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8/18/2019 La Connaissance Intuitive
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A. de Ivánka
La connaissance intuitive chez Kant et chez AristoteIn: Revue néo-scolastique de philosophie. 33° année, Deuxième série, N°31, 1931. pp. 381-399.
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de Ivánka A. La connaissance intuitive chez Kant et chez Aristote. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 33° année,
Deuxième série, N°31, 1931. pp. 381-399.
doi : 10.3406/phlou.1931.2626
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1931_num_33_31_2626
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_phlou_653http://dx.doi.org/10.3406/phlou.1931.2626http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1931_num_33_31_2626http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1931_num_33_31_2626http://dx.doi.org/10.3406/phlou.1931.2626http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_phlou_653
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L intuition chez Kant et chez
Aristote
381
XVI
LA CONNAISSANCE INTUITIVE
CHEZ KANT ET CHEZ ARISTOTE
L étude
que
nous
présentons ici s inspire d une pensée
fo
rmulée par plusieurs philosophes,
et
dont
il
n'est guère besoin de
souligner l'intérêt.
L analyse
méthodiquement
poursuivie
de
notre
connaissance
discursive aboutirait nécessairement
à
une forme de
connaissance
plus parfaite, à la
connaissance
intuitive. Celle-ci
serait le
fondement de l'autre, c est-à-dire que seule la
supposition
d une
connaissance intuitive,
une
et intégrale,
rendrait intelligible
l existence
et
justifierait l exercice de notre
connaissance
discur
sive,
laquelle se
compose d éléments
divers (données sensibles,
raisonnement intellectuel)
et
procède par actes successifs.
Il
nous
faut bien plutôt expliquer pourquoi
nous nous
sommes
bornés,
dans
ce
travail, aux systèmes
d'Aristote
et de Kant, étant
donné
les
divergences profondes
qui
les séparent, quant
au
mode
et
à la valeur de notre connaissance. Plutôt que de se limiter à
deux
auteurs
seulement et qui sont à tel point différents, n'eût-il
pas été préférable — se demandera-t-on — d examiner cette
pensée
sous toutes ses
formes, c est-à-dire dans toutes les théories de la
connaissance? On en aurait dégagé les éléments communs et ob
tenu de
la sorte
une
idée qui tînt
compte de tous les aspects de
la
question. Au contraire beaucoup de traits caractéristiques du pro-
mier
stade d'un ordre
nouveau
qu'
Aristote
aurait
commencé à
introduire
dans
son
dernier
cours
de
morale,
mais
ne
serait
pas
arrivé
à
réaliser
de
façon
comp
lète?
Tout
ce
que nous savons, en effet,
sur l'origine
de ses
traités
doit
nous
les
faire considérer
comme des
exposés
toujours en voie de
formation et
de
renouvellement.
Il
en
résulte que souvent ses derniers ouvrages, non seulement
sont
inachevés,
mais
se présentent
sous l'aspect
de
développements mal
ajustés
les uns
aux
autres. L'Ethique
à
Nicomaque est
bien
du nombre.
Quant
à
la
composition
générale du traité, M. M. croit
que
les livres litigieux
V,
VI et VII appartiennent
originairement à
l'Ethique eudémienne;
mais,
comme
il n'a
jusqu'ici
exposé
ses
vues à ce
sujet que de
façon fragmentaire
et occasionn
elle, ans des comptes rendus ou dans des
études
consacrées
à
d'autres
quest
ions, il n'y
a
guère
moyen
de s'y
arrêter ici.
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382
, André de
blèmc
devront
nécessairement échapper, semble-t-il,
en restre
ignant la recherche d une
manière aussi arbitraire.
Mais un examen
plus
approfondi de la question
nous
fera voir
que
ces
deux
systèmes
philosophiques,
quelles que
soient
d ailleurs
leurs divergences, envisagent
ce
pioblème de la
même manière.
Car tous deux, dans leur
théorie
de la connaissance, maintiennent
une distinction foncière entre les
données
sensibles d une part
et
l acte
du
raisonnement
intellectuel
d autre part.
Les autres systèmes
philosophiques, au contraire, tendent à réduire la
connaissance
en
tière à l un de ces deux
principes.
C est
ainsi que l atomisme ancien
et
l'empirisme moderne ne
voient
dans
la connaissance que l association des impressions sen
sibles, physiques. Pour
eux,
la valeur de la connaissance ne dépasse
pas
celle de
la
sensation.
De
même
le
rationalisme, tel
que
le
pro
fessent
Descartes et
Leibniz, envisage la sensation
comme
une
perception
confuse,
différant de la perception
rationnelle
par le
degré
de
clarté
seulement.
La
perception
comporterait
une forme
imparfaite
(sensation) et une forme parfaite (raison), mais ne comp
orterait
pas
de degrés essentiellement distincts. Tous ces
systèmes
ne doivent donc
pas
recourir à
un autre
mode de connaissance pour
unifier deux éléments qu ils ont, à si bon compte, essentiellement
identifiés. Seule la théorie affirmant que dans notre activité cognit
ive
a
pensée
ou
la
raison
est
essentiellement
distincte
de
la
sen
sation devra
chercher
le
point
de
coïncidence
de
ces
deux formes
de notre perception. Elle le trouvera
dans
la connaissance intui
tive. Or, parmi
les grands systèmes
philosophiques, seuls
ceux
d'Aristote
et
de Kant, comme
nous
l avons
déjà
dit, interprètent
notre connaissance de la sorte. Nous pouvons donc légitimement
aborder le problème en nous
attachant
à leur manière de voir.
Il
va de soi que la
manière dont
ces deux systèmes envisagent les
éléments
de ce problème
et la
solution
qu ils
y apportent
diffèrent.
Il faudra, pour
apprécier
avec justesse les différences dans leur
façon
de concevoir
la connaissance
intuitive,
analyser
d abord
la
manière dont
ils
se représentent
notre connaissance
discursive
et
retracer les
raisons
qui, logiquement, les ont
conduits
à admettre
et
à définir la
connaissance
intuitive.
* * «
Comme on
le
sait, d après
Kant ce sont les
impressions
sen
sibles
(die Empfindungen)
*) qui constituent
le
donné immédiat,
*) Die Fâhigkeit
(Receptivitàt)
Vorstellungen durch die Art,
wie
wir von
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L intuition
chez Kant
et
chez
Aristote 383
l pbjet
direct de
notre
connaissance.
L ordre
dans
lequel ces
pressions
s imposent
à
nous est
déjà
subjectif, car cet
ordre
ne
peut
pas
être lui-même une impression
*). C est
là une
des
thèses pr
imordiales
du
système
kantien. Les
deux intuitions,
celle du temps
et celle de l espace,
dans
lesquelles
toutes nos
impressions
nous
sont
données, sont donc subjectives.
Il
nous
est
impossible de nous
figurer même des impressions sensibles qui ne soient accompagnées
de ces, intuitions. Or
cette
impossibilité prouve que ces intuitions
sont la
condition
subjective de la perception et non la
perception
elle-même,
ce
qui est
perçu.
Les
mathématiques
sont indépendantes de l expérience, leurs
axiomes
étant fondés
sur
les
formes
pures
de
la perception. Cette
valeur
« à priori » confirme la doctrine de la
subjectivité
des intui
tions d espace
et
de durée. Car
ces
formes de la perception
sont
naturellement indépendantes des perceptions elles-mêmes, elles
les
précèdent dans notre connaissance, elles sont la condition même
de leur ordre. La possibilité d appliquer les
mathématiques
aux
objets sensibles prouve, une
fois
de
plus, le
caractère
subjectif
de
ces
deux
formes
de la perception.
