UNIVERSITEacute SORBONNE NOUVELLE - PARIS 3
ED268 - Langage et langues description theacuteorisation transmissionUMR 7528 - Mondes iranien et indien
UMR 8135 - Langage Langues et Cultures dAfrique Noire
Thegravese de Doctorat Sciences du Langage
Maximilien GUEacuteRIN
LES CONSTRUCTIONS VERBALES EN WOLOFVERS UNE TYPOLOGIE DE LA PREacuteDICATION
DE LAUXILIATION ET DES PEacuteRIPHRASES
Thegravese dirigeacutee parPollet SAMVELIAN amp Konstantin POZDNIAKOV
Soutenue le 3 juin 2016
Jury
Oliver BONAMI (Professeur Universiteacute Paris Diderot - Paris 7)Denis CREISSELS (Professeur eacutemeacuterite Universiteacute Lumiegravere Lyon 2)Maarten MOUS (Professeur Universiteit Leiden)Konstantin POZDNIAKOV (Professeur Inalco)Pollet SAMVELIAN (Professeure Universiteacute Sorbonne Nouvelle - Paris 3)Sylvie VOISIN (Maicirctre de confeacuterences Universiteacute dAix-Marseille)
Reacutesumeacute
Les constructions verbales en wolof
Vers une typologie de la preacutedication de lauxiliation et des peacuteriphrases
Le principal objectif de cette eacutetude est de situer les constructions verbales du wolof dans une
perspective typologique Il sagit tout dabord de proposer une description syntheacutetique du systegraveme de
preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant sur les travaux de
reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves
grand nombre de langues en wolof la majeure partie des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est
exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques Lanalyse typologique de ces constructions
peacuteriphrastiques nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de la notion
dauxiliaire Nous consideacuterons que dans une perspective typologique lauxiliaire ne doit pas ecirctre
deacutefini comme une cateacutegorie lexicale speacutecifique ni comme une eacutetape dans un chemin de
grammaticalisation mais plutocirct comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonome ayant une fonction
speacutecifique Par ailleurs nous proposons une analyse constructionnelle de lorganisation du systegraveme
de preacutedication verbale du wolof Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne
forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme
extrecircmement structureacute (un reacuteseau de constructions) En outre nous montrons que certaines
idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuvent sexpliquer agrave la
lumiegravere de la diachronie Enfin nous proposons une analyse comparative des constructions verbales
des langues atlantiques afin de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est issu du proto-
atlantique
Mots cleacutes Wolof Typologie Auxiliaires Peacuteriphrases Grammaticalisation Grammaire de
construction
- 3 -
Abstract
Verbal Constructions in Wolof Towards a Typology of Predication Auxiliation and Periphrasis
This thesis is a study of Wolof verbal constructions in a typological perspective Based on available
descriptions of Wolof verbal conjugation I first provide a summary of the system of verbal
predication in the light of the typological literature Contrary to what is observed in many
languages most Wolof verbal categories are expressed periphrastically The typological analysis of
these periphrastic constructions provides us with the empirical basis to propose a new approach to
the notion of ldquoauxiliaryrdquo I argue that auxiliaries should not be cross-linguistically defined as items
belonging to a specific lexical class or as items on a grammaticalisation path but rather as
autonomous predicative elements with a specific function In addition I propose a constructional
analysis of the organisation of the verbal predication system of Wolof The entirety of Wolof verbal
constructions is not assumed to form an unstructured set of independent entities but it is instead
taken to constitute a highly structured system (a network of constructions) Furthermore some
apparent idiosyncrasies in the conjugation paradigm of Wolof can be explained from a diachronic
point of view Finally I provide a comparative analysis of verbal constructions in Atlantic languages
in order to determine which elements of the Wolof conjugation are inherited from Proto-Atlantic
Keywords Wolof Typology Auxiliaries Periphrasis Grammaticalization Construction Grammar
- 4 -
al Ludoviko Lazaro Zamenhof
kies la vivo kaj la verko instigis min
al la studado de la lingvo
agrave Ludwik Lejzer Zamenhof
dont la vie et lœuvre mont pousseacute
agrave eacutetudier le langage
di ko jagleel Ludowiko Lasaro Samenxof
mi nga xam ne dundam ak liggeacuteeyam ntildeoo ma ntildeaax
ci geumlstu xam-xamu lagravekk
Εἴ τίς με ἐλέγξαι καὶ παραστῆσαί μοιὅτι οὐκ ὀρθῶς ὑπολαμβάνω ἢ πράσσωδύναται χαίρων μεταθήσομαι ζητῶγὰρ τὴν ἀλήθειαν ὑφ ἧς οὐδεὶς πώποτεἐβλάβη βλάπτεται δὲ ὁ ἐπιμένων ἐπὶτῆς ἑαυτοῦ ἀπάτης καὶ ἀγνοίας
Si quelquun veut bien me convaincre et silmarrecircte en me prouvant que ma penseacutee nestpas juste ou que mon action nest pas bonneje suis agrave la joie de mon cœur de me redresser car je ne cherche que la veacuteriteacute qui na jamaisnui agrave personne tandis qursquoon se fait le plusgrand tort en perseacuteveacuterant dans son erreur etdans son ignorance
Marc-Auregravele Livre VI XXI
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Remerciements
Je remercie tout dabord Pollet Samvelian et Konstantin Pozdniakov davoir accepteacute de diriger ce
travail Leurs conseils et remarques mont eacutenormeacutement aideacute dans leacutelaboration de cette thegravese
Je remercie eacutegalement Olivier Bonami Denis Creissels Maarten Mous et Sylvie Voisin davoir
accepteacute de participer agrave mon jury de thegravese Les eacutechanges et discussions avec Denis Creissels et
Sylvie Voisin mont eacuteteacute dune aide preacutecieuse dans ma compreacutehension de la grammaire du wolof
Ma reconnaissance sadresse eacutegalement aux membres des laboratoires LLACAN (UMR 8135) et
lsquoMondes iranien et indienrsquo (UMR 7528) pour leur soutien leurs conseils et pour les formidables
conditions de travail quils mont offerts Je remercie notamment Nicolas Quint pour ses nombreux
et tregraves preacutecieux conseils
Je remercie vivement Jean-Leacuteopold Diouf El Hadji Diegraveye et Serigne Ibnou Seck pour avoir
accepteacute de partager avec moi leurs connaissances et leur expertise de la langue wolof
Je remercie mes collegravegues jeunes chercheurs pour leur soutien ainsi que pour les discussions
enrichissantes que nous avons eues Je remercie notamment Marine Le Meneacute Julien Heurdier
Gwendoline Fox Aureacutelia Elalouf Linh Huy Dao Marie Lorin Pegah Faghiri Opheacutelie Gandon
Ariel Gutman Jean Franccedilois Nunez Tom Durand Olivier Bondeacuteelle et bien dautres
Un grand merci agrave toutes les personnes qui mont aideacute dune maniegravere ou dune autre dans la
reacutealisation de ce travail Je remercie tout particuliegraverement Michegravele Lalande
Merci infiniment agrave ma femme Ceacutecilia Gueacuterin pour mavoir accompagneacute et soutenu durant la
reacutealisation de cette thegravese
Enfin je remercie Ceacutecilia Deckmyn et Dominique Gueacuterin pour avoir accepteacute dassurer la
relecture orthographique et typographique de ce travail
- 7 -
- 8 -
TABLE DES MATIEgraveRESTABLE DES MATIEgraveRES
Table des figures19
Liste des tableaux21
Gloses amp Abreacuteviations25
Introduction29
01 Objectifs29
02 Cadre theacuteorique30
021 Une approche typologique30
0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme30
0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques31
0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique32
0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie33
022 Une approche constructionnelle34
0221 La notion de construction35
0222 Le continuum lexico-grammatical35
0223 La place des constructions dans la grammaire36
0224 Une approche reacutealiste36
0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles37
03 Corpus et sources des exemples37
04 La langue wolof39
041 Situation actuelle39
042 Variantes dialectales41
043 Classification42
044 Phonologie46
0441 Le systegraveme phonologique46
0442 La structure syllabique48
0443 Les processus phonologiques48
0444 La prosodie49
