INSTITUT de FORMATION REGIONAL aux METIERS de la REEDUCATION et READAPTATION.
54, rue de la Baugerie – 44230 SAINT-SEBASTIEN SUR LOIRE
Utilisation de dynamomètres isocinétiques selon les
données littéraires et adaptation en exercice libéral
Enquête littéraire et libérale
Mélanie QUINIO
Année 2011-2012
REGION DES PAYS DE LA LOIRE
LE TRAVAIL MUSCULAIRE
EXCENTRIQUE DANS LA PRISE EN
CHARGE DE PATIENTS ATTEINTS DE
TENDINOPATHIES PATELLAIRES OU
ACHILLEENNES
Remerciements
Je tiens à remercier particulièrement,
pour leur aide, leur collaboration, et leur soutien,
l’équipe du service de traumatologie du CMRRF de Kerpape,
l’équipe rééducative du CH de Saint-Nazaire,
les patients ayant accepter de prêter leur image,
les masseurs- kinésithérapeutes du secteur de Vannes
ayant répondu au questionnaire,
l’équipe éducative de l’IFM3R de Nantes,
et particulièrement mon tuteur de mémoire,
ainsi que mes amis et ma famille,
qui m’ont permis de réaliser ce mémoire.
Résumé
La pathologie tendineuse rotulienne et achilléenne est un problème de santé publique de part
sa haute fréquence parmi la population, son caractère invalidant, notamment dans le domaine
sportif, et par le facteur de chronicité très souvent présent. Après avoir étudié la physiologie
du complexe muscle-tendon, on comprend la nécessité d’un travail actif dans cette prise en
charge rééducative. Parmi les nombreuses techniques de traitement, le travail excentrique a
prouvé son utilité s’il est utilisé en respectant certains principes primordiaux. Dans la
littérature, il est décrit grâce à l’utilisation de dynamomètres isocinétique, et apporte des
résultats prometteurs malgré l’absence de protocole standardisé. Cependant ce type d’appareil
présente des contraintes évidentes, notamment en terme de prix, ce qui restreint son utilisation
en secteur libéral. Néanmoins, une enquête sous forme de questionnaires a révélé que les
professionnels exerçant en milieu libéral s’adaptent à l’absence de cet outil. Ils conçoivent un
travail excentrique en décharge manuellement et aussi en charge, en estimant que cette
pratique est suffisante pour obtenir une amélioration des symptômes.
Mots clefs / Keywords
Tendinopathie / Tendon injuries
Travail excentrique / Eccentric training
Isocinétisme / Isokinetic
Tendon d’Achille / Achille tendon
Tendon patellaire / Patellar tendon
Sommaire
1. Introduction .............................................................................................................................1
2. Anatomo-physiologie du tendon .......................................................................................2
2.1. Anatomie .........................................................................................................................2
2.2. Biomécanique .................................................................................................................4
3. Pathologie tendineuse..........................................................................................................4
3.1. Généralités cliniques .....................................................................................................4
3.2. Etiologie ............................................................................................................................5
3.3. Processus de réparation ...............................................................................................6
3.4. Différents types de tendinopathies ............................................................................6
4. Traitements ..............................................................................................................................8
4.1. Traitement médical ........................................................................................................8
4.2. Traitement masso-kinésithérapique ............................................................................8
4.3. Traitement chirurgical .................................................................................................. 10
5. Travail musculaire excentrique ......................................................................................... 10
5.1. Définition ........................................................................................................................ 10
5.2. Effets à l’échelle du corps .......................................................................................... 10
5.3. Effets à l’échelle du complexe musculo-tendineux ............................................. 11
5.4. Effets à l’échelle des fibres musculaires et tendineuses....................................... 12
5.5. Utilisation dans le traitement des tendinopathies ................................................. 12
6. Rééducation excentrique sur dynamomètre isocinétique : enquête littéraire ...... 15
6.1. Présentation de l’isocinétisme ................................................................................... 15
6.2. Principe de fonctionnement ...................................................................................... 15
6.3. Protocoles excentriques selon les différents auteurs ............................................ 16
7. Rééducation excentrique sans dynamomètre isocinétique : enquête auprès des
masseurs-kinésithérapeutes libéraux ....................................................................................... 20
7.1. Population et méthode ............................................................................................... 20
7.2. Résultats .......................................................................................................................... 20
7.3. Synthèse et analyse des résultats.............................................................................. 26
8. Discussion ............................................................................................................................... 27
9. Conclusion ............................................................................................................................. 29
Références
Annexes
1
1. Introduction
Ce travail écrit s’intéresse à la prise en charge kinésithérapique des tendinopathies rotuliennes
et achilléennes. Il s’agit d’atteintes fréquentes, redoutées par tout sportif du fait du caractère
énigmatique de son évolution. Elles peuvent disparaître plus ou moins rapidement, ou entrer
dans un cercle vicieux de chronicité, ce qui entrave fortement les capacités physiques de ces
personnes. Il existe de nombreuses techniques masso-kinésithérapiques, associées à un
traitement médical, mais les récidives régulières de cette pathologie restent souvent une
difficulté majeure. Un travail musculaire excentrique du complexe musculo-tendineux atteint
semble montrer des résultats encourageants afin de permettre de sortir de ce cercle vicieux.
Au Centre Mutualiste de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle de Kerpape (56), cette
technique a une place de choix dans le traitement des sportifs de haut niveau, victimes
d’atteintes musculo-tendineuses. Cet entraînement musculaire excentrique est pratiqué sur
dynamomètre isocinétique, et apporte des résultats satisfaisants.
A partir de cela, la question des conditions de réalisation de cette technique se pose. En effet,
comment est-elle réalisée dans la pratique courante ? Selon quelles modalités l’utilisation de
dynamomètres isocinétiques permet un travail musculaire excentrique efficace ? Comment les
professionnels exerçant en milieu libéral s’adaptent-ils ?
L’objectif de ce travail écrit est alors une analyse de cette technique, en explorant, d’une part,
les études réalisées et retrouvées dans la littérature sur ce sujet, et d’autre part, en mettant en
évidence les pratiques professionnelles en secteur libéral.
Pour effectuer la recherche littéraire, les moteurs de recherche nationaux et internationaux ont
été utilisés (em-consulte, science direct, kinedoc, pedro, …), avec les mots clefs :
« tendinopathies rotuliennes / patellar tendinopathy », « tendinopathies achilléennes / Achille
tendinopathy », «excentrique / eccentric », et « isocinétisme / isokinetic »…
Pour réaliser l’enquête en libéral, un questionnaire a été proposé à plusieurs masseurs-
kinésithérapeutes exerçant en secteur libéral dans la zone de Vannes (56), interrogeant le
contexte de prise en charge des patients atteints de tendinopathies rotuliennes et achilléennes.
Ainsi, nous allons étudier l’efficacité et les modalités d’application du travail excentrique
dans un contexte de tendinopathies patellaires et achilléennes, à partir des données de la
littérature et des renseignements apportés par une enquête libérale.
2
2. Anatomo-physiologie du tendon
2.1. Anatomie
Le tendon est une entité anatomique à part entière, mais indissociable des structures qui
l’entourent. Ainsi, sa description peut se faire en 4 parties : sa relation avec le muscle, sa
composition propre, sa relation avec la structure osseuse, et les structures péri-tendineuses.
Relation avec le muscle
Le tendon a pour rôle la fixation du muscle strié squelettique sur l’os. Anatomiquement et
biomécaniquement, muscle et tendon sont des structures différentes mais conjointes [1;2]. On
parle de complexe musculo-tendineux. En effet, le muscle squelettique est composé de fibres
musculaires disposées en faisceaux, ainsi que de différentes enveloppes conjonctives :
l’épimysium, le périmysium et l’endomysium qui tapissent respectivement le muscle, les
faisceaux, et les fibres musculaires. Les cellules musculaires sont composées de myofibrilles
enveloppées d’un sarcolemme. Toutes ces structures conjonctives se prolongent au-delà des
cellules musculaires et forment le tendon. Cette relation de continuité entre le tendon et le
muscle est connue depuis longtemps. Dès 1847, la description en est remarquable : « Le
tendon d’origine se prolonge en s’épanouissant sous forme de membrane ou d’aponévrose
dans l’épaisseur ou à la surface du muscle ; c’est le long des faces et des bords de cette
aponévroses que naissent (s’insèrent) les fascicules musculaires ; c’est encore sur une
surface membraneuse ou aponévrose qu’elles se terminent. Cette aponévrose se ramassant
sur elle-même, constitue un tendon de terminaison que les fibres charnues (fascicules
musculaires) abandonnent à une distance plus ou moins considérable de son extrémité. » [3].
Selon le modèle de Hill, le muscle est
formé de trois composantes (Fig. 1)
[2]. La composante contractile (CC)
est l’élément moteur, c’est-à-dire les
ponts actine-myosine. La composante
élastique en parallèle (CEP) et la
composante élastique en série (CES)
correspondent aux structures passives
(tissus conjonctifs).
Constitution
Le tendon est un tissu conjonctif dense, régulier, et de couleur blanche argentée. Il est
constitué de cellules, appelées fibroblastes, qui synthétisent différentes molécules dans une
Figure 1: Modèle de Hill
CC: composante contractile ; CES : composante
élastique en série ; CEP : composante élastique en
parallèle
3
matrice extra-cellulaire. Les fibres de collagène ainsi créées sont disposées en faisceaux
parallèles, entourées d’enveloppes conjonctives, et ont une architecture en triple hélice. Cela
confère la solidité et la résistance du tissu (Fig.2). Les fibroblastes synthétisent également des
protéines d’élastine qui offrent une élasticité relative au tendon, ainsi que des protéoglycannes
et des glycoprotéines. A l’exception des autres tissus conjonctifs, le tissu tendineux présente
des zones hypovascularisées au niveau du corps du tendon, sauf au niveau de ses extrémités,
où le mésotendon forme un réseau artériolaire. Ce défaut de vascularisation en fait sa
difficulté caractéristique de cicatrisation après une lésion. Sur le plan nerveux, il est doté de
nombreux récepteurs sensitifs qui permettent de contrôler le mouvement et la posture
[1;4;5;6].
Relation avec l’os
L’os est un tissu conjonctif de même origine embryologique que le tendon. En se rapprochant
de l’os, les cellules tendineuses se transforment progressivement et deviennent ténopériostées,
puis périostées, puis osseuses. L’attache du tendon sur l’os est permise, d’une part par des
fibres perforantes périphériques qui se fixent sur le périoste, et d’autre part, par des fibres plus
centrales, appelées fibres de Sharpey qui pénètrent dans la corticale [7;8]. Ceci confère une
solidité considérable de l’insertion musculaire, ce qui explique les fréquents arrachements
osseux qui font suite à une sollicitation musculaire importante. Par exemple, lors de l’entorse
de cheville, on retrouve régulièrement un arrachement de la styloïde du 5ème
métatarsiens dû à
une contraction excessive du court fibulaire, ou encore un arrachement de la tubérosité tibiale
antérieure lors de la contraction du quadriceps.