Etre
dans l espace, être dans le
temps, sont par conséquent les
formes
que
doit
prendre le donné
sensible, pour
s adapter aux
conditions
du sujet connaissant.
Mais
les
impressions
sensibles, bien
que
organisées
de
cette
manière par les formes
à priori
de la réceptivité perceptive
(Recep-
tivitàt
der Eindriicke : Sinnlichkeit) n'ont
cependant pas
de valeur
cognitive,
tant
qu elles ne sont
pas
élevées, par un
acte
de sponta
néiténtellectuelle
(«
Spontaneitat der Erkenntnisse
»
: Verstand)
à
la sphère de la pensée, c est-à-dire de l aperception consciente.
En effet, tant que notre sensibilité seule est
affectée, sans
que
nous en ayons conscience,
cet
état n est qu un fait physique
et
ne
GegenstàndSn afficiert werden, zu
bekommen,
heisst Sinnlichkeit
(33).
Die Wir-
kung eines Gegenstandes auf die
Vorstellungsfâhigkeit,
sofern wir von
dem-
selben
afficiert
werden,
ist
Empnndung
(34)
[les nombres ajoutés
aux
citations
se
rapportent
aux
pages
de la
seconde
édition (de 1787) de la «Critique de la
Raison Pure
»
de
Kant]
') In
der
Erscheinung nenne ich
das,
was
der
Empnndung korrespondiert,
die Materie derselben, dasjenige aber, welches macht, dass
das
Mannigfaltige
der Erscheinung in gewissen Verhâltnissen geordnet werden kann, nenne ich
die
Form
der Erscheinung.
Da
das,
worinnen sich
die Empnndungen allein
ordnen, und
in
gewisse
Formen gestellt
werden
kônnen, nicht selbst
wiederum
Empnndung sein kann, so ist
uns
zwar die
Materie aller
Erscheinungen a poster
iori gegeben, die Form derselben aber muss zu ihnen insgesamt im Gemùte
a
priori bereit
liegen (34).
-
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384 André
de foanka
rentre pas
encore dans la
connaissance
comme un de ses éléments.
Il
faut donc que chaque perception, pour devenir vraiment cognit
ive, soit accompagnée d un
acte
de l autoconscience intellec
tuelle
).
Même
cela
ne
suffit
pas
encore
;
car
les actes successifs
d
autoconscience accompagnant les impressions ne constitueraient
qu une
autoconscience
intermittente
et
fragmentaire ; ils ne per
mettraient pas de
constater
l'identité du moi
connaissant
dans ses
actes successifs
2). Il faut
que
le
même acte intellectuel
qui rend
les
impressions conscientes,
les
perçoive comme nécessairement,
comme
essentiellement
liées 3). Seul
ce lien,
réunissant
une impres
sion l'autre, permet de constater l'identité du moi conscient dans
les perceptions successives, qu il réunit dans l'identité d un seul
acte
d
autoconscience. En
effet
dès que ce lien
existe,
la repro
duction
d une
perception
antérieure
ne constitue
plus
un
acte
dis
parate
avec
la perception actuelle
qui
lui disputerait
la place
dans
la conscience
;
car
alors toutes
les perceptions sont unies dans
l'identité
du
moi conscient,
aussi bien dans l acte présent
que
dans
l acte
antérieur 4). La
connexion universelle de toutes nos impres
sions st
donc une condition
indispensable
de leur perception
intel
lectuelle
5).
Cependant, cette connexion
est
l œuvre de l'intellect
seulement : la
perception
sensible ne
peut
jamais
nous
la donner,
elle ne peut nous en fournir que des éléments 6). Les rapports de
*)
Das
« Ich denke »
muss aile meine
Vorstellungen begleiten
kônnen ; denn
sonst wiirde etwas in mir vorgestellt werden, was gar
nicht
gedacht werden
kônnte,
welches ebensoviel heisst,
als
: die
Vorstellung wûrde entweder unmôg-
lich, oder fur mich
nichts
sein...
(131-32).
2)
Dièse Beziehung
(à savoir de
la
sensation au
«
moi
» conscient) geschieht
also
dadurch
noch nicht,
dass
ich
jede Vorstellung mit Bewusstsein begleile,
8ondern dass
ich
eine zu der anderen hinzusetze und
mir
der
Synthesis
dcrsclben
bewusst
bin
'( 33)
') Nur dadurch, dass ich
das
Mannigfaitige der Vorstellungen in einem
Bewusstsein begreifen
kann,
nenne
ich dieselben
insgesamt meine Vorstellungen
denn sonst
wiirde ich
ein
so vielfarbiges, verschiedenes Selbst haben, als
ich
Vorstellungen habe,
deren ich
mir bewusst
bin
(134).
*) Nur
dadurch, dass
ich ein
Mannigfaltiges gegebener Vorstellungen
in
einem Bewusstsein verbinden
kann,
ist es môglich, dass
ich
mir die Identitdt
des
Bewusstsein8
in
diesen Vorstellungen
selbst vorstelle (133).
')
Das erste
reine Verstandeserkenntnis also,
worauf sein ganzer
iibriger
Gebrauch sich
griindet...
ist der
Grundsatz
der urspriinglichen synthetischen
Einheit der
Apperception
(137).
8) Allein die Verbindung
(conjunctio)
eines Mannigfaltigen ùberhaupt kann
niemals
durch
Sinne
in uns kommen (129).
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
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L intuition chez Kant et chez Aristote 385
succession, de coexistence, etc., qui résultent de la sériation tem
porelle et spatiale de
nos
perceptions, ne constituent
pas
des con
nexions nécessaires
; au contraire,1
il faut
supposer d abord
une
connexion intellectuelle
pour pouvoir
prendre
conscience
de
la
suc
cession. Cependant
s il
existe
une connexion
nécessaire et univers
elle ntre nos impressions, elle
ne
peut se trouver que dans
ces
rapports, car seuls ils relient
toutes
nos impressions.
Donc, si notre
intelligence doit percevoir nos
impressions
comme
liées
entre elles
par des
connexions nécessaires,
afin de pouvoir en prendre con
science, elle ne peut d autre part
établir des
connexions toutes
nouvelles, purement
intellectuelles,
et
n ayant rien de corrélatif
dans
les
données des
sens.
Elle
pourra
seulement
percevoir
ces
rapports de manière
à
ce
qu ils
deviennent
des
connexions
nécess
aires, par la façon même dont elle
les
perçoit. Or,
le seul
moyen
d y arriver,
est
de concevoir ces
rapports
comme l expression d un
rapport existant
entre nos impressions,
en
dehors même de
leur
succession
ou
de leur coexistence dans
notre
perception,
et qui
soit
la raison en vertu de laquelle nous percevons un tel rapport.
Il faut supposer par
conséquent
que les impressions sont la repré
sentation
d un
objet
qui par sa nature même rend compte de la
perception
de ces impressions et du rapport qui
les
unit. L unité
de l objet auquel
nous rapportons
les impressions sensibles, ex
plique
l union intellectuelle de
ces
impressions
;
union sans
la
quelle
elles
ne
pourraient être connues. Dès
que
nous concevons
ces impressions comme représentant
un
ordre existant réellement
dans l objet
qui
se
trouve à
l'origine de nos impressions, le rap
port perçu devient une connexion nécessaire *).