0445 Lorthographe50
045 Morphologie52
- 9 -
0451 Lalternance consonantique52
0452 Laffixation53
0453 La conversion53
0454 La reacuteduplication54
0455 La composition54
05 Plan geacuteneacuteral55
Partie I Le systegraveme de preacutedication verbale du wolof57
Chapitre 1 - Preacutesentation geacuteneacuterale du systegraveme de preacutedication verbale59
11 Eacutetat de lart59
111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle59
112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes60
113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise61
114 Existe-t-il une tradition franccedilaise 62
115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine63
116 Synthegravese63
12 Approche typologique de la flexion verbale64
13 La conjugaison du wolof67
131 Les constructions preacutedicatives67
132 Lexpression de la neacutegation71
133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif71
134 Lexpression du passeacute72
135 Lexpression de la personne et du nombre72
14 Synthegravese73
Chapitre 2 - Les constructions preacutedicatives77
21 Les constructions exprimant le parfait77
211 Le parfait78
212 Le parfait neacutegatif82
22 Les constructions exprimant le futur84
221 Le futur84
222 Le futur neacutegatif89
23 Les constructions injonctives98
231 Limpeacuteratif99
232 Loptatif102
- 10 -
233 Le prohibitif104
24 Le minimal106
241 Un cas probleacutematique106
242 Le subjonctif-conseacutecutif112
243 Linfinitif115
244 Le relatif123
245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques129
25 Les constructions focalisantes134
251 La notion de focus135
252 La focalisation du sujet137
253 Le preacutesentatif141
254 La focalisation du compleacutement147
255 La focalisation du verbe150
256 Le statut des constructions focalisantes153
257 Synthegravese161
Chapitre 3 - Lexpression des autres cateacutegories verbales165
31 La neacutegation165
311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques165
3111 Le parfait neacutegatif165
3112 La neacutegation affixale166
312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif168
3121 Le futur neacutegatif168
3122 Le prohibitif169
313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire169
314 Les constructions neacutegatives agrave copule171
3141 La copule neacutegative171
3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs172
315 Synthegravese173
32 Limperfectif174
321 Le statut du marqueur dimperfectif174
322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif177
323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif179
33 Le passeacute181
331 Le marqueur de passeacute (w)oon182
- 11 -
332 Le passeacute reculeacute190
333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif193
334 Passeacute et conditionnel194
34 La voix196
Chapitre 4 - La structure argumentale199
41 Les arguments et satellites lexicaux199
411 Le sujet lexical201
412 Lobjet lexical202
413 Le satellite lexical204
42 Les arguments pronominaux206
421 Les pronoms forts207
422 Les pronoms sujets211
423 Les pronoms objets218
43 La voix impersonnelle224
44 Les schegravemes de preacutedications verbales226
Conclusion de la Partie I229
Partie II Les peacuteriphrases verbales du wolof analyse et enjeux typologiques237
Chapitre 5 - Les peacuteriphrases verbales du wolof239
51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof239
511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP240
512 Les critegraveres phonologiques242
5121 La place de laccent lexical242
5122 La direction de lattachement phonologique242
5123 Les pauses244
513 Les critegraveres morphologiques244
5131 La deacuterivation verbale244
5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat245
5133 Les preacutedicats non verbaux246
5134 Les lacunes arbitraires247
5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques247
514 Les critegraveres seacutemantiques248
5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique248
5142 La compositionnaliteacute seacutemantique248
- 12 -
515 Le cas du parfait248
516 Synthegravese252
52 La diversiteacute des peacuteriphrases verbales du wolof253
521 La notion de peacuteriphrase flexionnelle253
522 Inventaire des peacuteriphrases verbales du wolof254
523 Typologie des peacuteriphrases verbales du wolof258
5231 Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique259
5232 Inteacutegration au paradigme flexionnel263
5233 Les critegraveres de la typologie canonique267
524 Synthegravese269
Chapitre 6 - Des constructions agrave auxiliaires 271
61 La cateacutegorie laquo auxiliaire raquo271
611 Deacutefinition cateacutegorielle271
612 Deacutefinition fonctionnelle273
613 Deacutefinition panchronique274
62 Pour une nouvelle approche typologique des auxiliaires277
621 Le poids des traditions278
622 Les limites de la deacutefinition panchronique278
623 Typologie des auxiliaires280
63 Les constructions agrave auxiliaire du wolof284
631 Selon la deacutefinition panchronique284
632 Selon la deacutefinition fonctionnelle286
Chapitre 7 - La tecircte des constructions agrave auxiliaire du wolof289
71 Le concept de laquo tecircte raquo289
72 La typologie des patrons flexionnels291
73 Les patrons flexionnels du wolof293
Chapitre 8 - Typologie verbale du wolof301
81 Les verbes pleins301
82 Les verbes cateacutenatifs302
83 Les verbes semi-auxiliaires305
84 Les verbes auxiliaires307
85 Les marqueurs preacutedicatifs308
86 Les relativiseurs309
87 Compleacutementeur et quotatif311
- 13 -
88 Synthegravese313
Chapitre 9 - Typologie des marqueurs preacutedicatifs317
91 Problegravemes terminologiques318
92 La typologie des seacutelecteurs de Mous (2005)320
93 Eacutebauche dune typologie des marqueurs preacutedicatifs322
931 Organisation322
932 Neacutecessiteacute324
933 Cateacutegories exprimeacutees325
934 Position327
935 Forme328
936 Statut morphosyntaxique329
937 Origine329
94 Les marqueurs preacutedicatifs du wolof330
Conclusion de la Partie II333
Partie III Lorganisation du systegraveme de preacutedication verbale du wolof337
Chapitre 10 - Approche constructionnelle de larchitecture des langues339
101 Repreacutesentation des constructions339
102 Les principes cognitifs339
103 Les liens dheacuteritage entre les constructions340
104 Larchitecture de la langue343
105 Liens diachroniques et restructuration du reacuteseau346
Chapitre 11 - Les constructions agrave verbe auxiliaire349
111 La Construction agrave Verbe Auxiliaire349
112 La Construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire350
113 La Construction Imperfectif351
114 La Construction Focalisation du Verbe353
1141 Caracteacuteristiques formelles353
11411 Structure de la construction353
11412 Forme du MP354
1142 Analyse de la construction355
11421 Hypothegravese laquo da-fa raquo356
11422 Hypothegravese laquo def-a raquo358
1143 Synthegravese362
- 14 -
115 La Construction Passeacute Clitique364
116 Synthegravese365
Chapitre 12 - Les constructions agrave extraction369
121 La Construction Extraction369
122 La Construction Focalisation du Sujet372
123 La Construction Preacutesentatif373
1231 Caracteacuteristiques formelles et variations du MP376
1232 Un heacuteritage geacuteneacutetique378
1233 Hypothegravese de grammaticalisation380
1234 Synthegravese381
124 La Construction Focalisation du Compleacutement383
125 La Construction Relatif384
126 Les Constructions Temporelle et Hypotheacutetique387
127 Synthegravese388
Chapitre 13 - La polygrammaticalisation de lsquonarsquo393
131 Problegravemes dans lanalyse du marqueur preacutedicatif lsquonarsquo393
132 De la Focalisation du Verbe au Parfait394
1321 Analogie des formes des marqueurs preacutedicatifs396
1322 Identiteacute des paradigmes396
1323 Alignement syntaxique397
1324 Un processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique400
133 La Construction Futur401
134 La Construction Optatif402
1341 Les traces dun processus de grammaticalisation402
1342 Les eacutetapes de la grammaticalisations405
1343 Une grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute 411
1344 Synthegravese414
135 Synthegravese415
Chapitre 14 - Les constructions neacutegatives419
141 La Construction Parfait Neacutegatif419
142 La Construction Futur Neacutegatif422
143 La Construction Neacutegation Affixale425
