Léo BENOIST ___________________________________________________________________________
LE CASH-POOLING ___________________________________________________________________________
MEMOIRE STAGE MASTER 2
Sous la direction de M. Richard MARTY Maitre de conférences des Universités, HDR
Directeur du Master 2 professionnel de droit des affaires spécialité Banque et Bourse de l'université
du Maine
et
Me Véronique COLLIN Associée, Département Finance et Projets - DLA Piper
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REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Véronique Collin, maitre de stage, pour ses conseils et pour le temps
qu'elle m'a consacré.
Je remercie aussi l'ensemble des professeurs du Master Droit des affaires spécialité Banque
et Bourse, pour l'enseignement dispensé tout au long de l'année scolaire 2013/2014 et plus
particulièrement Richard Marty pour ses conseils, sa pédagogie et le temps qu’il m’a
consacré.
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SOMMAIRE
SOMMAIRE
PRINCIPALES ABREVIATIONS INTRODUCTION I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie A. La mise en œuvre d'un mécanisme de cash-pooling 1. Le champ d'application d'une centralisation de trésorerie 2. Les différents modes de fonctionnement du cash-pooling B. Un mécanisme doté d'avantages non négligeables II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de
centralisation de trésorerie A. Un mécanisme juridique imparfait très encadré 1. Un mécanisme juridique imparfait 2. Les dangers juridiques entourant l'application du cash-pooling
B. La fiducie : une alternative au mode de fonctionnement habituel du cash-pooling
1. Rappel de la notion de fiducie : un mécanisme de gestion atypique
2. L'utilisation de la fiducie dans le cadre du cash-pooling III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un dossier
de financement immobilier récent A. Présentation de la structure du groupe
B. Le refus de mettre en place un mécanisme de centralisation de gestion de trésorerie
BIBLIOGRAPHIE TABLE DES MATIERES
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PRINCIPALES ABREVIATIONS
PRINCIPALES ABREVIATIONS
- art. : Article
- Bull. : Bulletin
- Bull crim. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle)
- C. civ. : Code civil
- C. com. : Code de commerce
- C. mon. fin. : Code monétaire et financier
- CA : Cour d'appel
- Cass. ass. plén. : Cour de cassation, Assemblée plénière .
- Cass. civ. : Cour de cassation, chambre civile
- Cass. com. : Cour de cassation, chambre commerciale
- Cass. crim. : Cour de cassation, chambre criminelle
- CE : Conseil d'Etat
- éd. : Edition
- Ibid. : Ibidem
- J. Cl : Juris-Classeur
- JCP : Juris-Classeur Périodique
- JCP G : Semaine juridique, Edition générale
- L. : Loi
- n° : Numéro
- Ord. : Ordonnance
- p. : Page
- RB : Revue Banque
- Rép. com : Répertoire de droit commercial Dalloz
- Rép. soc : Répertoire de droit des sociétés Dalloz
- RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires
- RJF : Revue de jurisprudence fiscale (Depuis 1975. Anciennement Bulletin des
contributions directes de la TVA et des impôts indirects).
- T. com : Tribunal de commerce
- TGI : Tribunal de grande instance
- V. : Voir
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INTRODUCTION
INTRODUCTION
Où il y a un avantage, il y a nécessairement un inconvénient. Qu'en est-il alors lorsqu'il y a de
nombreux avantages ? Il faut rester très vigilant quant à la mise en place d'un mécanisme
juridique tel que le cash-pooling, qui dispose de nombreux avantages, puisque cela
signifierait qu'il dispose aussi de nombreux inconvénients. La vigilance est de vigueur et pour
reprendre l'une des nombreuses leçons que nous offre Lao Tseu, auteur présumé du Tao-Te-
King, « Quand la crainte ne veille pas, il arrive ce qu'il était à craindre ».
Le cash-pooling (gestion centralisée de trésorerie) est un mécanisme juridique permettant une
gestion centralisée des comptes des sociétés d'un groupe. Il ne faut pas le confondre avec le
netting, ou avec un mandat de gestion de trésorerie. Plus précisément, les différentes parties à
la convention de centralisation de trésorerie vont effectuer une remontée (mouvement
upstream) de leur solde créditeur, vers un compte centralisateur (master account) d'une
structure centralisatrice (aussi appelée société pivot). Lorsqu'elles disposeront d'un solde
débiteur, le flux financier sera inverse (mouvement downstream) et ce sera la structure
centralisatrice qui fera redescendre la trésorerie nécessaire pour rétablir un solde prédéfini
dans la convention. Les comptes initiaux des sociétés parties à la convention de centralisation
de trésorerie sont qualifiés de comptes « secondaires ». Il existe deux types de cash-pooling.
Le cash-pooling physique qui se caractérise par une remontée réelle de trésorerie sur le
compte centralisateur, et le cash-pooling notionnel qui permet une centralisation virtuelle.
Dans le difficile contexte économique actuel, les entreprises font face à l'augmentation des
coûts, aux crédits plus chers et plus rares et les sociétés sont à la recherche de la moindre
économie. En rassemblant les comptes de toutes les sociétés, l'organisation de l'état financier
du groupe est simplifiée. En s'alliant, les sociétés d'un groupe en tireront des avantages
significatifs.
L'objectif poursuivi par un groupe qui met en place un tel mécanisme est d'optimiser les
besoins et les excédents de trésorerie en équilibrant tous les comptes des sociétés du groupe.
Cela permet d'avoir un meilleur aperçu de l'état financier général du groupe. De nombreux
avantages, que l'on ne remarque pas forcément à première vue, vont apparaitre du fait de la
centralisation. Les sociétés parties à la convention seront par exemple plus fortes du fait de
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INTRODUCTION
l'effet de masse, elles pourront même parfois accéder aux marchés financiers et surtout elles
feront des économies importantes.
Précisons que les mouvements de trésoreries upstream et downstream peuvent être effectués
selon diverses échéances. Les parties seront libres de prévoir dans la convention de
centralisation que ces mouvements s'effectueront tous les jours, toutes les semaines, tous les
mois, ou à toute autre échéance.
Le mécanisme habituel de centralisation est mis en place via une convention dite
d’ « omnium ». Cette convention est la base de toute centralisation, cependant un groupe de
société ne disposant pas de la personnalité morale, ni même d’un patrimoine propre, n’a pas
la possibilité de conclure de contrats ou de gérer lui-même un compte centralisateur. C’est
pourquoi une société centralisatrice se chargera de ces opérations dans l’intérêt du groupe.
Cela permettra de gérer les finances à l’échelle du groupe et non plus à l’échelle de chaque
société qui le compose.
Il est nécessaire que l'alliance soit équilibrée, que chaque société soit préservée, l'objectif
n'étant pas de faire peser le fardeau de certaines sociétés du groupe sur une seule et même
société du même groupe. Certes, l’intérêt du groupe est important, mais cela n’empêche pas
que l’intérêt de chaque société partie à la convention de centralisation de trésorerie doit être
préservé. Pour reprendre D. Ohl, « L’intérêt du groupe à lui seul est sans valeur et ne saurait
justifier ni un abus de majorité ni un abus de biens sociaux »1. Il ne faut pas oublier que les
prêts et avances entre sociétés ne sont pas sans danger. Ce sont des transferts de fonds qui
peuvent être conformes à l’intérêt du groupe mais néfastes à l'une des sociétés composant ce
groupe. Il semble alors important de veiller au respect des intérêts des sociétés centralisées,
ce qui peut être complexe en pratique du fait de l'absence de clarté concernant la notion
même d'intérêt social. Il est nécessaire de protéger les sociétés centralisées puisque dans un
groupe de société il ne faut pas ignorer que les sociétés mères, du fait de leur statut, peuvent
parfois contraindre leurs filles d'agir dans un sens déterminé qui peut être contraire à leur
propre intérêt. Ce « « vampirisme » , cette dynamique de « pompage », faisant de la fille un
être « cannibalisé », est à craindre sans exagération »2.
1 Ohl, « Les prêts et avances entre sociétés d’un même groupe », collection, Bibliothèque de droit de l'entreprise, Paris, Litec, 1982, p.201. 2 Chenut, « Les garanties ascendantes dans les groupes de sociétés, où les sûretés consenties par les
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INTRODUCTION
Aux vues de la sensibilité de la trésorerie et des avantages que procure une centralisation de
la gestion de celle-ci, il parait essentiel de se demander si une convention de centralisation de
trésorerie ne va pas à l'encontre de certains principes de droit. Si tel est le cas, cela ferait
peser un risque important sur les parties à une convention de centralisation de trésorerie. De
ce fait, on est en droit de se demander si un autre mécanisme juridique permettrait de profiter
des avantages du cash-pooling tout en réduisant les risques qui y sont attachés.
La trésorerie est un élément très sensible pour toute société, elle doit donc être gérée avec
soin et une gestion unique pour l'ensemble des sociétés d'un groupe semble être le meilleur
moyen d'y parvenir3. Du fait de son importance, la trésorerie et les mécanismes juridiques qui
l’entourent doivent respecter certaines conditions afin de ne pas contrevenir à certains
principes de droit essentiels. L’inconvénient majeur du cash-pooling réside dans les
nombreux risques afférant à son application. Plusieurs épées de Damoclès pèsent sur le cash-
pooling lorsqu'il s'agit de protéger les sociétés du groupe. Il faudra donc avoir conscience de
ces risques et équilibrer la centralisation pour éviter la survenance de nombreux problèmes.
Le cash-pooling nécessite une grande vigilance.
Ce mécanisme, d'une très grande utilité pour les groupes de sociétés (I), n'est pas sans poser
quelques problèmes juridiques et peut être remis en cause (II), comme on pourra le constater
en pratique dans le cadre d'un dossier de financement immobilier récent (III).
sociétés-filles à leurs sociétés-mères », Revue des sociétés, 2003, p.71. 3 Le Fur et Quiry, Finance d'Entreprise, éd. Pierre Vernimmen, 2010, p.1078.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
Le cash-pooling est très utilisé par les groupes de sociétés d'une certaine taille, en particulier
par ceux détenant de nombreuses filiales à l'étranger. C'est un mécanisme encadré (A) qui est
devenu indispensable du fait de ses nombreux avantages (B).
A. La mise en œuvre d'un mécanisme de cash-pooling
Dans un premier temps, il faut cerner les opérations qui pourront faire l'objet d'une
centralisation de trésorerie (1), pour ensuite étudier les différents modes de fonctionnement
du cash-pooling (2).
1) Le champ d'application d'une centralisation de trésorerie
(1). Tout d'abord, la centralisation ne concerne que les groupes de sociétés
La flexibilité dont bénéficient les groupes de sociétés peut se comprendre : on recherche à
faciliter les opérations dans les groupes et éviter une anarchie des mouvements financiers
internes. L'objectif recherché est de permettre une plus grande clarté. Ce besoin de clarté, en
plus de profiter au groupe en lui-même, va aussi permettre une meilleure transparence et un
meilleur contrôle de la part des différents organismes de contrôle.
D. Ohl affirme que les prêts intra-groupes doivent être possibles lorsqu'il dit que « la
spécialité du prêteur ne présente, malgré les apparences, aucun obstacle fondamental à la
mise en place par le groupe d'un circuit indépendant de crédit »4.