Structures péri-tendineuses
Il existe certaines structures péri-tendineuses qui optimisent l’activité tendineuse. A certains
endroits, les frottements, entre une structure myo-tendineuse et une autre structure
anatomique, sont importants et potentiellement agressants pour le tendon. On trouve alors des
bourses ou des gaines synoviales qui facilitent les glissements [4;7]. Le tendon patellaire et le
tendon achilléen sont protégés par une bourse prétendineuse et une bourse rétrotendineuse.
Figure 2: Organisation des fibres de
collagène au sein du tendon
4
2.2. Biomécanique
Le tendon unit donc la structure musculaire, dont il ne peut être dissocié, et la structure
osseuse. Le mouvement est permis par la contraction d’un muscle qui exerce alors une
traction sur le tendon, ce qui entraîne le segment osseux. Plus la force développée au cours
d’une contraction musculaire est importante, plus la tension tendineuse est grande. Cependant,
le tendon possède certaines propriétés mécaniques qui lui permettent d’amortir une partie de
ces contraintes exercées par l’activité musculaire [5]. Les fibres de collagène, par leur
disposition parallèle, offrent une résistance importante à la traction mais elles ne sont pas
rigides donc confèrent tout de même une certaine souplesse au tissu. Un tendon non
pathologique peut théoriquement supporter une contrainte de 98 N/mm². Cette souplesse est
permise par les fibres élastiques, qui s’entrecroisent pour former un réseau. Elles peuvent
s’étirer sans se rompre jusqu’à 1,5 fois leur longueur de repos [1]. Mais à l’échelle du tendon,
l’allongement physiologique est de l’ordre de 4% de sa longueur. Les fibres subissent alors
une déformation élastique, ce qui leur permet de retrouver leur longueur initiale après
étirement. Un allongement de 4 à 8% provoque une déformation plastique (élongation) et au-
delà cela entraîne un allongement supérieur qui provoque une rupture des fibres tendineuses
[4]. Les fascicules musculaires s’insèrent sur toute la longueur de l’aponévrose musculaire
pour une meilleure transmission des contraintes vers le tendon et ainsi éviter les risques de
rupture myo-tendineuse lors de la contraction [8]. Le complexe muscle-tendon possède une
certaine capacité d’adaptation aux contraintes qui lui sont imposées. Cette plasticité se
retrouve dans l’entraînement musculaire. On retrouve également cette composition dans les
ligaments et les aponévroses. Ces tissus ont pour fonction la formation de liens solides entres
les différentes structures.
3. Pathologie tendineuse
3.1. Généralités cliniques
Il s’agit d’un enjeu important de santé publique car les atteintes tendineuses représentent une
grande part de la médecine du sport, mais touchent aussi la population générale (2% de la
population active [9]). C’est une pathologie qui peut être invalidante dans le domaine sportif
et professionnel. Lors de l’examen clinique, on retrouve la triade caractéristique : douleur à la
palpation, à l’étirement et à la contraction du muscle concerné [6]. Une souffrance tendineuse
peut être la conséquence d’une pathologie inflammatoire sous-jacente telle qu’une
polyarthrite rhumatoïde, une pelvispondylite rhumatismale, ou encore une arthrite, qu’il est
alors important de déceler. Néanmoins, les tendinopathies les plus fréquemment rencontrées
et étudiées ici, sont d’ordre micro-traumatique ou dégénératif. Le caractère inflammatoire est
5
alors peu présent, le terme de « tendinite » peut donc paraître inadapté, alors le terme de
« tendinose » sera préféré [10]. La douleur débute après l’effort et est de type mécanique.
L’examen clinique peut également retrouver un nodule ou un épaississement du tendon. La
difficulté rencontrée est le caractère chronique de cette pathologie. En effet, le tendon ne
parvient pas à entrer dans un cycle actif de cicatrisation.
3.2. Etiologie
La tendinopathie a une étiopathogénie complexe. Elle touche préférentiellement une
population sportive mais elle peut aussi atteindre une population sédentaire. Elle est due à une
association de facteurs extrinsèques et intrinsèques [5;11]. Il existe des facteurs propres à
chacun qui peuvent constituer un terrain favorisant l’apparition d’une atteinte tendineuse.
Parmi ces facteurs, on note : l’avancée en âge, l’indice de masse corporelle (IMC), les
troubles morphostatiques qui peuvent engendrer des contraintes importantes et localisées, les
troubles métaboliques avec altération des échanges tissulaires, les zones hypovascularisées,
ou encore un déséquilibre hormonal chronique [12]. L’influence d’un défaut d’extensibilité du
système musculo-tendineux dans la survenue d’une tendinopathie reste hypothétique [12].
Parallèlement, il y a des causes extérieures au sujet, le plus souvent à titre d’erreurs dans la
gestuelle ou dans l’entraînement sportif de l’individu, ou encore, l’agression par le matériel
utilisé. Par exemple, le frottement d’une chaussure en regard du tendon d’Achille peut
provoquer une inflammation localisée. Un défaut d’échauffement est source de fragilité
musculo-tendineuse face aux contraintes de l’activité physique. Le sportif se doit de connaitre
ses capacités et ses « limites ». Un niveau d’exercice trop élevé entraîne un surmenage du
tendon qui peut induire des micro-ruptures par l’effet répétitif, et ainsi être l’élément
déclencheur de la tendinopathie [13;14]. A l’origine, on retrouve plus particulièrement une
hypersollicitation de type excentrique, qui est plus traumatisante que le mode concentrique ou
statique. Il y a un déséquilibre entre les capacités mécaniques de résistance du tendon et les
contraintes auxquelles il est soumis [15]. Cet effet iatrogène du travail excentrique explique
en partie les atteintes du tendon patellaire dans les sports nécessitant des accroupissements
répétés ou des réceptions de sauts (athlétisme, basketball, ect…) et, les atteintes du tendon
achilléen dans les activités de course notamment. Un état de fatigue musculaire altère la
coordination, la proprioception, et entraîne alors une déformation du geste technique. De
manière générale, toute modification du geste est potentiellement à risque de déclencher une
pathologie musculo-tendineuse. Il convient donc d’étudier précisément la gestuelle du patient
pour déceler l’éventuel geste traumatisant, et tenter de le corriger de façon préventive ou
curative. Effectivement, cette interaction de multiples facteurs explique le caractère récurrent
des tendinopathies, car malgré les soins apportés à l’inflammation du tendon, la correction des
facteurs de risques est souvent négligée. Il est donc important de mener cette « enquête » pour
effectuer une prise en charge optimale des atteintes tendineuses. On retrouve d’ailleurs
souvent une modification de l’activité physique comme une intensification, un changement de
6
surface ou de matériel. Il est également nécessaire d’effectuer une éducation du patient à
propos des facteurs de risques. Malgré une étiologie multiple individuelle, on rencontre
presque toujours un contexte de micro-traumatismes répétés et d’inflammation avec une
inadaptation du tendon aux contraintes qui lui sont imposées lors de l’activité professionnelle
ou sportive [5;16]. Le patient doit être sensibilisé à tous ces éléments pourvoyeurs d’atteintes
tendineuses pour que la prise en charge soit efficace et pour éviter les récidives ultérieures.
3.3. Processus de réparation
Le phénomène de cicatrisation se met en place spontanément suite à ces micro-ruptures.
Cependant, celui-ci permet difficilement la guérison car il va générer un processus de
dégradation biologique lié aux difficultés de réparation du tissu conjonctif [13]. Cela peut
aboutir à des lésions macroscopiques avec apparition de kystes, nodules ou calcifications. Le
tendon est alors fragilisé et risque la rupture.
Le processus de cicatrisation comprend 3 phases. Il y a une première phase d’évacuation des
liquides et des tissus lésés, elle est nommée phase inflammatoire. Celle-ci est marquée par
l’augmentation du nombre des effecteurs de la réponse immunitaire (polynucléaires,
neutrophiles, macrophages,…) qui migrent vers la zone lésée pour la nettoyer. Cela dure 5 à 7
jours. Parallèlement, des fibroblastes vont migrer depuis l’épitendon pour compléter ceux déjà
présent au niveau de la zone lésée. Puis, pendant la phase dite proliférative, certains facteurs
mécaniques comme les tractions vont stimuler leur maturation, c'est-à-dire leur accroissement
en nombre et en taille. Jusqu’à la troisième semaine post-lésion, sous une vascularisation
accentuée, ces fibroblastes vont synthétiser de façon intense du collagène pour combler la
lésion. Mais le défaut de vascularisation, caractéristique du tendon, va, à cette phase, freiner la
cicatrisation, voire la suspendre. La réparation tendineuse n’est donc pas totale ce qui en fait
sa chronicité. Puis, une fois que cet obstacle est levé, un travail en étirement va permettre
d’éviter la formation de « paquets » de fibres de collagène, et favoriser un alignement de ces
fibres selon l’axe de traction. En effet, le tendon est un tissu métaboliquement actif et répond
aux contraintes comme les muscles et les os. C’est la phase de modelage. Ces contraintes en
tractions vont pouvoir être effectuées par l’étirement passif, ou par la contraction excentrique,
qui correspond à un étirement actif du complexe musculo-tendineux [2;13].
3.4. Différents types de tendinopathies
Les lésions tendineuses ont des formes multiples, ce qui en fait également leur complexité.
Elles peuvent se situer soit au niveau de la jonction myo-tendineuse, soit au niveau du corps
du tendon (tendinopathie corporéale), soit au niveau de son insertion osseuse (enthésopathie),
soit au niveau des structures péri-tendineuses (péritendinopathie). L’épaississement des gaines
consécutif à leur inflammation (ténosynovite), limite les glissements du tendon et constitue
alors une tendinopathie sténosante. On distingue la tendinite dans un contexte inflammatoire,
7
de la tendinose dans un contexte dégénératif [5;15;17]. En cas de rupture tendineuse, la
contraction résistée du muscle est impossible. Certains signes sont alors caractéristiques :
l’absence d’ascension de la patella à la contraction du quadriceps dans les ruptures du tendon
quadricipital ou l’absence de flexion plantaire à la pression des masses musculaires du mollet
(signe de Thompson) dans les ruptures du tendon d’Achille.
Le stade lésionnel de l’atteinte tendineuse peut être déterminé par la classification de Stanish
et Curwin (Tableau I) ou par la classification de Blazina (Tableau II) [12;18;19]. Ces
descriptions tiennent compte de l’état fonctionnel mais il n’y a pas de corrélation avec
l’aspect histologique. Il existe une relation entre le stade lésionnel et les chances de réussite
du traitement [14].