144 La Construction Prohibitif426
1441 Caracteacuteristiques formelles426
- 15 -
1442 Analyse de la construction430
14421 Hypothegravese 1 le marqueur du Prohibitif est issu dun relativiseur431
14422 Hypothegravese 2 le marqueur du Prohibitif est issu dun verbe auxiliaire431
14423 Synthegravese436
145 Synthegravese436
Chapitre 15 - Inteacutegration et constructions non finies439
151 Finitude et inteacutegration439
1511 La notion de laquo finitude raquo439
1512 Finitude en wolof441
152 Les constructions agrave extraction442
153 La Construction Subjonctif-Conseacutecutif444
154 La Construction Infinitif445
155 La construction Impeacuteratif448
156 Synthegravese449
Conclusion de la Partie III451
Partie IV Eacutetude comparative de la preacutedication verbale des langues atlantiques459
Chapitre 16 - Locatif preacutesentatif et progressif dans les langues atlantiques463
161 Structure des constructions463
162 Statut du marqueur472
163 Forme du marqueur475
164 Origine de la construction485
1641 Un heacuteritage geacuteneacutetique485
1642 Grammaticalisation et hypothegraveses de reconstruction491
Chapitre 17 - Les autres cateacutegories verbales des langues atlantiques493
171 Les marques personnelles493
172 Infinitif et nom verbal495
173 Le marqueur de passeacute498
174 Lexpression de la neacutegation499
175 Minimal aoriste narratif et subjonctif502
176 Autres distinctions encodeacutees dans la conjugaison504
1761 Distinctions aspecto-temporelles505
17611 Lopposition perfectif imperfectif505
17612 Lhabituel506
- 16 -
17613 Le futur507
1762 Formes verbales inteacutegratives marqueacutees509
17621 Marques dinteacutegration509
17622 Emplois des formes verbales inteacutegratives marqueacutees511
1763 Focalisation513
17631 Porteacutee du focus514
17632 Reacutealisation du focus514
Chapitre 18 - Les peacuteriphrases verbales des langues atlantiques519
181 Cateacutegories encodeacutees par les constructions agrave auxiliaire519
182 Constructions agrave amalgame auxiliaire-personne522
183 Les patrons flexionnels523
1831 Patron agrave tecircte auxiliaire524
1832 Patron agrave tecircte lexicale525
1833 Patrons scindeacutes525
184 Synthegravese526
Conclusion de la Partie IV527
Conclusion531
Bibliographie537
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- 18 -
TTABLEABLE DESDES FIGURESFIGURES
Figure 01 - Structure symbolique dune construction35
Figure 02 - Localisation des principaux anciens royaumes wolof40
Figure 03 - Reacutepartition des wolophones en Seacuteneacutegambie40
Figure 04 - Classification des langues atlantiques selon Wilson (1989)43
Figure 05 - Classification des langues atlantiques selon Pozdniakov amp Segerer45
Figure 21 - Cateacutegories pragmatiques selon Lambrecht (1994)136
Figure 31 - Classification des oppositions aspectuelles180
Figure 61 - Origine et eacutevolution des constructions agrave verbe auxiliaire selon Anderson (2006)276
Figure 101 - Heacuteritage entre constructions341
Figure 102 - Heacuteritage multiple341
Figure 103 - Lien dInstanciation342
Figure 104 - Lien de Sous-partie342
Figure 105 - Lien de Polyseacutemie343
Figure 106 - Lien dextension Meacutetaphorique343
Figure 107 - Repreacutesentation partielle du reacuteseau des types de proposition en franccedilais344
Figure 108 - Exemple de construction agrave plusieurs parents en franccedilais344
Figure 109 - Reacuteseau taxonomique345
Figure 1010 - Reacuteseau eacutetendu345
Figure 1011 - Champ de constructions346
Figure 1012 - Lien Diachronique347
Figure 111 - Reacuteseau des constructions agrave verbe auxiliaire367
Figure 121 - Reacuteseau des constructions agrave extraction391
Figure 131 - Eacutetapes reconstitueacutees de la grammaticalisation de lOptatif410
Figure 132 - Polygrammaticalisation de lancienne construction Focalisation du Verbe418
Figure 141 - Reacuteseau des constructions neacutegatives438
Figure 151 - Reacuteseau des constructions non finies447
Figure III1 - Organisation fonctionnelle des constructions preacutedicatives en synchronie451
Figure III2 - Reacuteseau des constructions preacutedicatives455
Figure 161 - Structure du marqueur locatifprogressif dans les langues atlantiques475
- 19 -
- 20 -
LLISTEISTE DESDES TABLEAUXTABLEAUX
Tableau 01 - Inventaire consonantique46
Tableau 02 - Inventaire vocalique46
Tableau 03 - Regravegles de coalescence vocalique49
Tableau 04 - Normes orthographiques51
Tableau 05 - Reacutegulariteacutes de lalternance consonantique initiale53
Tableau 11 - Formes de limperfectif indicatif preacutesent actif en latin66
Tableau 12 - Traits du paradigme des verbes en wolof75
Tableau 13 - Formes de 1SG du verbe lekk (manger)75
Tableau 21 - Paradigme personnel du parfait78
Tableau 22 - Paradigme personnel du parfait neacutegatif82
Tableau 23 - Paradigme personnel du futur85
Tableau 24 - Formes du parfait et du futur affirmatif du verbe lekk (manger)87
Tableau 25 - Paradigme personnel du futur neacutegatif90
Tableau 26 - Formes du parfait neacutegatif et du futur neacutegatif du verbe lekk (manger)91
Tableau 27 - Idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur de futur neacutegatif92
Tableau 28 - Les trois paradigmes du futur neacutegatif passeacute93
Tableau 29 - Paradigme personnel de limpeacuteratif100
Tableau 210 - Reacutealisation du suffixe de limpeacuteratif100
Tableau 211 - Paradigme personnel de loptatif103
Tableau 212 - Paradigme personnel du prohibitif104
Tableau 213 - Paradigme personnel du minimal107
Tableau 214 - Inventaire des relativiseurs126
Tableau 215 - Paradigme personnel de la focalisation du sujet138
Tableau 216 - Paradigme personnel du preacutesentatif141
Tableau 217 - Paradigme personnel de la focalisation du compleacutement147
Tableau 218 - Paradigme personnel de la focalisation du verbe150
Tableau 219 - Paramegravetres des constructions focalisantes163
Tableau 31 - Expression de la neacutegation en wolof173
Tableau 32 - Statut du marqueur de passeacute (w)oon190
- 21 -
Tableau 33 - Liste des suffixes de voix197
Tableau 41 - Inventaire des pronoms personnels206
Tableau 42 - Inventaire des pronoms personnels forts209
Tableau 43 - Inventaire des pronoms forts non personnels210
Tableau 44 - Inventaire des pronoms sujets213
Tableau 45 - Syntaxe et morphologie des affixes pronominaux216
Tableau 46 - Statut des pronoms sujets217
Tableau 47 - Inventaire des pronoms objets218
Tableau 48 - Inventaire des schegravemes de preacutedication227
Tableau I1 - Paradigmes de conjugaison du wolof231
Tableau 51 - Inventaire des marqueurs preacutedicatifs239
Tableau 52 - Distinctions entre Affixe Clitique et Mot241
Tableau 53 - Statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs253
Tableau 54 - Formes du 1SG imperfectif actif du verbe latin facio (faire)254
Tableau 55 - Formes syntheacutetiques et peacuteriphrastiques du verbe lekk (manger)255
Tableau 56 - Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique des peacuteriphrases verbales du wolof263
Tableau 57 - Inteacutegration des peacuteriphrases verbales au paradigme flexionnel264
Tableau 58 - Les peacuteriphrases verbales du wolof selon la typologie canonique268
Tableau 61 - Chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM selon Heine (1993)275
Tableau 62 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs282
Tableau 63 - Les constructions agrave auxiliaire du wolof selon la deacutefinition panchronique285
Tableau 71 - Les patrons flexionnels selon Anderson (2006)292
Tableau 72 - Patrons flexionnels des constructions agrave auxiliaire du wolof299
Tableau 81 - Formes verbales des compleacutements phrastiques en wolof305
Tableau 82 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn verbe]313
Tableau 83 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn auxiliaire]314
Tableau 84 - Typologie des verbes en wolof315
Tableau 91 - Cateacutegories pouvant ecirctre exprimeacutees par des MP dans la typologie de Mous (2005)321
Tableau 92 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en mandinka323
Tableau 93 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en koyra chiini324
Tableau 111 - Variantes du paradigme personnel de la Focalisation du Verbe355
Tableau 112 - Paradigme personnel de la Focalisation du Verbe selon Boilat (1858)356