Pour percevoir nos
impressions dans
une connexion
nécess
aire, il faut par conséquent les
objectiver ; en
d autres termes,
la forme de la perception
intellectuelle
est
l objectivation.
C est
pourquoi
l'intelligence, la
faculté
de la
connaissance («
Vermôgen
der Erkenntnisse
»,
137),
est
aussi
appelée
par Kant : faculté de
l objectivation
des
impressions
(«
Vermôgen den
Gegenstand
sinn-
*) Wir
finden,
dass unser Gedanke von der Beziehung aller Erkenntnis auf
ihren Gegenstand
etwas von Notwendigkeit bei
sich fùhre,
da namlich dieser
als dasjenige
angesehen wird, was dawider ist,
dass
unsere Erkenntnisse nicht
aufs
Geratewohl
oder
beliebig,
sondern
a
prion auf
gewisse
Weise
bestimmt sind,
weil,
indem sie
sich auf einen Gegenstand
beziehen sollen, sie
auch notwen-
diger Weise in Beziehung auf
diesen
untereinander ùbereinstimmen,
d.
i.
die-
jenige
Einheit
haben miissen,
welche
den Begriff
von
einem Gegenstande
aus-
macht
(pages
104-05 de l'édition première — de 1781).
-
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386
André de
Ivanka
licher Anschauung
zu
denken », 75). Connaissance du. donné et
objectivation du donné, ne sont qu un seul et même
acte
de
l i
ntelligence vu sous
deux aspects
différents. Les
connexions
intel
lectue l les
de
nos
impressions
sont
l objectivation
des
rapports
exis
tant
entre
nos
impressions dans la sériation temporelle. Les con
cepts
intellectuels
exprimant les formes de ces connexions, les
catégories,
sont l objectivation conceptuelle des différents types de
rapports pouvant exister dans la sériation temporelle
tant
des
pressions
elles-mêmes
que
dans
leur ordre d ensemble.
La
percept
ionmaginative
de l aspect formel de ces types de rapports, le
«
Schema
» comme
Kant
l appelle, est
donc le
« tertium
compa-
rationis
» qui permet de subsumer un rapport donné entre des
impressions
concrètes,
sous
un
rapport intellectuel
*),
et
en
con
séquence de les objectiver.
Ces
« Schemata » ne sont donc que
les différentes
formes
des rapports
temporels.
C est
ainsi qu aux différentes catégories de la Quantité : Unité,
Pluralité et Totalité, correspond le «
nombre
» comme moyen de
mesurer et
de
saisir
une grandeur quelconque.
C est
la
répétition
imaginative
de l unité perçue
qui,
à la perception actuelle de cette
unité,
joint
la perception de la
série
temporelle constituée par les
réitérations
déjà
passées, de
cette
même perception.
De
même :
Aux
catégories de la Qualité :
Réalité,
Négation,
Limitation, correspond
la
perception
du temps comme
rempli
ou
vide d impressions. A la catégorie de Substance, correspond la per
ception d un
réel
qui persiste inaltéré dans les changements perçus
en
lui. A
la catégorie de Causalité, répond la succession d un réel
à
un
autre, dès que le premier est posé.
A la catégorie de Dépen
dance mutuelle, répond la
simultanéité
de l existence
ou
de la non-
existence d un
réel avec celle
d un autre. A la catégorie de la Poss
ibilité, répond la
concordance des
rapports entre
des
réels avec les
conditions
du temps (à
savoir
: que deux contraires ne
peuvent
exister en même temps). A la catégorie de l Existence, répond le
réel donné
à
un
moment déterminé.
A
la
catégorie
de
la
Nécessité,
le
réel
donné
est
perçu
en tout temps 2).
*) Es ist klar, dass es ein Drittes geben musse, was
einerseits
mit der
Kate-
gorie, andrerseits mit
der Erscheinung
in Gleichartigkeit stehen muss,
und
die
Anwendung der ersteren auf die letzte
môglich macht
(177).
Dieses
Dritte sind
die
sogenannten
Schemata, formale Bedingungen der Sinnlichkeit...
welche
die
allgemeine
Bedingung
enthalten, unter
der
die Kategorie allein auf irgend einen
Gegenstand angewendet werden kann (179).
3)
Pour bien
faire
ressortir la
différence fondamentale
qui
sépare Kant
d'Aris-
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
8/20
L*
intuition chez Kant et chez Aristote 387
Le
principe fondamental de la
perception intellectuelle
— à
savoir que les
impressions
doivent être
conçues comme étant
néces
sairement
toutes
liées
entre
elles — s exprime d après la diversité
des
connexions
possibles,
dans
une
quantité
de
propositions.
Telles
les suivantes : Toute impression
doit
être une grandeur étendue.
Toute impression
doit avoir
une intensité.
Tout
ce
qui subit
un
changement
reste
aussi
inaltéré
;
car dans tout
changement, il y
a un élément
qui
demeure inchangé.
Tout
changement
descend
comme
effet
d une cause antérieure, etc. Pour être perçues inte
llectuellement
les impressions^
doivent
donc être
conçues comme
soumises à ces lois.
Par
là,
on comprend comment ces lois s appliquent nécessai
rement, universellement
à
tout
ce qui
est
objet de
notre
connais
sance
encore
qu elles ne
soient
pas contenues logiquement dans
le concept même de ce
qui
nous
est
donné, comme le concept de
cause par exemple dans celui d un changement quelconque (Cr. d. 1.
R. P.2 13). Ainsi
se
résout pour
Kant, le problème
des jugements
synthétiques
à
priori.
Mais par la même raison,
ces
lois ne valent
que pour les objets de notre connaissance subjective. En effet,
puisqu elles sont
l objectivation
des rapports
fondés
sur
la forme
tote,
dans la manière
dont
le
premier
établit les catégories,
il fallait insister sur
la
valeur
qu'ils
accordent aux
«
schemata
».
En
effet
Kant
dans
son
exposé de
la «
Transcendentale Deduction
der reinen
Verstandesbegriffe
» (aussi bien dan»
la
première
édition
que
dans la seconde) pourrait faire
croire
(quelques comment
ateurs
'ont compris de la sorte) qu'il déduisait les catégories des diverses
formes
logiques du
jugement.
Il
est vrai
que
c'est là, chez Kant,
la « voie
de l inven
tion
,
la
méthode suivie
pour établir les catégories.
Les
connexions
que
notre
intelligence établit entre nos impressions
par
ces catégories quand elle se
forme
un
concept
objectif de ces
impressions,
sont
nécessairement analogues aux
con
nexions que notre intelligence constate entre nos concepts, quand il en forme
un
jugement. («
Derselbe
Verstand, und
zwar durch eben dieselben Handlungen,
wodurch er in Begriffen vermittelst der analytischen Einheit die logische Form
eines
Urteils
zu
Stande
brachte,
bringt
auch,
vermittelst
der synthetischen
Ein
heit
des Mannigfaltigen in der Anschauung ûberhaupt, in seine Vorstellungen
einen transzendentalen Inhalt », 105). Mais ce
serait
mal
comprendre
cette
ana
logie
que
de
croire que les catégories
résultent
des
formes différentes
des
juge
ments. Au contraire, si de telles formes de rapports logiques
existent
entre nos
concepts,
c'est
parce que la synthèse des impressions
dans l'élaboration du
concept s'est
faite suivant ces mêmes formes. Conclure des formes
du
jugement
aux catégories,
c'est
conclure de l effet
à la
cause.
