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Introduction à l’Étude des Garanties Constitutionnelles
des Droits Fondamentaux
Éléments, concepts et critiques de débat
Dr. EL BOGHARI Anouar
Professeur de Sciences Politiques
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................. 3
PREMIERE PARTIE : LES GARANTIE
JURIDICTIONNELLES ........................................................................ 9
Chapitre 1 : La consolidation de la justice ............................................. 11
Chapitre 2 : La consécration de la place du droit international dans
la nouvelle Loi fondamentale ................................................................. 48
Chapitre 3 : Le législateur organique ................................................... 100
DEUXIEME PARTIE : LES GARANTIES NON
JURIDICTIONNELLES .................................................................... 125
Chapitre 4 : Le système politique de l'État ........................................... 127
Chapitre 5 : Les institutions constitutionnalisées ................................. 137
CONCLUSION ................................................................................... 154
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................. 161
3
INTRODUCTION
La notion de « droits fondamentaux », couramment assimilée à
celle de « droits de l'Homme », indique subséquemment un noyau de
droits essentiels et inaliénables de la personne humaine, valables en toute
circonstance, sans possibilité de dérogation1 .
Il s'agirait tantôt de droits économiques, tantôt de droits civils ou
politiques.
Investis de l’universalité, ils forment le patrimoine commun de
l’humanité et représentent une charnière des ordres juridiques internes,
européens et internationaux.
A ce juste propos, le respect et la garantie de ces droits
fondamentaux marquent immanquablement l’un des soubassements
indispensables pour l'érection de l'État de droit au point que Hauriou
énonça : « C'est le moment de nous souvenir que le droit constitutionnel
tout entier est pour la garanties des libertés... »2
A cet enseigne, l’existence de la Constitution dans les démocraties
libérales est généralement amarrée à la garantie des libertés.
Loin de procéder du seul prisme historique en vertu duquel
l’adoption de nouvelles Constitutions satisfait à la volonté des peuples
de s’autodéterminer par rapport à une puissance étrangère ou à un groupe
minoritaire les aliénant3, mais cette osmose entre les garanties des
1 Hervé Guérin, «Les droits fondamentaux et les libertés publiques : Les mécanismes de protection»,
wikiterritorial, octobre 2016.
Sur:http://www.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/bin/view/vitrine/Les+droits+fondamentaux+et
es+libert%C3%A9s+publiques+%3A+Les+m%C3%A9canismes+de+protection+ 2 Cité par Patrice Rolland, " Garantie des droits ", Droits fondamentaux ,n°3,janvier –décembre 2003
Repris de M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1929, p. 702. 3 Voir : Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Paris-Dakar, Présence africaine, 2004,
p. 23
4
libertés publiques et la Constitution est inhérente à l'essence conceptuelle
de la Constitution.
A cet effet justement, la consubstantialité de la liberté politique et
de la Constitution est profondément ancrée comme en témoignent les
propos de Montesquieu : « La liberté, dans une société où il y a des lois,
est le droit de faire tout ce que les lois permettent4 ». Ce cadre
sémantique s'apparente à la liberté civile de Jean-Jacques Rousseau qui
postule à la limitation de la liberté par la volonté générale à travers la
loi5.
En un peu plus clair, une injonction est hissée au rang d'une
condition sine qua non, celle de « la participation des hommes au choix
de leur gouvernement, au processus de la législation, et au contrôle de
l’administration6 ». A n'en point douter, ce cadre balise concomitamment
un champ conceptuel et protecteur du domaine des droits et libertés par
le droit dont l'effectivité de l'exercice est consacré dans la Constitution.
En substance, la conception matérielle relève que la Constitution
est l’ensemble des règles juridiques les plus importantes 7définissant le
statut de l’État et celui des gouvernants8. L’affirmation de Fauré selon
4 Montesquieu, De l’esprit des lois, livre XI, chap. 3. 5 Voir : Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, livre I, chap.8 ,1762
En ligne sur:
http://classiques.uqac.ca/classiques/Rousseau_jj/contrat_social/contrat_social_tdm.html 6 Voir : Friedrich Hayek, La Constitution de la liberté, Raoul Audouin et Jacques Garello
(trad.), Paris, Litec,
1994, p. 13. 7 Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Montchrestien, 2007, p. 171. 8 Cité par Sasso Pagnou, « Essai d’explication du déficit de garantie de la liberté politique au
Togo », Les
Annales de droit [En ligne], 9 | 2015, mis en ligne le 08 janvier 2018, consulté le 18 avril
2018. URL :
http://journals.openedition.org/add/363 ; DOI : 10.4000/add.363
Repris de Georges Burdeau, Traité de science politique, II : L’État, Paris, LGDJ, 1980,
p. 169.
5
laquelle la Constitution est « une garantie des gouvernés, [...] une
conquête de la liberté par ceux qui, jusqu’alors, ont été soumis à la force
mécanique de la domination9 » corrobore cette réalité. A ce juste propos,
les « révolutionnaires » français de 1789, résolument persuadés de ce
constat ont soutenu que toute société dans laquelle la garantie des droits
n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’à point de
Constitution10 .
Dès lors, des principes et mécanismes sont consignés dans les
Constitutions libérales dans le dessein de soumettre le pouvoir politique
au droit : l’égalité, la liberté des citoyens, la division du pouvoir
politique, l’existence d’une autorité judiciaire et l’optimisation des
conditions de dévolution du pouvoir politique.
A juste raison, la nouvelle Charte constitutionnelle marocaine
prévoit une longue liste de droits et libertés. Or, des interrogations
persistent pourtant quant à leur effectivité. Il serait idoine de rappeler, en
l’occurrence, que dans l'esprit couronnant les garanties
constitutionnelles des droits et des libertés politiques, il est éminemment
stipulé de remplir deux conditions. Au prime abord, les droits et les
libertés doivent bénéficier d’un statut constitutionnel. En d'autres termes,
le statut garantit la paix sociale au sein de la société ou de la collectivité
et cuirasse leurs membres des éventuelles déviations des dirigeants.
A ce juste propos, le respect de statut assure la liberté des citoyens
à travers la limitation du pouvoir politique.Du reste, l'État doit ancrer des
procédures maximisant l'exercice de ces droits à l'encontre des
restrictions attentatoires dressées par les pouvoirs publics.
9 Yves-André Fauré, « Les Constitutions et l’exercice du pouvoir en Afrique. Pour une lecture
différente des
textes », Politique africaine, no 1, 1981, p. 35. 10 Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
6
Évoquant en 1819 les écueils de transgressions des droits
fondamentaux, Daunou écrivait : « [...] nous appelons garanties
individuelles l'engagement qu'elle [la puissance publique] prend de s'en
abstenir et les institutions qui l'obligent en effet d'y renoncer.»11
Dans cette perspective, on relève, au Maroc, des antinomies entre
les droits proclamés et les restrictions qui les accompagnent, ce qui les
vide de leur contenu substantiel. A cet égard, la jouissance effective des
libertés publiques trahit depuis des décennies l’écart entre le texte et la
pratique, ce qui pose le problème de l’État de droit.
Encore faut-il se demander si la Constitution suffit par soi à la
garantie des droits ou s'il faut de surcroît prévoir des institutions
particulières. Rien de plus illustratif, en ce sens, que l'expérience de la
Terreur et de la dictature de Salut public. Autrement dit, l'exemple de la
perte des droits les plus élémentaires et de l'inanité des garanties, rend le
travail constituant que la Convention nationale entreprend pour la
seconde fois particulièrement exemplaire sur ce sujet. Par conséquent,
les droits et libertés ne peuvent être protégés de manière effective et
efficiente que s’il existe des dispositifs performants à la disposition des
justiciables.
Ces mécanismes sont la garantie de la protection réelle des droits.
A ce juste propos, l'inscription constitutionnelle des mécanismes de
protection, dans le corpus constitutionnel, s’assigne la satisfaction d'un
double impact sur la garantie des droits fondamentaux. D'une part, un
impact intellectuel dont notamment la prévision par la Constitution de
tels mécanismes, leur attribuant le statut constitutionnel. D'autre part, la
11 Cité par Patrice Rolland dans, «La garantie des droits », Droits fondamentaux, n° 3, janvier
– décembre 2003. P1.Sur :www.droits-fondamentaux.org
Repris de Daunou, « Essai sur les garanties individuelles que réclame l'état actuel de la
société », Paris, Foulon, 1819, pp. 3-4.
7
possibilité accordée aux citoyens selon différentes procédures, de
disposer de voies de recours contre les transgressions de leurs droits,
traduit un impact politique.
C'est ce souci qui renvoie à l'épanouissement juridique du citoyen
qui est susceptible d’optimiser l'examen de la portée exacte des instances
chargées d'assurer la protection des droits fondamentaux qui se
rapportent à l'être humain.
La liberté étant une quête perpétuelle et les violations revêtant un
caractère quasi permanent et tout aussi perpétuel12 . Le rôle préventif des
mécanismes de protection des libertés publiques est essentiel ici dans le
sens où ils tendent à protéger la personne humaine, car comme le déclare
Frédéric Sudre :
« La justiciabilité de la règle conditionne l'efficacité de la garantie et
de sa sanction. Aucune protection internationale des droits de l'homme ne peut être
sérieusement mise en œuvre si elle ne s'accompagne pas des mécanismes
juridictionnels appropriés »13.
De quelle façon le Maroc puise-t-il les enseignements induits des
déboires consentis en matière de l'inanité des garanties constitutionnelles
des droits fondamentaux souvent bafoués ? A-t-il repensé des solutions
neuves palpitant au rythme de la démocratie libérale dûment consacrées
par la nouvelle Constitution ?
Les conventionnels auront à choisir en distinguant entre des
garanties juridictionnelles et des garanties non-juridictionnelles. Il
12 Paul Zbigniew, La garantie des droits fondamentaux au Cameroun, Université Abomey-
Calavi, Bénin -DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004,120 p.P96. Sur:
https://www.memoireonline.com/03/07/396/m_la-garantie-des-droits-fondamentaux-au-
cameroun1.html 13 Frédéric Sudre, Droit international et européen des droits de l'homme, 3e Edition, Paris,
PUF, 1989, p. 13.
8
importe de se demander, pour autant : l'ancrage de la démocratie
représentative serait-il efficient, ou bien d'autres mécanismes
institutionnels, doivent-ils venir la parachever, voire le contrôler ?
La transition démocratique telle qu'attendue au Maroc est - elle
compatible avec l'ancrage de ces garanties constitutionnelles ? Ne
représente-t-il pas plutôt un luxe, un trompe-l’œil propre plus à un État
de droit consolidé qu’autre en voie d'édification ?
Pour percevoir les diverses strates qui jalonnent la composition de
cette étude, nous pourrons considérer que deux moutures successives
forment son ossature. Nous nous pencherons, au prime abord, sur
l'examen des garanties juridictionnelles (première partie) avant de nous
vouer à l'analyse des garanties non-juridictionnelles (deuxième partie).
9
PREMIERE PARTIE : LES GARANTIES
JURIDICTIONNELLES
A peine , l’encre de la nouvelle mouture constitutionnelle avait-
elle séché, les commentateurs n’ont pas manqué de vanter le contenu
résolument favorable à l’ouverture orientée du nouveau remodelage
constitutionnel vers le renouement une effectivité dans l'exercice des
libertés publiques et ce, moyennant l'ancrage de maintes garanties
juridictionnelles qui rend tentant de savoir si la nouvelle ingénierie a
réussi, de facto, la protection des libertés publiques. Il importe, à ce juste
10
égard, de déceler les incidences de l’ambition affichée de la
consolidation de la justice (Chapitre 1).
Par ailleurs, l'élément novateur dans la nouvelle la nouvelle Loi
fondamentale est la reconnaissance de la place d'avant plan du droit
international .En ce sens, éminemment précieux, l'examen des contrôles
effectués dans le dessein de raffermir les garanties juridictionnelles a
coutume de susciter l’appréciation critique. Il n'en demeure pas moins
vrai, à ce juste niveau, que projeter d'apprécier l'étendue du contrôle de
conventionalité à l’aune de la nouvelle Constitution conduit tout
naturellement à reconstituer ses diverses couches, les principes
fondamentaux qui l' animent et , ipso facto, les normes juridiques
formant le corps de règles le composant.
A juste raison, sera percée la tumultueuse question du ballottement
entre réception ou insertion du droit international à l’aune des
Constitutions précédentes (Chapitre 2) dans le dessein de scruter sa
quintessence sur la base de l’actuelle Constitution. Du reste, il importe
remarquablement d'évaluer le rôle du législateur organique (Chapitre 3).
Chapitre 1 :
La consolidation de la justice
A en croire la nouvelle Charte constitutionnelle, l'indépendance de
la justice (1) corrélés à la consécration de la justice constitutionnelle
traduisent des remparts contre les transgressions pouvant affecter
l’effectivité dans la jouissance des libertés publiques (2).
11
1. L'indépendance de la justice
La mouvance est certes traduite par la consécration
constitutionnelle de la justice hissée au niveau de pouvoir au lieu
d’autorité 14.A ce juste propos, son indépendance est garantie tant vis-à-
vis des pouvoirs aussi bien exécutif que législatif. Le Roi demeure le
garant de cette indépendance en vertu de l’article 10715.
L'existence des droits et libertés politiques a pour postulat le
respect des droits les plus fondamentaux de la personne humaine. Toute
effectivité des droits des individus et des libertés publiques présuppose
l'existence d'un régime démocratique et l'indépendance de la Justice à
l'égard des autres pouvoirs publics. Ainsi que l'énonce l'article 16 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « toute société
dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des
pouvoirs, déterminée, n’à point de Constitution.»
Dans le nouvel ordre institué par la nouvelle Charte, une nette
avancée juridique s’est enregistrée dans la mesure où les remaniements
induits sont prometteurs d’une profonde refonte. En outre, la teneur du
texte en est une et n’implique que la mise en œuvre.
14Cette transformation est radicale dans la mesure où la justice qui n’était, dans les textes
précédents, tout comme la France, qu’une simple autorité, se trouve érigée en pouvoir par le Titre VII « Du pouvoir judiciaire » de la nouvelle Constitution. En effet, il en est ainsi de la
Constitution française du 4 octobre 1958 dont le Titre VIII : « De l'autorité judiciaire » comprenant les articles (articles 64 à 66-1).
La Constitution espagnole, approuvée par les Cortès réunies en séances plénières du Congrès
des Députés et du Sénat célébrées le 31 octobre 1978, ratifiée par le peuple espagnol par le
référendum du 6 décembre 1978 sanctionnée par S.M. le Roi devant les Cortès le 27
décembre 1978, quant à elle, a consacré dans le Titre VI « un pouvoir judiciaire » 15 Cet article indique expressément « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir
législatif et du pouvoir exécutif. Le Roi est le garant de l’indépendance du pouvoir
judiciaire »
12
En ce sens, le pouvoir judiciaire paraît profondément affecté
subissant de profondes modifications. L’appréciation de la séparation
des pouvoirs dans la reconnaissance dudit pouvoir couplée de
l’évaluation des avancées et des limites de la justice constitutionnelle
pourvue d’une nouvelle architecture mécano-institutionnelle sauraient
rendre compte de la réalité de la nouvelle refonte.
En effet, le Constituant a soutenu sinon disertement, du moins
vaillamment, toutes les propositions du principe de la séparation des
pouvoirs bien plus que ne le faisaient en 1996, les quatre brefs alinéas
du préambule du texte révisé.
En revanche, se signale à l’attention une grande carence à bien des
égards. Au prime abord, il oblitère toute mention relative au statut de la
justice. De surcroît, il a omis d’établir tout lien entre la sanction
juridictionnelle et les activités de régulation et de contrôle confiées aux
institutions de bonne gouvernance dont la réalité et la fonction seraient
du ressort de la loi comme l’a bien stipulé l’article 17116 de la
Constitution.
Or, ce qui, à tout prendre, est sans nul doute, une avancée
considérable, c’est la nouvelle ingénierie judiciaire traduite par la
création de nouvelles catégories de juridictions comprises dans le
domaine de la loi largement défini par l’article 71.
Au-delà de la simple création d’une catégorie de juridictions, le
législateur est compétent, semble-t-il, d’édicter et de modifier des
éléments substantiels relevant de cette catégorie et relatifs à la
16L'article171précise : « Des lois fixeront la composition, l’organisation, les attributions et les
règles de fonctionnement des institutions et instances prévues aux articles 160 à 170 de la
présente Constitution et, le cas échéant, les situations des incompatibilités. »
13
composition, à la compétence ou au fonctionnement des juridictions
d’une catégorie donnée17.
De même, en vertu de l’article 72 de la nouvelle Constitution, il
incombe au pouvoir exécutif en la personne du Chef du gouvernement
ou par délégation aux ministres 18 de procéder à la création de nouvelles
juridictions au sein d’une catégorie existante.
Le Roi, comme prévu dans l’article 10719, en sa qualité de garant
de l’indépendance du pouvoir judiciaire préside le Conseil Supérieur du
pouvoir Judiciaire comme énoncé dans l’article 5620. Par ce conseil, il
approuve la nomination des magistrats par dahir comme le prévoit
l’article 5721.
Dans ce même ordre, seront raffermis le statut de la magistrature
et le Conseil Supérieur du pouvoir Judiciaire. En effet, la loi organique
n° 100-13 publiée au bulletin officiel n° 6492 du 18-8-2016 relative au
Conseil supérieur du pouvoir judiciaire est venue fixer le statut des
magistrats en toute correspondance avec les principes ancrés par le titre
VII de la Constitution « Du pouvoir judiciaire » dont l’indépendance est
garantie par le Roi.
17 Yves Gaudemet, « Le pouvoir judiciaire dans la Constitution marocaine de 2011 » In « la
Constitution marocaine de 2011, Analyses et Commentaires », sous la direction du Centre
d’Études Internationales, 2012, L.G.D.J,p 201. 18 L’article 90 balise bien cette possibilité en ces termes : « Le Chef du Gouvernement exerce
le pouvoir réglementaire et peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Les actes
réglementaires du Chef du Gouvernement sont contresignés par les ministres chargés de leur
exécution. » 19 Il énonce : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif. Le Roi est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. » 20 Il dispose : « Le Roi préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.»
21 Il énonce :« Le Roi approuve par dahir la nomination des magistrats par le Conseil Supérieur
du Pouvoir Judiciaire. » Il serait seyant de préciser que ces nominations font figure des actes
échappant au contreseing par le Chef du gouvernement comme prévu dans l’alinéa 4 de
l’article 42 qui énonce : «Le Roi remplit ces missions au moyen de pouvoirs qui lui sont
expressément dévolus par la présente Constitution et qu’il exerce par dahir. Les dahirs, à
l’exception de ceux prévus aux articles 41, 44 (2ème alinéa), 47 (1eret 6èmealinéas), 51, 57,
59, 130 (1eralinéa) et 174sont contresignés par le Chef du Gouvernement.»
14
Par ailleurs, au Conseil supérieur de la magistrature mis en place
par la Constitution de 1996 se substitue le Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire22 avec un partiel remaniement mais une composition
significativement modifiée23.
Comme de coutume, le Roi maintient la présidence24 dudit Conseil en
vertu de l’article 56.
Une innovation de taille, le ministre de la justice n’est plus le vice-
président. Il n’en fait même pas partie. La qualité président- délégué est
transmise au Premier président de la Cour de cassation.
A se référer aux dispositions de l’article 115, le Conseil Supérieur
du Pouvoir Judiciaire se compose au-delà du Premier-président de la
Cour de Cassation en qualité de Président-délégué, du Procureur général
du Roi près la Cour de Cassation, du Président de la Première Chambre
de la Cour de Cassation, de quatre représentants élus, parmi eux, par les
magistrats des cours d’appel, de six représentants élus, parmi eux, par
les magistrats des juridictions du premier degré.
Une représentation des femmes magistrats doit être assurée, parmi
les dix membres élus, dans la proportion de leur présence dans le corps
22 En effet, en vertu de l’article 178, le Conseil supérieur de la magistrature en fonction
continuera d’exercer ses attributions jusqu’à l’installation du Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire prévu par la présente Constitution. 23 En écho aux dispositions de la Constitution. Particulièrement celles de l’article 116, cette
loi organique détermine les règles d’élection et de nomination des membres du Conseil
supérieur du pouvoir judiciaire, les procédés de son organisation et de son fonctionnement, ses compétences ainsi que les critères relatifs à la gestion de la carrière des magistrats et les
règles de la procédure disciplinaire. 24 Or, l’on note à ce juste propos des dissemblances par rapport aux expériences modernes du
droit comparé. En France par exemple, Le Conseil supérieur de la magistrature comprend
une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à
l'égard des magistrats du parquet. La formation compétente à l'égard des magistrats du siège
est présidée par le Premier président de la Cour de Cassation tandis que la formation
compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la
Cour de cassation. En Espagne, le Conseil général du Pouvoir Judiciaire est formé par le
Président du Tribunal suprême qui le présidera,
15
de la magistrature, du Médiateur, du Président du Conseil national des
droits de l’Homme, de cinq personnalités nommées par le Roi, reconnues
pour leur compétence, leur impartialité et leur probité, ainsi que pour
leur apport distingué en faveur de l’indépendance de la justice et de la
primauté du droit , dont un membre est proposé par le Secrétaire général
du Conseil Supérieur des Oulémas.
S’inscrivant sur les canons du constitutionnalisme occidental entre
autres l’Espagne25, le Constituant consacre le principe d’inamovibilité
des magistrats du siège dans l’article10826.
Pour assurer l’indépendance et l’impartialité en contournant toute
intervention, l’article 10927 résonne en écho. Cet article est la nette
expression de la volonté du Constituant de donner suite aux doléances
des membres du gouvernement et des associations des droits de
25 L’inamovibilité des juges et des magistrats est consacrée dans le titre VI dédié au pouvoir
judiciaire dans l’article 171 par les textes ci-indiqués : 1. La justice émane du peuple et elle
est administrée au nom du Roi par des juges et des magistrats qui constituent le pouvoir
judiciaire et sont indépendants, inamovibles, responsables et soumis exclusivement à
l’empire de la loi.
2. Les juges et les magistrats ne pourront être destitués, suspendus, transférés ou mis à la
retraite que pour l’une des causes et avec les garanties prévues par la loi.
3. L’exercice du pouvoir juridictionnel, dans tous les types de procès, aussi bien pour
rendre un jugement que pour le faire exécuter incombe exclusivement aux juges et aux
tribunaux déterminés par les lois, selon les normes de compétence et de procédure que celles-
ci établissent.
4. Les juges et les tribunaux n’exerceront pas d’autres fonctions que celles indiquées au
paragraphe précédent et celles qui leur seront expressément attribuées par la loi en garantie
de n’importe quel droit. 26 Ce principe auparavant consacré par l’article 85 de la Constitution de 1996 est réaffirmé
dans les mêmes termes par l’article 108 qui dispose : « Les magistrats du siège sont
inamovibles.» 27 Il dispose : «Est proscrite toute intervention dans les affaires soumises à la justice. Dans sa
fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction ou instruction, ni être soumis à
une quelconque
pression. Chaque fois qu’il estime que son indépendance est menacée, le juge doit en saisir
le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Tout manquement de la part du juge à ses devoirs
d’indépendance et d’impartialité, constitue une faute professionnelle grave, sans préjudice
des conséquences judiciaires éventuelles. La loi sanctionne toute personne qui tente
d’influencer le juge de manière illicite.»
16
l’Homme qui ont stigmatisé à maintes reprises, notamment lors de la
préparation de la Constitution, des cas d’influence et de corruption.
Décidément, toute intervention dans les affaires traitées par la
justice est prohibée. Pas davantage, dans l’exercice de sa fonction
judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction, d’instruction ni être
assujetti à quelque pression.
Dans le même ordre des idées, l’article 110 reprend la distinction entre
les magistrats du siège appelés à la seule application de la loi et les
magistrats du parquet qui en outre, se doivent d’appliquer l’application
du droit et doivent se conformer aux instructions écrites émanant de
l’autorité hiérarchique. Cette autorité hiérarchique ne serait autre que le
ministre de la justice et le Chef du gouvernement.
En somme, le parquet, fidèle à une configuration française
historique mais grevé d’une large liberté évolutive au profit des
magistrats du parquet, ce qui reste , à en croire Yves Gaudemet , critiqué
et condamné à terme à ne pas rester en l’état ,pour la France, dès lors que
la Cour européenne des droits de l’Homme disqualifie la qualité des
magistrats au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’Homme et des libertés fondamentales aux agents d’un parquet
hiérarchique et subordonné à l’autorité politique28.
La nouvelle Constitution rompt avec le passé en ce qu’elle oblitère
l’interdiction autrefois arrêtée en matière de la faculté des magistrats à
se regrouper en associations professionnelles. Qui plus est, le nouveau
texte garantit leur liberté d’expression mais interdit en fonction de
28 Pour preuve, l’arrêt émis par la grande Chambre de la Cour européenne des droits de
l’Homme daté du 29 mars 2010 relatif à l’affaire Medvedyev et autres réaffirme sa position
auparavant adoptée selon laquelle le juge « [...] doit présenter les garanties requises
d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties [...]»
17
l’article 11129, toute adhésion à des organisations syndicales ou à des
partis politiques.
Dans un autre ordre des idées, le Constituant a bien explicité le
rôle dudit conseil et ce, en vertu de l’article 11330. En réponse imparable
à la théorie de l’immunité contentieuse du dahir royal, l’article 114
soutient que les décisions individuelles du Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant la
plus haute juridiction administrative du Royaume à savoir la Chambre
administrative de la Cour suprême.
Il faut rappeler que ledit Conseil est présidé par le Roi en sa simple
qualité de Président du Conseil et le dahir ne fait que traduire la décision
émanant du Conseil. Au reste, l’article 116 précise les règles régissant le
fonctionnement dudit conseil qui tient au moins deux sessions par an
disposant de l’autonomie administrative et financière.
En matière disciplinaire, le Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire est assisté par des magistrats-inspecteurs expérimentés. Dans
les affaires concernant les magistrats du parquet, le Conseil Supérieur du
Pouvoir Judiciaire prend en considération les rapports d’évaluation
établis par l’autorité hiérarchique dont ils relèvent. Chevillé , a - t-on pu
soutenir, sur les valeurs démocratiques émises par la Constitution
29 « Les magistrats jouissent de la liberté d’expression, en compatibilité avec leur devoir de
réserve et l’éthique judiciaire. Ils peuvent appartenir à des associations ou créer des
associations professionnelles, dans le respect des devoirs d’impartialité et d’indépendance et dans les conditions prévues par la loi. Ils ne peuvent adhérer à des partis politiques ou à
des organisations syndicales » art 111. 30Il dispose que le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire veille à l’application des garanties
accordées aux magistrats, notamment quant à leur indépendance, leur nomination, leur
avancement, leur mise à la retraite et leur discipline. En outre, Il élabore à son initiative, des
rapports sur l’état de la justice et du système judiciaire, et présente des recommandations
appropriées en la matière. A la demande du Roi, du Gouvernement ou du Parlement, le
Conseil émet des avis circonstanciés sur toute question se rapportant à la justice, sous réserve
du principe de la séparation des pouvoirs. Autant dire que le Conseil se charge des différents
aspects de leur statut à définir par une loi organique.
18
marocaine relative à la consécration de l’indépendance du pouvoir
judiciaire ,le gouvernement a procédé à l’adoption de l'initiative
positive du « dialogue national sur la réforme du système de justice »,
proclamée par le Roi et suivie par le ministère de la Justice et des
Libertés, qui a soumis au Roi, après 14 mois de travail, une Charte en
Mai 2013.
Cette Charte s’est escomptée l’atteinte de six grands objectifs
stratégiques, étalés en 36 sous-objectifs, avec une mise en œuvre
effective de 200 mécanismes de travail. Le plan d’exécution de cette
Charte comprend un manuel de procédure avec 353 procédures
appliquées31.
Par ailleurs, la promulgation de la loi sur le transfert des
compétences du ministre de la Justice au procureur général du Roi près la
Cour de cassation par un dahir publié dans le Bulletin Officiel du lundi
25 septembre serait un jalon indélébile en matière de la réforme du
système judiciaire.
Selon cette loi, Mohammed Abdennabaoui, procureur général du Roi
près la Cour de cassation, remplace le ministre de la Justice dans ses
fonctions de présidence du ministère public (le parquet) et son autorité
sur ses magistrats32. Or, cette indépendance est vivement disqualifiée
attendu qu'elle peut transformer le Parquet général en une institution
hégémonique à la faveur de la consécration de son indépendance33sans
31Rapport de La ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de l’Homme dans le cadre
de l’Examen périodique universel de 2017 à l’occasion de la présentation par le Maroc de
son troisième rapport national, p. 5. 32Amine Derkaoui, « Le parquet est désormais indépendant… en théorie», La Dépêche | 26
septembre 2017
Sur: https://ladepeche.ma/parquet-desormais-independant-theorie/ 33Hassan Tariq s'écrie : «C’est un grand risque », qualifiant ainsi les éventuelles dérives
autoritaires des procureurs, qui se trouveraient, dit-il, « libres du contrôle du ministère de la
Justice, et par conséquent du Parlement.»
19
oblitérer le danger de la soumission du parquet à des pressions provenant
d’un parti, d’un groupe ou d’un courant idéologique.
On a beau attendre que les réformes du système judiciaire
sauraient renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et immuniser le
corps de la magistrature contre les dérapages obscurantistes. Rien de tel,
le rapport émis par le Groupe de travail sur l’Examen périodique
universel au cours de la Vingt-septième session tenue le 2 mai 2017
renseigne que toutes les parties prenantes récusent l’inanité des
résolutions ainsi que des objectifs tracés évaporés en fumée épaisse.
A cet effet, la ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de
l’Homme ne renseigne qu’aucune application, ni dotation budgétaire
nécessaire, ni outils de suivi ou d’évaluation des réalisations n’ont eu
lieu. Pire encore, la ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de
l’Homme aussi bien qu’Amnesty International34dénigrent la décision
disciplinaire à l’encontre de certains juges dont notamment juge M.
Mohammed Elhini qui réclame la réforme de la justice et qui fut
sanctionné d’exclusion du travail durant 6 mois. Dans la même lignée
s’inscrivent la mutation de la juge Amal Hamani, du juge Anbar et
Kandil et Fathi.
De même : «La nouvelle formule, le parquet général aura un bâtiment et sera doté de
l’autonomie financière et la prérogative de recruter les cadres qu’il souhaite. Le procureur
général de la Cour de cassation, le patron du parquet général, sera également ordonnateur. Résultat de la course et qui suscite des inquiétudes, c’est l’idée de se retrouver avec deux
ordonnateurs. «C’est le cœur du débat. Déjà l’autonomie du parquet par rapport au ministère de la Justice comporte des risques. Qui va contrôler le procureur général ? Si ses prérogatives
sont renforcées par des moyens matériels, humains, logistiques et financiers, ces risques
augmentent», souligne un avocat et professeur de droit public
Mohamed Chaoui, «L’indépendance du parquet suscite la polémique»,| Edition N°:5071 Le
24 juillet 2017. Sur : http://www.leconomiste.com/article/1015358-l-independance-du-
parquet-suscite-la-polemique 34 Amnesty International — Rapport 2016/17, la situation des droits humains dans le monde,
p298
20
Certes, le Maroc a mis en place la Haute instance du dialogue
national sur la réforme du système judiciaire, et a même promulgué des
lois relatives au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et au statut des
juges. Néanmoins, Amnesty International remarque que la refonte
souhaitée n’est pas atteinte tant en matière de l’indépendance du pouvoir
judiciaire qu’au chapitre de la souscription aux recommandations du
précédent EPU35.
Dans un autre ordre des idées, la Cour constitutionnelle incarne le
symbole vivant de la Constitution. En un peu plus clair, elle est le
couronnement d'une norme juridique destinée à se perpétuer pendant
plusieurs décennies. S’astreignant au Maroc à la rigueur d’élire
membres de la Cour constitutionnelle des juristes de profession, le
Constituant s’est conformé aux enseignements prêchés par Kelsen qui
disposait qu’il est de la plus grande importance d’accorder dans la
composition juridictionnelle une place adéquate aux juristes de
profession36.
Cette condition d’avoir des juristes au sein de la Cour
constitutionnelle trouvait résonance déjà dans la configuration de la
Chambre constitutionnelle de 1962 et 1970 qui requiert le choix d’un
35 Ibid 36Cité par Vivien Manangou Romain, Les évolutions récentes de la justice constitutionnelle
en république du Congo: Une analyse du rapport remis le 09 juin 2008 par la commission
politique, administrative et judiciaire de l'assemblée nationale, Mémoire pour le Master 2 de Droit Public, Transformation de l'État -Université de Cergy-Pontoise-Faculté de droit-
Session de juin 2009, dirigé par Madame Calvès.120p
Sur :http://www.memoireonline.com/09/09/2687/Les-evolutions-recentes-du-
constitutionnalisme-en-RDC.html. Repris de Hans Kelsen, « La garantie juridictionnelle de
la Constitution », La Revue du droit public, 1928, p 228. Déjà en 1962 et 1970, la condition
d’avoir un profil juridique sous la forme d’un professeur de droit était de rigueur. Cette
condition s’est fait inhiber dans les Constitutions ultérieures cédant la place à des profils
répondant davantage au seul critère politique.
21
enseignant de droit et d’un membre de Chambre administrative de la
Cour suprême.
En ce sens , toutes les nominations nécessitent un contrôle rigoureux
abstraction faite de leurs origines qu’elles soient de l’exécutif ou du
législatif à l’encontre des pratiques en droit comparé où le législatif est
investi d’un crédo lui assurant un contrôle moins strict que celui de
l’exécutif.
Issus d’horizons a fortiori tridimensionnels, de la magistrature, de
l’administration et de l’université, les juges constitutionnels37 seraient
aptes à fournir une expertise juridique infaillible.
A ce juste propos, les désignations judiciaires ambitionnent
bourrer les failles de l’omniprésence de la représentation politique. Cette
juridisation requiert un vote qualifié afin que les juges désignés soient
consensuels. En outre, le alem38 fait son entrée dans la structure pour être
sans doute présent au cas où se profilerait un éventuel contrôle d’islamité
des lois.
En somme, le pouvoir constituant avait pour objectifs de contrer
le clientélisme, de moraliser l’organe, de « juridiciser » l’institution, de
renforcer sa légitimité en exigeant des juges des qualifications juridiques
et des conditions éthiques et techniques largement répandues en droit
comparé39.
Le nouvel élément qui se signale à l’attention est l’éradication des
professions libérales.
37 Le droit comparé renseigne que la fonction de juge constitutionnel est incompatible avec
toute autre fonction au Parlement ou au Gouvernement ou n’importe quelle fonction
publique ou salariée. Cf, Thierry Debard, Dictionnaire de droit constitutionnel, Éditions
Ellipses, 2002, 350p.P. 162. 38 On entendait souvent dire que la constitution des anciens conseils comprenait un membre
issu du monde des oulémas. 39 Cité par Vivien Manangou Romain, op., cit.Repris de Hans Kelsen, op.cit., p 220
22
Maintes questions taraudent les esprits quant à cette stratégie
disqualifiante, qui serait vraisemblablement consubstantielle aux juges
constitutionnels et aux avocats en étroit rapport avec leur rendement
inopérant dans les anciens conseils ou même à la règle de
l’incompatibilité.
La Cour constitutionnelle doit, en conséquence, agir par delà les
mutations touchant la scène politique, en quelque sorte, les transcender.
C'est la raison pour laquelle la Cour constitutionnelle est -et doit
demeurer -totalement verrouillée à tout contrôle politique, aussi bien du
gouvernement que du parlement. Elle doit, du reste, dépasser, toute
pression de la part de partis politiques ou de groupements d'intérêts.