Tableau 113 - Paradigme personnel de la Focalisation du Verbe selon Kobegraves (1869)358
Tableau 114 - Structure du MP de la Focalisation du Verbe360
- 22 -
Tableau 121 - Analogie des paradigmes personnels
des constructions Focalisation du Sujet et Preacutesentatif374
Tableau 122 - Analogie des paradigmes personnels
des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Preacutesentatif375
Tableau 123 - Freacutequences des variantes des pronoms sujet au Preacutesentatif377
Tableau 124 - Caracteacuteristiques formelles des constructions Focus et Relatif389
Tableau 131 - Affixes sujets lieacutes aux marqueurs preacutedicatifs la et na397
Tableau 132 - Paradigme personnel de la Focalisation du Sujet397
Tableau 141 - Comparaison du paradigme personnel du Parfait Neacutegatif avec celui du Parfait420
Tableau 142 - Comparaison du paradigme personnel
du Futur Neacutegatif avec ceux du Futur et du Parfait Neacutegatif423
Tableau 143 - Comparaison du paradigme personnel
du Futur Neacutegatif avec celui des Subordonneacutees Hypotheacutetiques et Temporelles425
Tableau 144 - Comparaison des paradigmes personnels
du Prohibitif avec ceux de lOptatif de lImpeacuteratif du Parfait Neacutegatif et du Relatif428
Tableau 151 - Finitude des constructions agrave extraction du wolof443
Tableau IV1 - Convention de transcription utiliseacutee pour les langues atlantiques461
Tableau 161 - Structure des constructions locative et preacutesentativeprogressive
dans plusieurs langues atlantiques471
Tableau 162 - Origine des pronoms locatifs en sereer478
Tableau 163 - Forme du marqueur locatifprogressif dans plusieurs langues atlantiques484
Tableau 171 - Deacuterivation des formes 2PL agrave partir des formes 2SG en wolof494
Tableau 172 - Infinitif et classe(s) nominale(s) dans plusieurs langues atlantiques497
Tableau 173 - Forme de la marque de passeacute dans plusieurs langues atlantiques498
Tableau 174 - Expression de la neacutegation dans plusieurs langues atlantiques500
Tableau 175 - Emplois du minimal dans plusieurs langues atlantiques503
Tableau 176 - Expression de lhabituel et du futur dans plusieurs langues atlantiques508
Tableau 177 - Suffixes des formes inteacutegratives en pulaar510
Tableau 178 - Formes verbales inteacutegratives dans plusieurs langues atlantiques512
Tableau 179 - Constructions focalisantes dans plusieurs langues atlantiques513
Tableau 181 - Cateacutegories encodeacutees par les MP dans plusieurs langues atlantiques520
Tableau 182 - Amalgames auxiliaire-personne dans plusieurs langues atlantiques523
- 23 -
- 24 -
GGLOSESLOSES amp A amp ABREacuteVIATIONSBREacuteVIATIONS
1 Principes geacuteneacuteraux de preacutesentations des exemples
Nous respectons les Leipzig Glossing Rules1 proposeacutees par le Deacutepartement de Linguistique de
lInstitut Max Planck et le Deacutepartement de Linguistique de lUniversiteacute de Leipzig
Nous nous eacutecartons de ces regravegles dans la notation des clitiques en wolof Dans cette langue un
grand nombre de mots grammaticaux sont des clitiques Ainsi pour des raisons de lisibiliteacute nous
avons utiliseacute la notation suivante si le clitique est seacutepareacute de son hocircte dans lorthographe alors il est
preacuteceacutedeacute dun signe eacutegal (=) et aligneacute avec sa glose si le clitique et son hocircte sont eacutecrit en un seul
mot dans lorthographe alors ils sont uniquement seacutepareacutes par un signe eacutegal (=)
Ex Omar a koy gis
Omar =a =ko=y gis
Omar =FOCS =O3SG=IPF voir
lsquoCest Omar qui le voitrsquo
2 Notation des classes nominales
Pour la notation des classes nominales nous avons suivi les normes utiliseacutees par Creissels (2014)
pour les langues atlantiques Ainsi pour le wolof le marqueur de classe est gloseacute CL suivi de la
consonne speacutecifique agrave ce marqueur en minuscule
Ex cin =l-i a-b teacuteere fas w-u weex
marmite =CLl-DFPX IDF-CLb livre cheval CLw-REL ecirctre_blanc
lsquola marmitersquo lsquoun livrersquo lsquocheval blancrsquo
En wolof il existe une cateacutegorie de marqueurs que nous appelons laquo classes fonctionnelles raquo Ces
marqueurs sont susceptibles de rentrer dans les mecircmes types de constructions que les autres
marqueurs mais ne constituent pas agrave proprement parler des classes nominales puisque aucun nom
nappartient agrave lune de ces classes Ces marqueurs sont gloseacutes CL suivi de labreacuteviation
1 Version reacuteviseacutee de feacutevrier 2008 lthttpwwwevampgdelinguaresourcesglossing-rulesphpgt
- 25 -
correspondante au sens quils expriment
Ex F-an =la dem
CLLOC-Q =FOCCS3SG partir
lsquoOugrave est-il alleacute rsquo
Enfin en plus de leur rocircle dans la classification des substantifs certains marqueurs de classe
nominale ont un sens speacutecifique Ils peuvent ecirctre utiliseacutes dans des contextes ougrave ils ne renvoient agrave
aucun nom speacutecifique Ainsi leur fonctionnement les rapproche des classes fonctionnelles Dans
ces contextes nous avons donc deacutecideacute de ne pas les noter comme des classes nominales mais plutocirct
dutiliser la notation des classes fonctionnelles cest-agrave-dire quils sont gloseacutes CL suivi de labreacuteviation
correspondante au sens quils expriment
Ex L-an =la=y def
CLCHSG-Q =FOCCS3SG=IPF faire
lsquoQue fait-il rsquo
3 Liste des abreacuteviations
Les gloses utiliseacutees sont essentiellement issues de la liste des abreacuteviations standards des Leipzig
Glossing Rules etou de la liste de gloses proposeacutee par le projet CorpTypo2 Dans le cas ougrave
labreacuteviation seacuteloigne trop du mot correspondant en franccedilais nous avons emprunteacute les abreacuteviations
de Creissels (2006a xiii-xviii) Lorsque labreacuteviation correspond agrave une cateacutegorie eacutetudieacutee dans ce
travail nous avons ajouteacute entre parenthegravese le numeacutero de la section ougrave cette cateacutegorie est deacutecrite
1 premiegravere personne
2 deuxiegraveme personne
3 troisiegraveme personne
AGT agentif agent
ALT alteacuteriteacute (421)
ANAPH anaphorique
AND andatif
ANT anteacuterieur (333)
ANTIP antipassif
APPL applicatif
ASP aspect (14)
ATR advanced tongue root
AUX auxiliaire (623)
BEN beacuteneacutefactif
CAUS causatif
CH chose (41)
CL marque de classe nominale (41)
COMP compleacutementeur (87)
2 Projet de recherche sur constitution et lannotation de corpus oraux pour des recherches typologiqueslthttpcortypohuma-numfrgt
- 26 -
COMPL compleacutetive
COND conditionnel (334)
COP copule
C-PRED construction preacutedicative (131)
DEIC deacuteictique
DEM deacutemonstratif
DEP marque de deacutependancesubordination
DET deacuteterminant
DF deacutefini
DT distal (deixis) (41)
DV deacutependance verbale (243)
EMPH particule emphatique
EXCL exclusif (1PL)
EXPL expleacutetif
FOC focus focalisation
FOCC focalisation du compleacutement (254)
FOCS focalisation du sujet (252)
FOCV focalisation du verbe (255)
FUT futur (22)
GEN geacutenitif
GER geacuterondif
HAB habituel
HUM humain (41)
HYP subordonneacutee subordonnant
hypotheacutetique (245)
IDEO ideacuteophone
IDF indeacutefini
IMP impeacuteratif (231)
IMPS voix impersonnelle (43)
INCL inclusif (1PL)
INDET indeacutetermineacute
INF infinitif (243)
INGR ingressif
INTR intransitif
INV inversif
IPF imperfectif (~inaccompli) (32)
IRR irrealis
ITER iteacuteratif
litt litteacuteralement
LOC locatif (41)
M masculin
MD meacutedial (deixis)
MNR maniegravere (41)
MOY voix moyenne (34)
MP marqueur preacutedicatif (51)
N neutre
na non attesteacute
NEG neacutegation (31)
NPAS non passeacute (33)
NREF non reacutefeacuterentiel (244)
O pronom objet (423)
OBJ objet
OBLIG obligatif
OPT optatif (232)
PAS passeacute (331)
PASR passeacute reculeacute (332)
PAT patient
PERS personne (14)
PF perfectif (~accompli) (32)
PL pluriel
POL polariteacute (14)
POSS possessif
POSTP postposition
PRED preacutedicat
PRO pronom fort (421)
PRF parfait (21)
PROH prohibitif (233)
PRST preacutesentatif (253)
- 27 -
PRTF partitif (423)
PX proximal (deixis) (41)
Q interrogatif
RECP reacuteciproque (34)
REF reacutefeacuterentiel (244)
REL relativiseur relatif
S indice ou pronom sujet (422)
SG singulier
SING singulatif (421)
SUBJ subjonctif (242)
SUJ sujet