Ce
n'est donc
pas
au sens
strict une déduction. Aussi
Kant
appelle-t-il
cette
partie de son
système
«
Leit-
faden
der Entdeckung der reinen Verstandesbegriffe » et
celle qui
suit : « Deduct
ioner reinen
Verstandesbegriffe
»
-
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9/20
388 André
de Ivanka
de notre perception sensible, elles sont subjectives comme cette
forme
elle-même, et n ont de
valeur
que
pour une intelligence
qui
comme la
nôtre,
reçoit le matériel de
ses
connaissances par le
moyen
de
la
perception
sensible
seulement
x).
On
n a
pas
le droit
cependant, de regarder la forme de
notre
perception sensible
comme la seule possible 2). Ainsi pour une intelligence qui per
cevrait
les
objets de sa connaissance dans l acte même de
l auto-
conscience
(c'est-à-dire pour
une
intelligence intuitive) les catégor
ies auraient aucune
valeur
3).
C est
ici que
nous
rencontrons pour la
première
fois
chez
Kant
le
concept
de l intelligence intuitive. Ce n'est encore qu un
con
cept problématique, destiné à
nous
faire comprendre, la
subject
ivitéde notre
manière de connaître,
en
lui
opposant
une
autre
manière de connaître dont l existence
est au
moins possible.
Quel motif
avons-nous d'attribuer
à
cette
connaissance intui
tive,
sinon une existence réelle,
au
moins une valeur
égale
à
celle
des formes
de
notre connaissance?
Car nous
pouvons
voir
dès
maintenant que la valeur de ce postulat, même s il était indi
spensable pour sauvegarder la légitimité de notre
connaissance
tout
entière, ne peut être que subjective ; puisque la valeur de -notre
connaissance aussi n'est que subjective.
Le
but de notre activité cognitive ne
peut
être
atteint
qu au
moment
où l ensemble
de nos
impressions
est
transformé intégrale-
ment, en
une
unité conceptuelle adaptée à la connaissance intel
lectuelle.
Il
s agit donc
non
seulement de
relier
les
impressions
par les catégories,
mais de
les
concevoir quant à leur
essence
par
ticulière dans une
unité
intellectuelle
qui
nous
fasse saisir
intelle
ctuellement, même le côté matériel du donné de notre connaissance.
A première vue l on pourrait croire que la raison
doit
comp
léter, dans ce sens, l unité
intellectuelle
établie par les catégo-
')
Allein
von einem Stûcke
konnte
ich
im
obigen
Beweise
doch
nicht
abstra-
hieren,
namlich davon, dass das Mannigfaltige fiir die Anschauung noch vor der
Synthesis des Verstandes
und
unabhângig von
ihr
gegeben sein musse (145).
2)
.. .
denn man kann von der Sinnlichkeit doch
nicht
behaupten, dass sie
die einzige
môgliche
Art der Anschauung sei (310). '
') Denn
durch das
Ich, als einfache
Vorstellung,
ist nichts Mannigfaltiges
gegeben... Ein
Verstand,
in welchem durch das Selbstbewusstsein zugleich ailes
Mannigfaltige gegeben wiirde, wûrde anschauen; der
unsere
kann nur
denken
und
muss
in den Sinnen die Anschauung
suchen
(135). ...
Wollte ich
mir einen
Verstand denken, der
selbst anschaute... so
wûrden
die
Kategorien
in Ansehung
eines
solchen
Erkenntnisses gar keine Bedeutung
haben (145).
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
10/20
L intuition
chez Kant
et
chez
Aristote 389
ries.
Mais
la raison
ne
s occupe pas directement des
impressions
particulières
;
son objet lui
est fourni par l intelligence,
tout
comme
l objet
de celle-ci
est fourni
par les
impressions 1).
A
supposer
même
que
la
raison
réussisse
à
établir,
d une
manière
suffisante
et logiquement irréprochable,
cette
unité
rationnelle,
elle ne réa
liserait qu une
des
deux conditions
requises
pour l unité complète
de notre
connaissance.
En
effet
elle donnerait
alors
un système
cohérent
des
règles
qui
président à l intelligence, mais sans nous
indiquer encore
le
moyen de subsumer
intégralement
les
données
sensibles
sous
les
règles
de
l intelligence 2).
Mais,
—
il
est
import
ant e
le
remarquer en vue de la comparaison à établir sur ce
point
avec la
doctrine d Aristote
—
cette
unité que la raison
tend
à
établir
dans
les règles
de l intelligence, n est
pas
une
unité
intel
lectuelle
; c est
une
unité d un autre ordre et que
l intelligence
en
vertu de
ses
principes à elle, ne saurait jamais ni réaliser 3) ni
même entrevoir 4).
L intellect
demande
seulement que, de tout ce
qui est
condi
tionné, on puisse remonter à
une
condition.
Sans
doute, la série
des
conditions
conditionnées
nous
amène finalement à l incondi
tionné,
absolu, renfermant
la totalité
des
conditions qui déter
minent
et constituent la série des
conditionnés
telle que
nous
la
percevons ; mais ceci
est
un postulat de la raison seulement.
C est
précisément
en rapportant
les règles
de
l intelligence
au
concept
de
l inconditionné
que la raison
établit son
unité
systématique
5).
Car la nature particulière de la raison lui
fait
concevoir ses objets
comme
nécessaires
; sans
quoi,
elle ne
peut
en aucune
façon les
') Der
Verstand macht fur die
Vernunft eben so
einen
Gegenstand
aus, als
die Sinnlichkeit
fiïr
den Verstand (692).
2) Sie (die Vernunft) sucht die grosse Mannigfaltigkeit der Erkenntnisse des
Verstandes auf
die
kleinste
Zahl der Principien (allgemeiner
Bedingungen)
zu
bringen und
dadurch
die hôchste Einheit
derselben
zu bewirken (361).
*)
Die
Vernunft...
geht...
auf
den Verstand,
um
den
mannigfaltigen
Erkennt-
nissen desselben Einheit a priori durch Begrifîe zu
geben,
welche
Vernunfteinheit
heissen mag und von ganz anderer Art ist, als sie von dem Verstande geleistet
werden
kann (359).
4) So bezieht sich demnach die Vernunft auf den Verstandesgebrauch... um
ihm
die
Richtung
auf
eine
gewisse Einheit
vorzuschreiben,
von
der der
Verstand
\einen Begriff
hat
und die
darauf
hinausgeht, aile Verstandeshandlungen in An-
sehung eines
jeden Gegenstandes
in
ein
absolutes Ganzes zusammenzufassen (383).
5) (Die Vernunft)
sucht die synthetische
Einheit,
welche in
der
Kategorie
gedacht wird, bis zum Schlechthinunbedingten
hinauszufuhren.
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
11/20
390
André de ïvanka
connaître
1).
Or l intelligence n a
pas
ce besoin, cette exigence,lle
ignore
ce postulat.
La
raison forme les
idées du
« Moi
», du
« Monde
», et
de
«
Dieu
»
(Dieu
étant
:
ens realissimum,) pour
avoir
un
corrélatif
inconditionné, absolu,
sous
les
trois rapports
que tout objet donné
a
nécessairement,
à
savoir : 1° d être contenu dans la
conscience
d un moi connaissant, 2° d être rattaché par les catégories à tous
les autres objets
réels, 3°
d être déterminé positivement ou néga
tivement, par
tous les
prédicats
entitatifs
possibles. De plus, la
raison
nous oblige
à
penser
des
séries de conditions ultérieur
ementonditionnées, comme si elles tendaient vers l inconditionné.
