LE PLAN DE FORMATION DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE SECTEUR
AGROLIMENTAIRE AU CAMEROUN ET AU GABON : INCLUSIF VERSUS
EXCLUSIF
Résumé :
Au Gabon, la formation dans le secteur agroalimentaire représente un enjeu important compte
tenu du poids économique du secteur (21,2% des échanges France-Gabon en 2018 selon un
rapport du Sénat). Au Cameroun, ce secteur représente 30,8 % du PIB selon les chiffres publiés
par l’Institut National de la Statistique pour la période septembre 2018-2019.
Dans ce contexte, le processus de formation en place doit être de nature à assurer les montées
en compétences nécessaires au développement des activités pour identifier, hiérarchiser les
besoins et recenser les moyens (Martory et Crozet, 2016). En effet, de nombreuses théories des
Ressources Humaines considèrent les hommes non pas comme des ressources mais comme des
hommes ayant des ressources (Peretti, 2018). Il s’agit alors de développer les compétences en
en adéquation avec les orientations stratégiques de l’organisation (Peretti, 2018) afin de créer
de la valeur (Brilman et Hérard, 2006).
Nous souhaitons donc rejoindre la préoccupation suscitée par l’intégration et l’inclusion pour
diversifier ses références et enrichir les connaissances des agriculteurs (Milleville, 1987). Car
pour être adéquate et mener à l'efficience, toute pratique doit être personnalisée et indexée à un
système de production particulier (Milleville, 1987). L’analyse des pratiques agricoles
(Teissier, 1979), c’est-à-dire des manières concrètes d’agir, consiste essentiellement à envisager
conjointement deux questions : celle de la planification de la formation dans le secteur
agroalimentaire au Gabon dans une optique d’opérationnalité et la question des pratiques RH
susceptibles de favoriser l’inclusion. Un thème rarement exploré dans le contexte gabonais que
nous explorons en nous appuyant sur les pratiques camerounaises compte tenu de leurs
expériences dans ce domaine.
Dans le cadre d’une démarche exploratoire, nous avons sollicité 14 parties prenantes au
Cameroun et au Gabon (représentants d’organismes de formation et représentants de l’Etat) afin
de recueillir leurs perceptions sur les pratiques en vigueur en matière de formation. L’analyse
des données collectées nous permet une première identification croisée des pratiques RH dans
les contextes agricoles camerounais et gabonais.
Mots-clés : Ressources Humaines, Formation, Agroalimentaire, Afrique, Inclusive, Exclusive
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Introduction :
La pratique de l’agriculture au Gabon apparaît à partir du VIIIème siècle avant Jésus-Christ
(Metegue N’nah, 2006). Pourtant, 85 % du territoire d’un pays comme le Gabon est encore
occupé par la forêt. Aussi, bien que ce pays d’Afrique centrale compte 2 millions d’habitants et
qu’il détient l’un des taux nets de scolarisation en primaire les plus élevés d’Afrique (96,4 %),
le système éducatif gabonais se caractérise par un faible taux d’achèvement de 37,2 % selon la
Banque Mondiale. Par conséquent, la formation agricole et notamment sa planification
constitue un enjeu majeur au Gabon. En effet, nous allons étudier le processus de
développement des compétences dans le secteur agroalimentaire afin de déterminer comment
former et manager le personnel agricole gabonais de manière efficiente. En effet, les métiers
évoluent en permanence afin de s’adapter à la demande du marché international. Alors l’objectif
est de définir l’ensemble des pratiques nécessaires ainsi que les formations de qualité qui
permettraient leur acquisition. Mais comment planifier une formation dans le secteur
agroalimentaire au Gabon dans une optique d’opérationnalité ? Et quelles pratiques RH peuvent
favoriser l’inclusion ?