TEMP subordonneacutee subordonnant
temporel (245)
TIRV tiroir verbal (14)
TOP topique
TOT totaliseur (421)
TPS temps (14)
TR transitif
TAM temps aspect mode
V verbe
VEN veacutenitif
V-INF construction infinitivale (5231)
- 28 -
INTRODUCTIONINTRODUCTION
01 Objectifs
Le wolof est une langue dAfrique de lOuest parleacutee essentiellement au Seacuteneacutegal en Gambie et au
sud de la Mauritanie Elle appartient agrave la famille atlantique du phylum Niger-Congo La
conjugaison et dune maniegravere plus geacuteneacuterale le systegraveme de preacutedication verbale est lun des points les
plus eacutetudieacutes de cette langue En effet depuis la premiegravere grammaire du wolof (Dard 1826) jusquagrave la
grammaire de Diouf (2009) en passant par des travaux de reacutefeacuterence comme Dialo (1981a) Church
(1981) ou Robert (1991) ce sont plus dune douzaine danalyses diffeacuterant agrave des degreacutes divers qui
ont eacuteteacute proposeacutees pour le systegraveme de preacutedication verbale du wolof
Lobjectif principal de notre travail nest pas de proposer une nouvelle analyse de la conjugaison
et du systegraveme de preacutedication verbale du wolof mais plutocirct de situer les constructions verbales du
wolof dans une perspective typologique Cet objectif geacuteneacuteral peut se deacutecliner en plusieurs objectifs
preacutecis Premiegraverement nous nous donnons pour objectif de proposer une description syntheacutetique du
systegraveme de preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant sur les
travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Par ailleurs nous aspirons aussi agrave montrer
linteacuterecirct des donneacutees du wolof dans le cadre de la typologie linguistique et la linguistique geacuteneacuterale
notamment pour leacutetude des peacuteriphrases des auxiliaires et de lauxiliation
Nous nous fixons eacutegalement un second objectif agrave savoir celui de rendre compte de lorganisation
du systegraveme de preacutedication verbale du wolof en nous fondant sur lapproche constructionnelle Les
constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes
mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute dinformations Certains regroupements savegraverent
neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre constructions Le cadre fourni
par les grammaires de construction permet de rendre compte de faccedilon relativement simple et claire
des liens entre les constructions verbales du wolof
Enfin notre dernier objectif est de proposer une analyse comparative des constructions verbales
des langues atlantiques afin de deacuteterminer notamment ce qui dans la conjugaison du wolof est issu
du proto-atlantique
- 29 -
02 Cadre theacuteorique
021 Une approche typologique
Dans ce travail nous adoptons une approche typologique Par laquo approche typologique raquo nous
faisons reacutefeacuterence agrave lapproche deacuteveloppeacutee notamment par Croft (1990) Haspelmath (2001)
Creissels (2006a 2006b) ou Shopen (2007) La typologie linguistique peut ecirctre deacutefinie comme
laquo leacutetude systeacutematique de la variation de la structure des langues et des limites de cette variation raquo3
(Comrie et al 2013) Ainsi la diversiteacute des langues (ou diversiteacute translinguistique4) constitue le
cœur de leacutetude typologique En outre lapproche typologique est intimement lieacutee agrave la linguistique
descriptive En ce sens nous pouvons consideacuterer que la Theacuteorie Linguistique de Base (Basic
Linguistic Theory) deacuteveloppeacutee par Dixon (2010) sinscrit eacutegalement dans une approche typologique
Fournir une preacutesentation geacuteneacuterale et deacutetailleacutee de la ou des approches typologiques deacutepasse
largement le cadre de cette section Pour cela nous renvoyons le lecteur agrave louvrage de Croft (1990)
aux premiers chapitres des ouvrages eacutediteacutes par Haspelmath (2001) ou encore agrave larticle de Lazard
(1998) Lobjectif de cette section est de preacutesenter les eacuteleacutements de lapproche typologique pertinents
pour appreacutehender notre travail
0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme
Un grand nombre de travaux typologiques posent une dichotomie entre fonctionnalisme et
formalisme La typologie serait intimement lieacutee au fonctionnalisme au point de parler dapproche
typologico-fonctionnelle (functional-typological approach) Elle sopposerait agrave lapproche formelle
deacutefendue par leacutecole chomskyenne Cette vision est notamment deacutefendue par Croft (1990) ou Givoacuten
(1990 2001)
Suivant Creissels (2006a 3-5) nous rejetons cette dichotomie dont les termes ont eacuteteacute mal
poseacutes En effet elle repose sur une confusion entre laquo formalisme raquo laquo grammaire geacuteneacuterative raquo et
laquo grammaire geacuteneacuterative transformationnelle raquo Ces trois termes bien que plus ou moins lieacutes les uns
aux autres ne sont pas assimilables La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle cest-agrave-dire
3 laquo the systematic study of the ways in which the languages of the world vary structurally and of the limits to thisvariation raquo
4 Nous employons le terme laquo translinguistique raquo comme un eacutequivalent du terme laquo cross-linguistic raquo Nous preacutefeacuteronseacuteviter le terme laquo interlinguistique raquo en raison de son utilisation en sciences du langage pour deacutesigner des notionstregraves diffeacuterentes
- 30 -
lensemble des theacuteories deacuteveloppeacutees au sein de leacutecole chomskyenne (Theacuteorie du Gouvernement et
du Liage Programme Minimaliste) ne constitue quune partie des theacuteories geacuteneacuterativistes Agrave partir
de la fin des anneacutees 1970 des courants proposant des grammaires geacuteneacuteratives non
transformationnelles ont commenceacute agrave eacutemerger Cest notamment le cas de la Grammaire
Syntagmatique guideacutee par les Tecirctes (Head-driven Phrase Structure Grammar) Par ailleurs les
grammaires geacuteneacuteratives ne sont pas les seules theacuteories formelles Par exemple la Theacuteorie Sens-
Texte (Meaning-Text Theory) propose un modegravele formel dans le cadre des grammaires de
deacutependance En outre laquo il existe des theacuteories notamment celles deacuteveloppeacutees autour de Dik
(Functional Grammar) et de Van Valin (Role and Reference Grammar) qui saffichent comme
lsquofonctionnalistesrsquo tout en proposant une preacutecision dans la formalisation largement supeacuterieure agrave ce
quon trouve dans le courant chomskyen raquo (Creissels 2006a 3-5)
Il ny a donc aucune incompatibiliteacute theacuteorique reacuteelle entre laquo fonctionnalisme raquo et laquo formalisme raquo
Au sens strict le formalisme peut ecirctre entendu comme laquo le souci de proposer des descriptions aussi
preacutecises explicites et logiquement coheacuterentes que possible raquo (Creissels 2006a 4) Ainsi ces deux
approches ne sopposent pas mais sont plutocirct compleacutementaires
Ainsi nous consideacuterons que lapproche typologique ne sinscrit pas neacutecessairement dans un cadre
fonctionnaliste strict et ne soppose pas neacutecessairement aux theacuteories proposant des formalisations
Il ny a aucune opposition de principe entre typologie et formalisation
0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques
Dans ce travail nous adoptons la mecircme approche eacuteclectique que Creissels (2006a 2006b) Cette
approche laquo consiste agrave examiner agrave la fois dune part les descriptions de langues aussi varieacutees que
possible dautre part les propositions de theacuteoriciens dorientations diverses pour essayer de deacutegager
les notions qui dans leacutetat actuel des choses semblent permettre de rendre compte de faccedilon optimale
des connaissances deacutejagrave acquises sur la diversiteacute des structures syntaxiques des langues sans perdre
de vue bien sucircr la neacutecessiteacute dinteacutegrer ces notions en une synthegravese coheacuterente raquo (Creissels 2006a 2)
Dans les faits la plupart des travaux relevant de la typologie ou de la linguistique descriptive
adoptent ce type dapproche
