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ARCHOLOGIQUE
PUBLE SOUS LA DIRECTION
G. PERROT ET S. REINACH
QUATRIME SRIE. TOME XX
JANVIER-FVRIER 1912
PARIS
ERNEST LEROUX; DITEUR28, RUE BONAPARTE(VIe)
Tous droits rservs
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IVeSRIE,T.XIX 13
L'AGEDESCAVERNESET ROCHESORNES
DEFRANCEETD'ESPAGNE
L'art pictural des chasseurs de rennes et de bisons ne s'est
pas seulement dvelopp, on le sait aujourd'hui, dans ,lescavernes du Prigord et des Pyrnes, mais encore dans une
partie du nord de l'Espagne, et spcialement dans la province
Cantabrique.D'autres dcouvertes, en diffrents endroits de la pninsule
Ibrique, y ont aussi rvl l'existence de peintures rupestresde divers styles, les unes dans les provinces de l'Est, rappelant
par le ralisme du dessin animalier l'art de la France mridio-
nale, les autres, au sud et l'ouest, figurations gnrale-
ment schmatiques.
Maintes questions sont souleves par les comparaisons sus-
cites par des uvres si diverses, et, des apprciations trs
opposes sont mises dj, parfois trs lgrement, sur les
priodes auxquelles ces peintures remontent.
L'une des plus tranges et des moins justifies peut se lire
dans le livre d'Angelo Mosso sur la Civilisation dan.s le bassin
de la Mditerrane (p. 176 de la traduction anglaise) Sur
l'origine de cet art (palolithique), il y a deux opinions. Les
uns le considrent comme autochtone, les autres le font driverde l'Est (qui cela?). On a d'abord affirm que le peuple auquel
ces grands artistes appartenaient tait une race quaternaire,
mais il est reconnu maintenant (!) que c'tait un peuple noli-
thique, et l'on ne pense plus qu'il.soit autochtone . Ce qu'une
aussi lourde erreur suppose d'ignorance des faits et des travaux
dj publis est vraiment stupfiant; mais si aucun auteur
srieux n'a mis de-si tranges thories, cependant quelques
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vulgarisateurs ou demi savants les propagent d'autant mieux
que. leurs ouvrages sont plus accessibles au public n on initi. Il
importe donc de fixer avec clart ce que nous savons sur les
uvres d'art rupestres ou paritales de France et d'Espagne,
et d'indiquer sommairement aux archologues classiques
que des tudes d'art compar pousseraient aux confins de la
prhistoire de quelles donnes matrielles certaines ils doivent
dsormais. tenir compte.
1. Cavernes frcinaises et cazxlabriqzzes.
Il est plusieurs manires de dterminer avec certitude l'ge
des dessins peints ou gravs sur les parois d'une caverne.
L'ensevelissement des dessins paritaux sozis des couches archo-
logiques faune quaternaire et outillage palolithique est le cas
Fig. 1. Barbouillages tracs avec un instrument pectine a Ilornoa de la Pea;
Aurignacien ancien.
le plus simple, car il n'est pas possible de douter que les dessins
ne soient d'ge contemporain ou plus recul que les assises
fossilifres qui les recouvraient. Cela s 'est produit au moins
quatre fois.
A Pair-non-Pair (Gironde), les gravures reprsentant des
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chevaux,des caprids et desbovids, taient enfouies sous desamonclements stratifis o de nombreux ossements demam-
mouth, rhinocros, grand ours, grand lion, hyne, bison,renne, etc., s'associaient aux instruments caractristiques du
dbut du Palolithique suprieur (Aurignacien). Ces niveauxayant entirement remblay la grotte, elle n'a pu mmetre
visitepar les hommes de la fin du Palolithique ou du Noli-
thique.A La Grze (Dordogn), un Bison grav profondment se
trouvait enterr sous un talus solutren ossements derenne,bison, hyne, rhinocros.
Fig. 2.- Bufs dessins sur argile, La Clotilde de Santa-Isabel;Aurignacien ancien.
ATeyjat (Dordogne), plusieurs desdalles gravesde figuresd'animaux gisaient ensevelies dans les couches magdalniennesavec faune du renne; l'entre, ferme cette poque, n'a paslaisspntrer lesnolithiques.
A Lazcssel(Dordogne), les parois de l'abri de CapBlanc,
remblayes pardes couches magdalniennes anciennes faune
du renne, portaient des sculptures rupestres en haut relief et
degrande taille, forcment contemporaines de la base durem-plissagearchologique; uneportion deparoi sculpte y a t
d'ailleurs retrouve, effondre sur lesfoyerseux-mmes.
Unsecond cas o les dessins paritaux se trouvent suffisam-
ment dats est fourni par la prsence de dessins ozcfresquesdans desgrottes obstrues ou inaccessihlesdepuis zen moment
antrieur au Nolithiqzce.Il en est ainsi La Mozithe(Dordogne), dont l'issue tait
obstrue par un niveau magdalnien touchant la votlte
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d'autre part, les figures graves sur lesparois plongeaient dans
le sol ossements quaternaires. Aucun vestige nolithiquen'existe l'intrieur, malgr l'existence d'une station de cet
ge dans le vestibule.
A Berni fal (Dordogne), l'ancienne entre est comble, on n'ya pntr que par des cordes permettant de descendre sur le
sol 'intrieur partir d'une fente du plafond dmasque par le
dpart de terrains meubles aucune trace nolithique.A Gargas (Hautes-Pyrnes), la dernire occupation humaine
Fig. 3. Cheval aurignacien -assez ancien
grav sur
paroi
Hornos de la Pea
(Santander).
est marque par un niveau
de foyers avec grand ours,
hyne, cheval, renne, et
outillage de la fin de l'Au-
rignacien (dbut du Paloli-
thique suprieur). Le fron-
ton, effondr sur ces foyers,
a obstru l'ouverture jus-
qu' une date trs rcente.
A Marsoulas (Haute-Ga-
ronne), deux foyers se su-
perposent l'un l'autre, le
plus ancien aurignacien suprieur, leplus rcentmagdalnien.Lefronton, boul sureux, a ferm la grotte jusqu' ces der-niers temps. Aucune trace nolithique n'yexiste.
A Niaux (Arige), les vestiges nolithiques se remarquentdans les trois premiers cents mtres degalerie, mais ils cessent
brusquement en cepoint cette poque,
en effet, le pas-sage tait barr parun lacprofond deplus de2 mtres et long
deplusieurs centaines. C'est au delseulement que dbutentlespeintures, vers 600mtres les seuls restes qui s'y soientrencontrs sontmagdalniens.
A Altamira (Santander), l'entre s'est effondre bien avant leNolithique en fermant lacaverne, quin'a t ouverte de nou-veauqu'il ya trente ans; deuxniveaux defoyers, solutrens et
magdalniens, ont tobservs par M. Alcalde del Rio, quia
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rencontr dans leur sein des gravures sur os semblables une
srie de celles des parois. Aucune trace nolithique ou plus
rcente.
Quand une grotte ne s'est jamais trouve obstrue, et qu'ellea t frquente divers moments depuis le Palolithiqu
jusqu' 1 poque actuelle, si l'on y remarque des dessins parie-
taux, les vestiges palolithiques s'y rencontrent pour ainsi dire
toujours (Font-de-Gaume, Combarelles, Grotte Gontran, Por-
tel, Mas d'Azil, Venta de la Perra, Covalanas, Haza, Salitr,
Fig. 4. Gravures paritales d'ge aurignacien suprieur de Hornos de la Pea
(Santander).
S. Pantalon, Santian, Castillo, Pasiega, Hornos de la Pena,
Meaza, Las Aguas, Loja, etc.); mais si les vestiges nolithiques
sont seuls exister, il n'y a pas de dcorations paritales.
Nous avons mentionn ci-dessus la dcouverte, Altamira,
de gravures sur os reprsentant des biches identiques celles
des parois de la mme grotte (fig. 6) il est permis d'en con-
clure que ces dernires remontent l'poque d la formation de
l'assise archologique contenant .les premires. M. Alcalde
del Rio les avait rencontres la-limite des assises solutrenne
suprieure et magdalnienne ancienne, et avait cru pouvoir les
attribuer la couche infrieure. Les fouilles diriges .Castillo
(Santander) par MM. Obermaier, Breuil et Alcalde del Rio ont
corrig cette attribution, car les nombreuses omoplates gra-
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ves de mmestyle quecelles d'Altamira, que nous avons rcol-
tes, gisaient toutessansexception dans leMagdalnienancien.Nous connaissons donc avecprcision le moment o des gra-
vures de mmefactureont t incises sur lesparois d'Altamira,Castillo et LaPasiega (Santander).