La formation constitue une pratique RH dotée d’un double effet : d’une part par l’augmentation
de la montée en compétences (Martory et Crozet, 2016) et d’autre part par sa politique
d’inclusion dans le secteur agroalimentaire gabonais. En définitif, toutes les parties prenantes
du secteur agroalimentaire au Gabon ont un objectif commun même si elles occupent des
professions différentes et agissent selon des cultures différentes. La formation peut constituer
une manière de faire ressortir ces différences et de partager les compétences et savoir-faire de
chacun. La formation inclusive est subséquemment une pratique RH pouvant favoriser le travail
collectif et multiculturel dans le secteur agroalimentaire au Gabon. Pour cela, nous avons aussi
étudié les pratiques RH au Cameroun car ce pays alloue au moins 20% des ressources
budgétaires de fonctionnement au secteur de l’éducation selon une étude réalisée par la Banque
Mondiale et rencontre moins de difficultés que le Gabon qui a décrété en 2018 un plan
d’urgence dans le domaine de la formation.
Après avoir fait un état des lieux des normes juridiques et culturelles existants dans les pratiques
de formation au Gabon dans une première partie, nous présentons dans une seconde partie notre
méthodologie axée sur la double étude Cameroun-Gabon puis dans une troisième partie, nos
résultats et la discussion associée.
1. Cadre théorique de notre recherche
Notre cadre théorique mobilise des travaux sur les normes juridiques associées à la formation
agricole et ceux relatifs aux normes culturelles relatives à la gestion des ressources humaines
dans le secteur agroalimentaire.
1.1. La formation agricole au Gabon : état des lieux des normes juridiques et culturelles
Tout d’abord, la formation dans le secteur agroalimentaire est envisagée comme un « dispositif
essentiel au maintien du développement des capacités de travail ». Il faut également « que les
pratiques de formation soient destinées à ceux qui en ont le plus besoin, et qu’elles visent à
développer les compétences d’adaptabilité de chacun » (Thévenet et al., 2007).
1.1.1. La formation au Gabon
Les dispositions générales du code du travail gabonais ont pour première finalité de régir les
pratiques ayant pour objectif l’acquisition des connaissances professionnelles théoriques et
pratiques permettant l’insertion professionnelle. Cette formation est alors une obligation pour
l’Etat et pour les employeurs notamment en vertu de l’article 81 du Code du travail qui stipule
que « l’apprentissage est une forme d’éducation ayant pour but de donner une qualification
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professionnelle »1. Cette qualification professionnelle vise à garantir l’employabilité d’un
potentiel salarié dans une organisation RH qui pourra, de ce fait, établir un plan de formation à
même de maintenir cette employabilité, et par la même occasion, développée une vision ciblée
vers l’entreprenariat. Puis le plan est conçu en fonction des buts poursuivis. Son élaboration va
prendre en compte les propositions des salariés, afin que le plan puisse regrouper « l’ensemble
des actions de formation ou de bilans de compétences » (Bartoli et Blatrix, 2015). Cette décision
est de ce fait une prérogative de l’employeur et est prise en fonction des besoins de
l’organisation interne sous réserve du respect d’un cadre juridique précis progressivement
enrichi par le législateur (création d’une obligation de maintenir la rémunération du salarié en
formation, obligation d’établir une stratégie de formation professionnelle individuelle, etc.).
Nous devons en conséquence souligner l’importance de cloisonner le service du personnel du
service de formation car leurs stratégies ainsi que leurs objectifs peuvent être contradictoires et
reposent sur deux légitimités différentes. En effet, le service formation a pour mission
d’organiser et d’envoyer en formation le plus grand nombre d’agents. Tandis que le service du
personnel, lui, cherche à limiter le nombre de départs pour assurer la présence des agents au
travail (Antoine, 2002) et la continuité de l’activité de l’entreprise. Au niveau de la formation
professionnelle, le cadre normatif au Gabon est aussi très présent.
1.1.2. Les normes relatives à la formation professionnelle
Ensuite, selon l’article 76 du même code, l’enseignement et la formation professionnelle du
secteur agricole relèvent du Ministère de l’agriculture. Les projets de création et le régime des
établissements publics d’enseignement agricole dépendent dès lors du Ministère de l’éducation
nationale ou de l’enseignement supérieur et sont soumis à l’avis préalable des autorités du
Ministère de l’agriculture (Sénat, 2009). L’existence de règles et statuts constitue ainsi un
référentiel puissant pour les pratiques de gestion des ressources humaines qui différencie la
sphère publique du contexte privé, notamment en ce qui concerne les dimensions culturelles et
juridiques de la gestion du personnel (Bartoli et Blatrix, 2015).