Cette approche en ne sinscrivant explicitement dans aucun cadre theacuteorique preacutecis est parfois
preacutesenteacutee comme laquo atheacuteorique raquo par ceux qui lemploient Cependant selon Dryer (2006) cette
approche correspond en fait agrave celle de la Theacuteorie Linguistique de Base (Basic Linguistic Theory)
deacuteveloppeacutee par Dixon (2010) Mecircme sils ne le disent pas explicitement la plupart des typologues
- 31 -
travaillent de facto dans le cadre de cette theacuteorie Ainsi selon Creissels (2015b 20)
laquo Une caracteacuteristique essentielle de la theacuteorie linguistique de base est son caractegravere
cumulatif Elle a eacutemergeacute de la pratique de la description des langues de plus en plus
nombreuses et diverses et chaque description dune nouvelle langue est susceptible de
lenrichir On insiste souvent sur les querelles theacuteoriques en linguistique mais si on observe
la pratique de la description des langues ce qui frappe au contraire cest la convergence
remarquable entre des descripteurs qui pourtant dans lensemble ne sont pas
particuliegraverement soucieux dexpliquer leur cadre theacuteorique (et qui preacutetendent mecircme
souvent ne pas en avoir) Le meacuterite de Dixon et de quelques autres theacuteoriciens se situant
dans la mecircme perspective a eacuteteacute de tenter dexpliciter cette convergence ainsi que la
coheacuterence theacuteorique qui la sous-tend raquo
Ainsi la Theacuteorie Linguistique de Base correspond agrave lapproche adopteacutee de facto par la plupart
des typologues et des linguistes pratiquant la description de langues Le rocircle de Dixon (2010) a eacuteteacute
de deacutevelopper cette approche de maniegravere explicite et systeacutematique
Notre travail sinscrit donc essentiellement dans le cadre de cette theacuteorie notamment pour les
Parties I II et IV Dans la Partie III nous adoptons une approche constructionnelle Ces deux
approches ne sopposent pas mais sont compleacutementaires (sect 022)
0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique
Dans le cadre dune eacutetude typologique il est neacutecessaire de sassurer de la comparabiliteacute des
donneacutees (Croft 1990 11-18) laquo Chaque langue dispose de sa propre seacutelection de notions
grammaticaliseacutees et sa maniegravere speacutecifique de les organiser en un systegraveme grammatical Mais il y a
des similitudes entre les systegravemes grammaticaux raquo (Lazard 1992 58) La question quon est alors
tenu de se poser est la suivante existe-t-il des cateacutegories translinguistiques Suivant Lazard (1992)
et Haspelmath (2010) nous consideacuterons quil nexiste pas agrave proprement parler de cateacutegories
translinguistiques mais plutocirct laquo des notions invariantes autour desquelles les cateacutegories des langues
particuliegraveres en quelque sorte se cristalliseraient preacutefeacuterentiellement raquo (Lazard 1992 61)
Chaque langue dispose de ses propres cateacutegories Pour deacutecrire une langue le linguiste doit creacuteer
un ensemble de cateacutegories descriptives adeacutequates (Haspelmath 2010 664) Ces cateacutegories sont
souvent similaires dune langue agrave lautre laquo Mais cette ressemblance nest jamais une identiteacute raquo
(Lazard 1992 59) Consideacuterer que la mecircme cateacutegorie est commune agrave plusieurs langues ne permet
- 32 -
pas de rendre compte des similitudes et des diffeacuterences entre ces langues (Haspelmath 2010 664)
Ainsi le typologue doit agrave la fois prendre en compte la speacutecificiteacute des langues particuliegraveres
(diffeacuterences entre les cateacutegories grammaticales agrave travers les langues) et deacutepasser ces diffeacuterences
pour permettre la comparaison Pour ce faire il convient dutiliser ce que Haspelmath (2010)
appelle des laquo concepts comparatifs raquo
Les concepts comparatifs sont des concepts creacuteeacutes par le linguiste dans le but preacutecis deffectuer
des comparaisons translinguistiques Agrave la diffeacuterences des cateacutegories descriptives les concepts
comparatifs ne sont pas lieacutes au systegraveme grammatical dune langue particuliegravere En outre les
concepts comparatifs sont souvent nommeacutes de la mecircme faccedilon que les cateacutegories descriptives mais
leur relation nest pas biunivoque Un concept comparatif peut preacutesenter un ensemble de proprieacuteteacutes
plus large que la cateacutegorie descriptive laquo correspondante raquo dans une langue donneacutee et inversement
la cateacutegorie descriptive dune langue peut correspondre agrave plusieurs concepts comparatifs Enfin les
concepts comparatifs sont universellement applicables et sont deacutefinis sur la base dautres concepts
universellement applicables concepts seacutemantico-conceptuels universels concepts formels
geacuteneacuteraux et autres concepts comparatifs (Haspelmath 2010 665)
0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie
Depuis Saussure (1916 114-140) la linguistique a coutume de nettement seacuteparer lapproche
synchronique de lapproche diachronique Selon cet auteur ces deux approches reposent sur des
meacutethodologies et des objectifs distincts Neacuteanmoins si cette distinction semble bien convenir agrave une
eacutetude purement descriptive (reacutedaction de grammaire description dun aspect preacutecis dune langue
etc) elle ne doit pas ecirctre perccedilue comme une barriegravere theacuteorique infranchissable De fait le recours agrave
la diachronie savegravere souvent indispensable pour expliquer les proprieacuteteacutes de certaines constructions
ou la place quelle occupe au sein de la langue
Comme le note Bybee (2010 110) les constructions dune langue sont le reacutesultat de plusieurs
changements ayant eu lieu au cours de leacutevolution de cette langue Elles peuvent donc preacutesenter
plusieurs proprieacuteteacutes idiosyncrasiques en synchronie qui ne peuvent ecirctre expliqueacutees sans avoir
recours agrave la diachronie Dune maniegravere geacuteneacuterale la diachronie peut ecirctre prise en compte pour
expliquer des situations observables en synchronie laquo les langues sont en perpeacutetuel changement ce
qui autorise agrave penser que si un type dorganisation est peu ou pas du tout attesteacute cest probablement
parce quil nest pas laboutissement dun type freacutequent de changement linguistique alors que les
types dorganisation particuliegraverement bien attesteacutes doivent constituer laboutissement de
- 33 -
changements qui tendent agrave se produire freacutequemment dans lhistoire raquo (Creissels 2006a 6)
Les travaux eacutelaboreacutes dans le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation ont permis de montrer
quil existe des reacutegulariteacutes dans les changements grammaticaux expliquant ainsi pourquoi certains
types dorganisation sont largement attesteacutes alors que dautres semblent napparaicirctre dans aucune
langue (Bybee 1988 Bybee et al 1994 Heine amp Kuteva 2002) Par exemple dans les langues
posseacutedant une syntaxe rigide le verbe est soit en position initiale soit en position finale soit situeacute
apregraves un (plus rarement deux) eacuteleacutements de la constructions mais il nexiste aucune langue ougrave il soit
situeacute en position peacutenultiegraveme (Creissels 2006a 6)
Plusieurs travaux eacutelaboreacutes notamment dans le cadre de la linguistique cognitive considegraverent la
langue comme un systegraveme complexe adaptatif (Ellis amp Larsen-Freeman 2009) Selon cette
approche la langue est un systegraveme en perpeacutetuelle eacutevolution faccedilonneacute par divers facteurs comme les
interactions sociales ou des processus cognitifs (Beckner et al 2009) Cette approche permet une
analyse unifieacutee des divers pheacutenomegravenes linguistiques qui semblent a priori non lieacutes les uns aux
autres Elle permet notamment dinteacutegrer les observations synchroniques avec les modegraveles
diachroniques (Bybee 2010 194) En effet la langue eacutetant un systegraveme en perpeacutetuelle eacutevolution il
semble a priori difficile de lanalyser sans prendre en compte les diverses eacutetapes de son eacutevolution
ainsi que les facteurs agrave lorigine de ces eacutetapes laquo le changement linguistique nest pas uniquement