Ce principe est consacré à l'article L. 511-7 du Code monétaire et financier, précisant que les
opérations de trésorerie sont permises avec des sociétés ayant, « directement ou
indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de
contrôle effectif sur les autres ». Par cet article le législateur permet d'éviter la création
artificielle de sociétés financières soumises à la règlementation bancaire, alors qu'elles sont
constituées uniquement pour gérer la trésorerie du groupe5.
4 Ohl, « Les prêts et avances entre sociétés d’un même groupe », collection, Bibliothèque de droit de l'entreprise, Paris, Litec, 1982, p.135. 5 Rédaction des Editions Francis Lefebvre, Charvériat, Couret, Janin, Mercadal et Zabala, Sociétés commerciales, éd. Francis Lefebvre, 2012, n° 80830.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
Le terme de « groupe » est très souvent utilisé, cependant le législateur ne l’a pas réellement
défini. En droit fiscal par exemple, on ne fait que renvoyer à l’article L. 233-3 du Code de
commerce qui n’est qu’une définition de « contrôle ». C’est la jurisprudence (relativement
abondante sur ce sujet) qui va nous apporter quelques éléments de réponse quant à la
définition de la notion de groupe. Selon elle, deux sociétés appartiennent à un même groupe
lorsqu’il existe des liens structurels entre les sociétés membres du groupe et la mise en place
d’une stratégie commune en vue de la réalisation d’un objectif commun6. Il faut alors qu’il y
ait une complémentarité entre les activités des établissements.
Nous allons détailler cet article L. 511-7 du Code monétaire et financier :
Dans un premier temps, la notion de « contrôle » à laquelle se réfère cet article peut porter à
confusion. En effet, alors qu'en droit des sociétés le contrôle de droit est caractérisé
lorsqu'une personne détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant
la majorité des droits de vote dans les assemblées générales, en droit boursier le Code
monétaire et financier prévoit dans son article L. 433-3, combiné avec l'article 234-2 du
règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers, la caractérisation du contrôle dès que
l'on dépasse 30% soit des droits de vote, soit du capital.
En sus de l’existence d’un contrôle de droit, il existe aussi la notion de contrôle de fait. Le
mot « effectif », utilisé par le législateur dans cet article L. 511-7 du Code monétaire et
financier est très important car cela signifie qu'on s'intéresse au contrôle de fait et non au
contrôle de droit. La participation ne doit pas nécessairement atteindre les 50% pour que l'on
soit en présence d'un contrôle effectif, il suffit de détenir directement ou non une participation
susceptible d'influencer aisément les décisions d'assemblées générales. Tel est le cas par
exemple lorsqu'une personne détient 30% des droits de vote et qu'il n'existe aucun autre
actionnaire détenant plus de 5% des droits de vote.
D'ailleurs, l'article L. 233-3 du Code de commerce prévoit une présomption de contrôle
lorsqu'une société dispose « directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote
supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou
indirectement une fraction supérieure à la sienne ». Une telle participation pourrait alors
suffire pour permettre la réalisation d'une convention de trésorerie. 6 Cass. crim., 23 avr. 1991, Bull. crim. n° 193, n° 90-81.444 ; Cass. crim.,24 juin 1991, RJDA nov. 1991, n° 926.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
Dans un second temps, le législateur évoque les « entreprises » et non pas les sociétés.
Cependant, il est (à juste titre) interprété au sens large, au sens de « sociétés », ce qui permet
d'exclure les collectivités publiques7.
En considération de cet article, sont alors exclus les groupes de sociétés contractuels (où
n'existe que des rapports contractuels, en l'absence de tout lien de capital). Semblent aussi
exclus les Groupements d'Intérêt Economique (GIE) qui ne sont pas des sociétés. En effet, un
GIE ne semble pas pouvoir faire partie d'une centralisation, puisqu'un GIE n'est « qu'un »
groupement, alors même que son rôle est de regrouper différentes entreprises préexistantes et
de faciliter la mise en place de services communs à ces différentes entreprises. Cependant, on
remarque qu'en pratique le bon sens prévaut et qu'un GIE, d'ores et déjà constitué ou même
créé pour l'occasion, peut être utilisé comme entité centralisée, voir même comme structure
centralisatrice8.
(2). Ensuite, la centralisation ne concerne que les opérations de trésorerie
Deux courants de doctrine s'opposent quant à la définition des opérations de trésorerie. D'un
côté, certains sont d'avis que les opérations de trésorerie se limitent aux opérations qui portent
sur les liquidités, la monnaie disponible et les placements à court ou moyen terme. D'un autre
côté, d'autres pensent que les opérations de trésoreries concernent tout autant ces opérations
que les placements et emprunts à long terme9.
C'est ce dernier courant de pensées qui semble avoir convaincu la direction du Trésor qui,
dans une lettre au Conseil national du patronat français (CNPF) du 8 décembre 198510,
affirme que les opérations de trésorerie sont la réception des fonds et les opérations de crédit,
ces dernières comprenant les engagements par signature. C’est aussi ce qu’affirme le Comité
de la réglementation bancaire et financière dans son rapport pour 1994 (p. 103 et 107)11.
7 Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, 2012, n° 7. 8 Lamy, Droit du Financement, 2014 par Devèze, Couret, Hirigoyen, Parachkévova, Poulain-Rehm et Teller, n° 2531. 9 Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, 2012, n° 8. 10 Lettre de la direction du Trésor au CNPF, 6 déc. 1985 ; Lettre de la Banque de France, 30 juill. 1987. 11 Rédaction des Editions Francis Lefebvre , Charvériat, Couret, Janin, Mercadal et Zabala, Groupe de sociétés, éd. Francis Lefebvre, 2013 – 2014, n° 3622.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
Les opérations de trésorerie sont permises que ce soit d’une société fille vers la société mère
(upstream) ou de la société mère vers une société fille (downstream) et même entre sociétés
sœurs. Les sociétés ne doivent pas nécessairement avoir de liens de capital entre elles, tant
qu'elles sont sous le contrôle de la même société.
(3). Enfin, la convention est à la base de toute centralisation
Deux situations peuvent être rencontrées en pratique. Il peut n'y avoir qu'une seule et unique
convention pour l'ensemble de la centralisation, ou alors il peut y avoir plusieurs conventions
bilatérales directement conclues entre les sociétés du groupe.
Lorsqu’il n’y a qu’une convention conclue entre deux sociétés du groupe, il n’y a pas
réellement de centralisation au sein d’une structure centralisatrice. Les excédents d’une
société seront mis à la disposition d’une autre société directement entre elles.
Lorsqu’une centralisation est mise en place par une seule et unique convention pour
l’ensemble du groupe, il sera alors prévu une structure centralisatrice chargée de gérer la
trésorerie du groupe en organisant les flux de trésorerie entre les sociétés créditrices et les
sociétés débitrices. Cette convention est appelée convention d’omnium.
Les parties à la convention de centralisation sont les sociétés du groupe, la structure
centralisatrice et, de manière facultative, une banque. En effet une banque peut être partie à la
convention lorsque c'est elle qui sera chargée de réaliser les opérations de centralisation.
Il ne faut pas confondre une convention d'omnium avec un mandat de gestion de trésorerie12.
Un mandat peut être défini comme étant un acte par lequel une personne donne à une autre le
pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom13. Certes le mandat peut être
un instrument de gestion de trésorerie où le mandataire aurait pour rôle de gérer la trésorerie
du groupe, mais on ne peut pas l'utiliser dans le cadre d'une centralisation de trésorerie, il ne
permettrait pas de justifier le transfert des fonds aussi bien upstream que downstream, le
mandataire n'est mandaté que pour gérer les comptes des sociétés centralisées en leur nom, il
n'est pas pour autant autorisé à tous les centraliser de la même façon qu'une structure 12 « La convention d'omnium et le mandat de gestion de trésorerie », Le Cercle, les Echos, 2 mai. 2013, <http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2013/05/02/cercle_71756.htm> consulté le 29 juin 2014. 13 C. civ., art. 1984.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
centralisatrice peut le faire. Avec un mandat, le mandataire va gérer les comptes d’autrui sans
qu’ils ne lui soient transférés, alors qu’avec une convention d’omnium, la structure
centralisatrice se voit transférer les fonds pour ensuite les gérer.
Cette convention modèle la centralisation selon les souhaits des parties qui disposent d'une
grande liberté de rédaction. Elle encadrera les modalités techniques de la centralisation ci-
dessous présentées.
2) Les différents modes de fonctionnement du cash-pooling
(4). Choix de la structure centralisatrice
Outre ce que nous avons vu concernant la nécessité pour les sociétés entrant dans le périmètre
de la centralisation, de faire partie d'un groupe de société14, la société centralisatrice elle-
même doit aussi faire partie de ce groupe de sociétés.
Différentes options sont envisageables lors de l’élaboration de la convention de centralisation
de trésorerie. La société centralisatrice peut être une société mère, n’importe quelle société du
groupe concernée par la centralisation (par exemple, société sœur), ou même une simple
holding. Elle peut même être une société financière spécialement créée par le groupe à cet
effet ou avoir le statut de banque.
Cette société centralisatrice n'est pas dans l'obligation d'être agréée comme établissement
bancaire ou financier dès lors qu’elle ne consent pas de crédit à des tiers extérieurs au
groupe15. Par ailleurs, de la même façon qu'un GIE peut faire partie d'une centralisation de
trésorerie, ce dernier peut en devenir la clef de voûte et se voir attribué le statut de structure
centralisatrice16.
L’on pourrait penser qu’utiliser une société autre qu'une holding pourrait avoir pour effet
d'amoindrir la confiance des sociétés du groupe quant à cette centralisation. Ces dernières
pourraient craindre une centralisation déséquilibrée, mise en place dans l'unique but
d'avantager la société centralisatrice, puisqu’une holding ne génèrera pas de revenus et que
14 V. supra, n° 1. 15 Lamy, Droit du Financement, 2014 par Devèze, Couret, Hirigoyen, Parachkévova, Poulain-Rehm et Teller, n° 2530. 16 V. supra, n° 1.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
les flux financiers ne se feront que dans un seul sens. C’est un problème que l’on rencontre
surtout en LBO (Leveraged Buy-Out), lorsque la holding et la cible seront toutes deux parties
à une convention de centralisation de trésorerie.
C'est pourquoi une totale confiance entre les sociétés du groupe et la société centralisatrice
est nécessaire. Sans cette confiance la centralisation pourrait ne pas voir le jour, les sociétés
du groupe craignant que la trésorerie centralisée soit utilisée par la société centralisatrice, ou
que les créanciers de la structure centralisatrice saisissent le solde créditeur de tous les
comptes de cette dernière. En effet, la convention de centralisation de trésorerie peut être
considérée comme étant inopposable aux créanciers de la structure centralisatrice, ces
derniers pouvant saisir l'ensemble du compte centralisateur17.
Il n’est pas rare que les grands groupes créent une société financière, voire même, leur propre
banque. Tel est le cas par exemple de PSA pour Peugeot et Citroën ainsi que RCI Banque ou
DIAC pour le groupe Renault - Nissan. L’inconvénient d’une société financière est son
impossibilité à recevoir des fonds du public contrairement aux établissements bancaires18. En
choisissant de centraliser la trésorerie du groupe au sein d’une banque créée pour l’occasion,
le groupe disposera d’une autonomie non négligeable et surtout il pourra recevoir des fonds
du public.