Mais le Gabon essuie plusieurs échecs principalement en raison de l’existence de cultures
néfastes au développement des bonnes pratiques, résultant des formations ou stratégies des
multiples acteurs concernés. Car s’il est vrai que différents concepts philosophiques relatifs aux
méthodes d’apprentissage et à l'éducation sont en jeu dans ces débats, la formation reste un
dispositif unique qui donne aux individus la possibilité de se familiariser à différents outils
(Colardyn, 1996). Ainsi, la formation et l’accompagnement sont les fondements même de la
maîtrise des compétences et en cela ils composent les assises de la démarche entrepreneuriale.
Le système gabonais incarne ce besoin de légitimation des connaissances par la pratique ainsi
que les usages discursifs qui consacrent « l’utilité comme critère de pertinence du travail »
(Favre, 2015). Enfin, les théories en matière de pédagogie (Favre, 2015) ont construit selon
Novoa (2015) des discours spécialisés sur les conduites individuelles (introspection, prévision,
raisonnement, jugement et normes éthiques) contrairement à l’andragogie qui se réfère à la
formation et aux principes liés à l’apprentissage des adultes (Bourgeois et Nizet, 2015). Elle est
de cette manière reconnue pour sa flexibilité et est très appréciée (Wautier et Vileyn, 2004)
pour ses caractéristiques scientifiques qui s’appuient sur la planification, l’application et
l’évaluation des activités éducatives. Au niveau de la gestion des ressources humaines dans le
secteur agroalimentaire au Gabon et plus généralement en Afrique, les normes s’accompagnent
de particularités culturelles.
1 www.Droit-Afrique.com
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1.2. La Gestion des Ressources Humaines dans le secteur agroalimentaire
Incontestablement, le personnel représente donc une ressource importante pour les
organisations. Et les Ressources Humaines constituent une partie des « actifs » de l’entreprise
au regard des caractéristiques du personnel (qualifications, connaissances et expériences).
Malgré cela, il est difficile d’évaluer et d’apprécier l’efficacité de ces « ressources » ou de
simplement mesurer leur évolution. Par conséquent, les dirigeants ne peuvent être que
faiblement incités à considérer cette dimension dans la planification et à consacrer des
ressources financières à leur développement (Bayad et al., 2004). Cette réticence peut se révéler
être un frein à l’innovation si l’on se réfère à la doctrine schumpetérienne selon laquelle
l’entrepreneur est celui qui propose des nouvelles combinaisons de manières de faire dans le
but d’innover. Dans le contexte Africain, il faut de plus intégrer le modèle circulatoire.
1.2.1. Les théories sur la norme et le management en Afrique, le modèle circulatoire
Toutefois, selon la théorie normativiste de Kelsen, le droit est réglé par une catégorie
particulière de normes, celles qui régissent la création du droit. Cette norme érige également le
procédé collectif comme fait créateur de normes de conduite (Aliprantis, 1980). Les pratiques
en vigueur en entreprise étant fondées sur la cohérence entre les normes juridiques, les modèles
culturels et de management, il en découle par ruissellement que les managers uniformisaient
alors des pratiques de management ainsi que des comportements, et ce sans tenir compte des
spécificités du contexte africain. En effet, le modèle circulatoire (Mutabazi, 2005) caractérise
le management en Afrique et devrait être mieux pris en compte pour se doter d’un management
plus influent. Le modèle circulatoire est défini comme l’ensemble des valeurs et des règles de
conduite de gestion héritées des ancêtres africains, qui formerait le véritable système de gestion
des rapports collectifs de travail en Afrique (Mutabazi, 2006). Néanmoins, ces pratiques ne sont
pas nécessairement opérationnelles. En effet, l’application d’un « management africain »
mettrait en avant davantage une convivialité nécessaire au sein des organisations. Par ailleurs,
les méthodes de management actuelles ne sont pas adaptées à la culture africaine car selon
Bourgoin, les africains ont un goût prononcé pour les relations sociales harmonieuses et
affirment un souhait de travailler dans la tranquillité. Il s’agit de la théorie de la direction
participative par objectifs (Bakengela Shamba et Livian, 2014). Or, dans la mesure où des
contraintes culturelles ou institutionnelles externes influencent la logique économique de
l’entreprise, la mise en œuvre de ce type de management pourrait avoir des conséquences
négatives sur la logique de fonctionnement de l’entreprise et sur l’efficacité d’un collectif
multiculturel.
