La contribution du droit penal de l'environnement a larepression des atteintes a l'environnement au BeninCitation for published version (APA):
Tchoca Fanikoua, F. (2012). La contribution du droit penal de l'environnement a la repression desatteintes a l'environnement au Benin. BOXPress. https://doi.org/10.26481/dis.20121115ft
Document status and date:Published: 01/01/2012
DOI:10.26481/dis.20121115ft
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Download date: 19 Jun. 2022
LA CONTRIBUTION DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT A LA REPRESSION DES ATTEINTES A L’ENVIRONNEMENT AU BENIN
François TCHOCA FANIKOUA
© François TCHOCA FANIKOUA , Maastricht 2012
ISBN 978-90-8891-505-5
Printed & lay-out by: Proefschriftmaken.nl || Printyourthesis.com
Published by: Uitgeverij BOXPress, Oisterwijk
LA CONTRIBUTION DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT A LA REPRESSION DES ATTEINTES A L’ENVIRONNEMENT AU BENIN
DISSERTATION
To obtain the degree of Doctor at Maastricht University,
on the authority of the Rector Magnificus, Prof. dr. L.L.G. L. Soete
in accordance with the decision of the Board of Deans, to be defended in public
on Thursday 15 November 2012, at 14.00 hours
by
François TCHOCA FANIKOUA
Supervisors
Prof. Dr. Michael G. FAURE, Université de Maastricht (Pays-Bas)
Prof. Dorothé C. SOSSA, Prof. Agrégé des facultés de Droit, Université d’Abomey-
Calavi, (Bénin)
Assessment Committee
Prof. Dr. C.A. SCHWARZ (chairman), Université de Maastricht, (Pays-Bas)
Dr. L. CHOUKROUNE, Université de Maastricht, (Pays-Bas)
Prof. A. DE NAUW, Vrije Universiteit Brussel, (Belgium)
L’UNIVERSITE D’ABOMEy-CALAVI, LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES
POLITIQUES ET LA CHAIRE UNESCO DES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE
LA DEMOCRATIE (BENIN) ET LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES
DE L’UNIVERSITE DE MAASTRICHT (PAyS BAS) N’ENTENDENT DONNER NI
APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CETTE THESE.
ELLES DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES A LEURS AUTEURS
DEDICACE
A TOI MA CHERE MERE ET A TOI MA CHERE EPOUSE CHARLOTTE,
A VOUS, BENEDICTA ET CEDRIC, MES CHERS ENFANTS,
JE DEDIE CETTE THESE.
9
REMERCIEMENTS
Sans le concours et le soutien de certaines personnes, les travaux de
recherches qui ont abouti à l’élaboration et à la finalisation de cette Thèse de
Doctorat en Droit n’auraient pas pu voir le jour.
Je voudrais donc remercier et témoigner ma gratitude en cet instant
solennel de mon existence, à mon Directeur de recherche, le Professeur FAURE
G. Michael de l’Université de Maastricht aux Pays Bas, une référence intarissable
qui m’a inspiré sur la richesse du droit de l’environnement et m’a été tout au long
de la rédaction de cette Thèse, d’un soutien inestimable ; qu’il trouve à travers
cette œuvre, le couronnement de ses efforts.
Je dis, également, merci à tout son entourage, notamment l’équipe de
l’Institut Metro (Institute for Transnational Legal Research) dont il a la charge et
qui n’a ménagé aucun effort pour se mettre à mon service et à mon écoute tout
au long de mes travaux de recherches ; je pense particulièrement à madame
yleen SIMONIS.
Le Professeur Dorothé C. SOSSA, Agrégé des Facultés de Droit,
Professeur titulaire de droit privé, ancien Doyen de la Faculté de Droit et des
Sciences Politiques de l’Université d’Abomey-Calavi, ancien Titulaire de Chaire
UNESCO des Droits de la personne humaine et de la démocratie à la Faculté de
Droit et des Sciences Politiques de l’Université d’Abomey-Calavi et actuellement
Secrétaire Permanent de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA), en poste à yaoundé au Cameroun, mon codirecteur
de recherches, qui très tôt, m’a encouragé à persévérer dans mes recherches ;
qu’il en soit remercié pour ses multiples conseils.
Monsieur Koffi AHADZI-NONOU, Professeur Titulaire de Droit public,
Président de l’Université de Lomé (Togo), mon précepteur depuis mon DEA,
dont il a été le Directeur de recherches. A l’issue de cette soutenance, il m’a
encouragé à poursuivre mes recherches doctorales en droit de l’environnement ;
qu’il trouve dans cette thèse le réconfort nécessaire.
Au Doyen de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques, le Professeur
Georges Barnabé GBAGO et au Professeur Athanase LAWOGNI, Coordonnateur
10
de la coopération scientifique interuniversitaire entre la Faculté de Droit et des
Sciences Politiques de l’UAC (République du Bénin) et la Faculté de Droit et des
Sciences Politiques de l’Université de Maastricht (Royaume des Pays-Bas), je dis
merci et que vive cette coopération interuniversitaire !
Au Président et aux Honorables membres du Jury, pour leur contribution
enrichissante en vue de l’amélioration de cette Thèse.
A vous, Honorables Députés BANGANA et KASSA pour votre soutien.
A toi cher ami, Adjima KALIFA, Juge d’Instruction près le Tribunal de
Première Instance d’Abomey, pour le soutien technique et moral que tu m’as
spontanément apporté et à toi Oba KOTCHIKPA pour ton appui technique dans
la finalisation de cette thèse.
Enfin, à mes collègues du Ministère de l’Environnement, de l’Habitat
et de l’Urbanisme (MEHU), du Ministère Chargé des Relations avec les
Institutions (MCRI) et mes collègues du Conseil Communal de Tanguiéta avec à
sa tête le Maire SIMBA B. K. Kouagou (Serge) et à tous mes frères et amis Bruno
AGOSSA, Président de l’ONG ANAP et ceux dont j’ignore volontiers le nom, je
vous prie de trouver ici, ma modeste manière de vous dire merci.
Remerciements
11
SOMMAIRE
Introduction generale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
Premiere partie : un cadre juridique et institutionnel pertinent mais
ineffectif et insuffisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Titre premier : un cadre juridique et institutionnel pertinent . . . . . . . . . . . . . .23
Chapitre premier : les elements d’une politique criminelle environnementale 23
Section I : une legislation environnementale pertinente . . . . . . . . . . . . . . . . . .24
Section II : les aspects institutionnels de la politique criminelle . . . . . . . . . . . .60
Chapitre II : l’existence d’un systeme repressif environnemental en
developpement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78
Section I : la mise en mouvement de l’action publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78
Section II : le regime repressif tel que prevu par les textes. . . . . . . . . . . . . . . .107
Titre II : un dispositif environnemental repressif ineffectif, insuffisant et
peu performant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .144
Chapitre III : la performance de l’arsenal repressif beninois . . . . . . . . . . . . . . .144
Section I : le cadre normatif pénal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .145
Section II : l’acces a la justice pénale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .161
Chapitre IV: l’effectivite des sanctions pénales environnementales. . . . . . . . .191
Section I : la mise en œuvre des sanctions pénales environnementales . . . .192
Section II : la tendance a l’indulgence en matiere de sanctions pénales
environnementales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .219
Deuxieme partie : la necessaire protection de l’environnement par le
droit pénal et perspectives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .235
Titre I : vers la mise en œuvre effective du droit pénal de l’environnement 236
12
Chapitre V : le renforcement des moyens d’action et de mise en œuvre
du droit pénal de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .238
Section I : la restructuration du cadre juridique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .238
Section II : l’analyse economique du droit pénal de l’environnement . . . . . . .267
Chapitre VI : la definition des elements constitutifs de l’infraction
environnementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .292
Section I : l’element legal ou l’exigence de textes clairs et precis . . . . . . . . . . .293
Section II : les autres elements constitutifs de l’infraction environnementale 309
Titre II : les perspectives pour un droit pénal plus efficace . . . . . . . . . . . . . . . .326
Chapitre VII : l’effectivite de la responsabilite pénale de la personne
morale au benin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .328
Section I : un bref apercu de la portee de la responsabilite pénale
applicable a la personne morale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .330
Section II : l’effectivite de la responsabilite pénale de la personne
morale au benin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .346
Chapitre VIII : la repression de la pollution transfrontiere . . . . . . . . . . . . . . . .355
Section I : la competence en matiere de pollution transfrontiere . . . . . . . . . .356
Section II : la competence non juridictionnelle de reglement de conflit
en droit de l’environnement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .378
Conclusion generale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .391
Sommaire
INTRODUCTION GENERALE
14
Introduction generale
L’évènement le plus considérable et le plus marquant dans l’histoire
du droit international de l’environnement a été nul doute, la Conférence de
Stockholm sur l’environnement en 1972. Depuis cette conférence, les problèmes
environnementaux sont devenus une préoccupation majeure pour l’humanité et
suscitent un intérêt croissant. Dès lors, la communauté internationale a amorcé
une prise de conscience vis-à-vis des préoccupations environnementales, avec
la création d’institutions internationales de préservation et de protection de
l’environnement1, la conclusion des traités internationaux et l’adoption de
normes et règlements en la matière. Cette prise de conscience de la communauté
internationale aura pour conséquence, le développement d’instruments
juridiques aussi bien en droit international qu’en droit interne. Le droit apparaît
dès lors, indissociable de la protection de l’environnement dans la mesure où il
est lié à toute forme de protection. C’est la naissance du droit de l’environnement.
Si dans les pays du Nord,2 la riposte aux problèmes brûlants de
l’environnement consiste à apporter à leurs populations une réponse plus ou
moins satisfaisante, les tendances au sein des Etats africains, dans le sens du
développement du droit de l’environnement, sont, sommes toutes, encore
embryonnaires, voire naissantes. Deux événements ont marqué l’éveil de
conscience des peuples africains : le premier qui est la découverte en 1988
d’un trafic de déchets dangereux entre pays industrialisés et certains pays
africains, comme le Bénin, en quête de ressources financières, a véritablement
déclenché l’alerte écologique en Afrique en donnant naissance au droit pénal
de l’environnement ; le second est la Conférence des Nations Unies pour
l’Environnement et le Développement, qui a eu lieu a Rio de Janeiro au Brésil
en Juin 1992 et qui a connu une très forte participation des Etats africains (sur
178 délégations, les 52 Etats africains étaient présents) contrairement à celle de
1 C’est au lendemain de cette Conférence que par exemple le PNUE a été créé en 1972. Et cette même année a été proclamée par la communauté internationale, année internationale de l’environnement.
2 A noter que nous utilisons « pays du Nord » ou « pays développés » dans le sens usuel, c’est-à-dire en contraste aux pays sous développés ou en voie de développement africain.
15
Introduction generale
Stockholm3. Le Bénin4 y a particulièrement joué un rôle important. Très actif, il
occupera l’un des postes de la Vice-présidence du Sommet au nom du Groupe
africain5.
Dès lors, le Bénin est entré de plein pied dans la dynamique
environnementaliste par la création d’ institutions de définition et de mise en
œuvre de la politique6 et d’instruments juridiques internes et plusieurs traités
ou conventions internationales régulièrement ratifiés pour sauvegarder et
protéger l’environnement. C’est donc un arsenal juridique en nette progression,
qui est ainsi créé pour mettre en œuvre la politique environnementale du pays,
confronté aux défis majeurs de la protection de l’environnement. La dégradation
du couvert végétal, le pillage de la faune, la gestion des déchets, la détérioration
des conditions d’hygiène et du cadre de vie, dus à l’insouciance et l’incivisme des
citoyens ont pris des proportions inquiétantes et expliquent l’avancée sensible
du désert ainsi que la précarité de la santé de la population. Le recours au droit
pénal de l’environnement est une solution alternative, capable d’apporter une
riposte adéquate auxdites préoccupations. Cette riposte s’entend de l’ensemble
des normes qui sanctionnent les manquements au droit de l’environnement.
En effet, l’une des fonctions essentielles du droit pénal, et particulièrement
du droit pénal de l’environnement, est de protéger les valeurs reconnues
essentielles pour l’environnement en créant et en appliquant les sanctions. Dès
lors, comment déterminer les incriminations et les sanctions y afférentes en cas
d’atteintes à la santé humaine et à l’environnement? Il s’agira de mettre en relief
3 M. KAMTO, Droit de l’environnement en Afrique, EDICEF, 1996, p.44-45.4 Le Bénin est un pays de l’Afrique de l’Ouest. Il est limité au Nord par le fleuve Niger qui le
sépare de la République du Niger, au Nord Ouest par le Burkina Faso, à l’Ouest par le Togo, à l’Est par le Nigeria et au Sud par l’océan atlantique. Il couvre une superficie de 114.763 km2 (données intervenues à la suite de la cession de quelques iles, (affaire ile de Leté) avec une densité moyenne de 57 hts/km2. Sa population est estimée à 6.752.596 hts avec un accroissement annuel de 2.8% (données 2002, RGPH 3). Cette population est jeune (plus de la moitié de la population totale à moins de 20 ans). Le taux d’analphabétisme des adultes de 15 ans et plus est de 60% environ. L’agriculture est la principale activité économique et représente 36 % du PIB. L’industrie y occupe 14 ,3% du PIB tandis que le tertiaire représente 49,7%. Cf. Cyrille GOUGBEDJI, Thèse citée infra.
5 Idem.6 Le Ministère chargé de l’environnement créé en 1992, l’Agence Béninoise pour
l’Environnement créée en 1995, la Commission Nationale pour le Développement Durable,
16
Introduction generale
l’efficacité de la sanction pénale. Au regard des autres disciplines concurrentes
(droit civil de l’environnement, droit administratif de l’environnement, les
mesures économiques), quelle peut être la contribution du droit pénal de
l’environnement dans la préservation et la conservation de l’environnement?
Comment concilier les impératifs du développement socioéconomique et parfois
même de subsistance avec les exigences du droit pénal de l’environnement?
Comment déterminer l’auteur du dommage environnemental? Comment
mettre en œuvre la répression pénale quant on sait surtout qu’en matière
environnementale, le plus souvent, « les victimes sont l’environnement, l’air,
l’eau, la faune, la flore …toutes victimes incapables de porter plainte et d’agir.
Comment, dans ces conditions, rendre effective la répression ? »7. Ces difficultés
s’ajoutant au contenu souvent incertain des incriminations expliquent sans
doute le nombre restreint de condamnations.
Cet ensemble de questionnements, pose avec acuité la problématique
du sujet de thèse qui va alimenter notre réflexion tout au long de nos travaux de
recherches. Il est intitulé :
La contribution du droit pénal de l’environnement à la répression des atteintes
à l’environnement au Bénin.
Les raisons qui motivent un tel choix découlent essentiellement de
l’originalité du thème puisque aucun travail scientifique n’est encore consacré
à ce secteur du droit positif béninois, encore largement ignoré des chercheurs.
Il n’existe pratiquement pas d’analyse doctrinale, ce qui peut s’expliquer
par la complexité et la technicité du sujet et, par la quasi inexistence de la
jurisprudence. Néanmoins, notre volonté d’apporter notre modeste contribution
au développement du droit de l’environnement, et en particulier du droit de
l’environnement au Bénin, discipline scientifique encore naissante, est à l’origine
de notre motivation à explorer ce thème qui nous apparaît d’un grand intérêt.
Notre approche consistera à mener une réflexion allant dans
le sens de l’analyse des textes pénaux et la littérature juridique existant en
rapport avec l’ordonnancement juridique béninois en matière d’atteinte à
7 NERAC-CROISIER Roselyne (sous direction), Sauvegarde de l’environnement et droit pénal, L’Harmattan, Sciences Criminelles 2005, Paris, p.10.
17
Introduction generale
l’environnement et de démontrer en quoi il peut contribuer au succès ou non
des politiques ou stratégies de protection de l’environnement dans le pays. En
un mot, il s’agira de faire l’inventaire de l’application du droit positif béninois de
l’environnement en ce qu’il a de substantielle, (lois, conventions internationales,
ordonnances, décrets, arrêtés, jurisprudence, doctrine) en matière de répression
de l’environnement. Il conviendra de spécifier le droit pénal de l’environnement
du droit pénal commun classique, d’une part et d’autre part de mettre en exergue
les limites et les avantages de la notion de « dépendance administrative du
droit pénal de l’environnement», laquelle apparaît à nos yeux comme le point
commun des deux disciplines. Cette notion signifie que l’infraction, en droit
pénal est toujours fonction d’une violation d’un texte législatif ou réglementaire.
L’existence ou non d’une autorisation administrative, fonde le point de départ
de l’infraction environnementale. Il s’ensuit que c’est généralement l’acte
administratif qui détermine le comportement illicite ou non du délinquant. La
thèse mettra ainsi en exergue l’interdépendance qui existe entre le droit pénal
et le droit administratif.
Dans cet ordre d’idée, la gamme de sanctions corrigeant l’acte illicite
prévu par ces textes, (amende, emprisonnement, mesures prononcées par le juge
ou peines complémentaires) fera également l’objet d’une réflexion approfondie
afin de jauger de leur efficacité. Il faut arriver à trouver non seulement la sanction
qui convient à la personne physique ou morale coupable d’infraction, mais aussi
dans la détermination de l’infraction et la fixation de la peine, le juste milieu
entre le «minima » et le « maxima ».
En effet, le Bénin, à l’instar des autres Etats africains, présente dans le
domaine de la protection de l’environnement, un droit positif se caractérisant
par la croissance des textes mais aussi par leur insuffisance. Le législateur,
soucieux de faire respecter les réglementations protectrices de l’environnement
a, de plus en plus, fait appel au droit répressif, créant ainsi un droit pénal de
l’environnement. Ce droit pénal béninois est caractérisé en outre par sa
dispersion, sa relative multiplicité des incriminations, la faiblesse du taux d’accès
aux juridictions, l’inadéquation de certaines sanctions, et surtout des contraintes
réelles quant à l’applicabilité desdites sanctions aussi bien par l’administration
que par le juge pénal. Face à un tableau quelque peu déprécié du droit pénal
18
Introduction generale
de l’environnement béninois, comment arriver à renverser la tendance et faire
en sorte que le droit pénal ait une place de choix dans le dispositif répressif
environnemental? Tout ceci ne dépend-il pas de la particularité même de
l’infraction environnementale?
La démarche méthodologique, à l’origine de ce travail, nous permettra
de circonscrire notre champ d’application. Dès lors, les aspects relatifs aux
sanctions pénales en relation avec le droit pénal et la procédure pénale et aux
sanctions administratives, en cas d’infraction frappant la santé humaine ou l’une
des composantes de l’environnement, seront abordés. C’est donc sur quelques
domaines précis à savoir: la pollution des eaux, la pollution de l’air, la pollution
sonore, la protection de la faune et de la flore, que portera essentiellement l’objet
d’un diagnostic. Mais l’environnement étant une science interdépendante, les
autres disciplines et mécanismes de protection de l’environnement pourront
être, au besoin, abordés de façon incidente.
L’objectif général, de cette étude est de jeter un regard analytique
et critique sur le droit pénal de l’environnement béninois, sa mise en œuvre
effective au Bénin, sa conformité au droit international, afin d’en dégager les
perspectives.
Cet objectif général, est décliné en plusieurs objectifs spécifiques relatifs
entre autres à :
- l’identification des textes pénaux environnementaux, tant législatifs que
réglementaires en matière de droit répressif de même que l’état de la
jurisprudence existant au Bénin, en conformité au droit international de
l’environnement ;
- la détermination des obstacles ou contraintes rencontrées lors de la
mise en œuvre;
- l’analyse de l’effectivité de leur mise en pratique en relation avec la
doctrine et la jurisprudence existantes en la matière;
- les perspectives qui s’offrent au droit de l’environnement béninois dans
le contexte de la mondialisation pénale.
19
Introduction generale
Pour atteindre les objectifs que nous nous sommes ainsi fixés, il convient
de préciser que la démarche méthodologique reposera évidemment sur une
méthode scientifique. Cette dernière se définit comme un ensemble ordonné
de manière logique de principes, de règles, d’étapes permettant de parvenir à un
résultat. Des méthodes ou Ecoles juridiques existantes, la méthode exégétique,
la méthode de la libre recherche scientifique et la méthode stratégique seront
mis à contribution.
La première, l’Ecole exégétique, fondée sur le rationalisme et la volonté
générale, est née dans le courant du XVIIIème siècle. Elle est une méthode des
sciences sociales qui consiste en une explication philosophique et doctrinale
d’un texte, à faire une interprétation des textes juridiques dont le sens et la
portée sont obscurs ou équivoques ou sujets à interprétation. Elle se fonde
sur l’étude exclusive du texte de loi. Elle recherche dans la lettre de la loi et les
travaux préparatoires, l’intention du législateur, donc l’esprit de la loi.
La seconde, la méthode juridique de la « libre recherche scientifique »,
issue des Ecoles scientifiques8, est celle qui retiendra plus notre attention. Elle
nous permettra de faire l’analyse de la jurisprudence et de la doctrine et nous
conduira à la comparaison des textes légaux et réglementaires internes ou
externes, aux réalités sur le terrain afin de constater leur démarcation et tirer les
conséquences qui en découlent. Ainsi, le droit comparé, sera fortement sollicité
afin de mettre en relief les réponses pénales de certains pays développés, plus
expérimentés en matière d’usage de droit pénal de l’environnement. Le droit
béninois étant un droit d’origine francophone, s’inspirant donc du droit français,
la jurisprudence francophone et européenne, en particulier belge et française,
très abondantes en matière de contentieux de l’environnement seront d’un
grand atout pour enrichir le travail.
La troisième méthode est celle dite stratégique. Elle prend en compte les
déterminants d’un problème particulier qu’elle apprécie et analyse en fonction
des situations qui peuvent changer rapidement. Elle nous permettra de voir si
8 L’un des tenants de cette Ecole est François GENy, dont le maitre-livre est, Méthode d’interprétation et sources en droit en droit privé positif (1899). On peut citer aussi, R. SALEILLES, A. ESMEIN. Ce dernier, fonda la Revue trimestrielle de droit civil (1902)
20
Introduction generale
les moyens et stratégies utilisés par les différents acteurs lors de l’application des
textes s’avèrent efficaces et appropriés.9
Notre hypothèse de travail consistera, tout au long de cette étude, à
démontrer que le droit pénal, en dépit des critiques ou faiblesses dont-il fait
l’objet, peut aussi, au même titre que les autres disciplines juridiques, préserver
et protéger l’environnement. Notre hypothèse place donc l’approche pénale,
au cœur des préoccupations environnementales. Dans ce cadre, il conviendrait
dans une vision prospective de lutte contre la délinquance environnementale,
d’orienter l’arsenal répressif béninois encore très timide, à se conformer aux
normes, aux pratiques et aux exigences internationales du droit pénal de
l’environnement notamment, dans le cadre des pollutions transfrontières.
Enfin au regard de tout ce qui précède, et dans une dynamique de
recherche scientifique, nous ferons faire le diagnostic du cadre juridique et
institutionnel sur lequel repose la politique pénale béninoise en matière de
sauvegarde de l’environnement (Première partie) et au regard de ce diagnostic,
caractérisé par la timidité du contentieux pénal, nous identifierons l’intérêt de la
protection de l’environnement par le droit pénal et les perspectives qui s’offrent
à cette discipline juridique assez complexe (Deuxième partie).
9 Sur ces différentes méthodes juridiques, V. X. DIJON, Méthodologie juridique, L’application de la norme, KLUWER Editions Juridiques Belgique, 1996, p.120 et ss.
PREMIERE PARTIE
UN CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL PERTINENT MAIS INEFFECTIF ET
INSUFFISANT
22
Premiere partie
Cette première partie, essentiellement diagnostique, fera l’inventaire
du cadre juridique et institutionnel de mise en œuvre de la politique et des
stratégies de l’environnement qui fondent sa pertinence (Titre I er) avant
d’apprécier dans une dimension analytique, au delà de la performance de ce
cadre, les insuffisances et les contraintes de cette politique répressive (Titre II).
23
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
TITRE PREMIER : UN CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL PERTINENT
Pour mieux appréhender le cadre juridique et institutionnel, notre
analyse abordera les éléments caractéristiques qui fondent la politique criminelle
en matière de protection de l’environnement (Chapitre Ier) en même temps que
le niveau de développement du système répressif béninois en matière d’atteinte
à l’environnement (Chapitre II).
CHAPITRE Ier : LES ELEMENTS D’UNE POLITIQUE CRIMINELLE ENVIRONNEMENTALE
Le Bénin est un pays dont l’économie reste largement tributaire de
l’exploitation directe des ressources naturelles. A titre illustratif, le troisième
recensement générale de la population et de l’habitat réalisé en 2002 rend
compte à ce propos que près de la moitié des actifs occupés (49%) travaillent
dans les secteurs de la production agricole, la chasse, la pêche et la coupe de
diverses essences forestières utilisées dans les travaux de construction et dans la
production des énergies pour la cuisine traditionnelle. Il s’ensuit que les principaux
défis auxquels sont confrontés les pays africains en général, sont, nul doute,
d’une part la désertification, la déforestation, l’érosion et l’appauvrissement
des sols et d’autre part, la conservation des espèces animales et végétales,
le traitement des eaux usées et les déchets ainsi que l’approvisionnement en
eau potable, l’assainissement dans un contexte de croissance démographique
et d’urbanisation rapide. C’est devant ce schéma qui influence négativement
la durabilité des ressources environnementales, qu’intervient le droit de
l’environnement. C’est une discipline, nous l’avons précisé plus haut, assez jeune.
Mais, de nos jours en Afrique et particulièrement au Bénin, l’environnement est
devenu une préoccupation majeure pour les dirigeants ; avec l’émergence des
stratégies, des plans ou programmes, des lois et règlements afin d’asseoir une
politique offensive de préservation de l’environnement.
Le recours au droit de l’environnement et précisément au droit répressif
(droit pénal et droit administratif) de l’environnement qui se définit comme «la
24
Premiere partie
mise en action du dispositif judiciaire destiné à atteindre les fins que se propose
le droit»10, constitue entre autres, une réponse singulière aux manquements et
aux atteintes graves à l’environnement et à la nature. Il apparaît évident que
ces atteintes soient d’origine anthropiques ; d’autant plus que l’homme, au lieu
d’œuvrer dans le sens d’annihiler les principaux défis précités, les galvanisent
et les favorisent au quotidien de façon consciente ou inconsciente. Dans le
cadre de la définition d’une politique criminelle, ces activités humaines seront
réglementées aussi bien par le droit pénal que par le droit administratif. Cette
prise de conscience qu’accompagne une volonté politique particulièrement
manifeste, notamment à partir des années 1990, est amorcée depuis la
conférence des forces vives de la nation11.
Ainsi, le droit de l’environnement, en l’occurrence le droit pénal de
l’environnement béninois, dans son développement et dans l’ordonnancement
juridique béninois, repose sur des sources et normes législatives et
constitutionnelles, assez pertinentes (Section 1ère), soutenues par un
soubassement institutionnel et conventionnel, caractérisé par l’influence
décisionnelle des institutions politiques (Section 2).
SECTION I ère : UNE LEGISLATION ENVIRONNEMENTALE PERTINENTE
Le droit est, sans doute, le moteur des politiques environnementales.
Il en facilite l’adoption et leur mise en œuvre. Il ne saurait avoir protection ou
prévention sans interdiction ou plus largement, sans incriminations. Or, «le droit
n’est rien d’autre qu’un ensemble de prescriptions prohibitives ou permissives »12.
C’est dans cette logique de préservation de l’environnement, notamment par
le droit pénal, que s’inscrit l’intervention du législateur béninois qui a produit
10 BERKAERT (H), L’évolution de la répression pénale. 11 La conférence nationale organisée au Bénin, à Cotonou, à l’hôtel PLM Alédjo, du 18 au
28 février 1990, a décrété la fin du monolithisme politique et l’avènement du renouveau démocratique. C’est au cours de cette conférence, qui a jeté les bases de la protection de l’environnement qu’est apparu nécessaire la création d’un Ministère chargé de l’environnement.
12 M. KAMTO, Droit de l’environnement en Afrique, EDICEF/AUPELF, Paris, 1996)
25
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
une série de textes répressif couvrant divers domaines: la faune, la flore,
l’eau, l’air, les déchets, etc. Ce regain d’intérêt du législateur est appuyé par la
détermination du constitutionnaliste béninois qui a pu élaborer une constitution
dont la vision, emprunte d’une dynamique évolutive, est entre autres, de lutter
contre la criminalité environnementale en prévoyant des incriminations et des
sanctions en cas d’atteinte grave à l’environnement, à la hauteur de la forfaiture
(§ 1er). De même, plusieurs textes de lois ainsi que leurs textes d’application dont
l’objectif est de dissuader et de réprimer les atteintes à l’environnement existent
mais éparpillés (§ 2). Dans cette lutte contre les prédateurs de l’environnement,
le droit international de l’environnement, qui joue un rôle considérable dans
la législation nationale, vient à la rescousse du droit interne, en édictant des
normes, dans le cadre des traités ou accords internationaux, bilatéraux et
multilatéraux, lesquels, une fois ratifiés, par l’organe compétent, comme le
parlement dans le cas du Bénin, s’imposent à l’Etat et influencent de ce fait le
droit positif (§ 3).
§I : L’apport du droit constitutionnel béninois
L’érection de l’environnement au rang de règles à valeur constitutionnelle,
est l’expression de la volonté manifeste des pouvoirs publics, de garantir plus
efficacement le respect des normes assurant la protection de l’environnement.
Cette volonté a été clairement affirmée dans la constitution béninoise13.
Dès lors, afin de mieux appréhender l’apport du droit constitutionnel à la
répression des atteintes à l’environnement, notre analyse consistera à prouver,
tour à tour, la consécration constitutionnelle du droit à un environnement sain
(A) et la criminalisation des infractions environnementales (B).
A) La consécration constitutionnelle du droit à l’environnement
Des indépendances jusqu’aux années 70 voire 80, avec le recul, l’on peut
faire le constat selon lequel, les Etats africains, dans leur majorité avaient des
13 Loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin.
26
Premiere partie
constitutions essentiellement considérées comme un «document déterminant
le régime politique et décrivant le fonctionnement des institutions»14 bien
que l’année 1970 ait été proclamée par la communauté internationale «année
internationale de l’environnement»15. Ces pays ne laissèrent passer aucune
occasion d’exprimer leur crainte de voir l’idée de protection de l’environnement
se transformer en un obstacle pour leur développement16. En revanche, ce
n’est qu’à partir des années 90 que les constitutions africaines en général et la
constitution béninoise en particulier, accordera une attention particulière à la
protection de l’environnement.
En effet, accédée à l’indépendance le 1er août 1960, la République
du Dahomey, aujourd’hui République du Bénin, au regard de son histoire
constitutionnelle assez mouvementée, a connu sept Constitutions17. De
toutes ces constitutions, seule la dernière, celle dont les bases ont été fixées
par la Conférence Nationale, met un accent particulier sur la préservation de
l’environnement ; les autres n’en n’ont pas fait état puisque l’environnement n’était
pas une préoccupation majeure pour les autorités politiques d’alors, lesquelles
nourrissaient à l’égard de la protection de l’environnement, une «méfiance»18.
Dès lors, il y a là une évolution assez remarquable du droit constitutionnelle
béninois. Cette évolution est corollaire du faible niveau de développement
du droit de l’environnement dans la sous région ou prédominait le Parti- Etat.
L’on peut affirmer aujourd’hui, eu égard à l’émergence des préoccupations
environnementales dans la loi fondamentale, sans risque de se tromper que la
14 12 FALLOUX (François) et TABOT (Lee), Crise et opportunité. Environnement et développement en Afrique, édit. G.P. Maisonneuve & La Rose. ACCT, Paris, 1992, p : 290-291.
15 13 ROBERT (Jacques-Henri), in, Le problème de la responsabilité et des sanctions en France, RIDP, op. cit. p : 949
16 M. KAMTO, op. Cit. p : 3217 De GAUDUSSON (Jean du Bois), CONAC (Gérard) et DESOUCHES (Christine), in, Les
constitutions africaines, Tome 1, édit. Bruylant, Bruxelles, 1997 Il s’agit de : la constitution du 15 février 1959, la constitution du 25 novembre 1960; la constitution du 05 janvier 1964 ; la constitution du 31 mars 1968 ; la constitution du 07 mai 1970 ; la loi fondamentale du 26 août 1977 promulguée le 09 septembre 1977 et la constitution du 11 décembre 1990.
18 Cf. KAMTO (M), op. cit. p:32, 33 ; FALLOUX (François) et TABOT (Lee), Crise et opportunité. Environnement et développement en Afrique, édit. G.P. Maisonneuve & La Rose. ACCT, Paris, 1992, p : 290-291.
27
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
constitution béninoise du 11 décembre 1990, est une « constitution verte », une
constitution qui place l’environnement au centre des préoccupations des droits
de l’homme.
1. Le droit à un environnement sain
Au plan planétaire, deux instruments des Nations Unies ont été
précurseurs dans la proclamation du droit de jouir d’un environnement sain.
C’est d’abord la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des Peuples
qui, dès 1948, énonçait dans son article 25 que « toute personne à droit à un
niveau de vie suffisant pour assurer sa santé et son bien être ». Ensuite, ce
droit a été, cette fois-ci, réaffirmé d’une manière directe à la Conférence de
Stockholm sur l’environnement en 1972 dans le Principe1 de la Déclaration
de Stockholm comme suit : « l’homme a un droit fondamental à la liberté, à
l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la
qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien être. Il a le devoir solennel
de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et
futures. » 19
A l’instar de ces instruments internationaux, la constitution béninoise
clarifie davantage en disposant que: «Toute personne a droit à un environnement
sain, satisfaisant et durable et a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la protection
de l’environnement»20. Il en est de même de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples adoptée lors de la XVIIIème Conférence des Chefs d’Etat
et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine, le 18 juin 1981 à Nairobi
au Kenya, et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 et qui fait partie intégrante
de la présente constitution. Cette Charte qui est intervenue 10 ans avant le
Sommet de Rio, se réfère aux valeurs de la civilisation africaine pour proclamer
19 - PRABHU (Mohan), Rapport Général du congrès international sur les crimes contre l’environnement, organisé par la section canadienne de l’Association Internationale de Droit Pénal Ottawa, Canada. RIDP, AIDP, Les atteintes à l’environnement. 3ème et 4ème trimestre 1994.
- SHELTON (D), Techniques et procédures en droit international de l’environnement, cours 3, p : 83
20 Article 27de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990
28
Premiere partie
pour la première fois, en tant qu’instrument international en matière de droit de
l’homme, une consécration juridique formelle au droit à l’environnement,21 que
« tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice
à leur développement »22. Les conséquences de ses dispositions sont énormes
pour l’Etat. Un environnement « sain » suppose un environnement ou un cadre
de vie non dégradé, non pollué, hygiénique et salubre. L’environnement est
l’affaire de tous. Cette évidence qui implique des droits et des devoirs, signifie
que chacun est à la fois acteur et victime de l’environnement, pollueur et pollué.
Cette implication à la fois individuelle et collective correspond bien à la nature
spécifique du droit à l’environnement en tant que droit pouvant s’exercer aussi
bien individuellement que collectivement. La Constitution donne «à chacun»
le droit de vivre dans un environnement sain lorsqu’il dispose que «toute
personne a …». Une analyse exégétique de ce texte nous permet de conclure
qu’il est inclus dans ce membre de phrase, aussi bien les personnes physiques
que les personnes morales ; quant on sait surtout que se sont ces dernières
qui dégradent plus l’environnement à travers leurs entreprises. Par la valeur
constitutionnelle ainsi conférée, la protection de l’environnement devient un
intérêt supérieur, qui doit être assorti de toutes les garanties juridiques relevant
de son rang. L’Etat ou les collectivités publiques ont la lourde responsabilité de
créer, ce « droit », qualifié de droit de la troisième génération23. Ce cadre de vie,
a pour finalité de «réaliser une politique de préservation et de gestion collective
des milieux, des êtres vivants et des ressources »24. C’est en raison de ce critère
finaliste qu’on estime indispensable la consécration constitutionnelle d’un droit
à l’environnement25. Il y a de la part des populations un besoin de vivre dans un
milieu sain et protecteur des équilibres naturels26. Pour ce faire, l’Etat est obligé
21 KAMTO (M), op. cit., p: 51, 52. L’Afrique est la première à consacrer formellement le droit à l’environnement dans un instrument juridique régional ayant force contraignante.
22 Article 24 de la Charte africaine des droits de l’homme.23 Cf. BELET(J.M) et COLARD(D), Les droits de l’homme, Tome I, Paris, Economica, 1982, p : 15
et ss. Historiquement, les droits de l’homme sont classés en trois catégories. La première concerne les droits civils et politiques, la seconde, les droits économiques, sociaux et culturels. La troisième catégorie est constituée des droits de la troisième génération dits « droit de solidarité » au nombre desquels figure le droit à un environnement sain.
24 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édit. Dalloz, Paris, 1996.p :0925 Idem26 Idem
29
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de légiférer et de réglementer le comportement des citoyens. Ces derniers
ont des droits mais aussi des devoirs ; notamment le devoir de défendre et de
maintenir durablement l’environnement. Afin de mieux accomplir ce devoir,
le constituant béninois, contrairement aux autres constitutions, notamment
la constitution française de la 5ème République27, a pourvu le citoyen béninois
d’un droit de saisine direct de la cour constitutionnelle pour soit soulever
l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’un règlement soit pour soulever une
exception d’inconstitutionnalité devant une juridiction. C’est l’article 122 qui
consacre cette progression du droit constitutionnel béninois en disposant que
« tout citoyen peut saisir la cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des
lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité
invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Celle-ci doit
surseoir jusqu’à la décision de la cour constitutionnelle qui doit intervenir
dans un délai de trente jours.». Ainsi, on peut soutenir que la consécration
constitutionnelle d’un environnement sain, qui apparaît ici comme un principe
constitutionnel, est un acquis environnemental considérable, de sorte qu’une
loi qui violerait de façon manifeste et massive cet acquis environnemental
sera très probablement déclarée anticonstitutionnelle. Il s’ensuit que, tout
acte de délinquance écologique apparaîtra dès lors comme une manifestation
d’indifférence ou d’hostilité à l’égard de cette valeur qu’est la constitution et
doit, de ce fait, être pénalement sanctionné. En disposant ainsi qu’il l’a fait, le
législateur constitutionnel béninois « a nécessairement entendu ériger le droit
à l’environnement en liberté fondamentale de valeur constitutionnelle ».28 Par
ailleurs, au lendemain de l’entrée en vigueur de la Charte africaine des droits de
27 cf. VINCENT (J), GUINCHARD(S), MONTAGNIER (G), VARINARD (A), La justice et ses institutions, édit. Dalloz, précis, 4ème édit., Paris, 1996, p: 230 «originairement, l’article 61 de la Constitution française, n’ouvrait la saisine du conseil constitutionnel, qu’au président de la République, au 1er Ministre et aux Présidents de chaque Assemblée parlementaire. Pratiquement ceci revenait à en écarter les députés et les sénateurs de l’opposition; cet inconvénient a été supprimé par la réforme de l’article 61 introduite en 1974 à l’initiative de M. Giscard D’ESTAING après son élection, qui permet également la saisine du conseil par soixante députés, soit par soixante sénateurs»
28 Dominique GUIHAL, La Charte de l’environnement et le juge judiciaire, in RJE n° spécial 2005
30
Premiere partie
l’homme et des peuples29, presque tous les pays africains30 ont évolué dans cette
dynamique constitutionnelle de protection de l’environnement. Ces Etats dont
globalement les constitutions des trois premières décennies post-indépendances
étaient oublieuses de l’environnement,31 ont « proclamé dès le départ un droit
à l’environnement non pas dans quelques textes obscurs de leur législation
mais au fronton de leur droit interne, c’est-à-dire dans leur constitution »,32 se
faisant, ils participent au développement des sources constitutionnelles du droit
de l’environnement. Ces dispositions constitutionnelles africaines consacrent
toutes, de manière directe, le droit à un environnement sain. La protection de
l’environnement est donc élevée au rang d’une obligation constitutionnelle.
Ainsi, fort de cette reconnaissance constitutionnelle, le Bénin est sur une
bonne voie. Dès lors, on note une avancée, même si elle est virtuelle, de la
constitution béninoise par rapport à la constitution française par exemple, qui
est caractérisée par l’entrée tardive de l’environnement dans la constitution.
Ce qui a permis à M. PRIEUR, d’écrire qu’ « alors qu’au plan international et
dans de nombreux pays étrangers, le droit à l’environnement est reconnu, en
France la protection de l’environnement n’est toujours pas une liberté publique
constitutionnellement garantie, même si la loi du 02 février 1995 admet le droit
de chacun à un environnement sain. » Elle n’est intervenue qu’à l’issue d’un
long processus, fait de débat juridique de fond, qui a conduit au vote par le
Parlement et la promulgation le 1er mars 2005, par le Président de la République,
Monsieur Jacques CHIRAC de la loi constitutionnelle relative à la Charte de
l’environnement.33 Ainsi, à l’instar de l’article 27 de la constitution béninoise, les
29 Elle est adoptée par la XVIIème Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA le 18 juin 1981 à Nairobi, au Kenya. Elle est ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 et entrée en vigueur le 21 Octobre 1986
30 -Cf., Mohamed Ali MEKOUAR, Etude juridique de la FAO, en ligne avril 2001 ; cité par RJE, n ° spécial 2005, Dispositions constitutionnelles dans certains pays africains, in, «le droit de l’environnement dans la charte africaine des droits de l’homme ».
31 M. KAMTO, Droit de l’environnement en Afrique, EDICEF/AUPELF, Paris, 1996), p : 6732 DESIDERI (Jean-Pierre), in Le droit de l’environnement dans les pays francophones de
l’Ouest africain, article, dans l’Académie des juristes Tarnais, www.agoramed.org., Paris mars 2008.
33 Actes du colloque organisé avec le concours du conseil constitutionnel, Paris, les 20 et 21 juin 2005 par la SFDE. Elle n’est intervenue qu’après un long débat dont le processus a commencé en 2002.
31
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
articles 1er et 2ème, de la Charte française disposent respectivement : «Chacun a
le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »;
«Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration
de l’environnement».34 Le Professeur Stéphane DOUMBE-BILLE a pu même
s’exclamer à propos «Enfin ! Enfin, la Charte constitutionnelle française ! »35 ;
comme pour dire à la face du monde, ouf ! Enfin la France a franchi le cap d’une
véritable garantie de la préservation de l’environnement en élevant en valeur
constitutionnelle, la sauvegarde de l’environnement. À Véronique JAWORSKI, de
renchérir : « s’inscrivant dans un mouvement général de constitutionnalisation
des diverses branches de droit, l’environnement faisait une entrée, historique et
symbolique, dans le bloc de constitutionnalité»36.
Par contre, si en France la constitution française, comme on le constate,
a accusé un retard dans la reconnaissance de ce droit constitutionnel, les
constitutions de certains Etats comme le Canada, les USA, la Belgique, ne
reconnaissent pas ce droit.37 Ainsi, en Belgique «la constitution belge ne reconnaît
pas expressément un droit à un environnement convenable, ni directement ni
indirectement par le biais du droit à la vie, à la santé et à la sécurité. De telles
dispositions n’ont pas paru nécessaires aux constituants en 1831 et les révisions
subséquentes de la constitution ont répondu à d’autres attentes»38. Ce n’est
qu’en janvier 1994 que la loi fondamentale Belge consacre le principe en son
article 23, alinéa 3, 4°39.
En Allemagne, l’idée d’insérer un droit à l’environnement dans la loi
fondamentale, fut exprimée pour la première fois dans le programme de la
protection de l’environnement publié par le gouvernement fédéral en 1971, le
34 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, JORF n°51 du 02 mars 2005, p : 3697.
35 La Charte constitutionnelle et le droit international, in RJE n° spécial 2005.36 La Charte constitutionnelle de l’environnement face au droit pénal, in RJE n°spécial 2005.37 35 Les crimes contre l’environnement en droit belge, article publié par C. HENNAU-HUBLET
et J.P. PIRET, lors du congrès international sur les crimes contre l’environnement, organisé par la section canadienne de l’Association Internationale de Droit Pénal Ottawa, Canada. RIDP, AIDP, les atteintes à l’environnement. 3ème et 4ème trimestre 1994, pp : 782-783.
38 36 C. HENNAU-HUBLET et J.P. PIRET, idem. pp : 782-783.39 NEURAy (J.F.), Principes de droit de l’environnement, Kluwer édit. Juridiques, Belgique &
Story Scientia, 1995, p : 53.
32
Premiere partie
premier grand document pragmatique visant la protection de l’environnement
en Allemagne. Depuis ce temps, il existe en Allemagne une unanimité politique
de ce qu’il faudrait insérer dans la constitution une disposition obligeant l’Etat
à protéger l’environnement. Mais c’est beaucoup plus l’événement relatif à la
réunification allemande qui a ouvert la voie à la protection de l’environnement
par la constitution car « le traité de l’unification prévoit un mandat de réforme
constitutionnelle »40. C’est donc cette réforme que traduit l’article 20 a lorsqu’il
dispose « Assumant ainsi également sa responsabilité pour des générations
futures, l’Etat protège les fondements naturels de la vie et des animaux par
l’exercice du pouvoir législatif, dans le cadre de l’ordre constitutionnel, et des
pouvoirs exécutif et judiciaire dans les conditions fixées par la loi et le droit».41 Il
s’ensuit que même si c’est sur un plan purement formel, certains pays africains
paraissent ainsi, bien en avance sur de nombreux pays développés où la
constitutionnalisation du droit à l’environnement, voire sa simple consécration
juridique aux moyens même des catégories normatives inférieures à la
constitution, demeure une revendication ; en dépit de la multitude des règles
et procédures existantes en matière de droit de l’environnement, celui-ci est
encore dans ces pays, au stade du «non droit»42
Nous venons ainsi de développer les grands axes liés à la consécration
constitutionnelle d’un droit à un environnement sain qu’une certaine doctrine
qualifie de «droit programmatoire»43. A première vue le droit de l’homme
à l’environnement pourrait paraître superflu puisque, tendre vers un droit à
l’environnement sain, c’est aussi assurer à l’être humain ses droits fondamentaux.
C’est assurément un droit qui protège l’homme et le milieu dans lequel il vie.
Mais, pour des raisons méthodologiques et de clarification nous optons sans
40 BOTHE (Michael), in, Le droit à l’environnement dans la Constitution Allemande, RJE, n° spécial 2005, p : 35.
41 Idem42 KAMTO(M), op. cit. , p : 5143 AHADZI NONOU (K), Droits de l’homme et environnement : théories et réalités.
Contribution aux « Mélanges » en l’honneur du Doyen yves MADIOT, Bruxelles, Bruyant, 2000, p : 7. Cité par GOUGBEDJI (C) Le droit à un environnement sain. Mémoire, DEA Droits de l’Homme et Démocratie. P : 37. C’est un droit dont on ne peut exiger la mise en œuvre immédiate. Il se limite à une norme de programme ; c’est-à-dire une mission de l’autorité consistant à poursuivre un résultat déterminé.
33
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
toutefois verser dans la polémique doctrinale, de faire un développement séparé
des deux notions complémentaires à savoir le droit à un environnement sain et
le droit de l’homme à l’environnement. Puisque si dans le premier cas, le concept
embrasse l’environnement au sens large (êtres vivants ou éléments biotiques :
hommes et plantes ; et éléments abiotiques : eau, sol, air,…) ; dans le deuxième
cas, c’est-à-dire dans le cas des droits de l’homme, il s’agit uniquement que de
la dimension humaine, la dimension «anthropocentrique»44, qu’il conviendrait
de privilégier même s’il faut comprendre le droit à l’environnement comme un
droit bidimensionnel 45, c’est-à-dire, à la fois comme un droit humain et un droit
de la nature.
2. L’environnement, objet d’un droit de l’homme
Environnement et droit de l’homme constitue effectivement une
préoccupation dans la constitution béninoise. Le Titre II intitulé « Des droits et
devoirs de la personne humaine» est déjà évocateur et illustratif de la volonté
du constituant d’accorder le même rang aussi bien à l’environnement qu’aux
autres droits fondamentaux de la personne humaine comme le droit de tout
individu à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne, le droit
à la propriété, le droit d’assurer sa défense, etc. …En revanche, «la conciliation
des droits devra se faire sous le contrôle des juges et l’on peut se demander si
le droit à l’environnement, par son caractère à la fois universel et transversal,
individuel et collectif, affectant l’homme, sa survie, sa santé, l’humanité et
la diversité biologique, ne va pas se révéler comme devant bénéficier d’une
certaine prééminence sur certains autres droits fondamentaux»46.
Plusieurs dispositions de la constitution béninoise, notamment les
articles 27, 28, 29, 74, 98, 147 sont consacrés à la sauvegarde de l’environnement.
Le non respect desdites dispositions doit être considéré comme une violation
des droits de l’homme ou comme «crime contre la nation». Autrement dit, tout
44 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édit. Dalloz, Paris, 1996.p :6545 KAMTO (M), op. cit., Paris, 1996), p : 5246 Michel PRIEUR, in Vers un droit de l’environnement renouvelé. Etudes et doctrine.; Cahiers
du Conseil constitutionnel n° 15, 14 p.
34
Premiere partie
doit être mis en œuvre par les pouvoirs publics de sorte que «la préservation
de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts
fondamentaux de la nation » ci-dessus énumérés au paragraphe précédent;
puisque «les enjeux environnementaux font désormais partie des droits de
l’Homme»47.
Cependant, l’on pourrait s’attarder sur ces notions de droit à
l’environnement et droit de l’homme, pour faire remarquer la controverse
doctrinale qu’alimentent ces deux concepts. La question se pose de savoir si
l’environnement peut faire l’objet d’un droit de l’homme. N’est-ce pas un
euphémisme que de parler de protection de l’environnement comme un droit
de l’homme ? Il est scientifiquement admis par tous que la vie des hommes
sur terre est étroitement liée à celle des autres espèces vivantes. Protéger
la nature à travers la faune, la flore et la biodiversité, est en même temps
protéger l’homme. Détruire la nature ou épuiser ses ressources, prive l’homme
d’un développement durable. La déclaration de Rio de Janeiro de 1992 sur
l’environnement et le développement énonce que « la terre constitue un tout
marqué par l’interdépendance ». Si les êtres humains sont bien évidemment au
centre des préoccupations relatives au développement durable, ils ont droit à
une vie « en harmonie avec la nature ».48 Il apparaît donc évident qu’on ne peut
pas, à propos de l’environnement, dissocier l’homme de son milieu de vie et des
éléments physiques et biologiques qui composent ce milieu.
Au delà des controverses doctrinales, la problématique du rattachement
du droit de l’environnement au droit de l’homme et à la démocratie a pris une
ampleur exceptionnelle avec l’attribution du prix Nobel de la paix 2004, pour son
action contre la déforestation, à madame Wangari MAATHAI, Secrétaire d’Etat à
l’environnement du gouvernement Kényan49.
L’effectivité des valeurs constitutionnelles environnementales réside
aussi bien dans la détermination des incriminations que dans l’application
des sanctions pénales. Dès lors, le droit pénal béninois de l’environnement,
47 V. JAWORSKI, La Charte constitutionnelle de l’environnement face au droit pénal, in RJE n° spécial 2005.
48 Principe 1 de la déclaration de Rio, 1992.49 Prix Nobel de la paix décédé en octobre 2011
35
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
actuellement inadapté et insuffisamment appliqué, ne peut que tirer avantage
de cette promotion constitutionnelle.
B) La criminalisation constitutionnelle des infractions environnementales
Les articles 29, 73, 74, 136, 137 et 138 de la constitution béninoise
apportent une contribution inestimable au développement du droit pénal de
l’environnement. Ces articles incarnent, à n’en point douter, le caractère novateur
de la constitution béninoise en matière de préservation de l’environnement.
Pour en arriver à ces articles, le constituant béninois a été inspiré par un
événement majeur, « la découverte d’un trafic de déchets dangereux entre pays
industrialisés et certains pays africains dont le Bénin vers la fin des années 1980,
précisément en 1988. Cette découverte macabre a déclenché l’alerte écologique
en Afrique50. Aujourd’hui encore, les faits donnent raison aux pays africains afin
qu’ils cultivent une vigilance écologique permanente contre les multinationales
en quête de dépotoir en Afrique. L’exemple de la Côte-d’Ivoire dans l’affaire de
«déversement des déchets toxiques du cargo Probo Koala», affrété par la firme
Trafigura en Août 2006 est illustratif à plus d’un titre de par ses conséquences.
Nous y reviendrons ultérieurement.
L’article 29 de la constitution béninoise 51dispose que «le transit,
l’importation, le stockage, l’enfouissement, le déversement sur le territoire
national des déchets toxiques ou polluants étrangers et tout accord y relatif
constitue un crime contre la nation. Les sanctions applicables sont définies par
la loi.». Une analyse de ces dispositions fait ressortir les éléments matériels
constitutifs de l’infraction de «crime contre la nation» qui apparaît ici en droit
béninois, comme la plus grande infraction pénale sanctionnée en matière
environnementale. Ainsi, l’infraction est consommée et qualifiée de crime
contre la nation béninoise, lorsque l’un quelconque des faits ou activités
50 F. TCHOCA FANIKOUA, Analyse critique du cadre institutionnel de mise en œuvre des politiques environnementales en Afrique, le cas du Bénin, Mémoire de DEA., UB, Lomé, Togo, 1998,77p.
51 Constitution béninoise du 11 décembre 1990
36
Premiere partie
suivants relatifs à la manipulation ou à l’exploitation sur le territoire national
des déchets toxiques ou polluants provenant de l’étranger, à savoir « le transit,
l’importation, le stockage, l’enfouissement et le déversement » est constitué.
En d’autres termes, ces activités, constitutifs de l’infraction de crime contre la
nation, lorsqu’elles se déroulent telles que décrites, sont qualifiées d’atteintes
graves à l’environnement donc, d’activités criminelles passibles de la peine
capitale.
Autre infraction pénale qualifiée de crime contre la nation béninoise, est
celle prévue par les dispositions de l’article 74 de la constitution. En effet, c’est
d’abord l’article 73 qui pose le principe de la responsabilité pénale personnelle
du Président de la République en cas de haute trahison. En revanche, est qualifié
de haute trahison ou est constitué, comme élément matériel de cette infraction
hautement politique, le fait pour le Président de la République, non seulement,
de violer son serment, d’être reconnu comme auteur, co-auteur ou complice
de violations graves et caractérisées des droits de l’homme, de session d’une
partie du territoire, mais aussi et surtout «d’acte attentatoire au maintien d’un
environnement sain, satisfaisant, durable et favorable au développement». Ainsi,
des quatre chefs d’accusations qui pèsent sur le Président de la République,
figure en bonne place l’atteinte à l’environnement. Le cas échéant, il perd son
immunité et engage sa responsabilité pénale et est poursuivi devant la Haute
Cour de Justice52. L’infraction de Haute trahison concerne aussi bien le Président
de la République que les membres de son gouvernement. Cependant, avant
d’être poursuivi, le Président de la République ou l’un quelconque des membres
de son gouvernement doit franchir une barrière hautement politique, à savoir, la
décision de poursuite puis la mise en accusation du Président de la République
et des membres du gouvernement votée à la majorité des deux tiers des députés
composant l’Assemblée Nationale53. C’est déjà, reconnaissons-le, important que
la constitution ait prévue ce processus de mise en accusation, du Chef de l’Etat,
premier magistrat, et des membres de son gouvernement en cas d’atteintes
graves à l’environnement. Cette criminalisation des infractions est un acquis
fondamental pour l’avancée du droit de l’environnement au Bénin. Ce courage
52 Cf. art.136 et suivants de la constitution du Bénin du 11-12-90. ; loi-organique n°93-013 du août 1999 portant loi organique de la Haute Cour de Justice.
53 Idem, art 137
37
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
juridico-politique n’existe pas dans d’autres constitutions. Il en est ainsi de la
constitution française, laquelle a inspiré fortement le constituant béninois. La
Charte constitutionnelle française, « est muette sur le droit pénal »54. Le simple
fait que ces infractions existent et sont qualifiées d’environnementales est déjà
une victoire contre la délinquance environnementale.
Le législateur béninois a eu pourtant la lucidité de comprendre que la
consécration solennelle du droit à l’environnement fut-ce dans une constitution
ne suffit pas, mais qu’elle doit être relayée dans un souci d’efficacité par des
dispositions législatives et réglementaires adéquates.
§II : L’existence de dispositions législatives et réglementaires répressives.
La protection légale de l’environnement signifie l’établissement d’un
cadre légal qui assure les normes de protection de l’environnement et qui élabore
d’avance les peines répressives. Rappelons que « pour exister, une loi pénale doit
avoir été mise en vigueur et n’être pas encore caduque au moment ou le juge
statue »55. Le droit positif interne de l’environnement au Bénin, qui s’insère dans
cette optique, est plus ou moins riche en textes législatifs et réglementaires. La
production législative, commencée à l’époque coloniale, s’est accrue à partir des
années 1990, période du renouveau démocratique. Entre autres innovations du
secteur de l’environnement, le législateur a fondé sa politique environnementale
sur l’amélioration du cadre législatif et réglementaire. Il conviendra pour nous
de revisiter ce cadre qui offre une possibilité théorique en faisant une analyse
descriptive de l’existant, en mettant en exergue les dispositions pénales de
portée générale (A) ainsi que celles relatives à la législation sectorielle (B).
54 (V). JAWORSKI, La charte constitutionnelle de l’environnement face au droit pénal, RJE, N° Spécial 2005.
55 PRADEL (Jean), Droit pénal Général, Editions Cujas, 16ème édit. 2006, p : 165
38
Premiere partie
A) Les textes de portée générale
Il s’agit d’une part des anciens textes ou codes remontant à la période
coloniale et d’autre part de la récente loi-cadre sur l’environnement.
1. Les anciens textes répressifs
Se sont des textes juridiques quasi inadaptés pour la protection de
l’environnement mais universellement reconnus. Il s’agit par exemple, du code
de procédure pénale et du code pénal.
a) Le Code de Procédure Pénale56
Au lendemain des indépendances, le législateur a très tôt fait de doter
le pays d’un code de procédure pénale dont la première édition est apparue en
août 1967. La deuxième édition est apparue le 08 novembre 1982 et aujourd’hui,
la troisième édition en 2000. Ainsi, en matière pénale classique ou en matière
environnementale, ce code est actuellement applicable notamment en matière
de droit processuel environnemental. Il devrait l’être en tenant compte des
spécificités du droit pénal de l’environnement ; mais il a été voté et révisé sans
la dimension environnementale.57.
56 Ordonnance n°25/PR/MJL du 07 août 1967, ONEPI, Bénin57 Cf. Décret n°99-211du 30 avril 1999 portant transmission à l’Assemblée Nationale du
projet de loi portant code de procédure pénale. Au moment où nous mettons sous presse, ce code vient d’être voté par les députés le 30 mars 2012 avec des améliorations quant aux droits de la personne mais sans changement dans le domaine de l’environnement.
39
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
b) Le recueil de Code pénal « BOUVENET » 58
Depuis son accession à la souveraineté nationale, le Bénin n’a pu se doter
d’un code pénal. Le code pénal colonial, ou code napoléonien ou code pénal de
181059 ou encore «Code BOUVENET» qui n’est en réalité qu’un recueil de textes,
est le code en vigueur au Bénin. Il est désuet et son application remonte au XIXème
siècle. Ce code n’est pas du tout adapté à la protection de l’environnement ;
c’est un droit colonial qui assure une protection indirecte et essentiellement
utilitariste de l’environnement. Il organise l’appropriation publique ou privée
et une exploitation absolument libérale des ressources naturelles60. C’est
dans ce cadre que s’inscrit, la section III intitulé « destructions, dégradations,
dommages » des articles 434 et suivants qui déterminent les incriminations à
caractère environnemental qu’elle réprime.
Contrairement à la loi-cadre, aux législations sectorielles, les articles
du code pénal qui ont un rapport avec ce que l’on nomme aujourd’hui
«environnement», visaient principalement la protection des droits d’un
propriétaire à l’égard d’éléments naturels. La protection de l’environnement
y trouvait son compte mais d’une manière tout a fait incidente à travers la
satisfaction de l’intérêt du propriétaire. Ainsi, le code pénal ne protège certains
éléments naturels que parce qu’ils sont considérés comme éléments de la
propriété publique 61 ou privé : « quiconque aura abattu un ou plusieurs arbres
58 Cf. le décret du 6 mai 1877 qui avait rendu applicable «Le Code BOUVENET»; en Afrique Occidentale Française (AOF). C’est ainsi qu’il s’applique au Bénin jusqu’à ce jour. Le pays n’ayant pas encore un code pénal propre à lui. V. aussi Lucien ACCAD, EJA, T.10 : Droit pénal et procédure pénale. Définition des comportements délictueux. p.21 ; on peut voir que contrairement à certains pays africains qui se sont dotés au lendemain des indépendances d’un code pénal comme le Niger par loi 61-27 du 15 juillet1961 ; Gabon par loi 2163 du 31 mai 1963 ; Cameroun par loi n°65-24 du 21 novembre 1965; Guinée décret de promulgation du 30 octobre 1965 ; Tchad par ord. 1267 PR-MJ de 1967 ; Côte-D’ivoire, 1960 mis à jour le 1er avril 1968 ; Mali loi du 29 août 1961 ; Rouanda décret-loi n° 21-77 du 18 Août 1977.
59 PRADEL(J), op.cit.,p:9060 Cf. KAMTO (M), op. cit. p : 6661 Cf. Gaston Jean BOUVENET et Paul HUTIN, Recueil annoté des textes de Droit pénal
applicable en AOF ; Dégradation de monuments article 257 CP.
40
Premiere partie
qu’il s’avait appartenir à autrui… »62 ; « Quiconque aura sans nécessité tué un
animal domestique »63. Cette forme implicite de protection des biens naturels
ne rompt pas avec une visée anthropocentrique. Comme l’a bien montré M.
Agulhon,ce type originel de protection de l’animal n’a rien à voir avec l’écologie.
L’intérêt protégé n’est pas un bien naturel menacé mais la morale civique « on
espérait qu’en refreinant cette violence mineure, on aiderait à refréner la
violence majeur des humains entre eux… c’était un problème de relation à
l’humanité et non de relation à la nature »64. On pourrait à titre d’exemple, faire
remarquer que l’article 479.8 du CP et l’article 86 de la loi-cadre prohibent tous
deux l’émission du bruit, mais le premier l’interdit « afin d’éviter qu’on ne trouble
la tranquillité des habitants », le second en revanche, en plus de la première,
l’interdit afin de causer « une gêne excessive à la nature ». Par contre, le code
pénal burkinabé rompt avec le classicisme colonial et incrimine directement
l’environnement en temps qu’un « bien n’appartenant à personne », lorsqu’il
dispose que « quiconque aura, par inattention, imprudence ou négligence
directe ou indirecte porté atteinte à la santé de l’homme, des animaux, des
plantes en altérant l’équilibre du milieu naturel soit les qualités essentielles du
sol, de l’eau, ou de l’air sera déclaré coupable de délit contre l’environnement et
puni conformément aux dispositions du code de l’environnement »65. Au Bénin,
le projet de nouveau code pénal introduit par le gouvernement, depuis quelques
années et toujours en souffrance au Parlement, n’aborde pas les délits liés à
l’environnement.
62 Idem Article 445 63 Idem Article 454 64 Le sang des bêtes, in romantisme n°31, 1981, p : 81 cité par Lascoumes P, La « nature
comme intérêt protégé par le droit pénal : les trois étapes d’un parcours incertain in Images et usages de la nature en droit, 1993. p : 223-224 ; cf. SOGLO AGUEDE (Giséle), Le droit pénal de l’environnement en droit positif béninois : possibilités et limites de la répression, Mémoire de DEA, p : 9, 1998, Lomé, Togo
65 Art. 194 de la Loi n°43-96ADPdu 13 novembre 1996 portant code pénal du Burkina Faso cf. www.ahjucaf.org/Burkina- Faso
41
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
2. Les possibilités offertes par la loi-cadre sur l’environnement au Bénin
Certaines dispositions constitutionnelles autorisent le législateur,
de façon expresse, à adopter des lois qui permettent de mettre en œuvre la
protection juridique de l’environnement. La gestion des ressources naturelles et
de l’environnement étant du domaine de la loi, elle est régit par une loi-cadre.
C’est l’exemple de la plupart des constitutions d’expression française, comme
celle du Bénin. Dans le contexte général du bloc de légalité tel que dégagé dans
la doctrine juridique française, une loi-cadre environnementale peut être définit
comme « une loi ordinaire dont l’objet et la portée s’adressent aux problèmes
de gestion et protection de l’environnement ; avec toutes les perspectives
d’application des approches de gestion intégrée du secteur des ressources
environnementales ».66 La loi-cadre sur l’environnement du Bénin, apparait
donc comme un instrument qui encourage une gestion visant à centraliser et
à coordonner les différentes interventions ou approches, ainsi que les régimes
qui sont centrés autours des ressources fonctionnelles des différents secteurs
d’intervention pour protéger l’environnement. Le Bénin dispose ainsi d’un
moyen formel d’obtenir un système intégré de gestion environnementale, en
rassemblant les régimes juridiques souvent autonomes à chaque secteur, tout
en établissant un système généralisé d’interface entre les secteurs.
En effet, la loi n° 98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur
l’environnement en République du Bénin, sans être une loi organique, fixe les
principes, définit les bases de la politique environnementale et organise sa mise
en œuvre et ce, en application des dispositions des articles 27, 28, 29, 74 et
98 de la constitution. C’est elle qui rend effective et applicable les dispositions
constitutionnelles. Très exhaustive dans la définition des infractions et des
peines, elle énonce les principes généraux à respecter pour une meilleure
protection de l’environnement. Elle est la principale loi sur l’environnement au
66 E. G. MOUTONDO, Les lois-cadre environnementales dans les pays francophones d’Afrique, article, in, Aspects contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et centrale, sous la coordination de L. GRANIER, UICN, 2008.
42
Premiere partie
Bénin. A l’instar du Bénin, une loi ou un code de l’environnement est en vigueur
également dans plusieurs pays africains67.
La loi-cadre sur l’environnement du Bénin, comprend 123 articles, 07
titres et 22 chapitres. Dans cette loi-cadre, la répression de l’environnement est
organisée autour des sources de dégradations potentielles.
a) L’énoncée des principes généraux de l’environnement
Selon la doctrine, « les principes généraux servent de critères
d’interprétation pour résoudre des questions que pourraient susciter
l’application des règles de compétences ». Les principes généraux ou « principes
fondamentaux »68, constituent en réalité des lignes directrices, autour desquelles
va s’inspirer la politique environnementale du pays. Ces principes cardinaux, au
nombre de six, sont :
- « l’environnement béninois est patrimoine national et fait partie
intégrante du patrimoine commun de l’humanité ;
- chaque citoyen à droit à un environnement sain, satisfaisant et durable
et à le devoir de le défendre ;
- la protection et la mise en valeur de l’environnement doivent faire partie
intégrante du plan de développement économique et social et de la
stratégie de sa mise en œuvre ;
- les différents groupes sociaux doivent intervenir à tous les niveaux
dans la formulation et l’exécution de la politique nationale en matière
d’environnement ; ce principe est capital dans la lutte contre la pauvreté
et favorise le développement du pays ;
67 C’est le cas au Sénégal, un code de l’environnement a été adopté en 1983 ; au Togo, un code de l’environnement a été adopté en 1988 ; au Tchad, une loi définit depuis 1998 certains principes de protection et de gestion durable, ainsi que le régime des études d’impact ; au Maroc, une loi du 12 mai 2003 régit la protection et la mise en valeur de l’environnement ;Gabon, 1996 ;Cameroun, 1996 ; Côte-d’Ivoire, loi n°96-766du 03 octobre 1996 portant code de l’environnement de Côte-d’Ivoire.
68 Cf. Art. 3 de la loi n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement au Sénégal.
43
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
- les autorités doivent tout mettre en œuvre pour optimiser
l’investissement dans le développement des capacités nationales en
vue de la réalisation progressive et effective de la politique en matière
d’environnement ;
- tout acte préjudiciable à la protection de l’environnement engage la
responsabilité directe ou indirecte de son auteur qui doit en assurer la
réparation. »69
Cependant, la formulation de ces principes par la loi-cadre sur
l’environnement, laisse à désirer d’autant puisqu’elle manque, à notre sens, de
rigueur juridique. Le premier principe qui commence par « l’environnement
béninois…l’humanité », n’en est pas un et le troisième aurait pu s’intituler
« principe de participation ». Car ces principes devraient être identiques
et en conformité avec ceux affirmés par la communauté internationale et
exprimés par les instruments internationaux. Il s’agit par exemple du principe
de prévention, du principe de précaution, du principe de participation, du
principe du développement durable, du principe pollueur payeur, du principe de
l’intégration de l’environnement dans les plans de développement.
L’on peut se poser la question de savoir quel rôle joue véritablement ces
principes ? En droit, ces principes, qui sont des principes juridiques, d’émanation
législative et doctrinale, sont d’une importance capitale aussi bien pour le
législateur que pour le juge. En effet, le juge dans ses diverses applications peut
s’en inspirer. Car c’est à la lumière de ces principes qu’il interprétera une loi
obscure ou une loi dont le sens est douteux70.
69 Cf. art. 3 de la loi-cadre sur l’environnement du Bénin. Les articles 4 et 5 abordent respectivement les objectifs desdits principes et les dispositions pour atteindre ces objectifs.
70 DIJON (X), Méthodologie juridique, l’application de la norme, Kluwer Editions juridiques Belgique & E. Story-Scientia, Bruxelles, 1996,p : 107
44
Premiere partie
b) Les incriminations ou infractions prévues par la loi-cadre
Conformément au principe de la légalité des délits et des peines, les
crimes et délits ne peuvent être prévus que par une loi au sens formel, c’est-à-dire
un texte voté par le parlement ou par un acte assimilé tel que les ordonnances
prise par le gouvernement en vertu d’une habilitation légale. Ainsi, lorsqu’on
viole les règles établies, il y a infraction qui est définit comme «toute action
ou omission que la société interdit sous la menace d’une sanction pénale»71 ou
comme «une conduite frappée d’une sanction pénale »72 ; on commettrait alors
un délit ou un crime.
L’histoire du droit français de l’environnement dont est issu le droit
positif béninois, nous renseigne que l’ancêtre des lois sur l’environnement est le
célèbre décret de Louis XIV, qui avait été conçu pour protéger le patrimoine de
la Couronne, le décret royal d’août 1669, qui énonçait des règlements d’ordre
général visant les eaux et forêts et qui fut suivi du décret d’Août 1681 sur les
eaux territoriales, lequel visait entre autres à protéger les ports et les côtes73.
L’on a pu définir le droit de l’environnement comme un ensemble de
règles tendant à organiser la pression des activités humaines sur la nature de
telle sorte que celle-ci puisse demeurer apte à remplir ses fonctions74.
La loi-cadre sur l’environnement du Bénin, dont l’élaboration réside
dans un souci global de préserver l’environnement, aborde presque tous les
compartiments ou du moins les principaux domaines du droit de l’environnement
secteur par secteur.
71 PRADEL (J), op. Cit. p: 241.72 GIROUX (M) et OSULLIVAN(E), Droit pénal Général, vol. 7 ; édit. yvon Blais Inc, Québec,
1997, p :773 PRABHU (Mohan) Op. Cit. RIDP, AIDP, p: 671-672. Lire aussi, ROBERT (Jacques-Henri), in,
Le problème de la responsabilité et des sanctions en France, RIDP, op. cit. p : 951 ou il est question au lieu de décret royal, d’ordonnances de Louis XIV.
74 HENNAU-HUBLET(C) et PIRET (J.P.), Les crimes contre l’environnement en droit belge, article, in, RIDP. Op. Cit., AIDP, p: 777
45
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Les infractions relatives à la dégradation du sol et du sous sol
Toutes les activités humaines découlent de l’occupation du sol qui
est définie comme « tout terrain ou espace souterrain, même submergée
d’eau ou couvert par une construction »75 ; le sous-sol étant le prolongement
en profondeur du sol. Ainsi, sur le sol comme dans le sous-sol existent des
richesses ; d’où une gestion rationnelle desdites richesses s’impose pour limiter
leurs exploitations incontrôlées et dégradantes. C’est pourquoi, leur affectation
et leur aménagement à des fins agricoles, industrielles, urbaines ou autres, ainsi
que les travaux de recherches ou d’exploitation de leurs ressources, lorsqu’ils
portent atteinte à l’environnement béninois donnent lieu à une étude d’impact
préalable76. Il s’ensuit alors que l’inobservation de cette norme, donne lieu à
l’infraction environnementale qualifiée de « délit de non respect de la procédure
d’étude d’impact environnemental »77.
Les infractions relatives aux eaux continentales et aux eaux maritimes.
Les eaux continentales concernent les eaux de surfaces et les eaux
souterraines qu’il conviendrait de bien gérer et de gérer durablement. Il s’agit en
réalité des eaux résiduaires, des eaux de ruissellement, de l’eau potable, des eaux
des différents plans d’eau (lagunes, cours d’eau, fleuves, lacs, étangs, marres,
rivières, etc.…). L’exploitation ou la manipulation de ces eaux est généralement
source potentielle de diverses infractions. Ainsi, sont considérés, entre autres,
comme actes délictuels : les déversements, écoulements, rejets, dépôts directs
ou indirects de toute nature pouvant provoquer ou accroître la pollution des
eaux (art. 28) ; non respect des normes de rejets dans les eaux continentales
(art. 36).
75 Cf. art. 18 de la Loi-cadre sur l’environnement du Bénin76 Idem art. 2177 Idem art.114
46
Premiere partie
En ce qui concerne les eaux maritimes et leurs ressources, le législateur
béninois incrimine les faits délictuels comme suit : « sont interdits le déversement,
l’immersion, l’introduction directe ou indirecte, l’incinération en mer de matières
de nature à porter atteinte à la santé publique et aux ressources biologiques ;
entraver les activités maritimes, y compris la navigation maritime et la pêche ;
altérer la qualité de l’eau de mer ; dégager les valeurs d’agrément et le potentiel
touristique de la mer »78.
Les infractions relatives à la pollution de l’air.
Au Bénin, en particulier dans la capitale économique Cotonou, la qualité
de l’air est détériorée par deux catégories de polluants issus de la combustion
industrielle ou domestique, des combustibles fossiles ou de la consommation
des produits pétroliers comme les carburants. Ces polluants sont généralement
émis directement comme les oxydes de soufre, les oxydes d’azote, les poussières
ou particules en suspension, l’acide chlorhydrique, les composés organiques
volatiles et l’oxyde de carbone. Les polluants ainsi identifiés agissent sur la santé,
soit directement lors de la respiration soit indirectement par la modification
de l’environnement (retombées acides, déplétion de la couche d’ozone, effet
de serre). Ils agissent en outre à court ou à long terme, soit en provoquant de
l’inconfort (irritation des yeux et de la gorge, maux de tête, toux, nausée), soit
en provocant des troubles graves pouvant conduire à la mort, notamment des
personnes les plus fragiles (personnes âgées, enfants en bas âges, personnes
atteintes de troubles respiratoires…). Ces agents polluants étant essentiellement
d’origine anthropique, afin de limiter les dégâts, le législateur a convenu de
réprimer les personnes physiques et morales à l’origine de ces dégradations.
Ainsi, au sens de la présente loi, constitue une infraction atmosphérique,
« toute pollution au delà des normes fixées par les lois et règlements » (art.46).
Il y a donc délit de pollution de l’air, lorsque les immeubles, établissements
agricoles, industriels, commerciaux ou artisanaux, véhicules, ou autres objets
sont construits, exploités, ou utilisés en violation des normes en vigueur en
78 Art. 39 de la loi précitée.
47
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
matière d’émission dans l’air (art.47). Ces infractions interviennent en cas de
dépassement d’un seuil toléré.
Les infractions relatives à la faune et à la flore
Les infractions liées à la flore et à la faune sont généralement les plus
nombreuses. Dans ce secteur, l’atteinte aux ressources naturelles est régulière
et fréquente. Dans la loi-cadre sur l’environnement, ce secteur est régi par
les dispositions des articles 49 et suivants. Fort de leur caractère de loi-cadre,
ces dispositions se contentent de déterminer les domaines dans lesquels il
conviendrait de légiférer ou de réglementer et renvoient ainsi donc, la définition
des infractions et des sanctions aux différentes conventions intervenues dans
ce secteur et aux législations sectorielles que compléteront des règlements.
Conséquences, la rubrique sanctions, portant titre VI, ne comporte nulle part
des sanctions aux manquements relatifs à la flore ou à la faune. Cette technique,
si elle est propre aux lois cadre, elle a pourtant ses limites, notamment
l’éparpillement des textes.
Les infractions relatives aux pollutions et aux nuisances.
La gestion des déchets constitue de nos jours, l’un des principaux
problèmes environnementaux auxquels sont confrontées les villes africaines. La
ville de Cotonou produit à elle seule environ 708 tonnes par jour de déchets
solides ménagers79. La salubrité et l’assainissement de cette ville dépendent de la
rigueur et la détermination des pouvoirs publics à juguler ce fléau en réprimant
à travers les moyens juridiques, les mauvais comportements des populations.
Aussi, les installations classées, qu’on défini comme étant tous
établissements industriels ou commerciaux qui présentent des causes de
dangers ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité, la commodité
ou la santé du voisinage (article 74), sont elles réglementées en fonction de leur
classe ou de leur importance. Il en est de même des nuisances acoustiques,
79 Source DST /mairie de Cotonou, 2000.
48
Premiere partie
sources de troubles incommodant le voisinage. En vue de réprimer les atteintes
à ces diverses pollutions, le législateur sanctionne quiconque sera coupable de :
- rejet, dépôt ou émission d’un contaminant dans l’environnement au-
delà de la quantité prescrite (art.15) ;
- non dénonciation de la présence accidentelle dans l’environnement
d’un contaminant (art.67) ;
- divagation d’animaux dans les agglomérations urbaines (art.17);
- dépôt des déchets dans un endroit autre qu’un lieu d’entreposage ou
une usine de traitement des déchets appropriés (art.68) ;
- non communication aux autorités compétentes des informations
relatives à l’analyse des déchets gérés par une installation classée
(art.71, 83 et suivants) ;
- défaut de prise de mesures nécessaires préventives de lutte contre la
pollution de l’environnement (art.75, 76) ;
- émission de bruit susceptible de causer des troubles de voisinage
(art.86) ;
Les infractions relatives aux respects des conditions préalables (déclaration, autorisation ou permis) à l’exercice d’activité comportant un risque pour l’environnement.
La loi-cadre prévoit à cet effet une série d’infractions administratives :
- défaut d’installation de dispositifs pour le traitement des eaux
usées (art.29);
- défaut d’autorisation ou de permis spécial (art.70, et suivants) ;
- défaut ou absence ou altération du certificat de conformité
environnementale pour toute activité éligible à l’étude d’impact
environnemental (art.87 et suivants).
49
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
- défaut d’autorisation pour travaux de reconstruction, d’extension,
d’installation ou de raccordement entre les conduites d’un système
public et celles d’un système privé (art. 30);
- non respect de la réglementation en vigueur ;
- défaut d’autorisation de faire des sondages ou des forages dans le but de
chercher ou de capter en profondeur des eaux souterraines (art. 33) ;
- non conformation à la présente loi des installations établies
antérieurement à la promulgation de la loi et rejetant des eaux
résiduaires dans les eaux continentales béninoises (art. 35);
- défaut d’autorisation des autorités béninoises compétentes d’une
occupation, exploitation, construction ou établissement susceptible
de constituer une source de nuisance de quelque nature que ce soit,
effectuée ou réalisée sur le rivage de la mer et sur toute l’étendue du
domaine public maritime (art. 43) ;
Des textes de lois votés avant ou après cette loi-cadre, la complètent afin
d’en faciliter l’application.
B) Une législation sectorielle en évolution
La législation béninoise sur la protection de l’environnement présente
de grandes disparités. C’est une législation dont les débuts remontent à l’époque
coloniale, ce qui explique de nos jours, la survivance de législations vieillissantes
et quasi désuètes. Nous avons dès lors, axé notre réflexion sur l’inventaire ou
l’état des lieux des principaux textes de lois sectorielles entrant dans le domaine
de la répression de l’environnement. Ce travail d’inventaire et d’analyse des
textes existants, permettra de nous rendre compte de la nature et de la diversité
de l’arsenal législatif dont dispose le droit positif béninois.
50
Premiere partie
1. Dans le domaine de la flore, de la faune et de la chasse
Le premier texte spécifique réglementant le domaine est l’Ordonnance
n° 80-8 du 12 février 1980 portant réglementation de la protection de la faune et
de l’exercice de la chasse en République Populaire du Bénin. Elle est intervenue
dans la logique de la conférence des nations unies sur l’environnement tenue à
Stockholm en Suède du 05 au 06 juin 1972.
En 1987, la Commission Nationale de Législation et de Codification, a
initié plusieurs textes législatifs qui ont été tous votés par l’Assemblée Nationale
Révolutionnaire (ANR), le parlement béninois à l’époque. La loi n°87-012 du
21 septembre1987 portant code forestier ainsi votée à l’époque, a abrogé
l’ordonnance. Mais, avec l’adoption de la loi-cadre sur l’environnement, et les
exigences de protection de l’environnement au plan international, le législateur
béninois a senti la nécessité d’abroger ladite loi par la Loi n°93-009 du 02 juillet
1993 portant régime des forêts en République du Bénin, dont les dispositions
répressives sont plus ou moins pertinentes. Cette loi met principalement
l’accent sur les délits forestiers. Seule est considéré comme crime « l’incendie
volontaire de plantation avec intention criminelle ». Sont donc, considérées
comme infractions à la réglementation forestière et interdits, les délits ci-
après : la transhumance (art.59); la divagation d’animaux( art.58) l’usage de la
tronçonneuse (art.53, et 99); les feux de brousse tardif ou incendie de plantation
(à l’exception des feux précoces) ; l’occupation du domaine forestier (art.56);
l’outrage au forestier en exercice ; les coupes ou prélèvements abusives ;
la dégradation ou la destruction d’espèce protégée « abatage, émondage,
ébranchage, mutilation, arrachage, incinération, annihilation et saignée »80;
l’exercice illégal de la profession d’exploitant forestier.
La seconde loi qui a abrogé l’Ordonnance n° 80-8 du 12 février 1980
est la loi n° 87-014 du 21 septembre 1987 portant réglementation de l’exercice
de la chasse en République du Bénin. Elle protège mieux la faune contre ses
prédateurs que sont les hommes en mettant un accent particulier sur les
sanctions pénales en cas de « dégradation ou de destructions d’espèces
intégralement ou partiellement protégées ». Le législateur a même prévu des
80 art.29 de la loi n°93-09 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en République du Bénin.
51
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
circonstances aggravantes. C’est le cas « lorsque le délit a été commis dans une
réserve naturelle intégrale, dans un parc national, dans une réserve de faune,
dans une zone cynégétique »81 ou a lieu dans la « nuit avec un engin éclairant»82.
Dans le souci de ce coller à la loi-cadre et de protéger davantage la faune, en
s’inspirant des techniques les mieux élaborées, des réalités socio-économiques,
ce texte a été à nouveau révisé par la loi n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant
régime de la faune en République du Bénin. Cette dernière réprime sévèrement
« quiconque chasse ou capture des animaux sauvages sans permis ou dans
les lieux interdits (…), chasse des femelles en gestation, des animaux suités ou
jeunes »; ou simplement « ramasse des œufs ou détruit des nids d’animaux dans
les zones protégées »83.
Dans le même ordre d’idée au cours de l’année 1987, le législateur
béninois, dans le souci de légiférer dans le secteur, a voté des règles relatives à
la vaine pâture et la transhumance. La vaine pâture est le droit pour un éleveur
de faire paître son bétail sur les espaces naturels et non clos d’autrui après la
récolte alors que la transhumance est un déplacement organisé, de nature
saisonnière et cyclique, des troupeaux à la recherche d’eau et de pâturage84.
Ces deux activités d’éleveurs très récurrentes, sont à l’origine de conflits
meurtrières et de délits environnementaux dans nos régions. La loi n°87-013
du 21 septembre 1987 portant réglementation de la vaine pâture, de la garde
des animaux domestiques et de la transhumance en République du Bénin, vient
réglementer le secteur. Ainsi, elle incrimine également la divagation d’animaux,
la dégradation de récolte, l’entrée illégale de bétail sur le territoire national, et
le défrichement de zone de pâturage.
Par ailleurs, des normes protègent bien évidemment les végétaux à
travers la loi n° 91-004 du 11 février 1991 portant réglementation phytosanitaire
en République du Bénin. Elle punit « quiconque aura introduit, détenu, multiplié,
transporté sur le territoire de la République du Bénin des organismes nuisibles
81 Article 53 de la loi n°87-014 du 21 septembre 198782 Idem83 Article 154 loi n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République
du Bénin.84 Idem Articles 2 et 4. de ladite loi
52
Premiere partie
aux végétaux et produits végétaux préjudiciables à l’environnement, à la santé
publique ou à l’économie nationale »85.
Enfin, dans le domaine de la faune aquatique, la gestion des ressources
halieutiques a retenu depuis la période coloniale l’attention du législateur. En
effet, si la réglementation s’est montrée moins abondante dans les domaines
précédents, il n’en a pas été ainsi en ce qui concerne la pêche. Ainsi, on note des
textes, très anciens pour la plupart, mais qui demeurent toujours applicables.
Le texte chapeau en la matière, demeure l’Ordonnance n°20/PR/MDRC/SP
du 25 avril 1966 portant réglementation générale de la pêche dans les eaux
continentales du Dahomey. Elle réglemente les pêcheries dans les divers plans
d’eau, réprime les infractions telles que l’usage comme moyen de pêche de toute
drogue, herbe, feuille, racine,…toute substance destinée à tuer, à endormir ou à
enivrer le poisson ; des armes à feu ou explosifs ; la pêche d’alevins etc. Par la suite
est intervenue l’ordonnance73-41 du 5 mai 1973 portant réglementation de la
profession de mareyeur au Bénin ainsi que plusieurs textes réglementaires86 qui
font référence à l’ordonnance principale en termes de dispositions répressives.
Néanmoins, remarquons que cette réglementation ancienne sur les
pêcheries, a pour objectif premier non pas la protection de l’environnement
mais la préservation de la santé humaine donc de l’homme tout court.
85 Art.37 idem86 -Arrêté du 15 mai 1914 promulguant en AOF le décret du 12 avril 1914 portant
réglementation de la pêche et l’exploitation industrielle de la baleine dans les colonies françaises ;
- Décret du 29 juillet 1924 interdisant en AOF, la pêche pratiquée à l’aide des explosifs, de poisons ou autres drogues ;
- Décret n°207 du 30 janvier 1950 interdisant l’utilisation des armes à feu ou des explosifs comme moyens de pêche.
- Décret n°204 PC/MDRC du 1er octobre 1964 instituant un contrôle des produits de la pêche et des conditions de commercialisation de ces produits ;
- Arrêté n°23 MDRC/SP du 08 février 1968 déterminant la taille minimum des crevettes de lagunes, destinés à un traitement industriel ;
- Arrêté interministériel n° 100 MTPTPT/MDRC du 31 juillet 68 fixant les conditions d’exercice de la pêche dans les eaux territoriales du Dahomey ;
- Arrêté n°152/ MDRC/SP du 16 septembre 1970 portant enlèvement des acadjas du lac Ahéme et des Lagunes de Ouidah et de Grand-Popo ;
- Arrêté interministériel n° 5 MDRC/MEF du 16 janvier 1974 portant réglementation de la pêche et de la commercialisation des crevettes des lacs et lagunes du Dahomey
53
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Consommer du poisson capturé à l’aide de ces engins de mort, serait aussi
s’exposer à l’intoxication alimentaire, voire à la mort, d’où l’interdiction desdits
engins. L’environnement dans son sens strict n’était donc pas à l’époque une
préoccupation des pouvoirs publics.
2. Dans le domaine de l’eau et des pollutions et nuisances.
Les règles de ce secteur relèvent plus du domaine réglementaire87 que
législative. Deux lois spécifiques seulement réglementent le domaine. Il s’agit :
de la loi n°87-015 du 21 septembre 1987 portant Code de l’hygiène publique en
République du Bénin et de la loi n°87-016 du 21 septembre 1987 portant Code
de l’eau en République du Bénin ;
La première, bien avant l’avènement de la loi-cadre sur l’environnement,
apparaissait, au regard de tout observateur averti des règles protégeant
l’environnement, comme la loi qui préservait mieux l’environnement, notamment
en milieu urbain et périurbain puisqu’elle touche tous les compartiments de
l’hygiène publique. En effet, elle se préoccupe de l’amélioration du cadre de vie
des populations. Elle réprime les atteintes à la salubrité publique, à l’hygiène
et à l’assainissement des lieux publics. On peut énumérer entre autres : le rejet
dans la nature d’eaux résiduaires industrielles (art.3), l’émission de fumé par
les engins, ou par des entreprises industrielles, etc., pour ne citer que ces cas.
Les autres infractions, telles l’hygiène sur la voie publique (dépôt d’ordure ou
87 Décret : n°2001-109 du 04 avril 2001 fixant les normes de qualité des eaux résiduaires en République du Bénin ;
- Décret n°2001-093 du 20 février 2001 fixant les normes de qualité de l’eau potable en République du Bénin ;
- Décret n°2001-110 du 04 avril 2001 fixant les normes de qualité de l’air en République du Bénin
- Décret n°2003-332 du 27 août 2003, portant gestion des déchets solides en République du Bénin ;
- Arrêté interministériel n°136 MISAT/MEHU/MS/DC/DATC/DE/DHAB du 26 juillet 1995, portant réglementation des activités de collecte, d’évacuation, de traitement et d’élimination des déchets solides en République du Bénin
54
Premiere partie
d’urine ou d’excrément sur la voie publique (art.4, 59,61) etc.…) sont également
sanctionnées. Un décret 88 d’application fixe davantage le contenu.
La deuxième, contrairement à la première, est pratiquement en
désuétude et dépourvu de texte d’application. Cette loi, malgré l’absence d’un
décret d’application compte dans l’arsenal répressif89. Les diverses pollutions des
eaux y sont réprimées. Mais le déversement des eaux usées ou eaux résiduaires
dans la nature fait par exemple l’objet d’un décret 90pris sur le fondement des
articles 28, 35,37 et 38 de la loi-cadre sur l’environnement et de l’article 3 du
code de l’hygiène publique.
3. Dans le domaine foncier
Il s’agit de la loi n°2007-03 du 16 octobre 2007 portant Régime Foncier
en République du Bénin dont les dispositions pénales renvoient à l’application
de la loi portant réglementation de la vaine pâture, de la garde des animaux
domestiques et de la transhumance en ce qui concerne les infractions relatives
à la dégradation de la faune et de la flore, telle, la divagation des animaux
domestiques dans les forêts. Les dispositions de la loi-cadre sur l’environnement
et celles relatives au régime de la faune s’appliquent également. Le contentieux
foncier rural pure est réglé si possible d’abord à l’amiable avant toute saisine du
juge.
4. Dans le domaine de la gouvernance locale
L’avènement de la décentralisation au Bénin, devenue effective avec
l’élection, l’installation et l’entrée en fonction en février 2003 des Maires de la
première mandature, a inauguré l’ère de la décentralisation des préoccupations
environnementales, au nom du principe de subsidiarité avec la prise d’une kyrielle
88 Décret n°97-616 du 18 décembre 1997 portant application de la loi n°87-015 du 21 septembre 1987 portant code de l’hygiène publique en République du Bénin
89 Vient d’être abrogée par la loi-n°2010-44 du 24 novembre 2012 portant gestion de l’eau en République du Bénin.
90 Idem
55
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de textes de lois, dont entre autres, la loi n°97-029 du 15 janvier 1999 portant
organisation des communes en République du Bénin. Avec cette loi, l’autorité
communale, en sa qualité d’officier de police judiciaire, exerce des pouvoirs de
police en matière d’atteinte à l’environnement91. Quelle jouissance le Maire en
fait? Et comment juguler les potentiels conflits d’attributions avec le pouvoir
central ? Cet ensemble de questionnements, constitue des préoccupations
essentielles pour la mise en œuvre de la qualité d’OPJ du Maire.
En conclusion, disons que ce répertoire des textes législatifs et
réglementaires est caractéristique de ce que l’élément légal des infractions ne
figure presque jamais dans le code pénal mais dans les lois de polices spéciales
ou dans la loi-cadre comme le précise si bien le professeur PRIEUR. L’élément
matériel est rarement présenté de façon spécifique et l’élément moral est
rarement exigé du fait de la clause générale d’incrimination qui s’appuie sur une
simple faute matérielle d’inobservation des règlements. Mais, de plus en plus,
la doctrine reste attachée aux principes traditionnels du droit pénal qui exige un
élément intentionnel92.
91 Cf. Recueil des lois sur la décentralisation 2002, Mission de décentralisation Cotonou; article 93 : la commune à la charge de : de la fourniture et de la distribution de l’eau potable ; de la collecte et du traitement des déchets liquides ; du réseau public d’évacuation des eaux usées ; du réseau d’évacuation des eaux pluviales ; etc.…
Article 94 : la commune à la charge de la création et de l’entretien des plantations, des espaces verts et de tout aménagement public visant l’amélioration du cadre de vie. Elle veille à la protection des ressources naturelles, notamment des sols, de la faune, des ressources hydrauliques, des nappes phréatiques et contribue à leur utilisation.
Elle est consultée sur tout aménagement relatif aux sites miniers se trouvant sur son territoire.
Article 95 : la commune veille à la préservation des conditions d’hygiène et de salubrité publique notamment en matière de :
- De prospection et de distribution d’eau potable ;- De périmètre de sécurité sanitaire autour des captages, forages et puits ;- D’assainissement privé des eaux usées ;- De lutte contre les vecteurs de maladies transmissibles ;- D’hygiène des aliments et des lieux et établissements accueillant du public ;- De déchets industriels ;92 Droit de l’environnement, op.,cit.,p.820. V. aussi pour plus de précision, le chapitre : VI.
56
Premiere partie
Ce tableau synoptique des textes législatifs et réglementaires béninois
fait apparaitre les caractéristiques des incriminations pénales en matière
d’environnement.
Ce dispositif législatif et réglementaire, est renforcé par les conventions
internationales en matière d’environnement.
§III : L’apport des conventions internationales dans le développement du droit pénal interne de l’environnement
Le droit international de l’environnement est un droit essentiellement
constitué de traités auxquels les Etats africains sont parties que ce soit à un
niveau régional, multinational ou universel. En effet, un traité ou une convention
internationale est « un accord international conclu par écrit entre Etats et régi
par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans
deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination
particulière »93. En général ces traités sont conclus soit entre les Etats, soit
entre les Etats et les organisations internationales, comme l’ONU. Ce dernier
cas de figure est plus remarquable en matière environnementale. Les « traités
qu’ils soient de type traité-cadre, traité-loi ou traité-contrat sont juridiquement
contraignants dès lors que l’Etat partie a exprimé sa volonté d’être lié selon les
formes requises par la convention de Vienne sur le droit des traités ou suivant le
droit coutumier. Etant des sources juridiques incontestables de droit positif même
dans l’ordonnancement juridique des Etats, ils constituent le socle juridique sur
lequel repose un système de normes.»94 C’est ce que confirme le Professeur
Dinah SHELTON lorsqu’elle écrit « le droit international de l’environnement
engage les Etats à adapter les moyens d’action appropriés dans leur système
93 Cf. Article 2 de la convention de Vienne sur le droit des traités. Adopté par la communauté internationale le 23 mai 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980.
94 Cf. Valentin y AMEGANKPOE et Kodjo AVODE, in, La force contraignante et le degré d’efficacité variable du droit international matériel et de ces principes naissants. Intensité de la règle selon les secteurs. Les sanctions non juridictionnelles : cas de l’Afrique. Article de doctrine publié dans La protection de l’environnement au cœur du système juridique international et du droit interne ; sous la direction des Professeurs M. PAQUES et M. FAURE, 2001, Université de Maastricht et de Liège.
57
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
juridique interne afin d’appliquer les lois qu’ils ont édicté, conformément à leurs
obligations internationales »95.On peut dès lors en déduire que les obligations
conventionnelles, une fois nées, ne pourraient perdre leurs effets de contrainte
que lorsqu’elles sont exécutées et ceci avec une bonne foi parfaite96. Quelles
pourraient être leur influence dans le droit interne ?
En droit béninois, dès lors qu’une convention est régulièrement ratifiée
et publiée, elle a une autorité supérieure à celle de la loi97. Elle entre ainsi en
vigueur et s’applique. Ce qui suppose que dans la hiérarchie des normes, après
la constitution, suit la convention qui est supérieure à la loi ordinaire. Il en est
ainsi d’autant plus que le droit béninois, héritage du droit français est un droit
d’essence « moniste »98.
En Afrique, les conventions internationales ont énormément contribué
au développement du droit de l’environnement au niveau national ; d’’autant
plus que, non seulement ces conventions intègrent le droit national mais
aussi et surtout elles servent de base à l’élaboration des textes législatifs et
réglementaires. Elles déterminent en général les mesures visant leur mise en
œuvre sur le territoire d’un Etat signataire afin que ce dernier s’approprie des
techniques juridiques et des terminologies appropriées pour asseoir une politique
criminelle en fonction des réalités locales. C’est ce que confirme PRABHU Mohan
lorsqu’il écrit dans le rapport général que « dans la communauté internationale,
plusieurs organismes gouvernementaux et internationaux ont joué un rôle
dynamique dans la promotion ou l’adoption d’ententes, de recommandations
ou de résolutions qui prévoient l’ajout de sanctions criminelles dans les lois
95 Techniques et procédures en droit international de l’environnement, Cours 3, UNITAR, 1999
96 Cf. C.I.J, arrêt du 25 septembre 1997.Rec. 1997, p.11497 Cf. article 147 de la Constitution béninoise du 11 décembre 199098 PRADEL (Jean), Droit pénal général, 16ème édit. Editions Cujas, Paris, 2006, p : 147. C’est
une théorie selon laquelle le droit est un tout constitué par une combinaison du droit interne et du droit international de sorte qu’en cas de conflit c’est le droit international qui l’emporte car il est considéré comme hiérarchiquement supérieur au droit interne. Cette théorie s’oppose à la théorie dualiste.
58
Premiere partie
nationales d’environnement ou qui demandent aux signataires des conventions
internationales de le faire »99.
A titre illustratif, le Bénin a pris une part active à la Conférence des Nations
Unies sur l’Environnement et le Développement à Rio de Janeiro au Brésil en
1992 et a ratifié les trois conventions qui en sont issues100. Dans la même période,
il a créé le Ministère chargé de l’administration de l’environnement, le Ministère
de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme (MEHU), devenu MEPN, il est
aujourd’hui redevenu MEHU101. Véritables sources de droit, l’on a pu dénombrer
au cours des années 80, dans la sphère des relations internationales « plus de
300 conventions multilatérales consacrées entièrement ou partiellement à la
protection de l’environnement et environ 900 traités bilatéraux ayant un objet
similaire et de nombreux textes de caractère déclaratoire ou programmatoire »102.
Le Bénin, dans sa vision de protection de l’environnement, en a signé ou ratifié
les principales103.
Parmi ces instruments de politique criminelle ayant inspiré des
incriminations pénales on peut citer :
- la convention internationale de Londres du 02 novembre 1973 sur la
prévention de la pollution par les navires, modifiée par le protocole
du 17 février 1973 en ses règles 9 et 11 de l’annexe 1 concernant la
prévention de la pollution par les hydrocarbures (convention Marpol
73/78) ;
99 Cf. Rapport Général du congrès international sur «les crimes contre l’environnement », organisé par la section canadienne de l’Association International de Droit Pénal qui a eu lieu à Ottawa du 02 au 05 novembre 1992.
100 Il s’agit de : convention cadre des nations unies sur les changements climatiques ; convention des nations unies sur la diversité biologique et convention des nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification en particulier en Afrique.
101 Le MEHU est crée par le décret n°92-17 du 28 janvier 1992. Cf. note 120102 A. MAIDOKA, lors de son intervention à l’ERSUMA sur le droit de l’environnement dans
l’espace AA-HJF, décembre 2006. www.ahjucaf.org Cf. aussi Maurice KAMTO citant M. PRIEUR dans, Droit de l’environnement en Afrique, EDICEF, 1996, p : 68.
103 Cf. Annexe N° II. Principaux Accords bilatéraux et multilatéraux auxquels le Bénin est partie. Source, MEPN, 2009.
59
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
- la convention sur le commerce international des espèces de faune et
flore sauvages menacées d’extinction (CITES), signée le 13 mars 1973 à
Washington ;
- la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières
des déchets dangereux et leur élimination, signée le 22 mars 1989 ;
- la convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des
déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières
et la gestion des déchets dangereux produit en Afrique, signée le 30
janvier 1991 ;
- la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants,
adoptée le 21 mai 2001.
Certes, ces instruments supra nationaux n’ont ni édicté des normes ni mis
en place des juridictions susceptibles d’assurer la répression des manquements
au droit de l’environnement. Mais leur mérite est d’agir sur la conscience des
Etats parties en leur indiquant ce qui devrait être fait. Ainsi, dans le souci de
rendre effective les prescriptions découlant des obligations conventionnelles,
l’Etat élabore sa politique criminelle en conformité avec la réglementation
internationale, régionale bilatérale ou interétatique par la prise de textes
d’application appropriés.
Par exemple, pour atteindre, son objectif visant à garantir que le
commerce international des espèces concernées ne nuise pas à la conservation
de la biodiversité et repose sur une utilisation durable des espèces sauvages,
la CITES a fixé un cadre juridique et édicté une série de procédures afin que
les espèces sauvages faisant l’objet d’un commerce international ne soient pas
surexploitées. Ainsi, la convention dispose en son article VIII que : « les parties
prennent les mesures appropriées en vue de la mise en application de la présente
convention ainsi que pour interdire le commerce de spécimen en violation de ces
dispositions. Ces mesures comprennent : a) les sanctions pénales frappant soit
le commerce, soit la détention de tels spécimens ou les deux ; b) la confiscation
ou le renvoi à l’Etat d’exportation de tels spécimens ».
De même, la convention internationale sur la prévention de la pollution
par les navires, prescrit aux Etats parties des mesures qui, pour la plupart,
60
Premiere partie
appellent l’édiction de législations nationales à orientation pénale. C’est ce que
prévoit l’article 4 « conformément aux dispositions de la présente convention,
chaque partie contractante interdira l’immersion de tous déchets ou autres
matières sous quelque forme ou quelconque conditions que se soit … » l’article
5 quant à lui précise : « 1° les dispositions de l’article 4 ne s’appliquent pas
lorsqu’il est nécessaire d’assurer la sauvegarde de la vie humaine ou la sécurité
des navires…2°. Chaque partie prend sur son territoire les mesures appropriées
pour prévenir et réprimer les actes contraires aux dispositions de la présente
convention ».
Il en est ainsi également du point 5 de l’article 9 de la convention de
Bâle qui prescrit que : « chaque Partie adopte les lois voulues pour interdire et
réprimer sévèrement le trafic illicite de déchets dangereux… ».
Quant à la convention de Bamako, en son article 4-1, elle dispose que
tout Etat partie a l’obligation de prendre des mesures nécessaires de manière
à interdire l’importation en Afrique de déchets dangereux en provenance de
Parties non contractantes.
Mais, entre la rédaction d’un texte et son application effective, il y a un
fossé qu’il conviendrait aux institutions des pouvoirs publics de franchir ; puisque
toute politique criminelle repose sur des institutions républicaines fortes.
SECTION II : LES ASPECTS INSTITUTIONNELS DE LA POLITIQUE CRIMINELLE
Dans la mise en place de la politique répressive environnementale de tout
pays, le cadre institutionnel, qui est le socle ou le soubassement de cette politique,
joue un rôle primordial. Selon F. FALLOUX et L.TABOT, le cadre institutionnel,
peut se comprendre comme « la façon dont un gouvernement s’organise pour
assumer ses responsabilités et fonctions »104. Les différents efforts effectués par
le Bénin pour asseoir un cadre institutionnel, témoigne d’une volonté politique
104 Cité par GOUGBEDJI C., La protection de l’environnement dans les pays de l’Afrique de l’ouest : aspects juridiques et politiques (Bénin, Burkina Faso, Niger, Sénégal et Togo., Thèse de Doctorat unique en droit, Chaire UNESCO, UAC, FADESP, 2011.
61
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de s’adapter aux exigences de l’environnement international. Ainsi, après cet
inventaire de la législation béninoise, peu abondante et disparate, il serait
intéressant d’apprécier le concours des différentes institutions de la République
à savoir les institutions décisionnelles nationales (§ 1) ensuite la police
environnementale (§2) et enfin les associations de défense de l’environnement
(§3), dans la mise en œuvre de la répression.
§ I : La contribution des institutions nationales.
L’efficacité de la politique répressive environnementale repose sur
un fondement institutionnel national fiable et en adéquation avec l’évolution
du droit de l’environnement. Le droit interne béninois est doté de ces genres
d’institutions qui apparaissent comme de véritables catalyseurs du droit répressif
de l’environnement. Leur influence s’analysera du point de vue des institutions
constitutionnelles d’une part et des institutions gouvernementales d’autre part.
A) L’influence des institutions constitutionnelles dans la répression des atteintes à l’environnement
Dans nos développements antérieurs, nous avons précisé la contribution
de la norme constitutionnelle dans la protection de l’environnement. Ici, nous
revenons pour mettre un accent particulier sur l’influence de chaque organe
constitutionnel sur la politique répressive puisqu’il s’agit là des instances de
prise de décisions.
1. Le Président de la République
Au Bénin, le Président de la République est l’institution suprême. Il
conduit la politique du Gouvernement en tant que Chef du Gouvernement. Il
détient le pouvoir exécutif, qui lui permet d’exercer le pouvoir réglementaire.
Or, l’appareil administratif qui produit les textes réglementaires repose
62
Premiere partie
pratiquement sur l’exercice de ce pouvoir qui se traduit par l’élaboration des
décrets, les arrêtés, les circulaires, les décisions. Quant on sait que s’agissant
de la répression en matière environnementale, « la dépendance administrative
du droit pénal105» est une règle essentielle, on mesure alors toute l’importance
et le rôle que pourrait jouer le Chef de l’Etat, Président de la République dans
la protection de l’environnement, notamment dans l’édition des règles et leur
application. Le droit, ou plus précisément les normes juridiques et les décisions
de justice n’ont aucun effet s’il n’existe une force pouvant imposer leur respect.
Cette force, c’est la puissance publique qu’incarne le Président de la République.
Par ailleurs, il partage concurremment avec les Députés106, l’initiative
des lois. L’exécutif initie tous les projets de lois qu’il transmet au parlement qui
les vote et les renvoie au Président de la République pour être promulguées ;
acte sans lequel, aucune loi ne peut entrer en vigueur, donc ne peut être
appliquée. En outre, la procédure d’habilitation législative permet au Président
de la République de prendre « les mesures exceptionnelles »107 de l’article 68
de la constitution qui pose le principe constitutionnel des pouvoirs de crise ou
encore de pouvoirs exceptionnels, pour se substituer aux Députés et prendre, en
cas de désaccord sérieux entre les deux institutions, une ordonnance, laquelle a
valeur de loi. Remarquons pour le moment, qu’aucune de ces ordonnances n’est
relative à une loi d’environnement.
105 Cf. chapitre II pour plus d’information sur ce concept.106 Il s’agit des membres de l’Assemblée Nationale, le Parlement Béninois.107 Elles ont été utilisées par les Présidents N. SOGLO et M. KEREKOU pour légiférer et
notamment pour faire voter les lois de finances. Ce fut le cas avec les ordonnances n°2002-001, 2002-002 et 2002-003 du 31 janvier 2002 portant respectivement loi de finances pour la gestion 2002, principes fondamentaux du régime des télécommunication en République du Bénin, création et attribution de l’autorité de régulation des télécommunications en République du Bénin sous le Président KEREKOU. Le Président SOGLO en a fait usage en 1996. Et tout récemment de 2006- 2010, le Président yAyI Boni en a fait abondamment usage, trois budget sur cinq sont pris par ordonnance ainsi que plusieurs lois non ratifiées par le parlement.