Par le mmemoyen, nous connaissons l'ge d'unepartie des
gravures paritales de Hornos de la l'ea (Santander), dates
par ladcouverte, la base de l'Aurignacien de cette grotte,d'un frontal de Chevalgravd'une figure d'quid.
Fig. 5. Bison grav sur paroi, aurignacien suprieur de Hornos de la Peia
(Santander).
A Teyjat, Cap Blanc (Dordogne), des portions importantes
de gravures ou sculptures paritales s'taient effondres dans
les foyers de l'ge de renne (Magdalnien) et se sont trouves
recouverts par d'autres de la mme phase.
M. Rivire a signal un fragment de paroi d'abri effondr,
grav d'une figure de cheval, provenant des abris de Puyrous-
seau prs Prigneux, qui sont de la fin de l'Aurignacien.
M. Peyrony Ga. Madeleizae, M. l'abb J. Bouyssonie
Limeuil, ont dcouvert, dans le Magdalnien suprieur, nombre
de dalles graves de figures de mme style et de mme grandeur
que les graffites de bien des grottes ornes
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Au moment ou j'cris, M. Didon vient de dcouvrir, dans un
gisement aurignacien moyen de Sergeac, un bloc orn de
figures d'animaux traces en noir sur un fond teint en rouge.
Ce sont l
des indications absolues de
lvge d'une
partie des
gravures et peintures analogues, mais qu'un remplissage
archologique n'a pas recouvertes.
D'autres preuves de l'ge palolithique des figures paritales
Fig. 6. A gauche, en haut, gravure sur os du Magdalnien ancieu d'Altamira
(il y en a de semblables au mme niveau du Castillo [Santander].) Les deux
autres gravures sont incises sur les parois de Castillo, et appartiennent au
mme ge que la prcdente.
sont encore donnes par la prsence, au milieu d'elles, d'ani-
maux teints ou migrs avant l'poque nolithique.
Le mammouth (fig. 7, 8, H, 20) est figur La Mouthe, aux
Combarelles, Bernifal, Font-dc-Gaume, Gargas.
Un lphant, peut-tre diffrent (fig. 14), est peint Castillo
et Pindal (Espagne).
Le rhinocros lainezcx
(fig. 15) est
peint
Font-de-Gaume,grav aux Combarelles et Niaux.
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Le lion est grav aux Combarelles, Font-de-Gaume, la
Clotilde de Santa Isabel.
L'ours des cavernes est grav aux Combarelles (fig. 9).
Le renne (fig. 7, 13, 21) est figur La Mouthe, Font-de-Gaume, Combarelles, Teyjat, Marsoulas, Portel.
Le Gison (fig. 5, 7, 10,12, -17, 20) est reprsent La Mouthe,
Font-de-Gaume, Combarelles, La Grze. Cap Blanc, Bernifal,
Teyjat, Niaux, Portel, Marsoulas, Gargas, Venta de la Perra,
Castillo, Hornos de la Peiia, Altamira, Pindal, Pasiega. La
Fig. 7. Fragment de panneau grav de lagrotte des Combarlles, avec mam-mouth, reune tte eu bas-relief, ttes de renne, ours, bisou, caprid.Magdalnien ancien.
valeur indicative de la prsence de cegrand bovid a t bieninutilement conteste par M. E. A. Martel. Ses ossements,tant en .Francequ'en Espagne,deviennent rares dans leMagda-lnien suprieur etdisparaissent totalement dans l'Azilien, qui
prcde leNolithique. Mme enSuisse,ses ossements ne figu-rent pas dans leNolithique, o on l'a confondu avec le bos
primigenius. Inutile d'insister sur la valeur indicative moins
grande d'autres animaux comme le bouquetin et le chamois,certainement migrs pourtant de laDordogne.l'poque no-
lithique.
Dj, parl'un ou l'autre des procds quenousavonsnoncs,l'ged'une notable partie ds figures paritales apu tre fix
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exacteinent mais l'examen direct des murailles elles-mmes
permet souvent depousser plus loin lesinvestigations sur l'vo-
lution des techniques artistiques cette poque recule. Eneffet,
il arrive souvent que les panneaux rocheux ont successivementreu des peintures des espaces de temps plus ou moins loi-
gns les dessins serecouvrent, s'oblitrentainsi mutuellement,
les plus rcents recouvrant les autres en les entamant, les plus
anciens, toujours sous-jacents l'ensemble des autres phases.En combinant convenablement les rsultats acquis par les
diverses mthodes, on parvient, avec un caractre suffisam-
Fig. 8. Mammouths gravs aux Combarelles (Dordogne).
Magdalnien ancien.
ment rigoureux, des conclusions que nous ne pouvons qu'in-
diquer ici sommairement
L'art des peintures et des gravures paritales est certaine-
ment quaternaire il est contemporain, au nord des Pyrnes
et des Alpes, d'une faune froide, avec mammouth, renne,
rhinocros laineux, grand ours, grand lion, bison, etc. Dans
la rgion Cantabrique, zone tempre, plusieurs de ces animaux
font dfaut; les peuples qui ont excut leurs images taient des
palolithiques ignorant l'levage et la culture, vivant exclusive-
ment de chasse et de cueillettes en dehors des menus bibelots
gravs ou sculpts sur os, ivoire, bois de cervids ou pierre, lesartistes de cet ge du renne ont manifest leur habilet
en
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deux sries parallles de figurations, les unes peintes, les autres
graves.L'art degraver dbute par des entrelacs et desempreintes de
doigts sur
parois argileuses (fig. 1) les premiers dessins d'ani-maux s'y trouvent associs (fig..2); leur caractr est excessive-ment primitif, mais dj plein devigueur. Bientt apparaissentles silhouettes .incises au silex (fig. 3), d'abord trop raides etsouvent maladroites (Pair-non-Pair) puis, dans l'Aurignacien
suprieur, assez parfaites pour voquer dj la pense du Mag-
Fig. 9. Ours des cavernes front con-
vexe, grav aux Combarelles (Dordogne).Magdalnien ancien.
dalnien (Gargas, Hornos)(fig.4 et 5). On ne connat
rien que l'on puisse aveccertitude attribuer au Solu-tren c'est auMagdalnienancien (fig. 7, 8, 9) que serapportent les extraordi-naires reliefs deCapBlanc,les finsgraffites stris d'Al-
tamira et Castillo (fig. 6).Puis, au Magdalnien plusvolu serapportent les d-
licats graffites(fig. 10,11)deMarsoulas et de Teyjat, compara-bles auxgravures sur blocs de Limeuil et de laMadeleine.
Durant lesmmes priodes, lapeinture s'est aussi droulenaissant, avecl'Aurignacien (fig. 12),par de simples estampagesde mainsimprimes oucernes decouleur, accompagnes dj
detimides essais dedessins linaires et deponctuations grou-pes,elle sedroule d'abord enune longue phase monochrme,o la techniquesubit desvariations notables, passant du dessinlinaire au trac menu, continu ouponctu, la demiteinte,
puis lateinte plate; elleaboutit enfin, vers la fin duMagda-lnien, lagrande poque des polychrmes systmatiques,rehausss degravures et deraclages.
Quant la phase
exclusivement schmatique quisuit brus-quement le point culminant de l'art figur, on ne saurait la
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considrer comme l'aboutissant normal de l'volution sur place
de l'art palolithique ci-dessus dcrit l'existence, divers.
moments de celle-ci, d'lments non ralistes qui lui survivent,
ne tmoigne pas en effet d'une filiation, mais plutt d'infiltra-tions trangres, avant-coureurs de l'invasion destructrice
des
Azilio-Tardenoisiens, fuyant des rgions mditerranennes o
s'installaient les conqurants nolithiques. O sont donc les
uvres d'art, les peintures rupestres que ces autres tribus ont
d laisser dans les rgions qu'elles occupaient avant leur migra-
Fig. 10. Graffites soigns du dbut de l'poque des Polychromes ces animaux
sont galement peints. Les 6gures tectiformes droite sont antrieures. Mag-dalnien avanc.
tion ?Nous ne tarderons pas les rencontrer leur tour.
2. Les peintures rupestresde l'G'spagneorientale.
Aucunepeinture de caverne n'a donn, au mme degr quecelle quel'on voit sur un rocher, Cogul (Lrida), l'occasion
de faire revivre les thories sur l'origine orientale de l'art.