(5). La nécessité d'une rémunération
Il est nécessaire de souligner l'importance de la rémunération des avances. En effet, les
prestations ne doivent pas être dénuées de contrepartie19, une rémunération est nécessaire
pour mettre en place une centralisation de trésorerie.
Cette rémunération se caractérise de la même façon que la rémunération d'un contrat de prêt,
il s'agit d'un intérêt sur les sommes prêtées.
Le montant de cette rémunération doit être prévu par la convention, étant précisé qu'il est
possible de s'écarter du prix du marché et même de prévoir une rémunération différente entre
17 TGI Versailles, 3 févr. 2000, Juris-Data n° 2000-112064. 18 Sur les sociétés financières, V. Aubry, « Banque et établissements de crédit », Rép. com, 2006 mis à jour 2014, n° 56. 19 Cass. crim., 4 févr. 1985, aff. Rozenblum, n° 84-91.581 ; JCP G 1986, II, 20585, note W. Jeandidier.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
les mouvements upstream et les mouvements downstream. Nous verrons l'importance de la
rémunération, qui doit non seulement exister, mais aussi être équilibrée afin d'éviter la
caractérisation d'un acte anormal de gestion20.
(6). Les différents types de centralisations
La centralisation de trésorerie peut être effectuée de différentes manières, cependant dans
chaque mécanisme de centralisation de trésorerie le principe est le suivant : les excédents de
trésorerie d'une société centralisée sont « remontés » dans un compte centralisateur. Les
sociétés ayant un solde débiteur quant à elle peuvent bénéficier de la redescente de cette
trésorerie. Pour chaque opération, les parties sont libres de choisir les éléments tels que par
exemple, les intérêts pour la remontée et la redescente de trésorerie ou encore la régularité à
laquelle la centralisation est effectuée. Le mouvement upstream qui correspond au transfert
des fonds d'un compte vers le compte centralisateur est appelé « Sweep ». Le mouvement
inverse (downstream) est appelé « Cover ».
Schéma du mécanisme de centralisation de trésorerie : Sweeps Covers
Comptes créditeurs Comptes débiteurs Les deux méthodes de centralisation de trésorerie sont le cash-pooling physique qui se
caractérise par une remontée réelle de trésorerie sur le compte centralisateur et le cash-
pooling notionnel qui permet une centralisation virtuelle.
20 V. infra, n° 22.
MASTER ACCOUNT
COMPTE 1 COMPTE 2 COMPTE 3 COMPTE 4
Sweeps Covers
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
(6). (a). Le cash-pooling physique
Cette technique permet le transfert effectif de fonds entre les comptes des différentes sociétés
participantes et le compte centralisateur. Les sommes sont réellement transférées d'un compte
à l'autre. Cette pratique nécessite l'établissement de conventions entre la société pivot et
chaque filiale21. La convention doit désigner et habiliter la personne qui aura le pouvoir de
réaliser ou de programmer les opérations. Ce peut être la banque ou la société centralisatrice.
Les mouvements sont réalisés par des virements de compte à compte.
Il existe différents types de cash-pooling physique22 :
Le ZBA (Zero Balancing Account) est une centralisation journalière de trésorerie où les
soldes positifs des comptes secondaires sont transférés (sweeps) et les soldes négatifs sont
couverts par covers. Tous les comptes des sociétés centralisées sont alors à zéro. Cela permet
une vision globale de la trésorerie du groupe à un instant donné de la journée, de la semaine
ou du mois.
Le TBA (Target Balancing Account) prévoit un seuil minimal à partir duquel la trésorerie
excédentaire est nivelée, les soldes débiteurs étant toujours apurés.
Puis le FBA (Fork Balancing Account) organise la centralisation de telle façon que tous les
soldes, qu'ils soient créditeurs ou débiteurs, respectivement supérieurs ou inférieurs à un
montant fixé au préalable, sont nivelés à ce montant.
(6). (b). Le cash-pooling virtuel
Aussi appelé centralisation notionnelle (pooling notionnel)23, le cash-pooling virtuel permet,
comme son nom l'indique, une centralisation sans remontée et redescente réelle de trésorerie.
Il n'y a pas réellement de transfert de fonds, la remontée de capitaux est virtuelle, purement
comptable. Il s'agit en réalité d'une fusion d'échelle d'intérêts. En effet, la technique selon
laquelle la banque va calculer les intérêts est particulière, elle accepte de ne pas calculer les
agios société par société mais de le faire au regard du solde global, s'il s'avère débiteur. Il en
va de même des intérêts si le solde est créditeur24. Les comptes bancaires des sociétés parties
à la centralisation sont considérés comme n'étant qu'un seul et unique compte bancaire, 21 Le Fur et Quiry, Finance d'Entreprise, éd. Pierre Vernimmen, 2010, p.1080. 22 « Le cash-pooling », 2012, Fiche n° 603, site de la Banque de France, < http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/La_Banque_de_France/pdf/Fiche_603-BDF-Cash-pooling.pdf> consulté le 29 juin 2014. 23 Le Fur et Quiry, Finance d'Entreprise, éd. Pierre Vernimmen, 2010, p.1080. 24 Sur la centralisation notionnelle, V. Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, 2012, n° 37.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
uniquement pour les besoins du calcul des intérêts. Il est important de souligner qu'il est
problématique pour un groupe de sociétés d'avoir un compte unique au regard de la confusion
des patrimoines25. Concernant la centralisation notionnelle, il n'y a pas réellement de compte
unique, les comptes bancaires étant regroupés uniquement pour le calcul des intérêts.
(7). Le netting26
Il ne faut pas confondre netting et cash-pooling. En effet, le netting, contrairement au cash-
pooling, est une technique de paiement. Il peut découler du cash-pooling, mais le netting n'est
pas en lui-même une centralisation de trésorerie et peut s'effectuer entre des entreprises
indépendantes, en dehors de tout groupe. En ce qui nous concerne, lorsque le netting est mis
en place du fait de la centralisation, il s’agit plus précisément d’une technique de
compensation des dettes et des créances à l'intérieur des groupes, puisque dans un groupe de
sociétés les différentes sociétés ont l'occasion d'être tour à tour créancières et débitrices les
unes des autres. La traduction officielle du terme, proposée par la Commission de
terminologie du ministère de l’Économie, est « compensation monétaire de groupe ».
Cependant il est important de préciser que ce terme de compensation n'est pas à entendre
comme une réelle compensation. Il s'agit ici d'un abus de langage. Le netting semble être,
pour les juristes anglo-saxons, le simple calcul d’une position nette alors que la compensation
de notre Code civil va au-delà dans la mesure où elle est aussi un mode d’extinction des
dettes, fonction qui correspond au settlement anglais27.
Sans organisation appropriée, les possibles conditions de change et de transfert peuvent être
pesantes pour les sociétés du groupe. Le netting permet d'alléger les flux financiers, puisqu'il
réduit le nombre de transactions. Ce mécanisme d'optimisation de gestion des flux n'est pas
une opération de banque.
25 Sur la confusion des patrimoines, V. infra, n° 20. 26 Sur le netting, V. Lamy, Droit du Financement, 2014 par Devèze, Couret, Hirigoyen, Parachkévova, Poulain-Rehm et Teller, n° 2521 ; Le Guen « Le « netting » et la protection légale des systèmes de règlements interbancaires », Bulletin de la Banque de France, 1994, Supplément «Études ». 27 Hervé le Guen « Le « netting » et la protection légale des systèmes de règlements interbancaires », Bulletin de la Banque de France, 1994, Supplément « Études » p. 42.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
(8). Le cash-pooling international
Force est ainsi de relever que les groupes de sociétés qui souhaitent la mise en place d’un
mécanisme de cash-pooling sont souvent de taille importante, ce qui implique que dans la
majorité des cas ces groupes soient internationaux.
On est alors en droit de se demander comment s’organisera la centralisation dans un tel
contexte et surtout, si elle est autorisée en présence de sociétés internationales.
Les méthodes de centralisation internationale sont identiques à celles utilisées au niveau
national. Ce sont les différences de règlementations qui peuvent soulever quelques difficultés.
En effet, bien que la réglementation des changes française n'interdit pas d’intégrer des
comptes étrangers dans les centralisations françaises, certains droits étrangers ne permettent
pas les centralisations de trésoreries intra-groupes et d’autres ne les permettent qu’à la
condition de respecter un formalisme lourd. Cela a pour conséquence de rendre plus
complexe la centralisation en présence de sociétés étrangères.
Schéma du cash-pooling international28 :
Frontière 28 Sur le cash-pooling international, V. Le Fur et Quiry, Finance d'Entreprise, éd. Pierre Vernimmen, 2010, p.1081.
BANQUE TRANSFRONTALIERE
Filiale locale de la banque transfrontalière
Banque Pivot Locale
banque transfrontalière
Banque locale
Banque locale
Banque locale
Banque locale
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
La centralisation internationale est, en général, organisée comme suit : il y a une
centralisation à deux niveaux. Tout d’abord, une banque pivot locale réalisera la première
centralisation au sein de chaque pays puis, un groupe bancaire international nommé banque
transfrontalière (overlay), réalisera la centralisation internationale. La première centralisation
intervient au niveau local, ensuite les soldes obtenus sont centralisés au niveau international.
La mise en place d'un cash-pooling permet au groupe de disposer d'avantages, aussi bien
économiques que stratégiques, non négligeables.
B) Un mécanisme doté d'avantages non négligeables
La centralisation de trésorerie présente en effet de nombreux avantages. On remarque déjà
sans trop de difficultés qu'elle permet une plus grande visibilité de l'état financier d'un groupe
à un instant « t ». Lorsque l'on s’intéresse de manière plus prononcée à ce mécanisme, on
remarque alors d’autres avantages tout autant intéressants.
(9). Alternative au prêt bancaire
La centralisation de trésorerie peut être une alternative au prêt bancaire. En effet, elle offre un
accès au financement et à la liquidité. En mettant en place une structure centralisatrice
(prenant parfois la forme de banque interne)29 qui organise la centralisation, le groupe réduit
ses besoins de financements externes et ses frais financiers. Le financement des entités
débitrices est effectué en récupérant et en utilisant les excédents des autres entités. Ainsi, il
n'y aura de recours à un prêt bancaire que lorsque l'on dépassera les capacités de la structure
centralisatrice. Cet avantage n'est pas négligeable au regard de la dégradation de la
conjoncture économique que nous connaissons, puisque suite à la récente crise financière de
2008, il est de plus en plus difficile d'obtenir l'octroi d'un prêt bancaire.
Le recours au financement bancaire étant moindre, la centralisation permet une économie sur
les intérêts versés pour se procurer de la trésorerie. Lorsqu’il n’y a pas de centralisation,
chaque filiale traite avec une banque. Avec une centralisation, les excédents de trésorerie de
certaines filiales servent à financer les déficits de trésorerie des autres. En effet, le groupe
économisera les commissions bancaires, les frais d'intermédiaires, mais aussi et surtout l'écart
entre les taux de placements et les taux d'emprunts. Lorsqu'une société n'est pas partie à une 29 V. supra, n° 4.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
centralisation de trésorerie, ses comptes créditeurs pourront bénéficier d'un taux de placement
et lorsqu'elle aura besoin de liquidités elle devra obtenir un prêt bancaire comportant un taux
d'emprunt. Malheureusement pour cette société, le taux d'emprunt est très souvent plus élevé
que le taux de placement. Cet écart pourra être réduit dans le cadre d'une centralisation de
trésorerie. En sus d'être réduit, cet écart est aussi totalement conservé par le groupe au
détriment des banques, puisque même si le taux de placement est plus faible que le taux
d'emprunt, ce dernier est payé à la société centralisatrice et donc au groupe lui-même.