63
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
2. L’Assemblée Nationale
Presque tous les pays sont dotés de cette institution essentielle pour
l’émergence du droit de l’environnement. Le Bénin, dès son ascension à
l’indépendance, s’est doté d’un parlement. Ce parlement, appelé «Assemblée
Nationale Révolutionnaire » est aujourd’hui dénommé «Assemblée Nationale ».
Organe délibérant, l’Assemblée Nationale joue un rôle très important dans le
dispositif répressif. Elle vote la loi, qu’elle soit initiée par elle (proposition de
loi) ou par l’exécutif (projet de loi). C’est elle qui donne aussi au gouvernement
l’autorisation de ratification des différents accords multilatéraux ou bilatéraux. Il
convient dès lors, de travailler pour que les parlementaires puissent s’approprier
les grands défis environnementaux afin de légiférer dans le sens de doter le pays
de textes pénaux ou répressifs appropriés et réellement applicables. Le vote de
toutes les lois dépend du bon fonctionnement du Parlement. Pour se faire, cinq
commissions permanentes ont été créées. Au nombre de ces commissions, on
peut citer : la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme,
qui est chargée de finaliser tout ce qui est projet ou proposition de loi et la
commission des relations extérieurs, de la coopération, du développement, de
la défense et de la sécurité qui se préoccupe d’étudier tous les traités signés par
le Bénin dans le domaine de l’environnement. La célérité dans le traitement des
dossiers et le vote des lois sont très souvent subordonnés aux choix politiques
et stratégiques qu’adoptent les Députés. Il arrive, que des dossiers relatifs aux
textes de lois soient en souffrance dans les tiroirs des parlementaires. Il en est
ainsi, du projet de loi portant code pénale.
3. La Cour Constitutionnelle
Pour que l’affirmation de la suprématie de la constitution ne soit
pas un vain mot, il est important de prévoir des mécanismes qui permettent
de sanctionner la violation de ces dispositions. C’est ce que le constituant
béninois a compris en dotant le pays en 1990, d’une cour constitutionnelle.
Jeune, elle est plus ambitieuse que plusieurs autres cours constitutionnelles
plus anciennes et plus expérimentées, comme le Conseil Constitutionnel
64
Premiere partie
français. Nous l’avons précisé plus haut, cette cour qui a innové en matière de
protection de l’environnement, a une particularité qu’elle permet à tout citoyen
intéressé ou toute association régulièrement déclarée de la saisir. «La saisine
est ouverte à tout citoyen pour les lois, les textes réglementaires, les actes
administratifs et la violation des actes fondamentaux de la personne humaine
et des libertés publiques »108. Cette particularité de la constitution béninoise
participe du dynamisme de l’institution chargée de faire respecter les droits
de l’homme et conditionne la soumission de tous ; c’est à dire des pouvoirs
publics et des individus, au respect de la légalité109. Elle inspire confiance quant
à la qualification de certaines infractions environnementales érigées en crimes.
Néanmoins, malgré la saisine directe du citoyen, en la matière, il n’existe pas
encore de jurisprudence criminelle110 mais plutôt une jurisprudence de contrôle
de conformité constitutionnelle très peu abondante111. Mieux, on pourrait
penser qu’il s’agit d’une juridiction politique étant donné que trois des membres
sont nommés par le Président et quatre par l’Assemblée Nationale. Mais on peut
objecter contre cette opinion qu’aux USA trois des membres de cette institution
homologue sont nommés aussi par le Président, trois par le Sénat et trois par
la Chambre des Représentants, tous organes politiques. En effet, installée le 07
juin 1993, la Haute Juridiction se révèle comme une véritable gardienne de la
constitution et du respect des lois de la République. Juge de la constitutionnalité
des lois, garante des droits fondamentaux et des libertés publiques, et organe
régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs
publics, elle œuvre aussi au développement du droit pénal de l’environnement à
travers ses décisions et avis qui sont sans recours.
108 Article 24 de la loi organique et article 29 du règlement intérieur de la cour constitutionnelle du Bénin.
109 ADELOUI (Arsène-Joël), Transition démocratiques et coopération au développement. Approches comparative Bénin, Mali, Niger et Togo. Thèse de Doctorat, UAC, FADESP, Chaire, UNESCO, droit de l’homme et démocratie, Cotonou, 2006.p : 169
110 Puisque la cour constitutionnelle est appelée à connaître du contentieux criminel lié aux atteintes à l’environnement. Et elle n’a rendue ce jour aucun arrêt en relation avec l’infraction de crime contre la nation, art. 29. Constitution.
111 Cf. décision DDC 08-091 du 20 août 2008 ; décision DDC 08-029 du 03 mars 2008; décision DDC 04-038 du 20 avril 2004 ; décision DDC 04-037 du 20 avril 2004 ; décision DDC 02-055 du 04 juin 2002 ; décision DDC 02-065 du 05 juin 2002 ;
65
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
4. La Cour Suprême
La Cour Suprême du Bénin et spécialement la chambre administrative,
est la juridiction habilitée à connaître du contentieux environnemental. C’est la
plus haute juridiction en matière administrative112, judiciaire et des comptes. A
l’instar de la cour constitutionnelle, ses décisions ne sont susceptibles d’aucun
recours. Elles s’imposent au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif ainsi qu’à
toutes les juridictions. Elle est compétente pour connaître du contentieux relatif
à tous les actes administratifs comme les autorisations administratives ou permis
délivrées par l’administration environnementale. La cour suprême est consultée
par le gouvernement plus généralement sur toutes les questions administratives
et juridictionnelles, notamment sur tous les projets de lois, ordonnances et
actes réglementaires. Elle peut à la demande du Chef de l’Etat, être chargée de
la rédaction et de la modification de tous les textes législatifs et réglementaires,
préalablement à leur examen par l’Assemblée Nationale. Ainsi, cette cour, haut
lieu du savoir juridique, apporte en dernier ressort sa touche à l’élaboration de
tous les projets de lois y compris ceux relatifs à l’environnement en donnant son
avis. Elle est en outre chargée d’une mission permanente d’inspection à l’égard
de toutes les autres juridictions113.
5. La Haute Cour de Justice
Installée en 2002, la Haute Cour de Justice du Bénin, juridiction
répressive, tire sa légitimité de la constitution114. En effet, la compétence de la
Haute juridiction est limitée au Président de la République et aux membres du
gouvernement ainsi qu’à leurs complices. En vertu de l’article 136, « la Haute
Cour de Justice est compétente pour juger le Président de la République et
112 La loi n°2001-37 du 27 avril 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin, publiée au J.O. 116 année n°16 du 15 août 2005, p.783 et ss, dispose en son article 53 que les TPI peuvent maintenant, connaitre du contentieux administratif en premier ressort.
113 Cf. loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la cour suprême
114 Articles 135, 136,137 et 138 de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin.
66
Premiere partie
les membres du gouvernement à raison de faits qualifiés de haute trahison
(…) d’infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
leurs fonctions ainsi que pour juger leurs complices en cas de complot contre
la sûreté de l’Etat». Est considéré comme haute trahison, dans la plupart des
constitutions du monde : la violation du serment du Président de la République,
les cas de violations graves et caractérisées des droits de l’homme, la cession
frauduleuse d’une partie du territoire national. Mais, au Bénin, en plus de ces
cas, « tout acte attentatoire au maintien d’un environnement sain, satisfaisant,
durable et favorable au développement »115 est aussi considéré comme élément
constitutif de l’infraction de haute trahison, donc comme un crime contre la
nation, sévèrement réprimé. En effet, en cas de mise en accusation, le Président
de la République et les membres du gouvernement sont suspendus de leurs
fonctions. En cas de condamnation, ils sont déchus de leurs charges.
Par ailleurs, même si cette cour n’a connu encore aucune affaire, la
hantise de tomber sous le coup de la loi cohabite les dirigeants et les rendent
plus avisés et plus sage.
Longtemps décriée comme une institution budgétivore sans réelle
emprise juridictionnelle, la Haute Cour de Justice est saisie depuis 2006 d’un
dossier d’instruction dans lequel un ancien Ministre116 est poursuivi pour
détournement de denier public. En revanche, elle n’a connu encore aucun
dossier relatif au crime contre l’environnement
Force est de constater que dans la pratique, la sanction criminelle
ainsi que la procédure de mise en accusation sont difficilement réalisable. Le
juge, dans l’application de la loi, va certainement heurter des écueils juridico-
politiques, quasi impossibles à surmonter. Dans ce cadre, une réflexion est en
cours pour réviser la loi organique sur la haute cour de justice et clarifier la
procédure à suivre en cas de mise en accusation.
115 Idem Articles 74 116 Il s’agit du Ministre Alain ADIHOU, alors Ministre chargé des relations avec les Institutions
au sujet de la gestion de la LEPI. Depuis, octobre 2009, il est mis en liberté provisoire sous caution.
67
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
B) Les institutions gouvernementales
Le Président de la République en tant que chef du gouvernement délègue
à chacun des membres du gouvernement une parcelle de pouvoir pour gérer un
Ministère. L’environnement étant une science à caractère transversale, presque
tous les Ministères en font une préoccupation. Les problèmes environnementaux
sont multiples, variés, complexes et multisectoriels. C’est ce qui explique le partage
de compétence au sein de cette administration, créant ainsi une dispersion
institutionnelle. Cette « dispersion de responsabilité » ou l’émiettement de
structures semblait bien inévitable, dans la mesure ou l’environnement n’était
pas encore devenu un objet spécifique d’administration117. Mais, notre analyse
qui se veut purement juridictionnelle, portera sur le rôle de certains Ministères
clés en matière de législation environnementale.
1. Le Ministère chargé de l’Environnement
Créé par décret en 1992118, conformément aux recommandations de
la Conférence Nationale119, le Ministère de l’Environnement, de l’Habitat et de
117 PRIEUR (M), Droit de l’environnement, Dalloz, Paris, 1996, p : 148118 Cf. décret n°92-17 du 28 janvier 1992 portant attributions, organisation et fonctionnement
du MEHU.119 Cf. La nation n° Spécial an 2 de la conférence Nationale. Les dossiers de la conférence,
1992. La Conférence Nationale tenue du 19 au 28 février 1990 à Cotonou au Bénin, a été
déterminante. Cette période qualifiée de Renouveau Démocratique, a jeté les bases d’une politique environnementale. En effet, au plan environnemental, les recommandations ci-après ont été adoptées à savoir :
- Fixer les bases juridiques nécessaire à l’aménagement de l’espace, à la conservation de l’environnement et à la mise en œuvre des plans et programmes ;
- Créer un département ministériel chargé de l’environnement, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire ;
- Elaborer une législation en vue de la gestion et de la protection de l’environnement ;- Définir une politique nationale en matière d’environnement et une stratégie de sa mise en
œuvre ;- Diffuser et populariser les textes législatifs et réglementaires relatifs à la gestion et à la
conservation de l’environnement- Adopter une loi portant interdiction d’importation de déchets toxiques ;- Initier des études sur l’assainissement et l’élimination des déchets de toutes sortes.
68
Premiere partie
l’Urbanisme, a connu une évolution qualitative fortement appréciable pour
devenir aujourd’hui, Ministère de l’Environnement et de la Protection de la
Nature120, avec entre autres missions la protection de la nature, attribution
initialement dévolue au Ministère chargé de l’agriculture. Ce Ministère est la
cheville ouvrière en matière d’initiation et d’élaboration de projets de textes
réglementaires et législatifs en matière environnementale et de la protection
de la nature. Deux structures représentant les deux grands pôles du Ministère
à savoir la Direction Générale de l’Environnement et la Direction Générale des
Forêts et des Ressources Naturelles, chacun dans son domaine de compétence et
en collaboration avec les autres structures nationales concernées, jouent un rôle
déterminant dans l’exécution de cette mission qui se décline essentiellement
en des tâches de conception, d’application et de suivi de la réglementation
environnementale. Ces mêmes structures gèrent dans leur domaine respectif, les
conventions internationales ratifiées par le Bénin. Le Ministère abrite également
des structures sous tutelles121qui jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre
de la répression notamment dans le domaine de la préservation de la faune et
de la flore avec la police forestière animée par les agents des Eaux et Forêts et
dans le domaine des pollutions et nuisances par la police environnementale.
La création d’un ministère spécialisé en environnement traduit à
l’évidence, sur le plan structurel, l’importance nouvelle accordée aux problèmes
de la défense de l’environnement. Mais, des ministères sectoriels se préoccupent
également de la politique répressive.
120 Cf. décret n°2007-493 du 02 novembre 2007 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature source : MEPN. Aujourd’hui, à la faveur d’un remaniement ministériel, il est redevenu MEHU avec le rattachement des volets de l’habitat et de l’urbanisme par décret n°2012-004 du 24 janvier 2012 portant composition du gouvernement.
121 Il s’agit de l’ABE, qui a été le chef de file dans l’élaboration des textes d’application de la loi-cadre sur l’environnement. Il est le bras opérationnel du ministère. Il s’agit aussi de la CNDD, du FNE et du CENAGREF.
69
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
2. Le Ministère chargé de la justice et de la législation
Comme l’indique son intitulé et conformément au décret créant le
Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme (MJLDH),
ce dernier est considéré dans ses prérogatives comme le Ministère le plus
compétent en matière d’élaboration des textes de loi. C’est à ce Ministère,
en l’occurrence à sa Direction de la Législation, de la Codification et des
Sceaux, Secrétariat Permanent de la Commission Nationale de Législation et
de Codification que revient en principe l’initiative de la collecte des besoins
des Ministères sectoriels en terme d’élaboration d’avant-projets de lois de la
République afin de permettre à ladite Commission d’être opérationnelle. Mais,
dans la pratique, cette commission interministérielle qui se réunit une fois par
semestre n’est pas opérationnelle. Elle fonctionne de manière irrégulière de
sorte que ce sont les Ministères sectoriels concernés qui initient et élaborent
les avants projets de lois avant de les acheminer parfois vers la commission. En
ce qui concerne la réglementation, son élaboration incombe entièrement aux
Ministères sectoriels concernés avant son adoption par le gouvernement. Seules
les structures sectorielles impliquées dans sa mise en œuvre sont invitées aux
différentes réunions de validation de textes comme le précise si bien, le membre
de phrase «…en collaboration avec les structures concernées» du 1er alinéa de
l’article 28 du décret organisant le MEPN. L’avis du Ministère chargé de la justice
n’est pas sollicité.
3. Le Ministère chargé de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage
Ce ministère couvre un domaine de compétence à impact
environnemental très négatif. Il ne fait aucun doute que c’est le département qui
concurrence durement celui chargé de l’environnement. En effet, le département
du développement rural s’est toujours occupé fondamentalement des questions
du monde rural : forêt, élevage, chasse, faune, flore, transhumance, foncier
rural, braconnage, etc. Dès lors, ce département a acquis administrativement
et juridiquement des compétences non seulement de protection (prise
70
Premiere partie
de divers arrêtés et initiateurs de plusieurs décrets) mais aussi de gestion
de l’environnement. Ce n’est que tout récemment en 2006 que suite à de
hautes luttes entre les cadres de ce ministère et ceux du ministère chargé de
l’environnement que le secteur des ressources naturelles (eaux, forêts, chasse
et parcs nationaux) a été enfin détaché pour être rattaché au ministère chargé
de la protection de l’environnement comme c’est le cas dans la plupart des pays
de la sous région122.
Somme toute, de toutes les structures intervenant dans le secteur
de la répression des atteintes à l’environnement, la police environnementale,
structure interne au MEHU, mérite une attention particulière.
§ II : L’expérience béninoise de la Police Environnementale
L’administration environnementale béninoise s’inspirant de l’expérience
canadienne des Inspecteurs de l’Environnement, a innové en créant une police
environnementale. Elle est une structure répressive, chargée de traquer les
délinquants environnementaux. Animée par des Inspecteurs de l’Environnement
sous serment, recrutés niveau licence et formés en gestion de l’environnement
« sur le tas »123, ils ont une compétence nationale. Créée par décret124, elle est
placée sous la tutelle de la Direction Générale de l’Environnement du Ministère
de l’Environnement et de la Protection de la nature à qui elle rend compte
périodiquement. Lorsqu’on parle de police, on pense à la sanction. La police
environnementale a pour mission :
- de veiller à l’application de la législation environnementale ;
- d’informer et de sensibiliser les populations sur les questions
environnementales ainsi que sur la stratégie nationale de protection de
l’environnement ;
122 Togo, Niger, Burkina Faso, Sénégal, etc.…123 Une formation non diplomate. 124 N° 2001-096 du 20 février 2001portant création, attributions, organisation et
fonctionnement de la police environnementale,
71
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
- de rechercher, constater et de réprimer les infractions à la législation
environnementale et ce, concurremment avec les Officiers de Police
Judiciaires et les agents habilités par les lois spéciales125.
Les mêmes missions sont assignées à leurs homologues togolais avec
cette nuance que ces derniers, ne sont pas directement recrutés mais relèvent
du personnel du Ministère chargé de l’environnement126.
Il conviendrait dès lors, de mettre en relief les moyens d’action (A) dont
dispose cette institution pour mener à bien ses activités répressives (B).
A) Les moyens d’action
En terme de moyens humains, la Police Environnementale n’est dotée
que de 24 agents assermentés dénommés « Inspecteurs de l’Environnement »
répartis sur tout le territoire national à raison d’une moyenne de deux inspecteurs
par département. Il est attribué à chaque policier de l’environnement une moto-
cross, un badge ou une carte professionnelle, pour assurer leur déplacement et
faciliter leurs activités. Il est mis également à leur disposition dans leur structure
ou lieu de travail, des équipements de travail dont entre autres, les analyseurs
de gaz pour le contrôle des gaz d’échappement des véhicules à deux ou à quatre
roues, un véhicule laboratoire spécialement conçu pour l’analyse de gaz à effet de
serre (GES), en vue des activités de lutte contre la pollution atmosphérique. Par
contre, ils n’ont pas encore d’uniforme pouvant les différencier à l’image de leurs
homologues agents d’hygiène et, dissuader les contrevenants. Ce qui permet à
quelques vils individus, de se passer pour des policiers de l’environnement127.
125 Cf. infra chapitre II 126 Cf. Arrêté n°009/MERF/CAB/SG/DE portant création de la police environnementale au
Togo.127 Cf. note de service n°352/DDEPEN-AL/MEPN/SRCC/DPE/SA du 6 novembre 2007
dénonçant les usurpateurs de titres
72
Premiere partie
B) Les activités répressives128
En collaboration avec les forces de sécurité publique et de l’autorité
communale ou municipale, les Inspecteurs de l’Environnement mènent des
activités répressives. Ces activités interviennent pour la plupart du temps,
après une période préventive relativement longue faite de campagne de
sensibilisation des populations ou des groupes cibles en vue d’un changement
de comportement. Ainsi, à la suite de ces mesures préventives, la prévention,
étant une action anticipatrice, consistant à empêcher la survenance d’atteintes
à l’environnement129, suivent des mesures coercitives, lesquelles interviennent
après une atteinte avérée à l’environnement. Dans leur mission de police
répressive, les agents de la police environnementale, sans être officiers de
police judiciaire, se confondent quasiment à cette dernière puisqu’elle vise la
recherche des infractions et leurs auteurs. Ils disposent aussi de pouvoirs au
même titre que ceux reconnus aux agents de police judiciaire. Ils peuvent ainsi
recevoir des plaintes relatives aux pollutions et nuisances, pénétrer librement
sans avertissement préalable dans les installations ou établissements, interroger
des personnes, se faire produire des documents, dresser des procès verbaux,
apposer des scellés, et opérer des saisies ; ils peuvent, en outre ordonner
l’arrêt des travaux, opérations ou activités effectués en infraction aux règles
de l’environnement130. Dans ce cadre, les Inspecteurs de l’Environnement
consacrent principalement leurs activités à mener une lutte contre la pollution
de l’air dans les grandes villes du pays et principalement dans la métropole
Cotonou. Outre la lutte antipollution, le respect des textes réglementaires et
législatifs amène les inspecteurs à poursuivre et à verbaliser les tenanciers de
bar ou buvette, les responsables des lieux de culte, et autres indélicats, menant
des activités bruyantes et qui, suite à des inspections de routines, n’ont pas cru
devoir obtempérer aux injonctions ou aux mesures correctives recommandées
et ce, après une mise en demeure infructueuse. Dans ce cas, un avis d’infraction
pour pollution sonore est adressé au mis en cause. Dans leur activité de
128 Il s’agit des mesures coercitives de verbalisations qui interviennent lors des contrôles de routines des inspecteurs et après sensibilisation.
129 M.PRIEUR, Droit de l’Environnement, 3ème édit., Dalloz, 1996, p : 70130 Cf. article 5 du décret précité, note 124, p.61
73
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
verbalisation, les Inspecteurs de l’environnement sont accompagnés des forces
de sécurité publique (gendarmes ou policiers) en tenue et en arme, afin de
faciliter les opérations de conduite à la fourrière ou de saisie du corps du délit.
Le retrait ou le paiement des amendes infligées, intervient ultérieurement.
Deux autres structures apparentées mènent des activités similaires.
Il s’agit de la Police Sanitaire131 et de la Brigade de protection du littoral132. La
première est composée des agents d’hygiène et la seconde est constituée d’un
détachement d’agents de la Police nationale. La Police Sanitaire a essentiellement
pour mission de faire respecter le code de l’hygiène publique en recherchant et
en constatant les infractions y relatives par les agents d’hygiène qui existent dans
toutes les communes. Elle relève du Ministère de la Santé alors que la brigade de
protection du littoral relève du Ministère chargé de l’intérieur et de la sécurité
publique. Ces structures complémentaires travaillent en harmonie pour faire
régner la sécurité environnementale.
Dans ses attributions de défense de l’environnement, la police
environnementale est assistée souvent par des associations ou ONG de défense
de l’environnement.
§ III : La contribution des associations de défense de l’environnement
En application du principe de participation133, les associations de
défense de l’environnement jouent un rôle essentiel en tant qu’acteurs aux
côtés des pouvoirs publics. Avouons pourtant que l’intérêt pour l’action
associative née avec la loi de 1901134 qui consacre le principe de s’associer
pour la défense d’un objectif précis, est une préoccupation assez récente en
131 Cf. décret n° 97-624 du 31 décembre 1997 portant structure, composition et fonctionnement de la police sanitaire.
132 Cf. arrêté n° 862/MISD/DC/DGPN/DAP/SA du 12 septembre 2002 portant création d’une brigade de protection du littoral et de la lute anti-pollution au sein de la police nationale.
133 Cf. PRIEUR (M), op. Cit. p : 108 ; Agenda 21 National, MEPN, 1996, p : 141134 Il s’agit de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, dite loi « Waldeck
Rousseau » dont nous venons en 2001 de fêter le centenaire. Elle a fait du droit d’association une liberté publique fondamentale
74
Premiere partie
matière environnementale. Elle n’est apparue en France qu’au cours des années
1970 suite aux grandes catastrophes écologiques, avec la reconnaissance
par le législateur français d’un droit associatif, en l’occurrence la loi n°76-629
du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Cette loi reconnaît la
possibilité d’octroi d’agrément aux associations. Elle permet aux associations,
ayant pour objet la protection de la nature, d’engager des procédures devant
les juridictions pour toutes décisions leur faisant grief. Se faisant, elle reconnait
aux associations agréées, le droit de se constituer partie civile pour les faits
constituant une infraction aux dispositions législatives instaurées par cette loi
et portant préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles défendent
statutairement135.La législation environnementale béninoise accorde une place
considérable aux associations de défense de l’environnement. Il en est ainsi
puisque l’un des objectifs de la loi-cadre sur l’environnement est de « faciliter
la création d’associations de protection, de défense et de mise en œuvre de
l’environnement, tant au niveau national que local. Ces organismes peuvent être
associés aux actions entreprises par le gouvernement, notamment en matière
d’information, d’éducation et de communication des citoyens et peuvent être
reconnus d’utilité publique»136. Au regard de la diversité de ces associations137 et
de leurs actions, la dimension qui semble nous intéresser ici est relative à leur
comportement vis à vis des infractions environnementales. Ce comportement
s’analysera autour de deux axes essentiels, d’abord les conditions d’accès des
135 Charles LAGIER et Gilles POLLET (sous la direction de), Les associations de protections de l’environnement et le droit : quelles actions juridiques pour garantie un plus grand respect de l’environnement dans la décision ? Mémoire de DEA, 2005
Cf. la loi 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, JORF, 03 février 1995.
136 L’article 5, 5 ème tiret de la loi-cadre sur l’environnement du Bénin.137 Il serait fastidieux de tenter une énumération même indicative de ces ONG
d’environnement qui sont de plus en plus nombreux. En 1997, une étude de l’ABE intitulée « répertoire national des structures non gouvernementales intervenant dans le domaine de l’environnement » avait dénombrée 152 associations à caractère environnemental mais aujourd’hui on peut estimer le nombre à environ 1000, vu l’inflation galopante en matière de création d’association puisque l’autorisation qui relevait entre temps du pouvoir central, est déconcentré et relève depuis 2000 du domaine de compétence du Préfet. Un travail de recensement national des organisations de la société civile est actuellement en cours au MCRI
75
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
associations à la justice (A) ensuite en cas d’atteinte manifeste à l’environnement
les contours de l’action contentieuse (B).
A) Les conditions d’accès des associations à la justice
Il n’est pas aisé d’apporter une définition claire et nette à la notion
d’association de défense de l’environnement néanmoins, on peut convenir avec
les dispositions de l’article L141-1du code de l’environnement français de les
définir comme « associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités
statutaires dans le domaine de la protection de la nature, de l’amélioration du
cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de
l’urbanisme ou ayant pour objet, la lutte contre les pollutions et les nuisances
et, d’une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de
l’environnement ». Et à l’article L142-2C dudit code d’accorder une habilitation
générale « aux associations de protection de l’environnement » afin qu’elles
puissent exercer « les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les
faits portant un préjudice direct ou indirect ou intérêts collectifs qu’elles ont
pour objet de défendre (…) ». A travers cette définition, il ressort qu’un certain
nombre de conditions à savoir la reconnaissance de l’association par l’autorité
compétente (Préfet) qui conduit à l’octroi de l’agrément et l’exercice d’activité
relatif à son objet, doivent être remplies avant toute action contentieuse. Au
Bénin, le législateur béninois s’inscrit dans cette dynamique lorsqu’il reconnaît
que « les associations compétentes en matière d’environnement, légalement
reconnues et représentatives, peuvent mettre en mouvement l’action publique
et se constituer partie civile »138. Au Togo, elles doivent en outre, exercer « depuis
au moins trois ans, leurs activités dans le domaine de la protection de la nature
et de l’environnement »139 et l’intérêt défendu par eux doit rentrer « dans le
champ de leur objet statutaire »140. Autrement dit, une association ne peut
intenter une action en justice contre un industriel pour pollution de la lagune ou
138 Article 109 de la loi-cadre sur l’environnement du Bénin.139 KOKOUME (Koffi), La protection de l’environnement dans la législation sur la ZFI au Togo.
Cité par GBENOU (Kokouvi), La sanction des atteintes à l’environnement en droit togolais. Mémoire DEA, droit et politique de l’environnement, 2005, Lomé, Togo.
140 Idem.
76
Premiere partie
de la mer à la suite de rejet d’effluents que si la protection de la lagune ou de la
mer fait partie des intérêts qu’elle a pour mission de défendre.
Ainsi donc, les associations de défense de l’environnement remplissant
les conditions de la loi, peuvent ester en justice.
B) Les modalités de leur action au pénale
L’action devant le juge judiciaire en réparation du dommage causé
par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont
personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Ainsi
les juges se sont basés sur l’article 2 du code de procédure pénale pour écarter
de la constitution de partie civile, toutes les personnes physiques ou morales
qui ne sont pas directement et personnellement touchées par un préjudice. Une
association pour être recevable, devra satisfaire à ces conditions devant le juge.
En fait, il n’est pas besoin d’un texte spécifique en la matière. Car, dès lors qu’elles
sont régulièrement déclarées, « légalement reconnues et représentatives »141,
les associations acquièrent la personnalité morale et peuvent à ce titre, être
recevables en justice.
A titre illustratif, une association de défense de milieu aquatique a été
déclarée recevable à agir dans un cas de pollution marine par hydrocarbures. Les
juges de la cour d’appel de Rennes ont considéré que cette pollution lésait « les
intérêts défendus par l’association qui a pour obligation statutaire de protéger
la qualité de l’eau et notamment les estuaires et rivages marins et les eaux de
mer, lieux de séjours et de passage des espèces migratrices »142. Par contre, dans
une autre affaire, le juge a dénié le droit d’exercice de l’action publique à une
population riveraine d’une forêt sur exploitée143. Il est remarquable de constater
ici que les juges se réfèrent à l’objet statutaire de l’association ce qui montre à
quel point la précision des statuts est importante. A l’inverse, dans une affaire de
141 Cf. article 109 de la loi-cadre sur l’environnement au Bénin142 CA Rennes, 23 mars 2006, n°05/01913 cité par Laurent NEyRET, in, la réparation des
atteintes à l’environnement par le juge judiciaire, communication, colloque, Paris, 2006.143 Cf. GRANIER (L) (sous la dir), Aspects du droit de l’environnement en Afrique de l’ouest et
centrale, op. cit.p.98, note 223.
77
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
braconnage, les constitutions de parties civiles de plusieurs sociétés de chasse
ont été déclarées irrecevables dans la mesure où elles n’avaient pas prouvé que
le prévenu avait chassé sur leurs territoires144.
Par ailleurs, le mode de saisine de la cour constitutionnelle béninoise
accorde également une place considérable aux associations de défense de
l’environnement. Dans sa procédure de saisine, elle est saisie par requête
comportant obligatoirement : les noms, prénoms, adresse précise et signature
ou empreinte digitale du requérant qui peut être une personne physique ou une
personne morale, justifiant de sa capacité à ester en justice145.
En Conclusion, retenons que, ce diagnostic de la législation
environnementale béninoise, révèle que les sources potentielles du droit pénal
national de l’environnement repose essentiellement sur quatre ensembles
législatifs à savoir le code pénal, le code de procédure pénale, la loi cadre
sur l’environnement et les lois spécifiques à certains domaines récurrentes. Il
convient d’élargir ces sources aux différents textes d’application, notamment les
règlements administratifs (décrets, arrêtés), qui sont constamment utilisés dans
le domaine du droit répressif. Ces différents textes définissent les incriminations
et les peines applicables au nom du principe de la légalité des cimes et délits
et des peines146 ou principe de « textualité pénale »147. Il apparaît évident à
travers ce survol de la législation que l’une des particularités des incriminations
pénales est que l’élément légal est contenu dans la loi ou dans les règlements et
non dans le code pénal, d’où la notion de dépendance administrative du droit
pénal en matière environnementale. La volonté de réprimer les comportements
illicites de l’environnement au Bénin, peut se comprendre déjà par cet effort
de production de textes et de signature ou de ratification de conventions
internationales mais il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin.
144 CA Aix en Province, 13 mars 2006, n° 408/M2006 à propos de la destruction par un braconnier de 304 chamois dans le parc national de Mercantour et dans le parc national des Ecrins, cité par Laurent NEyRET, in, la réparation des atteintes à l’environnement par le juge judiciaire, communication, colloque, Paris, 2006.
145 Cf. articles 24 de la loi n°91-009 du 4 mars 1991 portant loi organique de la cour constitutionnelle du Bénin et 29 du Règlement intérieur
146 Cf. article 98 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990147 GUIHAL (D) Droit répressif de l’environnement, 3ème éd. Economica, Paris, 2008, p : 104
78
Premiere partie
CHAPITRE II : L’ExISTENCE D’UN SySTEME REPRESSIF ENVIRONNEMENTAL EN DEVELOPPEMENT
L’examen du chapitre précédent a mis l’accent sur les traits caractéristiques
de la politique criminelle environnementale au Bénin en mettant en relief les
textes législatifs et réglementaires et les institutions républicaines chargées
de les appliquer. A l’analyse, l’application desdits textes conduit effectivement
à l’existence d’un système répressif environnemental. Un système inféodé à
un appareil répressif encore certes, en balbutiement, notamment en ce qui
concerne les atteintes à caractère strictement environnemental, encore au stade
embryonnaire mais, riche de quelques actions répressives dans le domaine
des délits forestiers. L’analyse de la mise en mouvement de l’action publique
(Section I) et du régime répressif des atteintes à l’environnement (Section II),
nous permettent de mieux cerner les contours et l’évolution du droit pénal
béninois de l’environnement.
SECTION I : LA MISE EN MOUVEMENT DE L’ACTION PUBLIQUE
L’action publique s’entend de « l’action exercée devant une juridiction
répressive pour l’application des peines ou mesures de sûretés à l’auteur
d’un crime, d’un délit ou d’une contravention »148. Dès lors, le déclenchement
de l’action publique tend à l’application des peines. Il convient alors dans le
domaine du droit pénal de l’environnement, d’examiner les personnes habilitées
à exercer l’action publique (§ I) d’une part, afin de s’appesantir spécifiquement
sur la surveillance ou le contrôle qui est à l’avant-garde des recherches et des
poursuites (§II), d’autre part.
148 (J) VINCENT, (R) GUILIEN (S) GUINCHARD, (G) MONTAGNIER, Lexique de termes juridiques, Précis DALLOZ, 7ème éd. Paris 1988.
79
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
§I : La constatation des infractions : l’exercice de l’action publique
La constatation des infractions interpelle aussi bien les officiers de police
judiciaires qui animent l’enquête préliminaire que le ministère public qui est au
centre de l’exercice de l’action publique.
A) L’enquête préliminaire par les OPJ
Le bon déroulement du procès pénal est subordonné à une bonne
enquête préliminaire. Elle est définie comme « l’enquête diligentée d’office ou
à la demande du parquet par la police ou par la gendarmerie avant l’ouverture
de toute information et permettant au ministère public d’être éclairé sur le bien
fondé d’une poursuite149». Quant à l’action publique, « elle est l’action exercée
devant une juridiction répressive pour l’application des peines ou mesures de
sûreté à l’auteur d’un crime, d’un délit ou d’une contravention. Même si elle
peut être mise en mouvement par la partie civile, c’est toujours au ministère
public ou aux administrations habilitées (agents assermentés des eaux et forêts
et chasse par exemple) qu’il convient de conduire l’action publique jusqu’à son
terme.150»
Selon la jurisprudence, l’action publique se définie comme « un mal
infligé par la justice répressive en vertu de la loi, à titre de punition151 ou de
sanction 152 d’un acte que la loi défend. Elle est exercée par les magistrats ou par
les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi153. Ainsi que l’observent les
Professeurs J. LARGUIER et P. CONTE, « l’infraction en tant que violation de la loi
149 GUILLIEN (R), VINCENT (J), et GUINCHARD (S) MONTAGNIER (G) (sous la dir), Lexique de termes juridiques, Dalloz, 7ème éd. Paris, 1988
150 Idem.151 Cass. (Belg.), 14 juillet 1914, Pas. 1924, I, p. 473 cité par (F) ROGGEN, Le juge pénal et la
protection de l’environnement, in, Les juges et la protection de l’environnement, édit. Bruylant, Bruxelles
152 Cass. . (Belg.), 4 Décembre 1994, Pas. 1945, I, p. 159 ; Liège 12 mars 1973, J.T., 1973, p. 424, in op. Cit.
153 cf. Art. 1er du C. pr. pén béninois, édit. 1982.
80
Premiere partie
pénale, fait naitre l’action publique, exercée au nom de la société et tendant en
principe au prononcé d’une peine ou mesure pénale »154.
De la lecture croisée de la position doctrinale et jurisprudentielle, il
s’ensuit que la commission de l’acte infractionnel peut déclencher l’enquête
préliminaire, notamment, la réunion des éléments caractérisant l’acte, donc
la constatation de l’infraction. Cette constatation relève de la compétence
des officiers de police judiciaire qui en sont les acteurs traditionnels auxquels
s’ajoutent, avec le développement du droit de l’environnement, une autre
catégorie spécifique d’acteurs, les agents assermentés.
1) La constatation des infractions
La constatation étant l’état d’une chose ou d’une situation que l’on
consigne dans un écrit, en vue d’éclairer le juge, sa pratique ne peut qu’être
confiée aux professionnels. C’est ainsi que cette compétence est exercée
par les officiers de police judiciaire de la police et de la gendarmerie en tant
qu’acteurs classiques et par les fonctionnaires de l’administration publique, en
tant qu’agents « nouveaux » habilités à exercer lesdites fonctions.
a) Les acteurs classiques de constatation des infractions : les OPJ
Il s’agit des fonctionnaires de la police judiciaire dont les fonctions
traditionnelles reposent sur la recherche et la constatation des infractions en
matière de droit commun.
Au regard du code de procédure pénale béninois, presque identique au
code de procédure pénale français, ont qualité d’Officiers de Police Judiciaire :
les officiers, adjudants et adjudants- chefs, les maréchaux des logis-chefs de la
gendarmerie ; les commissaires de police et officiers de police ; les inspecteurs
154 (J) LARGUIER et (P) CONTE, Procédure pénale, 21ème édit. Dalloz, Paris 2006, p : 85
81
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de police155. Le rôle de ces autorités consiste à recevoir des plaintes et des
dénonciations ; procéder à des auditions et surtout établir des procès-verbaux
à transmettre au parquet ou au procureur de la République. En cas de crime
ou délit fragrant, c’est-à-dire « qui se commet actuellement, ou qui vient de se
commettre (…) ou lorsque la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur
publique ou est trouvée en possession d’objets (…) »156 du délit ou du crime;
se saisir de tout ce qui paraîtra avoir servi ou avoir été destiné à commettre le
crime ou délit, ainsi que tout ce qui paraîtra en avoir été le produit, enfin de tout
ce qui pourra aider à la manifestation de la vérité. Ils ont le droit de procéder
aussi à des perquisitions. Ils sont au service du Parquet et du juge d’instruction
et peuvent requérir la force publique pour l’exécution de leur mission. Ces
officiers qui ont en outre l’obligation de compte rendu « sont tenus d’informer
sans délai le procureur de la République des crimes, délits et contraventions
dont ils ont connaissance. A la clôture de leurs enquêtes, ils doivent lui faire
parvenir directement l’original ainsi qu’une copie certifiée conforme des procès-
verbaux qu’ils ont dressé ; tout acte ou documents y relatifs lui sont en même
temps adressés ; les objets saisis sont mis à sa disposition »157. Cette obligation
est même élargie au « (…) fonctionnaire158 ». Ainsi, de l’article 33 du code de
procédure pénale, il ressort que les fonctionnaires qui constatent une infraction
n’ont pas théoriquement la faculté de ne pas la relever et que le procureur de
la République a seul le pouvoir de classer sans suite une procédure pénale.
Notons tout de même que ce texte est dépourvu de sanction. De sorte que le
défaut de non dénonciation du fonctionnaire ou de l’agent ayant connaissance
de l’infraction n’est pas qualifié de délit répréhensible mais ce dernier peut
échopper d’une « répression disciplinaire, d’autant plus improbable que la
jurisprudence du Conseil d’Etat ne considère pas comme fautif le refus de
l’administration de provoquer les poursuites pénales à défaut de textes spécial
l’y contraignant formellement »159. Il serait à notre avis difficile de réunir les
éléments de preuves pouvant soutenir la thèse de complicité du fonctionnaire,
155 Art. 16 du CPP béninois.156 Idem, art 40 157 Idem, art. 17 et 19158 Idem art 33 al.2 du C.PP béninois et art 40 aliéna 2 C.PP français159 D. GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, Economica 3ème édit., Paris 2008, p : 28
82
Premiere partie
en cas de non dénonciation. Même si, D. GUIHAL, développe que « son inaction
peut aussi le rendre complice de l’infraction principale du fait que détenant le
pouvoir juridique de s’opposer à l’infraction, l’agent s’est abstenu volontairement
de le faire»160
Quant aux Agents de Police Judiciaire, ils sont des agents de forces de
sécurité publique (gendarmes ou policiers) n’ayant pas la qualité d’OPJ. Il s’agit
des militaires de la gendarmerie affectés dans les brigades; les officiers, les
brigadiers et sous brigadiers de paix de la police nationale. Leur mission est de
seconder ou d’assister les OPJ. Ainsi, sous l’autorité hiérarchique de ses derniers,
ils reçoivent les plaintes, constatent les crimes, délits et contraventions et
rédigent les procès-verbaux, mais ils n’ont pas qualité pour décider de la garde
à vue161. Contrairement aux APJ, les OPJ sont des agents professionnellement
assermentés. Il s’agit des agents dont l’activité principale oblige à prêter serment
devant le tribunal dont ils ressortent juridiquement avant leur entrée en
fonction.
Enfin, les agents et officiers de police judiciaire ont une compétence
générale pour constater et rechercher toutes les infractions, même dans le
silence des textes spéciaux d’incrimination162. Tel est le cas par exemple en
matière d’infraction à la réglementation des parcs nationaux163.
Au Bénin, dans la pratique, en matière de délit forestier ou de délit
d’environnement tout court, cette catégorie d’OPJ classique demeure très
inactive. Dans la plupart des cas, on ne constate pas d’auto saisine relativement
aux infractions d’environnement et les rares cas de dénonciations qui leur
parviennent sont classés très souvent sans suite. Mais de temps à autre, ces
160 D. GUIHAL, Op.cit. p: 29. Cas d’un douanier qui ferme volontairement les yeux sur les agissements de fraudeurs connus de lui sans que sa négligence procède d’un pacte de corruption. Ch. Cour cass. Crim. 27 oct.1971 Bull.384 (France), Rev.sc.crim.1972 p : 375 obs. A. Légal et p. 385 obs. A. Vitu ; à propos d’un Expert comptable, qui en négligeant de vérifier les documents fournit par son client se rend coupable de complicité de présentation de faux bilan ainsi que de fraude fiscale. Sur l’ensemble de la question, cf. A. Decoq, inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, JCP 1983. I. 3124.
161 Art. 20 et 21 du CPP béninois précité.162 Cass. (Fce) Crim. 22juin 1977 : Bull. crim. n°232, en matière de publicité mensongère.163 Art. L331-18 C.envir France. V. aussi art.3 et 4, non codifiés de la loi du 2 août 1961 relative
à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs
83
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
OPJ prêtent mains fortes aux OPJ fonctionnaires assermentés de l’administration
publique en vue de réprimer certains comportements délictueux des populations.
b) Les nouveaux acteurs de constatation des infractions
La fonction de constatation des infractions environnementales ne
peut être confiée aux non initiés. Elle incombe naturellement aux spécialistes
de la protection de la nature ou aux environnementalistes, a priori, outillés
techniquement pour traquer les délinquants environnementaux. Les différents
textes spécifiques législatifs en la matière, précisent bien la qualité des agents
chargés du contrôle ou des poursuites. Puisque la fonction de police judiciaire
suppose une reconnaissance officielle de l’aptitude à constater les infractions,
ces agents à qui sont confiés des missions de police judiciaire, sont soit désignés
par un texte légal soit par l’administration, sur habilitation du législateur. Ainsi,
en matière de constatation des infractions, le droit positif béninois confère
des pouvoirs de police judiciaire à des agents commissionnés et à des agents
assermentés des administrations publiques autres que les OPJ classiques « purs
et durs ». Ils exercent ces missions « dans les conditions et dans les limites fixées
par les lois»164 et les règlements.
En effet, la recherche des infractions en matière d’environnement n’est
possible que si des fonctionnaires en sont chargés et s’ils disposent à cette fin des
pouvoirs nécessaires.165 Ainsi, le contrôle et la surveillance des infractions posent
la question de savoir quel est le personnel compétent à cet effet et quel est son
pouvoir. La liste de ce personnel est conçue généralement de la façon la plus
large possible. Sa limite tient à la nécessité où l’on se trouve d’avoir des agents
spécialement habilités pour constater avec toute l’autorité voulu les infractions.
Dans les pays de tradition juridique latine ces agents doivent être assermentés
de manière à pouvoir dresser des procès-verbaux qui feront foi devant les
164 Art. 23 du CPP béninois; art 28 CPP français 165 Henri. D. BOSLy, Mise en œuvre des poursuites et pouvoirs d’investigation dans l’entreprise,
in, Le risque pénal dans la gestion des entreprises, Commission droit et Vie des affaires, Story Scientia, Université de Liège, 1991, p.181.
84
Premiere partie
tribunaux « jusqu’à preuve du contraire »ou « jusqu’à inscription de faux ». Aux
côtés de ces agents assermentés, on retrouve des agents commissionnés.
L’assermentation est le fait pour les agents publics, dans le cadre de
leur fonction de prêter serment devant le tribunal relevant de leur juridiction.
La cérémonie de prestation de serment consiste donc pour l’agent à « jurer
solennellement de remplir loyalement sa fonction »166devant le juge, qui en
prend acte. En France, elle a lieu généralement devant le tribunal de grande
instance et parfois devant le tribunal d’instance. S’agissant particulièrement des
agents forestiers béninois, c’est la loi qui met en œuvre le renvoi opéré par le
code pénal. Ce texte détermine deux catégories d’agents forestiers : ceux qui
ont prêté serment devant le tribunal et ceux qui n’ont pas été soumis à cette
formalité. Les agents non assermentés, ont seulement le droit de procéder aux
arrestations. Ils ont le droit d’arrêter toute personne en infraction à la législation
forestière et de les conduire devant l’agent assermenté le plus proche ou a défaut
devant l’officier de police compétent. Il résulte de la loi qu’ils n’ont pas le droit
de placer en garde à vue le prévenu alors que les agents assermentés peuvent
ordonner les mesures de garde à vue. Le code pénal n’a pas expressément
envisagé cette mesure mais cela s’induit des dispositions combinées des articles
68 et 69 de la loi portant régime forestier.167
Quant au commissionnement, il est considéré comme un acte
administratif délivré à l’agent168. Il consacre l’aptitude de cet agent à constater
certaines infractions en considération de sa compétence professionnelle et de
son affectation dans un service chargé de mission de police judiciaire169. Ainsi, ces
agents conduisent pour l’essentiel des enquêtes ou des investigations consistant
à relever des infractions et à dresser des procès-verbaux. Ils sont diversifiés. Le
droit béninois de l’environnement, en a prévu dans chaque secteur d’activité. Il
166 Cf. Notre cadre de vie, Bulletin d’information du MEHU, n° 008 de janvier 1999, prestation de serment de 12 Inspecteurs de la Police Environnementale le 06 janvier 1999 au tribunal de 1ère instance de Cotonou ; p : 04.
167 DJOGBENOU (Joseph) Les privations de liberté individuelles de mouvements non consécutives à une décision pénale de condamnation, Thèse de doctorant unique, Droit privé, UAC, 2007,p.104.
168 D. GUIHAL, Op.cit. p : 24169 D. GUIHAL, Op.cit. p : 24
85
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
est à observer tout de même que leurs prérogatives sont pratiquement virtuelles
puisque dans la réalité aucune « commission » ne se délivre.
Le secteur des eaux et forêts et chasse qui relève désormais du Ministère
de l’Environnement et de la Protection de la Nature170, est le secteur dans lequel
s’observe couramment les agents assermentés des eaux, forêts et chasse. Ils
sont disséminés à travers tout le territoire national sous forme de brigades
forestières et de cantonnements forestiers que commande nécessairement un
agent forestier, officier de police judiciaire. Par ailleurs, nous constatons qu’en
matière de contrôle et de surveillance, que ça soit en théorie ou en pratique,
la législation forestière et faunique met plus en relief les agents assermentés
que les agents commissionnés171. Plus opérationnels, ils sont mobilisés sur
toute l’étendue du territoire national pour la protection des forêts classées et
des réserves de faunes172. Dans l’exercice de leurs fonctions, ils sont chargés du
contrôle et de la surveillance des atteintes aux ressources naturelles. Ils sont
compétents pour interpeler les personnes, à s’assurer de leur identité, à contrôler
les documents administratifs (tels que les permis et licences d’exploitation), à
opérer des perquisitions et saisies.
Par ailleurs, dans les parcs, il faut noter qu’il existe une catégorie d’agents
à statut hybride. Il s’agit des éco gardes. Ils sont créés en 2000 par un arrêté
ministériel et dotés de statuts régit par la loi de 1901. Ils ne sont ni forestiers, ni
agents assermentés ou commissionnés mais dans la pratique, leurs attributs et
leurs attributions font d’eux apparemment des agents forestiers. Se substituant
ainsi aux agents forestiers, ils délivrent les rapports de constat sur lesquels se
fondent les PV de constat des agents assermentés. Il en est ainsi, puisque se sont
eux qui appréhendent très souvent les délinquants lors des patrouilles nocturnes
ou diurnes qui sont périodiquement organisées dans la réserve conformément à
170 Aujourd’hui renommé Ministère de l’Environnement, de l’habitat et de l’Urbanisme (MEHU) par décret n° 2011-500 du 11juillet 2011 portant composition du gouvernement
171 Art. 106 de la loi-cadre sur l’environnement du Bénin ; Art. 65 de la loi n°93-009 du 02 juillet 1993 portant régime des forets en République du Bénin.
172 Le Bénin dispose de deux parcs nationaux : le parc de la Pendjari et le parc W. La réserve de la Pendjari est classée réserve totale de faune de la Pendjari par décret n° 2579 ST/F du 06 avril 1955. En 1961 par décret n°61-132/FR/MAC/CF du 06 mai 1961, la réserve est transformée en parc national de la Pendjari avant d’être classée par décret n° 94-64 du 21 mars 1994« réserve de la Biosphère » par l’UNESCO.
86
Premiere partie
leur mission de surveillance du parc. C’est aussi le cas, à quelques nuances près,
des auxiliaires villageois qui assistent les forestiers à savoir les pisteurs, les gardes
barrières, les porteurs, les chasseurs traditionnels et les guides touristiques. Ils
sont tous des agents non assermentés173 assistent les forestiers.
Outre les agents des eaux, forêts et chasse, une autre catégorie d’agents
assermentés qu’on pourrait qualifier d’«acteurs actuels»174 ou nouveaux parce
que intervenant spécifiquement dans la protection de l’environnement, est
constituée des « policiers de l’environnement » encore appelés « inspecteurs
de l’environnement ». En effet, la police environnementale mène d’une part,
des opérations de police administrative en vue de préserver ou de rétablir
l’ordre public qui en l’espèce n’est pas général mais spécial175. Un ordre public
que le Professeur PRIEUR qualifie « d’écologique ». Dans ce cadre, elle joue
un rôle préventif de contrôle et de surveillance pour empêcher la commission
d’infraction. D’autre part, la police environnementale, compte tenu de sa
mission, ne s’approprie-t-elle pas les compétences de la police judiciaire ?
Car, intervenant après l’infraction, elle viserait la recherche et la constatation
des infractions et la sanction176 de leurs auteurs. L’administration à travers ces
agents joue, dès lors un rôle essentiel en matière de répression. C’est ce que
confirme d’ailleurs madame Maryse GRANDBOIS lorsqu’elle écrit que « c’est
l’administration qui fait, applique et interprète le droit de l’environnement. C’est
également l’administration qui commande la procédure, mène la recherche,
la constatation et la poursuite des infractions »177.C’est pourquoi, ses agents,
semblent-ils, disposent de pouvoirs au même titre que ceux reconnus aux
Officiers de Police Judiciaire178. Ainsi, ils n’ont pas besoin de commission rogatoire
pour les perquisitions et saisies par exemple. Ils peuvent pénétrer librement et
173 Art.131 de la loi-n°016-2002 du 18 oct.2004 portant régime de faune au Bénin.174 SOGLO (G) Le droit pénal de l’environnement en droit positif béninois : possibilités et
limites de la répression, Mémoire de DEA, UB/ FDD, Lomé, 1998, p : 11.175 Pour en savoir plus sur la notion de police administrative voir : M. Waline, Précis de
droit administratif éd. Montchrestien, Paris 1969 p : 100 et 438-440 ; Les ABC du droit, Tome II éd. Philippe Auzou, Paris 1973, p : 466-474 ; et surtout E. Picard, Notion de police administrative Tome I, P.U.R et L.G.D.J paris 1984.
176 Il s’agit des sanctions administratives.177 Cf. article « Le droit pénal de l’environnement : une garantie d’impunité ? Extrait de
Criminologie, vol. 21, n°1, p : 77. Environnement Canada, Ottawa, 1986. 178 Art.64 et s. du CPP béninois
87
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
à toute heure de jour et de nuit (conformément au code de procédure pénale)
sans avertissement préalable dans une installation ou établissement, interroger
des personnes, se faire produire des documents, apposer des scellés et opérer
des saisies ; ils peuvent au besoin faire appliquer des mesures conservatoires à
l’encontre du mis en cause, suite à un avis technique adressé au Ministre chargé
de l’environnement179 . Ils peuvent même ordonner l’arrêt de travaux effectués
en violation des dispositions législatives et réglementaires180. A l’évidence, ces
agents disposent de larges pouvoirs que renforcent les dispositions pénales qui
punissent l’obstacle à leur fonction181. Ainsi, afin de pallier l’absence de pouvoirs
coercitifs des verbalisateurs spécialisés, de nombreuses législations répriment le
délit d’obstacle aux opérations de contrôle et de surveillance182.
Ces pouvoirs dont jouissent ces agents se justifient d’une part parce
qu’une attitude passive comme le remarque le professeur A. De Nauw, qui se
limiterait à la seule réception de plaintes, présente l’inconvénient d’être tardive,
la plainte intervenant presque toujours après la commission de délit, d’autre
part ces interventions ont l’avantage de prévenir les atteintes qui pourraient être
portées à l’environnement par la menace implicite d’être découvert183.
Notons que les agents habilités pour constater les infractions
d’environnement relèvent de diverses administrations ministérielles ainsi que
le précise l’Annexe II.184. Mais, ces fonctionnaires, comparativement à leur
179 Cf. décret n° 2005-437 du 22 juillet 2005 portant organisation de la procédure d’inspection environnementale en République du Bénin. V. aussi arrêté n°0045/MEHU/DC/SG/DE/SQEPE/DPE/SA du 23 oct.2002 fixant les conditions et modalités d’exercice de la fonction d’agent de police environnementale.
180 Pour plus d’information se référer à l’ouvrage, Les métamorphoses administratives du droit pénal de l’entreprise, A. De NAUW, Gand, Mys et Breessch 1974,
181 Art.41 de la loi n°87-014 du 21 septembre 1987 portant régime des forêts au Bénin ; art.73 de la loi n°93-009du 02 juillet 1993
182 D. GUIHAL, op ,cit. p : 41183 A. de NAUW, op. Cit.184 Cf. Annexe II : les agents habilités outre les OPJ à surveiller et contrôler les infractions au
droit de l’environnement dans le dispositif pénal béninois.
88
Premiere partie
homologue français 185 n’ont qu’une existence purement virtuelle dans la mesure
où dans la pratique, ils n’exercent pratiquement pas. Ils sont inactifs alors qu’ils
cohabitent tous les jours les infractions environnementales. Et la question se
pose même de savoir s’ils sont réellement outillés pour exercer dans le domaine
environnemental.
En effet, remarquons que les pouvoirs de police conférés à chacun des
agents ont un caractère spécial. Ainsi, un agent muni de pouvoir de verbaliser
ne saurait se substituer à un agent muni de pouvoir de perquisitionner. C’est à
ce niveau que la jurisprudence française évoque, le principe de spécialité qui
fait obligation auxdits agents à exercer « leurs pouvoirs dans les conditions et
les limites fixées par les lois spéciales »186. Dès lors, le pouvoir de verbaliser
n’emporte pas celui de pénétrer dans les lieux privés187 ; le droit de visite
domiciliaire n’implique pas celui d’obtenir communication des pièces 188; le
pouvoir de procéder à des saisies et prélèvement ne permet pas d’exiger la
communication d’une « formule de fabrication »189. La conséquence logique qui
découle de ce principe est que les pouvoirs conférés par une loi ne peuvent être
mis en œuvre pour la recherche d’infraction à une autre loi.
Néanmoins, il ne faudrait pas s’arrêter seulement à la prise d’une loi
spéciale d’habilitation ; il faut prendre un texte réglementaire qui énumère
clairement les agents potentiels assermentés et les agents commissionnés de
façon à ce qu’ils soient préalablement connus et leur fonction clairement définit
afin que le procès-verbal qu’ils ont l’obligation de rédiger, ne souffre d’aucune
insuffisance quant à sa valeur probante.
185 Cf. Rapport interministériel français sur le Renforcement et la structuration des polices de l’environnement, février 2005. Ce rapport dénombre 55 agents habilités à exercer les fonctions d’OPJ. « Ils appliquent de façon quasi quotidienne les polices relevant de leurs compétences. Mais il est loisible de reconnaître que cette application n’est que relative puisque « d’autres apportent leurs concours plus épisodiquement et certains méconnaissent même leur capacité à intervenir ».
186 Art.23 CPP béninois et art.28 CPP français.187 Ch. Réunies 29 juin 1911 ; S.1911.1.593 note Roux.188 Cass.crim. 6 mai 1964 Bull. n°153 p.341, Rev. Sc. Crim.1982 p.522 obs. Bouloc.189 Cass.crim. 22 mai 1989, Bull. n°211 p.535.
89
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
2) La force probante du procès-verbal de constatation
La constatation des infractions à la loi pénale et la recherche des auteurs
par l’officier ou l’agent de police judiciaire, ou par tout autre agent habilité,
conduit à l’établissement du procès-verbal, lequel apparaît comme l’une des
phases décisives de l’enquête préliminaire. En effet, nous convenons avec D.
GUIHAL, que « les procès-verbaux sont les actes par lesquels les agents habilités
à exercer des fonctions de police judiciaire relatent les diligences accomplies
dans l’exercice de cette mission, et décrivent les faits qu’ils ont constaté qui
caractérisent les éléments constitutifs d’une infraction à la loi pénale »190. En
pratique, les procès-verbaux établis par des agents spécialement habilités,
notamment les agents assermentés, se révèlent être les principales sources des
poursuites. Ils bénéficient même « d’une présomption de vérité »191. Cette force
probante, dérogatoire au droit commun, est attachée exclusivement « aux faits
constatés par les rédacteurs eux-mêmes »192.
a) Les conditions de validité des procès-verbaux
La partie poursuivante joue un rôle essentiel dans la manifestation
de la vérité. Elle doit supporter la charge de la preuve. Le procès-verbal, dit
de « présomption légale » est « une conséquence logique de la présomption
d’innocence » reconnue par presque tous les textes pénaux nationaux, d’origine
conventionnelle ou internationale. C’est vrai aussi bien pour la doctrine que
pour la jurisprudence. Comme l’a décidé la Cour de cassation, « le juge doit
admettre comme vraies les constatations matérielles régulièrement faites
personnellement par le verbalisant dans les limites de sa mission légale aussi
longtemps que la partie intéressée n’en a pas démontrées l’inexactitude ; le
juge apprécie souverainement la valeur probante des éléments de cette preuve
190 D. GUIHAL, Op. Cit. p : 42191 Idem. p : 53192 R.MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, T2, Procédure pénale, Cujas, 4ème éd. 1989,
p : 293, n°236
90
Premiere partie
contraire »193. La preuve contraire peut être apportées par la défense au moyen
de témoignages ou par la production de documents écrits194 ou testimoniaux195.
Pour le Professeur SOyER, « on ne peut la combattre que par la procédure longue
et compliquée de l’inscription en faux »196. La seule dénégation du prévenu
n’autorise pas la relaxe197. En droit béninois, le prévenu qui veut s’inscrire en
faux contre un procès-verbal est tenu de le faire par écrit huit (8) jours avant
l’audience indiquée par la citation, en déposant les moyens de faux et en
indiquant ses témoins198. Les témoignages et non des « indices » peuvent tenir
lieux de moyens de preuves199.
Mais pour être valide et assorti de nullité, un certains nombres de
critères entourent le procès-verbal. Il s’agit par exemple de :
- La compétence des agents verbalisateurs : ces derniers doivent être
les autorités légalement compétentes pour exercer cette fonction et ce
dans la zone relevant de leur compétence200. Puisque « l’incompétence
territoriale des verbalisateurs est une cause de nullité substantielle qui
est présumée porter atteinte aux droits de la défense »201. Il en est ainsi
des constatations opérées par un garde-chasse dans le ressort d’un
tribunal de grande instance auprès duquel son assermentation avait
été enregistrée, mais qui n’était pas compris dans l’étendue de son
commissionnement202. Lorsque par exemple, l’agent forestier béninois
assermenté ou non appréhende un délinquant dans une zone qui ne
relève pas de sa compétence, le droit béninois exige qu’il le conduise
devant l’agent territorialement compétent qui dresse le procès-verbal
193 H. D. BOSLy, in La preuve en droit pénal de l’environnement. Kluwer Editions Juridiques Belgique Aménagement- Environnement, 1995, n° spécial, p: 35
194 D. GUIHAL, op.cit. p :53195 (J) VINCENT, (S) GUINCHARD, (G) MONTAGNIER, (A) VARINARD, La justice et ses institutions.
Précis DALLOZ, 4éd. Paris 1996 p : 559.196 J.C SOyER, Droit pénal et Procédure Pénale, 17ème éd. L.G.D.J, Paris, 2003, p : 294197 D. GUIHAL, op.cit. p :53198 Art. 72 loi portant régime des forêts en République du Bénin ; art.137 de la loi portant
régime de la faune.199 Cf. art.431 et 537 du CPP français200 Art.126 et 127 de la loi-n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en RB.201 D. GUIHAL, Op. Cit. p : 44202 D. GUIHAL Op. Cit. p: 42. Cass.Crim. 4 janvier 1985 : Bull., crim. n°8.
91
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
au regard du constat d’infraction203. Cette disposition, si elle est
assez pertinente, elle recèle pourtant des limites en ce sens qu’elle
imprime une procédure assez lourde voire déconcertante pour l’agent
verbalisateur ; de sorte que le délinquant à tout le loisir de s’évader
en cours de route ou à la possibilité de détruire le corps du délit. Ce
cas de figure pose le problème de la compétence nationale des agents
assermentés. Ne seraient-ils pas plus opérationnels s’ils avaient une
compétence nationale ?
- Les procès-verbaux doivent, sous peine de nullités, être assortis de délai
dès leur clôture et adressés au procureur de la République. En droit
français, ce délai n’excède pas cinq jours francs204. Il est de dix (10) jours
par contre en droit pénal belge205. Le législateur béninois ne prévoit
pas de délai mais le procès-verbal, doit être rédigé dans un « bref
délai », donc dans un délai raisonnable d’autant plus que la plupart des
infractions d’environnement sont des cas de flagrant délit.
Notons que la question de délai soulève des préoccupations juridiques
relatives à la computation des délais en ce qui concerne la transmission
du procès-verbal au procureur de la République. Ainsi, par arrêt rendu le
28 avril 1998, la cour d’Appel de Besançon à rejeté l’exception de nullité
du PV de constatation de l’infraction, soulevée par le prévenu condamné
pour chasse à l’aide d’un moyen non autorisé. Ce dernier invoquait
l’application des articles L 215-5 et L 215-6 du code rural, aux termes
desquelles, les PV dressés par les fonctionnaires et agents désignés à
l’article L 215-5 dudit code doivent être transmis au procureur à peine
de nullité, cinq jours francs après celui où l’infraction a été constatée.
Confirmant la décision de la cour d’appel, la chambre criminelle de la
cour de cassation française, rappelle l’exacte portée desdits articles, dont
203 Art.129 et 133 de la loi-n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en RB.204 Ord. du 18 juillet 2005 qui a modifié l’art. L.437-5 afin d’aligner sur ce modèle les conditions
de transmission des Procès-verbaux en matière de police de pêche. Cité par D. GUIHAL, op. cit. p : 331. V. aussi art. L163-2; Art. 226-5 du Code. de l’env.
205 M. FAURE, Ordonnance belge du 25 mars 1999 relative à la recherché, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement. Edition Kluwer Aménagement-Environnement, 2000/3, p.184
92
Premiere partie
les dispositions, notamment celles concernant le délai de transmission
des procès-verbaux au procureur de la République, ne s’appliquent
pas aux infractions de la police de chasse206. En effet, les délais prévus
par certains textes spéciaux sont variables, sans harmonie et tiennent
compte de la catégorie d’agents verbalisateurs ou de la nature de
l’infraction. Il est par exemple de trois jours207 en matière de chasse et
de cinq jours francs208 en matière de pêche.
- Les mentions de forme du procès-verbal dont l’absence peut entraîner
la nullité: les procès-verbaux sont datés avec précision de l’heure et
signés ; la signature au moins d’un agent assermenté est obligatoire sur
chaque feuille du procès-verbal, les signatures des personnes présumées
coupables ayant fait l’objet d’interrogatoire (signatures ou empreintes
digitales), le nom et la qualité du rédacteur sont également obligatoires.
- Les agents non assermentés ne dressent pas de procès-verbal mais
des rapports de constat qui une fois validés par l’agent assermenté
deviennent des procès-verbaux de constat209. Il en sera ainsi des
constatations opérées par un agent ou un fonctionnaire relativement
à une infraction qu’il n’est pas habilité à relever. Ces infractions ne sont
pas nulles. C’est le cas par exemple des constatations opérées par un
agent non assermenté. Dans ce cas d’espèce, ces constatations doivent
plutôt être considérées « comme un simple rapport qui ne fait pas foi
jusqu’à preuve contraire »210 mais exploitable par le juge.
Par ailleurs, il faut distinguer entre le procès-verbal qui « fait foi jusqu’à
preuve contraire » (rapporter par écrit ou par témoins) et le procès-verbal
206 A cet effet, le dispositif est sans équivoque « attendu que, contrairement à ce qu’énonce le moyen, la loi n’impose pas aux gardes nationaux de la chasse et de la faune sauvage, commissionnés par le ministre de la chasse et employés par l’ONC, de transmettre au procureur de la république, dans le délai de cinq jours francs ou dans tout autre délai limitativement fixé, les PV par lesquels ils constatent les infractions à la police de la chasse ; que dès lors, le moyen ne peut être admis. Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme, rejette le pourvoi. » cf. C. cass. (Crim). 29 juin 1999, req. n°C.98-84 735 D., in, RJE 4/2000.
207 Art. L428-25 du C. env. V. art. L 215-6 du C. rural.208 Art. 437-5 du C. Env.209 Art.70 de la loi n°93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en RB210 D. GUIHAL, op. cit., p : 40
93
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
qui « fait foi jusqu’à inscription de faux » des faits matériels délictueux qu’ils
constatent 211 lorsqu’il est dressé par les agents assermentés. Par le qualificatif
« fait foi jusqu’à inscription de faux », la loi accorde au procès-verbal plus de
considération. Tel est le cas lorsque les constatations ont été opérées par deux
agents. Ces cas de figures sont prévus par la « police » des forêts212, la police
de la faune et la pêche213 en matière de perquisition en droit béninois. En droit
français on note un cas similaire en matière de police de la pêche214 où lorsque
le PV a été dressé et signé par deux fonctionnaires ou agents, il fait foi jusqu’à
inscription de faux. Une disposition similaire est prévue aussi à l’article L102 du
code de l’environnement sénégalais215. Pour ce dernier cas, le code sénégalais
distingue et précise bien que les procès-verbaux dressés par « un seul agent »
font « foi jusqu’à preuve contraire ».
En tout état de cause, une telle règle suppose évidemment un allègement
du fardeau de la preuve du ministère public qui est lié par le procès-verbal,
qu’il soit rédigé par deux ou par un seul agent. Il ne peut donc accepter les
constatations aussi longtemps que le prévenu n’aura pas démontré l’inexactitude
de ces constatations216.
En revanche, la force probante de la preuve contraire, confronté aux
libertés publiques, suscite en nous quelques analyses. En l’espèce, la question
se pose par exemple de savoir si une telle force probante n’est pas contraire
à la présomption d’innocence217 ancrée dans les textes répressifs nationaux
qu’internationaux. Rappelons que la force probante d’un procès-verbal ne
211 Art.144 de la loi n°87-014 du 21 septembre 1987potant réglementation de la protection de la nature et de l’exercice de la chasse en République Populaire du Bénin et art.71 de la loi n°93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en RB.
212 Art. 67 de la loi n°93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en RB213 Art.132 de la loi n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en RB.214 Cf. art. L437-4 du code envir.215 Loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001216 M. FAURE, ordonnance du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constations, la
poursuite et la répression des infractions en matières d’environnement, Editions Kluwer. Aménagement –Environnement, 2000, p. 184
217 Cass., belge, 10 mars 1987, arr. Cass., 86-87.p.907 ; cass.14 déc.1988, pas. 1990, I. p.418. et V.Ph. TRAEST, « Enkele bernerkingen bij de processen-verbaal met. Bewijswaarde tot, bewijs van het tegendeel, note sous cass., 4 oct.1988, R.W., 1988-1989, p.885. Cité par M. FAURE, Edition Kluwer, Aménagement-Environnement, 200/3 p.184.
94
Premiere partie
s’attache qu’aux constatations matérielles faites personnellement par un agent
compétent. Elle s’applique à la conformité entre les faits constatés par l’agent
et leur consignation dans le procès-verbal mais ne s’étend pas au « caractère
correct, complet, objectif des perceptions du verbalisant dans ce qu’il a pu bien
constater »218. Le cas échéant, le prévenu peut se défendre en alléguant, par
exemple sur la base d’éléments de preuves, que « le verbalisant a été trompé
par ses propres sens »219. Et, pour combattre ce type d’allégation, il est utile de
pouvoir exposer les faits, non seulement tels que le verbalisant a pu les percevoir,
mais aussi tels qu’ils se sont présentés réellement et qu’un œil neutre, objectif,
aurait pu les observer en « bon père de famille ».
L’arme clé du procès-verbal de constatation, qui est « souvent l’arme
fatale » au prévenu est l’étape interrogatoire, où pour un « oui » ou un «non »,
le prévenu appelé à répondre « obligatoirement aux questions », peut plaider
coupable malgré lui et amené devant le procureur de la République qui peut à
son tour lui décerner un mandat de dépôt (étape très redouter en Afrique : on
donnerait tout pour que cette phase n’arrive pas). Dès lors, l’on peut se demander
l’étendue des limites du droit d’interroger le prévenu reconnu aux agents de
contrôle. Un tel droit est –il compatible avec le droit au silence reconnu au
prévenu ? Le prévenu peut-il exercer ce droit pendant la phase de contrôle 220 ?
La réponse, nous la devons à un arrêt de la cour de cassation belge du 13 mai
1986 qui fait apparaître que les droits de la défense, auxquels appartient le droit
au silence, peuvent ressortir leurs effets jusque dans l’enquête administrative
lorsque l’action pénale est intentée par la suite sur la base de cette enquête
administrative. Même si l’arrêt évoque le droit au silence qui appartient au
prévenu, la lecture de l’arrêt fait apparaître clairement que les moyens de
preuve qui ont été obtenus en méconnaissance du droit au silence pendant une
enquête préliminaire effectuée par l’administration, sont illégaux, lorsque cette
enquête est à la base de la déclaration et constitue le fondement de l’enquête
218 CH. LAMBRECHTS, la valeur, en matière pénale, des preuves des violations de la convention Marpol, 73/78, in, revue de droit pénal, p.738.
219 Idem220 L’art.14,§3 de la Convention relative aux droits civils et politiques prévoit que pour
déterminer le fondement d’une poursuite pénale, aucun prévenu ne peut être contraint de témoigner contre lui-même ou de faire des aveux.
95
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
d’instruction et de l’action intentée par le ministère public221. En d’autres termes,
de tels moyens de preuves doivent être rejetés.
Ainsi la jurisprudence fait apparaître que nul n’est tenu de répondre
aux questions qui lui sont posées pendant la phase de contrôle ou « ne peut
être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable »222. Il est
à noter à cet égard que l’exercice du droit de garder le silence au cours de la
phase de contrôle ne peut être considéré comme un délit d’outrage à agent en
exercice ; il « signifie tout d’abord que le manque ou le refus d’explication ne
peut entrainer à lui tout seul une conviction de culpabilité »223. Ensuite, il signifie
que l’inculpé peut s’abstenir de toute collaboration s’il estime qu’il n’est pas de
son intérêt ou tout simplement s’il n’a pas envie de participer aux investigations
entreprises »224.
Comme on le voit, ces jurisprudences, constantes en la matière, relèvent
assez de garanties à l’endroit de la personne humaine. Le droit pénal africain
devrait pouvoir s’en inspirer même si la culture du recours à un avocat n’est
pas encore totalement ancrée dans les mentalités de sorte qu’en refusant par
exemple de parler, le prévenu permet à son avocat de se substituer à lui.
b) Les pouvoirs d’investigation
Les pouvoirs des agents verbalisateurs peuvent être distingués selon qu’ils
visent la constatation de l’infraction ou la recherche des auteurs. Pour rechercher
les infractions, les agents ont le droit d’interpeler les personnes suspectes et de
procéder à des fouilles. Sur ce point, les législations consultées énumèrent avec
plus ou moins de précision les possibilités de fouilles. Celles-ci vont des bagages
personnels des personnes interpelées jusqu’aux constructions en passant par
les véhicules. Toutefois, il n’est pas admis qu’un agent puisse pénétrer sans le
221 A. DE NAUW et B. BRONDERS, Contrôle, Rapport p.11. v. Cass. Belge 13 mai 1986 Arr. Cass. 1985-1986, 1230, conclusion J. DUJARDIN.
222 Cass., belge 11 mars 1992, Pas., 1992, I, 619 ; V, aussi Cass., 6 mai 1993, Bull., 1993, p.452.223 Fabienne KEFER, Question a propos du droit d’obstacle à la surveillance en droit belge, Rev.
Trim. dr. H. (56/2003), p.1308.224 Fabienne KEFER, op. cit. , p.1309.
96
Premiere partie
consentement de ses occupants dans une maison d’habitation lorsqu’il n’est pas
porteur d’un mandat de perquisition délivré conformément aux dispositions du
code de procédure pénale. A défaut de mandat de perquisition, le simple port de
«l’uniforme ou de la détention de la carte professionnelle»225suffit.
En matière de délit forestier par exemple, lorsque l’agent a constaté une
infraction, la loi lui donne la possibilité d’exercer des pouvoirs conservatoires
destinés à garantir aussi bien la répression qu’à éviter les pertes d’animaux. C’est
ainsi que l’agent peut mettre le contrevenant présumé en état d’arrestation dès
lors qu’il y a lieu de craindre qu’il se soustrait à l’instance pénale226 et qu’il peut
pratiquer diverses saisies. Celles-ci concernent d’une part les objets ayant servi
à commettre l’infraction tels que les armes, les vélos, les motos et les véhicules
et d’autre part, le corps du délit. Les textes prévoient le plus souvent les mesures
que devra prendre l’agent à l’égard des animaux saisis et qui comportent la
remise en liberté des spécimens vivants susceptibles de survivre, l’abattage de
ceux qui se trouvent dans le cas contraire, la distribution de viande que l’on
ne peut conserver, le prélèvement des trophées de valeur au profit de l’Etat.
Aussi, « la législation faunique établit des systèmes de présomptions facilitant la
constatations des infractions. On présumera par exemple que les objets trouvés
à proximité immédiate d’un campement appartiennent aux utilisateurs de
campement, ou encore celui qui transporte des animaux tués dans son véhicule
à connaissance de ce fait. L’avantage de la présomption est de renverser la charge
de la preuve. Il appartiendra à l’auteur ou au complice présumé de l’infraction
de prouver qu’il ignorait la nature de ce qu’il transportait, ou que le piège trouvé
dans le voisinage de son campement ne lui appartenait pas »227.
Les investigations des agents verbalisateurs peuvent s’étendre aussi
à l’audition des témoins, à des prélèvements d’échantillons et à des analyses.
Puisque généralement, la démonstration des infractions environnementales est
225 Art.66 de loi n°93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en RB ; art. 130 de la loi n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en RB.
226 Au Bénin, en cas de délit forestier, lorsqu’un prévenu est interpelé, il est gardé à vue à la gendarmerie de la localité conformément à un accord qui lie la gendarmerie nationale à la direction du Parc, notamment du Parc de la Pendjari.
227 C. SAUSSAy, La législation sur la faune et les aires protégées en Afrique. Etude législative n°25 FAO, Rome, 1981, p : 47.
97
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
souvent tributaire de mesures physico-chimiques, les verbalisateurs peuvent
prendre l’initiative des contrôles techniques, réaliser des prélèvements et confier
l’analyse à des laboratoires dépendant de leur administration ou agréés par elle.
D’une manière générale, cette fonction de constatation des infractions
lorsqu’elle est bien exercée, facilite la tâche au juge mais d’abord au procureur
de la République qui, quant à lui est principalement chargé des poursuites.
B) Le ministère public au centre de l’exercice de l’action publique
L’action publique dont la finalité est l’application de la sanction au
délinquant, appartient principalement au ministère public appelé « magistrature
débout »228 ou « parquet » ou encore procureur de la République. Le droit du
ministère public de mettre en mouvement l’action publique est, en principe,
général et inconditionnel. Ces magistrats, procureurs ou substituts, participent au
procès en ce sens qu’ils représentent les intérêts de la société. Le procureur de la
République est chargé directement ou indirectement (par commission rogatoire
signifiée à l’OPJ) de la recherche des infractions et de la poursuite de leurs
auteurs. Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et
apprécie la suite à leur donner. Ainsi, en dehors de l’auto saisine du procureur de
la République, que cela soit en droit commun ou en droit de l’environnement, la
saisine directe de ce dernier est aussi requis par tout citoyen. Car le procureur
devrait être informé par toute personne ayant connaissance d’un délit ou d’un
crime229. Il revient alors à ce magistrat qui a l’opportunité des poursuites (on
oppose à ce système celui de la légalité des poursuites), de poursuivre ou de ne
pas poursuivre l’affaire.
L’opportunité des poursuites peut amener le procureur de la République
à ne pas momentanément, mettre en mouvement l’action publique. Pour ce faire,
il utilise la technique de classement sans suite. C’est une décision à caractère
228 Comparativement à leur collègue les magistrats de siège qui sont toujours assis alors qu’eux restent debout pour prononcer leurs réquisitions.
229 Cf. art. 33 al. 2 du C. pr. pén. du Bénin ; V. art. 29 al. 1er du code d’instruction criminelle belge, article 16 de la loi cadre béninois sur l’environnement
98
Premiere partie
provisoire car lorsque certains éléments sont réunis, il peut reprendre le dossier
classé. En droit pénal, il y a de très nombreux classements sans suite dus à ce que
les auteurs de l’infraction n’ont pas été identifiés (65%) ou à ce que les faits ne
constituent pas en réalité une infraction.230 Dès lors, d’une constatation correcte
et complète de la situation infractionnelle, va dépendre, la suite de l’affaire231.
Un rapport étroit relie le procureur de la République et le Ministre de la Justice ;
de sorte que tous les membres du ministère public relèvent hiérarchiquement
« du Ministre de la justice représentant le pouvoir exécutif mais ne faisant pas
partie du ministère public, et qui, par instruction générale, veille à la cohérence
de la politique d’action publique sur le territoire et qui exerce sur les membres du
ministère public entre autre un droit d’impulsion, en ordonnant des poursuites
par instructions écrites et versées au dossier.»232
A ce propos, une certaine doctrine, mettant en avant les inconvénients
de cette relation hiérarchique, tendait à souhaiter une réforme séparant le
ministère public et le Ministre de la justice, pour une meilleure indépendance
des magistrats. Mais une totale «coupure» aurait eu pour inconvénient de faire
obstacle aux directives générales mettant en œuvre une politique criminelle
nationale.
Comme on le constate alors, sans être Officier de Police Judiciaire, le
procureur de la République a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la
qualité d’officier de police judiciaire. A ce titre, il est le supérieur hiérarchique
des officiers de police judiciaire. Mais, il ne peut pas en principe transiger mais
à compétence pour homologuer parfois une transaction sur l’action publique233
en France.
Le rôle prépondérant du procureur de la République ou procureur du
Roi est bien mis en relief dans la législation belge par le professeur M. FAURE,
230 (J.) LARGUIER et (P) CONTE, Procédure pénale, 21ème édit. Mémentos, Dalloz, p : 94231 (A) LEBRUN, La sanction pénale en matière d’environnement, en région wallonne. In, La
répression des infractions en matière d’environnement en Région Wallonne, B. JADOT, édit. Story Scientia p : 53. Cité par M. FAURE, dans le syllabus de cours de Master de droit pénal de l’environnement, Lomé, FDD, 1999.
232 (J.) LARGUIER et (P) CONTE, Procédure pénale, 21ème édit. Mémentos, Dalloz, p : 87, Paris 2006. V. art. 29 du CPP béninois
233 (J.) LARGUIER et (P), op. cit., p : 88. ; V. art. 29 du CPP béninois
99
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
lorsqu’il écrit que « seul le procureur du Roi peut (…) donner suffisamment de
garanties d’impartialité et d’indépendance nécessaire à une répression optimale
du droit de l’environnement »234. Or, on ne peut que déplorer l’effacement des
parquets dans ce domaine, qui a pour conséquence un manque de lisibilité de
l’action judiciaire et laisse le champ libre à des actions associatives235. Encore,
faudrait –il que ces procureurs bénéficient d’une connaissance spécialisée en
droit de l’environnement. Ce qui n’est pas toujours évident surtout en ce qui
concerne les procureurs africains.
Le régime de contrôle prévu par la législation béninoise et décrit ci-dessus
comprend outre les OPJ, les agents habilités (Inspecteurs de l’Environnement,
forestiers, agents d’hygiène, agents commissionnés ou assermentés des
ministères sectoriels). Ce régime établit une relation hiérarchique fonctionnelle
entre les OPJ, les agents habilités et le procureur de la République. Ils ont tous
l’obligation de compte rendu envers le procureur (la transmission des procès-
verbaux et informations diverses). Il est intéressant de faire remarquer que selon
le droit forestier béninois, il est prévue que les actions et les poursuites soient
exercées directement, par l’administration forestière, qui a le droit d’exposer
l’affaire devant le tribunal compétent où il siège au côté du procureur de la
République236 qui a seul le monopole de la mise en œuvre du régime répressif.
Au regard de tout ce qui précède, il nous paraît opportun de clarifier
les concepts de contrôle et de recherche très souvent utilisés en droit pénal de
l’environnement.
234 M. FAURE, Un défi : les contours de plus en plus flous du droit pénal de l’environnement, art., in, Aménagement-Environnement, 2000, n° spécial. P. 94 Editions Kluwer.
235 D. GUIHAL, in, Mieux maitriser le risque pénal en matière d’environnement, CCIP, paris 2002.
236 Art.79 de la loi n°93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en République du Bénin. et art.143 et suivants de la loi n°2002-16 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République du Bénin.
100
Premiere partie
§II : Le régime juridique de la surveillance et du contrôle 237
Comme nous l’avons examiné plus haut, la procédure pénale en matière
d’environnement, met constamment en relief, les notions de surveillance, de
contrôle, de recherche, de poursuite, d’investigation et de sanction. En d’autres
termes, elle met en exergue d’une part les fonctions de surveillance et de
contrôle dans une perspective préventive apparemment en concurrence avec
les fonctions proprement répressives de recherches et de poursuites d’autre
part. Bien qu’au plan dogmatique une clarification desdits concepts s’impose,
au plan théorique et pratique, il est difficile de cerner les contours et les limites
de ces fonctions. C’est pourquoi le présent paragraphe, à la suite du précédent,
se propose de démêler l’écheveau, de lever l’équivoque en examinant d’abord le
caractère hybride de la surveillance et du contrôle pour ensuite d’apprécier son
caractère nécessaire et particulier.
A) Le caractère hybride de la surveillance ou du contrôle
Aux termes des dispositions législatives environnementales, contenues
en l’occurrence dans les lois particulières, les fonctions de contrôle ou de
surveillance occupent une place considérable dans le dispositif répressif. En
effet, la fonction de contrôle, dévolue aux agents et aux OPJ qualifiés, précède
celle de la poursuite reconnue au procureur de la République. Selon A. DE
NAUW et B. BRONDERS, le contrôle s’entend de la « surveillance exercée par les
agents habilités à cet effet et disposant à cette fin de compétences particulières
permettant une poursuite pénale d’un délit constaté au moyen de cette
surveillance 238». Ainsi, le contrôle est une forme administrative de surveillance
avec un intérêt marqué en procédure pénale. Il concerne les activités qui
interviennent avant le moment où il est présumé qu’un fait punissable a été
commis. Une compétence de contrôle ne présuppose aucune présomption,
237 Dans ce contexte de préservation de l’environnement, les notions de contrôle et de surveillance sont considérées ici comme relevant de la même famille car jouant les mêmes fonctions de veille permanente de l’environnement.
238 Op., cit, p.11
101
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
contrairement à la notion de compétence de recherche qui s’entend de la phase
préparatoire au procès pénal239. Dès lors, on constate qu’il existe une relation
identitaire entre la notion de recherche et la notion de police judiciaire, parce
que la police judiciaire ne peut exercer aucune compétence s’il n’y a pas la
présomption qu’un fait punissable a été commis. Autrement dit, l’identification
d’un « prévenu » ou d’un« coupable », interpelle la police judiciaire. Par contre,
le contrôle n’aboutit pas forcement à des recherches d’infractions. Toutefois, il
« peut aboutir à la constatation d’infraction et à l’application de peines »240.
La notion de contrôle, qui se rapproche de celle de la surveillance, est donc
une activité préventive d’exercice de la police administrative, dont le but est de
faire respecter les normes prescrites en empêchant que la loi soit transgressée.
A l’inverse, si l’action consiste à enquêter et à constater des violations de la loi
déjà commises, aspect répressif, nous parleront d’exercice de la police judiciaire.
Il s’agit du pouvoir d’investigation ou de rassemblement de preuves consacré
par l’enquête préliminaire et l’enquête de fragrance conformément au code de
procédure pénale. En revanche, le critère déterminant de la distinction entre les
deux notions repose sur la finalité de l’intervention de l’autorité. Il s’ensuit que
le contrôle présente un caractère mixte ou « hybride »241.
En matière de délit classique, généralement l’infraction est constatée par
l’OPJ après la commission du délit. C’est le cas par exemple en matière de vol, de
viol ou de meurtre. L’OPJ compétent en la matière, suite à la commission d’une
telle infraction, déclenche en même temps les recherches et les investigations
en vue de retrouver les présumés coupables, auteurs ou co-auteurs.
En droit de l’environnement, vu la nature spécifique des infractions où
il est difficile, a priori, de déterminer les éléments constitutifs de l’infraction
et son auteur, le droit pénal spécial de l’environnement s’efforce d’avoir
une procédure autre que la procédure classique. Cette procédure se fonde
essentiellement sur l’élément matériel qu’est la violation d’une prescription
239 A. De NAUW, Les métamorphoses administratives du droit pénal de l’entreprise, MyS & Breesch, Uitgevers, p : 75, cité par FAURE, Cour de droit pénal de l’environnement, troisième cycle de DEA, 1999.
240 Idem, p.75241 Idem. P.75
102
Premiere partie
administrative (dépendance administrative du droit pénal) et accessoirement sur
une pénalisation autonome.242 Les atteintes à l’environnement étant la plupart
du temps des infractions à caractère diffus et aux conséquences imprévisibles,
appellent de la part des autorités administratives, le développement d’une
politique préventive basée sur des compétences de surveillance et de contrôle
de l’environnement afin de limiter sérieusement ces infractions qui sont
inhérentes à la vie quotidienne. Ces compétences peuvent-elles s’exercer
par la police judicaire classique au même titre que le fonctionnaire habilité
à le faire ? Tous les textes pénaux relatifs à l’environnement répondent par
l’affirmative. La formule consacrée en la matière est «sans préjudice des
compétences des officiers de police judiciaire »243 ou « outre les agents de
police judiciaire …»244, utilisée régulièrement dans les lois cadres et dans les
lois spéciales d’environnement, implique une référence à cette compétence
générale de constatations des délits reconnus aux OPJ par le droit pénal général.
Selon la doctrine et la jurisprudence, l’absence d’une telle formule ne porterait
pas préjudice aux compétences des officiers de police judiciaire. Toutefois, le
souci de clarté recommande une référence explicite à cette compétence. Mais
cette compétence générale de constatation ne s’inscrit-elle pas davantage dans
le cadre de la recherche que du contrôle effectué par des agents relevant des
agences ou des inspections environnementales, tels que visés à l’Annexe II ?
Les agents de contrôle concernés devront avoir une expertise en matière de
surveillance et de contrôle contrairement aux OPJ qui ne sont pas astreints à
une telle expertise. Dans la pratique, c’est donc à tord qu’ils exercent parfois les
activités de contrôle ou de surveillance de sorte que la présence sur les lieux
de constat des agents fonctionnaires habilités en la matière, dessaisirait l’OPJ.
Ainsi, l’adage « qui peut le plus peut le moins » ne trouve pas ici une application
effective. Aussi les agents de contrôle, au cours de leurs activités, exercent très
souvent, des compétences de poursuite, de recherche ou d’investigation.
En droit belge, il y a « une disposition générale relative aux recherches
qui permet non seulement les actes de contrôle qu’il énumère, mais toutes
242 V. infra chapitre III pour plus d’information243 Art.262 de la loi N0016101 du 31 déc. 2001 portant code forestier en république gabonaise244 Art.106 de la loi n°98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement du
Bénin.
103
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
mesures de recherches pour autant qu’elles aient pour objectif d’exercer un
contrôle »245.
De même en droit béninois, la loi sur la forêt dispose en son article 79
que « les actions et poursuites sont exercées directement par le directeur des
forêts et des ressources naturelles ou son représentant » ; l’article 65 précise que
« les agents forestiers assermentés recherches et constatent par procès-verbal
des infractions… ».246 C’est ce même directeur ou son représentant qui exerce
les fonctions de contrôle et de surveillance, en tant que premier responsable
technique de ce secteur ; d’où un cumul de fonction qui n’est pas clairement
défini. Comme on le constate donc, la législation béninoise accorde aux agents
de contrôle d’énormes pouvoirs de police dans l’exercice de leur fonction. Ils
peuvent recourir à des saisies ou ordonner selon le cas, la fermeture temporaire
de l’objet du délit, perquisitionner, avoir accès a tout endroit où s’exerce une
activité dégradante de l’environnement, recourir à la force publique et aux
mesures pouvant faire cesser les troubles, prélever des échantillons, faire
effectuer des analyses, etc.247
Ainsi, quelque soit le camp où se trouve l’agent de contrôle, l’option
répressive est toujours implicitement ou explicitement présente dans les cas de
constatation d’une infraction. Mieux, lorsqu’il constate un délit ou un crime, il
doit en vertu de l’article 33 CPP béninois (art.29 code de procédure criminelle
belge), le signaler immédiatement au procureur de la République ou au
procureur du Roi de la juridiction où le délit a été commis ou de la juridiction où
le suspect pourra être trouvé, et fournir à ce magistrat toute information, tous
procès-verbaux et actes y afférents. C’est pourquoi, à notre avis, il serait utile
que les agents chargés du contrôle disposent non seulement de compétences
leur permettant d’exercer leur mission de contrôle, mais aussi de compétences
spécifiques leur permettant d’assurer le suivi pénal des délits constatés, tels
245 A. DE NAUW et B. BRONDERS, op. cit.246 V. aussi art.9 arrêté n°0045/MEPN/DC/SG/DE/SQEPE/DPE/SA du 23 oct.2002 fixant les
conditions et modalités d’exercice de la fonction de la police environnementale247 Voir à cet effet, la législation béninoise, notamment la loi-cadre sur l’environnement, les
lois relatives à la faune et à la flore précitées. V. aussi Les textes précités relatifs à la police environnementale. Cf. loi n°87-008 du 21 sept.1987 portant régime des taxes de contrôle de conditionnement et de normalisation de produits agricoles.
104
Premiere partie
la rédaction et la transmission de procès-verbal au procureur, le prélèvement
d’échantillon et l’imposition de mesures de contraintes afin de permettre une
saisie judiciaire régulière et légale248.
Il s’ensuit, comme on peut le remarquer, un caractère hybride de la
surveillance ou du contrôle qui se manifeste par le fait que l’agent de contrôle
dans ses compétences, endosse aussi bien les pouvoirs dévolus au « modèle
administratif » de la répression qu’au « modèle répressif ». Ainsi, l’examen
des règles de contrôle en droit de l’environnement permet de distinguer deux
modèles d’application de la loi : le modèle de surveillance de l’environnement
qui comporte un régime de contrôle sommaire qui vise, en fin de compte, un
maintien administratif tandis que le modèle de surveillance pénale confère des
pouvoirs de contrôle en vue d’une ultime protection de droit pénal. La différence
entre ces deux modèles souligne la relation existante entre les options de
maintien de la loi : un modèle administratif et un modèle de droit pénal.249
C’est donc ce caractère hybride ou mixte de la mission des agents de
contrôle qui conduit au caractère particulier et nécessaire du contrôle.
B) Le caractère particulier et nécessaire du contrôle et de la surveillance.
Comme nous l’avons examiné plus haut, le rôle et les missions de chaque
catégorie d’agents intervenant en matière d’environnement sont pourtant bien
précis. Qu’il s’agisse de l’aspect préventif du contrôle ou de l’aspect répressif, le
contrôle a un caractère primordial pour la préservation de l’environnement. Les
compétences liées à ce contrôle ne sauraient s’exercer par un quelconque agent
248 A l’instar de leurs homologues OPJ classiques. Les inspecteurs de l’environnement sont recrutés par exemple avec le niveau licence, (agents d’hygiène sont recrutés niveau BEPC ou Bac) toutes séries confondues. Une fois formés en quelques semaines, ils ne bénéficient plus de formation de renforcement de capacités, pourtant indispensable à leur mission. Or il aurait fallu privilégier les titulaires d’une licence professionnelle ou d’une maitrise en droit. Les forestiers quant à eux, après leur diplôme, sont soumis au régime d’obtention du grade d’OPJ avant de prêter serment.
249 A. DE NAUW et B. BRONDERS, op, cit. V. aussi M. FAURE, in, Aménagement-Environnement, 2000/3, p.181
105
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
des forces de sécurité publique qui n’est pas habilité. Ainsi, sans disposition légale
plus détaillée, ou spéciale, les OPJ peuvent faire tout ce que le simple citoyen
peut faire également : regarder, observer, parler aux agents, etc. Toutefois, ils ne
peuvent pas, du moins s’ils ne sont pas cités expressément en qualité d’agent de
contrôle, exercer les compétences spéciales qu’une loi spéciale peut reconnaître
aux agents de contrôle en vue de l’exercice du contrôle. Dans la pratique, ils
interviennent principalement à la suite d’une déclaration ou d’une plainte ou
dans les cas de pollution grave ou manifeste. Une telle action présente l’avantage
qu’elle intervient trop tard dans de nombreux cas. Souvent, le délit a déjà été
commis ou le dommage a été déjà causé. En outre, les délits qui ne causent
pas directement une nuisance ou un dommage ou qui ne sont pas visibles ne
seront jamais découverts. De plus ces délits causent dans la plupart des cas un
dommage à l’intérêt général plutôt qu’à des intérêts particuliers et la volonté
de déclaration de ces derniers sera réduite lorsqu’ils ne subissent aucun un
préjudice direct du délit qu’ils ont constaté. Le principe de spécialité qui sous-
tend cette démarche des agents fonctionnaires est affirmé par l’article 23 du
code béninois de procédure pénale qui correspond à l’article 28 CPP français.
Ainsi, la chambre criminelle française fait respecter, à la lettre, cet article en
refusant toute interférence entre, d’une part, les dispositions générales qui
régissent l’enquête préliminaire effectuée par les officiers et agents de police
judiciaire et, d’autre part, les règles procédurales particulières mises en place
par des lois spéciales.250C’est certainement pour ces motifs que les lois en
matière d’environnement chargent des agents du contrôle et de la surveillance,
du respect de la législation.
Ainsi, dans la pratique, on peut convenir avec Dominique GUIHAL que
la technicité des incriminations, si elle n’évince pas totalement cette catégorie
classique d’OPJ, donne, tout de même, un rôle prépondérant à la deuxième
catégorie d’agents à savoir les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées
par la loi, certaines fonctions de police judiciaire251. C’est également dans cette
logique que s’inscrit Michel PRIEUR qui les absout, lorsqu’il écrit « on peut noter
toutefois que les officiers de police judiciaire, sauf pollution spectaculaire, sont
250 Dominique GUIHAL, op. cit. p.32251 Dominique GUIHAL Op.cit. p.19
106
Premiere partie
mal armés juridiquement, techniquement et matériellement en matière de
protection de la nature et de pollutions et qu’ils s’en remettent aux administrations
spécialisées »252 lesquelles sont pourvuees d’agents fonctionnaires spécialisés
dans la constatation des infractions environnementales.
A ce propos, le droit pénal belge est illustratif à plus d’un titre. Ainsi
en Région flamande, la commission interuniversitaire de révision du droit de
l’environnement a lancé un avertissement de principe en déclarant qu’il serait
absurde de conférer des pouvoirs à des OPJ dans le cadre du contrôle. En effet,
les OPJ exercent en principe des pouvoirs dans le cadre de la recherche et ne
peuvent donc pas exercer de pouvoirs lorsqu’il n’est pas question de suspicion
d’une infraction. C’est la raison pour laquelle la commission s’est opposée à un
modèle dans lequel l’OPJ aurait également des pouvoirs de contrôle253. Selon la
commission, ceci serait contraire à la spécificité des pouvoirs de contrôle qui ne
peuvent s’exercer que dans le cadre du contrôle du respect de la législation en
matière d’environnement. Certains agents chargés de la surveillance, qui ont des
pouvoirs de contrôle, peuvent également se voir accorder par le gouvernement
le pouvoir d’agir en tant qu’OPJ. Bien qu’à ce niveau, il y ait également un risque
de confusion de pouvoirs en matière de recherche avec les pouvoirs de contrôle
propre au droit de l’environnement, ce risque est moindre dans ce cas. Cela
signifie que lorsque certains agents chargés de la surveillance ont après contrôle,
constaté des infractions, ils peuvent ensuite également exercer dans le cadre de
la recherche, des pouvoirs qui reviennent à l’OPJ.
Par ailleurs, la jurisprudence fait une distinction entre le « contrôle » et
la « recherche ». Elle interdit que des compétences de recherche soient utilisées
à des fins de contrôle et que des compétences de contrôle soient exercées après
l’apparition d’une suspicion.254
Ainsi, pour permettre un contrôle plus efficace, les agents de contrôle
doivent être habilités comme démontré plus haut, de compétences particulières
252 Michel PRIEUR Op. Cit. p : 824253 Cf. A. DE NAUW et B. BRONDERS, op, cit. pp.691-693 ; V. aussi M. FAURE, in, Editions
Kluwer, Aménagement-Environnement, 2000/3, p.181254 Voir notamment Ch. Acc. Liège, 23 juin 1983. JDF, 1984, 42.cité par A. DE NAUW et B.
BRONDERS, op, cit. p.5
107
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
tels que la compétence d’accès, la consultation de documents, le prélèvement
d’échantillon et autres. Autrement, le plus parfait des systèmes de responsabilité
et de sanction resterait lettres mortes.
SECTION II : LE REGIME REPRESSIF TEL QUE PREVU PAR LES TExTES
La gestion de l’environnement exige non seulement des mesures
préventives de police qui, par des autorisations ou des interdictions, permettent
d’empêcher ou de contrôler des activités susceptibles de nuire au milieu naturel
et à la santé humaine mais aussi des mesures coercitives même si « la répression
n’est pas la méthode généralement utilisée en la matière »255. Pour se faire, et
dans le souci de garantir l’impunité des actes anti écologiques, le législateur
béninois a prévu toute une gamme de sanctions. Notre étude analysera aussi
bien le régime juridique des peines applicables devant les juridictions (§I) que
le traitement extra juridique dont font l’objet, très souvent, les délinquants
environnementaux (§II).
§I : Le régime juridique des peines
La peine, se définie selon J. PRADEL, comme « un mal infligé à un
délinquant à cause de sa faute, une souffrance imposée par l’autorité à titre
de sanction de la violation de règles fondamentales de la vie d’un groupe »256.
Il ressort de cette définition que la peine à pour but ultime de faire souffrir
l’individu, de lui faire « payer sa dette 257» vis-à-vis de la société. La peine a pour
finalité de « remplir une triple fonction : (…) empêcher par l’effet d’intimidation,
la réalisation ou le renouvellement d’une infraction ; (…) réprimer les
comportements fautifs (…) ; inciter l’auteur à (…) réparer le dommage causé »258.
255 M. PRIEUR, op. cit.,p : 801256 J. PRADEL, Manuel de droit pénal général. 16ème éd. CUJAS. Paris, 2006, p : 524257 Idem258 NERAC-CROISIER Roselyne, Sauvegarde de l’environnement par le droit pénal, L’Harmattan,
Sciences Criminelles, 2005, Paris, p.52
108
Premiere partie
Remarquons que pour punir l’individu, comme le souligne le Professeur FAURE,
«plusieurs variables déterminantes comme la gravité du crime, et la capacité
intentionnelle du criminel, sont pertinentes pour choisir la sanction optimale
dans un cas particulier»259. Dès lors, le droit répressif comprend essentiellement
les sanctions pénales (A) d’une part et d’autre part les sanctions administratives
(B).
A) Les sanctions pénales
La détermination des peines applicables est une prérogative qui incombe
exclusivement aux juridictions pénales en ce qui concerne les sanctions pénales.
Ainsi, les sanctions pénales, à savoir les peines et les mesures de suretés, sont
prononcées uniquement par le juge pénal sur la base d’une infraction à la loi
pénale.260 Elles doivent suivre le principe classique de la légalité des peines, selon
lequel le juge ne peut prononcer une peine que si le législateur l’a prévu. Mais,
elles n’ôtent pas au juge la possibilité d’accorder au coupable des circonstances
atténuantes261; de sorte que le juge jouit donc d’une liberté d’appréciation
très étendue qui lui permet de réduire considérablement la peine privative de
liberté indiquée par le législateur. Cette détermination des peines, notamment
du minima et du maxima est liée non seulement à la gravité de l’infraction
mais aussi à la définition claire et nette de l’élément infractionnel. Ainsi,
comme le précise le Professeur M. FAURE, un délit définit vaguement comme
la « pollution de l’environnement » est inutile puisque dans la pratique, aucune
législation sur l’environnement n’interdit toutes les formes de pollution 262; car
le droit de l’environnement tolère la pollution en la contrôlant par un système
d’autorisation, comme nous l’avons développé plus haut.
Ainsi, les textes pénaux en général, définissent les peines principales et
les peines complémentaires ou accessoires.
259 M. FAURE, L’analyse économique du droit de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2007,p : 255
260 J. PRADEL, Manuel de droit pénal général. 16ème éd. CUJAS. Paris, 2006, p : 524261 J. PRADEL, op. Cit. 539262 M.FAURE, L’analyse économique du droit de l’environnement, éd. Bruylant, Bruxelles,
2007, p : 289
109
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
1. Les peines principales : l’amende et l’emprisonnement
La peine principale est définie comme « une peine qui, prévue par la loi
à titre principal pour sanctionner un comportement déterminé, caractérise à la
fois l’existence d’une infraction pénale et la nature criminelle, correctionnelle et
contraventionnelle de celle-ci »263.Dans le même ouvrage, la cour de cassation
française la définit comme « mal infligé par la justice répressive en vertu de la loi,
à titre de punition ou de sanction d’un acte que la loi défend ».
Au regard de la doctrine, l’amende et l’emprisonnement, sont les
deux peines principales les plus importantes. Ils ont un caractère à la fois
« personnel » et « punitif »264. La privation de liberté s’entend de la réclusion
criminelle ou la détention criminelle à temps ou à perpétuité (peine criminelle)
et l’emprisonnement (peine correctionnelle)265.Elles sont assorties en général
dans leur fixation, de peine minima et de peine maxima.
« La condamnation à la peine des travaux forcés à temps sera prononcée
pour cinq (5) ans au moins et vingt (20) ans au plus »266. Le juge peut aussi
prononcer la « perpétuité » ou la « peine de mort »267. En matière correctionnelle,
la durée de cette peine sera au moins de « onze (11) jours et de cinq (5) ans au
plus, sauf les cas de récidive ou autres pour lesquels la loi détermine d’autres
limites »268.
263 NERAC-CROISIER Roselyne, op.,cit. p.51264 D. GUIHAL, op, cit, p : 229.265 J. PRADEL, Manuel de droit pénal général. 16ème éd. CUJAS. Paris, 2006, p : 539 et 540266 Art. 19 du recueil annoté des textes de droit pénal applicables en AOF. G.J. BOUVENET et
Paul HUTIN.267 Art. 7 du recueil annoté des textes de droit pénal applicables en AOF. G.J. BOUVENET et
Paul HUTIN. La peine de mort ne fait plus partie de l’arsenal répressif béninois. Elle vient d’être abrogée par la loi du 18 août 2011 portant autorisation de ratification du protocole des nations unies visant l’abolition de la peine de mort. Dès lors, le Bénin se prépare à être le 75ème pays partie au second protocole facultatif de la convention internationale sur l’abolition de la peine de mort, le 5 octobre 2012.
268 Art. 40 idem
110
Premiere partie
En la matière, le droit pénal français a beaucoup évolué269. Par exemple,
depuis 1981, la peine de mort ne « figure plus dans l’arsenal répressif français »270.
La conséquence qui en découle est que le maximum de la peine encourue est
désormais la perpétuité271. Les autres peines criminelles sont suivant les cas de
« 30 ans au plus, ou de 20 ans au plus ou de 15 ans au plus »272.
Plus que le code pénal273, en droit interne, se sont surtout des textes
de lois spécifiques au secteur de l’environnement qui définissent les peines
applicables.
Remarquons tout de même que des deux peines, la peine d’amende
apparaît comme la plus utilisée. En effet, le recours à l’amende ou plus
récemment le recours au jours-amende274, s’est considérablement développé
au cours du XIXème et du XXème siècle. Cela peut certainement s’expliquer par
son efficacité relative en ce sens qu’il frappe le délinquant directement dans
son « patrimoine ». D’autre part, le recours à l’amende peut s’entendre comme
moyen de « supprimer les courtes peines d’emprisonnement ou tout au moins
d’en réduire le nombre »275.
Alors que l’emprisonnement est une peine privative de liberté, du point
de vue de la doctrine, l’amende ou « peine pécuniaire276» se définit comme étant
« l’obligation pour le condamné de payer à l’Etat, à titre de sanction pénale,
une somme d’argent277 ». De ce fait, elle se distingue des dommages et intérêts
269 Cf. J. PRADEL, op, cit, p : 540 voir notamment la loi du 29 décembre 1972 et loi du 11 juillet 1975. Des réformes bouleversant le concept de peine principale sont intervenues.
270 Cf. loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort271 (J.C)SOyER, Droit pénal et Procédure Pénal, 17ème éd. L.G.D.J, Paris, 2003, p : 161272 J(J.C) SOyER, Droit pénal et Procédure Pénal, 17ème éd. L.G.D.J, Paris, 2003, p : 161273 M. PRIEUR, op, cit, p : 820. Il développe à cet effet, que « L’élément légal ne figure jamais
dans le code pénal mais soit dans les lois particulières soit dans les codes spécialisés ».274 C’est une innovation du droit français qui s’inspire des expériences allemandes et
autrichienne, selon laquelle le juge détermine le montant de chaque jour- amende en fonction des ressources et des charges du prévenu. Le maximum du montant est 300 euros et le maximum du nombre de jours est 360 ». Cette pratique, bien que voisine de la contrainte par corps n’existe pas encore en droit béninois.
275 G. KELLENS, Précis de pénologie et de droit des sanctions pénales : la mesure de la peine. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1991, p : 222
276 J.C SAUyER, op.cit. , p : 158277 J. PRADEL, op., cit, p : 566
111
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
qui sont des numéraires alloués à la victime en réparation de son préjudice.
L’amende pénale s’oppose aussi à l’amende fiscale et à l’amende civile et même
à l’amende prononcée dans le cadre de la procédure de la composition pénale.
Elle intervient fréquemment en matière correctionnelle et peut accompagner
« exceptionnellement »278certaines condamnations en matière criminelle.