A. Mosso et quelques autres archologues n'eussent pashsit
dclarer crtoisesles fresquesde cette roche catalane et celles
qui lui ressemblent.Ellessont actuellement au nombre decinq Calapata Cretas
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(Truel), tllbarracin (Truel), Ayora (Valence), El Bosque,
Alpra (Albacete). Aucune ne donne devestiges archologique
importants Cogul, Calapata, Albarracin, de rares petits
silex d'aspect palolithique, aucune poterie Alpera, des.vestiges sporadiques de tous lesges levoisinage d'une source,la position de l'abri au pied d'un carrefour commandant une
vaste plaine ya toujours, etjusqu' maintenant, fix des culti-
vateurs, des ptres ou des chasseurs'.
Les indications de gisement sont donc insuffisantes pourattribuer un ge aux peintures, bien que plus favorables un
Fig. Il Mammouth finement grav Font-
de-Gaume (Dordogne); ces mammouths sont
superposs aux Polychrmes, et par cons-
quent d'ge magdalniea trs avanc.
ge de la pierre taille,
toujours plus ou moins
indiqu par des silex. On
conoit, en effet, plus fa-
cilement que des Palo-
lithiques aient laiss si
peu de vestiges, les silex
seulementayant pu, dans
ces localits, se conser-ver, tandis que des No-
lithiques, ou fortiorides tribus plus rcentes
auraient jonch le sol de
leurs tessons.
Les neuf dames de Cogul (fig. 22), au torse nu, la poitrinedcouverte et aux seins pendants, ont rappel a plusieurs les
prtresses crtoises, peintes sur enduit, graves sur intailles oumodeles en faence vernisse. Faudrait-il vraiment retrouver
dans les raides silhouettes de l'abri catalan une sorte derpli-
que des Dames aux Serpentes, des Prtresses de l'Arbre et dela Double hach?
Ds deux cts, on a bien figur des femmes dvtues jusqu'
1. Lacramiqued'Alpraest rapporteparM. Siret l'ge du fer; elleres-
semble laplus fruste.qui se .mleauxbellespoteriespeintesde Mca,villeibriquesitue auvoisinage.
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laceinture. Maisl'analogie destyle n'existe pas entre lesdeuxsries d'oeuvresd'art; l'extrme amincissement de la taille chezles unes et lesautres, auquel vient s'ajouter, Alpra, l'ex-cessive longation et l'maciation des
corps masculins
vo-quant le souvenir de l'art du Dipylon, se retrouve bien plusparfaitement identique sur les rochers peints dans le Sud del'Afrique par les Bushmen d'autant mieuxque l'analogie se
poursuit trs.troitement dans la srie des figures animales
Fig. 12. Mains cernes de rouge, sous-jacentes un Bison trac enjaune.Castillo (Espagne). Aurignacien.
juxtaposes. Cetteanalogie doit tre bienfrappante, puisque lepasteur Christol, misparM.Cartailhac en prsence desfresquesde Cogul dont il ignorait l'origine, les supposa sans hsiterBoschimanes. Prcisment M. Christol constate, dans un livrercent, denombreuses analogies entre lesfigureshumaines des
fresques sud-africaines et celles de l'art grec archaque ou duminoen. Il ne viendra personne l'ide de rattacher celui-ciles uvres picturales desbords del'Orange et du Waal; celaindique seulement que des civilisations diverses peuvent, surcertains points, donner lieu decurieuses convergences qu'un
1.Voirles femmescafrespeintespardesBushmen,apudJ. P.Johnson,Geologicalet archaeologicalnotesonOrangia,p.88.
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observateur superficiel transformera bien tort en parent.
Puisque nousparlons de danseuses au torse libre jusqu' la
taille, j'engagerai les personnes trop disposes donner
l'analogie entre Cogul et la Crteune valeur chronologique et
phylognique, faire avec moi une courte revue ethnographi-que. Suivant auxantipodes lecapitaine Cook,nous nous arr-terons contempler les gracieux exercices chorgraphiquesdes Polynsiennes d'Ulietea, d'Hapaete et d'Otahiti, dont son
dessinateur a fixl'image. Rien deplussemblable queces dan-seuses ocaniennes, jusqu'aux dtails de leur costume, leursrobes volant et leurs tiares, auxprtresses deKnossos. Pour-
quoicequis'est fait aux deuxantipodes,et tant de millnaires
Fig.13. Dessiusliuairesnoirsde Font-de-Gaume(Dordogne).Aurignacien.
dedistance, n'aurait-il pas eu lieuaussi dans l'Espagne orientale
sans que celle-ci ait eu besoin des'inspirer de la Crte? La danse
n'est-elle pas de tous lestemps et de toutes les latitudes?
Mais continuons de voyager; nous trouverons, dans toutes
les rgions climat chaud ou simplement tempr, de nom-breux exemples de femmes ne portant d'autre vtement
qu'une toffe flottante, une peau souple attache laceinture,tombant jusqu'aux genoux ou jusqu' mi-jambe, comme c'est le
cas Cogul et Alpera, o les jambes sont dcouvertes a partirdu genou. Indiquons en passant des femmes de Samoa, de
Tonga, de Borno (Dayak), dela Nouvelle-Guine, des femmes
Wedda, Danakil, Pahouines. Cafres, Herreros', etc., etc. Onne
1.Voir Ratzel,Ylkerkunde,Il, p. 118, 184, 185,388; Hrnes,Natur und
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peut donc, du costume des dames duCogul et d'Alpera, con-clure absolument rien en faveur d'une thse quelconque. A
supposer qu'un rapprochement puissese faire, il ne faudrait
pas le comprendre comme la preuve .d'une influencecrtoise,
mais voir dans les deux sriesartistiques des souvenirs d'getrs divers de trs anciennes coutumes, d'origine bien ant-rieure la civilisation minoenne, peut-tre l'ge nolithiquelui-mme. Puisque noustraitons des comparaisons ethnogra-
phiques relatives aux modesfminines, rfutons en passantl'attribution gyptienne donne la tte aurignacienne de
Fig.14. Dessinslinairesrouges delaprovinceCantabrique lphant dePindalet bufde Castillo.Aurignacien.
Brassempouy dont Piette croyait qu'elle portait une coiffecette soi-disant coiffe reprsente la chevelzcre divise en tressesou en lanires, et non pasun voile. On la retrouve, en effet,
dans de nombreuses uvres d'art gyptiennes (voir Capart,
Les dbut.s de l'art en gypte, Libyen du tombeau de Sti I.
p. 31; statues archaques, p. 33; L'Art gyptien, pl. XVI,
4e et 5edynasties. Plaques de schiste avec Libyens, Anthropolo-
gical Institute, XXX, pl. D).Onretrouve aujourd'hui ces coiffures dans le monde africain,
chez les Kikuyu et les Kamb (British East Africa) (Anthroop.
UrgeschichtectesMenschen,I, p.508, 516,II, p.45, 308, 315; Verneau,Les
Rueeshumaines,p.221.
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XXXIV, 1904,pl. Il et XVII),chez les Danakils (Hrnes, NturundUrgeschichtedesMenschen, l, p. 279, fig. 100 n3), chezles Zulus (Anthropos,I, fig. 5, p. 469; Il, fig. 6, p. 49, Taf.III, p. 635; Fritsch, EingeborenS. Africas, Atlas, pl. XV), (cf.(Verneau, Races humaines Zanzibar, p. 399, Abyssin, p. 573),au Tchad(Mission Foureau-Lamy, p. 955,957) on rencontremme cettecoiffure, maisplus rarement, enOcanie (Verneau,Raceshumaines, p. 161 No-Guinens).Il faut en conclureque cette indication n'estpas spcifiquement gyptienne, mais
plutt africaine, comme la coiffure par petites houpettes
Fig 15. Rhinocros trac en rouge. Font-de-Gaume (Dordogne).Aurignacien.
sphriques alignes de la statuette de Willendorf, jointe saforte callipygie; fait aussi penser a l'Afrique proto-gyptienne(Anthr. Institut, XXX, fig.5.p 101.; XXXI, pl. XIX)ou moderne
(Holub, Sieben Jahre in Sd Africa, II, p. 304, type Marutse,Zambze; Pitt Hivers, Antique (vorks of art from Be?zin,
pl. II, III, VII, XV, XVII, XXIII, XXVI, XLVI, L). Les lments
communs aux figures humaines gyptiennes oupalolithiques necomportent nullement une influence rciproque, mais indiquentun fonds primitif humain depopulations voisines possdant uncertain nombre de traits analogues. Cette constatation ne
devrait pas surprendre, si l'on se souvient que les cavernes deGrimaldiontlivr au Prince de Monacodeux squelettes ngrodesdcrits par le DrVerseau, et que c'est vers l'Afrique que se sont
retires, aprs la fin du Quaternaire, certaines espces animales
jusque l europennes, comme l'hyne, .le chacal, le lion.