La justice constitutionnelle, comme toute justice40, est soumise à
l’exigence d’impartialité. Charles Eisenmann soulignait au sujet de la
Haute Cour constitutionnelle d’Autriche :
« Elle est appelée à jouer dans une certaine mesure le rôle d’arbitre
entre les parties, à assurer le règne du droit jusque dans le domaine politique.
L’impartialité de ses membres apparaît d’autant plus nécessaire qu’ils ont à se
prononcer sur des questions plus brûlantes »41.
40 «De la justice de classe, fustigée par La Fontaine […] à la justice actuelle soupçonnée aussi
bien d’être aux ordres du pouvoir que d’être parfois trop influencée par la presse ou l’opinion publique et les effets possibles de ses décisions sur celles-ci, les critiques les plus acerbes
formulées contre les décisions des institutions juridictionnelles ont trait à leur impartialité. C’est dire combien la nécessité d’un tribunal impartial est ressentie comme étant de l’essence
même de la justice, ce qui fait de l’impartialité un composant majeur de l’éthique des juges
». Pierre Crocq, « Le droit à un tribunal impartial », Droits et libertés fondamentaux, sous la
dir. de Remy Cabrillac, Marie-Anne Frison-Roche et Thierry Revet, Paris, Dalloz, 9ème éd.,
2003, p. 412) 41Charles Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle
d’Autriche, Paris, 1928, rééd. Paris, Economica, 1986, p. 175.
23
Pour y parvenir, il importe éminemment de nommer les juges à
vie quand bien même il s'afficherait telle une disposition rarement
constitutionnalisée même dans les démocraties libérales.
A moins qu'on exclue la Cour suprême des États-Unis, le mandat
des juges constitutionnels européens est généralement relativement court
(9 à 12 ans dans la plupart des cas), spécialement en Italie où les juges
de la Cour constitutionnelle sont nommés pour neuf ans. Cette
disposition se trouve toutefois pondérée par de plusieurs autres garanties
comprises pour garantir l'indépendance de la Cour et des juges.
S'agissant des garanties visant à assurer l'indépendance des
membres de la Cour, la Constitution italienne, à titre illustratif, formule
en premier lieu un certain nombre d'incompatibilités qui doivent être
strictement prises en considération.
C'est ainsi que l'article 135(5) dispose que les fonctions de juge à
la Cour sont incompatibles avec celles de membre du parlement ou d'un
conseil régional ainsi qu'avec l'exercice de la profession d'avocat et avec
toutes les charges et offices prévus par la loi (tels que maire, maître de
conférences, directeur de société, etc.).
De surcroît, les juges ne peuvent être membres de partis politiques
ni participer à des activités politiques. De même, nul ne peut être nommé
ou élu juge à la Cour constitutionnelle à moins qu'il dispose des
qualifications professionnelles spécifiques à cette fonction.
Aux termes de l'article 135(2), les juges sont choisis parmi les
magistrats, même en retraite, des juridictions supérieures ordinaires et
administratives, les professeurs de droit des universités et les avocats
ayant au moins 20 ans d'exercice.
D'autres garanties viennent consacrer l'indépendance de la Cour
constitutionnelle en tant que pouvoir autonome de l'État, c'est-à-dire en
24
tant qu'institution indépendante de tout autre pouvoir. A ces fins, la
Constitution a conservé à la Cour une autonomie absolue en matière de
son organisation, de son fonctionnement et de la gestion de son budget.
Appréhendée au niveau de son organisation interne, la Cour
dispose de ses propres règles, qu'elle ne doit définir qu’en toute
compatibilité avec la Constitution et avec la loi visée par l'article 137(2)
de cette dernière établissant les autres règles nécessaires à l'organisation
et au fonctionnement de la Cour.
En outre, la Cour est identiquement pourvue d'une juridiction
interne pour les affaires concernant ses agents, tant pour leur poste que
pour leur rémunération. Plusieurs garanties assurent l'autonomie de la
Cour entre autres l'examen par la Cour de la validité des qualifications
professionnelles de ses membres une fois que ceux-ci ont été nommés
par le Président de la République, le parlement ou les organes
juridictionnels suprêmes. Elle tranche en matière d'inéligibilité ou
d'incompatibilité avec la fonction de juge constitutionnel. Les décisions
de la Cour en ce domaine sont sans appel.
Or, ce qui se signale à l'attention est qu'en droit comparé, à rebours
de l'expérience marocaine, c'est la Cour elle-même qui désigne son
président parmi ses membres, généralement les plus anciens. En Italie et
en Roumanie, maintes dispositions sauraient optimiser l'effectivité de
l'exercice de cette Cour en sa qualité « d'enfant mal aimé » de l'ordre
constitutionnel.
Primo, l'on a consacré l'indépendance et l'inamovibilité des juges
ainsi que leur antagonisme à toute autre fonction publique ou privée,
hormis celle de l'enseignement juridique supérieur.
En conséquence, les juges qui composent la Cour constitutionnelle
n’appartiennent à aucun parti politique. Outre l'activité didactique, seule
25
activité exercée et inscrite au niveau de l'enseignement supérieur d'État
ou dans les institutions privées, aucune autre activité n’est tolérée en plus
de celle juridique.
La Constitution roumaine, à titre d’exemple, ordonne que les juges
constitutionnels aient une formation juridique supérieure, une haute
compétence professionnelle et une ancienneté de 18 ans au moins dans
l'activité juridique.
Actuellement, tous les juges de la Cour sont docteurs en droit, la majorité
étant professeurs universitaires .Ajoutons que parmi eux, deux sont
membres de l'Académie Roumaine.
Enfin, les prescriptions constitutionnelles maximisent
"l'oxygénation" de la formation de la Cour, par son actualisation tous les
trois ans, la dénomination étant effectuée légalement par la Chambre des
Députés, le Sénat et le Président de la Roumanie.
2. La justice constitutionnelle
On nomme « justice constitutionnelle » la partie du droit public
(institutions et techniques) qui est chargée de garantir le respect de la
Constitution et de sa suprématie sur toutes les autres normes. Cette
notion est inhérente à celle de l'État de droit42.
Au Maroc, ce contrôle est exercé par le conseil constitutionnel
depuis 1994. La jeune expérience de cet organe en la matière ne regorge
pas d’évènements exceptionnels pouvant susciter l’admiration de la
doctrine constitutionnelle. Néanmoins, elle agit en marquant son
environnement par l’autorité de ses décisions.
42 https://cestadire.weebly.com/233-droit---constitutionnel.html
26
En fonction des pays, la justice constitutionnelle est exercée par
une juridiction spéciale, comme en France, ou par les tribunaux
ordinaires qui peuvent contester l'application d'une loi antagonique à la
Constitution. Dans ce second cas, s'acquitte de cette fonction une
hiérarchie de juridictions au sommet de laquelle se situe une cour dont
la jurisprudence fait autorité.
En France, c'est une juridiction spéciale, en l’occurrence, le
Conseil Constitutionnel, qui se charge de contrôler le respect de la
Constitution et de sanctionner la non conformité des actes des
institutions politiques au regard de la Constitution. Ce contrôle de la
constitutionnalité est appréhendé tel un élément du parlementarisme
rationalisé qui contribue au renforcement de la sécurité juridique.
Manifestement, la question qui dérive touche à la fonction chargée
de garantir la protection et le respect de ces dispositions
constitutionnelles. A cet enseigne, le Professeur Mauro Cappelletti,
soutient que si le XIXème siècle a été le siècle des parlements, le XXème
siècle est celui de la justice constitutionnelle43.
Au début du siècle dernier, la pratique judiciaire s'active pour
parer aux carences de dispositions constitutionnelles claires en
consacrant une forme de contrôle le contrôle juridictionnel. Ainsi en et-
il des États -Unis, de la Grèce et Hongrie44.
Créé en 1992 et remplaçant la chambre constitutionnelle de la
Cour suprême, le Conseil constitutionnel marocain s'escomptait pour
43 Nadia Bernoussi, «La justice constitutionnelle entre légitimité et effectivité»,
leconomiste.com,| Edition N°:3269 Le 05 mai 2010. Sur :http://www. /article/la-justice-
constitutionnelle-entre-legitimite-et-effectivitebripar-le-pr-nadia-bernoussii 44Ainsi, par des décisions rendues en 1871 et en 1897, la Cour de Cassation grecque a retenu
que "le pouvoir judiciaire ne peut considérer qu'une loi n'est pas valide si elle ne contredit
pas de façon manifeste une disposition supérieure de la Constitution"
A leur tour, des instances norvégiennes ont statué, en 1890 et en 1893, qu'on ne pouvait pas
appliquer des lois considérées comme inconstitutionnelles.
27
principale mission de contrôler la régularité des élections nationales et
référendums. Par ailleurs, depuis la Constitution marocaine de 2011, il
va être remplacé par la Cour Constitutionnelle prévue à l'article 129 et
dotée de compétences dites substantielles (2.1).
A en croire Jacques Derrida «être démocrate, ce serait agir en
reconnaissant que nous ne vivons jamais dans une société assez
démocratique »45. C'est en s'appliquant à édifier une telle société que le
concept de constitutionnalité émergeait (2.2). Ce contrôle serait doublé
d'un autre de conventionalité (2.3).
2.1. Les compétences de la Cour constitutionnelle
La Cour constitutionnelle s'érige tel un contre-pouvoir qui puise
sa légitimité dans sa mission de garantir la démocratie et défendre les
libertés en veillant, entre autres, au respect de la
constitutionnalité. Inscrits sous un angle purement historique, l’idée
d’une telle fonction s'est nourrie des fédéralistes américains revêtant
l'aspect de « poids et contrepoids » pour l’établissement d’un équilibre
social parfait.
L'examen des dispositions de la Constitution marocaine relatives
à la Cour constitutionnelle témoigne de l’attention accordée par le
législateur constitutionnel au contrôle judiciaire de la constitutionnalité
des lois, afin d'assurer la conformité des lois et des actes des autorités
publiques à la Constitution.
45Vanessa Ratté, « La démocratie du Québec et d'ailleurs », Éthique publique [Online], vol.
13, n° 2 | 2011, URL : http://journals.openedition.org/ethiquepublique/612 ; DOI :
10.4000/ethiquepublique.612
28
Pour cela, il a été prévu dans la Constitution la création d’une Cour
Constitutionnelle pour remplacer le Conseil constitutionnel, qui avait
remplacé à son tour la Chambre constitutionnelle lors de la réforme de
1992. Ainsi le Maroc a suivi le chemin des États qui ont introduit le
contrôle judiciaire sur le travail des autorités de l’État et sur la
constitutionalité des lois.
Par ailleurs, dans les modalités procédurales prévues par la loi
fondamentale pour la saisine des juridictions constitutionnelles, la
détermination du quorum est un indice prégnant et révélateur de la
maturation en démocratie .Il cadrerait en parfaite harmonie avec cette
attente démocratique lorsqu’il a pour ambition de compliquer et
d’entraver le recours .Il s’éloigne de cette ultime visée quand il brigue la
protection des droits de l’opposition et des minorités bien plus que
lorsqu’ il cherche à contourner les recours dilatoires.
Dans une perspective évolutionniste, le Constituant de 2011 se
devait de fixer un nombre46 statufié et non flexible pour la Chambre des
46En droit comparé, l’expérience allemande est parée aussi bien de mérites qu'elle est semée
de méfaits notamment avec le recours au tiers rationnel pour la saisine dudit conseil. En
effet, cette modalité a pour mérite de préserver la stabilité de l’ordre législatif mais bien
néfaste est l’incidence débouchant sur l’élimination des petites formations entre autres les
Verts et les communistes. Dans cette même veine, le Conseil constitutionnel français est
saisi à partir de 60, le Liban à partir de 10 alors qu’en Espagne à partir de 50. L’expérience
constitutionnelle marocaine renseigne qu’en 1992, le Constituant a opté pour un quart,
autrement dit 82 élus au sein de la Chambre des représentants et 68 pour la Chambre des
conseillers. Le Constituant marocain a acquiescé à une réduction du quorum à un cinquième
pour la Chambre des représentants et à 40 pour la Chambre des conseillers, ce qui était équivalent à 65 élus de l’ancienne composition de la Chambre des représentants estimée à
325. En ce faisant, le Constituant s’est positionné au juste milieu entre les 82 antérieurement institués et 33 réclamés par les partis politiques et les ONG. Incontestablement, les saisines
dépourvues de tout intérêt déstabilisent l’ordre législatif mais les droits des minorités
devraient bénéficier d’une protection contre le joug de la majorité.
Le paradoxe dramatique est que lors des arbitrages finaux, l’effectif de la Chambre des
représentants a culminé le nombre de 394 déjouant ainsi toute tentative d’asseoir un quorum
inscrit sur les canons de la démocratie libérale .Vaine tentative qui n’a abouti qu’à baisser
ce quorum de trois élus puisque le cinquième de l’actuelle Chambre des représentants est
79 au lieu de 82 auparavant.
29
représentants de la même manière que celui figé à 40 pour la Chambre
des conseillers.
Au lieu de l’option arrêtée pour un cinquième pour la Chambre
des représentants, le chiffre préétabli serait l’incarnation de l’équité dans
l’approche de la composition de ces deux institutions. Autrement, la
situation est presque la même qu’en 1996 à quelques exceptions près
pour la Chambre des représentants et sur 40 conseillers dans la Chambre
des conseillers.
Cet état des lieux est susceptible de revigorer les recours du coté
de la Chambre haute pareillement au Sénat français et de contourner les
situations où les saisines nécessiteraient des coalitions de plusieurs partis
politiques tout en palliant, comme l’a bien soutenu Nadia Bernoussi, le
risque de paralysie à travers le fait que la Cour constitutionnelle ne puisse
fonctionner qu’avec les membres nommés. En ce sens, l’article 130 au
deuxième alinéa est bien édifiant47.
On relève que la nouvelle Constitution a étendu les pouvoirs de la
Cour constitutionnelle et lui a imposé des délais légaux pour traiter les
litiges qui lui sont soumis. Il a aussi accordé aux citoyens le droit de faire
valoir l’inconstitutionnalité des lois devant cette Cour, et a convenu à
cette dernière d'amples prérogatives , entre autres , consultatives , de
règlement de litige entre les autorités publiques , de traitement des
irrégularités électorales , d'examen de la constitutionnalité des lois.
En matière consultative, la Constitution marocaine précise que la
Cour Constitutionnelle peut intervenir dans divers actes des autorités
politiques : le roi, le gouvernement et les deux chambres du Parlement.
47Il dispose « Si les deux Chambres du Parlement ou l’une d’elles n’élisent pas les membres
précités dans le délai requis pour le renouvellement, la Cour exerce ses attributions et rend
ses décisions sur la base d’un quorum ne tenant pas compte des membres non encore élus.
Chaque catégorie de membres est renouvelable par tiers tous les trois ans. »
30
En effet, le roi ne peut pas dissoudre une ou les deux chambres du
Parlement qu’après consultation du Président de la Cour
constitutionnelle en vertu de l’article 96 de la Constitution.
Dans ce même ordre des idées, le chef du gouvernement ne peut
procéder à la dissolution de la Chambre des représentants par un décret
publié par le Conseil des ministres, qu’après avoir consulté le roi et le
président de la Cour constitutionnelle.
Cela dit, le contrôle de la répartition des compétences entre le
centre et la périphérie fait figure de parent pauvre dans la nouvelle
rédaction.
Tout bien dévisagé, le modèle de régionalisation voulu en dépit de toute
référence à la libre administration et au principe de subsidiarité s’aligne
davantage sur un modèle beaucoup plus français qu’espagnol érigeant
en valeur absolue l’intervention du tribunal constitutionnel.
Enfin, une nouvelle attribution nous interpelle. Elle porte sur la
consultation préalable de la Cour constitutionnelle en cas de réforme
simplifiée, laquelle consultation formelle porterait sur le contrôle de la
procédure augurant éventuellement un contrôle sur le fond au moment
des révisions ultérieures. Le Constituant, en se conformant ainsi aux
États entreprenant le contrôle de la constitutionnalité des Chartes
suprêmes, sacrifie aux valeurs supra- constitutionnelles qui transcendent
toute révision48.
48La dite supra-constitutionnalité est inacceptable en France car jugée antinomique au principe
de la souveraineté du pouvoir constituant lequel devrait transcender toutes les limites et les contingentements. Cette idée de normes supra-constitutionnelles est abrogée en France en
vertu de la décision du Conseil constitutionnel n° 92-312 DC du 2 septembre 1992 relative
au traité sur l’Union européenne. Elle a été abolie en ces termes : « l’existence de normes
supra-constitutionnelles serait contraire au principe de la souveraineté du pouvoir
constituant, ce dernier étant illimité »
Cf Philippe Ardant et Bertrand Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel,
Librairie générale de droit et de jurisprudence, Lextenso éditions ,21e édition, Septembre
2009 - Paris, p84.623p
31
Du reste, le roi ne peut pas proposer un projet de révision partielle
d’une partie de la Constitution au Parlement qu’après avoir consulté le
président de la Cour constitutionnelle qui est compétente pour se
prononcer en matière de la validité des procédures de cette révision et
pour annoncer son résultat..
Par ailleurs, au chapitre du règlement des litiges entre les autorités
publiques, il sied de rappeler que la Cour constitutionnelle est
compétente à trancher les conflits de compétence entre les autorités
publiques.
En ce sens, au cas où le gouvernement refuserait un projet de loi
ou un amendement, sous prétexte de son illégalité, la Cour est habilitée
à intervenir, suite à la demande de l’un des présidents de l’une des deux
chambres du Parlement ou à la demande du chef du gouvernement.
Dans cette perspective, l'on ne peut changer des textes législatifs
dans leur forme par décret sans l’acquiescement de la Cour
constitutionnelle, si le contenu de ces textes législatifs intéresse un des
domaines de compétence de l’autorité réglementaire.
Par ailleurs, propulsé de l’ambition d'asseoir un modèle de
démocratie marocaine inscrit dans la grande culture de l'universalisme
démocratique, le Constituant s’ouvre en la matière sur le contrôle des
traités. De surcroît, au niveau du traitement des irrégularités électorales,
la Cour est habilitée, tout comme le Conseil constitutionnel de la
Constitution de 1996, à examiner les recours liés aux déviations des
élections des membres du Parlement tout en se prononçant sur la
transhumance partisane.
A cet enseigne, sur la base d’une demande émanant du Président
de l’une des chambres, la Cour peut déposséder un élu de sa qualité de
parlementaire s’il a changé son appartenance politique en vertu de
32
laquelle il a établi sa candidature, ou s’il a abandonné son groupe
parlementaire.
La Cour intervient pour constater la vacance du siège
parlementaire suite au changement d’appartenance politique d’un élu en
cours de mandat. Cette infraction ainsi arrêtée engendre la déchéance de
l’élu de son mandat s’inscrit dans la moralisation de la vie parlementaire
et confère à la Cour constitutionnelle une mission d’enregistrement
déclarative d’une situation nouvelle.
Comparées aux expériences dans les grandes démocraties, les
compétences de la Cour Constitutionnelle marocaines demeurent minces
sachant pertinemment que de larges domaines transcendent le «
Contrôle de la légalité Constitutionnelle », entre autres, les autres « actes
» du parlement et du gouvernement ou pouvoir central et les règlements
dans la mesure où une bonne partie des actes est exclue du champ des
lois pour être incluse dans le cadre de la règlementation.
De même, en effet, en vertu de l'article 105 de la Constitution de
Lituanie, la Cour constitutionnelle examine et adopte les décisions
relatives a la conformité des lois de la République de Lituanie et des
actes du Seimas (Parlement) à la Constitution de la République de
Lituanie.
Au reste, et c'est le plus important, elle statue sur la conformité des actes
du Président de la République et des actes du Gouvernement de la
République à la Constitution.
La Cour constitutionnelle donne un avis sur la question de savoir
si l’état de santé du Président de la République lui permet de continuer à
exercer ses fonctions et si des actes concrets des membres du Seimas et
des fonctionnaires de l’État, contre lesquels a été engagée une procédure
d’accusation, sont contraires à la Constitution.
33
Dans le même esprit , en fonction de l'article 108 de la
Constitution de la Finlande, le chancelier de la Justice est chargé de
veiller à constitutionnalité des actes du gouvernement et du Président de
la République dans l’exercice de leurs fonctions.
Qui plus est, le chancelier de la Justice doit, en outre, veiller à ce
que les juridictions et autres autorités, ainsi que les fonctionnaires,
employés du secteur public et autres personnes exerçant une fonction
publique observent les injonctions légales et remplissent leurs
obligations.
Le plus important, semble-t-il, est que le chancelier de la Justice
veille au respect des droits fondamentaux et des droits de l’homme.
Si le Président de la République, le gouvernement ou un ministère en
font la demande, le chancelier de la Justice est tenu de leur remettre des
informations et des avis sur des questions juridiques.
2.2. Le contrôle de constitutionnalité
Il est l'émanation indéniable de la suprématie constitutionnelle, et
signifie que le principe de constitutionnalité se superpose au principe de
légalité. L'on peut avancer que si garantie formelle consiste dans la
rigidité de la Constitutions, la garantie matérielle demeure
inéluctablement du ressort du contrôle de constitutionnalité.
La concrétisation du caractère normativiste du contrôle de
constitutionnalité dans son approche classique a permis de déduire que
ce contrôle – dans sa dimension abstraite qui est la spécificité du modèle
kelsénien de justice constitutionnelle- peut être accompli, soit a priori,
dit par voie d’action soit a posteriori labellisé exception
d'inconstitutionnalité
34
Il convient à présent de se pencher sur le contrôle de
constitutionnalité par voie d’action (1.2.1.) avant d'analyser l'exception
d'inconstitutionnalité (1.2.2.).
2.2.1. Le contrôle de constitutionnalité par voie d’action
Ce contrôle relève d’une juridiction spécialisée qui a le monopole
du contrôle de constitutionnalité. Il se fait a priori mais de façon
abstraite. Le contrôle par voie d’action présente l’avantage de la sécurité
juridique puisque la loi est contrôlée avant son entrée en vigueur.
Il consiste à contester directement, devant un juge spécialisé, la
conformité à la constitution d'une loi ou d'une partie de loi et de lui
demander de l'annuler en dehors de tout litige concret. Le juge ordinaire
est incompétent dans ce domaine. Autrement dit, c'est un contrôle
effectué par un juge spécialisé devant lequel, à l'occasion d'un recours,
il lui est demandé de vérifier la constitutionnalité d'une loi. Ce juge
spécialisé siège dans un tribunal ou une cour constitutionnelle. Le juge
ordinaire est incompétent dans ce domaine.
Le contrôle de constitutionnalité par voie d'action découle de
l’article 133 de la Constitution. Il s’agit d’un contrôle opéré avant la
promulgation de la loi (a priori). La possibilité de la saisine de la Cour
diffère en fonction de l’objet du recours. Lorsqu’il s’agit de l’examen de
la constitutionnalité d’une loi organique, d’une loi ou d’un traité
international, les autorités compétentes pour saisir la Cour sont le roi, le
Chef du Gouvernement, les présidents des Chambres du parlement, le
cinquième des membres de la Chambre des représentants ou quarante
membres de la Chambre des conseillers, comme l’indique la
Constitution.
35
Néanmoins, il n’y a jamais eu de saisine de la part du roi ni des
présidents des Chambres du parlement. En ce sens, l'article 2349 du Dahir
n° 1-14-139 du 16 chaoual 1435 (13 août 2014) portant promulgation de
la loi organique n° 066-13 relative à la Cour constitutionnelle énonce
que la transmission des lois à la Cour constitutionnelle aux fins de se
prononcer sur leur conformité à la Constitution, conformément aux
dispositions du 3ème alinéa de son article 132, est effectuée par une lettre
du Roi, du Chef du gouvernement, du président de la Chambre des
représentants ou du président de la Chambre des conseillers ou par une
ou plusieurs lettres comportant, au total, les signatures d'au moins un
cinquième du nombre des membres de la Chambre des représentants ou
quarante membres de la Chambre des conseillers.
Les décisions de non-conformité conduisent à la censure totale ou
partielle de la loi mais non à son annulation puisqu'elles sont prononcées
avant la promulgation, acte juridique qui en assure l'application. Selon
cette procédure, le texte jugé inconstitutionnel est annulé définitivement
et pour tous les citoyens50.
Les décisions s'imposent (ou doivent s'imposer) erga omnes aux
pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles. Elles sont insusceptibles de recours.
L'autorité absolue de la chose jugée implique que le Conseil ne
puisse statuer deux fois sur un même texte, ni (au moins en théorie) que
les « pouvoirs publics et les autorités administratives et juridictionnelles
» puissent contredire les décisions.
49 Dahir n° 1-14-139 du 16 chaoual 1435 (13 août 2014) portant promulgation de la loi
organique n° 066-13 relative à la Cour constitutionnelle. 50 Charles Cadoux Droit constitutionnel et institutions politiques. Tome 1, Théorie générale
des institutions politiques, 4ème édition (Broché) p.203-203.
36
Le droit comparé renseigne qu'en Roumanie, en vertu de l'article
144, lettre a) de la Constitution, la Cour se prononce sur
l'inconstitutionnalité des lois avant leur promulgation.
Les sujets saisis sont le Président de la Roumanie, les présidents
de l'une des deux Chambres du Parlement, le Gouvernement, la Cour
suprême de Justice et un groupe de 50 députés (environ 14% du total) ou
de 25 sénateurs (environ 17%) au moins.
Suivant les dispositions de l'article 77 de la Constitution, la loi
peut être promulguée dans un délai de 20 jours, tout au plus à partir de
sa réception, ce qui accorde au Chef de l'État la possibilité d'accomplir
cette opération aussitôt que la loi lui est acheminée. Dans une situation
identique, il existe, théoriquement au moins, l’éventualité que du fait
d'une promulgation hâtive, l'on ne peut plus user du droit de saisine.
Afin de parer à une telle éventualité, l'article 17 de la loi organique
de la Cour précise que, avant d'être remise au Président en vue de la
promulgation, la loi doit être retenue par le Secrétariat général de chaque
Chambre pour un délai de 5 jours (seulement deux jours dans la
procédure d'urgence). Et d'ajouter que les parlementaires en sont
informés dans une séance plénière. Ils ont donc à leur disposition cinq
jours, pour recueillir le nombre de signatures nécessaires au cas où ils
désireraient saisir la Cour constitutionnelle.
La Cour suprême de Justice en est informée elle aussi. Certes, les
sujets du droit saisis peuvent toujours solliciter la Cour de se prononcer
en matière de l'inconstitutionnalité de la loi, même après l'expiration de
ce délai, si le président de l'a pas encore promulguée. Cependant,
l'expérience a attesté que pratiquement toutes les lois ont été attaquées
pour cause d'inconstitutionnalité dans ce délai.
37
En substance, toute saisine adressée à la Cour suspend le droit de
promulgation de la loi, que ce soit seulement l'un ou bien plusieurs de
ses articles qui sont mis en cause.
La Cour discute des saisines qui lui ont été destinées dans son
assemblée plénière après avoir pris connaissance des positions des deux
Chambres et du Gouvernement.
Les décisions sont adoptées à la majorité de voix des juges dont
deux -tiers au moins doivent s'associer aux débats. Elles sont transmises
aux autorités intéressées et publiées dans le « Monitorul Oficial » de la
Roumanie.
Quand la Cour enregistre l'inconstitutionnalité de certaines
dispositions, les présidents des Chambres, en recevant sa décision,
doivent procéder, suivant les dispositions de l'article 145 de la
Constitution, au déclenchement de la procédure de réexamen.
Au cas où les deux-tiers des députés et les deux-tiers des sénateurs
voteraient pour le maintien du texte initial adopté par le Parlement,
l'opposition d'inconstitutionnalité est refusée.
En somme, il se cristallise que ce type de contrôle est simple,
rapide et garantit une parfaite sécurité aux rapports juridiques vu que la
contestation de la loi étant réglée avant son entrée en vigueur, chacun
peut, une fois le texte mis en vigueur, fonder en toute tranquillité son
comportement sur la loi sachant qu’elle ne peut plus être mise en cause51.
L’inconstitutionnalité que pourrait relever le juge constitutionnel
est dénuée de conséquences sur la vie et les équilibres politiques et
institutionnels ainsi que sur les droits fondamentaux des justiciables.
51 Dominique Rousseau, La justice constitutionnelle en Europe, Paris, Montchrestien, 1992,
p. 80
38
L’expérience marocaine montre qu'en matière des textes à valeur
constitutionnelle, l’intérêt du contrôle préventif n’est plus à démontrer.
Il est indispensable à la sauvegarde de la « pureté constitutionnelle » de
textes servant de normes de référence pour le contrôle de
constitutionnalité, c'est-à-dire appartenant au bloc de constitutionnalité.
Il prédispose à l'automaticité de la conformité à la Constitution des
normes du bloc de constitutionnalité. D’autre part, le contrôle préventif
offre au Maroc, compte tenu des recours exercés par les titulaires du droit
de recours en la matière, l’occasion de conjurer l’arbitraire du législateur
électoral. Ce n’est donc que dans cet esprit qu’il faut acquiescer le
contrôle abstrait dit a priori.
La Cour constitutionnelle béninoise, à l’instar de son homologue
belge, utilise des normes constitutionnelles ou quasi constitutionnelles
pour exécuter son contrôle de constitutionnalité des normes infra
constitutionnelles, ce qui est tout à fait en harmonie avec l’esprit
kelsénien de la justice constitutionnelle. « Pour tout acte, c’est sa
conformité aux normes du degré supérieur qui doit être vérifiée52.»
2.2.2. L'exception d'inconstitutionnalité
Le Conseil constitutionnel est limité au seul contrôle préventif, 53
il substitue la Cour constitutionnelle dont la compétence s’étend à la
faculté de statuer sur les exceptions d’inconstitutionnalité,54 soulevée
52 Hans. Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle)
», RDP, 1928, p. 236. 53 Omar Bendourou, « La justice constitutionnelle au Maroc », in Revue de droit public et de
la science politique en France et à l’étranger, 1997, pp 1023-1046. 54 Cette compétence sera précisée par une loi organique dont l’incidence immédiate est de
transformer la Cour en une véritable juridiction.
39
devant toutes les juridictions en fonction de l’article 13355. Le contrôle
est exercé concrètement à partir d’un contentieux et a posteriori.
Cependant, si la Cour constitutionnelle est désormais dotée du
pouvoir de juger lorsqu’elle est saisie par voie de l’exception
d’inconstitutionnalité, elle n’appartient pas à proprement parler au
pouvoir judiciaire56.
Certes, cette particularité, à l’inverse des cours constitutionnelles
du monde, la rapproche, derechef, au Conseil constitutionnel français
depuis la réforme de la loi du 23 juillet 2008 complétée par la loi
organique du 10 décembre2009.
Du reste, tout comme les expériences française et espagnole, le
nouveau texte consacre l’unité de juridiction, cet acquis du
protectorat57est grevé dans la vie institutionnelle marocaine depuis
l’indépendance58 .A cet effet, l’exception d’inconstitutionnalité s’inscrit
dans le cadre d’un procès, comme moyen invoqué par l’une ou l’autre
55 « La Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître d’une exception
d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès, lorsqu’il est soutenu par l’une des
parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis
par la Constitution. »Article 133 56Yves Gaudemet, op.cit., p 197. 57Incarnant une rémanence du privilège de juridiction issu du régime des capitulations, les
tribunaux civils français de Tunisie et du Maroc étaient chargés du contentieux des causes
françaises et étrangères. Pour la Tunisie, c’est par le décret beylical du 27 novembre 1888
sur le contentieux administratif que leur compétence était consacrée tandis que dans le cas
du Maroc, c’est l’article 8 §4 du dahir sur l’organisation judiciaire du 12 août 1913 qui
régissait cette compétence.
En Tunisie se limitant, en matière administrative, à la seule compétence de trancher les litiges où un Français ou un étranger étaient parties, les tribunaux français au Maroc ont une
compétence entière de se prononcer en contentieux administratif quelle que soit la nationalité des parties.
58Il convient de rappeler que le Maroc a adopté depuis le dahir du 12 août 1913relatif à
l’organisation judiciaire, le système d’unité de juridiction. En matière de contentieux
administratif, les tribunaux ordinaires et la Chambre administrative de la Cour Suprême.
A en croire les propos retenus par ces auteurs, la justice administrative outre-mer s’exerçait
à l’exception de la Tunisie et du Maroc, par les Conseils du contentieux administratif – juges
administratifs de premier degré et de droit commun qui furent généralisés à l’ensemble des
colonies et aux protectorats d’Asie en 1881 – et par le Conseil d’État métropolitain.,
40
partie. Amenée à connaître de ce moyen, la cour sera invitée à y faire
droit ou à le rejeter s’il en est saisi et se transforme de la sorte en
juridiction constitutionnelle.
Il faut souligner que le champ d’exception d’inconstitutionnalité
est limité aux dispositions législatives qui portent atteinte aux droits et
libertés que la Constitution garantit, selon un schéma qu’on retrouve
dans d’autres systèmes constitutionnels.
Ce qui est plus significatif dans cette proposition, c’est que le
contrôle par voie d’exception va permettre aux citoyens en litige de
contester toutes les dispositions législatives existantes qui sont
antinomiques aux droits et libertés consacrés par la Constitution et cela
touche à même les dispositions antérieures à la nouvelle Constitution.
Ceci va aboutir, a–t-on pu reprendre, à une jurisprudence
constitutionnelle qui sera, incontestablement, performante et efficiente.
Dans le dessein de déjouer les collusions pouvant se manigancer entre la
majorité et l’opposition et ambitionnant de prémunir les droits des
justiciables, le Constituant a établi cette exception d’inconstitutionnalité.
Aux antipodes des enseignements véhiculés par les expériences
comparées telle l’expérience allemande , le Constituant a édifié un
modèle maroco-marocain instituant non une saisine individuelle directe
devant la Cour constitutionnelle mais se nourrissant plus d’un esprit
progressif répondant à des considérations de pure logistique induisant
l’annulation de la loi antinomique aux droits fondamentaux des
justiciables sur un double renvoi des tribunaux ordinaires vers la Cour
41
de cassation puis à la Cour constitutionnelle. L’effet est de disqualifier
la loi concernée qui se trouverait du fait « blessée » par hasard59.
A ce juste propos, les cas espagnol et italien sont décisifs. La
personne requérante, en l’occurrence un Marocain ou un étranger ou
même une personne physique ou morale ne pourra déclencher la saisine
de la Cour constitutionnelle dont les modalités, les délais et les voies de
renvoi à la Cour constitutionnelle ainsi que les effets de l’annulation
seraient explicités par une loi organique relative à « l’exception
d’inconstitutionnalité ».
Le droit comparé renseigne que pour que la Cour constitutionnelle
soit saisie, il faut réunir trois critères :
- la disposition législative critiquée est applicable au litige ou à la
procédure, ou constitue le fondement des poursuites.
- la disposition législative critiquée n'a pas déjà été déclarée
conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
- la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Une fois saisi, la Cour constitutionnelle doit juger la question prioritaire
de constitutionnalité dans un délai de trois mois. Si elle déclare que la
disposition législative contestée est conforme à la Constitution, cette
disposition conserve sa place dans l'ordre juridique interne.
La juridiction doit l'appliquer, à moins qu'elle ne la juge
incompatible avec une disposition d'un traité international ou du droit de
l'Union européenne.
En revanche, si la Cour déclare que la disposition législative
contestée est contraire à la Constitution, la décision de ladite Cour a pour
59Cette expression est empruntée à Alexis de Tocqueville, reprise dans, Louis Fovoreu. Les
cours constitutionnelles, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, n° 2293, 1986, 2e éd., 1992, p 6.