Concernant les taux d'intérêts, il est important de préciser qu'en l'absence de centralisation,
une société empruntera au taux du marché augmenté d'une marge et elle effectuera des
placements au taux du marché diminué d'une marge. Le cash-pooling permet de supprimer
ces marges, ce qui entraine une économie d'intérêt significative30.
(10). Effet de masse
La société centralisatrice a un pouvoir de négociation plus fort qu’une filiale. En effet, vis-à-
vis des banques, elle a un poids plus important car elle fait jouer l’effet de masse créé par la
centralisation de trésorerie. Ainsi, elle obtiendra des conditions plus avantageuses qui vont
améliorer la situation financière du groupe.
D'ailleurs, du fait de cet effet de masse, qui permet la réduction des coûts d'information et de
rémunération des intermédiaires, le cash-pooling donne à un groupe relativement important,
mais constitué de sociétés de petites tailles, la possibilité d'accéder aux marchés financiers 31.
(11). Gestion centralisée des risques de change
Le risque de change peut être définit comme étant le risque d'obtenir moins, ou de payer plus
que prévu, suite à une modification du taux de change, lorsque l'on passe d'une devise à une
autre. Lorsqu'une somme d'argent change de devise, sa valeur va varier en fonction de la
fluctuation du taux de change.
Alors qu'une approche décentralisée ne permet pas d'avoir une vue globale de la situation
financière d'un groupe et ne permet donc pas de mesurer l'exposition aux risques, une
30 Sur l'alternative au prêt bancaire, V. Le Fur et Quiry, Finance d'Entreprise, éd. Pierre Vernimmen, 2010, p.1078. 31 Sur l'effet de masse, ibid.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
approche centralisée peut permettre d'améliorer la gestion des devises.
Le risque de change peut être diminué par le netting découlant du cash-pooling. En effet, la
centralisation de trésorerie étant mise en place dans de nombreux groupes internationaux, il
n'est pas rare qu'une société soit exportatrice en une devise et qu'une autre soit importatrice
en cette même devise. Ainsi, du fait de la centralisation, une société débitrice pourra
directement obtenir la somme d'argent dont elle a besoin, dans la bonne devise, ce qui permet
de limiter le risque de modification de devise. La centralisation permet ainsi une meilleure
appréhension du risque global du groupe dans chaque devise et donc une diminution du
risque de change.
(12). Intérêts fiscaux
La centralisation permet de bénéficier de certains avantages fiscaux32. Elle permet dans un
premier temps, d’éviter les impositions des avances réalisées par une filiale à sa société mère,
réputées constituer des revenus distribués. Les revenus distribués sont définis par l’article 109
du Code général des impôts, comme étant tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis
en réserve ou incorporés dans le capital et les sommes et valeurs mises à disposition des
associés actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.
En effet, bien que l’article 111 A du Code général des impôts prévoit une présomption de
distribution, l’administration admet que les structures centralisatrices, n’étant pas
véritablement bénéficiaires des avances, ne se verront pas appliquer cet article, sous réserve
de l'établissement d'une convention écrite aux termes de laquelle les filiales instruisent la
société centralisatrice de procéder à la centralisation. Ainsi, les avances ne seront pas
réputées constituer des revenus distribués et ne seront donc pas imposables comme tels.
Ensuite, le cash-pooling permet de ne pas se voir appliquer l'article 39, 1-3° du Code général
des impôts qui limite la déductibilité des intérêts des avances. En effet, cet article ne concerne
que les avances faites aux filiales et ne s'appliquent donc pas aux avances faites aux sociétés
mères. Dans les cas où la société centralisatrice est une filiale de dernier rang, l'article 39, 1-3
du Code général des impôts sera alors totalement écarté, puisque les avances de la société
centralisatrice ne seront que des mouvements upstream. 32 Sur les avantages fiscaux, V. Rédaction des Editions Francis Lefebvre, Charvériat, Couret, Janin, Mercadal et Zabala, Groupe de sociétés, éd. Francis Lefebvre, 2013 – 2014 n° 5772s.
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I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie
Puis, selon à l'article 212, II du Code général des impôts, les limites de déductions prévues en
cas de sous-capitalisation peuvent elles aussi être écartées en cas de centralisation de
trésorerie. Cet article le prévoit expressément à l'égard des sociétés centralisatrices et ne
s'applique pas aux sociétés centralisées.
Enfin, au regard de l’article 261 C, 1° du Code général des impôts, la TVA sera exonérée des
intérêts perçus en contrepartie des prêts et emprunts effectués avec une structure
centralisatrice.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme
de centralisation de trésorerie
Le cash-pooling habituel (avec convention d'omnium) comportant plusieurs risques et
inconvénients (A), on peut se demander si la fiducie ne pourrait pas être un mécanisme plus
avantageux pour organiser une centralisation de trésorerie (B).
A. Un mécanisme juridique imparfait très encadré
Le cash-pooling est autorisé de manière très encadrée, il s’agit d’un mécanisme sensible qui
doit respecter certaines conditions pour éviter d’être entaché par la survenance d’un des
risques présentés ci-dessous.
En effet, en plus de comporter quelques inconvénients (1), le cash-pooling n’est pas sans
danger au regard de certains principes de droit (2).
1) Un mécanisme juridique imparfait
Si la centralisation ne présentait que des avantages, elle serait commune à toutes les sociétés.
Cependant tel n’est pas le cas et ce pour différentes raisons.
(13). Perte d’autonomie
D’une part, pour des raisons liées aux liens unissant les différentes sociétés d’un groupe. En
effet, de nombreux groupes ont une culture décentralisée. C’est le cas lorsque les filiales ont
des activités très diverses, ou qu’elles fonctionnent indépendamment les unes des autres. Bien
qu’elles fassent parti d’un même groupe, ces sociétés ne se sentent pas comme dépendantes
de ce groupe et préfèrent garder leur autonomie. La centralisation de trésorerie a pour effet de
faire perdre de l'autonomie aux sociétés parties à cette convention.
(14). Confiance envers la structure centralisatrice
D'autre part, le cash-pooling nécessite une confiance importante en la structure
centralisatrice. Les sociétés centralisées peuvent craindre que leur intérêt soit délaissé au
profit de celui du groupe. Mais aussi et surtout elles peuvent craindre que les créanciers de la
structure centralisatrice saisissent le compte centralisateur, puisque la convention de cash-
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
pooling physique dans laquelle la structure centralisatrice a une activité propre semble être
inopposable aux créanciers de la structure centralisatrice33. Les créanciers de cette structure
centralisatrice peuvent alors saisir la totalité des comptes de cette dernière en toute liberté.
Une autre hypothèse peut constituer une crainte des sociétés centralisées envers la structure
centralisatrice, il s’agit de l’utilisation des fonds par cette dernière dans son propre intérêt.
Surtout, il faut rester très vigilant lors de la mise en place d'une centralisation de trésorerie car
l'inconvénient majeur réside dans la multitude de risques auxquels doivent faire face les
sociétés d'un groupe qui centralisent leur trésorerie.
2) Les dangers juridiques entourant l’application du cash-pooling
(15). Monopole bancaire
Du fait de leur agrément et dans une volonté de protection des déposants, les banques
disposent d’un monopole bancaire très envié. Ce monopole on le retrouve codifié dans le
Code monétaire et financier à l’article L. 311-1 complété par l’article L. 511-5 du même
Code. Alors que le premier nous éclaire sur les opérations soumises au monopole bancaire34,
le second nous précise que ces opérations ne sont réservées aux banques que lorsqu’elles sont
réalisées à titre habituel35. A contrario la réalisation d'une opération à titre exceptionnel est
alors admise36.
Les opérations de cash-pooling semblent alors entrer dans le champ du monopole bancaire
puisque le fonctionnement de la centralisation va entrainer une réalisation habituelle
d’opérations de crédit (précisons que le fait d’enfreindre le monopole bancaire n'entraine pas
la nullité du contrat de prêt37, peut entrainer des dommages et intérêts38 et est condamné
33 TGI Versailles, 3 févr. 2000, Juris-Data n° 2000-112064 ; Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, n° 25. 34 C. mon. fin., art. L. 311-1 : « Les opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement ». 35 C. mon. fin., art. L. 511-5 : « Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement ». 36 Par exemple : Cass. com., 3 déc. 2002, n° 00-16.957, Juris-Data n° 2002-016639. 37 Cass. ass. plén., 4 mars 2005, n° 03-11.725 : Juris-Data n° 2005-027413. 38 Cass. crim., 3 nov. 1994, JCP G 1995, II, 22445 ; Cass. crim., 3 juin 2004, n° 03-83.514.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
pénalement à 3 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende39).
Cependant, il existe un article qui vient autoriser les opérations de crédit (et plus précisément,
les centralisations de trésorerie) à l’intérieur d’un même groupe, sans infraction au monopole
bancaire. Il s’agit de l’article L. 511-7 du Code monétaire et financier. Cet article, découlant
de la loi bancaire n° 84-46 du 24 janvier 1984, vient limiter la portée de l’article L. 511-5 du
même Code, puisqu’il précise que « une entreprise, quelle que soit sa nature, peut procéder à
des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement,
des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées, un pouvoir de contrôle effectif sur
les autres ». Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, cet article vient encadrer la
possibilité de centraliser la trésorerie en limitant le cash-pooling aux entreprises d'un même
groupe40.
Il est alors indispensable de vérifier que les opérations concernées soient qualifiées
d’opérations de trésorerie et qu’elles soient effectuées entre sociétés d’un même groupe, pour
éviter toute atteinte au monopole bancaire41.
Nous comprenons alors que les conventions de centralisation de trésorerie au sein d’un
groupe de sociétés ne sont pas des opérations soumises au monopole bancaire.
(16). Conventions règlementées
Outre le droit bancaire, le droit des sociétés lui aussi s’intéresse au cash-pooling.
Pour rappel, l’article L. 225-38 du Code de commerce définit les conventions règlementées
(dans les sociétés anonymes) comme étant « Toute convention intervenant directement ou par
personne interposée entre la société et son directeur général, l'un de ses directeurs généraux
délégués, l'un de ses administrateurs, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des
droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la
contrôlant au sens de l'article L. 233-3, doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil
d'administration ».
39 C. mon. fin., art. L. 571-3. 40 V. supra, n° 1. 41 V. supra, n° 1 et n° 2.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
Ces conventions doivent être soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration
dès lors qu’elles ne sont pas considérées comme étant des opérations courantes conclues à des
conditions normales42. Puisque les centralisations de trésorerie sont fréquemment effectuées
par des groupes internationaux il est important de préciser que la réglementation des
conventions règlementées s’applique aux conventions conclues entre une société française et
une société étrangère43.