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IVe SRIE, T. XIX. 14
L'analogie des peintures de l'Espagne orientale avec lesoeuvresdes Boschimans n'est peut-tre pas aussi fortuite qu'ilsemble premire vue, surtout lorsqu'on envisage certains
indices fournis par la rgion Saharienne; c'est l unsujet quinepourra delongtemps tre abord avecscurit etquinces-site, pour tre clairci, un grand nombre d'observationsnouvelles sur le continent africain.
Mais si lesr.elationsdu ct del'Afrique demeurent obscures,celles avec la.rgion Pyrnenne peuvent tre plus aismentdfinies.
Fig. 16. Bichesrouges trac pouctu. Covalanas (Espagne).
Sans doute il ya deprofondesdiffrences entre les deux sries.Sansparler des localisations si diverses desfresques, les unesdans les corridors obscurs et souterrains, les autres dans deminuscules abris ouverts augrand jour, peine abrits de la
pluie, lesreprsentations desdeux sriesparaissent reproduireune faune assezdiffrente.
Lespeintures de la Dordogne figurent desmammouths, desrhinocros, des ours, des lions, des rennes, desbisons, des
bouquetins, deschevaux, des bufssauvages, des cerfs.L es grottesdesPyrnes franaises, une ou deuxexceptions
prs, neprsentent que desbisons, deschevaux, descerfs, des
bouquetins, des chamois, des bufs. Le renne et le mam-mouth yfigurent peine.
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Dans les Cantabres, le renne est tout fait absent; il y a
deux lphants, un ours.
Dans toute cette province S.-0. de la France, se prolongeant
le long du golfe de Gascogne,.l'homme est pour ainsi direabsent des figures; lorsqu'on le rencontre, il est peine
reconnaissable, et, pas plus que les animaux, il n'est acteur
dans une scne formant un ensemble, un tableau.
Dans nos fresques de l'Espagne orientale, le cerf (fig. 24,
26, 28) et le buf primitif (fig. 27, 28) sont trs abondants, puis
Fig. 17. Bisou eu noir model. Foot-de-Gaume (Dordogne).
viennent les bouquetins, des loups (Alpera), un seul cheval
(Alpera), un bellan mle trs reconnaissable (Alpera) (fig. 23),
des daims et un bison (fig. 24) que je considre comme certain
malgr les scrupules de certaines personnes que leur manqued'habitude de ces dchiffrements explique suffisamment.
Quelle diffrence, sans doute, avec la Dordogne, et mme a
premire vue avec les Cantabres aux nombreux chevaux et
bisons! Mais en ralit, il n'y a pas plus de diffrence entre la
faune des peintures rupestres de l'Espagne orientale et celle
des fresques de cavernes, Cantabriques et Pyrnennes,
qu'entre celles-ci et celles de la
Dordogne.Le renne ne figure pas dans la faune habituelle des Canta-
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bres il est dj presque absent des fresques pyrnennes, bien
qu'il ait fait la nourriture principale de leurs auteurs.De mme, le bison et le cheval sauvage font dfaut, ou
presque, sur les roches peintes orientales, parce que nous chan-
geons de province zoologique, et que ces animaux ne descen-
daient'gure jusque l. Mais les autres animaux figurs, cerf,buf primitif, bouquetin, sont communs aux deux groupes
artistiques, et l'existence certaine d'un bison peint Cogul,l'existence incontestable d'un lan Alpra (Albacete) dnotent
l'incursion, jusque dans le sud du, royaume de Valence, d'ani-
Fig.18. Petit Chevaflargesplaquesnoires. Castillo(Espagne).
maux migrs de France vers l'Est avant l'poque nolithiqueet qui, par consquent, avaient quitt l'Espagne mditerra-nenne encore plus tt.
La grande profusion du bouquetin, aujourd'hui retir dansles parties les plus sauvages de la Sierra de Quintana (SierraMorena), de laSierra Nevada et de laSierra de Gredos (Estrema-dure) est galement favorable l'ide d'un climat sensiblementdiffrent de celui d'aujourd hui.:
Aucun lment de la faune figure par les fresques ne contre-dit donc l'hypothse d'un gequaternaire, et iln'y existe d'autre
part aucune indication de l'existence d'animaux domestiques.Bien plus, le caractre artistique des animaux peints est
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essentiellement palolithique, de rares exceptions pres. Sinous mettons de ct la scne dechasse au cerf de Cogul, dont
le style schmatique jure avec les autres figures d'animaux
etdeux ou trois images analogues d'Alpra, toutes lesfiguresd'animaux refltent le mme sentiment artistique que l'art
magdalnien de France et de Cantabrie. C'est la mme habilet
saisir les formes et lesattitudes, la mme sret d'excution,la mme technique bien souvent, o s'associent la peinturelinaire ou en teinte plate et la fine gravure des.contours.
Apremire vue, la diffrence de taille est considrable, mais
Fig. f9. Bufs en teinte plate noire. Grotte de Foat-de-Gaume (Dordogne);
Magdalnien ancien.
on trouve dans la grotte du Portel (Arige) un petit cheval
rouge aussK rduit comme dimension que les plus petites images
de Cogul et d'Alpra, et les bufs d'Albarracin, d'Alpra et de
Cogul atteignent les dimensions moyennes des peintures du
Portel (Arige) et de la Pasiega (Santander). La dimension d'ail-
leurs, ne f ait rien au style, et il existe, entre les deux sries, de
trs frappantes concidences.
La technique en rouge uni se retrouve, nous venons de le dire,
au Portel (Arige), applique un petit c heval tout fait digne,
par tous ses caractres, de figurer Cogul ou Alpra, et qui
semble bien isol dans les cavernes franaises. Mais on laretrouve dans les grottes Cantabriques Altamira, il existe
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quelques grandes et mauvaises figures en rouge uni; la.
Pasiega, grotte dcouverte en mai 1911 Puente Viesgo parle Dl Obermaier, cette mme technique est applique l'excu-
tion de plusieurs jolies biches peine plus grandes que cer-
taines figures rupestres.D'autres biches de la Pasiega ont l'intrieur ducorps rempli
de taches allonges disposes en sries linaires, et reprodui-sant exactement, et dans les mmes proportions, les caractresde certains cerfs d'Alpra.
Les figures noires large pargne centrale de Cogul, repr-
Fig. 20. Bande de bisons polychromies, mammouths, chevaux et rennes;caverne de Font-de-Gaume. Magdaluien avanc.
sentant ds bufs encornure vue de face, reproduisent les
mmes caractres de technique que certains chevaux du Porte]
(Arige), de Castillo (Santander), et que les bufs noirs du
diverticule final de Font-de-Gaume..
Parmi ces figures en couleur rouge plate de Cogul et d'Albar-
racin, on voit quelques timides traces de polychromie, annon-ces par de lgers tracs noirs priphriques et par des fforts
pour arriver au model c'est justement aussi parmi les
figures en rouge uni du Portel, de la Pasiega, que l'on ren-
contre, sous la mme forme, les premires bauches de fresques
polychromes.
Les bois des cerfs de Cogul, Cretas, Alpra, sont excuts
d'une manire trs spciale (fig. 24, 26, 28) les deux tiges
principales sont disposes comme de face, divergeant large-
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ment, l'une projete enavant, l'autre enarrire, de manire laisser laplacencessairepourfigurer les andouillers, toujoursreprsentsdeprofil; latorsion angle droitquele dessinateurleur ainfligeest tout particulirement sensible pour les deux
andouillers basilaires enforme de crochet.Onretrouve exactement les mmes conventions dans deuxdessins deramures de renne delagrotte du l'ortel (Arige) etdans presquetousles dessins de cerfs de la grotte delaPasiega,aunombre de dix(fig. 29).
Fig. 21. Bennes polychromes de Foul-de-Gaume (Dor'iogne).
Magdalnien avanc.
