai dit ». Ce type d’intervention contribue à changer
l’image du jeu des discours possibles sur les objets scientifiques et de leur rôle dans leur
élaboration et leur validation.
Mais dans quelle mesure offrir la possibilité aux élèves de réaliser une telle procédure
permet-elle de rendre conscientes les conditions de production des savoirs en science ?
Cette prise de recul ne pourra vraisemblablement se réaliser que sur la base d’une pratique
fréquente de ces procédures didactiques avec des moments de mise à distance organisés
sur les procédures. Pour comprendre le rôle des débats dans la construction des
connaissances scientifiques, les élèves auront à construire deux systèmes d’opposition :
- par rapport à une vision de la science comme affirmant des vérités
indiscutées, inscrites dans le réel, il y aura un déplacement à opérer au profit d’une idée de
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la science comme produit d’une élaboration dans un processus social qui prend en compte à
la fois les idées et le réel.
- par rapport aux débats dans d’autres domaines, il y aura à repérer les
caractéristiques spécifiques des argumentations scientifiques, qui les différencient de celles
qui sont déployées dans les débats esthétiques, moraux, éthiques, politiques par exemple :
les argumentations scientifiques visent à établir, dans un jeu spécifique de rationalité, un
consensus fondé sur une double cohérence, à la fois interne (à la théorie ou au modèle) et
externe (relative aux faits empiriques).
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Mod. théor. négatif
Annexe 1
Schéma structurel de l’argumentation développée dans un épisode en classe entière
sur la circulation sanguine, en classe de 5ème
1. Travail individuel : choix entre deux schémas
Mod. théor. analog. positif
Emp. négatif
Aurélie (58 à 71) Arg 1 et 2 pour le schéma 2 : - vision générale du vivant comme complexe, - avec fonctionnement économique
Julien (82-96) 2 analogies parallèles : circuit électrique (schéma 2) et « tournée du facteur » (sch.1) (choix implicite du schéma 1)
Mod. analog. positif
Hadrien (99) Arg 3 : reprise plus empirique de l’arg 1 (complexité du vivant)
Loeva (109) Arg 4 : besoins différents de sang selon les organes
E (112) précision sur Arg 4 : plus de sang pour cerveau
Prof (116-118) Arg 4 bis pour étayer Arg 4 (d’ailleurs on saigne beaucoup à la tête)
Emp.
positif
Mod. théor. négatif
Julien (111, 119) tente de mettre en cohérence les arg 4 et 4bis avec le choix 1
Arg 3 accepté par Julien qui le qualifie plus tard (124)de non incompatible avec son choix (1) : « c’est pas une raison »
E.(122) Idée de cycle Mod.
théor. positif
Interventions en faveur du schéma 2 « en dérivation »
Interventions en faveur du schéma 1 « en série »
2. Débat dans le groupe classe entier
Julien 111-119 Julien 145-153 Abdul 184
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Hadrien (137-141) Arg 5 : « Si on coupe une veine d’une jambe » : infériorité fonctionnelle du système du schéma 1
Mod. théor. négatif/ compar. positif
Hadrien (146) resitue le problème au point de coupure proposé : précision apportée à l’argument 5
Julien (145, 147, 153) tente de mettre en cohérence l’argument 5 avec le choix du schéma 1 en déplaçant le point de coupure du système circulatoire proposé par Hadrien
Mod. théor. positif
145 à 178 Phase d’appropriation de arg 5 par les autres élèves
Préparation de la rupture pour Julien
Mod. théor. positif compar
Mod. théor. négatif/ compar. positif
Yohan (165) à Julien Reprise de l’arg 5 mais traduit dans termes proches de ceux de l’analogie de Julien pour le schéma 1 (« pont rhétorique » pour Julien)
Julien 82-96
Mod. théor. analog. positif
Julien (169) accepte le schéma 2 en dérivation
rupture
Sous-épisode de controverse vive
Prof (173 à 183) Introduit arg 6 : le hold- up chez le facteur : infériorité fonctionnelle du schéma en série
Mod. analog. négatif
Abdul (184) tente de mettre en cohérence l’arg 6 avec le schéma en série (même stratégie que Julien)
Yohan (192) Comparaison des deux modèles dans la même analogie : comparaison fonctionnelle possible
Rupture de logique didactique
Vote des élèves et énoncé de la bonne réponse (« la réalité ») par le prof
Mod. analog. Compar.
Julien 82-96 111-119, 145-153
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Annexe 2
Interventions de Julien
82 Julien. Non, mais je parle de celui-là. On a l'impression que c’est un truc qu’on
apprend en physique, euh... en fait le sang il partage euh la nourriture pour
aller plus vite
83. P. Oui on a l’impression que ça partage, comme en physique, ça
84. E. On dirait, madame, que c’est en physique, notre corps, quand ça a dit/
85. Julien. alors que l’autre, par exemple, on a l’impression que c’est la tournée du
facteur, en fait !
86. P. oui, alors là, on a l’impression que c’est la tournée du facteur, ça
87. Julien. et avec chacun sa part, aussi !
88. P. chacun sa part ! parce que là toi tu as l’impression que… le sang il doit passer là, il
doit en donner une part (suit du doigt au rétroprojecteur sur le schéma "en série")
89. E. /ça en sort quand même/
90. P. Et puis il va en laisser pour celui d’après
91. Julien. oui !
92. P. ah, c’est sympa, ça !
…………………………………..(Brouhaha)……
93. Julien. Ben, c'est genre facteur !
94. P. oui, genre facteur !
95. Julien. chacun son courrier !
96. P. Chacun son courrier, d’accord ! toi, tu penses quoi ? (à Hadrien, qui lève le doigt
de façon insistante)
Interventions d’Hadrien et de Julien
137. Hadrien. parce que là, sur le premier dessin, si il est dit qu’y a qu’un seul circuit,
c’est que… y’a le sang, qui, ça…y’a une part de sang qui se sépare, y’a une partie par là
et une autre par là (montre successivement sa jambe droite et sa jambe gauche)
138. P. oui ?
139. Hadrien. mais si c'est qu’un circuit et qu’on se coupe la veine à un endroit, l’autre elle
va pas être irriguée non plus c’est pas,/
140. P. Ah ! l’autre non plus ! tiens !/
141. Hadrien. tandis que l’autre, si on se coupe à une jambe, l’autre elle marchera
toujours !
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142. P. Ah! pas bête ! si, si jamais on se blesse, du coup plus personne n'a de sang
143. E. Voilà, voilà! c'est bien ça ! (brouhaha)…..une coupure…….
144. P.XXXX bonne idée, toi
145. Julien. Ah mais là, là je crois que c'est pareil, madame ! madame ! Là par
exemple quand c'est coupé près du le cerveau si par exemple tu saignes là, ben
comment tu fais, ben y'a tout qui est coupé ! là c'est pareil ! c'est pareil !
146. Hadrien. oui, mais là on peut très bien te couper une jambe et l'autre elle marche
toujours !
147. Julien. attends, attends ! ben là aussi ! elle marchera !
Interventions de Yohan
165. Yohan (à côté de Julien, le bras tendu vers le schéma projeté au tableau).
Si… si tu prends la route qui descend, là, si c'est coupé le sang il pourra toujours
passer par là !