127 p.
42
effet d'abroger cette disposition. Elle disparaît de l'ordre juridique
français.
Cette mouvance initiée au niveau de l’intervention de la Cour
constitutionnelle justifie, au demeurant, la nouvelle appellation induisant
au-delà de la simple confrontation abstraite de la loi à la Constitution,
l’application concrète de la loi.
C'est le contrôle concret (postérieur) des normes légales entrées en
vigueur réalisé après leur promulgation qui forme l'objet d'une autre
partie, identiquement sérieuse, de l'activité de la Cour. Ce contrôle peut
également concerner les dispositions des ordonnances
gouvernementales. Ainsi en est-il des exceptions d'inconstitutionnalité,
initiées devant les instances judiciaires, par n'importe quelle partie
impliquée dans un procès ainsi que par l'instance d'office.
Le droit comparé renseigne qu'en Italie ou en Roumanie, les juges
a quibus constituent les seules autorités en droit de saisir la Cour
exprimant dans un jugement leur opinion à l'égard de l'exception. Le juge
est compétent à suspendre le jugement de l'affaire jusqu'à ce que la Cour
constitutionnelle statue sur la contestation.
Elle se prononce en collège de trois juges. Si on constate qu'elle
est certainement dépourvue du bon fondement, on peut procéder au
règlement de l'affaire sans citer les parties avec l'accord de tous les
membres du collège.
Par ailleurs, l'appel par voie de recours par les parties ou par le
ministère Public représente une particularité de la procédure dans ce cas.
Le recours est jugé par un collège de cinq membres piloté par le président
de la Cour ou son suppléant.
Une fois que la décision de la Cour est définitive, autrement dit, si
la décision prononcée par le collège de trois juges n'a pas été attaquée
43
par l'appel, elle devient définitive et obligatoire pour toutes les autorités
publiques mais n'a de portée que pour l'avenir.
2.3. Le contrôle de conventionalité
Le contrôle de conventionalité s'entend au contrôle de la
conformité des lois par rapport aux traités, pour lequel il se déclare
incompétent. En ce sens, Hans Kelsen admet que « le droit international,
si l’on en suppose la primauté, peut constituer un mètre de la régularité
de toutes les normes étatiques, y compris la plus élevée d’entre elles, la
Constitution.60»
Il relèverait ultérieurement que « les traités internationaux doivent
aussi – du point de vue de la primauté de l’ordre étatique- être considérés
comme des actes immédiatement subordonnés à la Constitution »61. Il
déduit, à ce juste égard, que si « le traité international peut déroger aux
lois ; il est donc du plus haut intérêt politique qu’il soit conforme à la
Constitution (…). Aucune règle de droit international ne s’oppose à ce
contrôle des traités »354.
Le régime juridique des normes internationales s’intègre
progressivement dans le régime juridique général des règles de droit au
Maroc.
Il serait fort légitime de se demander si par le contrôle de
conventionalité, on ne fait qu’entériner aux dires de Nadia Bernoussi, un
fait existant.
60 Hans Kelsen, «La garantie juridictionnelle de la Constitution (la justice constitutionnelle)
», RDP N° 35,1928, p. 212. 61 Ibid., p. 232.
44
De jure, ce contrôle s’effectue moyennant le contrôle de la loi
d’approbation du traité qui induit concomitamment un contrôle du traité.
C’est la non-mise en œuvre du contrôle de la loi ordinaire qui a frappé
d’ankylose le contrôle des traités qui lui, a toujours existé. Or, ce qui est
novateur, c’est l’examen de certains traités échappant au Parlement.
Un tel contrôle est effectué a priori par les diverses autorités de
saisine entre autres le Roi, le Chef du gouvernement, les Présidents des
Chambres, le cinquième de la Chambre des représentants ou quarante
membres de la Chambre des conseillers. La conséquence d’un tel
contrôle en cas de conclusion d’un antagonisme avec la Constitution
serait la révision de la Charte suprême.
En ce faisant, la Constitution accorde à la Cour le pouvoir de
traiter le cas des transgressions de la Constitution par les conventions
internationales. A ce juste niveau, dès qu’elle est saisie par le roi ou le
président de la Chambre des représentants ou le Président de la Chambre
des conseillers ou un sixième des membres de la première chambre ou
un quart des membres de la deuxième chambre, d’un engagement
international comprenant des termes antinomiques à la Constitution, la
ratification de cet engagement ne se fait qu’après révision de la
Constitution.
Dans les expériences comparées à l'instar de la France, le
constituant a souhaité rétablir la priorité du contrôle de constitutionnalité
sur le contrôle de conventionalité. Eu égard à la prééminence de la
Constitution sur les traités, il paraît étrange que le contrôle de
conventionalité prime sur le contrôle de constitutionnalité si bien que les
traités auraient la primauté sur la Constitution. Ce mécanisme est réputé
actuellement sous la formule de Question prioritaire de constitutionnalité
(QPC).
45
Il importe d'identifier le sujet de droit exerçant ce contrôle de la
conformité des lois par rapport aux traités, qu'on peut qualifier de
contrôle de conventionalité, par opposition au contrôle de la conformité
des lois à la Constitution, qu'on peut qualifier de contrôle de
constitutionnalité.
Accepter d'établir au Maroc un dispositif de contrôle de
constitutionnalité des traités internationaux est une tâche bien ardue étant
donné que dans la mesure où se hisse en problématique la question de la
primauté des traités internationaux à l’ensemble du droit interne, y
compris la Constitution.
En effet, l’issue du contrôle ne sera pas la même selon que l’on
considère que c’est l’une ou l’autre des deux normes que sont d’une part
la Constitution, d’autre part, le traité international, qui est supérieure à
l’autre.
Au cas ou l'on admettrait que la Constitution serait supérieure au
traité international, on ne saurait permettre qu’un texte appartenant à
cette deuxième catégorie de normes et comportant certaines dispositions
antithétiques à la Constitution puisse produire ses effets dans l’ordre
juridique interne sans que l'on ne mette en place un dispositif de blocage
préventif, ou un système d’assainissement de son ordre juridique.
Aux antipodes, la reconnaissance de la primauté du traité sur la
Constitution, conduit à choisir de réviser la Constitution chaque fois que
l’État s’engage dans un traité dont certaines dispositions antinomiques à
la Constitution.
Si les dispositions du traité sont d’applicabilité directe, il faut les
mettre en œuvre en ignorant les dispositions opposées comprises dans la
Constitution. Devant un tel cas, on estimerait que la reconnaissance de
la prééminence du traité international sur la Constitution dispense le
46
pouvoir constituant, afin de pouvoir se conformer aux obligations
internationales de l’État, de modifier au cas par cas, le texte dont il est
l’auteur62.
Le fait est que plusieurs Constitutions prévoient à la fois les
contrôles préventifs de constitutionnalité des traités internationaux et des
possibilités de révision de la constitution en cas de contrariété avec un
traité international. Une telle situation laisse libre cours aux partisans de
l’une et l’autre des deux thèses qui s’affrontent s’agissant de la
supériorité de l’une des deux normes évoquées sur l’autre.
En expérience belge, en matière de contrôle des normes
internationales, il est toléré de déduire que s’il est de la volonté de la
Constitution que les normes du droit international soient respectées, ce
qui est le cas dans chacun des deux pays sous examen. En ce sens, Hans
Kelsen soutient :
« Il faut donc assimiler complètement les lois contraires au droit
international aux lois inconstitutionnelles (…) que ces normes aient été reçues par la
Constitution avec le rang de lois constitutionnelles ou non, car dans l’un et l’autre
cas, leur réception signifie qu’elles ne peuvent être écartées par une loi ordinaire »63
.
Pour autant, la Cour constitutionnelle est réfractaire à l'exécution
de contrôles directs de conventionalité, mais en admettant l'interprétation
des dispositions constitutionnelles à la lumière du droit international,
notamment le droit international des droits de l’homme, on assiste
toutefois à un usage des normes internationales comme normes de
référence, même si ce n’est que de manière auxiliaire.
62 Sêgnon Gilles Badet, Contrôle intra normatif et contrôle ultra normatif de constitutionnalité
-Contribution à l’identification des sous catégories du modèle kelsénien de justice
constitutionnelle à partir des systèmes belge et béninois, Université Catholique de Louvain
-Faculté de droit et de criminologie, Centre de recherches sur l’État et la Constitution. 2011-
2012. p. 568, et p. 83. 63 Hans Kelsen, loc. cit., p. 238
47
Chapitre 2 :
La consécration de la place du droit international dans la
nouvelle Loi fondamentale
S’il est vrai qu’au Maroc comparativement aux textes précédents,
la Charte de 2011 apporte dans sa substance une promotion incontestable
du droit international, il n’en demeure pas moins vrai qu'il serait malaisé
de parvenir à un consensus national sur la primauté de la norme
internationale sur la législation interne64.
64 Notons à cet égard que l’Europe et les pays occidentaux, somme toute, ont opté, pour la
plupart, pour la primauté de l’ordre international comme en témoigne les cas de la République fédérale allemande, l’Italie et les pays du Benelux ou même la France dans la
Loi fondamentale de 1958.Cette reconnaissance est scellée dans la Constitution et la justice
internationale. Par contre, les États –unis ainsi que l’Australie et la Grande Bretagne plaident
pour l’égalité des deux ordres juridiques. Or, force est de constater que la plupart des pays
en voie de développement ou ceux décolonisés sont résolument persuadés de la supériorité
de la loi interne sur la norme internationale. Ceux -ci voient dans la primauté de la législation
internationale les indices symptomatiques attentatoires à la souveraineté d’autant plus qu’ils
n’ont en rien participé à l’élaboration de la substance même des règles juridiques
48
En dépit de l’option arrêtée par le Constituant favorable à la
promotion de la norme internationale et à son incorporation dans le droit
interne, la primauté du droit international n’est pas clairement résolue
par les dispositions y afférentes, et partant, l’accomplissement des droits
et libertés, qui doit transiter par cette primauté, ne peut être que
problématique65.
Le texte constitutionnel semble, en effet, imprégné du désarroi
poussant à se demander sur la place du droit international ballotée entre
réception et insertion (1) souffrant, ergo , une grande réticence et
indécision servant la reconduction des valeurs traditionnelles.
Pour autant, l'inscription constitutionnelle de la primauté du droit
international serait-elle une superstition juridique ? (2).
1. La suprématie du droit international : réception ou insertion ?
1
internationales d’où l’émergence d’une grande méfiance quant aux éventuelles incidences
délétères sur l’ordre juridique interne. Ainsi préfèrent-ils demeurer la source unique de leur
législation et la seule autorité qui commande l’organisation de leurs États. Cet esprit est bien
illustré par l’idéologie développementaliste .En fait foi l’adoption de la Charte des droits et
des devoirs économiques des États en 1974 ou même la Charte relative au Nouvel ordre
économique international s’érigeant en valeur absolue dans les 1970 et 1980.
Par ailleurs, dans un monde en parfaite obédience aux injonctions du développement
économique et gagné davantage par une mondialisation globalisante, les pays en développement dont fait partie bien entendu le Maroc, se trouve intégré dans des circuits
financiers et commerciaux internationaux impliquant l’érection en injonction absolue la norme internationale en particulier en économie. 65 Abdelaziz Lamghari Moubarrad, « Les emprunts constitutionnels dans la Constitution
marocaine de 2011
Contenu et implications d’une révision constitutionnelle », sur Faculté de droit de
l'université d'Oslo, 2014.p
2. Disponible sur : https://www.jus.uio.no/english/research/news-and-
events/events/conferences/2014/wccl-
cmdc/wccl/papers/ws5/w5-lamghari.pdf
49
C'est fondamentalement avec l’harmonisation66, avec la
convergence spontanée des droits ou « convergence régulatrice»67 et
avec le « transgouvernementalisme »68 que le « droit commun 69» se
construit. A cet enseigne, l'on milite en faveur des « textes
d’harmonisation donnant un certain nombre d’objectifs à atteindre avec
une obligation de résultat raisonnable laissant à chacun le choix des
moyens »70.
L’harmonisation demeure surtout le fruit de phénomènes
d’imitation - par exemple avec le « dialogue des juges »71 , lesquels sont
qualifiés de « moteur de l’unification culturelle et donc juridique »72 et
induisent la « perméabilisation des systèmes juridiques »73et le
développement des systèmes de droit mixtes74. Boutros-Boutros Ghali
soutient en la matière que les droits de l’Homme abolissent la distinction
traditionnelle entre l’ordre interne et l’ordre international. Ils sont
créateurs, ajouta-t-il d’une perméabilité juridique nouvelle»75.
66 Mireille Delamas Marty, Pour un droit commun, Le Seuil, coll. Librairie du XXIe siècle,
1994.320p 67 Karim Benyekhlef, Une possible histoire de la norme – Les normativités émergentes de la
mondialisation,Thémis (Montréal), 2008, p. 735. 68 Ibid 69 Mireille Delmas-Marty, Trois défis pour un droit mondial, Le Seuil, coll. Essais, 1998, p
136.200p 70 Stéphane Astier , « Une régulation éthique de l’internet : les défis d’une gouvernance
mondiale », RISA 2005, p. 153.
71 Guy Canivet « Les influences croisées entre juridictions nationales et internationales – Éloge
de la bénévolence des juges », Rev. sc.crim. 2005, p. 799 s. 72 Jean François Riffard, « La mutation de la norme : l’avènement d’un droit nivelé ? Ou retour
sur quelques aspects de l’unification et la globalisation des droits », in Nathalie Martial-Braz , Jean-François Riflard, Martine Behar-Touchais, dir. Collection Etudes Juridiques drigée
par Nicolas Molfessis ,2011.p. 105. 73 Jean -Bernard Auby, La globalisation, le droit et l’État, 2e éd., LGDJ, coll. Systèmes, 2010,
p. 116.275p.
74 Boris Barraud. Le renouvellement des sources du droit - Un exemple prospectif : le droit de
la communication par internet. Droit. Universite d'Aix Marseille, Thèse dirigée par Hervé
Isar, présentée et soutenue publiquement le 1er juillet 2016, 413 p, p 201.
75 Ghali Boutros Boutros, Discours à la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme tenue
à Vienne (Autriche) en juin 1993. Sur:
http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/OHCHR20/Pages/WCHR.aspx
50
La nouvelle Charte s’est employée, si on en croit aux termes des
dispositions constitutionnelles, à promouvoir concomitamment, le droit
international public et privé. Cette volonté serait perceptible à travers la
nouvelle approche traduite dans l'élargissement du domaine du droit
international à d’autres branches de ce droit international (1.1) 76.
Pour s’aligner sur les canons de la démocratie, l’harmonisation de
la législation nationale avec le droit international des droits de l’Homme
demeure une condition sine qua non (1.2).
1.1. Élargissement du domaine du droit international
Cet élargissement du domaine du droit international est bien
perceptible dans les « irruptions » du droit international dans l’ordre
juridique interne (1.1.1.) notamment à travers l’incorporation de
l’arsenal juridique afférent au maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Par ailleurs, les modalités extensives du droit
international atteindront d’abord, l’enchâssement des normes
internationales dans la législation interne et le contrôle de la
constitutionnalité du traité international.
A cet effet, il convient d’étudier la place de la Convention
internationale en matière humanitaire dans la nouvelle Constitution
(1.1.2.).
76Said Ihraî, « Le droit international et la nouvelle Constitution », In « la constitution
marocaine de 2011, Analyses et Commentaires », sous la direction du Centre d’Études
Internationales ,2012 L.G.D.J, p 173
51
1.1.1. Les « irruptions » du droit international dans l’ordre
juridique interne
L’incorporation du droit international humanitaire a suivi un
schéma double .En effet, le préambule stipule l’engagement du Maroc à
attribuer aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans
le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans
le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de
ces conventions, la prépondérance sur le droit interne du pays, et
concilier en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation
nationale.
A ce juste titre, les Conventions de Genève de 1949 et le Protocole
I de 1977 dédié à la protection des victimes des conflits armés
internationaux ont une préexcellence sur la législation interne.
Dans le même ordre des idées, l’article 23 dispose que le génocide,
les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations
graves et systématiques des droits de l’Homme sont punis par la loi. Une
loi devrait insérer cette récusation dans le droit interne. Ces crimes
menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde et ne pourraient
par conséquent, rester dans l’impunité.
Cette consécration constitutionnelle s’harmonise avec les
stipulations du Statut de la Cour pénale internationale adopté à Rome le
17 juillet 1998. Du coup, leur répression doit être inévitablement
garantie par des mesures prises dans le cadre national et par la
consolidation de la coopération internationale.
Dans la même veine, cadrant avec la mouvance du droit
international en matière des conflits armés, la structure désormais
chargée de faire la guerre est le ministère de défense et non de guerre.
52
Or, étant donné que la déclaration de guerre est bien obsolète en
vertu de l’article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations-Unies et vu
que le non recours à la force était inscrit en tant que principe de jus
cogens, la référence de la Constitution dans l’article 49 et 9977 à la
déclaration de guerre semble « hérétique ». En effet, le régime prohibitif
de la guerre est marqué par l’interdiction depuis 1928, laquelle
interdiction serait grevée par l’article 2 paragraphes 3et 4 de la Charte
des Nations –Unies.78
Par ailleurs, l’on peut déceler que l’inscription de l’article 55 du
contrôle de la constitutionnalité de l’engagement international marque
inévitablement une autre incursion du droit international dans l’ordre
juridique interne.
Dans cette perspective s’inscrivent les dispositions de l’article 30
énonçant entre autres que la diaspora étrangère résidant au Maroc peut
participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application de
conventions internationales ou de pratiques de réciprocité et que les
conditions d’extradition et d’octroi du droit d’asile sont définies par la
loi.
Ce contrôle de la conformité des dispositions internationales aux
prescriptions constitutionnelles touche des questions sensibles telles la
paix et l’union. L’objectif d’une telle disposition est de ne pas porter
77Cet article dispose : « La déclaration de guerre, décidée en Conseil des ministres,
conformément à l’article 49 de la présente Constitution, a lieu après communication faite par le Roi au Parlement. Des rapports entre les Pouvoirs législatif et exécutif. »
78On relève dans ce sens l’article 2 disposant en son troisième paragraphe : « Les Membres
de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle
manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en
danger ». De même le quatrième paragraphe énonce : « Les Membres de l'Organisation
s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la
force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».
53
atteinte à l’indivisibilité du territoire marocain et ne pas nuire aux valeurs
constates et fondamentales du royaume.
Ces valeurs sont déjà citées dans l’article 175 énonçant qu’aucune
révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion
musulmane, sur la forme monarchique de l’État, sur le choix
démocratique de la nation ou sur les acquis en matière de libertés et de
droit s fondamentaux inscrits dans la présente Constitution.
De même, sont soumis à ce contrôle les traités de commerce ou
ceux engageant les finances de l’État ou dont l’application nécessite des
mesures législatives, ainsi que les traités relatifs aux droits et libertés
individuelles ou collectives des citoyennes et des citoyens.
Cette implémentation de la législation internationale à l’ordre
juridique interne convie le parlement à transposer le droit international
dans le droit interne. Une loi devrait initialement approuver un certain
nombre d’accords internationaux. En effet, en vertu de l’article 55, les
étrangers bénéficie des libertés fondamentales reconnues aux citoyennes
et citoyens marocains, suivant la loi. Ceux d’entre eux qui résident au
Maroc peuvent contribuer aux élections locales en vertu de la loi, de
l’application de conventions internationales ou de pratiques de
réciprocité. Les conditions d’extradition et d’octroi du droit d’asile sont
définies par la loi.
En outre, l’institution législative devrait édicter une loi
incorporant le droit international du droit interne au chapitre de la
nationalisation d’entreprises et en matière du régime des privatisation
comme l’a bien disposé l’article 71.
L’arsenal juridique interne devrait palpiter au rythme du droit
international comme en témoigne le cas des dispositions contenues dans
l’article 55 énonçant :
54
« Le Roi peut soumettre au Parlement tout autre traité avant sa
ratification. Si la Cour Constitutionnelle, saisie par le Roi ou le Président de la
Chambre des Représentants ou le Président de la Chambre des Conseillers ou le
sixième des membres de la première Chambre ou le quart des membres de la
deuxième Chambre , déclare qu’un engagement international comporte une
disposition contraire à la Constitution, sa ratification ne peut intervenir qu’après la
révision de la Constitution ».
Or, les formes que revêtira cet acte royal ainsi que les
conséquences juridiques ne sont en rien précisées. En somme, en dépit
d’une inscription du droit international sur la Loi fondamentale, malgré
son élargissement aux autres sources du droit, le Constituant semble
attaché à la conception moniste avec prépondérance et non primauté du
droit interne.
1.1.2. La place des Conventions des droits de l’Homme
Le Constituant a enregistré par la nouvelle Loi fondamentale du
29 juillet 2011 une avancée considérable traduite notamment dans
l’incorporation du principe de l’universalité des droits humains (1.1.2.1)
qui souffre pourtant des limites (1.1.2.2.).
1.1.2.1. Le principe de l’universalité des droits humains :
quelle incorporation ?
Le choix démocratique irréversible proclamé dans le préambule
s’est traduit certes dans la reconnaissance solennelle du principe de
l’universalité qui rappelle les propos réitérés depuis bien longtemps sur
cette volonté marocaine d’incorporer à sa législation interne les valeurs
55
des droit s de l’Homme et d’honorer intégralement ses engagements
internationaux en la matière.79
L’exploration des points et des orientations d’harmonisation de la
législation nationale avec les instruments internationaux des droit s
humains ratifiés par le Maroc permet de mieux scruter la solution
véhiculée par le constituant en matière d’harmonisation et des défis
interprétatifs émergés par la constitutionnalisation de la portée relative
des conventions internationales sur l’ordre juridique interne.
En effet, la nouvelle Loi fondamentale concourt indubitablement
à l'édification d'un authentique État de droit. Elle aménage un nouvel
ordre résolument porté vers l'idéal démocratique. Cette résolution est
perceptible dans la consonance démocratique du préambule qui dispose :
« Mesurant l’impératif de renforcer le rôle qui lui revient sur la scène
mondiale, le Royaume du Maroc, membre actif au sein des organisations
internationales, s’engage à souscrire aux principes, droit s et obligations énoncés
dans leurs chartes et conventions respectives , il réaffirme son attachement aux droit
s de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus, ainsi que sa volonté de
continuer à œuvrer pour préserver la paix et la sécurité dans le monde ».
La satisfaction de cet impératif ne serait que poursuite de vent sans
une effectif amarrage sur la voie protectrice et promotrice des dispositifs
des droit s de l’Homme et du droit international humanitaire optimisant
partant leur développement dans leur indivisibilité et leur universalité.
Cet alignent sur l’idéal démocratique tel que palpable dans le préambule
est corroboré par la consécration constitutionnelle du préambule faisant
79Hamid Rbii, « Droits de l’Homme et souveraineté : réflexion sur le cas du Maroc »,
contribution au colloque international : Droits de l’Homme : souveraineté et ingérence ,
organisé par le Centre de recherche sur la coopération internationale pour le développement
de la faculté de Droit de Marrakech et Walter –Schucking- Institut Fur Internationales Recht
Christan Alberchts –Universiat Zu Kiel ,13 et 14 mars 2002 à Benslimane , publiée dans
REMALD ,série Thèmes actuels , n°37-2002,pp.29-54
56
dorénavant non seulement figure d’une autorité morale non
contraignante mais partie intégrante de la présente Constitution.80
Cette précision ne pourrait qu’ancrer davantage la primauté de la
norme internationale et sa suprématie sur l’ordre juridique interne
signalant par voie de déduction que les instruments internationaux sont
invocables et opposables dans l’ordre interne.
Cet esprit incorporateur des normes internationales dans la Charte
fondamentale est bien traduit dans la substance même du document
constitutionnel qui défend le principe de l’universalité à travers la
condamnation dans l’article 23 des crimes définis par le droit
international.
L’édification de l’État de droit induit une promotion des droits
politiques, avec à leur tête, l’organisation des élections libres et
transparentes81, dont le déroulement dans les conditions optimales
implique l’intervention des pouvoirs publics et du législateur 82 qui en
définit non seulement le cadre législatif seyant mais en définit également
les conditions et les modalités de l’observation indépendante et neutre
80Les Constitutions qui se sont succédé au Maroc se sont engoncées à priver le préambule de
toute force contraignante. A tout le plus, il s’érigeait en une autorité morale non
contraignante. Les incidences en sont légion. En effet, l’inscription de la primauté de la
norme internationale sur l’ordre juridique interne se trouverait du coup émiettée et sur cette
base les juridictions accorderaient aux dispositions du préambule une valeur juridique vaine
écartant par conséquent l’application des conventions internationales au niveau interne. Du
reste, cette ineffectivité de dispositions du préambule donne à montrer le visage narquoi à la
suprématie de la règle internationale qui ne serait plus directement invocable et opposable
dans l’ordre interne. 81Il est précisé dans l’article 11 en son premier alinéa que les élections libres, sincères et
transparentes constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique. Les pouvoirs publics sont tenus d’observer la stricte neutralité vis-à-vis des candidats et la
non-discrimination entre eux. 82Le second tiret de l’article 11 stipule que la loi définit les règles garantissant l’accès équitable
aux médias publics et le plein exercice des libertés et droits fondamentaux liés aux
campagnes électorales et aux opérations de vote et que les autorités en charge de
l’organisation des élections veillent à l’application de ces règles. Il ajoute que la loi définit
les conditions et les modalités de l’observation indépendante et neutre des élections en
conformité avec les normes internationalement reconnues.
57
en conformité avec les normes internationalement reconnues.83 A cet
effet, les acteurs politiques et la société civile ont été conviés à réfléchir
sur les dispositifs soutenant le déroulement des opérations électorales de
manière neutre et transparente.
C’est dans ce sens que s’inscrit la loi 30 .11 prédisposant aux
élections du 25 novembre 2011. En effet, son article 1 formule le cadre
général de l’observation indépendante et neutre des élections.84
Consolidant cette veine promotrice des droits et libertés, la
nouvelle Charte fondamentale garantit aux étrangers l’effectivité dans
l’exercice de leurs droit s -participation et de leurs droits civils et
politiques d’autant plus que l’article 30 énonce clairement que les
étrangers jouissent des libertés fondamentales reconnues aux citoyennes
et citoyens marocains, conformément à la loi.
Il ajoute que ceux d’entre eux qui résident au Maroc peuvent
participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application de
conventions internationales ou de pratiques de réciprocité.
Puisant dans les préceptes internationaux, le Constituant aménage
dans l’article 19 l’égalité entre l’homme et la femme énonçant que
l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droit s et libertés à
83Plaidant en faveur de la modification de la loi 30-11 fixant les conditions et les modalités de
l’observation indépendante et neutre des élections, l’Organisation marocaine des droits
humains (OMDH) a conçu un mémorandum.
Suivant Boubker Largo, Président de l’OMDH, les 18 modifications énoncées par l’organisation se conforment sur les normes internationales pour des élections libres,
intègres, transparentes et crédibles. 84Cet article soutient : « Au sens de la présente loi, on entend par l’observation indépendante
et neutre des élections , toute opération ayant pour objet le suivi sur le terrain du déroulement
des opérations électorales , la collecte objective , impartiale et neutre des données y afférents
et l’évaluation des conditions de leur organisation et de leur déroulement ainsi que du respect
des règles constitutionnelles et des textes législatifs et réglementaires régissant les élections
et des normes internationales , et ce à travers des rapports élaborés par les instances
concernées comprenant leurs observations et éventuellement leurs recommandations à
soumettre aux autorités concernée »
58
caractère civil, politique, économique, social, culturel et
environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres
dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes
internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des
dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume.
Dans ce sens, l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes
formes de discrimination a été créée pour booster la réalisation de la
parité entre les hommes et les femmes.
Il n’en demeure pas moins vrai que l’élargissement du domaine de
la loi tel que stipulé dans l’article 7185 corrélé aux garanties de
l’effectivité de l’exercice des droit s et libertés après la proclamation de
l’état d’exception contenues dans l’article 5986 conjugué à la création du
85Cet article énonce: « Sont du domaine de la loi, outre les matières qui lui sont expressément
dévolues par d’autres articles de la Constitution : les libertés et droits fondamentaux prévus
dans le préambule et dans d’autres articles de la présente Constitution, le statut de la famille
et l’état civil, les principes et règles du système de santé, le régime des médias audio-visuels
et de la presse sous toutes ses formes, l’amnistie, la nationalité et la condition des étrangers,
la détermination des infractions et des peines qui leur sont applicables, l’organisation
judiciaire et la création de nouvelles catégories de juridictions, la procédure civile et la
procédure pénale, le régime pénitentiaire, le statut général de la fonction publique, les
garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires, le statut des
services et forces de maintien de l’ordre,le régime des collectivités territoriales dont les
principes de délimitation de leur ressort territorial, le régime électoral des collectivités
territoriales, dont les principes du découpage des circonscriptions électorales, le régime
fiscal et l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impôts, le régime juridique
de l’émission de la monnaie et le statut de la banque centrale, le régime des douanes, le
régime des obligations civiles et commerciales, le droit des sociétés et des coopératives, les
droits réels et les régimes des propriétés immobilières publique, privée et collective, le
régime des transports, les relations de travail, la sécurité sociale, les accidents de travail et
les maladies professionnelles, le régime des banques, des sociétés d’assurances et des
mutuelles, le régime des technologies de l’information et de la communication, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, les règles relatives à la gestion de l’environnement, à la
protection des ressources naturelles et au développement durable, le régime des eaux et forêts et de la pêche, la détermination des orientations et de l’organisation générale de
l’enseignement, de la recherche scientifique et de la formation professionnelle, la création
des établissements publics et de toute autre personne morale de droit public, la
nationalisation d’entreprises et le régime des privatisations. Outre les matières visées à
l’alinéa précédent, le Parlement est habilité à voter des lois-cadres concernant les objectifs
fondamentaux de l’activité économique, sociale, environnementale et culturelle de l’État. » 86En effet, cet article stipule expressément : « Lorsque l’intégrité du territoire national est
menacée ou que se produisent des événements qui entravent le fonctionnement régulier des
59
Conseil national des droit s de l’Homme consacrent cette portée
universaliste des droits de l’Homme contenue dan la nouvelle Loi
fondamentale.
1.1.2.2. Limites du principe de l’universalité
Mieux vaut ne pas verser candidement dans un pur idéalisme et
croire ingénument au caractère pléthorique qu’une législation suprême
aménage théoriquement et textuellement dans le cadre de la souscription
à l’arsenal conventionnel et la consécration du principe de l’universalité
.Tant s’en faut, l’inscription sur ce canon n’est ni pleine ni entière et le
Constituant a voulu consciemment en limiter légèrement les
conséquences.87
A ce juste propos, l’article premier ancre l’inviolabilité et
l’opposabilité des constantes marocaines fédératrices, en l’occurrence la
religion musulmane modérée, l’unité nationale aux affluents multiples,
la monarchie constitutionnelle et le choix démocratique.
institutions constitutionnelles, le Roi peut, après avoir consulté le Chef du Gouvernement,
le président de la Chambre des Représentant, le président de la Chambre des Conseillers,
ainsi que le Président de la Cour Constitutionnelle, et adressé un message à la nation,
proclamer par dahir l’état d’exception. De ce fait, le Roi est habilité à prendre les mesures
qu’imposent la défense de l’intégrité territoriale et le retour, dans un moindre délai, au fonctionnement normal des institutions constitutionnelles. Le Parlement ne peut être dissous
pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Les libertés et droits fondamentaux prévus par la présente Constitution demeurent garantis. Il est mis fin à l’état d’exception dans les
mêmes formes que sa proclamation, dès que les conditions qui l’ont justifié n’existent plus. » 87Hamid Rbii, « La place de la convention internationale dans la nouvelle Constitution : cas
des conventions des droits de l’Homme », in Constitution marocaine 2011 : Nouveautés et
perspectives, Actes du colloque organisé par la Faculté des Sciences Juridiques ,
Économiques et Sociales de l’Université Mohammed 1er -Oujda en partenariat avec le
Centre des Études et d Recherches Humaines et Sociales –Oujda , le 20 et 21 avril 2012 ,1ère
Edition 2012-1433 , p 63
60
Cette réalité est manifeste dans les dispositions du préambule qui
enveloppent d’un caractère prééminent les principes de la religion
musulmane.
Force est de constater que le Constituant a hissé la religion
islamique au rang d'un bastion inexpugnable contre l’effectivité de la
primauté du droit international sur la législation interne d’autant plus que
la suprématie des conventions internationales dûment ratifiées par lui
n’est applicable que dans le cadre des dispositions de la Constitution et
des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable.
Conformément à cet esprit restrictif , l’égalité entre l’homme et la
femme en matière des droits et libertés à caractère civil, politique,
économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans les
conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume ne
serait existante que dans le respect des dispositions de la Constitution,
des constantes et des lois du Royaume.
Certes, on peut consentir à une certaine similitude entre les
percepts véhiculés par les standards internationaux en matière des droits
humains avec maintes dispositions dispensées par la religion islamique
dans la mesure où les deux références ambitionnent l’aménagement d’un
cadre seyant et commode pour le bien être humain sous toutes ses
facettes.
Or, il importe de souligner qu’ils s’entrechoquent notamment au
chapitre de la liberté sexuelle. De surcroît, le changement de la religion
jugé d’apostat par l’islam demeure un brûlant foyer de tensions. Qui plus
est, le mariage interreligieux fomente des poche de conflit et de
controverse. Dans le même ordre des idées, se profile la question
lancinance de l’égalité en matière de succession.
61
Le Maroc aspire à se cheviller sur les canons du libéralisme
démocratique en répondant en écho aux interjections émises en la
matière. Dans cette perspective, l’inscription marocaine sur les standards
internationaux en matière des droits humains s’est certes concrétisée par
la levée de l’ensemble des réserves émises à la Convention sur
l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des
femmes (CEDAW) ratifiée par le Maroc en 1993.88
En outre, le gouvernement a ratifié le Protocole facultatif à cette
convention, accordant aux femmes victimes de transgressions de leurs
droits de porter plainte devant une instance internationale89. Une seule
réserve est toujours maintenue à la CEDAW, dépourvue de toute portée
substantielle attendu qu’il s’agit du refus de la compétence obligatoire
88Ces réserves portaient sur la transmission de la nationalité (article 9) ainsi que sur le mariage,
le divorce et la garde des enfants (article 16). Par conséquent, la levée de ces réserves impose
au Maroc d’ajuster sa législation nationale sur les canons de l’arsenal conventionnel contenu
Dans la CEDAW. Une telle harmonisation favorisera la transmission par les femmes de leur
nationalité à leur conjoint et à leurs enfants au même titre que les hommes. Dans le même
ordre des idées, les femmes jouiront des mêmes droits que les hommes dans le mariage et
lors du divorce. Le gouvernement doit abolir toutes les lois discriminatoires parallèlement à
la levée des déclarations interprétatives aux articles 2 et 15 de la CEDAW. En effet, le Maroc
a fait deux déclarations lors de son accession au CEDAW ambitionnant au-delà de la réserve
tendant à immuniser le droit de primogéniture mâle au trône royal, la perpétuation du Code
du statut personnel de 1958 alors en vigueur, abrogé par le Code de la famille de 2004. Les
déclarations: « 1. En ce qui concerne l’article 2 : Le Gouvernement du Royaume du Maroc
se déclare disposé à appliquer les dispositions de cet article à condition :– qu’elles n’aient
pas d’effet sur les dispositions constitutionnelles régissant les règles de succession au trône
du Royaume du Maroc; – qu’elles n’aillent pas à l’encontre des dispositions de la Charia
Islamique, étant donné que certaines dispositions contenues dans le Code marocain du statut
personnel qui donnent à la femme des droits qui diffèrent de ceux octroyés à l’époux, ne
pourraient être transgressées ou abrogées du fait qu’elles sont fondamentalement issues de la Charia Islamique qui vise, entre autres, à réaliser l’équilibre entre les conjoints afin de
préserver la consolidation des liens familiaux. » 2. En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 15 : Le Gouvernement du Royaume du Maroc déclare qu’il ne pourrait être lié par
les dispositions de ce paragraphe, notamment celles qui concernent le droit de la femme de
choisir sa résidence et son domicile, que dans la mesure où ces dispositions ne seraient pas
contraires aux articles 34 et 36 du Code marocain du statut personnel. 89En ce sens, Sophie Bessis, Secrétaire générale adjointe de la FIDH, a déclaré : « Par cette
décision le gouvernement marocain a fait un pas très important pour les droits de femmes.