Elle répond
ainsi
à un
besoin
qui
existe indépendamment
de notre
connaissance
intellectuelle,
dans notre nature rationnelle, celui de
penser
l absolu
et d y rapporter les objets
de
notre
connaissance.
En
effet,
la
connaissance
intellectuelle, l'intelligence peut se
réaliser complètement sans
ces
trois idées ; ou plutôt, ces idées
conçues comme
objet
d une
connaissance
intellectuelle,
contre
disent immédiatement aux règles de l'intelligence,
laquelle de
mande que tout
objet
soit ultérieurement conditionné (les «
Anti
nomies »).
En fait,
notre nature
morale
réclame ces
trois idées
comme
des
conditions nécessaires, rendant possible son existence
et
son développement par
l action 2).
L unité
systématique
que
la
raison
imprime
aux
objets de
notre connaissance en les rapportant à
l absolu,
n'est donc pas,
même
pour
Kant, une condition subjective de
leur connaissance
intellectuelle, comme l étaient les
règles
de l intelligence. Cette
unité n'est
pas non
plus
un
perfectionnement de l unité
intellec
tuelle ue les règles de l intelligence y ont introduit. En réalité
cette unité n'est que le moyen de mettre
nos
connaissances en
rapport avec
les
principes de la moralité.
Même si, comme il
a
été dit précédemment, la raison n était
')
Die
Vernunft
kann
ailes
nur
a
priori
und
als
notwendig
oder
gar nicht
erkennen (803).
Sie
geht
von dem Grundsatze aus, dass
sich die Reihe
der Bedin-
gungen (in der Synthesis der
Erscheinungen,
oder
auch
des Denkens der Dinge
iiberhaupt) bis
zum
Unbedingten erstrecke (356) sie sucht... zu dem
bedingten
Erkenntnisse
des Verstandes
das
Unbedingte zu finden, womit
die Einheit
des-
selben vollendet
wird
(364).
2)
Die
letzte Absicht der weislich uns versorgenden
Natur
bei der
Einrich-
tung unserer Vernunft ist eigentlich nur aufs Moralische gestellt (829).
Les
citations
qui suivent
sont
prises de la «
Kritik
der
Urteilskraft
» Les
nombres se
rapportent
aux pages de l'édition de 1790.
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
12/20
V
intuition chez
Kant et
chez
Aristote 391
que
l achèvement
des règles
de
l'intelligence, et
l'intégration comp
lète
de l unité établie par les connexions
des
catégories, elle ne
réaliserait
de
ce
fait
que
la
moitié seulement de l'unification
que
requiert
la perfection de notre connaissance. Car
les axiomes
de
l'intelligence que la
raison
ramènerait
à
l unité d une manière par
faite
ne contiennent que la règle générale, suivant laquelle tous
les
objets de notre connaissance
doivent
nécessairement
être reliés,
par les diverses formes
des
catégories,
suivant
les
rapports
perçus
entre nos impressions.
Les termes
de la connexion
des
catégories, c est-à-dire les
ob
jets reliés
par
cette
connexion,
ne sont pas
par
là
déterminés
dans
leur être spécial et individuel.
Le
principe de causalité par exemple,
constate seulement
que,
à chaque
changement
dans
l'état
d un
ob
jet quelconque,
un
autre
changement
doit
précéder comme
sa
cause. Mais ce principe ne détermine
ni
la
qualité ni
les condi
tions
particulières
du changement antérieur
; il nous
faut
les
cher
cher pour
chaque
cas
particulier
dans
l expérience. La
connexion
seule
est
donc nécessaire, tandis que les déterminations
particul
ières es objets liés
entre
eux — par
exemple :
à
tel
changement
correspond précisément tel autre,
comme sa
cause
—
sont
des faits
empiriques,
et
par conséquent
contingents au
point de vue de la
règle
de l intelligence. Nous
ne pouvons
déduire
ces faits que
par
l observation réitérée de
la
succession
d un
effet
donné
à
une
cause déterminée. Or le lien établi entre
tel effet et telle cause,
bien
que
nous
l ayons
vu
vérifié dans
tous les cas observés, ne
pourra jamais
atteindre
au
caractère de nécessité
du
principe
de
causalité lui-même. Jamais
il
ne sera, en
son
essence particulière,
concevable pour l'intelligence, toujours
il
restera
empirique.
Mais
l unité de
notre connaissance demande
que
ces
con
nexions empiriques entre les objets et les
divers
états des mêmes
objets
— contingents et
accidentels du point de vue de l intell
igence
—
puissent
être comprises en vertu de
quelque
autre prin
cipe universel,
comme
réalisant une
unité
nécessaire
et
systémat
ique).
La seule
forme
qui permette de ramener à
une
unité nécess
aireune
diversité
quelconque, dont les éléments ne sont
pas
reliés
')
Es
miissen (fiir
das
Empirisch-Einzelne)
doch
auch Gesetze sein, die
zwar,
als empirische, nach
unserer
Verstandeseinsicht zufallig
sein
mogen,
die aber
doch...
aus
einem, wenngleich uns unbekannten Princip der Einheit des Mannig-
faltigen
als notwendig
angesehen
werden
mûssen. XXVI.
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
13/20
392
André de
par la causalité, c est la finalité. En effet,
dès
que les parties d un
tout
ne sont pas causées
dans
leur
être
concret, par des
causes
externes et que le tout
n'est
pas un effet
de
la coopération
de
ces
causes,
il
ne
nous est
possible
de
nous
figurer
entre
ces
parties
qu un ordre
inverse
à
celui de
la causalité ; en
d autres
termes,
l existence du tout ne sera
possible
que si les parties
vérifient pré
cisément
telles dispositions
et
telles qualités, c est-à-dire
à la con
dition que le tout soit la fin
des
parties )• De la sorte, les parties
ne déterminent
pas
le
tout,
mais le tout
détermine
les parties, elles
s y ramènent.
Nous devons
par conséquent supposer — afin de
pouvoir
les
intégrer dans l unité systématique de notre connais
sance— que
tous les
faits
empiriques
qui
dans
leur
existence
par
ticulière ne
sont pas
déterminés par le principe de causalité, le
sont
au
moins
par
la
finalité.
C est
l ensemble,
le tout
du
monde,
qui
comme fin ultime de
toutes
les réalités, exigera précisément
et
tel
objet
particulier
et
tel état
et telle
condition
de
cet
objet, parce
que cet objet
est
une de
ses
parties.
Outre cette raison
générale
de supposer la
finalité
comme prin
cipe déterminant de
ce
qui est contingent au point de vue de la
causalité,
il
y a dans le domaine de notre
connaissance
un cas
qui
nous
contraint
d admettre
le
même
principe. C est
celui
des
êtres
vivants.
Il ne
s agit plus seulement ici de faits contingents
ne pouvant être
compris
dans un ordre systématique si l on ne
suppose
la
finalité
; mais -chez eux nous voyons une activité- con
crète qui suit ce principe : tel
est
bien le cas des êtres vivants.
En eux
le
tout
détermine
manifestement
les parties. Chaque organe
est constitué
et
conformé en vue de la
fonction
qu il exerce, en vue
de l ensemble du vivant. Le but
— la
forme complète
— est
devenu
en
eux une
force motrice qui
dans
le développement organique
dirige
la
matière
d une
manière
différente de celles que
suivraient
les
forces
organiques agissant
seules.