1.2.2. Le challenge managérial du secteur agroalimentaire : entre inclusion et exclusion
Selon Gardou (2012), « une société inclusive est une société sans privilèges et exclusions ».
Cette inclusion doit autoriser « chacun à apporter sa contribution à la vie sociale pour garantir
l’accessibilité des dispositifs, ressources et services collectifs » (Bakengela Shamba et Livian,
2014). Puisque l'exclusion s'attache principalement à identifier les trajectoires individuelles et
collectives des acteurs concernés en excluant les identités multiples et la construction de leur
image sociale (Paugam et al., 1996). L’exclusion en Afrique est de ce fait matérialisée par
l’inaccessibilité des formations qui permettent le développement de l’agroalimentaire à certains
publics. Par la même occasion, l’exclusion empêche la population d’intégrer le marché de
l’emploi au sein des entreprises de travaux agricoles. Les apprenants étant souvent dans
l’obligation de s’extraire de leur quotidien et mettre en suspens leur activité professionnelle
initiale pour intégrer des formations agricoles dans des centres éloignés des agglomérations
urbaines où résident la population. Cet éloignement géographique constitue un frein
supplémentaire à la démarche de formation. Le concept d’agriculture urbaine doit être mis en
perspective avec les travaux de Lamine Dia (1991) pour qui le management africain se
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caractérise par un style de direction traditionnel où les dirigeants agissent au nom du groupe
dont ils sont issus, et dans leur intérêt ; le personnel, l’autorité et le pouvoir de décision se
trouvant concentrés entre les mains d’un chef d’entreprise omniprésent. Le management
africain reposerait donc sur la tradition en vertu de laquelle il convient de produire ses moyens
de subsistance même si l’achat des denrées alimentaires à l’extérieur est financièrement
possible et matériellement réalisable. Cette théorie offre une grille de lecture du mécanisme de
pensée qui anime des acteurs résidant en zone urbaine et occupés par une activité
professionnelle distincte, à entreprendre une activité agricole dans leur propre intérêt, c’est
l’agriculture urbaine. A l’appui de cette analyse, le développement d’une agriculture urbaine
sur le territoire gabonais permettrait sans doute une formation normée plus accessible
combinant la théorie et la pratique, et répondant à la nécessité de proximité des formations. En
somme, les pratiques de gestion participent à une dynamique de changement. En cela, elles
présentent un intérêt pour développer l’entrepreneuriat dans le secteur agroalimentaire
(Fonrouge, 2008). En effet, les exploitants et techniciens agricoles ont l’obligation de conduire
ce changement pour pallier à la défaillance des pouvoirs publiques en matière de formation
professionnelle car les pratiques des Ressources Humaines et de la formation peuvent fournir
des outils de gestion opérationnels (méthodes pour gérer les processus) aux acteurs du secteur.
2. Méthodologie et choix épistémologiques
Nous présentons la méthodologie déployée pour notre recherche tant au niveau de notre
dispositif de collecte qu’au niveau de l’analyse des résultats.
2.1. Les choix épistémologiques
L’approche épistémologique qui va nous guider est le fonctionnaliste dans un premier temps et
le constructiviste dans un deuxième temps. Il s’agit de « repérer les formes permanentes de la
vie sociale et culturelle, par l’émergence des rôles, des normes et des structures sociales ».