C’est grâce à une mobilisation des acteurs de la société civile et en particulier des
organisations de défense des droits des femmes, que cette victoire a pu être remportée »
62
de la Cour internationale de justice. Cette réserve ne concerne qu’un cas
de figure très théorique relatif aux conflits éventuels entre le Maroc et
un autre État partie à la CEDAW.90
En vertu de la nouvelle Charte, et conformément aux dispositions
de l’article 42 , il incombe au souverain en tant que Chef de l’État, son
Représentant suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la
pérennité et de la continuité de l’État et Arbitre suprême entre ses
institutions, de veiller au respect de la Constitution, au bon
fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du
choix démocratique et des droit s et libertés des citoyennes et des
citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements
internationaux du Royaume. Il est le Garant de l’indépendance du
Royaume et de son intégrité territoriale dans ses frontières authentiques.
Cadrant en parfaite harmonie avec de telles stipulations, adhérer à
une convention internationale serait tributaire de l’observance de la
compatibilité de ses dispositions avec les prescriptions de la religion à
défaut de laquelle, les réserves seraient l’unique issue.
Le parlement, quant à lui, a un droit de regard sur la ratification
des instruments internationaux .En effet, en fonction de l’article 55 , les
traités de paix ou d’union, ou ceux relatifs à la délimitation des
frontières, les traités de commerce ou ceux engageant les finances de
l’État ou dont l’application nécessite des mesures législatives, ainsi que
les traités relatifs aux droits et libertés individuelles ou collectives des
90Cette troisième réserve est toujours en vigueur .Elle concerne l’article 29 :« Le
Gouvernement du Royaume du Maroc ne se considère pas lié par le paragraphe 1 de cet
article qui dispose que tout différend entre deux ou plusieurs États concernant
l’interprétation ou l’application de la Convention qui n’est pas réglé par voie de négociation,
peut être soumis à l’arbitrage à la demande de l’un d’entre eux.
Le Gouvernement du Royaume du Maroc estime, en effet, que tout différend de cette nature
ne peut être soumis à l’arbitrage qu’avec le consentement de toutes les parties au différend. »
63
citoyennes et des citoyens, ne peuvent être ratifiés qu’après avoir été
préalablement approuvés par la loi.
Par ailleurs, le Roi peut soumettre au Parlement tout autre traité
avant sa ratification. Du coup, le pouvoir de censure des députés
parlementaires est effectif quant à toute adhésion antagonique aux
valeurs immuables de la nation.
Dans la même veine, si la Cour Constitutionnelle, saisie par le Roi
ou le Président de la Chambre des Représentants ou le Président de la
Chambre des Conseillers ou le sixième des membres de la première
Chambre ou le quart des membres de la deuxième Chambre , déclare
qu’un engagement international comporte une disposition contraire à la
Constitution, sa ratification ne peut intervenir qu’après la révision de la
Constitution. Pour autant, l’intervention de la Cour constitutionnelle
pour déterminer la concordance d’un arsenal conventionnel avec la
Charte suprême est décisive.
Il gagnerait davantage de noter que l’apport du juge est majeur
dans la protection des droits et libertés inscrites par les diverses normes
juridiques en l’occurrence l’arsenal conventionnel. En effet, il lui
incombe de grever le caractère invocable et opposable des dispositions
conventionnelles par le justiciable marocain, notamment pour demander
que soient écartées les dispositions de la législation nationale qui n’y
sont pas conformes. Pour autant, la nouvelle Constitution a inséré une
garantie de taille pour les droits des particuliers traduite dans la
possibilité de soulever devant les juridictions l’inconstitutionnalité des
lois.
En ce sens, l’article 133 dispose que la Cour Constitutionnelle est
compétente pour connaître d’une exception d’inconstitutionnalité
soulevée au cours d’un procès, lorsqu’il est soutenu par l’une des parties
64
que la loi dont dépend l’issue du litige, porte atteinte aux droit s et
libertés garantis par la Constitution. Il ajoute qu’une loi organique fixe
les conditions et modalités d’application du présent article.
Or, devant un cadre juridique axé sur la reconduction des lignes
rouges incarnées par les principes immuables fort restrictifs, l’effectivité
de l’exercice de ce droit en souffrira devant les tribunaux prétextant que
les dispositions conventionnelles sont antinomiques aux principes
fondamentaux de la nation. En conséquence, le principe de l’universalité
serait effrité sous l’effet du grand équarrissage interprétatif -
déconstructif des juridictions nationales où il serait entraîné.
1.2. L’harmonisation de la législation nationale avec le droit
international des droits de l’Homme
La revendication de la consécration constitutionnelle de la
primauté du droit international sur la législation marocaine émanant du
tissu associatif à la Commission consultative chargée de la révision de la
Constitution a été fortement commanditée par le domaine d’activité
corrélé au référentiel idéologique des acteurs auteurs des
mémorandums.91
Si on se voue à une étude analytique des mémorandums adressés
à la Commission Consultative chargée de la Révision de la Constitution
, on se rend compte de la pluralité des perceptions de la consécration
constitutionnelle de la portée de la primauté du droit international sur la
91« L’harmonisation de la législation marocaine avec le droit international des droits de
l’Homme », Novembre 2013 Imprimerie : Dar Al Qalam à Rabat, Étude initiée par
l’Association Adala en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert Stiftung , avec le
soutien du Ministère des Affaires Étrangères d’Allemagne ,P 7.
Disponible sur :
https://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/publicationAA2013/9.pdf
65
législation interne qui oscille entre une portée absolue, relative, limitée
ou conditionnée.
A cet juste propos , dans une perspective conditionnée et limitée
s’aligne la position de la l’Association Espace de Développement
Durable92 qui paraît réfractaire à une portée illimitée ou absolue du droit
international émettant ainsi des réserves d’ordre religieux attendu
qu’elle plaide en faveur de la consécration constitutionnelle de la
primauté du droit international des droits de l’Homme, « sous réserve de
compatibilité de ses instruments avec la loi islamique ».
Adoptant une attitude analogue intrinsèquement liée à des
considérants identitaires, Le Reseau Maillages93 a émis, dans sa
plaidoirie en faveur de la constitutionnalisation du principe de primauté,
la réserve de « compatibilité » du droit international des droits de
l’Homme avec « l’identité marocaine et musulmane ».
Relève d’un cas similaire, La des Associations Régionales94 qui a prêché
la sauvegarde des bastions inexpugnables traduites dans les constantes
qui ne devraient être atteintes.
L’élément novateur et inédit dans les mémorandums des
associations serait la proposition de L’Union Nationales des Femmes
Marocaines95 qui a pris à bras le corps la réalité en insufflant une
dynamique d’harmonisation inversée voire intervertie en préconisant «
l’harmonisation des conventions et des traités internationaux avec « le
référentiel religieux et les conditions socioéconomiques du Royaume
92L’ASSOCIATION ESPACE DE DEVELOPPEMENT DURABLE : mémorandum adressé
à la Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p3) 93RESEAU MAILLAGES : mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de
la révision de la Constitution (p5) 94LA Ligue des Association Régionales : mémorandum adressé à la Commission Consultative
chargée de la révision de la Constitution (p4) 95L’Union Nationale des Femmes Marocaines : mémorandum adressé à la Commission
Consultative chargée de la révision de la Constitution (p5)
66
».Cette position puisant son essence dans une origine religieuse trouve
sa juste expression la plus poussée dans les préconisation de
l’Association des Professeurs de l’Éducation Islamique96 favorable à une
consécration constitutionnelle de « la loi islamique comme source
suprême de la législation ». Or, l’association convie à juger « comme nul
et non avenu » « tout ce qui est incompatible » avec la loi islamique.
En contrepartie, nombreuses associations se sont alignées sur la
voie de la constitutionnalisation de la portée absolue de la primauté du
droit international sur la législation interne. En ce sens s’affichent
nombre d’associations prisant la constitutionnalisation de la primauté du
droit international des droits de l’Homme sur l’ordre juridique interne. Il
en est ainsi du Réseau Marocain Euromed des ONG97 , du Réseau
Marocain Transnational Migration et Développement98. De la Fédération
de la Ligue Démocratique des Droits de l’Homme99, du Collectif
Démocratie et Modernité100 , le Réseau Amazigh pour la Citoyenneté-
Azett101, l’Institut Marocain des Relation Internationales102 ,
l’Association Marocaine pour les Droits des Femmes103, l’Association
96L’Association des Professeurs de l’Éducation Islamique : mémorandum adressé à la
Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p6) 97Réseau marocain Euro-Med des ONG : mémorandum adressé à la Commission Consultative
chargée de la révision de la Constitution (p6). 98Réseau marocain transnational migration et développement : mémorandum adressé à la
Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p5) 99Fédération de la ligue démocratique des droits de l’homme : mémorandum adressé à la
Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p4) 100 Collectif démocratie et modernité : mémorandum adressé à la Commission Consultative
chargée de la révision de la Constitution (p5). 101Le Réseau amazigh pour la citoyenneté-AZETTA : mémorandum adressé à la Commission
Consultative chargée de la révision de la Constitution (p7) 102L’Institut Marocain des Relation Internationales : mémorandum adressé à la Commission
Consultative chargée de la révision de la Constitution (p5) 103L’Association Marocaines pour les Droits des Femmes : mémorandum adressé à la
Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p4)
67
Touche pas a mon Enfant104 , Transparency Maroc105, La Fondation
Karama106.
D’autres acteurs associatifs ont sollicité l’inscription
constitutionnelle dans le préambule-qui fait désormais partie intégrante
de la Constitution- de cette primauté du droit international des droits de
l’Homme et du droit international humanitaire sur la loi interne comme
en témoignent les cas du réseau Deventwork107 ainsi que le Mouvement
Nouvel Elan de Düsseldorf.108
Par ailleurs, dans l’ultime visée de raffermir la portée absolue de
la prééminence du droit international des droits de l’Homme sur la
législation interne, des mémorandums ont identifié des mécanismes et
des modalités normatives et interprétatives. En font foi les cas de
L’Instance des Marocains Expatries pour la Reforme de la
Constitution109et le Forum des Alternatives Maroc110 qui ont opté pour
l’ancrage de l’opposabilité et l’invocabilité du principe de la suprématie
des instruments conventionnels ratifiés et publiés par le Maroc devant
les juridictions nationales. A cet effet, le Forum des Alternatives Maroc,
l’Union d’Action Féminine111et le Printemps Féminine de la Démocratie
104 L’Association Touche pas a mon Enfant : mémorandum adressé à la Commission
Consultative chargée de la révision de la Constitution (p8) 105 Transparency Maroc : mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution (p3) 106 Fondation Karama : mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution (p5) 107Réseau Devenetwork : mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution (p2) 108 Mouvement Nouvel Elan : mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée
de la révision de la Constitution (p 5)
109 L’Instance des Marocain Expatrie pour la Reforme de la Constitution : mémorandum
adressé à la Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p17). 110 Forum des Alternatives Maroc : mémorandum adressé à la Commission Consultative
chargée de la révision de la Constitution (p3). 111 L’Union d’Action Féminine : mémorandum adressé à la c Commission Consultative
chargée de la révision de la Constitution p5)
68
et de l’Égalité 112 ont réclamé l’élévation du traité international en source
de législation.
Ces deux dernières associations ont sollicité, en outre,
l’inscription d’un engagement constitutionnel pour la levée des réserves
incompatibles avec les principes de l’égalité. Ne dérogent pas à cette
optique les mémorandums de L’Institut Amadeus113 plaidant en faveur
de la mise en place d’une stratégie de « renforcement axiologique » du
principe de la primauté par une consécration constitutionnelle de
l’indivisibilité des droits de l’Homme.
Embrassant la même démarche, les plaidoyers du Médiateur pour la
Démocratie et les Droits de l’Homme114 souscrivent à l’idéal d’une
constitutionnalisation des « clauses interprétatives » en vue de booster
l’effectivité de cette primauté dans l’action législative et
jurisprudentielle. Cette association agit en faveur de l’élaboration d’un
fondement constitutionnel à une dynamique prévisionnelle de
l’harmonisation de la législation nationale avec le droit international des
droits de l’Homme, attendu que la clause interprétative qu’elle a
suggérée ne concerne pas exclusivement les instruments ratifiés mais
identiquement ceux en cours de ratification, consentant partant à une «
harmonisation par anticipation ». Il n’en demeure pas moins vrai que la
proposition issue du Mouvement pour la Parité115 et l’Association
Démocratique des Femmes du Maroc116 demeure originale vu qu’elle
112 Printemps Féminine de la Démocratie et de la l’Égalité : mémorandum adressé à la
Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p4) 113 Institut AMADEUS : mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution (p14) 114Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme : mémorandum adressé à la
Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p9) 115 MOUVEMENT POUR LA PARITE : mémorandum adressé à la Commission Consultative
chargée de la révision de la Constitution (p7) 116 ASSOCIATION DEMOCRATIQUE DES FEMMES DU MAROC : mémorandum adressé
à la Commission Consultative chargée de la révision de la Constitution (p5)
69
souscrit à une optique plus étendue de sécularisation de la législation
proposant l’insertion d’une disposition constitutionnelle prévoyant pour
seule source de la loi le droit positif. Elle plaide en faveur de
l’instauration d’un mécanisme d’harmonisation, dans le cadre d’une
sécularisation de la législation, de la législation nationale avec les
instruments internationaux des droits de l’Homme.
2. La suprématie du droit international : une superstition
juridique ?
Il est indubitable que le renvoi dans le préambule et à l’article 55
à l’attachement marocain à la souscription au référentiel international
puise son essence dans le contexte mondial traduisant une indéniable
réceptivité à l’influence internationale. Cet évident alignement est un
emprunt au droit constitutionnel mondialisé, notamment à travers la «
dualité institutions/droits fondamentaux qu’il est possible d’appréhender
comme la réalité constitutionnelle du XXIème siècle ».117 En revanche,
cette souscription ne s’est pas accompagnée d’une clarification des
rapports entre le droit international et le droit interne qu’il s’agisse de
la norme constitutionnelle ou législative si bien que tout le système des
droits fondamentaux qui doit les englober semble se diluer et se perdre
dans les contradictions et l’équivoque des dédales du document
constitutionnel.
117 Didier Maus: « Réflexions sur la mondialisation du droit constitutionnel », in New
millenium constitutionnalism : paradigms of reality and challenges. NJHAR, 2013.p 183
70
Peut –on dire pour autant que cette inscription n’est qu’une simple
épitaphe118 ? (2.1). Nous serons amenés à apprécier concomitamment la
suprématie de la loi interne (2.2), la consécration du filtre obligatoire de
la retranscription législative (2.3). Il sied de percer le rang légal dit
controversé du droit international au Maroc avant (2.4) scruter les
interactions entre l’instrument conventionnel, l’ordre juridique interne et
international (2.5).
2.1. L’inscription constitutionnelle de la primauté du droit
international : une simple épitaphe ?
En dépit de la proclamation solennelle de la promotion
constitutionnelle du droit international et malgré son incorporation dans
ladite Charte fondamentale, l’équivoque ne s’est point dissipé quant à la
place du droit international par rapport à l’ordre juridique interne119.
118 Une épitaphe est un mot composé de « epi » signifiant « sur » et « taphos » désignant «
tombeau ». C’est une inscription funéraire, placée sur une pierre tombale ou un monument
funéraire. Cela peut être un objet donné à une civilisation comme signe de paix. 119 Le large mouvement de réformes constitutionnelles initié depuis le début des années 1990
découle inéluctablement de la mondialisation juridique : Une nette perméabilité entre les
frontières entre ordres juridiques nationaux et ordre international. Les frontières ne sont plus
étanches entre les deux normes. Pour explication, moult arguments sont invoqués. Au prime
abord, la dissolution du bloc communiste et les transitions démocratiques survenues en
Amérique Latine et notamment en Europe de l’Est ont optimisé une nouvelle ère étatique
plus réceptive du droit international. De surcroît, le mouvement d’intégration régionale
corrélé à l’émergence de nouvelles organisations internationales maximisent l’existence de
normes supranationales pesant sur le droit interne. En outre, le recours constant aux
conventions multilatérales génératrices des effets sur les individus exigent des modifications
internes conséquentes comme en témoigne la Convention d’Ottawa sur les mines anti-personnel en 1997 ou le traité établissant la Cour pénale internationale (CPI) en 1998, ou
encore la Convention sur les disparitions forcées en 2006).Deux constats résultent de la lecture des Constitutions révisées .D’emblée, l’on note une sensible disparité des méthodes
constitutionnelles d’intégration du droit international .En outre, l’on assiste à une volonté
étatique favorable à une nette précision. Or, le Maroc opte toujours, nonobstant la révision
constitutionnelle pour une rédaction équivoque. A vrai-dire, la Commission consultative de
révision de la Constitution lui incombait une tâche épineuse. Résoudre la difficile équation
de la conciliation entre , une éventuelle consécration de la primauté du droit international
qui serait synonyme l’amarrage du pays sur les positions de l’Union européenne et engagée
dans un processus d’intégration régionale narguant ainsi la singularité marocaine et ses
71
Corrélativement au discours royal du 9 mars 2011 et aux
désidératas populaires portés par le printemps arabe, la transposition du
droit interne devrait être une lapalissade.
Rien de tel, ni la Charte fondamentale ni son préambule ne
concluent infailliblement à la suprématie de l’ordre juridique
international sur le droit national. A tout le plus, la nouvelle Constitution
aménage, au droit international, un statut de primauté conditionnée.
Cette Figure oxymorique120 vide la suprématie, parée de toutes les
vertus, de toute sa force obligatoire, à même de la vassaliser sous le joug
des valeurs traditionnelles immuables reconduites. En effet, la primauté
synonyme de la prédominance et de la prééminence ne pourrait
nullement être tributaire de la satisfaction de conditions. La ravaler à ce
second rang inhérent à l’observance des fondements immuables de la
nation serait remettre aux calendes grecques cette primauté.
Si on ne se réfère qu’au préambule et aux articles 55 et 19 , nous
serons inexorablement conduits à conclure au caractère hybride de cette
prééminence .Cela étant ,en vertu du préambule le Maroc s’engage à
accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, la
primauté sur le droit interne du pays et à harmoniser en conséquence les
dispositions pertinentes de sa législation nationale. La ratification
s’affiche, toutefois, à en croire ce préambule, respectueuse des
constantes et le choix de la suprématie de l’ordre juridique interne ce qui influerait pernicieusement sur les choix économiques du pays notamment en faveur du libéralisme.
L’incidence serait délétère sur le développement économique et social du pays. 120 Un oxymore ou oxymoron, est une figure de style qui vise en rhétorique à accoler deux
termes (un nom et un adjectif) qui sont antithétiques par le sens dans une formule en
apparence antinomique, comme « un jeune vieillard » ou « un aveugle voyant » ou « démo-
despotisme » , un mot valise composé de deux termes sémantiquement antagoniques ,
« démo » rappelant la démocratie et son antonyme « despotisme ». L'oxymore permet ainsi
d’exprimer ce qui est inconcevable. Il a pour fonction de traduire l’absurde.
72
dispositions de la Constitution et des lois du Royaume et de son identité
nationale immuable.
Dans le même ordre des idées, l’article 19 argue que la ratification
marocaine des conventions et des pactes internationaux se doit d’être
respectueuse des dispositions de la Constitution, des constantes du
Royaume et de ses lois. Du reste, au cas où la Cour Constitutionnelle,
saisie par le Roi ou le Président de la Chambre des Représentants ou le
Président de la Chambre des Conseillers ou le sixième des membres de
la première Chambre ou le quart des membres de la deuxième Chambre
, décèlerait une disposition d’un engagement international antinomique
à la Constitution, sa ratification ne peut intervenir qu’après la révision
de la Constitution.
Cette primauté demeure non seulement conditionnée mais
hypothéquée. Cette réalité ancre davantage, pour reprendre la formule de
Said Ihrai, « un système moniste avec prépondérance et non-primauté du
droit interne ».
On comprend dès lors les ingrédients de cette forme hybride
instaurée par le Constituant. Distincte de la conception moniste en
fonction de laquelle le droit international prévaut de façon immédiate
en droit interne, hétérogène par rapport à toute approche dualiste
explicite affirmant que les normes du droit international n'acquièrent de
force juridique qu'en étant transposées en droit interne et n’affichant
aucune similitude avec la forme mixte telle qu’appliquée aux États-Unis
selon que les traités soient ou non considérés comme étant d'application
directe par les tribunaux. Cette hybridité est invétérée dans l’ordre ainsi
aménagé, d’autant plus que la primauté du droit interne n’est plus
expressément stipulée.
73
Cette réalité hybride brouillant toute interprétation repose sur les
dispositions de l’article 55 qui, fidèle au schéma instauré par la
Constitution abrogée de 1996, laisse profiler l’impression d’une certaine
prédominance du traité international sur la Constitution attendu qu’en
cas de litige entre la norme conventionnelle et la règle constitutionnelle,
la règle conventionnelle s’impose en écartant la norme constitutionnelle.
Force est de noter un parallélisme entre l’article 55 de la nouvelle
Loi fondamentale marocaine et l’article 54 de la Constitution française
qui dispose :
« Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République,
par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante
députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte
une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver
l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la
Constitution ».
Certes, il est logique et rationnel qu’un traité en forme solennelle
soit supérieur à la Constitution. Or ce qui échappe à notre entendement
est qu’un simple engagement international, tel que stipulé dans l’article
55 de la Constitution marocaine, inséré dans un simple instrument de
moindre importance, transcende les dispositions constitutionnelles.
A moins que le Constituant ait été motivé par cette intention de
brouiller les rapports entre l’engagement international et la Constitution,
ce qui est écarté bien entendu, il aurait été judicieux d’établir les relations
entre chacune des normes internationales et celles correspondantes dans
l’ordre juridique interne et vice-versa, entre le traité et la loi, entre la loi
et l’accord en forme simplifiée ou entre le décret et l’acte unilatéral à
portée internationale.
Cette valeur supra-constitutionnelle du droit international serait
mieux explicitée par les juridictions nationales qui seront conviées à se
74
prononcer en la matière à l’occasion d’un conflit qui leur sera soumis.
Certes, elles seront appelées à trancher en fonction du choix inscrit dans
la Constitution laissant s’imprimer la présomption de la suprématie de la
norme internationale.
Au delà de la simple marge d'interprétation laissée à la discrétion
du juge , le système moniste s’appuie sur maintes considérations plaidant
en faveur de la primauté de l’engagement international. En effet,
l’engagement international traduit l’accord de plusieurs États et demeure
de ce fait récalcitrant à la révision121. Du reste, un État est souverain en
matière de la législation interne et demeure la seule autorité qui
commande de ses procédures internes, ce qui est distinct dans le cas d’un
engagement interétatique ou avec une organisation internationale. En
outre, la primauté de l’engagement international découle de la
Convention de Vienne de 1969 en vertu de laquelle aucun État partie ne
pourrait se soustraire de ses obligations sous le prétexte des
considérations juridiques internes.
2.2. La suprématie de la loi interne
On note non sans étonnement que les Constitutions précédentes
ont maintenu du mutisme intentionnel sur la question des rapports entre
121 Frédéric Rouvillois, Droit constitutionnel, la Vème République, Paris, Flammarion,
Collection Champs Université 2009, 400p .P.306.
75
la loi et l’engagement international. Or, la nouvelle Loi fondamentale a
évoqué le rapport à maintes reprises moins dans le dessein de la
consécration de la primauté du droit international ou du moins de celui
d’une nette clarification que pour le raffermissement de la norme interne.
Aussi la Constitution et la loi paraissent-elles plus prépondérantes que la
norme internationale.
Cette réalité est manifeste à travers maintes dispositions
constitutionnelles. C’est dans cet esprit que la lecture du préambule
devrait s’effectuer puisque cette primauté qu’il convient d’accorder aux
conventions internationales dûment ratifiées par la Maroc n’est pas
directe et immédiate mais tributaire des contingentements des
dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect
de son identité nationale immuable. L’engagement international paraît
fléchir sous le joug des impératifs de la Constitution et des lois du
royaume. Il devrait se plier à leurs injonctions sinon il n’est plus
applicable.
En outre, si l’article 6 aménage une nette hiérarchisation des
normes juridiques en affirmant les principes de constitutionnalité, de
hiérarchie et d’obligation de publicité des normes juridiques, la place de
l’engagement international se trouve minimisée étant donné bien
entendu que le terme « constantes » disséminé entre « Constitution » et
« loi » dans l’article 19 122 est loin de concerner la norme internationale.
Ces constantes sont bien explicitées dans l’article 175 précisant
qu’aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la
122 Il énonce entre autres que l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à
caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le
présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions
et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions
de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume.
76
religion musulmane, sur la forme monarchique de l’État, sur le choix
démocratique de la nation ou sur les acquis en matière de libertés et de
droit s fondamentaux inscrits dans la présente Constitution.
Du reste, la loi interne est prépondérante de jure et de facto. En
effet, au-delà des dispositions de l’article 55 soumettant à l’approbation
de la loi une grande partie des traités internationaux, les stipulations de
l’article 23123 relatives à la condamnation par la loi du génocide, des
crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et de toutes les violations
graves et systématiques des droits de l’Homme, consacre manifestement
cette primauté de la loi interne du moment que cette loi qui punira ces
violations devrait incorporer les dispositions de l’arsenal conventionnel
international d’autant plus que cette place attribuée à la loi serait
consolidée par les injonctions de l’article 30 124prévoyant que les
conditions d’extradition et d’octroi du droit d’asile sont définies par la
loi.
123 En effet, l’article 23 stipule : «Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en
dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention arbitraire ou secrète et la
disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux
punitions les plus sévères. Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une
façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de
garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique et de la
possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi. La présomption
d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute personne détenue jouit de
droits fondamentaux et de conditions de détention humaines. Elle peut bénéficier de
programmes de formation et de réinsertion. Est proscrite toute incitation au racisme, à la haine et à la violence. Le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et
toutes les violations graves et systématiques des droits de l’Homme sont punis par la loi ». 124 Cet article prévoit : « Sont électeurs et éligibles, tous les citoyennes et les citoyens majeurs
jouissant de leurs droits civils et politiques. La loi prévoit des dispositions de nature à
favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. Le vote est un
droit personnel et un devoir national. Les étrangers jouissent des libertés fondamentales
reconnues aux citoyennes et citoyens marocains, conformément à la loi. Ceux d’entre eux
qui résident au Maroc peuvent participer aux élections locales en vertu de la loi, de
l’application de conventions internationales ou de pratiques de réciprocité. Les conditions
d’extradition et d’octroi du droit d’asile sont définies par la loi. »
77
En somme, il résulte distinctement que non seulement la primauté
de la règle juridique internationale est conditionnée mais son
applicabilité passe inexorablement par le filtre obligatoire de la loi. Pour
ultime preuve, on cite l’article 71 qui prévoit que la nationalisation
d’entreprises et le régime des privatisations la nationalité et la condition
des étrangers sont des matières relevant du domaine de la loi.
2.3. La consécration du filtre obligatoire de la retranscription
législative
L’expérience comparée des droits constitutionnels illustre une
mutation impressionnante vers une prise en compte avancée du droit
international. La place accordée par les États à la norme juridique
internationale s’affiche nettement parles règles constitutionnelles vouée
à davantage de précision qu’auparavant. Pourtant, bon nombre des États
demeurent récalcitrants à la pression du droit international.
En somme, la « nationalisation » du droit international, naguère
typique au dualisme, semble vouée à l’extension. De ce fait, abstraction
faite de la règle constitutionnelle, loin des doctrines systémiques, la
pratique paraît favorable à la retranscription législative du droit
international, parfois de manière tardive et/ou partielle. En ce sens,
l’intervention de la loi permet de légitimer autant que légaliser une
norme produite par des autorités extérieures.
Par voie de conséquence, l’incorporation du droit international
relève bien plus de l’opportunité politique que de logiques juridiques.
Du reste, l’effort judiciaire d’application et d’interprétation de la règle
internationale traduit encore la carence en une méthodologie efficiente,
78
profitant à une approche casuistique complexe mais apparemment
inévitable.
La détermination de la validité interne ainsi que la reconnaissance
de la valeur hiérarchique des diverses normes internationales incombe
aux dispositions constitutionnelles qui accordent une large part aux
traités vu les exigences habituelles de ratification.
A ce niveau, il convient de distinguer les approches monistes et
dualistes. En effet, le système moniste souscrit à une méthode optimisant
une insertion dite « automatique ».
De ce fait, un faisceau de modalités formelles sont déployées,
tenant compte de la répartition interne des compétences internationales.
Il est de coutume d’insérer une clause constitutionnelles affirmant sans
ni fard ni artifice que le droit international appartient à l’ordre juridique
interne et lui consacrent souvent une suprématie impliquant partant un
rang ordinairement supra-légal. Ces évocations sont contenues
implicitement dans un seul article ou disséminés plus explicitement dans
plusieurs articles constitutionnels.
Par ailleurs, les modalités procédurales impliquent la ratification
ou signature du traité par les autorités politiques compétentes, puis sa
publication. Dès lors, on scelle la validité et l’opposabilité du traité aux
autorités dans l’ordre juridique interne.
A ce juste propos, il importe de souligner qu’en France, à titre
d’exemple, la ratification des traités les plus importants est soumise à
l’approbation du pouvoir législatif. L’on assiste dernièrement à une
prédisposition, certes rare, à la détermination des conditions
d’application des traités attendus que certaines constitutions affirment
une présomption d’applicabilité directe des traités en attribuant la
79
compétence aux juges nationaux pour connaître des réclamations
fondées sur des traités.125
Or, la réception126 , qui caractérise la pratique des systèmes
dualistes, implique la prise de mesures internes d’exécution, voire de
transformation, du traité. A défaut de l’automaticité intégrative, maintes
techniques d’intégration du traité coexistent, selon les cas.
Entre la ratification marquant l’engagement international de l’État
et la validité interne du traité, qui lui est généralement attribuée par le
pouvoir législatif, les États procèdent au choix. Une nécessaire
transposition dans le droit interne par la loi s’impose pour que le traité
soit opposable et invocable dans le droit interne.
Force est de constater que le caractère sommaire et l’imprécision
sont les qualificatifs des clauses constitutionnelles dualistes liées aux
traités. Dans ce même ordre des idées, il arrive souvent que ces clauses
soulignent l’entrée en vigueur des traités par une loi ou un acte
réglementaire, sans préciser quel est l’objet et le contenu de la règle
interne. Dans la même veine, l’on y notifie que l’intervention
parlementaire est une condition sine qua non pour la transposition en
droit interne de tout accord international.
125 « Internalisation du droit, internalisation de la justice », 21-23 juin 2010 Cour suprême du
Canada Ottawa, 3ème congrès de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays
ayant en partage l'usage du français (AHJUCAF). 126C’est le terme employé par la doctrine depuis Anzilotti. Dionisio Anzilotti (1867-1950) est
une illustre référence italienne du droit international qui a marqué le début du XXème siècle.
Son œuvre traite la question centrale de l’effectivité du droit international public qui demeure
selon lui tributaire de l’affirmation d’un droit positif international. En ce sens, rompre avec
la tradition jusnaturaliste, ce que veut à toute force Anzilotti, exige moins d’inventer cette
existence du droit international public que d’en rendre compte, ce qui n’est pas des tout
tâches faciles.
80
En somme, l’organe législatif est appelé à avaliser le traité conclu
par le pouvoir exécutif tantôt lors de la ratification du traité tantôt au
cours de son incorporation au droit interne.
On serait amené alors à différencier entre l’autorisation de la
ratification et l’approbation interne du traité. Une imprécision entache
les dispositions constitutionnelles qui ne clarifient guère le contenu
même de la loi ou des « mesures de mise en œuvre nécessaires », c’est
au législateur qu’incombe de définir les diverse méthodes.
Il importe également de noter que certains États adoptent les
méthodes dualistes quand bien même aucune disposition de la Loi
fondamentale ne l’exige. Ainsi en est-il des pays de tradition de Common
law, il incombe généralement au juge de préciser certaines règles
fondamentales, dont la place du droit international, l’exemple prototype
demeure le Canada. In fine, plus qu’une exigence textuelle, c’est une
pratique constitutionnelle.
Les deux types de techniques se différencient au niveau de la
valeur hiérarchique consacrée au traité. C’est ainsi que le traité
incorporé, sous les auspices dualistes, acquiert la valeur de l’acte interne
de réception, ordinairement une loi.
La pratique marocaine, telle qu’elle découle de la Charte
fondamentale requiert pour l’incorporation d’un engagement
international tantôt l’adoption par le souverain d’un dahir de ratification
après autorisation législative prévue par la Constitution dans certains cas
tantôt par une loi dûment publiée au Bulletin officiel permettant son
opposabilité et invocabilité par les justiciables dans les juridictions
internes.
Cette pratique marocaine s’inscrit a fortiori, dans un système
similaire à celui de la France où la ratification des traités les plus
81
importants est soumise à l’approbation du pouvoir législatif. Il tient
également du système dualiste qui nécessite une transposition dans le
droit interne par la loi pour que le traité soit opposable et invocable dans
le droit interne.
Rappelons –le encore une fois, il se propose en somme tel un
système moniste avec prépondérance et non-primauté du droit interne.
La primauté du droit interne semble être atténuée.
2.4. Un rang légal controversé ?
Ce serait hâtif de conclure au caractère inférieur de la norme
internationale étant donné que cette même question départage les
spécialistes .C’est ainsi que certains arguent en faveur de ce statut infra
–légal avançant que l’engagement international se place à mi-chemin
entre la loi et le règlement. Et d’ajouter que cette loi est le plus souvent
fruit de l’initiative gouvernementale à 90 ℅ sachant pertinemment que
les mécanismes de la rationalisation parlementaire sont reconduits à
l’aune de la nouvelle Charte.
Dès lors, le l’exécutif négocie, signe et ratifie les traités. Cette
réalité est d’autant plus lucide, selon ces spécialistes, que la conduite des
affaires étrangères relève du domaine réservé du Chef de l’État et de
l’exécutif si l’on songe au processus d’adoption des actes internationaux
impliquant le Roi. Le constat est que l’engagement international relève
de la catégorie des actes de gouvernement insusceptibles de contrôle
juridictionnel.
Cette situation, alignant le Maroc sur la même voie que les États
–Unis ou l’Angleterre, est marquée concomitamment par l’absence de
validité interne du traité international contraire à la Constitution et par
82
l’égalité formelle entre le traité international et la loi nationale ou la
supériorité de fait de l’ordre interne.127
En revanche, d’autres spécialistes récusent cette position et ils
soutiennent la nécessaire harmonisation de la législation marocaine avec
le droit international telle que stipulée dans la Constitution. Ce constat
est déduit des dispositions du préambule faisant dorénavant partie
intégrante de la Loi suprême du pays qui énonce que le Maroc s’engage
à accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans
le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans
le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de
ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser
en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale.