[………………]
192. Yohan. dans le numéro 1, y’a un facteur alors que dans le numéro 2 il y en a
2 !
Annexe 3
Couplage entre sujets et syntagmes verbaux (« couples prédicatifs ») dans la
discussion sur les courants antagonistes (groupe de 4 élèves de 5ème) (extraits
Elève Sujets Syntagmes verbaux
1.Imène
2.Aïssatou
3. Imène
2 circuits
Il
Il
Le circuit
Il
Les flèches, elles
Les flèches, elles
Part en boucle
Peut pas partir tout droit
Partait tout droit
Part tout droit
Partent tout droit
Font le tour
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4.Aïssatou
6.Aïssatou
23. Imène
24.Aïssatou
31. Prof
35. Imène
36. Ilham
37. Imène
39.Aïssatou
Le circuit
Il
Il
Ça
Ils
Il
Il
Les deux, ils
Ça
La partie en boucle, ça
Ça
Ça
Les deux, ils
Ça
Ça
Ça
La tige, elle
Doit partir en boucle
En boucle
Part en boucle, en rond
Ne peut pas partir tout droit
Arrivera
Se rencontreront
Va se rencontrer
Part du pôle moins
Partent du pôle moins
Ne passerait pas
Doit pas partir
Va arriver au milieu
Va
Partent du pôle moins
Part du pôle positif
Revient
Part du pôle moins
est là
Evolution des termes désignant les « objets » dans la discussion
en groupe de 4
1 à 47 48 à 87 107 à 147 148 à 251
Sujets pronominaux :
"ça, il,…. "
(« objets » flous)
22
20
5
7
Sujets lexicaux :
"circuit, courant,…"
(« objets » précisés)
8
9
15
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5- ARGUMENTATION ET TECHNOLOGIE
La technologie au collège
Au collège, en technologie, des situations de fabrication et de commercialisation
renvoyant à l’univers de l’entreprise sont proposées aux élèves. Elles prolongent les activités de
découverte du monde technique qui fondent le programme “ Science et technologie ” de l’école
élémentaire. Les textes stipulent que les élèves travaillent au sein de “ petites équipes ”
auxquelles sont confiées des tâches différentes et complémentaires, s’inscrivant dans un projet
commun “ d’une certaine durée ”, aboutissant à la réalisation d’objets ou de services
“ correspondant à un besoin ”. Cette organisation à la fois différenciée et convergente du travail
collectif, caractéristique de la démarche de projet, crée un espace possible pour la délibération
et, par conséquent, un cadre susceptible de mobiliser et de stimuler les ressources
argumentatives des élèves. Pour autant, la lecture des programmes et des instructions données
aux professeurs montre que cette potentialité a été complètement occultée par leurs rédacteurs.
Dans ces conditions, la recherche s’est davantage focalisée sur le repérage et l’analyse
d’épisodes argumentatifs spontanés d’élèves en situation de co-résolution de problèmes
techniques que sur une exploitation didactique de ces épisodes, qui à l’heure actuelle ne fait
partie ni des prescriptions de la discipline, ni semble-t-il des coutumes. En outre, si la question de
l’argumentation a déjà été largement abordée au plan de la recherche en didactique dans
plusieurs disciplines scolaires, elle reste pratiquement inexplorée en technologie. Ce premier
travail suggère cependant que l’enseignement de la technologie pourrait tirer avantage d’une
prise en compte didactique des processus délibératifs, mais probablement au prix d’une
approche moins technocentrée qu’elle ne l’est habituellement et qui prendrait davantage en
compte l’inscription subjective, et en même temps sociale, des techniques.
Situations observées et résultats
Les élèves, travaillant par groupes de quatre, étaient confrontés à des tâches telles que
concevoir des outils de contrôle morpho-dimensionnel de pièces destinées à la fabrication en
série de porte-stylos (corpus 1) ou concevoir l’emballage d’une lampe de poche en fonction des
contraintes liées à sa commercialisation en grande surface (corpus 2). Dans la première
situation, la production de la solution était entièrement à la charge des élèves. Dans la seconde
situation, les élèves avaient à faire un choix raisonné entre huit types de solutions différents qui
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leur était proposés. Leurs échanges étaient enregistrés, avec leur accord, par une caméra fixe,
sur pied, sans opérateur, le professeur et l’observateur se déplaçant dans la classe.
Dans ces conditions, les séquences analysées donnent à voir un travail discursif des
élèves dont on peut dire qu’il vise conjointement, d’une part, à assurer le développement positif
du processus de conception en cours et, d’autre part, à maintenir l’adhésion et l’engagement du
collectif dans l’activité. Concrètement ce travail discursif se réalise à travers un certain nombre
d’actes verbaux, mais aussi gestuels et graphiques:
- d’évocation: proposer une procédure, une solution matérielle, une information, décrire
une procédure, une solution ;
- de soutien : approuver, concéder, de valider ;
- de réduction d’incertitude : exprimer un doute, une incompréhension, demander une
précision, une justification relatives à un référent, un raisonnement, une action, décider ;
- d’opposition : objecter, contester, rejeter une procédure, une solution, un argument, une
injonction, une décision ;
- d’injonction : faire admettre, faire faire, faire réfléchir.
Les observations montrent que, comme dans d’autres disciplines, l’argumentation joue un
rôle dans les phases de recherche de solutions ainsi que dans les moments de validation de ces
solutions.
F : Oui . Donc, tu vois, un truc comme ça (elle dessine). T’as ça là... donc t’as une cale...
G1 : Oui
F : ... pour la longueur (elle dessine deux traits parallèles) et puis pour la largeur, t’as deux
traits là (elle dessine deux traits parallèles, eux-mêmes parallèles aux premiers). Quand tu
vérifies l’objet, tu mets d’abord en longueur, et puis après tu le mets là. Tu fais comme ça
(indique une rotation à 90°).
G1 : Oui, c’est bon ça. On pourra le marquer ? (corpus 1)
G3 : Après : (lit) “ C2 : éviter au maximum les vols par effraction de l’emballage ”.
Effraction de l’emballage... Non, non, parce que ça, c’est fin, ça peut se casser facilement.
G1 : Oui, zéro.
G2 : Pas du tout, hein ! C’est pas zéro, hein ! T’as jamais vu ça au monoprix ? Le truc,
c’est collé dessus (geste de recouvrement). Tu peux pas l’enlever. (corpus 2)
Les échanges renvoient également à l’organisation du travail qui était laissée à l’initiative
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des élèves. Ils concernent la répartition des tâches, le contrôle de leur avancement, l’imposition
de procédures.
F : Regarde, en attendant, on peut faire ça pour vérifier l’angle.
G1 : Toi, tu fais ça. Moi, je fais ça.
F : (à G2) : Romain, essaie de trouver un moyen pour vérifier le chanfrein. (corpus 1)
F : Qu’est-ce tu fais là ?
G1 : Ben, je trace la longueur (il fait le geste de tracer)...