Ensuite, nous adopterons une approche qualitative. Cette approche théorique requiert un contact
avec les sujets ciblés au moyen de l’observation participante ou non participante et de la
recherche action, avant l’entretien (Dumez, 2013). Deux hypothèses ont été développées dans
cette communication, la première retient qu’il existe une typologie des hybridations observées
en matière de management RH et de formation agricole en Afrique Centrale, en prenant
notamment l’étude du cas du Cameroun comparé à celui du Gabon. La deuxième hypothèse
développée est que le Gabon peut alimenter sa population grâce à une gestion des formations
et des Ressources Humaines plus opérationnelle.
2.3. La collecte des données
Le management est un art pratique (David, 1999). Dès lors, notre positionnement
épistémologique est le constructiviste tel qu’appliqués aux sciences de gestion. En outre, notre
forme de raisonnement est l’induction qui consiste à trouver une règle générale qui pourrait
rendre compte de la conséquence si l’observation empirique était vraie. En effet, d’après
Hatchuel et Weil (1992), un outil de gestion est porteur d’une « philosophie gestionnaire » et
« d’une vision simplifiée des relations organisationnelles » (Detchessahar et Journé, 2007).
Dans le cadre de cette recherche, nous avons interviewé les représentants d’organismes de
formation au Cameroun, les représentants de l’Etat gabonais ainsi qu’un organisme régional.
Le guide d’entretien comportait ainsi six thèmes : l'organisation, l’évaluation, l’évolution, la
planification des formations selon les besoins spécifiques, le développement des outils et enfin
la perception des notions importantes.
Nous avons donc interrogé les professionnels d’une école pratique d’agriculture au Cameroun
car ce pays est une référence en matière de formation agricole en Afrique Centrale. En effet, le
Gabon a conservé une influence française, à la différence du Cameroun qui a des influences
6
françaises mais également anglaises et allemandes. Ces distinctions et différences sont
également fondées sur l'existence d'une politique agricole et démographique différente de celle
développée par le Gabon. En outre, il convient de souligner que le secteur agroalimentaire est
un secteur d’activités sensible du fait de son poids économique mais surtout en raison de la
diversité de ses acteurs. Enfin, bien que nos travaux impliquent des intérêts et enjeux
économiques, ainsi que politiques, ils présentent également une dimension sociale, historique,
géographique et éminemment humaine.
En définitive, sur le terrain camerounais, nous avons fait une observation participante en
assistant aux formations théoriques et pratiques avant d’effectuer six entretiens auprès des chefs
et responsables de services RH, Formation et auprès des ingénieurs agronomes en production
animale et végétale de l’Ecole Pratique d'Agriculture de Binguéla (EPAB). Tandis qu’au
Gabon, nous avons fait une observation non participante avant huit entretiens avec la direction
des RH ainsi que les experts du secteur dans des structures telles que l’Ecole Nationale de
Développement Rural (ENDR), le ministère de l’agriculture, la Direction de Recherche
Formation Agricole (DRFA) ainsi que la Communauté Économique des États de l'Afrique
Centrale (CEEAC). Nous allons donc faire un aller-retour entre les théories développées au
cours de cette communication et le discours des représentants du terrain (Chanal et al., 1997).
Les entretiens réalisés sur la période 2017-2018 ont une durée comprise entre 1 heure et 2 heures
15.
2.4.L’analyse des données
A partir des comptes rendus des entretiens, nous avons procédé à une lecture mot à mot au sens
de Bardin (2001). Puis, nous avons procédé à une analyse lexicale qui est une synthèse à partir
des mots, des expressions et des groupes de mots. Ce type d’analyse permet de repérer la façon
dont sont construits les discours autour d’un thème ou d’un sujet. A partir de cette analyse, nous
avons effectué une synthèse de ces entretiens permettent d’en distinguer les verbatim clés.
3. Résultats et discussion
Les résultats de notre recherche sont présentés dans le tableau ci-après avec la date de
l’entretien, le nom de personne interviewée, de son organisation et les principaux verbatim.