L’article 23 prévoit la nécessaire harmonisation de la législation
marocaine avec le droit international des droit s de l’Homme d’autant
plus qu’en vertu de l’article 55 , la Cour constitutionnelle intervient en
dernier ressort pour trancher le cas de litige entre l’engagement
conventionnel et la Constitution. En outre, en fonction de l’article
133128 « l’inconventionalité » de la loi pourrait être invoquée par voie
d’exception devant la Cour constitutionnelle au cas où une loi ne se serait
pas conformée sur les prescriptions véhiculées par un engagement
international ratifié et publié.
Il serait plus judicieux devant de telles considérations de conclure,
au nom de la neutralité et en parfaite compatibilité avec les termes du
127Dominique Carreau et Fabrizio Marrella, Droit international, Pedone, 11 ème Edition, Paris,
2012, p. 376 et p. 72. 128L’article 133 stipule « La Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître d’une
exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès, lorsqu’il est soutenu par
l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés
garantis par la Constitution. Une loi organique fixe les conditions et modalités d’application
du présent article. »
83
texte constitutionnel, selon ces contestants, sinon à la quasi-égalité entre
la loi et l’engagement international, du moins à une égalité virtuelle par
rapport à la loi .Cette virtualité tient lieu du fait que sa transposition en
droit interne par une loi lui confère une valeur législative.
2.5. L’instrument conventionnel, l’ordre juridique interne et
international : quelles interactions ?
A vrai-dire, l’ordre juridique marocain puise son essence dans
double terreau. Primo, un socle religieux axé sur les enseignements de la
sharia appliqués en matière de statut personnel et du droit de la famille
.Secundo, un fondement constitutionnel corrélé à un arsenal législatif
séculière pour régir la vie économique.
La résolution de cette équation de la conciliation entre ces deux
impératifs est perceptible à travers les démarches corrélatives aux
engagements internationaux du Maroc dans le domaine de la protection
de l’investissement international (2.5.1). Il n’en demeure pas moins vrai
que les implications de l’accord France-Maroc sur l'encouragement et la
protection réciproques des investissements (2.5.2) et les incidences de
l’arrimage du Maroc à l’Union européenne (2.5.3) en sont des exemples
emblématiques.
2.5.1. La protection de l’investissement étranger
Force est de noter une disparité en matière du cadre conceptuel de
l’investissement protégé. Une définition unanime fait défaut. On ne peut
déceler un consensus entre les États d’autant plus que l’on note une
84
dissimilitude au chapitre du cadre terminologique de l’investissement
international dans chaque ordre interne129.Dans le même sens,
l’instrument conventionnel bute toujours sur cette question dans la
mesure où il n’a pas pu concevoir une définition unique de
l’investissement130.
Cette dissemblance s’explique par les intérêts divergents qui
s’interposent à l’élaboration d’une unité de définitions nationales.
Ceci dit, une certaine tendance se développe. Celle de la pratique du
CIRDI, mais aussi celle de la pratique des négociateurs de traités
bilatéraux d’investissements.131
Les traités conclus par les pays magrébins avec d’autres États
n’échappent pas à cette tendance et il est possible de proposer une
définition de l’investissement telle qu’elle ressort des instruments
conventionnels.
La définition insérée dans la plupart des traités bilatéraux paraît
vaste et très évasée , elle comprend toutes les catégories d’avoirs et
propose une liste indicative, en notifiant que la modification de la forme
sous laquelle les avoirs sont investis ou réinvestis n’affecte pas leur
caractère d’investissement en ce termes : « Les abrogations susceptibles
d'intervenir à l'avenir ne s'appliquent pas aux investissements réalisés
dans le cadre de la présente ordonnance à moins que l'investisseur ne le
demande expressément. »
129 Patrick Juillard, « Chronique de droit international économique », Annuaire Français de
Droit International, XXX, 1984, p.773.
130 En effet, le cadre conceptuel suggéré par les conventions est marqué par la divergence .De
même, la Convention C.I.R.D.I n’a proposé aucune approche terminologique à
l’investissement qui serait une référence confiant cette tâche aux signataires des traités
bilatéraux et à leurs interprétants que sont les arbitres. 131 Mahmoud Anis Bettaieb, « La protection de l’investissement étranger au Maghreb (Algérie,
Maroc, Tunsie), OECD, Global forum on international investment, 27-28mars 2008 ,p 10
85
Toute approche exclusivement interne ambitionnant la protection
des investissements serait vouée à l’échec à telle enseigne qu’elle doit
« consister en la conclusion de conventions et traités relatifs à la
promotion et à la protection des investissements »132.
Cadrant avec cette expectative, le Maroc a brodé un ample réseau
d’accords de promotion et de protection des investissements. A cet effet,
il aurait procédé à la conclusion de plus de 60 traités bilatéraux133.
Cette approche a hissé le Maroc en tête des pays les plus actifs en
Afrique au cours de la période 2006 - juin 2007 par la CNUCED, avec
respectivement trois accords de promotion et de protection des
investissements134.
Il convient de ne pas omettre le dense réseau d’accords de libre
échange, tissé notamment avec l’Association Européenne de libre
échange135 et avec certains pays arabes dans le cadre de l’accord
d’Agadir136, et, concernant le Maroc avec les États-Unis d’Amérique137
et d’accords d’association avec l’Union européenne138.
Par conséquent, le Maroc serait sommé à honorer ses engagements
internationaux qui découlent de son adhésion depuis 1967 à la Banque
Mondiale sur la protection de l’investissement139 du 18 mars 1965 , de
132 Jane Schokkaert, « Protection contractuelle par les Etats des investissements privés effectués
sur leur territoire », DPCI, Tome 6, n°1, 1980, p.30.
133 Consulter le site de la direction des investissements du Maroc sur: http://www.invest.gov.ma/
134 « Recent developments in international investment agreements (2006 – June 2007) »,
UNCTAD, IIA Monitor, n° 3, (2007), p.3. D’après ce même rapport, au cours de la même période, le Maroc aurait renégocié 12
accords.
135 Le Maroc a conclu cet accord de libre échange le19 juin 1997.
Pour le texte des accords : http://secretariat.efta.int
136 La zone de libre échange, en vertu de l’Accord d’Agadir du 24 février 2004 est ainsi délimitée
: le Maroc, la Jordanie, la Tunisie, et l’Égypte. 137 Accord de libre échange Maroc – États unis d’Amérique du 15 juin 2004. 138 Cet accord d’Association avec le Maroc est entré en vigueur, le 1e mars 2000. 139 « La protection des investissements peut être définie comme étant l’ensemble des principes
et des règles, de droit international comme de droit interne, qui ont pour objet ou pour effet
86
la conclusion de conventions bilatérales d’investissement, de contrats
internationaux et de l’Accord de libre –échange conclu avec les États –
Unis.
En effet, du moment que le Maroc fait partie intégrante en 1967 à
la convention relative à l’investissement privé baptisée Convention de
Washington du 18 mars 1965 , il se trouve sommé à observer ses
stipulations notamment celles relatives au CIRDI et qui incarnent une
exception aux règles classiques du droit international 140puisque
l’investisseur , personne privée , physique ou morale se trouve partie au
différend devant l’Etat et ce , dans le déploiement total des mécanismes
d’empêcher ou de réprimer toute atteinte publique à l’existence ou à la consistance de
l’investissement international »
Dominique Carreau , Juillard Patrick , Droit international économique, Paris, LGDJ, 4ème
éd, 1990 , 728p P.483. 140 En effet, l’article 25 de ladite Conventions énonce clairement :
« (1) La compétence du Centre s’étend aux différends d’ordre juridique entre un État contractant
(ou telle collectivité publique ou tel organisme dépendant de lui qu’il désigne au Centre) et
le ressortissant d’un autre Etat contractant qui sont en relation directe avec un investissement
et que les parties ont consenti par écrit à soumettre au Centre. Lorsque les parties ont donné
leur consentement, aucune d’elles ne peut le retirer unilatéralement. (2) « Ressortissant d’un
autre État contractant » signifie :
(a ) toute personne physique qui possède la nationalité d’un Etat contractant autre que l’Etat
partie au différend à la date à laquelle les parties ont consenti à soumettre le différend à la
conciliation ou à l’arbitrage ainsi qu’à la date à laquelle la requête a été enregistrée
conformément à l’article 28, alinéa (3), ou à l’article 36, alinéa (3), à l’exclusion de toute
personne qui, à l’une ou à l’autre de ces dates, possède également la nationalité de l’Etat
contractant partie au différend ;
(b) toute personne morale qui possède la nationalité d’un Etat contractant autre que l’Etat partie
au différend à la date à laquelle les parties ont consenti à soumettre le différend à la
conciliation ou à l’arbitrage et toute personne morale qui possède la nationalité de l’Etat
contractant partie au différend à la même date et que les parties sont convenues, aux fins de la présente Convention, de considérer comme ressortissant d’un autre Etat contractant en
raison du contrôle exercé sur elle par des intérêts étrangers. (3) Le consentement d’une collectivité publique ou d’un organisme dépendant d’un État
contractant ne peut être donné qu’après approbation par ledit État, sauf si celui-ci indique au
Centre que cette approbation n’est pas nécessaire.
(4) Tout État contractant peut, lors de sa ratification, de son acceptation ou de son approbation
de la Convention ou à toute date ultérieure, faire connaître au Centre la ou les catégories de
différends qu’il considèrerait comme pouvant être soumis ou non à la compétence du Centre.
Le Secrétaire général transmet immédiatement la notification à tous les États contractants.
Ladite notification ne constitue pas le consentement requis aux termes de l’alinéa (1). »
87
du droit international alors que les sujets sont exclusivement les États et
les organisations internationales.
Le Centre International pour le règlement des différends relatifs
aux investissements 141qui personnifie la justice privée tire sa
compétence du consentement des parties. En d’autres termes, les États
signataires de la convention sont contraints de reconnaître aux sentences
arbitrales du CIRDI, dans leur ordre juridique, force de chose jugée.
L’exécution de ces verdicts ne sollicite aucun passage par l’étape de
l’exequatur. C’est dans ce sens que s’inscrit l’article 57 de la convention
de Washington, ratifiée et signée par le Maroc qui stipule.
« Chaque État contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de
la présente Convention comme obligatoire et assure l’exécution sur son territoire des
obligations pécuniaires que la sentence impose, comme s’il s’agissait d’un jugement définitif
d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État ».
En application du principe de Ratione Voluntatis, les parties
signataires confèrent au CIRDI le plein pouvoir de régler le litige en
s’abstenant bien entendu d’invoquer un recours parallèle devant les
juridictions particulièrement étatiques. C’est le Ratione Voluntatis. Un
principe qui à la fois fonde et conditionne la compétence du CIRDI.142
141 Les quatre arbitres marocains choisis en 2010 avec un mandat prenant fin en mai 2016 pour
trancher les différends sont Abdalilah Barjani, président de Chambre à la cour d’appel commerciale ; Idriss Bouziane, avocat; El Hassan El Guassim, directeur des affaires civiles
au sein du ministère de la Justice et Abdelkader Lahlou, avocat et professeur de droit. 142Abdelali El Hourri, « Qu’est-ce que le CIRDI, cet épouvantail d’Al Amoudi contre le
Maroc?» , medias24,17décembre 2015, .
Disponible sur :
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:xqybYAZ6WsIJ:www.medias24.
com/DROIT/160466-Qu-est-ce-que-le-CIRDI-epouvantail-d-Al-Amoudi-contre-le-
Maroc.html&num=1&hl=fr&gl=fr&strip=1&vwsrc=0
88
Sachant pertinemment que le Maroc a doublement consenti à
soumettre au Centre ses différends relatifs à l’investissement143 et
résolument persuadé que le recours à ce centre permet de mettre en
exergue les obligations du Maroc vis-à-vis des investisseurs qui
découlent soit d’un contrat liant l’investisseur à son pays hôte, soit qui
résultent d’une convention bilatérale conclue entre ce dernier et l’Etat
d’origine de l’investisseur, l’entrepreneur saoudien Cheikh Amoudi ,
président de Coral Holding suédoise et actionnaire majoritaire de la
Samir, compte s’adosser sur l’accord passé entre le Maroc et la Suède
pour faire valoir ses droits.
Cet accord confère des devoirs qu’il faut respecter par les deux
parties contractantes. Ces devoirs reposent sur des droits pour les
investisseurs et sociétés ressortissants à savoir le droit au traitement juste
et équitable, le droit au traitement de la nation la plus favorisée, et la
protection contre l’expropriation.
La crise de « Samir » serait due, à en croire les allégations d’Al
Amoudi, aux attitudes attentatoires du gouvernement marocain qui a
bafoué ces droits. Or, il devrait démontrer la corrélation entre le
préjudice dont il se prévaut, et les prétendues atteintes du gouvernement
marocain.
Par ailleurs, le CIRDI a déjà statué sur trois litiges impliquant le
Maroc. En effet, le premier date de 1972 opposant le gouvernement
marocain à deux sociétés américaines en l’occurrence Holidays Inn SA,
143 Le premier consiste en la ratification de la Convention de Washington tandis que le second
rappelle l’article 8 de l’accord conclu avec la Suède en 1990 œuvrant à la promotion et la
protection réciproques des investissements disposant : «Si un tel différend ne peut être réglé
à l’amiable dans un délai de 4 mois (…) chacune des parties contractantes consent à le
soumettre, aux fins d’arbitrage au Centre International pour le règlement des différends
relatifs aux investissements…»
89
une filiale suisse de Holiday Inns Inc, et Occidental Petroleum
Corporation. Ces deux sociétés ont intenté un recours d’arbitrage CIRDI
contre le Maroc se basant sur une clause d’arbitrage CIRDI introduite
dans un contrat de construction d’hôtels de luxe.
Selon leurs dires, le gouvernement marocain n’aurait pas honoré ses
engagements de financement. Le dénouement était heureux puisque les
parties parvenaient à une transaction L’affaire est close en 1978.
Le second cas date de l’année 2000 et incarnera dorénavant la base
de l’analyse de la notion d’investissement, nécessaire pour engager la
compétence du CIRDI. Cette affaire baptisée «Salini test», ayant fait
jurisprudence a opposé le Maroc à Salini Costruttori S.p.A. et Italstrade
S.p.A, deux sociétés italiennes, qui s’étaient référées à l’accord de
promotion et de protection des investissements conclu avec l’Italie.
Le troisième date de la même année à savoir 2010 et rappelle la
requête sollicitée par le Consortium R.F.C.C., un groupement de droit
italien attributaire de deux lots, suite à l’appel d’offres international
lancé par la Société Nationale des Autoroutes du Maroc en août 1994,
pour la construction d’une autoroute reliant Rabat à Fès. Ce groupement
serait victime, selon ses propos, de mesures discriminatoires dans
l’octroi de l’un des lots. Par conséquent, il réclamait une réparation du
préjudice subi. Statuant sur l’affaire, le CIRDI lui a donné raison sans
que la sentence n’ait été publiée.
2.5.2. Les implications de l’accord France-Maroc sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements
Le Maroc a signé avec la France, le 13 janvier 1996 un accord sur
l'encouragement et la protection réciproque des investissements entre la
France et le Maroc. Cet accord , qui est le couronnement d’un long
90
cheminement d'enrichissement des relations bilatérales déjà resserrées,
en liaison avec le renforcement du partenariat euro-méditerranéen , est
prévu pour une durée initiale de quinze ans et sera reconduit en
application de l’article 12144, tacitement après ce terme, sauf
dénonciation par l'une des parties avec préavis d'un an. En outre, il
prévoit de prolonger pendant quinze ans la protection des
investissements effectués pendant la période de validité de l'accord.
La France demeure incontestablement le premier partenaire
commercial, le premier investisseur et également le premier bailleur de
fonds au Maroc.
Dans cet esprit , la France a déployé son aide économique et sa
collaboration en vue de consolider la dynamique des mutations
politiques et économiques initiées au Maroc le faisant bénéficier des
avantages de son d'ouverture à l'économie internationale et de son
rapprochement privilégié avec l'Union européenne, symbolisé par
l'accord d'association signé le 26 février 1996.145
Résolument persuadés des mérites de l’actualisation du cadre
juridique146régissant les investissements réalisés par leurs ressortissants
144 Cet article dispose : « Chacune des Parties notifiera à l'autre l'accomplissement des
procédures internes requises en ce qui la concerne, pour l'entrée en vigueur du présent
Accord, qui prendra effet un mois après le jour de la réception de la dernière notification.
L'accord est conclu pour une durée initiale de quinze ans. Il restera en vigueur après ce
terme, à moins que l'une des Parties ne le dénonce par la voie diplomatique avec préavis d'un
an. A l'expiration de la période de validité du présent Accord, les investissements effectués pendant qu'il était en vigueur continueront de bénéficier de la protection de ses dispositions
pendant une période supplémentaire de quinze ans ». 145 Mme Brisepierre Paulette, Sénateur, Rapport n° 319 : « accord France-Maroc sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements » Commission des Affaires
étrangères - Rapport n° 319 - 1996/1997. Disponible sur : https://www.senat.fr/rap/l96-
319/l96-319.html#RTFToC1 146En effet, l’accord précédent entre les deux pays date de 1975 et semble déphasé et inadapté
à la conjoncture politique et économique actuelle du Maroc avide d’investissement privé
étranger en vue de la modernisation du secteur public et de la réhabilitation des
infrastructures que requiert le développement de l'économie. Notons bien que cet accord
91
dans l'un et l'autre pays, la France et le Maroc ont procédé à la conclusion
de cet accord qui s’inspire , au demeurant ,des accords passés entre la
France et plus d'une quarantaine de pays.
Le champ d’application de cet accord comprend en vertu de
l’article 1.4147, le territoire et la zone maritime (incluant la zone
économique et le plateau territorial) de chacune des parties.
Aux antipodes de l'accord du 15 juillet 1975, l’accord 13 janvier
1996 détermine avec précision la notion d'investissement. Pour autant,
les investissements recouvrent l'ensemble des avoirs énumérés dans
l'article 1 de l'accord en son premier alinéa148 comprenant notamment les
biens meubles et immeubles ainsi que les autres droits réels (hypothèque,
privilège, usufruit, cautionnement...), les actions, les obligations, les
s’inscrit dans le chantier de règne initié au Maroc à savoir le vaste programme de
privatisations. 147 Cet article énonce : « Le présent Accord s'applique au territoire de chacune des Parties
contractantes ainsi qu'à la zone maritime de chacune des Parties contractantes, ci-après
définie comme la zone économique et le plateau continental qui s'étendent au-delà de la
limite des eaux territoriales de chacune des Parties contractantes et sur lesquels elles ont, en
conformité avec le Droit international, des droits souverains et une juridiction aux fins de
prospection, d'exploitation et de préservation des ressources naturelles. » 148 Il dispose comme suit : «Pour l'application du présent Accord 1. Le terme « investissement
» désigne des avoirs tels que les biens, droits et intérêts de toutes nature et, plus
particulièrement mais non exclusivement
a) Les biens meubles et immeubles, ainsi que tous les autres droits réels tels que les
hypothèques, privilèges, usufruits, gages, cautionnements et droits analogues
b) Les actions, primes d'émission et autres formes de participations, même minoritaires ou
indirectes, aux sociétés constituées sur le territoire de l'une des Parties contractantes ;
c) Les obligations, créances et droits à toutes prestations ayant valeur économique ;
d) Les droits d'auteur, les droits de propriété industrielle (tels que brevets d'invention,
licences, marques déposées, modèles et maquettes industrielles), les procédés techniques, les noms déposés et la clientèle; e) Les concessions accordées par la loi ou en vertu d'un
contrat, notamment les concessions relatives à la prospection, la culture, l'extraction ou l'exploitation de richesses naturelles, y compris celles qui se situent dans la zone maritime
des Parties contractantes. Le présent Accord s'applique aux investissements effectués
conformément à la législation de la Partie contractante sur le territoire ou dans la zone
maritime de laquelle l'investissement est réalisé avant ou après l'entrée en vigueur du présent
Accord. Toute modification de la forme d'investissement des avoirs n'affecte pas leur
qualification d'investissement, à condition que cette modification ne soit pas contraire à la
législation de la Partie contractante sur le territoire ou dans la zone maritime de laquelle
l'investissement est réalisé. »
92
droits d'auteur et de propriété commerciale ou industrielle, les
concessions accordées par la loi ou en vertu d'un contrat.
Par ailleurs, les investissements bénéficient de cette protection
conformément au droit interne de la partie contractante sur le territoire
de laquelle ils sont effectués, quelle que soit la date de leur réalisation,
antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de l'accord.
L’article 1.2.précise que les investisseurs intéressés sont d'une part
les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des
parties contractantes et d'autre part les sociétés constituées
conformément à la législation de l'État contractant où se trouve situé leur
siège social. L’article 1.3 énonce que les revenus recouvrent toutes les
sommes produites par un investissement durant une période donnée.
Par ailleurs, l’article 2 ancre le principe de l'encouragement des
investissements. Cette promotion est bidimensionnelle. Au prime abord,
l’article 3149 dudit accord stipule l’observance d'un traitement juste et
équitable pour ces investissements en parfaite harmonie avec les
principes du droit international. L’objectif escompté est de lutter contre
les attitudes et mesures arbitraires et discriminatoires et particulièrement
toute restriction à l'achat et au transport des matières indispensables à la
production et à l'exploitation ainsi que toute entrave à la vente et au
transport des produits.
Du reste, l’article 4150commandite l'application de la clause la plus
favorable et la plus avantageuse aux investisseurs qu’elle soit marocaine
149 Cette disposition est bien expressément stipulée : «Chacune des Parties contractantes
s'engage à assurer sur son territoire et dans sa zone maritime, un traitement juste et équitable
en accord avec les principes du Droit international, aux investissements des investisseurs de
l'autre Partie et à faire en sorte qu'aucune mesure arbitraire ou discriminatoire ne limite
l'application de ce principe.» 150En effet, il précise : «Chacune des Parties contractantes applique, sur son territoire et dans sa
zone maritime, aux investisseurs de l'autre Partie, en ce qui concerne leurs investissements
et activités liées à ces investissements, un traitement non moins favorable que celui accordé
93
ou française .Cet article exige de chaque partie un traitement au moins
aussi favorable aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses
propres investisseurs. Il importe de souligner en l’occurrence que cet
avantage ne s’étend pas au domaine fiscal attendu que les investisseurs
nationaux jouissent d’importants allégements fiscaux.
Du reste, ce régime d'encouragement ne pourrait en rien être
similaire aux avantages offerts dans le cadre d'accords particuliers tels
une zone de libre-échange, une union douanière, un marché commun ou
une autre forme d'organisation économique régionale.
Au chapitre de la protection des investissements, l’accord et en
place un dispositif axé sur trois principes classiques. Au prime abord,
conformément aux dispositions de l’article 5 en son second alinéa, en
cas de dépossession pour cause d’utilité publique à l’instar des
nationalisations ou des expropriations, l’État ayant procédé à la prise de
ces mesures doit envisager de faire jouir les investisseurs de l'autre partie
d'une indemnité prompte et adéquate. En outre, le montant serait estimé
dans le sens d’une situation économique normale à la veille du jour où
ces mesures sont prises ou connues du public.
De surcroît, en application de troisième tiret de l’article 5, les
investisseurs étrangers ont droit à un traitement aussi favorable que celui
des investisseurs nationaux ou de la nation la plus favorisée en cas de
dommages et pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles
à ses investisseurs, ou le traitement accordé aux investisseurs de la Nation la plus favorisée,
si celui-ci est plus avantageux. A ce titre, les nationaux autorisés à travailler sur le territoire et dans la zone maritime de l'une des Parties contractantes doivent pouvoir bénéficier des
facilités matérielles appropriées, dans le cadre de la réglementation en vigueur, pour
l'exercice de leurs activités professionnelles.
Ce traitement ne s'étend toutefois pas aux privilèges qu'une Partie contractante accorde aux
investisseurs d'un État tiers, en vertu de sa participation ou de son association à une zone de
libre échange, une union douanière, un marché commun ou toute autre forme d'organisation
économique régionale, ou en vertu d'une convention de non double imposition fiscale ou de
toute autre convention dans le domaine fiscal.»
94
telles qu'un conflit armé, une révolution ou lors d la proclamation de
l'état d'urgence.
Dans le même ordre des idées, l’article 6 151pose les procédures de
garanties du principe de la liberté des transferts. Son application est
exempte de réserves particulièrement aux revenus et aux produits de la
cession ou de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-
values).
Encore faut il signaler que cette application demeure, selon
l’article 6, plus restreinte pour les transferts des revenus des
ressortissants de l'une des parties travaillant sur le territoire de l'autre
partie du moment que ceux-ci ne sont garantis que dans la limite d'une
quotité appropriée de leur rémunération.
En cas de conflits, l’accord prévoit dans l’article 8152 le recours à
des voies à l'amiable dans un délai de 6 mois .A cet effet, l'investisseur
151 Ce principe est bien protégé par les dispositions suivantes : «Chaque Partie contractante, sur
le territoire ou dans la zone maritime de laquelle des investissements ont été effectués par
des investisseurs de l'autre Partie contractante, accorde à ces investisseurs le libre transfert :
a) Des intérêts, dividendes, bénéfices et autres revenus courants ;
b) Des redevances découlant des droits incorporels désignés au paragraphe 1, lettres d et e,
de l'article 1er ;
c) Des versements effectués pour le remboursement des emprunts régulièrement contractés
d) Du produit de la cession ou de la liquidation totale ou partielle de l'investissement, y
compris les plus-values du capital investi ;
e) Des indemnités de dépossession ou de perte prévues à l'article 5, paragraphes 2 et 3 ci-
dessus. Les nationaux de chacune des Parties contractantes qui ont été autorisés à travailler
sur le territoire ou dans la zone maritime de l'autre Partie contractante, au titre d'un
investissement agréé, sont également autorisés à transférer dans leur pays d'origine une
quotité appropriée de leur rémunération. Les transferts visés aux paragraphes précédents sont
effectués sans retard au taux de change normal officiellement applicable à la date du transfert. »
152Il notifie : «Tout différend relatif aux investissements entre l'une des Parties contractantes et un investisseur de l'autre Partie contractante est, autant que possible, réglé à l'amiable entre
les deux parties concernées. Si un tel différend n'a pas pu être réglé dans un délai de six mois
à partir du moment où il a été soulevé par l'une ou l'autre des parties au différend, il est
soumis à la demande de l'investisseur, soit à la juridiction compétente de la Partie
contractante impliquée dans le différend, soit l'arbitrage du Centre international pour le
règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), créé par la Convention pour
le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres
Etats, signée à Washington le 18 mars 1965. Une fois qu'un investisseur a soumis le différend
95
solliciterait sa soumission soit à la juridiction compétente de la partie
impliquée, soit au CIRDI, le choix de l'une ou l'autre procédure devenant
définitif dès la saisine de l'organisme.
Cette option choisie par le présent accord s’éloigne de la solution
retenue par la majorité des accords d’investissement ne prévoyant que le
recours à l'arbitrage international. Elle cadre en contrepartie en écho avec
les stipulations déjà mises en œuvre avec l'Algérie ou certains pays
d'Amérique latine.
L'article 9153 énonce expressément que dans le cas où l'une des
parties effectuerait au profit de l'un de ses investisseurs un versement en
vertu de la garantie donnée pour un investissement sur le territoire de
l'autre partie, elle se trouve « subrogée dans les droits et actions » de
celui-ci.
Par ailleurs, en cas d’émergence de différends relatifs à
l'interprétation et à l'application du présent accord, ces litiges seront
soumis, en vertu de l’article 11, à défaut de règlement amiable par la voie
diplomatique dans un délai de six mois, à un tribunal d'arbitrage ad hoc
dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit.
2.5.3. Les incidences de l’arrimage du Maroc à l’Union
européenne
à la juridiction compétente de la Partie contractante impliquée dans le différend ou au CIRDI, le choix de l'une ou l'autre de ces procédures reste définitif. »
153 Les dispositions de cet article énoncent : « Si l'une des Parties contractantes, en vertu d'une garantie donnée pour un investissement réalisé sur le territoire ou dans la zone maritime de
l'autre Partie, effectue des versements à l'un de ses investisseurs, elle est, de ce fait, subrogée
dans les droits et actions de ceux-ci.
Lesdits versements n'affectent pas les droits du bénéficiaire de la garantie à recourir soit au
CIRDI, soit à la juridiction compétente de la Partie contractante impliquée dans le différend,
ou à poursuivre les actions engagées soit devant le CIRDI, soit devant la juridiction
compétente de la Partie contractante impliquée dans le différend, jusqu'à l'aboutissement de
la procédure ».
96
En vertu de l’ancrage du Maroc à l’Union européenne inscrit dans
le cadre de la politique européenne de voisinage, le Maroc est appelé à
observer ses obligations en matière de la protection des investissements.
En effet, le Maroc doit honorer les engagements qui découlent du traité
de coopération conclu avec l’Union européenne.
Or, ce cadre instauré par l’Union européenne reconnaît la primauté
du droit international et du droit communautaire 154sur la législation
interne. Cette suprématie est manifeste dans la consécration de la
prééminence tantôt de la norme internationale sur la Loi fondamentale
dans l’ordre juridique de certains États membres tantôt sur la loi pour
d’autres.
A cet effet, il devrait harmoniser son cadre législatif avec le droit
communautaire. Cette harmonisation requiert la transposition des
stipulations de la norme internationale dans le droit interne d’autant plus
que le programme indicatif national envisagé par les deux parties prévoit
la mise à niveau de l’ordre juridique interne législatif et réglementaire
marocain de manière à l’harmoniser avec le droit international.
Cette expectative expliquerait vraisemblablement deux moutures
successives jalonnant l’inscription marocaine sur les canons du droit
international reconnaissant ipso facto sa primauté. Sans doute
l’enclenchement de ces deux moutures serait –il doublement impulsé par
l’arrimage du Maroc à l’Union européenne et par l’accord de libre
échange conclu avec les États –Unis.
La première mouture est traduite par la loi relative aux droits
d’auteur et droits voisins du 14 février 2006. Cette loi prévoit
154 L’instrument européen de voisinage et de partenariat – Maroc – Document de stratégie
2007-2010.
97
l’invocabilité et l’opposabilité des conventions internationales en la
matière. Les dispositions de l’article 68155 de la loi de 2000 maintenues
dans leur intégralité dans la loi de 2006 consacrent, en cas de litige, la
prééminence de la norme internationale régissant les droits d’auteur et
droits voisins.
Cette applicabilité des dispositions jalonnant les traités
internationaux auxquels le Maroc ferait partie est une avancée
considérable en la matière. La deuxième mouture est relative au chapitre
VIII du titre V du Code de la procédure civile156.
En ce sens, les dispositions contenues dans l’article 52157 du 3ème
chapitre relatif à l’arbitrage international instaurent les mécanismes
d’arbitrage et de médiation dans la mesure où elles confèrent au tribunal
arbitral la pleine liberté de choisir le droit à appliquer pour trancher un
différend sans écarter l’applicabilité du droit international.
Dans cet ordre des idées , il faut rappeler , tout comme le dernier
alinéa , que les stipulations du contrat , par ailleurs soumis au droit
international, demeurent contraignantes pour les deux parties
contractantes.
En somme, en vertu de la loi 08-05 du 30novembre 2007, les
investisseurs étrangers ont la liberté de choisir tant la loi internationale
155 Au chapitre de l’applicabilité des conventions internationales, l’article 68 dispose « Les
dispositions d’un traité international concernant le droit d’auteur et les droits voisins auquel le Royaume du Maroc est partie sont applicables aux cas prévus dans la présente loi. En cas
de conflit entre les dispositions de la présente loi et celles d’un traité international auquel le Royaume du Maroc est partie, les dispositions du traité international seront applicables.»
156 Dahir n° 1-07-169 du 30 novembre 2007 portant promulgation de la loi n°08-05 abrogeant
et remplaçant le chapitre du titre V du Code de procédure civile. 157Cet article précise : « La Convention d’arbitrage détermine librement les règle de droit que
le tribunal arbitral devra appliquer au fond de litige. A défaut de choix par les parties des
règles de droit applicables, le tribunal arbitral tranche le litige conformément à celles qu’il
estime appropriées .Dans tous les cas, le tribunal arbitral tient compte des dispositions du
contrat qui lie les parties et des coutumes et usages pertinents de commerce »
98
que les arbitres internationaux pour trancher leurs différends. Dès lors,
le recours à une clause d’arbitrage en interne ou en international est
permis.158
Chapitre 3 :
Le législateur organique
Jugée norme infra-constitutionnelle, la loi organique se doit de se
plier devant les injonctions de la Constitution en tant que norme
suprême. Il serait superflu de rappeler que l’ultime visée de
l’intervention du juge constitutionnel est de conjurer les pratiques
arbitraires vidant les lois organiques de leur substance et déjouant les
formalités exigées.
Toujours faudrait-il se demander si les décisions du Conseil
constitutionnel sont infaillibles et se plient à cette expectation159 .A cet
158 Entretien au quotidien, L’Économiste, édition n° 2703 du 30 janvier 2008, avec Azzedine
Kettani, avocat au barreau de Casablanca. 159 Les analystes et observateurs ont pertinemment décelé des anomalies dans les dernières
décisions émises par le Conseil constitutionnel au chapitre du contentieux électoral (décision
n°856-12), de la Loi de finance (décision n°912- 13) et d’incompatibilités (décision n°913-
99
égard, l’analyse des limites du contrôle effectué au chapitre des lois
organiques touchant les lois et les libertés vaut réflexion.
Au prime abord, seront explicitées les injonctions du contrôle qui
élucident les défections du législateur organique (1) pour mieux scruter
l'étendue du contrôle des juges ordinaires (2).
1. Le Conseil constitutionnel et l’incompétence négative du
législateur organique
Force est de noter que le contrôle de la Cour constitutionnelle
accorde davantage d’intérêt à la forme plus qu’au contenu des normes
organiques.
En s’attachant au respect de la procédure spéciale de leur élaboration et
à la seule vérification de l’objet de la loi et de son contenu, le Conseil
constitutionnel pèche doublement.
Au prime abord, il ravale son contrôle, a fortiori préventif et non-
contentieux, à une simple procédure administrative.
Du reste, il pratique une cécité volontaire sur les conditions de
fond stipulant la compatibilité matérielle avec la loi fondamentale en tant
que norme de fond et se refuse, aux dires du professeur Youssef Fihri
13). Et mieux vaut passer sous silence sa position pro-monarchique encline à sauvegarder
les prérogatives royales quitte à empiéter sur les compétences du Chef du gouvernement
.En fait foi sa décision n° 02- 12 relative à la nomination aux fonctions supérieures
(B.O.R.M n° 6070) du 02 aout 2012.Cette décision a été jugée inconstitutionnelle par les
observateurs attendu qu’elle valide la loi organique relative à la nomination dans les
établissements publics dits stratégiques.
100
Fassi, de sanctionner l’incompétence négative160 du législateur
organique et néglige tout examen du défaut de la qualité de la loi
examinée trahissant de la sorte un mutisme controversé aux incidences
délétères.
Le législateur organique ne saurait, par méprise, méconnaître
l’étendue de sa compétence la croyant moins élargie et la déléguer par
conséquent au législateur ordinaire.
Ce serait censuré qu’une loi organique se confine dans une simple
formulation assertive des principes généraux et conférer aux lois
ordinaires le soin d’expliciter les conditions d’exercice et de déploiement
des droits et des libertés.