En matière d’amende et de peine d’emprisonnement, on observe une
sévérité du droit béninois, avec la possibilité de criminalisation de certaines
infractions. Par exemple, il est clairement définit qu’en cas de pollution relative
au déversement, rejet, écoulement, dépôt direct ou indirect dans les eaux
continentales, le prévenu est passible d’une amende deux cent mille (200.000) à
deux (2) millions FCFA et/ou d’une peine d’emprisonnement de un (1) à cinq (5)
ans279. Lorsque les infractions sont relatives au milieu marin, l’amende devient
plus importante et varie entre 100 millions et un (1) milliard de francs CFA et/
ou douze (12) à vingt quatre (24) mois de prison280. Mais la sanction devient
criminelle si le déversement est relatif aux déchets toxiques ou dangereux, à leur
transit, stockage ou enfouissement sur le territoire national. L’infraction dans
ce cas, qualifiée de crime contre la nation est punie de la réclusion criminelle à
temps à savoir cinq (5) à vingt (20) ans de prison et d’une amende de vingt cinq
(25 )millions à cinq cent (500) millions FCFA d’amende281. L’amende dans ce cas
n’est pas facultative mais elle est prononcée par le juge cumulativement avec la
peine d’emprisonnement. Cette sévérité du législateur permet certainement de
dissuader les délinquants potentiels.
Dans le domaine de la pollution de l’air dû aux rejets dans l’atmosphère
de gaz, l’amende est de cent (100) mille à deux (2) millions de francs CFA et/
ou douze (12) à trente (36) mois d’emprisonnement. Mais lorsque l’infraction
résulte de l’utilisation de véhicules de deux à quatre roues, l’amende qui est
la peine unique varie entre un minima de 10.000 à un maxima de cinquante
mille (50.000) FCFA282 et c’est seulement en cas de récidive que la peine
278 J. PRADEL, op., cit, p : 541279 Loi cadre sur l’environnement du Bénin Art.39 280 Idem art. 117281 Idem art.118282 Idem art.116
112
Premiere partie
d’emprisonnement de simple police de dix(10) à trente (30) jours pourra être
prononcée283.
Par ailleurs, par la technique de renvoi284, les peines relatives à la faune
et à la flore qui sont tous des délits forestiers, sont fixées par des lois spécifiques.
Ainsi, le simple fait de « couper », « mutiler »ou « écorcer » un arbre est puni
d’une amende de cinq (5000) mille à cinquante (50.000) mille francs CFA et/ou
d’un emprisonnement de 15 jours à 6 mois285. Lorsque l’objet de l’infraction est
plutôt relatif à une espèce protégée partiellement ou intégralement, l’amende
est multipliée par dix et l’emprisonnement peut atteindre deux ans. Ainsi en
cas de délit de feu de brousse ou d’incendie de plantation, de transhumance
ou d’usage de la tronçonneuse, le prévenu est passible d’une peine d’amende
de 50.000 à 500.000FCFA et/ou 3 mois à 3 ans de prison. Elle peut atteindre
5 ans assortie de dommages et intérêts si l’incendie est volontaire286. On peut
citer par exemple, l’affaire Ministère Public c/ les sieurs W. E et S.J reconnus
coupables d’incendie involontaire de plantation d’anacarde de monsieur B. E.
Ils ont été condamnés chacun à 6mois d’emprisonnement assorti de sursis et
à 200.000 FCFA d’amende chacun par le TPI de Natitingou. En outre le tribunal
les condamne solidairement à verser à titre de dommages et intérêts à la
victime la somme de 2.500.000 F CFA. A ce sujet, le dispositif de la cour est
sans équivoque dans l’application de l’article 94 de la loi sur la faune béninoise
« attendu qu’il résulte du dossier et des débats, preuves et charges suffisantes
contre les nommés…. d’avoir courant année 2008….par imprudence, négligence,
inattention ou inobservation des règlements, involontairement causé un feu de
brousse ou un incendie de la plantation de M…. »287.
En ce qui concerne le régime de la faune, il convient de retenir que « la
chasse illégale » ou « le défaut de permis de chasse », « le commerce d’animaux
sauvages sans autorisation,… », sont punis d’une amende variant entre 300.000
et 800.000FCFA et/ou 6 mois à 5 ans de prison288, alors que « le pâturage
283 Idem art. 119284 Par la loi-cadre 285 Loi n°93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forêts en République du Bénin. , Art. 88. 286 Idem, art.94287 TPI, Jugement n°181/08 du 28/10/08, 1ère Ch. Répertoire des décisions de justice.288 Art. 154, 155 de la loi sur la faune béninoise.
113
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
illégal » et « le défrichement illégal » sont sanctionnés par une même peine
d’emprisonnement mais avec une amende qui oscille entre 50.000 et 1.000.000F
CFA.289 Lorsque l’infraction est relative à « une espèce protégée partiellement
ou intégralement » ou a lieu dans « un parc national, » ou encore a lieu dans
« la nuit », il y a circonstances aggravantes d’où les sanctions deviennent plus
sévères. Il en est ainsi, des espèces que les droits nationaux soustraient plus ou
moins aux prélèvements et auxquelles ils devront, ou devraient, reconnaître une
vocation prioritaire à bénéficier de toutes les mesures de protection290. La faune
est le domaine par excellence de la répression par les tribunaux correctionnels.
Cela est dû essentiellement par la recrudescence du braconnage dans les
réserves de faune.
Le Tableau N°1 ci-dessous, fait le récapitulatif des sanctions pénales
applicables par le juge béninois. Ce dernier applique effectivement ces
sanctions mais dans des ratios non encore satisfaisantes puisqu’on constate
aisément sur le Tableau N°2 la faiblesse du ratio des jugements relatifs aux délits
environnementaux dans le grand ensemble des décisions de justice rendues
chaque année par le Tribunal de Première Instance de Natitingou. Et, dans ces
jugements, il est noté la prédominance les délits forestiers soit environ 90%
chaque année. Cette situation est identique dans les autres juridictions du pays.
289 Idem. 290 C. du SAUSSAy, op,cit, p :11
114
Premiere partie
Tableau N°1 : Récapitulatif de quelques sanctions pénales applicables par le
juge béninois
INFRACTIONS DéLICTUELLES OU CRIMINELLES SANCTIONS APPLICABLES
01
Pollution de l’eau relative au rejet, écoulement, dépôt direct ou indirect dans les eaux continentales
Amende (CFA) emprisonnement
minimum maximum minimum maximum
200.000 f 2000.000f 1an 5 ans
02 Pollution de l’eau relative au milieu marin 100.000.000 f 1.000.000.000 f 12 mois 24 mois
03
Pollution relative au déversement des déchets toxiques, à leur transit, stockageou enfouissement sur le territoire national (crime)
25.000.000 f 500.000.000 f 5 ans 20 ans
04Pollution de l’air : rejet dans l’air de gaz à effets de serre
100.000 f 2.000.000 f 12 mois 36 mois
05 Rejet dans l’air dû aux véhicules à deux ou quatre roues
10.000 f 50.000 f 10 jours(récidive)
30 jours(récidive)
06 Couper, mutiler ou écorcer un arbre
5000 f 50.000 f 15 jours 6 mois
07
Feu de brousse ou incendie de plantation, transhumance, usage de la tronçonneuse
50.000 f 500.000 f 3 mois
3ans et 5 ans en cas d’incendie volontaire
08
Chasse illégale, défaut de permis de chasse, commerce d’animaux sauvages sans autorisation
300.000 f 800.000 f 6 mois
5 ans
09 Pâturage illégal, défrichement illégal 50.000 f 1.000.000 f 6 mois 5 ans
Source : loi-cadre sur l’environnement et les lois sur la faune et sur la flore au Bénin
115
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Tableau N° 2 : Nombre de décisions de justice rendues en matière
environnementale au cours des cinq dernières années par le
Tribunal de Première Instance de Natitingou.
Année Nombre de jugements rendus2005 14 décisions de justice à caractère environnemental sur un total de 885
dossiers vidés par le tribunal2006 20 décisions de justice à caractère environnemental sur un total de
401 dossiers vidés par le tribunal2007 16 décisions de justice à caractère environnemental sur un total de
380 dossiers vidés par le tribunal2008 12 décisions de justice à caractère environnemental sur un total de
365 dossiers vidés par le tribunal2009 26 décisions de justice à caractère environnemental sur un total de
423 dossiers vidés par le tribunal
Source : répertoire des décisions de justice au Tribunal de Première Instance de Natitingou, 2010.
L’application du droit cynégétique béninois fait ressortir la fréquence de
trois délits forestiers à savoir la chasse illégale et la pèche illégale, communément
appelées délit de braconnage et la transhumance ou le pâturage illégal. La
jurisprudence est assez fournie en la matière mais elle reste inédite. On peut
citer par exemple les cas du sieur K. T. condamné à 12 mois d’emprisonnement
ferme et 100.000FCFA d’amende291 ; du sieur B. P. condamné à trois mois de
prison, pour abattage illégal d’un boa ou python d’Afrique292 ; du sieur O. B. qui
échoppe de 6 mois de prison ferme et de 50.000 F CFA d’amende pour tentative
de capture illégale d’animaux293 ; de N. K., puni de 5 mois d’emprisonnement
ferme pour chasse illégale294, de S. D. poursuivit pour autorisation illégale de
pêche clandestine et condamné à 6 mois de prison assortis de sursis295, de B.
M. T condamné à 12 mois de prison assortis de sursis et 200.000 francs CFA
291 TPI Natitingou, jugement n°42/06 du 22/02/06, répertoire des décisions de justice de Natitingou.
292 TPI Natitingou, jugement n°32/06 du 22/02/06, répertoire des décisions de justice de Natitingou
293 TPI Natitingou, jugement n°48/08 du 04/03/08, répertoire des décisions de justice de Natitingou
294 TPI Natitingou, jugement n°111/09 du 25/08/09, répertoire des décisions de justice de Natitingou
295 TPI Natitingou, jugement n°174/08 du 21/10/08, répertoire des décisions de justice de Natitingou
116
Premiere partie
d’amende pour pâturage illégal296, de Monsieur W. K. poursuivi pour chasse
illégale avec abattage d’un buffle dans la réserve de faune de la Pendjari et qui
a été condamné à trois mois avec sursis et 100.000 FCFA d’amende ferme297
seulement pour un buffle tué, animal pourtant partiellement protégé.
Néanmoins on note quelques cas de décisions sévères. Cas du sieur G.
K. qui a abattu un ourébi et deux varans, espèces non protégées, et a été puni
de six mois d’emprisonnement ferme et à 300.000F CFA d’amende298.
Il en est ainsi de l’abattage d’un lion, animal partiellement protégé ;
l’auteur a été sanctionné d’une peine de 24 mois d’emprisonnement ferme et
50.000 francs CFA d’amende avec constitution de partie civile pour un montant
de 1.245.000 francs CFA299. Cette sévérité se lit également dans la décision
n°8/90, rendu par le tribunal de Natitingou. Le juge pénal a condamné à 13 mois
de prison ferme et à 20.000F CFA d’amende le sieur D.K. pour avoir, dans le
Parc national de la Pendjari le 03 avril 1990 illégalement chassé et avoir dans les
mêmes circonstances de temps et de lieu exercé des violences et voies de fait
sur les agents de la brigade forestière. On pourrait à raison relever la sévérité
d’une telle peine par rapport à celle que prononce habituellement le juge.
En effet, pour presque toutes les décisions rendues, par ce tribunal, la peine
d’emprisonnement dépasse rarement 12 mois ferme même avec obstacle au
contrôle300. Dans tous les cas, il est nécessaire que ces agents bénéficient d’une
protection sûre car ils opèrent la plupart du temps dans des conditions très
difficiles. Mais ils ont aussi le devoir d’être courtois envers les usagers. Ce qui
dans la pratique, ne s’observe que très peu301.
296 TPI Natitingou, jugement n°70/09 du 12/05/09, répertoire des décisions de justice de Natitingou
297 TPI Natitingou, jugement n°28/05 du 20/07/05, répertoire des décisions de justice de Natitingou
298 TPI Natitingou, jugement n°29/07 du 20/07/05, répertoire des décisions de justice de Natitingou
299 TPI Natitingou, jugement n°369/09 du 2/6/09, répertoire des décisions de justice de Natitingou
300 Dans la période allant de 2005 à 2009, au TPI de Natitingou, à peine 7décisions de justice ont atteint 12 mois ferme d’emprisonnement et aucune n’est allée au delà.
301 G. SOGLO, op, cit, p. 44.
117
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Le constat qui se dégage de cette jurisprudence, est que les juges
accordent de larges circonstances atténuantes de sorte que les peines sont très
souvent en deçà du minima légal avec un usage régulier de la peine sursitaire,
fondée sur « l’indulgence du juge »302. Le caractère « d’espèce intégralement
ou partiellement protégée » qui devrait apparaître en termes de circonstance
aggravante, n’influence guère la sanction pénale. Notons que la qualification de
l’infraction d’abord par l’agent des eaux et forêts lors de l’élaboration du procès-
verbal et ensuite par le juge, en des termes imprécis tels que « abattage illégal
d’animaux » ou de « chasse illégale » ou encore de « pêche illégale » sans définir
la nature de l’espèce, de sorte qu’on ne puisse savoir de quel genre d’animal
il s’agit : est-ce un animal partiellement ou intégralement protégé ? Femelle
ou suitée ? La non détermination par exemple du statut d’un tel animal abattu
illégalement, participe de cette confusion et n’est pas de nature à déterminer
avec précision la sanction qui convient. De plus, il est de notoriété publique que
ces infractions de braconnage ont souvent lieu dans la nuit et dans la réserve de
faune. Or les circonstances de temps et de lieu comme la « nuit » et la « réserve »
sont des circonstances aggravantes de l’infraction, donc logiquement les peines
devraient être plus sévères mais ce n’est pas souvent le cas, mieux les prévenus
peuvent bénéficier des circonstances plutôt atténuantes conformément aux
dispositions de l’article 463 du code pénal.
Dans le souci de renforcer l’efficacité de la sanction pénale, et compte
tenu de la gravité de l’infraction commise, le juge applique en sus des peines
principales, des peines complémentaires.
2. Les peines pénales complémentaires
La doctrine observe une nuance entre peine complémentaire et peine
accessoire. Que ce soit l’une ou l’autre, il s’agit des peines qui s’ajoutent à la
peine principale. Tandis que l’accessoire est celle qui s’ajoute automatiquement,
le complémentaire s’ajoute mais pas de plein droit. Il faut que le juge la prononce
expressément. Elle est alors tantôt obligatoire tantôt facultative303. Mais, selon J.
302 J. PRADEL, op, cit., p :615303 Cf. J.C SOyER, op.cit., p : 160 ; art.131-21 du code pénal français.
118
Premiere partie
PRADEL, qui semble mettre un terme à la controverse doctrinale, en dehors de
la peine de confiscation, « le code pénal français ne connaît en principe que des
peines complémentaires facultatives »304. Quant aux peines dites accessoires,
naguères appliquées systématiquement à toute condamnation criminelle,
emportait une interdiction légale. Mais avec l’évolution du droit pénal français,
cette peine n’existe plus dans le nouveau code pénal, puisque ses rédacteurs «ont
posé le principe de sa disparition »305 et la doctrine semble bien « unanime »306
là-dessus.
Ainsi, on qualifie de peine complémentaire criminelle, « l’interdiction
légale d’exercer une fonction publique », de l’interdiction de séjour, la
déchéance, la double incapacité de recevoir à titre gratuit »307. Est qualifié aussi
de peine complémentaire, la perte des droits civiques (droit d’être expert devant
une juridiction, droit de détenir une arme, droit de voter et d’être élu…)308 et la
publicité du jugement qui apparaît comme une mesure qui porte atteinte à la
réputation du condamné.
Par exemple, dans l’affaire de déchets toxiques d’Abidjan, la cour d’assises
a prononcé une peine complémentaire d’interdiction de séjour sur le territoire
national pour une durée de dix (10) ans à l’encontre de S. U. et la même peine
de privation de droits civiques à l’encontre de l’ivoirien E.K309.
Le Président de la République s’expose aussi à de telles sanctions lorsqu’il
est par exemple reconnu coupable de « crime de haute trahison, comme le
déversement sur le territoire national des déchets toxiques » ou « en cas d’acte
attentatoire au maintien d’un environnement sain »310.
304 Op, cit, p : 542305 Idem, p : 542306 Idem, p : 542307 J. PRADEL, op., cit, p. 581. Notons que ces sanctions criminelles qui appartenaient au
code pénal de 1810 sont pratiquement supprimées dans le nouveau code pénal français puisqu’il n’en fait pas cas. Mais elles demeurent applicables en droit positif béninois.
308 Art 34 du code pénal Bouvenet applicable en AOF ; voir aussi J.C SOyER, op.cit., p : 161309 Cf. infra §II. B) p : 221.310 Cf. art. 29 ; 74 de la constitution béninoise ; art.414-5 CP français.
119
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
La peine de confiscation311 est aussi une peine complémentaire. Cette
peine, très utilisée en droit de l’environnement est définie comme une « peine
par laquelle est transféré autoritairement à l’Etat tout ou partie des biens
d’une personne à titre de peine principale accessoire ou complémentaire »312.
A titre d’exemple, on peut citer les dispositions de l’article 118 de la loi-cadre
sur l’environnement au Bénin qui prévoit en cas de déversement des déchets
toxiques ou polluants, en plus des peines criminelles, la peine de confiscation
à savoir « la saisie du navire ou du véhicule ou des engins ayant servi à la
commission de l’infraction ».
Mentionnons que le droit commun de la procédure pénale française
comme béninoise, offre peu de dispositifs conservatoires pertinents en matière
environnementale. La principale qui existe est « la saisie » ou « la confiscation »
qui peut être ordonnée par un OPJ, au cours de l’enquête préliminaire ou en cas
de flagrance, et sur décision du juge d’instruction lorsqu’une information est
ouverte. Si la saisie a un objectif principalement probatoire (placer sous mains de
justice les objets et documents utiles à la manifestation de la vérité), elle remplit
également une fonction conservatoire, d’une part en garantissant l’effectivité
d’une condamnation ultérieure à la confiscation, d’autre part en permettant le
retrait d’objets dangereux. En tant que peine, la confiscation ne porte que sur
les choses, qui ont servi à commettre l’infraction ou sur les choses qui en sont
le produit313. Le juge pénal ordonne couramment la confiscation au profit de
l’Etat de l’objet du délit314. Par exemple, une telle peine aurait pu intervenir dans
l’affaire des déchets toxiques d’Abidjan et aurait vu la confiscation du navire
PROBO KOALA, ayant servi à la commission du crime. Elle est obligatoire pour
les objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles. Même en absence de
condamnation expresse à la confiscation, la dangerosité pour les personnes ou les
biens des choses placées sous mains de justice, fait obstacle à leur restitution315.
311 Elle est prévue par l’article 38 du Code Pénal Bouvenet .et par art.132-121 CP français « la peine de confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés par la loi ou le règlement de dangereux et nuisibles ».
312 De R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique de termes juridiques, Dalloz, Paris, 1988.313 cf. art.131-21 du code pénal français.314 TPI Natitingou, jugement n°213/06/FD/du 29/12/06, répertoire des décisions de justice de
Natitingou. Au sujet de la confiscation du fusil objet du scellé n°185/06 GT-N du 29/12/06.315 Art. 177 et 212 du CPP français.
120
Premiere partie
Si l’affaire a été classée sans suite ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa
compétence sans avoir statué sur les restitutions, il appartient au parquet,
sous réserve de recours devant le tribunal correctionnel ou devant la chambre
d’instruction de la cour d’appel, de répondre à la demande de restitution.
Par ailleurs, la remise en état ou la mise en conformité des lieux, sanction
à prédominance réparatrice316, est aussi une mesure pénale prévue également
par les textes et largement utilisée en droit de l’environnement317. Ainsi, « tout
site ayant fait l’objet d’une exploitation doit être remis en état …selon les
conditions fixées par le ministre chargé de l’environnement»318 mais « (…) des
décisions de justice peuvent aussi ordonner les mêmes sanctions »319. Il ressort
de ces dispositions que la remise en état apparaît comme une sanction hybride
pouvant être prononcée tantôt par l’administration tantôt par le juge pénal
ou par le juge administratif ou encore par le juge civil. Cette indétermination
de la nature juridique de cette mesure est confortée par l’inconsistance de la
doctrine et la jurisprudence. En effet, on peut convenir avec C. OUEDRAOGO320
que « la Chambre criminelle de la cour de cassation française a, dans un premier
temps, affirmé sans ambigüité le caractère indemnitaire de la remise en état :
« la mise en conformité ou la démolition ne sont pas des peines, mais des
réparations civiles »321. Mais elle va par la suite adopter une position beaucoup
plus prudente qui laisse entrevoir une possible double nature de la mesure, en
soutenant que , « si la démolition présente le caractère d’une réparation civile, il
n’en demeure pas moins vrai que ces mesures sont demandées par le ministère
public en réparation d’un trouble causé à l’ordre public 322». Après, elle reconnu
expressément la double nature de la remise en état en affirmant clairement
que la mise en conformité, la démolition, si elles présentent le caractère d’une
316 C. OUEDRAOGO, op, cit.317 M. PRIEUR, op, cit. p. 864318 Art. 22 de la loi-cadre béninoise319 Idem Art. 111 320 Op. cit.321 Cass.crim.(fr),27mai1967,Bull. crim.1967, n°162 ; v dans le même sens. Cass. Crim. (fr) 3
février 1965, Bull. crim.1965, n°32; 29 avril 1970 Bull. crim. 1970, n° 149322 Cass. Crim. (fr), 20 janvier1981.Bull.crim. 1981, n° 26.
121
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
réparation civile, n’en constituent pas moins également des peines323. Mais cette
situation de reconnaissance de la double nature ne fut que de courte durée ;
car en effet, en 1989, la Chambre criminelle préférera à nouveau la solution de
la prudence, cette fois-ci en parlant de catégorie autonome, c’est-à-dire une
mesure qui n’est ni une peine, ni une simple mesure civile de réparation, mais
une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite324.
Il nous semble en définitive comme le souligne C. OUEDRAOGO, que
malgré une prédominance réparatrice, la remise en état emprunte néanmoins
certaines caractéristiques de la peine, autrement on ne saurait imaginer le
prononcé d’une remise en état de la nature par le juge dans une hypothèse que
la loi ne prévoit pas. La cour de cassation la rappelée dans une espèce325.
Au-delà de la polémique sur la nature juridique de la mesure, une réalité
incontestable et mise en exergue par la plupart des auteurs est centrée sur
l’utilité de la mesure. Quelle autre peine, mieux que la remise en état détériorée
ou la restitution d’une espèce animale ou végétale illégalement enlevée est
susceptible de rétablir l’ordre troublé par l’infraction ? Puisque « ordonner
la restitution des milieux dégradés, la décontamination d’un sol pollué par
des rejets ou le stockage de déchets, la destruction d’ouvrages irréguliers, est
évidemment la solution la plus adéquate tant pour remédier aux conséquences
d’un comportement délictueux que pour y mettre fin 326». Même si cette remise en
état, ne saurait retrouver totalement sa situation antérieure327, l’objectif comme
le souligne le professeur PRIEUR, « devrait être d’aboutir au rétablissement du
milieu dans un état le plus proche possible de sa situation antérieure, compte
tenu des possibilités technologiques et de la capacité de régénération du milieu
détérioré 328».
323 Cass. Crim. (fr), 12 juin 1982 .Bull.crim. 1982, n° 13 ; v. dans le même sens Cass. Crim. (fr), 13mai 1988.RSC. 1989, p. 134, obs. F. Boulan ; et P. 313, obs. A. Vitu.
324 Cass. Crim. (fr), 8 juin 1989 .Bull.crim. 1989, RSC 1990, p 130 obs. F. Boulan ; v. dans le même sens Cass. Crim. (fr), 23 novembre 1994. Dr pénal 1995, comm. 72, J. H. Robert. .
325 Cass. Crim. (fr), 5 juin1996. Dr. pénal 1996, comm. N°224, J. H. Robert. .326 M.J. LITMMANN-MARTIN, Les infractions relatives à l’environnement et la remise en état
des lieux ordonnée par le juge pénal, p. 431327 M. PRIEUR, op, cit, p.863328 Op, cit, p.868
122
Premiere partie
En dépit de ces obstacles, on pourrait affirmer que la remise en état
demeure pour le droit de l’environnement, une sanction assez intéressante
puisqu’elle s’emploie à restaurer l’environnement. Elle est abondamment utilisée
comme sanction administrative.
B) Les sanctions administratives
Deux types de sanctions caractérisent les sanctions administratives,
d’une part les sanctions administratives relevant du juge administratif et d’autre
part les sanctions relevant des autorités administratives.
1. Les sanctions administratives relevant du juge administratif
Comme nous l’avons dit précédemment, le droit pénal de l’environnement
étant essentiellement un droit fondé sur « la dépendance administrative »,
le juge administratif est appelé à connaître du contentieux environnemental,
notamment tout acte à caractère réglementaire (décisions, circulaires, arrêtés
ou décrets d’autorisations, ou permis) pris par les autorités gouvernementales
et administratives chargées d’administrer l’environnement et portant grief aux
intérêts des tiers. C’est un « contentieux de l’autorisation »329. Ainsi, tous les
actes soumis à autorisation, sont susceptibles de recours devant le tribunal
administratif. Dans la mesure où il s’agit des actes administratifs dont le régime
général est celui du recours pour excès de pouvoir. C’est une action intentée
contre un acte administratif visant à obtenir du juge son annulation. C’est le cas
lorsqu’un tiers s’estime lésé par une décision administrative relative par exemple
aux conditions d’ exercice de certaines activités liées à la production agricole, à
la chasse, à la pêche, à la flore, à la faune, à la gestion des déchets, etc. ….Au
Bénin, c’est la chambre administrative de la Cour Suprême qui fait office de
tribunal administratif qui est compétente pour connaître ces genres de litiges
en attendant la mise en œuvre effective des chambres administratives dans les
329 M. KAMTO, op.cit., p : 340
123
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
différents TPI. Le juge administratif peut330 ainsi ordonner la remise en état d’un
site pollué ou dégradé331 bien que cette notion soit beaucoup plus à connotation
réparatrice. Elle est même très souvent ordonnée par le juge sous astreinte332 et
son exécution d’office au frais du prévenu dans un délai déterminé333.
En matière environnementale, que ce soit la chambre administrative ou
la chambre judiciaire, il n’existe pratiquement pas de jurisprudence334. Cette
situation se trouve conforter avec l’irresponsabilité pénale des personnes
morales. Comme en témoigne cet arrêt de la Cour d’Appel de Cotonou où le
juge pénal affirme clairement que « dans le droit positif béninois, il n’existe pas
de responsabilité pénale des personnes morales ; et que les personnes morales
sont des êtres juridiques fictifs dont tous les actes sont posés par les personnes
physiques qui les dirigent 335» ; alors que se sont les sociétés ou entreprises
qui, dans le cadre de leurs activités dégradent ou polluent quotidiennement
l’environnement, plus que les particuliers.
Remarquons qu’au Bénin, en matière de saisine de juridiction, les
citoyens préfèrent saisir directement la cour constitutionnelle que la juridiction
administrative ou judiciaire. Cela peut s’expliquer par la rapidité avec laquelle la
Haute juridiction rend les décisions qui sont sans recours d’une part et d’autre
part cette saisine est sans frais pour les justiciables alors qu’elle est assortie
de frais devant les autres juridictions. De plus, une fois la décision de la cour
constitutionnelle rendue, il y a possibilité de se constituer partie civile et
330 C’est une faculté qui lui est réservé il n’est pas contrait de le faire. L’application effective de la sanction dépend donc de son intime conviction ou de sa sensibilité aux problèmes environnementaux.
331 M. PRIEUR, op.cit., p.865332 Idem333 Art.19 arrêté n°0045/MEHU/DC/SG/DE/SQEPE/DPE/SA fixant les conditions et modalités
d’exercice de la fonction d’agent de la police environnementale334 Nous y reviendrons ultérieurement dans nos développements au titre II335 Cf. arrêt n°21/2000 du 27 janvier 2000 de la Cour d’Appel RGN°006/2000 dans l’affaire
Société des Ciments d’Onigbolo Agent judiciaire du Trésor c/Société Groupe MyC International SARL.
124
Premiere partie
demander réparation des préjudices subis336, devant la chambre administrative
de la cour suprême lorsque le contentieux est dirigé contre l’Etat.
2. Les sanctions complémentaires relevant des autorités administratives
« Spécialement prévues pour chaque infraction et destinées comme son
nom l’indique, à compléter la peine principale »337, les sanctions complémentaires
administratives ont un rôle très pertinent en droit de l’environnement. L’exécutif
produit en effet un nombre impressionnant de décrets et d’arrêtés relatifs
à la gestion et à la protection de l’environnement. L’incrimination à essence
écologique en général, consiste comme nous l’avons précisé déjà, en une
violation d’une prescription administrative protégeant l’environnement. Dès
lors, le droit pénal de l’environnement prend la forme d’une collection de polices
administratives pénalement sanctionnées. Cela s’explique par le fait que la
législation pénale, constituée de quelques lois, fixe les peines correctionnelles,
les peines et les mesures complémentaires, et évoque en termes souvent
vagues, les comportements infractionnels, laissant au pouvoir réglementaire le
soin de les préciser. C’est ce que dispose précisément le dernier tiret de l’article
82 de la loi-cadre sur l’environnement au Bénin : « sont déterminés par décret
pris en conseil des ministres : (…) les sanctions administratives telles que les
procédures de suspension et d’arrêt de fonctionnement et les pénalités»338.
Plus loin, l’article 111 renforce la compétence desdites autorités et pose le
principe de cumul de sanctions pénales et de sanctions administratives339, en
disposant que « les peines prévues par la présente loi ne font pas obstacle au
336 Cette possibilité existe depuis la Décision DCC 02-052 du 31 mai 2002 par laquelle la haute juridiction à jugé que « …les préjudices subis par toute personne, du fait de la violation de ses droits fondamentaux, ouvrent droit à réparation ». V. à ce sujet l’affaire BOyA, Décision DCC 02-065 du 5 juin 2002 dont l’article 2 précise « les préjudices subis par monsieur Eugène Comlan BOyA ouvrent droit à réparation »
337 (F) DESPORTES et le GUNEHEC (F), cité par C. OUDRAOGO, RJE, avril 2000, p : 535.338 Cf. loi précitée. Voir aussi à cet effet, les dispositions des articles 154 et suivants du code
de l’hygiène publique béninois.339 D. GUIHAL, op, cit, p, 275
125
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
retrait ou à la révocation, par les autorités compétentes, des certificats, permis
ou autorisations qu’elles ont eu à délivrer ».
Ainsi, la gamme de sanctions administratives couramment utilisée aussi
bien contre les personnes physiques que les personnes morales, et destinée à
compléter les sanctions classiques, est constituée: d’amende transactionnelle
forfaitaire340, d’amendes administratives issues des verbalisations
administratives, de la remise en état du site dégradé ou pollué, qui s’articule
avec le principe pollueur payeur, de la suspension du permis ou de l’autorisation
ou d’un titre quelconque délivré par l’autorité compétente341. Ce retrait peut
être temporaire ou définitive en fonction de la gravité du dommage causé,
ce qui suppose immédiatement la fermeture temporaire ou définitive de
l’entreprise. L’administration peut également à travers ses agents assermentés
ou commissionnés procéder à des saisies ou confiscation d’objets du délit
lorsque cela s’avère nécessaire342. Les lois béninoises relatives à la protection de
la faune et de la flore ne font pas de distinction entre la saisie et la confiscation
de l’objet du délit. Elles précisent que tous les produits appréhendés en situation
irrégulière sont confisqués d’office par l’administration forestière et le matériel
qui a servi à les récolter, à les transporter est saisie jusqu’au règlement définitif
du litige343. Le plus souvent, la saisie sera opérée par les verbalisateurs ou les
enquêteurs, mais elle pourra aussi l’être par le juge d’instruction ou la juridiction
de jugement si elle ne l’a pas été auparavant. A cet égard, il nous est revenu
de constater au cours de nos investigations que très souvent, l’administration
forestière procède à des ventes aux enchères publiques des biens saisis.
340 Des agents des eaux et forêts comme des inspecteurs de l’environnement du MEHU.341 Rapport d’activité 2009 de la Police Environnementale, DDEPN/MEPN, Cotonou, Bénin. Ce
rapport nous renseigne qu’au titre de l’année, les Inspecteurs ont procédé dans le cadre des mesures conservatoires de lutte contre le bruit, à la fermeture provisoire de deux scieries à Cotonou, à l’arrêt des activités d’un groupe de prière dans la même ville et le retrait de plusieurs objets, sources de pollution sonore (enceintes acoustiques, amplificateurs, égaliseurs et autres).
342 Décret n° 2005-437 du 22 juillet 2005 portant organisation de la procédure d’inspection environnementale en République du Bénin.
343 Cf. lois précitées.
126
Premiere partie
L’amende apparaît ainsi à nos yeux comme la forme de sanction la
plus usitée par l’administration environnementale béninoise344. Il en est ainsi
des amendes issues des verbalisations des agents forestiers et des Inspecteurs
de l’environnement. Par exemple, au titre de l’année 2009, les Inspecteurs de
l’environnement ont dressé 26 verbalisations dans les Départements de Littoral
et de l’Atlantique pour un montant total de 1.880.000F CFA345.
Dans ce domaine, il est a noté que le Ministère de l’Environnement
et de la Protection de la Nature, a été particulièrement opérationnel dans la
lutte contre la pollution de l’air. En effet, suite à l’élaboration de la stratégie
nationale de lutte contre la pollution atmosphérique346 au cours des années
2000, le gouvernement, à travers l’administration environnementale, a initié
une action répressive, dénommée « mesure coercitive » contre les émissions
de gaz provenant des véhicules à deux ou à quatre roues, particulièrement
dans la ville de Cotonou où sévit une pollution de l’air sans précédent. Cette
opération qui a duré cinq ans, a consisté à appliquer le principe pollueur payeur
en verbalisant systématiquement tous les contrevenants dont les engins ont été
déclarés pollueurs347. La base légale de cette opération est l’article 116 de la
loi-cadre sur l’environnement qui fixe l’amende à payer entre dix (10) mille et
cinquante (50) mille francs CFA et la loi de finance gestion 2002 qui en donne
une clé de répartition comme suit : 10.000 francs CFA pour les véhicules à deux
roues ( en particulier les taxis moto communément appelés « Zémidjan» sont les
vrais auteurs de la pollution), 20.000 francs CFA pour les véhicules de tourisme,
25.000 francs FCFA pour les véhicules utilitaires et 35.000 francs CFA pour les
gros porteurs. Dénommées écotaxes, ces amendes administratives sont perçues
directement par les fonctionnaires du ministère chargé de l’environnement sur
les voies publiques à l’aide de la force publique au près des pollueurs en cas de
pollution dépassant la norme autorisée.
344 Elle est appliquée couramment par la police environnementale et les agents des eaux et forêts
345 Rapport d’activité 2009 de la Police Environnementale, DDEPN/MEPN, Cotonou, Bénin.346 MEHU, Stratégie nationale de lutte contre la pollution atmosphérique en République du
Bénin, Cotonou, 2000.347 L’Annexe III récapitule le niveau de pollution des véhicules à deux ou à quatre roues sur la
période allant de 2002 à 2005. Source MEPN.
127
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Le commentaire qu’on pourrait faire de l’Annexe III est que sur la
période allant de 2002 à 2005, la pollution de l’air au Bénin est préoccupante
dans les grandes villes et dominée par les véhicules à deux roues (taxi moto
ou «Zémidjan») dont le taux de pollution est nettement croissant dans la ville
de Cotonou. Remarquons que l’opération se fait de façon inopinée, donc ce
ne sont pas les mêmes véhicules qui sont inspectés. Les usagés des véhicules
déclarés pollueurs sont orientés à leur frais vers les garagistes formés à cet effet
au réglage des moteurs. Mais, dans la pratique, ces usagés ne le font pas et la
pollution peut reprendre de plus belle malgré les mesures coercitives prises. En
définitive, ces mesures n’ont pas eu un effet positif sur la pollution de l’air puisque
tout au moins pendant cette période on aurait pu constater une amélioration
de la qualité de l’air. Par la suite, des difficultés d’ordre civique (manifestation
d’hostilité des usagers, l’incivisme, etc.) ont précipité le déclin de cette activité
dite « phare » du ministère. Seulement, le succès d’une telle opération réside en
ce qu’elle a permis au trésor public de gagner près de 100 millions de francs CFA
de 2001 à 2005.
Quant aux agents forestiers et douaniers, à leurs différents postes
de contrôle frontalier, ils verbalisent aussi chaque jours des « trafiquants
environnementaux »348.
De même au niveau communal, la police municipale s’inscrit aussi dans
cette logique de verbalisation. Ainsi, au sujet de l’occupation anarchique du
domaine public, tout occupant illégal du domaine public est « verbalisé avec
payement d’une amende de 15.000Fà 25.000F CFA ou confiscation de ses biens
installés sur le domaine »349. Signalons que ces règlements administratifs, dans
le respect de la hiérarchie des normes, doivent être conformes à la loi d’où ils
tirent leur base légale au risque d’être déclaré illégal.
348 Commerçants ou individus qui font des trafics ou des ventes de produits illicites relevant du domaine forestier ou environnemental tels que les produits forestiers, les trophées d’animaux, certaines espèces rares d’animaux ou de végétaux ou de bois qui transitent par la frontière.
349 Voir arrêté municipal n°026/MCOT/SG/DSEF/DST/RP du 31 mars 2004 portant réglementation de l’utilisation temporaire du domaine public local aux fins d’activités privées lucratives.
128
Premiere partie
En tout état de cause, l’amende, la confiscation des armes, engins ou
véhicules objet du délit et les retraits ou suspensions de licences ou permis
prononcés par les autorités administratives, sont en réalité des sanctions
complémentaires administratives qui ne font pas obstacles aux sanctions
juridictionnelles. Il s’ensuit dès lors, le développement de sanctions alternatives
tantôt administratives tantôt juridictionnelles.
§II : Les sanctions alternatives
Entendue au sens étroit, la peine alternative se définit comme « une
peine qui est prévue dans une disposition de portée générale, en remplacement
d’une peine principale »350. C’est dans cet ordre d’idée que la plupart des
législations admettent que la constatation d’une infraction par procès-verbal
n’implique pas que son auteur sera nécessairement déféré devant un tribunal351.
En effet, à l’instar du droit pénal général, le droit pénal de l’environnement a
développé des techniques qui empêchent, à l’égard du prévenu l’application
des sanctions pénales classiques, notamment l’emprisonnement afin d’assurer
une répression plus rapide « compte tenu de l’encombrement des tribunaux352 »
et de la lourdeur de la procédure pénale. Ainsi, plutôt que de condamner les
délinquants à des peines d’emprisonnement, le droit pénal de l’environnement
recherche la cessation du trouble causé par l’infraction et la restauration du
milieu naturel dégradé. La plus importante de ces techniques est la transaction
à laquelle s’ajoute d’autres procédures alternatives telles que la prescription, la
composition pénale, l’ajournement de peine et l’amende forfaitaire.
350 (F) DESPORTES et le GUNEHEC (F), cité par C. OUDRAOGO, RJE, avril 2000, p : 535.V. aussi Roselyne NERAC-CROISIER, Sauvegarde de l’environnement et droit pénal, op.,cit.,p.55.
351 D. GUIHAL, op. cit. p. 78 ; voir aussi les articles 76,77et 78 de la loi n°005/97/ADP portant code de l’environnement au Burkina Faso ; l’article 7 du CPP béninois.
352 M. PRIEUR, op. cit. p.829.
129
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
A) Le recours de plus en plus fréquent à la transaction
Retenons avec D. GUIHAL, que l’économie générale de la transaction
pénale, peut être synthétisée dans les termes suivants de l’arrêt du Conseil
d’Etat : « la transaction pénale, entre une autorité administrative habilitée à
la conclure et une personne susceptible d’être poursuivie pour la commission
d’une infraction pénale, résulte d’un accord qui détermine les suites à donner à
la commission de cette infraction et, en particulier, les réparations en nature et
en espèces que devra assurer l’intéressé ; cet accord doit être donné librement
et de manière non équivoque par l’auteur des faits litigieux, éventuellement
assisté de son avocat ; l’homologation de cet accord éteint l’action publique
dès lors que les engagements ont été tenus »353. Il s’ensuit que la transaction
consiste donc, à rechercher un accord amiable avec l’auteur de l’infraction sur
deux points, soit une amende transactionnelle, soit l’accomplissement d’une
prestation en nature.
Ainsi, la transaction sur l’action publique, telle que prévue par le
code de procédure pénale, longtemps demeurée cantonné dans le domaine
des infractions impliquant les intérêts patrimoniaux de l’Etat (douane, fisc),
apparaît aujourd’hui abondamment dans le domaine de l’environnement par le
truchement de l’administration des eaux et forêts et chasse avant de s’étendre
à d’autres secteurs.
L’administration forestière et faunique béninoise dispose d’un pouvoir de
transaction dont la base légale est au cœur des articles 85 et 86 de la loi portant
régime des forêts et des dispositions des articles 149 et 150 de la loi portant
régime de la faune. D’une manière générale, les dispositions de l’article 108 de
la loi-cadre viennent habiliter l’administration environnementale en précisant :
« lorsque le cas est prévu par la loi et les règlements, les délits et les infractions
en matière d’environnement peuvent faire l’objet de transaction avant ou
pendant le jugement ». Au Sénégal, elle se conclue plutôt avant le jugement354,
353 D. GUIHAL Op.cit. P: 81.354 Art. L103 de la loi- n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement
sénégalais.
130
Premiere partie
au Togo, elle intervient « avant ou après le jugement même devenu définitif »355.
Il s’ensuit que la transaction peut se conclure en dehors de toute juridiction.
Dans la pratique, c’est cette forme de transaction qui est plus fréquente.
Dans tous les cas, le procureur de la République au Bénin n’a pas
d’influence sur l’acte transactionnel contrairement à ce qui se passe en
France. Il n’exerce aucun contrôle sur les transactions. Il n’intervient qu’en cas
de contentieux en relation avec le non respect des engagements pris par le
prévenu. Mais en cas de respect desdits engagements dans les délais indiqués,
« les poursuites judicaires sont abandonnées à l’encontre du prévenu. »356
Aux termes de ces dispositions prévues par le législateur béninois, le
champ d’application de la transaction est bien vaste, puisqu’elle concerne « tous
les délits et infractions en matière d’environnement ». On peut également en
déduire qu’en droit béninois, la transaction a une base légale ou réglementaire
alors qu’elle est strictement légale dans d’autres législations357 et que son champ
d’application n’est pas limité comme dans la législation française (police de
la pêche et police de l’eau)358 ou togolaise (flore, faune, pêche)359 ou encore
hollandaise360 mais large comme au Burkina Faso puisque couvrant tout le
domaine environnemental, aussi bien les crimes que les délits, pourvu qu’il soit
355 Art.52 du décret du 5/2 /1938 portant organisation du régime forestier du territoire du Togo et art.10 de l’ordonnance n)4 du 16/1/1968 réglementant la protection de la faune et l’exercice de la chasse au Togo. Cité par K. GBENOU, La sanction des atteintes à l’environnement en droit togolais. Mémoire, DEA, UL/Lomé, Togo 2005. Remarquons qu’elle est pourtant ignorée par le code togolais de l’environnement institué par la loi n°88-054 du 3 novembre 1988.
356 Art.150 al.2 de la loi béninoise sur la faune précitée357 Voir à cet effet, la législation française : article 6 CPP « …lorsque la loi en dispose
expressément », Code de l’environnement. Voir les infractions relatives à la police de la pèche et à la police de l’eau et aux parcs nationaux) ; voir article L103 du code sénégalais de l’environnement.
358 Voir à ce sujet le rapport précité de la mission interministérielle sur le renforcement et la structuration des polices environnementales qui suggère l’abandon des projets d’extension du domaine de la transaction ; cf. aussi D. GUIHAL, Op.cit. p. 86.
359 K. GBENOU, La sanction des atteintes à l’environnement en droit togolais, Mémoire de troisième cycle, DEA, UL,FDD, Lomé, 2005, p.49.
360 Au Pays Bas, elle est prévue par l’article 74 du code pénal. Elle intervient en cas de crime puni de 6 ans d’emprisonnement au plus et en cas de contravention. L’amende transactionnelle est évaluée en tenant compte des ressources du délinquant.
131
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
prévu par un texte361. Par contre, la législation gabonaise se particularise, en
considérant la transaction comme une peine complémentaire au même titre
que la confiscation ou la suspension que pourrait prononcer l’administration362
en complément à une sanction classique ultérieurement prononcée par le juge.
Se faisant, le législateur gabonais se montre très sévère et cette rigueur permet
de mieux protéger l’environnement.
Dans la pratique au Bénin, en matière environnementale, seule
l’administration des Eaux, Forêts et Chasse, utilise abondamment cette technique.
Ainsi, les termes de la transaction sont généralement proposés par l’agent
verbalisateur assermenté et soumis au Directeur des Eaux Forêts, et Chasse ou
son représentant qui après étude et certification, renvoie l’offre de transaction
à l’agent pour exécution et ce, sans consultation préalable du procureur de la
République. Si l’offre est acceptée et effectivement accomplie par l’infracteur, la
voie pénale sera alors définitivement abandonnée363et toute poursuite pour les
mêmes faits est désormais impossible même sous une qualification différente.
Cette extinction de l’action publique, ouvre la voie à l’application de la règle
« non bis in idem ». Dans ce cas, un récépissé correspondant au montant
versé lui est délivré pour servir et valoir ce que de droit. Ce montant qui est
discrétionnairement déterminé par l’administration, est généralement compris
entre le minima et le maxima de la peine pécuniaire légale. Comme en Belgique,
elle n’est pas prononcée par le juge mais sanctionnée par un acte administratif.
Dans plusieurs systèmes juridiques, on note que le recours à la
transaction est systématique et s’impose au délinquant qui n’a pas d’autre
choix que d’aller au procès. C’est cette puissance de l’administration qui est
exposée en ces termes « dans la procédure transactionnelle, le choix du recours
361 C. OUEDRAOGO, Les sanctions alternatives et complémentaires aux peines classiques en droit de l’environnement : étude comparative (France et Burkina Faso), article, RJE, 4/2000 : Art.76 du code l’environnement ; art.253 du code forestier.
362 Loi n°00016101 portant code forestier en République gabonaise, art 281 dispose assez clairement que « Sans préjudice des dispositions des articles 273à280 ….toute infraction commise en matière de chasse ou de foret peut donner lieu, selon le cas et, dans les conditions fixées par voie réglementaire à (…)- la confiscation de produits fauniques au forestiers ou au paiement par transaction d’une pénalité égale à leur valeur s’ils n’ont pas être saisis (…) ».
363 C. OUEDRAOGO, op, cit.
132
Premiere partie
à la transaction, la détermination du montant de l’amende transactionnelle, la
définition des travaux imposés au contrevenant pour faire cesser l’infraction
ou éviter son renouvellement et la fixation du délai364 d’accomplissement des
obligations transactionnelles appartiennent à l’administration »365. En revanche,
les décisions prises en la matière « sont regardées par la jurisprudence comme
détachables de la procédure judiciaire et susceptibles d’un recours pour excès
de pouvoir»366.
Par ailleurs, si le prévenu refuse la solution transactionnelle, son procès-
verbal est transmis au procureur de la République qui pourra alors mettre en
mouvement l’action publique. Mais, à ce stade, il n’est pas exclu que le prévenu
et l’administration transigent367. En cas de succès des négociations, le tribunal
informé par l’administration, arrête les poursuites. S’il était déjà saisi, et le
dossier en instruction, il ne peut le faire que par une décision de justice. Tel fût
le cas, de l’un des rares exemples dans le jugement n° 46/77 du 19 janvier1977
de la chambre correctionnelle du tribunal de première instance d’Abomey :
« Attendu que le prévenu A. L. s’est rendu coupable d’avoir à Sinhoué
Légo (Abomey) le 29 mai 1975…abattu sans autorisation administrative 34
palmiers à huile.
Attendu que ces faits constituent le délit prévu et puni par les articles 21
et 57 du décret du 4 juillet 1935.
Attendu que le délinquant a transigé en nature dans le périmètre de
reboisement des Eaux , Forêts et Chasse d’Abomey pendant le mois de mars à
avril 1976 ainsi qu’en fait foi la lettre n° 4318/IFMS du 9 novembre 1976 ; qu’il
échet de déclarer l’action publique éteinte par transaction »368.
La transaction par nature consiste, pour le prévenu, à s’acquitter
de la peine en exécutant sous le contrôle de l’administration forestière, des
364 F. ROGGENS, La répression des infractions contre l’environnement. Dans cet article, par exemple, Il est de huit jours au Pays Bas, de 8 jours au moins et de 3 mois au plus en Belgique et selon C. OUEDRAOGO Il est « d’un mois au Burkina Faso ».
365 D. GUIHAL, Op.cit. p. 81366 Idem367 Cf. art. 108 de la loi cadre précité.368 Cité par G.SOGLO, op, cit, p. 40
133
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
« travaux d’intérêt forestier » consistant à l’enrichissement, au reboisement, à
la réalisation de pépinières, d’ouverture de pistes ou de conservation de sols.
Dans ce cas la valeur compensatoire est calculée sur la base du taux salarial
quotidien ou mensuel en vigueur369. La transaction par nature s’assimile ainsi au
« travail d’intérêt général » ou « d’intérêt commun » prévue respectivement par
les législations française370 et burkinabé371.
Enfin, des arguments militent en faveur de la procédure transactionnelle.
Il en est ainsi de Françoise ROGGENS, Avocate à l’Université Libre de Bruxelles,
qui soutient qu’en matière environnementale, la procédure transactionnelle
s’y prête372. De plus, cette procédure laisse présumer que chacun y trouve
son compte. Pour les agents forestiers, l’intérêt est évident puisque la loi leur
accorde 20% du produit des transactions et les 80 % vont au trésor public373.
Pour le délinquant présumé, c’est l’assurance que l’acte ne sera pas porté à la
connaissance du public dans la mesure où la publicité de l’audience pénale n’est
pas toujours vécue comme une garantie mais comme une sanction et la peine
complémentaire de publicité ne pourra pas être appliquée374. Mais, l’on pourrait
argumenter aussi en soutenant la disponibilité de l’argent frais permettant de
faire face aux préjudices, la rapidité dans la répression de l’infraction, dans la
mesure où la procédure pénale étant couteuse, longue et désastreuse pour
la victime enfin la volonté d’une politique pénale de désengorger les prisons
369 Art.89 du décret n°96-271 du 2 juillet 1996 portant modalité d’application de la loi-n°93-009 du 2 juillet 1993
370 Art.131-8 et 131-22 à 131-24 du Code Pén.371 Art.262 du code forestier où il est stipuler que « dans un but éducatif et en tenant compte
des circonstances de l’espèce, le tribunal peut remplacer les sanctions prévues à l’article précédent par un travail d’intérêt commun.
372 La répression des infractions contre l’environnement, article, In, L’actualité du droit de l’environnement, Actes du colloque des 17 et 18 novembre 1994, Bruylant Bruxelles.
373 Art.108 de la loi portant régime des forêts en République du Bénin. V. aussi l’article 90 du décret d’application de ladite loi qui répartit comme suit les 20% : indicateur agent forestier ou non 35%, constatateur 25%, verbalisateur 15%, poursuiveur 15% et contentieux 10%. Dans la pratique par exemple à la Direction du Parc National de la Pendjari, après chaque versement d’une amende transactionnelle, le chargé des finances de la Direction établit un état de paiement au profit des bénéficiaires qui perçoivent conformément à la clé de répartition leurs primes.
374 Brigitte le PAGE, Transaction pénale pour pollution de cours d’eau, in, Revue de Droit Rural, n°215 août-septembre 1993, cite par A. SOGLO, op, cit, p. 40.
134
Premiere partie
déjà surpeuplées constitue un élément non négligeable. Néanmoins, cet
intéressement, s’il a pour but de mettre « théoriquement » les agents poursuivants
à l’abri de la corruption, a surtout comme inconvénient l’accroissement de cette
procédure exceptionnelle au détriment de la voie judicaire.
Ainsi, en dehors des atouts certains de cette procédure, quelques
inconvénients de cette pratique méritent d’être relevés. D’abord par ce
mécanisme, « ce qui était une affaire pénale susceptible d’être réglée sur la
place publique, devient une affaire purement interne à l’administration»375,
puisque sa conclusion échappe au juge, ce qui parfois ouvre la voie au laxisme et
à l’injustice à l’égard du justiciable. Même en cours d’instruction ou de jugement
du dossier, il y a possibilité de transiger. Ce qui porte énormément préjudice au
prérogative du juge pénal qui peut se trouver ainsi dessaisi par l’administration.
Cet empiétement de l’administratif sur le judiciaire, pose non seulement le
problème de l’indépendance du juge, mais aussi du rôle réel du droit pénal
de l’environnement dans le règlement des contentieux. Ensuite rares sont les
textes qui imposent comme conditions préalables à la transaction, la cessation
de l’infraction et la remise en état. Cette condition est d’ailleurs inexistante dans
les textes prévoyant la transaction. Enfin, les droits des victimes ne sont pas
toujours bien protégés, les textes étant muets sur leur sort.
Mais, malgré ces inconvénients, le recours à ce mécanisme de règlement
des litiges est de plus en plus abondant. En France par exemple, selon les
statistiques, du ministère de l’environnement, 74,63% des décisions rendues en
1991pour la pollution des cours d’eau étaient des transactions376. De même au
Bénin, la procédure transactionnelle est de loin préférée au procès pénal, dans
les mêmes proportions presque, seulement sans l’intervention du juge. Même si
les délinquants sont parfois insolvables, ils pourront opter pour les prestations
en nature (les agents forestiers ne préfèrent pas les transactions sous cette
forme puisqu’elles ne sont pas rentables pour eux).
Le défaut de statistiques de l’administration environnementale ne
nous permet pas d’avoir des informations précises, mais quelques données
croisées des rapports saisonniers de la Direction du Parc National de la Pendjari
375 De ROETS, cité par C. OUEDRAOGO, op. cit. p : 548376 C. OUEDRAOGO, op, cit. p: 548
135
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
à Tanguiéta, nous donnent des résultats édifiants quant à l’utilisation de cette
technique répressive377. A l’examen desdits tableaux, notamment du Tableau
n°4, sur une période de trois saisons touristiques, un faible taux des PV de
constatations des infractions qui parviennent au procureur de la République. A
l’examen du Tableau n°4, la question que l’on pourrait se poser est de savoir :
où sont passés les 104 procès-verbaux de constatations des infractions après
déduction avec le nombre totale des infractions? Nul doute que ces infractions
régulièrement constatées ont fait l’objet de transaction avec les prévenus. C’est
donc cela qui explique le taux très faible des décisions de justice rendues par les
tribunaux de fragrance délit. La conséquence d’une telle situation est que prés
de 70% des infractions constatées sont concernées par des transactions. Notons
pourtant qu’il y a quelques rares cas de prévenus étrangers qui font objet de
transfèrement dans leur pays378. Par ailleurs, on note à la lecture du Tableau
n°5, un accroissement progressif du montant des amendes transactionnelles. Ce
qui dénote de la fréquence de cet outil de sanction. Les réelles motivations de
l’administration forestière à recourir à cette procédure, s’expliquent plus par des
raisons financières qu’écologiques ; les administrations concernées ayant besoin
des ressources financières pour leur unité de production et pour améliorer
leurs conditions de travail. Mieux, on ne voit pas directement ce à quoi servent
concrètement les produits issus des transactions en terme de préservation
des ressources naturelles. L’on sait simplement que les 80% des produits des
amendes vont au trésor public.
377 Cf. Tableaux : n° 3, n°4 et n°5, pp.132, 133, 134 et 135378 Ce fût notamment les cas des prévenus Lompo ANHADI, yONLI Souguilidioa et OUOBA
yemboani, poursuivi pour circulation et introduction illégale d’espèces animales domestiques (pintades et canards) dans le parc national de la Pendjari, objet du PV N° 002/2008/SSA/DPNP du 30/01/08, transférés au Burkina Faso le 30/1/08 ; du sieur yOUMANI Salifou, poursuivi pour délit illégal de pêche dans le parc national de la Pendjari , objet du PV N°30/2008/SSA/DPNP du 18/02/08.
136
Premiere partie
Tableau N° 3 : Point des infractions et condamnations liées aux délits constatés
dans la réserve de la biosphère de la Pendjari au titre des années
touristique 2006 à 2009
Période du 1er juin 2006 au 30 juin 2007
- Point des infractions
Type d’infraction Batia Porga Arly Konkombri TOTALBraconnage 4 28 - - 32Transhumance 1 5 - 8 14Pêche frauduleuse 4 13 - 1 18Autres - - - - -TOTAL 9 46 - 9 64
- Point financier des infractions
Type d’infraction
Nombre Montant brut
Retenue de 20% payé
Montant net
encaissé
Observations
Braconnage - - - -Transhumance 04 205 000 41 000 164 000Pêche frauduleuse
05 330 000 66 000 264 000
Autres - - - -TOTAL 09 535.000 107.000 428.000
- Décisions de justice rendues
Type de sanction Nombre ObservationsContrainte par corps -Emprisonnement ferme 29Emprisonnement assorti de sursis et amende 05Amende -Réparation dommages et intérêts -Relaxé pour insuffisance de charges 01Total : 35
137
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Période de 1er juillet 2007 au 30 juin 2008
- Point des infractions
Type d’infraction Batia Porga Arly Konkombri TOTALBraconnage 6 4 11Transhumance 4 1 6 11Pêche frauduleuse 17 4 21AutresTOTAL 1 27 9 6 43
- Décisions de justice rendues
Type de sanction Nombre ObservationsContrainte par corps -Emprisonnement ferme - Emprisonnement assorti de sursis et amende 07Amende -Réparation dommages et intérêts -Relaxé pour preuve insuffisante -TOTAL 07
Période de 1er juillet 2008 au 30 juin 2009
- Point des Infractions
Type d’infraction Batia Porga Arly Konkombri TOTALBraconnage 7 7 - 2 16Transhumance 2 7 - 1 10Pêche frauduleuse - 19 - 1 20Autres - 1 - - 1TOTAL 9 34 - 4 47
- Point financier des infractions
Typed’infraction Nombre
Montant brut
Retenue de 20% payé
Montant net encaissé
Observations
Braconnage 04 400 000 80 000 320 000Transhumance 07 550 000 110 000 440 000Pêche frauduleuse 12 885 000 177 000 708 000AutresTOTAL 23 1 835 000 367 000 1 468 000
138
Premiere partie
- Décisions de justice rendues
Type de sanction Nombre ObservationsContrainte par corps -Emprisonnement ferme 2Emprisonnement assorti de sursis et amende 6Amende -Réparation dommages et intérêts -Relaxé pour preuve insuffisante -Total : 8
Tableau N° 4 : point récapitulatif des décisions rendues par rapport aux
infractions constatées au cours de la saison touristique et
cynégétique 2006 à 2009
Année Nombre d’infractions constatées
Nombre de décisions de justice
Taux Observations
06-07 64 35 22,407-08 43 07 2,9108-09 47 08 3,76Total 154 50 29,07 La différence soit 104
infractions ou PV de constatations d’infraction échappent à la justice sur un total de 204
Tableau N° 5 : Récapitulatif des recettes issues des transactions au cours de la
saison touristique et cynégétique 2006 à 2009.
Années Montant net des transactions(en francs CFA)
Observation
2006-2007 428.000 Le montant total représente le net, après déduction des 20% qui reviennent aux agents forestiers sinon le brut est de 3.369.600.
2007-2008 912.0002008-2009 1.468.000 Total 2.808.000
Source : Rapports annuels des saisons touristiques de la DPNP (Natitingou Bénin, 2010).
139
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
B) Les autres mesures alternatives aux sanctions classiques
En dehors de la transaction, plusieurs législations admettent la possibilité
d’éviter une condamnation à une peine classique par le tribunal qui peut opter
pour un classement sous condition, la composante pénale, l’ajournement de
la peine, la médiation pénale, le travail d’intérêt général379. La différence que
l’on pourrait observer entre l’amende transactionnelle et ces mesures voisines,
réside dans le fait que ces dernières sont accordées au prévenu sous l’autorité
judiciaire.
1) Le classement sous condition
Le classement sous condition, une technique purement prétorienne
prévue par l’article 41-1 du CPP380 qui permet au procureur de la République
« préalablement à sa décision sur l’action publique (…) et avec l’accord des
parties, de recourir à une médiation s’il lui apparait qu’une telle mesure est
susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre
fin au trouble résultant de l’infraction et de contribuer au reclassement de
l’auteur de l’infraction ». Elle suspend la prescription de l’action publique. Ainsi,
en contrepartie des obligations accepter par le délinquant, le procureur de
la République classe l’affaire sans suite. Mais, ceci n’engage que lui-même et
les victimes qui ont conclu avec l’auteur de l’infraction une transaction civile.
L’action publique n’étant pas éteinte, elle peut être mise en mouvement par une
victime malencontreusement oubliée. Or en matière environnementale, il est
malaisé de déterminer les victimes potentielles, notamment associatives381.
379 Cette technique s’assimile à la transaction par nature.380 CPP français ; Lire également la loi du 9 mars 2004. 381 D. GUIHAL, op. cit, p: 78.
140
Premiere partie
2) L’ajournement de la peine,
En matière correctionnelle, après avoir déclaré le prévenu coupable,
la juridiction peut prononcer soit la dispense soit l’ajournement de la peine382.
Cette mesure est assortie d’une triple condition à savoir que tout d’abord: le
reclassement du coupable est en voie d’être acquis ; ensuite le dommage
causé par l’infraction est en voie d’être réparée et enfin, le trouble causé par
l’infraction est en voie de cessation383. Cependant, même lorsque ces conditions
sont réunies, l’ajournement n’est que facultatif. Cette peine rejoint celle de
mise en état dans la mesure où « la juridiction qui reconnaît la culpabilité d’un
prévenu est autorisé à ajourner le prononcé de la peine en lui prescrivant de
remettre en état les lieux dégradés, le cas échéant sous astreinte384. La peine ne
sera effectivement infligée au délinquant que s’il n’exécute pas l’injonction dans
le délai fixé. Pour certains auteurs cette mesure présente davantage une garantie
d’efficacité, car en effet, « la crainte d’une sanction encore indéterminée et
l’espoir d’une dispense de peine sont de puissants moyens de pression sur le
prévenu auxquels peut s’ajouter la menace d’une astreinte385.
Prévue par le code pénal, 386 cette mesure en vigueur en France, n’est
pas encore applicable au Bénin ni au Burkina Faso387.
3) La médiation pénale et la composition pénale
La médiation pénale, ou placement conditionnel, consiste pour le
parquet à suggérer à l’auteur de l’infraction diverses mesures destinées à éviter
qu’elle se renouvelle et à indemniser les victimes, après quoi, l’affaire est classée
382 Idem, p.174383 Idem, p.174384 C. OUEDRAOGO, op, cit, 385 D. GUIHAL, Répression et réparation des atteintes à l’environnement, Gaz, Palais. Doct.,
p.123 et s. spéc. p.124. Cité par C. OUEDRAOGO.386 Art. 132-58 CP français et suivants 387 Aucun texte ne le prévoit. Par contre en France il est prévu par les articles L571-25 du
code de l’environnement relative à la lutte contre le bruit ; L216-9 relative à la protection de l’eau ; L514-9 relative aux installations classées
141
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
sans suite. Mais cela n’éteint pas l’action publique : une association qui n’aurait
pas été associée à ce processus pourrait encore saisir ultérieurement le tribunal
correctionnel. C’est une procédure qui se confond au classement sous condition.
Elle ne s’applique pas en droit de l’environnement en l’état actuel du droit positif
français.388 C’est également le cas au Bénin.
Quant à la composition pénale, elle est applicable à tous les délits
punis d’une peine classique n’excédant pas 5 ans et aux contraventions. Le
procureur de la République peut proposer à une personne physique qui
reconnaît les faits : une amende de composition dans la limite du maximum
encourue, le dessaisissement au profit de l’Etat de la chose qui a servi ou était
destiné à commettre l’infraction, ou qui en est le produit, le retrait du permis,
l’accomplissement d’un travail d’intérêt public. Au cas où le prévenu ne remplit
pas ses obligations, le procureur met en mouvement l’action publique, sauf fait
nouveau389.
Remarquons que bien que certains auteurs voient dans ces procédures
des solutions particulièrement adaptées au droit de l’environnement où les
infractions ont un caractère technique et une faible charge morale, aucune de
ces mesures précitées n’est applicable encore au Bénin. Elles ne sont pas prévues
expressément par le législateur béninois. Cependant, pour certains auteurs
comme D. GUIHAL, ces méthodes suscitent des réserves dans le domaine de
l’environnement390.
Par ailleurs, la prescription de l’action publique par l’écoulement d’un
certain délai391, la mort du prévenu, l’abrogation de la loi, la chose jugée,
l’amnistie, le retrait de la plainte392 sont également les moyens d’extinction de
l’action publique que prévoit le législateur. La prescription de l’action publique
suppose par exemple que l’auteur de l’infraction ne peut être poursuivi si
388 Cf. Mieux maitriser le risque pénal en matière d’environnement, Rapport, Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, mars 2002.
389 D. GUIHAL, Op.cit. p. 79390 Op. cit. p: 79391 En droit béninois, elle est de 3ans pour les délits, 1 an pour les contraventions et 10 ans.
Cf. art.8 CPP béninois. V. aussi art.83 de la loi portant régime de faune précitée.392 Art.7 du code de procédure pénale béninois et art.6 CPP français.
142
Premiere partie
l’inaction de la société se prolonge au-delà d’un certain temps393. Elle est d’ordre
public. Le prévenu peut l’invoquer à tous les niveaux de jugement394.
L’hypothèse du décès du prévenu n’appelle normalement aucun
commentaire. C’est une cause d’extinction à caractère personnel dont ne
peuvent bénéficier ni coauteurs ni complices395.
En ce qui concerne l’abrogation de loi pénale, retenons que c’est
« l’anéantissement pour l’avenir d’une mesure législative ou réglementaire par
un acte explicitement ou implicitement contraire 396». Ainsi, une loi abrogée
sort de l’arsenal juridique, donc du droit positif de sorte qu’une incrimination
qui découle d’une telle loi ne saurait s’appliquer à un prévenu. Cependant, il
conviendrait de nuancer cette analyse d’autant plus qu’il peut arriver que le
prévenu soit sous l’emprise de deux lois en conflit dans le temps. C’est le cas
par exemple lorsque le prévenu commet une infraction sous l’empire d’une
première loi ; ce peut être l’interdiction d’introduction de déchets dans un pays
puis quelques mois ou quelques années plus tard, cette interdiction est levée
par une nouvelle loi pour des raisons particulières. Dans un tel cas d’espèce, le
prévenu est poursuivi toujours et peut être condamné du chef de l’ancienne loi
abrogée, qui demeure applicable en l’espèce au moment des faits.
Enfin, ces dernières mesures alternatives aux sanctions pénales
précitées, sont d’application en droit commun. Elles s’accommodent aussi bien
au droit pénal de l’environnement. Elles sont au regard de celles précitées plus
haut, qui relèvent de l’appréciation du juge, généralement d’application d’ordre
public puisqu’elles s’imposent au juge.
L’analyse du cadre juridique et institutionnel de mise en œuvre des
stratégies et politiques environnementales, que nous venons de faire, nous
renseigne que le tissu répressif béninois, quoique quelque peu pertinent, avec
des dispositions législatives et réglementaires assez contraignantes, est encore
au stade embryonnaire. La construction d’un droit pénal de l’environnement
est une œuvre de longue haleine. Puisque le simple fait de l’existence de
393 J.C. SOyER, op.cit., p.280394 Idem, p. 282395 D. GUIHAL, Op.cit. p. 88396 Lexique de termes juridiques, op. cit. p : 1
143
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
telles dispositions pénales écologiques, ne suffit pas pour se convaincre de
l’existence d’un droit pénal de l’environnement réellement fonctionnel. Le
droit pénal béninois s’inscrit certes, dans la perspective d’actions soutenues et
cohérentes en vue d’endiguer les atteintes à l’environnement mais, le dispositif
environnemental qui sous-tend sa mise en œuvre, nous apparait insuffisant,
ineffectif voire même difficile d’application.
144
Premiere partie
TITRE II : UN DISPOSITIF ENVIRONNEMENTAL REPRESSIF INEFFECTIF, INSUFFISANT ET PEU PERFORMANT
Le droit pénal de l’environnement béninois, à l’étape actuelle de son
évolution, comme nous l’avons dit est en plein développement. Au regard des
principes qui gouvernent l’application du droit pénal spécial de l’environnement,
nous examinerons dans quelle mesure le régime répressif en vigueur au Bénin
peut contribuer à la sauvegarde de l’environnement. Il conviendrait dès lors de
l’apprécier, d’une part, du point de vue de son cadre législatif et réglementaire
(Chapitre III) et d’autre part du point de vue de l’effectivité des sanctions pénales
(Chapitre IV).
CHAPITRE III : UN ARSENAL REPRESSIF PEU PERFORMANT
À l’analyse, le système répressif béninois de la responsabilité pénale en
matière environnementale, est encore jeune mais assez significative. Afin de
mieux apprécier sa performance, nous analyserons successivement le cadre
normatif et institutionnel (Section I) et l’accès du justiciable à la justice (Section
II).
145
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
SECTION I : LE CADRE NORMATIF PENAL
L’état des lieux de la législation environnementale tel que décrit plus
haut dans les chapitres précédents, révèle à n’en point douter une multitude
de textes législatifs et réglementaires. Déjà en 1992, une étude397 relative à
l’inventaire de la législation béninoise environnementale, avait répertoriée près
de 500 textes398 organisés autour de 17centres d’intérêts dont la majorité est
obsolète et désuète399. Au regard de cette production législative éparpillée dans
presque tous les secteurs et la multitude d’infractions qui en découlent, peut-on
réellement parler « d’inflation législative» ou « d’inflaction pénale 400» comme
l’avocate Françoise ROGGEN qualifie les textes pénaux belge? Dans le cas du
Bénin, cette conclusion serait hâtive car elle doit être nuancée.
Si la simple existence des normes réglementaires et législatives, comme
nous l’avions précisé, constitue déjà en soi un atout important du fait de leur
caractère dissuasif, car « la vocation du droit n’est pas d’être totalement appliqué
mais de tenir à sa fonction symbolique et d’apaisement de l’opinion publique par
397 S. ADOKPO & T. FANOU, Consultation sur l’inventaire et analyse de la législation environnementale au Bénin. Juin –aout 1992, ABE, Cotonou.
398 C’est encore rien à coté de la production législative et réglementaire française. Puisque dans la même période, précisément en 1992, la section du rapport et des études du Conseil d’Etat français, en France a recensé 7500 lois, 82.000 décrets et 20.000 règlements communautaires applicables. Cité par J.F. NEURAy, Principes de droit de l’environnement, KLUWER, EDITION Juridiques, Belgique et Story-Scientia, 1995, p.3.
399 Il s’agit des secteurs ci-après : énergie et industrie, explosif, faune, flore, gestion du littoral et exploitation portuaire, gestion des ressources en eau, gestion du sol, hygiène alimentaire, hygiène santé et salubrité publique et assainissement, mer, mines et carrières, pèche, police sanitaire, pollution du milieu marin, secours en cas de sinistre, substances vénéneuses et produits dangereux, transhumance et vaine pâture.
400 F. ROGGEN, La répression des infractions contre l’environnement, article, in l’Actualité du droit de l’environnement. Actes du Colloque, Bruylant Bruxelles, novembre 1994. V. D. ROETS, Les sanctions pénales du droit de l’environnement sont-telles utiles ? , in, Revue de Droit Rural n° 205 aout-septembre 1992 p : 324. V. aussi (J) PRADEL, Droit pénal général, 16ème édition CUJAS, 2006, Paris, p.107, 108.
146
Premiere partie
sa seule existence 401» ; force est de constater que le système répressif béninois
quoique apparemment abondant est non seulement insuffisant, incomplet et
vétuste (§ I) mais aussi éparpillé et sans cohésion (§ II)
§I : Le caractère insuffisant et vétuste des textes pénaux
L’inexistence ou l’insuffisance de réglementation dans certains domaines
sensibles et la vétusté des textes qui ne sont pas en harmonie ni avec les réalités
du pays, ni avec l’évolution du droit pénal général, constituent l’un des points
faibles de la législation environnementale béninoise.
A) Le caractère insuffisant ou incomplet des textes répressifs
Le droit de l’environnement est un droit qui embrasse tous les domaines
de la vie active. Ce qui nécessite la réglementation de plusieurs secteurs
d’activités, lesquels se multiplient davantage au regard du développement
technologique et scientifique. Une telle réglementation favorise une application
aisée du principe de la légalité criminelle. Rappelons que du point de vue
psychologique, l’argument qui sous-tend ce principe est que la loi avertisse avant
de frapper afin que le citoyen sache, avant d’agir, ce qui est interdit et puni. En
conséquence, en cas de carence de texte législatif ou réglementaire, il ne saurait
y avoir d’infraction ni de peine.
En effet, nonobstant les textes juridiques précités dans le domaine
environnemental, on observe une carence législative et réglementaire voire
un vide juridique dans certains secteurs très sensibles. Et pour cause, plusieurs
secteurs échappent encore au législateur béninois. Ainsi, l’analyse de la loi-cadre
sur l’environnement au Bénin, principal texte répressif utilise abondamment
la «technique de renvoi» pour son application effective. Il s’agit de la prise
401 V. y. AMEGANKPOE & K. AVODE (sous la direction de M. PACQUES et de M. FAURE), La force contraignante et le degré d’efficacité variable du droit international matériel et de ses principes naissants. Intensité de la règle selon les acteurs. Les sanctions non juridictionnelles cas de l’Afrique, article, in, La protection de l’environnement au cœur du système juridique international et du droit interne, acteurs, valeurs et efficacité, 2001.
147
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de textes complémentaires par l’exécutif. Précieux outil répressif, cette loi,
entrée en vigueur en 1999, présente par endroits des dispositions directement
applicables mais elle appelle aussi, la prise de près de 25 textes d’application402
nécessaires pour son application efficiente. Un effort plus ou moins important
a été fait pour produire près de 16 décrets i403. Il reste donc près d’une dizaine
de décrets à prendre ainsi que plusieurs arrêtés. Afin d’apprécier l’efficacité et la
performance de la loi-cadre, une réglementation de tous les secteurs visés nous
parait nécessaire. Or, plus de dix ans après, pas de projet de décret en instance.
Aussi, pour une bonne application desdits décrets, renvoient- ils à la prise
d’arrêtés dont l’objectif est de clarifier, d’expliciter et de rendre opérationnel ou
fonctionnel les décrets en donnant plus de détails. Mais, force est de constater
que pour la plupart de ces textes, les arrêtés d’application ne sont pas pris.404
Le tableau ci-dessous renseigne davantage sur les réalisations du
législateur et sur ce qui lui reste à faire en matière de législation environnementale
au regard de la loi-cadre sur l’environnement au Bénin.
402 La loi camerounaise du 19 janvier 1994 et les décrets de 1994 et de 1995 relatifs, respectivement, aux régimes des forêts et de la faune, prévoit quant à eux 137 renvois à des textes d’application, dont plus des trois quarts restent attendus à ce jour. A ce sujet, les Députés camerounais se sont émus, « déplorant les nombreux renvois aux décrets d’application », et ont émis le vœu « qu’il y est à l’avenir moins de références aux textes réglementaires». V. Samuel NGUIFFO, Les difficultés de l’encadrement juridique de la durabilité : le nouveau régime des forets en Afrique centrale, in, Aspect contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et centrale, (coord), Laurent GRANIER, UICN, Gland, 2008, Suisse, p.96.
403 Cf bibliographie pour la liste des principaux textes réglementaires.Contre cinq décrets et plusieurs arrêtés d’application pris en application du code Burkinabé de
l’environnement.404 C’est le cas par exemple du décret n°2003-332 du 27 aout 2003 portant gestion des déchets
solides en République du Bénin ; du décret n° 2003-330 du 27 aout 2003 portant gestion des huiles usagées en République du Bénin ; du décret n°2002-484 du 15 novembre 2002 portant gestion rationnelle des déchets biomédicaux en République du Bénin, pour ne citer que ces textes pris en application de la loi-cadre sur l’environnement du Bénin.
148
Premiere partie
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149
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
La dizaine de décrets ou de lois non encore pris concerne les secteurs
sources potentielles de dégradations humaines et environnementales telles
que : les activités susceptibles de dégrader le sol, les substances nocives ou
dangereuses objet de diverses pollutions des eaux, la gestion des déchets
dangereux, la réglementation des installations classées, l’exploitation des
espèces sauvages animales ou la réglementation des parcs zoologiques405, les
substances chimiques nocives ou dangereuses406. Ainsi, l’usage des substances
susceptibles d’altérer la qualité de l’eau, comme le déversement ou l’épandage d’
effluents des exploitations agricoles, l’usage des pesticides ou engrais chimiques
agricoles, abondamment utilisés par les paysans, notamment producteurs de
coton, est certes réglementé407 en ce qui concerne la procédure d’agrément
et leur manipulation surtout quant à la santé humaine mais pas en ce qui
concerne les conséquences désastreuses sur l’environnement408. En l’absence de
statistiques béninoises sur le droit des pesticides, sur l’impact négatif de ceux-ci
sur l’environnement, et, afin de se faire une opinion sur l’ampleur des dégâts,
nous empruntons les statistiques canadiennes. Ainsi, Maryse GRANDBOIS
nous renseigne « qu’au Québec, 40% des ventes des produits antiparasitaires
sont constitués d’insecticides dangereux, lesquels sont responsables de 422
intoxications pour la seule année 1979 »409. Il en est de même du secteur des
inondations qui reste marqué par un vide juridique alors que le phénomène
405 Par exemple en France, le principe est celui de l’autorisation préalable pour l’ouverture d’établissement détenant les animaux sauvages. L’article 6 de la loi du 10 juillet 1976, complété par le décret n°77-1297 du 25 novembre 1977 organise un contrôle sévère de l’ouverture et du fonctionnement des établissements de vente, d’élevage, de location, de transit d’animaux non domestiques ainsi que des établissements fixes ou mobiles destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. V. M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édition, Dalloz, Paris, 1996 p.284.
406 Cf. Tableau n°6407 Cf. loi n° 91-004 du 11 février 1991 portant réglementation phytosanitaire en République
du bénin et le décret n°92-258 du 18 septembre 1992 qui fixe les modalités de son application
408 Les conséquences sont énormes et sont relatifs à la baisse de fertilité des sols, pollution des eaux, de l’air. La rémanence de la DDT dans le sol atteindrait près de 40 ans.
409 Op cit. cf. http: //id.erudit.org/017258ar, www.erudit.org. Au Mali, l’activité est régit par le décret n°02-014du 03 juin 2002 instituant l’homologation et le contrôle des pesticides en République du Mali et son décret d’application n°02-306P/RM du 023 juin 2002 fixant les modalités d’application de ladite loi.
150
Premiere partie
est cyclique et occasionne d’importants dégâts humains et environnementaux
chaque année. A défaut d’une réglementation en bonne et due forme (décret
ou loi) du secteur, définissant entre autres, les modalités de lutte contre ces
risques naturels et les mesures répressives préconisées pour remédier aux
défaillances du système, le législateur béninois se contente simplement d’un
arrêté ministériel laconique, définissant les zones impropres à l’habitation410.
Cette situation n’augure pas d’une bonne gestion des inondations dues en
grande partie àl’occupation anarchique des populations de l’espace urbain
impropre aux habitations et ce, sans impunité.
En outre, une lecture approfondie de la loi-cadre sur l’environnement
montre que certains domaines demeurent encore sans textes d’application.
Il s’agit des domaines très sensibles non réglementés ou ignorés encore du
législateur411 ; et dont l’importance se fait de plus en plus remarquer du fait
du développement scientifique et technologique très avancé. On peut citer en
l’occurrence le secteur de la biosécurité ou biotechnologie412, notamment en ce
qui concerne la gestion des OGM413 et la gestion du secteur de la radioactivité en
ce qui concerne les déchets radioactifs et la gestion des catastrophes naturels,
notamment les inondations. N’est –ce pas la loi qui devrait être au service de la
410 Art. N° 0002/MEHU/DC/DUA du 7 février 1992, définissant les zones impropres à l’habitation. En France par contre, la gestion des inondations est régit par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation de leurs dommages (C. env. art.211-12 et L 211-13). Cette loi a instituée des servitudes d’utilité publique.
411 Cf. Tableau n°6412 Le Burkina Faso, connaît à ce sujet un progrès remarquable avec la loi n°005-2006/AN du
17 mars 2006 portant régime de sécurité en matière de biotechnologie. Elle détermine entre autres, les conditions d’utilisation des OGM et leurs produits dérivés, les mesures préventives et les mesures répressives. Il en est ainsi puisque depuis juillet 2003, le Burkina Faso pratique des essais sur le coton Bt. V. à cet effet, la revue, semences de la biodiversité, n°39 mai 2005, ONG Grain, Cotonou, Bénin.
413 Rappelons à cet effet que le Bénin, conformément au principe de précaution et se fondant sur le protocole de Cartagena sur la prévention des risques technologiques a interdit temporairement l’utilisation des OGM sur son territoire à travers un moratoire de cinq (05) ans (2002-2007). Suite a une évaluation, le moratoire a été reconduit pour une nouvelle période de cinq ans qui court de 2008 à 2013. Le moratoire interdit l’importation, la circulation et la commercialisation des OGM et dérivés dans le pays. Malheureusement jusqu’à ce jour aucun décret d’application du moratoire n’est pris du fait, entre autres, de la pression des multinationales sur les autorités politiques du pays a en croire l’ONG Grain.
151
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
technologie et non la technologie au service de la loi ? La loi devrait s’inscrire
dans une vision anticipatrice de l’approche pénale pour assurer une meilleure
protection de la société.
Il s’ensuit qu’il y a possibilité pour le juge, quand le cas se présentera
à lui, d’avoir des difficultés pour rendre sa décision au quel cas, il rendra un
mauvais jugement pour éviter de se rendre coupable d’un déni de justice. Dans
le souci d’échapper à des situations désagréables de ce genre, il faut éviter les
vides juridiques en légiférant afin de faciliter la tâche au juge. Car le principe de
la légalité pénale est claire : « nul ne peut être frappé de sanctions pénales qui
n’étaient pas prévues par la loi avant la commission de l’infraction » d’une part,
et « le juge ne peut prononcer la sanction pénale qu’autant que le fait poursuivi
était prévu et qualifié par la loi ». Autrement dit, une action ou une abstention,
aussi préjudiciable soit-elle à l’ordre social, ne peut être sanctionnée par le juge
que lorsque le législateur l’a visé dans un texte et interdite sous la menace d’une
peine.
Par ailleurs, en droit africain, la procédure d’internalisation de normes
internationales au plan interne dans le domaine environnemental n’est pas
toujours respectée. S’il est aisé de constater que certaines conventions
internationales relatives à la protection de l’environnement ont fait, à ce jour,
l’objet de mesures législatives, réglementaires ou autres de mise en œuvre414,
la plupart d’entre elles ne connaissent pas de mesures internes de mise en
œuvre415 ; de sorte qu’à l’instar de certaines lois demeurant toujours sans texte
d’application416, il y a des conventions sans lois d’habilitations et sans décret ou
arrêté d’application. Car pour être mis en œuvre et intégrer l’ordonnancement
juridique interne, les conventions ou traités doivent se traduire sous la forme
414 Comme la convention relative au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale autorisée par la loi n°2001-26 du 9 août 2001portant autorisation de ratification du statut de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la cour pénale internationale et son décret de ratification signé le 28 août 2001.
415 Vincent ZAKANE, Problématique de l’effectivité du droit de l’environnement en Afrique : l’exemple du Burkina Faso. P.22. ces conventions n’ont point été publiées et n’ont fait l’objet d’aucune mesure législative d’incorporation ou de mesures administrative d’application. Par exemple au Bénin, de 1986 à 1990 la parution du JORB a été interrompue.
416 C’est le cas de la loi-n°2002-16 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République du Bénin, le code de l’eau.
152
Premiere partie
de lois, décrets ou arrêtés. Le Bénin ne fait pas exception. L’acte de ratification
de ces conventions leur confère certes, habilitation permettant leur intégration
dans l’ordonnancement juridique interne, mais l’acte qui est en réalité une loi,
ne vaut pas texte d’application pourtant nécessaire à sa mise en œuvre. Ce
sont donc ces textes d’application qui font souvent défaut, d’où le faible degré
d’opérationnalisation desdites conventions.417
Au regard de tout ce qui précède, on peut affirmer avec M. FAURE
que l’hostilité des pouvoirs publics à légiférer ou à réglementer certaines
activités portant atteintes à l’environnement, peut tenir essentiellement à des
raisons économiques qui malheureusement emboitent le pas aux considérations
écologiques.418 Ainsi, la différence entre les délits écologiques et les délits
classiques tient au fait que la pollution est d’habitude le résultat d’activités
ayant une «valeur sociale»419. En conséquence, la plupart des lois et décrets
environnementaux donnent a priori aux autorités administratives plus qu’aux
juges répressifs, le pouvoir de décider dans quelle mesure il est possible de
mettre en danger les intérêts écologiques ou d’y porter atteinte. Le droit pénal
de l’environnement, nous le verrons plus loin, punit surtout le non respect des
normes administratives. Se sont les autorités administratives qui définissent le
contenu, mais aussi l’étendue de la protection qu’offre le droit pénal. C’est à
notre avis, l’exercice de ce « pouvoir très compliqué et difficile »420 de «balance
des intérêts 421» en cause, qui oriente l’administration ou les pouvoirs publics à
réglementer tel ou tel domaine. Cette situation lorsqu’elle se développe, conduit
inexorablement soit à une carence législative ou réglementaire soit à la confection
417 Vincent ZAKANE, Problématique de l’effectivité du droit de l’environnement en Afrique : l’exemple du Burkina Faso. P.22.
418 M. FAURE, La protection de l’environnement par le droit pénal ? Une perspective économique, p.145.
419 Voir à cet effet, l’article de M FAURE, La protection de l’environnement par le droit pénal ? Une perspective économique.
420 Idem p.146421 Idem p. 146
153
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de normes « inefficaces »422 ou « obsolètes »423 ou encore « incomplètes »424
dans la mesure où il s’agit d’une législation vétuste et caduque.
B) Le caractère vétuste et caduc des textes pénaux existants
Le droit applicable au Bénin, est un droit incomplet et parfois obsolète.
Il est inadapté dans une certaine mesure aux réalités sociales. L’apparent
foisonnement de textes législatif et réglementaire, tel que décrit au premier
chapitre, n’est en réalité que constituée de textes très anciens datant, pour la
plupart, de l’époque coloniale ou néo-coloniale et qui sont encore en vigueur. Il
s’agit des textes pénaux à caractère général425 et des textes pénaux à caractère
sectoriel.
En ce qui concerne les textes à caractère général, il s’agit essentiellement
du code pénal et du code de procédure pénale. Le premier, comme nous
l’avons signifié date de l’époque de Napoléon ; d’où son appellation de
« code napoléonien ». Il a subi certes, des modifications jusqu’à la veille des
indépendances africaines pour être applicable en AOF et AEF en 1958 sous
le nom de « code Bouvenet ». Dès lors, 50 ans après les indépendances
africaines, ce texte continue encore de guider le juge dans plusieurs pays. Au
Bénin, il s’applique comme telle, sans amendement aucune et ne reflète ni les
réalités socioculturelles, ni le niveau de développement du pays. Par exemple,
le montant des amendes est demeuré invariable, même après la dévaluation
du franc CFA intervenu en janvier 1994 et le renchérissement du coût de
la vie avec la crise économique et financière qui secoue particulièrement les
Etats africains. La conséquence qui s’ensuit est que les amendes deviennent
dérisoires. En France, le code est révisé chaque année. Bien qu’étant muet sur
422 Idem p.146423 Idem p. 146424 V. Samuel NGUIFFO, Les difficultés de l’encadrement juridique de la durabilité : le
nouveau régime des forets en Afrique centrale, in, Aspect contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et centrale, Laurent GRANIER(coord),, UICN, Gland, 2008, Suisse, p.96.
425 A l’exception de la loi-cadre sur l’environnement du Bénin qui compte parmi les textes généraux.
154
Premiere partie
la répression de l’environnement426, il continue d’inspirer non seulement le juge
mais aussi le législateur dans la détermination et l’application des peines427.
Aussi, comme le prévoit la loi béninoise portant régime des forêts en matière
de préjudices corporels ou d’obstacle à agent dans l’exercice de ses fonctions,
«seule la procédure criminelle, s’appliquent428 », c’est-à-dire le code pénal. De
plus, aujourd’hui, le juge répressif utilise très souvent les théories générales de
droit pénal telles que « la contrainte par corps »429, « l’interdiction de séjour »430,
« la récidive »431 envers les délinquants endurcis, « le sursis »432 accordé aux
délinquants primaires, etc. Toutes ces théories sont organisées nulle part
ailleurs que par le droit pénal général contenu dans le code pénal en vigueur.
Or avec l’avènement du droit de l’environnement et le développement du droit
moderne, la législation433 et la jurisprudence pénale ont beaucoup évolué et
ce, avec l’influence de plusieurs tendances doctrinales : l’Ecole néo-classique,
l’Ecole positiviste, l’Ecole de la défense sociale434. Elles conduisirent à l’adoption
de l’actuel code pénal français435, lequel ayant subi de profondes mutations,
continu d’être objet de réformes législatives et réglementaires approfondies
chaque année.
426 En dehors de la section III art.434 et ss. Intitulée destructions, dégradations, dommages qui de manière incidente quelque préoccupations environnementales.
427 Il en est ainsi de l’article 15 al.2 de la loi-cadre sur l’environnement du Bénin qui dispose « quiconque se rend coupable d’une pollution de l’environnement est tenu d’en réparer les conséquences conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements y afférents et sans préjudice de l’application a son encontre des dispositions du code pénal ».
428 Cf.art. 102 de la loi-93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forets en République du Bénin.
429 Cf. Loi du 22 juillet 1867, relative à la contrainte par corps, in, code pénal applicable en AOF430 Cf. loi du 27 mai 1885 (art.19) remplaçant la surveillance de la haute police par l’interdiction
de séjour, in, code pénal applicable en AOF431 Loi du 14 aout 1885 sur les moyens de prévenir la récidive, in, code pénal applicable en
AOF432 Loi du 26 mars 1891 et la loi n° 51-144 du 11 février 1951 abrogeant toutes restrictions
légales à l’application de la loi de sursis (JO. AOF 1952, p.577), in, code pénal applicable en AOF
433 L’actuel code pénal français est à sa 107ème édition en 2010434 (J-C) SOyER, Droit pénal et procédure pénale, 17ème édition, LGDJ, 2003, Paris, p.27-30.435 La commission de révision du code pénal commencée en novembre 1974, a déposé son
projet de code qui est entrée en vigueur le 1er mars 1994. Cf. (J-C) SOyER, op. Cit. p.36.
155
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Techniquement, J. PRADEL soutient que ce code pénal ancien est une
«œuvre imparfaite»436 non seulement à cause de la rareté des constructions
juridiques437 mais aussi de l’absence des théories à portée générale lesquelles
ont un rôle prépondérant actuellement en droit répressif. Il s’agit de la théorie
de la faute, du non cumul des peines, de l’erreur ou de l’état de nécessité438.
D’autres, comme celle de la force majeure n’ont été écrites que pour les crimes
et délits de sorte que la jurisprudence a dû l’étendre aux contraventions439.
Il en est ainsi de la légitime défense dont le champ d’action apparaît très
limité dans ce code440. Aussi, note-t- on que l’ossature même de ce code est
« illogique »441puisque la sanction est envisagée avant l’infraction. Par exemple
on a, « Livre I : Des peines en matière criminelle et correctionnelle (art. 6 à 58) ;
Livre II : Des personnes punissables, excusables ou responsables pour crimes ou
délits (art.59 à 69) ; Livre III : Des crimes, des délits et de leur punition (art.70 à
463) ; Livre IV : Contravention de police et peines (art.464 à 477) ». Et, on aurait
pu s’attendre à voir figurer en tête du code une théorie générale de l’infraction
telle qu’on la trouve dans de nombreux codes modernes alors que la partie
préliminaire ne comporte que cinq articles d’un laconisme surprenant.
Cependant, cette position du Professeur PRADEL mérite d’être
nuancée dans la mesure où ses critiques aussi bien de forme que de fond ne
concernent pas que le code pénal applicable en AOF ou au Bénin. Les codes
pénaux européens à l’instar de celui applicable en Belgique442 sont similaires
et même plus anciens. L’on ne trouvera pas, par exemple, la théorie de l’état de
nécessité qui est purement de création prétorien. Donc, il ya possibilité pour la
jurisprudence de créer le droit pour améliorer le code pénal.
En effet, on pourrait tirer, avec la professeur Maryse GRANDBOIS, la
conclusion que le développement récent du droit pénal de l’environnement
436 (J) PRADEL, Droit pénal général, 16ème édition CUJAS, 2006, Paris, p.92437 Idem 438 Idem 439 Idem440 Elle concerne les dispositions des art.327 et 328 les quelles sont relatives uniquement aux
homicides et aux coups et blessures alors qu’elle s’applique à bien d’autres infractions.441 (J) PRADEL, Droit pénal général, 16ème édition CUJAS, 2006, Paris, p.92442 La Belgique à appliqué pendant longtemps le code pénal français avant d’adopter son
propre code en 1867 très proche de ce dernier.
156
Premiere partie
montre qu’il se constitue parallèlement au code criminel. Certaines infractions du
code criminel peuvent d’ailleurs être utilisées dans la lutte contre les pollutions :
la négligence criminelle, la nuisance publique, le méfait, etc. mais l’Etat porte
rarement de telles accusations et le code criminel demeure d’une utilité limité
pour dissuader les pollueurs443.
Afin d’éviter les anachronismes, certains Etats africains comme le
Burkina Faso, ont adopté un code pénal post colonial ; alors que, le droit pénal
béninois végète toujours dans cet archaïsme du droit pénal ancien.
Quant au code de procédure pénale, retenons que le code d’instruction
criminelle de 1808 aussi dénommé « code napoléonien, » est l’ancêtre du code
de procédure pénale français de 1959 dont s’est largement inspiré le code de
procédure pénale béninois. Au Bénin, ce code à certainement connu un sort
nettement meilleur que le précédent. Sa rédaction remonte aux années des
indépendances avec la première édition qui est apparue le 7aoùt 1967, avec
l’ordonnance n°25 PR/MJL portant code de procédure pénale. La deuxième
édition est intervenue le 8 novembre 1982 et la troisième le 2 avril 1998. Malgré
toutes ces éditions, rien n’a changé fondamentalement au code initial qui n’a
pas connu de révision. Aucun article n’a été modifié et aucun commentaire ni
réforme n’a suivi. Ce n’est que tout récemment le 30 mars 2012 qu’est intervenu
le vote de la loi portant code de procédure pénale du Bénin. On note dans
l’ensemble quelques améliorations dans le domaine des droits de l’homme
mais rien dans le domaine de la protection de l’environnement. Dans le même
domaine, il est à remarquer que le code de procédure pénale français connaît
une évolution constante.
Quant au code pénal, il est en cours de révision au parlement depuis
plus de 10 ans444.Tout porte à croire qu’en cas de vote de cette loi, les infractions
environnementales n’auront pas, malgré leur spécificité, un traitement
particulier dans la gamme des infractions en général. Puisque qu’à l’examen
443 M. GANDBOIS, in, article, Le droit pénal de l’environnement : une garantie d’impunité ? Criminologie, vol.21, n°1, 1988, p.60. Internet : http://id.erudit.org/iderudit/017258ar
444 Le projet de code pénal et projet de code de procédure pénale ont été introduit par le gouvernement à l’Assemblée Nationale au cours de l’année 1997 conformément aux résolutions des états généraux de la justice.
157
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
le contenu du projet de loi n’apporte aucune innovation quant aux infractions
environnementales. Il n’existe pas dans le projet de code d’infractions qu’on
pourrait qualifier, comme l’a fait le nouveau code criminel québécois, de « crime
contre l’environnement 445».
Dans le domaine de la réglementation sectorielle, on note également
la survivance de plusieurs textes coloniaux cohabitant avec des textes plus
ou moins récents. C’est une réglementation éclatée et fragmentée, parfois
inadaptée et même frappée de caducité. Il en est ainsi par exemple du secteur
de l’eau avec le code de l’eau446 qui n’a connu jusqu’à son abrogation aucun texte
d’application. C’est également le cas de la loi relative à la transhumance et à la
vaine pâture447 ainsi que celle relative à l’usage, le commerce, la détention et
l’emploi des substances vénéneuses448 dont les dispositions ne cadrent plus avec
l’évolution actuelle du secteur, pour ne citer que celles -là.
§II : L’éparpillement des textes répressifs
La dispersion des textes449 est corollaire de la dispersion des services
administratifs de l’environnement. La responsabilité en matière environnementale
demeure à ce jour, partagée entre plusieurs secteurs ministériels. Il en est
ainsi puisque le législateur et l’exécutif entendent assurer le respect d’une
multitude de normes techniques, touchant tous les domaines d’activité, par
la voie répressive. Celle–ci devient alors une « panacée » pour faire appliquer
correctement la règle de droit. D’où l’émergence d’un corpus de législations
445 M. GANDBOIS, op, cit. p.61446 Loi-n°87-06 du 21 /9/1987, portant code de l’eau en RPB, abrogée par la loi portant gestion
de l’eau précité.447 Loi n°87-013 du 21septembre 1987 réglementation de la vaine pâture, de la garde des
animaux domestiques et de la transhumance en RPB.448 Loi n°87-009 du 21septembre 1987 relative à la répression des infractions en matière
d’usage, de commerce, de détention et d’emploi des substances vénéneuses en RPB.449 Voir, M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édition, Dalloz, Paris 1996, p. 148 et
814. V. aussi, Vincent ZAKANE, Problématique de l’effectivité du droit de l’environnement en Afrique : l’exemple du Burkina Faso. P.22 ; (Jacqueline) MORAND-DEVILLIER, Droit de l’environnement, AUPELF-UREF, Paris 1996, p.50.
158
Premiere partie
satellites, toutes pénalement sanctionnées.450 Il s’agit en réalité des textes isolés
et disparates, consacrés à tel ou tel secteur, et adoptés au gré de l’apparition
des problèmes spécifiques liés à l’environnement451. Ainsi, outre la loi cadre sur
l’environnement, qui trouve son fondement essentiel dans la constitution du 11
décembre 1990, le dispositif juridique environnemental béninois est constitué
de législations spécifiques et sectorielles concernant différents secteurs
environnementaux, tels que l’eau, les mines, les pesticides, l’hygiène publique,
les pêcheries, la faune, la flore, etc.… outre ces textes d’origine nationale,
il convient de mentionner un grand nombre de textes datant de l’époque
coloniale452. Plusieurs conventions internationales et régionales consacrées à
la protection de l’environnement et qui ont acquis une force juridique au plan
national, du fait de leur ratification par les autorités compétentes nationales,
viennent également renforcer la panoplie de textes applicables.
Par ailleurs, on remarque une tendance du législateur à s’en remettre
au pouvoir réglementaire voire à l’autorisation individuelle, pour déterminer les
éléments constitutifs des délits. Il s’agit de l’utilisation fréquente par le législateur
de la technique dite « du renvoi ». Bien qu’elle soit admise par le Conseil
450 V. à cet effet, le Rapport, intitulé, Mieux maitriser le risque pénal en matière d’environnement, présenté par M. Guy PALLARUELO au nom de la commission juridique, de la commission du commerce intérieur et de la commission de l’aménagement régional, de l’environnement , du tourisme et des transports et adopté par l’Assemblée générale du 7 mars 2002. Chambre de Commerce et d’industrie de Paris.
451 Avant la Conférence de Rio de Janeiro, le Bénin disposait de textes législatifs et réglementaires disparates concernant les secteurs déterminés comme la forêt, la pèche, la faune et la chasse. Le droit de l’environnement qui était pas une préoccupation essentielle, se limitait à quelques réglementations adoptées au coup par coup en fonction des besoins du moment.
452 Les premières réglementations remontent à l’époque coloniale et concernent notamment la protection des animaux, les forêts, les pêcheries…. Et demeurent toujours applicables. C’est le cas par exemple de l’ordonnance n°20/PR/MDRC/SP du 25 avril 1966 portant réglementation générale de la pêche dans les eaux continentales du Bénin et son décret d’application n°183 PR/MDRC du 25 avril 1966 et plusieurs autres arrêtés coloniaux précédemment cités; l’ordonnance n°38/PR/MTPTPT du 18 juin 1968 portant code de la marine marchande de la République du Bénin ; aussi dans le domaine du foncier, de l’habitat, de l’urbanisme il n’existe plusieurs textes coloniaux applicables.
159
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
constitutionnel453 et le Conseil d’Etat454 français, à cause certainement de ses
atouts indéniables, elle ne manque pas de susciter des interrogations au regard
du principe de légalité des délits et des peines et, surtout créer des « situations
juridiques confuses 455» ou « une insécurité juridique » par l’enchevêtrement
de textes de portée juridique différente mais toujours assortis de dispositions
répressives456. Le droit pénal étant d’interprétation stricte, on risque de verser
dans le laxisme du pouvoir réglementaire qui détermine et précise les contours
de l’infraction qui normalement relève du législatif. Plus concrètement, la loi
édicte, de plus en plus souvent des incriminations correctionnelles dont la
constitution dépens de données techniques (par exemple, dépassement de seuils
de pollution) fixées par des décrets, renvoyant à des arrêtés. Plus préoccupant
encore, certaines administrations, dans la logique de la hiérarchie des normes,
vont jusqu’à pousser à l’extrémité en opérant des renvois d’arrêté aux circulaires
administratives457. Cela pose dès lors, le problème de la portée juridique de la
validité d’un tel acte réglementaire. On peut dire d’emblée qu’en droit africain
francophone de l’environnement, le renvoi des textes s’arrête généralement à
la prise d’arrêté ministériel. La circulaire ministérielle n’est pas concernée. Selon
une certaine doctrine, elle est sans portée juridique contraignante. Elle n’est
qu’indicative, sauf à être requalifiée en règlement458.
453 Conseil Constitutionnel, décision du 10 novembre 1982, JO du 11 novembre 1982, p. 3393.454 Conseil d’Etat, 114 novembre 1984, syndicat des naturalistes de France, RJE 1984, p. 338,
conclusions R. DENOIX de Saint-Marc. 455 G. PALLARUELO, Cf. Rapport précité op. Cit., note 449456 Idem. 457 G. PALLARUELO, cf. rapport précité.458 Ces situations donnent lieu à des jurisprudences incertaines : une circulaire fixant les
méthodes de prélèvement d’eau pollué nécessaire à l’établissement du délit de pollution des eaux visé à l’article L 232-2 du code rural, a été écarté » en qu’étant que fondement pénal par la cour de cassation, compte tenu de son caractère indicatif ; le prévenu ne pouvait donc l’invoquer comme moyen de défense. Or, la nature réglementaire de cette circulaire apparaissait clairement, puisqu’elle édictait des modes de preuves. Ce texte était au demeurant illégal, car le Ministre ne disposait pas de la compétence réglementaire en ce domaine (crim.18 juin1969, JCP 1970, II, 16531, note M. DESPAX).
160
Premiere partie
Il a été même jugé que « les circulaires ministérielles ne peuvent exercer
aucune influence sur l’incrimination ou la pénalité. Elles ne lient point le juge
pour l’interprétation de la loi et n’ont qu’une autorité purement doctrinale459».
Au total, cet éparpillement ne facilite pas une bonne coordination de
l’activité réglementaire, dans la mesure où chaque ministère sectoriel, chaque
direction du ministère, puis chaque bureau de la direction à tendance à rédiger
ses propres textes, sans toujours tenir compte des textes rédigés par ailleurs. On
trouve ainsi des textes chargés de protéger la faune et d’autres qui visent pour
leur part à protéger le gibier. Mais, beaucoup d’animaux font à la fois partie de
la faune et du gibier…Une question fondamentale se pose : quel texte doit alors
s’appliquer ? On le voit, les textes ne sont pas toujours cohérents entre eux.
Mieux, outre ces problèmes d’éparpillement et d’incohérence des textes
environnementaux qui « perturbent » le juge dans l’application de la loi, ce
dernier ainsi que le justiciable, doivent affronter la « face cachée » de la justice
pénale en Afrique.
459 Cass. 1er juillet 1948 (B.180), in, Code pénal annoté, Emile GARCON, Nouvelle édition refondue et mise à jour par Marcel ROUSSELET, Maurice PATIN, Marc ANVEL, T1 art.1 à 294. Recueil Sirey, Paris 1952, p.39.
161
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
SECTION II : L’ACCES A LA JUSTICE PENALE
Des textes internationaux460 et nationaux461 consacrent l’accès à la
justice dans les Etats africains et en particulier au Bénin. Comment s’exerce ce
droit d’accès à la justice aussi bien dans le domaine du droit pénal en général
que dans celui relevant spécifiquement du droit répressif de l’environnement au
Bénin? Pour mieux cerner les contours d’une telle problématique, nos travaux
de recherches se sont appesanti sur le mode de fonctionnement intrinsèque de
la justice pénale (§I) et sur les obstacles ou pesanteurs socio-économiques et
politiques d’une telle justice (§II).
§I : Les obstacles liés au mode de fonctionnement de la justice
Ces obstacles s’analyseront quant aux constatations des infractions et à
leurs poursuites d’une part et quant au mode d’organisation et de fonctionnement
des juridictions, d’autre part.
460 V. art. 8 de La Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ; art.2 §3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ; le Principe 10 de la Déclaration de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement, qui concerne spécifiquement l’environnement dispose « qu’un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, y compris des sanctions et réparation doit être assuré ». Le principe 23 de la charte mondiale de la nature. V. aussi l’art.7, §1 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de juin 1981. On peut voir également les art.2, §5 et 9 §2 al.2, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, adoptée à Aarhus au Danemark le 25 juin 1998 et entrée en vigueur le 30 octobre 2001 ; l’art.235 (2) de la convention des ONU sur le droit de la mer et l’art. 230 al.4, du Traité de Rome.
461 La Constitution du Bénin du 11 décembre 1990 auquel est incorporée la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de juin 1981; la loi-cadre sur l’environnement du Bénin en son art. 109 al.2 qui déterminent les conditions de mise en œuvre de l’action publique en reconnaissant « aux associations environnementales légalement reconnues et représentatives le droit d’ester en justice et de se constituer partie civile… »
162
Premiere partie
A) Quant aux constatations des infractions et à leurs poursuites
La constatation des infractions, nous l’avons déjà précisé, c’est l’une des
phases préliminaires mais essentielle de la procédure contentieuse pénale. Elle
est diligentée par les Officiers de la Police Judiciaire. En effet, les services chargés
de rechercher les infractions et leurs auteurs, de rassembler les preuves, sont
essentiellement constituées de la police et de la gendarmerie. Or, les agents
issus de ces différents services ne connaissent pratiquement pas le droit de
l’environnement et ne disposent généralement ni de compétences techniques
en la matière ni les moyens matériels nécessaires pour constater les délits dans
ce domaine. Leur répartition spatiale462 devrait pourtant constituer un atout
formidable de mise en œuvre du principe de subsidiarité avec le rapprochement
des autorités de la police judiciaire des justiciables afin de mieux poursuivre les
délinquants ou les présumés coupables.
Quant à certains agents qui assurent le contrôle et la surveillance des
diverses pollutions et dégradations environnementales et habilités par les
lois spéciales au sein des administrations d’environnement, la situation n’est
pas n’ont plus reluisante. En effet, ces agents fonctionnaires assermentés ou
commissionnés sont dispersés au sein des administrations publiques. Ils ne
coopèrent pas volontiers entre eux et encore moins avec les forces de sécurité
publique ou avec les autorités judiciaires. Il y a donc comme une absence
de coordination des actions, notamment l’action du ministère public et les
autres actions émanant des agents fonctionnaires assermentés. Lorsque ces
derniers appréhendent des infractions, ils sont tenus par les textes d’adresser
systématiquement les procès-verbaux au procureur de la République. Mais pour
des raisons qui leurs sont propres et tenant compte du souhait du contrevenant,
ils préfèrent généralement rechercher des solutions à l’amiable comme le recours
à la transaction ou appliquer des mesures de contraintes administratives comme
des verbalisations couramment employées par les forestiers et les inspecteurs de
l’environnement, au lieu de travailler en étroite collaboration avec le procureur
de la République. Cette situation n’est–elle pas due à la complexité de leurs
462 Au Bénin et partout ailleurs, les forces de sécurité publique (gendarmes et policiers) sont disséminées dans tout le pays à travers les postes de polices et de gendarmeries.