Stade Descriptif
1 Aucune douleur
2 Douleur après activité intense
3 Douleur pendant l’effort et 1 à 2 heures après l’effort
4 Douleur pendant l’effort et 4 à 6 heures après. réduction du niveau de
performances
5 Douleur immédiate après le début de l’exercice, suspension de l’activité
physique relative
6 Douleur pendant l’activité quotidienne. Impossibilité de pratiquer tout sport
Tableau I: Classification de Stanish et Curwin
Stade Descriptif
1 Douleur en fin d’effort
2 Douleur à l’échauffement, disparition à l’effort, et réapparition en cas de
fatigue physique
3 a Douleur permanente à l’effort avec diminution de la quantité et de la qualité
de l’activité sportive
3 b Douleur permanente interdisant l’activité sportive
4 Rupture tendineuse avec impotence fonctionnelle majeure
Tableau II: Classification de Blazina
8
4. Traitements
4.1. Traitement médical
Le traitement médical est basé sur la prise orale d’antalgiques et d’anti-inflammatoires ou leur
application locale [6;10;15;19]. Ces traitements sont habituellement efficaces dans les formes
aigues, mais bien moins dans les formes chroniques car il y a une raréfaction des cellules
inflammatoires. En cas de persistance des douleurs, des infiltrations de cortico-stéroïdes sont
parfois pratiquées mais à nombre contrôlé car elles peuvent avoir un rôle iatrogène par risque
de rupture tendineuse [2;6]. Les infiltrations sont davantage indiquées dans les lésions péri-
tendineuses qui sont le plus souvent inflammatoires. Mais, dans les cas de tendinoses, elles
semblent plus délétères en inhibant la régénération de collagène [10]. Depuis quelques
années, une nouvelle approche semble donner de bons résultats dans le traitement des
atteintes tendineuses chroniques. Il s’agit de l’injection de facteurs de croissance plaquettaires
au niveau des lésions, obtenus à partir de sang autologue, qui activent la cicatrisation [2;20].
4.2. Traitement masso-kinésithérapique
Il existe de nombreuses techniques kinésithérapiques décrites pour traiter les atteintes
tendineuses, mais toutes n’ont pas prouvées scientifiquement leur efficacité [6;21].
Tout d’abord, la notion de repos est une idée très répandue dans la population pour soigner
une atteinte tendineuse. Certes, il est nécessaire de suspendre l’activité à l’origine de la sur-
sollicitation du tendon, mais ce terme de repos ne doit pas être confondu avec immobilisation.
En effet, l’immobilisation stricte de l’articulation concernée est néfaste. Elle entraîne une
atrophie musculaire, une diminution de la vascularisation, et une désorganisation structurelle
des tissus. Ainsi, l’immobilisation occasionne une diminution des capacités de résistance sur
un tendon déjà fragilisé [2].
La cryothérapie, quant-à elle, permet une action anti-douleur par diminution de la vitesse de
conduction nerveuse, et une réduction du phénomène inflammatoire par vasoconstriction
réflexe et ralentissement des réactions chimiques. Cependant, les protocoles de modalités
d’application divergent, il n’y a pas de consensus sur son utilisation [6;10;15;21].
Les ultrasons, outre leur action thermique, permettraient une action antalgique et une
réparation cellulaire. Ils sont l’objet de nombreuses études sérieuses mais leur efficacité n’est
pas démontrée in vivo [21].
Beaucoup d’effets sont attribués à l’utilisation du laser : accélération de la synthèse de
collagène, augmentation de la sécrétion de sérotonine donc atténuation de la douleur, et
diminution de l’œdème. Ces effets ont été prouvés in vitro. Or, in vivo, son application n’est
pas clairement définie par des études cliniques valables.
9
Les ondes de chocs radiales créent un impact percuteur en contact avec la peau. Elles sont
utilisées, d’une part, dans un but antalgique par stimulation de la sécrétion d’endorphines et
par la mise en jeu du mécanisme de Gate Control. D’autre part, elles favorisent la cicatrisation
tendineuse par une action défibrosante, « traumatisante », une hypervascularisation et une
augmentation du métabolisme local. Elles sont pratiquées sur des tendinopathies à caractère
chronique pour relancer la phénomène de cicatrisation. Les études montrent que cette
technique semble efficace, notamment sur les atteintes du tendon calcanéen, et quelque soit
l’ancienneté des symptômes [2;10;22;23].
Le massage transversal profond, développé par Cyriax, consiste en un massage appuyé et
effectué transversalement à la direction des fibres tendineuses. Il atténue la douleur par effet
Gate Control, mobilise les adhérences pour favoriser la réorganisation des fibres, et entraîne
une augmentation du flux sanguin, ce qui relance le phénomène cicatriciel [10;15].
Afin d’optimaliser la cicatrisation et notamment le réalignement correct des fibres
tendineuses, il est préconisé d’effectuer un travail en traction. Les étirements musculo-
tendineux, qu’ils soient passifs ou actifs, permettent ainsi d’obtenir une organisation
tendineuse uniforme, tout en sollicitant progressivement sa capacité de résistance aux
tractions [10;15].
Ces techniques classiques et passives, associées au repos soulagent le patient de ses douleurs
mais se révèlent le plus souvent insuffisantes à la reprise d’activités car elles entraînent une
perte de force et de résistance face aux contraintes imposées. Les symptômes douloureux
réapparaissent alors dès que le tendon est soumis à de nouvelles contraintes [16]. Afin d’éviter
cet effet récurrent, certains auteurs ont proposés un traitement actif, en complément des
techniques passives habituelles. Ils réalisent alors un travail musculaire excentrique dans le
but d’améliorer la résistance du tendon à l’étirement dès que l’examen clinique est non
douloureux [6;15]. Le couple musculo-tendineux est une entité dynamique capable de
plasticité. Sous l’influence d’un entraînement spécifique et progressif, il y a une modification
des propriétés mécaniques. L’amélioration de sa capacité à résister aux contraintes extérieures
évite alors la survenue de micro-lésions et donc, l’apparition de phénomènes inflammatoires
[24]. Stanish et ses collaborateurs furent les premiers à proposer cette prise en charge avec des
résultats très encourageants [25]. Leur concept repose sur le fait que l’immobilisation est
délétère car elle entraîne un déconditionnement mécanique, neuronal et métabolique. Nous
avons vu que le tendon est un élément anatomique actif car indissociable du muscle, ainsi, il
parait cohérent de le rééduquer de façon active. Cependant, le caractère iatrogène du travail
excentrique nécessite certaines précautions, concernant la vitesse et la charge de travail,
l’intensification des exercices devant respecter l’indolence [16;24]. Aujourd’hui,
l’isocinétisme apparaît comme un moyen intéressant pour effectuer ce travail excentrique
dans des conditions optimales.
10
Ces techniques ne s’utilisent pas de façon isolée mais sont complémentaires les unes des
autres pour obtenir une efficacité optimale. Il est primordial aussi d’étudier préalablement
l’histoire de la tendinopathie pour tenter de corriger les facteurs de risques extrinsèques et
intrinsèques [5;6;14;15].
4.3. Traitement chirurgical
Excepté en cas de rupture tendineuse, le recours à la chirurgie reste exceptionnel. Il est
indiqué en cas de non amélioration des symptômes après 6 mois de traitement bien conduit
[19]. Dans le cas d’une atteinte corporéale, l’intervention consiste en un peignage du tendon.
Il s’agit d’un parage des tissus pathologiques (kystes, calcifications, fissures, …), associé à
des incisions longitudinales du tendon résiduel, dans le but de relancer le processus de
cicatrisation. Dans le cas d’une enthésopathie, il est souvent pratiqué un geste mixte, osseux et
tendineux [15;19;26;27]. Cette intervention peut s’effectuer à ciel ouvert ou sous arthroscopie
pour accélérer la période de récupération et diminuer les complications.
5. Travail musculaire excentrique
5.1. Définition
La contraction musculaire excentrique,
également appelée travail négatif, correspond
à un allongement forcé du complexe muscle-
tendon [28]. Le moment résistant, c'est-à-dire
la contrainte imposée, est supérieur au
moment moteur produit par le muscle (Fig. 3).
Cela est en opposition avec le mode
concentrique.
5.2. Effets à l’échelle du corps
A l’échelle du corps, la contraction excentrique a une fonction freinatrice dans un rôle de
protection de l’articulation [9;24;29], que l’on retrouve dans de nombreuses activités,
notamment au membre inférieur. Par exemple, l’action excentrique du triceps sural et de
l’appareil extenseur du genou permet un amortissement du poids du corps, respectivement à la
course et à la réception du saut [2;28;29].
Figure 3: Contraction musculaire excentrique
11
5.3. Effets à l’échelle du complexe musculo-tendineux
A l’échelle du complexe musculo-tendineux, ce mode de contraction provoque un étirement
des composantes élastiques de ce système. Ainsi, une partie de l’énergie développée par la
charge externe est emmagasinée, et va permettre la production d’une force additionnelle en
retour, sans consommation d’ATP. Il y a donc un besoin moindre d’énergie métabolique pour
une même production de force en concentrique. Le couple de force obtenu en excentrique est
alors plus important que celui développé en concentrique pour une vitesse donnée [8;29]. La
tension générée peut être jusqu’à 30 fois supérieure qu’en concentrique, ce qui accroit la
souffrance du système contractile [11]. De plus, cette importante tension développée en
excentrique augmente avec la vitesse du mouvement, en opposition au travail concentrique
[24]. Par ailleurs, l’activité éléctromyographique mesurée à la surface de la peau d’un muscle
travaillant sur le mode excentrique est plus faible que celle enregistrée en concentrique. Cela
est expliqué par le fait que toutes les unités motrices ne sont pas recrutées. Il y a ce qu’on
appelle un phénomène d’inhibition [9]. Par conséquent, la répartition du stress mécanique se
fait sur peu d’unités motrices, la tension unitaire y est donc plus importante. Le travail
excentrique est connu pour être à l’origine de dommages musculo-tendineux apparaissant 12 à
24 heures après l’effort, aussi appelés DOMS (Delayed Onset Muscle Soreness) qui sont dus à
cette surcharge de contraintes. Il provoque des micro-lésions des fibres musculaires et du tissu
conjonctif de soutien, auquel s’associe un processus inflammatoire. Ces phénomènes se
retrouvent après un exercice excentrique intense et inhabituel, et sont communément appelés
courbatures d’apparition retardée [24;30]. La résistance du complexe musculo-tendineux étant
insuffisant face à ce type d’effort, il se produit ces micro-lésions. Cependant, l’entraînement
excentrique induit des adaptations structurales par un effet de répétition. Il y a une
augmentation du degré d’activité des unités motrices et donc une meilleure répartition du
stress mécanique. L’accroissement du tissu conjonctif permet une augmentation de la raideur
du complexe musculo-tendineux et une meilleure dissipation des contraintes. Il y a aussi une
augmentation du nombre de sarcomères en série, ce qui réduit leur étirement et donc le risque
de rupture [9]. Donc, la seule façon d’éviter les DOMS est l’entraînement excentrique en lui-
même, pratiqué de façon très progressive pour permettre toutes ces adaptations structurales et
ainsi, une meilleure résistance du tissu tendineux à l’allongement contraint [2;24]. Cet effet
iatrogène du travail excentrique peut entraîner des risques potentiels d’entretien de
l’inflammation et nécessite alors quelques précautions lors de son utilisation en rééducation.