Inversement, le législateur organique peut élargir ses compétences
pour édicter des dispositions inhérentes au domaine de la loi organique
et relevant par essence de la loi ordinaire.
Au demeurant, l’intervention du contrôle du Conseil
constitutionnel du caractère organique des dispositions édictées est
induite tantôt par la nature organique des dispositions soumises au
contrôle tantôt par leur finalité ou objet authentiquement organique.
Le juge constitutionnel est convié, dans sa validation des
dispositions législatives ordinaires, à faire montre de rigueur et de
160 La théorie de l'incompétence négative instituée en droit constitutionnel renvoie à la
méconnaissance d’une institution des limites et de l’étendue de ses compétences
(incompétence) si bien qu’elle se croit incompétente (négative) et délègue partant des pouvoirs qu'elle devrait exercer elle-même. Cette incompétence négative avait initialement
pour but de censurer les refus d’exercer leurs compétences par les autorités alléguant à tort cette même incompétence. Le précurseur de cette théorie demeure La ferrière qui l’a opposée
à l’incompétence positive. A ce juste propos, il déclare : « Une autorité au lieu de franchir
les limites de sa compétence, reste en deçà, et refuse de faire un acte de son ressort en
déclarant qu’elle n’a pas qualité pour l’accomplir" et ajoute : "Elle constitue le cas
d’incompétence négative, par opposition à l’incompétence positive. ». Cité par Georges
Schmitter, « L’incompétence négative du législateur et des autorités administratives », in
Annuaire International de Justice Constitutionnelle, Economica-Presses universitaires
d’Aix-Marseille, 1989, p. 140-141.
101
lucidité en observant leur caractère inséparable, par essence organique.
L’ultime visée étant de cadrer en osmose avec les dispositions du texte
constitutionnel. Or, l’on peut s’étonner que le juge constitutionnel ait
dévié de ce dessein en validant, dans le cadre des Marocains résidant à
l’étranger, le vote par procuration sapant la suprématie des dispositions
constitutionnelles dans la mesure où sa motivation érige le vote par
procuration en règle de principe balisant le vote de tous les Marocains
résidant à l’étranger. En effet, cette validation est antinomique avec la
Constitution qui, en vertu de l’article 30 énonce que le droit de vote est
un droit personnel et un devoir national.
Cette disposition requiert un dépôt personnel du bulletin du vote
et implique que tout vote par correspondance ou par personne interposée
ne sera autorisé qu’en sacrifiant aux exigences stipulées en fonction de
la situation strictement particulière des personnes concernées.
Or, la décision n° 817-2011 du 13 octobre 2011 avalise en toute
incompatibilité avec le texte constitutionnel la dérogation au principe de
la personnalité du vote161 en consacrant l’article 72 de la loi organique
n° 27-11 relative à la Chambre des représentants publié dans le B.O. n°
59-92 du 03 novembre 2011, énonçant que les électrices et les électeurs
inscrits sur les listes électorales générales résidant hors du territoire du
Royaume peuvent voter par procuration.
161 Pour motiver cette prise de position déviante ,le Conseil constitutionnel affirme :« bien que
le vote soit un droit personnel, de par l’article 30 de la Constitution, la Constitution elle-
même a renvoyé à la loi, dans son article 17, la détermination des conditions et des modalités
de l’exercice effectif des droits de vote et de candidature pour les Marocains résidant à
l’étranger à partir du pays de résidence, faisant ainsi que la mesure édictée – dans le cadre
de son pouvoir discrétionnaire – par le législateur, de pouvoir voter par procuration n’est pas
– en tant que dérogation par rapport au principe de la personnalité de l’élection concernant
en particulier la catégorie en question et liée aux mesures explicitées dans les paragraphes
suivants du même article – contraire à la Constitution ».
102
La dérive de l’approche jurisprudentielle du Conseil
constitutionnel se situe à plusieurs niveaux. Au prime abord, il aurait dû
sanctionner l’abstention du législateur organique et censurer ipso facto
son incompétence négative .Il lui aurait été plus commode de procéder à
la condamnation de l’abstention du législateur organique qui n’a pas
épuisé sa compétence étant donné que le contrôle concerne l’élection par
suffrage universel direct et égal des membres de la Chambre des
représentants.
Certes, le contenu de l’article 17 a précisé que la loi fixerait les
critères spécifiques d’éligibilité et d’incompatibilité. Elle déterminerait
de même les conditions et les modalités de l’exercice effectif du droit de
vote et de candidature à partir des pays de résidence.
Et d’ajouter que les Marocains résidant à l’étranger jouissent des
droits de pleine citoyenneté, y compris le droit d’être électeurs et
éligibles. Ils peuvent se porter candidats aux élections au niveau des
listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales.
Cette disposition ordinaire sape de facto le principe de l’égalité
politique des citoyens érigé en norme impérative s’imposant devant tous
types de législateurs, ordinaire et organique.
En ce faisant, le Conseil constitutionnel bafoue toute
configuration pyramidale a fortiori verticale entre la Charte suprême et
les lois ordinaires162.
162 La hiérarchie des normes s’entend à un classement hiérarchisé d’un ensemble stratifié de
normes juridiques qui forment le système juridique d'un État de droit pour en assurer la cohérence et la rigueur. Elle est basée sur le principe qu'une règle de droit inférieure doit
respecter celle du niveau supérieur en observant ses injonctions et en appliquant ses
dispositions tout en la détaillant. Au cas où s’enclencherait un conflit de normes, la norme
juridique inférieure demeure subordonnée à la règle de droit supérieure.
L’initiateur de cette théorie est Hans Kelsen (1881-1973), auteur de la « Théorie pure du
droit ». La mise en œuvre de cette théorie implique un contrôle juridictionnel qui peut être
effectué par exception lors d'un litige précis (ex : par un juge aux Etats-Unis) ou par voie
d'action lors de la saisine d'un organe spécifique (le Conseil constitutionnel en France). En
103
De surcroît, la loi organique en tant que norme supra-législative
pourrait empiéter sur le domaine de la loi ordinaire .En revanche, tout
empiètement de la loi ordinaire dans le domaine des normes
supérieurement hiérarchisées doit être entaché d’inconstitutionnalité.
Dans le cas présent, le Conseil constitutionnel a validé, par
mégarde, une loi ordinaire qui incarne, une dérogation d’une règle de
principe prévue in abstracto par la Constitution.
La conséquence et pas des moindres est de violer le principe même
du bloc de constitutionnalité tout en privant l’ordre juridique ainsi établi
de toute dimension verticale aux fortes incidences sur la détermination
des normes et de leur effet juridique163.
En s’attachant dans son examen au seul formalisme , le Conseil
constitutionnel opère dans l’espèce une aberrance en s’écartant des
finalités substantielles des normes constitutionnelles et en insérant dans
l’ordre juridique des lois jugées conformes selon les considérants de ses
d’autres termes, deux modalités sont offertes pour vérifier la compatibilité et la conformité
d’une loi à la Constitution : Avant ou après l'entrée en vigueur de la loi. On parle de contrôle
a priori ou de contrôle a posteriori. En effet, le contrôle a priori ou préventif s'exerce avant
l'entrée en vigueur de la loi. Ce contrôle est généralement confié à un organe spécial. Le
contrôle a posteriori ou répressif implique qu'une loi ne peut être attaquée pour
inconstitutionnalité qu'après avoir été adoptée et promulguée.
La Constitution est la charte suprême qui s’érige au sommet de la hiérarchie juridique d’un
État. Sa primauté peut cependant entrer en concurrence avec les normes juridiques
internationales. En Europe, c'est le cas avec la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)
et la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui donnent la primauté aux
engagements internationaux.
Dès sa constitutionnalisation au Maroc, cette suprématie des règles internationales sur le droit interne alimente de vives polémiques au Maroc, quant à certaines questions lancinantes
entre autres l’égalité entre l’homme et la femme en héritage. 163A en croire Hans Kelsen, « la Constitution, le plus souvent, ne se limite pas à déterminer la
procédure de création des normes juridiques générales (ce qu’on appelle la législation), mais
aussi, très fréquemment, détermine le contenu des lois futures, au moins négativement, en
excluant certains contenus […],mais les mêmes normes générales édictées par le législateur
déterminent toujours non seulement la procédure des organes qui ont à appliquer ces normes,
mais aussi le contenu de ces normes […]. »
Hans Kelsen, Théorie générale des normes – traduit de l’allemand par Olivier Beaud et
Fabrice Malkani – Ed. P.U.F. (coll. Léviathan), 1996, p. 346.616p
104
décisions mais aux répercussions préjudiciables à l’effectivité des
injonctions constitutionnelles.
Dans un autre ordre des idées, la loi organique se doit de
concrétiser les dispositions constitutionnelles et de booster leur
effectivité d’où l’importance d’une rédaction intelligible et accessible
exempte de confusions. Ces deux critères sont des conditions sine qua
non pour maximiser l’effectivité des énoncés de la loi fondamentale si
bien que le Conseil constitutionnel français en a fait un objectif de valeur
constitutionnelle164.
Loin de se cantonner dans le seul examen formel de l’intégralité
d’une loi, le juge constitutionnel est amené dans son contrôle, au-delà de
la simple vérification de la compatibilité des lois avec les dispositions
constitutionnelles , à sanctionner concomitamment les déviances du
législateur qui serait enclin à voter des lois aseptisées de toute substance,
servant ainsi de simples effets d’annonce dénuées de toute incidence en
matière d’obligation et de sanction et dépourvues de mesures d’ordre
institutionnel et processuel.
Dans l’évolution de la politique jurisprudentielle du Conseil
constitutionnel, la décision n° 818/2011 du 20 octobre 2011 relative au
projet de loi sur les partis politiques incarne un jalon indélébile des
dérives du juge constitutionnel.
D’abord, au lieu de motiver son infirmation partielle sur des
considérants d’ordre substantiel, il a étayé sa réflexion se basant ainsi sur
des éléments falots. En effet, le 4e paragraphe de l’article 32 du projet de
la loi organique est jugé défectueux car il prévoyait la possibilité pour
les partis politiques de bénéficier des services de fonctionnaires publics
164 Cf. Bertrand Mathieu, « Répartition des compétences normatives et qualité de la loi », in
Annuaire international de justice constitutionnelle, 2006, Economica 2007, p. 579 et s.
105
dans le cadre de la procédure administrative de mise à disposition. Or,
les partis politiques ne constituent pas des organes publics d’autant plus
que cette mise à disposition nuit au principe de la bonne gouvernance
poursuivi par le texte constitutionnel.
En rejetant ainsi l’énoncé dudit paragraphe, le Conseil
constitutionnel omet d’autres imperfections plus prégnantes souffrant le
mutisme délétère de la loi organique. Du reste, la loi organique dans
l’article 2 omet de préciser la nature de la personne morale reconnue aux
partis politiques. Ladite loi a gardé du silence quant à la définition de la
nature de la personnalité morale de droit public ou de droit privé. Cette
carence sèmerait les confusions quant au droit applicable en cas de litiges
et embrouillerait le domaine de la compétence juridictionnelle qui serait
davantage obscurcie devant la multiplicité des questions soulevées par
les justiciables et qui feraient que la juridiction habilitée ne serait pas la
même durant les multiples étapes du contentieux concernant le parti
politique.
En outre , satisfaisant les injonctions prêchées par l’article 154165
de la Constitution en matière de bonne gouvernance et notamment de
reddition des comptes , l’article 25 de la loi organique dispose que tout
parti politique doit être organisé et administré selon les principes
démocratiques donnant vocation à chacun de ses membres de participer
effectivement à la direction et à la gestion de ses différents organes. Il
doit être également tenu compte des principes de la bonne gouvernance
165 Il dispose : « Les services publics sont organisés sur la base de l'égal accès des citoyennes et
citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations.
Ils sont soumis aux normes de qualité, de transparence, de reddition des comptes et de
responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques consacrés par la
Constitution. »
106
dans la gestion des affaires du parti, notamment les principes de
transparence, de responsabilité et de reddition des comptes.
Or, l’énoncé de cet article demeure lacunaire cantonné dans un
aspect creux et incantatoire car ne prévoyant aucun système de sanction
en cas de violation des règles statutaires du parti politique. En effet, les
principes de transparence, de responsabilité et de reddition des comptes
stipulent l’observance des droits et des devoirs et toute transgression
serait passible de sanction.
La tenue des élections libres et transparentes pour la composition
des organes partisans et le respect des conditions du déroulement des
délibérations sont souvent dénoncés.
Avec un énoncé aussi étriqué, tout recours devant les tribunaux
serait poursuite de vent devant la mutité de la loi quant au régime de
sanctions applicable d’autant plus que toute mesure disciplinaire ne
pourrait faire l’objet d’un examen pour conformité avec les statuts du
parti devant une juridiction compétente.
Le paradoxe criard est que le silence sur les sanctions prévues
devant toute attitude attentatoire aux droits des membres partisans par
les secrétaires généraux et les dirigeants, se double d’un arsenal répressif
« draconien » pour toute atteinte à l’ordre public166.
Qui plus est, l’article 38 prohibe expressément aux partis
politiques de bénéficier de toute subvention des collectivités
166 Qualifié d’abscons, l’article 60 de la loi organique relative aux partis politiques profite avec
son équivoque aux interprétations arbitraires de la part des autorités administratives chargées
de l’application de la loi.
Avec sa disposition fort abstruse , il est l’incarnation pérenne, dit-on , de l’épée de Damoclès
sur l’existence légale d’un parti politique : « lorsque les organes délibérants d’un parti
politique prennent une décision ou mesure ou appellent à une action qui porte atteinte à
l’ordre public, l’autorité gouvernementale chargée de l’Intérieur requiert du président du
tribunal administratif de Rabat, statuant comme juge des référés, d’ordonner la suspension
du parti et la fermeture provisoire de ses locaux […] ».
107
territoriales, des établissements publics, des personnes morales de droit
public ou des sociétés dont le capital est détenu, en totalité ou en partie,
par l’État167.
L’aphasie cette fois - ci réside dans la nature de la transgression
de cet article. Relève - t-elle d’une simple infraction administrative ou
représente-t-elle une infraction pénale habilitant partant une juridiction
répressive ?
Dans les faits, les subventions qui proviennent de personnes morales de
droit privé servent de couverture sinon pour les personnes de droit
public du moins pour les sociétés exerçant des activités lucratives
principalement reliées aux commandes publiques.
Par voie de conséquence, que l’on ambitionne l’assainissement
des ressources des partis politiques ou que l’on aspire à moraliser leurs
rapports avec les deniers publics, ces deux issues de subventionnement
doivent être interdites.
Un fossé sépare les dons émanant des sympathisants désintéressés de
ceux animés de motifs malintentionnés.
Or, le Conseil constitutionnel a dévié en s’abstenant de formuler
des réserves quant à ces carences relatives au financement privé des
partis politiques ou à celles liées à leur gestion et organisation.
Le comble est que, au lieu de s’activer dans une posture
constructive innovant au chapitre des décisions, le Conseil
constitutionnel se borne dans une approche axée sur « le considérant –
balai » se départissant de toute lecture intégrale de la loi organique mais
167 Il interdit toute : «subvention directe ou indirecte des collectivités territoriales, des
établissements publics, des personnes morales de droit public ou des sociétés dont le capital
est détenu, en totalité ou en partie, par l’État, les collectivités territoriales, les établissements
publics ou les personnes morales de droit public »
108
déclarant les autres dispositions authentiquement compatibles avec la
Constitution quoique non examinées.
Cette pratique qualifiée, derechef, de déni de justice
constitutionnelle, est à même de saper la sécurité de l’ordre juridique,
laissant dans l’ombre du contrôle certains articles de la loi aux dires de
Guillaume Drago et Nicolas Molfessis 168.
Par ailleurs, le Constituant peut pécher dans la rédaction de la loi
fondamentale qui pourrait abriter des poches tantôt d’équivoque tantôt
de silence nuisant à l’intelligibilité et à l’accessibilité du texte.
Devant l’ankylose du législateur organique doublée de son
impuissance décisionnelle, il incombe au juge constitutionnel
d’expliciter les énoncés abscons et combler les lacunes par une approche
interprétative ancrant dans la réalité les prescriptions abstraites et
investissant dans les virtualités du texte constitutionnel169.
Se déliant de toute interprétation déconstructive inhérente à une
lecture littéralo-formelle sans aucune incidence sur l’effectivité des
droits et libertés posés, le juge constitutionnel doit déployer une vue
panoramique sur la substance constitutionnelle pour traduire ses
dispositions dans une dimension pléthorique.
Le nouvel ordre constitutionnel ainsi aménagé confère à
l’intervention jurisprudentielle du juge constitutionnel une importance
168 Chronique constitutionnelle, in Revue « Justices », Ed. Dalloz, 1996, p. 310. 169 A ce juste propos, il serait seyant de rappeler les propos suivants fort significatifs « Si
l’interprétation c’est bien déterminer par un acte de volonté le sens d’un texte et si une norme
n’est pas autre chose qu’une signification attachée par l’ordre juridique à un acte humain,
alors, interpréter c’est bien déterminer la norme exprimée par un texte. Aussi, le juge
constitutionnel, lorsqu’il interprète la Constitution, détermine lui-même la norme
constitutionnelle : il exerce un pouvoir constituant. » Michel Troper, « Kelsen et le contrôle
de constitutionnalité », in Carlos-Miguel Herrera (Dir.), Actualité de Kelsen en France,
Bruylant-LGDJ, Paris, 2001, p. 181.
109
de premier ordre mais tempérée du garde–fou induit par la motivation de
sa décision qui devrait être acceptée comme raisonnable170.
Assimilé au protecteur des droits et libertés, le juge constitutionnel
doit transcender la vision étriquée du législateur négatif171en édifiant le
statut de concepteur des lois organiques, l’ultime exigence étant
d’observer leur compatibilité avec la quintessence du texte
constitutionnel.
Dans cet ordre des idées, les confusions disséminées dans les
couffins du texte sont devenues légion notamment entre le préambule et
l’article 133. La mission du juge constitutionnel serait d’interpréter les
virtualités du Préambule afin de mieux conjurer les scories d’une
rédaction éclopée qui affecte la rédaction du droit diplomatique172.
En effet, l’approche jurisprudentielle du juge constitutionnel doit
sacrifier à l’exigence de se plier aux injonctions du texte constitutionnel.
170 Jacques Lenoble et André Berten, Dire la norme (droit, politique et énonciation), L.G.D.J.,
1990 (Ed. Story-Scientia), p. 45.249p 171 A en croire Hans Kelsen, la fonction du juge constitutionnel ne relève pas du juridictionnel
mais du législatif. Il est, dans ce sens, la représentation d’un second degré de la fonction
législative attendu que les décisions émanant du juge constitutionnel portent sur les lois
elles-mêmes et ne consistent pas à édicter des normes individuelles d’où son appellation du
« législateur négatif ».
Il surenchérit à ce niveau en déduisant : « Ainsi l’annulation des lois est la fonction
législative même, et un tribunal annulant une loi est un organe doté d’un pouvoir législatif »
In : Qui doit être le gardien de la Constitution ? Trad. Sandrine Baume . Ed. Michel
Houdriard, Paris, 2006, p. 127-128. 172Alexandre Flûckiger avance : « Là où les juristes cherchent la précision, les diplomates
pratiquent le non-dit et ne fuient pas l'ambiguïté. Il arrive donc, plus souvent qu'on ne croit,
qu'ils ne se mettent d'accord sur un mot que parce qu'il n'a pas la même signification pour tout le monde. [···] De même encouragent-ils des techniques de rédaction qui permettront
de laisser subsister ici et là d'intéressantes - et prometteuses - contradictions » Alexandre Flûckiger «Le principe de clarté de la loi ou l'ambiguïté d'un idéal», Cahiers du
Conseil constitutionnel n° 21 Dossier : La normativité) - janvier 2007
Sur: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-
cahiers-du-conseil/cahier-n-21/le-principe-de-clarte-de-la-loi-ou-l-ambiguite-d-un-
ideal.50557.html
110
L’interprétation des virtualités des énoncés constitutionnels est ouverte
à maintes lectures.
La présomption de constitutionnalité de la loi adoptée par le
législateur demeure la méthode la plus prisée pour trancher entre moult
possibilités d’interprétation offertes.
Certes, cette technique rend caduques les défaillances de la norme
législative mais demeure parée de toutes les vertus car fléchissant sous
l’impératif substantiel de la Constitution matériellement déterminant.
Les prescriptions du texte constitutionnel demeurent le filtre sans
lequel une loi infra-constitutionnelle ne saurait être validée. L’enjeu
devient majeur et le tri des critères épineux quand les dispositions
constitutionnelles sont dotées d’abstraction avancée et d’imprécision.
Dans cette rubrique se répertorie la très difficile fusion des
enseignements antinomiques du Préambule conduisant à accorder aux
conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des
dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect
de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces
conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en
conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale. L’on
pourrait anticiper sur la voie que va se frayer le juge constitutionnel
acculé face à une disposition d’une loi organique à contrôler la
conventionalité des lois ordinaires garantissant les droits et les libertés.
Il se trouverait engouffré entre une validation sous-tendant que
cette disposition est compatible avec la Constitution et une déclaration
avançant que seuls les droits expressément prévus par les articles de la
Constitution peuvent être soumis au contrôle de constitutionnalité. Entre
universalisme induit simultanément par la Constitution et l’islam ouvert,
et conservatisme stipulé par les constantes et les lois du Royaume, le
111
juge doit opérer un choix ardu voire difficultueux. Il n’en demeure pas
moins vrai que l’option arrêtée pour la première thèse impliquerait une
mise en œuvre d’une politique jurisprudentielle cadrant avec
l’expectative de la complémentarité normative au chapitre des droits de
l’Homme.
Priser la seconde serait exercer un effet subversif à l’unité
constitutionnelle en ravalant le Préambule à un simple texte creux et
incantatoire pour ne pas dire un simple hors d’œuvre déconnecté de tout
ancrage .Cette voie serait chaotique attendu qu’elle nuirait à
l’indivisibilité et à l’universalité des droits de l’Homme et pourrait
mettre en cause la responsabilité internationale du Maroc.
2. Le contrôle des juges ordinaires
Nous étudierons d'abord le contrôle du juge judiciaire (2.1) avant de
vaquer à l'analyse du contrôle effectué par le juge administratif (2.2).
2.1. Le juge judiciaire
Le juge national est en première ligne pour garantir la protection
des droits et libertés. Pourtant, le juge judiciaire s'affiche tel le gardien
naturel de libertés individuelles en raison des doutes qui ont longtemps
pesé sur le juge administratif. Aujourd’hui, la suspicion à l’égard des
juridictions administratives n’a plus lieu d’être.
112
En ce sens, nul ne peut être détenu arbitrairement d’autant que,
l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, assure le
respect de ce principe.
Il résulte de ce principe que c’est à un magistrat d’autoriser les atteintes
substantielles à la liberté individuelle, telle que la prolongation d’une
garde à vue, une mesure de détention provisoire.
De la même façon, les atteintes portées à la liberté individuelle et
au domicile doivent être sanctionnées par le juge judiciaire.
Ainsi, lorsque l’administration porte une atteinte injustifiée à la propriété
privée, elle perd le privilège de juridiction dont elle jouit au profit de la
juridiction administrative (théorie de l’emprise). Il convient de voir à
présent le cas de la réparation des erreurs judiciaires (2.1.1) et la
réparation de la dignité (2.1.2).
2.1.1. Le cas de la réparation des erreurs judiciaires
Quoique reconnu, une pléthore de disparités jalonne le système de
dédommagement dans le droit comparé. Les conditions de fond ne sont
pas exigées au même niveau de la procédure d’autant plus que la nature
de la réparation diffère. De même, l’on peut consentir à l'automaticité de
la réparation dans le cas de France, la Maroc et l’Italie alors qu’en
Allemagne et au Royaume- Uni, elle souffre des défaillances.
En effet ,en vertu de l’article 122 de la Constitution marocaine
2011,l’indemnité est de droit ,abstraction faite de la nature de l’erreur,
qu’elle soit issue de jugement de la machine judiciaire ou bien d’un
113
fonctionnement défectueux du service public173. Les notes de
jurisprudence des professeurs Benabdallah et Rousset soulèvent le fait
que le système d’indemnisation du Maroc est le plus avantageux174.
Autrement dit, le dédommagement est tributaire de la seule
démonstration de la responsabilité d’un agent du service public ou d’une
erreur judiciaire .Loin s’en faut , en France et au Royaume-Uni ,une
entrave procédurale incarnée dans le passage par le filtre de la réparation
est susceptible de vider le principe de sa substance en particulier dans le
droit anglais où la révision n’est pas toujours source de réparation alors
qu’elle est encline d’être une simple formalité superficielle en France .
En Italie, la réparation s’érige au rang d’un droit
constitutionnellement protégé avec la loi n° 504 de 1960.En d’autres
termes, elle s’affirme comme un véritable droit subjectif devant être
satisfait dès que les conditions sont réunies175. Mais, l’évolution en la
matière s’arrête à cette affirmation176.Pour autant, la responsabilité de
l’État du fait du dysfonctionnement dommageable de la justice appelle
la combinaison de diverses dispositions légales. Le jugement
d’acquittement ordonne la restitution des sommes payées en exécution
de la condamnation et des peines pécuniaires. En outre, le bénéficiaire
173 Carole Nawessi, « Erreur judiciaire : conséquence du déclin du système judiciaire et des
valeurs sociales sans auteur précis » (1ère partie)- Mars 2014, sous le numéro 15.
Sur :http://juridika.net/droit-penal/procedure-penale/erreur-judiciaire--consequence-du-
declin-du-systeme-
judiciaire-et-des-valeurs-sociales sans-auteur-precis-t40.html#sthash.cwewnv8G.dpuf 174Michel Rousset et Mohammed Amine Benabdallah, « La réparation du préjudice résultant
d’une erreur judiciaire », REMALD, numéro double 109-110, mars-avril 2013, p. 227 175Pour l’application de l’article 644 C.P.P, la victime doit avoir été acquittée à l’issue de la
révision et n’avoir pas :
« provoqué l’erreur judiciaire par intentionnalité ou faute grave ». L’indemnisation dépend
de la durée de la peine encourue des « conséquences personnelles et familières dérivant de
la condamnation ». Les sommes dues éventuellement à ce titre sont payées sous la forme
d’un versement unique ou d’une rente viagère. 176 « Responsabilité de l’Etat pour le dysfonctionnement dommageable de la justice en
Italie(La) »Juriscope - 2000
114
de la révision pourra demander que la décision réformée soit publiée. On
consent ainsi à la victime le rétablissement de sa dignité.
Pour tous ces droits, elle est une décision de l’autorité judiciaire
tandis qu’elle est une procédure aux mains du ministre de la justice en
droit anglais. Qui plus est, face à la procédure unifiée en la matière pour
tous ces pays, elle revêt tout son sens en droit anglais, dans lequel
l’ouverture d’un droit à réparation est bien distincte de la reconnaissance
de l’erreur judiciaire, et qui a donc mis en place un second « filtre » pour
l’admission de la demande en indemnisation.
Cela étant, en Italie, la procédure de « réparation des erreurs
judiciaires » est régie par les articles 643 et suivants du Code de
procédure pénale. Par ailleurs, le revirement de la Cour de cassation en
matière d’indemnisation des victimes de dysfonctionnement de la justice
semble ouvrir la voie à une amélioration d’origine prétorienne. Aux
termes de l’article 14, les dispositions de la présente loi ne portent pas
atteinte au droit à la réparation en faveur des victimes d’erreur judiciaire
et d’injuste détention. Il s’agit de réparer, même imparfaitement, les
conséquences des dysfonctionnements de l’administration de la justice.
L’action ouverte à la victime d’erreur judiciaire se prescrit par deux ans.
En matière d'indemnisation des détentions provisoires, le droit
anglais méconnaît toute procédure de réparation pour une détention
provisoire. Certaines règles visent à alléger le poids des réparations pour
les finances publiques tandis qu'en Allemagne, la responsabilité de l'État
est automatique, quand bien même elle ne serait engagée qu'au delà des
six premiers mois de détention et même si la réparation est forfaitaire par
115
jour de détention. En France, on souligne une incomplétude de
l'uniformisation177.
Au Maroc, l’indemnisation de la victime est conditionnée à sa
demande en vertu de l’article 573 du code de procédure pénale. Si elle
ne la fait pas, elle ne sera pas dédommagée. L’action en indemnisation
est ouverte à la victime. Si celle-ci est décédée, elle est ouverte à son
conjoint, ses ascendants et ses descendants. Si un parent d’un degré plus
éloigné en fait la demande, elle devra prouver le préjudice matériel que
lui a causé la condamnation178 alors que le droit français dispose encore
que pour être indemnisée, la victime ne doit pas être à l’origine de
l’erreur comme le prévoit le protocole n°7 à la convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales. De même, l’État
est exonéré des dommages- intérêts dus au faux témoignage. C’est la
personne qui a fait le faux témoignage qui se chargera d’assumer ses
actes.
Depuis la loi marocaine du 30 décembre 2000, la victime qui subit
personnellement et directement un préjudice physique, moral ou
matériel, du fait d’une infraction pénale, d’une erreur judiciaire révélée
par un fait nouveau et ayant fait l’objet d’une procédure de révision peut
obtenir réparation intégrale du préjudice matériel et moral résultant de
sa condamnation.
Dans la même lignée, la Chambre administrative de la Cour de
Cassation a décidé que le juge administratif est compétent pour statuer
177 Les proches du détenu provisoire acquitté, bénéficiaire d'un non-lieu ne peuvent pas obtenir
réparation de leur préjudice moral, alors que ceux d'un condamné innocenté après la révision
de son procès, peuvent l'obtenir. Or, on ne voit pas la différence de situation dans le désarroi
de la famille de l'un et de l'autre qui justifie une telle différence de traitement. En outre,
l'étude de cas fait apparaître que l'indemnité accordée au titre du préjudice moral n'est
proportionnée à la durée de la détention que jusqu'à trois mois d'incarcération; au-delà,
l'indemnité subit un effet de seuil accentué à partir de deux années de détention. 178 Article 573 du CPPM, p. 230 .
116
sur tous les recours tendant à mettre en cause la responsabilité de l’État
pour la réparation d’un dommage résultant des actes et des activités des
personnes de droit public. Ainsi, la victime est désormais assurée
de pouvoir obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi dès lors
qu’elle apportera la preuve de la faute commise par le service public de
la justice et celle de la réalité du préjudice179 et, par ailleurs, c’est devant
le seul juge administratif qu’elle pourra agir180 .
Depuis la réforme de la constitution, les citoyens marocains sont
mieux traités et leurs droits de plus en plus respectés. Le constituant de
2011 s’est contenté de poser le principe d’indemnisation en laissant au
juge toute latitude d’évaluation du dommage causé par l’erreur
judiciaire.
2.1.2. La réparation de la dignité
Répondant aux impératifs des droits de l’Homme, les États sont
tenus de réparer les dommages subis non seulement au niveau matériel
mais également moral en l’occurrence la dignité et la réputation. En
effet, tous ces droits ont envisagé de réparer ce type de dommage en
dépit des dissimilitudes enregistrées tant au niveau de la reconnaissance
qu’au niveau de l’effectivité : Reconnu avec réserves par le droit anglais
en vertu de la section 133A181du Criminal Justice Act 1988,
179 Il convient de souligner qu’il n’est pas facile dans nombreux cas de démontrer la faute
commise par le service public ainsi que la réalité du tort subi. Ceci doit incomber à l’Etat
dans la mesure où par méconnaissance ou par manque de moyens, le citoyen ne peut assurer
la démonstration. 180 C.C.A., 12 février 2013, Agent judiciaire du Royaume c/ Chelkha
181 Louise Belanger-Hardy, «Négligence, victimes indirectes et préjudice moral en common
law: les limites à la réparation se justifient-elles?» (Negligence, Mental Harm and Indirect
Victims: Can Barriers to Compensation Be Justified?) (1998). Osgoode Hall Law Journal,
Vol. 36 No. 3 (1998). Sur: https://ssrn.com/abstract=2271673
117
laconiquement en droit français aux termes de l’article 626 du
CPC182,largement par les droit s marocain ,italien et allemand.
Cela étant, la Constitution et le Code de procédure pénale
marocains prévoient des mesures pour blanchir la réputation de la
victime tout comme le cas français duquel il s’inspire est qui tient à faire
publier la décision de diverses manières183. En Italie, le jugement
d’acquittement ordonne la restitution des sommes payées en exécution
de la condamnation et des peines pécuniaires. En outre, le bénéficiaire
de la révision pourra demander que la décision réformée soit publiée. On
consent ainsi à la victime à rétablir sa dignité.
Différemment, le Royaume - Uni, paraît plus réticent et demeure
attaché seulement à la réparation pécuniaire dont il est question du «
montant » dans les sections 133 et 133A du Criminal Justice Act 1988.
Or, moult divergences sont notées en matière de réparation du
préjudice moral subi par la famille de la victime dans la mesure ou le
droit français introduit la notion du« préjudice d’affection » induit par
l’erreur judiciaire ,formule absente dans le droit anglais qui se trouve
réservé sur les demandes des victimes indirectes. La même conception
est appliquée en droit allemand sous la forme
d’Aufopferungsanspruch184(littéralement, la « responsabilité pour
182 Il dispose à son premier alinéa qu’« un condamné reconnu innocent en application du présent
titre a droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé la condamnation »
183 Ainsi l’article 626 du CPP dispose-t-il à son avant-dernier alinéa : « Si le demandeur le requiert, l’arrêt ou le jugement de révision d’où résulte l’innocence du condamné est affiché
dans la ville où a été prononcée la condamnation, dans la commune du lieu où le crime ou
le délit a été commis, dans celle du domicile des demandeurs en révision, dans celles du lieu
de naissance et du dernier domicile de la victime de l’erreur judiciaire, si elle est décédée ;
dans les mêmes conditions, il est ordonné qu’il soit inséré au Journal officiel et publié par
extraits dans cinq journaux au choix de la juridiction qui a prononcé la décision. » 184 Initialement prévue aux paragraphes 74 et 75 de l’Allgemeines Landrecht für die
Preußischen Staaten (1794)
118
sacrifice ») fondée non pas sur la faute mais sur la solidarité sociale qui
est entérinée par le droit marocain.
2.2. Le juge administratif
Les droits fondamentaux constitutionnellement consacrés
n'impliquent pas inexorablement une portée générale et absolue. Ils
doivent être mis en œuvre et encadrés par le législateur et, dans certaines
conditions, les considérations de l'ordre public induisent leur limitation
temporaire même par les autorités relevant de l'Exécutif.
Toutefois, l'encadrement de ces droits s'exerce toujours sous le
contrôle du juge constitutionnel pour les mesures de nature législative
ou du juge administratif pour les mesures relevant du pouvoir exécutif.
Réussissant un syncrétisme de bon aloi, peut-on déceler, l’ordre
judiciaire ainsi aménagé au Maroc a contourné tout mimétisme sacrifiant
à la condition d’un réalisme pertinent .En effet, en consacrant un ordre
juridictionnel unique , la justice administrative spécialisée répondait en
écho aux expectations d’un contentieux administratif doublé d’une
multiplication progressive des voies de recours en perpétuelle
mouvance185.Cette spécialisation en matière du contentieux administratif
n’a pas induit un double ordre juridictionnel ainsi qu’il en est en France.