Concernant les sociétés de personnes comme les SNC, il n’existe pas un tel principe,
cependant la notion d’intérêt social permet de se préserver contre tout problème similaire en
requérant l’accord préalable de l’assemblée générale.
Dans la plupart des cas, les conventions conclues entre une société mère et sa filiale ou entre
filiales sont soumises à cette procédure de contrôle puisqu’il n’est pas rare que les sociétés
d’un groupe aient les mêmes dirigeants (ou même une autre société du groupe comme
dirigeant)44. Or, la convention de centralisation de trésorerie est considérée comme ne
relevant pas des dispositions de l’article L. 225-38 et suivants du Code de commerce si elle
est conclue à des conditions normales45. Il s’agit alors d’une convention non soumise à
autorisation préalable.
Cependant l’appréciation du caractère normal est sujette à interprétation. Il peut alors être
plus sage de soumettre la convention de cash-pooling à une autorisation préalable de l’organe
compétent et ainsi éviter toute remise en cause ultérieure.
(17). Abus de majorité
Il est possible de rencontrer une situation dans laquelle soit seulement pris en compte l’intérêt
du groupe (en réalité, bien souvent réduit à l'intérêt de l'actionnaire majoritaire) contrairement
à l’intérêt social d’une société de ce groupe. Suite à la fameuse affaire Rozenblum, que nous
avons déjà cité, nous savons que l'intérêt du groupe peut primer sur l'intérêt d'une société
composant ce groupe dès lors que l'opération est justifiée par un intérêt économique, social
ou financier commun dans le cadre de la politique du groupe de sociétés. Cependant, le
42 C. com., art. L. 225-39. 43 Rédaction des Editions Francis Lefebvre , Charvériat, Couret, Janin, Mercadal et Zabala, Groupe de sociétés, éd. Francis Lefebvre, 2013 – 2014, n° 3524. 44 Ibid, n° 3520. 45 Sur renvoi CA Versailles, 2 avril 2002, Juris-Data n° 2002-191985.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
pouvoir du majoritaire, de fixer la politique du groupe, ne doit pas le conduire à gérer
l’ensemble des patrimoines des entreprises qui le compose uniquement en fonction de son
propre intérêt. Il faut distinguer l’intérêt de la société mère de celui du groupe46.
Selon le principe posé par l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18
avril 196147, deux conditions sont nécessaires pour que soit caractérisé l’abus de majorité. La
décision contestée doit être prise sans se référer à l’intérêt social et dans le but d’avantager les
majoritaires au détriment des minoritaires. Il doit y avoir une rupture d’égalité.
La notion même d'intérêt social reste floue et complexe. Selon certains, « Comme la bonne
foi ou l'intérêt de la famille, l'intérêt social est un standard, un concept à contenu variable ;
d'autres parlent de concept mou. C'est un impératif de conduite, une règle déontologique, voir
morale, qui impose de respecter un intérêt supérieur à son intérêt personnel »48. D'un côté on
peut comprendre l'intérêt social comme étant l'intérêt de la société elle-même. D'un autre côté
on peut comprendre l'intérêt social comme étant l'intérêt de chaque associé composant la
société. La notion d'intérêt social peut aussi être vue comme étant une notion-cadre dans
laquelle n'entrent que les actes acceptables et les comportements raisonnables49. Quoi qu'il en
soit, cette notion est utilisée dans le but de protéger les sociétés et c'est peut-être la raison
pour laquelle la jurisprudence ne donne pas de définition claire et précise de l'intérêt social.
En effet, puisqu'il n'y a pas de définition précise, cela limite la possibilité de certains
dirigeants dotés de mauvaises intentions, d'utiliser leur position pour profiter de la société. Il
n'y a pas de règle à contourner. La jurisprudence peut alors décider au cas par cas si une
décision est contraire ou non à l'intérêt d'une société.
La jurisprudence est d’ailleurs venue apporter quelques précisions quant à l'application de
l'intérêt social en matière de cash-pooling puisqu'elle a affirmé qu’une convention
d’assistance, sans contrepartie, entre une société mère et sa fille, doit être annulée50.
46 Lamy, Droit du Financement, 2014 par Devèze, Couret, Hirigoyen, Parachkévova, Poulain-Rehm et Teller 2014, n° 2527. 47 Cass. com., 18 avr. 1961, aff. Etablissements Piquard, JCP 1961, II, n° 12164. 48 Cozian, Viandier, Deboissy, Droit des sociétés, éd. Litec, 13è, 2000, n° 466, p.175. 49 Chenut, « Les garanties ascendantes dans les groupes de sociétés, où les sûretés consenties par les sociétés-filles à leurs sociétés-mères », Revue des sociétés, 2003, p.71. 50 Cass. com., 21 janv. 1997, n° 94-18.883 ; Lamy, Droit du Financement, 2014 par Devèze, Couret, Hirigoyen, Parachkévova, Poulain-Rehm et Teller, n° 2527.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
Il faudra donc veiller à bien étudier chaque aspect d'une convention centralisation de
trésorerie au regard des caractéristiques de chaque société concernée et donc à ce que la
rémunération prévue pour la société centralisatrice ne soit pas excessive.
C’est le même problème que l’on peut rencontrer dans les opérations de LBO (Leveraged
Buy-Out), où une convention de centralisation conclue entre la holding détenant les titres de
la société cible et cette dernière peut entrainer quelques difficultés51. La société cible est
constamment appauvrie par ce mécanisme, la holding n’ayant pas d’activité, elle n’a pas de
trésorerie et donc les flux de trésorerie découlant du cash-pooling seront continuellement
unilatéraux.
(18). Abus de biens sociaux
L’abus de biens sociaux est un autre des nombreux risques pesant sur le cash-pooling. En
effet, au regard des articles L. 241-3 et L. 242-6 du Code de commerce, les dirigeants ne
doivent pas faire un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de leur société, des biens ou du
crédit de ladite société à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou
entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. La contrariété à
l’intérêt de la société tient au caractère désavantageux de l’acte pour la société qui le
supporte.
La jurisprudence est assez abondante sur le sujet. Elle reconnaît sous certaines conditions que
l’intérêt du groupe justifie les avances intra-groupes et cela même si elles sont faites à des
conditions exorbitantes52.
Les conventions de centralisation de trésorerie ne constituent donc pas un abus de biens
sociaux dès lors qu’elles sont justifiées par un intérêt social, économique ou financier
commun dans le cadre de la politique du groupe de sociétés53. Trois conditions sont ainsi
dégagées par la chambre criminelle de la Cour de cassation pour éviter de qualifier l’abus de
biens sociaux. Tout d’abord, il faut l’existence d’un groupe avec une politique commune,
l’intérêt du groupe pouvant être économique, financier ou social. Ensuite il faut que les
51 V. infra n° 19. 52 Cass. crim., 23 avr. 1991, Bull. crim. n° 193, n° 90-81.444. 53 Cass. crim., 4 févr. 1985, aff. Rozenblum, n° 1985-099537 ; JCP G 1986, II, 20585, note W. Jeandidier ; T. com., Paris, 29 juin 1981, Juris-Data n° 1981-001474 ; Rev. soc. 1982 ; Cass. crim., 20 mars. 2007, n° 05-85.253.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
concours soient réalisés dans l’intérêt du groupe, avec une contrepartie, sans rompre
l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées. Pour finir,
l’engagement ne doit pas excéder les possibilités financières de la société qui en supporte la
charge. Nous verrons que cet arrêt, rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le
4 février 1985, pourrait ne pas s’appliquer dans le cadre d’une opération de LBO54.
Ce risque n’est pas purement théorique, un abus de biens sociaux a déjà été retenu,
notamment dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation55. En l’espèce, le
président de deux sociétés (une société mère et une société fille) a été condamné pour abus de
biens sociaux. La société mère qui était en redressement judiciaire avait accordé, sans
contrepartie, une aide financière excédant ses possibilités financières. Ces avances ont été
considérées comme étant doublement contraires à son intérêt.
L’abus de biens sociaux a été retenu dans de nombreuses autres affaires56. Des faits similaires
ont même été qualifiés d’escroquerie57. Enfin, le dirigeant de la société bénéficiaire des abus
peut être poursuivi sous la qualification de recel d’abus de biens sociaux au regard de l’article
321-1 du Code pénal.
(19). Les spécificités en matières de LBO
Dans une opération de LBO, une holding s’endette pour acheter les titres d’une société cible.
Cette holding utilise les dividendes versés par la société cible pour rembourser son emprunt.
La holding fait alors peser le prix de l’acquisition de la société cible, sur la société cible elle-
même.
Ainsi, le plus souvent, l’acquisition de la majorité des titres de la société cible par la holding
conduit à la création d’un groupe de sociétés. Nous savons déjà qu’une convention de
centralisation de trésorerie n'est possible que dans un groupe de sociétés. Cependant, en
matière de LBO, on peut se poser la question de la réalité du groupe. Même si l’article
L. 511-7 du Code monétaire et financier semble être respecté, le groupe de sociétés constitué
54 V. infra, n° 19. 55 Cass. crim., 18 janv. 1993, n° 92-10.153. 56 Cass. crim., 24 juin 1991, RJDA 1991, n° 926 ; Cass. crim., 24 févr. 1999, n° 97-85.410. 57 Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, 2012, n° 15 ; Cass. crim., 14 déc. 2005, n° 05.81-552, inédit.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
paraît tout de même plus formel que réel58, la cible n’ayant pour relation avec la holding que
de rembourser les emprunts de cette dernière.
De même, puisque la holding n’a pas d’activité et donc pas de trésorerie, les flux de trésorerie
qui découleront de la centralisation seront unilatéraux. Il n’y aura qu’un constant mouvement
ascendant, en l’absence totale de mouvement descendant (de la société holding vers la cible).
On peut considérer qu’il n’y a pas réellement de contrepartie pour la société cible. Comme
nous l’avons vu, l’intérêt du groupe peut empêcher la qualification d’abus de biens sociaux.
Cependant, puisqu’en LBO la qualification de groupe est contestable, on est en droit de
penser qu’un abus de biens sociaux pourrait être reconnu.
La chambre criminelle de la Cour de cassation59 a considéré qu’en matière de LBO, il existait
bien un groupe de sociétés. Selon la Cour de cassation, une structure de LBO n’est donc pas
abusive en elle-même. Cependant, concernant la centralisation, elle a retenu qu’elle n’avait
pas été créée dans l’intérêt du groupe mais dans l’intérêt de la holding, pour lui permettre
d’acquérir la cible. En effet, il y avait eu une rupture d’équilibre, les prélèvements de
trésorerie étant excessifs et n’ayant pas permis à la cible de réaliser les investissements qui
auraient été nécessaires60.
Puisque les dirigeants de la société cible sont les mêmes que ceux de la holding, un abus de
biens sociaux pourrait facilement être caractérisé au regard de la décision de centralisation de
trésorerie. En effet, la décision prise au sein de la société cible, de mettre en place un tel
mécanisme de centralisation reviendrait à faire un usage (que les dirigeants savent contraire à
l’intérêt de la société cible) de sa trésorerie pour favoriser une autre société dans laquelle ils
sont intéressés (la holding).