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Tableau 1 : Synthèse de nos entretiens avec des professionnels au Cameroun et au Gabon
Date de l'entretien
Profession Organisation
et lieu Synthèse verbatim
28/11/2017 Chef de la scolarité
Ecole Pratique d'Agriculture de Binguéla (EPAB)
Cameroun
Après chaque formation, il y a un examen national organisé par le ministère de l’emploi. Nous avons parcours ouvrier et parcours
exploitant. Ouvrier, c’est celui qui a ne serait-ce que le CPE, certificat d’étude Primaire élémentaire. Donc, il apprend, il va exécuter les
tâches. Maintenant, l’exploitant, c’est celui qui a au moins le BEPC. Je crois que pour moi, l’idée d’entrepreneuriat, c’est une solution, une
bonne solution pour l’état, pour résorber le chômage. Ils sont prêts à aller partout dans le Cameroun, il y a une banque de donné, nous
avons tout un service, qu’on appelle service d’insertion qui s’occupe uniquement de ça. Même nous quand on est au bureau, on finit
toujours par faire l’agriculture. Ceux qui ont les moyens se retournent vers la terre et celui qui n’a même pas les moyens, tout le
monde, ça bouge.
28/11/2017 Chef service des
Ressources Humaines
EPAB Cameroun
Ça veut dire que c’est un travail de pionnier qui est en train d’être fait, ça fait que lorsqu’on programme une mise en place, l’école
fonctionne avec des programmes également qui sont calqués sur ceux des ministères de tutelle et des ministères sectoriels. Il faut
qu’on le mette en place et la première des choses, c’est mettre en place le plateau technique. Ça veut dire qui est constitué à la fois de l’infrastructure pédagogique et même de la Ressource Humaine qui va avec. Ça se voit, nos enfants, par exemple ici, il y a des banques
qui ont commencé par des toutes petites structures en microfinance et ont évolué, ont commencé dans l’informel. Peut-être à partir des
tontines du quartier en intégrant la nécessité de s’arrimer, d’améliorer la gestion, de structurer la gestion, d’organiser, jusqu’à devenir des grandes banques ici au Cameroun. Mais parce qu’elle a compris la nécessité d’appliquer les principes de gestion moderne.
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28/11/2017 Ingénieur agronome
EPAB Cameroun
Dans le timing, donc je me dis qu’on a des jeunes qui ont une vie à bâtir. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut intégrer à la jeunesse dès le primaire. C’était même la maternelle. Qu’ils
apprennent à entreprendre, il doit déjà entreprendre. Ça c’est le début de l’apprentissage. Nous les formons pour être capable
d’entreprendre, de créer des très petites entreprises, qui deviendront des petites et moyennes entreprises pour des
associations. C’est en réalité ça, il faut montrer aux jeunes qu'ils ont besoin pour entreprendre et que quand ils sont mis dans ce
contexte, les autres choses vont venir. C’est ça déjà le principe, on n’attend pas que tout soit là pour lancer. On leur apprend à utiliser
toutes les ressources qu’ils ont et les ressources humaines, les ressources naturelles pour pouvoir produire la matière, ils en ont
besoin. Mais pour ça, le maître mot, c’est la formation. On ne peut pas hésiter sur un métier qu’on ne connaît pas.En réalité, c’est ça
l’entrepreneuriat on les apprend à entreprendre, à rendre cela formel et productif. C’est mon point de vue personnel.
30/11/2017
Chef du centre de formation aux
métiers agropastoraux
EPAB Cameroun
La pédagogie appliquée, c’est une pédagogie de formation des adultes, l’andragogie. Elle vise à faire, à répondre aux attentes des
participants. Donc il est question d’identifier leurs attentes, de connaître leur attente et d’y répondre, le souhait maintenant, c’est
de leur faire parler, parce que rien qu'à les écouter, on peut continuer de résoudre, de déceler les manquements qu’il y a dans leur compréhension par rapport à ça, certains évènements. Nous
faisons les phases pratiques au cours desquels l’apprenant à l’occasion de se familiariser avec l’activité sinon le métier. Alors il
peut être capable de parler de ce dont il a eu à voir ou à vivre. Il doit être en mesure de communiquer avec un professionnel et dans la communication avec le professionnel, seul le professionnel pourra
déceler les défaillances ou les manquements dans son expression et trouver une astuce pour les combler et ce qui va constituer pour
nous un renforcement des capacités à cet instant. Et nous rassurer la formation, tous les participants seront capables de vivre de l’activité
ou bien de se prétendre professionnel de l’activité.