Par voie de conséquence, au sein du pouvoir judiciaire dont l’unité
est toujours maintenue et à titre de spécialité fonctionnelle, les tribunaux
administratifs et cours d’appel administratives, sous le contrôle de la
185 En effet, après la création des tribunaux administratifs entrés en fonction en 1994, l’on a
procédé en vertu de la loi du 14 février à la création de deux cours d’appel de Marrakech et
de Casablanca, laquelle loi serait modifiée par celle du 18 février 2009.
119
Chambre administrative de la Cour suprême, seront en vertu de la
nouvelle Constitution, compétents en matière administrative.
Au Maroc, la protection des libertés fondamentales est d'origine
prétorienne. C'est le juge administratif qui s'est le premier imposé en tant
que garant de la protection des droits de l'Homme186.
Les citoyens, peuvent encourir le risque de l’arbitraire et des abus
de l’administration. Le juge administratif est compétent pour contrôler
les actes émanant de l’administration, et qui portent atteinte aux libertés
fondamentales. Il y a deux possibilités d’intervention :
D'abord, à travers le recours pour excès de pouvoir, qui vise
l’annulation de l’acte administratif jugé illégal. S'affiche ensuite le
recours en indemnité, lorsque l’intervention de l’administration peut être
qualifié de faute de service et qui peut finir par attribuer des dommages
de la victime.
Le juge administratif peut statuer en matière de liberté à l’occasion
d’un recours pour excès de pouvoir, permettant d’annuler un acte
administratif. La technique des principe généraux du droit a ainsi permis
au juge de développer un catalogue de normes propres à assurer la
promotion des droits et libertés entre autres les droits applicables à la
garantie juridictionnelle , le droit au recours , le droit au procès équitable.
Par ailleurs il existe devant le juge administratif un recours
spécifique et efficace en matière de protection des libertés, le référé-
liberté. C’est une procédure récente puisqu’il n’existe que depuis la loi
du 30 juin 2000. Cette procédure permet au juge des référés de
186 Omar Bendourou, « Les droits de l’homme dans la constitution marocaine de 2011: débats
autour de certains droits et libertés », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 6 | 2014,
mis en ligne le 28 octobre 2014, consulté sur. URL :
http://journals.openedition.org/revdh/907
120
prononcer, à l’encontre de l’administration, une injonction en vue de
mettre fin à une atteinte portée à une liberté fondamentale.
Les violations des libertés publiques, dans un État démocratique,
sont généralement les incidences imminentes plus de manquements
administratifs que de l'intervention du législateur.
Du reste, le recours contre les lois réputées contraires aux libertés
publiques n'a été possible historiquement qu'ultérieurement à l'ouverture
des voies de recours contre les actes de l'administration.
C'est le recours pour excès de pouvoir devant le Conseil
constitutionnel au Maroc qui a été le dispositif imparable de la garantie
des libertés publiques.
Cette voie de recours a émergé par voie jurisprudentielle au XIXe siècle,
en s'ouvrant progressivement à toute personne ayant intérêt à
l'annulation d'une décision administrative.
De même, la compétence du juge s'est élargie aux actes du
gouvernement de valeur législative, quand ce dernier était autorisé à
légiférer.
En somme, et pour récapituler, le juge administratif est compétent
à annuler n'importe quelle décision prise par une autorité administrative
quelconque, individuelle ou de portée générale, attentatoire aux libertés
publiques. Il le fait en toute référence à la loi qui organise les conditions
d'exercice de cette liberté, à la Constitution elle-même et même à un
principe fondamental qu'il dégage lui-même.
En France, au Conseil d'État qui n'est plus le juge de droit commun
de la légalité des actes administratifs se substituent des juridictions
subordonnées et les tribunaux administratifs.
Cependant, il se hisse toujours au sommet de la pyramide des
juridictions administratives et demeure habilité en premier et dernier
121
ressort pour enclencher des recours pour excès de pouvoir conduits
contre les décisions prises directement par les ministres et le
gouvernement.
Par ailleurs , le rendement efficient du recours pour excès de
pouvoir a été amplifié en France par la création d'une procédure de sursis
à exécution de la décision litigieuse, procédure elle-même rénovée il y a
quelques années sous la forme d'un référé qui permet au juge «
d'ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté
une atteinte grave et manifestement illégale. »187.
En France, les exemples foisonnent : le principe de la liberté de
réunion découle de la loi du 30 juin 1881. Il doit primer sur les pouvoirs
de police, , à tout le moins , en l'absence de menaces de troubles graves
et le maire ne peut donc pas empêcher une réunion publique. (Conseil
d'État. 19 mai 1933 Benjamin).
Un autre cas illustratif et pas des moindres : La liberté
d'association figure parmi les principes fondamentaux consacrés par les
lois de la République à valeur constitutionnelle et l'autorité
administrative ne peut pas prendre de mesure préjudiciable à ce droit
(Conseil d'État. 11 juillet 1956. Amicale des Annamites de Paris).
De même, le principe selon lequel l'État doit contester l'extradition
d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique est un
principe fondamental reconnu par les lois de la République que le
187 Renaud Denoix De Saint Marc, «Les garanties constitutionnelles des droits et libertés
politiques
en France»- Paris, conseil-constitutionnel.fr,le 2 février 2009
http://www./conseil-constitutionnel/francais/publications/contributions-et-
discours/2009/les-garanties-constitutionnelles-des-droits-et-libertes-politiques-en-
france.147422.html
122
Conseil d'État a lui même dégagé à partir des règles constantes de notre
droit de l'extradition (Conseil d'État. 3 juillet 1996, Koné.)
Pour autant, la seule limite qui s'impose au juge administratif
demeure l'interdiction qu'il s'impose à lui-même d'écarter l'application
d'une loi sous le prétexte de son caractère inconstitutionnel.
En effet, le Conseil d'État a toujours appréhendé que la loi votée
par le Parlement s’impose à lui car elle est censée être l'émanation de la
volonté générale. La critique et, le cas échéant, la censure de la loi
appartiennent au Conseil constitutionnel.
123
DEUXIEME PARTIE : LES GARANTIES NON
JURIDICTIONNELLES
124
Lesage affirme sans ambages :
[...] la première base de toute constitution, [...] le premier soutien de
la liberté publique, [...] la garantie la plus ferme de tous les droits de l'homme vivant
en société se trouvent dans la division des pouvoirs.
Corroborant ces propos, Cambacérès soutient :
« nous sommes tous d'accord qu'elle [la proposition] tient à la
séparation des pouvoirs sans laquelle il est difficile de donner aux gouvernés une
garantie contre les gouvernants […]la séparation des pouvoirs est donc «le palladium
de la liberté .
C'est là que où se confine indubitablement la sauvegarde de la
liberté et de l'indépendance des pouvoirs.
Pour ainsi dire, la garantie se manifeste dans cette bonne organisation
des pouvoirs.
La quintessence de la garantie est inhérente à la capacité
d'organiser chaque pouvoir et tous les pouvoirs si bien que dans la
poursuite de leur intérêt particulier, ils pourront satisfaire aux injonctions
de la préservation de la Constitution et l'intérêt de tous, en d’autres
termes, en particulier la garantie des droits :
« [...] il faut [...] qu'ils soient forcés à se respecter mutuellement par
le sentiment de leur force et de leur dignité. Il faut que dans l'organisation du
125
gouvernement chacune de ses parties soit établie et posée de manière à retenir toutes
les autres dans leur place ; il faut pour ainsi dire opposer l'ambition à l'ambition... ».
La modération des pouvoirs, garantie de nos droits, ne découlera
pas d'un contrôle extérieur mais du seul jeu des pouvoirs pourvu qu'il
soit bien organisé103. En un peu plus clair, le système politique de l'État
(Section 1) couplé des institutions constitutionnalisées (Section 2)
forment la quintessence des garanties non juridictionnelles.
Chapitre 4 :
Le système politique de l'État
La représentation parlementaire (1) et le pluralisme politique (2)
sont pour autant des mécanismes garantissant la protection des libertés
publiques
1. La représentation parlementaire
L'intérêt du peuple est de mettre ses pouvoirs en représentation.
La liberté s'étend quand on se fait représenter. Sieyès pousse sa logique
représentative jusqu'à un point jamais atteint, fut-ce par Benjamin
Constant, attendu qu'il préviendra contre l'abandon de tous nos droits
politiques qui conduirait à la perte d'une garantie essentielle.
En tant qu’institution étatique représentant le peuple, le Parlement
s’érige en gardien des libertés publiques.
126
La fonction parlementaire traduite dans l’élaboration des lois,
l’adoptions du budget et le contrôle de l’exécutif couvre tout le spectre
des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et impacte
considérablement la jouissance des droits de l’Homme.
Cette représentation parlementaire veille à ce que les dispositions
internationales des droits de l’Homme soient insérées dans les dispositif
législatif interne en s’appliquant à ce que les projets de loi ne soient pas
antinomiques aux obligations conventionnelles de l’État tout en initiant
des mesures assurant la prééminence des normes internationales sur les
normes internes et assurant la justiciabilité de tous les droits l’Homme.
A ce juste propos, il importe de souligner qu’en France, à titre
d’exemple, la ratification des traités les plus importants est soumise à
l’approbation du pouvoir législatif. L’on assiste dernièrement à une
prédisposition, certes rare, à la détermination des conditions
d’application des traités attendus que certaines constitutions affirment
une présomption d’applicabilité directe des traités en attribuant la
compétence aux juges nationaux pour connaître des réclamations
fondées sur des traités188.
Or, la réception189, qui marque la pratique des systèmes dualistes,
présuppose la prise de mesures internes d’exécution, voire de
188« Internalisation du droit, internalisation de la justice », 21-23 juin 2010 Cour suprême du
Canada Ottawa, 3ème congrès de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays
ayant en partage l'usage du français (AHJUCAF). 189 C’est le terme employé par la doctrine depuis Anzilotti. Dionisio Anzilotti (1867-1950) est
une illustre référence italienne du droit international qui a marqué le début du XXème siècle.
Son œuvre traite la question centrale de l’effectivité du droit international public qui
demeure selon lui tributaire de l’affirmation d’un droit positif international. En ce sens,
rompre avec la tradition jusnaturaliste, ce que veut à toute force Anzilotti, exige moins
d’inventer cette existence du droit international public que d’en rendre compte, ce qui n’est
pas des tout tâches faciles.
127
transformation, du traité. A défaut de l’automaticité intégrative, maintes
techniques d’intégration du traité coexistent, selon les cas.
Entre la ratification marquant l’engagement international de l’État
et la validité interne du traité, qui lui est généralement attribuée par le
pouvoir législatif, les États procèdent au choix. Une indispensable
transposition dans le droit interne par la loi s’exige pour que le traité soit
opposable et invocable dans le droit interne.
En somme, l’organe législatif est appelé à avaliser le traité conclu
par le pouvoir exécutif tantôt lors de la ratification du traité tantôt au
cours de son incorporation au droit interne.
La pratique marocaine, telle qu’elle découle de la Charte
fondamentale requiert pour l’incorporation d’un engagement
international tantôt l’adoption par le souverain d’un dahir de ratification
après autorisation législative prévue par la Constitution dans certains cas
tantôt par une loi dûment publiée au Bulletin officiel permettant son
opposabilité et invocabilité par les justiciables dans les juridictions
internes.
Cette pratique marocaine s’inscrit, a fortiori, dans un système
similaire à celui de la France où la ratification des traités les plus
importants est soumise à l’approbation du pouvoir législatif. Il tient
également du système dualiste qui nécessite une transposition dans le
droit interne par la loi pour que le traité soit opposable et invocable dans
le droit interne.
Rappelons-le encore une fois, il se proclame en un système
moniste avec prépondérance et non-primauté du droit interne. La
supériorité du droit interne semble être atténuée.
Les INDH peuvent soumettre au Parlement les recommandations,
propositions et rapports relatifs aux droits de l’Homme. Elles peuvent
128
présenter et discuter les rapports annuels devant les commissions
parlementaires, et formuler un avis sur tous les projets et propositions de
loi susceptible d’avoir un impact sur la jouissance des droits de
l’Homme.
Les INDH peuvent également assurer enfin des sessions de
formation au profit des parlementaires en vue de renforcer leurs
capacités en la matière
2. La liberté politique
Si on en croit au néo-institutionnalisme190et à la théorie
transitologique, pluralisme politique, parlementarisme et multipartisme
sont des garants des libertés publiques.
A n'en point douter, la liberté politique incarne une garantie
politique organisée. A ce juste propos, l'égalité politique et la
démocratisation des conditions de la participation politique en sont les
traits saillants. En ce sens, Dubois-Crancé réitérait que la vraie, la seule
garantie du peuple contre le despotisme» consistait dans la confiance
qu'il pouvait avoir dans une administration de son choix191.
Encore faut-il ancrer l'égalité politique, droit inaliénable sans
lequel il n'y a pas de liberté. Elle proposait que tout homme puisse
volontairement acquitter une contribution pour pouvoir exercer le droit
de vote192. Daunou attesta que la constitution assurait à tous la capacité
de s'inscrire sur la liste des membres du souverain.
Il n'en demeure pas moins vrai que les conditions concrètes de la
citoyenneté active se sont singulièrement resserrées. Berlier expose les
190 Mamadou Gazibo, «Le néo-institutionnalisme dans l'analyse comparée des processus de
démocratisation », in Politiques et Sociétés, Volume 21, numéro J, 2002. 191 Séance du 23 messidor An III, Mon. univ., 25-214. 192 Ibid
129
équivoques de la notion de souveraineté au regard des droits de l'homme
: « La souveraineté consiste-t-elle à faire tout ce qui plaît, sans que les
limites en soient posées ? Dans ce sens elle ne serait qu’anarchie »193.
Sieyès manifeste encore plus fortement le refus de la démocratie
directe en tant que forme de garantie sociale des droits :
« Mais alors, comme à présent encore, il régnait une erreur
grandement préjudiciable : c'est que le peuple ne doit déléguer de pouvoirs que ceux
qu'il ne peut exercer lui-même. On attache à ce prétendu principe la sauvegarde de
la liberté : c'est comme si l'on voulait prouver aux citoyens qui ont besoin d'écrire, à
Bordeaux, par exemple, qu'ils conserveront bien mieux toute leur liberté, s'ils veulent
se réserver le droit de porter leurs lettres eux-mêmes, car ils le peuvent, au lieu d'en
confier le soin à cette partie de l'établissement public qui en est chargé »194.
Or, le multipartisme marocain souscrit à une dynamique de
réduction du poids des formations politiques et satisfait aux désidératas
d’une stratégie entravant leur essor les prédisposant ainsi aux scissions
suivant la loi du schisme par la mise en place de formations partisanes
de moindre force.
Cette politique a été soutenue par la tendance oligarchique
marquant le champ partisan et prédominant au sein des formations
politiques marocaines.
Cette stratégie a optimisé une spirale d’ « enfantements » de partis
politiques, en reproduisant le modèle anthropologique de la tribu qui se
scinde en fractions puis en petits groupements plus ou moins
homogènes195.
193 Séance du 4 thermidor An III, Mon. univ., 25-312.
194Séance du 2 thermidor An III, Mon. univ., 25-292. 195Hassan Zouaoui, « La crise des partis politiques marocains », du 22/05/2017
Sur :http://www.huffpostmaghreb.com/hassan-zouaoui/la-crise-des-partis-politiques
marocains_b_16748870.html -marocains_b_16748870.html
130
Les incidences en sont l’éclosion d’un échiquier partisan docile
et soumis et la déliquescence devant le pouvoir monarchique ancrant
davantage la désaffection du citoyen brouillant toute démarche
entreprise en vue de leur classification en fonction des clivages
idéologiques classiques. En ce sens, le consensus mis en place vers la fin
des années 1990 a largement impacté le champ partisan en reprenant le
pluralisme et en le canalisant en parfaite harmonie avec la stratégie
makhzénienne ciblant la consécration de la suprématie de l’État profond.
Cette réalité partisane s’explique au demeurant par la quête
systématique du consensus par les partis politiques qui a généré
progressivement une équivocité doctrinale immanente à leurs
positionnements politiques et un émiettement des cloisons idéologiques
faisant perdre toute substance à la dichotomie gauche-droite.
Les forces partisanes ont substitué à leurs missions énoncées par
l’article 7 de la nouvelle Constitution, la course électorale au point de se
muer, aux dires de Jean-Claude Santucci, en une « écurie de course à la
candidature ou en club de supporters pour futurs professionnels de la
politique en quête de mandats et de maroquins »196.
Loin de produire une élite compétente, issue de partis crédibles,
engagée et porteuse d’un projet de société et loin d’incarner une avant-
garde de la société concentrant les compétences pour en faire un levier
de développement du pays, le système politique au Maroc, à en croire
des analystes tel Najib Akesbi n’accepte point de concurrent politique et
encore moins le partage d'une partie de ses prérogatives. A cet effet, il
ne serait pas hérétique d’avancer que les problèmes économiques du
Maroc sont purement d’origine politique dans la mesure où le système
196 Ibid
131
actuel ne produit pas d'institutions compétentes à même de mener les
réformes économiques nécessaires.
Dans cette même perspective, le système politique marocain
optimise la mise en place d’une monarchie exécutive où le Palais détient
tous les pouvoirs y compris le pouvoir économique197.
Tant s’en faut, le système lamine toute concurrence politique si
bien que les élites et les partis sont incapables de se dresser en un
véritable contre-pouvoir susceptible de réussir un équilibre de pouvoir et
devenir un partenaire de la monarchie dans le processus décisionnel.
A juste raison, le seul véritable acteur partenaire de la monarchie
dans la prise de décisions demeure la Banque mondiale étant donné que
les principales orientations économiques émanent de l’autorité
monarchique d’autant plus que cette crise actuelle n’émerge pas ex-
nihilo mais puise son essence dans le les choix stratégiques opérés depuis
la décennie 1960198.
Par ailleurs, par leur passivité et déliquescence199 devant le pouvoir
monarchique, les élites et partis politiques ont accepté l’assujettissement
à ce jeu faussé les acculant à se relayer sur l’administration des affaires
publiques en mettant en œuvre les orientations et les décisions du Palais
et celles de la Banque Mondiale.
197 Najib Akesbi : «les véritables autorités au Maroc sont le Palais et la Banque Mondiale»,
Lakome, 25 juin 2013 Disponible sur : http://www.ziripress.com/en-franacis/najib-akesbi-les-veritables-autorites-au-maroc-sont-le-palais-et-la-banque-mondiale/
198 «Les partis politiques apparaissent et disparaissent tandis que les véritables autorités
inaltérables au Maroc sont le Palais et la Banque Mondiale », explique Najib Akesbi 199 Najib Akesbi avance : «si nous étions dans un véritable système politique, celui-ci aurait
soutenu le gouvernement actuel pour mener les réformes». Mais le fait est, selon lui, que
nous vivons une situation absurde. «Ceux qui sont au-devant de la scène ne sont pas de
véritables acteurs politiques mais uniquement des marionnettes entre les mains de gens
connus»
132
Cette réalité rappelle le constat arrêté par Mohammed Madani200
qui résuma le rôle des partis politiques au Maroc comme suit : Les partis
politiques sont confinés dans des fonctions secondaires d'éducation
civique et de sélection des élites qui vont participer à la gestion des
affaires communes. Ils ne peuvent prétendre conquérir le pouvoir.
L’option arrêtée pour le scrutin proportionnel s’inscrit dans cette
perspective de préservation du statut quo par l’enclenchement d’une
dynamique de balkanisation partisane génératrice d’un microcosme
partisan polarisé 201s’interposant à tout véritable changement
d'orientation politique. A ce juste niveau, la définition du système
électoral actuel et de sa mise en œuvre demeurent tributaires de la
volonté politique du pouvoir central, animée par le souci du contrôle des
forces partisanes par le truchement de ce système électoral
vigoureusement inclusif maximalisant les chances d’accès au Parlement
de petites formations politiques.
En somme, l’esprit déclencheur de l’instauration du multipartisme
est moins la consécration du pluralisme que la balkanisation partisane
qui ne favorise pas de véritable changement d'orientation politique.
L’équité tant réclamée via la représentation proportionnelle n’est
au demeurant qu’un prétexte à intensifier la multiplication des partis202
200 Mohammed Madani. Le paysage politique marocain, Rabat. Dar AI Qalam. 2006, p. 42.170p 201 Mounia Bennani-Chraïbi, « L'espace partisan marocain : un microcosme polarisé », Revue
française de science politique 2013/6 (Vol. 63), p. 1163-1192.
Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2013-6-p-1163.htm
202 Il convient de citer, en l’occurrence Lahcen Oulhaj qui, régissant à une question relative à
la démocratie et les partis politiques, a énoncé : « Le multipartisme est une vieille
expérience dans le monde arabe, mais ce fut, sauf rares exceptions, un artifice et un jeu de
façade. Il n’était pas synonyme de démocratie. Il n’était ancré ni dans une philosophie, ni
dans une culture démocratique et devait coexister avec l’ordre colonial.
Lahcen Oulhaj « Partis politiques et démocratie-Rencontre nationale organisée à Rabat le
24 février 2012, Konrad-Adenauer-Stiftung , p 3.
133
et l’émiettement du cadre partisan et l’affaiblissement de son efficience
pour l’établissement des majorités cohérentes.
En fait foi le blocage consenti par Abelilah Benkirane à former sa
majorité, lequel blocage a duré cinq mois se soldant par un échec203. En
ce sens, l’ultime finalité du processus électoral au Maroc depuis
l'indépendance est d’ancrer en valeur suprême la continuité
institutionnelle.
Du reste, la modalité électorale traduite par le scrutin de liste en
tant que mécanisme de reconfiguration de l’échiquier politique ayant
pour toile de fond « Imarat Al Mouminin » assimilée au paradigme
inaltérable du pouvoir profitant au Roi afin d’y puiser la légitimité
traditionnelle fédératrice d'une « puissance spirituelle » et de vaquer,
partant à la représentation suprême de la nation laminant partant les
acteurs politiques.
L’exemple irréfragable en est le gouvernement de Saâd Eddine El
Othamni, fruit d’une lente et douloureuse gestation, a balayé sur son
chemin, le Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane nommé par le
Roi après les élections législatives du 7 octobre 2016.
Les tractations ayant ponctué le blocage ont bien dévoilé que
certains partis étaient moins des formations programmatiques porteuses
de projet sociétal, que des « alliances de clans » convoitant
exclusivement des portefeuilles ministériels.
Dans cette perspective, les élections législatives du 7octobre 2016
servent l’exemple péremptoire du verrouillage de la vie politique
marocaine par le pouvoir central au Maroc. Outre le pilotage exclusif des
203 Il serait idoine de reprendre la formule d'Alain Rouquié arguant que cette procédure
électorale apparaît comme ressortissant à une technologie politique douce aux effets
stabilisateurs indéniables. Cité par Hassan Zouaoui, op, cit.,
134
opérations électorales204 par le ministère de l'Intérieur fait figure de la
réincarnation de l'autoritarisme électoral , un aspect majeur de la tutelle
de l'État qui demeure un des labyrinthes de la transition démocratique,205
ce verrouillage est perceptible dans la mainmise sur les ministères
régaliens « ministères de souveraineté » où les ministres technocrates se
sont arrogés les pôles économiques, affaires étrangères et intérieur tandis
que les islamistes du PJD pourtant classés en tête des élections avec 125
sièges sur 395, se sont vus léguer des ministères sans véritable enjeu
stratégique.
Cette stratégie permet d’atteindre un double objectif. D’abord,
consolider la position centripète de la monarchie en véhiculant l’idée
selon laquelle les partis politiques sont incompétents à réussir l’équation
de la transition politico-économique réconfortant partant indirectement
la suprématie du pouvoir central en tant que seul acteur habilité à prendre
des décisions stratégiques. Cette prééminence de la monarchie s’est
renforcée après l’échec lancinant du champ partisan à gérer notamment
le « Hirak » du rif. En fait foi le discours royal à l’occasion du 18ème
anniversaire du trône206 .
204A ce juste égard, martèle «En gardant à l’esprit la règle électorale comme produit de la
stratégie et choix des acteurs dans la transition démocratique, il convient de faire remarquer
que les règles électorales constituent des instruments institutionnels et politiques aux mains
des dirigeants.» Dogba Blaise Ogou. Les évolutions de la règle électorale dans les systèmes politiques
transitionnels : les élections législatives en Europe du Sud-est (1989-2009). Science politique. Université de Bordeaux .Thèse de doctorat dirigée par Philippe Claret, présentée
et soutenue publiquement le 4 février 2016, 451p, p74.
في الدكتوراه شهادة لنيل نتخابية في المغرب دراسة في الوظائف و الأنساق, أطروحةبتينة قروري ,السياسة الا 205
العلوم القانونية والاقتصادية و الاجتماعية الرباط اكدال , وحدة علم السياسة كلية –محمد الخامس جامعة العام، القانون
ص 409. 271.ص2011-2010و الفانون الدستوري , تحت إشراف د. امحمد الداسر 206 Discours royal du samedi 29 juillet 2017
Disponible sur : https://ledesk.ma/2017/07/29/texte-integral-du-discours-royal-
loccasion-de-la-fete-du-trone/
135
Chapitre 5 :
Les institutions constitutionnalisées
Les Britanniques connaissent une garantie efficiente et
performante de leurs libertés sans ni Constitution ni même une
séparation des pouvoirs mais grâce à des institutions spécifiques. Le
Conseil national des droits de l’Homme (1) et le Médiateur (2) sont entre
autres les institutions marocaines les plus significatives en matière de
protection des libertés publiques.
1. Le Conseil national des droits de l'Homme
Maintes institutions constitutionnalisées par la Charte
constitutionnelle de 2011 œuvrent en matière des droits de l'Homme
entre autres le Conseil national des droits de l'Homme. Enfant légitime
du Conseil consultatif des Droits de l’Homme (CCDH), institution créée
à la veille de l’alternance politique en 1990, le CNDH est une
consécration du processus de consolidation de l’État de droit et des
Institutions.
En effet, il vient se substituer au CCDH qui a été une des
institutions majeures de la transition démocratique au Maroc notamment
136
en matière de règlement du passé des violations graves des droits de
l’Homme après une première réforme en 2002.
Conformément aux dispositions du Dahir n°1-90-12 du 24
ramadan 1410 (20 avril 1990) portant création du Conseil Consultatif
des Droits de l’Homme (CCDH) et aux dispositions du Dahir du 15
moharrem 1422 (10 avril 2001) portant sa réorganisation et à l’esprit des
principes régissant les Institutions nationales de promotion et de
protection des droits de l’homme, appelés « principes de Paris »,
consacrés par la résolution de l’ONU du 20 décembre 1993, le CCDH
est une institution nationale spécialisée dans la protection et la promotion
des droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus207.
Placé auprès de Sa Majesté le Roi et chargé d’une mission
consultative de proposition et d’impulsion, le CCDH est une institution
pluraliste indépendante qui entretient aussi bien avec les autorités
publiques qu’avec la société civile et politique des relations
constructives, d’ouverture et d’échange.
Dans l’exercice de ses fonctions, telles que définies par le Dahir
du 15 moharrem 1422 (10 avril 2001), portant réorganisation du CCDH,
le Conseil recherche le plus haut degré de probité morale et intellectuelle
dans ses avis et propositions et se montre objectif et impartial dans ses
démarches et analyses, ferme et exigeant face aux violations des droits
de l’Homme. Ainsi, concernant les instances de protection et de
promotion des droits de l'homme, la Constitution précise dans son article
161 :
« Le Conseil national des droits de l'Homme est une institution
nationale pluraliste et indépendante, chargée de connaître toutes les questions
relatives à la défense et à la protection des droits de l'Homme et des libertés, à la
207 http://www.mission-maroc.ch/fr/pages/218.html
137
garantie de leur plein exercice et à leur promotion, ainsi qu'à la préservation de la
dignité, des droits et des libertés individuelles et collectives des citoyennes et
citoyens, et ce, dans le strict respect des référentiels nationaux et universels en la
matière » .
Pour ainsi dire, en matière de protection et défense des droits de
l’Homme et libertés le CNDH208 s’assigne pour objectifs la veille à
l’observation, à la surveillance et au suivi de la situation des droits de
l’Homme tant au niveau national que régional.
Du reste, il peut observer des investigations et enquêtes qui
s’induisent relativement aux entorses enregistrées.
En outre, il s’emploie à concevoir des rapports appuyés de
recommandations à base de ses observations et investigations pour les
communiquer aux autorités compétentes. De surcroît, par mesure
d’anticipation pour conjurer les menaces attentatoires aux droits
fondamentaux, il peut intervenir dans le cadre des missions qui lui sont
confiées et de concert avec les autorités concernées.
Qui plus est , le rôle du CNDH est crucial en matière de mise en
œuvre des mécanismes prévus par les conventions internationales
afférentes aux droits de l’Homme auquel le Maroc a adhéré.
Il n’en demeure pas moins vrai que sa vocation droit de
l’hommiste se cristallise nettement dans les rapports qu’il élabore et qu’il
émet aux autorités compétentes, à l’issue de ses visites effectuées aux
lieux de détention et aux établissements pénitentiaires, aux centres de
protection de l’enfance et de la réinsertion, aux établissements
hospitaliers spécialisés dans le traitement des maladies mentales et
psychiques et aux lieux de rétention des étrangers en situation irrégulière
.
208 Bilan du Conseil National des droits de l'Homme 2011-2017 , p3.
138
Dans la même veine consécrante des droits fondamentaux, il
procède à l’examen et à l’étude de l’harmonisation des textes législatifs
et réglementaires en vigueur avec les conventions internationales des
droits de l’homme et au droit international humanitaire en véhiculant ses
recommandations aux autorités compétentes notamment au
gouvernement avec qui il contribue dans la confection des rapports
adressés aux organes de traités;
Il s’acquitte d’une mission injonctivo-prescriptive en incitant à
l’adhésion aux conventions internationales des droits de l’Homme et au
droit international humanitaire.
A ce juste niveau, se manifeste sa vocation promotrice des droits
de l’Homme 209 attendu qu’il s’emploie à l’ancrage des valeurs, des
principes et, somme toute de la culture des droits de l’Homme et de la
citoyenneté , du droit international humanitaire et à leur consolidation
tout en soumettant , en la matière , à Sa Majesté des rapports annuels et
thématiques sur les droits de l’Homme et en exposant devant chacune
des deux chambres du parlement le contenu des rapports.
Il serait seyant de noter, en l’occurrence, que son rapport annuel
sur la situation des droits de l’Homme et les perspectives d’action du
Conseil est publié dans le bulletin officiel.
Par ailleurs, le CNDH est compétent à examiner la situation des
droits de l’Homme au niveau régional et ce, moyennant les commissions
régionales des droits de l’Homme dont les présidents sont nommés par
Dahir. A cet enseigne, il reçoit et évalue les plaintes et les transgressions
soumises. De même, ces commissions régionales procèdent à
l’élaboration des rapports spéciaux ou périodiques sur les mesures
209 Ibid
139
adoptées pour le traitement des affaires et des plaintes à caractère
régional ou local.
Par ailleurs, le CNDH est pourvu de compétences en matière de
droit international humanitaire. A cet enseigne, en coordination avec les
autorités intéressées, il veille à la synchronisation des activités des
diverses autorités, s'acquitte du suivi de la mise en œuvre des
conventions internationales auxquelles le Maroc a adhéré, coopère au
programme de formation et de sensibilisation y afférent et étend les
relations de coopération et de partenariat afin d'optimiser l’échange
d’expertise avec le Comité international de la Croix-Rouge et toutes les
instances concernées par le droit international humanitaire. Qui plus est,
souscrivant aux canons démocratiques prévus aussi bien par l’OPCAT210
que par les instruments internationaux des droits de l’Homme, un
nouveau projet de loi accorde à l’institution du CNDH la compétence
d’exercer les attributions afférentes au MNP.
Il sied de souligner que le CNDH a été ré-accrédité en mars 2016
au statut «A» en tant qu’institution en pleine conformité avec les
Principes de Paris211.
Le Maroc a cadré en écho avec les injonctions en matière de la
confirmation du statut « A » du CNDH en 2016 par l’Alliance globale
des institutions nationales des droits de l’Homme. En cela, se cristallise
une nette application des recommandations appuyées par le Maroc au
Cours de son deuxième EPU212.
A ce juste niveau, en vertu du Rapport du Haut-commissariat des
Nations Unies aux droits de l’Homme, le CNDH apprend que le
210 Optional Protocol to the Convention against Torture 211 Rapport national présenté conformément au paragraphe 5 de l’annexe à la résolution 16/21
du Conseil des droits de l’homme, op, cit, p 3 212 Conseil des droits de l’homme, op,cit.,, p 1
140
Royaume a procédé à la proposition d’ un nouveau projet de loi visant
l’instauration d’un Mécanisme national de prévention de la torture213,
d’un mécanisme chargé de traitement des plaintes relatif aux enfants
victimes214 et d’un mécanisme indépendant pour la protection des droits
des personnes handicapées215.
Par ailleurs, il a été vivement recommandé par le CNDH d’activer
l’adoption du projet de loi sur le Mécanisme national de prévention de
la torture. Le CNDH souligne qu’une approche axée sur les droits de
l’Homme est intégrée à la Stratégie nationale de la santé publique.
A juste raison, il prise l’adoption des modalités efficientes pour
soutenir le droit des groupes vulnérables à la santé. Satisfaisant la
demande du CNDH en 2015, le Maroc a procédé à la reconnaissance de
21 associations par la loi d’autant plus que le Parlement a cadré en
parfait écho aux injonctions émises par un mémorandum d’accord
véhiculé par le CNDH relatif à l’examen de la législation notamment au
chapitre de la justice militaire, la traite des êtres humains et le travail
domestique des enfants.
Optimisant le processus de justice transitionnelle, le Maroc a
dédommagé certaines victimes de transgressions des droits de l’Homme
d’autant plus que les victimes et les proches ont bénéficié des mesures
relatives aux soins de santé ainsi qu’aux programmes de réinsertion
sociale. Dans la même veine, le CNDH soutient que l’adoption de la loi
sur la famille s’affiche positive.
En revanche, la pleine jouissance féminine des droits est entravée
par des insuffisances d’ordre juridique dont la polygamie, l’accès des
213 Ibid 214 Ibid 215 Ibid
141
femmes à la tutelle légale, la discrimination en matière de la succession
et l’accès à la terre sont les faits les plus saillants.
A cet effet, il a été vivement recommandé au Maroc au cours de
l’EPU 2017 notamment par le CNDH d’avaliser les recommandations
qu’il a rejetées lors du deuxième cycle de l’EPU, entre autres la révision
du Code de la famille satisfaisant ainsi à l’exigence de l’égalité entre les
hommes et les femmes en matière d’héritage.
De même, il lui a été prêché de prohiber le mariage des mineurs.
Force est de souligner la souscription marocaine aux standards
démocratiques universellement reconnus , laquelle souscription se
cristallise par la mise en œuvre d’une loi sur la traite des êtres humains
et d’une politique de la migration ainsi qu’une large campagne de
régularisation exceptionnelle amorcée en 2014 faisant bénéficier à 70 %
des demandeurs enregistrés.
Il a été fortement recommandé au Maroc lors de l’examen
périodique universel de 2017 d’optimiser le recours aux instruments
internationaux par les tribunaux nationaux dans l’élaboration de leurs
décisions.
Le CNDH recommande l’amélioration du mandat de l’Autorité
pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination de
façon à la pourvoir des ressources nécessaires pour accomplir de son
mission de manière indépendante tout en promulguant une loi cernant le
cadre conceptuel de la discrimination et envisageant des sanctions
adaptées.
Il a par ailleurs prêché de rendre effectives dans son ordre interne
les dispositions de la résolution de l’Assemblée générale instituant
l’adoption d’un moratoire de jure sur l’application de la peine de mort,
et prévoyant l’adhésion au Deuxième Protocole facultatif se rapportant
142
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ciblant
l’abrogation de la peine de mort.