163
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
fonctions ? Puisqu’ils doivent procéder à tous les examens, contrôles, enquêtes,
perquisitions, prélèvements, analyses, saisies nécessaires pour s’assurer du
respect des mesures relatives à l’environnement463.
Au demeurant, la méconnaissance du droit pénal de l’environnement
risque d’amener ces agents à dresser des procès-verbaux entachés de nullités ou
difficilement exploitables464 par le procureur de la République qui est l’autorité
judiciaire qui réceptionne le procès-verbal ou la plainte du plaignant. A ce niveau,
le magistrat a l’opportunité des poursuites. Autrement dit, se fondant sur son
intime conviction, il apprécie la suite à donner en procédant au règlement du PV
ou de la plainte ; ce qui lui permet de poursuivre ou de procéder à un classement
sans suite. Ce principe dit « d’opportunité des poursuites » ne constitue t-il pas
un autre handicap à l’épanouissement du droit pénal de l’environnement ?
M. PRIEUR, tente de répondre par l’affirmative en estimant que ce principe
devrait être écarté en ce qui concerne les infractions à la réglementation
écologique465certainement à cause du caractère d’ordre public attaché aux
infractions environnementales. Il s’ensuit que, dans l’exercice des poursuites,
seule une autorité judiciaire jouissant d’une certaine indépendance, de pouvoir
de décision et d’une bonne connaissance du droit applicable, au service exclusif
de la loi peut exercer une action efficace et légitime. Néanmoins, au Bénin, en
ce qui concerne la procédure d’inspection environnementale, on assiste à une
incohérence des textes puisque l’article 107 de la loi-cadre sur l’environnement
précise que « les procès-verbaux de constatations des infractions rédigés par
les policiers de l’environnement dans le cadre de leurs activités répressives,
sont adressés au Ministre (entendre Ministre chargé de la protection de
l’environnement) alors que l’un des décrets portant application466 de cette loi
dispose en son article 21 que « deux copies du procès-verbal de constatation
463 Présentation de l’état du droit pénal gabonais par la délégation gabonaise au Colloque de AHJUCAF, www.ahjucaf.org
464 (G) CANIVET, Protection de l’environnement par le droit pénal : l’exigence de formation et de spécialisation des magistrats, in, allocution prononcée à Luxembourg (CJCE) le 26 avril 2004.
465 Droit de l’environnement, 3ème édition, Précis Dalloz, 1996, Paris, p.824.466 Décret n°2005-437 du 22 juillet 2005 portant organisation de la procédure d’inspection
environnementale en République du Bénin. V. aussi l’art.69 de la loi n° 2010-44 du 24 nov.2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin.
164
Premiere partie
des infractions sont transmis au procureur de la République qui se trouve ainsi
saisi de l’infraction». L’analyse qui s’ensuit est qu’une lecture combinée des deux
textes ne rassure pas quant à la pertinence de la répression. Il y a conflit de
normes ; en ce sens que le texte d’application à savoir le décret visé qui est plus
cohérent et en phase avec la pratique de la procédure répressive normale du
fait qu’il implique le procureur de la République dans la poursuite est contraire à
l’article 107 de la norme supérieur qu’est la loi précitée.
B) Quant au mode d’organisation de la justice pénale
À l’examen des registres disponibles au sein des tribunaux que nous
avons consultés au Bénin, à défaut des statistiques, l’on se rend compte aisément
que le déclenchement de l’action publique en matière environnementale et
particulièrement en matière de protection des ressources naturelles est l’œuvre,
presque uniquement, de l’administration des Eaux et Forêts et Chasse et dans
une certaine mesure des inspecteurs de l’environnement qui font acheminer
quelques plaintes ou procès-verbaux au procureur de la République. Rarement
le procureur de la République ou un tiers supposé victime, prend l’initiative
de déclencher l’action publique. Cette situation qui dénote de la faiblesse du
recours juridictionnelle peut s’expliquer d’une part par le phénomène de la
dépénalisation des infractions et d’autre part par la lourdeur du processus
pénale.
1. La dépénalisation des infractions
En parcourant la législation béninoise en matière d’environnement, on
observe de façon pertinente qu’elle est pourtant plus répressive que réparatrice.
L’intervention du juge pénal est constamment et clairement affirmée dans toutes
les lois protectrices de l’environnement. Mais force est de constater que dans la
pratique, nonobstant ces dispositions, les recours non juridictionnels comme la
transaction pénale sont plus utilisés que la voie juridictionnelle pénale. Cette
165
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
position est aussi confortée par les textes pénaux467 qui prévoient l’arrêt des
poursuites contre le délinquant qui accepte de transiger.
Si la transaction n’est pas mauvaise en soi, puisqu’elle a l’avantage de
frapper le délinquant dans son patrimoine pécuniaire, qu’elle rend disponible
dans l’immédiat pour des actions envers la restauration de l’environnement,
il faut reconnaître qu’en cas d’usage abusif, elle affaiblit la force du système
répressif reléguant ainsi au second plan le recours pénal. Une situation que
favorise d’ailleurs dans les textes de loi, le silence du législateur quant au
moment de la transaction qui n’apparaît pas clairement. Si l’article 108 de la loi-
cadre béninoise précise que ce peut être «avant ou pendant le jugement», les
autres textes spécifiques sont muets sur la question. Ce silence du législateur est
relatif aussi au domaine d’application. Cette législation doit-elle intervenir dans
tous les cas ? Dans d’autres pays elle est restrictive et concerne les infractions
relatives à l’eau, à la pêche, à la faune ou à la flore.
L’administration forestière a cru devoir répondre devant le silence du
législateur et elle y recourt systématiquement et dans tous les cas bien que
les lois précitées précisent bien « que les délinquants récidivistes ne peuvent
bénéficier de cette transaction»468. Ainsi, nous référant à nos investigations dans
les juridictions béninoises, on peut noter qu’ au cours de l’année 1996 au niveau
de la Direction des Forêts et de la Protection des Ressources Naturelles (DFPRN)
de Lokossa, sur 48 cas d’atteintes portées à la flore, 10 cas seulement ont été
portées à la connaissance des juridictions répressives. Il convient de noter que
sur les 38 cas restants, aucun n’a fait l’objet d’une transaction en nature. Au
niveau de la DFPRN de Natitingou, il faut noter que sur 20 infractions portées à
leur connaissance, seuls 2 cas ont été déféré au Tribunal de Première Instance
de Natitingou au cours de l’année 1997. En 1998, sur 34 cas enregistrés, 33 ont
été l’objet de transaction, le tribunal n’a été d’ailleurs que saisi d’un seul cas469.
467 C’est le cas des articles 85 et 86 de la loi du 02 juillet 1993 portant régime des forets ; l’article 108 de la loi-cadre sur l’environnement et l’article 21 du décret d’application de la loi du 15 mars 1984 sur le contrôle des denrées alimentaires ; les articles 149 et 150 de la loi-2002-16 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République du Bénin.
468 Art.85 al.2 de la loi relative à la flore et 149 al.2 de la loi relative à la faune au Bénin.469 (G) SOGLO, Le droit pénal de l’environnement en droit positif béninois : possibilités et
limites de la répression, Mémoire, DEA, 1998, UB, Lomé, Togo, p.52.
166
Premiere partie
Dès lors, nous constatons que le juge pénal ne peut intervenir que lorsque
toutes les solutions alternatives sont épuisées. Le droit pénal devient ainsi
l’accessoire, ultima ratio. Ce qui fait dire à Eric Staudt, procureur du Roi, que « le
droit pénal de l’environnement aurait un caractère subsidiaire au regard du droit
administratif, la sanction intervenant seulement comme agent de dissuasion à
l’égard des sujets de droit »470.
Outre la procédure de l’administration forestière béninoise, la procédure
d’inspection environnementale des inspecteurs de l’environnement s’inscrit
aussi dans cette dynamique de reléguer à l’arrière plan la saisine du juge pénal
ou de le dessaisir tout simplement.471
Par ailleurs, il ne serait pas superflu de préciser que, le déroulement de
la procédure contentieuse de la transaction hors de la présence du juge, peut
sembler dangereux pour le respect du droit ; même si l’implication du pouvoir
judiciaire ne constitue pas toujours une garantie d’efficacité.
En dépit de ce que l’acceptation de la transaction par l’auteur constitue
une présomption irréfragable de faute472, qui permet à ce dernier d’échapper
à la justice, il semble que la matière de l’environnement se prête positivement
à cette procédure transactionnelle. En effet, d’une part le prévenu en cette
matière est souvent solvable et d’autre part la réparation du dommage causé
470 La répression des infractions en matière d’environnement, in, syllabus du cours de DEA droit et politique de l’environnement, 1998, UB Lomé Togo.
471 Lire à cet effet, l’article 18 du décret n°2005-437 du 22 juillet 2005 portant organisation de la procédure environnementale en République du Bénin, qui dispose : « A l’expiration du délai prévu pour la mise en œuvre des mesures correctives, une seconde inspection est effectuée. Après cette inspection, le Ministre ou l’autorité administrative compétente peut décider :
De classer le dossier lorsque le contrevenant s’est conformé aux lois et règlements en matière d’environnement ;
D’accorder un délai supplémentaire aux contrevenant qui ne s’est pas conformé aux lois et règlements en matière d’environnement ;
De faire procéder d’office auprès du contrevenant, à l’exécution des mesures prescrites ;D’initier un audit externe ;De poursuivre le contrevenant devant les juridictions compétentes en cas de récidive ou de non
respect des mesures correctives. »472 (F) ROGGEN, La répression des infractions contre l’environnement, in L’actualité du droit
de l’environnement, Actes du colloque, novembre 1994, édition Bruylant, Bruxelles.
167
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
ainsi que la prise de mesures destinées à supprimer le risque ou le danger, ne
relève pas souvent du droit pénal.
En dehors de cet obstacle légal à la justice que constitue la procédure
non juridictionnelle, des faits inhérents à la procédure pénale émoussent
l’intime conviction du juge et freinent la volonté des justiciables à porter leur
litige devant les juridictions.
2. Les carences organisationnelles et la complexité de la procédure pénale
En Afrique, des carences organisationnelles sont multiples et
multiformes. Le premier obstacle que l’on peut signaler en la matière est bien
l’éloignement géographique des juridictions par rapport aux justiciables.
Un regard critique sur la justice au Bénin permet de mettre en évidence
que l’appareil judiciaire est resté figé dans le passé et n’a pas suivi le rythme
de l’évolution de la société au point de paraître complètement en déphasage
avec l’attente des justiciables. Cet anachronisme à la limite du déni de justice
réside dans la carte judiciaire du pays qui date des années 60 et qui était peut
être suffisante pour couvrir une population de deux millions d’habitants, mais
qui aujourd’hui ne répond plus aux exigences d’un Etat de droit qui suppose
que le citoyen puisse accéder facilement à la justice pour se faire reconnaitre
son droit. L’implantation et le nombre réduit des juridictions font aujourd’hui
que certains citoyens sont contraints de parcourir plus de 200 km pour saisir le
juge en première instance. D’autres sont amenés à franchir jusqu’à 700 km pour
atteindre la seule juridiction d’appel qui existait dans le pays. Il suffit dans ces
conditions que le juge, face à la masse de dossiers qu’il a à traiter473, procède a
un ou deux renvois pour que le justiciable, découragé et désormais septique se
désintéresse de son affaire et n’ait plus envie de recourir à la justice dans tous
les cas de figure. N’est-ce pas là en réalité une forme de déni de justice qui ne
dit pas son nom ?
473 500 à 700 dossiers par an.
168
Premiere partie
Mais depuis 2009, on note une nette amélioration de la carte judiciaire
du Bénin. Ainsi, l’organisation judiciaire comprend actuellement neuf Tribunaux
de Première Instance474 et trois cours d’appel seulement auxquels s’ajoutent la
Cour Suprême et les 84 tribunaux de conciliation 475. Pendant longtemps le pays
ne comptait qu’une cours d’appel basée à Cotonou, la capitale économique. Le
justiciable qui vit dans le nord et qui interjette appel, devait effectuer environ
700 km chaque fois qu’il répond à une convocation du juge. Ce n’est que tout
récemment en Août 2010, qu’une seconde cour d’appel a été créée à Parakou
dans le Nord pour desservir cette localité du pays. La ville d’Abomey au centre,
abrite la troisième cour d’appel du pays depuis décembre 2011. Le justiciable le
plus éloigné peut alors parcourir environ 300 km pour atteindre la Cour d’Appel.
Mais la distance est beaucoup moins maintenant en ce qui concerne les TPI qui
sont au nombre de neuf476.
La situation est plus dramatique au Tchad du fait de l’étendue du
territoire. Avec une superficie de 1.284.200 km2 ce pays est 11 fois plus vaste
que le Bénin qui ne compte que 112.600 km2 et 22 fois le Togo avec 56000 km2.
Or, il ne dispose à l’instar du Togo que d’une seule Cour d’Appel située dans la
capitale N’Djaména. Cette cour est distant de 500 km pour le justiciable domicilié
à Abéché ; de plus de 700km pour celui habitant à Faya-Largeau ; de plus de
1000 km pour celui d’Oum-Chalouba.477
Un tel éloignement est de nature à décourager même les plus
entreprenant des justiciables. Ce phénomène s’explique surtout, au-delà des
arguments financiers et de la faiblesse des ressources humaines, par le manque
474 Alors que la loi n°2001-37 du 27 aout 2002 portant organisation judiciaire au Bénin, n’en a prévue 28.
475 Il s’agit des TPI de Cotonou (1ère classe), les autres sont de deuxième classe et basés à Porto-Novo, Parakou, Natitingou, Kandi, Ouidah, Lokossa et Abomey; Abomey-Calavi et Savalou les Cour d’Appel de Cotonou, de Parakou et d’Abomey; la Cour Suprême de Cotonou ; une Cour d’Assise qui devrait se tenir une fois par semestre et 84 tribunaux de conciliation, pour la plupart sans locaux propres.
476 Cf. Tableau n° 11 477 (K) AHADZI L’accès à la justice : brèves réflexions sur le cas des Etats d’Afrique noire
francophone, article publié dans, La protection de l’environnement au cœur du système juridique international et du droit interne. Acteurs, valeurs et efficacité, (sous la direction de M. FAURE et de M. PAQUES). Faculté de droit de Liège, octobre 2001.
169
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de volonté des dirigeants politiques africains de faire de la justice un secteur
prioritaire de développement.
Outre ce problème d’éloignement très préoccupant, l’accès à la justice
est aussi limité par des difficultés liées à la procédure. En effet, il est de notoriété
publique en Afrique noire francophone, lorsqu’un justiciable a une affaire
pendante devant le tribunal son «chemin de croix » commence ou comme le
stigmatise J.F. NEUREy, « la répression tient lieu du parcours du combattant478 ».
Il doit affronter la lenteur de la procédure judiciaire. La cour constitutionnelle du
Bénin n’a t-elle pas dans une jurisprudence constante479et conformément aux
dispositions de l’article 7 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples, condamné le délai anormalement long qui s’observe dans le règlement
des affaires au niveau des tribunaux béninois? Un procès trop long ruine chez les
parties toute espérance, car il vide l’objet du litige de son sens. « La justice face
au défi du délai raisonnable480 », voilà le thème de la rentrée solennelle du 13
novembre 2009 du barreau béninois. Le non respect du délai d’un procès est-il
un déni de justice? Le délai s’apprécie au cas par cas. Il n’est pas étonnant donc
de voir la cour constitutionnelle béninoise qualifiée de délai anormalement long
une procédure qui dure 4 ans481 alors qu’elle a, elle-même mis plus de 4 ans et
demi pour répondre à un recours en inconstitutionnalité482.
L’analyse révèle que le juge béninois n’arrive pas à respecter les délais
puisqu’il est surchargé voire inondé de dossiers de droit commun483. Quelques
statistiques permettent de cerner le volume des affaires tranchées par le tribunal
de première instance de Cotonou. En décembre 1994, la première chambre
commerciale (affaires au fond) a inscrit 270 dossiers sur lesquels 44 décisions
ont été définitivement rendues et 29 ont été radiés. En 1995, 70 nouvelles
affaires sont venues s’ajouter au solde de l’année précédente, de sorte qu’à la fin
478 Principes de droit de l’environnement, Kluwer, éditions juridiques, Belgique, 1995. p.236479 Nous pouvons citer 6 décisions ayant constatés cette violation pour l’année 2006. Il s’agit
des décisions : DCC06-046 ; DCC 06-078, DCC 06-103 ; DCC 06-151 ; DCC 06-161 ; DCC 06-176.
480 Droit et Lois, Périodique béninois, Revue Trimestrielle d’informations juridiques et judiciaires, n°017, 2008
481 DCC 00-41 du 29 juin 2000482 DCC 00-18 du 25 juillet 1996, 1er avril 1998 et 3 mars 2000483 Cf. Tableau n° 7.
170
Premiere partie
de l’année 1995, ce sont donc 267 dossiers qui étaient toujours en instance. Les
chambres de fragrants délits ont inscrits 1112 dossiers à leur rôle durant toute
l’année judiciaire 1992-1993. Par ailleurs, dans le même rapport diagnostic,
on peut lire qu’en 1995, 8968 plaintes générales ont été reçues au parquet de
Cotonou, dont 2113 ont donné lieu à des procès-verbaux d’arrestation et 3047
à l’engagement de procédure et près de 1800 dossiers sont toujours en attentes
d’être enrôlés. Le juge a en moyenne 500 à 700 dossiers par an 484 soit un peu
plus de 50.000 dossiers toutes juridictions confondues485. C’est à cet ensemble
de dossiers de droit commun486 que viennent s’ajouter les plaintes à caractères
environnementaux. Or les infractions environnementales sont pour l’essentielle
des infractions nécessitant un règlement rapide (procédure de fragrant délit) ou
à défaut la prise de mesures conservatoires.
Par ailleurs, on assiste à la complexité des procédures. Par exemple, le
demandeur qui veut faire une assignation rencontre de nombreux écueils liés
notamment à l’identité et au domicile du défendeur. En effet, l’identification est
rendue difficile par le fait que bon nombre d’africains ne sont pas enregistrés à
l’état civil soit parce que ce service fait défaut, soit parce qu’il est ignoré. Alors
comment assigner en justice un individu juridiquement inexistant ? Que faire
lorsque le défendeur n’a jamais eu d’identité officielle ? Il va s’en dire que l’on est
là devant un obstacle difficile à surmonter, car, dans ces conditions, l’assignation
ne peut être faite valablement487. Si devant les Tribunaux de Première Instance, la
procédure est pratiquement orale, elle est par contre en français488 et en général,
écrite devant la cour Suprême. Pour ce qui est de la chambre administrative,
compétente pour connaître les litiges engageant un tiers et l’administration
484 Rapport, étude diagnostique du système judiciaire béninois, MJL, Cotonou, 1996, p.12.485 Cf. Tableau n°6. Pour apprécier la masse de dossiers annuels, en 2008.486 Les statistiques avancées sont encore valable de nos jours à cause surtout de la maigreur
du personnel magistrat. Cf. Tableau n°7487 (K) AHADZI L’accès à la justice : brèves réflexion sur le cas des Etats d’Afrique noire
francophone, article publié dans, La protection de l’environnement au cœur au cœur du système juridique international et du droit interne. Acteurs, valeurs et efficacité, (sous la direction la direction de M. FAURE et de M. PAQUES). Faculté de droit de Liège, octobre 2001, p.404.
488 Nous notons également, que la langue de communication qu’est le français n’est pas maitrisée par les justiciables. Les interprètes ont souvent du mal à traduire les concepts juridiques modernes en langues nationales.
171
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
publique, elle est saisie par requête introductive d’instance signée du demandeur
ou de son avocat. Cette requête doit mentionner les noms, prénoms, profession
et domicile du demandeur et du défendeur.
En ce qui concerne le pourvoi en cassation, en matière judiciaire, il est
formé par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendue la décision attaquée
et signé du déclarant et du greffier. Dans un délai d’un mois489, la déclaration est
notifiée au défendeur par les soins du greffier en chef qui l’a reçu. Dans le même
délai le dossier est transmis au procureur général de la cour suprême par les
soins du ministère public ; alors que le délai pour se pourvoir en cassation en
matière pénale est de trois(3) jours francs490.Une fois la juridiction compétente
saisie, le dossier doit franchir d’autres étapes marquées par la production de
mémoires, par les parties, la rédaction du rapport par le conseiller rapporteur,
les conclusions du ministère public avant le déroulement du procès.
L’accomplissement de toutes ces formalités nécessite des connaissances
et une vigilance qui fait défaut à plusieurs plaideurs. Les juges font preuve d’une
stricte fermeté dans leur appréciation, on assiste souvent à des situations plus
ou moins fâcheuses donnant naissance à plusieurs cas d’irrecevabilité et de
lenteur de procédure.
La conséquence logique qui découle de ces obstacles à la justice est que
le juge africain et le béninois en l’occurrence est particulièrement limité dans
son intervention dans la protection de l’environnement. Le résultat en est que
la jurisprudence africaine est quasiment inexistante en matière de contentieux
environnemental491 à l’exception bien sûr de quelques jugements rendus au
niveau des juridictions pénales de premières instances du pays en fragrant délit,
dans le domaine des infractions forestières surtout492. Mais, très rarement ces
489 Article 49 et 50 de la loi n°2004-20 du 17 aout 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la cour suprême du Bénin, qui a abrogé la loi n°90-012 du 1er juin 1990 remettant, l’ord. N°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attribution de la cour suprême.
490 Article 56 de la loin°2004-20 du 17 aout 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la cour suprême.
491 (K) AHADZI, op. cit. p.405492 . En dehors des cas de fragrant délit, les juridictions béninoises ne connaissent pratiquement
pas de contentieux pénal.
172
Premiere partie
jugements sont frappés d’appel et le recours en cassation est quasi nul. Pourtant,
sur cet aspect, l’on aurait pu disposer d’une jurisprudence fournie en fonction de
l’importance des règles de polices en matière de protection de l’environnement.
C’est l’intérêt affiché des pouvoirs publics avec le concours des partenaires au
développement comme l’UE et la GTZ493 de préserver des parcs nationaux qui
permettent aux tribunaux de régler quelques contentieux à eux transmis par les
forestiers.
Tableau N°7 : Taux de dossiers sortis par les TPI de 2005 à 2008
Rubriques 2005 2006 2007 2008Volume des affaires 50.276 53.554 50.567 55.854Dossiers sortis au cours de la période 19.668 18.385 15.229 17.363Dossiers restants en fin de période 30.608 35.159 35.275 38.491Taux de dossiers sortis en fin de période 39 34 30 31
Source : Tableau de bord social 2008, INSAE, Cotonou 2009.
3. Le caractère spécifique de l’infraction pénale environnementale
Le traitement par le juge des infractions à caractère environnemental
déroge des infractions de droit commun. En droit commun procédural, il est un
principe cher aux juges et aux pénalistes à savoir « pas d’intérêt, pas d’action»
et l’intérêt, lorsqu’il existe doit être non seulement personnel mais aussi « né et
actuel ». Cet adage ou principe ne trouve pas entièrement application en droit
pénal de l’environnement. En effet, l’environnement est constitué d’éléments
« biotiques » et d’éléments « abiotiques », d’éléments susceptibles d’appropriation
et d’éléments insusceptibles d’appropriation privée comme les res communes
ou res nullius c’est-à-dire des choses sans maître qui « n’appartiennent à
personne mais dont l’usage est commun à tous »494, d’autant plus qu’elles sont à
493 Respectivement pour le Parc National de la Pendjari et le parc « w »494 Cf. art.714 du code civ. ; F. OST et S. GUTWIRTH (sous la direction), Quel avenir pour le
droit de l’environnement ? (sous la direction). Actes du colloque organisé par le CEDRE, Bruxelles, 1996, p.105.
173
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
la disposition des intérêts du genre humain, présent et futur. Il s’agit par exemple
de l’eau, de l’air, de la terre, des biens déclarés par les organismes internationaux
(UNESCO)495, « patrimoines communs de l’humanité » (cas de la réserve de
biosphère de la Pendjari au Bénin, de la forêt de l’Amazonie, etc.…). Il en est ainsi
des espèces animales ou végétales partiellement ou intégralement protégées.
Pour tous ces différents cas précités, la qualification de l’infraction, l’intérêt à
agir qui aurait pu être direct et personnel ne l’est pas. Il s’efface au détriment de
l’intérêt collectif, de l’intérêt de l’humanité à sauvegarder telle que la destruction
des « processus écologiques, des diversités génétiques, des écosystèmes ou des
paysages »496, des fonds marins, de la biosphère etc.
L’humanité n’appartient à personne. La prise en compte de ces
destructions se heurte alors à l’absence de « victime titulaire » d’un droit
à réparation, d’où la notion de « dommage écologique » défendue par les
Associations d’obédience écologiques régulièrement habilitées. Il en est ainsi
puisque l’environnement n’est pas un sujet de droit, bien que des propositions
intéressantes en ce sens aient été faites497.
Mais cette conception nouvelle de voir les choses en privilégiant l’action
collective de défense des milieux naturels, se heurte à l’article 2 du CPP498 et
rencontre des résistances parfois de la part de certains juges, attachés notamment
495 Sous l’égide de l’UNESCO, il a été adopté en 1972, la convention relative à la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Le parc de la Pendjari au Bénin est classé aire protégée par décret N°8839ST/F du 13 décembre 1954. Son objectif principal au départ était la protection des grands mammifères pour la chasse sportive coloniale. En 1961, la réserve est devenue parc national de la Pendjari avec les mêmes objectifs. Ce n’est que par décret N°94-64 du 21 mars 1994 qu’elle est classée par le gouvernement réserve de la biosphère du programme sur l’homme et la biosphère. (cf. rapport de mission pour l’élaboration du plan de l’aménagement et de la gestion de la gestion de la réserve de biosphère de la Pendjari, février-mars 2002, CENAGREF, Tanguiéta).
496 (M-J) LITTMANN-MARTIN et C. LAMBRECHTS, Rapport général, Le dommage écologique, en droit interne communautaire et comparé, collection droit et économie de l’environnement, Economica, colloque, Paris 1991, p.64.
497 Idem498 CPP français et béninois qui dispose que « l’action civile en réparation des dommages
causés par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l’infraction. » Or les Associations de défense ne sont pas personnellement victimes.
174
Premiere partie
au principe « nul ne plaide par procureur 499». En effet, l’hostilité de la chambre
criminelle de la cour de cassation française à l’action civile des associations a été
maintes fois soulignée. Elles s’expliquent par le particularisme de l’action civile
devant les juridictions répressives puisque celles-ci en mettant en mouvement
l’action publique, pallie l’inertie du parquet, mais, de ce fait, porte atteinte au
principe de l’opportunité des poursuites, au monopole du ministère public dans
le déclenchement des poursuites500. Pour J.F. Neurey, « nul besoin de préciser
que si les animaux et les plantes ne sont pas sujet de droits, ils n’ont pas, a
fortiori, accès au prétoire. Les mentalités et la jurisprudence majoritaire exigent
toujours que l’on soit atteint dans sa chaire ou dans ses biens, ou que l’on
risque de l’être, avant d’introduire une action 501». Il poursuit en précisant que
« pourtant, si l’on veut bien se placer dans l’optique d’une protection efficace de
l’environnement, n’importe quel citoyen ou groupe de citoyens devrait pouvoir
se plaindre d’une nuisance, sans être tenu d’administrer la preuve qu’il n’est
directement la victime502».
En effet, cette position d’hostilité de la cour de cassation française, à
l’égard des associations de défense d’environnement est donc à relativiser.
Puisque, depuis la loi dite « Barnier » de 1995503, en passant par le code rural et
l’ordonnance du 18 février 2000 et actuellement par le code de l’environnement504,
le droit pénal relatif aux associations de défense de l’environnement a évolué.
Aujourd’hui, ces associations ont le pouvoir d’ester en justice et de se constituer
parties civiles « en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect
aux intérêts collectifs qu’elles ont pour but de défendre… »505. C’est ainsi, que la
cour d’appel de Caen a condamné la COGEMA à verser dix (10.000) mille euro de
dommages intérêts à GREENPEACE le 12 avril 2005 pour importation et stockage
499 On consultera avec profit l’article de M. Caballero qui, en terme acides, présente et condamne le conservatisme de la doctrine et de la jurisprudence française relative à l’accueil réservé à l’action de groupe comparé aux solutions hardies de certains droits étrangers, in « plaidons par procureur ! De l’archaïsme procédural à l’action de groupe », Rev. Trim. dr.civ.1985, p. 247 et s.
500 (M-J) LITTMANN-MARTIN et C. LAMBRECHTS, op. cit., p.69501 Principes de droit de l’environnement, Kluwer, éditions juridiques, Belgique, 1995. p.212502 Idem.503 Loi n°95-101 du 2 févier 1995504 Art. L141-1 du C. de l’Env.505 Art. L 142-2 du C.env.
175
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
illégal de déchets nucléaire portant nuisance à l’environnement. GREENPEACE a
qualifié cette décision d’historique.506
En effet, si nous sortons du cadre habituellement connu par les juges
béninois en matière de contentieux environnemental, notamment les dommages
à caractère forestier, l’on s’en convainc facilement de la complexité du droit pénal
de l’environnement et de la difficulté qu’ont les juges de dire le droit en matière
de préjudices strictement environnementaux. Et pour cause, les juges n’arrivent
pas à déterminer avec suffisamment de précision la consistance et l’étendue
du dommage. La qualification précise de l’infraction et la détermination de son
auteur, constituent à n’en point douter des sources de controverses doctrinales
et jurisprudentielles qui illustrent parfaitement la difficulté du juge pénal dans le
processus de règlement des litiges.
Ainsi, la destruction d’un spécimen de faune, d’une espèce rare, tel un
balbuzard507, le retournement ou le bétonnage d’une station unique d’espèce
de flore menacée de disparition, l’extraction de graviers dans une frayère
d’esturgeons détruisant tout espoir de reproduction508, la pollution massive,
chronique ou accidentelle de la mer, d’un lac, d’un cour d’eau entrainant la
mort constatée de poissons, d’oiseaux, sont autant d’exemples de préjudices
incontestables car d’ores et déjà réalisés509.
Cependant, la simplicité de ces exemples n’est qu’une apparence. La
réalité du dommage écologique subira l’épreuve du doute scientifique, tout
particulièrement dans les faits de pollution. La prudence des experts, formés
aux méthodes de preuves rigoureuses propres aux sciences exactes, les conduira
souvent à des preuves dubitatives quant aux effets véritablement destructeurs
de certains rejets dans le milieu naturel. La controverse sur les conséquences
dans le milieu naturel des lessives avec ou sans phosphates, l’incinération en
mer du nord des déchets hautement toxiques sont des exemples parmi tant
506 Greenpeace-newsletter avril 2005, www.greenpeace.fr/newsletter 507 Tri .inst. Tournon, 28 avril 1981, gaz.pal.1981, 2.J.560, note Ed .Alauze ; rev. Trim..
dr.civ.1981, p.853, obs. Durry ; Cass.civ., 16 nov.1982, Bull.civ.I, n°331, p.282508 Tri. Corr. Marmende, 25 janv.1990, confirmé par Agen, 15 octobre 1990, inédits.509 (M-J) LITTMANN-MARTIN et C. LAMBRECHTS, Rapport général, Le dommage écologique, en
droit interne communautaire et comparé, collection droit et économie de l’environnement, Economica, colloque, Paris 1991, p.51.
176
Premiere partie
d’autres, de ces incertitudes scientifiques, sources de difficultés juridiques. Le
tribunal de Bastia, dans sa décision du 4 juillet 1985 relative à la responsabilité
de la Montedison pour les rejets effectués au nord du cape Corse, a relevé quant
aux conséquences dues aux rejets acides, « que les Experts ont précisé qu’il
s’agit là d’un des problèmes les plus complexes de l’écotoxicologie marine,
d’une part parce que la capacité de résistance des organismes marins à l’acidité
n’est pas connue, et d’autre part, parce que l’eau de mer n’est pas neutre mais
alcaline, que l’extrême diversité des organismes marins n’a pas permis de dire
ce qui était tolérable de ce qui ne l’était pas en fonction de chacun d’eux… ».
Ces inconnues rendaient impossible la constatation d’un dommage certain. Mais
semble t-il, pour les victimes, l’affirmation par ces mêmes experts, d’une perte
incontestable de la biomasse causant aux lieux de pêche un dommage, permit
de conclure à la réalité du préjudice subi par la prud’homme des pêcheurs de
Bastia510.
Outre ces « doutes scientifiques » qui s’imposent aux juges, son intime
conviction fondée parfois sur « une rigueur scientifique fragile » l’influence
très souvent. C’est le cas par exemple d’une décision du tribunal d’instance de
Nice. Saisi d’une demande en réparation de l’Association pour la protection des
animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), à la suite de la destruction
d’un loup, sans nier le rôle que cet animal est susceptible de jouer dans la chaîne
écologique notamment en détruisant les animaux nuisibles ou malades, conclut
à l’absence de dommage, l’animal étant lui-même devenu nuisible. Le défendeur
faisait valoir que l’ASPAS « ne peut arguer d’un préjudice quelconque dans ces
efforts pour sauvegarder les espèces en voie de disparition, du fait notamment
que l’animal abattu, solitaire et handicapé, ne représentait aucune valeur pour
la faune sauvage»511.
Enfin, l’accès à la justice pénale est aussi confrontée aux exigences socio-
économiques qui limitent le juge dans son élan de dire le droit.
510 Inédit. Pour les décisions antérieures ayant retenues la compétence du tribunal de grande instance de Bastia et ordonner une expertise pour déterminer et évaluer le dommage, voir TGI, Bastia, 8 décembre 1976, D. 1977
427, note de Raymond-Gouilloud. Citer par (M-J) LITTMANN-MARTIN et C. LAMBRECHTS, op. cit. p.51
511 Gaz. Pal.1990, I, Jur. p. 213. op. cit. 52.
177
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
§II : Les obstacles socio-économiques et politiques à l’accès à la justice
Le Bénin, à l’instar de plusieurs pays africains, a commémoré en 2010 le
cinquantenaire, donc les « noces d’or » de son indépendance, de son accession
à la souveraineté nationale. L’heure est au bilan dans tous les secteurs afin de
jauger de la capacité intrinsèque de cette souveraineté recouvrée. Plusieurs défis
restent encore à relever aux nombres desquels l’on peut s’interroger sur le bilan
à retenir dans le cadre de l’accès à la justice pénale. Afin de mieux apprécier
le fonctionnement de la justice pénale, il nous apparaît nécessaire d’analyser
d’abord les pesanteurs sociologiques qui caractérisent le contexte africain de la
justice pénale avant d’évaluer les moyens matériels, financiers et humains au
service de cette justice pénale.
A) Un contexte sociologique africain peu favorable
Le droit en général et le droit pénal en particulier est une discipline
hautement technique mais au service des populations. Les populations face à un
tel droit ont déjà assez de mal à cerner les contours d’une science qui réprime.
C’est bien dans ce contexte, qu’au nom de la préservation de la nature et de
l’environnement qu’elles doivent se familiariser avec de nouveaux concepts et
les exigences du droit pénal et de la procédure pénale de l’environnement. Il
nous semble alors nécessaire de faire d’abord une clarification en examinant ce
contexte sociologique qui s’apparente à notre sens à « une sociologie pénale 512».
C’est dans cette logique que, nous focaliserons notre réflexion sur deux centres
d’intérêt qui fondent notre appréhension quant à la fiabilité des procédures
judiciaires : l’analphabétisme et l’ignorance d’un côté et la crainte excessive mais
justifiée à l’égard de la justice pénale de l’autre.
512 Souligner par nous même.
178
Premiere partie
1. L’analphabétisme et l’ignorance
L’effectivité du droit suppose qu’une règle de droit qui existe est connue
des citoyens qui en sont les principaux destinataires. Il est, en effet, évident que
l’on peut difficilement respecter une norme si on en ignore l’existence ou si on
ne peut en saisir la signification. Si le destinataire de la règle de droit se voit
imposer un modèle de comportement auquel il doit se soumettre, encore faut-il
qu’il en est connaissance. C’est cette exigence élémentaire du droit que traduit
l’adage hérité du droit romain selon lequel « nul n’est censé ignoré la loi »513.
Or, en Afrique subsaharienne, il n’échappe à personne que la plupart
des règles de droit édictées par les pouvoirs publics sont ignorées par la grande
partie de la population qui reste analphabète et n’a pas accès au droit. Ainsi,
au Bénin, la première cause qui entrave l’accès des populations à la justice est
le taux d’analphabétisme très élevé514, même si des efforts ont été consentis
durant le demi-siècle dans le domaine de la scolarisation, il n’en demeure
pas moins vrai que dans leur grand ensemble, les populations africaines sont
analphabètes. Ce phénomène d’analphabétisme qui perdure, induit au plan
juridique des conséquences quant à l’accès à la justice pénale. Ainsi, dans une
très large mesure, les populations béninoises ignorent l’existence des textes
pénaux législatifs et réglementaires qui organisent leur vie quotidienne.
Remarquons que si l’analphabétisme touche la couche illettrée
constituée de la majeur partie de la population, ne sachant ni lire ni écrire le
français, l’ignorance, mal endémique, gagne non seulement cette couche mais
aussi la petite minorité dite lettrée ou instruite. Car, ils sont très nombreux,
la proportion des fonctionnaires ou cadres des administrations publiques ou
privées qui ignorent aussi les procédures judiciaires et ne font aucun effort pour
en savoir plus.
513 V. ZAKANE, (Coord. de L. GRANIER), Problématique de l’effectivité du droit de l’environnement en Afrique: l’exemple du Burkina Faso, in, Aspects contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et centrale. UICN, Gland, Suisse, 2008, p.26.
514 Selon la BAD, il est 63% en 1995, rapport sur le développement en Afrique, Paris, Economica, p.219. V. aussi le RGPH3 du Bénin de 2002 qui affiche un taux d’analphabétisme des femmes de 72% sur une population de 6.769.914 hts.
179
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Selon les conclusions des travaux des états généraux de la fonction
publique béninoise (1996), le système juridique béninois fonctionne mal dans
son ensemble. Cette situation s’explique par : la faible couverture juridictionnelle
du pays, l’insuffisance des infrastructures et des moyens, le dualisme juridique
qui rend difficile l’administration de la justice et la lenteur des procès. Il en
résulte une méfiance des populations vis-à-vis de la justice à savoir que 64,5%
des justiciables pensent que les jugements ne sont pas bien rendus et 48%
approuvent les actes de vindicte populaire selon les résultats d’un sondage
réalisé dans le cadre des préparatifs des Etats généraux de la justice515.C’est
dans cet ordre d’idée que s’inscrivait l’allocution de l’ancien président de la
cour suprême béninois, Maitre A. ZINZINDOHOUE lorsqu’il déclarait « la loi qui
autorise tout citoyen ayant intérêt à agir, à savoir la justice administrative, n’est
pas connue de tout le monde et la cour suprême a organisé des journées portes
ouvertes au moins trois fois depuis son existence pour se faire mieux connaître
afin de mieux expliquer à la population la procédure de saisine des différentes
juridictions516».
Reconnaissant la réalité d’un tel problème, le professeur DEGNI-SEGUI
a pu écrire : en ces termes « l’un des obstacles majeurs à l’accès du prétoire en
Afrique, c’est l’ignorance du droit en général et de leurs droits en particulier
par des citoyens qui sont pourtant censés ne pas les ignorer en vertu de
l’adage nemo legem ignorare censitur »517. La question est d’autant plus cruciale
que le droit applicable est pour l’essentiel un droit hérité de la colonisation et,
donc, étranger aux mœurs de ceux qu’il est censé régir. Les gouvernants une
fois les textes adoptés et publiés ne se préoccupent plus de leur vulgarisation à
grande échelle, ce qui aggrave l’absence d’information des citoyens.
Il importe de mentionner toujours dans l’optique de stigmatiser la non
internalisation des préoccupations environnementales l’indifférence parfois
manifeste des populations à l’égard de ce qui est considéré dans le droit moderne
comme des inconvénients anormaux de voisinage : il s’agit des bruits excessifs
515 , Rapport intégré sur l’état de l’environnement au Bénin, ABE, MEHU, Cotonou, 2002.516 A. ZINZINDOHOUE, Brèves aperçu de la justice administrative béninoise, in, La Nation, n°
2775 du vendredi 6 juillet 2001, p.2517 In, L’accès à la justice et ses obstacles, p.252. Cité par (K) AHADZI, op. cit. p.401.
180
Premiere partie
et des odeurs incommodantes. Ailleurs, dans les pays du nord par exemple,
ces manifestations constituent un champ très fertile pour la multiplication des
actions judiciaires pour trouble de voisinage. Mais en Afrique, par tolérance ou
par résignation on les supporte avec philosophie518.
De cette analyse, on pourrait déduire ce qui suit : si le droit moderne
en général qui existe depuis des lustres et enseigné dans les écoles ou dans les
universités est voué au sort précédemment décrit, à savoir sa méconnaissance
fragrante, qu’en sera –t-il alors du droit de l’environnement et en particulier du
droit pénal de l’environnement, discipline encore naissante ? Dès lors seule une
volonté politique émergente soutenue des pouvoirs publics, peut imprimer une
vision salutaire en commençant par éradiquer la crainte excessive des justiciables
à l’égard des juridictions.
2. Une crainte excessive mais justifiée à l’égard de la justice
Le libre accès à la justice est constamment entravé par la révérence
excessive que le justiciable manifeste à l’égard de l’administration et des juges. La
simple évocation d’une juridiction ou du nom de juge suscite peur et inquiétude
permanente au sein des populations. Il est extrêmement rare que les justiciables
saisissent les tribunaux pour les atteintes à l’environnement.519
Dans l’opinion, l’administration est même considérée comme
« dangereuse et intouchable ». Poussant à fond son analyse, le professeur A. HADZI
estime que « cette attitude est fondée sur deux phénomènes caractéristiques
du pouvoir politique moderne africain : une personnalisation souvent excessive
des fonctions politiques et une tendance accentuée à l’autoritarisme dans
les rapports avec les administrés520 ». Ces deux phénomènes découragent les
quelques rares citoyens qui voudraient bien faire valoir leur droits en justice de
peur que leur attitude ne soit perçue comme une attaque personnelle contre
518 K. AHADZI, op. cit. p.402519 V. ZAKANE, (Coord. de L. GRANIER), Problématique de l’effectivité du droit de
l’environnement en Afrique: l’exemple du Burkina Faso, in, Aspects contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’Ouest et centrale. UICN, Gland, Suisse, 2008, p.23.
520 K. AHADZI, op. cit. p.402.
181
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
telle ou telle autorité avec les risques supposés ou réels de représailles que
celle-ci pourrait être amené à exercer contre le « rebelle »521. Dès lors s’installe
le clientélisme, le népotisme, le trafic d’influence, le favoritisme, la concussion
et la corruption qui sont d’une manière générale inhérentes aux procédures
judicaires notamment en Afrique.
Ainsi, la lenteur judiciaire, l’obsolescence des textes juridiques,
l’incertitude de la jurisprudence ainsi que la corruption réelle ou supposée qui
sévit dans le secteur ont fini par éroder la confiance que le citoyen devrait avoir
dans le système judiciaire béninois522. Selon une enquête sur la corruption et
la gouvernance au Bénin, en 2006, les sondés trouvent que la longueur des
procédures (81%), leur complexité (76%), les frais des avocats très élevés (73%),
l’influence de la corruption sur les décisions du tribunal (71%) et le coût non
officiel trop élevé (66%) sont des obstacles majeurs au recours aux tribunaux.
Ces fléaux constituent en réalité des faits de société envers lesquels
il faut engager une lutte implacable. Lorsque vous connaissez un juge ou une
autorité politique « bien placée », votre dossier aura plus de chance d’être
étudié favorablement. Au cas où vous ne connaissez personne et que vous
n’avez pas d’argent non plus, encore moins d’avocat, votre dossier peut être
classé sans suite ou subir le drame de la lenteur judiciaire. Même les juridictions
de conciliations523créées au niveau de chaque commune du pays, n’échappent
pas à ces fléaux malgré leur très faible taux de fréquentation.
Ce désintérêt de la justice, et particulièrement de la justice pénale des
populations, facilite le développement des procédures alternatives comme le
recours au règlement des conflits à l’amiable selon les procédures coutumières.
Ainsi, que le souligne le professeur SAWADOGO, « l’engagement d’une action
en justice est considéré comme un acte d’inimitié à l’endroit du défendeur qui
521 K. AHADZI, op. cit. p.402.522 V. «Le livre blanc sur l’etat de la corruption au Bénin., Réalisé par l’observatoire de lutte
contre la corruption, éd.2009. Site www.olcbénin.com 523 Cf. art.21 de la loi n° 2001-37 portant organisation judicaire en République du Bénin. il
s’agit des juridictions au bas de l’échelle de l’organisation judicaire. Il n’en existe au moins une par commune.
182
Premiere partie
ne manquera pas d’occasion de se venger. Il n’est donc pas étonnant que de
nombreux débiteurs ne soient pas attraits en justice 524».
Dans le domaine répressif environnemental, le règlement amiable se
traduit même parfois par l’immixtion de l’administratif dans le juridictionnel.
Comme en témoigne le ministère camerounais chargé de la protection de la
nature dont « l’omniprésence vient éclipser le rôle juridictionnel décisif que
seraient amenés à jouer les juridictions nationales compétentes525».Les litiges
sont donc résolus par voie de négociation, ce qui n’est pas mauvais en soi. Mais
il faut bien voir que cette attitude prive le juge pénal africain d’une grande partie
du contentieux, notamment celui relatif à l’environnement.
Le coût élevé de la justice et le déficit de moyens matériels et humains,
viennent aussi entraver la procédure pénale.
B) La carence des moyens matériels, financiers et humains
Il conviendrait ici d’examiner les moyens mis au service de la justice au
Bénin afin d’observer son fonctionnement marqué par son coût élevé et par son
déficit chronique en moyens matériels et humains.
1. Le coût élevé de la justice pour les justiciables
Conformément à l’article 7 de la charte africaine des droits de l’homme
et des peuples, on peut lire à l’article 5 de la loi n°90-003 du 15 mai 1990 portant
remise en vigueur de la loi n°64-28 du 9 décembre 1964 portant organisation
judicaire en République du Bénin et abrogée par la loi n°2001-37 du 27 avril 2002,
dont l’article 6 qui demeure inchangé, dispose, que « la justice est gratuite sous
les seules réserves des dispositions des lois fiscales concernant le droit de timbre
524 M. SAWADOGO, L’accès à la justice en Afrique francophone. Problèmes et perspectives : le cas du Burkina Faso, in, actes du colloque du Maurice. P.308. cité par (K) AHADZI, op. cit. p.402.
525 J.C. TCHEUWA, Les préoccupations environnementales en droit positif camerounais, article, RJE 1/2006.
183
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
et d’enregistrement ». Ces dispositions posent ainsi le principe de la gratuité
de la justice. Cependant, à l’épreuve des faits, ce principe souffre de fréquents
démentis en ce sens que le procès, notamment le procès pénal entraine un coût
auquel ne peuvent faire face que peu de citoyens. Par exemple, devant la cour
suprême, tout justiciable doit s’acquitter d’une caution non remboursable ayant
évolué de 5.000f CFA sous l’empire de l’ancienne loi à 15.000f CFA 526 sous la
nouvelle loi.527 Il faut également tenir compte du ministère d’un avocat qui est
pratiquement obligatoire devant cette cour et aux frais du requérant528. Pour la
plupart du temps, ces honoraires ne sont pas accessibles aux démunis ou aux
pauvres. De plus, en général, à l’issue du procès, les dépens sont mis à la charge
du plaideur perdant alors que le gagnant doit engager des frais de justice pour
faire exécuter la décision. Il n’est pas exclu qu’il se heurte à l’insolvabilité du
débiteur ou à des résistances de l’administration au cas où cette dernière est
elle-même la cause.
En définitive, comme le précise le professeur K. AHADZI, « l’accès à la
justice, on, le sait est subordonné à l’acquittement de certains droits. Ainsi, le
justiciable doit –il payer le droit de timbre ; parfois il est obligé de prendre en
charge les frais de transport du juge ou des forces de l’ordre en cas de descente
sur les lieux ; il doit aussi faire face aux honoraires d’avocat, d’huissier, etc. Tout
ceci est de nature à décourager les citoyens dont les moyens économiques et
financiers sont dérisoires ». Et, à NKOU MVONDO, de renchérir « beaucoup de
justiciables sont découragés lorsqu’ils pensent aux taxes à verser, aux timbres
à apposer, aux cautions exigées. En Afrique, tout cela ne suffit pas pour que la
justice soit en fait saisie. Il faut encore compter avec les pourboires et autres
526 Alors que le SMIG qui était de 25.000 f au Bénin, conformément au décret n° 2000-162 du 29 mars 2000, n’est actuellement d’environ 30.000 f CFA.
527 Art.6 de la loi n°2004-20 du 7 aout 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la cour suprême. JORB n°06 du 15 mars 2008.
528 Avec l’entrée en vigueur de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes, en son article 23-2°, le ministère d’avocat devient aussi obligatoire devant les cours d’appel.
184
Premiere partie
« dessous de tables » dont il faut s’acquitter pour que le dossier déposé suive
son cours normal 529».
En outre, l’assistance judiciaire qui vise à « aider financièrement
le plaideur démuni de ressources, à mener ou à subir un procès devant une
juridiction civile, pénale ou administrative530» bien que prévue par les textes
béninois531 afin d’alléger les peines des citoyens aux maigres ressources, elle
est difficile à obtenir. Elle peut être « accordée pour tous les litiges devant la
cour suprême(…). Elle doit être étudiée par une commission. Elle doit être
accompagnée de toutes les pièces susceptibles de justifier de l’indigence du
demandeur»532. D’abord rares sont les justiciables qui sont informés d’une
telle procédure ensuite pour ceux qui sont informés et acceptent d’engager la
procédure, le défaut de production d’une quelconque pièce du dossier entraine
l’irrecevabilité de la demande. Si la commission accepte, elle peut octroyer une
assistance partielle ou totale.
En France, par exemple, cette forme d’assistance judiciaire est dépassée.
Elle a été successivement remplacée par l’aide judicaire533 et l’aide juridique534.
Elle s’étend non seulement à la prise en charge des frais du procès au cours
d’une instance juridictionnelle mais aussi à tous les frais inhérents à la défense
d’un droit. L’aide juridique comprend donc l’aide juridictionnelle, l’aide à l’accès
au droit et l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue et en
matière de médiation pénale et de la composition pénale535 de sorte à obtenir
un procès équitable, idéalement à un niveau similaire à ce qu’un client payant
recevrait comme c’est le cas au Canada536.
529 N.P. NKOU MVONDO, La crise de la justice de l’Etat en Afrique noire francophone, PENANT, n°824,1997, p.218.
530 R. GUILLIEN et J. VINCENT, op. cit., p.30531 Elle est organisée par les art.7, 8,9 et 10 de loi n°2004-20 du 7 aout 2007 précité.532 Idem. 533 Elle est instituée par la loi n°72-11 du 3 janvier 1972qui fixe un certain seuil de revenu
mensuel : cf. R. PERROT, op. cit., p.71534 Loi- n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. V. aussi la Loi n° 2007-210 du 19
février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique.535 Idem. Cf. art.1536 Patricia HUGHES et Mary Jane MOSSMAN, Repenser l’accès à la justice pénale au Canada :
un examen critique des besoins, des réponses et des initiatives de justice réparatrice, Canada, mars 2001.
185
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Comme on le constate au Bénin, l’accès à l’assistance judiciaire
nécessite des frais supplémentaires au requérant pour constituer le dossier.
C’est, avouons-le assez pénible pour ces mêmes démunis de jouir de ce droit.
Cette forme d’assistance judiciaire dont le mobile repose sur la détermination de
l’indice de pauvreté ou d’indigence est –t-il encore fiable ? Et comment se calcul
cet indice de pauvreté ?
Au regard de tous ce qui précède, nous estimons que les craintes des
populations au regard du fonctionnement de la justice pénale, nous paraissent
justifiées.
Tous ces paramètres, les uns plus imprévisibles que les autres, peuvent
dissuader d’innombrables citoyens à engager ou à poursuivre une action en
justice. Or la défense de leur droit en dépend.
2. Un déficit chronique de magistrats spécialisés.
Le Bénin, dans sa politique répressive est très limité aussi bien par
les infrastructures judiciaires que par les ressources humaines qualifiées, en
l’occurrence les magistrats.
Ainsi, comme en témoigne le rapport sur les Etats généraux de la
Justice537, l’insuffisance quantitative et qualitative du personnel au sein de
l’administration judiciaire est aisément perceptible. En 1996, le Bénin comptait
180 magistrats environ dont une vingtaine dans diverses administrations non
judicaires. Pour les aider dans leur tâche on dénombrait 170 fonctionnaires des
greffes et parquets, soit un ratio magistrats sur fonctionnaires des greffes de un
environ (cf. Tableau n°8 ci-dessous).
537 Etats généraux de la justice, Rapport, MJLDH, Cotonou, novembre 1996, p.15.
186
Premiere partie
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187
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Tableau N°9 : Effectif du personnel greffier en exercice dans les TPI et les CA de
2005 à 2008
INDICATEURS 2005 2006 2007 2008Effectifs des greffiers en exercice dans les TPI et CACour d’appel Abomey 7 7 7Cour d’appel Cotonou 7 7 11 12Cour d’appel Parakou 2 5 4 4TPI Abomey 12 11 15 13TPI Cotonou 16 32 31 28TPI Kandi 7 7 8 7TPI Lokossa 7 11 12 12TPI Natitingou 8 10 8 8TPI Ouidah 9 11 11 10TPI Parakou 11 14 14 12TPI Porto-Novo 13 18 18 15Ensemble 92 133 139 128
Source : Tableau de bord social 2008, INSAE, Cotonou 2009.
Tableau N°10 : Effectif magistrats en exercice dans les TPI et les CA de 2002 à
2008
INDICATEURS 2002 2003 *2004 2005 2006 2007 2008Effectifs des magistrats en exercice dans les TPI et CACour d’appel Abomey 8 8 8Cour d’appel Cotonou 15 13 12 12Cour d’appel Parakou 12 9 9 9TPI Abomey 5 5 6 7 7 7TPI Cotonou 18 19 19 24 25 25TPI Kandi 2 3 5 5 5 5TPI Lokossa 4 4 4 7 7 7TPI Natitingou 3 3 7 6 6 6TPI Ouidah 3 3 6 6 6 6TPI Parakou 5 5 10 6 9 9TPI Porto-Novo 9 8 9 12 11 11Ensemble 49 50 93 103 105 105
Source : tableau de bord social 2008, INSAE, Cotonou 2009.(*) Données non fiables, donc non disponible
188
Premiere partie
Au regard du Tableau n° 8 dont l’année de référence est 1995, il ressort
que la cour d’appel et les huit tribunaux de première instance du pays à
l’époque comptaient 178 magistrats, 97 étaient effectivement employés dans
les juridictions d’instance et d’appel (70 au siège et 27 au parquet). Le reste était
soit en service à la chancellerie ou soit mis à disponibilité ou en détachement
dans d’autres secteurs de l’administration ou les conditions de travail et de vie
sont plus attrayantes. Sur les 171 fonctionnaires des greffes, 132 servaient dans
les juridictions.
A titre comparatif, toute proportion gardée, la France comptait dans la
même période environ 6800 magistrats pour plus de 18.000 fonctionnaires des
greffes et parquets, soit un ratio de un tiers. Autrement dit, au Bénin, un magistrat
a approximativement un fonctionnaire pour l’assister dans son travail alors qu’en
France son collègue en a trois. Un autre ratio que l’on peut tirer de ces données
chiffrées concerne celui de la démographie sur le nombre de magistrats ; pour
la population béninoise de cinq millions d’habitants à l’époque, nous avons un
magistrat pour 28.000 habitants environ tandis que pour la France qui comptait
à la même année 55 millions habitants, nous avons un ratio de un magistrat pour
8500 habitants environ.
L’effectif du personnel judiciaire n’a pas tellement varié. Mieux, les
difficultés sont plus accentuées avec les mêmes infrastructures, l’accroissement
des besoins et le gel des recrutements des magistrats pendant plus d’une
décennie538 avec une timide reprise en 2000, et bien entendu, la radiation de
magistrats par le conseil supérieur de magistrature. Ces causes ont contribué à
réduire considérablement le nombre des magistrats qui s’est stabilisé au cours
de la période 2005 à 2008 à environ 100 magistrats539 pour 128 greffiers en
2008540. Aujourd’hui en 2012, on dénombre 151 magistrats en fonction dans
538 De 1986 à 2000, le Bénin a connu un gel du recrutement des agents permanents de l’Etat, tout corps et toutes catégories confondues imposé par les institutions de breton Wood afin de mieux contrôler la masse salariale.
539 Cf. Tableau n°10: Effectif magistrats en exercice dans les TPI et les CA de 2002 à 2008.540 Cf. Tableau n°9: Effectif du personnel greffier en exercice dans les TPI et les CA de 2005 à
2008
189
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
les cours et tribunaux du pays selon le décret n°2011-800 du 29 décembre 2011
portant nomination des magistrats dans les TPI541.
Tableau N°11 : Nombre de magistrats actuellement en fonction dans les 17
cours et tribunaux du Bénin
PARQUET SIEGE TOTALTPI DE LA COUR D’APPEL DE COTONOU
TPI/Cotonou 06 26
76
TPI/Porto-Novo 04 11TPI/Ouidah 03 07TPI/Pobè 01 02TPI/Abomey-Calavi 03 10TPI/Allada 01 02
TPI DE LA COUR D’APPEL D’ABOMEyTPI/Abomey 03 08
24TPI/Lokossa 02 05TPI/Savalou 01 02TPI/ Aplahoué 01 02
TPI DE LA COUR D’APPEL DE PARAKOUTPI/Parakou 02 06
22TPI/kandi 02 04TPI/ TPI/Natitingou 02 03TPI/ TPI/Djougou 01 02Cour d’appel de Parakou 02 04 06Cour d’appel d’Abomey 03 04 07Cour d’appel de Cotonou 03 04 07
TOTAL 151
Source : Décret n°2011-800 du 29 décembre 2011 portant nomination des magistrats dans les TPI
A ce déficit chronique en ressource humaine qu’accompagne une
très faible répartition géographique des tribunaux sur le territoire national
(17 cours ou tribunaux), doublé de mauvaises conditions de travail des juges,
l’appareil judiciaire ne peut être performant. L’on déplore également la
maigreur des ressources financières allouées aux parquets et au ministère en
charge de la protection de la nature qui en réalité ne contribue pas à asseoir
une confiance et à rassurer véritablement les usagers. Toute chose qui éloigne
541 Cf. Tableau n°11 qui décline l’effectif actuel des magistrats dans les juridictions du pays.
190
Premiere partie
ces derniers des tribunaux. C’est dans cette logique que s’inscrit l’inquiétude
de E. STAUDT lorsqu’il écrit que : « La précarité endémique des moyens mis
à la disposition des parquets d’instance ont jusqu’à présent constitué autant
d’obstacles indéniables au développement raisonné d’une politique criminelle
de protection de l’environnement 542». Comme pour expliquer que le mal n’est
pas seulement qu’africain, encore moins béninois, un éminent avocat parisien
Daniel Soulez LARIVIERE renchérit en décrivant un tableau bien sombre pour
la justice de son pays : « la médiocrité de la justice française est à cet égard
effrayante. Par son budget, ses instruments de travail, son personnel et son
domaine d’intervention…Le budget de la Justice, c’est 1,35% du budget de l’Etat,
c’est-à-dire deux à trois fois moins que dans les démocraties comparables…
La vérité est celle-ci : les politiques se fichent complètement de la justice…
Les moyens matériels : il s’agit des méthodes de travail des juges, mais aussi
des moyens de fonctionnement. Songeons que les juges n’ont, pour la plupart
aucune bibliothèque sérieuse digne d’un avocat normalement équipé. Ils ont
peu de données informatiques. Ils ne disposent d’aucun collaborateur pour
effectuer leurs recherches ou préparer sur leurs instructions la décision qu’ils
vont prendre. Aucun, chef de service, aucun haut fonctionnaire, aucun avocat ne
pourrait, à partir d’un certain niveau, travailler de cette manière. Au tribunal de
grande instance de Béthune (mars 1988) retard de 2 à 7 mois à la dactylographie
des minutes, des pièces d’exécution et des extraits financiers ; 800 décisions
signifiées en attente d’exécution543… ».
En conclusion, on peut affirmer que le système répressif béninois de
l’environnement est fonctionnel mais il est confronté à des disfonctionnements
liés à la faiblesse du cadre normatif de sorte que les sanctions applicables par le
juge pénal s’en ressentent.
542 E. STAUDT, La répression des infractions en matière d’environnement, article, in, Le droit des affaires en évolution, l’entreprise face au droit pénal, Bruylant, Bruxelles, 1995, p.157
543 Cf. Etats généraux de la justice, Rapport, MJLDH, Cotonou, 1996, p.45
191
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
CHAPITRE IV : L’EFFECTIVITE DES SANCTIONS PENALES ENVIRONNEMENTALES
Si « qui condamner ?» s’avère difficile, « comment condamner? » est
quasiment insoluble. Lorsque les éléments constitutifs de l’infraction sont
réunis, pourquoi ne pas condamner ? Comment, par exemple intervenir
pénalement pour les actes ou les omissions qui peuvent avoir pour conséquence
de déséquilibrer pour des années le biotope dont dépendent des populations
entières, une faune et une flore544 ? Cette série de questionnement prouve
bien les difficultés du juge pénale de rendre effective l’application des sanctions
pénales, particulièrement en matière d’atteinte à l’environnement. Le droit pénal
n’a pas pour vocation de réparer mais de punir. Or, les poursuites contre les
pollueurs, notamment les plus importants sont très rares et plus rares encore les
condamnations prononcées à ce titre545. Certains systèmes juridiques, n’ont pas
du tout recours au droit pénal mais uniquement à des sanctions administratives
ou de réparation civiles, d’autres ne proposent de sanctions pénales que très
peu dissuasives et donc sans effet probant sur le comportement des délinquants
écologiques, dans la mesure où ces sanctions pénales environnementales
devraient être « effectives, proportionnées et dissuasives »546. Quelle est la
réponse du droit pénal béninois en terme d’application des sanctions pénales
environnementales ? La problématique de l’effectivité des sanctions pénales
environnementales, pose le problème de l’applicabilité des sanctions pénales
ou de leur mise en œuvre effective (section I) d’une part et la tendance à
l’indulgence à l’égard des sanctions pénales environnementales d’autre part
(section II).
544 Christian-Nils ROBERT, in, article, Limites du droit pénal : quelques interrogations. Travaux CETEL, p. 20, n°35 Oct., 1989.
545 Christian-Nils ROBERT, in, article, Limites du droit pénal : quelques interrogations. Travaux CETEL, p. 20, n°35 Oct., 1989.
546 V. JAWORSKI, L’union européenne et la protection pénale de l’environnement, www.cdpt.u-strasbg.fr.
192
Premiere partie
SECTION I : LA MISE EN ŒUVRE DES SANCTIONS PENALES ENVIRONNEMENTALES
Le droit de l’environnement, nous l’avons déjà précisé, est un droit
essentiellement basé sur le droit administratif en ce sens qu’il participe de la
détermination des éléments constitutifs de l’infraction environnementale
lesquels se résume en la violation de prescriptions administratives. On parle dès
lors, comme nous l’avions déjà dit de « dépendance administrative » du droit
pénal de l’environnement. Traditionnellement, l’ordre public correspond à la
tranquillité, à la sécurité et à la salubrité. Il s’agit pour les autorités publiques
d’éviter des dommages individuels ou collectifs, provoqués par des désordres,
des accidents, des atteintes à la santé, à l’hygiène publique et à l’environnement.
Ainsi, l’autorisation est instituée quand une activité donnée présente certains
dangers mais ne mérite pas pour autant d’être interdite : toute personne qui
désir entreprendre n’a pas le droit d’apprécier elle-même le risque que son projet
comporte et doit confier le choix de ce pronostic à l’administration, laquelle
refuse ou délivre l’autorisation en l’assortissant ou non de conditions à respecter
par le pétitionnaire547.C’est pourquoi, des mesures de polices préventives ou
réglementaires telles que les autorisations, les déclarations, les permis, les
interdictions, les injonctions, les obligations, ou toute autre mesure coercitive,
permettent d’ appréhender le risque ou l’action nuisible avant qu’il ne se réalise.
Ces mesures pour la plupart administratives, viennent réglementer les diverses
activités anthropiques quotidiennes dégradantes de l’environnement. Ces
mesures qui se confondent aux prérogatives de puissance publique, s’exercent
en l’occurrence à travers les trois fonctions juridiques de l’Etat que sont : la
fonction administrative, la fonction normative et la fonction juridictionnelle548.
En effet, la fonction normative (pour ne parler que de celle là), consiste à
créer des règles de droit ou des mesures de police générales ou spécifiques. Elle
est fondamentale en droit de l’environnement. Elle permet non seulement d’avoir
547 J.H. ROBERT, chronique de jurisprudence ; infractions contre la qualité de la vie : environnement, RSC octobre –décembre 1990, p : 801.
548 Cf. M. PAQUES, Eléments de droit public, université de Liège, 2ème éd. 1995 pour de plus amples informations.
193
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
des incriminations claires, mais aussi de préciser le mode d’incrimination des
atteintes à l’environnement. C’est donc cette clarification que fait le Professeur A.
DE NAUW, dans son ouvrage Les Métamorphoses Administratives du droit pénal
de l’entreprise549 lorsqu’il déclare qu’il « existe en droit pénal de l’environnement
deux manières d’élaboration des incriminations. Une première manière consiste
à rédiger des incriminations accessoirement par rapport au droit administratif.
Cette manière s’exprime le plus souvent en termes de pénalisation de la non
détention de l’autorisation ou de l’agréation requise par la loi et aussi par le non
respect des conditions qui l’assortissent. (…) une seconde manière d’élaboration
des incriminations détache en revanche les délits de la matière administrative
et consiste à définir au regard du droit pénal, le caractère illicite d’un acte ou
d’une abstention. Dans cette hypothèse la manière d’élaborer l’incrimination est
autonome par rapport au droit administratif.». La première hypothèse, qualifiée
de dépendance administrative des incriminations, s’analyse en une pénalisation
indirecte des infractions environnementales que consacrent la plupart des
systèmes répressifs (§I). La deuxième apparaît comme une pénalisation directe
qu’incarne le droit pénal autonome (§ II).
§ I : La pénalisation indirecte ou dépendance administrative du droit pénal de l’environnement
Les pouvoirs publics déterminent, par voie d’un système d’autorisation,
ou de permis, dans quelles mesures la pollution est tolérée ou interdite. C’est
aussi de la compétence des autorités administratives de déterminer dans
quelles mesures les intérêts écologiques sont oui ou non à protéger. En effet,
dans la plupart des législations et règlements, les dispositions pénales, sont
en appendices à ces textes et sanctionnent essentiellement le non respect
d’obligations ou de prescriptions administratives. C’est essentiellement « la
pollution non autorisée » ou « la violation des obligations administratives » qui
549 A. De NAUW, Les métamorphoses administratives du droit pénal de l’entreprise, MyS & Breesch, Uitgevers,. p : 83, cité par FAURE, Cour de droit pénal de l’environnement, troisième cycle de DEA, 1999
194
Premiere partie
est punie. Dans ce modèle, dite de « mise en danger abstraite 550», le contenu
des normes n’est pas défini par le législateur au moment de l’incrimination, mais
par l’administration qui délivre une autorisation, détermine les prescriptions
générales, octroie ou non un permis assorti de conditions ou non. La législation
environnementale regorge d’exemples qui illustrent l’application de cette
technique répressive de même que la doctrine et la jurisprudence.
A) Au niveau des violations de normes administratives
En droit positif béninois de l’environnement, le mode d’incrimination
correspond bien à ce descriptif qui fait du droit pénal, un droit entièrement
dépendant du droit administratif, voire « subordonné 551» « ou accessoire 552»
à ce dernier. L’on procède par la technique de renvoi en citant les dispositions
pénales de la loi objet du texte d’application553. Il en est ainsi de la loi-cadre
sur l’environnement qui octroie de larges pouvoirs à l’exécutif (recours fréquent
au règlement) et à l’administratif (fixations des conditions particulières des
autorisations). Elle comprend 123 articles dont les 17 derniers abordent les
dispositions pénales. Ces incriminations pénales, dans leur quasi entièreté,
dans leur conception et formulation n’appréhendent pas directement l’infraction
environnementale. Des exemples de textes sont abondants. L’on pourrait par
exemple citer des dispositions pénales dont l’incrimination est libellée sous
une formule fréquente dans le texte de loi : « l’exploitation sans autorisation
… »554 ou « est puni d’une amende de …toute personne ayant contrevenu à la
550 M. FAURE, Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, REDE, 1/2005, p : 9
551 F. ROGGEN, in, article, La répression des infractions contre l’environnement, L’actualité du droit de l’environnement, actes du colloque des 17 et 18 novembre 1994, éd. Bruylant Bruxelles.
552 J.H. ROBERT, Le contentieux pénal. Contribution lors du colloque international d’AHJUCAF, 2005.
553 En droit béninois la détermination des crimes et délits sont du domaine du législateur et les règlements du domaine de l’exécutif.
554 Art. 120 de la loi cadre
195
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
réglementation»555 ou encore « nul ne peut sans autorisation… »556. Il en est
de même des dispositions de l’article 89 de loi de police spéciale sur la forêt «
quiconque aura coupé, exploité, …sans autorisation de l’administration forestière
… » ; de l’article 155 de la loi de police spéciale en matière de chasse « est puni
de… quiconque fait acte de guide de chasse sans licence professionnelle … » etc.
La jurisprudence béninoise peu abondante en général, nous offre aussi
quelques exemples. C’est le cas dans l’affaire objet de la procédure n°36/89 où
il a été reproché aux sieurs B.T. et consorts d’avoir dans le parc national de la
Pendjari les 17 et 18 avril 1989, ensemble et de concert « illégalement pêché
des poissons sans être muni d’une autorisation administrative, de s’être rendu
coupables de délit d’exploitation forestière sans autorisation administrative»557.
Aussi a-t-il été déclaré « coupable de chasse illégale, le sieur K.O pour avoir à
Porga dans le parc national de la faune le 3 avril 1990…illégalement chassé… »558
Un autre cas similaire a été jugé dans l’affaire Ministère publique c/T.B. :
« attendu qu’il résulte du dossier et des débats, preuves et charges suffisantes
contre les nommés D.J. et D.S d’avoir a Kpodaha (Dogbo) courant septembre
1996… abattu 30 pieds d’orangers sans autorisation administrative… »559.
Notons pour conclure la jurisprudence béninoise en cette matière
qu’au tribunal de Lokossa de 1994 à 1998, sur environ 16 décisions retenues
et étudiées, 11 sont relatives à l’abatage de palmiers à huile sans autorisations
administratives, deux à la destruction d’essences forestières protégées (iroko,
samba…), 3 concernent la destruction de plantes, la coupe illicite de bois dans
un périmètre reboisé560. Comme on le constate, la plupart des décisions rendues
par les tribunaux béninois en matière de protection de ressources naturelles,
sont relatives à des violations de prescriptions administratives.
555 Art. 114 ; 120 ; 121 ; 122 de la loi cadre556 Art. 29 ; 33 ; 62 ; 68557 Jugement n° 36/89 tribunal de première instance de Natitingou. cf. G. SOGLO, op.cit. p : 37 558 Jugement n°8/90 du TPI de Natitingou (inédit).559 Tribunal de première instance de Lokossa, 1996, idem. Voir aussi le jugement n) 46/77
du 19/1/77 de la chambre correctionnelle du TPI d’Abomey : « attendu que le prévenu A.L. s’est rendu coupable d’avoir Sinhouè Lègo (Abomey) le 29 mai 1975… abattu sans autorisation administrative 34 palmiers à huile ».
560 Cf. jugements n°690/94 du 13/12/94; n° 004/95 du 10/1/95 ; n°415/87 du 16/7/96 ; n°73/97 du 21/2/97 ; n°109/97 du 18/3/98.
196
Premiere partie
En France, on retrouve également le même scénario. C’est le cas de
la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la
protection de l’environnement, quoique les dispositions pénales aient été
amendées, entre autres par la loi n°85-661 du 3 juillet 1985 et par la loi n°92-
1336 du 16 décembre 1992 ; l’article 18 dispose : « quiconque exploite une
installation sans autorisation requise sera puni d’une peine de prison d’un an
et d’une amende de …F ou de l’une de ces deux peines … »561. Cette loi a été
codifiée aux articles L511-1 à L517-2 du code de l’environnement. L’article L514-
9, relative aux dispositions pénales, précise par exemple que : « le fait d’exploiter
une installation sans autorisation ou l’enregistrement est requis est puni d’un an
d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende »562.
En droit belge, une jurisprudence récente, dite « affaire BAyER », illustre
fort bien le désastre écologique que crée ce mode d’incrimination indirecte.
Courant 1987, certains travailleurs de l’entreprise BAyER établis en région
anversoise, ont été poursuivis par le ministère public au titre de pollution de
l’eau. Est punissable sur la base de l’article 41, §1, 20 de la loi belge du 26 mars
1971 sur les eaux de surface celui qui, en violation de l’article 5, sans autorisation
préalable, ou sans respecter les conditions d’autorisation accordée, déverse des
eaux usées dans les eaux visées à l’article premier ou dans les égouts publics.
Selon le tribunal correctionnel d’Anvers, qui connaissait cette affaire en première
instance, il était établi que l’entreprise ne disposait pas d’une autorisation,
mais le tribunal a été sensible au fait que l’entreprise avait déjà sollicité une
nouvelle autorisation depuis 1974. Cette autorisation n’avait pu être délivrée
parce que les autorités avaient omis de fixer des normes sectorielles pour le
développement d’eau usée provenant de la production de dioxyde de titane.
Selon le tribunal, cette absence de réglementation créait un « vide juridique »
par lequel le demandeur de l’autorisation ne pouvait pas agir autrement que de
supposer qu’une autorisation lui serait accordée. En outre, le tribunal souligne
que l’administration, qui avait reçu la demande d’autorisation, n’avait jamais
561 M. FAURE, Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, REDE, 1/2005, p : 5
562 V. aussi l’art. L428-2 qui punit pour non détention de permis de chasse et l’art. L415-3 al.5 qui punit de 6 mois et 9.000 euros d’amende d’ouvrir ou d’exploiter sans autorisation un établissement d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques.
197
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
formulé aucune observation concernant ces déversements, bien qu’elle en
fut effectivement bien informée, étant donné les échantillons d’eaux usées
qui avaient été prélevés. Le tribunal conclu dans ces circonstances que « les
inculpés invoquent en raison, une situation d’erreur invincible pour justifier les
faits portés à leur charge »563 et les relaxe.
Ainsi, dans ce jugement, le tribunal estime que la loi du 26 mars 1971 sur
les eaux de surface pénalise uniquement le fait de ne pas détenir une autorisation
de déversement ou d’agir en violation des conditions de cette autorisation à
déverser. Bien qu’il y ait pollution matérielle, donc une situation infractionnelle,
qui se traduit par le déversement de dioxyde de titane dans les égouts publics, le
tribunal, a relaxé les inculpés en arguant du fait qu’aucune norme administrative
n’a été violée. Il n’a pas cru devoir vérifier si les déversements ont provoqué
une pollution des eaux de surface. On en déduit de cette jurisprudence que
la loi belge sur les eaux de surface limite la pénalisation de la violation des
prescriptions administratives. Puisque le tribunal ne dispose d’aucune autre
possibilité de vérifier si les eaux de surface ont été polluées ou non. Il s’agit là
de la mise en évidence de la faiblesse de cette dépendance absolue.
Cette situation « battade »564 apparaît à nos yeux comme si la détention
de l’autorisation ou le retard dans l’octroi d’autorisation régulièrement demandée
était un blanc seing pour pollution. Si ce danger ou délit abstrait suffit comme
le précise le Professeur ROBERT, pour justifier l’intervention du droit pénal565, le
seul fait d’être titulaire d’une autorisation, pour l’exercice d’une action ne justifie
pas la production d’un dommage incriminé par la loi pénale. Par exemple,
563 Tribunal correctionnel d’Anvers, 28ème Ch. Bis, jugement du 8 mai 1987, non publié. Ce jugement a été confirmé (pour d’autres motifs) par un arrêt de la cour d’appel d’Avers, 7ème Ch., 6 avril 1989, non publié. Cet arrêt est depuis passé en force de chose jugée. Cité par M. FAURE, dans son article « Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, REDE, 1/2005, p : 6
564 Souligné par nous.565 ROBERT, RIDP, vol. 65, 1994, p.955. Il l’explique comme suit: “quoique ces comportements
surnommés “délits-papiers”, ne constituent pas un péril physique pour l’environnement, ils sont considérés comme le signe d’une dangerosité potentielle chez l’assujetti ». Se référer aussi à l’art. 122-4 du CP français qui dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires »
198
Premiere partie
l’autorisation d’exploiter une installation dangereuse et polluante ne met pas à
l’abri de poursuite de chef de délit de rejet dans un cours d’eau de substances
qui ont détruit la faune piscicole. Le respect par l’exploitant des conditions de
fonctionnement imposées par l’administration n’est non plus pas considéré
par la jurisprudence française comme exonératoire de responsabilité pénale
sauf disposition expresse de la loi qui incrimine la production du dommage.
Il a été ainsi jugé que lorsqu’en raison de l’étiage du cours d’eau récepteur
des concentrations de substances chimiques admises par l’autorisation de
rejet, devenaient elles-mêmes toxiques, l’obligation générale de prudence et
de diligence imposait à l’exploitant d’adapter le mode de fonctionnement de
son entreprise aux conditions atmosphériques566. Mieux, la cour de cassation
française préfère généralement rattacher au principe de séparation des pouvoirs
qui « s’oppose à ce qu’une autorisation administrative relève le juge répressif du
devoir qui n’incombe qu’à lui d’appliquer la loi pénale.»567
Du point de vue théorique, la conséquence logique qui se dégage
en droit pénal de l’environnement à l’application de cette technique, est la
suprématie du règne de l’administratif sur le pénal. Pour paraphraser la figure
de style en droit pénal général chère aux pénalistes, à savoir « le criminel
tient le civil en l’état », on pourrait dire sur la même lancée, en droit pénal de
l’environnement, « l’administratif tient le pénal en l’état »568. En effet, pour le
professeur M. FAURE, cette « dépendance administrative » induit un certain
comportement au juge pénal : d’abord le droit pénal intervient parfois en matière
d’infractions purement administratives sans qu’il soit établi globalement qu’un
dommage écologique ait été occasionné ; ensuite si aucune obligation juridique
administrative n’a été violée, une intervention du droit pénal serait impossible
de sorte que les nuisances écologiques qui ne violent aucune obligation juridique
administrative ne sont pas, la plupart du temps, répréhensibles569 ; puisque
dans la pratique, le ministère public poursuit généralement les personnes
566 Millieras c. Association nationale pour la protection des eaux et rivières, Cour de Cass. France, ch. Crim., 10 nov.1997, n°96-86. 694.
567 Cass.crim. 26 juin 1974 : bull.crim.n°241 ; D. 1975 Jurisprudence. P.81, note Puech, JCP éd. G.1975. II. 18011, note Lindon, en matière de publicité contraire à la décence.
568 Cité par nous même 569 M. FAURE, Un défi : Les contours de plus en plus flous du droit pénal de l’environnement,
Editions Kluwer. Aménagement- Environnement, 2000, n°spécial, p : 93.
199
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
qui ont agi sans autorisation ou ont enfreint les conditions d’autorisation570.
D’une manière générale, on peut retenir que la dépendance administrative
implique que le bien juridique directement protégé n’est pas l’environnement.
L’environnement est uniquement protégé de manière indirecte pour autant qu’il
soit sauvegardé par les dispositions administratives. Chaque cas de pollution ne
sera pas automatiquement constitutif d’infraction. Ce ne sera le cas que si l’acte
ou l’omission constitue également une atteinte à une obligation en matière
d’autorisation571. Cela veut dire que ce n’est pas par exemple la pollution elle-
même qui est directement punie mais plutôt le non respect d’une disposition
administrative comme signalé plus haut dans les exemples cités. D’où les
nuisances écologiques qui ne violent aucune obligation juridique administrative
ne sont donc pas répréhensibles pour la plupart du temps. Le professeur PRIEUR
dénonce si bien cette technique répressive lorsqu’il écrit «Il est anormal que
le respect des règles administratives conduise à empêcher toutes sanctions
pénales alors qu’il y a cependant un dommage à l’environnement »572.
Au total, Il s’agit d’une dépendance administrative classique, absolue
où uniquement le non respect des décisions et actes administratifs est puni,
sans la moindre prise en compte de l’impact écologique d’un comportement.573
Il va s’en dire que dans le droit interne de plusieurs pays, à l’instar des pays
comme la France, la Belgique, les Etats africains francophones, la violation des
valeurs juridiques écologiques n’est pas encore ancrée dans le Code pénal,
contrairement à l’Allemagne et aux Pays-Bas.574
Dès lors, l’analyse de cette technique répressive soulève aussi des
conséquences juridiques dans le domaine du contrôle de la légalité.
570 M. FAURE, idem. p : 17.571 A. De NAUW, op. cit. p : 34.572 Droit de l’environnement, éd. Dalloz, 4ème éd, p : 859573 M. FAURE, Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal,
REDE, 1/2005, p : 4574 M. FAURE, Un défi : les contours de plus en plus flous du droit pénal de l’environnement,
Editions Kluwer. Aménagement- Environnement, 2000, n°spécial, p : 93.
200
Premiere partie
B) Au niveau du contrôle de légalité
Dans la pratique judiciaire, l’une des conséquences les plus importantes
est que le juge pénal pourrait être amené, au cours d’un contentieux pénal,
à apprécier les actes juridiques administratifs (autorisations ou permis). C’est
bien ce qu’explique J. MORAND-DEVILLIER lorsqu’elle écrit que « les délits
consistent en l’absence d’autorisation, le non respect des réglementations
et prescriptions techniques, la poursuite de l’exploitation malgré une mise
en demeure, l’obstacle aux droits de contrôle»575. Il s’ensuit que le procureur
de la République ne peut poursuivre que ceux qui polluent sans autorisation.
Admettons comme le suggère le Professeur FAURE, que le ministère public
poursuive un prévenu qui a agi sans autorisation ; celui-ci prétend bien disposer
d’une autorisation valable alors que le parquet estime qu’il ne peut être tenu
compte de cette autorisation dite libératoire simplement parce que le procureur
affirme que cette autorisation a été accordée de façon illicite ou parce que
celle-ci enfreint des normes supérieures576.Dans ce cas de figure, la question se
pose de savoir quelle serait l’attitude du juge pénal. Va-t-il suspendre le procès
et attendre que l’administration ou le juge administratif règle cette question
préjudicielle ? Ou poursuivra t-il le jugement ? Se fondant sur « le principe de
l’autonomie du droit pénal », la jurisprudence et la doctrine577 estiment que le
juge ne devrait pas suspendre le procès. Il peut et doit même d’office exercer
son contrôle. Autrement dit, le principe est l’appréciation de l’acte administratif
par le juge pénal. Cependant, au plan pénal, lorsqu’un prévenu est condamné
pour violation d’une condition d’autorisation qui est annulée ultérieurement
avec effet rétroactif par le Conseil d’Etat, il y a rupture du principe de l’unité
de l’ordre juridique. Selon ce principe, dans le cas d’espèce, le juge pénal ne
peut déclarer un acte administratif illégal, que lorsqu’il est déclaré illégal par
le juge administratif. Le Professeur A. De NAUW, en donne une définition sans
575 J. MORAND-DEVILLIER In, Droit de l’environnement, Ed. ESTEM, p : 141, Paris, 1996576 Voir à cet effet les articles de M. FAURE, Vers un nouveau modèle de protection de
l’environnement par le droit pénal, REDE, 1/2005; Un défi : les contours de plus en plus flous du droit pénal de l’environnement, Editions Kluwer. Aménagement- Environnement, 2000, n°spécial ; Les causes exonératoires en droit pénal de l’environnement. Editions Kluwer. Aménagement- Environnement, 1995, n°spécial.
577 Idem.
201
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
équivoque : « l’unité du système juridique requiert un même jugement sur la
légitimité d’un acte si bien que le comportement que l’administration autorise
ne peut pas être considéré comme illicite en droit pénal 578». Par ailleurs, ce
dilemme dans lequel se trouve le juge pénal pourrait se corser davantage si le
juge pénal, en plus des peines principales alourdissait la sanction par des peines
complémentaires, telle une réparation en nature sur la base d’une demande en
réparation. La jurisprudence belge de cassation récente admet que dans ce cas,
l’affaire principale et la décision sur la demande de réparation doivent pouvoir
être scindées. Le juge pénal pourrait par exemple déjà statuer sur l’infraction
mais suspendre son jugement sur une demande en réparation jusqu’à ce que
le conseil d’Etat se soit prononcé sur le recours en annulation. La cour d’appel
d’Anvers a en tout cas déjà prononcé dans plusieurs arrêts inédits, la suspension
des poursuites afin d’attendre la décision sur le plan du droit administratif579
En définitive, le juge pénal est bien tenue, lorsque le cas se présente, et
en vu d’éviter des conflits d’ordre judiciaire, de suspendre le jugement, même si
cela lui coûte la perte de son autonomie. Dès lors, la suspension des poursuites
pénales pendant la procédure administrative apparaît comme la conséquence
procédurale la plus importante de la dépendance administrative puisque le juge
se trouve ainsi lié par la réponse ou la décision « erga omnès » donnée à cette
question préjudicielle.
Une autre conséquence pas des moindre de la dépendance administrative
du droit pénal est que le prévenu peut alléguer comme moyen de défense, les
faits justificatifs.
578 Idem.579 Voir par exemple, Anvers, 7ème Ch. 15 janvier 1992, en cause MP. Cuppens Jacobs et crts. C.
Steensels. Inédit : les débats ont été recouverts afin de prendre connaissance des décisions définitives se rapportant à deux procédures pendantes devant le Conseil d’Etat ; la cause a été remise à date indéterminée et la prescription de l’action pénale a été suspendue jusqu’à la date desdites décisions définitives. Entre temps, un arrêt définitif vient d’être rendu dans cette affaire (Anvers, 7ème Ch. 19 avril 1995, même parties inédit) :v. aussi Anvers 10ème Ch.10 janvier 1995, en cause MP. Peeters et crts. C. Vervloet. Inédit. Qui a débouché sur un même jugement : remise à date indéterminé jusqu’à la décision définitive sur le plan administratif. Cité par M FAURE, op.cit.
202
Premiere partie
C) Au niveau des faits justificatifs
Circonstances exceptionnelles dérogeant à la loi pénale, les faits
justificatifs sont applicables en droit pénal de l’environnement. Ainsi, le prévenu
se fondant sur son autorisation administrative580, peut se prévaloir de l’état de
nécessité, de l’erreur de droit ou l’erreur invincible. Il peut aussi invoquer la
légitime défense581.
1) L’état de nécessité
Selon PRADEL, qui cite P. FORIERS, « l’état de nécessité est la situation
dans laquelle se trouve une personne qui ne peut raisonnablement sauver
un bien, un intérêt ou un droit que par la commission d’un acte qui, s’il état
détaché des circonstances qui l’entourent, serait délictueux».582 Dans la plupart
des systèmes juridiques, la loi ou la jurisprudence admet que l’état de nécessité
joue un rôle d’atténuation ou d’exonération de responsabilité pénale et laisse
subsister la responsabilité civile583.
Ainsi, au regard du nouveau code pénal français, « n’est pas pénalement
responsable, la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace,
elle-même, autrui ou un bien, accompli un acte nécessaire à la sauvegarde de
580 Cf. le paragraphe précédent qui a abordé les contours.581 La légitime défense, est une notion difficile d’application en droit pénal de l’environnement.
Longtemps écartée par la jurisprudence (voir Cass. France, Crim.14 oct.1997, Bull. n° 334), elle est aussi devenue de nos jours un fait justificatif sans pour autant être une conséquence directe de la dépendance administrative du droit pénal. Mais, elle est souvent alléguée par les exploitants agricoles dont les cultures ou les élevages subissent les incursions d’animaux appartenant à des espèces protégées (D. GUIHAL, op.cit., p: 224). Dans les régions limitrophes aux parcs nationaux, il n’est pas rare d’assister aux agressions dévastatrices des éléphants comme c’est le cas dans les villages riverains du parc de la Pendjari et du W au Bénin. Dans ce cas, les victimes demeurent indifférents, impuissants, sans poursuite et sans indemnisation. Car il n’existe aucun texte qui réprime ce fait contrairement au droit pénal français où la légitime défense est étendue aux biens (art.122-5 al.2 NCP français). Il revient aux paysans de prendre des mesures appropriées pour éviter d’être à proximité du périmètre de la réserve.
582 J. PRADEL, Droit pénal général, 16ème édit. CUJAS, Paris, 2006, p.321.583 Idem p.329
203
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et
la gravité de la menace »584. Avant d’être consacré par la loi, l’état de nécessité
était à l’origine, prétorien. C’est une cause de justification qui existe lorsqu’une
personne en présence d’un mal grave et imminent n’a raisonnablement d’autres
ressources que de commettre une infraction pour sauvegarder un intérêt égal ou
supérieur à celui que cette infraction sacrifie585. Il se dégage alors deux conditions
fondant la relaxe du prévenu et relative à la nature du danger et à l’actualité du
danger. L’intérêt sacrifié qui doit être inférieur à celui que l’infraction permettait
de sauvegarder et l’état de nécessité n’est pas exonératoire si le danger avait
été créé par l’agent lui-même. Ces conditions n’apparaissent pas explicitement
dans l’article précité qui retrace le cadre théorique, il n’est pas douteux qu’elles
continueront d’inspirer la pratique judiciaire.
Le droit béninois étant défaillant en la matière aussi bien dans la législation
qu’en jurisprudence, nous allons une fois de plus illustrer notre propos à travers
la jurisprudence belge et française qui regorgent d’exemples où le prévenu met
régulièrement en conflit l’application du droit pénal de l’environnement et les
exigences socio-économiques de développement.
En Flandre (Belgique), des poursuites avaient été introduites relatives au
déversement des eaux usées ne respectant pas les conditions d’une autorisation
de déversement. Cette autorisation avait été délivrée le10 mars1977 avec un
délai transitoire de 40 mois, prorogeant ainsi le délai au plus tard au 10 juillet
1980. Devant le juge, le prévenu soutient qu’il ne pouvait pas respecter les
conditions imposées par l’autorisation au motif que cela impliquerait pour lui
un investissement financier énorme à l’époque en 1980 ; période au cours de
laquelle son secteur d’activité a justement traversé une crise. Les dépenses
financières nécessaires auraient impliqué la disparition de l’entreprise et le
licenciement de 600 personnes. La cour d’Appel de Gand a admis cet argument
de l’emploi et a déclaré fondée la défense invoquant « la force majeure», « l’état
de nécessité » et « l’absence de toute culpabilité », ce qui a entrainé l’abandon
584 Art.122-7 du CP. Cf. D. GUIHAL, op.cit., p: 226585 A. Dr NAUW, op.cit., p : 88
204
Premiere partie
des poursuites judiciaires586. Dans cet exemple, pour donner gain de cause au
prévenu, le juge a considéré « la perte de l’emploi » comme une valeur supérieure
consacrant ainsi la suprématie des «raisons socio-économiques»587par le jeu
«d’équilibrage des intérêts»588 sur le respect des conditions de l’autorisation,
donc des conséquences qu’engendrerait cette activité sur l’environnement
comme valeur inférieure.
En matière d’état de nécessité, la jurisprudence est fluctuante, les
juges de Neufchâteau sont par exemple sans équivoque quant à la sauvegarde
des intérêts socio-économiques pour reconnaître qu’il y a état de nécessité
lorsqu’il a été jugé « que la ruine et la faillite de l’entreprise d’un prévenu et
ses conséquences graves au point de vue sociale et économique ou le mal
irréparable qu’aurait constitué la suspension de son activité, représentaient une
valeur supérieure à la sauvegarde de l’environnement 589 ».
L’exemple qui suit traduit la démarche inverse. Un chef d’entreprise qui
invoquait l’état de nécessité a été débouté parce qu’il avait déversé dans une
rivière du lactosérum entrainant la mort de nombreux poissons. Le prévenu a
affirmé que s’il n’avait pas pu effectuer un déversement, il aurait dû fermer son
entreprise, ce qui aurait entrainé le licenciement de 40 travailleurs. Dans son
jugement, le juge pénal a rejeté cet argumentaire fondé sur l’état de nécessité
en expliquant que « Attendu que le prévenu ne réunissait pas de son chef les
conditions de l’état de nécessité : qu’en bref, il ne peut être dit qu’en commettant
les faits qui lui sont reprochés, il a sauvegardé des intérêts supérieurs à ceux de
son industrie et de ceux qui en vivent, alors que justement l’autorité publique,
chargée du bien, admettait la nécessité d’une certaine pollution, au delà de
laquelle il n’est plus possible d’admettre cette cause justificative »590.
586 Cour d’appel de Gand, 27 juin 1985. R.W.1986-1987,1691, avec la note de A. VANDELAS. V. aussi, Gand 3 octobre 1985, R.W. 1986-1987, 1694 et la note de M. Boes. Cité par M. FAURE; Les causes exonératoires en droit pénal de l’environnement. Editions Kluwer. Aménagement- Environnement, 1995, n°spécial.
587 M. FAURE; Les causes exonératoires en droit pénal de l’environnement. Editions Kluwer. Aménagement- Environnement, 1995, n°spécial. p.22
588 M. FAURE; idem.589 Correct. Neufchâteau, 13 octobre 1977, Jurisp., Liège, 1977/1978, p : 155. Cité par F.
ROGGEN, op.cit., p : 214590 Jugement rendu le 24 déc. 1968 par le tribunal correctionnel de Verviers (Belgique).
205
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
Dans l’un ou dans l’autre cas, le prévenu est poursuivi non pas pour
une atteinte à l’environnement, bien qu’elle soit manifeste, par la pollution de
la rivière ou du plan d’eau, du fait des déversements opérés, mais simplement
parce qu’il y a non respect des conditions d’autorisation.
A notre avis, nous estimons, avec un regard critique, que l’existence
d’une autorisation administrative ne suffit pas pour retirer à l’acte accompli son
caractère délictueux. Il revient au juge pénal, en application de la théorie de la «
balance des intérêts » de respecter les éléments constitutifs qui se dégagent de
la loi et de la jurisprudence relative à l’état de nécessité. A ce niveau, la question
se pose de savoir s’il faut s’en tenir seulement à ces conditions légales et
jurisprudentielles. Le législateur, dans la détermination des conditions exigibles,
n’avait pas prévu par exemple l’éventualité qu’un prévenu pourrait alléguer des
difficultés financières. Quant on sait surtout que dans la mesure du possible, le
législateur et l’autorité administrative, dans leur rôle « d’arbitrage des intérêts »
n’ont pas prévu tous les paramètres de sorte qu’il revient au juge d’apprécier la
situation au cas par cas en tenant compte de l’esprit du texte.
Néanmoins, la solution dégagée par le juge dans le premier exemple, a
suscité beaucoup de critiques. Le professeur FAURE, par exemple, n’approuve
pas cet arrêt de la cour. Il a estimé que « le juge n’a pas opéré de distinction
dogmatique entre les causes d’exemption de culpabilité et celles de justification.
Il n’a pas non plus vérifié si les difficultés financières alléguées par le prévenu
auraient pu être prévues par le législateur ou par l’autorité administrative.
Il s’avéra in casu que l’intéressé avait la possibilité d’obtenir une subvention
couvrant jusqu’à 45% du prix de revient de l’installation d’épuration des eaux ;
de plus, le législateur avait prévu une période de transition de 40 mois. Qu’est
ce que le prévenu avait pu faire pendant cette période pour démontrer au juge
sa bonne foi ? ». Il poursuit en précisant « qu’on peut douter que le juge ait pu
tenir compte des conditions classiques de l’état de nécessité » dans la mesure
où les juges n’ont pas examiné s’il était réellement impossible pour le prévenu
d’agir légalement. Il est soutenu par BOSLy qui dans la même lancée estime qu’il
206
Premiere partie
« faut une situation exceptionnelle où le respect de la loi pénale entrainerait des
conséquences graves que le législateur n’a certainement pas voulues»591.
La jurisprudence française est aussi abondante en la matière mais
souvent sans succès pour les prévenus qui invoquent l’état de nécessité. Il en
est ainsi par exemple de la destruction des rapaces, espèces protégées, qui
viennent chercher leur pitance dans des élevages de volailles ou de lapins. Les
tribunaux sont, par rapport à ces violations, sévères au motif que les incursions
des prédateurs ne sont possibles que parce que leurs proies sont retenues
dans de simples enclos dépourvus de protection aérienne. Le choix de ne pas
s’équiper de dispositifs préventifs rend illégitime le recours à des destructions
pénalement sanctionnées592. Ainsi, le caractère d’espèces protégées des rapaces
a une valeur supérieure que toutes autres considérations économiques.
Tel était aussi le cas de 49 faucheurs de maïs transgénique poursuivis
devant la juridiction pénale d’Orléans pour dégradation de bien d’autrui
(destruction d’un champ de maïs). Il s’agit en l’espèce des essais opérés dans
ledit champ, conformément à une autorisation ministérielle. Poursuivis devant
le tribunal, les prévenus ont été relaxés par le tribunal correctionnel d’Orléans
en première instance au motif qu’il y a état de nécessité en leur faveur593 ; état
de nécessité qu’a refusé de reconnaître la cour d’appel d’Orléans dans son arrêt
infirmatif en date du 27 juin 2006.594
591 V.H. BOSLy, o.c. 57 ; v. dans le même sens : Liège, 23 oct.1985.J.T.T. 1986. 425. Jur. Liège, 1986. 227 : « que les inconvénients anormaux à la loi ne constituent pas l’état de nécessité » et Bruxelles. 19 nov. 1986. Jur. Liège. 1987, 47 : Bruxelles, 17 déc.1986.J.T. 1987. 127 et Corr. Charleroi, 1er juin 1988. J.T., 625.
592 Cf. D. GUIHAL, op.cit., p: 226 Voir T.pol. Ploermel 9 mai 1974 : D.75 p : 36 note Bouche, condamnation d’un éleveur qui utilisait des pièges à poteaux contre des buses ; CA. Paris 10 mai 1989, Bourdon : Dr. Env. n°1 p. 12. J.H. Robert : condamnation d’un éleveur de lapin pour avoir abattu un rapace qui emportait l’un de ses animaux.
593 Trib. Corr. d’Orléans, jugement du 9 déc.2005.594 CA. D’Orléans, ch. Corr. 27 juin 2006, voir Juris Data n° 2006 -309801. Les prévenus ont
été condamnés à deux mois d’emprisonnement avec sursis pour 48 d’entre eux et à une amende de 1000 euros chacun
207
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
2) L’erreur de droit ou erreur invincible
L’erreur de droit ou erreur invincible595 qui est une notion voisine de
l’état de nécessité, est définie par l’article L122-3 NCP français. Les termes de
cette disposition correspondent à la définition doctrinale de l’erreur invincible,
c’est-à-dire, celle que le délinquant n’aurait pas été « en mesure d’éviter soit
en se renseignant par lui-même, soit en s’informant auprès de tiers596 ». La
complexité croissante des réglementations a conduit la jurisprudence belge,
allemande, hollandaise, italienne, française, ou les codes pénaux récents
(Allemagne, Portugal, Espagne, France) à prendre en considération l’erreur de
droit. L’une des conditions générales qui gouvernent l’application effective de
l’erreur de droit est, d’après la cour de cassation belge, de s’assurer que l’auteur
a agi comme l’aurait fait toute personne raisonnable et prudente dans les
mêmes conditions597 ; de sorte que si le prévenu a agi comme toute personne
raisonnable et prudente qui se serait trouvé dans la même situation, l’erreur
peut être considérée comme invincible598. La bonne foi du prévenu constitue
certes, une condition nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour que l’erreur
de droit soit déclarée invincible599.
Plusieurs formes d’application jurisprudentielle de l’erreur de droit
existent. Mais comment cette erreur de droit se manifeste comme une
conséquence de la dépendance administrative ?
595 « L’erreur de fait qui est la méprise de l’agent sur la matérialité de l’acte », n’est pas pris en compte dans plusieurs systèmes juridiques comme le système français. L’erreur de droit qui consiste soit dans l’ignorance de la loi, soit dans sa mauvaise interprétation, n’est pas une cause d’irresponsabilité. Puisque le droit est gouverné par un grand principe général (non écrit) selon lequel « nul n’est sensé ignoré la loi ». Il y a donc comme une présomption irréfragable de connaissance des textes qui pèsent sur chaque citoyen. V. J. PRADEL, Droit pénal général, 16ème édit. CUJAS, Paris, 2006, p.454.
596 D. GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, 3ème édit. Economica. , Paris 2008 p: 222597 Cass. Belge 6 oct.1952.Pas. 1953. I. 37: Cass. 10 déc. 1986. Arr. Cass. 1986-1987, 482.
A propos de ces conditions. V. aussi Ch. HENNAU et J. VERHAEGEN. o.c.. 240-243 et C. HENNAU-HUBLET et J. P. PIERET o.c. RIDP, 1994, 806.
598 Cass. Belge 29 nov. 1976.Pas.1977. I. 355 : cass23 janv. 1984. Pas., 1984, I., 560 : Cass., 14 janv.1987, RDP, 1987, 375 : Cass., 15 nov. 1988, Pas., 1989.I. 276.
599 V. dans ce sens Mons, 21 mai 1985, J.T, 1985, 716 et C. HENNAU-HUBLET et J. P. PIERET o.c. RIDP, 1994, 805-806.
208
Premiere partie
En droit français, la jurisprudence est extrêmement restrictive,
notamment à l’égard des professionnels. Les renseignements erronés fournis
par l’administration ne sont pas toujours considérés comme une cause de
justification600.
Le principe, veut que, lorsque la loi subordonne une activité à une
autorisation, et que celle-ci a été obtenue, les actes entrepris sur ce fondement
ne sauraient être tenus pour pénalement répréhensibles, peu importe les vices
qui entachent la permission administrative. Mais il en va autrement lorsque
l’autorisation alléguée a été obtenue par fraude. Elle est alors tenue pour
inexistante601.
L’exercice d’une activité conformément à une autorisation qui s’avère par
la suite illicite du fait du contrôle de légalité par le juge pénal, peut également
être source d’erreur invincible. Puisque cette autorisation pourrait être déclarée
non obligatoire et l’émission sans autorisation mise à charge pourra être rétablie.
Le même problème apparaît lorsque la validité juridique d’un acte administratif
telle une autorisation, est attaquée par la voie administrative comme nous
l’avions examiné dans un précédent exemple. Admettons que le Conseil d’Etat
annule une telle autorisation avec effet rétroactif. Que pourraient être les
conséquences d’une telle annulation à l’égard d’un détenteur de bonne foi qui
a respecté l’autorisation délivrée par l’autorité et a estimé sur la base de celle
–ci, qu’il agissait de manière licite, en bon père de famille. En droit pénal de
l’environnement, on peut alors se demander dans quelle mesure le respect d’une
autorisation illégale débouche sur une erreur de droit invincible602. Ce problème
a été régulièrement discuté dans la jurisprudence belge relative aux causes
600 , Cass. France, Ch., Crim. 28 nov.1991. : Bull. crim.1991, Le Dreff n°447 en matière d’autorisation d’introduction de certaines espèces de poissons dans les eaux douces.
601 Cass. Crim. France, 4 nov.1978: Bull. crim., n°286.602 « D’un point de vue procédural, pour apporter la preuve, le juge devra souvent d’abord
évaluer la légalité de l’autorisation déposée. Si le juge estime ensuite que l’autorisation invoquée par le prévenu est illégale, l’acte sans autorisation qui est mis à sa charge pourra être déclarée établi. A titre subsidiaire, le prévenu pourra alors objecter qu’il doit encore en résulter une impunité parce qu’il a respecté les conditions d’une autorisation apparemment légale et qu’aucune culpabilité ne peut dès lors être retenue de son chef ». M. FAURE, Les causes exonératoires en droit pénal de l’environnement. Editions Kluwer. Aménagement- Environnement, 1995, n°spécial. p.23.
209
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
d’urbanisme. Il en est ainsi, d’un arrêt du Conseil d’Etat qui a pu juger,qu’un
arrêt d’annulation du Conseil d’Etat, implique que le permis de bâtir est réputé
n’avoir jamais existé et ne posséder aucune valeur juridique. Il en ressort qu’un
bâtiment, érigé sur la base d’un permis annulé doit être considéré comme ayant
été érigé sans permis. Face à une telle situation, le juge peut acquitter le prévenu
pour cause d’erreur de droit.
En conclusion, les développements antérieurs nous montrent bien
qu’il existe en droit pénal de l’environnement et précisément en droit interne
béninois, une forte implication entre le droit pénal et le droit administratif. Elle a
été mise en évidence par la façon dont les délits de pollution et de dégradation
de l’environnement ont été formulés. Cette implication est caractérisée
par une subordination de la répression pénale à l’existence de décisions
préliminaires administratives. La férule du droit administratif sur le droit pénal
dénature la fonction de celui-ci et est source de conséquences diverses telle
le rôle fondamental des faits justificatifs diversement apprécié par les juges. La
dépendance administrative du droit pénal est également source d’inconvénients
et de limites. Le pollueur n’est plus un délinquant comme les autres, qu’on
pourrait chercher à intimider ou a resocialiser, mais le sujet d’une espèce de
droit disciplinaire très rigoureux qui prend la tournure du quasi défunt droit
pénal militaire. Peut-on être coupable parce que simplement on désobéit aux
ingénieurs de l’administration ? En répondant par l’affirmative, certains auteurs
estiment que cette branche du droit répressif mérite tout de même d’être
repensée603 pour pallier aux critiques dont il fait l’objet. D’autres, dans le souci de
rendre plus effectif le droit pénal de l’environnement, vont plus loin en précisant
« qu’il faut non seulement mieux adapter et proportionner les peines avec les
préjudices écologiques, mais aussi instituer une répression de la pollution qui ne
soit pas confondue avec la répression d’infraction sanctionnant seulement des
prescriptions administratives »604.
603 Robert, in, Contentieux pénal, op.cit.604 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édit. Dalloz, p.859. Paris, 1996.
210
Premiere partie
§ II : La pénalisation directe du droit pénal de l’environnement
Comme nous l’avons précisé plus haut en citant le professeur A. De
NAUW, la deuxième méthode d’élaboration des incriminations est le recours au
droit pénal autonome. Elle a l’avantage d’appréhender directement l’infraction.
En détachant les délits de la matière administrative, elle consiste à définir au
regard du droit pénal, le caractère illicite d’un acte ou d’une abstention.
C’est une évidence que la loi pénale apparaît en liaison étroite avec les
autres disciplines et plus particulièrement avec le droit administratif comme nous
l’avons démontré plus haut. Mais en réalité, la loi pénale sanctionne en fonction
du caractère d’ordre public qui s’attache à cette branche du droit, l’atteinte de
base à une valeur sociale ou morale. C’est un droit «sanctionnateur605». L’intérêt
de ce régime est de considérer le pollueur comme un délinquant au même titre
que le voleur606 et de le punir conséquemment. Il existe en effet, comme le note le
Professeur FAURE, des systèmes où les biens juridiques écologiques bénéficient
réellement d’une protection directe du droit pénal et où la sanction ne se limite
dès lors pas aux infractions à obligations de disposer d’une autorisation. Dans
ce cadre, l’eau, l’air, le sol bref les ressources naturelles et environnementales
sont élevées au rang de valeur juridique écologique de sorte qu’une pénalisation
directe peut intervenir dès qu’il y a une émission ou une dégradation illicite.