L’appareil contractile étant sollicité au maximum dans ce mode de contraction, le gain en
force et en masse musculaire est supérieur à celui obtenu avec un entraînement concentrique
[9]. Ceci est associé à une modification typologique par augmentation des fibres rapides de
type IIa.
12
5.4. Effets à l’échelle des fibres musculaires et tendineuses
La physiologie de la contraction musculaire excentrique à l’échelle des fibres musculaires
reste encore en partie non élucidée [29]. Cependant, on peut presque opposer le travail
musculaire excentrique au travail concentrique. Dans ce dernier mode de contraction, la force
est produite par le tissu contractile selon le nombre de ponts actine-myosine activés. Le tissu
conjonctif permet alors la transmission de l’énergie mécanique produite au segment de
membre. A l’inverse, dans le mode excentrique, les éléments contractiles ont pour but de
mettre en tension le tissu conjonctif de soutien. La force développée dépend alors de la
tension du tissu non contractile [14].
5.5. Utilisation dans le traitement des tendinopathies
Le travail musculaire excentrique a un double rôle dans le traitement des atteintes tendineuses
à caractère dégénératif et chronique [2;28;29;30].
Rôle dans la cicatrisation
En premier lieu, il a une action sur la cicatrisation en elle-même. La réparation tendineuse
implique une synthèse collagènique. Or, cette production de collagène nécessite un apport
important d’oxygène. La contraction musculaire permet la dilatation des vaisseaux et
l’augmentation du flux sanguin avec amélioration des échanges. Il est donc indispensable de
travailler de façon active pour stimuler une oxygénation optimale. Le travail musculaire de
type excentrique stimule particulièrement la prolifération de fibroblastes et, par conséquent, la
synthèse de collagène suite à une lésion tendineuse. Il favorise aussi, grâce à l’allongement
progressif, un alignement de ces fibres de collagène selon l’axe de traction.
Rôle dans la résistance tendineuse
En second lieu, le travail musculaire excentrique permet une action préventive des récidives
par la correction des facteurs étiopathogéniques. Généralement, la lésion tendineuse intervient
sur un tendon dont la résistance est inférieure à celle que demande l’activité physique. Ce
surmenage du tendon entraîne les micro-traumatismes à l’origine de l’inflammation.
L’objectif d’un entraînement excentrique est donc d’augmenter la résistance du tendon pour
que les contraintes subies ne lui soient pas néfastes. L’augmentation de tension induite
pendant l’allongement forcé du complexe musculo-tendineux, va provoquer, après un
entraînement spécifique, une adaptation du tendon et une meilleure résistance aux contraintes
en étirements [13;14]. On obtient alors une meilleure tolérance du tendon à l’effort par
l’augmentation du seuil lésionnel (Fig. 4).
13
Dans la rééducation, l’entraînement musculaire sur le mode excentrique permet de travailler à
des niveaux de couple de force importants avec un coût énergétique et une consommation en
oxygène moindre. Cependant, s’il est réalisé de façon maximale et à vitesse rapide, il aura un
effet inverse. En effet, dans ces conditions, les contraintes subies par le tendon déjà fragilisé,
sont très importantes, et seront responsables de nouvelles lésions musculo-tendineuses [12]. Il
est donc primordial d’effectuer cet entraînement excentrique de façon contrôlée et très
progressive. Il ne faut pas oublier cet effet iatrogène du travail excentrique [14]. En 1986,
William Stanish et ses collaborateurs ont été les premiers à utiliser un protocole complet à
base de contractions excentriques dans les cas de tendinopathies (Fig. 5) [25;14]. Il a admis
que l’immobilisation améliore la douleur mais entraîne une atrophie et une perte de force, ce
qui favorise la réapparition des symptômes à la reprise d’activités physiques. Le principe de
son protocole est d’améliorer la résistance du tendon pour le rendre invulnérable à la quantité
de stress qui l’a lésé. La principale cause étant une sur-sollicitation excentrique, il faut donc
effectuer un renforcement selon le mode excentrique pour améliorer ses capacités de
résistance. Le protocole de Stanish traite les tendinopathies rotuliennes par des exercices
excentriques fonctionnels en charge. Le patient est debout, fléchit les genoux tel un squat et
remonte en position initiale. Le contrôle de la descente en squat correspond à une contraction
excentrique du quadriceps qui lutte contre la pesanteur. Il effectue 3 séries de 10 répétitions
par séance. La vitesse est lente lors des 1ère
et 2ème
séances, modérée les 3ème
et 4ème
séances, et
rapide les 5ème
et 6ème
séances. Puis il rajoute des sacs de sable sur les épaules du patient pour
augmenter la charge et reprend la même progression. La vitesse et la charge sont adaptées à
chaque patient et sont contrôlées pour rester sous le seuil douloureux. Chaque séance est
complétée par des étirements et de la cryothérapie [22].
Figure 4: Principe de l’entraînement
excentrique dans le traitement des
tendinopathies
14
Les contre-indications à ce protocole thérapeutique sont : les ténosynovites, les lésions
tendineuses étendues ou très dégénératives (coiffe des rotateurs), les tendinopathies associées
à une formation osseuse qui fragilise le tendon (épines calcanéennes, calcifications), les
tendinopathies à un stade aigu, les stades 3 ou 4 de Blazina, et les cas d’atteintes tendineuses
chez des enfants ou adolescents qui n’ont pas achevé leur croissance [31].
Figure 5: Protocole de W. Stanish (1986)
15
6. Rééducation excentrique sur dynamomètre isocinétique :
enquête littéraire
6.1. Présentation de l’isocinétisme
L’isocinétisme est né en 1967 aux Etats-Unis pour répondre à une demande de la NASA pour
étudier l’atrophie musculaire consécutive aux vols en apesanteur. James Perrine invente alors
le premier dynamomètre isocinétique capable de mesurer précisément plusieurs composantes
du mouvement ciblé sur une articulation. En 1970, Cybex achète cette invention et construit le
premier dynamomètre isocinétique à but d’évaluation et de renforcement musculaire. La
France accueille sa première machine isocinétique Cybex en 1982. Aujourd’hui cette machine
est présente dans de nombreux pays, et continue de se déployer sous plusieurs marques
différentes. Dans les années 2000, la France compte entre 160 et 170 appareils en
fonctionnement, ils sont présents dans plus de 60 pays et, en Europe, son nombre est doublé
tous les 2 ans [32].
6.2. Principe de fonctionnement
Le fonctionnement de l’isocinétisme repose sur une vitesse de travail fixe et un
asservissement constant de la résistance à l’effort fourni [32]. En effet, à l’inverse du
renforcement musculaire utilisant des charges additionnelles ou l’opposition manuelle, le
renforcement isocinétique est basé sur le modèle « action = réaction » [14]. C’est-à-dire que la
résistance développée s’adapte instantanément à l’effort fourni au cours de la contraction,
qu’elle soit concentrique ou excentrique, afin de maintenir une vitesse angulaire constante et
programmée. Ceci garantie la sécurité, il n’y a aucun risque de surcharge car la résistance
opposée n’est alors que le miroir de la force contractile développée. Si le patient présente un
secteur douloureux pendant le mouvement, l’intensité de l’effort fourni diminue,
consciemment ou non, et le dynamomètre s’adapte alors en abaissant l’intensité de sa
résistance. L’asservissement respecte donc le confort et la sécurité du patient. La sollicitation
maximale du système contractile est alors possible sur toute l’amplitude du mouvement [32].
De plus, l’utilisation d’un dynamomètre isocinétique permet de suivre, quantifier et contrôler
précisément les efforts du patient grâce à l’analyse des courbes et paramètres mesurés [14;29].
La courbe isocinétique illustre l’efficacité de la contraction pendant le mouvement en mettant
en relation les moments de force développés et les positions angulaires successives. Certaines
anomalies peuvent témoigner de phénomènes douloureux, spastiques, d’une fatigabilité, de
dysfonctions articulaires, d’une diminution de force, etc. Les paramètres chiffrés mettent en
évidence, selon la vitesse et l’amplitude du mouvement, le moment de force maximal (MFM),
le travail maximal, la puissance maximale fournie, le rapport agonistes/antagonistes, la
différence bilatérale entre groupes homologues, etc. [33;34;35;36].
16
Ces données permettent d’effectuer
une évaluation musculaire précise ou
un suivi rééducatif, et de mettre en
évidence des objectifs pour ensuite
mettre en place une stratégie
thérapeutique adaptée et efficace. Le
patient peut également, lui-même,
avoir un retour instantané de ses
performances et ainsi ajuster si besoins
ses efforts, selon le principe de
biofeedback visuel par les courbes
affichées d’emblée à l’écran (Fig. 6).
6.3. Protocoles excentriques selon les différents auteurs
Une recherche littéraire a été effectuée pour mettre en évidence l’utilisation du travail
excentrique sur dynamomètre isocinétique. Nous avons étudié et comparé 4 études publiées
depuis 1999 (Annexe 1). Ces études ont été choisies parmi de nombreuses publications car
elles représentent des exemples concrets, et pour leur pertinence.
6.3.1. Etude rétrospective de P. Middleton, P. Trouve, J-L. Puig, et L. Savalli en
1999 [37]
Population : Les auteurs se sont intéressés aux résultats de 3 patients atteints de
tendinopathies achilléennes et 9 patients dont l’atteinte se trouve au niveau de l’appareil
extenseur du genou, après avoir suivi un protocole de travail excentrique. Ces patients ont
entre 22 et 32 ans.
Méthode : Ce protocole de 9 séances débute quand la contraction statique, sous-maximale, en
course externe est indolore. Il s’effectue sur un dynamomètre isocinétique Biodex, réglé en
mode passif. Le dynamomètre impose le mouvement et le patient résiste dans le sens voulu.
Le retour du mouvement est passif. Initialement, il est réalisé une évaluation de la force
musculaire maximale excentrique du côté sain à 30°/seconde, puis 60°/seconde, puis
90°/seconde. Les séances se composent de 3 séries de 15 répétitions avec 1 minute de repos
entre chaque série. Les 3 premières séances, les contractions se font à 30°/sec, respectivement
à 30%, 50%, puis 70% de la force maximale controlatérale. Les 3 séances suivantes, la même
Figure 6: Travail musculaire du couple quadriceps/ischios-
jambiers gauche d’un patient bénéficiant du biofeedback
sur dynamomètre isocinétique
17
progression est utilisée à la vitesse de 60°/seconde, et les 3 dernières séances à 90°/seconde.