F : (Elle lance un regard réprobateur)
G1 : ... non, la largeur (il fait un geste perpendiculaire au précédent). (corpus 1)
A la différence d’autres disciplines, cependant, la matérialité des actions et des
productions, les enjeux souvent contradictoires liés aux contraintes de la fonctionnalité et de
l’économie font que les valeurs d’efficience, d’utilité, d’opportunité l’emportent sur les valeurs de
connaissance. De même, les savoirs se manifestent moins sous forme discursive et plus souvent
sous forme de gestes, d’actions et de réalisations matérielles. Les délibérations portent sur la
viabilité fonctionnelle et économique des solutions en fonction des avantages attendus et des
ressources et contraintes souvent contradictoires et enchevêtrées des situations. Le plus souvent
le résultat de la délibération est un compromis cherchant à maximiser, d’une part, les avantages
fonctionnels des matériaux, des transformations et des solutions par rapport à leurs
inconvénients, et d’autre part, les gains attendus par rapport aux coûts (travail, matière, énergie,
nuisances...).
Cohérence épistémologique des comportements observés
Ces résultats sont en accord avec ce que mettent en évidence un certain nombre
d’approches savantes de la technique (Séris, 1994 ; Sigaut, 1987 ; Perrin, 1991 ; Staudenmaïer,
1985 ; Vérin,1993 ; Layton, 1991). Pour celles-ci on peut dire, de manière schématique, que si la
science se donne un projet épistémique de production de connaissance, la technique poursuit un
projet pragmatique de production d’avantages matériels. Ainsi, alors que la science considère le
réel comme un objet à connaître, la technique le voit comme un objet à aménager (un obstacle)
ou à exploiter (une ressource). L’approche savante se veut désintéressée, guidée par des
principes et s’abstenant de jugements de valeur quant aux objets à connaître. A l’opposé, le
projet technique est utilitariste, opportuniste, évaluant le monde et ses transformations en termes
des avantages et des désavantages procurés. De même, la pensée savante oeuvre dans
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l’homogène, le décontextualisé, le général, alors que la pensée technique se confronte à
l’hétérogène, au local, au particulier.
On peut faire l’hypothèse que les élaborations cognitives et discursives sont par
conséquent de nature différente dans ces deux sphères. En science, la construction cognitive est
recherchée pour elle-même en tant que représentation explicative du monde : c’est le produit
même de l’activité scientifique, ce qui motive son existence et son fonctionnement. Elle
s’objective sous forme logico-discursive à travers des énoncés prédicatifs susceptibles d’être
falsifiés ou confirmés - donc légitimés dans le registre de la vérité. En technique, les
constructions cognitives constituent des moyens à disposition de l’action efficace. Ce que produit
la sphère industrieuse ce sont des artefacts efficients, susceptibles de procurer des
transformations avantageuses du monde. Pour autant, les communautés de praticiens dans cette
sphère produisent aussi des savoirs discursifs, notamment à des fins de formation de praticiens
novices ou de délibération entre partenaires (commanditaires, concepteurs, exécutants...)
engagés dans une réalisation, surtout si celle-ci comporte des aspects inédits ou problématiques.
Ces savoirs qui sont toujours en définitive des savoirs d’action - ou pour l’action - ne se
structurent donc pas de la même façon que dans une perspective scientifique (Grize, 1996).
Notamment, leur visée est fréquemment prescriptive et opérative ; de même, ils ne recherchent la
non-contradiction et la cohérence que de manière locale et partielle dans la mesure où ils visent
à informer une action particulière, dans un contexte particulier, pour que celle-ci se réalise dans
les meilleures conditions de coût et d’efficacité. Dans ces conditions, la légitimation des savoirs
techniques objectivés dans les actions, les artefacts et les discours techniques renvoient
davantage à un régime de la pertinence, de l’efficacité et de l’économie qu’à un régime de vérité.
Le caractère plus ou moins extériorisé des délibérations
Dans nos deux observations, les délibérations qui contribuent au développement de la
conception ne présentent pas le même degré d’extériorité et donc d’accessibilité aux partenaires
engagés dans le processus. La comparaison de la densité des échanges dans les deux corpus
(corpus 1 : 83 échanges en 18 minutes, corpus 2 : 103 échanges en 7 minutes) montre que
l’activité discursive dans le travail de conception prend des formes assez différentes d’un groupe
à l’autre, vraisemblablement du fait de l’organisation didactique. Alors que dans la première
situation, les élèves étaient autonomes, dans la seconde, ils étaient guidés dans leur travail par
un dossier didactique organisant les différentes étapes du processus de conception. Si l’on
compare ce qui dans le corpus 1 correspond à la phase de travail concernée par le corpus 2 - la
sélection d’une solution adaptée - le contraste est encore plus grand.
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Cette différence s’explique par le fait que le travail délibératif n’est en réalité que
partiellement perceptible dans le corpus 1. La détection des conflits de conception et donc les
débats qu’ils suscitent se déroulent essentiellement sur un plan intrapersonnel. C’est largement
le fait de l’activité de l’élève F, ses partenaires ne semblant pas avoir développé autant qu’elle
leur représentation mentale du problème. Dans ces conditions, F va être conduite, soit de
manière spontanée, soit sollicitée par ses partenaires (surtout l’élève G1) à livrer l’état et les
résultats de son débat interne. C’est la raison pour laquelle, comme le montre le corpus,
l’argumentation s’avère être le plus souvent à sa charge. Tout le travail discursif ultérieur de la
séquence est marqué par les interrogations de G1 ainsi que par les contrôles, les précisions et
les reformulations de F qui visent à la compréhension par G1 de sa proposition, notamment en
ce qui concerne ses aspects fonctionnels.
Dans la seconde situation, le dispositif didactique signale explicitement un des éléments
du problème - le choix entre des solutions concurrentes - et fournit un outil de sélection par
comparaison. Les conditions sont ainsi réunies qui favorisent une extériorisation des conflits et
des délibérations.
G3 : Ca, c’est bon.
G1 : Ouais, c’est pas mal.
G2 : Non, je crois pas... en fait, c’est juste un bout de... tu sais... (fait le geste de
recouvrir son poing de l’autre main).
G4 : Ouais, du plastique (geste de recouvrir).
10 G1 : (mine dubitative) Non, non...
G2 : Si, je te jure, c’est ça.
G1 : Ouais, je sais, mais c’est dur, hein, ça.
G2 : C’est pas dur à enlever, hein.
G4 : C’est du plastique.
G2 : C’est ça (montre une feuille de papier) mais en 10 fois plus fin. Tu sais, ça prend
la forme du produit (mime le recouvrement de son avant bras), mais c’est tout.
Alors que dans le premier corpus la représentation collective se développe par le fait
d’interrogations et de reformulations, dans le corpus 2, du fait que les conflits de conception -
relatifs notamment au problème de la résistance du matériau aux chocs et à l’effraction - sont
portés par les différents protagonistes du processus de conception, le débat avance dans une
succession d’assertions, d’objections, de concessions.