Il s’agit là, comme l’explique FAURE, d’une mise « en danger concret » et non
« abstrait »comme dans le cas de la dépendance administrative absolue. Il se
dégage donc que le délit de mise en danger concret est un délit autonome qui
interviendra exclusivement en cas d’émission « illicite grave » menaçant la santé
humaine et l’environnement en dépit de l’existence d’une autorisation607. C’est ce
qu’a voulu signifier l’ancien ministre allemand de la justice monsieur ENGELHARD
lorsqu’il écrivait que « les dispositions autonomes concernant l’environnement
ne devraient donc être introduites que pour faire face à de graves atteintes à
605 F. ROGGEN, Le juge pénal et la protection de l’environnement, article, juin 1987, in, Les juges et la protection de l’environnement, p : 189UAE, Bruylant, Bruxelles ; voir aussi Jules MESSINNE, Droit pénal, T 1.p :115. P.U.B
606 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édit. Dalloz, 1996, p. 830 Paris.607 M. FAURE, Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal,
REDE, 1/2005 p : 12
211
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
l’environnement ayant des conséquences désastreuses pour lesquelles il n’est
pas question d’appréciations divergentes entre le droit administratif et le droit
pénal 608». La conséquence qui découle d’une telle disposition est positive. Elle
l’est d’autant plus qu’elle inciterait les entrepreneurs à éviter que des émissions
conformes aux autorisations ne présentent un danger pour la santé. Ils seront
plus prudents et agiront d’une manière diligente, en bon père de famille. Le droit
béninois recèle quelques exemples de cette technique répressive d’incrimination
qui ne sont pas abondant comme dans le premier modèle. Deux exemples tirés
de la législation béninoise illustrent plus clairement la pénalisation directe de
l’infraction et la mise en danger concrète. Il s’agit du délit de pollution de l’eau
d’une part et du trafic illicite des déchets toxiques d’autre part.
A) Le délit de pollution de l’eau
Dans ce premier cas, nonobstant l’article 38 du code de l’eau609
qui soumet à autorisation tout « déversement, écoulement, rejet, dépôt
direct ou indirect dans une nappe souterraine ou un cours d’eau susceptible
d’en modifier les caractéristiques physiques, y compris thermique et radio-
atomiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, ne peut être fait sans
autorisation accordée après enquête par les ministres chargés de l’hydraulique
et de l’assainissement » ; les articles 51 et 52 du même code subordonnent la
répression de l’infraction à un résultat dommageable, une atteinte effectivement
portée au milieu aquatique sans que l’autorisation administrative puisse justifier
l’infraction. Ainsi, l’article 52 punit de deux à cinq ans et/ ou d’une amende
de 100.000 à 500.000F CFA « quiconque aura jeté, déversé ou laissé écouler
dans les cours d’eau, lacs, étangs, directement ou indirectement des substances
dont l’action ou les réactions ont détruit le poisson ou tout autre espèce animale
608 M. FAURE, op.cit.p.12.609 Loi n°87-016 du 21 septembre 1987 portant code de l’eau en République populaire du
Bénin. La révision de cette loi est en cours à l’Assemblée Nationale. La nouvelle loi portant gestion de l’eau précitée réprime (2 mois à 12 mois de prison ou 500.000 à 2.000.000 f cfa d’amende) aussi directement certaines infractions « successibles d’entrainer, même provisoirement, des effets nuisibles à la santé ou des atteintes à la diversité biologique ou à l’équilibre des écosystèmes… »
212
Premiere partie
domestique ou sauvage, ou nui à leur nutrition, reproduction et compromettant
la qualité des eaux ». Il en est ainsi des dispositions de l’article 28 de la loi-
cadre qui interdit « les déversements, écoulements, rejets, dépôts direct ou
indirects pouvant provoquer ou accroitre la pollution des eaux ». On notera
que l’infraction se réalisera soit par une action (jet, déversement) soit par une
abstention consistant dans le fait de « laisser écouler » ou de rester indifférent
c’est-à-dire de ne pas empêcher l’action. Un acte positif de déversement n’est
donc pas la seule condition de réalisation de l’infraction. C’est ce comportement
d’omission, caractérisée par l’imprudence, l’inattention, l’inobservation, la
négligence, bref le défaut de précaution ou de prévoyance, mais aussi d’action
matérielle qui est prévu également par la législation spécifique sur la flore610 qui
caractérise le délit de pollution.
Ainsi, en visant ce comportement d’omission de l’article 52, le législateur
permet une large extension du domaine d’application dudit article. Mieux,
la définition du délit prévoit explicitement que les émissions tant directes
qu’indirectes sont punissables. Peu importe le cheminement de la substance dès
lors qu’elle atteint une eau protégée par l’article 52.
Précisons par ailleurs qu’outre l’atteinte portée à la faune aquatique, le
texte incrimine aussi le fait de compromettre la qualité des eaux continentales.
L’on protège ainsi tout autant le contenu que le contenant. On peut dire également
qu’en réprimant le rejet « de nature à enivrer ou à détruire le poisson », l’article
51 ne considère en revanche pour la réalisation de l’infraction que la nocivité
possible des rejets constatés.
Néanmoins, les dispositions de l’article 38 du code, loin de changer
la nature des infractions des articles 51 et 52 et d’affaiblir leur portée, ont
plutôt instauré à notre avis un système d’incrimination hybride. D’une part
l’incrimination de la non détention ou du non respect de l’autorisation
administrative est une infraction à part (mise en danger abstrait) et d’autre
610 Cf. article 94 de la loi n°93-009 du 2 juillet 1993 « quiconque aura par imprudence, négligence, inattention ou inobservation, causé un feu de brousse ou un incendie de plantation sera puni … ». En ce qui concerne la faune, on note que de telles infractions sont quasiment absentes du droit béninois où toute activité est subordonnée par la détention d’un permis ou d’une autorisation. C’est le cas des art.75 à 88 de la nouvelle loi portant gestion de l’eau.
213
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
part, l’incrimination d’une atteinte réelle portée à l’environnement en dehors
de toute autorisation administrative, en est une autre (mise en danger concret).
Ce système va permettre une répression nuancée, plus graduée en fonction de
l’attitude du délinquant dont on pourra supposer la mauvaise foi ou l’intention
coupable lorsque le déversement se fera sans autorisation administrative.
La législation belge abonde aussi dans le même sens avec notamment
le cas de l’article 41 §1er, 1° de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux
de surface contre la pollution qui punit notamment celui qui, en infraction de
l’article 2, dépose ou fait déposer des matières solides ou liquides à un endroit
où elles pouvaient être entrainées par un phénomène naturel dans les eaux
visées à l’article 1er.611
Le droit pénal français est riche d’exemples, nous donne aussi un autre
exemple assez intéressant parce que controversé. Il s’agit de l’article 22 de la
loi n°92-3 du 3 janvier 1992, qui aujourd’hui avec l’entrée en vigueur du code
de l’environnement, devient l’art. L 216-6. Il dispose « Le fait de jeter, déverser
ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de
la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement,
une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entrainent
même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la
flore et à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L 218-73 et
L432-2, ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation
en eau ou des limitations d’usage des zones de baignades, est puni de deux
ans d’emprisonnement et de 75000 euro d’amende. ». A première vue, on
pourrait penser qu’il s’agit d’une disposition pénale autonome qui sanctionne
directement les atteintes à l’environnement mais à voir de près, comme le
précise si bien le Professeur FAURE, il n’en est pas question puisque l’article
précise vers la fin que « Lorsque l’opération de rejet a été autorisée par arrêté,
les dispositions de cet alinéa ne s’appliquent que si les prescriptions de cet
arrêté n’ont pas été respectées (…)». Dès lors, il soutien au même titre que
611 A. De NAUW, Les métamorphoses administratives du droit pénal de l’entreprise, MyS & Breesch, Uitgevers, .p : 84, cité par FAURE, Cour de droit pénal de l’environnement, troisième cycle de DEA, 1999. V. aussi M. FAURE, Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, REDE, p : 6
214
Premiere partie
d’autres auteurs comme D. GUIHAL que « l’autorisation administrative exonère
apparemment la responsabilité pénale »612, d’où la survivance, une fois de plus
de la dépendance administrative. C’est dire donc que l’incrimination directe en
droit pénal, porterait en elle-même, les germes de son auto destruction.
B) Le trafic illicite de déchets toxiques ou dangereux
Dans ce deuxième exemple relatif au trafic de déchets dangereux, le
caractère direct de l’incrimination est mis plus en exergue par la loi suprême
qu’est la Constitution et la loi-cadre sur l’environnement qui ont érigé cette
infraction en crime contre la nation béninoise. En effet, « dans la tradition
africaine, c’est une insulte vis-à-vis de quelqu’un que d’aller déposer des déchets
dans sa cours. Cela constitue une grave insulte et peut conduire à une grave
mésentente au sein de la communauté »613. La réponse du Bénin à cette insulte
que constitue le trafic des déchets dangereux interdit sur toute l’étendue du
territoire national est à la mesure du danger que ce trafic peut faire courir non
seulement à la société mais aussi à l’environnement.
Si dans les autres cas développés ci-dessus, le régime juridique est celui
des autorisations assorties de conditions, ici le régime juridique est celui de
l’interdiction absolue. La peine encourue est la réclusion criminelle à temps. Il
en est ainsi des dispositions de l’article 118 de la loi-cadre sur l’environnement,
reprenant l’article 29 de la constitution qui dispose « quiconque procède ou
fait procéder au transit, au stockage, à l’enfouissement, au déversement sur le
territoire national de déchets toxiques ou polluants ou signe un accord pour
l’autorisation de telles activités, est puni de la réclusion criminelle de cinq (5)
à vingt (20) ans et d’une amende de vingt-cinq millions (25.000.000) à cinq
cent millions (500.000.000) de francs CFA. » L’infraction qui, en l’espèce est
une infraction formelle, couvre toutes les phases de la manipulation desdits
612 M. FAURE, Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, REDE, 1/2005, p : 17
613 Message du Président en exercice de l’OUA, lu par le Ministre malien de l’environnement à la conférence de Bâle sur les déchets dangereux. Cité par M. KAMTO, op. cit. p : 36-37. V. aussi A. Gisèle SOGLO A., op cit. p : 29.
215
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
déchets. Dès lors, l’article 118 constitue une pénalisation criminelle directe de
déversement, de stockage ou d’enfouissement de déchets toxiques et peut donc
être considéré comme une disposition sanctionnant la mise en danger concrète
de l’environnement. Dans une certaine mesure, l’article 112 de la loi–cadre qui
dispose que « quiconque contrevient à la prohibition générale contenue dans
l’article 15614 est puni … », combiné avec l’alinéa 1er de l’article 15, renferme les
éléments constitutifs d’un délit direct d’une émission illicite.
A ce stade de nos recherches, il est important de faire remarquer qu’en
droit pénal de l’environnement, les infractions qualifiées de crimes sont, non
seulement très rares, mais très difficiles à appliquer d’une manière générale.
L’infraction de terrorisme écologique instituée par l’article 421-2 du NCP français,
n’a jusqu’à nos jours jamais connu d’application. Il s’ensuit que la jurisprudence
criminelle, est quasiment inexistante en la matière.
L’Afrique étant considérée comme le continent le plus perméable en
matière de trafic de déchets dangereux où les pouvoirs publics sont moins
regardants, les trafiquants européens en font leur débouché ; d’où l’émergence
de crimes environnementaux.
Nous analyserons à titre illustratif l’affaire dite « des déchets toxiques
d’Abidjan» qui a débouché sur des sanctions criminelles prononcées par le juge.
S’il y a une affaire qui a tant défrayé la chronique en ce début du XXIème siècle,
dans le monde juridico-politique environnemental en Afrique, c’est bien cette
célèbre affaire. En effet, courant 2006,615 le navire PROBO KOALA, battant pavillon
panaméen, affrété par la firme néerlandaise de négoce international TRAFIGURA
a déversé environ 528m3 de produit fortement toxique dans des décharges
publiques et des sites sensibles (marigots, lagunes, etc…) de la ville d’Abidjan à la
faveur d’accord obtenu de diverses autorités et ce, en violation des dispositions
répressives ivoiriennes616 et des conventions internationales auxquelles ce pays
614 Il dispose que « nul ne doit émettre, déposer, dégager, rejeter ou permettre l’émission, le dépôt, le dégagement, l’enfouissement ou le rejet dans l’environnement d’un contaminant au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par les lois et règlements… »
615 Précisément le 19/8/2006616 Notamment les articles 1, 2 et 3 de la loi n°88-651du 7 juillet 1988 portant protection de la
santé publique et de l’environnement ; les articles 83, 101 et 103 de la loi-cadre n°96/766 du 3 octobre 1996 portant code de l’environnement
216
Premiere partie
est partie. Les conséquences d’un tel événement ont été désastreuses pour la
santé humaine et pour l’environnement (atteintes majeures aux écosystèmes,
en particuliers aquatiques). Selon le rapport de la commission internationale
d’enquête617 et la justice ivoirienne, 17 personnes sont décédées des suites de
malaises et des intoxications et 95.247 autres, ont souffert et continuent de
souffrir encore des séquelles d’intoxication dues à l’exposition de ces derniers
aux émanations de gaz à forte teneur en mercaptan. L’affaire, ayant connu une
forte médiatisation, deux ans plus tard, la cour d’assise saisie du dossier en sa
séance du 30 septembre 2008, a rendu un arrêt assez sévère et inédit en Afrique.
Même si par endroit, il suscite quelque indignation au regard de circonstances
atténuantes accordées à certains inculpés, à la non inculpation du capitaine et
de l’affréteur du navire, deux condamnations fermes et sept (7) acquittements
ont été prononcés. Le sieur Salomon UGBORUGBO, dirigeant de la Société
Tommy qui s’est occupé du déversement des déchets dans la nature a échoppé
d’une peine très sévère de vingt (20) ans de prison ferme et une interdiction de
séjour de dix (10) ans pour emprisonnement ferme( peine maximale en droit
ivoirien) et le sieur Essoin KOUAO un ivoirien, agent de la société consignataire
du Probo Koala au port d’Abidjan, poursuivi dans le dossier au chef de complicité
d’empoisonnement a été condamné à cinq (5) ans d’emprisonnement ferme et
à dix (10)ans de privation de droits civiques. Si les principaux dirigeants de la
multinationale ont échappé à une peine d’emprisonnement, la multinationale
par qui le scandale est arrivé a été un peu plutôt en février 2007, à la suite d’un
accord transactionnel condamné à verser à l’Etat ivoirien à titre de dommages
et intérêts la somme de cent (100) milliards de francs CFA (125 millions d’euros)
contre l’extinction de l’action publique à son encontre618. Notamment l’abandon
des poursuites et la libération de ses dirigeants C. DAUPHIN et JP. VALENTINI
respectivement Directeur de TRAFIGURA et responsable de la zone Afrique de
617 Cf. infra, §II, A) 1° note 1004618 Nos investigations ne nous ont pas encore permis d’avoir l’arrêt de la cour d’assise. Mais
l’exploitation de certains documents et commentaires sur internet publiés à la suite du verdict de la cour d’assise d’Abidjan et la Déclaration du Réseau de l’Afrique Francophone des Juristes de l’Environnement (RAFJE) sur « les déchets toxiques d’Abidjan » prononcée lors de la réunion constitutive du Comité sur l’environnement de l’AHJUCAF, les 26 et 27 juin 2008 à Porto-Novo au Bénin, nous ont permis, après analyse de se faire une opinion sur l’affaire.
217
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
l’Ouest, sous mandat de dépôt à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan.
Le montant alloué est destiné à indemniser les victimes à hauteur de 20%, à
financer la dépollution et la construction d’une usine de traitement des déchets
ménagers.
Au regard de ces faits poignants et du verdict de l’arrêt de la cour,
quelle signification juridique pourrait –on tirer de l’application du droit pénal de
l’environnement relativement aux déchets dangereux?
En considérant les condamnations prononcées, on pourrait objecter que
les peines sont empreintes de circonstances atténuantes notamment en ce qui
concerne au moins cinq des sept acquittés pourtant poursuivis pour complicité
d’empoisonnement contre qui, l’avocat général avait requis 20 ans de prison
ferme. Ainsi, avec l’acquittement du commandant du port, de l’ancien directeur
général des affaires maritimes au ministère des transports et de trois douaniers,
la cour a certainement répondu à la demande des avocats de la défense qui ont
martelé que leurs clients ne savaient pas ou ne pouvaient pas savoir que les
déchets étaient toxiques.
En revanche, il est loisible de reconnaître que les condamnations
prononcées sont certes très sévères, mais elles sont à la hauteur du crime
commis conformément à la législation ivoirienne. En effet, c’est le maximum des
peines prévues qui a été prononcé par les juges, voire même au-delà en ce qui
concerne l’amende pénale transactionnelle619.
Mentionnons pour conclure cette partie que ces divers comportements
sont punissables en eux-mêmes indépendamment du résultat ou de l’élément
matériel; car le danger contenu dans ces agissements est bien intentionnel et
significatif pour l’environnement, ce qui explique le caractère sévère de la peine.
A la réouverture du dossier620 par les juges d’Amsterdam, ville de
l’affréteur du navire, la multinationale TRAFIGURA a été une fois de plus reconnue
619 Cf. art. 103 de la loi-cadre ivoirienne qui dispose « quiconque procède ou fait procéder à l’achat, à la vente, à l’importation, au transit, au stockage, à l’enfouissement et au déversement sur le territoire national de déchets dangereux ou signe un accord pour l’autorisation de telles activités est puni d’un emprisonnement de 10 à 20 ans et d’une amende de 500 millions à 5 milliards de francs » ; voir aussi l’art. 101 de la même loi-cadre.
620 Le dossier est rouvert le 1er juin 2010 par les juges d’Amsterdam
218
Premiere partie
coupable et condamnée au paiement d’une amende d’un million de dollar par
les juges néerlandais.
L’incrimination directe des infractions, si elle a des aspects nettement
positifs en ce sens que la qualification de l’infraction découle directement de
l’atteinte occasionnée à l’environnement, il n’en demeure pas moins qu’elle
porte en son sein des insuffisances.
C) Les inconvénients de l’incrimination directe en droit pénal
Dans son analyse de cette technique d’incrimination directe, le
professeur De NAUW soulève au plan pratique, deux inconvénients majeurs.
- Il développe d’abord, que des incriminations en matière d’environnement
constituent des normes floues621 qui procurent aux diverses autorités
intervenant dans le système de l’administration de la justice pénale un
pouvoir pratiquement sans frein. Le principe de la légalité des infractions
par lequel le droit pénal classique assure la défense de l’individu dans sa
confrontation au pouvoir de punir de l’Etat est difficilement conciliable
avec des incriminations de type ouvert de ce genre.
- Ensuite pour lui, le détachement des délits de la matière administrative
contient le risque de contradictions entre les diverses normes protectrices
de l’environnement. Il est bien évident à cet égard, que l’unité et la
cohérence du système juridique requiert un même jugement sur la
légitimité d’un acte si bien que le comportement que l’administration
autorise ne peut pas être considéré comme illicite en droit pénal.622
A l’analyse, ces inconvénients exposent d’abord le rôle essentiel que joue
le principe de la légalité des délits et des peines, en terme de précision et de clarté
des incriminations et des peines applicables en droit pénal et particulièrement
621 V. aussi M. FAURE, in, Un défi : les contours de plus en plus flous du droit pénal de l’environnement. Editions Kluwer. Aménagement-Environnement. 2000, n° spécial, p : 93.
622 K. TIEDEMANN, Théorie et réforme du droit pénal de l’environnement, étude de droit comparé, Rec. Sc. Crm., 1986, 263-273, spéc. pp : 264 et 265. Cité par A.DE NAUW, op. Cit. p : 83
219
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
en droit pénal de l’environnement. En effet, dans ce domaine, la définition et
l’appropriation des concepts essentiellement techniques, souffrent de précision
et de clarté. La qualification des infractions et la détermination des auteurs ne
sont pas a priori sans équivoques. Elles sont très souvent, objet de polémiques.
Ensuite le droit pénal de l’environnement étant un droit fondamentalement
administratif, du fait du rôle prépondérant que joue les règlements établis par
l’autorité administrative, il serait alors imprudent pour plus d’efficacité dans la
politique répressive que le législateur conçoive une incrimination détachable de
la matière comme le préconise les défenseurs de cette approche d’incrimination
directe.
Enfin, avec le système d’autonomie du droit pénal, le juge pénal,
malgré toute sa bonne volonté de dire le droit, peut se heurter à une question
d’interprétation d’un acte administratif : c’est la question préjudicielle. La
solution à une telle question comme on l’a examiné, peut amener le juge pénal
vers le juge administratif. Nous y sommes dès cet instant encore de retour
dans la dépendance administrative. Alors, quelle valeur d’effectivité pourrait-
on accorder au principe d’incrimination directe dans la mesure où le juge est
amené parfois à être indulgent vis-à-vis du prévenu?
SECTION II : LA TENDANCE A L’INDULGENCE EN MATIERE DE SANCTIONS PENALES ENVIRONNEMENTALES
L’effectivité de la répression ne dépend pas seulement des difficultés de
mise en mouvement de l’action publique mais aussi de la nature et du montant
des peines encourues623. En droit pénal, toutes les sanctions sont susceptibles
d’une mesure par le juge à l’exception de quelques unes comme la confiscation
qui est par hypothèse insusceptible d’être modulée. Comme le souligne PRADEL,
la mesure de la sanction est l’une des plus belles applications du principe
d’individualisation puisque le juge va devoir fixer une durée ou un montant624.
La loi pénale a mis à la disposition du juge, diverses techniques qui traduisent un
623 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édit., Dalloz, p.828.624 J. PRADEL, Droit pénal Général, 16ème édit. CUJAS, 2006 Paris, p.611
220
Premiere partie
souci d’indulgence. Il s’agit notamment des notions de circonstances atténuantes,
d’excuses atténuantes, d’excuses de minorité, de peines sursitaires, etc. Alors,
au regard des préoccupations du droit pénal de l’environnement, comment le
législateur et le juge arriment –ils ces techniques pénales pour garantir plus
d’effectivité ? Notre étude examinera la tendance à la faiblesse des peines liées
aux infractions environnementales et leur niveau d’application (§ I) par le juge
avec la complicité de l’administration qui s’accommode d’une administration
assez tolérante en matière se sanctions (§ II).
§ I : Faible application des sanctions pénales environnementales
La faiblesse des sanctions pénales dans le domaine du droit de
l’environnement apparaît comme une évidence et peut s’analyser du point de
vue de leur effet dissuasif pour celles qui connaissent une exécution effective (A)
et du point de vue de leur niveau d’applicabilité en général (B).
A) Sanctions pénales à faible effet dissuasif
Les atteintes à l’environnement, quelles que soit leur nature, leur origine
ou le lieu où elles apparaissent, qu’elles soient délibérées ou accidentelles,
elles représentent une menace qu’il conviendrait au juge pénal de sanctionner
notamment lorsqu’elles sont provoquées par des comportements volontaires ou
de graves négligences. Le régime des sanctions est normalement un indicateur
efficace de la perception par le législateur de la valeur d’une ressource. Les
peines prévues doivent atteindre le niveau de dissuasion en tenant compte du
gain escompté par le contrevenant par non respect de la loi. Si la peine prévue
pour l’ouverture illégale d’un commerce, par exemple, n’est pas suffisante, le
propriétaire du commerce peut ne pas respecter la loi s’il en tire un bénéfice
net. Mais force est de constater que les sanctions prévues sont peu dissuasives
en comparaison avec le dommage écologique et à la limite « s’apparentent à
221
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
des incitations à la fraude»625 ou à un « permis de polluer»626 ou sont plutôt
de« simples contraventions de police ou des peines légères»627.
Le droit forestier béninois regorge d’exemples où le verdict prononcé
par le juge n’émeut aucunement le prévenu qui jubile à l’idée d’être aussitôt
libéré ; dans la mesure où les peines prononcées sont tantôt assorties de
sursis, tantôt en deçà du minimum légal628, et réprimées par les dispositions de
l’article 155 de la loi relative au régime de la faune. On pourrait citer également
l’infraction d’exploitation illicite d’une aire protégée dont s’est rendu coupable le
prévenu qui a été condamné à 12 mois d’emprisonnement assortis de sursis et à
20.000 f CFA d’amende629. Il se développe dès lors une forte tendance à l’usage
des peines sursitaires surtout à l’endroit des délinquants primaires doublées
de la faiblesse des amendes. Ce faisant, le juge ne tient toujours pas compte
du caractère environnemental ou du caractère rarissime de la ressource. Si les
braconniers persistent dans leur activité illégale, c’est qu’ils tirent énormément
profit d’une telle activité ; de sorte qu’ils sont d’accord pour assumer une légère
peine aujourd’hui et gagner gros demain. Car, une amende faible se révèle
non dissuasive, en particulier en ce qui concerne par exemple le braconnage
d’espèces rares ou endémiques. Comme les oiseaux et les animaux protégés
peuvent se vendre jusqu’à 50.000 $ sur le marché des collectionneurs, les
réseaux de braconniers régulièrement découverts et démantelés, se recréent
aussitôt630.
625 S. NGUIFO, (sous la direction de L. GRANIER), Les difficultés de l’encadrement juridique de la durabilité : le nouveau régime des forets en Afrique centrale, in, Aspects contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’ouest et centrale, UICN, 2008, Gland, Suisse, p.98.
626 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édit., Dalloz, p.828627 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème édit., Dalloz, p.828628 TPI Natitingou, Jugement inédit en date du 4 mars 2008 où le sieur O. BANTIRA, a été
condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à 5.000 f CFA d’amende pour pêche illégale dans la réserve de faune de la Pendjari. . C’est le cas aussi de la décision en date de 12/2/2008 où le juge pénal a condamné les nommés S. DARI, K. NONTI, N. KOUAGOU, G. BOTIMBO, à 3 mois seulement d’emprisonnement avec sursis et 10.000 f cfa d’amende chacun alors qu’en matière d’amende, le minimum légal est 50.000 f CFA ou 6 mois de prison ferme.
629 Jugement inédit TPI n° 617/RP-8 du 23 septembre 2008.630 M. GRANDBOIS, Le droit pénal de l’environnement : une garantie d’impunité ?,
Criminologie, vol., 21, n°1, 1988, p.70, érudit.org/iderudit/017258 ar.
222
Premiere partie
Le recours à l’analyse économique du droit pénal de l’environnement,
illustre plus clairement l’importance de la protection de la ressource
environnementale et met en relief la peine correspondante. A titre d’exemple,
supposons que quelqu’un veuille importer en Belgique une tortue partiellement
ou intégralement protégée de Cotonou (Bénin) et que l’intéressé ne possède
pas d’autorisation de sortie de l’animal. Admettons que cette tortue a une valeur
à l’achat de 1000 euros et que l’amende qui serait imposée si l’importation
illégale est découverte est de 10.000 euros. En bon connaisseur de son métier,
le trafiquant a la possibilité de dissimuler la tortue dans ses bagages et peut dès
lors, tromper la vigilance des douaniers et réduire la probabilité de découverte
à 10%. En outre, s’il est découvert, notre collectionneur peut bénéficier des
services d’un excellent avocat, qui peut réduire la probabilité d’être condamné à
50%. Ainsi, le coût prévisionnel à charge pour le collectionneur de tortue s’élève
à 10% x50%x10.000= 500 euros, alors que son avantage serait de 1.000 euros.
Le criminel rationnel du modèle de Gary Becker commettra donc l’infraction,
simplement parce que les avantages escomptés sont plus importants que les
coûts631. Il s’ensuit que le pollueur potentiel va d’abord calculer ses avantages et
coûts escomptés d’une infraction et fondera ensuite sa décision de commettre ou
non le délit environnemental sur le résultat d’une analyse coûts/bénéfices. Dans
cet exemple, pour répondre au caractère réduit de la probabilité de découverte,
l’amende devrait être au moins 20.000 euros632 pour être optimale.
Nous obtiendrons toujours le même résultat, si nous supposons
maintenant que les avantages d’un délit environnemental soient de 10.000
euros et que la sanction qui pourrait être appliquée en cas de condamnation soit
de 100.000 euros. Si la probabilité de découverte est de 10% et la probabilité
de condamnation de 50%, les coûts escomptés pour le pollueurs potentiel sont
alors de 10% x50%x100.000=5.000 euros.
Ces exemples nous renseignent que la détermination des peines par le
législateur et leur application par le juge ne se fait pas au pifomètre mais bien
suivant une technique d’évaluation qui quantifie réellement le coût de la valeur
631 M. FAURE, La protection de l’environnement par le droit pénal ? Une perspective économique, op. cit., p.139.
632 Idem.
223
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
du bien à dégrader ou dégradé. Ainsi, si l’on veut attacher un effet à la politique
criminelle en matière d’environnement, il est essentiel d’indiquer aux pollueurs
potentiels, non pas seulement quelles sont les sanctions réellement imposées,
mais aussi leur faire comprendre qu’il existe une probabilité relativement
importante de découverte et de condamnation.
Certains textes pénaux, du fait de leur non révision ou toilettage,
apparaissent en inadéquation avec les réalités socioéconomiques du pays alors
qu’ils continuent d’inspirer le juge633. Les peines ainsi prévus par ces textes,
pourtant d’importance capitale car réglementant les activités quotidiennes de
pollutions ou de dégradation des populations, sont très faibles et le juge est
tenu de les appliquer comme telle.
Mais cette tendance à réprimer faiblement les infractions à caractère
environnementales, est une tendance générale du droit de l’environnement. Ce
n’est pas l’apanage du droit interne béninois ni africain. Ainsi, parlant des Etats
européens, JAWORSKI déclare que « certains Etats n’ont pas du tout recourent
au droit pénal mais uniquement à des sanctions administratives ou de réparation
civile ; d’autres ne proposent de sanctions pénales que très peu dissuasives et
donc sans effet probant sur le comportement des délinquants écologiques634».
Ces peines apparaissent effectivement peu dissuasives en comparaison avec
les dommages écologiques, les gains potentiels de l’illégalité, et la faiblesse
de la probabilité d’être sanctionné, l’administration comme nous l’avons vu
se caractérisant, dans son ensemble par un dénouement qui rend difficile les
contrôles.
En France par exemple, selon une circulaire du ministère en charge de
l’environnement, il est constaté une diminution sensible des condamnations
prononcées entre 1996 et 2003. Les atteintes à l’environnement ne représentent
que 2% des procédures traitées par les parquets, 7% des condamnations
633 Cas des peines prévues par le code de l’hygiène et les différents textes sur les pêcheries au Bénin. C’est par exemple l’ordonnance n° 20/PR/MDRC/SP du 25 août 19966 portant réglementation générale de la pêche dans les eaux continentales du Bénin, qui prévoit 2000 à 50.000 FCFA ou 1 an à 6 mois de prison en cas de pêche illégale et la possibilité d’une transaction dont un montant varie entre 2000 et 10.000 FCFA.
634 In, L’union européenne et la protection pénale, article, www.cdpt.ustrasbg.fr
224
Premiere partie
prononcées pour délits et 2,53% des condamnations prononcées pour
contraventions de 5ème classe en 2003635.
On observe à travers ces jurisprudences, le faible montant des sommes
allouées au titre des atteintes à l’environnement, même si ça et là, certaines
juridictions se montrent de plus en plus sévères ou plus généreuses636 à l’image
du tribunal correctionnel de Brest, qui dans les affaires de pollutions marines
par hydrocarbures, accordent jusqu’à 100.000 euros si l’on cumul les montants
revenants aux parties civiles637.
On observe aussi que le juge pénal privilégie plus l’amende comme
sanction pénale au détriment de l’emprisonnement. Mais, d’une manière
générale, que ça soit l’une ou l’autre de ces sanctions ou des sanctions
d’inspiration administratives, la tendance est non pas à la faiblesse des sanctions
prononcées par le juge mais plutôt à l’impunité des délinquants coupables
d’infractions environnementales.
635 Circulaire DACG 2005 -12 64/ du 23/5/2005, portant orientation de politique pénale en matière d’environnement.
636 V. CA. Pau, 1er mars 2007, n°06/00750 ( 3000 euros de dommages intérêts alloués à une fédération de pêche pour préjudice morale et de jouissance lié à la destruction de poissons consécutive au déversement accidentel d’acide sulfurique dans un ruisseau) ; TGI Marmande, 25 janvier 2007, n°05/001848 (3000 euros alloués à France nature environnement du fait de l’exploitation illégale d’une distillerie) ; TI Dax, 12 septembre 2006, Sepanso c/M. Cousseau (1500 euros pour le braconnage d’ortolans par un restaurateur de renom) ; TGI Périgueux, 4 octobre 2005, n°04/02226 (3000 euros pour le déversement d’eaux usées d’une station de pompage dans un ruisseau) ; T. corr. Bordeaux, 22 septembre 2003, n°1/66111 (1500 euros à la suite de déversement d’eau de lavage de carottes dans un cour d’eau).
637 En cas de dégazage en mer V. notamment : T.corr. Brest, 3 janvier 2006, n°05/003930 (100.000 euros) ; T. corr.Brest, 8 mars 2005, n°04/008977 (20.000 euros).
225
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
B) Sanctions pénales quasi inappliquées
L’une des caractéristiques essentielles du droit de l’environnement en
Afrique et particulièrement au Bénin, est l’absence de sanction attachée en fait
aux violations des règles qui le constituent.
Outre les mécanismes non juridictionnels consistant en des procédures
administratives non contentieuses que peut mettre en œuvre l’administration
compétente soit pour prévenir les atteintes à l’environnement soit pour
sanctionner les atteintes avérées, les mécanismes juridictionnels sont des
procédures contentieuses mis en œuvre par les cours et tribunaux pénaux et
qui devraient aboutir à sanctionner, par une décision de justice, des atteintes ou
risques d’atteintes à l’environnement prévues par les dispositions législatives et
réglementaires.
Mais force est de constater le règne d’une impunité inexplicable et
qui se traduit parfois par le prononcé de sanctions symboliques. En dehors du
laxisme et la complaisance des autorités judiciaires à l’égard de la délinquance
environnementale, qui explique cette impunité, elle s’explique aussi par la
nature même de la matière environnementale.
En effet, donner un prix à la nature n’est pas chose facile. Combien
pourrait- on payer pour un guib anarché ou un singe à ventre rouge, abattu
par un braconnier ? Combien pourrait-on payer pour un écosystème marin
altérté par une pollution aux hydrocarbures ? Les montants alloués varient d’un
système juridique ou d’un juge à un autre. Ainsi, rencontre-t-on des décisions
qui allouent simplement le franc symbolique pour la mort d’un rapace638 ou celle
d’un loup639, quand d’autres accordent 150 euros pour la capture d’un oiseau
appartenant à une espèce protégée640. S’agissant plus précisément de l’évaluation
des atteintes à l’environnement à un franc symbolique, on ne peut manquer
d’y voir le révélateur de la difficulté qu’éprouvent les juges du fond à chiffrer
le préjudice qui n’est pas de nature pécuniaire. Dans tous les cas, prononcer
des condamnations symboliques pour atteintes à l’environnement, revient à
638 CA Pau, 15 mars 2005, n°00/400632.639 CA Aix-en-Provence, 21 mars 2005, n°534/M/2005.640 CA Pau, 4 décembre 2003, n°03/00399 : il s’agit de la capture d’un pipit.
226
Premiere partie
refuser purement et simplement d’évaluer le préjudice. La cour de cassation ne
s’y trompe pas lorsqu’elle affirme de manière constante que la « réparation n’est
pas assurée par l’allocation d’un franc symbolique »641 et censure les décisions
qui ne respectent pas ce principe. Ainsi, la chambre criminelle de la cour de
cassation, dans un arrêt du 15 janvier 1997 a-t-elle rappelé que « la réparation
du préjudice subi par la victime d’une infraction doit être intégrale »642. Appliqué
au domaine particulier de l’environnement, il s’en infère notamment que « le
préjudice né de l’édification d’une construction réalisée en violation de la loi du
3 janvier 1986 sur le littoral doit être intégralement réparé ». par conséquent, en
allouant la somme symbolique de 10.000 francs destinée à compenser la perte
de jouissance de la vue sur la mer (…) la cour d’appel a méconnu la règle sus
visée et priver sa décision de base légale ».643
Au Bénin, l’absence de sanction est aussi manifeste. En effet, en
termes de dégradation ou de pollution de l’environnement, l’on constate que
la personne morale pollue plus que la personne physique. C’est une pollution
à grande échelle comme des déversements dans les eaux de surface et sur
le sol sans précaution, de déchets solides ménagers ou des déchets liquide
renfermant parfois des métaux lourds. La plupart du temps, ces personnes
le font impunément où lorsqu’elles sont punies tantôt c’est un avertissement
verbal tantôt c’est une amende administrative dérisoire.
De plus, rarement saisis de question d’environnement, les tribunaux
nationaux n’ont pas souvent l’occasion de statuer sur de telles questions pourtant
répréhensibles mais qui ne font quasiment pas l’objet de poursuites pénales ; ou
lorsqu’elles sont portées à la connaissance du juge, ce dernier à tendance à être
indulgent.
641 Récemment en ce sens : Cass. Soc., 26 avril 2007, n°05/45624 (pour la cour : « le non-respect de la procédure de licenciement entraine nécessairement un préjudice dont la réparation n’est pas assurer par l’allocation d’un euro symbolique ».
642 Cass. Crim., 15 janvier 1997, n°96/82264, Bull. Crim., n°11.643 Idem
227
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
§ II : L’indulgence du juge pénal et tolérance administrative
Des circonstances de nature objective, liées à l’acte infractionnel ou de
nature subjective644 liées à la personne même du délinquant, peuvent amener le
juge à accorder le sursis ; solution à laquelle il a fréquemment recours en l’espèce.
De la même manière, lorsque sa conviction, n’est pas établie, lorsqu’il subsiste
un quelconque doute sérieux, il relaxe. Ce sont les circonstances atténuantes qui
permettent au juge, dans l’application de la peine de descendre en dessous ou
d’aller en deçà du minimum légal requis.645
A) L’indulgence du juge
Elle se manifeste aussi bien par l’octroi de sanctions sursitaires que par
la relaxe pure et simple ou au bénéfice du doute.
1. Le recours fréquent aux sanctions sursitaires
La philosophie qui gouverne la notion de sursis remonte, au XIXème siècle
avec le sénateur Béranger qui en est l’inventeur. « L’esprit de l’institution est de
créer un traitement spécial pour l’homme que la justice n’a pas encore atteint et
dont la moralité est restée assez intacte pour que la société n’ait rien à redouter
de sa liberté»646.Plus précisément par l’effet du sursis, le condamné est dispensé
provisoirement d’exécuter sa peine. Il s’agit donc d’un sursis à l’exécution de la
peine ou de la sanction et non pas un sursis au prononcé de la condamnation647.
644 Ce peut être « les faits les plus divers, tels que le jeune âge, la situation personnelle ou professionnelle, l’état d’ivresse ou de santé du délinquant, le repentir ou la pureté du mobile l’ayant animé, l’immoralité de la victime, voire des sévices subis leur de l’arrestation. » V. J. PRADEL, op.cit. p.615.
645 V. J. PRADEL, op.cit. p. 616. 646 Rapport du 6 mars 1890, D., 1891, Leg. 25, 2è. Colonne en haut. J. PRADEL, op.cit., p.620.647 Idem. P.620
228
Premiere partie
Le code pénal français en compte trois sortes. Il peut s’agir d’un sursis
simple648, ou d’un sursis avec mise à l’épreuve ou sursis probatoire649 ou encore
un sursis qui est associé à l’accomplissement d’un travail d’intérêt général650.
Le sursis simple permet de soustraire le condamné aux influences
pernicieuses de la prison et réduit les risques d’une récidive en faisant planer la
menace d’une révocation. Il a cependant l’inconvénient de laisser le condamné
livré à lui-même pendant tout le délai alors qu’il serait parfois opportun de
prévoir des mesures d’assistance ou de surveillance. C’est ce qu’a compris le
législateur français en prévoyant pour les mineurs, la liberté surveillée, qui
peut accompagner une peine d’emprisonnement éventuellement prononcée
avec sursis651. Pour tous les majeurs, le législateur a institué à partir de 1958, le
sursis avec mise à l’épreuve, souvent appelée sursis probatoire, impliquant une
juxtaposition à la peine de mesure d’assistance et de surveillance. Enfin, une
loi du 10 juin 1983 a créé une troisième forme de sursis, celui qui est associé à
l’obligation d’un travail d’intérêt général652.
D’un point de vue pratique, le sursis simple est d’application plus
fréquente que les autres sursis. Quant au sursis probatoire, il est d’essence
criminelle puisqu’il ne s’applique « aux condamnations à l’emprisonnement
prononcées pour une durée de cinq ans, au plus en raison d’un crime ou d’un délit
de droit commun»653. La troisième forme de sursis, semble cadrer parfaitement
avec une politique de protection de l’environnement.
Les juges béninois en matière forestière ont toujours accordé au prévenu
les circonstances atténuantes de l’article 463 du CP654. Cette technique est
souvent utilisée par le juge pénal. Ainsi, au cour de la seule année 1995, sur 30
décisions de justice relatives aux infractions forestières jugées devant le tribunal
648 Art. 132-29 et s., C.P. et 735 et s.,CPP)649 Instituée par une loi de 1958.v. art.132-41 CP650 Art.747-1 et s., CPP., et 132-54 et s., CP.651 J. PRADEL, op.cit., p.620652 Art.747-1et s., CPP., et 132-54 et s., CP. Français. V aussi J. PRADEL, op.cit., p.620.653 Art.132-41, al.1 CP. J. PRADEL, op.cit.654 A cet effet, on peut rappeler le jugement du 12 février 2008 du tribunal de première
instance de Natitingou (Bénin) où le juge pénal, tenant compte de la vieillesse des prévenus, n’a prononcé pour un délit de pêche illégale, qu’une condamnation de 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 10.000 f CFA d’amende.
229
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
de première instance de Lokossa (Bénin), il y a 17 condamnations avec sursis,
5 condamnations fermes, 5 décisions de relaxe et 3 décisions dans lesquelles
l’action publique a été déclarée éteinte655.
Au cours de l’année 1998, sur 8 décisions rendues par le même tribunal,
il y a eu 5 condamnations avec sursis, une condamnation ferme et deux décisions
de relaxe. La faculté d’accorder le sursis est reconnue au juge par le code pénal.
Le juge l’applique selon son intime conviction en fonction de l’espèce. Cette
liberté est toutefois atténuée par l’obligation qui leur est faite de motiver leurs
décisions et d’avertir656 en outre le prévenu qu’il bénéficie d’une faveur. Ce motif
leitmotive est invariablement le même pour tous les délinquants : « attendu que
le prévenu est un délinquant primaire n’ayant encouru aucune condamnation
pour crime ou délit de droit commun ; qu’il échet de lui faire application des
dispositions de l’article 585 du CPP »657.
Tout récemment au cours de la saison touristique 2007-2008 dans la
zone cynégétique de la Pendjari (Bénin), sur les 7 décisions rendues par le TPI
de Natitingou, sur les 43 infractions constatées il y a eu 7 emprisonnements
assortis de sursis658.
Il est évident que le sursis a des avantages. Il permet d’abord au juge
d’individualiser la peine, ensuite l’on pense que la pression psychologique de
la menace d’une peine précise l’empêchera de retomber dans l’infraction. Mais
si l’indulgence est souvent plus efficace sur le plan de la prévention spéciale et
individuelle, elle l’est beaucoup moins sur le plan de la prévention générale car
l’opinion finit par croire que le premier délit n’est pas puni 659; la situation est
beaucoup plus dramatique en matière de droit de l’environnement où le juge en
use et en abuse.
655 G. SOGLO, mémoire, p.45.656 Art.588 CPP béninois657 Art. 585 CPP dispose « en cas de condamnation à l’emprisonnement ou à l’amende, si le
condamné n’a pas fait l’objet de condamnation antérieure à l’emprisonnement pour crime ou délit de droit commun, les cours et tribunaux peuvent ordonner, par le même jugement et par décision motivée, qu’il sera sursis à l’exécution de la peine principale. »
658 Cf. Tableau n°3659 J. LARGUIER, Droit pénal général et procédure pénale, Paris Dalloz 1987, p.181
230
Premiere partie
Il faut dire à leur décharge que le sursis ne concerne pas « les frais
du procès et des dommages intérêts, ni les peines accessoires résultant de la
condamnation »660. Le sursis ne signifie pas que les faits ne sont pas établis ; ils le
sont bel et bien, or il peut arriver qu’ils ne le soient pas et qu’il subsiste dès lors
le plus petit doute au niveau du juge, il relaxe « au bénéfice du doute ».
2. Le doute comme motif de relaxe
Lorsque les faits ne sont pas établis ou lorsque les charges contre le
prévenu sont insuffisantes ou encore lorsqu’il subsiste dans l’esprit du juge le
moindre doute, il doit relaxer. L’adage est ainsi connu que « le doute profite
à l’accusé ». Le prévenu peut donc être relaxé au bénéfice du doute comme
dans le jugement n°128/97 du 21 mars 1997 rendu par le tribunal de première
instance de Lokossa dans l’affaire MP c/ TB. Delphin : « Attendu que le prévenu
comparait devant le tribunal de céans pour avoir a Madjrè Tchékléhoué à Dogbo
(Bénin), abattu 53 pieds de palmiers à huile sans autorisation administrative.
Attendu qu’à la lumière des débats, il subsiste un doute sérieux sur la culpabilité
du prévenu, qu’il échet de le relâcher au bénéfice du doute »661.
Cette décision du juge peut en l’état faire l’objet de critique. En effet, du
moment où l’inculpé a commis l’infraction sans autorisation administrative de
l’autorité compétente, il est passible de sanction. Mieux l’autorisation étant un
document matériel, ou elle existe ou elle n’existe pas. Le doute ne devrait plus
s’installer.
Dans un second jugement n°73/97 en date du 21 février 1997 le même
tribunal a relaxé le sieur A.P. au bénéfice du doute parce qu’ « en la cause, il
subsiste un doute sérieux sur sa culpabilité et qu’il est en principe cher à notre
droit positif que le doute profite à l’accusé …»
660 Art.587 CPP béninois.661 V. aussi jugement N° 430/RP09 du parquet de Natitingou du 23 juin 2009 où les prévenus
poursuivis pour complicité de chasse illégale et de pêche illégale dans la zone cynégétique de la Pendjari, ont été relaxés purement et simplement au bénéfice de doute.
231
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
A l’analyse, il se pose pourtant une question de fond, à savoir par quelle
gymnastique le juge pénal arrive à prononcer la relaxe pure et simple ou la relaxe
au bénéfice du doute surtout quand on sait que les procès-verbaux, établis par
les agents forestiers, objet de l’assignation du prévenu font « foi jusqu’à preuve
du contraire » et même « jusqu’à inscription de faux »? La doctrine a même
relevé le fait que ces procès-verbaux constituent une exception du principe de
l’intime conviction du juge662. N’est ce pas plutôt cette intime conviction qui
l’emporte sur le procès-verbal ? Il se pose ainsi, au juge pénal le problème de la
validité de la preuve par procès-verbal.
Le niveau actuel de nos recherches, nous permet de faire l’analyse
suivante. Si le juge arrive à relaxer, c’est parce qu’il estime que les conditions
d’une inculpation ne sont pas réunies dans le procès-verbal. Dans ce cas, le juge
ne lui accorde que la valeur de simples renseignements comme nous l’avons
indiqué dans les précédents chapitres. En effet, dans la pratique, en droit africain
forestier, l’agent forestier assermenté qui établit et signe le procès-verbal en son
nom, constate rarement en personne les infractions. Elles sont plutôt constatées
dans les postes forestiers par des agents non assermentés en général et en
particulier par les gardes faunes, pour ce qui concerne les réserves de faunes. Se
sont ces derniers qui sont chargés, par rotation de garde, de la surveillance du parc
national de la Pendjari. Une fois le suspect appréhendé, ils dressent rapidement
un rapport détaillé, le rapport de constat d’infraction qu’ils adressent au chef
d’inspection forestière ou au chef service de la surveillance et de l’aménagement
de la direction du parc, lequel, élabore le procès-verbal en s’appuyant sur la
bonne foi de l’agent ou sur la confiance existant entre lui et son préposé. Cette
pratique est dangereuse et la conséquence qui en découle est qu’un procès-
verbal établi dans ces conditions ne puisse convaincre le juge surtout que les
délinquants qu’il juge souvent sont des délinquants primaires, des nécessiteux
et autres misérables animés de mobiles reposant sur la subsistance auquelle,
le juge est sensible. Or, comme nous le signalons plus haut, les exploitants
forestiers, les commerçants et autres industriels forestiers qui constituent les
vrais « assassins de l’environnement » ne sont pas inquiétés, bénéficiant d’une
immunité qui ne dit pas son nom, d’une indulgence de l’administration.
662 J. LARGUIER, Droit pénal général et procédure pénale, Paris Dalloz 1987, p.130.
232
Premiere partie
B) L’indulgence de l’administration ou tolérance administrative
Le Bénin, dispose comme nous l’avons précisé dans le chapitre
premier, d’un dispositif institutionnel adéquat de mise en œuvre de son droit
de l’environnement. Toutefois, force est de constater que dans la pratique, ces
mécanismes sont rarement mis en œuvre en cas d’infraction pénale. Les autorités
administratives et judiciaires compétentes pour prévenir et réprimer lesdites
infractions, comme le fustige le Burkinabè Vincent ZAKANE, « sanctionnent
peu de telles infractions qui restent le plus souvent impunies »663. Ainsi, de
nombreuses activités, pourtant soumises à des autorisations ou des permis
préalables, sont impunément entreprises par des citoyens et entreprises
dépourvus de telles permissions. De même, des déversements anarchiques de
déchets urbains et industriels sont largement pratiqués en toute impunité dans
toutes les villes du pays. Certaines implantations industrielles664, par exemple,
sont parfois à l’origine de graves dommages à l’environnement, comme les
déversements de déchets liquides et solides dans les plans d’eau ou en plein air
ou encore des pollutions de l’air et du sol, sans qu’aucune procédure judiciaire
663 L. GRANIER, (sous la direction), Problématique de l’effectivité du droit de l’environnement en Afrique : l’exemple du Burkina Faso, in, Aspects contemporains du droit de l’environnement en Afrique de l’ouest et centrale, UICN, 2008, Gland, Suisse, p.19.
664 Remarquons que les plus grosses pollutions ou dégradations de l’environnement sont l’œuvre de personnes morales dotées de la personnalité juridique comme les sociétés telles que la SONICOG. Ils ont leurs conduits de déchets liquides constitués de matières grasses, de colorants contenant un fort degré de toxicité ou de métaux lourds sont déversées journalièrement dans la mer ou dans le lac. Les sociétés cimentières (SCO, SIM-Benin, SCB), implantés au cœur de la ville, dégagent des particules qui empêchent le voisinage de respirer de l’air pur. Et pour cause les procédures judiciaires contre ces sociétés n’ont jamais prospéré. Le droit béninois ne réprimant pas les personnes morales (cf. arrêt n°21/2000 du 27 janvier 2000 de la CA RG n°.006/2000 du 27 janvier dans l’affaire société des ciments d’Onigbolo- Agent judiciaire du trésor contre Société Groupe MyC International Sarl).
233
Un cadre juridique et institutionnel pertinent mais ineffectif et insuffisant
n’ait jamais été engagée contre eux. De même les coupes abusives de bois665, les
feux de brousse et le braconnage qui prend de l’ampleur, dont les conséquences
désastreuses sur l’écosystème national sont pourtant bien connues, sont
également largement pratiqués, parfois dans l’indifférence totale des autorités
administratives compétentes, chargées du contrôle ou de la surveillance et des
poursuites.
On peut citer également la pollution de l’air qui sévit dans les grandes
villes du Bénin et particulièrement à Cotonou. L’origine d’un tel phénomène,
source de dégradation de l’environnement et de la santé humaine, est l’essence
frelatée, communément appelé « Kpayo ». Bien qu’elle soit interdite de
consommation et de vente par décret, elle est vendue un peu partout sur les
trottoirs au vu et au su de ceux chargés de réprimer les contrevenants.
En définitive, cette première partie de nos travaux de recherche établit,
dans le cadre de la préservation et de la protection de l’environnement par le
droit positif béninois, un diagnostic qui révèle l’existence d’un potentiel répressif
béninois. Ce potentiel pertinent, certes quelque peu virtuel, ineffectif et
insuffisant, est marqué par une volonté des pouvoirs publics, de tenir compte du
droit pénal de l’environnement. En effet, même s’il est vrai que seule l’application
effective permet d’apprécier la valeur sociale de la règle concernée, puisque
l’effectivité est essentielle à la règle de droit, une règle de droit inappliquée, n’en
reste pas moins une règle de droit. Car, pour citer le Doyen Carbonnier : « à se
borner à dire qu’il n’y a de règle de droit qu’effective, que la règle inappliquée
est comme si elle n’existait pas, serait une attitude aussi peu scientifique que
l’inverse »666. Mais il est fondamental de sauvegarder l’environnement par le
droit pénal. Et, dans ce cas, on ne saurait se contenter du caractère virtuel ou
665 Malgré que l’usage de la tronçonneuse soit formellement interdit et réprimé d’une peine d’amende de 50.000, à 500.000 f CFA et/ou d’un emprisonnement de 3 mois à 3 ans. Art. 99 de la loin°93-009 du 2 janvier 1993 portant régime des forêts en République du Bénin, c’est la tronçonneuse qui est utilisée presque quotidiennement par les exploitants forestiers pour abattre les arbres et les scier et, au vu et au su des agents forestiers qui sont la plupart du temps des complices, or ce sont eux qui sont chargés de réprimer de telles agissements.
666 Cité par Aenza KONATE, dans sa communication lors de l’atelier UNITAR/AIF de formation à l’application du droit international de l’environnement pour l’Afrique de l’Ouest. La Rochelle, France, octobre 2001.
234
Premiere partie
de la faible application des textes pénaux. Il conviendrait plutôt d’envisager
effectivement son application à travers une politique pénale qui sort du carcan
«du droit dormant » pour l’opérationnalité. Alors, quelles réponses, quels
atouts et quelles perspectives pour une mise en œuvre réelle du droit pénal de
l’environnement dans le domaine de la préservation de l’environnement ?
235
DEUXIEME PARTIE
LA NECESSAIRE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT PAR LE DROIT PENAL
ET LES PERSPECTIVES
236
Deuxieme partie
Tout au long de la première partie de la thèse, nous nous sommes
appesanti sur l’inventaire et le diagnostic du cadre institutionnel, réglementaire
et législatif de mise en œuvre du droit pénal de l’environnement au Bénin.
L’analyse qui en découle nous a permis de mieux apprécier les efforts accomplis
dans le domaine par les pouvoirs publics béninois. Mais cette analyse nous a
aussi permis d’appréhender les contraintes et les disfonctionnements tantôt
liés à la complexité et à la nature même du droit pénal de l’environnement,
tantôt relevant de la faiblesse du cadre normatif qui freine l’épanouissement
conséquente du droit pénal de l’environnement.
La deuxième partie, s’inscrit bien dans l’objectif général de la protection de
l’environnement par le droit pénal et se propose pour hypothèse, nonobstant les
problèmes et contraintes énumérés précédemment, de démontrer, la nécessité
pour le dispositif répressif interne, de recourir au droit pénal pour sauvegarder
l’environnement. Pour ce faire, notre démarche consistera d’abord à proposer
des approches de solutions aussi bien théorique que pratique, en vue d’avoir
un droit pénal de l’environnement exempt de disfonctionnements et tendant
vers une mise en œuvre effective (Titre I). Ensuite, il serait important pour plus
d’efficacité, de rendre effectif et sans équivoque la responsabilité pénale de la
personne morale prévue par la loi-cadre sur l’environnement puisque les activités
qui entraînent les sanctions pénales sont dues non seulement aux activités de
la personne physique mais aussi et surtout aux activités de la personne morale.
Enfin, il s’agira d’envisager également dans une perspective dynamique, ce que
le droit pénal interne béninois peut tirer du droit pénal international (Titre II).
TITRE I : VERS LA MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT
Pour faciliter une application effective et un suivi régulier du droit pénal
de l’environnement, les pouvoirs publics, animés déjà d’une volonté politique
manifeste, comme exprimée dans les chapitres précédents, doivent d’abord,
dans une dynamique de refondation du droit pénal national, travailler à renforcer
les moyens d’action et de mise en œuvre tant juridiques qu’organisationnelles,
nécessaires à une bonne justice pénale (Chapitre V). Ensuite, ce plan éventuel de
237
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
redressement du droit pénal interne que nous proposons, ne pourra s’inscrire que
dans une démarche de clarification de concepts théoriques et d’appropriation
desdits concepts par le droit interne. Enfin, il s’agira de se préoccuper du concept
de qualification et de la définition des éléments constitutifs de l’infraction
environnementale (Chapitre VI). C’est le point de départ de toute condamnation
ou de toute politique pénale, en réponse aux difficultés liées à l’incrimination
pénale.
238
Deuxieme partie
CHAPITRE V : LE RENFORCEMENT DES MOyENS D’ACTION ET DE MISE EN ŒUVRE DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT
La protection effective et efficace de l’environnement par le droit
pénal, nécessite l’existence de normes et de règles et standards juridiques
environnementaux modernes et applicables. Dès lors, il importe d’avoir une
législation environnementale suffisamment cohérente, un cadre juridique
opérationnel et performant. Le cadre juridique n’est-il pas le support de toute
stratégie de développement durable et la base sur laquelle repose les moyens
d’action des pouvoirs publics et des institutions nationales à divers niveaux ? S’il
est vrai qu’en la matière, le Bénin est compté parmi les pays africains les plus
outillés en matière de textes pénaux, comme nous l’avions fait remarquer dans
l’état des lieux, il n’en demeure pas moins vrai que ces textes, dans leur ensemble
sont insuffisants et nécessite un toilettage, une refonte afin qu’ils s’adaptent
aux exigences de la science environnementale et aux récentes innovations du
droit de l’environnement en matière de protection de l’environnement. Ainsi,
il nous semble important de rendre fonctionnel et pertinent le cadre juridique
afin qu’il dispose de compétences nécessaires à son bon fonctionnement. Nous
estimons que pour atteindre cet objectif, il faut nécessairement envisager, d’une
part, la restructuration du cadre juridique interne (section I) et d’autre part, le
recours à l’analyse économique comme outil de mise en œuvre du droit pénal de
l’environnement (section II).
SECTION I : LA RESTRUCTURATION DU CADRE JURIDIQUE
L’analyse du cadre juridique et institutionnel présente comme nous
l’avons précisé dans la première partie de nos travaux, un cadre législatif et
réglementaire présentant des textes vétustes et sans cohérence avec les réalités
socio- économiques. Ces textes sont dans l’ensemble inappliqués, insuffisants
et obsolètes, voire en désuétude. Mieux, certains compartiments du droit de
l’environnement ne sont pas réglementés. Ils sont même éparpillés et sans
harmonie avec le développement du droit pénal moderne, donc peu performant.
239
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
La réponse pénale qu’il conviendrait que les pouvoirs publics apportent pour
améliorer ce tableau quelque peu sombre, c’est d’envisager l’amélioration du
cadre législatif et réglementaire qui passe par l’élaboration d’une politique
pénale efficace et performante. Pour réussir cette entreprise, il est nécessaire
d’analyser la possibilité d’une refonte du droit pénal de l’environnement (§I) et
comment tendre vers une législation pénale environnementale homogène et
cohérente (§II).
§ I : La nécessaire refonte du droit répressif béninois
Cette refonte doit concerner tous les compartiments de l’arsenal législatif
et réglementaire mais aussi particulièrement les textes généraux comme le
code pénal et le code de procédure pénale. Après ce travail de toilettage et
d’élaboration de textes adéquats, interviendra l’ultime phase de codification des
textes de l’environnement afin de doter le Bénin d’un outil aussi précieux que le
code de l’environnement.
A) La révision et l’élaboration de textes pénaux
Les préoccupations d’ordre environnemental ont toujours été présentes
dans la législation béninoise régissant l’exploitation et la mise en valeur des
ressources. Des lois, même anciennes, contiennent maintes dispositions qui
visent la protection du milieu naturel. Mais dans l’ensemble, ce dispositif
demeure désuet et insuffisant comme sus indiqué. Pour inciter à cette réflexion,
STAVROS Dimas667, déclarait à ce propos « la récente catastrophe survenue
en Côte d’ivoire à la suite du transfert de déchets dangereux illustre combien
les infractions commises contre l’environnement peuvent avoir des effets
désastreux sur les hommes et sur l’environnement. Elle souligne une fois de plus
l’urgente nécessité d’améliorer la mise en œuvre de la législation en matière
d’environnement, afin d’éviter les incidents de ce type». Dès lors, les pouvoirs
667 Membre de la commission chargée de l’environnement (UE), Bruxelles 2007
240
Deuxieme partie
publics doivent penser une stratégie qui s’articulera d’abord autour de la révision
des textes ensuite, elle définira les modalités d’élaboration de nouveaux textes.
1) La révision des textes
Pour asseoir une bonne politique pénale, il est important pour le
législateur béninois de revisiter tous les textes pénaux anciens et nouveaux
dans leur ensemble afin d’en « élaguer» les dispositions à caractère vétustes
et sans ancrage avec la réalité pénale béninoise (amendes ou peines dérisoires
et sans effet sur le délinquant). Dans la première partie du travail, nous avions
énuméré largement ces incohérences contenues dans les lois telles que la loi n°
87-015 du 21 septembre 1987 portant code de l’hygiène publique en République
Populaire du Bénin, la loi n° 87-016 du 21 septembre 1987 portant code de l’eau
en République Populaire du Bénin668; la loi sur la vaine pâture; l’ordonnance n°25
PR/MJL, du 7 août 1967 portant code de procédure pénale du Bénin; la loi sur
les pêcheries au Bénin(l’ordonnance n°20/PR/MDRC/SP du 25 avril 1966 et son
décret d’application qui remonte à la même date); l’ordonnance n° 45-1423 du
28 juin 1945 relative à l’urbanisme dans les colonies et ses décrets d’application.
C’est le texte fondamental qui sert de référence ou de repère à tous les autres
textes qui régissent l’aménagement et l’urbanisme au Bénin; pour ne citer que
celles- là, car la liste n’est pas exhaustive.
L’obsolescence de la plupart de ces textes encore en vigueur, et datant
pour beaucoup de la période coloniale avec certaines dispositions inadaptées
ni au statut de pays indépendant qui caractérise le Bénin depuis 1960, ni au
niveau actuel de développement économique et surtout technologique de
la société béninoise. Il parait donc nécessaire de procéder à la rénovation du
cadre juridique. Cependant, cette révision doit se faire en tenant compte de
la nécessité de combler les vides juridiques, de l’urgence à rénover les textes
obsolètes et de la nécessité d’abroger certains textes confus, touffus, manquant
de précision et de concision.
668 Abrogée par la Loi n° 2010-44 du 24 novembre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin.
241
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Cette révision, pour gagner en efficacité, doit, tout en s’inspirant et en
intégrant le contexte international, le monde étant devenu un village planétaire,
tenir compte des réalités sociologiques qui permettraient au Bénin d’imaginer
des solutions administratives et pénales adaptées au contexte béninois.
Si certains textes répressifs méritent un toilettage en vue d’assurer
un arrimage avec le droit pénal moderne, d’autres secteurs en matière
d’environnement méritent la conception et l’élaboration de nouvelles lois
qu’accompagneront de nouveaux textes d’application.
2) L’élaboration de nouveaux textes.
Il sera envisagé l’élaboration de législations spécifiques suivies de
textes réglementaires dans des secteurs sensibles et non encore réglementés
tels que les écosystèmes marins, les inondations ou catastrophes naturels, les
déchets dangereux et/ou radioactifs, la biosécurité ou les OGM, la gestion des
242
Deuxieme partie
risques et catastrophes naturels, la corruption669 ; etc.670 Le législateur devrait
avoir une vision anticipatrice de l’approche pénale pour assurer une meilleure
protection de la société. Par exemple, une loi sur la gestion des inondations
devrait pourvoir d’abord interdire l’occupation anarchique par les populations
669 Le domaine de l’environnement est par excellence un domaine où se développe plusieurs délits de droit commun tels que la corruption, la concussion, le népotisme, le favoritisme. Ces infractions se localisent davantage au sein de l’administration judiciaire mais aussi au sein de l’administration environnementale avec la complicité des agents chargés du contrôle ou chargés de verbaliser les indélicats, comme nous l’avons précisé dans le cas de l’amende transactionnelle. Puisque «l’indépendance du pouvoir judiciaire et les procédures juridictionnelles revêtent une importance cruciale pour l’application, l’élaboration et le respect du droit de l’environnement» comme le souligne l’une des conclusions du Sommet mondial des juges, tenu à Johannesburg, en 2002 et repris dans l’allocution d’ouverture de Guy CANIVET, premier président de la cour de cassation de France, lors du colloque de l’AHJUCAF en 2008, www.courcassation.fr. La corruption étant un fait de société, donc universelle, la France lui a apporté une réponse pénale à travers une réforme du code pénal, qui aboutit au vote de la loi n°91-3 du 3 janvier 1991 portant délit de favoritisme. Il s’agit de l’article 432-14 du code pénal qui dispose « est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un service injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.»
Le Benin, en s’inspirant d’une telle disposition peut mettre particulièrement en relief les délits forestiers et douaniers qui prennent le pas sur les autres. Afin d’asseoir une pénalisation adéquate quant à l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. Il existe certes au Benin, la loi n° 79-23 du 10 mai 1979 réprimant sur le plan pénal, les détournements, la corruption, la concussion et infractions assimilées commis par les agents permanents de l’Etat, mais elle est pratiquement tombée en désuétude et mérite une refonte. On peut tout de même affirmer maintenant qu’au bénin, des efforts sont faits par les pouvoirs publics dans le sens de doter le pays d’une loi sur la corruption véritablement en adéquation avec les réalités du droit moderne. Mais ces efforts s’avèrent insuffisants. Le gouvernement a introduit le projet de loi à l’Assemblée Nationale. Et, dès lors, cette loi était en instance au parlement béninois depuis quelques années, vient d’être votée et promulguée. C’est la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. Cette loi, en ses art.40 à 42, réprime sévèrement la corruption des agents publics.
670 Cf. Tableau n° 6 : quelques domaines sensibles ignorés du législateur béninois, p.131.
243
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
des bas-fonds ou des zones marécageuses ou sensibles lesquelles sont des lits
naturels d’occupations des eaux ensuite définir les modalités d’intervention de
l’Etat pour assainir ces sites avant de préciser les sanctions encourues en cas de
non respect des prescriptions.
En ce qui concerne les déchets dangereux ou radioactifs, une loi
spécifique permettrait de mieux définir les contours des infractions liées aux
activités dangereuses objet de la manipulation des produits dangereux ou
radioactifs. La loi-cadre se contente de réprimer les déchets dangereux ou
toxiques en provenance de l’extérieur671 et renvoi à la prise d’une loi spéciale
relative aux substances chimiques nocives ou dangereuses. Elle définirait par
exemple :
- la liste des substances chimiques nocives ou dangereuses dont la
production, l’importation, le transit et la circulation sur le territoire
béninois sont interdits ou soumis à autorisation préalable du Ministre ;
- les conditions de délivrance de l’autorisation préalable nécessaire à la
production, le conditionnement, l’importation, l’exportation, la mise sur
le marché béninois, le stockage et le transport des matières visées ci-
dessus ;672
- les sanctions administratives et pénales encourues en cas d’inobservation
des règlements.
Quant à la loi relative à la gestion de la biosécurité ou des OGM673, elle est
importante pour réguler éventuellement les conséquences liées à l’alimentation
à base d’OGM, qui, quoiqu’on dise font déjà officieusement leur entrée sur le
territoire national, dans la mesure où ces produits sont manipulés dans les Etats
voisins.
Il ne faut surtout pas attendre que la catastrophe s’abatte sur le pays avant
de rechercher comment régler les conséquences issues des suites judiciaires.
671 Art.118 loi-cadre au Bénin.672 Art.84 de la loi-cadre au Bénin673 A l’instar des articles L531-1 et suivants du code de l’environnement français qui
réglementent la matière.
244
Deuxieme partie
Il est à envisager également une loi spécifique sur la responsabilité
pénale des personnes morales qui définisse la politique pénale en la matière.
A la suite du pouvoir législatif, il est important que le gouvernement, après
avoir joué un rôle de lobbying en amont pour que le vote des lois ait lieu, qu’il veille
à la prise, dans les meilleurs délais des décrets et arrêtés d’application desdites
lois qui seront ainsi votées. Après le vote et la prise des textes réglementaires,
il faut pour que ces textes ne tombent en désuétude, développer une stratégie
pour leur vulgarisation en vue de permettre aux citoyens de connaitre les textes
et les droits dont ils sont titulaires, de les exercer pleinement pour une meilleure
protection de l’environnement. La publication de la loi est un acte très important
particulièrement pour l’entrée en vigueur de la loi. Cet acte est consacré par le
Journal Officiel. Mais, dans les Etats africains, cette forme de publication, bien
qu’elle soit prévue par les textes, n’est pas effective dans la réalité. La raison
en est la parution irrégulière dudit Journal. C’est le cas du Journal Officiel de la
République du Bénin. Une réflexion doit être menée à ce niveau pour lever les
goulots d’étranglements qui font qu’au lieu de paraître tous les quinze jours,
le JORB fait parfois plusieurs mois, voire plusieurs années sans paraître alors
que des textes sont pourtant pris dans l’intervalle de temps de non parution.
En revanche, il est important de faire remarquer que même si la parution était
régulière, ce mode de publication ou d’information n’atteint pas le grand public
qui en réalité n’a pas accès à ce journal pour diverses raisons. C’est pourquoi,
pour l’information du public, il serait souhaitable, puisqu’il s’agit des textes
d’environnement, qu’après la promulgation par le chef de l’Etat, de procéder à
une campagne de vulgarisation desdits textes à travers le pays. Au Bénin, cette
mission est dévolue au MJLDH qui doit «mettre sous forme de plaquettes toutes
les lois en vue de leur vulgarisation». C’est ce qui se passe aussi dans les pays
occidentaux lorsque le «Ministère de l’environnement publie toutes sortes de
bulletins et de notes pour informer les industriels du contenus des nouvelles
législations674» malgré que nul n’est sensé ignoré la loi. Ceci d’autant plus que «la
mise à disposition et la diffusion des textes…constituent une mission de service
public au bon accomplissement de laquelle il appartient à l’Etat de veiller675».
674 FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.289.675 CE. 17 décembre 1997, Ordre des Avocats à la cour de Paris, rec., p.491.
245
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Ces initiatives, une fois mise en œuvre, permettront, sans doute de doter
le pays d’un arsenal rénové, actualisé, populaire et accessible pour le citoyen.
En tout état de cause, l’issue majeure demeure la réforme législative,
qu’il s’agisse d’actualiser les dispositions anciennes, d’introduire de nouvelles
règles ou de modifier par décriminalisation les régimes de sanction676. Un
rapport du conseil de l’Europe synthétise parfaitement dans son introduction
les perspectives gouvernant ces travaux : «on estime que si l’écart entre la loi
et le public devient trop grand, les gens cesseront de respecter la loi, en partie
parce qu’ils auront perdu confiance et respect envers ces «agents» et en partie
parce qu’il est trop difficile de suivre des lois qu’on ne comprend ni n’approuve
et qui sont en opposition avec les normes de conduite largement acceptées».
Les limites et obstacles à la mise en œuvre des législations ont souvent
été présentés comme trouvant, leur source, du moins la cause de leur extension,
dans l’inertie des autorités publiques chargées d’en assurer le respect. Traitant
de l’inertie ou de la tolérance des pouvoirs publics, G. Ripert disait «qu’il ait des
lois qui paraissent ne pas avoir été votées 677». Il situera une des grandes causes
« d’insécurité juridique» dans la pratique administrative «quand l’autorité n’a
pas la force ou l’habileté nécessaire pour assurer à tout instant l’exécution des
lois».
Par ailleurs, la CNLC du MJLDH, organe national chargé d’élaborer des
projets de lois dans tous les domaines, doit subir une réforme afin d’être plus
opérationnelle. Cette commission doit connaitre un audit ou une évaluation
devant aboutir à la redéfinition de sa mission, de ses attributions pour aboutir à
une réorganisation structurelle avec un cahier des charges plus pertinente. Elle
sera l’ossature de la réforme législative et règlementaire.
La législation environnementale interne, doit être aussi en harmonie
avec les conventions internationales légalement ratifiées par le Bénin. Or, il
est évident que les lois et règlements préexistants dans le pays nécessitent en
plusieurs endroits, et ce, pour plusieurs raisons, des adaptations au contexte
676 LASCOUMES (P) et SEVIRIN (E), Théories et pratiques de l’effectivité du droit, Droit & Société, n°2/1986, p.9 www.reds.msh-paris.fr
677 RIPERT (G), Les forces créatrices du droit, Paris, LJDG, 1955, p.372
246
Deuxieme partie
des nouvelles conventions ratifiées. Et, lorsque ces lois et règlements n’existent
pas, ils sont à initier pour rendre compréhensible au public le sens et la portée
des nouvelles conventions aux dimensions et langage plus complexes et plus
universels. L’acte de ratification ou d’adhésion n’a de signification qu’à travers
l’application des mesures législatives, réglementaires et administratives
d’accompagnement qui sont supposées en matérialiser l’applicabilité. A cet
effet, il serait judicieux de procéder à l’inventaire des traités et des accords
internationaux auxquels le Bénin est partie et particulièrement ceux qui n’ont
pas encore été ratifiés, et veiller à leur entrée en vigueur ou à leur réexamen.
Enfin, la réforme du code pénal ne doit pas passer inaperçu. Le code
pénal actuellement en vigueur, nous l’avons signalé est désuet et anachronique.
L’élaboration d’un nouveau code pénal qui s’inspirera des réalités béninoises et
de l’évolution du droit de l’environnement est nécessaire pour lutter efficacement
contre les dégradations de l’environnement. Mais il ne s’agira pas d’élaborer
simplement un code pénal mais il faut plutôt, élaborer un code pénal qui intègre
les infractions d’environnement et définit clairement les sanctions applicables.
Un code pénal nécessaire pour pérenniser les délits et crimes d’environnement
en créant à côté du vol ou du meurtre, des infractions d’environnement ou des
incriminations de pollution, de destruction, de dégradation ou autres atteintes à
la nature qui seront distinctes des infractions particulières reposant seulement
sur le non respect de prescriptions légales ou réglementaires déterminées. Il
vaut mieux adapter et proportionner les peines aux préjudices écologiques. Il est
anormal que le respect des règles administratives conduise à empêcher toute
sanction pénale alors qu’il y a cependant un dommage à l’environnement678.
De sorte que la tendance récente à considérer le respect d’une autorisation
administrative comme un fait justificatif exonérant l’auteur d’un délit
environnemental, serait très préjudiciable à la sauvegarde de l’environnement.679
Il est aussi essentiel que les peines pécuniaires soient accompagnées de mesures
réparatrices telles que, remise en état des lieux, mise en place d’un dispositif
dépolluant, injonction d’établir des plans de travaux de sécurité. La réforme peut
aussi intégrer le recours aux astreintes pénales et aux jours –amende, l’utilisation
678 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, op.cit., p.832679 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, op.cit., p.832
247
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
des produits des amendes pénales environnementales, réellement à des fins de
protection de l’environnement, l’exclusion de l’amnistie des infractions relatives
à l’environnement. L’élaboration du nouveau code pénal béninois pourrait
également intégrer la peine de la «remise en état des lieux» dans les peines
alternatives applicables au coupable, personnes physique ou morale, afin de
permettre au juge pénal d’ordonner librement cette sanction sans être limité
par les prévisions restrictives des lois sectorielles concernant l’environnement680,
pour remédier à cette lacune que traîne le nouveau code pénal français.
C’est à ce prix, qu’on aura un droit pénal de l’environnement autonome,
dans un environnement clarifié par le code de l’environnement. Puisque la
codification du droit de l’environnement devrait être l’occasion d’une refonte
complète du droit pénal de l’environnement afin d’en faire disparaitre les
incohérences et d’en harmoniser les dispositions.
B) Le code de l’environnement, un outil nécessaire
Les dispositions juridiques applicables se trouvent dispersées dans un
grand nombre de textes juridiques dont l’économie est souvent malaisée. La
réglementation se trouve contenue dans les lois mais aussi dans les décrets,
dans les arrêtés ministériels ou interministériels ou même émanant des autorités
locales.
Une codification du droit de l’environnement en dépit de sa jeunesse,
pourrait contribuer à rendre plus aisé l’accès à cette réglementation. Vu la
cadence des textes législatifs et réglementaires adoptés ou en cours d’adoption
depuis 1992681, la question mérite réflexion.
Les acteurs du droit répressif (le législateur, le magistrat, l’OPJ, les
inspecteurs environnementaux ou autres agents assermentés, l’autorité
administrative, etc.…) sont amenés à se référer à des textes pénaux divers
inclus dans différents textes (code pénal, lois spécifiques ou sectorielles (eau,
680 LITTMANN (Marie-José), Code de l’environnement, droit pénal et procédure pénal : quelques réflexions, RJE, n° Spécial, p.64.
681 Date de la création du MEHU.
248
Deuxieme partie
urbanisme, agriculture, déchets, faune, flore, hygiène publique, bruit, air, etc.…),
qu’il convient, donc de regrouper toutes ces dispositions dans un seul code, le
code de l’environnement.
Le droit de l’environnement n’existe pas comme domaine autonome
de droit. Il n’est le plus souvent que la juxtaposition de règles ayant des
origines diverses. Cette lacune n’est-il pas due en partie à l’absence d’une
volonté d’homogénéisation des règles du domaine ou d’un code de droit de
l’environnement? De toutes les façons, la période contemporaine que nous
traversons est marquée par un fort mouvement de codification des règles
d’environnement. Le Bénin, dès lors ne saurait rester en marge d’une telle
entreprise, même si une certaine doctrine estime que la codification est «peu
souhaitable parce qu’elle aurait pour effet de scléroser la règle de droit, de la
rendre imperméable aux adaptations et aux mutations. En cristallisant une
matière non encore mur»682. A ce reproche, il est souvent répondu que la
codification n’a jamais entravé le travail jurisprudentiel et qu’une codification
qui aurait ce résultat serait simplement une codification mal faite, allant trop
loin dans le détail683. A l’issue de nos travaux de recherches, nous suscitons à
l’intention des pouvoirs publics la discussion sur la nécessité ou non pour le
Bénin d’avoir un code de l’environnement à la lumière de l’expérience française.
1) La définition et les intérêts d’un code de l’environnement
Selon le lexique des termes juridiques, «la codification est le
regroupement d’un ensemble souvent complexe de dispositions législatives
ou réglementaires intéressant une même matière, conservant leur portée ou
leur force juridique originaire». Pour J.L. BAUDOUIN, «la codification est une
technique, une méthode d’élaboration de règle de droit et de concrétisation de
celui-ci dans un ensemble législatif. Le concept désigne par ailleurs des réalités
682 MARTIN (G. J), Principes pour une codification de l’environnement, in, Quel avenir pour le droit de l’environnement ? Actes du colloque, Publication des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1996 sous la direction de OST (François) et GUTWIRTH (Serge).
683 Idem. V aussi BAUDOIN, Réflexion sur la codification comme mode d’expression de la règle de droit, in, Unification et le droit comparé dans la théorie et la pratique, contribution à l’honneur de J.G. SAUVEPLANE, Deventer, Kluwer, 1984, p.22.
249
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
fort différentes les unes des autres, répondant à des objectifs eux-mêmes très
divers»684. Mais à l’origine, l’invention du terme code est attribuée à Jeremy
BENTHAM685 pour désigner le projet d’un corps complet de législation. BENTHAM
utilise également le terme grec, encore plus explicite, de «pannomium»686. Pour
lui, cette entreprise est par excellence un instrument de réforme utilitaire dont
la fonctionnalité l’emporte sur la structure formelle. «Codifier ce n’est donc pas
se borner à mettre par écrit, ou à ordonnancer le droit existant (Law as it is),
c’est élaborer le droit le meilleur (Law as is ought to be).
Ainsi, l’on voit qu’il apparait de la lecture croisée de ces définitions, que
la codification est d’origine lointaine. Soulignons pour plus de précision que tout
ce qui précède à trait à la famille romano-germanique à laquelle appartient le
droit francophone dont le droit béninois est tributaire. Ainsi, cette compilation
de textes, homogène et cohérent qui organise mieux le droit de l’environnement,
est digne d’intérêt particulièrement pour le droit pénal de l’environnement.
En effet, le garde des Sceaux français Jean LECANUET déclarait «je
crois nécessaire pour faciliter l’action des praticiens, de faire procéder à la
rédaction d’un code de l’environnement687». Ce code permettra d’abord de
mieux connaître le droit de l’environnement puisqu’il permet de regrouper les
684 In, Réflexion sur la codification comme mode d’expression de la règle de droit, in Unification et le droit comparé dans la théorie et la pratique, contribution en honneur de J.G. Sauveplane, Devanter Kluwer, 1984, p.18, cité par LASCOUMES (P) et MARTIN J. (G) dans leur article , intitulé, Des droits épars au code de l’environnement, Droit & Société, 30-31/1995.
685 Avant lui, reconnaissons qu’en droit romain, le code existait comme compilation de textes essentiels, on peut citer le code théodosien de 438 et le code Justinien de 534, le code du Roi HENRI III en 1603 .en 1667, le code Louis sur la procédure civile. Mais c’est au XIXème qu’il ya évolution avec le code civil de 1804, le code de procédure civile 1807, le code de commerce en 1807, le code d’instruction criminel en 1808 et le code pénal en 1810. Le XXème siècle ne viendra que confirmer ce progrès. Cité par OGOUSSAN (N), Etude de la codification de l’environnement au Bénin, de 1960 à 1990, Mémoire, maitrise en droit, UNB, 1998.
686 BENTHAM (J), Introduction to the principes of morals and legislation, 1789; J. BENTHAM, Théories des peines et des récompenses, 1811; F. OST, “codification et temporalité dans la pensée de J. BENTHAM », in Ph. Gérard et al. Actualité de la pensée juridique de J. BENTHAM, Bruxelles, Facultés universitaires Saint Louis, 1987 ; cité par LASCOUMES (P) et MARTIN J.
687 PRIEUR (M), Pourquoi une codification ? RJE, n°spécial 2002.
250
Deuxieme partie
textes jusqu’ici dispersés. Le droit de l’environnement est par son histoire et ses
fondements un droit épars qui a puisé à des sources diverses et s’est édifié au
coup par coup selon des aléas des enjeux sociaux. La difficulté principale réside
dans l’absence de catégories homogènes pour penser les problèmes et organiser
les réponses aux questions d’environnement. Tantôt, ce droit raisonne en terme
d’infractions applicables aux milieux (eau, air, sol), tantôt en termes d’activités
humaines nécessitant une réglementation (chasse, pêche, exploitation
d’industrie, de mines, de carrières), tantôt en terme d’aménagement d’espace
(littoral, montagne, réserve, parc national, site de décharge publique) tantôt
enfin, en terme de protection d’espaces (faune, flore). Dans tous les cas, il s’agit
d’incriminations et de sanctions hétéroclites qu’il conviendrait d’appliquer le cas
échéant. C’est pourquoi, il faut harmoniser cet écheveau en posant les bases
d’une codification688. Car, avec la codification on opère nécessairement une
mise en ordre et des regroupements qui mettent en lumière l’importance et
l’utilité du droit pénal existant. Ainsi, en concentrant un droit pénal jusqu’alors
éclaté, la codification permet de consolider l’acquis environnemental, puisque
l’acte de codification vaut aussi en quelque sorte confirmation du droit en
vigueur. C’est à cela que pensait madame Corine LEPAGE lorsqu’elle qualifiait
«le code de l’environnement d’acte de naissance du droit de l’environnement»689
pour mettre l’accent sur l’importance que représente l’adoption d’un code de
l’environnement.
On note également que, le code de l’environnement rend le droit de
l’environnement plus accessible. Si le droit est mieux connu, on peut supposer
qu’il sera plus facilement appliqué. Son regroupement le rend nécessairement
plus accessible et donc plus effectif.
Le droit requiert précision et certitude, d’où la nécessité de réunir
en des ensembles cohérents des règles d’origine et d’époques différentes. La
codification en permettant de résoudre les contradictions, en supprimant les
doubles emplois, en redressant les rédactions défectueuses et en levant les
ambigüités, pouvait être l’instrument de réalisation de cet objectif. En donnant
688 LASCOUMES (P) et MARTIN J. (G) , op.cit.,p.8.689 LEPAGE (C), Le code de l’environnement : acte de naissance officiel du droit de
l’environnement ? Gaz. Pal., 6 et 7 mars 1996.
251
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
à la matière un fil conducteur et en faisant œuvre de regroupements, le code
devrait permettre, enfin de lutter contre l’éparpillement des règles et contre leur
instabilité690.
Enfin, le code de l’environnement est une nécessité particulièrement
impérieuse s’agissant du droit pénal et de la procédure pénale qui assure son
application. En effet, le développement du droit de l’environnement a engendré
celui du droit pénal de l’environnement puisque la plupart des prescriptions
législatives et réglementaires, nous l’avions dit, sont assorties de sanctions
pénales. Dans l’ensemble, on peut affirmer que ce recours systématique au
droit répressif s’est fait dans l’improvisation, dans l’incohérence, sans souci
d’harmonisation, de réflexion globale sur les objectifs de cette branche nouvelle
de droit pénal spécial691. La multiplication des incriminations désordonnées,
l’enchevêtrement des polices spéciales habilitées à constater les infractions
limitées à certains secteurs, l’incertitude des pouvoirs qui leur étaient conférés
des activités de police judiciaire, rendent particulièrement opaques et aléatoires
l’application du droit pénal de l’environnement et même sa compréhension. Le
remède de toutes ces incohérences était donc une codification législative afin
d’harmoniser les incriminations, de rétablir une hiérarchie raisonnable des
sanctions, de préciser et unifier les pouvoirs des agents habilités et rechercher
lesdites infractions692.
690 LASCOUMES (P) et MARTIN J. (G), Des droits épars au code de l’environnement, Droit&Société, 30-31/1995.p.9
691 ROBERT(J.H) & REMOND6GROUILLOUD (M), Droit pénal de l’environnement, Masson, collection droit pénal des affaires, 1983, p.29 et s. M.J. LITTEMANN-MARTIN, Droit pénal de l’environnement, apparence redoutable et efficacité douteuse. Les juges dans le bleu. Justice, n°122, novembre 19898, p.15 et s.
692 LITTEMANN-MARTIN (M.J.), Le code de l’environnement, droit pénal et procédure pénale : quelques réflexions, RJE, n) spécial, 2002, p.55.
252
Deuxieme partie
2) La nature et les principes de codification
Selon la doctrine incarnée par les auteurs P. LASCOUMES, G. J. MARTIN693,
deux grandes conceptions de la codification s’opposent aujourd’hui, l’une est
quantitative, l’autre qualitative.
La première consiste en une simple mise sous forme écrite et exhaustive
du droit dans un document unique. Dans ce cas on se contente d’opérer une
compilation de solutions qui demeurent juxtaposées, de sorte que le code
ne fait que refléter le processus casuistique qui a présidé à la genèse de ces
solutions. Le mouvement de législation contemporain est largement de ce type,
en particulier celui promu par « la Commission Supérieure de Codification en
France» qui limite la rationalisation du processus au droit constant694, complété
de quelques touches réformatrices sur des points présentant des caractères
archaïques affirmés ou sur des contradictions fragrantes. L’histoire du code civil
français de 1804 est basée en grande partie sur cette théorie. C’est l’œuvre d’un
compromis entre une approche empirique dominante de la codification et une
approche rationaliste modérée.
La deuxième se présente au contraire comme une systématisation
poussée de la matière juridique sous forme axiologique c’est-à-dire créatrice
de valeur spécifique, en terme de droit. Dans cette hypothèse s’opère une
transubstantiation des règles, les solutions étant non plus juxtaposées mais
hiérarchisées à partir de principes rationnels et universels et déduites les unes
des autres selon des règles d’inférence logique. Dans ce cas, le code recèle ses
propres règles de transformation, d’application et d’interprétation, de sorte que
les imperfections législatives qui subsisteraient pourraient être surmontées à
l’aide de ses dispositifs internes. La rationalité qui se dégage de cette forme de
codification traduit de façon exemplaire la propriété essentielle des systèmes
selon laquelle l’ensemble présente une valeur plus importante que la somme des
éléments. La systématisation fait émerger des propriétés que chaque élément à
693 In Des droits épars au code de l’environnement, Droit&Société, 30-31/1995.694 Selon Michel PRIEUR, la notion de droit constant suppose « qu’aucune modification ne
peut être apportée au fond des dispositions législatives codifiées ». C’est le cas du code de l’environnement français dont l’élaboration a été assurée par la Commission Supérieure de Codification en 2000.
253
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
l’état isolé ne présenterait pas. Ce mode reste cependant plus théorique que
réellement mis en œuvre. Dans une certaine mesure, la codification pénale,
surtout celle de 1791 et de 1810, et dans une moindre mesure celle entrée en
vigueur en 1994, s’inspirent en partie de ces principes.
A ces deux tendances, Bruno OPPETIT ajoute deux autres formes
de codification à savoir «des codes-compilations qui ont pour seul objet de
regrouper les textes sans les modifier, ni même les ordonner. Mais il conclu qu’on
peut douter qu’il s’agisse de véritables codes. Ensuite, la deuxième catégorie est
constituée de «codes-consolidation qui consacrent législativement des solutions
jurisprudentielles, voire doctrinales, et qui réunissent et intègrent les textes
existants selon un ordre logique et chronologique»695.
Comme on le constate donc, deux voies possibles s’offrent au législateur
béninois en matière de codification des règles du droit de l’environnement.
Quelque soit l’une ou l’autre option, on aboutit toujours au même résultat de
codification, à un regroupement de tous les textes sur l’environnement pour
une meilleure visibilité. En revanche, il serait plus raisonnable pour les pays
africains696 dont le droit pénal de l’environnement est encore naissant, mais
avec une évolution remarquable de la politique nationale de protection des
ressources de l’environnement ainsi que l’accroissement des normes et principes
internationaux souscrits, d’opter pour la codification quantitative qui apparait
plus simplifiée et moins complexe. Elle assure le respect de la hiérarchie des
normes et la cohérence rédactionnelle des textes. Rares sont les pays africains697
qui se sont dotés d’un code de l’environnement au sens technique du terme, à ne
pas confondre avec le vocable «code de l’environnement» utilisé par certaines
législations africaines à l’instar du «code de l’environnement togolais698»; du
695 OPPETIT (B), L’idée de la codification, D.1996, Chron., p.33. cité par G. MARTIN, Principes pour une codification de l’environnement, op., cit., p.287.
696 y compris mêmes certains pays européens.697 Nous connaissons le cas du Sénégal avec la loi n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant code
de l’environnement dont l’exposé des motifs spécifie clairement la partie législative et la partie réglementaire avec la lettre « L » qui précède les articles législatives et la lettre « R » qui précède les articles réglementaires
698 Il s’agit de la loi n°88-14 du 3 novembre 1988, instituant code de l’environnement au Togo.
254
Deuxieme partie
«code de l’environnement burkinabè699», etc.…Cette appellation signifie en
réalité «loi» comme on pourrait parler de loi ou de «code de l’eau», de «code
minier» ou encore de «code forestier». En matière de code proprement dit, tous
ces «petits codes» ou lois sont mis dans un seul paquet, formant un seul texte de
loi auquel s’ajoutent tous les décrets accompagnant ces textes pour ainsi former
la partie réglementaire du code.
Par ailleurs, un certain nombre de principes gouvernent la rédaction du
code de l’environnement. Bentham en avait précisé l’essentiel, complété depuis
par quelques auteurs de référence en particulier J. VANDERLINDEN700. Il s’agit
de:
- La cohérence : au sens où le code réalise la concentration d’une matière
jusque là éparse et fragmentaire et sa logique interne de construction
doit en faciliter la consultation et la compréhension;
- L’absence de contradictions dans les solutions qu’il envisage, à cette fin
le code abolit les règles antérieures;
- La complétude : un code doit ambitionner l’exhaustivité du champ qu’il
couvre, sans prétendre couvrir la totalité des règles possibles; il doit
surtout s’attacher à formuler des repères essentiels couvrant toutes les
dimensions du secteur en cause;
- La clarté : elle est indispensable à l’accessibilité qui exige un texte écrit
dans un langage précis, non ésotérique et dépourvue de terminologie
anciennes;
- La maniabilité : à défaut de pouvoir toujours se réduire aux dimensions
d’un bref volume, il doit contenir l’essentiel dans des formulations
concises.
699 Il s’agit en réalité de la loi n° 005/97/ADP portant code de l’environnement au Burkina Faso dont la structure n’a rien d’un code de l’environnement tel que décrit plus haut.
700 In, Le concept de code en Europe occidentale du XVIII au XIX ème, Essai de définition, Bruxelles, éd.de l’institut de sociologie de l’ULB, 1967 ; R. DAVID, La codification, in, le droit français, Paris, LGDG, 1960, tome I, p.12 s. cité par LASCOUMES (P) et MARTIN J. (G), Des droits épars au code de l’environnement, Droit&Société, 30-31/1995.p.9
255
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
- La publicité : un code doit être aisément accessible et largement diffusé,
le gouvernement doit lui donner une résonnance particulière afin que
«nul ne soit sensé ignoré la loi».
3) Le dispositif institutionnel
Nous allons ici nous inspirer du diapositif institutionnel français qui a
aboutit à l’élaboration du code de l’environnement et analyser les modalités
dans lesquelles il pourrait s’appliquer au Bénin.
En effet, en France, c’est en 1990, à la suite de l’alerte d’une partie
de la doctrine, que finalement la décision fut prise de demander un rapport
sur la faisabilité d’un code de l’environnement qui s’acheva dix ans après
par l’ordonnance n°2000-914 du 18 septembre 2000 sur proposition de la
Commission Supérieure de Codification. La commission d’universitaires chargée
de ce travail (présidée par le doyen M. PRIEUR) présenta un rapport701 dans
lequel elle concluait à la nécessité de procéder à une véritable codification du
droit de l’environnement. Le gouvernement a avalisé la décision d’élaborer
le code de l’environnement en mai 1992702. La commission d’Experts de 15
personnes, sous l’égide du ministère chargé de l’environnement, comprenant ,
juristes, universitaires, avocats, magistrats de l’ordre administratif et de l’ordre
judiciaire, représentants du mouvement associatif et fonctionnaires, installée en
juillet 1992 sous la présidence de G. Martin, Président du SFDE., a proposé un
plan en 1993703. Le dispositif institutionnel ayant conduit à l’élaboration du code
de l’environnement français se présentait suivant le schéma ci-contre :
701 PRIEUR (M) (dir.), Rapport sur la faisabilité d’un code de l’environnement, Paris, Ministère de l’environnement, 1993. V. PRIEUR (M), Pourquoi une codification ? RJE, n° Spécial 2002.
702 PRIEUR (M), Pourquoi une codification ? RJE, n° Spécial 2002.703 LASCOUMES (P) et MARTIN op., cit.,p.11
256
Deuxieme partie
PARLEMENT
GOUVERNEMENT
CONSEIL D’ETAT
COMMISSION SUPERIEURE ARBITRAGES
DE CODIFICATION INTERMINISTERIELS
MISSION JURIDIQUE
DU MINISTERE DE
L’ENVIRONNEMENT
COMMISSION D’EXPERTISE (PROPOSITIONS ET AVIS)
Source : LASCOUMES (P) et MARTIN J. (G),
Au Bénin, la procédure d’élaboration de la loi est presque identique à
celle qui est en cours en France. Ainsi, dans le cadre de l’élaboration du code de
l’environnement au Bénin, la démarche à suivre peut se présenter comme suit :
257
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
MEHU(CHEF DE FIL ELABORATION DES TDR)
BUREAU D’ETUDE OU EXPERTS(RAPPORT PROVISOIRE DE L’AVANT PROJET DU CODE)
ATELIER DE VALIDATION DE L’AVANT PROJET(MINISTERES SECTORIELS)
MJLDH/ CNLC(ETUDE)
COUR SUPREME(ETUDE ET AVIS)
GOUVERNEMENT(ADOPTION DU PROJET DE CODE
EN CONSEIL DES MINISTRES
ASSEMBLEE NATIONALE / PARLEMENT(VOTE DU CODE)
PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE(PROMULGATION APRES AVIS CONSULTATIF
CONFORME DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE)
(JORB PUBLICATION ET ENTREE EN VIGUEUR)
Dispositif institutionnel pour l’élaboration de la partie législative du code de l’environnement
Le Ministère chargé de l’environnement, pourrait être le chef de fil de
l’élaboration du code. A ce titre, il élabore les termes de références du projet
258
Deuxieme partie
et lance un appel d’offre international pour la sélection d’un bureau d’étude
(l’équivalent de la Commission d’expertise en France) qui aura pour mission
d’élaborer l’avant-projet du code. Ensuite le ministère chargé de l’environnement
organise un atelier qui réunira tous les ministères sectoriels, les universitaires,
les magistrats, et autres participants jugés nécessaires pour valider l’avant
projet du code. Enfin, après cette étape, le rapport définitif issu de l’atelier est
transmis à la Commission Nationale de Législation et de Codification pour étude,
l’équivalent en France de la Commission Supérieure de Codification. Cette
dernière transmettra à son tour le document au gouvernement qui sollicitera
l’avis motivé de la Cour Suprême (l’équivalent du Conseil d’Etat en France) avant
de l’adopter et le transmettre au parlement pour étude et vote du projet de code
(voir tableau ci-dessus). Cette procédure, qui se termine par la publication de la
loi au JO, est la procédure normale en vigueur au Bénin pour le vote des projets
de lois. Elle peut durer au moins cinq ans voire plus pour la codification de la
partie législative du code dans la mesure où pour une simple loi, le vote peut
intervenir cinq ans après.
En ce qui concerne la partie réglementaire, un comité technique d’experts
nationaux suffit pour faire la compilation de tous les textes réglementaires
(décrets et arrêtés) et à les ordonner dans une cohérence à la suite de la partie
législative. Cette démarche nous permet d’éviter les erreurs et les incohérences
de ceux qui ont précédé, notamment la France et améliorer la rédaction.
4) Les limites et les écueils qui pourraient résulter de la rédaction du code
Le code de l’environnement français, dès sa conception, présentait
quelques handicaps que le législateur béninois peut éviter. Le code français est
restrictif. Il n’a pas pris en compte plusieurs aspects du droit de l’environnement.
C’est le cas des ressources naturelles et de la diversité biologique, régies par le
code forestier, de l’assainissement et de l’aménagement du territoire, régi par le
259
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
code de l’urbanisme704. Ces codes auraient pu se fondre dans le grand ensemble
que constitue le code de l’environnement. Mais, ils n’ont pas pu intégrer le
« grand code » simplement parce que ces codes existaient déjà. Même le secteur
du bruit n’est pas entièrement pris en compte705. De plus, le processus de son
adoption a été objet à polémique. Alors que le projet de loi de ratification du
code de l’environnement avait déjà été déposé à l’Assemblée Nationale en 1994
puis retiré, il fut déposé à nouveau le 27 mai 1998 et également retiré en raison
de l’encombrement du Parlement. C’est alors que le gouvernement fit voter une
loi d’habilitation le 16 décembre 1999 autorisant le gouvernement à adopter la
partie législative de 9 codes dont celui de l’environnement, ce qui fut fait le 18
septembre 2000 par ordonnance706.
Par ailleurs, le code en termes de textes réglementaires se limite, dans
la partie réglementaire, aux décrets d’application. Les arrêtés d’application y
sont pas inclus alors qu’on sait que se sont ces textes d’applications, pris par les
autorités compétentes que sont les ministres sectoriels concernés, qui définissent
très souvent les modalités de mise en œuvre et même les incriminations. Ne
pas les inclurent dans le code constitue à notre avis, une lacune, que les codes
naissants peuvent corriger.
Aussi, des activités sans incidence sérieuse pour l’environnement sont-
elles sanctionnées des mêmes peines que celles ayant un impact gravissime :
transporter le cadavre d’une buse variable ou celui d’un hérisson, se livrer
au trafic international d’espèces protégées car menacées de disparition font
encourir aux auteurs de ces faits six mois d’emprisonnement et 9000 euros
d’amende707. Cette pénalisation, « fourre tout » n’a rien de proportionnelle à
l’infraction commise. Il faut donc sérier.
704 La technique du renvoi a permis au code de l’environnement par l’article L300-1 de renvoyer au code forestier tous les aspects répressifs liés à la protection des ressources naturelles et l’article L 300-2 renvoi au code d’urbanisme.
705 PRIEUR (M), Pourquoi une codification ? RJE, n° Spécial 2002, p.11.706 Idem. p.12707 Art. L415-3 du code de l’environnement français. V. LITTMANN (Marie-José), Code de
l’environnement, droit pénal et procédure pénal : quelques réflexions, RJE, n° Spécial, p.59.
260
Deuxieme partie
S’inspirant toujours du code de l’environnement français, terminons
cette rubrique par le manque de rigueur des rédacteurs dans l’élaboration du
code, notamment des incohérences de formes et de fond.
a) Eviter des incohérences de fond et de forme
Ce défaut est justement souligné par le Professeur ROBERT. Ainsi,
l’expression «dispositions pénales», la plus fréquente en cette matière, englobe
les règles procédurales, les sanctions et parfois les incriminations708.
Il est parfois curieusement question de «dispositions pénales
complémentaires », intitulé qui couvre la recherche et la constatation des
infractions, la transaction, les poursuites, l’action civile et les sanctions à
l’occasion desquelles est développée «l’exclusion des associations agréées ».
Était-il nécessaire de parler encore de dispositions pénales complémentaires ?
S’interroge LITTMANN.709
Aussi, la subdivision « sanctions » couvre-t-elle parfois, les sanctions
administratives et pénales,710 créant ainsi un amalgame. Mieux les dispositions
pénales ne sont pas regroupées mais éparpillées dans le code rendant les
recherches parfois fastidieuses. Le professeur FAURE, pour avoir contribué à la
traduction anglaise de ce code, pense même qu’il est pratiquement illisible.
Au-delà de ces irrégularités de formes, subsistent des incohérences de
fond.
708 V., par exemple, L V, Titre IV, chap. 1, art L541-44 et s. ; livre II, titre I, chap. 6, sect. II, mais cette section figure dans ce chapitre VI intitulé « sanctions » : art. L216-3 et s.
709 Art. L 437-1 à L437-23 du code de l’environnement français710 Art. L 216-1 à L 216-13 du code de l’environnement français
261
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
En effet, des critiques au sujet du code ont été formulées par la doctrine.
Ainsi, le Professeur Marie-José LITTMANN-MARTIN711, citant le professeur
J.H.ROBERT affirme « le recours au droit constant produit un effet de loupe
qui grossit les dysharmonies du droit antérieur…Codifier à droit constant les
dispositions pénales relatives à la protection de l’environnement, c’est faire en
plus mal, ce que les éditeurs juridiques savaient réussir depuis longtemps en
présentant le catalogue raisonné des lois qui n’avaient pas honte de leur date de
naissance ». Cette conclusion du professeur ROBERT résume le bilan pessimiste
de cette codification. Il poursuit en précisant qu’on retrouve, dans le code de
l’environnement, toutes les défectuosités qui ont été inlassablement dénoncées.
Elles concernent notamment les incriminations, les sanctions et la hiérarchie
déroutante de certaines qualifications et l’incertitude entourant le contenu des
incriminations »712. Pour illustrer ses propos, il donne quelques exemples.
- Respectant la répartition des compétences (article 34 de la constitution
française), l’article111-2 du code pénal, précise : « la loi détermine les
crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs ». Les éléments
constitutifs des délits devraient donc être prévus par le législateur. Or,
cette situation est exceptionnelle et perdure naturellement dans le
code de l’environnement. Rares sont les délits autonomes tels celui de
pollution des eaux douces de surface (code rural article L 232-2 devenu L
432-2 du code de l’environnement) et ceux d’obstacle mis aux contrôles.
- Le déversement de substances dans une rivière ayant à la fois détruit des
poissons et endommagé la flore, présente une situation concurrentielle
de qualification. La question se pose de savoir quelles dispositions
appliquées. Est-ce l’article L432-2 du code de l’environnement (code rural
article L 232-2 ancien) ou l’article L 216-6 du code de l’environnement
(loi-n°92-3 du 3 janvier 1992, article 22) ? Puisque chacun de ces délits
à son propre dispositif répressif et procédural. La même démonstration
peut être faite à propos du délit prévu par l’article L 216-6 du code de
711 LITTMANN (Marie-José), Code de l’environnement, droit pénal et procédure pénal : quelques réflexions, RJE, n° Spécial, p.55 ; in, Le droit pénal dans le code de l’environnement, Dr. env. n°85 p.12
712 Idem. p.57
262
Deuxieme partie
l’environnement et de l’article L 218-73 du même code (décret-loi du 9
janvier 1852, article 6,13°), lorsque le déversement polluant s’est produit
dans des eaux salées.
- Comment défendre un code tout neuf qui prévoit trois délits réprimant la
pollution des eaux alors qu’il ne prévoit aucune infraction sanctionnant
la pollution de l’air ou des sols ?
Cette absence totale d’harmonisation dérange le juriste orthodoxe
soucieux de rationalité.
b) Eviter la rédaction infidèle de certains textes
Elles concernent notamment les oublis et les ajouts inattendus
dans une codification législative à droit constant. C’est le cas par exemple de
certaines incriminations, puisque se référent au code de l’environnement, on
peut constater que «les interdictions énoncées à l’article L 411-1 du code de
l’environnement (art. L 211-1, code rural ancien) sont incriminées par l’article L
415-3 (code rural, art. 215-3 ancien). Mais alors que le texte ancien punissait,
notamment «les infractions aux dispositions de l’article L 211-1», l’article L415-
3 du code de l’environnement reformule les interdictions de l’article L411-
1 pénalement sanctionnées, mais oubli celles visant «la destruction des sites
contenant des fossiles permettant d’étudier l’histoire du monde vivant ainsi
que les premières activités humaines et la destruction ou l’enlèvement des
fossiles présents sur ces sites» (code de l’environnement, art. L 411-1 -4°)»713.
Néanmoins, il est important de faire observer que l’abrogation,714 d’une loi ou
d’un règlement à l’occasion d’une codification à droit constant, ne modifie ni la
teneur des dispositions transférées ni leur portée715 ; de sorte que «le visa des
anciens numéros d’articles dans les actes de poursuites n’affecte pas la validité
de ces derniers et ne fait pas obstacle à la condamnation»716. Quoique la question
713 LITTMANN (Marie-José), Code de l’environnement, droit pénal et procédure pénal : quelques réflexions, RJE, n° Spécial, p.62.
714 Dans ce sens synonyme d’oubli.715 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op., cit., p.125.716 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op., cit., p.125
263
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
soit évidente, il se trouve lors de chaque codification, des plaideurs pour poser
à nouveau la question717. Par ailleurs, en matière d’oubli ou d’erreur matérielle,
une nouvelle loi ou «loi de ratification» suffit pour corriger l’erreur718. C’est le
cas par exemple de l’article 28-1 de la loi du 3 janvier 1992 en France sur l’eau
qui prévoyait que les personnes morales pouvaient être déclarées responsables
de toutes les infractions aux dispositions de cette loi, et énonçait les peines qui
leur étaient applicables. L’article L 216-12 du code de l’environnement, qui a
recueilli ces dispositions, renvoi à l’article L 216-5 l’énumération des infractions
dont les personnes morales peuvent se rendre coupables. Or, dans le texte
annexé à l’ordonnance de codification du 18 septembre 2000, l’article L 216-5
ne mentionnait pas l’article 216-6, où sont codifiées les dispositions de l’article
22 de la loi du 3 janvier 1992 réprimant certains rejets polluants719.
A partir de ces exemples, on remarquera que le code de l’environnement
français, n’est pas aussi parfait qu’on puisse le croire. Son élaboration et
sa mise en œuvre sont parsemées de difficultés. L’élaboration du code de
l’environnement est une entreprise, reconnaissons-le difficile. A preuve, le code
de l’environnement français a mis environ 10 ans avant d’être achevé. Le code
allemand quant à lui, en préparation depuis 5 ans, était encore au stade du livre
I en 1995.
Mais, pour avoir une bonne codification, il faut nécessairement avoir
élaboré des textes cohérents et homogènes.
§II : Vers une législation pénale environnementale cohérente et homogène
L’état des lieux de l’analyse de la législation environnementale au Bénin,
laisse transparaitre comme nous l’avons indiqué dans nos développements
717 Cass. Crim.31 mars 1993, Guilbert : Rev sc.crim. 93 p.792, note J H, ROBERT, à propos de la codification de la loi du 10 juillet 1976 dans le code rural. Plus précisément, le moyen a refleuri à l’occasion de la codification du droit de la consommation: cass.crim. 4mai 1995 : bull. 163.