Cette même
force
dirige les
fonctions
assurant la conservation du vivant, dont l organisme
est
constitué
;
elle
imprime
aux éléments
corporels
des
réactions
qui
s opposent,
parfois d une manière évidente,
aux
lois de la
causa-
*)
Wollen
wir uns... die Môglichkeit der Teile (ihrer Beschaffenheit
und
Ver-
bindung nach) als vom Ganzen
abhângend
vorstellen,
so
kann dieses... nur
so
geschehen,
dass
die
Vorstellung
eines
Ganzen
den Grund der Môglichkeit der
Form desselben und der dazu
gehôrigen
Verknûpfung der
Teile
enthalte
(349-350).
Der Begriff von einem
Objekt,
sofern
er
zugleich den
Grund
der Wirklichkeit
dieses
Objekts enthâlt, heisst Zweck XXVIII.
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
14/20
L intuition chez Kani et chez Aristote 393
lité
que ces éléments suivent par
eux-mêmes
*). Plus encore que
les
faits
empiriques
en général,
les
êtres vivants nous
obligent
donc
à
admettre qu il
est impossible
de
concevoir l ensemble des
objets
de notre
expérience
comme une
unité
parfaite
et
cohérente, sans
recourir
à la finalité, comme au principe de
détermination
pour le*
détail
des objets.
Cependant l'efficacité réelle d un
but,
n est concevable pour
nous, que par l opération d une intelligence agissant en vue de ce
but.
Il
nous
est
en
effet
impossible de nous figurer qu un tout non
encore existant puisse agir sur ses
parties
et
prédisposer
la
matière
dont
il sera formé
à prendre la
forme complète,
à
moins de con
cevoir
la
forme
parfaite existant
dans
une intelligence,
laquelle se
la propose comme fin de
son
opération. Admettre la finalité comme
principe de
détermination
des
objets, c est
supposer en même
temps, qu ils sont
produits
par l opération d une intelligence 2).
L idée
d une intelligence créatrice, opérant
selo^ le
principe de
finalité,
est
par conséquent une condition
nécessaire
pour l unité
complète
de notre
connaissance
3).
Il est
évident que cette idée
est
subjective, car le concept
même de
l'efficacité
d une
fin,
par
l opération
d une intelligence,
est
déduit de
notre
manière d'agir,
et
rien
ne
nous permet d affi
rmer
u une
telle
manière
d agir
existe
réellement
hors
de
nous.
Le
seul motif
nous le
faisant supposer, c est qu il n'y a pas pour
nous d autre
manière possible de ramener à un principe universel
ce
qui est
contingent
dans
l ordre
causal. Sous
ce rapport cette
idée
ne
diffère
en
rien
des trois idées
de la raison qui, par leur
réduction
à
l absolu,
réunissaient dans
une
unité systématique les
séries
de
données fournies
par l intelligence. Or le besoin de rame
nera
détermination
du détail des objets à un principe
universel
et
') Ein
organisiertes
Wesen
ist
also
nicht
bloss Maschine,
denn
die
hat
ledig-
lich
bewegende Kraft,
sondern^es
besitzt
in sich bildende
Kraft, und zwar eine
solche,
die
es
den Materien
mitteilt,
welche sie nicht haben (sie organisiert)
(292-93).
Es
ist
namlich ganz gewiss, dass
wir die organisierten
Wesen und deren
innere Moglichkeit nach bloss mechanischen Principien der
Natur nicht
einmal
zureichend kennen
lernen, viel weniger
uns erklâren konnen (337).
2)
lch kann...
ùber
die Moglichkeit jener Dinge
und
ihre Erzeugung nicht
anders
urteilen,
als
wenn
ich
mir zu
dieser eine
Ursache, die
nach
Absichten
wirkt, mithin
ein Wesen denke, welches nach der
Analogie mit
der
Kausalitat
eines Verstandes produktiv ist (333).
s) Wir miissen den obersten Grund zu alien
solchen
Dingen in einem ur-
sprûnglichen Verstande
als
Weltursache suchen (354).
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
15/20
394
André
de lvan\a
systématique, n est pas
une condition pour la
connaissance intel
lectuelle
des
objets, celle-ci ne
demande
que la valeur
universelle
des catégories ; mais
elle
est un
besoin
de la raison, au même titre
que le
besoin
d'unifier
les
règles
de l intelligence dans une unité
systématique en les ramenant à l absolu.
Le
concept satisfaisant
à ce
besoin
est
donc également
subjectif dans
les deux
cas.
Il
y a toutefois une différence fondamentale entre
les trois
idées de
l Ame, du
Monde
et
de
Dieu comme
être
premier
d une
part,
et
l idée d un intellect créateur, opérant suivant le principe
de la finalité
d autre
part.
Le
motif
nous
faisant supposer
l exi
stence
des
premières idées, c est la tendance de notre raison à
comprendre les règles de l intelligence dans
une unité
systémat
ique.
eur
fonction
est
précisément
de
ramener
les
règles de
l i
ntelligence à une unité,
qui
ne nous
est
donnée nulle part sinon
dans le besoin.de notre raison même.
Or dans le cas de l intelligence
créatrice,
ce
motif
se trouve
dans notre
connaissance
empirique, bien que
l idée
que
nous
croyons
avoir le droit d en
déduire
soit
subjective : notamment le
fait que
dans
notre connaissance,
il
y a des objets donnés qui ne
peuvent être
suffisamment expliqués par la causalité seule *).
L idée
même de l explication de certains objets par l action d une intell
igence opérant en vue dune
fin,
a beau
être
subjective,
ces
objets
étant
inexplicables
par
le
principe
de
causalité,
ils fournissent
par
le fait même l occasion de concevoir cette idée subjective.
Or
ce
qui rend possible
cette idée, c est
la nature même de
notre connaissance
intellectuelle. Car
notre
intelligence qui,
en
s
ubordonnant
les
données spéciales sous
les
règles
générales de
l
xpérience, recompose
dans la
connaissance
l unité de l objet exté
rieur en reliant par les catégories les données isolées
2),
ne peut
com
prendre
un tout donné sinon comme
causé
par la
combinaison
de
*)
Es
verhâlt
sich
mit
dem
Begriffe
eines
Naturzwecks
zwar ebenso,
was die
Ursache
der
Môglichkeit eines
solchen Prâdikates
betrifît,
die
nur in
der
Idee
iiegen
kann ; aber die
ihr
gemâsse
Folge (das Produkt selbst) ist
doch
in der
Natur
gegeben, und der Begriff einer Kausalitât der
letzteren,
als
eines nach
Zwecken handelnden Wesens, scheint die Idee eines
Naturzwecks
zu einem
konstitutiven
Princip desselben zu machen, und darin hat sie etwas von alien
anderen
Ideen
Unterscheidendes (345).
2) Unser Verstand
hat
die Eigenschaft, dass er in seinem Erkenntnisse z. B.
der Ursache eines Produkts, vom
Analytisch-Allgemeinen
(von Begriffen) zum
Besonderen
(der gegebenen
empirischen
Anschauung
gehen
muss
wobei
er
also
in Ansehung
der
letzteren
nichts
bestimmt, sondera
dièse Bestimmung fur
die
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
16/20
L intuition
chez
Kant
et chez Aristote 395
1 efficacité causale de
ses parties
*). Ainsi un
objet
dans lequel le
tout
détermine
les
parties, doit nécessairement
échapper
à
la
com
préhension
de
notre intelligence. La
dernière
raison
de ce fait
est
la séparation dans
notre connaissance
de la faculté primaire de
perception, la sensibilité, d avec la faculté de connaissance object
ive, l'intelligence
;
en
d autres
termes, la passivité de notre
con
naissance.