Dans un autre ordre des idées, le CNDH estime primordial la mise
en œuvre de procédures au profit des personnes mises en garde à vue en
matières d’abord d’aide juridique automatique ne requérant aucune
autorisation préalable , et ensuite de la pleine jouissance d’un examen
médical au début et à la fin de la garde à vue avec enfin l’observance de
la condition de la généralisation de l’enregistrement audiovisuel des
interrogatoires.
Dans cet esprit, le CNDH incite le Maroc à procéder
méthodiquement des évaluations médicales se rapportant aux cas
d’allégations de torture et enclencher objectivement des enquêtes justes
et équitables sur ces allégations à tous les niveaux du procès.
A ce juste égard, il importe éminemment d’envisager des peines
de substitution et de réformer la procédure de grâce afin résorber la
surpopulation carcérale. Du reste, le CNDH insiste sur la nécessité de
mettre en place des mécanismes de protection des journalistes dans
l’exercice de leur profession en rendant effectif le droit d’accès à
l’information. En effet, si l’accès à l’information publique a été promu
au Maroc suite à l’adoption de la Constitution de 2011 (art.27),
différentes contraintes institutionnelles et une certaine « culture du secret
» 216 rendent opaques un certains nombre de procédures – relatives
216 Conforté par le flou qui entour l’accès à l’information publique. Citons à cet égard l’article
18 du décret portant statut général de la fonction publique, promulgué le 24 février 1958 et
ainsi formulé Indépendamment des règles instituées dans le code pénal en matière de secret
professionnel, tout fonctionnaire est lié par l'obligation de discrétion professionnelle pour
tout ce qui concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Tout détournement, toute communication contraire
au règlement de pièces ou documents de service à des tiers sont formellement interdits. En
dehors des cas prévus par les règles en vigueur, seule l'autorité du ministre dont dépend le
fonctionnaire peut délier celui-ci de cette obligation de discrétion ou le relever de
143
notamment à des circulaires précisant ou limitant des dispositions
législatives – et de données publiques qui rendent d’autant plus difficile
le travail de collecte d’informations par le
Chercheur217.
Il a été vivement recommandé au Maroc par le CNDH à l’occasion
de l’EPU 2017 d’instaurer des plans d’action nationaux fondés sur des
objectifs de développement durable puisant dans une conception basée
sur les droits de l’Homme.
Pour autant, le CNDH prise l’adoption d’une approche prônant
équité et qualité en procédant à la réforme du système éducatif national.
Cependant, la ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de
l’homme relève que bien que les textes balisant l’organisation dudit
Conseil prévoient des compétences relatives aux plaintes dans le
domaine de transgression des droits de l’Homme, ces compétences
demeurent entachées de la généralité218 exemptes de toute définition des
mécanismes de ces plaintes ou détermination de garanties commanditant
partant la coopération des organismes de l’État avec les institutions
nationale dans l’ultime visée de rendre justice aux victimes.
l'interdiction édictée ci-dessus. » - Décret royal sur le statut général de la fonction publique,
24 février 1958 ; Bulletin officiel 2372, 11 avril 1958, article 18.
217Nadia Khrouz. La pratique du droit des étrangers au Maroc : essai de praxéologie juridique et politique, Université Grenoble Alpes, Science politique. Thèse dirigée par Baudouin
Duprêt, présentée et soutenue publiquement le 2 juin 2016, 381p, p 79. Pour d'amples renseignements, se référer au plaidoyer mené par le Réseau Marocain pour
le Droit d’Accès à l’Information (REMDI). Cf,Saâd Filali Meknassi, Accéder à l'information
c'est notre droit - Guide pratique pour promouvoir l'accès à l'information publique au Maroc,
UNESCO, Edité et publié par le secteur Communication et Information Du Bureau de
l’UNESCO pour l’Algérie, Le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie , 2014, pp35. 218Rapport de La ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de l’Homme dans le cadre de
l’Examen périodique universel de 2017 à l’occasion de la présentation par le Maroc de son
troisième rapport national, p 2
144
Par ailleurs, la compétence du CNDH paraît bien cantonnée
compte tenu son activité purement académique dans l’émission des avis
et des publications sur les questions relatives aux droits de l’Homme.
Loin d’impliquer les représentants de la société civile œuvrant
dans le domaine des droits de l’Homme, le CNDH adopte une attitude
discriminatoire, rappelle le rapport de la ligue marocaine pour la
citoyenneté et les droits de l’homme219.
Encore faut –il espérer que le Conseil ne serait plus perçu en tant
qu’une instance d’opposition comme le laisse entendre la relation de
Benkirane avec ledit Conseil au point qu’il réagissait
exceptionnellement à ses initiatives et propositions220. Il ne ressent pas
non plus du mal à ignorer son devoir de consulter le CNDH pour les
questions en relation avec les droits de l’Homme à moins qu’il ne soit
contraint221.
Preuve à l’appui , en mars 2014, à l’issue d’un conseil du
gouvernement, le gouvernement a procédé à la conception d’un
communiqué pour témoigner de sa volonté de donner suite aux plaintes
émanant dudit Conseil de façon à interagir rapidement et à répondre
efficacement aux doléances et suggestions émanant aussi bien du
Conseil national des droits de l’Homme que de ses délégations
régionales au niveau national tout en prévoyant la mise en place des
points de liaison permanents avec la désignation des interlocuteurs au
sein des ministères concernés par ces plaintes.
219Ibid
220Tahar Abou El Farah, « La difficile cohabitation entre les instances de bonne gouvernance et
le gouvernement » Le Soir Echo, 21 Juin 2015. Sur :
http://lavieeco.com/news/maroc/politique/la-difficile-cohabitation-entre-les-instances-de-
bonne-gouvernance-et-le-gouvernement-34331.html 221 Ibid
145
Il a même établi un délai maximum de trois mois pour répondre à
ces plaintes estimées à 50 000. Rien de tel ne s’est produit et même le
communiqué s’est évaporé en fumée épaisse.
Un communiqué public était prévu en ce sens. A ce jour, aucune
trace de ce communiqué, ni de la suite accordée à ces doléances. On
comprend que la réaction de Benkirane était beaucoup plus motivée par
la conjoncture marquée par une campagne de dénonciation visant le
gouvernement à ce sujet à Genève où ledit Conseil avait réunion.
Récemment, le projet de loi76.15 relative à la réorganisation du
Conseil national des droits de l'Homme ciblant la réorganisation du
Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) est examiné par la
commission permanente de la législation et des droits de l’Homme à la
Chambre des représentants.
Les enjeux en sont diversifiés .Ce projet de loi contenant 65
articles, approuvé par le Conseil du gouvernement en mai dernier, puis
déposé en juillet à la Chambre des représentants n'a été initialement
examiné qu'au début du mois de décembre dernier par la commission
permanente de justice, de législation et des droits de l'Homme.
Force est de noter que ce texte renferme deux principaux enjeux.
D’abord, il permet au texte régissant le CNDH d’être en parfaite
harmonie avec la loi fondamentale, singulièrement avec les articles 161
et 171 de la Constitution.
En outre, il admet l'incorporation dans le nouveau texte des attributions
nouvelles du CNDH. Il s’agit principalement des mécanismes nationaux
de renforcement et de protection des droits de l’Homme.
En effet, le projet de loi 76-15 relatif à la réorganisation du CNDH
consacre la création au sein du Conseil de trois mécanismes nationaux
de prévention de la torture, de recours pour les enfants victimes de
146
violation des droits des enfants et de protection des droits des personnes
handicapées222.
L'élément qui se signale est la création du mécanisme national de
prévention de la torture vu que le Maroc est le 76e pays à avoir ratifié le
«Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels inhumains ou dégradants», après avoir déposé les
instruments de ratification du protocole en 2014.
Le Maroc a procédé conformément aux dispositions du protocole
stipulant la création d’un mécanisme national de prévention de la torture,
bénéficiant d’une indépendance fonctionnelle, de l’indépendance de son
personnel et d’experts possédant les compétences et les connaissances
professionnelles requises disposant d’un staff compétent, indépendant et
des ressources
nécessaires à son fonctionnement223.
Ce mécanisme de prévention est compétent à effectuer des visites
régulières imprévues sur tous les lieux de privation de liberté, ce qui est
de nature à prévenir d’éventuelles violations , à accéder sans restriction
à tous les renseignements relatifs au nombre de personnes privées de
liberté dans les lieux de détention, au nombre de lieux de détention et à
leur emplacement et à accéder également sans restriction à tous les
renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs
conditions de détention. Toutes ces prérogatives ont été prévues dans le
projet de loi 76-15.
222 Brahim Mokhliss , «Quels enjeux comporte loi 76.15 relative à la réorganisation du Conseil
national des
droits de l'Homme»,LE MATIN du N 03 Janvier 2018 223 Ibid
147
2. L’institution du Médiateur du Royaume
La Constitution a défini le Médiateur comme une institution
nationale indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre
des rapports entre l'administration et les usagers, de défendre les droits,
de contribuer à renforcer la primauté de la loi et à diffuser les principes
de justice et d'équité, et les valeurs de moralisation et de transparence
dans la gestion des administrations, des établissements publics, des
collectivités territoriales et des organismes dotés de prérogatives de la
puissance publique. Le principe de la primauté du Droit et de l'équité
sont les raisons intrinsèquement inhérentes à la création dudit Médiateur.
Par ailleurs, il satisfait à l'objectif de corriger les travers et les
atteintes essuyés par les citoyens en raison des anomalies dans certaines
administrations ou de leur mauvaise application de la loi, suite à des
actes d’arbitraire, des excès et des abus de pouvoir commis,
éventuellement, par des responsables administratifs.
En fonction de l’article 5 du dahir portant création de l’Institution
du Médiateur du Royaume, le Médiateur est chargé d’instruire, soit de
sa propre initiative conformément aux modalités fixées dans le
Règlement intérieur de l’Institution, soit sur plaintes ou doléances dont
il est saisi, les cas qui porteraient préjudice à des personnes physiques
ou morales, marocaines ou étrangères en raison de tout acte de
l’Administration, qu’il soit une décision implicite ou explicite, une
action ou une activité, considéré contraire à la loi, notamment lorsqu’il
est entaché d’excès ou d’abus de pouvoir, ou contraire aux principes de
justice et d’équité.224
224 Sur: https://www.mediateur.ma/index.php/fr/principe-de-la-primaute-du-droit-de-lequite
148
Dans la même veine , le Médiateur s'érige en une force de
proposition et de suggestion Chargé de promouvoir l’intermédiation
entre les citoyens, individus ou groupes, et les administrations ou tout
organisme titulaire de prérogatives de puissance publique, et d’inciter
ces dernières à respecter les règles de la primauté du Droit et d’Équité,
le Médiateur du Royaume exerce à cet effet une triple mission auprès de
l’Administration : contrôle, proposition et amendement225.
A cet esprit, il exerce, à côté des structures existantes, un nouvel
aspect de contrôle sur les administrations qui se déploie en un pouvoir
de redressement dans la mesure où il examine les plaintes et les
doléances des citoyens formulant des décisions et actes administratifs
jugés antagoniques aux règles de la primauté du Droit et de l’Équité.
Par ailleurs, la suggestion de mesures susceptibles d’améliorer
l’efficacité de l’Administration confère à l’Institution du Médiateur du
Royaume un pouvoir réel de proposition, et en fait une source
d’amendement des règles et procédures préjudiciables aux citoyens et
aux administrés dans le sens de leur simplification et de leur allégement,
de la suppression des obstacles bureaucratiques et de la réforme des
structures administratives.
Le Médiateur du Royaume présente au Chef du Gouvernement des
recommandations de portée générale afférentes aux mesures susceptibles
de cadrer en écho avec les doléances qui lui sont soumises. Il émet
identiquement des propositions relatives aux mesures ciblant
l’optimisation de l’efficacité des administrations, objet des plaintes, et la
correction des anomalies et déficits inhérentes au fonctionnement de
leurs services, et la réforme des textes les régissant.
225 Ibid
149
En outre, il l’informe, le cas échéant, du refus des administrations
concernées de donner suite à ses recommandations. Les plaintes sont
présentées au Médiateur, au médiateur régional ou, le cas échéant, au
médiateur local par toutes les personnes physiques ou morales de droit
privé ; Individuellement ou en groupes.
Quand la plainte est présentée par un groupe de personnes, ceux-
ci doivent y préciser l’identité de chacun d’eux, émargée de leurs
signatures, avec la désignation du mandataire qui les représente auprès
de l’Institution, sauf lorsqu’il s’agit d’un avocat.
Le plaignant directement, ou une personne qu’il mandate à cet
effet ;
Le plaignant peut désigner une autre personne pour le représenter
en vertu d’une procuration spéciale, sauf lorsqu’il s’agit d’un avocat. Les
plaintes pourront être transmises par courrier ordinaire ou recommandé ;
par un dépôt direct au siège de l’Institution et tout autre moyen de
communication.
Pour être recevable, la plainte doit être écrite, signée par son auteur
ou par son représentant mandaté à cet effet. Elle doit comporter les
indications complètes sur son identité : prénom, nom, adresse complète,
et s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination, sa nature, l’adresse
de son siège social, son représentant légal, ainsi que tout autre moyen de
contact possible. Elle doit mentionner l’administration objet de la
plainte, présentée à l’encontre de sa décision ou de son agissement. Elle
doit en outre présenter les preuves et les pièces justificatives, lorsque le
plaignant, en dispose.
Par ailleurs, les plaintes peuvent être formulées oralement. Dans
ce cas, elles doivent être consignées et enregistrées par les services
compétents de l’Institution du Médiateur. Il en est délivré une copie à
150
l’intéressé. Or, les plaintes et les doléances comportant une diffamation
ou une injure, à l’égard de toute personne ou d’un organisme déterminé,
ne sont pas recevables
Un accusé de réception portant la date et le numéro
d’enregistrement est remis ou envoyé à l’auteur de la plainte.Imprimer
E-mail Imprimer E-mail Au cas où le Médiateur serait résolument
persuadé de la véracité des faits contenus dans la plainte et de la réalité
du dommage essuyé par le requérant, il statuera en observance des
injonctions d’indépendance et de neutralité, en se fondant sur la
prééminence du Droit et des principes de Justice et d’Équité. En
conséquence, il exhorte l’administration intéressée à donner suite à la
requête du plaideur, dans un délai ne dépassant pas les 30 jours en
communiquant au Médiateur les actions entreprises en ce sens.
Le Médiateur est habilité à proroger le délai, une seule fois, sur
demande justifiée de la part de l’administration. En outre , il peut
solliciter à l’administration concernée de réexaminer le cas à la lumière
des circonstances nouvellement explicitées en s’alignant sur les canons
de la légalité et des principes de Justice et d’Équité et en motivant sa
décision définitive.
Or, au cas où l’administration se refuse de répondre, il se trouve
acculé, après l’expiration du délai fixé, à émettre une recommandation
comprenant la solution qu’il juge équitable pour le plaideur qui sera
avisé des mesures adoptées.
Par ailleurs, le Médiateur demeure incompétent pour trancher les
questions afférentes aux doléances ambitionnant la révision d’une
décision de justice irrévocable ; aux plaintes relatives aux questions pour
lesquelles la justice a été saisie ; aux questions qui touchent à la
151
compétence du CNDH.
CONCLUSION
152
Le respect d’une collectivité aux valeurs de liberté et des droits
présuppose l’inscription constitutionnelle des droits humains et des
libertés publiques corrélée à l’élaboration d’un statut destiné à en
permettre l’effectivité de l’exercice. Cette inscription ne serait que
poursuite de vent sans une consécration effective de la suprématie de la
Constitution.
A ce juste niveau, la nouvelle Constitution de 2011 qui souscrit à
une démarche gradualiste abordée depuis les années 1990, incarne,
répète-t-on, le couronnement d’un processus de transition démocratique
amorcé dans les années 1990 avec la sortie des «années de plomb».
Elle ambitionne la consolidation de l'État de droit qui serait, à en croire
le Constituant, mieux réconfortée par la consécration de la primauté de
la Loi fondamentale.
Cet État de droit implique inexorablement la protection des droits
-libertés qui sont appelés droits de statut négatif dans la mesure où ils
impliquent l’abstention de l’État et garantissent la protection d’une
sphère de liberté individuelle. Ils engendrent d’autres droits
fondamentaux qui lui sont inhérents et dont la portée et la valeur
diffèrent226.
La consécration de la suprématie de la Constitution est une
condition sine qua non dans l'instauration des garanties des libertés
publiques. La suprématie de la Constitution n’a été consacrée dans le
constitutionnalisme européen qu’après la seconde guerre mondiale au
226 L’expérience constitutionnelle française renseigne que le juge constitutionnel procède à une
stratification du système des droits fondamentaux .En effet, il commence par identifier, les
droits fondamentaux dits majeurs voire matriciels dans la mesure où ils édifient le
soubassement du système des droits fondamentaux.
Il en déduit, dans un second temps, les droits qui, par essence, s’y rattachent attendu qu’ils
constituent le corollaire de ces principes et en boostent la portée.
153
lendemain du précédent bref de l’Autriche, dans la mesure où la
souveraineté parlementaire s'est interposée à l’existence du contrôle de
constitutionnalité des lois.
En Espagne, cette suprématie est consacrée par la Constitution en
vigueur, après le bref précédent de la Seconde République (1931-36).
Cette primauté se justifie, au demeurant, du fait que la Constitution
renferme un système de valeurs qu'elle s'emploie à réaliser. Cette
approche puise son authenticité du constat que la démocratie exclut les
valeurs antinomiques pour se protéger.
De même, l’efficacité directe des droits fondamentaux et leur
«contenu essentiel » découle de l’idée que tous les pouvoirs sont exigés
par la Constitution. Cette théorie du «contenu essentiel» de droits
fondamentaux, d’origine allemande, s'affiche telle la formule efficiente
pour prévenir efficacement la violation des droits par le législateur.
Dans les faits, la supériorité de la Constitution est une évidence à
condition toutefois d'en préciser la nature. Cette primauté est
inéluctablement incontestable sur le plan symbolique et politique.
Toutefois, la question se pose quant à l'effectivité de la garantie qu'on
attend d'elle.
En somme, il s'agit de la sanction de sa supériorité juridique. En
ce sens, Pelet se demande si le législateur respectera les droits des
citoyens et si la Constitution comporte la disposition qui préviendra la
violation de ces droits. Il conclut qu'il faut entourer la liberté publique
de formes plus rassurantes227. Mailhe, quant à lui, doutant après Rouzet
de l'utilité d'un Préambule, se demande si la Déclaration des droits serait
une loi ou un simple package d'abstractions philosophiques.
227 Séance du 19 germinal An III, Mon. univ., 24-173.
154
Cela étant, en quoi pourrait-elle s'avérer utile si une Déclaration
ne s'imprime pas de la forme légale ? Au cas où l'on ne dépasserait le
prisme de principes, à quoi servent, par conséquent, des fondements
auxquels on n'est pas lié ?228
Il y avait en réalité dans la crainte de proclamer les principes celle
de leur valeur juridique obligatoire qui pourrait servir d'appui à des
réclamations inacceptables229. A ce juste propos, Cambacérès soutient, a
contrario, l'utilité d'une telle proclamation pour mieux forcer le
législateur au respect de la Constitution : « L'on donne au corps législatif
une latitude beaucoup trop effrayante, si on ne l'astreint à des règles dans
l'exercice de ses pouvoirs »230martèle-t-il.
Il faut, somme toute, établir des principes de manière concise
d'autant plus qu'une loi peut recéler un objectif dissimulé voilé du
peuple.
On attend comme une garantie indispensable que la Constitution
proprement dite soit effectivement un texte de nature supérieure.
Thibaudeau contredit la confiance dans de simples lois organiques pour
la mise en œuvre de la constitution :
« On dit qu'une loi organique peut faire disparaître toutes ces
craintes ; mais, citoyens, faites attention que toute loi qui n'est pas constitutionnelle
peut être abrogée par le corps législatif (on applaudit). Une loi qui sert de garantie à
la liberté du peuple et à celle de ses représentants doit être immuable comme la
constitution [...] »231.
228 Séance du 16 messidor An III, Mon. univ., 25-148/149 229 Voir par exemple Thibaudeau dans la séance du 26 thermidor An III, Mon. univ., 25-501 :
« [...] je demande la question préalable sur toute déclaration des devoirs, car plus vous
jetterez dans la société de ces maximes imparfaites et isolées, plus leur interprétation y
répandra le trouble et la confusion ». 230 Séance du 29 germinal An III, Mon. univ., 24-245. 231 Séance du 1
er germinal An III, Mon. univ., 24-32.
155
Dans cette perspective, la garantie demeure dans la procédure de
révision constitutionnelle et dans la relative rigidité du texte. Sieyès
conviait, en effet, en 1788 à dissiper les confusions entre le pouvoir
constituant et les pouvoirs constitués.
Dans cette veine, la Constitution s'annonce comme la référence
supérieure pour le «tribunal législatif » de la même façon que la loi l'est
pour les tribunaux judiciaires. Il affirme dans son second discours qu'«
une constitution est un corps de lois obligatoires, ou ce n'est rien [...] »232.
Daunou sera bien plus concis en 1819 qu'en 1795 : «Une
constitution n'est évidemment rien du tout, si ce n'est pas la loi de toutes
les autres lois »233.
Certes, la supériorité de la Constitution est confirmée. Il importe
seulement d'en percevoir la nature et d'en dégager les instruments
constitutionnels. A cet effet, Carré de Malberg certifiait que la garantie
principale des droits individuels était la séparation des pouvoirs
constituant et constitué.
Or, force est d'assister à deux processus néfastement pernicieux à
cette perspective, à savoir le déclassement de la Constitution et
l’anéantissement des principes de limitation du pouvoir politique. En
effet, le déclassement est une opération qui s'emploie à modifier, par un
acte réglementaire, une disposition de forme législative ne devant pas,
en principe, relever du domaine de la loi. On note à ce juste niveau une
volonté de contourner la Constitution par des articles juridiques. Par
conséquent, le déclassement de la Constitution indique un certain
nombre d’actes tendant à la faire passer de sa situation de norme
fondamentale à une loi comme les autres.
232 Séance du 18 thermidor An III, Mon. univ., 25-442. 233 Daunou, op, cit,. p. 159.
156
Ce processus repose sur une remise en cause de la suprématie de
la Constitution. Au Maroc, comme ailleurs, dans les pays africains, on
assiste, à une volonté des dirigeants à une nette «
déconstitutionnalisation » de la Constitution accentuant davantage la
crise de la normativité de la Constitution.
La conviction de cette normativité évoque la question de l’État de
droit dont le respect s’affiche comme une exigence constitutionnelle.
Par ailleurs, les mécanismes de contrôle et de garantie des libertés
publiques en général, jouent un rôle immense dans la préservation
desdites libertés mais il faut avouer qu’ils sont encore non-efficients
quant aux transgressions pesantes et réitérées des droits de l’Homme,
c’est cette inadaptation qui entrave une réelle effectivité de ces
mécanismes.
Qu’il soit toléré de conclure que maints réflexes liberticides
entachent l’effectivité de la jouissance des libertés publiques au Maroc.
Nonobstant les promesses de la nouvelle Constitution, des dérapages
obscurantistes entravent la mise œuvre substantielle des ses dispositions.
Pour autant, « on ne change pas une société par décret105 ».
Tomberait en poussière l’édifice patiemment construit sur la base de la
ferme volonté de piloter la transition à une société libérale supplantant
tout germe d’un État de confusion de pouvoirs et d’autoritarisme. Cette
transition démocratique est truffée d’indicateurs de vulnérabilité.
La survivance des mêmes réflexes administratifs réfractaires à
toute démocratisation axée sur une préparation à la citoyenneté et aux
valeurs démocratiques. Du reste, se déploie la résurgence des pratiques
issues d’anciennes mentalités, lesquelles sont attentatoires non
seulement aux valeurs démocratiques mais à la Constitution.
157
Sans conteste, la restauration de la suprématie de la Constitution
est tributaire à ce juste niveau, à un changement des mentalités.
En outre, les autorités à qui incombe l'application de la loi sont enclines
à se dérober à leurs exigences.
Il n’en demeure pas moins vrai que la justice qui est censée
garantir la protection des droits et des libertés fléchit sous le joug de la
soumission à l'administration qui s'interpose à la réalisation de sa
mission et reste assujettie au contrôle de l’exécutif.
En conséquence, force est de plaider en faveur d’une «
interprétation démocratique » de la nouvelle loi fondamentale et de sa
mise en œuvre. D'où l'intérêt du contrôle du respect des libertés
publiques qui engage pour sa part des pouvoirs de coercition
fréquemment amarrés à une structure étatique, ou supra-étatique.
De surcroît, l’érection de l’État de droit se heurte devant la
résilience perverse des interactions dialectiques paradoxales entre
Constitution et société.
Sans conteste, les garanties constitutionnelles balisent l’équilibre de la
société. Il n’en reste pas moins vrai que l’équilibre social garantit aussi
l’équilibre constitutionnel234.
Les garanties constitutionnelles ne sauraient être effectives sans
une activation de la responsabilité redditionnelle des fauteurs d’atteintes
aux libertés publiques et sans une extirpation de la pauvreté matérielle et
singulièrement mentale de la population, tant il est vrai qu’« il faut un
minimum de confort pour pratiquer la vertu235 ».
234 Sasso Pagnou, « Essai d’explication du déficit de garantie de la liberté politique au Togo
», op,cit,. 235 Ibid
158
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➢ Michel Troper, « Kelsen et le contrôle de constitutionnalité », in Carlos-
Miguel Herrera (Dir.), Actualité de Kelsen en France, Bruylant-LGDJ,
Paris, 2001
➢ Mahmoud Anis Bettaieb, « La protection de l’investissement étranger au
Maghreb (Algérie, Maroc, Tunsie), OECD ,Global forum on international investment ,27-
28mars 2008
➢ Najib Akesbi : «les véritables autorités au Maroc sont le Palais et la
Banque Mondiale» Lakome, 25 juin 2013
➢ Omar Bendourou, « Les droits de l’homme dans la constitution
marocaine de 2011: débats autour de certains droits et libertés », La
Revue des droits de l’homme [En ligne], 6 | 2014, mis en ligne le 28
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➢ Omar Bendourou, « La justice constitutionnelle au Maroc », in Revue de
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➢ Patrick Juillard, « Chronique de droit international économique »,
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➢ Said Ihraî, « Le droit international et la nouvelle Constitution », In « la
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➢ Stéphane Astier , « Une régulation éthique de l’internet : les défis d’une
gouvernance mondiale », RISA 2005
➢ Tahar Abou El Farah, « La difficile cohabitation entre les instances de
bonne gouvernance et le gouvernement » Le Soir Echo, 21 Juin 2015
➢ Yves-André Fauré, « Les Constitutions et l’exercice du pouvoir en
Afrique. Pour une lecture différente des textes », Politique africaine,
no 1, 1981
➢ Yves Gaudemet, « Le pouvoir judiciaire dans la Constitution marocaine
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Commentaires », sous la direction du Centre d’Etudes Internationales,
2012, L.G.D.J
➢ Vanessa Ratté , « La démocratie du Québec et d'ailleurs », Éthique
publique [Online], vol. 13, n° 2 | 2011
B. Chronique
➢ Chronique constitutionnelle, in Revue « Justices », Ed. Dalloz, 1996
C. Rapports (Classés par année de publication)
➢ Amnesty International — Rapport 2016/17, la situation des droits
humains dans le monde
➢ Rapport de La ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de
l’Homme dans le cadre de l’Examen périodique universel de 2017 à
l’occasion de la présentation par le Maroc de son troisième rapport
national.
➢ « Recent developments in international investment agreements (2006 –
June 2007) », UNCTAD,IIA Monitor, n° 3, (2007)
IV. Dahirs, Discours royaux et mémorandums
167
A. Dahirs royaux
➢ Dahir n° 1-14-139 du 16 chaoual 1435 (13 août 2014) portant
promulgation de la loi organique n° 066-13 relative à la Cour
constitutionnelle.
➢ Dahir n° 1-07-169 du 30 novembre 2007 portant promulgation de la loi
n°08-05 abrogeant et remplaçant le chapitre du titre V du Code de
procédure civile.
B. Discours royal
➢ Discours royal du samedi 29 juillet 2017
C. Mémorandums
➢ Mémorandum du FJV présenté à la Commission de Révision de la
Constitution, le 11 avril 2011 en arabe.
➢ Mémorandum de l’OMDH sur la révision de la Constitution, de 11 avril
2011 version arabe
➢ Mémorandum pour modifier la loi 00/76 réglementant les
rassemblements public », AMSED avec l’appui du projet SANAD de
l’USAID/février2012.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par L’ASSOCIATION ESPACE DE
DEVELOPPEMENT DURABLE,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par LE RESEAU MAILLAGES, 2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par LA LIGUE DES ASSOCIATIONS
REGIONALES,2011.
168
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par L’UNION NATIONALE DES FEMMES
MAROCAINES ,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par L’ASSOCIATION DES
PROFESSEURS DE L’EDUCATION ISLAMIQUE,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le Réseau marocain Euro-Med des
ONG,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le Réseau marocain transnational
migration et développement,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par la Fédération de la ligue démocratique des
droits de l’homme, 2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le Collectif démocratie et
modernité,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par Le Réseau amazigh pour la citoyenneté-
AZETTA,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par l’INSTITUT MAROCAIN DES
RELATIONS INTERNATIONALES , 2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par l’ASSOCIATION MAROCAINE POUR
LES DROITS DES FEMMES,2011.
169
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par l’ASSOCIATION TOUCHE PAS A
MON ENFANT,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par TRANSPARENCY MAROC,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par FONDATION KARAMA,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le Réseau DEVENETWORK, 2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le MOUVEMENT NOUVEL ELAN ,
2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par l ’INSTANCE DES MAROCAINS
EXPATRIES POUR LA REFORME DE LA CONSTITUTION, 2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le FORUM DES ALTERNATIVES
MAROC, 2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par l’UNION D’ACTION FEMININE ,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le PRINTEMPS FEMININ DE LA
DEMOCRATIE ET DE L’EGALITE, 2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par l'INSTITUT AMADEUS ,2011.
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le MEDIATEUR POUR LA
DEMOCRATIE ET LES DROITS DE L’HOMME ,2011.
170
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par le MOUVEMENT POUR LA PARITE
,2011 .
➢ Mémorandum adressé à la Commission Consultative chargée de la
révision de la Constitution par l'ASSOCIATION DEMOCRATIQUE
DES FEMMES DU MAROC ,2011
D. Entretien
➢ Entretien au quotidien, L’Economiste, édition n° 2703 du 30 janvier
2008, avec Azzedine Kettani , avocat au barreau de Casablanca.
V. Sites Internet et ressources électroniques
➢ https://cestadire.weebly.com/233-droit---constitutionnel.html
➢ http://bamada.net/la-question-de-la-revision-de-la-constitution-au-mali-
decryptage-juridique-du-dr-remi-honore-dara-au-regard-du-droit-
constitutionnel
➢ http://www./article/la-justice-constitutionnelle-entre-legitimite-et-
effectivitebripar-le-pr-nadia-bernoussii
➢ http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:xqybYAZ6Ws
IJ:www.medias24.com/DROIT/160466-Qu-est-ce-que-le-CIRDI-
epouvantail-d-Al-Amoudi-contre-le-
Maroc.html&num=1&hl=fr&gl=fr&strip=1&vwsrc=0
➢ http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-21/le-
principe-de-clarte-de-la-loi-ou-l-ambiguite-d-un-ideal.50557.html
➢ http://journals.openedition.org/revdh/907
➢ http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/publications/contributions-et-
171
discours/2009/les-garanties-constitutionnelles-des-droits-et-libertes-
politiques-en-france.147422.html
➢ http://www.huffpostmaghreb.com/hassan-zouaoui/la-crise-des-partis-
politiques marocains_b_16748870.html -marocains_b_16748870.html
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➢ http://www.ziripress.com/en-franacis/najib-akesbi-les-veritables-
autorites-au-maroc-sont-le-palais-et-la-banque-mondiale/
➢ https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2013-6-p-
1163.htm
➢ http://www.mission-maroc.ch/fr/pages/218.html
➢ https://ledesk.ma/2017/07/29/texte-integral-du-discours-royal-
loccasion-de-la-fete-du-trone
➢ https://www.mediateur.ma/index.php/fr/principe-de-la-primaute-du-
droit-de-lequite
172
TABLE DE MATIERE
INTRODUCTION .................................................................................. 3
PREMIERE PARTIE : LES GARANTIE
JURIDICTIONNELLES ........................................................................ 9
Chapitre 1 : La consolidation de la justice ......................................... 11
1. L'indépendance de la justice ............................................................... 11
2. La justice constitutionnelle ................................................................ 25
2.1. Les compétences de la Cour constitutionnelle ................................ 27
2.2. Le contrôle de constitutionnalité ..................................................... 33
2.2.1. Le contrôle de constitutionnalité par voie d’action ...................... 34
2.2.2. L'exception d'inconstitutionnalité ................................................. 39
173
2.3. Le contrôle de conventionalité ........................................................ 43
Chapitre 2 : La consécration de la place du droit international
dans la nouvelle Loi fondamentale ...................................................... 48
1. La suprématie du droit international : réception ou insertion ? .......... 49
1.1. Élargissement du domaine du droit international ............................ 51
1.1.1. Les « irruptions » du droit international dans l’ordre
juridique interne .................................................................................. 51
1.1.2. La place des Conventions des droits de l’Homme ....................... 55
1.1.2.1. Le principe de l’universalité des droits humains : quelle
incorporation .................................................................................. 55
1.1.2.2. Limites du principe de l’universalité ......................................... 60
1.2. L’harmonisation de la législation nationale avec le droit
international des droits de l’Homme ...................................................... 65
2. La suprématie du droit international : une superstition
juridique ? ............................................................................................... 70
2.1. L’inscription constitutionnelle de la primauté du droit
international : une simple
épitaphe ? ............................................................................................... 71
....................................................................................................................
2.2. La suprématie de la loi interne ........................................................ 76
2.3. La consécration du filtre obligatoire de la retranscription
législative ................................................................................................ 78
2.4. Un rang légal controversé ? ............................................................. 82
2.5. L’instrument conventionnel, l’ordre juridique interne et
international : quelles interactions ? ....................................................... 84
2.5.1. La protection de l’investissement étranger .................................. 85
2.5.2. Les implications de l’accord France-Maroc sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements
................................................................................................................ 91
2.5.3. Les incidences de l’arrimage du Maroc à l’Union européenne .... 97
Chapitre 3 : Le législateur organique ............................................... 100
1. Le Conseil constitutionnel et l’incompétence négative du
législateur organique. ............................................................................ 101
2. Le contrôle des juges ordinaires ..................................................... 113
2.1. Le juge judiciaire ........................................................................... 113
2.1.1. Le cas de la réparation des erreurs judiciaires ............................ 114
2.1.2. La réparation de la dignité .......................................................... 118
2.2. Le juge administratif ...................................................................... 119
174
DEUXIEME PARTIE : LES GARANTIES NON
JURIDICTIONNELLES .................................................................... 125
Chapitre 4 : Le système politique de l'État ...................................... 127
1. La représentation parlementaire ....................................................... 127
2. La liberté politique ........................................................................... 130
Chapitre 5 : Les institutions constitutionnalisées ............................ 137
1. Le Conseil national des droits de l'Homme ..................................... 137
2. L’institution du Médiateur du Royaume ........................................ 149
CO NCLUSION .................................................................................. 154
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................