Une fois ce protocole achevé, un travail pliométrique fonctionnel est débuté.
Résultats : Après ces 9 séances de prise en charge, les patients souffrant du tendon d’Achille
obtiennent un gain de +37,3% de force excentrique. Les patients souffrant de l’appareil
extenseur du genou ont, quant à eux, un gain de +50,1% de force excentrique.
6.3.2. Etude prospective de J-L Croisier, B. Godon, F. Giordano, B. Forthomme, M.
Namurois, et J-M Crielaard en 1999 [38]
Population : Cette étude s’intéresse à 8 hommes, de moyenne d’âge de 39 ans, dont 3
souffrent de tendinopathies rotuliennes et 5 de tendinopathies achilléennes. Il s’agit d’atteintes
chroniques avec échec des traitements antérieurs (repos, AINS, électrothérapie, mésothérapie,
infiltrations, …).
Méthode : Le traitement comporte 20 séances à raison de 3 séances par semaine. Le travail
excentrique est réalisé sur dynamomètre isocinétique Kintrex, en mode passif, avec un retour
passif du mouvement. L’amplitude de travail est adaptée à chaque patient pour rester dans un
secteur non douloureux. La sollicitation du quadriceps se fait en position assise, et la
sollicitation du triceps se fait en décubitus dorsal, la hanche et le genou étant fléchi. Les 10
premières séances sont composées de 1 à 3 séries de 30 répétitions en respectant la règle de la
non-douleur. Les 10 séances suivantes comprennent 3 à 5 séries de 10 répétitions. Les
paramètres de progression sont la vitesse de travail et la force développée selon la résistance
du dynamomètre isocinétique. Pour les tendinopathies rotuliennes, les vitesses utilisées sont
de 30°/seconde, 60°/seconde, 120°/seconde, puis 180°/seconde, avec une force à 30%, puis
60% de la force maximale controlatérale. Pour les tendinopathies achilléennes, le travail se
fait à 30°/sec, 60°/sec, 90°/sec, puis 120°/sec, avec une force à 30%, 50%, puis 80% de la
force maximale controlatérale. Parallèlement à l’entraînement excentrique, il est pratiqué de
l’électrothérapie antalgique, des ultrasons, du massage décontracturant du quadriceps ou du
triceps selon les cas, du massage transversal profond, et des étirements. Pour les patients
souffrant du tendon d’Achille, il est proposé le port de talonnettes amortissantes.
Résultats : Après 7 semaines de traitement, il est mis en évidence une absence totale de
douleur à la palpation, à l’étirement, à la contraction, et à la reprise des activités sportives,
chez 6 patients. On note également une diminution de l’épaisseur du tendon lésé à
l’échographie. La valeur de l’EVA passe en moyenne de 8,2 initialement à 6 au bout de 10
séances et à 2,4 à l’issue du traitement.
18
6.3.3. Etude prospective de C. Queiros Da Silva, T. Cotte, L. Vicard, L.
Chantelot et J-M. Ferret au Centre de Médecine du Sport de
Lyon Gerland en 2005 [39]
Population : Les auteurs traitent les cas de 9 patients atteints de tendinopathies calcanéennes,
dont 8 ont une lésion du corps du tendon et 1, une lésion de l’insertion (enthésopathie). Il y a
8 hommes et 1 femme, tous sportifs. Les lésions évoluent depuis 6 mois au maximum, avec
échec des traitements antérieurs.
Méthode : L’entraînement excentrique est réalisé sur dynamomètre isocinétique de marque
Cybex Norm, réglé en mode passif, le retour du mouvement se faisant passivement. La
sollicitation du soléaire est réalisée en décubitus dorsal, hanche et genou fléchis à 90°. La
sollicitation des jumeaux est réalisée en procubitus, genou tendu. Les séances se font à raison
de 2 par semaine et comporte un échauffement de 10 minutes sur vélo. Le travail musculaire
excentrique débute à une vitesse angulaire de 5°/seconde sur une amplitude limitée à 45% de
l’amplitude maximale théorique et à une valeur du moment de force de 50 N.m, ce qui
correspond à environ 35% de la valeur du groupe musculaire homologue. Ces différents
paramètres (vitesse et amplitude) sont ensuite augmentés progressivement au fil des séances
en respectant la règle de la non-douleur. La vitesse passe à 10°/seconde quand le moment de
force atteint 75% de la valeur controlatérale, puis à 15°/seconde quand il atteint 90% de la
valeur controlatérale. L’amplitude augmente de façon individuelle. Le nombre de séries et de
répétitions dépend de la vitesse utilisée : 4 séries de 8 répétitions à 5°/seconde, 5 séries de 8
répétitions à 10°/seconde, et 6 séries de 8 répétitions à 15°/seconde, avec 30 à 60 secondes de
récupération entre chaque série. Ce travail sur dynamomètre isocinétique est associé à la
cryothérapie, la physiothérapie anti-inflammatoire, au massage transverse profond, aux
étirements myotendineux passifs et à la proprioception.
Résultats : Une évaluation est réalisée toutes les semaines concernant la gêne, la douleur, et
le niveau d’activité. Au bout de 2 mois de rééducation, 5 patients obtiennent une
normalisation clinique, 3 obtiennent une amélioration clinique avec sensibilité à la palpation,
et le seul cas d’enthésopathie n’obtient aucune amélioration. Le moment de force est alors en
moyenne à 76% de la valeur controlatérale, et concorde avec la reprise de la course. Au terme
de la rééducation (4 mois), le moment de force atteint en moyenne 102% de la valeur
controlatérale. 5 patients ont repris leur activité sportive de façon identique à celle pratiquée
avant la blessure, 2 ont repris avec une impression de différence dans la tension du tendon
mais sans douleur, et 2 n’ont pas repris leur activité physique, l’un pour cause de pathologie
intercurrente, l’autre pour absence d’amélioration de la tendinopathie d’insertion du tendon
calcanéen. A 8 mois, un seul patient a présenté une récidive.
19
6.3.4. Etude de cas de D. Keochkerian, A. Chauffour, G. Sénéchal, C. Loisel, L.
Hatton et F. Perla au centre de rééducation de Corbie en 2008 [40]
Population : Cette étude rapporte le cas d’une heptathlonienne de haut niveau, âgée de 25
ans, souffrant d’une tendinopathie patellaire diagnostiquée en 2007. Malgré de nombreuses
prises en charge (physiothérapie, ondes de choc, acupuncture, AINS), il n’y a pas
d’amélioration ce qui compromet sa carrière sportive.
Méthode : La durée du protocole est de 12 semaines avec 3 séances par semaine. A chaque
séance, la patiente réalise 3 séries de 10 contractions excentriques. La progression se fait
d’abord sur la vitesse angulaire (30°/seconde, 60°/seconde, puis 90°/seconde), puis sur la
charge (de 30% jusqu’à 80% du moment de force excentrique maximal du côté sain). Cet
entraînement excentrique est complété par de la proprioception, des étirements, un
renforcement musculaire concentrique isocinétique du membre inférieur lésé pendant les 6
premières semaines à 240°/seconde, 120°/seconde et 60°/seconde, et un travail pliométrique à
partir de la 4ème
semaine, d’abord en balnéothérapie puis à sec.
Résultats : A l’issue des 12 semaines de prise en charge, le moment de force excentrique de
l’appareil extenseur du genou pathologique atteint 118% de la valeur controlatérale sans
douleur. L’échelle du Victorian Institute of Sport Assessment (VISA) est un outil validé pour
évaluer la sévérité d’une tendinopathie rotulienne, le score de 100 correspond à un sujet
asymptomatique. Le score à 12 semaines est de 90 alors qu’il était de 30 à l’entrée. La
patiente a aussi repris son activité sans douleur.
6.3.5. Synthèse
Ces 4 études présentent des points communs mais aussi quelques différences. Dans tous les
cas étudiés, le travail excentrique est réalisé par des patients souffrant de tendinopathies non
inflammatoires résistantes aux traitements antérieurs. Les outils isocinétiques utilisés sont de
marques différentes selon les études mais ils sont toujours utilisés en mode passif, le patient
s’opposant au mouvement programmé. Le retour du mouvement se fait passivement. Le
nombre de séances varie de 9 à 36 séances mais sont, dans tous les cas, pluri-hebdomadaires.
Les facteurs de progression utilisés sont la vitesse et la force développée (qui correspond à la
charge résistante), et l’amplitude du mouvement pour 1 étude. Cependant, ces facteurs sont
paramétrés de façon différente dans chacune des études. Le nombre de série et de répétitions à
effectuer est également variable selon les études. De ce fait, les protocoles sont opérateurs-
dépendant. Malgré cela, les résultats sont favorables dans les 4 cas étudiés. Il est retrouvé, au
terme du protocole, une disparition des douleurs, une amélioration des résultats
échographiques, et une reprise de l’activité sportive.
20
7. Rééducation excentrique sans dynamomètre isocinétique :
enquête auprès des masseurs-kinésithérapeutes libéraux
7.1. Population et méthode
Une grande majorité des masseurs-kinésithérapeutes exerce en milieu libéral. En 2004, 80%
des professionnels sont libéraux contre 20% de salariés, cette proportion étant supposée se
maintenir jusqu’à 2020 [41]. Les données de la littérature concernant les protocoles de travail
excentrique dans la prise en charge des atteintes tendineuses achilléennes et patellaires,
exposent les expériences effectuées dans des centres de rééducation. Cette enquête a pour but
de faire un état des lieux de cette pratique en exercice libéral. Quelle stratégie rééducative est
mise en place ? Le travail excentrique est-il utilisé ? Si oui, comment est-il pratiqué ? Et quels
résultats sont obtenus ? Pour répondre à cela, plusieurs masseurs-kinésithérapeutes, exerçant
en libéral dans le secteur de Vannes et ses alentours (56), ont été sollicités entre octobre 2011
et février 2012. Un questionnaire de 9 questions, dont 7 questions à réponses fermées, leur a
été proposé afin de faire ressortir la pratique courante utilisée dans la prise en charge des
tendinopathies achilléennes et rotuliennes (Annexe 2). Celui-ci a été limité à 9 questions, en
ciblant les questions essentielles au thème étudié, afin de limiter les contraintes de temps de
réponse pour les participants. Après avoir contacté ces professionnels par téléphone pour leur
expliquer la démarche, ce questionnaire leur a été envoyé par voie postale ou remis en mains
propres, accompagné d’une lettre explicative et d’une enveloppe affranchie et adressée, pour
faciliter le retour. Un total de 19 questionnaires a été envoyés, et 100% de réponses ont été
obtenues.