Celte somme d'analogies frappantes entre les fresquesrupestres et une partie de celles des cavernes, se rapportant
toujours la troisime phase et peut-tre la seconde, ne
peut tre l'effet du hasard. Elle dnote une parent certaineentre les deux groupes, et l'influerice de l'art animalier des
Pyrnes et des Cantabres sur la rgion orientale de l'Espa-gne. Qu'on compare au contraire les dessins animaliers crtoisou mycniens ceux dont nous venons de parler l'on aura le
sentiment de la diffrence qui les spare. Les conventions artis-
tiques sont diffrentes l, toujours la perspective est respecte
dans la reprsentation des cornes de buf; ici, toujours les
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cornes de buf sont figurs de face, comme les branches d'une
lyre.
Mais si cette parent est incontestable, il fttut admettre
cependant que nous sommes dans un milieu humain diffrant
sensiblement de celui des peintres animaliers du monde pro-
prement magdalnien. Un lment, pour ainsi dire banni de
l'art pictural franais ou cantabrique, prend ici une impor-
tance considrable c'est la reprsentation de personnages
humains, se livrant la chasse ou la danse.
Fig. 22. Groupe de lemmes vtues, peiutes en u oir et rouge, voluaut autour
d'uu petit satyre , Roche de Cogul (Lerida). Type de peinture de la province
orieutale de l'Espagne.
Cet lment manque parfois, il n'existe sur aucune des deux
roches de Cretas; on ne le trouve que sur une des deux roches
d'Albarracin mais Cogul et surtout Alpra, il se dveloppe
d'une manire surprenante. A Cogul, ce sont trois ou quatre
petits chasseurs seulement, puis les grands personnages vtus
paraissant chasser les bufs sauvages, et surtout l'extraordi-
naire bande des neuf dames dansant autour d'un petit satyre
(fig. 22).
A Alpra, ce sont prs de quatre-vingts figures la
plupart,
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petits bonshommes assez.bien silhouetts (fig. 28),se rendant
lachasse, avec arc et flches, quelquefois un pieu sous le bras,ou bien tirant sur les animaux dans les attitudes les plus varies
et les mieux, comprises d'autres, plus grands, galement nus, la
chevelure orne de plumes, tenant l'arc d'une main et desflches de l'autre; enfin, plusieurs dames se suivant, presque
identiques. celles deCogul. Je ne dcrirai pas ici les dtails de
ces nombreux personnages; notons que l'arc est un lment
jusqu'ici inconnu dans le monde palolithique plus septentrio-nal la forme des flches n'est pas la mme que celles qui sont.
peintes dans lagrotte magdalnienne de Niaux. Enrevanche, la
Fig. 23. lanpeint en rouge et en brun Alpra (Albacete).
pointe du trait
porte unebarbelure unilatrale, trslongue, qui nepeuttre niunepointe enpierre, ni une
pointe en mtal, mais res-semblebeaucoup aux poin-tes desagaiesen os du Mag-dalnien ancien.
Enprsencede toute cettepopulation humaine des
roches de l'Espagne orientale, il faut reconnatre que noussommes sortis dumondemagdalnien a l'intrieur duquel nosrecherches antrieures nous avaient confins, etque nous en-trons dans une autre province ethnographique qui lui a em-prunt son art animalier, mais qui possde, comme lesBushmen
actuels, l'aptitude a
composerde vritables
tableauxo la reprsentation humaine joue un rle primordial. Et demmeque certaines tribus Eskimos possdaient l'arc, tandisque d'autres se servaient encore du propulseur, nous consta-tons que lespalolithiques de l'Espagne orientale, contempo-rains des Magdalniens plus septentrionaux, mais diffrentsd'euxparde nombreux points, possdaient l'arc auHeude leur
propulseur crochent.
Rien n'autorise fixer ces peintures rupestres unedate diff-
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rente de celle de notre Palolhique suprieur franais.Jamais aucun indice nolithique n'intervient on ne voit
jamais de reprsentation de hache, ni de ces divinits fmi-
nines hiratiques, si rpandues dans le monde des dolmens;
d'autre part, personne ne peut signaler aucune uvre d'art,soit nolithique, soit plus rcente, qui rappelle, si peu que ce
soit, les fresques de Cogul, Alharracin, Cretas et Alpra.
Pourquoi donc alors s'entter les rajeunir cipriori, comme
si l'argument de la faune n'tait pas le mme que celui mis en
avant pendant trop longtemps pour ramener au Nolithique les
Fig.24. Peinturesde la rochede Cogul,figuranten rougeun Cerfavec desBiches,un autrecervid,et deux Bisonscertains;celuide gaucheest chass
parun homme.
spultures bien palolithiques des grottes de Grimaldi, commesi on ne savait
pas que le renne et la faune
glaciaire n'ont
pasplus franchi les Pyrnes que les Alpes; comme si l'ethno-
graphie boschimane ne nous prouvait pas qu'une civilisationde chasseurs peut trs bien tre une ppinire d'artistes;comme si tout l'art nolithique et plus rcent d'Espagne,
jusqu' l'arrive des Grecs, ne s'taitpas montr compltement
inapte produire quoi que ce soit exprimant la vie et le
mouvement
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3. Les Peintures rupestre de l'Espagne mridionale.
On aura rembarqu,ausujet,decertaines imagesschmatiquesde Cogul, que je les ai rserves (fig. 30) cen'est assurment
pasle mme pinceau quia trac cesimages et l'ensemble desautres figures. ACogul, on nepeut savoir siellessont, ounon,contemporaines de ces dernires. Riende semblalile nese voit Albarracin etCretas. Au contraire, lemmelment seretrouve Alpra, o il est facile de voir qu'il est postrieur auxautres fresques caractre naturaliste. Qui a peint ces sym-boles si peu intelligibles? Sont-ils donc des produits de
Fig. 25. Jeuues bisons d'Amrique gnisse et veau pour tablir que les
figures
des bovids de la fig. 24
sontbieu des bisons.
la mme civilisation que les autres peintures des mmes
roches?
Question semblalile celle qu'on peut se poser en face des
peintures sur galets du Mas d'Azil, ou des fresques similaires
de Marsoulas, sesuperposant de belles images polychrmes.Peut-on vraiment admettre que les Magdalniens aient si vite
dgnr, et tout d'un coup perdu leurs merveilleuses apti-tudes ? Non, dirons-nous, les Aziliens, dont nous connaissons
l'outillage, par les fouilles du Mas d'Azil, de Valle, de Boba-
che, etc., ne sont pas des Magdalniens dgnrs; ce sont des
envahisseurs qui ont leur outillage, leurs instruments, leur
art eux. D'o venaient-ils? Quel est le berceau de leur civi-
lisation ? O donc taient-ils, alors que les Magdalniens chas-
seurs de rennes et de bisons peignaient et sculptaient?
La comparaison de l'outillage en silex de l'Azilien franais
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(Mas d'Azil, Sordes, La Tourasse, Bobache) avec celui des
stations pr-nolithiques de l'Italie de la Sicile, de la Tunisie,
de l'Algrie, de l'Espagne mridionale, dnote que c'est dans
ces rgions que leur industrie s'est forme.
Tandis que l'Aurignacien de France et d'Europe centrale
faisait place, sous des influences que nous ne scruterons pas
ici, au Solutren d'abord, puis au Magdalnien, cette zone mri-
dionale voyait l'industrie capsienne (aurignacienne) primitive,
donner dans le Capsien suprieur naissance toutes les formes
de silex caractristiques de
l'Azilio-Tardenoisien.
Si, par consquent, nousvoulons rechercher les pre-
mires tapes de l'art azilien
prdominance schmatique,c'est dans l'un ou l'autre point
de cette vaste zone, et plus sp-
cialement dans l'Espagne m-
ridionale, que nous devons
porter nos investigations.
Fig. 26. Cerf peint en rouge Cala-
pata (Cretas), prov. de Ternel; type
d'animal de l'Espagne orientale.
Les rsultats dj considrables que j'ai obtenus dans cette
rgion en font esprer de bien plus grands encore Six groupes
de ptroglyphes ont reu ma visite deux dans la province
d'Almrie, comprenant respectivement deux (Lubrin) et quatre
roches peintes (Velez Blanco), celles-ci distribues en trois
points une roche dans la province de Jaen (Jimena)
quatre roches distinctes dans la Sierra Morena
(.Fuencaliente) la limite des provinces de Cordoue et de Ciudad-Real ;
enfin, tout au nord de l'Estrmadure, la valle des Batuecas ,
avec ses vingt roches peintes, et celle, toute voisine, de Gar-
cibuey.Par ce dernier groupe, la province mridionale remonte
l'Ouest, jusqu' n'tre plus spare de la rgion Cantabrique que
par la vaste plaine de la Vieille Castille. Si l'poque des peintures
rupestres d Estrmadure a partiellement concid avec celle des
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fresques paritales deCantabrie, une influence, une infiltrationde certains lments a d en rsulter (fig. 37) on la constate eneffet jusque dans les Pyrnes franaises, mais elle ne s'est pas
propage beaucoup plus au nord, avant l'arrive du flotazilien.