718 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op., cit., p.126719 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op., cit., p.126
264
Deuxieme partie
antérieurs, tantôt une pénalisation indirecte, tantôt une pénalisation directe. La
question se pose de savoir quel est le modèle idéal en terme de sauvegarde de
l’environnement par le droit pénal?
Nos investigations pour apporter quelque solution à cette
problématique, nous ont conduites à observer qu’effectivement, le droit pénal
de l’environnement, tel que pratiqué en général, offre plusieurs modèles ou
théories répressives de l’environnement qui ont des buts différents. Mais, selon
la doctrine allemande720, le modèle idéal consisterait à opérer une combinaison
des trois modèles.
- Le premier modèle ou la théorie de la mise en «danger abstrait»,
consiste, nous l’avions signalé, à pénaliser le non respect d’obligations
administratives721. Ce type de pénalisation était largement appliqué
dans la plupart des pays. Comme le précise le professeur FAURE, «il est
important de souligner qu’à l’origine, dans plusieurs pays, le droit pénal
se limitait à ce stade de pénalisation »722. Les limites de ce premier type
de modèle ont certainement conduit à l’élaboration et à l’application du
deuxième modèle.
- Le deuxième modèle est la théorie de la mise en «danger concret»
ou la pénalisation directe. Elle consiste pour le législateur à réprimer
essentiellement l’atteinte aux valeurs juridiques écologiques, comme
des émissions illicites dégradant le sol, l’eau ou l’air723.
- Le troisième modèle, voisin du précédent, puisqu’il s’agit d’une
pénalisation directe, est dénommé délit autonome. Sa particularité
720 Ce courant est particulièrement incarné par la doctrine allemande depuis les années 80 avant d’être consacré par le Conseil de l’Europe, dans la convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal, adopté à Strasbourg le 047 novembre 1998. Pour un aperçu. V. G. Heine, « Allemagne. Crimes against the environment », Revue internationale de droit pénal, vol.65, 1994, p.731-759. Cité par le professeur FAURE, dans son article, Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, in, Revue Européenne de droit de l’Environnement, 1/2005, p.3 à 7.
721 Cf. supra. chap.4,§1722 Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, op.,cit.,
p.13.723 Cf. supra. chap.4, §2
265
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
réside dans l’aggravation de la peine lorsque l’émission présente en
outre un danger pour la santé humaine. Puisque les conséquences sont
très graves, il va de soi que le champ d’application d’une telle disposition
soit restreinte. C’est le cas d’une pollution extrêmement grave, comme
le déversement des déchets toxiques724. L’article 421-2 du NCP français
qui parle de terrorisme écologique, en est aussi une illustration parfaite
d’infraction autonome. Le mérite de ce modèle est de «faire apparaitre
le pollueur comme un délinquant au même titre que le voleur»725.
En définitive, selon cette doctrine dont nous partageons largement le
contenu, c’est la combinaison de l’application de ces trois modèles qui donne
le bon modèle « le modèle idéal», du droit répressif de l’environnement dont
rêve le professeur FAURE. Le principe demeure toujours que se sont les autorités
administratives qui sont les mieux placées pour apprécier dans quelle mesure les
émissions peuvent mettre en danger l’environnement et la santé humaine. Ces
décisions sont prises dans les autorisations. Le non respect de ces décisions devrait
normalement conduire à des sanctions, comme c’est le cas de mise en danger
abstrait de l’environnement. Mais, une bonne protection de l’environnement par
le droit pénal doit aller au-delà. Les dispositions de ce premier type de modèle
ont l’inconvénient d’accorder une protection uniquement à l’environnement si
les dispositions administratives ont été violées. Il conviendrait d’aller au delà
de la dépendance administrative, d’où la pénalisation directe ou concrète qui
relativise la dépendance administrative du droit pénal de l’environnement. Enfin,
pour une justice pénale dans l’équité et la transparence, il faut tenir compte de
la dangerosité des infractions notamment les infractions criminelles, nuisibles
à l’environnement et à la santé humaine, et observer une gradation dans les
peines, la proportionnalité des peines. Ces infractions, correspondent aux délits
autonomes.
Dès lors, un droit pénal idéal consisterait en une combinaison des
différentes dispositions relevant des trois modèles que nous venons de
décrire. Un seul pris isolement ne saurait être efficace ni cohérent. «Car il n’est
pas possible de résoudre tous les problèmes d’environnement par le droit
724 Cf. supra chap.4, §2, B725 M. PRIEUR, Droit de l’environnement, op.cit., p.830
266
Deuxieme partie
pénal avec un seul modèle, mais il faut différentes dispositions avec des buts
différents, un lien différent avec le droit administratif et évidemment avec des
peines différentes»726. Ainsi, tenant compte du principe de la proportionnalité
des peines, le juge pourra appliquer aisément des peines appropriées à chaque
cas d’espèce.
Au Bénin727, comme nous l’avions indiqué, le droit pénal interne de
l’environnement est fondamentalement basé sur le premier type de modèle mais
avec une tendance à la criminalisation (le déversement des déchets toxiques,
réglementé par le droit constitutionnel et par la loi-cadre). Il s’ensuit que dans
une reforme du droit pénal béninois ou africain de l’environnement, le législateur
devra s’inspirer des différents types de modèles pour asseoir une répression en
adéquation avec l’évolution du droit pénal de l’environnement tout en tenant
compte des réalités du terroir. Dans tous les cas, il apparait comme une évidence
qu’une formulation cohérente et homogène des incriminations dépend de la
combinaison des trois modèles.
Deux instruments internationaux, sous l’égide du Conseil de l’Europe,
ont consacré par la suite cette théorie qu’on pourrait appeler «théorie de la
combinaison de la pénalisation indirecte et de la pénalisation directe». Il s’agit
de la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal728 et
la Décision-cadre n°2003/80/JAI du 27 janvier 2003 relative à la protection de
l’environnement par le droit pénal729.
L’autonomie du droit pénal de l’environnement est une avancée
spectaculaire dans l’amélioration du droit pénal, même si le professeur PRIEUR y
voit quelques obstacles. Car, écrit-il «le droit pénal a du mal à prendre en compte
726 Vers un nouveau modèle de protection de l’environnement par le droit pénal, op.,cit., p.13727 Comme ce fût le cas de plusieurs pays africains et européens au début du développement
du droit pénal de l’environnement728 Publié entre autres dans M. FAURE, et G. HEINE, « Environnemental Criminal Law in the
european Union. Documentation of the main provisions with introduction», Freiburg im Breigau., Max Planck Institut fur Auslandisches und internationals Strafrecht, 2000, p. 407-416 et aussi disponible par internet sur l’adresse hpp:/www.coe.fr/eng/legaltxt/172htm. V. sur les raisons pour cette protection de l’environnement au niveau européen H. A. Engelhard, «Protection de l’environnement pare le droit pénal», Revue de Droit Pénal et de Criminologie, 1991, p.295-310.
729 J.O. n° L29/55 du 5 février 2003.
267
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
la globalité des problèmes d’environnement et l’interaction entre l’homme et le
milieu naturel. Comme il n’est pas possible de modifier la place et le rôle des
éléments qui constituent l’équilibre écologique, il faut donc modifier les règles
et principes du droit pénal pour les adapter à la nouvelle demande sociale»730.
Cette révision des textes pénaux est indispensable pour permettre au droit
pénal de jouer un rôle important dans le développement durable. Les pays
particulièrement en voie de développement peuvent s’inspirer de ce modèle
idéal pour créer leur « propre modèle », de sorte que tout en emboitant le pas
aux pays du nord, ils veillent à éviter les erreurs qu’ils ont connu.
Dans cette même lancée, il conviendrait pour les Etats africains, et
particulièrement pour le Bénin, d’expérimenter le recours à l’analyse économique
du droit de l’environnement comme outil de pénalisation des infractions
d’environnement dans un cadre juridique doté de moyens d’action adéquats
SECTION II : L’ANALySE ECONOMIQUE DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT
L’analyse économique du droit de l’environnement est aussi un outil à
la disposition du droit pénal que les pouvoirs publics peuvent exploiter lors de
l’élaboration des textes législatifs et réglementaires. Une tendance de plus en
plus importante vers l’analyse couts-bénéfices en matière de politique pénale
environnementale, s’observe davantage dans les pays du Nord. Plusieurs
730 . PRIEUR (M), Droit de l’environnement, op.cit., p.831
268
Deuxieme partie
théories économiques 731convergent toutes vers la prise en considération de
l’analyse coûts-bénéfices dans les stratégies environnementales. En Europe,
nous devons nous référer aux dispositions de l’article 130R aujourd’hui articles
191à193 du traité de Lisbonne732. Dès lors, pourquoi une intervention de
l’analyse économique dans la protection de l’environnement ? Comment le droit
pénal, vu sous un angle économique permet –il de lutter efficacement contre les
dégradations des ressources environnementales? En partant de l’hypothèse que
les pays du nord, vu leur expérience en la matière, ont apporté une réponse plus
ou moins efficiente à cette problématique, la question se pose dès lors de savoir
comment les pays africains et en particulier le Bénin peut s’inspirer d’une telle
expérience pour avoir un droit répressif plus protecteur de l’environnement.
A la lumière de cette expérience européenne, il conviendrait d’abord
d’appréhender l’intérêt de la théorie de l’analyse économique et les modalités
de son application en droit pénal de l’environnement béninois. (§ I). Mais, pour
réussir une telle opération, le Bénin devra améliorer son environnement humain,
technique et financier, en terme de renforcement des moyens d’actions (§II).
731 Voir sur l’analyse cout-bénéfice en general: E.J MISHAN, Cost-benefit Analysis: an informal introduction, 2eme éd., Londres, Allen &Unwin, 1974; B.A. ACKERMAN, S.ROSE-ACKERMAN, J. SAWyER et D. HENDERSON, The Uncertain Search for Environmental Quality, NEW Jork, Free Press, 1971 et les critiques de ce livre par W. OATES, « Book Review, The Uncertain Search for Environmental Quality », University for Pennsylvania Law Review, vol.124, 1976, pp.864-891. Voir également P.ABELSON, Cost benefit Analysis and Environmental Problems, Farnborough, Saxon House, 1979 ; A. COCKER et C. RICHARDS, Valuing the environment, Economics Approaches to Environmental Evaluation, Londres, Bellhaven Press, 1992; B.C. FIELDS, Environmental economics: an introduction, New york, McGraw-Hil, 1994; G.S. TOLLEy, P.H.F. GRAVES et G.C. BLONQUIST, Environmental policy, Elements of Environmental Analysis, Cambridge, Ballinger Publishing Company, Vol., 1981. Cite par FAURE (Michael), in, L’analyse Economique du droit de l’Environnement, BRUyLANT, Bruxelles 2007, p.32.
732 Source internet : www.union.européenne.Org
269
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
§I : L’intérêt de la théorie de l’analyse économique du droit de l’environnement
L’usage des biens environnementaux soulève des problèmes
d’externalité733 qui se traduisent par l’absence d’intégration au niveau d’une
relation économique, d’un coût ou d’un bénéfice propre. Par exemple, les
voisins d’un propriétaire d’un domaine forestier veillant à l’entretien de ses
massifs boisés bénéficient d’externalité (absence d’érosion, réduction des crues,
maintient d’un débit hydrique régulier,…) sans que le propriétaire puisse pour
autant leur réclamer une contrepartie d’ordre monétaire pour les avantages qu’il
leur procure. On parlera dans ce cas d’externalité positive. En revanche, lorsque la
production ou la consommation d’un bien ou d’un service cause des dommages
à des biens environnementaux, ces activités engendrent des externalités
négatives dès que leur coût n’est pas pris en compte dans le prix de revient du
produit consommé ou du service rendu734. Ce raisonnement économique est
sous-tendu par la possibilité d’une influence du comportement des individus par
le droit pénal. Dès lors en droit pénal de l’environnement, la prise en compte de
ce « coût », en rapport au bénéfice escompté, se traduit par un choix optimal de
la répression ou de la sanction à infliger en cas d’externalité négative. Pour mieux
appréhender le bien fondé de ce raisonnement et apprécier son application en
droit pénal, il faut comprendre d’abord les raisons qui gouvernent cette théorie.
733 Pour un essai de définition, cf. AMOUSSOUGA GERO(F), Cours d’économie de l’environnement, DEA Droit et politique de l’environnement, 2004-2005, Lomé, Togo. On qualifie d’externalité « les effets d’une action sur d’autres parties lorsqu’ils n’ont pas été pris en compte par l’auteur de l’action ». Ainsi « les externalités, celles surtout négatives, se manifestent à chaque fois qu’un individu ou une entreprise peut adopter un comportement anti-social sans subir de sanctions. Les responsables doivent, lorsque cela est possible, internaliser les externalités en faisant payer aux infracteurs le coût intégral de leur actions sur d’autres parties ».
734 De SADELEER (Nicolas), Les principes du pollueur payeur, de prévention et de précaution. Essai sur la gestion et la portée juridique de quelques principes de droit de l’environnement. Éd. Bruylant /AUF, Bruxelles, 1999, p.50.
270
Deuxieme partie
A) Les raisons qui gouvernent la théorie économique
La question qui se pose dans l’analyse économique du droit est de savoir
pourquoi utiliser le droit pénal afin de sanctionner les délits d’environnement.
Plusieurs raisons des tenants du modèle économique, concourent pour expliquer
la pertinence du recours au droit pénal. Ainsi, entre autres arguments, on peut
retenir: l’effet utilitaire, préventif et dissuasif du droit pénal, la faiblesse du
droit civil à garantir une internalisation optimale de certaines externalités, la
probabilité de découverte de l’infraction.
Le premier argument qui fonde cette théorie est basé sur le but utilitaire
et préventif des règles de droit. Ainsi, si les juristes évoquent fréquemment un
but moral attaché au caractère retributif de la peine, les économistes soulignent
l’importance de l’effet préventif et utilitaire des règles de droit. C’est en ce sens
que la peine devra être modulée en fonction du dommage social causé par le
crime. Il s’agit là du principe de la proportionnalité735. La ligne conductrice en
droit pénal repose plutôt sur l’objectif d’éviter les infractions en adoptant des
mesures correctrices pour aider le coupable à s’insérer (l’idée de resocialisation)
ou l’écarter par (l’emprisonnement) en cas d’impossibilité d’amélioration736.
Le criminel potentiel est en effet envisagé comme un individu raisonnable qui
prend la décision de commettre ou non l’infraction sur la base d’une analyse
«coûts-avantages». Il est présumé être une personne raisonnable qui désire
maximiser son utilité. Voilà pourquoi, les économistes soulignent l’effet dissuasif
et préventif des règles de droit. Aussi le droit pénal doit –il augmenter le «prix»
de son comportement illégal par l’application de la sanction pénale.
Au delà de ce raisonnement utilitaire et préventif, le deuxième axe
de réflexion des économistes se justifie par l’incapacité et l’insuffisance du
droit civil à garantir et protéger les valeurs et droits fondamentaux, à garantir
et réguler les intérêts socio-économiques et écologiques. Non seulement
le dédommagement n’est pas optimal mais aussi la responsabilité civile est
735 STEFANI(G), LEVASSEUR(G) et BOULOC (B), Droit pénal général, 16eme éd., Paris, Dalloz, 1997, cité par FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.241.
736 LEVASSEUR(G) et BOULOC (B), Droit pénal général, 16eme éd., Paris, Dalloz, 1997, cité par FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.241.
271
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
souvent insuffisante parce que les coûts d’une action en justice, y compris
ses incertitudes et ses inconvénients, excèdent les avantages que la victime
peut percevoir737. Remarquons aussi que de nombreux crimes sont commis
avec une intention de nuire comme nous l’avons signalé dans le chapitre
précédent. Dans de tels cas, on peut dire que «le but du droit, est plutôt de
dissuader au moyen de sanctions que de compenser par le droit civil. Dans
le cadre de la responsabilité civile, les individus ont en principe le droit de
causer des dommages à autrui, à conditions qu’ils soient prêts à en payer le
prix, c’est-à-dire à dédommager les victimes. Le droit pénal vise précisément
les cas où l’on souhaite mettre un terme au comportement criminel, même si
le criminel est en mesure de payer le prix. Autrement dit, le droit civil fixe les
dommages en vue de la compensation, le droit pénal détermine les sanctions
pour dissuader les comportements antisociaux»738.Mieux, en cas de pollution, il
n’y a souvent pas de victimes identifiables pouvant agir en responsabilité civile;
dans d’autres cas les problèmes de causalité empêchent la victime d’utiliser la
responsabilité civile. Par ailleurs il s’écoule une longue période entre le moment
où le dommage environnemental se manifeste, de se fait, les problèmes de
preuves et de causalité sont susceptibles de se présenter. Il est aussi possible
qu’entre temps, l’auteur du dommage ne soit plus identifiable. Pour toutes ces
raisons, la responsabilité civile ne peut pas être appliquée739. Un autre problème
étroitement lié au précédent tient dans le fait que l’application du droit privé
suppose toujours que l’auteur du dommage puisse être identifié, et qu’il soit
solvable et en mesure de dédommager la victime pour le dommage subi. Or,
beaucoup d’entreprises ou d’individus peuvent causer un dommage écologique
énorme, dont le montant est souvent plus élevé que leur patrimoine propre.
737 FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.242.738 FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.242. Ces
différences entre le droit pénal et le droit civil ont été abordées par R. COOTER, Prices and Sanctions, Columbia Law Review, Vol. 84, 1984, p.1523
739 Pour un résumé de ces difficultés, v. entre autres E.H.P. BRANS, Liability for Damage to public Natural Ressources-Standing, Damage and Damage Assessment, La Haye Kluwer Law international, 2001,pp.35-64 et M. WILDE, Civil Liability for environnemental damage- A Comparative Analysis of Law and Policy and Europe and the United states, La Haye Kluwer Law international, 2002,pp.307-310 ; cité par FAURE (M), in, La protection de l’environnement par le droit pénal, ? Une perspective économique, ANTHEMIS, pp.135-166.
272
Deuxieme partie
En ce cas, l’auteur du dommage considérera que la pollution qui est survenue
cause un dommage dont l’importance n’est pas plus élevée que son patrimoine
propre740. En conséquence, lorsque le dommage potentiel est plus important
que le patrimoine propre de son auteur, la responsabilité civile soufre d’un
manque d’effet dissuasif741.
Le troisième axe que développent les économistes est la notion de
probabilité de découverte du délinquant. Selon cette théorie, la probabilité
d’identifier l’auteur d’une infraction et de le poursuivre en justice serait
généralement bien inférieure à 100%742, dans la mesure où certains facteurs
peuvent intervenir entre temps et influencer ou réduire considérablement la
probabilité de découverte d’un délinquant. C’est le cas par exemple d’un vol en
pleine nuit, dans une rue mal éclairée, dans un quartier mal sécurisé.
A titre illustratif, supposons que monsieur X a l’intention de voler un livre
d’une valeur de 5000 FCFA. Supposons que la probabilité que cette infraction
soit découverte ne représente que 50%, car il a l’intention de passer à l’acte
lorsque la bibliothèque connaitra une animation particulière, et en l’absence
du bibliothécaire. Monsieur X ne sera responsable que s’il est découvert. Et s’il
l’est, il risque simplement, en matière de responsabilité civile, de rembourser
le livre en payant les 5000 FCFA ou de le retourner. En réduisant de moitié la
probabilité de découverte, il diminue en même temps de moitié les coûts pour
la commission du vol alors que le bénéfice escompté représente la valeur du
livre. Ainsi, les coûts escomptés du voleur potentiel seront 0,5x5000=2500 FCFA
et le bénéfice escompté s’élève à 5000 FCFA. Cela signifie que le droit civil n’a
pas d’effet dissuasif efficace et, étant donné la faible probabilité de découverte,
l’auteur aurait même intérêt à commettre la faute en droit civil.
Le quatrième axe de réflexion des économistes est relatif à la réduction
des coûts d’erreurs. Ces coûts sont plus élevés quand les sanctions deviennent
740 Pour la simple raison qu’il ne pourra être tenu responsable de payer au-delà de son patrimoine propre.
741 SHAVELL (S), The judgement Proof Problem, International Review of law and Economics, 1986, pp.43-58
742 POSNER (R.A), Economic theory of the criminal law, Columbia Law Review, Vol.85, 1985, pp.1193-1209. Cite par FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.244
273
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
plus graves, c’est-à-dire en cas d’application d’amendes relativement élevées
ou d’une peine privative de liberté. Dans une perspective économique, la
procédure relativement simple, et donc moins couteuse, du droit administratif
est préférable lorsque les conséquences, (notamment l’amende), ne sont pas
trop élevées et la probabilité de découverte un peu élevée. A contrario, le droit
pénal doit être appliqué lorsque les sanctions deviennent plus élevées et la
probabilité de découverte relativement faible, l’avantage de l’infraction aussi
élevé, dès lors, les coûts d’erreurs augmentent aussi. Dans ce cas, la procédure
pénale, plus couteuse se justifie, puisqu’elle offre plus de garanties de procédure
et est donc de nature à réduire le risque d’erreur743.
Après avoir passé en revue les éléments essentiels qui fondent l’analyse
économique, il conviendrait, d’analyser les modalités de leur application
en droit pénal de l’environnement, particulièrement dans les pays en voie
de développement comme le Bénin, afin qu’il s’inspire de cette expérience
européenne pour améliorer son droit pénal de l’environnement.
B) Les conditions de l’application et du respect de la législation pénale
A la lumière de l’expérience européenne du modèle économique du
droit pénal de l’environnement que nous venons d’analyser, le Bénin, dans sa
réforme du droit de l’environnement, peut en tenir compte, en réorganisant
notamment les sanctions pénales classiques : l’amende et l’emprisonnement. Au
Bénin, comme un peu partout en Afrique, le droit pénal de l’environnement se
cherche encore, il est en pleine construction. C’est pourquoi, il peut tirer profit
des erreurs des expériences des pays occidentaux744. Les réalités béninoises ou
africaines n’étant pas les mêmes avec les réalités occidentales, on peut dire, par
hypothèse que l’adaptation ne peut se faire qu’en tenant compte des moyens
techniques et financiers ou en tenant compte des différences structurelles et
organisationnelles qui caractérisent les systèmes pénaux africains. Et, en tant
743 FAURE (M), in, La protection de l’environnement par le droit pénal?, Une perspective économique, ANTHEMIS, pp.135-166.
744 FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.284.
274
Deuxieme partie
que tel, toutes les expériences en la matière sont les bienvenues. Le modèle
économique, en termes d’application des sanctions pécuniaires (amendes) et de
peines d’emprisonnement existent dans la législation béninoise et s’appliquent
plus ou moins. Mais la question se pose de savoir si la détermination des sanctions
pénales tient réellement compte d’une véritable politique pénale? Comment
faire pour avoir des textes clairs, précis et réellement applicables? Est-ce que la
stratégie ne devrait-elle pas être de privilégier les amendes administratives ou
pénales qui sont financièrement moins couteuses pour l’Etat au lieu des peines
d’emprisonnement, très couteuses pour les économies africaines? Les pays
africains ne se soucient presque jamais du coût qu’engendrent les procédures
pénales pour leur pays. Par conséquent, ces pays ne peuvent s’offrir la possibilité
d’avoir une législation très rigoureuse, voir très sévère, au risque de sacrifier les
aspects de développement.
La réforme pénale peut s’orienter particulièrement vers l’application
des sanctions administratives, en l’occurrence les amendes administratives
pour les infractions légères et l’amende pénale et la peine de prison pour les
infractions graves portant atteinte non seulement à l’environnement mais aussi
à la santé humaine. Le droit pénal de l’environnement flamand et wallon nous
en donne une illustration. En effet, le décret wallon du 5 juin 2008 relatif à la
recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions et les
mesures de réparation en matière d’environnement dispose en son article D160
que «les amendes administratives peuvent être infligées pour des infractions
de deuxièmes, troisième et quatrième catégorie. L’amende administrative est
exclue en cas d’infraction de première catégorie» à cause certainement de sa
gravité.
Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité pour le droit pénal de
l’environnement de se fonder sur une législation efficace, donc de qualité.
Pour ce faire, il est primordial qu’elle soit appliquée et respectée, or ce n’est
pas toujours le cas au Bénin, nous l’avons également précisé. Mais, il est aussi
important de faire remarquer qu’au Bénin, cette nécessité dépend de deux
conditions: l’efficacité du contrôle juridique et de la poursuite judiciaire d’une
part, et la combinaison des sanctions d’autre part.
275
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
1) L’efficacité du contrôle juridique et de la poursuite judiciaire
Nous avons dans nos développements antérieurs précisé que le véritable
problème qui se pose au droit répressif béninois, est surtout la non application
des textes. Il est important que les lois environnementales soient appliquées par
un magistrat indépendant. En principe, la tâche du juge est de mettre en œuvre
le droit de l’environnement dicté par le législateur et l’administration à travers
les autorisations. Les quelques rares jugements rendus concernent le secteur des
eaux, forêts et chasse. Il convient pour le juge d’aller au delà des délits forestiers
et s’intéresser par exemple aux diverses pollutions environnementales. C’est vrai
qu’un conflit d’intérêt peut apparaitre entre la protection de l’environnement
et les intérêts économiques du pays, et, là également, nous l’avons dit, le
législateur tente ou peut tenter d’établir un équilibre entre les intérêts (balance
des intérêts). Car, comme le précise le professeur FAURE, «il faut éviter que cet
équilibrage des intérêts soit remanié devant la cour. Le juge doit respecter la
décision du législateur et de l’autorité administrative et ne prendre en charge que
sa mise en œuvre745». Rappelons, en effet, que s’il est vrai que les contrevenants
potentiels au procès environnemental ne sont pas des criminels classiques mais
pour la plupart «d’honnêtes» citoyens ou des chefs d’entreprises occupant
souvent des positions élevées dans la hiérarchie sociale, et contribuent au bien
n’être de la communauté, il n’en demeure pas moins vrai qu’en cas d’infraction
à l’environnement, par imprudence ou par intention, qu’ils ont l’obligation de
répondre de leurs activités. On pourrait se demander comment cette question
cruciale d’équilibrage des intérêts a été réglée dans les pays occidentaux. A
ce niveau, en application de la législation environnementale européenne, au
début, « les juges pénaux ont été réticents à condamner les contrevenants
puisque ceux-ci n’étaient pas des marginaux de la société. L’argument en
faveur de l’acquittement consistait souvent à dire que, financièrement, il était
totalement impossible pour les entreprises incriminés de remplir les conditions
imposées par les législations sur l’environnement. Cet argument fut mis en
avant par les industriels comme base de justification ou prétexte746». Mais, par
la suite, les juges ont compris que d’un point de vue strictement juridique, ce
745 FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.290.746 FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.291.
276
Deuxieme partie
type d’acquittement est inacceptable747. Car la décision relative aux effets socio-
économiques de la législation sur l’environnement ne doit pas être prise par un
seul juge mais aussi par le législateur ou l’organe administratif. Par conséquent,
elle pose le problème de l’indépendance de la magistrature, du juge qui a le
pouvoir de faire respecter la législation. Cette indépendance se pose avec acuité
dans presque toutes les juridictions africaines.
En effet, au Bénin, les empiètements constatés à divers endroits dans
le domaine classé (parcs nationaux) et dont les auteurs sont essentiellement
les populations riveraines sont dus à l’état de nécessité dans lequel se trouvent
ces populations. Contraintes de satisfaire des besoins sans cesse grandissants,
elles n’ont d’autres ressources que d’exploiter irrationnellement les biens de
la nature, le plus important étant de satisfaire coûte que coûte les besoins du
moment. C’est ce qui explique aussi très souvent, la difficulté d’application des
textes. Une réponse à ces préoccupations consiste à élaborer des stratégies et
définir des programmes de gestion participative des forêts et réserves de faunes
avec ces populations riveraines. Le Bénin depuis quelques décennies, s’est lancé
sur cette voie de cogestion des forêts et des parcs nationaux de la Pendjari et de
«W» avec la création des AVIGREF en partenariat avec la coopération allemande
pour le parc de la Pendjari et l’UE pour le parc «W». Ces différentes actions
méritent d’être encouragées et pérennisées.
2) La combinaison des sanctions
En ce qui concerne la combinaison des sanctions, reconnaissons qu’un
effort est fait dans ce sens par la législation béninoise748 qui prévoit la possibilité
pour le juge, d’infliger au prévenu aussi bien une amende administrative
(généralement c’est l’autorité administrative compétente qui inflige l’amende
administrative), une amende pénale et/ou une peine d’emprisonnement. Les
sanctions infligées aux pollueurs doivent être non seulement proportionnées
mais elles doivent être en adéquation avec les conventions internationales
ratifiées par le Bénin. Dans l’état des lieux de la législation béninoise, on a
747 FAURE(M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit. p.291.748 Nous l’avons indiqué dans la première partie de la thèse.
277
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
certes, enregistré des sanctions dérisoires, mais aussi des sanctions très sévères,
rigoureuses allant de 10 à 20 ans de prison et d’une amende pouvant atteindre
1 milliard CFA.749.Le juge répressif dispose outre les sanctions classiques, de
l’opportunité d’appliquer des sanctions complémentaires. Pour plus d’efficacité
dans la répression, ces sanctions doivent être généralisées et leur recours
systématique. Ainsi, les sanctions administratives et judiciaires se cumuleront
pour une protection effective de l’environnement.
En définitive, comme nous l’avions fait remarquer plus haut, en citant
le professeur FAURE, un modèle idéal de droit pénal de l’environnement
nécessite une combinaison des formes de sanctions pénale, administrative et
même réparatrice. Un dosage savant qui tienne compte des caractéristiques
spécifiques du secteur de l’environnement, du lieu et de l’époque. Nous avons
déjà indiqué que les sanctions optimales dépendent de beaucoup de conditions,
tels que l’avantage de l’infraction pour le contrevenant, la probabilité de
découverte, les moyens financiers du contrevenant, le risque d’insolvabilité et
les coûts de la sanction qui devrait être appliquée. L’irréversibilité des atteintes
à l’environnement exige non seulement des mesures préventives de police
qui, par des autorisations ou des interdictions, permettent d’empêcher ou de
contrôler des activités susceptibles de nuire au milieu naturel et à la santé
humaine, mais aussi des mesures de surveillance, de répression, de réparation
et de restauration. 750
En conclusion, retenons qu’il n’y a pas de réelle politique pénale
en matière d’environnement si les orientations générales sont édictées en
méconnaissance des réalités et contraintes sociologiques du milieu, lesquelles
influencent l’application des peines. Pour être pertinente, une telle politique
pénale doit bien évidemment intégrer l’état de la répression des atteintes à
l’environnement (nombre de procès verbal, les types d’infractions constatées,
les suites données aux plaintes et constatations, les jugements prononcées, l’état
de l’exécution des peines dans les tribunaux, en un mot une statistique régulière
et permanente. C’est à ces conditions que la justice pénale béninoise parviendra
749 Loi –cadres sur l’environnement du bénin750 GBENOU (k), La sanction des atteintes à l’environnement en droit togolais, Mémoire DEA
Droit et politique de l’environnement, Lomé, Togo, 2004-2005, p.64
278
Deuxieme partie
à une protection adéquate et efficace de l’environnement par l’application
effective des textes. Car, «il vaut mieux avoir de bons juges que de bonnes lois.
Car les bonnes lois sont vaines si le juge est mauvais, et les plus mauvaises lois
peuvent être modifiées par de bons juges 751»
Une bonne application de la loi pénale ne dépend pas seulement de
l’élaboration de bons textes, elle dépend aussi du cadre de travail et des moyens
disponibles pour exécuter la mission de service publique de la justice.
§ II : Le renforcement de capacités et de mise en œuvre efficiente du droit pénal de l’environnement
Le droit répressif béninois de l’environnement, tel que nous l’avons
présenté et analysé dans nos développements antérieurs, mérite pour être
performant un renforcement de capacités et d’action en l’occurrence assurer
une bonne formation aux juges en droit de l’environnement et améliorer les
moyens techniques, scientifiques et financiers qui font cruellement défaut.
A) Le renforcement des moyens humains
La justice béninoise, nous l’avions fait remarquer dans la première partie
de la thèse, est caractérisée par un déficit chronique de ressources humaines
aussi bien au niveau du personnel des structures judiciaires, en l’occurrence les
magistrats, qu’au niveau du personnel administratif chargé de la surveillance et
du contrôle. Cette situation reste un défi à relever par le Bénin pour asseoir des
structures répressives véritablement performantes.
751 DIDEROT (D), cité par KESSOUGBO (K), Table ronde sur l’efficacité des instruments et mécanismes de droit de l’environnement dans le contexte africain la faiblesse du dispositif juridictionnel, FDD, 2004, Lomé Togo.
279
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
1) La formation des magistrats au droit répressif de l’environnement
Le professeur A. KISS, disait déjà «il est vrai que, trop souvent, les
règlementations environnementales (principalement dans les pays en voie
de développement) ne tiennent pas comptent de la capacité réelle de ceux
qui devraient mettre en œuvre les obligations qu’ils créent. En effet, les pays
pauvres n’ont pas toujours les moyens économiques ou scientifiques d’assurer,
dans les limites de leurs juridictions, le respect, par exemple , des principes et
des règles protégeant la faune et la flore sauvage ou interdisant le transport des
déchets dangereux752». Le droit de l’environnement étant un droit relativement
jeune, transversal, technique et complexe, il est important pour sa mise en
œuvre par le juge, que se dernier soit doté d’un minimum d’outil pouvant lui
permettre d’assumer correctement sa mission. C’est pourquoi, cette branche
du droit requiert une spécialisation et nécessite une formation des magistrats,
comme en témoigne C. Ghica-Lemarchand753. A notre avis, la spécialisation des
magistrats apparait absolument nécessaire pour l’instauration d’une politique
pénale cohérente. Il s’agit, ainsi, de dispenser aux magistrats, et aux agents
chargés de la constatation des infractions, une formation spécifique sur le
thème de la délinquance écologique afin de les sensibiliser et de leur apporter
les connaissances aux traitements des affaires environnementales754. Le fait que
le Bénin abrite le siège de l’Ecole Régionale Supérieur de Magistrature(ERSUMA)
est un atout pour la formation continue des magistrats. Il conviendra de faire
en sorte que le programme de formation intègre le droit de l’environnement et
particulièrement le droit pénal. L’ERSUMA, en collaboration avec le MJLDH, le
MEHU et le MESRS, avec l’appui des organismes comme le PNUE poursuivent
752 A. KISS, Introduction au droit international de l’environnement, cours 1, UNITAR, 1997, p.8.753 In, droit pénal et la mer, Centre d’économie et de droit de la mer, UBO, 19 nov.2004, Rev.
Sc. Crim, 2005 chr. P.434. 754 G. CANIVET et D. GUIHAL, dans leur article Protection de l’environnement par le
droit pénal : l’exigence de formation et de spécialisation des magistrats, D. 2004, Chr., p.2728 ; estiment que la formation et la spécialisation des magistrats sont des conditions absolument nécessaires sinon suffisantes pour arriver ou du moins se rapprocher d’une certaine effectivité des poursuites. V. aussi Roselyne NERAC-CROISIER, Sauvegarde de l’environnement et droit pénal. op. ; cit., p.78.
280
Deuxieme partie
l’organisation des formations continues, des colloques ou séminaires en
renforcement de capacités au profit des juges755. On peut retenir à ce propos
l’exemple du colloque francophone qui a été organisé les 26 et 27 juin 2008
dans les locaux de cette école. C’est une réunion constitutive du Comité de
l’environnement de l’AHJUCAF qui a rassemblée une soixantaine de participants
comprenant majoritairement les magistrats, les Présidents des cours suprêmes
membres de l’AHJUCAF. Entre autres points à l’ordre du jour, on peut retenir:
- la présentation des rapports nationaux sur l’état du droit de
l’environnement;
- l’influence des conventions internationales sur le droit interne de
l’environnement;
- la présentation de la mouture définitive du manuel judiciaire du droit de
l’environnement pour les pays de droit écrit.
Au sujet de cet important ouvrage du droit de l’environnement, élaboré
sous l’égide du PNUE à l’intention des juges, et qui constitue une solution dans
le cadre de l’application du droit pénal, pourrait être à la base de l’enseignement
puisqu’il s’agit d’un manuel de procédure. L’ouvrage poursuit deux finalités qui
facilitent l’application de la loi pénale qu’il nous plaît de rappeler:
- présenter les conventions et coutumes internationales concernant
l’environnement, en soulignant toutes les implications de cette source
du droit non seulement en termes d’application directe des normes,
mais aussi en termes d’interprétation supplétives des textes internes;
- mettre en évidence les conditions procédurales favorables à une mise
en œuvre efficace du droit de l’environnement, conditions qui peuvent
souvent être réalisées par des infléchissements jurisprudentielles sans
requérir l’intervention du législateur.
Déjà au cours d’une réunion précédente qui a eu lieu les 3 et 4 février
2005 à Paris et qui a réunie la conférence des Présidents des cours suprêmes
d’Etats francophones d’Afrique, sous le thème «la contribution du droit au
développement durable», les juges de ces Etats se sont engagés à mettre
755 Le chapitre 34 de l’Agenda national du Bénin le recommande fermement.
281
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
effectivement en œuvre les instruments juridiques internationaux et nationaux
de protection de l’environnement dans la perspective du développement
durable. Au cours des travaux, les participants en examinant la synthèse des
rapports sur l’état des capacités de traitement du droit de l’environnement
dans les pays représentés ont noté une similitude de situation dans presque
tout les pays, tant en ce qui concerne l’état des lieux qu’en ce qui concerne
les besoins de formation. Lors des débats ouverts à propos des conditions
d’organisation de la formation des magistrats en droit de l’environnement,
le Président de la cour suprême du Bénin, Salifou ABOUDOU a réitéré les
propositions de formation sur place dans les Etats membres des intéressés par
les établissements universitaires ou professionnels appropriés, comme il l’avait
suggéré dans les documents préparatoires de la conférence qu’il avait produit à
la demande des organisateurs756. C’est dans ces conditions que l’ERSUMA a été
retenue pour assurer la formation sur place en Afrique des juges. Cette forme
pratique d’enseignement délocalisé mérite encouragement. Il est possible aussi
de bénéficier d’une telle formation par cours par correspondance757.
Une enquête réalisée sous l’égide de l’AHUJCAF en direction d’une
vingtaine de pays africains (les ministères chargés de la justice), montre bien
la pertinence du besoin en formation des magistrats dans le domaine de la
préservation de l’environnement.758 Mieux, «l’insuffisance des connaissances et
les carences en matière de compétences et d’information pertinentes sont l’une
des principales causes contribuant à une mise en œuvre et à un développement
défectueux du droit de l’environnement»759. C’est dans cette logique d’exhortation
à une formation durable, que s’inscrit la conclusion de Guy CANIVET, lorsqu’il
finit son allocution par les termes ci-après: «il conviendrait de sensibiliser les
juges à une application plus active du droit de l’environnement, de mieux les
756 Cf. Déclaration de Paris, Colloque de l’AHJUCAF en 2005, www.courcassation.fr757 Plusieurs programmes de formation en droit de l’environnement par correspondance
existent à l’intention des fonctionnaires publics avec des conditions assez favorables (à moindre coût), on peut citer le programme de l’UNITAR à Genève.
758 Dominique GUIHAL, Synthèse des questionnaires, Colloque, AHUJCAF, Paris 2005 759 759 Comme le souligne l’une des conclusions du Sommet mondial des juges, tenu à
Johannesburg, en 2002 et repris dans l’allocution d’ouverture de Guy CANIVET, premier président de la cour de cassation de France, lors du colloque de l’AHJUCAF en 2005, www.courcassation.fr
282
Deuxieme partie
former, de mieux les spécialiser, de leur fournir des instruments indispensables,
de leur faire comprendre qu’autant que la protection de la liberté, la protection
du droit à un environnement sain entre dans les missions spécifiques du juge.
C’est un des paris des justices du siècle qui nait. Relevons-le»760.
On peut se réjouir que le Bénin ait abrité au cours de l’année 2008 à
Porto-Novo, un colloque sur le droit de l’environnement qui a regroupé les
magistrats venant de plusieurs pays et des juristes de l’environnement de haut
niveau comme le professeur PRIEUR. Mais il reste à définir et développer des
stratégies en recourant par exemple aux divers partenaires techniques financiers
en partenariat avec les universités ayant une certaine expérience dans le
domaine.
L’enseignement du droit de l’environnement est dispensé certes au
Bénin et dans certaines universités (Maroc, Togo, Maurice, Sénégal), mais il
est généralement restreint au Master et au Doctorat. Il conviendrait pour le
Bénin, de définir des stratégies pouvant intégrer non seulement les modules
de formation de cette discipline dans le cursus de formation des magistrats à
l’Ecole Nationale d’Administration cycle I et II, mais aussi dans tous les ordres
d’enseignement supérieur en passant par le primaire et le secondaire. Cela
contribuera énormément au changement de comportement du citoyen de
« type nouveau » dont le droit pénal de l’environnement a beaucoup besoin.
Par ailleurs, la création de structures régionales africaines d’échange
d’informations et d’expériences entre magistrats apparait aussi comme un atout
formidable, comme un instrument privilégié d’amélioration des compétences761.
Il est souhaitable qu’un tel mouvement s’étende en Afrique au sud du Sahara
sous le parrainage de l’UEMOA ou de la CEDEAO. Une coopération structurée
entre un organisme international et les Etats d’expression francophone peut
permettre de mettre en œuvre outre un plan de formation des juges mais aussi
un plan de formation des formateurs afin d’avoir une expertise nationale en droit
répressif. Car, dans tout système juridique, un pouvoir judiciaire indépendant,
760 Idem.761 Il faut saluer la création à cet effet,du forum des juges de l’UE pour l’environnement et de
l’Union des juges arabes pour la protection de l’environnement, créés respectivement le 26 avril 2004, à Luxemburg et le 31 mai 2004, au Caire.
283
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
des juges biens formés et disposant des instruments et moyens appropriés sont
indispensables pour la mise en œuvre effective et efficace des règles de droit
visant la réalisation d’un équilibre entre les considérations environnementales,
sociales et de développement pour atteindre le développement durable762. On
pourrait ainsi prévoir à moyen terme, un recrutement pour combler le déficit et
prévoir au niveau des parquets ou des juridictions, au moins un juge spécialisé
pour connaitre le contentieux d’environnement.
Le personnel non magistrat (officiers de justice, greffiers,…) est bien
concerné également par le plan de formation. Ce personnel de soutien aux
magistrats, est très indispensable pour le juge, de sorte que l’efficacité du
magistrat dépend en grande partie de la célérité, de la perspicacité et du savoir
faire du greffier dans le traitement des dossiers. C’est pourquoi, il leur faut des
modules de formation, de stages et de recyclages périodiques afin qu’ils soient
aussi à la pointe de la technologie en matière de gestion des affaires en droit de
l’environnement. Cette formation doit être étendue au personnel chargé de la
surveillance et du contrôle.
2) Le personnel administratif chargé de la surveillance et du contrôle
Le renforcement de capacité doit concerner aussi bien les structures
de contrôle et de surveillance relevant du secteur public que celles relevant du
secteur privé.
a) Le renforcement de capacité des structures de contrôle et de surveillance publics
Le renforcement de capacité pour la mise en œuvre des textes passe
nécessairement aussi par la formation ou le recyclage des agents des diverses
administrations, notamment les agents fonctionnaires chargés du contrôle et de
762 CANIVET (G), Présentations des conclusions et recommandations de la table ronde sur la réalisation par le droit des objectifs du millénaire, PNUE, 2005. www.courdecassation.fr
284
Deuxieme partie
la surveillance de l’environnement. Il s’agit notamment des agents assermentés
ou commissionnés tels que les fonctionnaires de la gendarmerie, de la police
judiciaire (OPJ), les forestiers et les agents fonctionnaires des administrations
publiques. Dans leur cursus dans les Ecoles de formation des officiers763 et
précisément de ceux qui ont vocation à devenir OPJ, il est important d’innover
en introduisant dans leur programme de formation des modules de formation
sur le droit de l’environnement, notamment sur les techniques de procédures
du droit répressif de l’environnement. Aussi, au delà de l’organisation des
stages de recyclage à leur intention, des séances de concertations périodiques
seraient opportunes entre le parquet au niveau de chaque cour d’appel et les
OPJ et autres fonctionnaires assermentés (Eaux et Forêts et Chasse et autres)
territorialement compétents, pour apprécier, ensemble avec ces derniers, la
procédure rédactionnelle des PV et les difficultés qui jalonnent l’exercice de
l’action publique.
Ces concertations périodiques peuvent avoir pour objectifs :
- de dresser un bilan de la situation concernant les actions administratives
en cours, la prévention et la répression des infractions en matière
d’environnement,
- d’exposer les priorités de politique pénale définie par le parquet,
- de décider des actions à mener ; il s’agit notamment des opérations
combinées entre plusieurs services et de concevoir leur mise en œuvre.
- la mise en œuvre des mesures d’accompagnement destinées à faciliter
et rendre plus efficace l’application de l’arsenal législatif et réglementaire
tel qu’il aura été modifié ou adapté.
Car, aussi performantes que puissent être les dispositions applicables,
elles ne sont rien en dehors des agents chargés d’en assurer le respect.
Les autres agents de contrôle assermentés ou commissionnés à savoir
les inspecteurs de l’environnement ou les policiers de l’environnement et leurs
763 Il existe au Bénin, une Ecole de formation des officiers supérieurs de la police nationale (commissaires) basée à Cotonou et une Ecole de formation des officiers (militaires, gendarmes et forestiers) à Toffo, à environ une centaine de km de Cotonou. Ces écoles sont également ouvertes aux pays voisins
285
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
homologues des administrations sectorielles doivent voir leur rôle bien défini et
leur nombre s’accroitre. Les inspecteurs de l’environnement comme nous l’avions
déjà dit, ont vocation à couvrir tout le territoire béninois et leur domaine de
compétence couvre presque toutes les infractions en matière d’environnement.
Or, ils sont seulement 24 agents. Un recrutement de nouveaux agents bien
formés est donc nécessaire pour atteindre les objectifs qui leur seront assignés.
Il faut réviser les textes allant dans le sens qu’ils aient des liens hiérarchiques
avec le procureur de la République pour instaurer une bonne collaboration qui
fait défaut actuellement entre les deux structures afin qu’il y ait une célérité dans
le traitement des dossiers. Ils ont des dossiers pendant devant les tribunaux qui
demeurent sans suite.
Par ailleurs, le recours à une meilleure utilisation des procédures
judiciaires rapides ou règlements alternatifs, est inévitable. Ainsi, constitue une
solution pénale pratique, l’extension des procédures judiciaires rapides que sont
notamment l’amende forfaitaire, l’amende transactionnelle, la médiation pénale
ou les classements sous condition offrant des voies nouvelles pour le traitement
des infractions environnementales les moins graves. Néanmoins, il conviendrait
de revoir et de mieux organiser la transaction pénale, une arme financière aux
mains des structures de contrôle et de surveillance de l’environnement. Elle est
une méthode certes rapide, mais elle est souvent mise en œuvre de façon opaque
à l’égard des procureurs de la République. La réforme dans ce domaine devrait
permettre par exemple de mieux cerner la notion de récidive qui n’apparait pas
en matière transactionnelle et au regard de la poursuite devant le procureur
de la République, elle peut permettre à ce dernier d’émettre son avis sur la
transaction envisagée avant son opérationnalisation par l’officier assermenté.
A cet effet, une statistique en la matière sera tenue afin d’apprécier l’impact de
cette mesure aussi bien sur les prévenus que sur le milieu dégradé.
La présence à l’audience des représentants des administrations ou des
agents ayant constaté les infractions est vivement souhaitée. Il est bénéfique
pour le déroulement du procès, tant en ce qui concerne le rappel des faits et des
éléments caractérisant la prévention que pour soutenir le choix de peines ou de
mesures de restitution.
286
Deuxieme partie
b) Le renforcement de capacité des associations de défense de l’environnement
Il s’agira d’abord dans une démarche pédagogique, de clarifier dans la
réforme législative avec précision les missions, les attributions et les conditions
d’exercice des associations ou ONG de défense de l’environnement avant
d’organiser ou de susciter à leur intention des formations de renforcement de
capacité en droit de l’environnement. Puisque la loi reconnait à ces associations
l’exercice de l’action publique, il faut les aider à être compétentes dans l’exercice
de cette fonction pénale. Il faut leur démontrer la possibilité qui leur est offerte
pour ester en justice. Ces associations exercent bien souvent «un droit d’alerte»
et sont fréquemment à l’origine des plaintes avec constitution de partie civile
entraînant des informations judiciaires ou de citations directes devant les
juridictions répressives. Les associations de défense d’environnement jouent
donc un rôle très important dans le dispositif répressif. L’identification de ces
associations permet au parquet et aux populations d’être en étroite collaboration
avec elles. Car, la connaissance de ces associations devrait permettre d’établir un
dialogue utile et d’orienter au mieux certaines plaintes. Leur liste devra aussi,
suite à leur agrément par l’autorité compétente, faire l’objet de publication par
les cours d’appel territorialement compétentes, dans les conditions définies
par la loi. C’est une assistance juridique gratuite au profit de la protection des
ressources naturelles.
En effet, en matière de contentieux de l’environnement, la tendance
d’une manière générale est que les associations s’autosaisissent et s’adressent
plus volontiers aux juridictions pénales et civiles qu’aux tribunaux administratifs.
Pour cause, la juridiction pénale est plus spectaculaire et la juridiction
administrative plus lente et pleine d’embuches764. Mais cette lenteur pourrait se
dissiper en grande partie si l’administration judiciaire béninoise avait les moyens
de sa politique.
764 CARLE (F), Enquête Rapport sur l’efficacité des lois d’environnement, avril 1996 TOS association pour la protection des eaux et rivières, p.56.
287
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
B) Le renforcement des moyens techniques, scientifiques et financiers
La réforme que nous envisageons pour moderniser le droit pénal
béninois de l’environnement, ne doit pas occulter la dotation des administrations
environnementales et judiciaires de moyens techniques, scientifiques et
financiers.
1) Les moyens techniques et scientifiques
Il est évident que les technologies utilisées dans les pays occidentaux
ne sauraient être plaquées d’office dans les pays en voie de développement.
Elles nécessitent une adaptation appropriée au modèle occidental765. Les
normes technologiques qui seront imposées par exemple sur les eaux usées
industrielles dans la ville d’Anvers en Belgique ne seront pas identiques à celles
qu’ont pourraient utiliser dans les régions montagneuses de l’Atacora dans la
ville de Natitingou au Bénin. Cela ne signifie pas qu’au Bénin, l’on doit continuer
à utiliser des technologies obsolètes, mais qu’il faut tenir compte des réalités
de chaque localité, de chaque région et de chaque pays pour que la norme soit
efficace. Or, ces moyens techniques, via les connaissances des agents de contrôle
et de surveillance font souvent cruellement défaut. Dès lors, il faut formés
lesdits agents et les doter de connaissances techniques aux fins de contrôle
de conformité à la réglementation. Pour ce faire, il faut rendre disponible les
moyens techniques, technologiques et scientifiques adéquats en créant comme
le recommande l’Agenda 21 national en son chapitre 29, un conservatoire
béninois des technologies écologiquement rationnelles. Il faut également
prévoir la création d’un laboratoire de référence en matière environnementale à
l’instar de celui du Maroc, le laboratoire National d’Etudes et de Surveillance de la
Pollution, crée en 1994. Ce laboratoire a pour rôle de surveiller et de contrôler la
qualité de l’environnement et d’identifier, hiérarchiser et de suivre les tendances
765 FAURE (M), L’analyse économique du droit de l’environnement, op., cit.,p.305.
288
Deuxieme partie
des indicateurs de pollution766. Il est nécessaire pour renforcer les capacités de
l’Agence Béninoise pour l’Environnement qui est le bras technique et scientifique
en matière d’environnement au Bénin, mais qui est obligé en matière d’expertise
relative à la qualité de l’environnement de recourir à l’extérieur.
En effet, s’agissant des prélèvements d’échantillons, leur analyse,
pour être régulière, doit être réalisée «en vertu d’une loi, par un laboratoire
d’Etat ou par un laboratoire agréé par le ministre de la santé publique et ou
de l’environnement767». Or, le Bénin ne dispose pas de laboratoire spécialisé
pour effectuer des analyses en matière environnementale. Les seuls laboratoires
disponibles sont ceux sectoriels des hôpitaux et des instituts ou écoles de
recherche des universités. Mais dans le domaine nutritionnel, nous notons
l’existence d’un laboratoire créé par décret n°2010-153 du 28 avril 2010 portant
création du laboratoire central de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments,
qui peine encore à être fonctionnel.
D’autre part, il faut renforcer les tribunaux en matière d’expertise de
police scientifique qui fait défaut pour faciliter la tâche au juge pénal.
Enfin, toutes ces réformes nécessitent pour leur mise en œuvre non
seulement une volonté politique des pouvoirs publics mais aussi et surtout assez
de moyens financiers.
2) Les ressources financières et les mécanismes de financements
Au regard de l’épineux problème de financement du droit de
l’environnement et en particulier du droit répressif, une politique de recherche
de financement à court, moyen et long terme doit être élaboré et mis en œuvre
par les pouvoirs publics. Dans la mesure où les ressources internes, très maigres
des pays en voie de développement comme le Bénin, ne parviennent pas toujours
766 Etude du système d’inspection, de contrôle et de surveillance de l’environnement au Maroc. Phase1. Rapport diagnostic, provisoire. 2007 (MATEE) p.39.
767 LAMBRECHTS (C), La valeur en matière pénale, des preuves des violations de la convention Marpol 73/78, Revue de Droit Pénal, Chronique, p.735. V. aussi, La preuve en matière pénal de l’environnement, Aménagement –Environnement, 1995, p36.
289
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
à régler les problèmes environnementaux, et ne sauraient prétendre le faire,
sans concours; il faut envisager le recours au mécanisme de financement des
partenaires techniques et financiers. Il en est ainsi parce que le «développement
économique et social et l’élimination de la pauvreté sont les priorités premières
et absolues des pays en développement»768. En d’autres termes, la préoccupation
de l’environnement est reléguée au second plan. C’est pourquoi, nous estimons
qu’il faut d’abord que les gouvernants développent d’abord en eux une volonté
politique pouvant leur permettre de comprendre que le développement et la
protection de l’environnement forment un couple inséparable. Ainsi, dans le
domaine législatif et réglementaire, toute réforme qui serait envisagée, devrait
tenir compte en même temps du volet environnement. Or, ce n’est pas souvent
le cas. Cette volonté manifeste doit s’exprimer à travers une amélioration des
crédits budgétaires alloués au secteur de l’environnement. Ce qui se traduira par
un relèvement des dotations des principaux ministères chargés de la réforme
à savoir le ministère chargé de l’environnement et le ministère chargé de la
justice, mais aussi des autres ministères sectoriels, pour engager des réformes
véritablement opérationnelles touchant au cadre juridique et institutionnel.
Dans cette même logique, il serait souhaitable qu’en tant que chef de fil
des consommations des crédits budgétaires relatifs à l’environnement, que lors
de la préparation du budget, le ministre chargé de l’environnement soit tenu
informé des crédits envisagés au titre des autres départements ministériels pour
tous les aspects touchants à la protection de la nature et à l’environnement. Il
pourra éventuellement formuler ses observations au ministre de l’économie et
des finances lors des séances d’arbitrages budgétaires. En ces mêmes matières, il
est tenu informé de l’exécution du budget et reçoit communication des rapports
d’inspection ou de contrôle sur l’utilisation des crédits769. Cette démarche
qualitative permet au ministre chargé de l’environnement d’avoir une bonne
visibilité des dépenses publiques consacrées à la protection de la nature et de
l’environnement en produisant chaque année un état de l’ensemble des crédits
et de réaliser des statistiques conséquemment.
768 KAMTO (M), Droit de l’environnement en Afrique, op.,cit.,p.126.769 Cette procédure est application en France. Cf. PRIEUR (M), Droit de l’environnement,
op.,cit.,p.32. Le Bénin peut bien s’en inspirer pour améliorer sa gouvernance environnementale.
290
Deuxieme partie
Lorsque les dossiers sont biens montés et les engagements
internationaux entièrement souscrits et respectés, on peut aisément recourir
aux partenaires techniques et financiers pour solliciter leur coopération. Elle est
bilatérale ou multilatérale et se négocie en fonction du dynamisme de chaque
Etat. La conférence de Rio avait déjà balisée le terrain en amenant les pays du
nord à s’engager à porter le niveau de leur aide aux pays en développement à
«0,70% de leur produit national brut (PNB) »770 et confirmer par « la Déclaration
de Paris» sur l’aide au développement. A ce jour, cet indicateur d’objectif n’est
pas atteint. La France en tant que troisième donateur mondial771 consacre un
peu plus que les USA et le Japon, respectivement premier et deuxième rang
mondial qui ne consacraient que 0,2% et 0,5% seulement de leur PNB à l’aide
au développement772. Les partenaires techniques et financiers spécifiques au
secteur de l’environnement que sont le PNUE et le PNUD et autres à savoir
FAO, OMS, BM, UE, etc., offrent d’énormes opportunités de financement du
droit de l’environnement, conformément à la mise en œuvre des conventions
environnementales. Ces institutions apparaissent dès lors comme des
mécanismes de financement à saisir par les Etats parties aux conventions.
Le Bénin a élaboré et vulgarisé son Agenda 21 national depuis janvier
1997. Ce document rédigé conformément à l’Agenda 21 international,
comprend divers programmes et projets couvrant tous les compartiments de
l’environnement y compris le droit de l’environnement puisqu’il recommande
la refonte du cadre législatif, réglementaire et institutionnel773 et propose
une planification quinquennale de réalisation des programmes suivie de
propositions de partenaires techniques et financiers. Mais ce document,
malgré son caractère hautement stratégique, n’a jamais été mis en œuvre pris
globalement, simplement par faute de financement mais surtout pas manque
d’engagement politique ou de volonté politique alors qu’il était évalué à l’époque
à 209.434.090.000 F CFA.774.
770 KAMTO (M), Droit de l’environnement en Afrique, op.,cit.,p.128. 771 Idem, p128 mais cela date de 1996.772 KAMTO (M), Droit de l’environnement en Afrique, op.,cit.,p.128.773 Agenda 21 national, notamment les chapitres 33 et 34 pp.200-205.774 Agenda 21 national, 1997, Cotonou Bénin.
291
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Cependant, au niveau sectoriel, indépendamment de l’Agenda, certains
projets ont été réalisés. Dès lors, il ne serait pas superflu, 15 ans après, de
procéder à une évaluation d’impact de l’Agenda 21 national, pour apprécier le
niveau de réalisation des différents projets relatifs au droit de l’environnement
et en avoir une idée chiffrée des chantiers restants à réaliser. L’évaluation peut
concerner spécifiquement la mise en œuvre des objectifs du cadre législatif et
réglementaire.
292
Deuxieme partie
CHAPITRE VI : LA DEFINITION DES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION ENVIRONNEMENTALE
Selon les auteurs Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, l’infraction
s’entend du comportement interdit sous la menace d’une peine telle qu’elle
est définie de manière générale et impersonnelle par la loi pénale. En ce sens,
l’infraction comporte deux éléments : d’une part l’incrimination c’est-à-dire
la description des divers éléments constitutifs du comportement interdit, et,
d’autre part la peine qui le sanctionne. Il ne peut y avoir d’infraction pénale si
l’un de ces deux éléments fait défaut. Un interdit ou une obligation qui n’est
pas pénalement sanctionnée n’est pas une infraction. Il n’est pas nécessaire
qu’incrimination et sanction pénale soient formellement réunies dans un même
texte. Il se peut même que le texte d’incrimination et le texte de pénalité ne
soient pas au même niveau dans la hiérarchie des normes. Ainsi, une obligation
ou une interdiction prévue dans un texte législatif peut être sanctionnée par un
texte réglementaire, et inversement.775
On en déduit que la responsabilité pénale est « l’obligation pour une
personne impliquée dans une infraction d’en assumer les conséquences, c’est-à-
dire de subir la sanction attachée à cette infraction, cette sanction étant punitive
et préventive »776. Cette définition de PRADEL, appelle surtout de notre part deux
observations. Il faut non seulement arriver à identifier l’agent pénal mais il faut
lui faire subir les rigueurs de la loi. Cet exercice de qualification de l’infraction,
qui n’est pas du tout aisé en droit de l’environnement, se fonde en droit pénal
général sur la réunion des éléments constitutifs de l’infraction préalablement
définie. En effet, la qualification est la définition ou l’identification du fait
infractionnel par le législateur ou par le juge777. Dans ce sens, la qualification en
droit pénal commun est traditionnellement orientée vers la violation des biens
et des valeurs juridiques classiques comme la liberté, la propriété, l’intégrité
physique. En matière environnementale, cette violation est plutôt orientée vers
des valeurs juridiques écologiques.
775 (F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, 10ème édition, ECONOMICA, Paris 2003, p.10
776 PRADEL (J), Droit pénal général, 16ème édition CUJAS, Paris p.382.777 Lexique de termes juridiques, op. cit, p.373.
293
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Ainsi, d’une manière générale, au regard de la doctrine778, pour qu’il
y ait violation ou infraction environnementale, le juge doit d’abord prouver la
réunion de trois éléments constitutifs à savoir, la violation par l’agent pénal
d’une prescription légale (Section I) ensuite il faut la réalisation de l’infraction,
la commission d’acte matériel proprement dit, et enfin, l’intention coupable
(Section II).
SECTION I : L’ELEMENT LEGAL OU L’ExIGENCE DE TExTES CLAIRS ET PRECIS
L’élément légal779 de l’infraction, comme le définit Dominique GUIHAL,
« est le texte, ou l’ensemble de textes qui décrit le comportement prohibé, l’érige
en infraction et assortit cette incrimination d’une ou de plusieurs peines780».
Ces textes doivent émaner des autorités constitutionnellement habilitées à les
éditer et préexister aux faits poursuivis781. Cela suppose que toute infraction
correspond à la violation d’un texte de loi ou d’un règlement préalablement
défini et pourvue d’une sanction pénale. La conséquence est qu’en absence
de texte, il ne saurait avoir de sanction. Comme nous l’avions souligné dans les
précédents chapitres, cet élément légal de l’infraction, principale source de droit
pénal, n’est pas souvent clairement et suffisamment défini par le législateur
béninois ce qui, par voie de conséquence ne facilite pas une bonne prise de
décision du juge. C’est pourquoi, nous allons d’abord, au regard de la doctrine
et de la jurisprudence, définir le contenu et l’évolution du principe (§I) avant
d’exposer les modalités de son application (§II).
778 Cf. PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.276.779 Certains auteurs parlent plutôt de “préalable légal”, puisqu’il s’agit d’une prévision du fait
par la loi. V. à cet effet, PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.279.780 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op. cit. p.104.781 Idem. p.103.
294
Deuxieme partie
§I : Le contenu et l’évolution du principe de la légalité
On se préoccupera ici de la signification classique du principe (A) et de
son évolution actuelle en droit pénal de l’environnement (B).
A) L’historique et la signification du principe
Selon Roger MERLE et André VITU782, « de toutes les règles consacrées
par le droit criminel français, la plus importante est sans conteste celle de la
légalité des délits et des peines, ou encore selon son expression latine, la règle
« nullum crimen, nulla poena sine lege ». Ce qui signifie qu’il n’y a pas de délit
ni de peine sans texte783. Autrement dit, aux termes de ce principe, la loi peut
seule prévoir des incriminations et les sanctionner de peines. Les crimes et délits
ne peuvent être prévus que par une loi au sens formel, c’est-à-dire un texte voté
par le parlement784.Ce principe, en réalité, induit deux autres sous principes : il
signifie d’abord qu’un fait ne peut déterminer l’intervention du juge répressif s’il
n’a été formellement prévu par un texte : c’est le principe de la légalité des délits
ensuite qu’aucune peine ne peut être infligée si elle n’est déterminée, quant à
son origine, sa durée ou quantité par un texte, c’est le principe de la légalité des
peines. Le prévenu devra être aussi jugé selon les formes procédurales prévues
par la loi. On n’en déduit dès lors que le principe de la légalité concerne donc
tout à la fois le droit pénal et la procédure pénale785 et non seulement la loi,
comme on pourrait a priori le penser. Dans cette optique, il conviendrait alors
de dire, avec les auteurs MERLE et VITU « nullum crimen, nulla poena, nullum
juridicium sine lege ».
La formulation latine du principe pourrait laisser croire qu’elle remonte
à l’antiquité romaine ; or il n’en est rien puisque cette formule est l’œuvre du
782 MERLE (Roger) et VITU (André), In, Traité de droit criminel, T2, Procédure pénale, Cujas, 4ème édition, Paris 1989., p.104. ; v. W.Jeandidier, J.cl. code pénal, Principes de légalité criminelle, n°33.
783 Délit est pris ici bien entendu, au sens général d’infraction.784 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op. cit. p.115.785 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.124.
295
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
criminaliste allemand Feuerbach, qui, au début du XIXème siècle, a cru créer cette
règle en réaction à l’anarchie ou à l’arbitraire ou encore à « l’Etat de police »
qui régnait à cette époque. Le système pénal est ainsi fondé sur un mode
d’avertissement des peines éventuellement encourues. Elle permet, en effet,
d’avertir solennellement les citoyens des peines applicables. Il s’agit donc de
s’adresser à la raison de chacun par un effet de dissuasion et non par la terreur.
Ce principe à valeur constitutionnelle786, est présent dans presque tous
les systèmes pénaux787 et il est réaffirmé par des instruments internationaux788.
Cependant, au regard de la modernisation du droit pénal, le principe a connu
une évolution positive favorable à l’épanouissement du droit pénal en général.
B) L’évolution actuelle du principe en droit pénal de l’environnement
Cette évolution est remarquable dès l’avènement de la Vème République
française en1958, dont la constitution, a opéré un partage entre la loi et
le règlement789, ce que le Professeur Levasseur a appelé « une révolution
en droit pénal 790». Au Bénin, la constitution béninoise, dispose aussi que la
détermination des crimes et délits sont du domaine de la loi791. Ces textes
ne visant expressément que les crimes et délits, on en déduit aussi que les
contraventions relevaient dorénavant du domaine réglementaire.
786 Il est consacré entre autres par les constitutions des USA dès 1774; les constitutions françaises dès 1946 ; la constitution béninoise de 10 décembre 1990.
787 Notamment Art.4 C.P français dès 1810, siège du principe de la légalité, qui dispose « nul contravention, nul délit et nul crime, ne peuvent être punis de peines qui n’étaient pas prononcées par la loi avant qu’ils fussent commis » ; aussi l’art.111-3 CP français, apporte des nuances en mettant l’accent sur la portée du règlement. Il en est ainsi des art. 2 ou 4 des codes pénaux africains cités à la référence n° 56, p.28.
788 Notamment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 27 août 1789 (art.8) ; la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
789 Art.34 et 37, de la constitution française de 1958.790 Une révolution en droit pénal : le nouveau régime des contraventions. ; Chronique XVIII,
Recueil Dalloz, 1959, p.18791 Art.98 de la constitution béninoise.
296
Deuxieme partie
La conséquence juridique qui se dégage dès lors, est que la loi, n’est
plus, la seule source du droit pénal. Le législateur n’a plus seul le pouvoir de fixer
les incriminations et les peines. Il faut une base légale. Il en est ainsi également
des actes assimilés tels que les ordonnances qui relèvent du Président de la
République. Le règlement (décret, arrêté) qui est l’œuvre de l’administration ou
de l’exécutif, est aussi dorénavant, à l’origine de la création non seulement de
normes mais aussi de peines contraventionnelles792, même s’il s’agit de peines
de simples police comme des amendes, c’est énorme comme responsabilité.
Cette responsabilité, eu égard au domaine abandonné au pouvoir réglementaire
est bien limité. Il a été définit de façon rigoureuse par le conseil constitutionnel
français qui, dans sa décision n°73-80 L du 28 novembre 1973, a indiqué que la
« détermination des contraventions et des peines qui leurs sont applicables est du
domaine réglementaire lorsque lesdites peines ne comportent pas de mesures
privatives de liberté 793». En conséquence de l’application de cette jurisprudence
constitutionnelle, le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, a
supprimé les peines privatives de liberté en matière contraventionnelle en son
article L131-13.
Le grand bénéficiaire de cette réforme pénale, est nul doute le droit
de l’environnement et particulièrement le droit pénal de l’environnement.
Puisque comme indiqué tout au long de la première partie, le droit pénal de
l’environnement est étroitement lié au droit administratif. C’est l’administration
qui la plupart du temps définit les normes et les incriminations pénales
(prescriptions, interdictions, autorisations, etc.…) à observer par les citoyens. Ainsi,
les lois de police spéciales ne déclarent certains comportements punissables que
sous réserve de dépassement de seuils physico-chimiques ou d’inobservations
de précautions énoncées par l’administration794. Se sont alors les prescriptions
réglementaires qui sont sanctionnées de peines correctionnelles. Il s’agit là de
l’incrimination par renvoi. De la même manière, lorsque le gouvernement est
792 Art.111-3 al. 2. CP français793 Droit pénal et droit constitutionnel, janvier 2007, France, service du conseil constitutionnel,
p.3. Pour un exemple récent concernant la problématique relative à la nature de l’acte (décret en conseil d’Etat ou non) qui doit définir les contraventions, v. décision n°Réf du 24 mars 2005, sur des requêtes présentées par monsieur Stéphane HAUCHEMAILLE et par Monsieur Alain MEyET (Hauchemaille 17 ou hauchemaille Meyet), cons. 17.
794 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op.,cit. p.114.
297
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
chargé par une loi de déterminer ses modalités d’application, il peut renvoyer
lui-même, l’édiction de certaines mesures à des arrêtés ministériels, à condition
d’avoir défini avec une précision suffisante les principes à mettre en œuvre.
Si c’était la loi qui continuait à tout régir en cette matière, l’efficacité du droit
pénal de l’environnement serait mise à rude épreuve, l’environnement étant un
domaine nécessitant une réponse immédiate ou rapide en cas d’infraction.
Ainsi, dans sa mise en œuvre, le principe est mis en application non
seulement par l’administration comme on le constate, mais il est surtout mis en
application d’abord par le législateur et par le juge pénal.
§ II : L’application du principe de la légalité en droit pénal de l’environnement
Le principe de la légalité des délits et des peines a des implications,
notamment des exigences de clarté et de précision de la norme pénale ou des
incriminations aussi bien pour le législateur que pour le juge. Or, en matière
environnementale, le dispositif répressif repose essentiellement sur le règlement.
Ainsi, en droit répressif de l’environnement, il parait évident que « l’incrimination
par renvoi795 » ou pénalité par renvoi796 est la règle et la définition d’infractions
autonomes dont les éléments constitutifs sont déterminés par une seule
disposition, l’exception. Dès lors, la question se pose de savoir comment arrimer
les exigences de ce principe avec le droit de l’environnement afin d’éviter qu’une
mauvaise définition des éléments constitutifs par le législateur, ne conduise à un
défaut de base légale ou à une mauvaise décision du juge ?
A) Le législateur doit légiférer avec clarté et précision
Une application effective du principe de la légalité, induit chez le
législateur une lourde responsabilité dans l’édiction des textes de loi. Au sens
strict du terme, la loi est une règle écrite, générale et permanente élaborée par
795 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op.,cit. p.104796 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.124
298
Deuxieme partie
le parlement797. Autrement dit, le législateur a le monopole de l’édiction des
normes pénales et procédurales.
Ainsi, dans la rédaction de ces textes répressifs, créateurs d’incriminations
ou porteurs de peines, des exigences particulièrement strictes s’imposent au
législateur et au pouvoir réglementaire. Le législateur a l’obligation de voter des
textes précis, définissant nettement les incriminations et indiquant sans erreur
possible les peines applicables798. La nature et le taux des peines prévues doivent
être déterminés avec précision et entrés en vigueur avant la commission des
faits qui donnent lieu aux poursuites. Certains auteurs parlent même de principe
de « textualité pénale799». Les textes flous, ou prêtant à équivoque ou encore
ayant des mots ou des formulations très vagues, sont sources d’arbitraires et
d’insécurité judiciaires. Les définitions d’infractions à formulation tellement
vagues qu’en pratique on y peut faire entrer n’importe quel acte800, sont
proscrites. Se serait le cas, si par exemple, une disposition pénale incriminait
« tout acte de nature à nuire au peuple français », comme l’avait fait en France
une loi du 7 septembre 1941 instituant un tribunal d’Etat801. Il conviendrait
donc, pour les rédacteurs de textes d’environnement, de procéder d’abord à la
clarification des concepts, à la définition des termes techniques qui pourraient
soulever éventuellement des contestations, d’éviter l’emploi des mots vagues,
susceptibles de plusieurs interprétations.
A cet effet, nous suggérons que la commission nationale de législation et
de codification, logée au MJLDH, soit composée de membres pluridisciplinaires
compétents comprenant outre des juristes de droit commun, des spécialistes
de droit de l’environnement et des chercheurs de l’université en science
environnementale. Ces membres, à défaut d’être membres permanents, pourront
être invités à siéger lorsque l’ordre du jour de la session de la commission portera
sur des préoccupations d’environnement afin de mieux apprécier l’opportunité
des renvois aux textes réglementaires.
797 Cf. Lexique de termes juridiques, op. cit ; P.284 ; voir aussi PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.165 et Ss.
798 MERLE (Roger) et VITU (André), Traité de droit criminel, op. ;cit. note 782799 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.104800 Idem. p.801 Idem.
299
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
1. L’incrimination par renvoi, une solution
L’incrimination par renvoi consiste à « prévoir dans une disposition finale
d’une loi, la sanction d’un ensemble de dispositions techniques, en revoyant
globalement pour la définition des comportements incriminés aux articles
concernés de la loi »802. En droit pénal de l’environnement, ce renvoi s’effectue
généralement en direction d’un acte règlementaire qui définit le comportement
infractionnel tout en faisant référence à la sanction prévue par le texte législatif.
Compte tenu de la complexité de la matière environnementale et de la
particularité du droit pénal de l’environnement qui est intimement lié au droit
administratif, les rédacteurs des textes de loi, sont pratiquement obligés de
recourir à la technique de l’incrimination « par renvoi » aux textes réglementaires
pour mieux expliciter des dispositions législatives. Cette technique est
fréquemment utilisée en droit répressif de l’environnement. Mentionnons
que le droit de l’environnement, œuvre des corps techniques de l’Etat plutôt
que de juristes, contient une minorité de délits dont les éléments constitutifs
tiennent tout entier dans une disposition législative se suffisant à elle-même.
Ce qui fait que cette technique, toute proportion gardée, apparaît comme un
outil qui contribue à régler la question d’imprécision des textes. Le législateur
béninois, comme nous l’avons constaté, en fait un usage abondant mais
infructueux. Puisque dans la pratique, plusieurs textes de lois demeurent encore
sans décrets d’application803 et plusieurs décrets sans arrêtés d’application804. Il
conviendrait dès lors, pour les pouvoirs publics, de faire diligence afin que le
renvoi soit effectif et viser à compléter ces différents textes de lois pour qu’ils
soient plus utiles ou plus efficaces, une fois transformés en règlements ou en
« lois pénales en blancs 805» comme le qualifie le professeur SILVA SANCHEZ.
C’est ce que souligne Marie Josée LITTMANN-MARTIN, à propos du droit
forestier en ces termes : « l’élément légal est incomplet car le législateur ne
802 (F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, op.,cit.,p.175.803 On peut citer le décret d’application de la loi n°2002-16 du 18 octobre 2004 portant
régime de la faune en République du Bénin.804 Cf. Annexe 3 ou le Tableau n°6.805 (Jésus-Maria) SILVA SANCHEZ, Les principes du droit pénal et de la jurisprudence
constitutionnelle : le point de vue espagnol, 2000, article, p.79. (source internet)
300
Deuxieme partie
définit pas les espèces protégées. La détermination de ces espèces est confiée
au pouvoir réglementaire ». Or, le texte réglementaire ne suit toujours pas. La
formule utilisée dans ce cas par le législateur béninois est : « un décret pris
en conseil des ministres, sur proposition du ministre chargé de la faune fixe,
les listes des espèces intégralement protégées (catégorie A) et partiellement
protégées (catégorie B) (..) »806. A ce jour, cette liste demeure toujours inconnue,
faute de décret d’application807. Conséquence, ce texte, à certains endroits ne
devrait pas être opposable au tiers contrevenant puisqu’il est incomplet.
En droit espagnol par exemple, c’est le tribunal constitutionnel qui dans
un arrêt a mis un terme au controverse doctrinales sur la notion de « renvoi »
par une doctrine dénommée « du complément indispensable ». Selon celle-ci,
les renvois normatifs, c’est-à-dire l’intégration de la loi pénale avec les normes
extra pénales de complément, sont conforme à la constitution à la condition
que le renvoi soit justifié pour des raisons de protection, qu’il soit proportionné
et, enfin que la loi pénale contienne le noyau de ce qui est interdit, en sorte que
seules les questions de détail qui constituent « le complément indispensable »
seraient susceptibles de renvoi. Il s’agit ici de l’adoption d’une solution de
compromis entre les exigences de protection des intérêts sociaux, qui demandent
une relative flexibilité des lois pénales et de la sécurité publique808. Comme on
le voit, la protection de l’environnement comme valeur écologique, entre bien
dans la protection des «intérêts sociaux».
Mais il conviendrait de faire remarquer aussi que l’exigence d’une
technique précise pour la rédaction des textes ne saurait être évidemment
poussée à l’absurde : le législateur ne peut statuer que par voie de « dispositions
générales » et on ne peut lui demander, à tout instant, d’énumérer par détail
toutes les hypothèses particulières que l’imagination suggère ; sa tâche
deviendrait impossible. C’est pourquoi, il recourt au renvoi.
806 Art.31 de la loi n°2002-16 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République du Bénin.
807 Projet de texte en cours d’adoption par le gouvernement.808 (Jésus-Maria) SILVA SANCHEZ, Les principes du droit pénal et de la jurisprudence
constitutionnelle : le point de vue espagnol, article, 2000, p.79-80.
301
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
En revanche, pour remédier aux difficultés d’exigence de clarté et de
précision, le législateur béninois peut par exemple s’inspirer de certaines
législations, comme la législation belge809, qui recourt à ce que l’on pourrait
appeler « une disposition générale de prudence et de précaution », dans la
rédaction de certains textes ; obligeant de ce fait, les potentiels pollueurs à prendre
« toutes précautions nécessaires afin d’éliminer ou de limiter les nuisances
environnementales au maximum »810. Et ceci nonobstant le respect de toutes les
conditions particulières requises dans l’autorisation d’environnement811. Ainsi,
l’article 22 du décret de la Région Flamande sur l’autorisation environnementale
dispose : « nonobstant l’autorisation accordée… il appartient à l’exploitant de
toujours prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir des dommages,
des nuisances ou des accidents graves, et, en cas d’accident, de limiter autant que
possible les conséquences pour l’homme et l’environnement 812». Cependant,
l’on peut se poser la question de savoir dans quelle mesure une disposition aussi
générale correspond-telle au principe de la lex certa, la loi pénale établissant
clairement l’obligation ou l’interdiction ?
En droit belge813, les articles 12 et 14 de la constitution disposent que « nul
ne peut être poursuivi que dans les cas et selon les formes que la loi a établit ». En
relation avec les dispositions de l’article 22, cela a prêté à équivoque et a suscité
un contentieux ; la cour constitutionnelle belge saisie, a estimé que l’article 22
querellé n’était ni contraire aux articles 12 et 14 susmentionnés, ni à l’article 7.1
de la CEDH. Il a été jugé ainsi au motif que « la complexité de la problématique
environnementale ne permet pas au législateur ou à l’administration de prévoir
absolument toutes les circonstances créant un danger pouvant être circonscrit
d’avance par une norme adéquate, il appartient au contraire à l’entreprise
professionnelle disposant de toutes informations nécessaires, de prévoir au
mieux toutes circonstances pouvant intervenir et nécessitant des mesures de
précaution ; il appartient de même au juge d’apprécier in concreto, si toutes
809 Art. 2 du CP belge810 GOETHALS (Etienne), Le droit pénal de l’environnement en Belgique, doc. Source : www.
ahjucaf.org 2008.811 Idem.812 Idem.813 Comme en droit béninois ou comme dans la plupart des législations.
302
Deuxieme partie
les mesures pouvant être prises par un homme raisonnable, placé dans la
même situation, ont été respectées, étant entendu que cela n’implique pas que
tout dommage, même celui qui ne dépasse pas le seuil du dommage normal
et inhérent à une telle forme d’activité, doit être éviter sous peine de sanction
pénale814.
Telle est donc la réponse que le droit pénal belge propose pour mettre
un terme à la polémique doctrinale sur cette notion de « renvoi ».
D’un autre côté, et dans le même ordre d’idée, le droit pénal français
quant à lui, punit d’une amende contraventionnelle de première classe, la
violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les
décrets et arrêtés de police815. Ce texte a parfois été considéré comme une sorte
de sanction universelle applicable dans tous les cas où n’était pas prévue une
répression spécifique, autonome.
Ce texte également, serait bien adapté pour la réglementation de
l’environnement puisqu’il ne s’applique pas à une disposition législative816
mais aux règlements de police pris par les autorités administratives en vue de
maintenir la tranquillité, la sécurité et la salubrité publique817.
L’administration béninoise environnementale peut s’inspirer de ces
différents exemples pour sanctionner toutes autres formes de manquement
non prévus par les décrets et arrêtés d’application et qui surviennent lors de
l’exécution de l’activité pourvue d’une autorisation ou un permis régulièrement
accordé818. Un tel dispositif peut amener le promoteur à être diligent et agir en
bon père de famille819.
814 GOETHALS (Etienne), le droit pénal de l’environnement belge, www.ahjucaf.org 815 En droit français, lorsqu’une peine n’est prévue par le texte objet du renvoi, l’art. R610-5
du code pénal s’applique. Voir PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.225 et 226816 Cass. Crim.12 janv. 1983: Bull. crim. n°15817 Cass. Crim.14 mars 1989:Bull. crim. n°127818 Un permis peut légaliser certains actes mais cela ne signifie pas qu’il accorde des droits
absolus au polluant. 819 L’autorisation administrative semble-t-il ne doit pas être possible, ou si elle a été accordée,
elle doit être sans importance lorsque l’utilisation de l’environnement cause la mort ou une lésion grave à une personne ou crée un risque significatif de les entrainer.
303
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
En raison de sa commodité, la technique de l’incrimination par renvoi est
fréquemment utilisée par le législateur. Elle est une approche de solution pour
le droit pénal de l’environnement mais elle, soulève quelques appréhensions.
2. Les limites de l’incrimination par renvoi
C’est d’abord une entorse au principe de la légalité criminelle et au
principe de la proportionnalité820 puisqu’à chaque infraction devrait correspondre
une incrimination et une peine donnée, spécifique à cette infraction. C’est une
pratique ou une technique législative, à l’origine des infractions obscures.821
Ainsi, l’usage des dispositions générales, dans les textes pénaux, qui
ne sont pas totalement en phase avec le principe de la légalité criminelle, doit
être manipulé avec prudence, pour ne pas paraître « un fourre tout ». Le texte
répressif se réduit à la formule suivante : «toute infraction aux dispositions du
présent code ou de la présente loi est punie de… ». Il est dans ces conditions,
très difficile de déterminer exactement quels sont les manquements pénalement
sanctionnés et ceux qui ne le sont pas822. La rédaction correcte des textes
réglementaires dépend de ces dispositions générales.
Il en est ainsi par exemple de l’article 87 du code minier béninois ainsi
libellé : « est punit d’une amende de 1000 à 100.000 F CFA, toutes les autres
infractions au présent code et aux textes pris pour son application ». De la même
manière, l’article 52 de la loi du 21 septembre 1987 portant réglementation de la
protection de la nature et de l’exercice de la chasse en République Populaire du
Bénin, dispose comme suit : « est punit d’une amende de 2000 à 300.000 F CFA
et d’un emprisonnement de 2 mois à 1 an823, les infractions à la présente loi et
à ses décrets d’applications ». Ces dispositions, telles que rédigées, très vagues
et générales, qui renvoient à des textes d’application, ne sont pas de nature à
820 (G) STEFANI et G) LEVASSEUR, B) BOULOC, op. cit.p.21, cité par G. SOGLO, Mémoire de DEA, Lomé Togo, 1999, op. cit. p….
821 (F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, op.,cit.,p.175.822 (F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, op.,cit.,p.175823 Si ces lois sont aujourd’hui abrogées, la technique de rédaction ayant prévalu à la rédaction
de ces textes est toujours opérationnelle.
304
Deuxieme partie
faciliter la rédaction desdits textes réglementaires encore moins la tâche au juge
en cas de contentieux pénal. De plus, l’on court le risque d’infliger des peines
souvent dérisoires qui ne correspondent pas à la réalité de chaque cas d’espèce.
Par ailleurs, la suprématie du règlement sur la loi, ne doit pas conduire
les pouvoirs publics à ignorer le rôle primordial que doit jouer la loi. La
ratification d’un nombre important de conventions internationales en la matière
par l’Etat peut par exemple, ouvrir la voie à une production législative interne
intense. Au risque de rendre cette production ineffective, il conviendrait pour le
législateur de légiférer en privilégiant des incriminations directes ou autonomes
et limiter au besoin, la « technique de renvoi » aux textes réglementaires afin
de rester coller non seulement au principe de la légalité criminelle, mais aussi
de faire ouvertement la promotion de l’application du droit pénal, en temps que
discipline autonome, sans trop s’accommoder du règlement. Car, si la technique
de renvoi ne peut être évitée, ne doit-on ne saurait non plus en abuser.
D’ailleurs, le législateur béninois,824 après avoir, dans le code forestier,
interdit un certain nombre de comportements préjudiciables à la flore, il revient
dans le chapitre 4 intitulé : « des pénalités », 825 pour préciser le comportement
incriminé avant de l’assortir d’une peine. On constate d’ailleurs que ce texte ne
comporte aucun renvoi.
C’est dire alors que l’entreprise n’est pas impossible et qu’il appartient
au législateur d’y recourir au lieu d’abuser du « renvoi ». Car dans ce domaine
plus qu’ailleurs, les frontières de la légalité doivent être tracées pour que chaque
citoyen sache jusqu’où il peut aller sans s’inquiéter dans la mesure où l’acte
matériel n’est pas seul requis, l’omission est également incriminée.
L’exigence d’une rédaction claire et précise des textes pénaux, outre de
droit pénal de fond, concerne également la procédure pénale. Le principe de la
légalité interdit au législateur et à l’administration d’incriminer les faits passés,
c’est-à-dire d’ordonner la rétroactivité des lois promulguées.
824 Cf. la loi béninoise portant régime des forêts.825 Art. 88 de la loi béninoise portant régime des forets
305
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
De son côté, le juge est tenu de « rechercher l’exacte qualification des
faits poursuivis826» c’est à dire de rechercher dans chaque cas d’espèce, quel
texte est applicable.
B) Le juge répressif doit dire le droit en fonction d’un texte
Lorsque le magistrat, est saisi d’une affaire pénale, il doit avant tout
rechercher si les faits dont il est saisi comportent un préalable légal, c’est-à-dire
s’ils constituent une infraction, et dans l’affirmative, laquelle. C’est l’opération
dite de qualification des faits. C’est une opération intellectuelle qui permet donc
d’appliquer la règle de droit au cas de l’espèce. Qualifier, « c’est dire quel délit
constitue le fait incriminé et par quel texte il est prévu et puni827 ». C’est donc,
essentiellement l’œuvre du juge. Dans la pratique, la formule sacramentelle est
énoncée par le juge béninois, comme suit : « attendu que ces faits constituent le
délit prévu et puni par les articles… de la loi n°… ».
En effet, quant il prononce une peine, le juge doit constater dans sa
décision de condamnation, l’existence des éléments constitutifs de l’infraction
contenu dans l’article visé. Faute de texte, un procureur de la République
devrait classer sans suite, un juge d’instruction ordonner un non lieu ou une
juridiction de jugement prononcer l’acquittement828. Aux tribunaux, il est interdit
d’appliquer une pénalité dans les cas non prévus par la loi. Par exemple, un texte
qui prévoit des règlements d’application nécessaire à sa mise en œuvre ne peut
servir de base à des poursuites tant que les règlements n’ont pas été pris.829 Une
loi ne peut recevoir d’application pénale tant que les exceptions prévues par
elles n’ont pas été prises par les textes réglementaires voulus.830
La chambre criminelle française, rappelle bien à cet effet, que « toute
infraction doit être suffisamment définie en termes clairs et précis pour exclure
826 MERLE (Roger) et VITU (André), In, Traité de droit criminel, op.cit., p.110827 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.279.828 MERLE (Roger) et VITU (André), In, Traité de droit criminel, op. cit., p.110829 B (Pierre) et (PINATEL(Jean), Traité de droit pénal et de science criminelle, T I p.148. or le
droit positif béninois comprend assez de textes sans textes d’application.830 Idem. C. Paris 15 février 1965, Gaz. Pal 1965.I.304.
306
Deuxieme partie
l’arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature pénale
de l’acte qu’il commet 831». A défaut de définir clairement les termes techniques
au chapitre 1er, il conviendrait pour les rédacteurs, de prévoir en annexe de la
loi ou du règlement, un lexique des termes techniques utilisés ; ceci pourrait
faciliter la tâche au juge.
Mais, face à la complexité et parfois à l’imprécision des textes juridiques
environnementaux, quelle pourrait être l’attitude du juge, puisqu’il faut qu’il
dise le droit ? Ce n’est qu’en ce moment qu’intervient, outre la source légale et
la source réglementaire, une autre source de droit qu’est la jurisprudence.
Théoriquement, elle n’est pas une source de droit en ce qu’elle n’a pas le
pouvoir de créer des infractions ni des peines, et les juges ne sont nullement liés
par une décision rendue : elle n’aurait donc, légalement aucun pouvoir créateur
ni aucune force obligatoire.
Cependant, l’usage démontre qu’elle pose de véritables règles de droit,
soit parce que la loi est trop abstraite pour appréhender des faits concrets,
soit parce qu’elle est trop générale pour pouvoir s’appliquer sans spécification
préalable ; soit enfin, lorsque le juge tire de l’esprit même de la loi, le pouvoir
d’étendre l’indulgence de celle-ci. Dans l’un ou l’autre des cas, le juge est tenu
de dire le droit au risque de ne pas tomber dans l’infraction de déni de justice.
Cette situation d’inconsistance des textes, amène souvent le juge pénal,
à procéder par interprétation judiciaire. Elle consiste pour le juge soit à solliciter
l’avis de la cour suprême ou de la cour de cassation s’il ne se considère pas lui-
même apte à percer le sens lorsque se pose à lui une question de droit nouvelle
dans ce dernier cas, il tranche lui-même la question d’interprétation832.
A défaut de jurisprudence en droit interne béninois, illustrons ces
propos par une jurisprudence française au sujet de la technique de liste
énumérative adoptée en droit forestier à propos de la protection des oiseaux
sauvages833 et attaquée devant la CJCE. Dans l’espèce, la législation française
831 Cass. crim.20 février 2001, pourvoi n°98-84.846, décision rendue en matière de délit de presse ; voir aussi PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.128.
832 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.172.833 Reprise également par le droit forestier béninois
307
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
des espèces protégées, a omis sur la liste une espèce protégée par une directive
communautaire. Saisit du différend, la cour a relaxé les prévenus pour chasse
d’une espèce non protégée (bruant ortolan), au motif que : « une directive n’est
pas directement applicable en droit interne à défaut de législation nationale
l’introduisant, que la chasse du bruant ortolan, n’est ni interdite par l’arrêté du
17 avril 1981 ni autorisée par celui du 26 juin 1987 (…) que les prévenus ne
peuvent être poursuivis pour un fait qui n’est pas expressément réprimé »834.
Le constat sera identique pour une espèce protégée par une convention ;
telle la convention de Berne, non ratifiée par la France à la date des faits. Il a
été ainsi jugé qu’un loup, abattu le 17 décembre 1987 (la convention de berne
a été ratifiée que le 22 août 1990) n’était pas protégé en France par un texte
international ou communautaire, que ne figurant pas dans la liste des espèces
protégées de l’arrêté du 17avril 1981 pris pour l’application de la loi du 10 juillet
1976, il était dépourvu de tout statut de protection spécifique en France. Le
chasseur à l’origine de sa destruction échappait donc à toute responsabilité
civile835.
D’un autre côté, la loi et le règlement doivent non seulement être
promulgués mais aussi publiés au JO. Le défaut de publication constitue un vice
de forme. Or, ces exigences sont très rarement respectées en droit africain.
La conséquence juridique de cette carence de l’administration aurait dû être
l’inopposabilité de ces textes aux justiciables et l’impossibilité de les sanctionner.
Mais, la chambre criminelle française, soucieuse de la protection efficace des
espèces menacées, décida « que la publicité complémentaire prévue à l’aliéna
2 du décret du 25 novembre 1977, n’est requise en ce qui concerne les arrêtés
834 Pau, 17 févr.1990, Proereset Hermann, p.5835 Trib. Inst. Nice 16 janvier 1990 : Gaz. Pal. 1990, I, 213 ; Rev. dr. Env. : suppl. annales voiries
et env. 1990, n.4, p.60, note JHR ; n.5, p.76, note JHR.
308
Deuxieme partie
interministériels, que pour ceux qui ne dictent pas les mesures applicables à
l’ensemble du territoire »836.
L’exigence de clarté et de précision des textes, passe aussi par
non seulement la signature des conventions internationales en matière
d’environnement, mais aussi et surtout leur ratification et leur déclinaison en
textes d’application par le pouvoir réglementaire. En la matière, nous l’avons
signalé, plusieurs conventions internationales signées par le Bénin, sont en
attente d’autorisation de ratification au parlement béninois. Or la non ratification
de ces conventions par le Chef de l’Etat suppose l’inexistence de ces textes
internationaux en droit interne, même s’il s’avère constant qu’en droit pénal qu’il
n’y a pas de responsabilité si une convention internationale non transposée en
droit interne est violée. Par contre, la responsabilité civile pourrait être établie.
Par ailleurs, au regard de ce qui précède, le juge doit intervenir en
tenant compte du fait qu’il n’intervient qu’après que le législateur et l’autorité
administrative aient, chacun dans le domaine qui lui est attribué, formé « leur
jugement » en mettant en balance les charges financières qu’entraineraient,
la nécessité de protéger l’environnement, lors, par exemple, de l’attribution
d’une autorisation environnementale. Il n’appartient pas au juge de ce mettre
à la place du législateur ni d’exercer des attributions qui relèvent de l’autorité
administrative compétente. Même si l’exception d’illégalité peut être invoquée
envers cette dernière, encore le juge devra-t-il être extrêmement circonspect en
ne faisant entrer en ligne de compte que des circonstances qui ne pouvaient pas
être prévus lors de la rédaction du texte.
836 Cass. crim.23 avril 1986 : RJE, 1986, p.276. ; Anger, 23 nov.1989 :juris Data n. 050138. A ce sujet, il a été rejeté l’exception d’illégalité des poursuites pour défaut de publicité de l’arrêté relative à la liste des espèces protégées (défaut de publication dans deux journaux régionaux ou locaux) dès lors qu’il est établi qu’il a été publié dans le recueil des actes administratifs de la préfecture du département concerné, dans le JO, et qu’il a été affiché aux portes de la mairie. ; Paris, 4 juillet 1990, Juris-data. N. 024798. Il a été jugé, a propos d’un transfert interdit de spécimens appartenant à des espèces protégées, que l’arrêté du 15 mai 1986 fixant sur tout ou partie du territoire nationale des mesures de protection des oiseaux représentés dans le département de la Guyane étant opposable au prévenu malgré l’absence de publicité ayant été assuré dans le département de la Guyane.
309
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Mais en droit pénal de l’environnement, pour rendre sa décision, outre
l’élément légal, le juge apprécie également la pertinence d’autres éléments
constitutifs de l’infraction.
SECTION II : LES AUTRES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION ENVIRONNEMENTALE
Il s’agit ici pour le législateur ainsi que pour le juge de mettre en exergue
et de définir clairement, se fondant sur le droit pénal classique, ce qu’est un
comportement punissable en droit de l’environnement. En effet, les éléments
constitutifs de l’infraction environnementale, dérogent, pour plus d’efficacité,
aux exigences du principe de la légalité des délits et des peines. Le contenu des
éléments matériels (§I) et des éléments intentionnels méritent dès lors, pour
les pouvoirs publics, une réforme (§II). Ainsi, les pays africains comme le Bénin,
qui entreprennent le développement de leur droit pénal de l’environnement,
peuvent s’en inspirer.
§I : La réforme des éléments matériels de l’infraction
Si le droit pénal de l’environnement abandonne la rédaction de ses
incriminations aux spécialistes de l’environnement, c’est qu’il est bien difficile
pour le législateur (généralement ignorant en droit de l’environnement), de
définir en termes clairs et précis pour éviter l’arbitraire, ce qu’est une atteinte à
l’environnement. Par exemple, il serait inutile, d’écrire dans une loi « Quiconque
aura réchauffé le climat sera puni de … » ou « Quiconque aura percé la couche
d’ozone sera puni de… »837. On ne peut que récriminer les comportements
individuels scientifiquement définis dont l’addition aboutit à ces résultats
quoique chaque coupable n’y participe que pour une part infinitésimale.
Dans notre analyse sur la dépendance administrative du droit pénal
de l’environnement, nous avons, en effet, précisé que les deux disciplines à
savoir le droit pénal et le droit administratif, sont étroitement liées mais avec
837 ROBERT(J.H), Le contentieux pénal, Colloque, ahjucaf 2005, www.ahjucaf.org.
310
Deuxieme partie
une suprématie du droit administratif, donc du règlement. Ce qui suppose que
la définition des éléments constitutifs, notamment l’élément matériel, relève
essentiellement des cadres techniques de l’administration ou de l’exécutif et non
de la loi au sens originel du terme.
Ainsi, en droit de l’environnement, l’élément matériel, élément
caractérisé par sa visibilité dans la commission de l’infraction, est requis.
C’est l’acte prohibé838 qui suppose la manifestation de l’agent par une attitude
extérieur839. Autrement dit, le simple projet délictueux ne suffit pas à caractériser
l’infraction. En conséquence, ce n’est pas la manière de penser mais la manière
d’agir qui est sanctionnée840.
Cet élément matériel, que décrit généralement le règlement
(ordonnance, décret, arrêté, circulaire) et accessoirement la loi, vise bien un
résultat, qui place l’agent pénal dans une position de sujet actif ou passif.
A) Les infractions d’action ou de commission en droit pénal de l’environnement
Selon PRADEL, l’infraction de commission, est celle qui consiste à
commettre positivement un acte prohibé par la loi841 ou par le règlement. Lorsque
l’on déclare que toute infraction suppose un élément matériel, il faut entendre
par là qu’il est nécessaire que l’infraction « passe de l’état de projet à celui de
la réalité 842», que l’intention soit traduite par des « actes extérieures843 ». Ces
actes devraient être clairement définis par le législateur. Pour le Professeur J. H.
ROBERT, en affirmant que l’infraction comporte des éléments distincts les uns
des autres, la doctrine invite le juge à examiner méticuleusement la situation
que la partie poursuivante prétend infractionnelle.
838 GUIHAL (D), Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.179839 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.339.840 En latin on dira : Nemo cognitationis poenam patitur.841 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.340842 R. VOUIN et J. LEAUTE, Droit pénal et procédure pénale, Thémis 1969, p.37 cité par G.
SOGLO, mémoire de DEA, op., cit.,p.70.843 V. MOLINIER, programme de cours de droit criminel, 1851, 2ème partie, p.87cité par J.H.
Robert, L’histoire des éléments de l’infraction, Rev. Sc. Crim. Avril-juin 1977, p.273.
311
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
C’est le fait de porter atteinte à l’intégrité physique de l’animal ou de
l’espèce végétale protégée qui réalise le délit. Puisqu’il s’agit donc d’une infraction
de résultat, le moyen utilisé pour y parvenir est sans importance. C’est pourquoi,
les décisions de condamnations omettent parfois le moyen destructeur ; celui-ci
n’étant pas un élément constitutif ni une circonstance aggravante de l’infraction.
On notera pourtant, par exemple, que l’utilisation d’un moyen de chasse
prohibé (fusil), de même que l’acte de chasse en temps et lieu prohibé (la nuit
dans une réserve ou parc nationale), constituent des infractions indépendantes
venant se cumuler au délit de destruction de l’animal protégé. Ce cumul réel
d’infraction permet un cumul des amendes contraventionnelles et des peines
correctionnelles et le prononcé de peines et mesures complémentaires prévues
par le droit pénal cynégétique844.
On remarquera aussi que l’élément principal constitutif de l’infraction
est « la violation d’une prescription administrative », donc d’un permis ou d’une
autorisation administrative. Ce n’est donc pas, le fait de tuer l’animal protégé
qu’on sanctionne, mais la non détention d’un permis. L’acte positif matériel n’est
pas seul requis, l’omission doit être également incriminée.
B) Les infractions de commission par omission.
Lorsqu’un texte incrimine un fait positif générateur d’un certain résultat,
il est permis de se demander si une omission volontaire et génératrice des
mêmes conséquences peut être assimilée à l’action positive prévue par le texte.
A priori, en se fondant sur les exigences du principe légal, qui n’admet aucune
autre interprétation autre que l’interprétation stricte, on est tenté de répondre
par la négative. Mais le juriste de l’environnement est tenu de répondre par
l’affirmative ; puisqu’en droit de l’environnement, cette forme d’infraction
est légion, reconnue aussi bien par le législateur que par la doctrine et la
jurisprudence.
844 LITTMANN (José Martin), La protection de la nature, Edition Technique Jurisclasseur, 1992, Fascicule 505, p.7
312
Deuxieme partie
L’environnement est un domaine où en majorité des infractions sont
commises par « imprudence, négligence, inattention ou inobservation 845» des
lois et règlements. C’est le fait de procéder à des déversements de substances
toxiques ou de déchets dans les plans d’eau ou autres lieux interdits ; de jeter
ça et là sur le sol, des matières contaminées à proximité des habitations. Ce
qui exposent les populations à des risques potentiels de maladies diverses et
d’atteintes aux ressources naturelles. L’omission dans ce cas est assimilée par le
législateur à l’action. Mais il peut s’agir aussi d’une pure omission.
Dans l’infraction de pure omission, on réprime la passivité, sans s’attacher
au résultat qu’elle a pu engendrer846. Dans le domaine de l’environnement, on
peut citer : le délit de fuite, le délit d’obstacle à agent en exercice, le délit de
non assistance à personne en danger, l’omission de souscrire une déclaration,
l’omission de se soumettre à une injonction de faire, etc. Il s’agit là d’infractions
entre autres de pure omission qu’on rencontre fréquemment en droit pénal de
l’environnement.
Si dans la plupart des cas le lien de causalité ne se pose pas ou est
quasiment absent, pour ces genres d’infractions, parce que le droit pénal incrimine
des comportements fautifs indépendamment de tout résultat dommageable, tel
n’est pas le cas en ce qui concerne les infractions matérielles. En effet, les délits
d’environnement, étant pratiquement des délits de prévention, la causalité est
absente où le rapport entre le geste et le dommage éventuel est très aléatoire847.
La doctrine française est unanime pour reconnaitre la pertinence de la
théorie de « l’équivalence des conditions848»qui postule que tout facteur qui
concourt à la réalisation d’un événement peut être qualifié de cause d’où la
théorie de la « causalité adéquate849», la cause objective du résultat.
845 Cf. art.94 de la loi n°93-009 du 2 juillet 1993 portant régime des forets en République du Bénin.
846 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.342847 PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.372 ; v. aussi (D) GUIHAL, Droit répressif de
l’environnement, op. cit., p.182848 Selon cette théorie, tous les éléments qui ont conditionné le dommage sont équivalents.
Autrement dit « tout fait sans lequel le résultat ne serait pas produit est considéré comme la cause de ce résultat » PRADEL(Jean), Droit pénal général, op.cit., p.372.
849 Selon PRADEL, la cause adéquate est celle qui normalement entraine le dommage, in, Droit pénal général, op.cit., p.373.
313
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
La jurisprudence pénale quant à elle, est pour une équivalence des
« conditions tempérées par le bon sens »850. Elle considère par conséquent, qu’il
n’est pas nécessaire qu’existe entre la faute et le dommage « un lien de causalité
directe ou immédiat 851». C’est ainsi que dans une affaire de pollution d’eau
provoquée par des effluents de purin dans le réseau communal d’eau pluviale, la
responsabilité pénale du maire a été retenue au motif qu’il n’avait pas fait usage
de ses pouvoirs de police pour réglementer les épandages de lisier.852
Enfin au regard du droit pénal français, les incriminations matérielles
sont des infractions en voie de disparition853. Elles étaient en effet constituées
en l’absence non seulement de toute faute intentionnelle, mais encore de
toute faute d’imprudence ou de négligence. La commission matérielle des
faits incriminés suffisait à caractériser l’infraction sans qu’il fût nécessaire de
démontrer l’intention, l’imprudence ou la négligence de l’auteur. Cette situation
étant la règle en matière contraventionnelle, les délits matériels étaient qualifiés
de « délit contraventionnel ». il s’agit en l’occurrence des délits en matière de
droit de l’environnement (chasse, eaux et forêts, urbanisme,..). Leur caractère
matériel a été supprimé par l’article 339 de la loi du 16 décembre 1992 qui
dispose que les délits non intentionnels prévus par d’autres textes que le code
pénal ne sont constitués que s’il est rapporté la preuve d’une imprudence,
d’une négligence ou a fortiori d’une mise en danger délibérée, conformément
au deuxième alinéa de l’article 121-3 CP. Les seules infractions matérielles
subsistant dans le droit interne français sont donc les contraventions.
L’application combinée des dispositions des articles 121-3 CP et
339 de la loi d’adaptation à donc conduit les juridictions pénales à procéder
progressivement à la requalification des anciens délits matériels, tantôt en délit
d’imprudence ou de négligence tantôt en délit intentionnels.
850 (D) GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.182851 (D) GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.182 ; Cass.crim. 20 juin 1989 :
Dr. Pénal 89 comment. N°60, en matière d’homicide involontaire.852 Cass. crim. 18 juill. 1995 : Dr. Pénal 95 comment. n°285, par J.H. Robert.853 F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, op.,cit.,p.412
314
Deuxieme partie
§II : La définition des éléments intentionnels de l’infraction
G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc854estiment que pour que l’infraction
existe juridiquement, il ne suffit pas qu’un acte matériel (l’élément matériel),
prévu et puni par la loi pénale ait été commis ; il faut encore que cet acte
matériel ait été l’œuvre de la volonté de son auteur. Ce lien entre l’acte et
l’auteur, que le droit anglais appelle la mens rea (volonté criminelle) par
opposition à l’actus reus (acte criminel) constitue l’élément moral. L’infraction
ne peut donc se résumer à une « simple matérialité, à un simple fait »855, à
de simples « crispations musculaires »856. En d’autres termes, « ce n’est pas
l’intervention physique d’un être humain qu’il faut attacher à l’infraction mais
aux caractéristiques spécifiquement humaines de son intervention »857. Qu’est
ce qui caractérise l’action humaine ? C’est assurément la volonté, l’intelligence.
Et c’est à l’intelligence des hommes que s’adresse la règle juridique « qui n’aura
d’effet que si elle est mesurée et nécessaire»858. La mesure de l’infraction ici
est l’élément moral. L’écarter, c’est se passer de l’homme dans la définition de
l’infraction.859Or l’indifférence que le droit pénal manifeste au résultat matériel
illustré par la tentative punissable 860témoigne de la valeur, de l’importance
accordée à cet élément, et confirme que c’est « l’intention qui fait le crime ».861
Le législateur doit donc prévoir des incriminations pour lesquelles
l’élément moral requis est suffisamment précis afin de placer magistrats et
justiciables à l’abri de toute confusion.