7.2. Résultats
Contexte de prise en charge
L’enquête s’est tout d’abord intéressée à la proportion
de patients atteints de tendinopathies patellaires et
achilléennes prise en charge. Parmi les 19 masseurs-
kinésithérapeutes sollicités, 1 personne déclare avoir
entre 1 et 5 patients par an atteints de cette pathologie,
9 déclarent en avoir entre 1 et 5 par mois, 6 déclarent
en avoir entre 5 et 10 par mois, 2 déclarent en avoir
plus de 10 par mois, et 1 n’a pas répondu à cette
question (Fig. 7). Sur les 19 participants, 15 ont entre
1 et 10 patients par mois atteints de ce type
tendinopathie. Il s’agit d’une pathologie fréquente.
1
9 6
2 1 - 5 /an
1 -5 / mois
5 - 10 /mois
> 10 / mois
Figure 7: « Quelle part de votre
patientèle, la prise en charge de
tendinopathies patellaires et
achilléennes occupe t-elle ? »
21
Pour connaitre la situation professionnelle, le niveau d’activité physique et l’âge moyen des
patients, il a été proposé une question à choix multiples.
L’étude du contexte professionnel et
sportif des patients révèle un profil plutôt
actif. En effet, 3 professionnels ont
répondu « sédentaires », 2 ont répondu
« cadres », 9 ont répondu « ouvriers », 12
ont répondu « sportifs occasionnels » et 8
ont répondu « sportifs confirmés » (Fig.
8).
Concernant l’âge, on retrouve une
population majoritairement inférieure à 50
ans. Il y a 11 réponses pour « moins de 40
ans », 9 réponses pour « entre 40 et 50
ans », 4 réponses pour « entre 50 et 60 ans,
et 1 réponse pour « plus de 60 ans ». (Fig.
9).
La question du délai de prise en charge a
également été formulée sous forme de
question à choix multiples. Il a été
demandé combien de temps après
l’apparition des premiers signes
douloureux, les patients viennent en séance
de kinésithérapie. Parmi les 3 personnes qui
ont répondu « dans la semaine », 2 ont
spécifié qu’il s’agit alors de sportifs de haut
niveau. Parallèlement, 4 personnes ont
répondu « après une semaine », 12 ont
répondu « après plusieurs semaines », 4 ont
répondu « après un mois », et 2 ont
répondu « autre », et ont alors précisé :
« après plusieurs mois ». Il apparait à
travers cette question que la plupart des
patients attendent plusieurs semaines après
l’apparition de la douleur pour consulter, à
l’exception des sportifs de haut niveau qui,
eux, consultent rapidement (Fig. 10).
11
9
4
1,2
0 5 10 15
< 40 ans
40 - 50 ans
50 -60 ans
> 60 ans
3
2
9
12
8
0 5 10 15
Sédentaires
Cadres
Ouvriers
Sportifs occasionnels
Sportifs confirmés
Figure 8: « Ces patients sont plutôt : sportifs confirmés,
occasionnels, ouvriers, cadres, et/ou sédentaires ? »
Figure 9: « Ces patients ont plutôt : moins de 40
ans, entre 40 et 50 ans, entre 50 et 60 ans, et/ou
plus de 60 ans ? »
3
4
12
4
2
0 5 10 15
Dans la semaine
Après 1 semaine
Après plusieurs semaines
Après 1 mois
Après plusieurs mois
Figure 10: « En moyenne, ces patients viennent vous voir
combien de temps après apparition des premiers signes
douloureux ? »
22
Stratégie rééducative
Concernant la méthode de rééducation, il a tout
d’abord été demandé si un protocole bien défini est
utilisé. Approximativement, la moitié des
participants ont répondu « oui » et l’autre moitié ont
répondu « non » (Fig. 11). Parmi les réponses
négatives, 7 ont justifiés leur choix par la variabilité
des profils. La rééducation est alors personnalisée
selon l’individu, son mode de vie, le type de
tendinopathie et l’évolution des symptômes. Les
autres causes sont un manque de temps, au niveau
organisationnel ou en terme de durée de la séance,
30 minutes étant jugé insuffisant.
Les techniques utilisées sont mises en évidence par une question à choix multiples proposant
10 techniques : chaleur, cryothérapie, ultrasons, laser, contractions musculaires excentriques,
travail musculaire isométrique, isocinétisme, électrothérapie antalgique, électrothérapie
stimulante, et thérapie manuelles (à préciser). Il est également permis aux 19 participants
d’ajouter d’autres techniques supplémentaires. Les réponses se révèlent diverses et variées
(Fig. 12). Parmi les techniques rajoutées, on trouve : le massage transversal profond (MTP), le
massage à visée de détente musculaire, les étirements passifs, les ondes de choc, les
techniques myotensives, la réflexothérapie, les techniques de crochetage, la proprioception,
les auto-étirements, l’argile verte, et le respect du repos.
Parmi l’ensemble de ces techniques, on note une utilisation préférentielle des ultrasons (14
réponses), du travail musculaire excentrique (13 réponses), des techniques de thérapie
manuelle (11 réponses), de la cryothérapie (10 réponses), de l’électrothérapie antalgique (10
réponses), du massage transverse profond (7 réponses), du massage à visée de détente
musculaire (6 réponses), et des étirements passifs (5 réponses). Les 11 personnes qui
emploient la thérapie manuelle ont précisé qu’il s’agit de techniques de compression et
décompression, et/ou de techniques de recentrage articulaire au niveau des articulations sus et
sous-jacentes à l’articulation concernée. Dans le cas d’une tendinopathie rotulienne, les
réharmonisations articulaires vont s’intéresser au bassin, au genou, et à la cheville. Et, dans le
cas d’une tendinopathie achilléenne, elles vont viser le genou, la cheville, et les articulations
du pied. 1 personne insiste sur l’importance de la mobilisation des articulations tibio-tarsienne
et sous-talienne dans l’atteinte du tendon d’Achille. 2 personnes spécifient qu’elles utilisent
les manœuvres de Sohier.
10
9 Oui
Non
Figure 11: « Utilisez-vous un
protocole ou un programme bien
défini lors de ces prises en charge ? »
23
Ainsi, 13 masseurs-kinésithérapeutes sur 19 utilisent un travail musculaire excentrique dans
leur prise en charge. L’enquête s’est donc ensuite renseignée sur les modalités d’application
de cette technique par une question à réponse ouverte. Or, 16 participants ont répondu à cette
question. Pour une atteinte du tendon rotulien, la résistance s’oppose à la contraction du
quadriceps en entraînant un mouvement de flexion de genou. De la même manière, pour une
atteinte du tendon achilléen, la résistance s’oppose à la contraction du triceps sural dans un
mouvement de flexion dorsale de la cheville.
A propos du mode de résistance
effectué, 8 professionnels effectuent ce
travail exclusivement manuellement, et
4 font travailler le patient uniquement
en charge, le poids du corps s’opposant
alors à la contraction par l’action de la
pesanteur. 4 personnes associent un
travail manuel à un travail en charge
(Fig. 13).
14
13
11
10
10
7
6
5
4
3
2
2
2
2
1
1
1
1
1
1
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Ultrasons
Excentrique
Thérapie manuelle
Cryothérapie
Electrothérapie antalgique
MTP
Massage détente
Etirements passifs
Isométrique
Isocinétisme
Ondes de chos
Techniques myotensives
Reflexothérapie
Crochetage
Proprioception
Electrothérapie stimulante
Chaleur
Auto-étirements
Argile verte
Respect du repos
Laser
Figure 12: « Quelles techniques utilisez-vous lors de ces prises en charges ? »
8
4
4 Manuel
En charge
Manuel + en charge
Figure 13: « Si vous utilisez le travail musculaire
excentrique, pouvez-vous en précisez les
modalités d’application ? »
24
1 personne utilise une chaise à quadriceps pour solliciter le tendon rotulien. Parmi les
professionnels accomplissant un travail en charge, 3 utilisent un marche-pied pour obtenir une
course musculaire plus importante du triceps sural. Le protocole de Stanish est nommé 5 fois.
Plusieurs principes sont évoqués par les professionnels. On retrouve la notion de respect de la
douleur qui est citée 4 fois. L’exercice doit être fait de façon infra-douloureuse, une légère
douleur est tolérée dans les derniers mouvements. 1 personne insiste sur l’autonomie du
patient. Les exercices sont décrits au patient pendant la séance, ainsi que la progression, puis
celui-ci doit les effectuer seul à domicile quotidiennement. Aucun des masseurs-
kinésithérapeutes interrogés ne mentionne le retour passif du mouvement, décrit initialement
par Stanish.
Concernant les paramètres de progression
retrouvés dans les réponses, on note une
augmentation de l’intensité de l’exercice par
augmentation de la charge résistante pour 7
participants, une augmentation de la vitesse du
mouvement pour 1 participant, et une
augmentation du nombre de répétition des
mouvements pour 2 participants (Fig. 14).
Les résultats du traitement obtenus par les 19 professionnels ont été mis en évidence par une
question à réponse ouverte. Ces derniers soulignent l’importance d’effectuer un minimum de
2 séances de 30 minutes par semaine, associées à un travail d’hygiène de vie quotidien pour
obtenir une efficacité sur les douleurs et l’impotence fonctionnelle. D’après les réponses,
l’idéal semble être une durée de 45 à 60 minutes par séance. Les prescriptions médicales sont
couramment de 15 séances. Cependant, les
résultats concernant le nombre de séances
nécessaire, sont très diversifiés (Fig. 15). 3
participants affirment qu’il faut entre 5 et
10 séances pour observer une amélioration
des symptômes, 5 affirment qu’il faut entre
10 et 15 séances, 1 affirme qu’il en faut
entre 15 et 20, 1 affirme qu’il en faut entre
20 et 25, et 9 ne peuvent donner de nombre
moyen de séances. Ces derniers estiment
que les résultats sont très variables (de 5 à
plus de 30 séances) selon l’origine et la
7
1
2
0 5 10
Charge résistante
Vitesse
Répétition
Figure 14: Si vous utilisez le travail
musculaire excentrique, pouvez-vous en
précisez les modalités de progression ? »
3
5
1 1
9
5 - 10 séances
10 - 15 séances
15 - 20 séances
20 - 25 séances
Variable
Figure 15: « Quelle est le nombre moyen de
séances nécessaires pour obtenir une efficacité
sur les douleurs et l’impotence fonctionnelle ? »
25
gravité de la pathologie, mais aussi, selon le délai entre le début des symptômes et le début du
traitement, les activités du sujet, et le respect des consignes.