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Argumentation et développement artefactuel
L’essentiel des échanges observés portent sur les conditions pratiques d’élaboration d’un
objet technique, ce qui pose la question du statut cognitif de cette activité. Il convient de rappeler
qu’une partie importante des savoirs techniques a une existence non discursive et souvent peu
accessible au discours : ces savoirs se trouvent incorporés à la fois dans des objets techniques
et dans le corps des techniciens. Le problème est donc de donner un statut à ces savoirs
matérialisés dans les artefacts et incorporés dans les manières de faire, les tours de main et de
pensée des opérateurs. On peut montrer que ceux-ci ont, comme les savoirs conceptuels, une
genèse à la fois his torique et psychologique. Ainsi l’étude de la genèse des connaissances
techniques en situations scolaires révèle un processus solidaire de développement instrumental
et de développement artefactuel (Vérillon et Rabardel, 1995). Dans le même sens, Gilbert
Simondon (1967), s’intéressant aux aspects génétiques propres au mode d’existence des objets
techniques, a insisté sur la fonction de médiation que réalise l’objet technique entre son
utilisateur et le milieu. Ainsi il distingue dans tout artefact deux sortes d’organes terminaux : ceux
qui assurent la relation avec l’utilisateur, ceux qui assurent la relation avec le milieu. Entre ces
termes extrêmes, se situe l’organisation intérieure de l’artefact qui doit réaliser un couplage
cohérent entre ces réalités par définition hétérogènes, ce qui soulève par conséquent des
problèmes d’auto-corrélation. Simondon montre que les progrès qui s’effectuent aux extrêmes
(les organes de relation) se font par adaptations cumulatives. Les progrès de cohérence interne,
en revanche, se réalisent par une recherche de synergie et de compatibilité accrues et se
traduisent par des changements qualitatifs discontinus. Il est intéressant de noter que le travail
discursif des élèves porte de manière notable sur ces trois ensemble de relations : relations à
l’utilisateur, relations au milieu et relations de l’artefact à lui-même, ce dernier ensemble
soulevant de toute évidence le plus de difficultés.
6- L’ARGUMENTATION DANS LES DISCIPLINES: UN OBJET QUI INTERESSE LA
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS 11
1- L’argumentation dans les disciplines : un objet relevant des didactiques des
disciplines ou un fait langagier intéressant le didacticien du français ?
1.1. Le français, une discipline à statut problématique12 ?
11Cette intervention s’appuie notamment sur des travaux menés dans le cadre de la recherche inter IUFM/ INRP « langages et constructions de savoirs » en formation
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Les pistes de travail que nous allons soumettre à discussion témoignent des
interrogations mises en branle par les injonctions bi-orientées et complexes que l’institution
adresse aux disciplines scolaires :
- d’une part les récentes dispositions institutionnelles incitent l’ensemble des
disciplines scolaires à prendre en compte les aspects langagiers de l’apprentissage,
notamment en engageant ces disciplines à recourir à des situations d’argumentation13 ;
- d’autre part, la discipline français, elle-même, est exhortée à traiter l’argumentation
sous un double point de vue, en l’envisageant à la fois comme moyen d’apprentissage, au
même titre que les autres disciplines, mais aussi comme objet d’enseignement spécifique.
Le didacticien de français se trouve donc engagé dans une configuration imbriquée
qui l’amène à s’interroger sur le statut et les fonctionnements de l’argumentation dans sa
discipline, mais aussi, plus largement dans l’ensemble de ses usages scolaires. On peut,
sans risque, faire le pari que la didactique du français, en tant qu’elle compte l’argumentation
au nombre de ses objets d’apprentissage, a quelque chose à gagner en cherchant à
caractériser ce qui relèverait de la transversalité et ce qui relèverait des spécificités
disciplinaires de l’argumentation.
Nous adopterons donc constamment un double point de vue, celui de la didactique
du français en tant que discipline de recherche et en tant que discipline d’enseignement.
Notre propos consistera donc à rechercher ce qu’un didacticien de français (le terme
renvoyant ici à la fois au chercheur et au praticien) peut apprendre de l’observation des
situations d’argumentation menées dans différentes disciplines, dont la sienne, compte tenu
du fait qu’il n’a pas les moyens d’apprécier la validité d’une argumentation lorsque celle-ci se
situe dans un champ dont les référents épistémologiques lui sont étrangers. Il ne nous
échappe pas qu’en évacuant de l’examen la question de la validité de l’argumentation, on fait
courir à celle-ci le risque de se réduire à un objet rhétorique inerte, d’autant plus prompt à se
scléroser qu’il existe une tradition rhétorique prête à l’accueillir comme tel.
1. 2. Enjeux épistémologiques et pragmatiques de l’observation de l’argumentation
dans les disciplines : l’argumentation en français, un objet introuvable ?
Dans le champ de l’enseignement du français, l’argumentation paraît occuper une
place privilégiée. Mais de quoi parlons-nous lorsque nous parlons d’argumentation ?
12 Le congrès international de la DFLM qui se tiendra à Québec en 2004 traitera notamment de la ques tion du statut de la discipline français en recherchant ce qui, au travers de la diversité de ses composantes, fait l’unité de cette discipline. 13 Le débat sur le langage et les spécificités disciplinaires n’est pas une question propre à la francophonie, comme en témoigne Monroe J (2002) (Dir.) Writing and revising the disciplines. New York Cornell University Press
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Parlons-nous tous du même objet ? En forçant un peu le trait, on pourrait se demander si cet
objet existe bien : il y a certes un consensus qui se manifeste par la célébration quasi-
unanime des vertus de l’argumentation, mais une absence d’accord qui apparaît dès qu’on
cherche à faire préciser les contours de cet objet flou. Et même lorsqu’on restreint
l’acception de ce terme en lui adjoignant l’adjectif « scolaire », le vocable « argumentation »
continue à désigner plusieurs signifiés, possédant certes une zone d’intersection, mais qui
ne se superposent pas exactement.
Nous considérons donc que l’observation de l’argumentation, de ses
fonctionnements, des pratiques scolaires auxquelles elle donc lieu dans les différentes
disciplines ne peut qu’aider la didactique du français à définir cet objet, qui relève pourtant
de son domaine, en l’amenant à prendre des distances avec la manière dont elle le traite
ordinairement. Pour affirmer que la didactique du français à quelque chose à gagner de cette
observation, nous nous appuyons sur les deux hypothèses suivantes :
1) Dans l’enseignement du français, le fait que l’argumentation ait un statut d’objet
d’enseignement empêche de la considérer comme une activité langagière à visée
heuristique ;
2) Dans le champ théorique du français, l’argumentation pâtit de la richesse de la
tradition dont elle est l’héritière : l’hétérogénéité théorique qui fonde la doxa scolaire ne
permet pas de penser l’argumentation comme une pratique discursive fonctionnelle.
L’objet théorique « argumentation » se trouve donc dilué conceptuellement, en
même temps que se fossilisent, inévitablement, les productions encadrées.
