J’ai depuis longtemps aspiré à faire un stage à l’international. En tant qu’étudiante en
médecine, j’ai donc saisi l’occasion qui se présentait à moi pour faire un stage entre ma
deuxième et ma troisième année d’étude au Sénégal. À mon arrivée au pays, bien que
largement préparée par les formations prédépart, les premiers contacts avec la réalité
sénégalaise ont été saisissants. Au moment où l’on met les pieds sur la terre africaine, on
s’imprègne d’une odeur que jamais l’on n’oubliera. On apprend à vivre en tant que
minorité visible et surtout on apprend à vivre différemment.
L’adaptation des premiers jours fut relativement facile, étant toujours bien encadrée par
l’équipe et toujours entourée de mes coéquipiers. Cela permettait de s’accoutumer petit à
petit à la réalité que j’allais vivre les deux mois suivants. Puis vient la fin de la semaine,
ce samedi où chacun d’entre nous va rejoindre la famille qui l’accueillera au cours de
l’été. C’est un moment riche en émotions que celui où, les papillons au ventre, je
rencontre pour la toute première fois ma famille sénégalaise.
C’est au village de Touba Peycouck que j’ai eu la chance de faire mon stage. Je passais le
début de mes journées dans un petit dispensaire. Je travaillais avec une autre stagiaire, et
l’infirmière, de même que la pharmacienne du poste, personnes toutes deux très
accueillantes et ouvertes à nos questions. Nous avions comme tâches de faire des soins de
plaies et un peu de vaccination auprès des jeunes enfants. J’ai aussi eu la chance
d’assister à quelques accouchements au cours de l’été et de prendre les mesures des bébés
naissants. Nos assistions aussi l’infirmière lors des consultations, mais la barrière de la
langue était un obstacle plutôt important à ce niveau. Néanmoins, nous pouvions poser
des questions afin d’essayer de comprendre davantage la façon dont fonctionnait le
système de santé. Nous avons aussi pris l’initiative d’utiliser l’appareil de stérilisation qui
était présent, mais qui n’était pas employé par le personnel. Ce stage a été très
enrichissant au niveau culturel, malheureusement, pour ma part, j’ai été déçue de
constater que j’étais dans un dispensaire, où malheureusement le flot de patients était très
restreint. J’ai cependant été très satisfaite du projet que Mélanie et moi avons fait sur
l’anémie.
Le stage m’a aussi permis de prendre conscience des mes limites, c’est-à-dire que je
comprends que je ne peux pas tout changer malgré toute la bonne volonté du monde. En
effet, au cours de l’été, j’ai vécu un événement qui m’a attristée et pour lequel je me suis
sentie plutôt impuissante. Le petit Khadim, qui vivait dans ma famille, était élevé par sa
tante qui était ma mère sénégalaise. Il était dans un piètre état de santé. Un jour, en
revenant du travail, j’ai remarqué qu’il n’était plus là. Ma mère m’a alors expliqué que
comme il était malade, il était retourné chez sa maman qui devait en prendre soin et aller
à l’hôpital avec lui. Malheureusement, cette maman très croyante a décidé qu’il valait
mieux pour lui d’aller voir le marabout. Je n’ai plus eu de ses nouvelles par la suite, mais
j’étais attristée de voir que ce pauvre enfant qui avait besoin de soins médicaux
spécialisés n’aurait probablement pas la chance d’en recevoir. Ceci représentait pour moi
une très grande injustice pour laquelle, malheureusement je ne pouvais rien changer
malgré toute ma volonté.
Il y a d’autres aspects qui m’ont fasciné. J’étais impressionnée de voir à quel point les
enfants avaient l’air heureux avec si peu. Il appréciaient la moindre petite attention qu’on
leur portait et je trouvais cela tellement beau de voir la lumière dans leurs yeux. J’ai aussi
aimé le fait que contrairement à nous, occidentaux, les Sénégalais ne courent pas après le
temps. Tout semblait plus lent, il y avait beaucoup de temps pour réfléchir, chose qu’ici,
parfois nous ne prenons pas le temps de faire. À certains moments, j’avais l’impression
que le temps avait été suspendu. Aussi, ayant discuté grandement avec mon père
sénégalais, j’ai eu la chance d’apprécier le respect dont témoignaient les adultes envers
leurs parents et envers les aînés. Étant conscients de tout l’amour et l’énergie que leurs
parents ont donnés pour les élever, les enfants se font un devoir de s’occuper de ceux-ci
jusqu’à la toute fin. Je trouve que cela témoigne d’un très grand geste d’amour.
La Téranga est aussi un autre aspect que j’ai énormément apprécié dans la culture
sénégalaise. Malgré le peu de bien matériel dont dispose chacun, tout le monde
s’entraide. Je me souviendrai toujours de la journée où j’étais partie en stage à la clinique
de mon père. Ce jour-là, le ciel pesait lourd. Quelques minutes avant la fin prévue de ma
journée, l’infirmier me prévint qu’il valait mieux que je retourne tout de suite à la
maison, ce que je fis. À grands pas de course, je fuyais le nuage noir qui s’approchait à
toute allure. Je ne réussis malheureusement pas à me rendre à la maison avant que les
nuages n’éclatent. Lorsque j’arrivai à la porte, toute mouillée, celle-ci était
malheureusement barrée, car ma mère était partie en ville. Les voisins s’empressèrent
alors de m’inviter à venir chez eux le temps que tout ceci se calme. Malgré leurs pauvres
moyens, ils ont insisté pour que je mange avec eux. C’est pour moi un très beau moment
dont je me souviendrai longtemps. N’est-ce pas une valeur honorable que celle de la
Téranga?
Au point de départ, mes objectifs étaient avant tout du point de vue culturel. Donc, à ce
niveau, je suis entièrement satisfaite de mon expérience. Je suis convaincue être
désormais plus ouverte aux différences. J’ai vécu dans une famille musulmane et je me
suis bien adaptée aux coutumes différentes. J’ai vécu le Ramadan et je respecte
énormément ces personnes qui se privent chaque année, car je peux témoigner que ça n’a
rien de facile, rien de très naturel.
En bref, le stage m’a certainement fait grandir. Il m’a fait prendre conscience de la
chance que j’ai. Il m’a permis d’ouvrir mes horizons et d’être encore plus ouverte aux
différences. Il m’a fait découvrir que chaque culture à quelque chose à apprendre des
autres. Ce que j’espère plus que tout, c’est que cette expérience renversante me permettra
d’être un médecin encore plus compréhensif et ouvert au multiculturalisme.
Myriam Dumais [529]