Point de vue des masseurs-kinésithérapeutes sur la prise en charge en centre
L’enquête a ensuite apprécié la position des masseurs-kinésithérapeutes par rapport à la prise
en charge des atteintes tendineuses qui pourrait être faite en centre de rééducation. La
question a été posée sous forme de question à réponse fermée avec possibilité de justification.
5 personnes pensent que les moyens, en centre de
rééducation, sont plus adaptés pour effectuer un
travail excentrique sur les tendinopathies
rotuliennes et achilléennes, 13 pensent le contraire
et 1 personne n’a pas répondu à cette question
(Fig. 16). Parmi les 13 personnes ayant répondu
« non », 11 ont justifié leur choix par le fait que le
traitement en cabinet est suffisant, les besoins en
matériel étant faibles. 2 personnes considèrent que
ce type de pathologie ne nécessite pas une
hospitalisation. 4 personnes évoquent le prix de la
journée très élevé en centre d’où le fait que ces
patients ne sont pas dirigés vers ce type de
structure.
De plus, 2 personnes estiment que le traitement peut être réalisé efficacement en libéral mais à
condition qu’il s’agisse d’un cabinet à orientation sportive et donc, avec le matériel adapté (ce
matériel n’étant pas précisé). Les 5 personnes ayant répondu « oui » expliquent leur choix par
le fait que la durée des séances est plus longue en centre, et par la possibilité de recours au
matériel d’isocinétisme.
Pour finir, l’enquête a mis en
évidence la conception que les
participants peuvent avoir à l’égard
de l’isocinétisme. 4 personnes
admettent n’avoir jamais utilisé de
dynamomètre isocinétique. 4
personnes pensent que cet outil sert
essentiellement pour des bilans, et 6
personnes pensent qu’il est efficace
dans le traitement des tendinopathies
rotuliennes et achilléennes.
Concernant sa place en libéral, 3
personnes jugent qu’il n’a pas
5
13
Oui
Non
Figure 16: "Les moyens, en centre de
rééducation, sont-ils plus adaptés pour
un travail excentrique des patients
atteints de tendinopathies rotuliennes et
achilléennes?"
14
3
6
4
4
0
0 5 10 15
Matériel trop onéreux
Pas d'utilité en libéral
Efficace dans les tendinopathies
Efficace pour les bilans
Jamais utilisé
Ne connais pas
Figure 17: « Que pensez-vous de l’isocinétisme ? »
26
d’utilité, et 14 personnes estiment que ce matériel est trop onéreux pour un cabinet (Fig. 17).
La majorité de la population étudiée estime qu’il s’agit d’un outil efficace mais non accessible
en libéral à cause de son coût élevé.
7.3. Synthèse et analyse des résultats
La proportion de patients atteints de tendinopathies patellaires ou achilléennes, prise en
charge par les masseurs-kinésithérapeutes sollicités dans notre enquête, est importante. 79%
d’entre eux ont entre 1 et 10 de ces patients par mois. Cela confirme le fait qu’il s’agit d’une
pathologie fréquente qui constitue une part importante de l’activité des professionnels en
libéral. Ces atteintes tendineuses touchent une population variée mais on retrouve une
tendance plutôt jeune et active. Les profils mis en avant sont des personnes sportives,
confirmées ou non, ouvrières, et ayant moins de 50 ans. Cependant, ces patients ne consultent
pas aussitôt après l’apparition des douleurs. La majorité d’entre eux attendent plusieurs
semaines avant de venir en soins, à l’exception des sportifs de haut niveau, qui ont tendance à
consulter dans la semaine suivant les premiers signes de douleur.
53% des masseurs-kinésithérapeutes interrogés suivent un protocole de rééducation bien
défini et standardisé, et 47% individualisent le traitement selon le mode de vie de l’individu et
les caractéristiques de la tendinopathie. Les techniques employées sont, par ordre
d’importance d’utilisation : les ultra-sons, le travail musculaire excentrique, les techniques de
thérapie manuelle, la cryothérapie, l’électrothérapie antalgique, le massage transversal
profond, le massage à visée décontracturante, les étirements passifs, le travail musculaire
isométrique, l’isocinétisme, les ondes de chocs, les techniques myotensives, la
réflexothérapie, le crochetage, la proprioception, l’électrothérapie stimulante, la chaleur, les
auto-étirements, l’argile verte, et le respect du repos.
Ainsi, 68% des professionnels utilisent le travail musculaire excentrique. Or, 84 % d’entre
eux ont répondu à la question portant sur les modalités d’application de cette technique. Parmi
ces derniers, 50% effectuent ce travail manuellement, 25% l’effectue en charge, et 25%
combine ces deux méthodes. Parallèlement, 31% nomment le protocole de Stanish. Le
principe de « non-douleur » est cité plusieurs fois, ce qui peut être mis en corrélation avec
l’utilisation préférentielle d’un travail manuel. En effet, les tendons rotuliens et calcanéens
font partie des plus gros tendons du corps humain, en lien avec des muscles puissants. Un
travail manuel reste donc peu sollicitant sur le complexe musculo-tendineux et est plus
propice à respecter ce concept de « non-douleur ». Aucun ne mentionne le retour passif du
mouvement pour éviter une contraction concentrique de l’unité myotendineuse atteinte.
Concernant les paramètres de progression du travail excentrique, 43% des personnes
concernées augmentent la charge résistante, 13% augmentent le nombre de répétitions, et 6%
augmentent la vitesse de réalisation du mouvement.
27
Le nombre moyen de séances prescrites pour ce type de pathologie est de 15 séances. Or, le
point de vue de l’ensemble des participants sur cette question reste indistinct. En effet, 16%
estiment qu’il nécessite 5 à 10 séances pour obtenir une efficacité sur les douleurs et
l’impotence fonctionnelle, 26% estiment qu’il faut 10 à 15 séances, 11% estiment qu’il en
faut 15 à 25. Mais, 47% considèrent qu’il n’y a pas de nombre standard de séances. Les
résultats dépendent des activités du sujet, de son assiduité au traitement, mais aussi de
l’origine et la gravité de l’atteinte. Certaines personnes font également le lien avec le délai
entre le début des symptômes et le début de la prise en charge. Ces résultats se révèlent épars,
il est donc difficile de conclure en donnant un nombre moyen de séances nécessaires.
Ces professionnels considèrent pour 26% d’entre eux que les centres de rééducation ont des
moyens plus adaptés pour effectuer un protocole de travail excentrique dans ce type de
pathologie. Ils évoquent des séances plus longues et la possibilité d’utilisation de
l’isocinétisme. 68% d’entre eux estiment qu’une prise en charge en libéral est suffisante.
Globalement, les personnes interrogées pensent que l’isocinétisme est un moyen efficace en
kinésithérapie et notamment dans le traitement des tendinopathies (32%), mais son prix est un
frein pour son utilisation en milieu libéral (74%).
8. Discussion
Les atteintes tendineuses sont liées à de multiples facteurs. Parmi eux, on retrouve
particulièrement une inadaptation du tendon aux contraintes excentriques imposées. Un
entraînement musculaire excentrique progressif et adapté permet alors de pallier à cette
insuffisance en augmentant la capacité de résistance à la traction de l’unité myotendineuse.
Cependant, le travail excentrique entraîne de nombreuses adaptations structurales, et
notamment un changement de typologie musculaire. On observe une augmentation des fibres
de type II et une diminution des fibres I [9]. Aucune étude retrouvée n’évoque les
conséquences de ces modifications sur l’activité sportive.
Il semble intéressant de proposer un programme de rééducation excentrique sur dynamomètre
isocinétique. En effet, cet outil garantit une sécurité du patient de part son fonctionnement et
la gestion rigoureuse des paramètres (vitesse, amplitude, intensité, durée), et permet ainsi un
travail précis et quantifié. Toutefois, d’après les publications étudiées, il n’existe pas de
protocole standardisé et validé pour son utilisation dans le traitement des atteintes
tendineuses. Chaque utilisateur adapte son propre protocole, probablement selon ses
compétences et affinités. Cette notion est retrouvée en littérature et dans l’enquête libérale. De
plus, l’utilisation de l’isocinétisme nécessite une extrême rigueur dans l’installation et exige
un personnel formé et expérimenté [32].
D’après les résultats de la littérature nous pouvons nous interroger sur le fait que des résultats
positifs sont plus faciles à publier et des résultats négatifs peuvent être mis à l’écart. Les
28
résultats retrouvés semblent tout de même montrer une efficacité de l’utilisation de
l’isocinétisme sur un mode excentrique dans le traitement des tendinopathies étudiées. Les
études analysées ne mettent pas en évidence un recul des résultats à plusieurs mois, voire
plusieurs années.
La réalisation de bilans préventifs pour dépister les déséquilibres musculaires pouvant
favoriser l’apparition d’une tendinopathie s’avère être une démarche intéressante mais non
validée scientifiquement. De même, une préparation des groupes musculaires freinateur du
mouvement selon le mode excentrique semblerait être une solution idéale à visée préventive
[2;14].
La contrainte la plus évidente de cette rééducation isocinétique est le coût du matériel. Il est
estimé entre 40 000 et 100 000 euros selon les marques, auquel il faut rajouter le prix des
modules complémentaires, de la maintenance, de la formation du personnel [32]. En l’absence
de ce matériel, il semble facile de mettre en place un protocole excentrique par des exercices
fonctionnels en charge.
Le questionnaire envoyé aux masseurs-kinésithérapeutes libéraux se limite à la région de
Vannes. La sélection des professionnels sollicités ne s’est pas faite selon les spécialités de
chacun, mais de façon aléatoire afin d’obtenir une position représentative de la population
générale des masseurs-kinésithérapeutes. On comprend que, selon l’orientation plus ou moins
spécifique du cabinet, la patientèle peut être très différente d’un cabinet à l’autre. Un cabinet
spécialisé dans la kinésithérapie du sport aura certainement une part importante de patients
atteints de tendinopathies. Le retard de prise en charge, dû à une négligence des lésions ou à
un échec des traitements antérieurs ne semble pas compromettre la cicatrisation, mais
augmente la durée de la rééducation.
L’enquête réalisée en libéral révèle que le travail musculaire excentrique est beaucoup utilisé.
Cependant, le questionnaire a été accompagné d’une lettre explicative pour informer de la
démarche et des objectifs de l’enquête. Comme il a été précisé que le mémoire concernait le
travail excentrique dans la prise en charge des tendinopathies patellaires et achilléennes, les
participants ont alors pu être orientés dans leurs réponses. Notamment, ils ont pu être incités à
répondre aux questions concernant les modalités d’application du travail excentrique. En
effet, une incohérence montre 13 personnes déclarant utiliser cette technique parmi d’autres,
et 16 personnes ont répondus aux modalités de son application. A cette dernière question,
plusieurs participants ont nommé le protocole de Stanish sans y détailler les principes et
paramètres de progression qui n’ont donc pas été pris en compte dans cette analyse. Peut-être
y étaient-ils sous-entendus. L’absence de protocole standardisé est aussi mise en évidence.