Ce propos pessimiste peut cependant être nuancé, si l’on prend en compte le fait que
cette hétérogénéité théorique que nous dénonçons et qui confine parfois au chaos, est
jugulée grâce à trois mécanismes différents qui proposent chacun des modes d’organisation
des composantes de l’argumentation :
1) Dans le champ de la didactique en tant que discipline de recherche, c’est
l’instauration de cadres épistémologiques propres qui organise l’objet théorique
argumentation en l’articulant autour de trois grands pôles agencés selon des configurations
variées14 :
- le pôle du genre, qui, dans les travaux de didactique se recommandant de
l’héritage de Bakhtine, fournit des principes de typologisation, renvoyant à des catégories
14 Ces remarques ne concernent que les approches didactiques de l’argumentation, telles qu’elles sont développées dans des travaux récents issus de différentes équipes de recherche de la francophonie; pour une analyse précise des théories de l’argumentation, on se reportera, bien entendu, à la classification proposée par Plantin, qui organise les théories de l’argumentation en fonction des problèmes que ces théories traitent (par exemple in Plantin C. (1996) L’argumentation. Seuil)
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définies par des caractéristiques hétérogènes mais socialement reconnues, inscrites dans un
contexte (historique, culturel, social) et formalisables (cf. analyse de Canvat, 1996)15 ;
- le pôle du discours, qui propose des outils d’analyse permettant d’identifier et de
caractériser des objets langagiers à partir de quelques propriétés communes recensées par
Patry (199316) : leur unicité (propriété extrinsèque, liée au jugement du récepteur), leur
continuité (ces objets présentent des marques formelles qui font transiter le sens au-delà des
frontières propositionnelles), leur intentionnalité (ces objets procèdent d’un acte de
communication par lequel un interlocuteur cherche à entrer en contact avec un autre), leur
topicalité (ils développent un thème identifiable par l’auditeur), leur informativité (ils
véhiculent un contenu informationnel minimal), leur adéquation (ils sont en corrélation avec
les circonstances non linguistiques de l’environnement). Cette énumération de propriétés est
complétée par Maingueneau17 (2002) qui, dans une approche relevant de la linguistique
pragmatique, reconnaît au discours trois autres caractéristiques : le fait qu’il soit pris en
charge, qu’il soit une forme d’action, qu’il soit régi par des normes.
- le pôle du dialogisme, qui définit des propriétés structurales du discours
argumentatif en s’intéressant à l’imbrication des discours autres qui s’entrecroisent en lui et
le relient à la sphère culturelle et communicationnelle où il prend sens.
2) Dans les exercices certificatifs du baccalauréat qui sanctionnent les études de
lettres et pilotent l’enseignement en amont, c’est une partition entre deux grandes familles
d’objectifs qui structure l’objet d’enseignement argumentation : ces exercices opèrent une
dichotomie entre les savoirs déclaratifs requis pour résoudre les exercices d’analyse, qui
portent sur des formes très diverses d’argumentation, et les savoirs en acte mobilisés par
l’effectuation d’exercices d’écriture soumis à de fortes exigences rhétoriques.
3) Dans les usages scolaires, c'est la répartition entre différentes fonctions
pédagogiques qui clarifie le rôle attribué à la pratique de l’argumentation : dès le collège on
confie des missions d’apprentissage différentes aux exercices oraux d’argumentation et aux
exercices écrits d’argumentation, les premiers étant chargés de contribuer à la socialisation
des élèves tandis que les seconds sont mis au service d’objectifs d’ordre cognitif.
1.3. Des situations d’argumentation pour servir de pierre de touche
Contrairement au français les autres disciplines n’ont pas à assumer l’empilement de
la tradition théorique et se trouvent par ailleurs libres de construire des situations
15 Canvat K. (1996) « Types de textes et genres textuels. Problématiques et enjeux » Université de Namur, Enjeux 37-38 16 Patry R. (1993) « L’analyse de niveau discursif en linguistique : cohérence et cohésion » in Nespoulous J.L. (dir.) Tendances actuelles en linguistique générale . Delachaux et Niestlé 17 Charaudeau P. & Maingueneau D (2002) Dictionnaire d’analyse du discours. Seuil
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d’argumentation visant à autre chose qu’à l’apprentissage de l’argumentation : débarrassées
des contraintes d’autotélisme, ces situations d’argumentations ou de débat peuvent donc
aisément être mises au service d’acquisitions méthodologiques ou conceptuelles.
En revanche, dans le champ du français, même s’il est difficile d’apprécier la
fréquence des situations d’argumentation ayant des visées fonctionnelles de ce type,
l’observation empirique et le rapport de l’IGEN de lettres18 laissent penser qu’elles sont
probablement exceptionnelles, et qu’on a plus de chance d’en rencontrer dans Pratiques ou
Recherches qu’à l’occasion de visites de classe inopinées.
Nous avons donc pris comme objet d’observation les situations d’argumentation
mises en place dans les classes de cinquième participant au projet de l’équipe INRP. Ces
situations d’argumentations comportaient d’une part des échanges réalisés dans le cadre
des différentes disciplines (cf. supra) d’autre part des débats instaurés en français, à partir
de canevas pédagogiques proposés aux enseignants.
Il a en effet été proposé aux trois classes de cinquième avec lesquelles nous
travaillions de mettre en place une situation d’argumentation s’insérant dans une séquence
consacrée à l’étude du roman de chevalerie, thème de travail commun à ces classes , et
portant plus précisément sur le thème de l’amour courtois, composante essentielle du roman
de chevalerie.
Les situations d’argumentation proposées étaient diverses, et adaptables aux
spécificités des classes, mais devaient avoir en commun de conduire à un accord et à une
prise de position collective qui validerait cette accord.
Les modalités pédagogiques étaient laissées à l’appréciation des professeurs, mais
recommandation était faite d’alterner les types d’organisation (travail en groupe, travail
solitaire, travail en classe complète) et les formes de productions langagières (travail
écrit/travail oral).
Les trois thèmes de confrontation suivants ont été retenus (le dernier ne faisait partie
des suggestions faites aux enseignants pour construire les situations d’argumentation) :
- Première situation : il est demandé aux élèves de reconnaître parmi trois textes
(dont deux confectionnés ad hoc par le professeur) quel est celui qui constitue la fin d’un
extrait du Chevalier à la Charrette. Les élèves effectuent leur choix individuellement, puis par
petits groupes formalisent leurs arguments. Une confrontation générale s’ensuit. La
validation de la « bonne » réponse est possible : il suffit de nsulter, après discussion le texte
du Chevalier à la Charrette.
18 Boissinot A. (Dir.) (1999) La place de l’oral dans les enseignements : de l’école primaire au lycée. Rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale
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- Deuxième situation : il est demandé aux élèves de proposer individuellement, par
écrit, chez eux, des questions qui permettraient de traiter le thème de l’amour courtois ; puis
en classe, lors d’un travail effectué en petits groupes, de sélectionner les questions, de façon
à éliminer les doublons, et enfin, en classe complète d’organiser ces questions en les
regroupant par thèmes de façon à pouvoir constituer trois panneaux d’exposition.
- Troisième situation : la classe a été organisée en groupes de deux élèves qui
avaient à noter par écrit sur un transparent deux arguments défendant la position « j’aime
l’amour courtois » et deux arguments défendant la position « je n’aime pas l’amour
courtois » ; puis les groupes ont défilé pour présenter leurs transparents au reste de la
classe.
Les deux premières situations ont été adoptées dans des classes de ZEP ; et même
si, à première vue, traiter le thème de l’amour courtois aurait pu paraître une incongruité
dans ce contexte, l’enthousiasme intellectuel des élèves, le sérieux de leur engagement
nous a pleinement rassurés sur la capacité des enfants à s’investir sur des sujets
apparemment éloignés de leur univers pourvu qu’on manifeste de l’estime et des attentes
claires et honnêtes envers le travail qu’ils accomplissent.