Jusqu' prsent, en effet, les grottes de la Dordogne n'ontmontr qu'un nombre trs limit de signes conventionnels,tandis qu' Marsoulas (Haute-Garonne) on trouve des figuresramiformes, des ponctuations nombreuses, des signes pectifor-mes(peut-tre des mains stylises et alphabtiformes). A Niaux
(Arige), il y a des panneaux sentiers de ponctuations, semesde signes claviformes, ramiformes, vlphabtiformes. A la Vache
Fig. 27. Frise d'Albarracin (Truel). Silhouettes de bufs, daims et chas-
seurs avec arc; sauf un chasseur, ces tigures sont de couleur claire, sur fond
sombre. Par suite d'une erreur, l'image a t inverse.
(Arige), Castillo (Santander), il y a des hommes dessins
schmatiquement (fig. 36, gauche et en bas).Dans les Cantabres(fig. 37), i l existe de nombreux clavifor-
mes, ramiformes, pectiformes, alphahtiformes, scaliformes,
des ponctuations innombrables dans plusieurs grottes peintes,
mais toutspcialement
Pindal. Les mmesponctuations
se
retrouvent avec plusieurs autres signes au voisinage de Burgos,dans la caverne d'Atapuerca.
Aux Batuecas (fig. 31), d'normes panneaux sont recouverts de
points et de barres alignes on y trouve galement de nombreux
signes ramiformes, scaliformes, pectiformes, alphabtiformes,
avec, en plus, des cercles ou des points lignes rayonnantes;
ces images s'associent, en deux ou trois abris peints, des
dessins trs schmatiques d'hommes et d'animaux, et cet
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ensemble parat nettement antrieur aux figures moins sch-
matiques ou mme assez naturalistes du Canchal de las Cabraispintadas (fig. 32), figurant en btanc ou en rouge vif des cerfs,
des poissons, des oiseaux, des bouquetins cornes deprofil;deux petits chasseurs tirant del'arc, quelques autres petits bons-
hommes, certains bouquetins et deux cerfs sont dj dans lamanire schmatique, et quelques ponctuations, ainsi qu'un
petit nombre de signes, sont aussi du mme ensemble. Aupara-
Fig. 28. Choix de quelques fi;ures d'hommes et d'animaux (cerfs, bufs,
bouquetins) de l'abri del DosqueAlpera (Albacete). Elles sont peintes enrouge.
vant,principalementsurl'abridelasCabraspintadas,setrouventdivers animaux, surtout des bouquetins peints en rouge sombre,avec les cornes de face, d'un style nettement raliste, quoique
d'une excution tout fait sommaire. Il n'y a aucun doute sur
l'antriorit de ces dernires figures par rapport aux autres.
Qu'on juge de ma satisfaction de retrouver, sous les peintures
schmatiques de localits d'Andalousie (La Batanera Fuenca-
liente) et de Murcie (Velez Blanco, La Cueva de los Letreros),
quelques rares exemplaires des petites figures maladroites,
mais ralistes, du genre des plus anciennes de las Batuecas, ou
de celles leur succdant immdiatement (fig. 33).Ce n'est pas sans curiosit non plus qu' chacune des stations
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rupestresd'AndalousieoudeMurcie,il m'a t donnde ren-contrer des lments schmatiques identiques ceux des Ba-tuecas, ct debeaucoupencore inconnus,maisseretrouvant
souventd'une station l'autre. Toutefois,nullepartlesponc-tuations nes'y retrouvent aussi nombreuses;mais lessignesramiformes, stelliformes,pectiformes, reparaissent- dans la
plupartdes localits, soit avec des variantes de dtail, soitprcisment avec les mmes caractresd'excution (fig.34).
Les animauxschmatiquesmanquentrarement(fig.33),maisordinairementilsn'approchent pas dela multiplicitdesfigures
Nig. 29. Cerf entier trac Pu rouge la Pasiega (Santander) et deux ramures
noire et rouge du Portel (Arige) rappelant les ramures des cerfs de la pro-vince espagnole orientale.
schmatiques drives de la reprsentation humaine. On peut
noter des cerfs, des bufs (?), des chevaux (?), des bouquetins.
Parfois, une roche peinte ne prsente qu'une srie, et toutes les
fresques ont alors un aspect synchronique; ailleurs, le panneau
tourne au palimpseste, et la mme srie se trouve oblitre par
d'autres qui se recouvrent elles-mmes. Voici quelques exemples
(fig. 35). A Jimena (Jaen), M. Gomez Moreno a copi, et nous
avons copi notre tour, des personnages schmatiques carac-
triss par la forme des bras disposs en anses , les mains sereliant au corps; la srie prsente des variantes, mais est homo-
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gne. A Velez Blanco, on retrouve les mmes bonshommes, mais
oblitrs par des reprsentations humaines toutes diffrentes, o
la tte est surmonte de cornes ou de panaches, et les membres
parfois extraordinairement modifis; mais quelques mtresde la Cueva de los Letreros, j'ai tudi un second abri plus
misra.ble, o les bonshommes de Jimena se recontrent seuls.
On les retrouve aussi la Piedra Escrita de Fuencaliente o pr-
domine le schma de l'homme assis les jambes cartes, que je
n'ai pas encore vu ailleurs, tandis que'l'homme au corps
corilpos d'une droit avec deux paires de membres sym-
Fig. 30. Chasse aux cerfs figure schuiatiquement Cgul (Lerida). Le
caractre artistique est celui de la province mridionale espagnole et contraste
avec les figures avoisinantes.
triques etdivergents, entre lesquels.on distingue quelquefois un
pagne form' de deux appendices plus courts, se retrouve aux
Batuecas, Velez Blanco, Fuencaliente, et mme remonte,
sous son type le plus simple, jusqu' la grotte de Castillo (San-
tander). Il n'est pas possible de prtendre ici donner une des-
criptiondes nombreuses varits de figures humaines observes
(fig. 35); mais citons encore certaines parents entre des points
diffrents. M. Siret nous a fait connatre sur les roches gneis-
siques dominant Lubrin (Almria) des figures humaines souvent
'composes d'une ligne axiale aux extrmits de laquelle se
trouvent deux paires de membres se dveloppant en arceaux
sinueux et symtriques, exactement pareilles celles observes
d'abord, il y a un sicle et demi, la Batanera de Fuencalientepar le cur de Montoro. Le mme type, mais avec une atrophie
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notable des appendices, qui le fait ressembler a une clef anglaise,se retrouve sur un autre rocher des environs de Fuencaliente.
Sur deux abris seulement, tous deux d'un caractre aberrant,
nous avons not desreprsentations humaines tout fait partdes prcdentes et de tout le cycle qu'on y rencontre (fig. 36) cesont ceux du Gavai Velez Blanco (Almeria), et celui de los Gavi-
lanes Fuencaliente (Ciutad Real). A ct de diverses figures
symboliques ou schmatiques ne s'cartant pas beaucoupde l'ensemble habituel, bien qu'un peu part, on rencontredes images formes de deux triangles isocles opposs par leurssommets et montrant, de chaque ct, des appendices latraux
Fig. 31. Signes aziliens des Batuecas (Satamanque), rappeiaut eu mme tempsles galets coloris et les ptroglyphes d'Andalousie.
en forme d'ailerons ou de petites toiles contigus. Il n'existeaucun doute sur l'objet que figurent ces peintures, principale-ment sous l'aspect qu'elles ont Los tavilanes : c'est la petiteidole dcouverte par M. Siret dans le vieux. nolithique de la
rgion d'Almria. M. Siret considre ce groupe de stations no-
lithiques comme rsultant de la transformation d'une partiedes indignes au contact des envahisseurs trangers; en ce cas,la fresque pourrait mme tre antrieure au nolithique propre-ment dit, mais ne saurait pourtant s'carter beaucoup de l'gedu milieu o M. Siret a trouv les petites idoles en forme de double triangle expansions latrales .