Notre activité
intellectuelle se borne
à introduire
un
ordre à
priori dans un matériel donné par ailleurs ; voilà pourquoi
il
y a,
dans notre connaissance, cette différence profonde entre ce qui est
nécessaire (c'est-à-dire ce qui dans le donné s adapte à
cet
ordre
de
manière
à
pouvoir
en
être
déduit)
et
ce qui
est
contingent
(c'est-
à-dire ce
qui
dans
le
donné
ne
s y
adapte pas entièrement). L objet
d une intelligence
qui
joindrait
à l acte
de
la pensée
celui de
la
perception,
trouverait
dans son
autoconscience
même le lien unis
sant
ces perceptions, sans
devoir recourir
pour
cela
aux connexions
des
catégories.
L objet perçu
par une
telle
intelligence
ne serait
ni
nécessaire (c'est-à-dire
suffisamment
déterminé par ces connexions)
ni contingent
(c'est-à-dire exigeant une détermination
ultérieure),
mais
il
serait
simplement
réel 2).
Par conséquent
seule l intell
igence
qui dans l acte de
l' autoconscience même percevrait la total
ité
de
ses
objets, c est-à-dire une intelligence
intuitive, est
capable
de
concevoir
en
une
unité
complète
et intégrale, ce qui
pour nous
inévitablement
se partage en deux éléments hétérogènes
: le
néces
saire et le
contingent.
L unité
de 1*
autoconscience
intuitive suffit
à
unir les éléments de la connaissance, pour elle
il
n'est
pas
nécess
aire de les relier par les connexions
des
catégories ; ni par con-
Urteilskraft von
der Subsumption der empirischen
Anschauung... unter
den
Begriff erwarten muss (348).
')
Nach
der BeschaflFenheit unseres Verstandes ist... ein reaies Ganze der
Natur
nur
als
Wirkung
der konkurrierenden
bewegenden
Krâfte der
Teile
anzu-
sehen (349).
2) Wâren zu
dieser
ihrer (se. der Erkenntnisvermôgen) Ausiibung
nicht
zwei
ganz hétérogène Stiicke, Verstand fur Begriffe, und sinnliche Anschauung fur
Objecte,
die ihnen korrespondieren, erforderlich, so wûrde es keine solche Unter-
scheidung (zwischen dem Môglichen und
Wirklichen) geben (340). Fiir einen
Ver-
stand,
bei dem
dieser
Unterschied
nicht eintrâte,
wùrde es heissen
: aile Objekte,
die
ich
erkenne, sind (existieren) und die Môglichkeit einiger, die
doch
nicht
existieren,
d.
i. die
Zufâlligkeit
derselben, wenn sie existieren, also
auch
die
davon zu
unterscheidende
Notwendigkeit, wurde
in
die Vorstellung
eines
solchen
Wesens
gar nicht kommen
konnen
(341-42).
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
17/20
396
André de îvanka
sequent de recomposer l unité de l objet perçu en unissant
ses
éléments suivant les catégories. L intelligence intuitive perçoit la
partie
dans
le
tout, et non pas comme notre intelligence le
tout
par ses
parties
*).
Avec
l usage
des
catégories
cesse
nécessaire
mentacte
de
l intelligence qui en est
le
fondement : l objectiva-
tion
des données perçues.
Inversement, les catégories ne sont rien
d autre que l application
de cet
acte aux
rapports établis
dans
nos
impressions. Dès que la connexion
des
éléments de la
connaissance
ne demande
pas
un
acte
spécial
de l intelligence, mais qu elle est
donnée par l unité de
l'
autoconscience
intuitive elle-même
com
prenant
ces
éléments dans l unité
immédiate
de
son
propre acte,
il n'y
a
plus
lieu de
rapporter cette connexion
à un
objet
extérieur
pour
fournir
une
raison
de
sa nécessité
et
de son
universalité
2).
Pour
une
intelligence de
ce
genre, la
perception
de l objet est
identique
à
l objet perçu ; elle ne connaît
pas
comme la nôtre les
objets
par
l impression reçue passivement
dans ses
facultés
de per
ception sensible.
Notre
intelligence rapporte les impressions don
nées dans sa passivité sensible à un objet comme à une cause extra
subjective de
ce
qui est
présent
dans la conscience ;
alors
qu une
intelligence intuitive est, par
son
autoconscience
même, la cause
de ces
objets
3). En elle, la
dualité
d objet
représenté
et de repré
sentation subjective cesse et
se
fond
dans l unité d une activité
intellectuelle
qui
est
à
la
fois
pénétration spirituelle
et
production
réelle 4).
') Nun
kônnen
wir
uns aber
auch
einen Verstand denken, der weil
er
nicht
wie der
unsrige
diskursiv, sondern intuitiv
ist, vom
Synthetisch-Allgemeinen
(der Anschauung
eines
Ganzen als
eines Solchen)
zum Besonderen geht
d.
i.
vom Ganzen zu den
Teilen,
der
also
und
dessen
Vorstellung
des
Ganzen
die
Zufâlligkeit der
Verbindung
der
Teile
nicht
in sich enthâlt (348-49).
a) Derjenige
Verstand,
durch dessen Selbstbewusstsein zugleich
das
Mannig-
faltige der
Anschauung gegeben wiïrde...
wùrde
einen
besonderen
Aktus
der
Synthesis
des Mannigfaltigen
zu
der
Einheit des Bewusstseins
nicht
bedûrfen,
deren
der menschliche Verstand, der bloss
denkt, nicht
anschaut, bedarf
(p.
139
de la a
Cr. d. 1. R.
P.2 »).
*)
Derjenige Verstand,
durch dessen
Selbstbewusstsein zugleich
das
Mannig-
faltige der Anschauung gegeben wûrde, ein
Verstand,
durch dessen
Vorstellung
zugleich die
Objekte
dieser Vorstellung existierten... (Cr.
d.
1.
R. P.2, 138-39).
*) Unsere
Anschauungsart,
die
darum sinnlich
heisst, weil sie nicht
ursprung-
lich,
d. i.
eine solche ist,
durch
die
selbst das
Dasein
des Objekts der
Anschauung
gegeben wird
(und die, soviel
wir
einsehen, nur dem
Urwesen
zukommen kann...
(Cr. d. 1. R. P.2, 72). Wollte ich mir einen Verstand denken, der selbst anschaute
(wie etwa einen gôttlichen, der nicht gegebene Gegenstânde
sich vorstellte,
son-
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
18/20
L intuition
chez Kant et
chez Âristote
397
La
question se
po'se
pour nous
de
savoir
si la nature de notre
connaissance,
et
cette opposition
entre
causalité
et
finalité
dans
notre intelligence, sont des arguments suffisants pour supposer
l existence objective d une intelligence intuitive? Intelligence dans
laquelle, comme
nous le
décrivions
précédemment,
ces oppositions
se
concilient.
La solution de ce
problème
dépend de
cet
autre :
Le
fait de
notre connaissance, telle que toute notre expérience
nous
la
montre, est-il un argument
suffisant
pour supposer une existence
objective
en
dehors de
notre
connaissance, un
« en
soi
» des
objets
de notre expérience? L objet modifié par les formes subjectives de
la
perception
et
de
la
pensée
existe-t-il hors
de
notre
connaissance?