2- Quelques axes pour observer l’argumentation
Les axes d’observation que nous proposons, en nous appuyant sur des exemples
pris dans les classes de cinquième qui ont participé à l’expérimentation, visent donc
simplement à décomposer la question suivante : « existe-t-il un objet scolaire qui serait
l’argumentation ? ». Ils devraient nous servir à repérer comment les élèves « travaillent »
l’argumentation, à identifier quels problèmes de pilotage rencontre l’enseignant et à
caractériser la manière dont il s’y prend pour les résoudre.
Comme notre intention est, ainsi que nous l’avons dit, de ne pas perdre de vue les
besoins de la formation, pour chacun de ces axes nous nous efforcerons de fournir, dans la
mesure du possible, deux niveaux d’analyse, l’un correspondant à ce à quoi le praticien peut
se proposer d’être attentif, y compris dans le cours même du déroulement de la séance,
l’autre correspondant à ce que le chercheur peut se donner pour projet d’analyser, en
utilisant au besoin des enregistrements et des transcriptions
Axe 1 : Le statut de l’argumentation : compétence expériencielle, compétence
objectivée ou objet d’apprentissage ?
Si on se place dans une optique de formation, poser cette question amène à se
demander ce que l’enseignant peut faire des savoir-faire expérienciels des élèves en matière
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d’argumentation : faut-il les exploiter, en prenant le risque qu’ils invalident la situation
d’apprentissage construite pour faire acquérir des compétences argumentatives ciblées ; ou
au contraire faut-il feindre d’en nier l’existence, en prenant cette fois le risque de verser dans
une formalisation qui ferait de l’argumentation un objet inerte coupé de toute référence
pratique.
On sait que dans les classes, l’argumentation peut se voir assigner trois statuts
principaux, celui de compétence expériencielle, que les élèves manifestent notamment dans
des situations non didactiques - mais pas seulement -, celui de compétence objectivée mise
au service d’apprentissages autres, et enfin celui d’objet d’apprentissage.
La possibilité d’exercice de ces statuts tient à la fois aux habitudes disciplinaires et
aux référents théoriques mobilisés pour fonder la définition de l’argumentation : selon que
l’argumentation est envisagée strictement comme un produit de la rhétorique, ou qu’elle est
définie par des concepts empruntés à des approches théoriques plus récentes,
l’argumentation verra tel ou tel de ses statuts avoir droit de cité à l’école.
Disons, que dans toutes les séquences de classe où il existe un espace de parole
pour les élèves, l’argumentation est manifestée sous forme de compétence expériencielle ;
que l’argumentation en tant que compétence objectivée tend à se développer dans les
différentes disciplines, et que le statut d’objet d’apprentissage est réservé explicitement au
champ du français. En tant qu’objet d’apprentissage relevant du français, l’argumentation ne
renvoie pas aux mêmes référents théoriques que ceux qu’elle mobilise en tant que
compétence expériencielle ou objectivée.
A un premier niveau, l’observation que pourrait mener le praticien de français pourrait
se focaliser sur le repérage
- du métalangage explicite, formel, informel
- de l’instance qui apporte le métalangage (maître, élèves)
A un second niveau, l’analyse pourrait porter sur les fonctions du métalangage : aider
à gérer la tâche, à signaler les stratégies argumentatives, à signaler des objets
d’apprentissage…
L’exemple suivant s’offre sans peine à ce type d’observation, avec le recours à une
définition présentée comme un préalable au travail argumentatif des élèves, qui fait de celui-
ci un exercice d’application dépourvu de tout caractère fonctionnel
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Pr. c’est l’occasion de travail du jour d’apprendre à débattre et d’en formaliser les
règles débattre est-ce que quelqu’un peut préciser le sens de ce verbe débattre le
nom faire un débat faire un débat François
Françoi
s
bah faut faut se faut
Pr. attends pas encore on va fermer les fenêtres parce qu’on a un bruit extérieur qui
parasite les informations Michel < inaudible> bon je repose ma question à François
uniquement attends il faut il faut débattre sais-tu le sens
Françoi
s
en fait on va on va eh bien on va se dire pourquoi on est d’accord pour ça si on
n’est pas d’accord on doit expliquer notre notre raison pourquoi on n’est pas
d’accord ou on est d’accord
Pr. bon bah c’est très bien en peu de mots il a dit l’essentiel je crois il a très bien très
bien défini il s’est montré un très bon dictionnaire François tu es capable de répéter
mot pour mot ce que tu as dit pour le déb- le devant de la classe et pour le fond
Françoi
s
ben en fait
Pr. à haute et intelligible voix Valérie laisse ça pour l’instant
Françoi
s
en fait on est tous sur un même point l’amour courtois
Pr. bien
Françoi
s
on on dit on a expliqué pourquoi on est d’accord ou si on aime l’amour courtois et
pourquoi on l’aime pas
Pr. oui
Françoi
s
et on doit parler de ça pendant jusqu’à
Pr. faut expliquer nos raisons tu as dit hein de notre choix on aime ou aime pas
expliquer les raisons de notre choix très bien donc débattre c’est se situer dans
quelle attitude de discours est-ce que c’est un discours essentiellement narratif ou
est-ce que c’est un discours qui pourrait rejoindre un type de discours particulier
qu’on a étudié ?
(Français 5°)
Axe 2 : les mouvements argumentatifs : entre généralisation et particularisation
Cette question de la généralisation et de la particularisation peut s’envisager sous
plusieurs angles :
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- dans le cadre de la rhétorique scolaire traditionnelle, on pense à la distinction entre
arguments et exemples ;
- dans le cadre d’une approche dynamique de l’argumentation, on cherchera plutôt à
repérer des mouvements qui font que l’argumentation oscille entre la référence à des
principes généraux, et la caractérisation de faits, d’objets ou phénomènes singuliers ; ou
bien qu’elle s’engage résolument vers la construction de ces principes ou au contraire
s’oriente nettement dans la voie de la particularisation. Dans tous les cas, ce qui nous
intéressera c’est la dynamique processuelle et son pilotage par l’enseignant.
En effet, dans une optique de formation, on s’intéressera à observer non seulement
les mouvements argumentatifs eux-mêmes, mais aussi le pilotage qui en est fait par
l’enseignant, soit en amont de la séance lors de la construction du dispositif (et surtout de la
question dont le traitement est confié aux élèves), soit dans le cours même de la séance à
l’occasion de ses interventions de cadrage ou d’étayage.
Il se trouve que la généralisation, en tant qu’elle constitue un accès vers la
théorisation est considérée comme ayant une plus grande valeur que la particularisation.
Pourtant cela ne va pas de soi. Ainsi, ce qu’on appelle dans les Instructions Officielles de
français la méthode inductive, et qui est une démarche codifiée très valorisée, consiste à
faire passer de l’observation de phénomènes à la construction d’une règle. Cette incitation
institutionnelle témoigne du souci louable de juguler la méthode d’enseignement
traditionnelle consistant à fournir d’emblée une règle que l’on demandera d’appliquer dans
des exercices. Mais dans le même temps, ce choix évacue le profit que l’on peut tirer de la
description d’un objet singulier, examiné précisément dans sa singularité.