En suivant le même raisonnement, l'abus de majorité pourrait être constaté lorsqu'il reste des
minoritaires au sein de la société cible, puisque les dirigeants de la société cible sont les
mêmes que ceux de la holding et les décisions prises au sein de la cible dans le cadre de la
mise en place d'une centralisation, n'auront pour unique but que d'avantager les majoritaires
58 Merland et Poracchia, « LBO (Acquisition avec effet de levier) », Rép. soc. 2005 mis à jour 2014. 59 Cass. Crim., 10 juill. 1995, Juris-Data n° 1995-002400. 60 Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, 2012, n° 15.
~ 31 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
(au travers de la holding) au détriment des minoritaires et ce sans que ce ne soit dans l'intérêt
de ladite société cible.
En matière de LBO plus qu’ailleurs, lorsque l’on met en place une centralisation de
trésorerie, il faut alors faire très attention de ne pas étouffer la société cible et d'assécher sa
trésorerie, la société cible étant plus fragile encore qu’une filiale lambda.
(20). Les risques en cas de procédures collectives
Tout d'abord, rappelons que les différentes procédures collectives sont : la procédure de
liquidation judiciaire, de redressement judiciaire, de sauvegarde, de sauvegarde financière
accélérée et enfin de sauvegarde accélérée. Cette dernière étant codifiée aux articles L. 628-1
et suivants du Code de commerce suite à l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 qui est
entrée en vigueur le 1er juillet 2014. Cependant dans les développements ci-dessous, nous ne
nous intéresserons qu'aux procédures de redressement et liquidation judiciaires.
Puisqu'un groupe ne dispose pas de la personnalité morale, une procédure collective ne peut
donc pas être ouverte à son encontre, mais uniquement à l'encontre de l'une ou l'autre des
sociétés du groupe. Le seul risque qui pèse sur un groupe est alors que par extensions
successives d'une procédure, l'ensemble du groupe soit touché par une procédure collective.
L'objectif poursuivi par une extension est d'introduire dans la procédure une autre personne
morale qui n'est pas en état de cessation des paiements. A priori, un groupe est composé de
différentes sociétés autonomes disposant chacune de leur propre patrimoine, leurs propres
actifs. L'existence d'une centralisation de trésorerie pourrait cependant être l'élément
déclencheur permettant de caractériser une confusion de patrimoines entre les sociétés du
groupe, puisqu'elle va permettre de traiter le groupe comme une seule entité61.
L'extension d'une procédure collective peut se faire par deux moyens. Soit par confusion, soit
par fictivité de la personne morale.
La fictivité est caractérisée lorsque la personne morale n'est qu'une façade masquant l'activité
d'une autre personne morale. On utilisera des faisceaux d'indices pour apprécier le caractère
fictif (en s'intéressant à l'absence ou non d'assemblées générales ou, par exemple, de vie 61 Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, 2012, n° 16.
~ 32 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
sociale réelle). Ce n'est pas la fictivité qui nous intéressera le plus en matière de cash-pooling,
mais ce sera surtout la notion de confusion de patrimoines. En effet, du fait de la
centralisation, la confusion de patrimoine semble difficile à éviter.
Il y a confusion lorsque deux personnes morales se comportent comme s'il n'y avait qu'un
seul et unique patrimoine, en assumant les charges d'une autre société ou en lui versant des
sommes sans contrepartie. Encore une fois, la technique des faisceaux d'indices permettra
d'apprécier l'existence d'une confusion de patrimoines (impossibilité d'établir une
comptabilité, existence de flux anormaux sans contrepartie, noms similaires). La confusion de
patrimoine, en matière de cash-pooling, semble alors pouvoir être caractérisée.
La jurisprudence est venue préciser la notion de confusion de patrimoines. Selon elle, il faut
une véritable unité pour caractériser la confusion, et une convention de gestion de trésorerie
intra-groupe, même accompagnée d'échanges de personnel et d'avances de fonds, ne
caractérise pas des relations financières anormales constitutives d'une confusion de
patrimoine entre les sociétés (affaire Métaleurop)62.
Cela ne signifie pas pour autant qu'il est impossible qu'une centralisation de trésorerie ait
pour effet de créer une confusion de patrimoines. La Cour de cassation vient simplement
rejeter toute qualification automatique de confusion de patrimoine en présence d'un
mécanisme de cash-pooling.
C'est pourquoi, pour éviter toute extension de procédure collective au sein du groupe, il
faudra veiller à ne pas créer de véritable unité au sens de la jurisprudence Métaleurop citée
ci-dessus.
Enfin, précisons que bien que ce soit un risque éventuel, la qualification de confusion a très
souvent été rejetée63 et bien moins souvent retenue64. Au regard de l' arrêt de la Cour d'appel
d'Angers, en date du 27 avril 2004, on remarque que la confusion est retenue lorsque nous
sommes en présence d'un déséquilibre flagrant. En effet, en l'espèce, la confusion a été
62 Cass. com., 19 avr. 2005, aff. Métaleurop, n° 05-10.094. 63 Hallouin, Groupes de sociétés – Centralisation de trésorerie, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 80, 2012, n° 16 ; Cass. com., 15 févr. 2000, n° 97-18821, aff. Félix Potin ; Sur renvoi CA Versailles, 2 avr. 2002, Juris-Data n° 2002-191985 ; Cass. com., 19 avr. 2005, aff. Métaleurop, n° 05-10.094. 64 CA Angers, 27 avr. 2004, Juris-Data n° 2004-244084.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
caractérisée après que la société mère ait appréhendé, sans contrepartie ni justification,
l'indemnité d'assurances versée à la filiale, victime d'un incendie ayant détruit son outil de
production. Il faut alors, pour éviter tout risque, veiller à équilibrer la centralisation.
Pour finir, il convient de souligner que les dirigeants pourront voir leur responsabilité
engagée à la suite d'une procédure collective. En effet, la loi n° 2008-1345 du 18 décembre
2008 prévoit deux types de sanctions. D'une part, la responsabilité pour insuffisance d'actif
suite à une liquidation, résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement. Il faudra alors
que le dirigeant ait commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif. Selon
l'analyse de Devèze, Couret, Hirigoyen, Parachkévova, Poulain-Rehm et Teller, le fait d'avoir
fait, des biens ou du crédit de la personne morale, un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à
des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle
il était intéressé directement ou indirectement, peut être constitutif d'une faute de gestion65.
Les dirigeants, profitant d'une centralisation de trésorerie ayant cette finalité, engageraient
alors leur responsabilité pour insuffisance d'actif. D'autre part, la condamnation à la faillite
personnelle peut être retenue dans différentes hypothèses prévues par l'article L. 653-4 du
Code de commerce.
(21). Garanties upstream
Une garantie ascendante (upstream) peut être définie comme étant une garantie consentie par
une société fille à sa mère66. Les sûretés consenties entre sociétés d'un même groupe ne sont
pas rares, elles sont même souvent une condition à l'obtention d'un crédit.
Dans le cadre d’une centralisation de trésorerie, une garantie upstream pourrait survenir si le
compte centralisateur est utilisé par la société mère centralisatrice à des fins de sûretés. De ce
fait, la société fille consentirait indirectement une sûreté au profit de la société mère. Les
garanties upstream ne sont pas totalement interdites, en effet, elles sont permises lorsqu’elles
respectent certaines conditions.
65 Lamy, Droit du Financement, 2014 par Devèze, Couret, Hirigoyen, Parachkévova, Poulain-Rehm et Teller, n° 2527. 66 Sur les garanties ascendantes, V. Chenut, « Les garanties ascendantes dans les groupes de sociétés, où les sûretés consenties par les sociétés-filles à leurs sociétés-mères », Revue des sociétés, 2003, p.71.
~ 34 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
Tout d’abord il est nécessaire de respecter l’objet social de la société fille, ce qui signifie
qu’il faut respecter la finalité légale de filiale et que la mère ait un lien avec l’activité de sa
fille67. La finalité légale d’une société est prévue à l’article 1832 du Code civil selon lequel,
toute société doit avoir pour finalité de partager un bénéfice ou de profiter entre associés
d’une économie. Ainsi, il semble que la Cour de cassation a, de bon droit, retenue la nullité
d'une garantie effectuée sans contrepartie par une filiale pour sa mère68. Dans le but de
respecter de l’objet social de la société fille, il n’est pas rare que les statuts de la société
soient modifiés pour permettre expressément cette activité.
Ensuite, il est nécessaire de respecter l'intérêt social de la société fille, car si un acte peut
entrer dans l'objet social d'une société, il ne rentre pas de ce fait dans l'intérêt social de cette
dernière. En effet, la société mère détenant un pouvoir sur sa fille, peut limiter l’autonomie de
cette dernière et la contraindre à agir dans un sens déterminé arguant que, comme nous
l’avons vu précédemment, l’intérêt du groupe peut sous certaines conditions, prévaloir sur
l’intérêt d’une société faisant parti de ce groupe69. « Le groupe transmue en quelque sorte le
mal en bien »70.Tout comme en matière d’abus de biens sociaux, il sera alors nécessaire de
respecter ces conditions pour pouvoir mettre en place une garantie upstream.
Pour finir, précisons que la simple référence au groupe ne peut pas suffire à conférer aux
garanties upstream un caractère courant. Ces engagements peuvent être considérés comme
entrant dans le champ d'application des conventions règlementées71. La nature particulière de
ces garanties upstream pourrait nous faire penser qu'elle ne sont pas qualifiées d'opérations
courantes, cependant cette décision est soumise à l'appréciation souveraine des juges.
(22). Acte anormal de gestion
Au même titre que la notion d’intérêt social, la notion d’acte anormal de gestion reste floue et
peu précise. La reconnaissance du caractère normal des opérations de cash-pooling suppose
que les sociétés concernées soient traitées selon un mode égalitaire72. La rémunération des
67 Cass. 1re civ., 19 mai. 1987, n° 84-14.855. 68 Cass. com., 13 nov. 2007, n° 06-15.826. 69 V. supra, n° 18 ; Cass. crim., 4 févr. 1985, aff. Rozenblum, n° 84-91.581 ; JCP G 1986, II, 20585, note W. Jeandidier. 70 Cozian, Viandier et Deboisy, Droit des sociétés, Litec, 2001, n° 1953 p. 598. 71 V. supra, n° 16. 72 Rédaction des Editions Francis Lefebvre, Charvériat, Couret, Janin, Mercadal et Zabala, Groupe de sociétés, éd. Francis Lefebvre, 2013 - 2014, n° 5771.
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II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
sociétés excédentaires en trésorerie ainsi que les intérêts des sociétés déficitaires en trésorerie
sont alors des éléments essentiels à prendre en compte.
En l'absence de rémunération, une avance effectuée par une entreprise à un tiers est présumée
être un acte anormal de gestion73. En effet, le Conseil d'Etat affirme que « les prêts à terme ou
les avances à vue accordés sans intérêts par une entreprise au profit de tiers ne relèvent pas,
en règle générale, d'une gestion commerciale normale, alors même que les sommes ainsi
avancées seraient remboursables à tout moment, sauf s'il apparait qu'en consentant de tels
avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ». On peut considérer qu'il semble difficile
de concevoir que dans le cadre d'une centralisation de trésorerie, une entreprise consente une
avance sans rémunération qui ne soit pas dans son propre intérêt, puisque la contrepartie
réside dans le fait qu'en cas d'éventuels problèmes financiers, elle profitera des avantages de
la convention de centralisation en recevant les Covers. De plus, en l'absence de tout problème
financier, elle bénéficiera des avantages non négligeables précédemment cités74. Cependant,
dans le doute, il est plus raisonnable de rémunérer les avances pour éviter que la réalisation
de la centralisation de trésorerie ne soit considérée comme un acte anormal de gestion.