Evidemment,
la connaissance
intuitive,
intégrale et
pénétrant
l
ssence des
objets,
parce
qu elle les cause dans l acte même de
sa
connaissance
— à supposer qu il
y
ait
une
existence
objective
des
objets — est
nécessairement
la forme de perception qui répond à
cette réalité, comme
notre connaissance
humaine, partielle,
et
mod
ifiant
par
ses
conceptions
subjectives
l objet de
sa
perception,
répond aux objets empiriques *) (p. 391).
Il
est vrai que les données
des sens ne
contiennent
en elles-mêmes nul rapport à un
objet
ultérieur,
dont
elles seraient
la
représentation
2). Un tel rapport est
produit
par
notre
intelligence,
et
sa
conception se
fait
suivant
les
règles
subjectives des catégories. Notre intelligence
opère
un
pas
sage de l'effet à la cause lorsqu elle conclut des impressions qui
existent en
nous
comme de données à l existence d un
objet
qui
par
son
action sur notre faculté perceptive
nous
les «
imprime
».
Il
se peut
que le
concept même
d un
objet
existant
hors de
notre
dern durch dessen
Vorstellung
die Gegenstânde selbst zugleich gegeben
oder
hervorgebracht wûrden)...
(Cr.
d.
1. R. P.2,
145).
Ainsi aboutissons-nous, en
effet,
à
l'idée d'une intelligence créatrice et
cependant
ce n'est
pas
une inte
l l igence
créatrice
opérant
par
le
moyen
de
sa connaissance
(c'est-à-dire
par
la
conception
préconçue de
la
fin), comme il
semblait
tout
d'abord;
mais un
intel
lect dont l'activité cognitive est
identique à
son opération
créatrice.
')
Da
es
aber
doch
wenigstens
môglich
ist, die matérielle Welt
als
blosse
Erscheinung
zu
betrachten, und etwas als
Ding an sich selbst (welches
nicht
Erscheinung ist) als Substrat zu denken, diesem
aber
eine korrespondierende
intellektuelle Anschauung (wenn aie gleich nicht die unsrige ist) unterzulegen...
(Kritik der Urteilskraft, 352).
2) Durch blosse Anschauung wird gar
nichts gedacht, und dass
dièse Affek-
tion der
Sinnlichkeit
in mir ist, macht gar keine Beziehung von dergleichen
Vorstellung auf irgend ein Objekt
aus
(Cr.
d.
1. R. P.2, 309).
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
19/20
398
André de Ivanka
connaissance et
indépendamment
d elle,
soit un concept purement
subjectif, et que la manière dont
nous
envisageons les données
sensibles dans notre connaissance,
quelle
que soit d ailleurs leur
portée,
n'est
pas
fondée
sur
la
nature
et
les
conditions de
ces
données,
mais sur
un
besoin particulier (peut-être moral)
de
notre
nature subjective. Mais
aussitôt
que
nous
avons adopté une telle
manière de
voir,
il nous
faut supposer
une réalité objective, un
« en soi » des objets perçus pour la justifier *). Quoique cette sup
position puisse n'être
que
subjective,
cependant
elle
est
nécessaire,
comme* le fondement de
toute
notre connaissance,
et
comme la
justification du
rôle
qu elle remplit.
La
forme que prend notre
connaissance
vis-à-vis de
ces
objets
est
1
intellection, la perception
intellectuelle
par la pensée.
Il
nous
faut
donc
pour
légitimer
cette
forme,
supposer
qu elle
est le
moyen
adéquat de saisir spirituellement ces objets. Aussi les règles de
notre intelligence s imposent-elles à
nous,
avec
une valeur nécess
aire et universelle. Or ce qui donne valeur à ces règles concer
nantes objets de
notre
expérience, c est précisément le fait qu au
cunechose ne
peut être
pour
nous
donnée ou
représentation
intel
lectuelle,
sans
être
soumise
à ces règles et
reliée par les catégories
au reste
de nos connaissances.
Par
conséquent, pour pouvoir re
garder
cette
forme de
la connaissance comme légitime,
nous devons
postuler
que
la
perception
intellectuelle
s étend
à
tout
objet
pos
sible
de la connaissance.
Néanmoins,
si dans notre
connaissance
se trouvent
des
objets
échappant
à la compréhension
intellectuelle
suivant les règles des catégories,
il nous
faut supposer encore que
cela
provient non du fait qu ils
soient
inintelligibles en
eux-mêmes,
mais de ce que la forme de connaissance
intellectuelle
qui est
nôtre,
n'est
pas la
plus
parfaite
possible.
L opération
consistant à rendre intelligible le matériel donné,
à rendre intellectuellement compréhensible ce qui ne
s impose
d abord
à nous que comme un
état
affectant notre sensibilité,
pré
cisément
parce
qu elle
ne peut
jamais
se
réaliser intégralement
dans
notre connaissance,
suppose
qu il existe une intelligence, dans
la
quelle
cette opération se trouve intégralement réalisée. En d autres
termes,
l opération
qui
tend
à saisir
intellectuellement les choses,
*) Gleichwohl und dabei
immer
vorbehalten, dass
wir
eben
dieselben
Gegen-
stânde
auch
als
Dinge an sich selbst,
wenngleich
nicht erkennen,
doch
wenigstens
mùssen
denken
kônnen. Denn sonst wiïrde der
ungereimte
Satz
daraus folgen,
dass Erscheinung ohne etwas
ware, was
da erscheint (Cr.
d. 1. R. P.2,
XXVI-XXVIl).
-
8/18/2019 La Connaissance Intuitive
20/20
Programme
des
cours
de l Institut 399
suppose
leur intelligibilité intégrale. Par conséquent,
l idée
d une
intelligence intuitive devient
une
idée nécessaire pour notre intel
ligence,
non seulement pour
unifier
systématiquement
ses
règles,
comme les
idées
de la raison, mais déjà pour
légitimer
leur appli
cation aux
données
sensibles ; et cela, non seulement comme un
complément final,
mais comme
une condition élémentaire
de
son
activité.
Cette activité dont la fonction est d élever
le donné
à la
région
de la
pensée,
suppose par
chacun
de
ses actes,
l existence
d une activité
connaissante
d une
autre
espèce, dans laquelle la
pensée
est la raison même qui fait
exister
les objets, dans laquelle
l acte de penser les objets
est identique à
l existence de
ces
objets,
eux-mêmes.
Ce sera donc
une
idée subjective, mais
une
idée dont la sub
jectivité ne sera pas
plus grande
que celle
de
notre activité de
connaissance
tout entière ; une idée
qui
se retrouve
au
fond du
moindre acte de
connaissance comme sa
condition nécessaire.
André
DE
IVANKA.
Karpe-Gécz
(Hongrie).
(A
suivre).
XVII
PROGRAMME DES COURS
de l Institut Supérieur de Philosophie
Année
académique
1931-1932
Première année
*)
Eléments de métaphysique, par L.
MARCHAL, 2 h. toute l an
née.
—
Idem en langue flamande par J. BlTTREMIEUX.
—
Introduc
tionla psychologie et éléments de
psychologie
rationnelle, par
A. Fauville, 2 h. toute l année. —
Idem
en langue
flamande par
x)
Les
étudiants
qui
ont
reçu
une formation équivalente
peuvent être
dis
pensés
en
tout ou
en
partie des
Cours
de
première
année.