Cette donne, et l'existence certaine de dessins rouges go-mtriqueset schmatiques sur les parois intrieures de quelquesdolmens
portugais, dnotent qu'une partie des fresques de laprovince mridionale doit tre rapporte au dbut du Nolithi-
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que de cette rgion. D'autre part, l'analogie avec l'art azilien de
France, et certains lments des grottes peintes magdalnien-nes des Cantabres et des Pyrnes, supposent, ds cette dernire
poque, dans le sud de
l'Espagne, un centre d'origine et de
difusion; cette hypothse est fortifie par l'archologie des
gisements du palolithique suprieur de ce pays, si analogues
comme outillage silicieux l'Azilien, et le fait qu'une fois tout
au moins, la Fuente de los Molinos de Velez Blanco, il existe
une station capsienne suprieure dans un abri peint.
Hg. 32. Animaux et hommes peints sur ls rochers des Batuecas. Les deux
Bouquetins cornes vus de face sont les plus anciens ceux de profil viennent
ensuite, ainsi que les hommes et les fiures blanches.
Nous n'avons aucune donne archologique pour les autres
localits: Aux Batuecas, elles manquent absolument, et nous en
pouvons dire autant, jusqu' prsent, de toutes les autres loca-
lits gnralement, on ne peut constater aucun vestige, et si
nous apprenons qu'une hache polie a t trouve dans le voisi-
nage plus ou moins immdiat, Vlez Blanco et Jimena, nous
ne pensons pas qu'on puisse tirer aucun parti de cette trou-
vaille sporadique.
Il est encore une autre analogie qu'on ne doit pas omettre
de citer, bien
qu'elle vise une
rgion fort lointaine c'est celle
qui existe entre les peintures signales au Soudan.par M.de Zelt-
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nr et celles dont nous venons de parler. Il- est sans doutebien possible que ces dcorations soient d'un pass moins
recul, mais l'hypothse inverse peut tre envisage sansabsurdit et mme avec quelques lments de vraisemblance.
Si les tribus capsiennes des deux cts du dtroit de Gibraltar
ont d cder leur pays aux envahisseurs nolithiques arrivant
Fig. 33. Animaux peints des roches d'Andalousie et de Murcie croquis.Les six premires figures en haut et gauche sont de la Cueva de los Letreros de
VelezBlanco; les trois droite et en haut viennent del Gabal (Velez Btanco) legroupe degauche de lazone moyenne (4 figures) est de la Fuente de los Moliuoscelui du milieu deJimera; la chvre dedroite de la Batanera (Fuencaliente), ettoute la ligne infrieure, dela Piedra Escrita (Fueucaliente).
par lesctes de la Mditerrane orientale, le monde capsien sesera trouv coup en deux. Unepartie, gagnant le nord, auradonn naissance l'Azilien donton a recueilli les harpons jus-qu'en Ecosse,etles galets peints jusque sur le Rhin et danslesAlpesdu Dauphin. L'autre moiti a d s'enfoncer dans les
profondeurs du Sud Algrien etgagner le Soudan, ainsi quele feraient penser certaines rcoltes de M.deZeltner, presqueassurment capsiennes, en jugerpar les types qu'il dcrit et
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leur identit, laroche prs, avec celles del'Afrique mditer-
ranenne.La comparaison industrielle des silex,recueillis dans des
milieux nolithiques anciens du sud del'Espagne et peut-tre
d'Italie et d'autres rgions, dnote qu'une bonne partie del'outillage capsien suprieur, avec ses nombreuses lames, ses
Fig. 34. Signes et symboles des ptroglyphes d'Andalousie.
Premire ligue, Velez Blanco (Almeria) Los Letreros, Los Molinos. Seconde ligne
El Gabal (Velez Blanco), Jimena (Jaen)'avec le soi-disant poulpe. Troisime
ligue La Bataoera (Fuencaliente). Los Gavilanes (id.). Quatrime ligne La
Golondrina (id.). Piedra Escrita (id.).
petits grattoirs, ses lames de canifs et ses types tardenoisiens
donnant parfois lieu v des prototypes de flches soie, est pass
sans modification dans le nouvel tat de choses; il est vraisem-
blable que l'usage antrieur de peindre des images trs con-
ventionnelles sur certains rochers n'a pas cess non plus nos
deux abris avec l'image de l'idole en font foi probablement,
ainsi que certains dolmens portugais et galiciens. On peut
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mme suivre lapiste plus loin encore. Dans la dcoration decertains dolmens et ptrglyphes d'Irlande et de Grande-Bre-
tagne, on retrouve gravs un certain nombre d'lments trsdiffrents de ceux qu'on voit dans nos dolmens franais,
principalement le cercle ou demi-cercle concentrique, lestriangles isocles opposs, les images stelliformes, de nom-
Fig. 35. Stylisations h umaines et figures drives d'Andalousie croquis. Les
provenances sont, en suivant les lignes dans le sens de la lecture premireligne Lubrin (Almeria), Jimena (Jaen). Seconde et troisime lignes VelezBlanco (Almeria). Quatrime ligne La Golondrina (Fuencaliente), La Bata-
nera (id.). Cinquime ligne la Piedra Escrita (id.).
breuses ponctuations, et mme quelques rvmiformes, pecti-formes et serpentiformes; or ces lments, malgr leur diff-
rence de technique, correspondent un faire peu loign de
celui des ptroglyphes peints l'ocre d'Andalousie. Si l'on songe
que sans aucun doute les Aziliens ont franchi les mers et
abord jusqu'en Ecosse, ou l'on connat leurs stations, et
o l'on a dcouvert des galets peints peut-tre plus rcents
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que ceux du Mas d'Azil, mais parfaitement identiques, en
connexion, parat-il, avec des monuments descendant jusqu'l'ge du fer, on aura l'impression que les Aziliens ont fait
cole l-bas et que leur a.rt dcoratif, peine modifi, a tra-vers une notable partie destemps prromains, survivant lon-guement l'tat de choses quil'avait engendr.
Mais, de la dateplus rcente de ces lointaines influences, ilne faut pas conclure unrajeunissement desfresquessch-.matiques d'Andalousie et d'Estrmadure; part les figures
Fig. 36. Ligne suprieure croquis des stylisations humaines de la Gavilane(Fuencaliente), dont plusieurs rappellent les idoles nolithiques dcouvertes parM. Siret. Ligne infrieure, groupe de droite, El Gavoi de Velez Blanco; groupe de gauche stylisations humaines de Castillo (Santander).
d'tres humains en doubletriangle, aucun ,lment spcifique-ment nolithique ouplus rcent ne s'y rencontre jamais.
A Jimena pourtant, M.Gomez Moreno a relev un singulierdessinqu'il ainterprt commel'image d'uncphalopode ana-
logueaupoulpe (fig. 34, au milieu de la seconde ligne). Le des-sinqu'il en a donn est bon, et ne diffre pasdu mien'. Maisnous noussparons absolument quant soninterprtation il
y voit l'image d'un poulpe, probablement par suite de l'in-fluence de certaines thories de M. Siret sur desfiguresnoli-
1. ManuelGomezMoreno,Pictografias
andaluzas.Institutd'EstudiosCala-anes.AnuariMCMMVHI.
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thiqnes sur os et sur vases que ce trs habile et trs sym-
pathique fouilleur interprte de la mme faon. Mais on peut
nier, et M. Siret est en cela d'accord avec moi, qu'il y ait la
moindre analogie entre le dessin de Jimena et ceux de la pro-vince d'Almria que M. Siret interprte trs audacieusement
comme des poulpes; d'autre part, les dessins nolithiques
regards comme poulpes par M. Siret sont, mon avis comme
celui de MM. Cartailhac et Dchelette et de presque tous les
archologues qui les ont tudis, des figurations humaines
stylises parfaitement certaines.