En allant plus loin, rien ne prouve que l’élaboration de vastes théories très
englobantes soit cognitivement plus exigeante que la description monographique minutieuse
d’un objet unique. Mais il s’agit là d’un thème de débat qui mériterait mieux que ce bref
aparté…
À un premier niveau d’observation, le praticien de français pourrait s’attacher à
repérer :
- les énoncés orientant vers la construction de règles générales
- les énoncés orientant vers la caractérisation d’objets particuliers
A un second niveau, dans une optique de recherche, on s’attachera plutôt :
- à repérer des observables linguistiques :
- les procédés de généralisation ou de singularisation (notamment la
catégorisation, la construction de définitions, les explicitations, les reformulations…)
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- les glissements et enchaînements qui permettent de passer de l’objet à la
catégorie ou l’inverse. La théorie des topoï19 fournit ici un bon outil d’analyse, en aidant à
repérer les outils lexicaux qui servent de garants à l’enchaînement entre des assertions.
- les moyens linguistiques employés pour conférer aux assertions un statut de
vérité universelle (temps verbaux, recours à des expressions figées, choix énonciatifs…)
- à identifier et caractériser les propositions et assertions auxquelles est conféré le
statut de postulat, d’axiomes, de vérités universelles…
- à observer comment l’enseignant s’y prend pour faire acquérir des techniques
procédurales ( par exemple apprendre à catégoriser, à convoquer des règles…), et pour
favoriser un type de mouvement argumentatif
Les exemples suivants nous fournissent de bons terrains d’observation
Dans cet extrait de séance de français, c’est la collaboration entre les élèves qui
permet de définir ce qu’est une définition (sans passer par le métalangage grammatical)
chacun d’entre eux assumant une partie générale (qu’est-ce qu’une définition ?), et une
partie orientée vers le traitement de la situation particulière (qu’est-ce que définir l’amour
courtois ?)
professeur Est-ce que vous êtes sûrs que « qu’est-ce que c’est » c’est la même chose que
« à quoi sert-il ? »
Elève 1 Non
Elève 2 Non parce que c’est par exemple à quoi il sert, à qui, à qui c’est adressé
Elève 3 Mais tu veux dire aussi que c’est à peu près la même chose parce que parce
qu’est-ce que l’amour courtois on va dire ce que c’est et que veut dire, on va
aussi dire ce que c’est.
Imène C’est dans les définitions
professeur Est-ce que vous êtes d’accord avec ce que dit Imène
Elève Pour moi c’est pas dans les définitions, parce que dans les définitions on
nous donnerait plutôt des définitions de l’amour courtois et là on dit dans
quelle époque et là la question c’est l’époque c’est pas la définition
Autre exemple en Géographie, au cours duquel les élèves passent du cas particulier
à l’énoncé de principes généraux qui guideront le dialogue qu’ils préparent :
13 b S’ils veulent une piscine en milieu équatorial, on va dire pourquoi ?
19 Pour Anscombre, les topoï se caractérisent par le fait qu’ils font partie des croyances communes à une communauté, qu’ils se présentent comme généraux, et qu’ils sont graduels (Anscombre (1995) (dir). Théorie des topoï. Kimé)
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14 a En quoi il consiste
15 b C’est pourquoi ce projet est nécessaire, et est-il intéressant
16 a c’est la même chose
…
19 b Là on pose des questions de base par rapport à leur projet
Dans le corpus biologie, on assiste à un procédé de catégorisation opéré par Julien,
qui en introduisant le mot « facteur », crée une étiquette permettant de caractériser un
processus, grâce aux propriétés qui sont associées au référent de ce terme :
85 Julien on a l’impression que c’est la tournée du facteur
93 Julien « c’est genre facteur »
La métaphore employée par Julien sera reprise par le professeur qui s’en servira
pour désigner le modèle de circulation sanguine reposant sur unedistribution en série.
Axe 3 : le « tressage » argumentatif : une argumentation co-construite ou un
cheminement individuel ?
Les argumentations orales dialogales développées en classe – ou ailleurs - sont
faites de discours enchevêtrés développant deux types d’enchaînement : enchaînement
d’un locuteur sur son propre propos, et enchaînement sur le propos d’autrui. Au delà des
aspects formels de l’enchaînement, ce qui est intéressant à observer c’est la manière dont
chaque locuteur se construit un système théorique (si l’argumentation vise à expliquer un fait
ou un phénomène), un système hiérarchisé de règles (si l’argumentation vise à prendre une
décision) ou une représentation, une conception… Nous postulons, qu’en raison du
caractère dynamique de l’argumentation, les locuteurs sont amenés à réorganiser leur
position initiale, pour la conforter, ou pour l’adapter, en intégrant des éléments fournis par les
autres ou en les rejetant… Il y a ainsi deux jeux argumentatifs qui se déroulent en même
temps, celui du groupe qui avance vers une conclusion (accord ou désaccord) et celui de
chaque individu qui renforce fissure ou stabilise sa position initiale.
A un premier niveau d’observation on s’attachera à relever les indices renseignant
sur la circulation thématique, en relevant les procédures et micro-actes de langage suivants :
- définition, explicitation, autoreformulation …
- hétéroreformulation,
pour faire avancer l’argumentation
pour créer une communauté
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Ainsi, dans notre corpus, en mathématiques, on peut observer comment les
reformulations successives manifestent une fusion entre les locuteurs, puis une mise à
distance et enfin à nouveau l’existence d’une communauté :
148 Noéli On est en train de s’embrouiller
150 Noéli T’es en train de nous embrouiller
157 Noéli Tu sais ce qui nous embrouille ici
(Mathématiques 5°)
De même, toujours dans ce corpus maths, le pronom « on », avec ses différentes
valeurs est un indicateur intéressant à suivre
A un deuxième niveau, on s’attachera à suivre le système convoqué par un locuteur
et son évolution, par accumulation, agglutination, renoncement, réorganisation…
Axe 4 : construction par la langue d’un objet commun
Il s’agit d’une question relevant de la philosophie du langage. En effet, sans aller
jusqu’au nominalisme, on peut estimer qu’au-delà de leur existence matérielle, les objets
n’ont de présence dans notre conscience que parce qu’ils sont dénommés, désignés,
caractérisés. Cela est vrai aussi bien des objets matériels que des objets abstraits que sont
les qualités, les phénomènes, les actes, les faits…
Dans le cadre de situations argumentatives scolaires, ce qui est intéressant c’est la
manière dont s’opère, de façon dynamique la construction de ces objets, grâce à leur
désignation et au tissage de relations.
A un premier niveau d’analyse, on s’attachera à observer les caractérisations et
catégorisations des objets qui sont au centre de l’argumentation, en relevant notamment
- les procédés de désignation de cet objet (l’étude qui est faite du corpus biologie est
exemplaire à ce titre), les procédures de thématisation qui le mettent sur la scène de
l’argumentation
- les procédés de description20, caractérisation, décomposition de cet objet ou au
contraire d’inclusion dans une catégorie plus vaste.