Si la rémunération semble être nécessaire pour éviter tout acte anormal de gestion, cela
n'empêche pas pour autant une société créancière de renoncer à sa rémunération75. Par
ailleurs, même s'il est possible de différencier les rémunérations entre les différents flux
(upstream et downstream), il parait préférable de prévoir un taux identique et de rémunérer la
société centralisatrice par une commission. Cela évite la survenance de transferts anormaux
au profit d'une société structurellement bénéficiaire. La centralisation de trésorerie ne doit pas
être un moyen de rendre les sociétés bénéficiaires plus riches et les sociétés déficitaires plus
pauvres.
D'ailleurs, même s'il est possible de s'écarter du prix du marché76, il est préférable dans le but
d'éviter tout risque d'abus de bien sociaux, de prévoir que la rémunération corresponde à un
taux de marché77. Pour évaluer le caractère normal de la rémunération, le Conseil d'Etat
prévoit que l'évaluation doit être faite « par rapport à la rémunération que le prêteur pourrait
73 CE 31 juill. 2009, n° 301935 - RJF 12/2009 n° 1057. 74 V. supra, n° 9, n° 10, n° 11 et n° 12. 75 CA Toulouse, 27 nov. 2003, Juris-Data n° 2003-234272. 76 CA Bordeaux, 8 nov. 2000, Juris-Data n° 2000-143761. 77 CE 7 oct. 1988, n° 50256, Ets Pierre Deveugle, RJF 12/1988 n° 1296.
~ 36 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait,
dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ».
Pour résumer, il est nécessaire d’une part, que les sociétés déficitaires en trésorerie ne
supportent pas un taux supérieur à celui qu’elles pourraient prétendre si elles recouraient à un
emprunt bancaire et d’autre part, que les sociétés excédentaires en trésorerie ne bénéficient
pas d’une rémunération inférieure à celle qu’elles pourraient prétendre si elles recouraient à
un emprunt bancaire.
(23). Pour conclure sur ces dangers
On remarque globalement que la mise en place d'une centralisation de trésorerie fait face à
des obstacles franchissables dans la mesure où l'on prévoit que la centralisation est équilibrée
et qu'elle respecte les intérêts de toutes les sociétés du groupe. En effet, ces obstacles ne
visent, en règle générale, qu’à protéger les intérêts des sociétés parties à la centralisation et
éviter tout abus. La centralisation de trésorerie ne doit pas être un mécanisme qui, utilisé de
manière détournée, permettrait à une société qui, de par son statut de centralisatrice,
s'enrichirait injustement au détriment des sociétés centralisées.
Pour éviter tout problème concernant la mise en œuvre d'une centralisation de trésorerie, il
semble alors être plus sage de veiller à respecter l'intérêt social de chaque société du groupe
et d'équilibrer le cash-pooling.
Bien que la majorité de ces risques semblent se dissiper lorsque l'on fait une utilisation
raisonnée et en accord avec les intérêts de toutes les sociétés du groupe, du mécanisme
habituel de centralisation, on est en droit de se demander si l'utilisation d'un autre mécanisme
juridique ne permettrait pas de bénéficier des avantages du cash-pooling.
~ 37 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
B. La fiducie : une alternative au mode de fonctionnement habituel du
cash-pooling
La fiducie n’est pas uniquement un mécanisme de sûreté, mais c'est aussi une notion qui
recouvre un mécanisme de gestion de patrimoine (1), qui pourrait se révéler très utile dans le
cadre d’une centralisation de trésorerie (2).
1) Rappel de la notion de fiducie : un mécanisme de gestion atypique
(24). Définition
La fiducie est issue du mot latin « fides », la « confiance ». De la confiance il en faudra à la
personne qui transfère la propriété de ses biens à une autre personne pour qu'elle les mette au
service d'une affectation précise. Cette dernière étant pleinement propriétaire, elle risque
d'abuser de son droit de propriété. Il faut donc une confiance accrue entre les contractants au
contrat de fiducie78.
C'est la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 qui vient introduire la fiducie en droit français.
Elle fût ensuite modifiée quatre fois en moins de deux ans : par la loi LME du 4 août 2008,
l'Ordonnance du 18 décembre 2008, l'Ordonnance du 30 janvier 2009 et la loi du 12 mai
200979.
L'article 2011 du Code civil définit la fiducie comme étant l'opération juridique par laquelle
« un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble
de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les
tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou
plusieurs bénéficiaires ». Il y a donc trois acteurs : le constituant, le fiduciaire et le
bénéficiaire. Etant précisé que le bénéficiaire peut être le constituant, le fiduciaire ou toute
autre personne et qu'un tiers protecteur peut s'ajouter au schéma fiduciaire de base80, avec
pour mission de veiller aux intérêts du constituant.
78 Witz, Fiducie – Introduction et constitution, J. Cl Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 785, 2012, n° 1. 79 Respectivement : L. n° 2008-776, 4 août 2008 : Journal Officiel 5 Aout 2008 ; Ord. n° 2008-1345, 18 déc. 2008 : Journal Officiel 19 Décembre 2008 ; Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009 : Journal Officiel 31 Janvier 2009 ; L. n° 2009-526, 12 mai 2009 : Journal Officiel 13 Mai 2009. 80 C. civ., art. 2017.
~ 38 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
Précisons enfin, que l’article 2015 du Code civil ne prévoit que trois catégories de fiduciaires.
Seuls peuvent avoir la qualité de fiduciaire les établissements de crédit, les entreprises
d’investissements, les entreprises d’assurances ainsi que les membres de la profession
d’avocat.
(25). Typologies de fiducies
Deux types de fiducie sont autorisés en France. Il s'agit d'une part de la fiducie sûreté, dans
laquelle le fiduciaire distribuera le patrimoine d'affectation au constituant ou au bénéficiaire
en fonction de la survenance ou non de certains évènements prévus dans le contrat de fiducie.
D'autre part, la fiducie gestion permet au fiduciaire de gérer les biens mis en fiducie par le
constituant. La fiducie libéralité quant à elle, est interdite en droit français dans le but d'éviter
toute évasion fiscale81.
L'avènement de la fiducie dans notre droit positif, accompagné de ses réformes successives
ne semble pas suffisant, la fiducie peine à s'imposer82. Elle pourrait pourtant, comme nous
allons le voir ci-dessous, être utilisée dans un but de centralisation de trésorerie.
2) L’utilisation de la fiducie dans le cadre du cash-pooling
(26). Acceptation de l'Autorité de Contrôle Prudentiel
Le 24 avril 2012, l’Autorité de Contrôle Prudentiel83 a confirmé que la centralisation de
trésorerie intra-groupe pouvait être confiée à une fiducie, à la condition que le fiduciaire, s’il
n’est pas sous contrôle du groupe, soit un établissement de crédit84. Cet avis de l’ACP vient
conforter l’idée selon laquelle la fiducie s’installe de plus en plus en France.
Comme nous l’avons vu précédemment85, la structure centralisatrice peut être une holding ou
même toute autre société du groupe. Avec la décision de l’ACP, de permettre la réalisation
d’une centralisation de trésorerie par fiducie, on peut alors préciser qu’un fiduciaire peut
entrer dans la liste de choix concernant le type de structure centralisatrice.
81 C. civ., art. 2013. 82 Andreani et Ravet, « La Fiducie : Sureté d'élite ou produit de masse ? », Droit et Patrimoine, 2013 n° 228. 83 Suite à la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, l’ACP est devenue ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution). 84 Adelle, « Les conditions de la fiducie bancaire se précisent », RB, 2012, n° 749. 85 V. supra, n° 4
~ 39 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
(27). Les avantages de l'utilisation de la fiducie
Bien que l'élaboration du régime de la fiducie soit encore en cours de finalisation, suite aux
différents textes l’ayant modelé, il est indéniable selon Reinhard Damman et Gilles Podeur,
respectivement avocat et associé chez Clifford Chance, que la fiducie dispose des atouts
suffisants pour s’imposer dans la vie des affaires86.
La fiducie, qui présente de nombreux avantages du fait d’un réel transfert de patrimoine du
constituant envers le fiduciaire, va permettre de sécuriser plus efficacement les créances des
sociétés parties à la convention de centralisation. En effet le fiduciaire sera propriétaire de la
trésorerie excédentaire qui lui sera transmise. Cette trésorerie sera incorporée dans son
patrimoine d’affectation et ne sera pas mélangée avec son patrimoine personnel. De ce fait, la
trésorerie sera à l’abri de toute revendication des tiers87.
De plus, les défaillances des banques étant de moins en moins rares (au regard de la récente
crise financière), il convient de se protéger en cas de nouvelle crise financière. Ainsi, grâce au
patrimoine d'affectation, si la banque a la qualité de fiduciaire, les sociétés faisant l’objet de
la centralisation pourront revendiquer la trésorerie excédentaire faisant partie du patrimoine
d’affectation de ladite banque.
Enfin, puisque le fiduciaire doit veiller à la bonne utilisation des fonds reçus dans l’intérêt
exclusif des sociétés dont la trésorerie est centralisée, cela évite toute utilisation des fonds par
la société centralisatrice dans son propre intérêt88. L'intérêt social des sociétés centralisées
semble ainsi protégé d'une quelconque prédominance de l'intérêt du groupe dans le
fonctionnement de la centralisation.
(28). Comparaison avec le mandat
Nous avons vu que l'utilisation d'un mandat pour organiser la centralisation de trésorerie ne
parait pas être envisageable puisque le transfert des fonds au mandataire ne serait pas
réellement justifié89. Qu'en est-il en matière de fiducie ?
86 Damman et Podeur, « Fiducie-sûreté – Fiducie gestion, Les applications pratiques», RB, 2009, n° 713. 87 Barrière, « La Fiducie Française ou le réveil chaotique d'une « belle au bois dormant » » (2013), 58:3 RD McGill, 859. 88 Adelle, « Les conditions de la fiducie bancaire se précisent », Revue Banque, 2012, n° 749. 89 V. supra, n° 4.
~ 40 ~
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de trésorerie
Aussi bien avec un mandat qu'avec une fiducie, la personne chargée de gérer la trésorerie
d'autrui devra effectuer une gestion dans l'intérêt des sociétés centralisées (mandant ou
constituant) et leur rendre des comptes régulièrement.
La grande différence avec le mandat réside dans le fait qu'en fiducie, le transfert des fonds est
justifié puisqu'il est prévu un patrimoine d'affectation dans lequel seront transférés les
excédents de trésorerie. Le fiduciaire sera réellement propriétaire des fonds affectés au
patrimoine d'affectation. Il y a un réel transfert de patrimoine contrairement au mandat qui se
contente de gérer au nom et pour le compte d'autrui.