L'image que M. Gomez Moreno interprte comme celle
d'un cphalopode est entoure de nombreuses figures humaines
schmatiques bras en forme d'anses. La manire defigurer
ces bras leur donne tantt l'aspect d'un cercle ou d'un ovale
divis en deux par un diamtre form par la ligne ducorps,
tantt celui de deux petits cercles contigus que ne domine
pas toujours la tte, mais qui surmontent deux ou trois traits
verticaux reprsentant les jambes et le phallus. A la seule diff -
rence qu'un point central a t plac au milieu des deuxpetits cercles tangents, qui leur prte un aspect d'yeux, et que
les trois appendices infrieurs rectilignes sont remplacs par
six onduls, le dessin du soi-disant poulpe rentre dans le
schma gnral des prcdents.Je n'irai pas cependant jusqu' dire que cette explication est
certaine; j'en suggrerai une autre, qui, sans tenir pour non
avenue l'analogie graphique que je viens de
souligner, admet
cependant que la variante du schma a t accompagne d'une
rinterprtation desavaleur figure. En cecas, les yeux seraient
bien des yeux, mais les huit lignes ondules sedirigeant vers le
bas ne seraient pasdes tentacules. Je ne nie pas que cette ide ne
vienne l'esprit; mais Jimena est bien loin dela mer, lespeintres
qui s'y sont exercs ont bien des chances de n'avoir jamais
vu de poulpes; en auraient-ils vu, que leur pinceau schma-
tique n les aurait pas si bien figurs, ou alors on en trouveraiten beaucoup d'autres endroits, Velez Blanco, Fuencaliente,
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aux Batuecas, o des dessins rupestres de mme ge et de mme
style se rencontrent. Comme, en toutes ces localits, en dehors
de symboles parfaitement incomprhensibles, on ne trouve
que des
figures schmatiques de
quadrupdes et surtout d'tres
humains, il me semble plus rationnel de ne pas nous carter,
dans nos interprtations, du cycle habituel des motifs connus.
Sans quitter la roche dcrite avec soin par l'auteur andalou,
on peut tablir que les six lignes ondules ne sont pas les
tentacules d'un cphalopode. En effet, droite du mme groupe
de personnages la gauche desquels se trouve le dessin en
Fig. 37. Symboles des grottes peiutes franaises et cantabriques (exceptionfaite des tectiformes); en suivant les groupes dans le sens de la lecture, les
provenances sont Novals et Meaza, Pindal, Altamira, pour la premire ligne;
Marsoulas, Niaux, pour la seconde.
litige, et lui faisant pendant de l'autre ct, se trouve le dessin
d'un objet compos d'un trait paraissant un manche, d'un second
angle aigu avec le premier et dispos comme le volant d'un
flau sur son bord externe, cinq lignes ondules parallles,
quidistantes, viennent s'insrer angle droit; leurs dimen-
sions, les dtails de leur excution sont identiques ceux des
soi-disant tentacules mais l'ensemble indique plutt une sorte
de martinet ou deflagellum, moins que ce ne soit tout simple-
ment une variante ornementale du signe pectiforme que.l'on
rencontre un peu plus bas. Mais si l'on tient compte de cette ide
trs simple que les lignes ondules de ce flageltwn ne sont que les
lanires ou les cordelettes qui y taient fixes, ne pourrait-on pas
admettre que les tentacules du soi-disant poulpe reprsentent
quelque chose du mme ordre, et puisque M..Gomez Moreno
remarque trs justement combien les ttes de ses personnages
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sont empanaches, fait que j'ai remarqu galement VelezBlanco et Fuenc,Lliente, sans. oublier Alpera, ne pourrait-on
pas admettre que le dessin reprsente prcisment un masque
crmoniel avec sa longue frange d'herbes sches, toute sem-blable ceux qu'on retrouve un peu partout, soit chez les
primitifs, soit chez les demi-civiliss ?' Cette interprtationa du moins l'avantage de ne comporter aucune grave invrai-semblance et de ne pas introduire dans un ensemble qui ne
l'voque pas du tout une influence orientale que rien ne
justifie et qui, l'poque palolithique suprieure ou en
partie protonolithique o nous sommes en droit de placer les
fresques de Jimena et leurs analogues, est un vritableanachronisme..
4. Conclusions.
Une vaste province a vu natre, au dbut du Palolithique
suprieur, un art original, contemporain de la faune dite
glaciaire au nord des Pyrnes et des Alpes, d'une faune
tempre au del de ces barrires ou le long des Cantabres;cet art s'est dvelopp sur place dans tout le sud-ouest de la
France et dans le nord-ouest de l'Espagne, pendant une
priode considrable durant laquelle le climat, la faune, lavg-
tation se sont plusieurs fois modifis, tandis que des migrationshumaines de peuples galement chasseurs se produisaient en
divers sens. L'art animalier, raliste, des Aurignaciens s'est
poursuivi travers le Solutren jusqu' la fin des temps
magdalniens, et jusqu' l'extinction du renne en France et
dans l'Europe centrale. Sauf au dbut, la figure humaine yest rarement figure. Puis une invasion, venue des pninsules
italique et ibrique, a amen sur le nord-ouest de l'Europed'autres peuplades, peignant des images schmatiques et gom-
triques, souvent trs semblables celles qui sont peintes sur
1. Cf. R. H. Codrington, The Melanesians, fig., p. i3J et 91 A. Haddon,Head Hunlers, pl. XXI R. Partinson, Dreiszig Jahre in der Sdsee, pl. 43,46 et autres.
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roches dans le sud et 1 ouest de l'Espagne; ces dernires
semblent devoir tre attribues, pour la plus grande partie,aux peuplades qui, durant la.priode o l'volution paloli-
thique suivait, des Cantabres l Pologne, la filire solutro-
magdalnienne, avaient progress dans- le sens des industriesdites capsiennes par M. deMorgan, gtuliennes par M. Pallary..Il semble certain- que l'art schmatique qui aprdomin dans
la rgion allant du nord de l'Estrmadure la Murcie mri-dionale drive sur place de phases plus ralistes constates
en plusieurs points, mais encore incompltement connues.
Entre la rgion situe au nord des Pyrnes etdes Cantabres,
o l'art magdalnien naturaliste s'est dvelopp en prenantnaissance dsl'Aurignacien, et celle dontnous venons dparier,se place, dans l'est et le nord-est de l'Espagne, une zone diff-
rente, o l'art animalier et raliste des Magdalniens a pn-tr, mais o l'ide de dessiner des tableaux, o les figureshumaines jouent un rle important, se dveloppe. Comme
dans la rgion sud-ouest de l'Espagne, les hommes sont fr-
quemment arms d'arcs et de flches, orns d'attributs ou de
coiffures.
En revanche, des iniluences de l'art schmatique du sud-ouest
se sont fait sentir dans l'art magdalnien cantabrique et
mme pyrnen; on trouve galement, dans une grotte de
l'Arige, l'influence des procds picturaux de la province
artistique de l'Espagne de l'est et du nord-est.
Quand, par suite de l'arrive des nolithiques dans le sud de
la.pninsule ibrique, les Capsiens ont reflu sur 'le mondemagdalnien, ils ont substitu leur art schmatique, rduit sa forme la plus carte de son point de dpart, l'artraliste des Magdalniens; empruntait ceux-ci certains
types industriels lgrement modifis, comme le harpon, ils sesont rpandus non seulement en Gascogne et enAquitaine, maisen Dauphin, en Suisse, en Bavire, et jusqu'en Ecosse. Peut-
tre certains ensembles dcoratifs,
parvenus jusqu' l'ge des
constructeurs de dolmens d'Irlande etd'cosse, marquent-ils lasurvivance de leur technique dcorative?
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Par contre, une partie desCapsiens d'Andalousie et de Murcie
parat s'tre rallie aunouvel tat dechoses, puisque, d'une part,certaines roches peintes reprsentent des idoles connues seule-ment dans
le nolithique ancien de ces rgions, et que, d'autrepart, certains dolmens du Portugal conservent encore unedco-ration paritale, peinte d'aprs les mmes conceptions dudessin.
Enfin, il se peut que d'autres groupes capsiens, chasss duMaroc par les mmes nouveaux venus, aient migr vers leSoudan central, si l'analogie trange des peintures qu'on yrencontre avec celles d'Andalousie n'est pas le rsultat du
hasard.Telles sont, dans l'tat actuel des recherches sur le dvelop-
pement des arts graphiques aux poques les plus recules, lesconclusions fermes ou provisoires les plus conformes auxfaits gologiques, industriels, morphologiques, gographiqueset ethnographiques..Les dcouvertes qui se produisent chaque moment sur les divers points du vaste territoire
que nous avons parcouru se chargeront sans tarder de fairel'preuve de quelques hypothses pour lapremire fois formulesici; mais il m'a sembl que de les livrer, mme un peu htives, ladiscussion, serait profitable l'avancement de l'histoire pri-mitive et de nature orienter utilement les proccupations descliercheurs'.
L'abb H.BREUIL.Professeur l'Institutde Palontologiehumaine.
1.Pourtracer lesgrandes lignesde cettevue d'ensemble,j'aid emprunterde nombreuxdocuments destravauxpoursuivisencommunavec de dvouscollaborateursauxquels je dois exprimermagratitude,MM.Cartailhac,Capitan,Peyrony,pourla France;Alcaldedel Rio pourles Cantabres;JuanCabr, PascualSerranopourl'Espagnedu centre et dusud.