un pheacutenomegravene peacuteripheacuterique que lon peut ajouter agrave une theacuteorie synchronique il faut consideacuterer que
la synchronie et la diachronie forment un tout raquo (Bybee 2010 105) Ainsi au delagrave du cadre de la
typologie seule la diachronie nous fournit des arguments pour expliquer le caractegravere arbitraire de
certaines constructions observables en synchronie (Bybee 2010 110)
022 Une approche constructionnelle
Comme nous lavons indiqueacute plus haut lapproche adopteacutee dans ce travail est essentiellement
typologique Neacuteanmoins dans la Partie III nous adoptons eacutegalement une approche
constructionnelle cest-agrave-dire que nous nous placcedilons dans le cadre des grammaires de construction
Ces deux approches ne sont pas incompatibles mais compleacutementaires5
Fournir une preacutesentation geacuteneacuterale et deacutetailleacutee des grammaires de construction deacutepasse largement
le cadre de cette section Pour cela nous renvoyons le lecteur agrave Goldberg (2003) Croft amp Cruse
(2004 Ch 10) Franccedilois (2008) ou Guignard (2012) Lobjectif de cette section est de preacutesenter les
5 Ainsi Croft (2001) ou Bybee (2010) adoptent explicitement les deux approches dans leurs travaux
- 34 -
eacuteleacutements de lapproche constructionnelle pertinents pour appreacutehender notre travail
0221 La notion de construction
La notion de laquo construction raquo constitue la notion centrale des grammaires de construction Une
construction est une uniteacute composeacutee dune forme et dun sens Cette notion est assez similaire agrave la
notion saussurienne de laquo signe linguistique raquo cest-agrave-dire la combinaison dun signifieacute (sens) et dun
signifiant (forme) (Saussure 1916 97-100) Neacuteanmoins la plupart des grammaires de construction
ajoutent eacutegalement un critegravere de non compositionnaliteacute Ainsi Goldberg (1995 4) propose la
deacutefinition suivante
laquo C est une construction si et seulement si C est une paire forme-sens ltFi Sigt telle que
certains aspects de Fi ou de Si ne sont pas strictement preacutedictibles agrave partir des parties qui
composent C ou agrave partir dautres constructions raquo
La forme dune construction englobe toutes ses proprieacuteteacutes formelles proprieacuteteacutes syntaxiques
proprieacuteteacutes morphologiques et proprieacuteteacutes phonologiques Le sens dune construction renvoie agrave
lensemble des aspects conventionnels lieacutes agrave sa fonction ce qui inclut ses proprieacuteteacutes seacutemantiques
ses proprieacuteteacutes pragmatiques et ses proprieacuteteacutes discursives (Croft 2001 18-19)
CONSTRUCTION
Proprieacuteteacutes syntaxiques
Proprieacuteteacutes morphologiques
Proprieacuteteacutes phonologiques
FORME
lien symbolique
Proprieacuteteacutes seacutemantiques
Proprieacuteteacutes pragmatiques
Proprieacuteteacutes discursives
SENS
Figure 01 - Structure symbolique dune construction
0222 Le continuum lexico-grammatical
Selon lapproche constructionnelle tous les niveaux de description doivent ecirctre analyseacutes comme
des constructions ce qui inclut la morphologie deacuterivationnelle et flexionnelle des uniteacutes lexicales
des phrasegravemes plus ou moins figeacutes des structures syntaxiques sans speacutecification lexicale ou encore
- 35 -
des cateacutegories syntaxiques abstraites (Goldberg 2003 219 Franccedilois 2008 7-8)
Le corollaire de cette position est quil ny a pas de diffeacuterence de nature entre le lexique les
structures phrastiques et les laquo regravegles grammaticales raquo Le savoir grammatical repreacutesente un
continuum agrave deux dimensions (Croft amp Cruse 2004 255-256 Guignard 2012 24-25) Dune part
on reconnaicirct un axe atomique-complexe Par exemple le mot table est une construction atomique
alors que le mot porte-avion est une construction complexe Dautre part on reconnaicirct un axe
substantiel-scheacutematique Par exemple le mot porte-avion est une construction substantielle cest-agrave-
dire entiegraverement instancieacutee En revanche laquo agrave condition de SV raquo est une construction partiellement
scheacutematique dont le SV nest pas speacutecifieacute
0223 La place des constructions dans la grammaire
La faccedilon dont les constructions sorganisent pour constituer la grammaire dune langue est une
question fondamentale pour lapproche constructionnelle Les constructions dune langue ne forment
pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement
structureacute dinformations (Goldberg 1995 5) Ce point sera traiteacute en deacutetail au Chapitre 10 Il sert de
base theacuteorique pour notre preacutesentation de lorganisation des constructions verbales du wolof
(Partie III)
0224 Une approche reacutealiste
Les grammaires de constructions adoptent une approche que Creissels (2006a 2) qualifie de
reacutealiste et que Goldberg (2003 219) qualifie de laquo what you see is what you get raquo Autrement dit
cette approche est non deacuterivationnelle et non transformationnelle
laquo Les reacutegulariteacutes dans la construction des phrases doivent se deacutecrire par reacutefeacuterence aux phrases
telles que nous les percevons et non pas comme le reacutesultat de la transformation de structures
syntaxiques abstraites dans lesquelles les mots pourraient ecirctre rangeacutes dans un ordre diffeacuterent de
celui quil est possible dobserver ou dans lesquelles des eacuteleacutements morphologiques figureraient
deacutetacheacutes du mot dont ils font partie raquo (Creissels 2006a 2) Nous ne ferons laquo pas non plus appel
pour expliquer les reacutegulariteacutes syntaxiques agrave la preacutesence deacuteleacutements lsquoeffaceacutesrsquo ou lsquoinvisiblesrsquo qui bien
que napparaissant pas dans les phrases telles quelles sont produites seraient susceptibles
drsquointeragir avec les autres eacuteleacutements de la phrase exactement comme pourrait le faire un mot
concret raquo (Creissels 2006a 2-3)
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0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles
Les grammaires de construction ne constituent pas un cadre theacuteorique unique mais plutocirct un
ensemble de theacuteories partageant plusieurs principes fondamentaux Parmi les grammaires de
construction on peut distinguer quatre grands courants (Croft amp Cruse 2004 Ch 10 Franccedilois
2008) la Grammaire de Construction par Unification (Unification Construction Grammar) ou
laquo Eacutecole de Berkeley raquo deacuteveloppeacutee par Fillmore amp Kay (1993) la Grammaire de Construction
Cognitive (Cognitive Construction Grammar) deacuteveloppeacutee par Lakoff (1987) et Goldberg (1995) la
Grammaire Cognitive (Cognitive Grammar) deacuteveloppeacutee par Langacker (2008) et la Grammaire de
Construction Radicale (Radical Construction Grammar) deacuteveloppeacutee par Croft (2001) Ces
diffeacuterents courants se distinguent sur plusieurs points (compositionnaliteacute rocircle de la polyseacutemie etc)
dont deux vont particuliegraverement nous inteacuteresser la diversiteacute translinguistique et la formalisation
La Grammaire de Construction Radicale (Croft 2001) est le seul courant agrave avoir explicitement
une viseacutee typologique Concernant la comparabiliteacute translinguistique Croft (2001) adopte la
position que nous avons preacutesenteacutee en (sect 0213) laquo Pour Croft aucun test syntaxique ne pourra
seacutelectionner toutes et rien que les entiteacutes quon pourrait vouloir appeler verbes noms adjectifs
sujets objets etc agrave travers les langues Les geacuteneacuteralisations existantes sont deacutetermineacutees par la
motivation fonctionnelle agrave laquelle les constructions de chaque langue sont soumises raquo (Franccedilois
2008 12) De fait Goldberg (1995) approuve explicitement cette position (Franccedilois 2008 12)
Concernant la formalisation on constate de grandes divergences dun courant agrave lautre Il ny a
pas de mode de repreacutesentation uniforme commun agrave toutes les grammaires de construction La
Grammaire de Construction par Unification fait une utilisation systeacutematique dun mode de
repreacutesentation formel similaire agrave celui de HPSG structures de traits sous forme de matrices