(29). Conclusion sur la fiducie
On le voit alors, la fiducie permettrait de profiter des avantages du cash-pooling tout en
réduisant certaines problématiques qui y sont attachées. Cependant, où il y a un avantage, il y
a nécessairement un inconvénient et la fiducie n’échappe pas à ce principe. Son utilisation
dans le cadre d’un cash-pooling permet de bénéficier d’une centralisation plus sûre, mais cet
avantage n'est pas sans failles. En effet, les légers bémols de la fiducie se concentrent d’une
part dans son formalisme lourd et d’autre part dans la nécessité de transparence totale passant
par un enregistrement, à peine de nullité, au service des impôts90 et au registre national des
fiducies. Bien qu’elle ne soit pas parfaite, la fiducie semble tout de même être une très bonne
option s’offrant à un groupe qui souhaite centraliser sa trésorerie.
90 C. civ., art. 2019.
~ 41 ~
III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un dossier de financement immobilier récent
III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un
dossier de financement immobilier récent
En l'espèce, il s'agissait d'un financement important concernant un groupe international (A),
dans lequel nous avons décidé de ne pas mettre en place de centralisation de trésorerie ou de
mécanisme équivalent qui semblait détourné de l’usage réel qui doit être fait d’un cash-
pooling (B).
A. Présentation de la structure du groupe
Schéma de la structure française du groupe :
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Luxembourg _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Pays-Bas _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ France
Lux
PaysB
Franc 1
Franc 2
Soc 8
SNC 6
SNC 5 SNC 4
SNC 3 SNC 2 SNC 1
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
GM2 Lux
M2 Lux M1 Lux
GM1 Lux
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Fonds 1 Fonds 2
~ 42 ~
III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un dossier de financement immobilier récent
Pour des raisons de confidentialité les noms de sociétés, utilisés dans cette partie sont des
noms fictifs.
La structure française du groupe se compose comme suit : une société luxembourgeoise
(« Lux ») détient une société néerlandaise (« PaysB ») qui elle-même détient une société
française (« Franc 1 »). Cette société française est la société mère de sept autres sociétés
françaises dont six sociétés en nom collectif. Une des sociétés filles détient une huitième
société française (« Soc 8 »). La société luxembourgeoise étant détenue par deux sociétés
mères (« M1 Lux » et « M2 Lux »), elles-mêmes détenues par deux sociétés grand-mères
(« GM1 Lux » et « GM2 Lux »). Ces grand-mères luxembourgeoises sont chacune d’elles
détenues par un fonds différent.
Une convention de crédit (Facility Agreement) d'un montant de 350.000.000 euros a été
conclue entre différents prêteurs organisés dans un pool bancaire et la société Lux. Chaque
société française, hormis la société Franc 1, a directement reçue les fonds au titre du prêt. Ces
sociétés françaises ont reçu directement ces fonds dans le but d’acheter un bien immobilier.
C’est dans ce contexte qu’une centralisation de trésorerie a été envisagée.
B. Le refus de mettre en place un mécanisme de centralisation de
gestion de trésorerie
(30). Volonté de centralisation
Il y a eu une demande d’informations à propos de la mise en place d’une centralisation, de
son fonctionnement, de ses avantages et de ses inconvénients. Les prêteurs souhaitaient la
mise en place d’un cash-pooling. Il était prévu que la centralisation soit effectuée, non pas
dans un compte centralisateur distinct des comptes de la Lux, mais directement dans un
compte personnel de la Lux, société centralisatrice.
L’idée était de faire de la société Lux une société centralisatrice à des fins de collatéralisation.
Ainsi, la société Lux pourrait constituer un nantissement ayant pour objet le compte
« centralisateur », facilement accessible par les prêteurs en cas de réalisation de ce
nantissement. En effet, avec cette centralisation au niveau de la Lux il serait plus facile de
saisir les comptes puisqu’il n’y aurait besoin de mettre en place qu’une seule procédure au
~ 43 ~
III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un dossier de financement immobilier récent
lieu de huit en l’absence de centralisation.
Il était prévu dans ce cash-pooling que les intérêts des sociétés emprunteuses devaient-être au
taux du marché. Précisons qu’au regard de l’article 238 A du Code général des impôts, si les
intérêts sont versés à une centrale de trésorerie localisée dans un pays à fiscalité privilégiée
(ce qui est le cas en l’espèce), la charge de la preuve quant au caractère normal du taux
d’intérêt pratiqué incombe au débiteur.
(31). La non-réalisation de la centralisation
L'un des problèmes de cette centralisation est que la société Lux est une holding. Nous
l’avons vu précédemment, une centralisation de trésorerie ayant une société holding comme
structure centralisatrice est tout à fait possible91. Cela étant, organiser une telle centralisation
peut s’avérer trop risqué pour les sociétés centralisées. En effet, lorsque la société holding est
la structure centralisatrice d’une centralisation de trésorerie, on sait que les flux financiers
seront unilatéraux92.
Il faut une grande confiance pour mettre en place d’une centralisation de trésorerie et en
l’espèce cette confiance n'existait pas. Les sociétés holding n’avaient aucun besoin d’être
alimentées. La société Lux ayant acquis d’autres sociétés à l’étranger, on voulait éviter que
l’argent des sociétés françaises soit utilisé pour financer l’acquisition d’autres sociétés.
Puisque le compte « centralisateur » devait n'être qu'un simple compte de la Lux, cela ne
permettait pas de distinguer la provenance des flux. L'argent étant une chose fongible, il
n'aurait pas été possible de distinguer dans le compte « centralisateur » les sommes
appartenant aux sociétés françaises et les sommes appartenant à la Lux.
De plus, il était discutable de considérer que la centralisation entrait dans l’objet social de la
Lux 1 (même si on aurait pu imaginer que l’on pouvait modifier les statuts de cette société
récemment constituée, dans le but de faire entrer la centralisation dans son objet social).
Ensuite, cette opération comportait un autre problème, à savoir celui des garanties upstream.
En effet, si le compte centralisateur est utilisé à des fins de garantie, cela revient à dire que les
sociétés filles ont consenti une garantie au profit de leur mère. Cependant ces garanties 91 V. supra, n° 4. 92 V. supra, n° 19.
~ 44 ~
III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un dossier de financement immobilier récent
upstream sont encadrées comme nous avons pu le voir précédemment93. En l’espèce on était
en droit de se demander si ces garanties effectuées par les sociétés françaises entraient bien
dans l’objet social et dans l’intérêt social des sociétés du groupe. Puisque ces notions restent
assez peu précises en droit, accepter de nantir le compte « centralisateur » semblait trop
risqué, en cas de contestation des sociétés centralisées. C'est pourquoi il a été décidé de ne
pas mettre en place un tel mécanisme.
Les droits des sociétés centralisées sur leurs propres comptes étaient déjà réduits puisque le
Facility Agreement allait même jusqu’à prévoir que ce soit l’agent et lui seul qui dispose des
droits de signature sur certains comptes. Par exemple, deux clauses étaient rédigées comme
suit : « Seul l’Agent disposera des droits de signature sur le Compte de Loyer » et « A chaque
Date de Paiement d’Intérêts, l’Agent devra (et y est irrévocablement autorisé par chaque
Emprunteur à) retirer de chaque Compte de Loyers la somme nécessaire pour être affectée au
paiement prorata aux Prêteurs de tout principal alors dû et exigible au titre de la présente
Convention ». Ce que nous avons remplacé par « Chaque emprunteur disposera des droits de
signature sur son Compte de Loyers », et par « A la Date de Paiement d’Intérêts, chaque
Emprunteur, devra retirer de son Compte de Loyers la somme nécessaire pour être affectée au
paiement prorata aux Prêteurs de tout principal alors dû et exigible au titre de la présente
Convention », pour éviter de priver les sociétés françaises de leur droit de signature et de
l'accès à leur trésorerie.
C’est au regard de ces problématiques qu’il a été décidé de ne pas mettre en place un cash-
pooling.
Malgré notre volonté de convaincre les prêteurs, que le Facility Agreement était
suffisamment sécurisé, ces derniers, suite à notre refus de centraliser la trésorerie, ont
souhaité mettre en place une centralisation « indirecte ».
(32). La tentative de mise en place d’un mécanisme similaire
Suite à notre refus de mettre en place une telle centralisation de trésorerie, il a été proposé de
faire en sorte que toutes les sommes d’argent que recevraient les sociétés françaises au titre
du prêt, remontraient jusqu’à la société Lux via différents prêts intra-groupe successifs.
93 V. supra, n° 21.
~ 45 ~
III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un dossier de financement immobilier récent
Il ne s’agit alors plus réellement de la mise en place d’un cash-pooling. Cependant, mettre en
place un tel mécanisme permet d’obtenir les mêmes aboutissants que la centralisation mais de
manière indirecte et déguisée.
Dans une volonté de protection des sociétés centralisées et pour les mêmes raisons que celles
qui nous ont conduit à refuser de mettre en place un mécanisme de cash-pooling traditionnel,
nous avons décidé de ne pas mettre en place ce mécanisme détourné de centralisation de
trésorerie ou tout autre mécanisme ayant les mêmes aboutissants. Un mécanisme fiduciaire,
bien que plus avantageux, n’aurait pas non plus été accepté puisque c’est le principe même de
centralisation que nous avons refusé de mettre en place. L’objectif recherché par les prêteurs
nous semblait contraire à l’esprit du cash-pooling qui se doit d’être avantageux pour les
sociétés d’un groupe.
(33). Conclusion sur cet aspect pratique
Comme tout autre mécanisme juridique, le cash-pooling peut faire l'objet de manipulation par
les praticiens dans le but de contourner les interdictions juridiques en vigueur auxquelles ils
sont confrontés. Les sociétés centralisées sont protégées par un ensemble de principes
juridiques du fait de la sensibilité particulière de la trésorerie d'une société. Il convient alors
de rester très vigilant lors de la mise en place de ce mécanisme ou de tout autre mécanisme
similaire. N'oublions pas que c'est lorsque la crainte ne veille pas, qu'il arrive ce qu'il était à
craindre.
~ 46 ~
BIBLIOGRAPHIE
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CA Bordeaux, 8 nov. 2000, Juris-Data n° 2000-143761.
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~ 50 ~
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ............................................................................................................... 3
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 4
PRINCIPALES ABREVIATIONS ........................................................................................ 5
INTRODUCTION.................................................................................................................... 6
I. L'utilité du mécanisme de centralisation de trésorerie ................................................. 9
A. La mise en œuvre d'un mécanisme de cash-pooling .................................................. 9
1) Le champ d'application d'une centralisation de trésorerie .............................. 9
2) Les différents modes de fonctionnement du cash-pooling .............................. 13
B) Un mécanisme doté d'avantages non négligeables .................................................. 19
II. Remise en cause du fonctionnement habituel du mécanisme de centralisation de
trésorerie ................................................................................................................................. 23
A. Un mécanisme juridique imparfait très encadré ..................................................... 23
1) Un mécanisme juridique imparfait ................................................................... 23
2) Les dangers juridiques entourant l’application du cash-pooling ................... 24
B. La fiducie : une alternative au mode de fonctionnement habituel du cash-
pooling.. ............................................................................................................................... 37
1) Rappel de la notion de fiducie : un mécanisme de gestion atypique .............. 37
2) L’utilisation de la fiducie dans le cadre du cash-pooling ................................ 38
III. Les problèmes de mise en pratique du cash-pooling dans un dossier de
financement immobilier récent ............................................................................................. 41
A. Présentation de la structure du groupe .................................................................... 41
B. Le refus de mettre en place un mécanisme de centralisation de gestion de
trésorerie ............................................................................................................................. 42
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 46
TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 50