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30/11/2017 Chef des études
de la coopération
EPAB Cameroun
C'est une institution publique, en démembrement de l’administration centrale de l’Etat et les missions régaliennes que
l’état nous a confié, c’est celle de former les jeunes dans l’agriculture et l’élevage. Il y a également, il y a un ministère qui est chargé de la stratégie nationale, qu’on appelle le ministère de l’économie, de la
planification et aménagement du territoire. Donc, c’est lui qui définit la stratégie globale dans laquelle l’action de l’état doit être conduite,
pour qu’il y ait une cohérence dans la démarche, et qu’il y ait une cohérence également dans les actions. Pour ce qui est des projets, il
y a un guide des maturations de projets. Ce guide des maturations de projets décline le canevas, dans lequel nous devons, adresser un
projet, à soumettre à un ministère ou à une administration publique. Il peut y avoir un contexte géographique, il peut être un contexte
économique, un contexte démographique, un contexte social, c’est-à-dire dans un contexte, on peut montrer même les contraintes, que
le secteur dans lequel nous voulons être employé.
30/11/2017
Ingénieur agronome et
Chef de service des productions
végétales
EPAB Cameroun
Ce service d’insertion des jeunes est chargé de prospecter les besoins d’emploi à l’extérieur. Tout ce qui ont besoin des employés quand ils deviennent des ouvriers dans le domaine agricole. Elle les
met en contact. Donc, elle prospecte ceux qui ont besoin des ouvriers dans le domaine agricole. Et comme nous formons des
ouvriers ici, elle les met en contact et nous positionnons les jeunes dans les entreprises. Elle s’informe mieux pour positionner
quelqu’un qui a été formé ici. L’entreprise va nous dire même par la suite et où il est performant, où il ne l’est pas.
Donc le dispositif de formation où nous mettons plus de l’accent sur la pratique. Et puis, non seulement nous mettons plus l’accent sur la pratique mais nous prenons plus des échanges avec les apprenants,
que le fait de dicter une copie. Nous formons pratiquement nos apprenants et on nous envoie aussi chez les référents. Des paysans qui ont montré une capacité à gérer la production et même le suivi,
même l’encadrement des gens avec qui ils travaillent. Et puis, ils reviennent ici, avec nos techniques d’animations qui dit, vient on dit
que tout est programmé, en plus des programmations hebdomadaires. Donc tout est planifié, tout est programmé, à
l’avance.
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18/01/2018
Directeur Général de la
formation et de la recherche agricole au
Ministère de l'agriculture du Gabon (DRFA)
DRFA Gabon La problématique concerne le renforcement des capacités pour
former les producteurs et le personnel du ministère.
19/01/2018
Responsable Ecole Nationale
de développement
rural (ENDR)
Ministère Gabon
L'accent est sur l'auto emploi et sur les techniciens polyvalents en production animale et végétale.
22/01/2018
Chef de Service Agriculture et
développement et Ingénieur
Agroéconomiste CEEAC
CEEAC Gabon La formation agricole est l'outil principal pour la PAC, le CFA, le PPDA
du niveau continental au national.
22/01/2018 Expert en
économie CEEAC CEEAC Gabon
La formation agricole est le parent pauvre qui n'attire pas les jeunes dans une population vieillissante.
22/01/2018 Expert en
Ressources Animales CEEAC
CEEAC Gabon Le secteur ne donne pas l'accès à l'emploi avec le manque de
financement, la formation n'est pas rémunératrice.
24/01/2018
Directeur central des Ressources Humaines du Ministère de
l'agriculture et de l'élevage chargé du
programme Graine
Ministère Gabon
Dans les Ressources Humaines tout est déjà préparé en avance (décrets et programme annuel de performance...).