Concernant les résultats obtenus, la question a été posée en termes de nombre moyen de
séances pour obtenir une efficacité sur les douleurs et l’impotence fonctionnelle. Les réponses
se révèlent très variées. L’origine étant peut-être l’expression de la question qui est
insuffisamment précise. Les personnes interrogées ont pu y répondre en se référant à
l’amélioration des symptômes ou à la guérison complète.
29
9. Conclusion
Ce travail fait une synthèse du traitement actuel des patients atteints de tendinopathies
rotuliennes et achilléennes, et, plus particulièrement, de la place du travail excentrique dans
cette prise en charge.
La tendinopathie est une pathologie complexe par son étiopathogénie multiple, son expression
hétérogène, et sa difficulté de guérison. Outre les facteurs propres à chacun qui peuvent
constituer des facteurs prédisposants à l’apparition d’une tendinopathie, un défaut du geste ou
une activité excentrique excessive, réalisés de façon répétée, peuvent conduire à un
surmenage du tendon. Les propriétés élastiques et résistantes du tendon sont alors dépassées,
et, il apparaît des micro-ruptures. Il y a alors déclenchement d’un processus inflammatoire qui
s’épuise rapidement et aboutit à une cicatrisation incomplète, à l’origine de la chronicité et de
la récurrence des douleurs. Pour vaincre ce phénomène de non-cicatrisation et de récidive, il
est primordial d’avoir une prise en charge globale de l’individu. En effet, lutter contre la
douleur et favoriser la cicatrisation tendineuse n’est pas suffisant, il est nécessaire de corriger
les facteurs de risques individuels et les éventuelles erreurs dans la gestuelle, tout en
effectuant une éducation du patient à ce sujet.
L’entraînement excentrique a une double action. Il permet, d’une part, d’améliorer la
cicatrisation tendineuse par stimulation de la synthèse de collagène et par l’alignement de ces
fibres de collagène et, d’autre part, d’augmenter les capacités de résistance du tendon aux
contraintes imposées. L’objectif étant alors de dépasser le seuil excentrique lésionnel, propre
à chaque individu. Toutefois, il ne faut pas oublier l’effet iatrogène du travail excentrique, il
est nécessaire d’adopter un protocole très progressif et quantifié.
L’utilisation de dynamomètres isocinétiques permet une adaptation de l’opposition de la
machine à la force du sujet, ce qui est garant de sécurité. La progression est contrôlée et
quantifiée précisément, mais nécessite une participation active du patient par le feedback. Cet
outil permet donc un contrôle optimal des paramètres de progression et de l’évolution de la
force de l’individu. Cependant, tous les protocoles retrouvés dans la littérature sont différents.
Il n’y a pas de protocole validé. Il est néanmoins retrouvé les mêmes paramètres de
progression (vitesse et force). Les durées de ce traitement sont variables, mais avec un
minimum de 6 semaines, et des séances le plus souvent pluri-hebdomadaires. Les résultats
montrent une diminution de la symptomatologie, une augmentation de la force, et une reprise
sportive. Ainsi, l’isocinétisme est un outil remarquable pour réaliser un entraînement
excentrique mais, son prix est un frein important à son utilisation en milieu libéral.
En secteur libéral, la majorité des masseurs-kinésithérapeutes utilise également un travail
musculaire excentrique dans la prise en charge de cette pathologie. Celui-ci est alors effectué
manuellement et/ou en charge, en se basant sur le protocole de Stanish. Le paramètre de
progression utilisé est principalement la charge, donc la force développée par le patient.
Cependant, l’absence de protocole standardisé est à noter également. Ce traitement se révèle
30
efficace mais il est difficile de mettre en évidence une durée moyenne nécessaire à la
guérison, en vue des résultats épars à cette question.
Ce travail a montré l’importance de l’entraînement excentrique dans la prise en charge des
tendinopathies patellaires et achilléennes, qui peut être optimalisé par l’utilisation de
dynamomètres isocinétiques mais dont les obstacles restent le prix difficilement accessible
pour tous les praticiens. L’absence de protocole validé avec et sans dynamomètres
isocinétiques en fait un moyen opérateur-dépendant.
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[41] DIRECTION DE LA RECHERCHE DES ETUDES DE L’EVALUATION ET DES
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projections à l’horizon 2020 [en ligne]. Disponible sur
(http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/er242.pdf). (Consulté le 27.02.2012).
.
Annexes
Annexe 1 : Tableau comparatif des protocoles de renforcement excentrique selon la
littérature et comparaison avec le protocole initial de W. Stanish.
W. Stanish P. Middleton et al.
[37]
JL. Croisier et al. [38]
Population 200 patients
Atteintes patellaires
Depuis 18 mois
3 patients : tendinopathies
d’Achille
9 patients : tendinopathies patellaires
5 patients tendinopaties Achille
3 patients tendinopathies
patellaires Chronique
Echec des traitements antérieurs
Matériel -
Installation
Debout
Descente en squat
Biodex en mode passif
(CPM) Retour passif
Kintrex en mode passif
Retour passif Amplitude adaptée non
douloureuse
Paramètres
de
progression
Vitesse : lente puis
modérée puis rapide
Charge :
individualisée
Vitesse : 30 puis 60 puis
90°/sec Charge : 30 puis 50 puis
70% de la force
controlatérale
Vitesse :
Achille : 30 puis 60 puis 90 puis 120°/sec
Patellaire : 30 puis 60 puis 120
puis 180°/sec Charge :
Achille : 30 puis 50 puis 80% de
la force controlatérale Patellaire : 30 puis 60% de la
force maximale controlatérale
Séances 3 séries de 10
répétitions / séance 1 séance / jour
3 séries de 15 répétitions
1 min de repos entre chaque série
Séances 1 à 10 : 1 à 3 séries de
30 répétitions Séances 11 à 20 : 3 à 5 séries de
10 répétitions
3 séances / semaine
Durée 6 semaines 9 séances 20 séances (7 semaines)
Techniques
associées
Etirements passifs
Cryothérapie
Travail pliométrique
fonctionnel après ce protocole
Electrothérapie antalgique
Ultrasons Massage
MTP
Etirements
Talonnettes
Résultats 44% : pas de
douleurs ni gêne
fonctionnelle
43% : diminution des symptômes
9% : pas de
changement 2% : aggravation
Achille : +37,3% de force
excentrique
Patellaire : +50,1% de force
excentrique
Absence de douleurs à la
palpation, à l’étirement, et à la
contraction
Reprise de l’activité sportive Amélioration notable à
l’échographie
EVA passe de 8 à 2
C. Queiros Da Silva et al. [39] D. Keochkerian et al. [40]
Population 9 patients : tendinopathies Achille dont 8 corporéales et 1 enthèse
Depuis 6 mois
1 heptathlonienne de haut niveau Tendinopathie patellaire
Depuis 1 an
Matériel -
Installation
Cybex en mode passif Dynamomètre isocinétique
Paramètres
de
progression
Vitesse : 5 puis 10 puis 15°/sec
Amplitude : 45% de l’amplitude maximale
controlatérale au début puis individualisée
Vitesse : 30 puis 60 puis 90°/sec
Charge : de 30 à 80% de la force
maximale controlatérale
Séances 4 séries de 8 répétitions à 5°/sec 5 séries de 8 répétitions à 10°/sec
6 séries de 8 répétitions à 15°/sec
2 séances / semaine
3 séries de 10 répétitions 3 séances / semaine
Durée 32 séances ( 16 semaines) 36 séances (12 semaines)
Techniques
associées
Echauffement sur vélo
Cryothérapie MTP
Physiothérapie anti-inflammatoire
Etirements Proprioception
Proprioception
Etirements Pliométrie à partir de la 4
ème semaine
Renforcement concentrique à partir de
la 6ème
semaine
Résultats 5 : reprise d’activité identique à avant la
pathologie
2 : reprise sans douleur mais impression différente
2 : pas de reprise de l’activité sportive (dont
l’enthésiopathie)
118% de force par rapport à la force
controlatérale
VISA : 90/100 (30/100 au départ) Reprise d’activité sportive sans
douleur
Annexe 2 : Questionnaire envoyé aux masseurs-kinésithérapeutes en libéral.
QUESTIONNAIRE CONCERNANT LA PRISE EN CHARGE DE PATIENTS
ATTEINTS DE TENDINOPATHIES.
1. Quelle part de votre patientèle, la prise en charge de tendinopathies patellaires et
achilléennes occupe-t-elle ?
Aucune
Entre 1 et 5 / mois
Entre 5 et 10 / mois
Plus de 10 / mois précisez :
2. Ces patients sont plutôt :
Sédentaires
Cadres
Ouvriers
Sportifs occasionnels
Sportifs confirmés
Jeunes (< 40 ans)
40 - 50 ans
50 - 60 ans
> 60 ans
3. En moyenne, ces patients viennent vous voir combien de temps après apparition des premiers signes douloureux ?
Dans la semaine
Après une semaine
Après plusieurs semaines
Après un mois
Autre précisez :
4. Utilisez-vous un protocole ou un programme bien défini lors de ces prises en charge ?
Oui
Non
Si Oui, précisez :
Si Non, pourquoi ?
Pas le temps (niveau organisationnel)
Manque de connaissances
Nombre de séances prescrites insuffisant
Durée de la séance trop courte
Autre précisez :
5. Quelles techniques utilisez-vous lors de ces prises en charge ?
Chaleur
Froid
Ultrasons
Laser
Contractions musculaires excentriques
Travail isométrique
Isocinétisme
Électrothérapie antalgique
Électrothérapie stimulante
Thérapie manuelle, précisez :
Autre, précisez :
6. Si vous utilisez le travail musculaire excentrique, pouvez-vous en préciser les modalités
d’application (Instrumentales, manuelles, intensité, ect…), et de progression ?
7. Pour vous, les moyens en centre de rééducation sont-ils plus adaptés pour un travail
excentrique des patients atteints de tendinopathies rotuliennes et achilléennes ?
Oui
Non
Pourquoi ?
8. Que pensez-vous de l’isocinétisme ?
Ne connais pas
Jamais utilisé
Pas d’utilité en cabinet libéral
Outil servant essentiellement pour des bilans
Outil efficace dans le traitement des tendinopathies
Matériel trop cher pour un cabinet libéral
Autre précisez :
9. Quel est le nombre moyen de séances nécessaires pour obtenir une efficacité sur les
douleurs et l’impotence fonctionnelle ?
Vous remerciant pour le temps que vous avez bien voulu me consacrer.
Je reste à votre disposition pour tout complément d’information.
Si vous souhaitez que je vous fasse parvenir un exemplaire de mon mémoire, une fois celui-ci terminé,
veuillez inscrire votre adresse email : ……………………………………………………………………………………