A un second niveau d’analyse on s’intéressera plutôt à :
- tout ce qui révèle des phénomènes de saillance ou de narcose (l’emploi des
déictiques, en tant qu’il signale la connivence est un bon révélateur de ce type de
phénomène)
20 Voir en particulier les articles de Nonnon (« l’activité descriptive comme démarche d’investigation dans le cadre de construction des connaissances ») et d’Apothéloz (« Éléments pour une logique de la description et du raisonnement spatial ») in Reuter Y. (1998) (Dir) La description. Presses universitaires du septentrion
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- tout ce qui renseigne sur les procédures permettant de construire des relations, car
en fait, la construction mentale d’un objet est faite d’un tissage de relations.
De puissants outils d’analyse sont fournis d’une part par les travaux portant
précisément sur les procédures, envisagées dans leurs aspects cognitivo-langagiers (on
pense en particulier aux travaux de Grize sur la schématisation, en tant que représentation
discursive d’une situation ou à ceux de Vergnaud21) et d’autre part par les travaux menés
dans le champ de l’analyse sociologique qui se sont intéressés à la manière dont on peut
structurer le réel pour en faire des objets de connaissance22.
Le corpus Physique nous offre un exemple intéressant à observer, car il montre
comment, dans l’entrecroisement des propos, les locuteurs se situent à des niveaux
sémiotiques différents, et traitent donc, finalement d’objets différents
21 Youssef : on voyait que la lampe brille… même que la lampe brille
22 Prof : Et pourquoi le schéma 2 il est faux alors ?
23 Youssef :car le 2, il ne forme pas une maille
[…]
91 Sarah dans le schéma numéro 2 , en fait, eh bien le courant il… le courant va
dans les deux fils de connexion en même temps, donc ça fait pas une maille parce que ça
reste
Dans ces échanges, Youssef et Sarah semblent parler de la même chose, mais
certains indices nous signalent que ce n’est pas le cas : Youssef, après l’intervention du
professeur, parle de la représentation schématique. On note à ce propos qu’il emploie
« car », connecteur rare à l’oral », qui sert ici à introduire une justification de son dire. Il
commente, conformément à ce qui lui est demandé, la pertinence de la représentation.
Sarah, quant à elle, traite du fonctionnement représenté
Axe 5 : les places offertes et les places prises dans le jeu argumentatif
Les situations scolaires d’argumentation obéissent à des cascades d’enjeux, qui
peuvent être hiérarchisés de façon différentes
On peut notamment repérer quatre strates dans les corpus dont nous disposons :
21 Vergnaud définit cinq types de relations mises en œuvre dans l’argumentation : la définition, la redéfinition, la composition, l’association, le couple développement conséquence et l’opposition (Intervention à la journée d’études « Positionnements théoriques dans le champ des études argumentatives » 24 mars 2003) 22 On pense en particulier aux travaux de Berthelot qui distingue cinq « schèmes d’intelligibilité du social » (Berthelot (1998) L’intelligence du social, PUF)
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- en tant que situations dialogales ordinaires elles mettent en jeu des places sociales
que chaque sujet parlant doit conquérir, maintenir ou restaurer ;
- en tant que situations scolaires, elles sont sous l’emprise des codes de
communication propres à l’école qui impose des rôles et des fonctionnements spécifiques ;
- en tant que situations d’apprentissage, elles sont orientées vers une finalité
extrinsèque qui détermine des seuils d’acceptabilité des propos ;
- et dans un certain nombre de cas, ce sont en même temps des situations
fictionnelles qui proposent des jeux de rôle.
En général, une même situation d’argumentation, dans le cadre scolaire, comporte
ces strates différentes, mais leur hiérarchisation peut-être perçue différemment et travaillée
différemment selon les acteurs.
Disons que dans un cours traditionnel de français, dans la mesure où l’argumentation
est explicitement désignée comme objet d’apprentissage, il est fréquent que s’opère un
clivage entre deux types de situations, selon qu’elles sont ou non désignées comme
focalisées
On peut donc se proposer d’observer à un premier niveau comment les élèves (et le
professeur) structurent ces strates communicationnelles et surtout comment ils les
reconfigurent en cours de débat, en s’intéressant notamment à la distribution entre les
interlocuteurs des énoncés assertifs, jussifs et interrogatifs, qui instaurent des places
communicationnelles.
A un second niveau on s’intéressera à ce qui fait que le débat se joue simultanément
sur deux plans : conflit et coopération intellectuelle (accord ou désaccord sur des
procédures, des objets du monde etc.), négociation des places (recentration sur la tâche,
approbation, satisfecit, validation)
Axe 6 : Le statut du sujet argumentateur et son engagement dans
l’argumentation : l’enjeu argumentatif , du rituel scolaire au jeu de rôle
L’engagement d’un élève dans l’argumentation dépend de plusieurs facteurs : les
rapports qu’il entretient avec l’école, avec l’argumentation, avec le sujet traité, avec ses
partenaires dans l’argumentation… mais aussi de la manière dont la situation a été
construite, de son fonctionnalité ou de sa fictionnalité. Rien n’est simple cependant : une
situation fictionnelle peut mobiliser davantage l’argumentateur en tant que sujet, qu’une
situation fonctionnelle. L’enjeu argumentatif est en général donné d’emblée lors de la
construction de la situation, mais il peut évoluer au cours des échanges, en fonction de la
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manière dont les élèves se l’approprient ou le rejètent. Et, si le contrat didactique n’est pas
bien clair, il s’opère un décalage entre les finalités prévues par l’enseignant et celles perçues
ou voulues par les élèves : le débat argumentatif peut être un simple rituel scolaire, dans
lequel nul ne songe à s’investir ou au contraire un jeu qui mobilise toutes les énergies.
A un premier niveau on choisira comme observable des indices linguistiques qui
renseignent aisément sur la manière dont l’argumentateur se positionne comme énonciateur
dans l’argumentation, en relevant tout ce qui renseigne sur la prise en charge énonciative
des assertions, des questions, des jugements, etc. telle qu’elle est rendue perceptible par
l’emploi des pronoms et par l’évolution du référent de ces pronoms
A un second niveau, on s’intéressera à la référence à l’expérience sociale, affective,
intellectuelle personnelle du sujet.
Dans le corpus Histoire, c’est d’abord le « vous » des interlocuteurs qui instaure les
partenaires de l’argumentation dans leur rôle. Puis la fiction s’installe, précisément avec la
disparition des marques de fictionnalisation : on passe de la présence du « si » signalant la
fiction à la disparition du « si ».
La tâche de l’enseignant quand il bâtit une situation d’argumentation est donc
complexe, puisqu’il faut établir les conditions qui permettront à la fois :
- de faire saisir aux élèves l’enjeu épistémique de l’argumentation (on argumente
pour apprendre quelque chose, pour être plus efficace, pour développer ses compétences…)
tout en leur faisant accepter l’argumentation comme un jeu ;
- de les amener à s’engager sur le plan intellectuel ou éthique (il s’agit de défendre
quelque chose que l’on croit juste, vrai, préférable…) tout en leur demandant de prendre
leurs distances avec leurs croyances, leurs affects ;
- de les amener à une collaboration discursive qui procède au moyen des conflits.
Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003
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