854 Droit pénal général, précis Dalloz 1997 p.211 n°253855 A.C Dana, Essai sur la notion d’infraction pénale, Paris LGDJ, 1982, p.28, n°32856 E. DASKALANKIS, Réflexion sur la responsabilité pénale, PUF 1975, cité par A.C Dana,op.,cit.,
p.33, n°31857 A.C Dana, cit., p.33, n°27858 J.H. ROBERT, Infractions contre la qualité de la vie : environnement, chronique de
jurisprudence, rev.sc.crim.oct-déc. 1984 p.768.859 A.C Dana, cit., p.39, n°34860 S. KEyMAN, Le résultat pénal, R.S.C, 1968, p.781861 J.B. DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis
du conseil d’Etat, T : 3, 1824 p.499 cité par J.H. ROBERT, in, L’histoire des éléments de l’infraction, op.,cit., p.271
315
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
A) La nécessité de l’élément moral
En droit français de l’environnement, la considération de l’élément moral
occupait une place minuscule. Sous l’empire du code pénal de 1810, on appliquait
une théorie qui faisait une place particulière à une catégorie d’infractions, les
infractions matérielles. Ces dernières regroupaient les contraventions et de
nombreux délits relevant de divers domaines comme ceux de la chasse, des
douanes, de l’urbanisme ou encore de l’environnement. L’élément matériel
était donc, seul significatif pour le législateur. L’élément moral n’était pas
expressément invoqué. Il existait tout de même ! Seulement, il était absorbé
par l’élément matériel. Tout ceci pour dire que, pour bien distinguer dans le
crime le fait et l’intention, il faut que cette dernière soit clairement définie862.
Il en est ainsi par exemple en droit béninois, de l’article 116 précité de la loi
cadre sur l’environnement dont le libellé renvoi aux articles 46 à 48 en matière
d’infraction relative à la pollution de l’air. Si l’on se reporte effectivement aux
articles énumérés, on ne voit pas la distinction entre l’acte criminel (l’actu reus)
et la volonté criminelle (mens rea). Il faut observer que cela ne se limite pas à
ce seul article mais à presque tous les articles de ladite loi et des autres textes
spécifiques. La lecture des articles 51 et 52 du code de l’eau soulève les mêmes
inquiétudes et de telles difficultés de lecture risquent d’engendrer certains
dangers tel celui qui consiste à transformer les infractions contre l’environnement
en infractions purement matérielles.
Puisque le prévenu était responsable sur la base de la simple
constatation matérielle des faits, c’est à dire de la constatation de l’élément
matériel de l’infraction, ces infractions sont constituées indépendamment de
tout élément moral, c’est-à-dire qu’à leur égard, la seule constatation matérielle
des faits constitutifs de l’infraction emporte déclaration de culpabilité à
moins que le prévenu n’établisse l’existence d’un cas de force majeur863. Dès
lors, aucune référence à l’élément intentionnel ne figure dans les dispositions
répressives. Rares sont les textes qui requièrent expressément l’élément moral.
862 Selon PRADEL, il n’existe pas de définition dans la loi, ni dans l’ancien code pénal ni dans le nouveau code. La jurisprudence non plus ne définit pas l’intention. C’est donc à la doctrine que revient le soin de définir le dol.
863 (D) GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.185
316
Deuxieme partie
En droit français, un seul texte requiert l’intention du prévenu lorsque du moins,
il est dans la position d’un chef d’entreprise.864 C’est aussi le cas de la loi sur
la faune béninoise, qui requiert l’intention coupable en matière de disparition
frauduleux d’animaux sauvages ou de produit de chasse ou encore en matière
de délit d’obstacle865.
Cette absence de dispositions générales relatives à l’élément
psychologique des infractions dans l’ancien code pénal français (encore en
application au Bénin) avait permis la création prétorienne de la catégorie des
délits matériels punissables sans que la partie poursuivante soit tenue de faire la
démonstration d’une faute. Le droit de l’environnement dans son ensemble, et
le droit de pollution des eaux en particulier, étaient des domaines d’élection de
cette jurisprudence, généralement critiquée par la doctrine et la jurisprudence.866
L’article 121-3 CP français, rendant cette construction caduque, a favorisé
un changement qualitatif de l’élément moral. Ce changement qualitatif n’a été
effectif, qu’avec la réforme du code pénal et son entrée en vigueur, le 1er mars
1994.
Ce silence législatif fréquent dans les textes de loi ne signifie donc pas
mesure dérogatoire aux principes généraux de droit. Mais, pour le législateur,
la « commission d’un délit suppose inévitablement un dol général, c’est-à-dire
l’exécution volontaire et consciente de l’acte matériel ou un comportement
fautif867.
864 La loi du 15 juillet 1975 qui fait un sort moins favorable aux auteurs qui ont directement et matériellement réalisé l’infraction.
865 Loi n°2002-16 portant régime de la faune en République du Bénin, Art.141 « quiconque détruit, endommage ou fait disparaitre intentionnellement les animaux sauvages et les produits appréhendés en situation irrégulière est passible des sanctions prévues à l’article 153… » ; Art. 138, 164 « quiconque fait volontairement obstacle… »
866 Cass. Crim. 258 avril 1977, Ferrier : D. 1978 JP, p.149, note M.L. RASSAT ; JCP 1978.II.93.I, note M. Delmas-Marty ; Rev.Sc.Crim.1978,p.335, obs. VITU.
867 (W) JEANDIDIER, Droit pénal général, op. cit., p.297, n, 321 S. ; (R) MERLE et A. VITU, Droit pénal général, op., cit., p.701, n. 547 S. ; (M). PUECH, Droit pénal général, op. cit., p.185, n, 515 S.
317
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
B) La réforme de l’élément moral pour le droit de l’environnement
Un fait matériel incriminé par la loi pénale n’est générateur de
responsabilité que s’il correspond chez son auteur, à une attitude psychologique
répréhensible. Cette composante morale de l’infraction consiste soit en une
hostilité à l’égard des valeurs sociales protégées par le texte de qualification,
soit en une indifférence à l’égard de ces mêmes valeurs. La première dénommée
intention ou dol général868, s’entend de la conscience ou de la volonté de violer
la loi pénale. La seconde constitue la faute non intentionnelle d’imprudence
ou de négligence869. Il conviendrait dès lors, pour les lois et règlements
d’environnement de prévoir des incriminations pour lesquelles l’élément moral
requis est suffisamment précis afin de placer le justiciable et le juge à l’abri de
toute confusion.
1) L’intérêt de l’élément moral pour le droit de l’environnement
Dans la théorie générale du droit pénal français, l’élément moral de
l’infraction a été dégagé par la doctrine et la jurisprudence dans le silence du code
pénal de 1810. Le nouveau code pénal a apporté des réformes qui participent
de la dynamisation et de la valorisation de l’élément moral ou psychologique au
détriment de l’élément matériel en énonçant dans son article 121-3 al. 1er C.P
qu’il « n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Cette
disposition, dont il n’existait pas d’équivalent dans le code de 1810 consacre
868 En effet, au sujet de la notion de dol général, la doctrine classique fait preuve d’une certaine unanimité ; le dol y apparait selon E. GARCON, cité par PRADEL, dans l’ouvrage précité, (p.463) comme « la volonté de l’agent de commettre le délit tel qu’il est définit par la loi »et « la conscience chez le coupable d’enfreindre les prohibitions légales ». Pour d’autres auteurs comme MERLE et VITU « la conscience et la volonté infractionnelle ». Enfin pour N. DENIES et N. BASECQZ, dans l’article précité, pour qu’un acte soit qualifié de comportement intentionnel, il faut, selon la définition, telle que donnée par les travaux préparatoires du code pénal belge de 1867, que l’agent ait agi « sciens et volens » avec la connaissance et la volonté de dol général ». Voyez à ce propos, Législ. Crim. (Belgique)T.III. p.558. n°57.
869 (D) GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.184.
318
Deuxieme partie
le principe traditionnel selon lequel une infraction suppose non seulement
un comportement, que l’on qualifie d’élément matériel , mais également une
« attitude intellectuelle, un état d’esprit, une psychologie particulière, que l’on
appelle l’élément intellectuel de l’infraction, qualifié par la doctrine d’élément
moral (peut prêter à confusion car une infraction est normalement contraire à
la morale) ou d’élément psychologique (mais cette expression relève plus de la
criminologie que du droit pénal car elle sous-tend une analyse comportementale
du phénomène criminel), se confond avec la notion de faute pénale, que l’on
peut définir comme un manquement à un devoir. Cette faute est en effet
nécessaire pour déclarer pénalement responsable l’auteur d’un comportement
matériel, pour établir sa culpabilité. L’étude de l’élément intellectuel de
l’infraction est donc l’étude de la faute pénale. Il s’agit là d’une des questions les
plus importantes du droit pénal, qui a donné lieu à de complexes constructions
doctrinales. L’étude de la faute pénale, dans la mesure où elle porte sur un
élément immatériel, est en effet relativement délicate. Certains auteurs ont pu
dire que les très nombreuses théories élaborées par la doctrine en la matière
avaient surtout contribué à obscurcir la question »870. Cette longue tirade sur
l’élément moral de l’infraction, nous renseigne davantage sur son importance
mais aussi sur la complexité de la faute pénale.
C’est pourquoi, le législateur français a souhaité, en élaborant le nouveau
code pénal, clarifier la notion de faute pénale.
Cet effort de clarification n’a toujours été pas sans mal : l’article 121-3
a en effet connu trois versions successives depuis 1992. Sa rédaction initiale,
qui comportait trois alinéas, fut jugé insatisfaisante par le parlement qui, à
peine deux ans après l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, l’a modifié en
adoptant la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits
d’imprudence ou de négligence. Cette loi réécrivait particulièrement l’article
121-3, tout en le complétant d’un nouvel alinéa. On pouvait espérer la rédaction
de cet article stabilisé, pourtant quatre ans plus tard, estimant que la réforme
de 1996 n’avait pas produit des effets escomptés, le législateur a de nouveau
modifié cet article par la loi de 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition
870 (F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, op.,cit.,p.405
319
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
des délits non intentionnels, et cette disposition comporte désormais jusqu’a la
prochaine réforme, cinq alinéas.
Il s’ensuit que toutes les infractions criminelles ou délictuelles requièrent
l’intention coupable. En matière correctionnelle, l’article 121-3 du code pénal
est beaucoup plus novateur ; seules les contraventions, pour la plupart, peuvent
être constituées indépendamment de l’élément moral871. En droit pénal
français de l’environnement, l’exemple le plus illustratif en matière d’infraction
intentionnelle, est contenu dans les dispositions de l’article 421-2 du code pénal.
Ainsi, est qualifié d’acte criminel tout agissement qui consiste à « introduire
dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous sol ou dans les eaux une substance
de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu
naturel ». Cette infraction qualifiée de « terrorisme » écologique par certains
auteurs, est un acte criminel effectué sciemment dans l’intention de troubler
gravement l’ordre public872. La volonté de nuire qui caractérise cette infraction,
est presque identique aux infractions africaines sur les déchets dangereux.
Pour exprimer davantage cette solution, fondée sur la prééminence de
l’élément moral, née avec l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, la cour de
cassation française, se sert d’une formule rituelle « la violation en connaissance
de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son
auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, al.1er du code pénal 873».
Cette ritournelle n’est évidemment pas invoquée pour l’imputation des crimes
ou des délits traditionnellement intentionnels comme le vol, l’escroquerie,
mais seulement lorsqu’il s’agit de délits relevant de matière technique, telle que
l’environnement. Elle établit pourtant une sorte de présomption874, même si
871 On peut toutefois noter que, s’agissant de la contravention de tapage nocturne réprimée par l’article R.623-2 du code pénal, la jurisprudence requiert, pour qu’elle soit établie, que le prévenu ait eu conscience du trouble causé au voisinage, v. Cass. Crim. 19 novembre 1985, Bull. Crim. N°361 ; v. aussi Cass. Crim. 11 janv. 2005, Bury, pourvoi n° 04-83.332, condamnation du propriétaire d’un chien, informé de la gêne occasionnée par les aboiements, qui n’a pas pris des mesures nécessaires pour y mettre fin.
872 (J.)MORAND-DEVILLIER, Droit de l’environnement, édition AUPELF-UREF ESTEM, Paris 1996, p.50.
873 Cf. Cass. Crim. 2 octobre 2007, pourvoi n°07-81.194, pour un exemple d’installation classée.
874 (D) GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.187.
320
Deuxieme partie
elle n’est pas irréfragable. Il n’est plus concevable, par exemple, de caractériser
le délit de pollution des eaux par la seule constatation d’une atteinte à la vie
piscicole et d’un lien de causalité avec le fonctionnement d’une installation ; des
négligences, une insuffisance de précaution, l’inobservation de prescriptions
administratives doivent également être mise en évidence pour emporter
condamnation875. En voici quelques exemples, où la chambre criminelle française
a préféré retenir la qualification intentionnelle plutôt que celle d’imprudence876
prônée par l’article 339 de la loi du 16 décembre 1992 qui veut que les délits
non intentionnels déterminés dans les textes antérieurs à 1994 soient des délits
d’imprudence ou de mise en danger.
Ainsi, des délits matériels sont devenus des délits intentionnels :
- Manquement aux prescriptions de la loi du 19 juillet 1976 sur les
installations classées877 ;
- Vente sans facture par un commerçant878 ;
- Violation des dispositions du code de l’urbanisme sur les plans
d’occupation des sols879 ;
- Publicité illicite en faveur du tabac880 ;
- Construction d’un bâtiment sans permis881 ;
- Infractions à la législation sur la protection des espèces animales882.
Par ailleurs, dans le domaine de la protection des espèces animales, on
peut aussi constater que l’activité consciente et délibérée de l’agent est parfois
déduite de sa qualité de chasseur, de garde chasse, de taxidermiste qui permet
875 (D) GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.186.876 (J) PRADEL, Droit pénal général, op.cit., p.488.877 Crim., 25 mai 1994, BC, n°203, 1ère espèce, 1994, comm. 237, RSC., 1995.97, obs. B.
Bouloc ; Cass. Crim. 11 janv.2005, SANCy, pourvoi n°04-82.716.878 Crim., 25 mai 1994, BC, n°203, 2ère espèce,879 Crim., 12 juillet 1994, BC, n°280; JCP 1995.II.1366, note y. REINHARD et E. JOLy SIBUET ;
RDI 1995, p.622, chr.G. ROUJOU de BOUBEE ; Rev. Sc. Crim. 1995, p.97et 343, obs. B. BOULOC ; Rev. Sc. Crim. 1995, p.356 obs. JH. ROBERT ; Dr.env.1994, n°27 ,p.89.
880 Crim., 30 oct. 1995, BC, n°335.881 Crim., 10 janvier. 1996, BC, n°13.882 Crim., 28 juin2005, BC, n°196, RSC., 2005.839, obs. Vernelle.
321
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
de présumer à la fois une connaissance de la nature et de la réglementation la
concernant, quant à l’identification des espèces883.
Sont en revanche les infractions d’imprudence, les délits de pollution
des eaux réprimés par l’article 6°-13° du décret-loi du 9 janv.1852884, devenu
l’article L 218-73 du code de l’environnement par l’article L 432-2 du c. env.885
ainsi que la destruction d’un spécimen appartenant à une espèce animale
protégée.886 Il est remarquable que les délits intentionnels et non intentionnels
puissent coexister au sein d’un même texte d’incrimination dès lors que celui-
ci décrit plusieurs comportements prohibés. Il en va ainsi de l’article L.415-3
du code de l’environnement qui réprime à la fois la destruction de spécimens
d’animaux protégés : délit d’imprudence887 et l’acquisition de tels spécimens :
délit intentionnel888.
En résumé, pour la doctrine ainsi que pour la jurisprudence française,
l’élément moral suppose l’expression d’une volonté et d’une intelligence
manifeste dans la commission de l’acte889. Ainsi, en ce qui concerne l’élément
moral, les délits nécessitent soit la démonstration d’une intention soit la
démonstration d’une faute, d’imprudence, de négligence ou de mise en danger.
883 (M.J.) LITTMANN-MARTIN: Rev.Jur.Env. 1984, p.132.884 Cass.Crim. 25 oct.1995 association des marins-pêcheurs de la prud’homie de Palavas-les-
Flots, Bull.crim. n°322.885 Cass.Crim. 4 déc. 2001, Guiheneuc, pourvoi, n°01.80.445 ; Cass.Crim. 19 oct.2004, Soc.
Peugeot Citroën Poissy : Bull.crim. n°247. 886 Cass.Crim. 18 sept.1997, Failler, pourvoi n° 96.85.939 : Dr.env.1998, n°60, p. 13, note P.
Mistretta.887 Cass.Crim. 18 sept.1997, pourvoi n°96.85.939.888 Cass.Crim. 28 juin 2005, pourvoi n°05.82.189, précité.889 (J) PRADEL, Droit pénal général, op.cit., p.428. Selon la doctrine, il s’agit « d’une volonté
libre et d’une intelligence lucide » et selon la chambre criminelle « toute infraction suppose que son auteur ait agit avec intelligence et volonté ». Le droit pénal belge s’inscrit dans la même logique puisque, à en croire (E) GOETHALS, « il ne connait pas d’infraction matérielle », in, Le droit pénal de l’environnement belge, www.ahjucaf.org
322
Deuxieme partie
2) La faute d’imprudence et de négligence.
D’une manière générale, le droit pénal de l’environnement fait une place
importante pour des infractions non intentionnelles dans la mesure où cette
catégorie d’infractions délictuelles, constitue essentiellement les infractions
courantes en matière d’atteinte à l’environnement. Certains auteurs parlent
même de la « disparition des délits matériels890» ou de leur mutation en
délit d’imprudence ou de négligence. Il s’agira désormais pour le poursuivant
de prouver l’intention, l’imprudence ou la mise en danger délibérée. Le
comportement fautif, imprudent, négligeant, caractérise l’élément moral. Il
reviendra donc au ministère public de rechercher à qualifier cette intention
particulière, pour dire, si l’intention réside dans une négligence ou dans une
imprudence.
Pour illustrer la délicatesse dont le juge devra faire preuve, reportons-
nous à une jurisprudence française, digne d’intérêt. En l’espèce, une entreprise
charge un convoyeur de l’acheminement d’un certain nombre de déchets de
son usine jusqu’au centre de destruction. Après les avoir pris en charge, le
convoyeur va sous-traiter une partie du transport. Le transporteur doit conduire
les marchandises jusqu’à un terrain loué par la S.N.C.F et mettre les déchets sur
des wagons de la S.N.C.F. Cette dernière, prend en charge la dernière partie du
transport, jusqu’à l’usine de traitement des déchets. Une partie des déchets,
environ 20% arrivent à destination avec quelques jours de retard. Aussi les
employés du transporteur, en l’absence de tout réceptionniste du convoyeur,
décident de décharger la marchandise à terre. Alertées, les associations de
défense de l’environnement portent plainte et se constituent partie civile,
de sorte que les deux sociétés de transport et leurs dirigeants respectifs sont
poursuivis de chef d’élimination irrégulière de déchets nuisibles : infraction
prévue et réprimée par la loi n°75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination
des déchets et à la récupération de matériaux. Il leur est reproché d’avoir
abandonné, déposé ou fait déposer des déchets dans des conditions contraires
890 (J) PRADEL, Droit pénal général, op.cit., p.487. Pour cet auteur, depuis la réforme du code pénal et particulièrement l’avènement de la loi du 13 mai 1996, « il n y a plus donc de délit matériel dans le code ». v. aussi (D) GUIHAL, Droit répressif de l’environnement, op. cit., p.187.
323
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
à la loi ; fait prévu à l’article 8 de la loi et punis de deux ans d’emprisonnement
et de 500.000 F d’amende ou l’une de ces deux peines seulement891. La société
de convoyage et son dirigeant de fait, pour obtenir la relaxe, plaident la maladie
de ce dernier et le respect des procédures légales d’acheminement des déchets.
Pour autant, le tribunal rejette ces prétentions et condamne la société et son
dirigeant pour l’essentiel à des peines d’amende (notons que l’autre société de
transport et son dirigeant seront aussi condamnés), aux motifs que la société
de convoyage « était responsable du transport et de l’élimination des déchets
de la S.A.C. dont elle était le seul cocontractant ; qu’il est également établi
que pendant plusieurs jours, les déchets pouvant créer des nuisances ont été
stockés sur un site non approprié, sans mesure de sécurité ; qu’il apparait
qu’en l’absence de tout représentant de la société (de convoyage) et surtout en
l’absence d’organisation pour le déchargement, les chauffeurs de la société (de
transport) ont déchargé et stocké directement sur le sol les produits toxiques ;
« attendu que ces négligences ne sauraient être excusées par la maladie du
dirigeant de fait de la société à qui il appartenait d’organiser sérieusement le
réacheminement des fûts (…) ; attendu en définitive qu’en l’absence de date
précise pour l’acheminement des déchets (…) sans autorisation, constituent
autant d’éléments caractérisant la gravité des négligences commises par la
société (…) et son dirigeant de fait 892».
Ainsi, le tribunal, en caractérisant « la négligence » du dirigeant,
confirme la mutation de l’élément moral des délits en matière d’environnement
en élément de négligence ou d’imprudence. Ainsi, « la volonté du législateur
d’exiger une faute intentionnelle 893» est mue en faute non intentionnelle.
Dans le même ordre d’idée, il a été condamné pour infractions aux
articles 3 et 32 de la loi du 10 juillet 1976, le propriétaire d’un élevage d’animaux
en liberté, qui avait détruit d’un coup de fusil une buse, venant de capturer
un lapin. Le prévenu « ne saurait imputer qu’à sa seule négligence (choix de
l’élevage en liberté), le comportement de l’oiseau qui a suivi son instinct et ne
891 Actuellement articles L 501-1 et suivants et L 541-46 et suivants du c. env.892 (P) BATTISTINI, Environnement : des délits matériels aux délits de négligence, article, JAC
n°11 févr.2001 ; tribunal correctionnel de Paris, 31ème ch. 7septembre 2000.893 Cass. Crim. 12 janv. 1994, SRRHU, 92-86-511, Dr. pénal 1994, n°115, obs. (J.H.) Robert.
324
Deuxieme partie
peut invoquer la légitime défense de l’élevage894». Cette jurisprudence, fondée
sur la théorie de négligence, n’a pas manqué pour autant de susciter des
critiques, notamment en ce qui concerne le risque de transformer les crimes et
délits contre l’environnement en infractions purement matérielles895.
En droit des déchets, la législation et la doctrine concordent pour définir
un déchet, comme « tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine
à l’abandon896».
Se référant au cas d’espèce, relatif à l’abandon des déchets (comme se
fut le cas du convoyeur de déchets de la S.A.C), les auteurs DINIES et BASECQZ897,
s’inspirant de la théorie de Robert LEGROS898, développent une clarification
sémantique sur l’infraction relative aux déchets. Dans leur analyse, ces auteurs
se préoccupent d’abord du mot « abandon » de déchet utilisé par le législateur.
Doit-on y voir l’expression d’un acte volontaire de rejet ou plutôt celle d’un
oubli dépourvu d’intentionnalité ? Le Conseil d’Etat belge, lorsqu’il se prononça
sur le projet de décret, sembla pencher plutôt vers le sens « intentionnel » du
mot. Il rapprocha en effet, la notion d’abandon de déchets, de celle d’abandon
en droit civil. Dans ce dernier cas, il s’agit d’un acte juridique par lequel le
titulaire d’un droit réel, en particulier le propriétaire d’un bien, se débarrasse
intentionnellement de ses droits sur ce bien car il a la volonté de s’en défaire. Il
s’en dessaisit et en délaisse intentionnellement la détention matérielle. Ensuite,
ces auteurs précisent qu’il n’y a pas d’abandon dès lors que celui qui détient un
objet, trouve utile de le laisser à l’endroit où il le met. L’abandon n’apparait que
s’il a l’intention, se faisant de s’en débarrasser. Ces auteurs conclurent donc que
894 Paris 10 mai 1989 : Juris-Data n°024854.895 Il est fréquent en effet, de considérer qu’en matière d’environnement que la simple
violation matérielle des prescriptions légales, applicables aux cas d’espèce suffirait à qualifier l’infraction comme le dénonce C. HENNAU-HUBLET, dans son rapport au colloque préparatoire du XVème congrès international de droit pénal, « les crimes contre l’environnement ».RDCP. 1983, p.295. Voyez par exemple en matière des eaux de surface contre la pollution : B. JADOT, note sous Corr. Arlon. 2 fév.1987, Aménag. 1988/3.p.88.
896 En droit français, art. L541-1, 4° C. env. ; art.47 §1 et 2 du décret wallon du 5 juillet 1985 relatif à la gestion et à la prévention des déchets ; art.66 de la loi cadre béninoise sur l’environnement précité
897 Droit de l’environnement et droit économique et social : réflexion sur l’élément moral dans les lois et règlements particuliers, op. cit. p.474-508.
898 L’élément moral dans les infractions, Liège. Desoer, 1952.
325
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
« le législateur a entendu réprimer l’abandon des déchets à condition toutefois
qu’il s’agisse d’un abandon intentionnel ».
Au regard de cet analyse à base sémantique, on peut en déduire que
dans l’infraction environnementale, même si le législateur ne l’énonce pas
expressément, l’on peut entrevoir un dol général899. Il reviendra dans ce cas au
juge de cerner la volonté du législateur en remontant par exemple aux travaux
préparatoires mais aussi en recourant à un vocabulaire juridique approprié ainsi
qu’aux principes généraux qui fondent les lois.
En définitive, à la suite d’une telle analyse de jurisprudences, l’on
constate que les deux approches théoriques de solutions à savoir celle fondée sur
des infractions intentionnelles et celle fondée sur les infractions d’imprudences,
apparaissent concurrentielles, avec une tendance favorable aux infractions
intentionnelles. Ainsi, si dans la pratique, il n’est pas toujours aisé de prouver
l’intention coupable, la jurisprudence en justifie la raison d’être ; d’autant
plus que la formule rituelle de la chambre criminelle française900, (violation en
connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire), apparait
comme « le seul moyen de faire respecter les dispositions techniques, comme
celles relevant du droit de l’environnement »901.
Par ailleurs, retenons que les crimes sont toujours intentionnels, les
délits le sont en principe saufs dispositions contraires prévoyant une faute
d’imprudence ou de mise en danger et, à l’inverse, les contraventions ne
supposent en principe ni intention, ni mise en danger délibéré, ni même une
899 Pour(F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, op.,cit.,p.416, C’est la volonté de commettre un acte que l’on sait interdit. C’est l’intention de violer la loi pénale. Le dol général est donc confondu à la faute pénale. Il s’oppose au dol spécial qui se préoccupe de la détermination expresse de l’élément moral constitutif spécifique à certaines infractions.
Par délit non intentionnel, il faut entendre aussi que l’auteur n’a pas voulu le préjudice, mais il n’en a accepté l’éventualité en transgressant la règle de manière consciente et volontaire. (Code pénal commenté, Gabriel ROUJOU de BOUBEE, Bernard BOULOC, Jacques FRANCILLON et yves MAyAUD, Dalloz 1996, p.26. cité par Cyril CLEMENT, Christian HUGLO, Le droit des déchets hospitaliers, ed. les études hospitalières, p.155, 1999.
900 Cf. Cass. Crim. 2 octobre 2007, pourvoi n°07-81.194, pour un exemple d’installation classée, précité, note 94, p.24. V. aussi Cass.Crim. 25 mai 1994, Dt pénal 1994, p.237, obs. Robert ; ou encore Cass.Crim., 19 dec.1994, Bull.crim. n°420.
901 (J) PRADEL, Droit pénal général, op.cit., p.489
326
Deuxieme partie
imprudence, sauf disposition contraire902. Il s’ensuit que le législateur n’est
jamais obligé de préciser la nature de l’élément intellectuel d’un crime car il s’agit
toujours d’une faute intentionnelle. Il n’est pas obligé de préciser celui d’un
délit, qui est normalement une infraction intentionnelle, sauf lorsqu’il souhaite
de façon exceptionnelle réprimer, un délit d’imprudence ou de négligence. En ce
qui concerne les contraventions, le législateur doit, s’il souhaite leur conférer un
caractère intentionnel ou exiger la commission d’une faute d’imprudence ou de
mise en danger, l’indiquer903.
Les tribunaux devraient se poser un certain nombre de questions bien
plus grandes aujourd’hui, avant de déclarer un pollueur responsable. Certains
pollueurs seraient punis pour avoir sciemment violé le règlement, mais sans
vouloir le résultat, d’autres moins, pour n’avoir pas pris toutes les précautions
nécessaires à l’observation des règlements et avoir causé une pollution. L’on
devrait par exemple pour mieux respecter le droit pénal de l’environnement
tenir compte au moment d’infliger la sanction pénale, d’une gradation logique,
un comportement intentionnel, s’avérant sans aucun doute plus grave qu’une
simple imprudence ou une négligence.
Mais toutes ces réformes du droit pénal ne peuvent s’opérer que dans la
logique de clarification de certains concepts.
TITRE II : LES PERSPECTIVES POUR UN DROIT PENAL PLUS EFFICACE
Dans les chapitres précédents, nous avions mis particulièrement l’accent,
dans la recherche de solutions aux lacunes du droit pénal de l’environnement au
Bénin, sur l’internalisation et le développement d’un certain nombres d’outils
du droit pénal moderne de l’environnement en vue de renforcer les capacités
des acteurs du secteur. Au delà de cette approche, et dans une perspective
globalisante de la réponse environnementale, d’autres approches de solutions
nous inspirent réflexion. Il s’agira d’abord pour nous dans ce titre, d’explorer
902 (F) DESPORTES et (F) Le GUNEHEC, Droit pénal Général, op.,cit.,p.410903 Cf. art. R605 CP français
327
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
la possibilité pour le législateur béninois de rendre effective la responsabilité
pénale de la personne morale en droit interne afin de renforcer l’arsenal répressif
déjà «essoufflé» par diverses difficultés (Chapitre VII). Ensuite, le monde étant
devenu un village planétaire et la responsabilité en matière d’environnement
l’affaire de tous, même si elle est différenciée, il conviendrait tout en pensant
locale d’agir globalement. C’est pourquoi, à notre avis, une approche répressive
visant à mettre le droit pénal international au service du droit pénal interne est
envisageable notamment en ce qui concerne les infractions environnementales
transfrontières, lesquelles nécessitent pour leur règlement un mécanisme de
procédure qui respecte les règles internationales en la matière. (Chapitre VIII).
328
Deuxieme partie
CHAPITRE VII : L’EFFECTIVITE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE LA PERSONNE MORALE EN DROIT INTERNE BENINOIS.
Parmi les difficultés du droit pénal de l’environnement, le problème
de l’irresponsabilité pénale de la personne morale mérite une attention toute
particulière en ce sens que son application effective bousculerait le fondement
même du droit pénal mais aussi probablement la croissance économique.
C’est ce qui explique que pendant tout le «XIX ème siècle en France, l’idée
d’une responsabilité pénale des regroupements était rejetée 904» comme le dit
l’adage, « Societas delinquere non potest ». Le code pénal napoléonien était la
référence, or, ce code ne l’avait pas prévu d’où cette possibilité était difficilement
envisageable. De plus, les auteurs de l’époque, dans leur majorité n’étaient pas
favorables à cette responsabilité. Ils estiment d’abord que la personne morale,
le groupement ou l’entreprise, est une fiction car il est dénué de toute volonté
personnelle, attributs des seuls individus et condition indispensable de la
responsabilité pénale. Ensuite, le groupement n’accède à la vie juridique qu’en
vue d’un objet social qui ne saurait évidemment être la commission d’infraction
(principe de spécialité). Enfin, il existe une incompatibilité entre peine et
entreprise ; l’idée de peine ne pouvant correspondre qu’à des individus905. En
d’autres termes, les systèmes pénaux des pays favorables à cette responsabilité
pénale, doivent déroger à certains principes cardinaux du droit pénal classique
notamment : le principe de la culpabilité individuelle ou de l’imputabilité de l’acte
infractionnel ; le principe d’égalité des personnes devant la loi. Une autre question
préoccupante serait comment appréhender l’élément moral de l’infraction quant
on sait qu’il n’est attaché qu’à l’individu. Tous ces arguments majeurs militaient
en faveur de l’irresponsabilité de la personne morale tant privé que publique.
En effet, selon la doctrine belge, les objections élevées contre l’introduction de
904 PRADEL(Jean), Manuel de droit pénal Général, Dalloz 16ème éd. Paris 2006, p.492.905 PRADEL(Jean), Manuel de droit pénal Général, op.,cit.,p.492.
329
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
cette responsabilité pénale en droit interne sont multiformes906. Mais depuis le
XXème siècle, avec le développement du droit pénal des affaires, du commerce,
de l’industrialisation, l’entreprise apparait comme « l’instrument » par lequel
agissent certains individus. Dès lors, la réflexion sur la responsabilité pénale de
la personne morale refait surface et une réplique a été apportée aux arguments
défavorables précédemment évoqués907.
906 Cf. VAN REMOORTERE (Francis), La question de la responsabilité pénale des personnes morales en droit de l’environnement en Belgique, Chronique, Rev. de dr. pén. pp.61-64. Cité par M. FAURE, dans son cours de droit pénal de l’environnement, DEA, Droit et politique de l’environnement, FDD, 1999, Lomé, Togo. Il dénombre une quinzaine d’objections. Il s’agit de :
Les personnes morales sont des fictions, on ne peut les assimiler aux êtres humains au point de vue pénale car il y a absence de volonté criminelle propre ;
Le principe de la personnalité des personnes suppose une responsabilité pénale individuelle et fait obstacle à toute forme de responsabilité pénale du fait d’autrui ;
Les fonctions traditionnelles des peines (expiation, amendement, intimidation, réinsertion sociale), s’avèrent inopérantes à l’égard des personnes morales ;
Il y a contradiction avec le principe de la culpabilité pénale, qui exige un élément moral pour qu’il y ait infraction ;
La spécialité pour laquelle la personne morale a été créée exclut la réalisation d’infractions ; Il existe un risque d’injustice envers les bénéficiaires de fondations si les dirigeants
commettent des malversations ; Il n’y aurait risque d’injustice si on condamne la personne morales alors que celle-ci aurait
exclu les personnes physiques qui ont commis l’infraction ; Il existe un risque de sanctionner trop sévèrement les entreprises, avec les conséquences
pour les classes laborieuses et les petits épargnants victimes innocentes ; Il y aurait discrimination entre personnes morales et groupements dépourvue de la
personnalité juridique ; Il y a risque d’injustice lorsqu’on punit une société alors que le droit des capitaux l’y
emporte sur le droit des personnes ; Le cumul ou le non cumul des peines entre personnes physique et personne morale, place
devant un choix difficile ; si on poursuit cyniquement la société, on fait échapper les vrais coupables, dans l’autre hypothèse on aboutit au double emploi ;
La poursuite répressive de personnes morales suscitent des difficultés procédurales ; Les alternatives classiques telles que le système de la responsabilité civiles des amendes
sont suffisantes ; Certaines peines étant par nature inapplicables aux personnes morale, on ne peut
concevoir de leur appliquer une échelle incomplète de peines ; L’application de la responsabilité pénale des entités de droit public est délicate, et elle
paraît difficilement conciliable avec les principes de droit public.907 Cf. Infra section suivante
330
Deuxieme partie
Aujourd’hui, en dépit de cette position plus ou moins objective de
rejet de cette responsabilité pénale par certains auteurs, il y a revirement de la
situation, avec l’adoption par plusieurs pays908 de la responsabilité de la personne
morale et son introduction dans le droit interne. La prise de conscience des
législateurs de ces pays à l’égard des problèmes environnementaux qui gagnent
de l’ampleur dans le monde moderne, par l’accroissement des activités des
personnes morales serait certainement à l’origine de ce revirement de position
La notion de responsabilité pénale de la personne morale, est une
théorie très utilisée dans la littérature du droit de l’environnement où doctrines
et jurisprudences se croisent abondamment et rivalisent d’ardeur sur la
tendance favorable ou non favorable sur cette théorie. Notre objectif n’est
pas d’en ajouter à la polémique ou de nous caler dans une doctrine ou dans
une autre, mais plutôt d’amorcer une réflexion en procédant à une analyse de
la problématique. Ainsi, on pourra d’abord, apprécier un aperçu de la portée
théorique et pratique de cette responsabilité pénale des personnes morales
telle que conçue et appliquée dans certains pays comme la France et la Belgique
(SECTION I) et, s’inspirant surtout des expériences de ces pays, susciter quelques
pistes de réflexion quant à l’effectivité du droit de la responsabilité pénale de la
personne morale en droit interne au Bénin (SECTION II).
SECTION I : UN BREF APERCU DE LA PORTEE DE LA RESPONSABILITE PENALE APPLICABLE A LA PERSONNE MORALE
A la suite d’une réflexion approfondie, et vu l’ampleur de plus en
plus croissante des activités des personnes morales, surtout dans le domaine
environnemental, certains pays occidentaux ont perçu la nécessité d’opérer
une réforme de leur droit pénal en introduisant la responsabilité pénale des
personnes morales. Pour en arriver à cette conclusion, ils se sont convaincus de
la non pertinence des arguments avancés par les auteurs n’épousant pas cette
position et ont développé les leurs.
908 A commencer par les pays de Common Law (USA, Grande Bretagne, Canada, …), la France, la Belgique, le Luxemburg, le Pays-Bas, l’Allemagne,…
331
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
D’abord, au sujet du premier argument tiré de l’idée de fiction, les
auteurs favorables à la prise en compte de la responsabilité de la personne
morale, répondent par celui de réalité du groupement dans la mesure où dans la
pratique, la délinquance des groupements est une réalité criminologique, même
si en réalité toute infraction à pour origine l’acte individuel.
Ensuite, à l’argument tiré du principe de spécialité, on oppose un argument
de bon sens : même si la commission d’infractions n’entre pas statutairement
dans l’objet de l’entreprise, il se trouve cependant qu’en pratique, certaines
entreprises ont une activité différente de celle pour laquelle ses membres
l’avaient créé. Cette activité peut être à l’origine de diverses infractions. Par
exemple, telle entreprise avait été créée pour fabriquer du papier, or en réalité,
elle entraine en outre la pollution des cours d’eau voisins. Il n’y a alors aucune
raison de ne pas retenir la responsabilité de cette entreprise.909
Enfin, en ce qui concerne la notion de peine applicable à l’entreprise, cet
argument présente trois aspects qu’il importe de distinguer. D’abord, pour ce
qui est de la nature de la peine, il n’y a aucune difficulté, car s’il tombe sous le
sens que les sanctions privatives de liberté sont inapplicables, d’autres comme
l’amende, la confiscation, la fermeture d’établissement, l’interdiction d’exercer
telle activité ou la dissolution (équivalent de la peine de mort) sont parfaitement
applicables. On a prétendu ensuite que les buts de la peine cadrent mal avec la
responsabilité des personnes morales, la fonction d’amendement, si essentielle
n’ayant guère de sens ici. A cela on peut répondre que la peine a aussi une
909 Effet, en 1994, les personnes morales n’étaient responsables pénalement que dans les cas prévus par la loi ou les règlements, c’est-à-dire que dans le cas où le texte d’incrimination prévoyait expressément la responsabilité de la personne morale (principe de spécialité). Ces textes étaient très nombreux et peu cohérents. Mais avec la loi n°2004-204 du 9 mars, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité dite « Perben II », la législation française à connue une évolution qualitative, ce qui a permis l’abandon du principe de la spécialité au profit du « principe de généralité ». Ainsi, à compter du 31 décembre 2005, les personnes morales sont responsables de toutes les infractions puisque les mots « et dans les cas prévus par la loi et les règlements » sont retranchés de l’article 121-2. De sorte que les articles 124 et 125 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 sur la simplification et la clarification du droit et l’allègement des procédures, a pu tirer les conséquences de l’adoption du principe de généralité et supprime les normes éparses prévoyant un cas particulier de responsabilité des personnes morales. Cf. à cet effet, www.legirance.gouv.fr
332
Deuxieme partie
fonction d’intimidation et de prévention, parfaitement compatible avec la nature
particulière de l’entreprise. On a avancé enfin que la peine, appliquée à une
personne morale, atteindrait aussi bien les innocents que les coupables. C’est
oublier que l’on peut imaginer des procédés pour désintéresser les membres de
la société dignes de protection, tels les porteurs de bonne foi ou les salariés, tout
en frappant « l’instrument » dangereux.910
En outre, il est évident que la personne morale est plus solvable que les
individus. Parfois, c’est elle qui paye l’amende infligée à son personnel. Autant
alors, aligner le fait sur le droit. Aussi, peut- il s’avérer délicat de poursuivre
l’individu responsable notamment faute de pouvoir le déterminer avec certitude.
Dès lors, vis-a-vis de l’opinion publique, un blâme de la personne morale peut
être nécessaire. Il est donc raisonnable de la poursuivre puisque le principe de la
responsabilité pénale des groupements est maintenant admis par presque toute
la doctrine911.
Par ailleurs, l’imputabilité matérielle est la règle en droit pénal. Le
fait punissable est normalement attribué ou imputé à la personne qui a
matériellement commis le fait. Il en va de même pour la personne morale. Pour
ce faire, les pays ayant adopté cette responsabilité ont fondé leur argument
aussi sur la théorie générale d’imputabilité. Ainsi, en Angleterre, on parle
de la théorie de l’identification, « idenfication theory », en France, c’est la
théorie de la « responsabilité par ricochet », aux Pays Bas, c’est la théorie de la
« fonctionnalité »912, la responsabilité fonctionnelle.
En France, c’est la refonte du code pénal et son entrée en vigueur en
mars 1994, comme nous l’avions signifié plus haut, qui a marqué véritablement
la consécration de la responsabilité pénale des personnes morales avec les
dispositions des articles 121-2 et 121-3. En Belgique, c’est l’article 5 du code
pénal et la loi du 4 mai 1999 qui ont institué cette responsabilité913. Comme on
le constate, si l’introduction de cette responsabilité est très récente, c’est qu’elle
910 Cf. PRADEL(Jean), Manuel de droit pénal Général, op.,cit.,pp.493 et S.911 Idem p.494912 GEEROMS (Sofie), La responsabilité pénale de la personne morale : une étude comparative,
RIDC, 3/1996, pp.540-545913 Cf. moniteur belge du 22 juin 1999 et entré en vigueur le 2 juillet 1999.
333
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
a été l’objet de controverses diverses. Il n’a donc pas été facile d’établir cette
responsabilité. C’est comme le dirait un auteur, un véritable « steeple-chase »
juridique que doit se livrer celui qui veut engager une action tendant à tenir
pour responsable la personne morale qui par ses activités a porté atteinte à
l’environnement. Mais il n’en demeure pas moins vrai que de nos jours, établir une
telle responsabilité est aussi pertinente pour la sauvegarde de l’environnement.
Ainsi, pour appréhender cette responsabilité pénale environnementale, il
conviendrait d’abord d’apprécier son contenu en ce qui concerne les personnes
susceptibles d’être poursuivi (§I) avant d’analyser ensuite l’efficacité des peines
applicables (§II). Notre analyse sera influencée surtout par les théories française
et belge.
§I : Le contenu de la responsabilité pénale de la personne morale
On peut entendre par personne morale, un « groupement de personnes
physiques qui dispose du point de vue juridique d’une certaine autonomie
qui en fait un sujet de droit et lui permet d’être titulaire de droits subjectifs et
d’obligations d’accomplir certains actes juridiques et d’agir en justice.914». Dans
cette définition, on peut relever la prépondérance de l’idée de la personnalité
juridique915 comme critère de qualification de la personne morale. Cette idée de
personnalité juridique s’applique aussi bien à la personne morale de droit privé
qu’à la personne morale de droit public.
914 P. DELATTE, La question de la responsabilité pénale des personnes morales en droit belge, Rev.dr. pén., 1980,163, cité par Sofie GEEROMS, La responsabilité pénale de la personne morale : une étude comparative, RIDC, 3/1996, p.555.
915 Réaffirmé par le Conseil de l’Europe «(…) les recommandations s’appliquent aux entreprises dotées de la personnalité juridique ». Mais cette position ne fait pas l’unanimité puisque certaines législations comme celles des Pays-Bas et de l’Allemagne, élargissent plutôt le champ d’application aux entreprises de faits ou dépourvues de cette personnalité. V. Sofie GEEROMS, La responsabilité pénale de la personne morale : une étude comparative, op.,cit., p.555
334
Deuxieme partie
A) Les personnes morales de droit privé.
Toutes les sociétés de droit privés sont concernées, qu’elles soient
instituées par une loi ou qu’elles procèdent d’un contrat, qu’elles poursuivent
ou non un but lucratif916. Mais avec cette nuance qu’il s’agit en particulier
des entreprises ou sociétés privées dotées de personnalité juridique, donc
capables d’ester en justice ou de répondre de ses actes devant une juridiction.
Par conséquent sont exclus de ce champ d’action les sociétés de fait917 ou les
entreprises qui ne sont pas régulièrement enregistrées. Ensuite, il faut que la
personne morale ait agi « pour le compte » de l’entreprise. Il est évident que
l’être moral n’est pas engagé si le chef d’entreprise ou son représentant légal
a agi dans « son seul intérêt » ou dans « l’intérêt d’un tiers » c’est-à-dire en
dehors de la personne morale ou encore s’il a agi contre l’intérêt de la personne
morale918.
A contrario, agir pour le compte de la personne morale, c’est agir à son
profit, dans son intérêt. Il peut s’agir d’un bénéfice matériel ou moral, actuel
ou éventuel, direct ou indirect. En outre c’est agir aussi simplement au nom
de celle-ci, sans rechercher le moindre bénéfice, même moral ou éventuel.
D’après la doctrine française, le terme profit doit être considéré dans son sens
large. Il comporte non seulement le profit réalisé ou recherché mais aussi le
profit moral. Il peut comprendre des activités ayant pour objet d’assurer
l’organisation, le fonctionnement ou les objectifs de la personne morale même
si elle ne tire aucun profit au sens strict. Le Conseil de l’Europe a confirmé cette
position dans une recommandation en affirmant que « la personne morale ne
doit pas nécessairement tirer avantage de la situation donnée. Par exemple un
directeur qui néglige de s’assurer que les ouvriers portent bien un casque sur
les chantiers alors même que l’entreprise en a acquis un stock suffisant. Dans
916 La personne morale comprend donc : les sociétés ou entreprises commerciales, les groupements d’intérêts économiques, les associations, les syndicats, les fondations, etc.…
917 La société créée de fait « est la situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes se sont comportées en fait comme des associés, sans avoir exprimé la volonté de former une société », Ripert et Roblet par M. Germain, Traité de droit commercial, LGDJ.,18ème éd. 2002, 1056.
918 PRADEL(Jean), Manuel de droit pénal Général,op.,cit.,p.506.
335
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
ce cas, la survenance d’un accident corporel peut entrainer la poursuite de la
personne morale »919. Une association de chasse a été concurremment avec
son président, coupable d’homicide involontaire, dès lors que le tir mortel en
direction de l’un des chasseurs avait été permis par l’organisation d’une battue
dans des conditions non conformes aux consignes diffusées par l’office nationale
de la chasse920. Il s’agit là de l’application du principe de cumul de responsabilité.
Au Bénin, se sera aussi le cas lorsque par exemple une entreprise
comme la Pharmaquick (usine chimique de fabrication de médicaments,
installée à Cotonou) ou comme la SONICOG (usine de fabrication de savon)
à défaut d’une station d’épuration, décide de déverser des déchets liquides
riches en métaux lourds (mercure, cardium, plomb) dans la lagune de Cotonou
ou directement dans la mer, sa responsabilité pénale au regard de la loi-cadre
sur l’environnement peut être établie. Tous ces exemples montrent bien que
les infractions qui ont été commises l’ont été pour le compte des entreprises
concernées. Des exemples sont légion où la responsabilité pénale de l’entreprise
peut être engagée avec ou sans la responsabilité de la personne physique. Il en
est ainsi des personnes ayant reçu délégation de pouvoirs qu’elle soit personne
morale de droit privé ou personne morale de droit public921.
B) Les personnes morales de droit public
Généralement, la responsabilité pénale des personnes morales est
orientée vers les personnes morales de droit privé. Mais, vue le développement
de plus en plus croissant des personnes de droit public liées au développement
des activités économiques, on peut s’interroger sur l’opportunité de poursuivre
aussi une personne morale de droit public922. Ainsi, dans les pays précités cette
responsabilité est effective.
919 Cass.crim., 8 mars 2005, pourvoi n° 04-86.208920 Cass.crim., 8 mars 2005, pourvoi n° 04-86.208.921 Chambre crim. française 9 nov.1999, pourvoi n° D 98-81.746 ; chambre. crim. française, 14
déc.1999, pourvoi, n° Q 99-80.104922 Il s’agit de l’Etat, des collectivités territoriales (Département, Région, Commune) et leurs
groupements, des établissements publics, des groupements d’intérêt public, …
336
Deuxieme partie
En droit français, les personnes privées comme les personnes publiques
peuvent commettre des infractions, et être poursuivies pénalement devant
les tribunaux. Cette responsabilité est organisée suivant les dispositions de
l’article 121-2 du code pénal français dont le régime se décline en trois alinéas.
D’abord l’alinéa1er qui forme le pilier de cet article dispose que « les personnes
morales à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement923 (…), des
infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».
Ensuite le deuxième ajoute, dans cette même logique de prérogatives de
puissance publique, une restriction en faveur des collectivités territoriales à
savoir que « toutefois les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont
responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités
susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public ».
Enfin le troisième apporte la précision suivante que « la responsabilité pénale
des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou
complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa
de l’article 121-3 ».
De ce texte, il ressort qu’outre les personnes morales de droit privé,
les personnes morales de droit public, telles les sociétés ou entreprises d’Etat
(sociétés dont les capitaux relèvent majoritairement de l’Etat), à l’exception de
l’Etat lui-même sont aussi pénalement responsables924. Mais aussi, en application
aux collectivités locales (par exemple la Commune), cette règle connait un
tempérament favorable qui fait que ces collectivités territoriales décentralisés
ne peuvent être poursuivis qu’à raison d’infractions commises dans l’exercice
d’activités susceptibles de faire l’objet de délégation de service public. Or la
délégation, précisément la délégation de compétence, à en croire le lexique des
termes juridiques, est un acte par lequel une autorité administrative décide de
se dessaisir dans les limites légales d’un ou plusieurs de ses pouvoirs en faveur
d’un autre agent qui les exercera à sa place. Pour GUIHAL, la délégation qui peut
923 Contrairement au droit français, en droit belge, l’exclusion des personnes morales de droit public est beaucoup plus entendue en dehors de l’Etat elle concerne les régions, les Communautés, les Provinces, l’Agglomération bruxelloise et les Communes. (Art.5. du code pénal belge). Naturellement, cette exclusion des personnes morales de droit public qui vaut immunité a été l’objet de controverses doctrinales et jurisprudentielles.
924 Crim. France, 9 nov.1999, pour une société d’économie-mixte concessionnaire de l’exploitation d’un domaine skiable ; crim.18 juin 2000 pour la CNCF.
337
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
revêtir plusieurs formes (affermage, concession, gérance...), est un contrat par
lequel une personne publique confie à un tiers l’exécution même du service
public, la rémunération du co-contractant étant substantiellement assurée par
les résultats de l’exploitation925. En termes d’activités délégables on peut citer
par exemples les transports en communs, le ramassage d’ordures ménagères, la
distribution d’eau, la collecte et le traitement des eaux usées, les infrastructures
portuaires ou aéroportuaires, les parcs de stationnements926. La délégation peut
aussi consister à confier des pouvoirs à une autorité inférieure (Adjoint au maire
ou fonctionnaire de la Mairie). C’est ainsi qu’un Adjoint au Maire titulaire d’une
délégation pour les fêtes et les cérémonies, a été déclaré coupable de tapage
nocturne à l’occasion de l’organisation d’une fête dont il surveillait les émissions
acoustiques à l’aide d’un appareil approprié927.
L’application effective de ce texte, appelle la réunion de deux conditions
à savoir que l’infraction doit être commise par « les organes ou représentants »
de la personne morale et « pour le compte » de cette dernière.
1) Les organes ou représentants d’une personne morale
Le texte de l’article 121-2 du code pénal français vise expressément et
limitativement les « organes » ou « représentants», les deux termes pouvant
d’ailleurs se confondre, notamment les organes de gestion sont aussi des
organes de représentants. Cette terminologie marque la reconnaissance de la
« théorie de la responsabilité par ricochet » ou responsabilité d’emprunt. Il s’agit
bien de l’organe de gestion ou de l’organe délibératif collégial928. Elle « recouvre
toutes les personnes qui, au sein de la personne morale, individuellement ou
925 GUIHAL (D), Le droit répressif de l’environnement, op.,cit.,p.212.926 Dans un arrêt de 3 avril 2002, ch. Crim. a définit les activités délégables : « activités
susceptibles de faire l’objet d’une concession de délégation de service public. Toute activité ayant pour objet la gestion d’un tel service, lorsque, au regard de la nature de celui-ci et en l’absence de dispositions légales ou réglementaires contraires, elle peut être confiée par la collectivité territoriale à un délégataire public ou privé rémunéré pour une part substantielle en fonction des résultats de l’exploitation ».
927 Cass. Crim. 4 septembre 2007, Bull. Crim. n°193.928 LEROy (J), Droit pénal général, LGDJ, 2003, p.288.
338
Deuxieme partie
collectivement, tiennent de la loi le pouvoir de gérer celle-ci et de l’engager
à l’égard des tiers »929. Sont donc concernés les assemblées délibérantes que
les dirigeants (dans le cas du Bénin, c’est le Maire qui engage la Commune).
Ainsi, pour imputer une infraction à une personne morale, il est nécessaire
que les juges établissent en quoi les organes ou représentants ont commis une
faute pénale. Autrement dit, il faut caractériser la « volonté infractionnelle »
ou les négligences et les manquements aux obligations de sécurité en la
personne de ses organes ou représentants. Plus précisément, s’agissant des
infractions intentionnelles, la personne morale étant dépourvue de conscience,
il ne peut y avoir responsabilité pénale environnementale que si l’organe
ou le représentant, incarné par une personne physique, a eu conscience de
commettre un délit930. Ainsi, la personne morale, qui ne saurait accomplir les
actes matériels qui consomment l’infraction, ni nourrir d’intention délictueuse,
emprunte les éléments de sa culpabilité aux personnes physiques habilités à
exprimer sa volonté. Cette position est confirmée par la chambre criminelle
française, « la responsabilité d’une personne morale ne peut être engagée
que par le truchement d’une personne physique à l’encontre de laquelle les
éléments constitutifs de l’infraction doivent être caractérisés »931. Les personnes
physiques qui engagent la responsabilité de la personne morale sont donc les
représentants légaux, les organes exécutifs et délibérants désignés par la loi ou
les statuts ainsi que les mandataires judiciaires 932(administrateurs provisoires,
administrateurs de l’entreprise en redressement judiciaire, liquidateur, gérant,
PDG, directeurs généraux, etc..). En condamnant l’entreprise, la personne
physique reconnue coupable peut être aussi sanctionnée, c’est le principe de
cumul de responsabilité ou de sanction.
Mais, la critique au sujet de ce modèle est que la personne morale, si elle
le désir, peut s’organiser structurellement pour éviter toute responsabilité. Elle
929 DESPORTES (F), La responsabilité pénale des personnes morales en droit français, CJEG 1996, p.93.
930 Crim.7 juil.1998, Bull. Crim., n°216, cite par BOULOC (B), MATSOPOULOU (H), in, Droit pénal général et procédure pénale, Sirey, 15ème ed.2004, p.127.
931 Cass. Crim.4 déc.2001, Bull. Crim., pourvoi n°01-80.445, en matière de pollution de cour d’eau.
932 GEEROMS (Sofie), La responsabilité pénale de la personne morale : une étude comparative, RIDC, 3/1996, p.546.
339
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
peut faire en sorte que la plupart des décisions soient prises par des personnes
qui ne sont ni des organes ni des représentants933. C’est pourquoi, contrairement
à la position française, en droit néerlandais la responsabilité pénale d’une
personne morale peut être engagée par un simple employé, bien sûr, à condition
que la personne morale ait un pouvoir d’autorité et d’acceptation934.
Quant aux infractions d’imprudence ou de négligence, il suffira d’établir
qu’il y a eu manquement de la personne physique, organe ou représentant,
au respect de telle ou telle disposition législative ou réglementaire, voire
commission d’une faute simple ou d’une faute caractérisée ou délibérée935.
2) La commission de l’infraction « pour le compte » de la personne morale.
Comment alors comprendre l’expression « pour le compte » ? Au regard
de la doctrine française, agir pour le compte de la personne morale, c’est agir à
son profit, dans son intérêt. Il peut s’agir pour l’être moral, comme nous l’avions
dit, d’un bénéfice matériel ou moral, actuel ou éventuel, direct ou indirect. C’est
le cas du dirigeant qui déverse irrégulièrement par le biais d’un collaborateur
des débris de ses activités industrielles dans le marécage voisin. La doctrine
s’accorde pour considérer qu’il suffit que l’infraction ait été commise par la
personne physique à l’occasion d’« activités destinées à assurer l’organisation
et le fonctionnement » de la personne morale et qu’elle ne manifeste pas la
poursuite de fins purement personnelles936. On parle même de responsabilité
pénale « par représentation ».
A l’analyse, ce modèle français de la théorie de la responsabilité de
la personne morale peut faire objet de critiques diverses. Elle est qualifiée
de théorie de la responsabilité de la personne morale par ricochet ou de
933 Idem, p.546. Le droit allemand quant à lui, est plus restrictif excluant les mandataires. p.546.
934 Art.51 CP néerlandais. H.R. 1er juil.1981.NJ. 1982, 80. Cité par GEEROMS (Sofie). p.547.935 Crim.18 janv.2000, Bull. Crim., n°28936 MARON (‘A), ROBERT (J.H), Cent personnes morales pénalement condamnées : Dr.pén.
1998, chron. n°28. Cité par GUIHAL (D), in, Droit répressif de l’environnement, op.,cit.,p.214.
340
Deuxieme partie
responsabilité d’emprunt parce qu’elle ne se préoccupe pas directement de la
personne morale elle-même comme auteur de l’acte infractionnel. En cas de
commission de l’infraction, les éléments constitutifs sont à rechercher non
pas à l’endroit de la personne morale mais plutôt au niveau de la personne
physique, organe ou représentant. Dès lors, ce modèle empêche l’autonomie
du droit pénal de la personne morale, de sorte que si on ne trouve pas l’individu
responsable, et bien, il n’y aurait pas de personne morale responsable. En
définitive on a tendance à croire que peut importe que la responsabilité de la
personne morale soit engagée ou non. Certains auteurs parlent même d’une
responsabilité d’emprunt ou d’une responsabilité par procuration937 ou encore
par représentation.938 Face à cette responsabilité déléguée, le professeur FAURE,
suggère aux Etats de recourir à une responsabilité plus autonome de la personne
morale, à l’instar de celle qui prévaut en droit belge.
Contrairement au législateur français, le législateur belge a conçu
la responsabilité pénale de la personne morale comme une réalité sociale et
non comme une addition d’individus, ayant une existence propre. Elle peut
commettre une faute pénale et à ce titre, doit répondre personnellement
desdites infractions. En droit belge, « toute personne morale est pénalement
responsable des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de
son objet, ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets
démontrent qu’elles ont été commises pour son compte »939
Dès lors que la responsabilité pénale de la personne morale est établie,
la question se pose de savoir quelles sont la nature et les peines applicables
par le juge afin d’assurer à cette forme de responsabilité pénale une meilleure
efficacité.
937 GEEROMS (Sofie), op.,cit.,p.543.938 MARON (‘A), ROBERT (J.H),op.,cit.,p.543.939 Art.5 al.1 CP belge
341
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
§II : L’efficacité des sanctions pénales applicables à la personne morale
Une infraction est commise. Une personne morale se l’est vu imputer.
Il s’ensuit qu’une sanction doit être appliquée. La peine, nous le savons est
nécessaire et légitime. Conformément au principe de la personnalité des peines,
elle est applicable aux individus. Dès lors, il est évident que les peines applicables
aux personnes physiques ne sauraient être identiques à celles applicables aux
personnes morales. A l’endroit de la personne morale, c’est l’exigence des
sanctions plus adaptées qui est le leitmotiv. Les sanctions applicables sont
fondamentalement l’amende comme peine principale (A) et une gamme de
peines accessoires applicables (B).
A) L’amende applicable aux personnes morales
La peine de privation de liberté n’étant pas concevable en matière de
peine applicable aux personnes morales, l’amende pénale devient la principale
peine. Elle est applicable en toutes matières : criminelle, correctionnelle et
contraventionnelle. Tous les systèmes répressifs prévoient un montant qui est
généralement très élevé par rapport au montant prévu en ce qui concerne la
personne physique. En France, le taux maximum de l’amende encourue par
une personne morale est le quintuple940 du maximum du montant prévu pour
l’individu commettant la même infraction. A titre illustratif, si cette situation
était applicable au Bénin, on aurait par exemple, en cas d’infraction relative à
l’exploitation sans autorisation d’un établissement ou d’une installation classée
ou dans des conditions autres que celles prévues par l’article 76 et suivants
de la loi-cadre béninois, le présumé coupable, s’il est une personne physique,
il échopperait d’une amende variant entre 500.000 et 5.000.000 F CFA. Or,
si c’est une personne morale, elle sera condamnée à une amende variant
entre 2.500.000 et 25.000.000 FCFA pour les établissements de classe II et de
5000.000 à 25.000.000 FCFA pour la classe I ; la peine passera de 25.000.000 à
940 Art.131-38 CP
342
Deuxieme partie
125.000.000 FCFA pour les personnes morales941. Le principe du quintuple reste
donc appliqué aussi au Bénin sans qu’on ne l’est clairement exprimé. Ainsi, le
système dépend de l’amende individuelle. L’idée de base a été de maintenir le
parallélisme le plus étroit possible avec les peines qui peuvent être prononcées
contre les personnes physiques pour les mêmes faits942. Il en découle qu’une
personne morale poursuivie pour une infraction pour laquelle l’amende n’est
pas prévue en ce qui concerne les individus ne peut être punie d’une amende.
Pour remédier à cette lacune, la loi française a prévue en matière criminelle une
peine d’amende unique d’un million d’euros943. Pour les délits, le problème ne
se pose pas puisqu’il existe toujours une amende qui est prévue et qu’il faut
multiplier par cinq. En cas de récidive, la peine maximale d’amende applicable
est égale à dix fois celle qui est prévue par la loi qui réprime ce crime. La règle
est donc la même que pour les personnes physiques. L’amende est multipliée
par deux.
Néanmoins, il faut reconnaitre que ce système est sévère mais très
dissuasif. Il a le mérite de sensibiliser les entreprises et de les inciter à mettre
en œuvre les mesures efficaces de prévention. C’est pourquoi, l’on assiste de
plus en plus au sein des entreprises au développement d’un système d’audit
et de management environnemental (ISO 9001 et ISO 14000), pour limiter non
seulement cette peine principale mais aussi les peines accessoires qui ne sont
pas moins rigoureuses.
B) Les peines accessoires applicables aux personnes morales
L’article 131-38 al.2, du code pénal français, légèrement modifié par
les dispositions de l’article 11 de la loi n°2010-768 du 9 juillet 2010, dresse
une nomenclature impressionnante des peines spécifiques applicables aux
personnes morales de droit privé ou de droit public.
941 Cf. article 120 de la loi-cadre du Bénin942 HAMER (Ph) et ROMANIELLO (S), La responsabilité des personnes morales : principes, les
sociétés bientôt punissables. Quels impacts sur la vie des entreprises ? Actes du colloque organisé le 27 mai 1999 par l’association belge des juristes d’entreprises et l’association des juristes praticiens du droit social, Bruxelles, Bruylant, 1999, p.13.
943 Art.131-38 alinéa 2 .CP
343
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Elles sont diverses et applicables en fonction des cas en présence. Ainsi,
lorsque la loi le prévoit à l’encontre d’une personne morale, un crime ou un délit
peut être sanctionné d’une ou de plusieurs des peines suivantes :
1. « La dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu’il
s’agit d’un crime ou d’un délit puni en ce qui concerne les personnes
physiques d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans,
détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;
2. L’interdiction à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus,
d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités
professionnelles ou sociales ;
3. Le placement pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance
judiciaire ;
4. La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des
établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de
l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
5. L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de
cinq ans au plus ;
6. L’interdiction à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de
faire appel public à l’épargne ;
7. L’interdiction pour une durée de cinq ans au plus, d’émettre des chèques
autres que ceux qui permettre le retrait des fonds par le tireur au près
du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement ;
8. La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre
l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;
9. L’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la
presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle.
Le deuxième alinéa précise que « les peines définies aux 1° et 3° ci-
dessus ne sont pas applicables aux personnes morales de droit public dont la
responsabilité pénale est susceptible d’être engagée. Elles ne sont pas non plus
applicables aux partis ou groupements politiques ni aux syndicats professionnels.
344
Deuxieme partie
La peine définie au 1° n’est pas applicable aux institutions représentatives du
personnel. »944
Un examen plus approfondi permet pourtant de constater que seules
deux innovations réelles peuvent être notées, à savoir la dissolution (article 131-
39.1°) et le placement sous surveillance (article 131-39.3°). Cette dernière est
plutôt une mesure de sûreté. Bref, la seule peine nouvelle est la dissolution. Elle
a un caractère grave en ce qu’elle porte atteinte à l’activité de la personne morale
et à son existence. Par conséquent, l’application de cette peine, n’est prévue qu’à
l’encontre de certaines personnes morales uniquement pour les infractions les
plus graves. Les autres sanctions propres aux personnes morales sont souvent plus
adaptées que novatrices ; de sorte qu’on peut même parler de peines identiques
aux personnes physiques. La plupart des peines prévues tendent à restreindre
la liberté d’action de la personne morale. Elles s’en prennent à la capacité de
la personne morale : parfois cette activité sera maintenue mais soumise au
contrôle judiciaire, parfois cette activité sera également maintenue, mais avec
des moyens réduits, parfois l’activité sera même interdite temporellement ou
définitivement. Ces peines ont donc un but utilitaire : empêcher la personne
morale de poursuivre ses activités délictueuses, soit en la contrôlant soit en la
limitant dans sa capacité, soit en la supprimant945.
Transposées en matière environnementale, ces sanctions, éparpillées
dans les lois de polices spéciales avant d’être codifiées par le code de
l’environnement français sont tout à fait pertinentes et efficaces, appliquées aux
personnes morales. Les peines d’amende et les peines accessoires prévues par
les diverses lois spécifiques, font toutes références aux dispositions précédentes.
Il en est ainsi des articles L 332-25-1 à L 332-27 et R 331-72 qui fixent les peines
applicables à la personne morale en cas d’infraction en matière de gestion des
parcs et réserves; les articles L 428-7-1 à L428-11 fixent ces peines en matière
d’infractions relatives à la protection de la faune et de la flore ; l’article L 226-
10 en fait autant en ce qui concerne les infractions relatives à la pollution de
l’air et les articles L 218-57 et L 216-12 pour les infractions qui relèvent de la
944 Art.131-38 et 131-39 .CP français945 VINEy (G), Conclusions, Rev.Soc.1993, 385. Cité, par GEEROMS (Sofie), La responsabilité
pénale de la personne morale : une étude comparative, RIDC, 3/1996.p.571.
345
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
pollution marine et de la pollution d’eau douce. L’une des particularités de la
responsabilité de la personne pénale morale est qu’il ne fait aucune distinction
entre les peines criminelles et les peines correctionnelles. La référence de la
qualification est la peine encourue par la personne physique.
En droit belge, c’est la loi du 4 mai 1999, comme précisé qui institue
la responsabilité pénale des personnes morales946. Au regard de cette loi et
même de la loi française, en ce qui concerne la peine de «dissolution», on peut
faire remarquer qu’elle est assimilable à la peine de mort, donc à la «mort»
de la personne morale. Elle n’est pas couramment appliquée. Mais elle peut
l’être selon le professeur MASSET, dans deux cas : « si, d’une part, il apert que
la personne morale a été intentionnellement créée afin d’exercer les activités
punissables pour lesquelles elle a été condamnée ou s’il s’avère, d’autre part,
que son objet a été intentionnellement détourné afin d’exercer de telles
activités »947. Le professeur MASSET pense, et nous somme d’accord avec lui,
que la dissolution ne devrait être prononcée que si le détournement de l’objet
de la personne morale est répété et systématique, plutôt que résultant d’un fait
isolé ou d’une série de faits. En tout état de cause, il nous semble que la peine
de dissolution constitue une extrémité à laquelle il ne sera pas fréquemment
recouru dans la pratique de la responsabilité pénale des personnes morales.
Dans le même ordre d’idée, l’interdiction d’exercice d’une activité
relevant de l’objet social de la personne morale présente des analogies avec
la peine d’emprisonnement dans la mesure où elle limite la liberté d’action de
l’être collectif sanctionné de la sorte948.
Au total, l’on pourrait objecter que l’exclusion des personnes morales
de droit public dont font montre les codes pénaux belge et français met à mal
946 Pour un aperçu de la jurisprudence, voir M. FAURE, in, La responsabilité pénale des personnes morales : regard sur la jurisprudence, Aménagement-Environnement, 2004, numéro spécial, pp.129-163. V. aussi www.prepa.ist.f.
947 MASSET (A), instituant la responsabilité pénale des personnes morales : une extension du filet pénal mondialisé, Journal des tribunaux, 16 oct.1999, Bruxelles. Cité par DJA (Cofi Hilaire), in, La responsabilité des personnes morales en matière d’environnement : cas du Bénin, de la Belgique et de la France, Mémoire DEA, 2004, Lomé, Togo.
948 GOLLIER (M) et LAGASSE(Fr), La responsabilité des personnes morales, le point sur la question après l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 1999, chron. D.S., 1999, p.523.
346
Deuxieme partie
le principe d’égalité devant la loi. Ce principe signifie que la loi s’applique à
tous. Certes, l’Etat est en charge de l’intérêt général et par conséquent, ne peut
s’auto punir, mais il est et demeure une personne morale, donc une personne
juridique ayant des droits et des obligations. A ce titre, ne doit-il pas répondre
des actes dommageables qu’il poserait ? On pourrait même se demander si
ce traitement inégal des personnes morales de droit privé et des personnes
morales de droit public ne contenait pas une forme discriminatoire, à la limite
anticonstitutionnelle ? Dans tous les cas on ne saurait répondre par l’affirmative.
Il serait très difficile de condamner la personne morale publique, notamment
l’Etat. A ce sujet, la doctrine est semble t-il unanime pour reconnaitre
l’irresponsabilité de l’Etat. L’Etat détenant « le monopole de punir, ne saurait se
sanctionner lui-même »949, au risque de se s’aborder lui-même.
Par ailleurs, même si les expériences française et belge, de par la teneur
de leurs dispositions pénales paraissent à certains égards bien décevantes,
il faut reconnaitre que le droit béninois a beaucoup à tirer des mécanismes
juridiques de mise en œuvre ci-dessus développés pour rendre effectif le droit
de la responsabilité pénale des personnes morales dans son arsenal répressif de
protection de l’environnement.
SECTION II : L’EFFECTIVITE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE LA PERSONNE MORALE AU BENIN
En passant en revue les textes répressifs existant en matière de protection
de l’environnement, tels que décrit dans la première partie de nos travaux de
recherches, trois principaux textes devraient retenir notre attention quant à la
prise en compte de la responsabilité pénale de la personne morale au Bénin. Il
s’agit des textes pénaux comme le code pénal et le code de procédure pénale
qui, en la matière restent muets alors que la loi-cadre sur l’environnement dans
ses dispositions répressives, abordent plus ou moins clairement la question de
la responsabilité pénale des personnes morales (§I). Mais l’introduction d’une
telle responsabilité souffre en pratique de quelques difficultés d’application (§II).
949 GEEROMS (Sofie), op.,cit.
347
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
§I : Une introduction relative de la responsabilité des personnes morales
Il conviendrait de mettre en exergue le mutisme des textes généraux
comme le code pénal et le code de procédure pénale applicables au Bénin, d’une
part (A) et d’autre part, la volonté du législateur d’introduire pourtant une telle
responsabilité dans la loi-cadre sur l’environnement au Bénin (B).
A) Le silence des textes pénaux à caractère général
Il est normalement du domaine du code pénal et du code de procédure
pénale de réglementer la responsabilité des personnes morales. Car ce sont
elles qui déterminent la politique pénale du pays en définissant d’une manière
générale les incriminations, les peines et les modalités de leurs mises en œuvre.
En pratique, il est évidemment inconcevable qu’un juge d’instruction convoque
une personne morale dans son cabinet, sollicite qu’elle soit placée en détention
provisoire…Il est donc impératif d’adapter la procédure pénale aux personnes
morales. C’est pourquoi, l’article 706-41 du code de procédure pénale français
dispose en ce qui le concerne que : « les dispositions du présent code sont
applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions commises
par les personnes morales, … ». Or, au Bénin ces codes actuellement en vigueurs
ainsi que les projets de codes en instance d’être votés à l’Assemblée Nationale,
n’abordent pas le problème de la responsabilité des personnes morales. Comme
nous l’avions dit, en France cette matière est réglementée par l’article 121-2 et
121-3 du code pénal et en Belgique, par les dispositions de l’article 5 du code
pénal avant d’être mieux précisée par des lois spécifiques.
Au Bénin, la situation est inversée ; c’est plutôt la loi-n°98-030 du 12
février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement qui introduit en droit interne,
la possibilité de répression aussi bien de la personne physique que de la personne
morale.
348
Deuxieme partie
B) Existence de la responsabilité de la personne morale au Bénin
La loi-cadre sur l’environnement comme on l’a précisé dans les premiers
chapitres, est le principal texte de loi qui réglemente tous les compartiments
du secteur de l’environnement au Bénin. C’est la loi de référence en matière
de protection de l’environnement. Comme telle, elle est la seule loi qui aborde
avec plus ou moins de précision la question de la responsabilité pénale de la
personne morale au même titre que la personne physique responsable.
Dans ces dispositions générales, elle plante déjà le décor en définissant
clairement et sans équivoque dans l’article 2, la notion de « personne »,
comme « toute personne physique ou morale, soit un individu, une société,
une coopérative, une organisation, une association ou un organisme public ».
Quant au pollueur, il y est définit aussi comme «toute personne physique ou
morale qui, par son acte ou son activité, provoque une contamination ou une
modification directe ou indirecte de l’environnement950».
Le lexique des termes juridiques, entend par personne morale, « tout
groupement de personnes ou de biens ayant la personnalité juridique, et étant
par conséquent, titulaire de droits et obligations. »Il s’ensuit que la personne
morale jouit des mêmes droits et obligations que la personne physique, donc
passible de sanctions pénales. Autrement dit, partout dans cette loi-cadre, il faut
entendre par « personne », personne physique ou personne morale en ce qui
concerne la commission des infractions.
Ainsi, les articles 15 et 16, les articles 74 et suivants951 décrivent des
incriminations concernant aussi bien les personnes physiques que les personnes
morales. Les peines d’amendes prévues notamment par les dispositions des
950 Art.2 de la loi-cadre du Bénin951 Il s’agit de loi-cadre sur l’environnement du Bénin où par exemple l’art.75 dispose : « toute
personne physique ou morale, publique ou privée, propriétaire ou exploitante d’une installation doit prendre toutes mesures nécessaires pour prévenir et lutter contre la pollution de l’environnement, conformément aux dispositions de la présente loi et des textes d’application subséquents. », l’art.76 « les installations exploitées ou détenues par toutes personne physique ou morale, publique ou privée, »
349
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
articles 112,118 et suivants952, y afférentes devraient frapper également les deux
catégories de personnes. En ce qui concerne les peines accessoires, les sanctions
applicables aux personnes morales sont un peu plus claires. L’article 111 prévoit,
comme peines accessoires, «le retrait ou la révocation des permis ou autorisations
délivrées à l’entreprise» ainsi que «la remise en état du site dégradé ou pollué».
Le juge peut prononcer «la saisie et le retrait de la circulation du produit ou
de l’objet du délit»953, «la suspension»954 ou ordonner même «la fermeture de
l’installation»955. Mais, les dispositions de l’article 110 clarifient en ces termes :
« en matière de pollution ou de rejet de contaminants dans l’atmosphère, sur le
sol, dans le sol, dans le sous-sol, en mer, dans les lacs, les rivières , les lagunes
et les étangs, l’action publique est engagée contre le chef d’entreprise » et non
l’entreprise. L’on peut penser à juste titre que l’identification de la personne
physique responsable qu’est le chef d’entreprise, est une première étape vers
la sanction de l’entreprise, de la personne morale. Il en est ainsi puisqu’elle
suppose toujours la recherche d’une personne physique responsable agissant
pour le compte de l’entreprise.
Au total, on peut retenir, à travers ces dispositions, que l’arsenal répressif
ne manque pas de possibilités, même s’il est relative, pour réprimer les gros
pollueurs et entreprises indélicats que sont les industriels, les sociétés et autres
entreprises non respectueuses des textes. On note ainsi, la volonté manifeste
du législateur béninois de réprimer la personne morale reconnue coupable
d’infraction pénale. Néanmoins, l’imprécision des polices spéciales habilités à
constater des infractions limitées à certains secteurs, à certaines catégories de
personnes, l’incertitude des pouvoirs qui leurs sont conférés lors de ces activités
de police judiciaire, rendent particulièrement opaque et aléatoire la poursuite
pénale des personnes morales en matière d’environnement.
952 Ainsi, l’art.120 dispose que « l’exploitation sans autorisation d’un établissement ou dans les conditions autres que celles prévues par les articles 76 et suivants est puni d’une amende de 500.000 à 5000.000 de francs CFA pour les établissements de classe II et de 5.000.000 à 25.000.000 de francs CFA pour ceux de la classe I »
953 Art.116, 118 loi-cadre sur l’environnement du Bénin954 Art.48 loi-cadre sur l’environnement du Bénin.955 Art.76, 79 al2. loi-cadre sur l’environnement du Bénin
350
Deuxieme partie
§II : Une possibilité de répression de la personne morale très réduite
La possibilité de réprimer la personne morale en droit pénal, si elle existe
du point de vue théorique, elle rencontre dans la pratique des difficultés. Cela
s’explique par les difficultés du juge de mettre en mouvement l’action publique
contre la personne morale responsable d’une infraction (A) d’où la pauvreté de
la jurisprudence en la matière. Elles peuvent s’expliquer aussi par l’importance
accordée aux considérations économiques et politiques incarnées par ces
personnes morales (B).
A) Les difficultés quant à la mise en œuvre de la responsabilité de la personne morale
Malgré les dispositions de la loi-cadre, on a tendance à penser qu’au
Bénin, le principe directeur est l’inexistence de la responsabilité pénale des
personnes morales puisqu’aucun article de cette loi ne dispose clairement que
la personne morale peut être poursuivie et condamnée en cas d’infraction. Le
législateur, devra à l’instar de la France et de la Belgique mieux organiser cette
responsabilité Il peut insérer des dispositions novatrices dans le projet de code
pénal en instance au parlement et dans le projet de révision de la loi-cadre. Par
exemple, en France, cette responsabilité pénale, adoptée par la loi du 22 juillet
1992, entrée en vigueur le 1er mars 1994956, est organisée par les articles 121-2
à 121-7 du nouveau code pénal et réaffirmée par des lois sectorielles. Ainsi,
l’article 121-2 alinéa 3 du NCP dispose : « la responsabilité pénale des personnes
morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des
mêmes faits, sous réserves des dispositions du quatrième alinéa de l’article
121-3 ». En Belgique, elle est organisée par l’article 5 du code pénal et par la
loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales957.
956 GEEROMS(Sofie), La responsabilité pénale de la personne morale : une étude comparative, RIDC, 3/1996 p.537.
957 Ce texte est publié au Moniteur belge le 22 juin 1999 et est en vigueur depuis le 2 juillet 1999.
351
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Ces articles organisent comme on le constate clairement les conditions et les
modalités d’incrimination de la personne morale.
Au Bénin comme un peu partout en Afrique, les pesanteurs économiques
prennent le pas sur le droit de l’environnement.
B) Les pesanteurs économiques freinent l’application du droit pénal des personnes morales
En Afrique, nous l’avions déjà précisé dans nos développements
antérieurs, on a tendance à penser le développement économique sans trop se
soucier des aspects environnementaux. Le leitmotiv est donc, à côté du secteur
public, le développement du secteur privé, source de création d’entreprises,
devant conduire à l’amélioration de la croissance économique. Il s’agit de créer
la richesse et l’emploi. Or, les investissements se font généralement dans les
secteurs potentiellement nuisibles à l’environnement. Lorsqu’on sait que les
personnes morales sont principalement les gros pollueurs de l’environnement
on se demande comment appliquer une telle législation ? L’on pense à cet effet,
qu’une législation trop rigide est susceptible de bloquée les investissements. Dès
lors, l’application de la politique criminelle en cette matière semble être relative
car elle se trouverait en concurrence avec le développement économique. La
condamnation à des peines d’amende ou à des peines complémentaires de la
personne morale ne risque t-il pas de « tuer » les sociétés ou les entreprises
pourvoyeuses de devises et d’emplois ?
Au Bénin, c’est dans ce cadre que s’inscrit les diverses pollutions
occasionnées par des sociétés cimentières (SCO, CIMBENIN, SCB) ; par
l’OCBN avec le transport du soufre, par des huileries et autres entreprises
pollueurs à grande échelle, objet de permanents soulèvements populaires en
raison des conséquences diverses de leurs activités, le juge saisit a du mal à
sanctionner958. La jurisprudence béninoise a affirmé le principe de l’inexistence
958 Recours devant la Cour constitutionnelle ; Voir par exemple la note n°1589/CC/SGA/VI du 4 septembre 2008 adressée au Ministre de l’Environnement et de la Protection de la Nature pour mesure d’instruction au sujet des pollutions engendrées par la SCB dans une agglomération urbaine.
352
Deuxieme partie
de la responsabilité pénale des personnes morales. Ainsi en a disposé l’arrêt n°
21/2000 du 27 janvier 2000 de la Cour d’Appel de Cotonou, RG n° 006/2000 dans
l’affaire Société des ciments d’Onigbolo-Agent judiciaire du trésor contre Société
Groupe MyC International Sarl959. En l’espèce, la SCB, Société d’exploitation
bénino-nigériane, a passé commande, courant 1997 à la société Groupe MyC
international Sarl, pour des matériels et pièces de rechanges ayant fait l’objet de
divers contrats.
Dans cette affaire, le juge pénal a clairement affirmé mais à tord que
dans « le droit positif béninois, il n’existe pas de responsabilité pénale des
personnes morales ; et que les personnes morales sont des êtres juridiques
fictifs dont tous les actes sont posés par des personnes physiques qui les
dirigent 960». Dans le cas d’espèce, cette décision du juge est contraire à l’esprit
et à la lettre des dispositions de la loi-cadre précitée. Lorsqu’il estime que seules
les personnes physiques peuvent voir engager leur propre responsabilité pénale
à raison des actes délictueux qu’elles commettent dans la gestion des personnes
morales qu’elles servent et dirigent, il méconnait les dispositions des articles
46,47,48,116,118, 121 de la loi-cadre qui affirment le principe de la sanction de
la personne morale.
Par ailleurs, ces entreprises privées sont des filiales de grands groupes
étrangers multinationaux dont parfois les capitaux sont drainés vers des
puissances étatiques du monde. On peut citer par exemple le groupe AREVA,
une filiale française, implantée au Niger pour l’extraction minière (uranium).
Cette entreprise, dans sa course effrénée à l’enrichissement, avec des
dividendes certaines pour le Niger, occasionne des effets néfastes aussi bien sur
l’environnement que sur l’homme d’autant plus que c’est un minerais fortement
cancérigène qui y est recherché. Il s’ensuit que le juge pénal influencé par le
politique et les puissances d’argent, aura tendance à protéger les investisseurs
au détriment de l’environnement.
Ainsi, aux pesanteurs économiques et financières s’ajoutent des
considérations géostratégiques et politiques. Alors comment envisager des
959 (A.F)SAIZONOU BEDIE, Jurisprudence béninoise, recueil d’arrêt de la cour suprême et des cours d’appel de Cotonou et de Parakou, éd. N°1, 2005, p.135.
960 Idem,
353
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
poursuites contre ces genres de sociétés à caractère stratégique et dissuasif?
Quelle est réellement la portée de cette responsabilité des personnes morales?
Au delà de ces questionnements il nous parait nécessaire que le législateur
béninois réfléchisse sur l’opportunité de revisiter le droit des personnes morales
afin de le rendre plus dynamique.
En effet, s’inspirant de certaines législations ayant adopté la
responsabilité pénale des personnes morales, le Bénin peut bien refonder
son système pénal en envisageant effectivement la mise en œuvre d’une telle
responsabilité par l’adoption d’une nouvelle loi. Il ne s’agira pas de copier
exactement les dispositions des législations européennes, car ce qui est valable
en France et prospère ne l’est pas forcement au Bénin. Mais surtout d’innover
en tenant compte du contexte national. Ainsi, en Afrique, il ne nous paraît pas
pertinent aujourd’hui où les Etats évoluent vers un Etat plus fort et puissant,
d’aller dans le sens d’une pénalisation de cette puissance publique. Il faut
éviter la fragilisation de la personne morale publique que constituent l’Etat et
même les Communes961 qui viennent à peine de naitre au Bénin. Cette forme
d’immunité pénale, dont les raisons reposent sur des considérations politiques,
a pour intérêt la consolidation des acquis démocratiques et l’instauration d’un
Etat de droit solide.
Cependant, en cas de délégation ou de concession d’activités, les
délégataires peuvent pénalement répondre de leurs actes de gestion qui
apparaissent comme détachables de la personne morale publique. Il s’ensuit
qu’une réforme du droit pénal dans ce sens, doit viser prioritairement la
pénalisation des personnes morales de droit privé. La crainte de se voir infliger
de lourdes sanctions devrait pouvoir sensibiliser ces personnes morales à agir
en bon père de famille et avoir une gestion écologiquement rationnelle de leurs
prestations à l’égard de l’environnement.
961 Comme au Luxemburg où, la loi du 3 mars 2010 a introduit la responsabilité pénale des personnes morales dans l’arsenal législatif. Elle est entrée en vigueur le 15 mars 2010. Cette responsabilité s’applique à toutes les personnes morales à l’exception des personnes morales publiques que sont l’Etat et des Communes. Source : internet : www.droit.belge.net.
354
Deuxieme partie
En conclusion, on a pu constater tout au long de ce chapitre, que
l’introduction de la responsabilité pénale des personnes morales dans un système
répressif n’est pas chose aisée. Si les pays comme la France, la Belgique, les Pays-
Bas, l’Allemagne, pays à très longue tradition juridique et à forte expérience
dans l’application du droit de l’environnement, après avoir été réticent pendant
longtemps, ont fini par l’adopter tout récemment, c’est que, cette décision n’a
pas été sans obstacles majeurs pour le législateur. C’est pourquoi, en rappelant
les expériences française et belge, et en posant les principes qui sous-tendent
cette responsabilité des personnes morales, particulièrement en droit de
l’environnement, nous avons pour intention non pas d’apporter une solution
définitive mais de susciter ou d’engager, des pistes de réflexion afin d’éveiller la
conscience du législateur béninois sur l’opportunité d’expérimenter cette forme
de responsabilité très efficace en matière de protection de l’environnement. Car
les personnes morales, réalités économiques, deviennent de plus en plus une
réalité criminologique, plus en matière environnementale que dans d’autres
secteurs. Cette réflexion du législateur béninois qui doit découler de la refonte
du code pénal, peut s’étendre également sur les infractions environnementales
transfrontières.
355
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
CHAPITRE VIII : LA REPRESSION DE LA POLLUTION TRANSFRONTIERE
L’humanité est confrontée depuis le développement de l’industrie
à des catastrophes de tous genres, causées non pas seulement par la nature,
mais aussi et surtout par la main de l’homme. Au nombre de ces catastrophes
humaines, figurent les crimes environnementaux, notamment les atteintes
à l’environnement qui vont au-delà des frontières d’un seul Etat, d’où la
régionalisation ou l’internationalisation des crimes environnementaux. Le
présent chapitre qui oriente la répression environnementale sur le terrain
du droit international, n’a pas la prétention d’aborder tous les contours de la
pollution transfrontière, mais se propose d’analyser les perspectives qu’offre le
droit répressif en cas d’infraction relative à la pollution transfrontière des eaux
(continentales et marines) et de l’air.
Il importe donc de s’attacher au besoin d’universalité de la réponse
pénale, afin d’atteindre les responsables au-delà de la protection des frontières,
même si cette « réponse est plus timide et procède davantage de la quête
que de l’acquis »962 car, face aux crimes contre l’environnement, le droit pénal
international n’a-t-il pas un gage de remède qui pourrait être aussi efficace ?
Dès lors, on pourrait affirmer que le concept de droit pénal international
s’applique habituellement à deux domaines distincts du droit : les dimensions
internationales du droit pénal interne, et ce qu’on pourrait appeler le droit
pénal international proprement dit, c’est-à-dire le droit pénal substantiel et ses
corollaires d’institutions judiciaires pénales et non juridictionnelles.
Alors que les forces policières, les procureurs et les tribunaux d’un
pays ne peuvent exercer leurs fonctions qu’à l’intérieur du territoire relevant
de leur compétence, la pollution transfrontière occasionne des infractions qui
ne tiennent pas compte des frontières. C’est pour palier à ces conséquences
néfastes sur l’environnement que les Etats ont dû concevoir des outils juridiques
962 MAyAUD (yves), La responsabilité pénale découlant des crimes environnementaux. Communication prononcée lors de « Regional Conference on Environmental Crimes in the Arab States », Berut –Republic of Lebanon, mars 2009.
356
Deuxieme partie
et non juridiques susceptibles de servir dans les cas où un ou plusieurs éléments
objet du délit auraient été perpétrés à l’étranger.
Comme nous le constatons, la pollution transfrontière pose beaucoup
de problèmes de droit dont la résolution dépasse largement le seul cadre du
droit pénal et interpelle les autres disciplines juridiques. Dès lors, le recours à
ces disciplines est nécessaire pour venir à bout du contentieux de la pollution
transfrontière.
Ainsi, il s’agira d’une part de mettre en relief le contentieux de la pollution
transfrontière en analysant le mode de règlement juridictionnel, en mettant
l’accent sur la compétence en la matière (Section I) et d’autre part, d’explorer
les mécanismes et les sanctions non juridictionnelles, fondés sur la coopération
interétatique (Section II).
SECTION I : LA COMPETENCE EN MATIERE DE POLLUTION TRANSFRONTIERE
Selon le professeur MOTULSKy, le contentieux consiste à « soumettre à
une juridiction un litige qui met en cause une prétention tendant à la mise en
œuvre d’une règle de droit »963. Dans le domaine de l’environnement, on parle
de contentieux civil, du contentieux pénal, du contentieux administratif et dans
le domaine du droit international, on parle de contentieux international. Notre
analyse n’insistera pas trop sur le contentieux civil mais se penchera davantage
sur les trois derniers contentieux des pollutions transfrontières. Ce recours à
l’approche international apparait à notre avis comme aussi une forme de solution
aux préoccupations environnementales.
Dans les chapitres précédents, les régimes de responsabilité et de
sanctions envisagées s’appliquent lorsque l’auteur de l’infraction se trouve à
l’intérieur du même Etat. La question devient plus complexe lorsque l’infraction
ou une partie de l’infraction prend sa source à l’extérieur de l’Etat concerné.
963 Cf. CUJAS, les cours de droit, 1973 ; cité par HUGLO (C), Contentieux : problématiques et perspectives, Fascicule 1005, Edition Techniques –Juris-Classeurs, 2, 1992.
357
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Ainsi, avant d’aborder le problème de la compétence des juridictions
internes qui pourraient éventuellement connaitre des conflits de pollution
transfrontière (§II) il conviendrait d’abord de définir et de circonscrire l’infraction
environnementale transfrontière (§I).
§I : La définition et les manifestations du phénomène de pollution transfrontière
Depuis le début du XXème siècle, les problèmes relatifs aux ressources
naturelles et/ou environnementales ont été résolus au niveau international. En
particulier les problèmes de pollution transfrontière, ont été réglementés par
des accords internationaux964, bilatéraux ou multilatéraux. C’est donc au sein
de ces instruments internationaux qu’il conviendrait de rechercher les éléments
de définition de la pollution transfrontière avant d’envisager ses manifestations.
A) Les éléments de définition de la pollution transfrontière
Selon les auteurs Alexandre KISS et Dina. SHELTON, qui reprennent
l’article 1er (a) de la convention de Genève sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance (1979), la pollution s’entend de « l’introduction
par l’homme, directement ou indirectement de substances ou d’énergie dans
l’environnement qui entraînent des conséquences préjudiciables de nature
à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et
aux systèmes écologiques, à porter atteintes aux agréments ou à gêner les
autres utilisations légitimes de l’environnement ». Cette définition souligne le
rapport étroit entre le droit de l’environnement et le comportement humain,
notamment les activités anthropiques. Tous les instruments juridiques nationaux
et internationaux relatifs à la pollution ont fait d’assez larges développements
sur la question de sorte qu’il n’est pas trop nécessaire de s’y attarder.
Par contre, l’adjectif « transfrontière » qui s’ajoute mérite qu’on lui
accorde une attention particulière. Ainsi dans le même article, en son alinéa 2,
964 KISS (A), Introduction au droit international de l’environnement, Cours 1, UNITAR, 1999
358
Deuxieme partie
la même convention, entend par pollution transfrontière, « la source physique
comprise totalement ou en partie dans une zone soumise à la juridiction nationale
d’un Etat et qui exerce des effets dommageables dans une zone soumise à la
juridiction nationale d’un Etat et qui exerce des effets dommageables dans une
zone soumise à la juridiction d’un autre Etat à une distance telle qu’il n’est pas
généralement possible de distinguer les apports des sources individuelles ou
groupes de sources d’émission »965.
A partir de cette convention, plusieurs autres conventions, institutions
ou organismes ont produit des définitions, lesquelles se rapprochent
essentiellement de cette dernière. C’est le cas de l’Institut de Droit International
qui lors de sa session du Caire sur la pollution transfrontière, a retenu la
définition suivante : « toute altération physique, chimique ou biologique de la
composition ou de la qualité de l’atmosphère résultant directement d’un acte ou
d’une omission de l’homme et produisant des effets dommageables ou nocifs
dans l’environnement d’autres Etats ou de zones situées au-delà des limites de
la juridiction nationale »966.
Quant à la pollution marine transfrontière, elle est définie comme
« l’introduction directe par l’homme de substance ou d’énergie dans le milieu
marin, y compris les estuaires, lorsqu’elle a ou peu avoir des effets nuisibles tels
que des dommages aux ressources biologiques, à la faune et à la flore marine,
des risques pour la santé humaine, des entraves aux activités maritimes, y
compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, des altérations à
la qualité de l’eau de mer du point de vue de son utilisation et des dégradations
de valeurs d’agréments »967.
Pour les organisations internationales dont l’OCDE, « il s’agit de toute
pollution volontaire ou accidentelle dont l’origine physique est soumise à
la juridiction nationale d’un pays et qui se situe en tout ou en partie dans la
965 KISS (A), SHELTON (D), Traité de droit européen de l’environnement, ed. frison-Roche, 966 Geraldo E. do NASCIMENTO e SILVA (Rapporteur), La pollution transfrontière de l’air,
XXème Commission, Institut Droit International Session du Caire, 1987. www.idi.org/Idif/resolutions
967 Cf. Convention de Montego Bay de 1982, art. 1er ; la Conférence de Stockholm de 1972.
359
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
partie placée sous la juridiction nationale d’un autre pays ».968 Les polluants
transfrontières sont des polluants les plus difficiles à endiguer. Elles ne
connaissent pas les frontières tracées par le droit international. La situation
peut être schématisée comme suit : un Etat A autorise des activités sur son
territoire. L’exercice normal de ces activités provoque des dommages à un Etat
B. la pollution qui s’étend au –delà des frontières de l’Etat A, se manifeste sur le
territoire de l’Etat B et y provoque des dommages.969
Les polluants peuvent être transportés sur une distance de 1000
km de leur source970. La pollution de l’air ou pollution atmosphérique illustre
parfaitement ce phénomène transfrontalier. En effet, c’est l’arrêt de principe
rendu par la sentence arbitrale, dans l’affaire de la fonderie de Trail (1941)
entre les USA et le Canada qui a été à l’origine d’une première condamnation
en l’espèce. Dans cette décision, le tribunal énonça ses célèbres conclusions.971.
Les conclusions de cette décision ont certainement inspiré la définition de la
pollution transfrontière non seulement en matière de pollution atmosphérique
mais aussi en toute autre matière environnementale comme la pollution des
eaux.
B) Les sources et les manifestations de la pollution transfrontière
Au regard du droit international de l’environnement, il apparait presque
évident que les premiers instruments de lutte contre les pollutions transfrontières
se sont intéressés à l’air et aux eaux continentales972 mais aussi marines. En
968 V. Recommandation C (77) 28 (final), Annexe C, du 17 mai 1977, citée par A. KISS et J. P. BEURIER, Droit international de l’environnement, Paris, Pedone, 2000, p.102.
969 ASSEMBONI (Alida. N.), Le droit de l’environnement marin et côtier en Afrique Occidentale, cas de cinq pays francophones. Thèse de Doctorat, Université de limoges, Université de Lomé, 2006.
970 (L) GUNDLING, Droit international de l’environnement : atmosphère, eau douce et sol, Cour 7 UNITAR, 1999.
971 Cf. infra p.349.972 ASSEMBONI (Alida. N.), Le droit de l’environnement marin et côtier en Afrique Occidentale,
cas de cinq pays francophones. Thèse de Doctorat, Université de limoges, Université de Lomé, 2006.
360
Deuxieme partie
effet, la pollution transfrontalière se manifeste sous plusieurs formes. Il peut
s’agir de la pollution atmosphérique ou pollution de l’air, de la pollution des
eaux (pollution des cours d’eau ou la pollution maritime). Une troisième forme
de pollution, celle du sol est de plus en plus remarquable, même si elle n’est
pas spectaculaire et plus médiatisée que la pollution marine. Pour illustrer les
manifestations de la pollution transfrontière et apprécier l’ampleur de leurs
effets nocifs sur l’environnement des Etats victimes, nous allons fonder notre
raisonnement sur les effets et la réponse apportée à deux types d’exemples de
pollution transfrontière. Le premier va concerner la pollution atmosphérique
dans les pays du Nord et le second la pollution des eaux, notamment marines,
dans la sous région ouest africaine.
1) Les manifestations de la pollution atmosphérique transfrontières
L’idée à l’origine part d’un principe très simple. Les Etats sont souverains
sur leur territoire. Ils jouissent d’une souveraineté sur leurs ressources
naturelles mais uniquement à l’intérieur de leurs frontières. Au-delà de leurs
frontières nationales, ces derniers ne disposent d’aucune souveraineté sur les
ressources naturelles situées dans ces zones. La décision d’un Etat de permettre
ou d’autoriser l’exercice d’activités polluantes sur le territoire d’un autre Etat
entraine inévitablement sa responsabilité au regard du droit international.
C’est ce qui ressort de la légendaire jurisprudence de la fonderie de Trail. C’est
la première affaire jugée sur le fond du droit international de l’environnement.
Ainsi, cet arrêt de principe est le point de départ de la prise de conscience des
Etats quant aux conséquences néfastes de la pollution de l’air occasionnée par
les usines. Un rappel des faits s’impose.
L’affaire se déroule en plein XXème siècle avec le développement de
l’industrie, dans une contrée dans la Colombie britannique, appelée Trail, où
une compagnie canadienne exploite une des plus importantes fonderies de
l’Amérique du Nord. Dans l’usine, les minerais de zincs et de plomb sont traités
pour extraire leur métal. Les minerais contiennent du souffre, qui est rejeté
dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de soufre. En 1930, les émissions
361
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
de dioxydes s’élevaient a environ 600 (à 700) tonnes par jour. Le dioxyde de
carbone était transporté dans le sud, au-delà des frontières des USA et du
Canada. L’ampleur des polluants disséminés dans la nature étaient énormes
et des dommages considérables furent causés à l’Etat de Washington, en
particulier aux cultures, aux bois, aux pâturages, au bétail et aux immeubles973.
Ainsi, comme on le constate, le danger concret ou le risque potentiel de danger
qui caractérise l’infraction matériel de crime contre l’environnement est, semble
t-il ici apparent, puisqu’il y a là «effet dommageable » ou «altération (…) de la
qualité de l’air » provenant d’un Etat sur un autre Etat voisin.
Face à ce préjudice matériel créé aux USA par l’industrie canadienne,
les USA ont porté plainte contre le Canada. Par la suite, des négociations ont
débuté à partir de 1927 et finalement la question a été soumise à la commission
internationale établie par les deux pays qui ont accepté le principe de régler leur
différend au moyen de l’arbitrage974.
En Afrique aussi des cas de pollutions de l’air transfrontière existent mais
nous nous préoccuperons particulièrement de la pollution marine le long des
côtes ouest africaines.
973 GUNDLING(L), Droit international de l’environnement : atmosphère, eau douce et sol, Cour 7 UNITAR, 1999 ; v. Reports of International Arbitral Awards, vol.3, pp.1903-1982.
974 Cf. infra. B.1) p.390.
362
Deuxieme partie
2) Les manifestations de la pollution marine transfrontière
Les pays du Sud et particulièrement les côtes africaines, sont généralement
victimes non pas seulement des catastrophes naturelles ou déversements
accidentels mais surtout de diverses formes de pollutions manifestement liées
aux activités anthropiques, notamment minières ou industrielles.
Pour illustrer nos propos, intéressons-nous particulièrement à une
usine d’extraction minière de production de phosphates togolais de Kpémè
et observons sur les côtes maritimes béninoises, les manifestations et les
conséquences du phénomène.
En effet, les faits remontent en 1952 à la découverte du minerai de
phosphate975 dont l’extraction a débuté depuis 1954. La technique utilisée est
celle de la technique de transformation du minerai brut en minerai marchand.
Elle consiste, sur les côtes togolaises à l’utilisation de l’eau de mer pour laver le
minerai brut et en extraire le produit fini. Le phosphate brut contenant 20% à
30% d’argile est transformé en pulpe par addition d’eau de mer dans de grands
cylindres animés d’un mouvement rotatif. Une fois le produit débarrassé de sa
gangue argileuse, il est ensuite admis dans les essoreuses où il est centrifugé pour
l’élimination de l’eau de mer, et rincé pour l’élimination de chlore introduit lors
des opérations de délitage, de lavage et de tirage. Ce mécanisme de traitement
des boues de phosphates est potentiellement à l’origine d’un danger pour
l’environnement marin au delà des frontières togolaises. Puisque les eaux usées
issues du lavage et du rinçage du phosphate sont directement rejetées dans la
mer ; de sorte que d’après les estimations faites en 1990, il a été révélé qu’avec
sa capacité de production, l’usine rejetait 70.000 à 100.000 m2 d’eaux usées
mélangées à 2400 tonnes d’argile et 480 tonnes de sable par jour. Par l’effet
des courants marins, les mélanges de déchets rejetés par l’usine sont drainés
presque dans les eaux marines béninoises976. Cette pollution est ressentie jusqu’à
975 C’est la principale source de revenu du Togo avec 40% des recettes d’exportation et 21% du PIB. Il occupe au plan mondial la 4ème place.
976 ASSEMBONI (Alida. N.), Le droit de l’environnement marin et côtier en Afrique Occidentale, cas de cinq pays francophones. Thèse de Doctorat, Université de limoges, Université de Lomé, 2006, p.185 V. aussi CHALLEMEL (Wilfried du Rosier), L’environnement industriel au Togo, PNUE, Paris 1990.
363
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Grand-Popo au Bénin et est visible par la coloration jaunâtre de la mer sur près
de 400 à 500 m de la côte sur une distance d’environ 250 kilomètres.977 D’un côté
comme de l’autre, les effets de cette pollution se font ressentir principalement
sur les populations riveraines qui vivent essentiellement des produits de la mer.
Au Bénin, selon ASSEMBONI, la côte aurait entamée l’éloignement ou
la mort de bancs de poissons d’où la baisse des activités de pêches. Certains
estiment même que la concentration de phosphates dans les tissus de poissons
pourrait présenter des dangers à la consommation humaine. Seulement, aucun
contrôle sanitaire n’a été effectué dans cette zone concernant la toxicité des
poissons consommés à Lomé et à Cotonou, de manière à lever toute équivoque
sur la question978. Dans un autre document publié sur la pollution marine le long
du littoral de Cotonou à Grand-Popo, il a été souligné que « la pollution des eaux
marines côtières est évidente dans les régions de Grand-Popo et elle est due au
rejet de l’usine de phosphates de Kpémè au Togo »979. Dès lors, le Bénin n’a pas
hésité a accusé le Togo de pollution marine, sans toutefois porter plainte contre
l’Etat togolais ni contre l’entreprise.
Dans une dynamique coopérative de règlement de ce problème
environnemental, les deux pays ont amorcé des négociations. La pollution
prenant sa source au Togo et se manifestant au Bénin, a interpellé les autorités
politiques des deux pays chargées des questions environnementales lesquelles
ont décidé courant 2001 de la création d’un cadre de concertation au niveau
régionale980. Le groupe d’experts du cadre de concertation, a réussi seulement
à recenser les problèmes environnementaux communs aux deux pays à
savoir : la pollution marine, l’érosion côtière, la gestion intégrée du littorale,
l’aménagement du bassin du fleuve mono et gestion des aires protégées. A
l’issue de ces concertations, des recommandations ont été faites notamment
977 ACOUETEy (Covi), La lutte contre les pollutions transfrontières : cas du Togo et du Bénin, Mémoire de DEA, en droit et politique de l’environnement, UL, Togo, 2000-2001, p.11.
978 ACOUETEy (Covi), op.cit.p.13.979 « Problèmes prioritaires en rapport avec la production, l’exportation et l’utilisation de
produits chimiques » sur http://ecb.jrc.it/natprof:bénin/Chapitre3.htm. Cité par A. ASSEMBONI, Thèse, op. cit. p.185
980 Ce cadre de concertation ainsi créé, a eu deux réunions. Une première a eu lieu à Lomé le 2 février 2001 et la deuxième à Cotonou en Janvier 2002.
364
Deuxieme partie
en ce qui concerne la gestion de ces pollutions transfrontières981. Mais, cette
initiative très noble, n’a pas atteint les objectifs assignés. Ainsi, aucun résultat
n’a été encore atteint.
Mais, l’on peut se réjouir tout au moins de la signature à Lomé, courant
décembre 2011 par les deux délégations conduites respectivement par les deux
Ministres chargés de l’environnement, de l’Accord de coopération entre les deux
gouvernements dans le domaine de l’environnement et de la gestion durable
des ressources naturelles982. Selon l’article 2, « l’accord fixe les clauses sur la base
desquelles les deux parties s’engagent à promouvoir et à développer, au travers
d’une concertation permanente entre leurs autorités compétentes respectives,
la coopération en vue de gérer durablement leurs ressources forestières
respectives, de limiter les dégâts occasionnés par les inondations, de contrôler
les rejets en mer des déchets de toutes sortes, de lutter contre l’érosion côtière
et de mettre en œuvre les actions concertées d’identification, de résolution et
d’évaluation des problèmes environnementaux d’intérêt commun »983. L’article
3 quant à lui précise entre autres tâches, « l’élaboration des projets en vue de la
résolution définitive du problème de pollution des eaux marines et des côtes du
fait de rejet des boues de phosphates et autres »984. Pour atteindre ces objectifs,
l’accord prévoit la création de deux organes : un comité de pilotage ministériel
présidé de façon rotative par les Ministres en charge de l’environnement des
deux parties et un comité technique paritaire présidé de façon rotative par un
cadre de haut rang de chaque partie.
Au regard de ce qui précède, il apparait plus ou moins clairement que le
Bénin, en dépit des manifestations fragrantes de pollution marine sur ses côtes
981 « Conclusions et recommandations » de la rencontre entre les deux délégations ministérielles, Cotonou, MEHU, 2 février 2001.
982 Cf. Annexe n°IV : Accord de coopération entre le Bénin et le Togo 983 Communication en conseil des Ministres, n° 0046/MEHU/DC/CTUA/SGM/DGE/SP-C du
9 décembre 2011 portant autorisation de signature à Lomé le 15 décembre 2011, d’un accord de coopération entre la République du Bénin et la République togolaise, relatif à la gestion durable de l’environnement et des ressources naturelles et instituant un partenariat entre le Ministère de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme (MEHU) du Bénin et le Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF) du Togo.
984 Idem.
365
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
par le voisin togolais, a opté pour un règlement à l’amiable. Autrement dit ce
règlement ne tient pas compte du droit pénal de l’environnement mais plutôt du
droit administratif ou plus précisément du droit international public. Il s’ensuit
qu’en droit des pollutions transfrontières, le droit pénal n’intervient que très
rarement. Le droit pénal d’ailleurs, n’intervient généralement que si toutes les
autres voies de droit ont été épuisées.