29/01/2018
Directeur Administration des Ressources Humaines au
Ministère général de la
CEEAC
CEEAC Gabon Les actions de la formation embryonnaire sont de mettre en place les
premiers outils RH avec une base de données.
29/01/2018
Dr en Géographie et Conseiller du Ministère de
l'agriculture en charge de la
formation et la recherche
Ministère Gabon
Toutes les formations techniques liées à la recherche et à l'agriculture et le suivi ont des objectifs de performance.
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Au Cameroun, l’essor de l’entrepreneuriat a aidé à résorber le chômage. L’organisme de
formation interrogé met l’accent sur la pratique professionnelle par le biais d’outils
d’apprentissage. Puis, il existe des pratiques RH contemporaines qui favorisent la coordination
des spécialistes de la formation ainsi que l’insertion professionnelle des élèves ouvriers ou
exploitants agricoles. L’apprenant acquiert des compétences indispensables à son évolution
professionnelle selon Perretti (2018) grâce à une immersion totale dans un environnement rural,
à l’articulation d’une pédagogie appliquée, à une andragogie associée au recueil des besoins, à
la diversité d’outils RH informels et des plateaux techniques pour le renforcement des capacités
des professionnels de l’activité. Les élèves apprennent ainsi à utiliser les ressources pour
agrémenter leur activité entrepreneuriale et la rendre plus normée et productive (Fonrouge,
2008). Ces méthodes démontrent qu’une formation inclusive se doit d’être moderne permettant
de remettre en cause privilèges et exclusions (Gardou, 2012).
Toutefois, au Gabon, une conception plus technique des métiers du secteur agroalimentaire a
été adoptée en vue d’intégrer en priorité des techniciens agricoles polyvalents dans le marché
du travail, au moyen d’une formation professionnelle encore embryonnaire. Cette situation
alimente et valorise les enjeux qui résident dans l’auto-emploi et la planification d’outils
performants en RH (Bayad et al., 2004). Mais derrière tout cela se dissimule un travail solitaire
organisé entre la production animale et végétale pour garantir des revenus à court et moyen
terme. Il faut programmer le travail selon des normes intégrant des dimensions juridiques et
culturelles (Bartoli et Blatrix, 2015), cette planification découlant d’une formation inclusive au
Cameroun et embryonnaire au Gabon. Mais elle s’établit aussi par une cohérence des actions
pour rassembler différents parcours dans un cadre isolé.
Conclusion
La formation du secteur agroalimentaire au Gabon s’illustre bien par le modèle circulatoire. Car
le management en Afrique nécessite une meilleure mobilisation des pratiques RH au Gabon ou
un accroissement des ressources et du personnel local.
Mais la formation est avant tout un levier de performance managériale, en particulier dans le
secteur agroalimentaire et pour le cas du Gabon. Il s’agit de favoriser l’inclusion de différentes
cultures nationales et professionnelles ce qui permet de développer et partager les meilleures
compétences techniques.
L’inclusivité n’est donc pas toujours la solution. Et l’importance d’une politique RH adéquate
dans la gestion de la diversité des entreprises agroalimentaires montre qu’il faut surtout trouver
l'équilibre entre la notion d’inclusion et d’exclusion.
Notre recherche exploratoire présente des limites compte tenu du nombre d’entretiens et nous
explorons d’autres pistes actuellement notamment dans le cadre d’une recherche quantitative
afin d’étoffer nos résultats et de proposer une typologie des pratiques RH au Gabon et au
Cameroun.
BIBLIOGRAPHIE
Aliprantis N. (1980), Thèse de Doctorat d’Etat dirigée par le Professeur Hélène Sinay, Faculté
de Droit et des Sciences Politiques de Strasbourg, G.H. Camerlynck, Bibliothèque d’ouvrages
de droit social fondée par Paul Durand, « La place de la convention collective dans la hiérarchie
des normes », Tome XXII, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris.
Antoine D. (2002), « La formation permanente dans la fonction publique en France », Revue
française d’administration publique, Ecole nationale d’administration (ENA), Promotion René
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