Cependant, remarquons que le Bénin pouvait également explorer la voie
judiciaire à condition que sa prétention, pour qu’elle ait un fondement juridique,
et déférée devant les tribunaux, soit appuyée de documents scientifiques
qui établissent la preuve de l’infraction de rejet de substances nuisibles ou
dommageables à l’environnement marin au sens de pollution transfrontière.
En droit de l’environnement plus qu’en droit commun, cela n’est pas facile à
démontrer. Il se pose dès lors, le problème de la compétence juridictionnelle des
infractions liées à cette forme de pollution.
§II : La compétence des tribunaux en matière de pollution environnementale transfrontière
Selon le professeur yves MAyAUD, la compétence des juridictions
internes dans le domaine international pénal repose sur trois critères principaux :
celui de la territorialité, en application duquel sont compétentes, pour appliquer
leur droit national, les juridictions du pays où l’infraction a été commise, celui
de la personnalité active, qui attribue compétence aux juridictions du pays
dont l’auteur de l’infraction est le ressortissant, et enfin celui de la personnalité
passive, par lequel sont désignées comme pouvant appliquer leur loi nationale
les pays dont les victimes sont les ressortissants. Tous ces critères conjugués
débouchent naturellement sur des conflits de compétences, plusieurs juridictions
de pays différents pouvant revendiquer l’application de leur droit national pour
une même infraction.985 Cette situation, qui n’est déjà pas confortable en droit
commun, se trouve manifestement aggravée en rapport avec les atteintes à
985 MAyAUD (yves), Regional Conference on “environmental Crimes in the Arabs states, “Criminal responsibility arising from environmental crimes”, Mars 17-18, 2009. Beirut -Republic of Lebanon. Sources: internet. www.yvesmayaud.3pdf
366
Deuxieme partie
l’environnement. En effet, compte tenu de la spécificité de ces atteintes qui
se traduisent par des effets diffus, il en découle que les victimes peuvent être
nombreuses, et avec elles les juridictions pour prétendre leur rendre justice. Il
n’est pas évident de régler cette concurrence, et il ne peut qu’en résulter une
déperdition de réaction ; la juridiction nationale qui semble finalement la mieux
adaptée intègre difficilement dans sa démarche processuelle la dimension
internationale des faits.
Dès lors, il conviendra de cerner le régime juridique, complexe et difficile
de la pollution environnementale transfrontière. Pour ce faire, nous analyserons
la réponse pénale aussi bien au niveau du droit interne à travers les tribunaux de
l’Etat pollueur que de l’Etat victime (A) mais aussi au niveau du droit international
à travers les tribunaux internationaux (B).
A) Les tribunaux à compétence interne
Lorsque le dommage ou le risque sérieux de dommage (concret) qui
fonde une infraction particulière contre l’environnement se produit à l’extérieur
de l’Etat ou l’infraction a été commise, que ce soit totalement ou en partie, il
devrait être possible de poursuivre son auteur dans l’Etat où l’infraction a été
commise, ou dans tel autre Etat où le dommage ou le risque sérieux de dommage,
se produit à condition que les droits de la défense soient garantis et, dans le
respect du droit international applicable. La solution de plus en plus acceptée
est le règlement entre individus à l’intérieur des Etats en ayant recours au droit
privé plutôt qu’au droit international public. Lorsqu’un habitant d’un Etat subit
des préjudices dus à une pollution provenant d’un autre Etat, il peut intenter
une action civile ou pénale contre le pollueur. Il reviendra au tribunal d’établir
le lien de causalité, d’identifier le pollueur et d’évaluer la peine encourue en
fonction des textes existants.
1) La compétence des tribunaux de l’Etat pollueur
Le principe pollueur payeur, principe cardinal en droit de l’environnement
exige de celui par qui le préjudice est arrivé à le réparer. C’est pourquoi, l’Etat à
367
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
l’origine de la source de pollution serait tenu donc responsable vis-à-vis de l’Etat
victime. En l’espèce, c’est le droit national de ce pays qui s’applique. A cet égard,
un problème d’ordre général peut se poser. On pourrait se demander quelle
serait le degré de responsabilité de l’Etat lorsque l’infraction transfrontière est
occasionnée par une entreprise privée ? En effet, il est évident, que la plupart des
actes de pollutions découlent des activités de personnes privées ou de personnes
morales de droit privé se trouvant sous la juridiction de l’Etat ayant occasionné
la source de pollution. La plupart du temps, ces activités sont des activités
légales, régulièrement autorisées. La règle générale semble être que l’Etat dont
le territoire sert de support aux activités causant des préjudices écologiques
hors de ses frontières, ou sous le contrôle duquel a eu lieu l’acte dommageable,
soit responsable pour le dommage qui en résulte. Les tribunaux de cet Etat
sont donc compétents pour connaitre du contentieux pénal dès qu’une action
serait engagée contre la personne physique ou l’entreprise responsable de la
pollution. Puisque le droit pénal ne s’applique qu’aux individus ou aux sociétés
et non aux personnes morales publiques comme l’Etat. Mais le professeur yves
MAyAUD, dans ses analyses semble n’être pas de cet avis. Il reconnait certes,
que « l’Etat est une entité insusceptible de sanctions pénales », mais il constate
« que nombres de sanctions peuvent rester impunies tout simplement parce
qu’elles trouvent leurs sources dans les initiatives des Etats eux-mêmes, ou de
leur émanation. Dès lors, il estime que les Etats doivent pouvoir engager leur
responsabilité lorsqu’ils interviennent , non en tant qu’autorité régalienne, mais
comme un simple rouage, public ou privé, dans la chaine de production ou de
distribution de biens. Il s’agit en quelque sorte de réserver la responsabilité à
ce qui serait attentatoire à l’environnement indépendamment de l’exercice de
prérogatives de puissance publique »986.Maitre HUGLO, faisant allusion au droit
civil, opte quant à lui pour une action récursoire, l’éventuelle possibilité pour
l’Etat reconnu coupable de se retourner contre l’auteur matériel du dommage
(l’entreprise)987.
986 MAyAUD (yves), La responsabilité pénale découlant des crimes environnementaux, op.,cit.987 Cité par CURRAT (Philippe), in, La pression de l’environnement sur le droit international,
article, 2009. Source : www.philippecurrant.
368
Deuxieme partie
En Europe selon une certaine doctrine, qui s’oppose à la doctrine de
l’ubiquité988, le droit national favori semble être la juridiction compétente du
domicile du défendeur, donc de l’Etat pollueur. Car, ce dernier peut mieux
se défendre devant les tribunaux locaux, d’autant plus que la preuve de la
responsabilité incriminée peut être plus facilement apportée, les témoins
disponibles et plus facilement convoqués et l’exécution du jugement en faveur
du plaignant est assurée989. Mais en droit de l’environnement, les défendeurs
sont généralement plus forts ou plus puissants. Dès lors, l’on peut craindre
que les juges de l’Etat pollueurs aient tendance à protéger d’une manière ou
d’une autre les intérêts socio-économiques du pollueur et ne pas protéger
suffisamment ceux de la victime.
Dans cette logique, considérons l’hypothèse où le Bénin porte plainte
contre le Togo dans l’affaire de pollution marine précédemment décrite. Dans
ce cas de figure, l’affaire peut être déférée devant les tribunaux togolais par
l’intermédiaire de la personne morale que représenterait le regroupement
des pêcheurs riverains victimes, s’il est organisé en association des pêcheurs
victimes des conséquences de l’entreprise qui exploite le phosphate togolais990
Le pollueur étant chez lui, et compte tenu de l’importance de cette entreprise
pour l’économie togolaise, « la balance des intérêts » peut beaucoup jouer en
faveur de la partie défenderesse.
Outre cette action directe en justice que pourrait intenter toute
personne physique ou morale directement exposée aux aléas de cette pollution,
l’Etat victime lui-même peut aussi exercer une action en justice contre l’Etat
du pollueur dont relève l’entreprise. Mais en dépit de l’acceptation générale
de cette responsabilité de l’Etat pollueur, «peut de plaintes en responsabilité
international ont été déposées par des Etats »991. Alors que la tendance générale,
988 Cf. infra p.388, A) 2. note n°1004989 KISS (A), et SHELTON (D), Traité de droit européen de l’environnement, éd. Frison-Roche,
Paris, 1995990 Dès l’origine en 1957 c’est la Compagnie Togolaise des Mines du Bénin, en 1974 elle
devient Office Togolais de phosphates, en 2002 International Fertilizer Group (IFG) Togo, et en 2007 Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT). Site officiel OTP http://www.otp.tg
991 KISS (A), et SHELTON (D), Traité de droit européen de l’environnement, éd. Frison-Roche, Paris, 1995.
369
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
est que le droit international interdit à un Etat de faire sur son territoire des
travaux qui causeraient un préjudice grave au territoire d’un autre Etat.992
D’autres auteurs font aussi remarquer que « le droit international public
interdit aux Etats d’entreprendre certaines actions dans les régions frontalières »
et mentionnent que la pollution des eaux internationales qui entraînent des
conséquences nuisibles sur le territoire de l’Etat victime du préjudice, constitue
une action interdite par le droit international.993
Par ailleurs, on peut rappeler dans une deuxième hypothèse, l’exemple,
déjà cité, de la décharge des déchets toxiques aux larges des côtes de la ville
d’Abidjan en Côte-D’ivoire. Outre la compétence des tribunaux ivoiriens, les autres
pays impliqués d’une manière ou d’une autre dans cette affaire soit en tant qu’Etat
du pavillon (Panama), soit en tant qu’Etat d’exportation ou d’embarquement des
slops (Pays-Bas), soit en tant qu’Etats de transit (Nigeria et Estonie), peuvent voir
aussi leurs tribunaux se déclarer compétents dans le contentieux pénal du fait
de degré de leur responsabilité dans l’instance pénale.994 ; et ce, à condition qu’il
soit établi que l’un des éléments de l’infraction ce soit déroulé. Ainsi, dans le cas
d’espèce, les tribunaux des Pays-Bas et naturellement de l’Etat victime se sont
déclarés compétents et ont jugé et condamné les auteurs de ces déversements
de déchets dangereux 995; d’où la compétence des tribunaux de l’Etat victime est
établie.
2) La compétence des tribunaux de l’Etat victime
Dans de nombreux Etats du Conseil de l’Europe, la compétence
conformément au principe de territorialité, se détermine en s’appuyant sur ce
qu’on appelle la doctrine de l’ubiquité ou des « effets ». Celle-ci signifie qu’une
992 ANDRASSy (A), Les relations internationales de voisinage. Recueil des cours de l’Académie de la Haye, vol.79, 1951, p.95 cité par ASSEMBONI (Alida), op.cit., p.175.
993 Hans THALMANN, cité par ASSEMBONI (Alida), op.cit., p.176994 Rapport de la commission internationale d’enquête sur les déchets toxiques déversé dans
le district d’Abidjan ; par BOGUI ZIRIyO, (Président), Côte-D’ivoire, 19 février 2007, pp.55-72
995 Aux Pays-Bas, le capitaine du Probo Koala a été condamné à une amende d’un million de dollar.
370
Deuxieme partie
infraction peut être considérée comme ayant été commise à l’endroit où une
partie de celle-ci l’a été. Autrement dit, une infraction peut être considérée
comme avoir été commise à l’endroit où ses conséquences et ses effets se
sont manifestés996. En droit pénal de l’environnement, l’application de cette
doctrine peut se confronter à des difficultés. En effet, les délits abstraits qui se
caractérisent par la violation d’une obligation administrative, ne peuvent pas
se manifester au-delà des frontières, n’étant pas des infractions matérielles
ou autonomes. Dans ce cas, il nous semble adéquat que l’Etat du pollueur soit
compétent. Si par contre, il s’agit d’un délit autonome, qui ne tienne pas compte
de violation de normes administratives, le tribunal compétent serait celui de la
victime.
Dès lors, on peut valablement soutenir que c’est bien les personnes
privées ou morales victimes qui devraient avoir le bénéfice de leurs propres
tribunaux, d’autant plus que la preuve et l’évaluation du préjudice seront plus
faciles à réunir devant la juridiction de la victime. C’est, semble –t-il la voie la
plus naturelle et sans doute, celle par laquelle il faut commencer, de manière
à afficher à la fois la densité de l’argumentation et la fermeté des victimes
d’obtenir réparation. En outre, la victime ne devrait pas avoir à supporter les
frais d’un procès dans un pays étranger. Le principe de territorialité suppose que
le prévenu soit jugé et condamné selon le droit de l’Etat où le délit ou le crime
a été commis, indépendamment de sa nationalité997, même s’il y a la possibilité
d’extrader le mise en cause. Ainsi, si nous considérons l’hypothèse relative
au contentieux entre le Bénin et le Togo, en l’espèce, le tribunal béninois, est
semble t-il mieux indiqué pour connaitre de ce contentieux pénal au même titre
que le tribunal ivoirien dans le cas de la deuxième hypothèse998. Car la victime,
étant sur place, elle pourrait mieux s’organiser pour soutenir sa requête.
Mais le risque est grand que le défendeur, qui a élu domicile dans un
autre pays ne se présente pas le jour de l’audience. D’où la coopération de
996 Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Rapport explicatif. Conseil de l’Europe, Edition du Conseil de l’Europe F.G7075 Strasbourg Cedex, février 2000, pp.8-9.
997 Hans A. ENGELHARD, Protection de l’environnement par le droit pénal, Rapport, présenté devant le comité des Ministres le 5 juin 1990, pp.295-310
998 En Côte-d’Ivoire, plusieurs condamnations ont été prononcées. Cf., supra chapitre IV.
371
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
l’Etat abritant l’entreprise pollueur, est nécessaire pour conduire à son terme
la procédure pénale. C’est dans ce cadre que pourrait intervenir au besoin, la
procédure d’extradition du prévenu.
Mentionnons que la responsabilité de l’Etat pollueur est ainsi engagée.
Car l’Etat, a l’obligation d’imposer un régime de contrôle et de surveillance
des activités menées sur son territoire et qui pourraient être préjudiciables
à l’environnement dans un autre Etat. Cette obligation de prudence et de
prévention, consisterait à la mise en place de régime d’autorisation imposée à
des installations pouvant porter préjudice à l’environnement. Autrement dit,
l’Etat se doit d’appliquer la même règle selon laquelle sa compétence territoriale
s’exerce non seulement dans les limites de sa juridiction, mais aussi partout
ailleurs où il doit exercer un contrôle. Il en résulte enfin, l’obligation pour les
Etats de ne pas causer de dommage à l’environnement dans des lieux échappant
à toute compétence territoriale tels que la haute mer, son lit et l’espace aérien
qui la surplombe, les grands fonds marins, l’Antarctique, ainsi que l’espace
cosmique, la lune et les autres corps célestes.999
Par ailleurs, l’Institut de Droit International, s’inscrit dans cette logique
lorsque dans sa résolution sur la pollution transfrontière de l’air, il précise que : «
tout en reconnaissant aux Etats le droit souverain d’exploiter leurs ressources
selon leur propre politique de l’environnement, souligne cependant leur devoir
de prendre également toutes les mesures propres à assurer que leurs activités
ou celles exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne
pose pas de pollution transfrontière de l’air »1000.
Mais parfois l’incapacité des systèmes juridiques nationaux à appliquer
correctement les règles du droit international fait que les Etats recourent de plus
en plus au règlement judiciaire international.
999 KISS (A) et Jean-Pierre B, cité par ASSEMBONI (Alida), op.cit., p.1671000 Résolution de l’l’Institut de Droit international de 20 septembre 1987, Recueil francophone
des textes internationaux en droit de l’environnement ; Université francophone, nouveaux supports, version CD Rom. V. aussi RJE, 1989, N° spécial, p.217.
372
Deuxieme partie
B) Le recours au règlement judiciaire international
Le recours à une juridiction internationale est aussi une possibilité offerte
aux Etats et particulièrement à l’Etat victime d’une pollution transfrontière et
même aux personnes morales de droit privé. Cette forme de règlement offre deux
possibilités à ceux qui ont intérêt à agir. Il peut s’agir de la voie juridictionnelle qui
comprend la procédure d’arbitrage et la procédure devant la Cour International
de Justice, mais aussi le recours à l’application des conventions internationales
en ce qui concerne leur mise en œuvre.
1) Le recours à la procédure d’arbitrage ou à la CIJ
Dans le cadre du règlement judiciaire, les Etats ont le choix d’engager
une procédure en cas de différend, devant soit une commission d’arbitrage soit
devant la CIJ. L’arbitrage international selon le lexique des termes juridiques
peut intervenir « lorsqu’un litige, soulevant une question de conflits de lois
ou de juridictions, est porté devant un ou plusieurs arbitres, avec l’accord des
parties ». En effet, l’arbitrage constitue une voie juridictionnelle de règlement
des litiges, mais devant une instance qui n’est pas une juridiction nationale. Les
deux parties, dans un accord formel appelé compromis d’arbitrage s’engagent à
soumettre leur différend à une tierce personne et à respecter les conclusions qui
en seront issues. Les parties peuvent y trouver les avantages de la souplesse et,
dans certaines conditions, de la rapidité et de la discrétion.
L’un des fondements du droit international de l’environnement est, nous
l’avions dit, la sentence arbitrale (1941). Dans ce cas d’espèce, le compromis
d’arbitrage comprenait, trois questions posées au tribunal :
- La fonderie de Trail avait-elle causé des dommages à l’Etat de Washington
depuis le 1er janvier 1932, si oui quelle indemnité devrait être payée ?
- La fonderie de Trail devait-elle, à l’avenir, s’abstenir de causer des
dommages à l’Etat de Washington et si oui, dans quelle mesure ?
373
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
- Quelles mesures et quels régimes devraient être appliqués en vertu de
la décision du tribunal ?1001
En réponse à ces questions dans l’une de ces décisions rendue le 11
mars 1941, le tribunal énonça ses célèbres conclusions si souvent citées : « tant
en vertu des principes du droit international que du droit américain, aucun Etat
n’a le droit d’user de son territoire ou d’en permettre l’usage de manière à ce
que des fumées provoquent un préjudice sur le territoire d’un autre Etat ou aux
propriétés de personnes qui s’y trouvent, s’il s’agit de conséquences sérieuses
et si le préjudice est prouvé par des preuves claires et convaincantes »1002 On
considère que « les polluants transfrontières sont prohibés en général par le
principe selon lequel aucun Etat ne peut laisser utiliser son territoire aux fins
d’actes contraires aux droits des autres Etats. »1003
Le principe a été introduit dans la déclaration de Stockholm qui l’a
étendu en affirmant que les Etats ont le devoir de faire en sorte que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent
pas de dommages à l’environnement dans d’autres Etats ou dans des régions ne
relevant d’aucune juridiction nationale1004.
En ce qui concerne la Cour Internationale de Justice, c’est un organe
judiciaire principal des Nations Unies, dont le statut est annexé à la Charte des
Nations Unies (article 92 de la charte). Cet organe est composé de 15 juges
indépendants. Sa compétence doit être explicitement acceptée par les Etats,
soit par une déclaration générale relative à tous les différends entre les Etats qui
ont accepté la juridiction de la cour, soit par un accord spécial pour un cas précis.
1001 Source: Repots of International Arbitral Awards, vol.3, pp.1903-1982. Cite par Lothar) GUNDLING, Droit international de l’environnement: atmosphère, eau douce et sol, Cours 7, UNITAR, Genève 1998, pp.21-23.
1002 Idem.1003 CIJ, arrêt du 9 avril1949, affaire de Corfou (fond), Recueil, 1949, p.22, cité par A. KISS
& C. LAMBRECHTS, in, Environnement et droit de la mer : L’accord entre le Canada et les USA relatif à la qualité des eaux dans les grands lacs. V. aussi (L) GUNDLING, Droit international de l’environnement : atmosphère, eau douce et sol, Cour 7 UNITAR, 1999 ; et aussi. Reports of International Arbitral Awards, vol.3, pp.1903-1982
1004 Principe 21 de la déclaration de Stockholm
374
Deuxieme partie
Les décisions de la Cour sont toujours obligatoires et doivent être exécutées1005.
Cette cour s’est dotée même d’une chambre spéciale pour connaitre les cas
relatifs à la protection de l’environnement 1006. Mais elle n’a été encore saisie
d’aucun dossier.
Néanmoins, pendant la longue période qui a suivi, dans le milieu
international, des cas flagrants de pollutions transfrontières n’ont jamais donné
lieu à la moindre réclamation officielle de la part du gouvernement de l’Etat
victime, désireux de ne pas troubler les relations avec l’état pollueur1007. Ainsi,
aucune juridiction internationale et aucun tribunal arbitral n’ont traité de cas
liés à l’environnement, comme ils auraient pu le faire, en dépit du fait que de
nombreux traités relatifs à la protection de l’environnement déclarent que
les différends résultant de l’application ou de l’interprétation de leurs clauses
doivent être soumis à la CIJ soit à l’arbitrage. Pratiquement, tous les traités
adoptés récemment dans ce domaine comprennent de telles dispositions.
Au plan planétaire, la Cour Pénale Internationale, pourrait jouer aussi un
rôle pénal essentiel. Elle est à nos jours, le seul tribunal compétent pour connaitre
du contentieux pénal. C’est une institution de l’ONU qui peut, contrairement à
la CIJ, exercer sa compétence uniquement à l’égard des personnes physiques1008
« pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale (…) elle est
complémentaire des juridictions pénales nationales»1009. Autrement dit,
lorsqu’une juridiction d’un Etat Partie se trouve dans l’incapacité de juger les
auteurs d’une infraction extraterritoriale ou internationale, il a la possibilité de
saisir ce tribunal.
Mais, la CPI a des limites. Son champ d’application est limité au crime de
génocide, au crime contre l’humanité et au crime de guerre. Les crimes contre
1005 KISS (A), Introduction au droit international de l’environnement. Cours 1, UNITAR, Genève 1997, p.72
1006 Idem, p.731007 KISS(A) &(D) SHELTON, Traité de droit européen de l’environnement, ed. Frison-Roche,
Paris, 1995.1008 Art.25 du Statut de Rome, «la responsabilité pénale est individuelle».1009 Art.1er du Statut de Rome de la CPI
375
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
l’environnement n’en seraient pas encore concernés1010, du moins expressément.
La question se pose de savoir si à la lecture de l’article 7(1) du Statut de Rome, il
y a encore place pour une infraction environnementale.1011
Au plan régional, les institutions régionales l’UEMOA, la CEDEAO
ou l’UA, pour ne citer que celles-là, n’ont pas de juridictions à compétence
environnementale. Dès lors, la saisine de ces institutions en cas de crime
contre l’environnement ne serait que vaine. C’est pourquoi, il urge que les Etats
engagent des réflexions en vue de créer une institution ou doter l’une de celles
qui existent d’une chambre ou d’une cour compétente en cette matière, pour
connaitre des crimes écologiques, particulièrement graves.
C’est donc, tenant compte de ce déficit en matière de juridiction
pénale, qu’il est d’ores et déjà envisagé la question de la création d’une cour
internationale de l’environnement, une nouvelle juridiction spécialisée, en vue
de mieux sanctionner les atteintes à l’environnement. Mais la procédure suppose,
à l’instar de la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement
(OME), l’adoption d’une convention interétatique beaucoup plus lourde. C’est
pourquoi, il conviendrait déjà d’envisager d’élargir la compétence de la CPI aux
crimes environnementaux les plus graves pour assurer une meilleure justice
aux populations1012. Faisant observer que le Statut de la CPI vise déjà, en cas
de conflit armé, un crime de guerre par attaque délibérée de l’environnement
1010 Art.7(1) du Statut de Rome 1998. V. aussi art.2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948. 78 R.T.N.U. 227, conclue à New york le 9 décembre 1948, texte original. http://www.dfae.admin.ch/traties.
1011 A cette préoccupation, MANIRABONA, dans sa thèse citée plus haut, pense que l’article 7(1) dont le dernier point (k) met l’accent sur « autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de graves souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale », peut s’interpréter de manière extensive. L’auteur s’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal Pénal International du yougoslavie et du Tribunal Pénal International du Rouanda et également des activités polluantes des multinationales dans certains pays du Sud, notamment dans le secteur minier et des hydrocarbures avec pour conséquences des activités portant atteintes à la santé humaine et à l’environnement, conclue que les crimes contre l’environnement peuvent être éligibles comme crime de génocide ou crime contre l’humanité et que la CPI peut se déclarer compétente.
1012 C’est dans ce cadre qu’une proposition de la commission du droit international, est en cours d’examen par l’Assemblée Générale des ONU. Cf.XVème congrès international de droit pénal, ReAIDP/eRIAPL, 2006, D.01, p.123.
376
Deuxieme partie
naturel1013, Laurent NEyRET propose soit d’étendre le paradigme du crime contre
l’humanité, soit d’imaginer un nouveau paradigme, celui d’ «écocide», inspiré
de la déclaration de l’UNESCO sur la bioéthique, qui consacre un principe de
protection de l’environnement, de la biosphère et de la biodiversité1014.
D’autres initiatives du genre sont encours. Il s’agit par exemple des
réflexions des Professeurs Jean UNTERMAIER et yves MAyAUD qui ont travaillé
ces dernières années, en collaboration avec le milieu judiciaire français
(Lyon), particulièrement M. le Bâtonnier Philippe GENIN. Il s’agit de proposer
à l’Organisation des Nations Unies, la mise en place d’une Cour pénale
internationale, qui pourrait être dénommée « Arche de justice pour la terre ».
Outre le symbole qu’elle représenterait à l’échelle mondiale en termes de défense
de l’environnement, cette haute instance enrichirait la compétence universelle
d’une dimension institutionnelle non négligeable, en ayant l’avantage de rompre
avec un système de justice nationale.1015
Ainsi, en attendant la mise en place d’une juridiction pénale spécialisée
en environnement, pour gérer leur litige transfrontalier, dans la pratique, les
Etats préfèrent s’orienter vers la voie diplomatique pour régler leurs contentieux.
2) Le recours à l’application des conventions internationales environnementales
Le caractère transnational ou interétatique du règlement des
préoccupations environnementales à amener les Etats à conclure des
accords bilatéraux ou multilatéraux, parfois sous l’égide de la communauté
internationale. Ces accords, règlent entre autres, la question de savoir quelle
1013 « le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu’elle causera incidemment des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui serait manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu ». Art.8 (2) iv, Statut de Rome de la CPI
1014 NEyRET (Laurent), La transformation du crime contre l’humanité, in Delmas-Marty, Fouchard, Fronza et Nyret, PUF, 2009, p.81.
1015 MAyAUD (yves), Regional Conference on “environmental Crimes in the Arabs states, “Criminal responsibility arising from environmental crimes”, Mars 17-18, 2009. Beirut -Republic of Lebanon. Sources: internet. www.yvesmayaud.3pdf
377
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
sera la juridiction compétente ou la loi applicable. Il en est ainsi de la convention
de Genève sur les polluants transfrontières à longue distance(1979), de la
convention de Bâle (1989), de la convention de Bamako(1991), des conventions
de la génération de Rio(1992)1016, de la convention de Montego Bay (1982), de
la convention Marpol (1973/78), la convention du Conseil de l’Europe sur la
protection de l’environnement par le droit pénal ; la convention d’Abidjan (1981)
etc. Toutes ces conventions prévoient les mécanismes juridiques applicables en
cas d’infractions ou d’atteinte à l’environnement.
Par exemple, le mécanisme juridique proposé par la convention Marpol
qui, semble t-il est au centre du régime international de protection du milieu
marin, renvoi l’application des sanctions pénales au droit national, des Etats
parties.
En disposant d’une part, que « toute violation des dispositions de la
convention est sanctionnée par la loi de l’Etat dont dépend le navire, quel que soit
le lieu de l’infraction », la Convention Marpol vise la loi et les tribunaux de l’Etat
du pavillon et d’autre part, en énonçant que « toute violation des dispositions de
la convention commise dans la juridiction d’un Etat contractant est sanctionnée
par la législation de cet Etat », la Convention Marpol attribue compétence aux
lois et tribunaux de l’Etat « côtier » : par exemple, les lois et tribunaux français
sont compétents pour juger toute infraction de rejet commise, même par un
navire étranger, dans les eaux territoriales françaises et dans la zone économique
française des 200 milles marins.
Au regard des mécanismes que proposent ces conventions, on peut
expliquer d’une manière ou d’une autre le fait que les juridictions internationales
n’aient pas été jusqu’à maintenant plus utilisées pour le règlement des
différends en matière d’environnement. Une explication pourrait être que, dans
de nombreux traités internationaux relatifs à l’environnement, les dispositions
relatives au règlement des différends prévoient aussi le recours aux organismes
créés à cet effet, tels que la Conférence des Parties ou un comité d’application,
1016 La convention des ONU sur la diversité biologique (1992), la convention cadre des ONU sur les changements climatiques (1992), la convention des ONU sur la lutte contre la sécheresse et la désertification (1994).
378
Deuxieme partie
pour les questions d’application et d’interprétation du traité concerné peuvent
soulever, la rédaction de rapports périodiques.
Une autre explication possible serait que les Etats préfèrent
manifestement donner la priorité à l’indemnisation des victimes de la pollution
transfrontière ou d’autres effets dangereux pour l’environnement, plutôt que de
s’engager dans des négociations internationales ou des procédures judiciaires
de règlement des différends très longues et fastidieuses. La solution qui est
de plus en plus acceptée est de transférer les problèmes concrets du niveau
interétatique au niveau interpersonnel. Supposons qu’un élément transnational
soit présent dans un cas qui pourrait créer des problèmes juridictionnels
ou interétatiques ; par exemple une pollution industrielle endommage une
propriété privée dans un Etat voisin, on conseille au pollueur et à la victime de
porter l’affaire devant les autorités internes qui sont compétentes d’après les
règles du droit international privé1017.
SECTION II : LA COMPETENCE NON JURIDICTIONNELLE DE REGLEMENT DE CONFLIT EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
En matière de contentieux de pollution environnementale transfrontière
ou en toute autre matière de dégradation de l’environnement, le recours aux
règlements non juridictionnel, semble être la voie la plus utilisée par les Etats.
Plusieurs raisons dont entre autres celles liées à la coopération interétatique
de bon voisinage (§I) expliquent et fondent le caractère mou des sanctions
environnementales au plan international (§II).
§I : La coopération interétatique de bon voisinage
Tous les efforts d’un pays sont impuissants devant une pollution qui
dépasse les limites territoriales. Aucun gouvernement ne pourra persuader les
1017 KISS (A), Introduction au droit international de l’environnement. Cours 1, UNITAR, Genève 1997, p.73
379
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
oiseaux migrateurs de rester sur le territoire national, de renoncer au voyage
qu’ils opèrent depuis des milliers de générations, pour mieux les protéger. Une
protection efficace, voire durable de l’environnement ne peut être réalisée que
grâce à la collaboration internationale1018.
Bien que chaque Etat souverain soit libre de conduire ses relations
externes en fonction de ce qu’il considère être son intérêt, le droit international de
l’environnement a développé une obligation générale de coopérer avec les autres
afin de résoudre les problèmes qui concernent la communauté internationale.
Le Principe 24 de la Déclaration de Stockholm est au cœur de cette coopération
internationale1019. La création de nombreuses institutions internationales
correspond aussi au besoin de coopération, laquelle peut se décliner d’une part
en un devoir d’information et de consultation dans les relations transnationales
et d’autre part en un devoir d’information et d’assistance en cas de sinistre ou
de crime écologique.
A) L’information et la consultation dans les relations transnationales
En dehors des situations d’urgence ou une notification rapide et une
assistance possible sont exigées, un Etat qui projette d’entreprendre ou d’autoriser
des activités susceptibles d’avoir des effets mesurables sur l’environnement
d’un autre Etat doit informer ce dernier et devrait lui transmettre les détails
pertinents du projet, dans la mesure où la soumission des informations n’est pas
interdite par la législation nationale ou par un traité international applicable.
Cette position préventive est bien confortée par les Principes 21 et 22 de la
Déclaration de Stockholm confirmée par les principes 19 et 27 de la Déclaration
1018 SZONyI DANDACI (Amira), La convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal, article, RJE, 3/2003
1019 Le même principe est réaffirmé par la Charte mondiale de la nature de 1982. L’art.197 de la convention des ONU sur le droit de la mer et son art.192 qui précise que « les Etats ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin »
380
Deuxieme partie
de Rio1020. Le principe 19 dispose par exemple que : « les Etats doivent
prévenir suffisamment à l’avance les Etats susceptibles d’être affectés et leur
communiquer toutes informations pertinentes sur les activités qui peuvent avoir
des effets transfrontières, sérieusement nocifs sur l’environnement et mener les
consultations avec ces Etats rapidement et de bonne foi »1021. La bonne foi est
une exigence générale dans les relations interétatiques et est particulièrement
importante dans les effets de certaines activités. Ainsi, « les consultations et
les négociations se déroulent selon le principe que chaque Etat doit de bonne
foi tenir raisonnablement compte des droits et des intérêts légitimes de l’autre
Etat »1022. Le même principe a été formulé dans plusieurs traités internationaux
relatifs à des sujets spécifiques comme la pollution de l’air, des rivières, des lacs
ou de la mer.
Dès lors, l’une des conséquences de ce principe qu’on pourrait déduire
est que les Etats devront prévenir les autres Etats, même si les activités sont
projetées par des acteurs non étatiques, tels que des sociétés ou entreprises
de droit privé nationales ou multinationales, des individus où même des
communautés locales. Cette obligation peut se comprendre dans un contexte
où les activités qui sont potentiellement dangereuses pour l’environnement
sont soumises à autorisation par l’Etat d’accueil de l’entreprise qui vérifie la
conformité des activités avec le droit national de protection de l’environnement
avant d’autoriser.
Aussi, la notification doit se faire à temps utile. C’est-à-dire que les plans
du projet d’activité doivent être dans une phase initiale quand l’autre Etat se les
voit notifier, pour qu’ils puissent être modifiés, afin, qu’au besoin, le site choisi
puisse être déplacé ou même l’activité soit repoussée ou interdite.
1020 Action 21,. Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, Déclaration de principe relatif aux forêts. Principaux textes de la Conférence des ONU sur l’environnement et le développement
ONU, New york, 1993. ONU, New york, 1993. pp.3-5. La catastrophe de Tchernobyl du 26 avril 1986 a souligné l’importance d’une telle notification.
1021 Idem.1022 Art.17(2) conventions des ONU sur les utilisations des cours d’eau internationaux à des fins
autres que la navigation.
381
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Mais la question se pose de savoir quels détails techniques devraient
être notifiés. D’après le texte rédigé par la Commission du droit international
des Nations Unies chargée de la codification du droit des utilisations des cours
d’eaux internationaux à des fins autres que la navigation, la notification en temps
utile des mesures prévues devraient être accompagnée des données techniques
et des informations disponibles afin de mettre l’Etat auquel elle est adressée
à même d’évaluer les effets éventuels des mesures prévues. Le mémorandum
d’accord entre les USA et le Canada concernant l’affaire de pollution de l’air
transfrontière inclut, dans les informations à transmettre, les changements de
politiques proposées, les réglementations ou les pratiques qui peuvent affecter
d’une manière significative la pollution de l’air transfrontière à longue distance.
De son côté, le critère pour déterminer l’ampleur des effets négatifs proposé
par la Déclaration de Rio est l’»effet significatif», qui constitue un seuil moins
précis et probablement plus bas que l’»effet nocif» ou le «dommage». Cette
approche semble généralement adoptée, puisqu’aucune meilleure approche n’a
été trouvée1023.
Dans la pratique, rien de tout cela ne se passe entre Etats, notamment
en Afrique. Au mépris des textes internationaux, l’information et la notification
ne se font presque pas. A preuve, l’entreprise togolaise de phosphates,
continuent allègrement de polluer les eaux marines béninoises sans que les
autorités compétentes ne comprennent et ne reçoivent aucune information ou
notification en rapport auxdites activités. Or normalement, un Etat en amont
d’une rivière internationale qui cause une grave pollution à cette rivière où s’il
est informé qu’une importante inondation menace l’Etat en aval, il a le devoir
d’informer ce dernier1024. De telles dispositions devraient être incluses dans les
divers accords bilatéraux.
Un autre exemple est relatif aux déversements des déchets à Abidjan. A
ce sujet, le rapport international d’enquête à clairement établi la non coopération
des Etats traversés par le Probo Koala alors que ces Etats étaient bien informés
1023 KISS(A), Introduction au droit international de l’environnement, Cours 1, UNITAR, 1999, pp.98-100.
1024 Idem. p.93
382
Deuxieme partie
du contenu de la cargaison en partance pour l’Afrique1025. Les « autorités de ces
pays avaient de bonnes raisons de croire que le port de destination où il est
prévu (port d’Abidjan) de déposer les déchets ne disposent pas d’installations
adéquates ou que ce port n’est pas connu et qu’il y a, par conséquent, un risque
que les déchets soient déversés en mer » concluait le rapport à l’égard de ces
pays. Mieux l’Etat d’exportation qu’est la Côte d’Ivoire n’avait pas donné son
accord pour l’importation de ces déchets contrairement à la Convention de Bâle
ou à la convention de Bamako qui en disposent ainsi1026.
Dans les relations transnationales en matière de pollution, il faut non
seulement asseoir une politique préventive permettant une meilleure circulation
de l’information et de consultation des Etats mais aussi assurer une assistance
au voisin en cas de survenance du sinistre pour limiter et mieux contrôler les
effets du préjudice.
B) L’information et l’assistance en cas d’infraction transfrontière
En matière d’infraction écologique transfrontière, la plupart des
conventions internationales bi- ou multilatérales en matière d’environnement,
établissent une obligation générale pour les Etats Parties de fournir entre eux
toute assistance nécessaire possible et ce, conformément à leur droit national.
La réaction en cas de sinistre doit être organisée afin d’assurer une action rapide
et efficace, dont la notification n’est que la première étape.
En effet, d’après le Principe 18 de la Déclaration de Rio, « les Etats
doivent notifier immédiatement aux autres Etats toute catastrophe naturelle ou
toute autre situation d’urgence qui risque d’avoir des effets néfastes soudains
1025 Rapport de la commission d’enquête internationale, op.,cit. 1026 BOGUI(Ziriyo), (Président) Rapport de la commission internationale d’enquête sur les
déchets toxiques déversés dans le district d’Abidjan, février 2007.
383
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
sur l’environnement de ces derniers »1027. Ce principe pose la question de l’aide
aux Etats en cas de sinistre écologique. Aussi, dans sa déclaration de principe
sur la pollution transfrontière, l’OCDE affirme que les Etats devraient s’entraider,
chaque fois que cela est nécessaire, afin de minimiser et si possible, d’éliminer
les effets des incidents à l’origine des catastrophes, et qu’ils devraient mettre sur
pied des plans d’urgence à cet effet1028. On pourrait néanmoins, faire remarquer
cependant qu’alors que le principe d’assistance, quand celui-ci est nécessaire, est
généralement proclamé, l’assistance elle-même ne constitue pas une obligation
générale, dans la mesure où elle ne se traduit pas par des accords spécifiques
entre les Etats qui sont, ou qui pourraient être, concernés1029.
En outre, c’est l’Etat en situation critique, au sens de la convention
d’Abidjan, qui fait la demande d’aide auprès des autres Etats parties à la
convention lorsque visiblement ses côtes sont touchées ou sont susceptibles
d’être touchées par une pollution.1030 L’assistance peut consister à fournir
l’expertise ou du personnel compétent pour lutter contre la pollution, des
produits et des équipements, des moyens de surveillance et de contrôle, et en
assurer le renforcement, l’évacuation des substances polluantes, etc.
En ce qui concerne par exemple la pollution des côtes béninoises par les
phosphates togolaises, le Bénin devrait, vu l’importance du préjudice occasionné
1027 La catastrophe de Tchernobyl du 26 avril 1986 a souligné l’importance d’une telle notification. Le fait que les autorités soviétiques n’aient pas signalé à temps aux autres Etats qu’un nuage radioactif s’approchait de leur territoire a eu pour conséquence la conclusion, par la communauté internationale, d’une convention spéciale sur la notification rapide d’un accident nucléaire ou d’une situation d’urgence radiologique, signée seulement cinq mois après l’accident, le 26 septembre 1986 et est entrée en vigueur seulement un mois plus tard.
1028 Cf. document C(74)224, 14 novembre 1974, ILM, 1975, p.234. Cité par A. KISS, Introduction au droit international de l’environnement, op.cit.p.95. V aussi l’article 199 de la convention des ONU sur le droit de la mer qui contient aussi des principes similaires, lorsqu’il dispose que : « …les Etats situés dans la zone affectée, selon leurs capacités, et les organisations internationales compétentes coopèrent, dans toute la mesure du possible, en vue d’éliminer les effets de la pollution et de la prévenir ou de réduire à un minimum les dommages. A cette fin, les Etats doivent élaborer et promouvoir conjointement des plans d’urgence pour faire fasse aux incidents entraimant la pollution du milieu marin ».
1029 A. KISS, cours 1, op.cit., p.951030 Cf. art.8 du Protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution en cas
de situation critique, PNUE, Nations Unies New york, 1981.
384
Deuxieme partie
par cette pollution, commettre une étude scientifique avec l’appui de la
coopération technique compétente pour évaluer les effets et les conséquences et
constituer ainsi les éléments de preuves pour une éventuelle assistance ou pour
amorcer des négociations en vue d’un règlement des problèmes frontaliers liés à
la pollution marine sur le fondement par exemple de la convention d’Abidjan1031.
§II : Le mode de règlement pacifique des conflits en matière de pollution transfrontière
Le besoin d’information ou de recherche d’assistance ci-dessus décrit,
s’inscrit nul doute dans la recherche de solutions apaisées aux différends
entre Etats au détriment du règlement juridictionnel qui, suite à son caractère
contraignant fort redouté, n’apparait en pratique qu’à titre exceptionnel pour
régler les conflits entre Etas dans le domaine de la pollution transfrontalière,
comme nous l’avions précisé plus haut. Les Etats ont plutôt recourent au
règlement non juridictionnel ou règlement diplomatique. Ce mode de règlement
amiable, appelle en matière de pollution transfrontière, non pas des sanctions
pénales au sens classique du terme mais des sanctions diplomatiques.
A) Les mécanismes de règlement non juridictionnel
Les modes diplomatiques ou non juridictionnels de règlement des litiges
aboutissent généralement à une décision non obligatoire pour les parties, c’est
à dire sans force exécutoire. Au regard du droit international et particulièrement
du droit international de l’environnement, ces modes constituent en général
la première phase applicable à un conflit. Le mode juridictionnel n’intervient
qu’après l’échec des négociations.
1031 Convention relative à la coopération en matière en matière de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de la région de l’Afrique de l’Ouest et du centre. PNUE, Nations Unies New york, 1981.
385
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
D’après l’article 33(1) de la Charte des Nations Unies : « les parties à tout
différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix
et de la sécurité internationale doivent en rechercher la solution, avant tout,
par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, l’arbitrage,
de règlement judiciaire, de recours aux organismes et accords régionaux, ou par
d’autres moyens pacifiques de leur choix ».
De toute évidence, cette disposition contenue dans presque toutes
les conventions internationales, s’applique aussi aux différends en matière
d’environnement. Ainsi, en matière de contentieux relativement à la pollution
transfrontalière, les discussions peuvent se présenter sous diverses formes à
savoir : la négociation, les bons offices, l’enquête internationale, la médiation
et la conciliation. Passons en revue très rapidement ces différentes formes de
règlement non juridictionnel.
1) La négociation
En cas de différend entre Etats, les usages diplomatiques exigent
d’engager des discussions ou des négociations. La négociation signifie les
propositions faites par l’une ou l’autre des parties à un différend et la réaction
de l’autre partie, incluant les contres propositions, afin de trouver un accord. Les
négociations devront être conduites de bonne foi. Les parties doivent examiner
avec beaucoup d’attention les propositions de leurs partenaires et essayer de
progresser vers un accord. Les actes unilatéraux qui pourraient compromettre le
résultat des négociations devraient être évités.
386
Deuxieme partie
2) Les bons offices
Cette forme de négociation qui n’est pas citée par l’article 33(1),
est d’usage dans les relations interétatiques. Les bons offices se réfèrent à
l’intervention d’une tierce personne qui essaie de persuader les parties à un
différend de se réunir pour trouver des moyens pacifiques de règlement du
conflit.
3) L’enquête internationale
L’enquête internationale est l’établissement des faits par un organe
indépendant. C’est le cas des déchets toxiques d’Abidjan. Rappelons que le
Gouvernement ivoirien a créé deux commissions d’enquête1032. Une commission
nationale et une commission internationale. La commission d’enquête
internationale est dénommée « Commission Internationale d’Enquête sur les
Déchets Toxiques dans le District d’Abidjan ». Créée par arrêté n°168/PM/CAB
du 15 septembre 2006 modifié par l’arrêté n°174/PM/CAB du 26 septembre
2006, elle est une commission indépendante ayant pour mission de :
• Conduire des investigations en vue de relever les violations du droit
international ayant conduit au déversement de substances toxiques
dans le District d’Abidjan ;
• Identifier les personnes physiques ou morales, publiques ou privées,
impliquées dans ces violations et déterminer leur degré respectif de
responsabilité ;
• Déterminer les modalités d’indemnisation des victimes de la part de ces
responsables1033.
1032 Les Pays-Bas ont créé aussi deux commissions d’enquête.1033 BOGUI(Ziriyo), (Président) Rapport de la commission internationale d’enquête, précité.
387
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
Généralement à l’issue de l’enquête un rapport administratif est rédigé.
Il ne lie pas le juge qui ouvre de son côté une information judiciaire1034, mais il
peut l’inspirer.
4) La médiation et la conciliation
Le premier consiste à rapprocher les parties à un différend et à leur
soumettre des propositions concrètes pour le règlement du différend alors que
le deuxième est la combinaison de l’enquête et de la médiation : une tierce
personne établit d’abord les faits, puis fait des propositions pour le règlement.
B) Les sanctions non juridictionnelles ou diplomatiques
L’administration des sanctions non juridictionnelles est la conséquence
nécessaire et directe du non respect des obligations imposées par les
conventions. Les sanctions non juridictionnelles s’entendent de toutes sortes de
mesures réprobatrices ou répressives applicables, à l’auteur d’une violation des
dispositions conventionnelles ou légales, par une autorité autre qu’un organe
doté de fonctions juridictionnelles1035. Le contexte non juridictionnel des sanctions
est le corollaire de l’épineux et récurrent problème de la mise en œuvre des
conventions. En général ces sanctions qui peuvent s’appliquer aussi bien à l’Etat
en tant que sujet de droit international qu’aux personnes privées en tant que
sujet de droit interne ayant intégré en son sein les obligations conventionnelles
internationales, sont parfois prévues par les diverses conventions.
1034 Dans cette affaire, trois informations judiciaires ont été ouvertes : en Cote d’Ivoire, aux Pays-Bas et en Estonie.
1035 AMEGANPOE (V) et AVODE(K), (sous la direction de PAQUES(M) et FAURE(M) La force contraignante et le degré d’efficacité variable du droit international matériel et de ses principes naissants. Intensité et la règles selon les secteurs. Les sanctions non juridictionnelles. Cas de l’Afrique., op.cit., p.361.
388
Deuxieme partie
1) Les sanctions non juridictionnelles applicables à l’Etat
En dépit de tout, les sanctions applicables à l’Etat défaillant, le cas
échéant, ne sont pas des sanctions pénales au sens classique du terme, mais
plutôt un ensemble de commodités pour décourager l’Etat objet, par exemple,
d’une source de pollution transfrontalière. Il s’agit essentiellement de la
publication de rapports sur les faits incriminant l’Etat et au pire des cas fait usage
de la possibilité qui existe d’infliger à cet Etat ou aux Etats concernés, la sanction
suprême qui est la suspension de cet Etat du bénéfice de la convention.
En ce qui concerne la publication de rapports, il faut préciser qu’elle
intervient comme un moyen de pression politique. Pour que cette pression soit
réelle et efficace, elle est exercée très souvent par des entités non étatiques.
La raison, selon Karine BANNELIER-CHRISKAKIS, est que « les Etats n’aiment
guère se faire de mal »1036. Ce qui explique l’intervention des ONG de défense
de l’environnement (Green Peace, UICN,...) plus que la Conférence des Parties,
puisqu’elles détiennent une force de pression sur les Etats et sur toute la
communauté internationale. On peut citer le rapport réalisé par l’association
SHERPA au sujet de l’affaire des déchets toxiques d’Abidjan1037 ou Green Peace
dans l’affaire du Raibow Warior1038. Elles constituent une disposition d’alerte
maximale en cas de crime contre l’environnement et mettent les Etats incriminés
«au banc des accusés «. Mais les rapports peuvent être élaborés et publiés aussi
par une commission d’enquête internationale et indépendante. C’est le cas dans
l’affaire des déchets toxiques d’Abidjan où il a été créé comme nous le disions
une commission internationale d’enquête.
Autres formes de sanctions diplomatiques, sont des sanctions d’ordre
économique comme l’»embargo» mais aussi les sanctions morales comme «les
excuses» publiques ou formelles que pourraient présenter l’Etat victime à l’Etat
1036 IMPERIALI(Claude), in, L’effectivité du droit international de l’environnement, contrôle de la mise en œuvre des conventions internationales, Ed. Economica, 1978.p.8. Cité par AMEGANPOE (V) et AVODE(K), op.cit.p. 366.
1037 Cf. supra note n°10061038 Cf. supra. Affaire précédemment citée.
389
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
ayant occasionné l’infraction. Il en est ainsi, des excuses formelles présentées
par la France à la Nouvelle-Zélande dans l’affaire du Rainbow Warior1039.
La sanction la plus grave et la plus importante parait être l’éventualité
d’une suspension de la convention vis-à-vis de l’Etat défaillant. Elle est
prévue par la convention de Vienne sur le droit des traités. Mais en matière
environnementale, la suspension d’un Etat des avantages et privilèges d’un traité
est –il un moyen efficace ? L’on est tenté de répondre par la négative puisque dans
ce cas, l’objectif même du droit international qui est la recherche de la cohésion
interétatique s’en trouverait effrité. Dès lors, la persuasion semble être l’arme
diplomatique idéale efficace pouvant amener les Etats défaillants à s’associer à
l’action globale de protection internationale efficace de l’environnement.
2) Les sanctions non juridictionnelles applicables aux personnes privées
Au plan du droit interne, les règles internationalement acceptées par
l’Etat peuvent être sanctionnées en cas de violation par des personnes privées.
Ces sanctions envisagées sont dans leur ensemble d’origine administrative. La
détermination des personnes responsables et des sanctions pénales encourues
est exclusivement l’œuvre des lois nationales. Les conventions se bornent en
générale à fournir quelques directives mais pour l’essentiel, elles abandonnent
à chaque Etat le soin d’une part, d’organiser la mise en œuvre procédurale de
la répression et de déterminer d’autre part, son étendue. On sait que le régime
général consiste en l’établissement et en l’application des règles permissives
prohibitives, ponctuées de mesures parfois soumises à autorisation. Les
sanctions applicables vont donc du refus d’autorisation, du retrait de permis,
de la confiscation du matériel délictueux ou criminel, à la suspension ou à la
fermeture purement et simplement de l’entreprise. En revanche, ces sanctions,
quoique dissuasives, ne comblent pas toujours les attentes en raison de
1039 Nouvelle-Zélande et Greenpeace contre la France, procédure d’arbitrage (1986-1990). Cf. Décision du Secrétaire Général des Nations Unies, Perez de CUELLAR, New-york, 5 juillet 1986 ; texte dans International Legal Materials 26(1987), p.1346, incluant le rappel des faits et les discussions juridiques entre les deux parties.
390
Deuxieme partie
l’insuffisance ou de l’absence des moyens institutionnels, techniques, financiers
et humains appropriés pour leur assurer une exécution efficace1040.
Pour finir, signalons qu’il nous a paru essentiel d’ouvrir cette perspective
sur le droit international de l’environnement dans cette thèse pour éviter que
notre travail ait un arrière goût d’inachevé. Nous l’avons voulu ainsi afin d’être
en cohérence avec notre vision qui a consisté tout au long de ce travail à prouver
l’efficacité du droit pénal interne de l’environnement. Or, une telle efficacité
dépend aussi et surtout de l’internalisation par les juridictions répressives
nationales des règles et principes du droit pénal international en général et en
particulier du droit des pollutions transfrontalières, qui de nos jours, est en plein
développement surtout avec la recrudescence des marées noires. C’est ainsi que
s’est développé, depuis l’affaire de l’Amoco Cadiz, le principe de la responsabilité
des maisons mères et des filiales. Dès lors, en quête de plus d’efficacité, le droit
pénal béninois doit s’adapter au droit pénal international de l’environnement afin
de permettre à ce dernier de jouer efficacement son rôle de complémentarité.
La responsabilité pénale des pollutions environnementales transfron-
tières est une responsabilité nécessairement de dimension internationale. En
conséquence, faisant preuve de réalisme, on pourrait dire qu’aucune avancée
sensible dans le domaine répressif ne pourrait être envisagée si la technique
juridique ne se met pas au service de l’universel, donc au service du droit
international et particulièrement du droit international pénal. Mais il faut
reconnaitre que dans la pratique, se sont surtout les instruments du droit
administratif et du droit civil qui sont le plus souvent utilisés dans la lutte contre
la pollution.
1040 AMEGANPOE (V) et AVODE(K), op.cit.;p.369.
391
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
CONCLUSION GENERALE
392
Deuxieme partie
Le droit pénal, parmi la panoplie de disciplines juridiques existant, nous
parait être la discipline la plus adaptée pour résoudre les problèmes de pollutions
ou de dégradation de l’environnement. Il est évident que pour garantir, réguler
et protéger l’équilibre précaire entre les intérêts socio-économiques et les
intérêts écologiques, le droit public (entendez droit administratif et droit pénal),
joue un rôle plus décisif que le droit civil alors que le droit administratif, quant
à lui, demeure intimement lié au droit pénal de l’environnement. Car, le droit
pénal ne protège pas l’environnement en général mais l’environnement déjà
protégé par l’administration. La dépendance administrative du droit pénal de
l’environnement est nécessaire pour atteindre plus d’efficacité mais elle rend
difficile l’autonomie du droit pénal. Or, il est nécessaire qu’interviennent des
dispositions autonomes ou criminelles pour faire face à de graves atteintes
à l’environnement ayant des conséquences désastreuses aussi bien pour
l’environnement que pour l’homme.
En d’autres termes, lors des diverses négociations en vue de la conception
des textes répressifs de conservation de la nature, il s’avère nécessaire d’impulser
une nouvelle solidarité entre le Nord, victime de son surdéveloppement et le
Sud, victime de sa pauvreté1041. Plus fondamentalement, c’est la relation entre
l’homme et la nature qui doit être revue. Car, « il ne doit plus s’agir aujourd’hui
de protéger l’homme contre la nature mais la nature contre l’homme, contre le
débordement de vitalité de puissance de l’espèce humaine afin qu’il ne vienne
pas, en détruisant la nature, à se détruire lui-même »1042.
Ainsi, à l’issue de nos travaux de recherches dont le thème porte sur « La
contribution du droit pénal de l’environnement à la répression des atteintes à
l’environnement au Bénin », nous n’avons pas la prétention d’avoir cerner tous
les contours de la problématique. Mais, l’objectif général qu’on s’est fixé à savoir
analyser la mise en œuvre au Bénin du droit pénal de l’environnement nous a
permis d’atteindre des résultats satisfaisants.
1041 SADLEER (N), La conservation de la nature au-delà des espèces et des espaces : l’émergence des concepts écologiques en droit international, P. Gérard, F. Ost et M. Van Kerchove (dir), in, Images et usages de la nature en droit, Bruxelles, Publication des facultés universitaires de Saint-Louis, 1993, p.206.
1042 Idem, p.165
393
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
En effet, cette thèse fait l’état des lieux de l’application du droit pénal de
l’environnement au Bénin, analyse ses performances, les problèmes liés à son
application et propose des approches de solutions pour rendre plus effective
l’exercice de ce droit au Bénin.
La première partie de la thèse consacrée au diagnostic et à l’analyse de
l’existant, révèle un cadre juridique et institutionnel pas tout à fait performant
certes, mais assez pertinent. Il est pertinent d’une part, du fait de l’existence d’un
arsenal répressif constitué d’une part d’une constitution (la constitution du 11
décembre 1990) plus stable dont l’objectif est d’instaurer un Etat de droit mais
aussi de garantir aux citoyens un environnement sain, satisfaisant et durable
en mettant un accent particulier sur la répression des crimes écologiques et
d’autre part, d’un ensemble de textes sectoriels législatifs et réglementaires
composés des ordonnances, des lois, des décrets et de divers arrêtés. Ensuite,
ces textes répressifs, qui avoisinent au total près de 600 textes de portée locale,
sont complétés et renforcés par une trentaine de conventions internationales
environnementales légalement ratifiées par le Bénin. L’étude dresse un répertoire
assez exhaustif des textes et conventions existant en matière d’environnement.
Ce répertoire constitué essentiellement des principaux textes applicables au
Bénin, est déjà une avancée pour les recherches futures et pour des prises de
décisions conséquentes.
A l’issue de l’analyse du système répressif béninois, on peut avouer
que bien qu’étant encore embryonnaire, il est plus ou moins fonctionnel. En
effet, au Bénin, l’on est passé d’une protection aux finalités essentiellement
anthropocentrique, régentée par des textes coloniaux à une protection plus
écocentrique, fondée sur une philosophie du développement durable avec
des textes plus modernes, des textes de la génération de Rio, spécifiques
à la prévention et à la répression des atteintes à l’environnement à l’instar
de la loi n°98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement
de la République du Bénin, laquelle a été placée au centre de nos travaux de
recherches. On peut dire que des efforts ont été déployés par le Bénin en vue
de maîtriser le phénomène criminel environnemental ; mais ces efforts sont
cruellement insuffisants.
394
Deuxieme partie
En dépit de cette relative production normative dans le domaine de la
protection de l’environnement, des vides juridiques persistent par endroit. Il
s’ensuit dès lors que le fonctionnement du système répressif reste encore limité
aux infractions d’origine forestières en l’occurrence les infractions relatives aux
délits de chasse, de pêche, de pâturage, bref de braconnage dans les parcs
nationaux ou dans les forêts classées d’une part, les délits liés à la dégradation de la
flore avec par exemple la destruction des essences forestières protégées, d’autre
part. Ce qui explique que les quelques rares jurisprudences citées, relèvent du
secteur de la faune et de la flore. Les infractions relatives aux diverses pollutions
environnementales (eau, sol, air), ne font pas encore systématiquement objet
de procédures judiciaires. Il s’ensuit dès lors, des difficultés liées à l’application
des textes pénaux. La thèse a répertorié ces disfonctionnements qui sont de
plusieurs ordres.
L’impunité ou la non poursuite des auteurs des infractions, sous fond de
complaisance, de népotisme, de favoritisme, de corruption, dans l’application
des textes par le juge pénal ou par l’administration, est caractéristique de la
justice répressive interne et représente le lot quotidien des problèmes auxquels
est confronté la justice pénale.
Par ailleurs, l’une des causes de la défaillance du système répressif
béninois s’illustre aussi par l’insuffisance des ressources humaines, la quasi
absence de formation ou de renforcement de capacités des magistrats et des
greffiers mais aussi surtout par l’obsolescence des moyens matériels, techniques,
scientifiques et financiers, dans le domaine du droit de l’environnement.
Cette situation de carence du système pénal est facilitée par une inertie de la
« conscience collective commune »1043 en la matière.
A ces difficultés majeures, s’ajoutent d’autres qui tiennent à la nature
même du droit pénal de l’environnement, à son extrême jeunesse, à la spécificité
de la délinquance écologique qui est un délit conventionnel. Aussi, les limites
du droit en matière de protection de l’environnement résultent également des
1043 DURKHEIM(E), De la division de travail social, PUF. 9ème édition. 1973, cité par Delmas –Marty, La prise en compte des préoccupations d’environnement dans le domaine de l’urbanisme (Aspects de droit pénal), JCP, 1977.I. 2872.
395
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
limites de la connaissance scientifique des problèmes écologiques, donc de l’état
de développement du droit pénal général.
Pourtant, au regard de ces problèmes majeurs que rencontre le droit
pénal de l’environnement, on ne saurait conclure, à l’inutilité du droit pénal dans
la préservation de l’environnement en général et en particulier au Bénin. N’est
–ce pas que mieux valent ces normes inappliquées qu’un univers a-juridique?
L’expérience du processus démocratique sur le continent africain, a montré et
montre encore davantage dans certains pays comment un droit dormant finit par
se réveiller lorsque la nécessité d’une régulation normée des rapports sociaux
vient à se saisir de la conscience d’une communauté1044.
En fait, cette thèse, en répondant par l’affirmative à l’utilité du droit
pénal dans la protection de l’environnement, plaide pour une véritable
«révolution judiciaire», pour la justice béninoise. Mais cette révolution ne
saurait être brusque. Elle doit se faire à un rythme raisonnable. L’enjeu, nous
l’avons stigmatisé dans la seconde partie de nos travaux, est bien évidemment
d’assainir le système juridique et judiciaire, d’accroitre et de renforcer les
capacités de l’administration judiciaire pour permettre à la justice de remplir
convenablement sa mission. Une justice protectrice du droit du citoyen aussi
bien que du droit de l’environnement. Ce n’est qu’ainsi que le droit, celui surtout
de l’environnement, au lieu d’être célébré sera vécu. Car, il vaut mieux avoir de
bons juges que de bonnes lois. Car, les bonnes lois sont vaines si le juge est
mauvais et les plus mauvaises lois peuvent être modifiées par de bons juges1045.
Cette réforme du droit pénal de l’environnement doit concerner l’ensemble du
droit positif béninois. Se faisant, elle doit, pour plus d’efficacité et d’effectivité
dans son application, s’inspirer et intégrer le contexte international.
On ne saurait conclure ces travaux de recherches sans relever l’un des
résultats auxquels on est parvenu à savoir que le droit pénal de l’environnement
est certes utile et applicable, mais il apparait comme une constance qui intervient
1044 KAMTO (M), Droit de l’environnement en Afrique, op., cit.,p.18.1045 DIDEROT (D), cité par KESSOUGBO (K), Table ronde sur l’efficacité des instruments et
mécanismes du droit de l’environnement dans le contexte africain : la faiblesse du dispositif juridictionnel, DEA, FDD, UL, décembre 2004.
396
Deuxieme partie
comme un « ultimum remedium », c’est-à-dire qu’il intervient généralement en
dernier ressort, après notamment le droit administratif et le droit civil.
TABLE DES TABLEAUx
Tableau N °1 : Récapitulatif de quelques sanctions pénales applicables par le juge béninois 109
Tableau N °2 : Récapitulatif du nombre de décisions de justice rendues en matière environnementale au cours des cinq dernières années par le TPI de Natitingou 110
Tableau N °3 : Point des infractions et condamnations liées aux délits constatés dans la réserve de la biosphère de la Pendjari saisons touristiques de 2006 à 2009 132
Tableau N °4 : Récapitulatif des décisions rendues par rapport aux infractions constatées au cours des saisons touristiques et cynégétiques de 2006 à 2009 135
Tableau N °5 : Récapitulatif des recettes issues des transactions au cours des saisons touristiques et cynégétiques de 2006 à 2009 135
Tableau N°6 : Quelques domaines sensibles ignorés du législateur ou de l’exécutif 145Tableau N °7 : Taux de dossiers sortis par les TPI de 2005 à 2008 171Tableau N°8 : Point statistique des magistrats béninois et leur masse de travail
dans les tribunaux (Année de référence 1995 187Tableau N°9 : Effectif des personnels greffiers en exercice dans les TPI et CA de
2005 à 2008 188Tableau N°10 : Effectif des magistrats en exercice dans les TPI et CA de 2002 à 2008 189Tableau N°11 : Nombre de magistrats actuellement en fonction dans les cours et
tribunaux du Bénin 192
SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONyMES
- ABE : Agence Béninoise pour l’Environnement
- AHJUCAF : Association des Hautes Juridictions d’Expression Française
- al : alinéa
- AN : Assemblée Nationale
- ANR : Assemblée Nationale Révolutionnaire
- APJ : Agent de Police Judicaire :
- Art : Article
397
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
- Ass. plén. : Assemblée plénière
- AUF : Agence Universitaire de la Francophonie
- AUPELF : Association des Universités des Pays ayant en partage la Langue
française
- BM : Banque Mondiale
- Bull. civ. Bulletin des arrêts de la cour de cassation (chambre civile)
- Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la cour de cassation (chambre
criminelle)
- C. pr.pén. : Code de procédure pénale
- C.civ. : Code civile
- C.env. : Code de l’environnement
- C.pén. : Code pénal
- C.urb. : Code de l’urbanisme
- c/. : contre
- Cah. env. : Cahier de l’environnement
- Cass. : cassation
- CBD : Convention sur la Diversité Biologique
- CCD : Convention sur la Lutte contre la Désertification.
- CCI. : Chambre de commerce Internationale
- CCNUCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
Climatiques
- CE : Conseil d’Etat
- CEDEAO : Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest
- CEDE : Cour Européenne des Droits de l’Homme
- CENAGREF : Centre National Gestion des Ressources Forestières
- CES : Conseil Economique et Social
398
Deuxieme partie
- Cf. : Confer
- Ch. acc. : chambre d’accusation
- Ch. arb. : chambre arbitrale
- Ch. : chambre
- Ch.corr. : chambre correctionnelle
- Chap. : chapitre
- CIJ : Cour Internationale de Justice
- CIMBENIN : Ciment Bénin
- Cir. Interm. : circulaire interministérielle
- Circ. : circulaire
- CITES: Convention on International Trade in Endangered Species of wild
Fauna and Flora.
- CJCE : Cour de Justice de la Communauté Européenne
- CNDD : Commission Nationale pour le Développement Durable
- CNLC : Commission Nationale de Législation et de Codification
- Coll. : collection
- Cons. const. : conseil constitutionnel
- Const. : Constitution
- Conv. : convention
- Conv.inter. : convention internationale
- CPIR : Cour Pénale Internationale pour le Rwanda
- D : Dalloz
- DC : Directeur de Cabinet
- DCC : Décision de la Cour Constitutionnelle
- DDEHU : Direction Départementale de l’Environnement, de l’habitat et
de l’urbanisme
399
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
- DDEPN Direction Départementale de l’Environnement et de la Protection
de la Nature
- DEA : Diplôme d’Etude Approfondie
- DFPRN : Direction des Forets et de la protection des Ressources
Naturelles
- DFRN : Direction des Forets et des Ressources Naturelles
- DGE : Direction Générale de l’Environnement
- DGFRN : Direction Générale des Forets et des Ressources Naturelles
- Dr.pén. : droit pénal ;
- DST : Direction des Services Techniques
- DUA : Direction de l’Urbanisme et de l’Assainissement
- EIE : Etude d’Impact Environnemental ;
- ERSUMA : Ecole Régionale Supérieur de Magistrature
- FADESP : Faculté de Droit et de Sciences Politiques
- FAO : Food and Agricultural Organization
- FEM : Fonds pour l’Environnement Mondial
- FNE : Fonds national pour l’Environnement au Bénin
- Gaz.pal. : Gazette du palais
- hts : Habitants
- Id. : idem
- In. : extrait de
- JCP : Juris-classeur périodique
- JORB ou JO: Journal officiel de la République du Bénin
- JORF : Journal Officiel de la République Française
- MEHU : Ministère de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme
400
Deuxieme partie
- MEPN (ex-MEHU) : Ministère de l’Environnement et de la Protection de
la Nature
- MERF : Ministère de l’Environnement et de la Recherche Forestière
- MESRS : Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Scientifique
- MJL : Ministère de Justice de la Législation
- MJLDH : Ministère de Justice de la Législation et des Droits de l’Homme
- OCBN : Organisation Commune Bénin- Niger de Chemin de fer
- OCDE : Organisation pour le Commerce et le Développement Economique
- OGM : Organisme Génétiquement Modifié
- OME : Organisation Mondiale de l’Environnement
- OMS : Organisation Mondiale de la Santé
- ONG : Organisation Non Gouvernementale
- ONU : Organisation des Nations Unions
- Op.cit. : opera citao
- OPJ : Officier de Police Judiciaire
- Ord. : Ordonnance
- p. : page
- PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
- PV : Procès-verbal
- REDE : Revue Européen de Droit de l’Environnement
- Rev.jur.env. : Revue juridique de l’environnement
- RGPH3 : 3ème Recensement Général de la Population et de l’Habitat
- RIDC : Revue Internationale de Droit Comparé
- S. : Sirey
- SCB : Société des Ciments du Bénin
401
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
- SCO : Société des Ciments d’Onigbolo
- SFDI : Société Française de Développement International
- SGM : Secrétaire Général du Ministère
- SONAPRA : Société Nationale des Produits Agricoles
- SONICOG : Société National des Industries des Corps Gras
- T : Tome
- T. corr. : Tribunal correctionnel
- TGI. : tribunal de grande instance
- TPI : Tribunal de Première Instance
- TPIy : Tour Pénale Internationale pour la yougoslavie
- Tri.inst. : Tribunal d’instance
- Trib. : Tribunal
- UA : Union Africaine
- UAC : Université d’Abomey-Calavi
- UB /UL : Université de Bénin, actuellement Université de Lomé
- UE : Union Européenne
- UEMOA : Union Economique Monétaire Ouest Africaine
- UICN : Union Internationale de Conservation de la Nature
- UNESCO : Organisation des Nations Unies pour la Science et la Culture
- UNITAR : Organisation des Nations Unies pour la Recherche
- UREF : Union des Réseaux Francophones
- V. : voir
- Vol. : volume
402
Deuxieme partie
BIBLIOGRAPHIE
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406
Deuxieme partie
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La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
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• ROBERT (J.H), Le contentieux pénal, Paris 2006 www.courdecassation.fr.
• ROBERT (J.H), Le problème de la responsabilité pénale et des sanctions
pénales en matière d’environnement, RIDP, 1994.
• ROGGEN(F), La répression des infractions contre l’environnement, in,
L’actualité du droit de l’environnement, Bruxelles, Bruylant 1995.
• ROGGEN(F), Le juge pénal et la protection de l’environnement, in, Les
juges et la protection de l’environnement, Bruylant/Bruxelles, 1997.
• SEUVIC (Jean-François), Force ou faiblesse de la constitutionnalisation
du droit pénal, www.legifrance.gouv.fr.
• SZONyI DANDACHI(Amira), La convention sur la protection de
l’environnement par le droit pénal, RJE, n° octobre 2003.
2. Rapports et documents divers
• Action 21, Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement,
Déclaration de principes relatifs aux forêts. Principaux textes de la
CNUED,
• BOGUI (Ziriyo) (Président), Rapport de la commission internationale
d’enquête sur les déchets toxiques déversés dans le District d’Abidjan,
19 février 2007.
• do NASCIMENTO Geraldo E. SILVA (Rapporteur), La pollution
transfrontière de l’air, XXème commission, Institut droit international
Session du Caire, 1987 www.idi.org
411
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
• Enquête-Rapport sur l’efficacité des lois de l’environnement, (par
l’association nationale pour la protection des eaux et rivières). France,
1996.
• FAURE(Michael), Sanctions pénales, Rapport, vol.I, Liv. III, Titre. III, 1989
Belgique.
• HUGUES (Patricia) et MOSSMAN (Mary Jane), Repenser l’accès à la
justice pénale au Canada : un examen critique des besoins, des réponses
et des initiatives de justice réparatrice. Division de la recherche et de la
statistique, Ministère de la Justice, Canada, mars 2001.
• Le renforcement et structuration des polices de l’environnement en
France, (Rapport commission interministérielle, 2005).
• MATEE/GTZ, Etude sur le système d’inspection, de contrôle et de
surveillance de l’environnement au Maroc. (Rapport 2007).
• MEHU, Agenda 21 National du Bénin, 1997.
• MEHU, Plan d’Action Environnementale du Bénin, 1993 (révision 2001).
• MEHU/ABE, Rapport intégré sur l’état de l’environnement au Bénin,
2002.
Nations Unies, New york, 1993.
• PALLARUELO(Guy), Mieux maitriser le risque pénal en matière
d’environnement (commission juridique de la commission du
commerce intérieur et de la commission de l’aménagement régional, de
l’environnement, du tourisme et des transports) adopté par l’assemblée
générale du 7 mars 2002. Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.
• PRABHU (M), Rapport général du congrès international sur les crimes
contre l’environnement, AIDP, Ottawa, 1994.
• Rapport sur l’étude de prospective à long terme Bénin 2025, 2000.
• Rapport, MJL, Etude de pré-diagnostic, Etat des lieux et diagnostic
d’ensemble, Réhabilitation du système judiciaire au Bénin, Ass.SCHENE.
avril 1996.
412
Deuxieme partie
• Résolution sur le XVème Congrès international de droit pénal, Rio RDP
1994.
• UNITAR, Environnement et justice : responsabilité civile et pénale en
matière d’environnement, Rome 2005, www.unitar.org.
V. CODES ET TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
1. Au niveau national
• Loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République
du Bénin.
• Loi n°98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement en
République du Bénin.
• Loi n°93-09 du 02 juillet 1993 portant régime des forêts en République
du Bénin.
• Loi n°97-029 du 15 janvier 1997 portant organisation des Communes en
République du Bénin.
• Loi n°2002-16 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en
République du Bénin.
• Loi n°87-015 du 21 septembre 1987 portant code de l’hygiène publique
en République populaire du Bénin.
• Loi n°2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier en République
du Bénin.
• Loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile,
commerciale, administrative, sociale et des comptes.
• Loi n°2006-18 portant code pétrolier en R.B.
• Loi n°2001-37 du 27 aout 2002 portant organisation judiciaire en
République du Bénin.
413
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
• Loi n° 87-016 du 21 septembre 1987portant code de l’eau en République
Populaire du Bénin.
• Loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation,
fonctionnement et attributions de la cour suprême au Bénin.
• Loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables
devant les formations juridictionnelles de la cour suprême au Bénin.
• Loi- n°2010-44 du 24 novembre 2010 portant gestion de l’eau en
République du Bénin.
• Loi- n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et
autres infractions connexes en République du Bénin
• Ordonnance n°25 P.R. /MJL, du 07 aout 1967 portant code de procédure
pénale au Bénin.
• KILANyOSSI (M.V. Mardochée), Droit pénal spécial. Législation pénale du
Bénin : recueil des lois et règlements de droit pénal applicable au Bénin
en dehors du code pénal (1960-2006), Cotonou, 2007 692 p.
• Décret n°2001-235 du 12 juillet 2001 portant organisation de la
procédure d’étude d’impact sur l’environnement au Bénin.
• Décret n°2001-190 du 19 juin 2001 portant organisation de la procédure
d’audience publique en République du Bénin.
• Décret n°2001-093 du 20 février 2001 fixant les conditions d’élaboration
de l’audit environnemental en République du Bénin.
• Décret n°2001-095 du 20 février 2001 fixant portant création et
fonctionnement des cellules environnementales en République du
Bénin.
• Décret n°2001-109 du 04 avril 2001 fixant les normes de qualité des
eaux résiduaires en République du Bénin.
• Décret n°2001-110 du 04 avril 2001 fixant les normes de qualité de l’air
en République du Bénin.
414
Deuxieme partie
• Décret n°2001-109 du 04 avril 2001 fixant les normes de qualité de l’eau
potable en République du Bénin.
• Décret n°2001-096 de février 2001 portant création, attributions et
fonctionnement de la police environnementale au Bénin.
• Décret n° 2005-437 du 22 juillet 2005 portant organisation de la
procédure d’inspection environnementale en République du Bénin.
• Décret n°97-616 du 18 décembre 1997 du 19 juin 2001 portant
application de la loi n°87-015 du 21 septembre 1987 portant code de
l’hygiène publique en République du Bénin.
• Décret n°97-624 du 31 décembre 1997 portant structure, composition
et fonctionnement de la police sanitaire.
• Décret n°96-271 du 2 juillet 1996 portant modalité d’application de la loi
n° 93-009 du 02 juillet 1993 portant régime des forêts en République du
Bénin.
• Décret n° 2002-484 du novembre 2002 portant gestion rationnelle des
déchets biomédicaux en République du Bénin
• Arrêté interministériel n° 136/MISAT/MEHU/MS/DC/DATC/DE/DHAB
du 26 juillet 1995, portant réglementation des activités de collecte,
d’évacuation, de traitement et d’élimination des déchets solides en
République du Bénin.
• SERHAU-SEM (Société d’Etudes Régionales d’Habitat et d’Aménagement
Urbain), Recueil des textes principaux en matière de droit domanial, de
droit de l’Urbanisme et de droit foncier, MEHU Cotonou, 1999.
2. Au niveau régional et international
• Loi n°L/99/013 AN portant code foncier et domanial guinéen, www.
droit.afrique.com.
• Loi n° 98-164 du 20 février 1998 portant code forestier du Sénégal, www.
jurisafrica.com.
415
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
• Loi n° 14/PR/98 définissant les principes généraux de la protection de
l’environnement au Tchad, www.droit.afrique.com.
• Loi n°98-005 du 14 avril 1998 portant régime de l’eau en République du
Cameroun, www.droit.afrique.com.
• Loi n°0016101 du 31 décembre 2001 portant code forestier en
République gabonaise www.droit.afrique.com.
• Loi n°88-651 du 7 juillet 1988 portant protection de la santé publique et
de l’environnement en Côte-d’Ivoire.
• Loi-cadre n°96/766 du 3 octobre 1996 portant code de l’environnement
en Côte-d’Ivoire.
• Loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement
sénégalais.
• Loi n° 2001-01 du 12 avril 2001 portant application du code de
l’environnement du Sénégal, www.droit.afrique.com.
• Décret n° 2001-282 du 12 avril 2001 portant application du code de
l’environnement du Sénégal, www.droit.afrique.com.
• Code de l’environnement français, édition 2010 version internet : www.
legifrance.gouv.fr.
• Loi n° 005/97/ADP du 30 janvier 1997portant code de l’environnement
du Burkina Faso
• La charte de l’environnement en France, 28 février 2005. www.legifrance.
gouv.fr.
• Code pénal Dalloz, 1991-1992.
• Code pénal annoté, Recueil Sirey, paris 1952 (Emile GARCON).
• Recueil annoté des textes de droit pénal applicables en AOF (BOUVENET
(Gaston-Jean) et HUTIN(Paul).
• Circulaire n° DCG2005-12G4/23-5-2005 portant orientation de politique
pénale en matière d’environnement. www.environnement.ader.gouv.fr.
416
Deuxieme partie
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS 9
SOMMAIRE 11
INTRODUCTION GENERALE 13
PREMIERE PARTIE: UN CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL PERTINENT MAIS INEFFECTIF ET INSUFFISANT 21
TITRE PREMIER : UN CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL PERTINENT 23
CHAPITRE Ier : LES ELEMENTS D’UNE POLITIQUE CRIMINELLE ENVIRONNEMENTALE 23
SECTION I ère : UNE LEGISLATION ENVIRONNEMENTALE PERTINENTE 24
§I : L’apport du droit constitutionnel béninois 25
A) La consécration constitutionnelle du droit à l’environnement 25
1. Le droit à un environnement sain 27
2. L’environnement, objet d’un droit de l’homme 33
B) La criminalisation constitutionnelle des infractions environnementales 35
§II : L’existence de dispositions législatives et réglementaires répressives. 37
A) Les textes de portée générale 38
1. Les anciens textes répressifs 38
a) Le Code de Procédure Pénale 38
b) Le recueil de Code pénal « BOUVENET » 39
2. Les possibilités offertes par la loi-cadre sur l’environnement au Bénin 41
a) L’énoncée des principes généraux de l’environnement 42
b) Les incriminations ou infractions prévues par la loi-cadre 44
B) Une législation sectorielle en évolution 49
1. Dans le domaine de la flore, de la faune et de la chasse 50
2. Dans le domaine de l’eau et des pollutions et nuisances. 53
3. Dans le domaine foncier 54
4. Dans le domaine de la gouvernance locale 54
§III : L’apport des conventions internationales dans le développement du droit pénal interne de l’environnement 56
SECTION II : LES ASPECTS INSTITUTIONNELS DE LA POLITIQUE CRIMINELLE 60
§ I : La contribution des institutions nationales. 61
A) L’influence des institutions constitutionnelles dans la répression des atteintes à l’environnement 61
1. Le Président de la République 61
2. L’Assemblée Nationale 63
3. La Cour Constitutionnelle 63
4. La Cour Suprême 65
5. La Haute Cour de Justice 65
417
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
B) Les institutions gouvernementales 67
1. Le Ministère chargé de l’Environnement 67
2. Le Ministère chargé de la justice et de la législation 69
3. Le Ministère chargé de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage 69
§ II : L’expérience béninoise de la Police Environnementale 70
A) Les moyens d’action 71
B) Les activités répressives 72
§ III : La contribution des associations de défense de l’environnement 73
A) Les conditions d’accès des associations à la justice 75
B) Les modalités de leur action au pénale 76
chapitre II : l’existence d’un systeme repressif ENVIRONNEMENTAL EN DEVELOPPEMENT 78
Section I : LA mise en mouvement de l’action publique 78
§I : La constatation des infractions : l’exercice de l’action publique 79
A) L’enquête préliminaire par les OPJ 79
1) La constatation des infractions 80
a) Les acteurs classiques de constatation des infractions : les OPJ 80
b) Les nouveaux acteurs de constatation des infractions 83
2) La force probante du procès-verbal de constatation 89
a) Les conditions de validité des procès-verbaux 89
b) Les pouvoirs d’investigation 95
B) Le ministère public au centre de l’exercice de l’action publique 97
§II : Le régime juridique de la surveillance et du contrôle 100
A) Le caractère hybride de la surveillance ou du contrôle 100
B) Le caractère particulier et nécessaire du contrôle et de la surveillance. 104
SECTION II : LE REGIME REPRESSIF TEL QUE PREVU PAR LES TEXTES 107
§I : Le régime juridique des peines 107
A) Les sanctions pénales 108
1. Les peines principales : l’amende et l’emprisonnement 109
2. Les peines pénales complémentaires 117
B) Les sanctions administratives 122
1. Les sanctions administratives relevant du juge administratif 122
2. Les sanctions complémentaires relevant des autorités administratives 124
§II : Les sanctions alternatives 128
A) Le recours de plus en plus fréquent à la transaction 129
B) Les autres mesures alternatives aux sanctions classiques 139
1) Le classement sous condition 139
2) L’ajournement de la peine, 140
3) La médiation pénale et la composition pénale 140
418
Deuxieme partie
TITRE II : UN DISPOSITIF ENVIRONNEMENTAL REPRESSIF INEFFECTIF, INSUFFISANT ET PEU PERFORMANT 144
CHAPITRE III : UN ARSENAL REPRESSIF PEU PERFORMANT 144
SECTION I : LE CADRE NORMATIF PENAL 145
§I : Le caractère insuffisant et vétuste des textes pénaux 146
A) Le caractère insuffisant ou incomplet des textes répressifs 146
B) Le caractère vétuste et caduc des textes pénaux existants 153
§II : L’éparpillement des textes répressifs 157
SECTION II : L’ACCES A LA JUSTICE PENALE 161
§I : Les obstacles liés au mode de fonctionnement de la justice 161
A) Quant aux constatations des infractions et à leurs poursuites 162
B) Quant au mode d’organisation de la justice pénale 164
1. La dépénalisation des infractions 164
2. Les carences organisationnelles et la complexité de la procédure pénale 167
3. Le caractère spécifique de l’infraction pénale environnementale 172
§II : Les obstacles socio-économiques et politiques à l’accès à la justice 177
A) Un contexte sociologique africain peu favorable 177
1. L’analphabétisme et l’ignorance 178
2. Une crainte excessive mais justifiée à l’égard de la justice 180
B) La carence des moyens matériels, financiers et humains 182
1. Le coût élevé de la justice pour les justiciables 182
2. Un déficit chronique de magistrats spécialisés. 185
chapitre IV : L’EFFECTIVITE DES SANCTIONS PENALES ENVIRONNEMENTALES 191
SECTION I : LA MISE EN ŒUVRE DES SANCTIONS PENALES ENVIRONNEMENTALES 192
§ I : La pénalisation indirecte ou dépendance administrative du droit pénal de l’environnement 193
A) Au niveau des violations de normes administratives 194
B) Au niveau du contrôle de légalité 200
C) Au niveau des faits justificatifs 202
1) L’état de nécessité 202
2) L’erreur de droit ou erreur invincible 207
§ II : La pénalisation directe du droit pénal de l’environnement 210
A) Le délit de pollution de l’eau 211
B) Le trafic illicite de déchets toxiques ou dangereux 214
C) Les inconvénients de l’incrimination directe en droit pénal 218
SECTION II : LA TENDANCE A L’INDULGENCE EN MATIERE DE SANCTIONS PENALES ENVI-RONNEMENTALES 219
§ I : Faible application des sanctions pénales environnementales 220
A) Sanctions pénales à faible effet dissuasif 220
419
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
B) Sanctions pénales quasi inappliquées 225
§ II : L’indulgence du juge pénal et tolérance administrative 227
A) L’indulgence du juge 227
1. Le recours fréquent aux sanctions sursitaires 227
2. Le doute comme motif de relaxe 230
B) L’indulgence de l’administration ou tolérance administrative 232
DEUXIEME PARTIE : LA NECESSAIRE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT PAR LE DROIT PENAL ET LES PERSPECTIVES 235
TITRE I : VERS LA MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT 236
CHAPITRE V : LE RENFORCEMENT DES MOyENS D’ACTION ET DE MISE EN ŒUVRE DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT 238
SECTION I : LA RESTRUCTURATION DU CADRE JURIDIQUE 238
§ I : La nécessaire refonte du droit répressif béninois 239
A) La révision et l’élaboration de textes pénaux 239
1) La révision des textes 240
2) L’élaboration de nouveaux textes. 241
B) Le code de l’environnement, un outil nécessaire 247
1) La définition et les intérêts d’un code de l’environnement 248
2) La nature et les principes de codification 252
3) Le dispositif institutionnel 255
4) Les limites et les écueils qui pourraient résulter de la rédaction du code 258
a) Eviter des incohérences de fond et de forme 260
b) Eviter la rédaction infidèle de certains textes 262
§II : Vers une législation pénale environnementale cohérente et homogène 263
SECTION II : L’ANALySE ECONOMIQUE DU DROIT PENAL DE L’ENVIRONNEMENT 267
§I : L’intérêt de la théorie de l’analyse économique du droit de l’environnement 269
A) Les raisons qui gouvernent la théorie économique 270
B) Les conditions de l’application et du respect de la législation pénale 273
1) L’efficacité du contrôle juridique et de la poursuite judiciaire 275
2) La combinaison des sanctions 276
§ II : Le renforcement de capacités et de mise en œuvre efficiente du droit pénal de l’environnement 278
A) Le renforcement des moyens humains 278
1) La formation des magistrats au droit répressif de l’environnement 279
2) Le personnel administratif chargé de la surveillance et du contrôle 283
a) Le renforcement de capacité des structures de contrôle et de surveil-lance publics 283
b) Le renforcement de capacité des associations de défense de l’environnement 286
B) Le renforcement des moyens techniques, scientifiques et financiers 287
420
Deuxieme partie
1) Les moyens techniques et scientifiques 287
2) Les ressources financières et les mécanismes de financements 288
CHAPITRE VI : LA DEFINITION DES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION ENVIRONNE-MENTALE 292
SECTION I : L’ELEMENT LEGAL OU L’EXIGENCE DE TEXTES CLAIRS ET PRECIS 293
§I : Le contenu et l’évolution du principe de la légalité 294
A) L’historique et la signification du principe 294
B) L’évolution actuelle du principe en droit pénal de l’environnement 295
§ II : L’application du principe de la légalité en droit pénal de l’environnement 297
A) Le législateur doit légiférer avec clarté et précision 297
1. L’incrimination par renvoi, une solution 299
2. Les limites de l’incrimination par renvoi 303
B) Le juge répressif doit dire le droit en fonction d’un texte 305
SECTION II : LES AUTRES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION ENVIRONNEMENTALE 309
§I : La réforme des éléments matériels de l’infraction 309
A) Les infractions d’action ou de commission en droit pénal de l’environnement 310
B) Les infractions de commission par omission. 311
§II : La définition des éléments intentionnels de l’infraction 314
A) La nécessité de l’élément moral 315
B) La réforme de l’élément moral pour le droit de l’environnement 317
1) L’intérêt de l’élément moral pour le droit de l’environnement 317
2) La faute d’imprudence et de négligence. 322
TITRE II : LES PERSPECTIVES POUR UN DROIT PENAL PLUS EFFICACE 326
CHAPITRE VII : L’EFFECTIVITE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE LA PERSONNE MORALE EN DROIT INTERNE BENINOIS. 328
SECTION I : UN BREF APERCU DE LA PORTEE DE LA RESPONSABILITE PENALE APPLICABLE A LA PERSONNE MORALE 330
§I : Le contenu de la responsabilité pénale de la personne morale 333
A) Les personnes morales de droit privé. 334
B) Les personnes morales de droit public 335
1) Les organes ou représentants d’une personne morale 337
2) La commission de l’infraction « pour le compte » de la personne morale. 339
§II : L’efficacité des sanctions pénales applicables à la personne morale 341
A) L’amende applicable aux personnes morales 341
B) Les peines accessoires applicables aux personnes morales 342
SECTION II : L’EFFECTIVITE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE LA PERSONNE MORALE AU BENIN 346
§I : Une introduction relative de la responsabilité des personnes morales 347
A) Le silence des textes pénaux à caractère général 347
421
La necessaire protection de l’environnement par le droit penal et les perspectives
B) Existence de la responsabilité de la personne morale au Bénin 348
§II : Une possibilité de répression de la personne morale très réduite 350
A) Les difficultés quant à la mise en œuvre de la responsabilité de la personne morale 350
B) Les pesanteurs économiques freinent l’application du droit pénal des personnes morales 351
CHAPITRE VIII : LA REPRESSION DE LA POLLUTION TRANSFRONTIERE 355
SECTION I : LA COMPETENCE EN MATIERE DE POLLUTION TRANSFRONTIERE 356
§I : La définition et les manifestations du phénomène de pollution transfrontière 357
A) Les éléments de définition de la pollution transfrontière 357
B) Les sources et les manifestations de la pollution transfrontière 359
1) Les manifestations de la pollution atmosphérique transfrontières 360
2) Les manifestations de la pollution marine transfrontière 362
§II : La compétence des tribunaux en matière de pollution environnementale transfrontière 365
A) Les tribunaux à compétence interne 366
1) La compétence des tribunaux de l’Etat pollueur 366
2) La compétence des tribunaux de l’Etat victime 369
B) Le recours au règlement judiciaire international 372
1) Le recours à la procédure d’arbitrage ou à la CIJ 372
2) Le recours à l’application des conventions internationales environnementales 376
SECTION II : LA COMPETENCE NON JURIDICTIONNELLE DE REGLEMENT DE CONFLIT EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT 378
§I : La coopération interétatique de bon voisinage 378
A) L’information et la consultation dans les relations transnationales 379
B) L’information et l’assistance en cas d’infraction transfrontière 382
§II : Le mode de règlement pacifique des conflits en matière de pollution transfrontière 384
A) Les mécanismes de règlement non juridictionnel 384
1) La négociation 385
2) Les bons offices 386
3) L’enquête internationale 386
4) La médiation et la conciliation 387
B) Les sanctions non juridictionnelles ou diplomatiques 387
1) Les sanctions non juridictionnelles applicables à l’Etat 388
2) Les sanctions non juridictionnelles applicables aux personnes privées 389
CONCLUSION GENERALE 391
TABLE DES TABLEAUX 396
SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONyMES 396
BIBLIOGRAPHIE 402
I. OUVRAGES GENERAUX DE DROIT ET DE DROIT PENAL 402
II. MANUELS OU OUVRAGES SPECIALISES EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT 403
III. THESES ET MEMOIRES 405
IV. ARTICLES & RAPPORTS 407
1. Articles 407
2. Rapports et documents divers 410
V. CODES ET TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES 412
1. Au niveau national 412
2. Au niveau régional et international 414
table des matieres 416
ANNEXES 423
ANNEXE I : Principaux Accords bilatéraux et multilatéraux signés ou ratifiés par le Bénin en matière d’environnement. 424
ANNEXE II: Liste des agents outre que les OPJ, habilités à constater (contrôle et de la surveillance) les infractions au droit de l’environnement dans le dispositif pénal béninois 430
ANNEXE IV : 436
ACCORD DE COOPERATION 437
ENTRE 437
LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DU BENIN 437
ET 437
LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE TOGOLAISE 437
DANS LES DOMAINES DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA GESTION DURABLE DES RESSOUR-CES NATURELLES 437
423
ANNEXES
424
Annexes
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430
Annexes
ANNEXE II: Liste des agents outre que les OPJ, habilités à constater (contrôle et de la surveillance) les infractions au droit de l’environnement dans le dispositif pénal béninois
N° Agents assermentés ou commissionnés Textes d’habilitation
01 Le capitaine ou le responsable de tout navire et le représentant qualifié de l’autorité maritime
Ordonnance n°38/PR/MTPTPT du 18/6/68 portant code de la marine marchande de la RB (art.274 et 289)
02 Le Ministre chargé de l’environnement Loi n°98-30 de la 12/02/99 portant loi cadre sur l’environnement en république du Bénin (art.106)
03 Les agents fonctionnaires du Ministère chargé du commerce en matière de répression de fraudes douanières
Loi n°98-30 de la 12/02/99 portant loi cadre sur l’environnement en république du Bénin (art.85) et la loi-n°90-005 du 15 mai 1990 fixant les conditions d’exercice des activités de commerce en RB (art.46)
04 Les agents assermentés de l’Agence Béninoise pour l’Environnement
Loi n°98-30 de la 12/02/99 portant loi cadre sur l’environnement en république du Bénin (art.85)
05 Les agents assermentés ou commissionnés des Eaux, Forêts et Chasse
Loi n°93-009 du 2/7/93 portant régime des forêts en RB (art. 64, 68, 70) et la Loi n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en RB (art 126 et suivants).
06 Les agents assermentés des services de pêche et du ministère chargé du développement rural
Ordonnance n° 20/PR/MDRC du 25 avril 1966 portant réglementation de l’exercice de la pêche dans les eaux continentales du Bénin (art.15) et ses textes d’application.
07 Les agents fonctionnaires assermentés de la direction chargée des mines
Loi n°2006-17 du 17/10/06 portant code minier et fiscalités minières en R.B. (art.138)
08 Les agents fonctionnaires assermentés de la direction chargée des hydrocarbures
Loi n°2006-18 du 17/10/06 portant code pétrolier en R.B. (art.87)
09 Les Inspecteurs de la police environnementale
Loi n°98-30 de la 12/02/99 portant loi cadre sur l’environnement en république du Bénin
431
Annexes
N° Agents assermentés ou commissionnés Textes d’habilitation
10 Les agents d’hygiène et agents de santé publique assermentés
Loi n°87-015 du 21 /9/87portant code de l’hygiène publique (art.15, 16, 102et 143 et suivants) et la Loi n° 84-009 du 15 mars 1984 sur le contrôle des denrées alimentaires
11 Les agents de la police sanitaire Décret n°97-624 du 31 /12/97 portant structure, composition et fonctionnement de la police sanitaire et la Loi n°87-015 du 21 /9/87 portant code de l’hygiène publique (art.143 et suivants))
12 Le Directeur Général de la Foret et des Ressources Naturelle
Loi n°93-009 du 2/7/93 portant régime des forêts en RB (art. 64, 68, 70) et la Loi n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en RB (art 126 et suivants).
13 Les agents des douanes Ordonnance n°54/PR/MFAE/DD du 1er/01/67portant code des douanes (art. 250 et suivants)
14 Les Directeurs Départementaux de l’Environnement et de la Protection de la Nature
Loi n°98-30 de la 12/02/99 portant loi cadre sur l’environnement en république du Bénin (art106) et décret n°2007-493du 02/11/07 portant attributions, organisation et fonctionnement du MEPN (art.36).
15 Le Maire Loi-n°97- du 15/01/97 portant régime des communes en RB
16 Les agents assermentés ou commissionnés du CENAGREF
Loi-n°87-014 du 21/9/87 portant réglementation de la nature et de l’exercice de la chasse en RPB (art.44 ; 47).
17 Les agents fonctionnaires commissionnés du MEPN
Loi n°98-30 de la 12/02/99 portant loi cadre sur l’environnement en république du Bénin
18 Les Inspecteurs vétérinaires assermentés
Ordonnance n°72-31 du 27 septembre 1972 portant réglementation de la police sanitaire des animaux et de l’inspection des denrées alimentaire d’origine animale (art.1er).
19 Le préfet Loi-n°97- du 15/01/97 portant régime des communes en RB
432
Annexes
N° Agents assermentés ou commissionnés Textes d’habilitation
20 Les agents de contrôle de conditionnement
Loi-n° 87-008 du 21 septembre 1987 portant régime des taxes du contrôle du conditionnement et de normalisation de produits agricoles
21 Les agents du service du contrôle de prix Ordonnance n°20/PR/MFAEP du 5 juillet 1967 portant réglementation des prix et stocks (art.40)
22 Les agents de la direction des impôts Ordonnance n°20/PR/MFAEP du 5 juillet 1967 portant réglementation des prix et stocks (art.40) et le Code des impôts (art.250 et suivants)
23 Les agents du service de la répression des fraudes et du conditionnement
Ordonnance n°20/PR/MFAEP du 5 juillet 1967 portant réglementation des prix et stocks (art.40)
24 Les agents de la direction de l’hydraulique ou de la direction du génie sanitaire et de l’assainissement
Loi-n° 87-016 du 21 septembre 1987 portant ode de l’eau en RB (art.16).
25 Les agents chargés de la protection des végétaux assermentés
Loi n° 91-004 du 11 février 1991 portant réglementation phytosanitaire en RB (art.9)
26 Les agents assermentés des administrations chargées de la protection de l’environnement
Loi n°98-30 de la 12/02/99 portant loi cadre sur l’environnement en république du Bénin (art.106)
433
Annexes
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436
Annexes
ANNExE IV :
L’accord de coopération entre le gouvernement de la République du
Bénin et le gouvernement de la République togolaise dans les domaines de
l’environnement et de la gestion durable des ressources naturelles
437
Annexes
ACCORD DE COOPERATION
ENTRE
LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DU BENIN
ET
LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE TOGOLAISE
DANS LES DOMAINES DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA GESTION
DURABLE DES RESSOURCES NATURELLES
438
Annexes
Le Gouvernement de la République du Bénin, d’une part,
Et
Le Gouvernement de la République Togolaise, d’autre part,
Ci-après dénommés « les Parties »
Considérant les relations traditionnelles de fraternité, d’amitié et de
coopération existant entre les deux pays et les deux peuples ;
Conscient de la nécessité pour le plus grand profit de leurs populations
respectives, d’une coopération étroite entre leurs deux pays en vue d’une gestion
durable de l’environnement et des ressources naturelles ;
Désireux de créer un cadre spécifique de concertation entre les
responsables de leurs départements ministériels respectifs en vue de résoudre
les problèmes communs dans les domaines de l’environnement et de la gestion
durable des ressources naturelles ;
Se rappelant les différentes rencontres et consultations de haut niveau ;
Vu le procès verbal des séances de travail des délégations du Ministère
de l’Environnement de l’Habitat et de l’Urbanisme (MEHU) et du Ministère de
l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF) du Togo, tenues à Lomé
les 19 et 20 octobre 2011 ;
Sont convenu de ce qui suit :
Article premier : Définitions
Aux fins du présent accord, les termes et expressions suivants
s’entendent, sauf indications contraires dans le contexte comme ci-après :
439
Annexes
« Autorités compétentes » : Autorités compétentes chargées de la mise
en œuvre du présent accord :
a. en ce qui concerne la République du Bénin, le Ministère de
l’environnement de l’Habitat et de l’Urbanisme (MEHU) ;
b. en ce qui concerne la République togolaise, le Ministère de
l’Environnement et des ressources Forestière (MERF) ;
« CEB » : Communauté Electrique du Bénin ;
« OIBT » : Organisation Internationale des Bois Tropicaux ;
« OAB » : Organisation Africaine de Bois ;
« CPM » : Comité de Pilotage Ministériel ;
« CTP » : Comité Technique Paritaire
Article 2 : Objet
Le présent accord fixe les clauses sur la base desquelles les deux
parties s’engagent à promouvoir et à développer, au travers d’une concertation
permanente entre leurs autorités compétentes respectives, la coopération en
vue de gérer durablement leurs ressources forestières respectives, de limiter
les dégâts occasionnés par les inondations, de contrôler les rejets en mer des
déchets de toutes sortes, de luter contre l’érosion côtière et de mettre en
œuvre des actions concertées d’identification, de résolution et d’évaluation des
problèmes environnementaux d’intérêt commun.
Article 3 : Domaines de coopération
La coopération visée à l’article 2 ci-dessus couvre les domaines définis
ci-après :
• Domaine de l’environnement
- Identification des problèmes environnementaux et les mauvaises
pratiques en matière d’environnement ;
440
Annexes
- Elaboration des projets en vue de la résolution définitive du
problème de pollution des eaux marines et des côtes du fait du rejet
des bouts de phosphate et autres ;
- Elaboration des projets communs visant la fixation des berges des
cours d’eaux transfrontaliers (Mono, Couffo et Oti-Pendjari), en vue
d’atténuer les effets des inondations récurrentes dont sont victimes
les populations riveraines ;
• Domaine forestier
- Identification des problèmes de gestion des ressources naturelles et
les mauvaises pratiques en la matière ;
- Adoption et mise en œuvre des stratégies visant à éliminer le sciage
à la tronçonneuse par la promotion de technologie plus appropriées
(scies mobiles et autres) ;
- Mise en place d’un dispositif pour enrayer le trafic illicite de bois par
l’organisation de séances de concertation entre les administrations
des deux pays en charge des forêts ;
- Elaboration des programmes de gestion concertée et participative
des ressources naturelles à l’instar de la « muraille verte » ;
- Mise en place d’un mécanisme concerté de gestion des aires
protégés, des forêts et des espèces protégés (lutte contre le
braconnage, protection des hippopotames, surveillance des espèces
migratrices protégées) ;
- Renforcement du statut de la bande de terre séparant les deux
complexes du parc national de la Pendjari (côté béninois) et de celui
de Oti-Kéran Mandouri (côté togolais) pour en faire une réserve de
faune ;
- Evaluation des services environnementaux des éco systèmes des
deux pays ;
- Valorisation de toutes les composantes des forêts (surtout les
produits forestiers non ligneux) ;
441
Annexes
• Domaine des échanges d’expériences
- Evaluation de’ » la contribution des ressources forestières au produit
Intérieur Brut (PIB) ;
- Mise en place des marchés ruraux de bois énergie ;
- Suivi de l’évolution du couvert forestier à travers des inventaires
forestiers nationaux concertés ou conjoints ;
- Promotion de la recherche et de l’échange de données et
d’informations en matière de foresterie, de traitement des eaux
marines et de lutte contre l’érosion côtière ;
- Promotion du commerce de sciage de bois de teck ;
- Suivi et promotion des plantations privées ;
- Promotion du partenariat secteur public/secteur privé, en matière
de développement de la foresterie privée ;
- Promotion de l’échange d’expériences et des pratiques dans le
cadre du renforcement des capacités des acteurs en matière
d’environnement et des ressources naturelles.
Article 4 : Consultations bilatérales dans les organisations
internationales compétentes dans les domaines de l’environnement et de la
gestion durable des ressources naturelles
Les Parties se consulteront, par l’intermédiaire de leurs Missions
Permanente auprès d’Organisations Internationales compétentes dans les
domaines de l’environnement et de la gestion durables des ressources naturelles,
telles l’Organisation Internationales des Bois Tropicaux (OIBT) et l’Organisation
Africaine des Bois (OAB), pour harmonier leurs points de vue et leurs positions
sur les sujets d’intérêt communs.
442
Annexes
Article 5 : Création, mission et attribution du CPM et CTP
1. Les Parties créent un Comité de Pilotage Ministériel (CPM) présidé de
façon rotative par les ministres en charge de l’environnement des deux
Parties.
Le CPM est appuyé par un Comité technique paritaire (CTP) composé
des structures compétentes en matière de l’environnement, des forêts,
de la lutte contre la pollution marine et l’érosion côtière des deux Parties
et présidé de façon rotative par un cadre de haut rang respectivement
par l’autorité compétente de chaque Partie.
2. Sous la supervision du CPM, le CTP a pour mission d’examiner toutes les
questions liées à la mise en œuvre du présent accord.
A ce titre, elle est chargée de :
a. Définir des programmes spécifiques et des projets de coopération ;
b. Mettre en œuvre les accords spécifiques conformément aux clauses
du présent accord ;
c. Examiner et promouvoir l’exécution des programmes, projets et
accords de coopération ;
d. Analyser et évaluer leur état d’exécution ;
e. Identifier de nouveaux domaines en vue du développement d’une
coopération multisectorielle entre les deux (02) pays ;
f. Echanger des informations d’intérêts mutuels dans les domaines de
l’environnement et de gestion durable des ressources naturelles ;
g. Adopter des mesures et recommandations relatives au
développement de la coopération dans les domaines sus énumérés.
3. Le CPM soumet à l’examen de la commission mixte coopération bénino-
togolaise coprésidée par les ministres des affaires étrangères des deux
(02) pays ou toute autre personne désignée à cet effet, les questions
politiques liées à l’environnement et la gestion durable des ressources
naturelles et des propositions visant à améliorer et à renforcer la
coopération dans ces domaines entre les deux (02) Parties.
443
Annexes
Article 6 : Mode de fonctionnement
1. Le comité de pilotage ministériel se réuni une fois par semestre et de
façon rotative entre les deux pays. La première réunion du comité de
pilotage se tient au Bénin.
2. Le Comité Technique Paritaire se réuni en session ordinaire une fois par
trimestre. La deuxième et la quatrième réunion du Comité Technique
Paritaire coïncide avec les sessions ministérielles. La première session
ordinaire du CTP se tient au Togo.
3. En cas de besoin, le CPM et le CTP peuvent se réunir en session
extraordinaire, à la demande de l’un des Présidents de chaque organe.
Article 7 : Conditions de financement
Les frais liés à l’organisation des sessions sont à la charge de la Partie
hôte ; les frais de missions (déplacement, perdîmes et hébergements) des
membres du CPM et du CTP sont à la charge de chacune des deux Parties.
Chaque Partie peut solliciter de l’assistance auprès des partenaires
techniques et financiers de son pays dans le cadre de l’organisation des sessions.
Article 8 : Communications officielles
1. Les autorités compétentes échangeront par voies diplomatiques toutes
les informations sur les activités relatives à la mise en œuvre du présent
accord ;
2. Les Parties s’engagent à :
a. Travailler en étroite collaboration avec le ministre en charge des
affaires étrangères de leurs pays respectifs ;
b. Partager tous les documents techniques relatifs aux domaines de
coopération entre les deux Parties.
444
Annexes
Article 9 : Conditions et modalités d’application
Les conditions et modalités d’application du présent accord seront
dé »terminées le cas échéant, par des Protocoles additionnels et des échanges
de lettres.
Article 10 : Règlement des différends
Tous différents découlant de l’interprétation et/ou de l’application du
présent accord sera réglé à l’amiable par voie diplomatique.
Article 11 : Durée, entrée en vigueur, amendement et dénonciation
1. Le présent accord entre en vigueur dès sa signature par les deux Parties.
2. Il est conclu pour une durée de dix ans renouvelable par tacite
reconduction, à moins que l’une des Parties notifie à l’autre, par voie
diplomatique, son intention de le dénoncer. La dénonciation prend effet
douze (12) mois après sa notification.
3. Il peut être amendé d’un commun accord par les Parties. Les
amendements entreront en vigueurs conformément aux dispositions du
paragraphe 1 du présent article.
En deux exemplaires originaux en langue française
Fait à Lomé, le vendredi 16 mars 2012
445
Annexes
Pour le Gouvernement de la
République Togolaise,
Le Ministre de l’Environnement
et des Ressources Forestières
Pour le Gouvernement de la
République du Bénin,
Le Ministre de l’Environnement,
de l’Habitat et de l’Urbanisme
Kossivi AyIKOEBlaise Onésiphore
AHANHANZO-GLELE