attribut-valeur (Matthieu 2003) En revanche les autres courants nutilisent pas de formalisation
clairement deacutefinie Ils font usage de notations scheacutematiques plus ou moins formelles dans un but
dillustration
Lapproche adopteacutee dans notre eacutetude eacutetant essentiellement typologique nous nous placcedilons plutocirct
dans le cadre de la Grammaire de Construction Radicale (Croft 2001)
03 Corpus et sources des exemples
Comme la plupart des langues autochtones dAfrique subsaharienne le wolof est essentiellement
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une langue agrave tradition orale Ainsi malgreacute son importance deacutemographique et sociolinguistique
(sect 041) il existe relativement peu de textes eacutecrits dans cette langue En outre une part importante
des textes reacutedigeacutes en wolof est difficilement exploitable pour une analyse linguistique en raison de
lorthographe adopteacutee (sect 0445) Par ailleurs agrave lheure actuelle il nexiste pas de corpus de
reacutefeacuterence pour le wolof6
Pour ce travail notre corpus est constitueacute de plusieurs types de textes
bull Les recueils de contes de Ma Cisseacute (1994) et Diouf et al (2009) Nous avons exclu le
recueil de Kesteloot amp Dieng (1989) en raison de nombreuses erreurs de transcriptions7
bull Un recueil de poegravemes de Ndiaye (1999)
bull Un roman de Boubacar Boris Diop (Joacuteob 2003)
bull Le recueil de proverbes tregraves exhaustif compileacute par Shawyer (2009)
bull Les exemples issus du dictionnaire de Diouf (2003) Ces exemples sont issus dun large
corpus pluridialectal collecteacute sur le terrain
Agrave ces sources principales nous avons ajouteacute
bull Les exemples issus de travaux preacutesentant explicitement lorigine de leur corpus ainsi que la
deacutemarche adopteacutee pour le recueil etou la seacutelection Church (1981) Robert (1991) Fal
(1999)
bull Les exemples issus des autres travaux sur le wolof Nous utilisons ces exemples
essentiellement pour illustrer les analyses deacutefendues par leurs auteurs
bull Des textes traduits en wolof la Bible la laquo Deacuteclaration Universelles des Droits de
lHomme raquo (Organisation des Nations Unies 1998) un roman de Camara Laye (Laay 2007)
bull Des eacutenonceacutes obtenus par eacutelicitation aupregraves de nos informateurs Nous utilisons ce type
deacutenonceacutes uniquement pour controcircler la grammaticaliteacute de formes non attesteacutees dans notre
corpus
Nous illustrons nos arguments et analyses essentiellement avec des exemples issus de Diouf
(2003) Il sagit dun choix pragmatique ces exemples sont fiables et relativement courts Tous ces
exemples ont eacuteteacute veacuterifieacutes par nos informateurs
6 Il nexiste pas de corpus comparable au Corpus Bambara de Reacutefeacuterence (httpcormandhuma-numfr)7 La 3e eacutedition revue et corrigeacutee par Jean-Leacuteopold Diouf (Kesteloot amp Dieng 2015) est parue trop tardivement pour
ecirctre inteacutegreacutee agrave notre corpus
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Concernant les autres langues les donneacutees sont essentiellement issues de descriptions
grammaticales deacutetailleacutees (grammaires de reacutefeacuterences) Pour les langues bien documenteacutees nous
utilisons eacutegalement des donneacutees issues darticles reacutedigeacutes par des speacutecialistes de la langue en
question et traitant speacutecifiquement des points que nous preacutesentons mais si possible en
compleacutement dune description complegravete de la langue Les sources de troisiegraveme main (ex travaux
typologiques citant des grammaires) ne sont jamais exploiteacutees telles quelles Les donneacutees sont
veacuterifieacutees (voir reacuteanalyseacutees) agrave partir de la source originelle
04 La langue wolof
041 Situation actuelle
Le wolof est une langue essentiellement parleacutee en Seacuteneacutegambie Seacuteneacutegal Gambie sud de la
Mauritanie On trouve eacutegalement dimportantes communauteacutes au Mali en Guineacutee en Cocircte dIvoire
au Gabon en France et aux Eacutetats-Unis (Ka 2001 816) Au Seacuteneacutegal la langue est principalement
parleacutee dans les reacutegions issues des anciens royaumes wolof (Cayor Djolof Baol Walo et Saloum8)
cest-agrave-dire sur la cocircte atlantique entre Dakar et Saint-Louis sur la Petite-Cocircte ainsi quau nord-
ouest du fleuve Gambie (Figures 029 amp 0310)
Selon Lewis et al (2013) le wolof est la principale langue du Seacuteneacutegal En 2006 elle compterait
3 976 500 locuteurs natifs dont 3930000 au Seacuteneacutegal et 12 000 en Mauritanie auxquels il convient
dajouter les 185000 locuteurs du dialecte de Gambie Leclerc (2014)11 donne des chiffres
relativement proches Selon lui il y aurait 5208000 wolophones12 au Seacuteneacutegal (repreacutesentant 397
de la population) 225 790 en Gambie (repreacutesentant 179 de la population) et 15000 en
Mauritanie (repreacutesentant 04 de la population)
8 Le nom de ces royaumes en wolof est respectivement Kajoor Jolof Bawol Waalo et Saalum9 Extrait de Diop (1981 6)10 Extrait de Fal et al (1990 6)11 cf les pages
lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquesenegalhtmgt actualiseacutee le 5 feacutevrier 2013 lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquegambiehtmgt actualiseacutee le 27 avril 2010 lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquemauritaniehtmgt actualiseacutee le 28 avril 2010
12 Suivant Leacuteopold Seacutedar Senghor (Dumont 1983 13) nous preacutefeacuterons la forme wolophone agrave la forme wolofophone
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Figure 03 - Reacutepartition des wolophones en Seacuteneacutegambie
Figure 02 - Localisation des principaux anciens royaumes wolof
Au Seacuteneacutegal le wolof sert de langue veacutehiculaire Leclerc (2014) estime quil est compris par plus
de 90 de la population totale du pays et est la principale langue utiliseacutee agrave la radio (70 des
eacutemissions des radios priveacutees sont en wolof) Ainsi on estime quenviron 10000000 de personnes
sont capables de parler le wolof
Dun point de vue politique le wolof nest la langue officielle daucun eacutetat Il jouit cependant du
statut de langue nationale au Seacuteneacutegal et en Mauritanie statut reconnu par la Constitution dans ces
deux pays
042 Variantes dialectales
La dialectologie du wolof reste un domaine relativement peu deacuteveloppeacute Certains auteurs placent
explicitement leurs travaux dans le cadre de leacutetude dun dialecte preacutecis comme le laquo parler du
Dyolof raquo pour Sauvageot (1965) ou le laquo wolof de Gambie raquo pour Njie (1982) Neacuteanmoins les
travaux reacuteellement dialectologiques restent peu nombreux
Selon Robert (2011 23-24) le wolof est une langue peu dialectaliseacutee Le seul dialecte
clairement identifiable serait le parler leacutebou utiliseacute dans la presquicircle du Cap-Vert Dans leacutetat actuel
de la langue la diffeacuterenciation sopeacutererait plus entre un laquo wolof des villes raquo idiome veacutehiculaire
parsemeacute demprunts franccedilais et ayant subi divers laquo simplifications raquo grammaticales (dont une
reacuteduction du nombre de classes nominales) et un laquo wolof des campagnes raquo idiome vernaculaire
consideacutereacute comme eacutetant grammaticalement et lexicalement plus laquo pur raquo13
Ka (2001 816) sil admet que la grammaire de la langue varie peu au sein de laire linguistique
affirme quil existe de nombreuses varieacuteteacutes reacutegionales ou dialectes dont les diffeacuterences sont surtout
phoneacutetiques et lexicales Il identifie quatre zones dialectales majeures Nord (comprenant les
dialectes du Djolof et du Walo) Central (comprenant les dialectes du Cayor et du Baol) Cap-Vert
(comprenant le dialecte leacutebou) et Saloum (comprenant le dialecte de Gambie) Il signale par
ailleurs que le dialecte du Cayor est consideacutereacute comme eacutetant le plus laquo pur raquo et constitue donc le
dialecte standard
Selon Drameacute (2012) si les diffeacuterences entre les varieacuteteacutes reacutegionales ne posent pas de problegraveme
dincompreacutehension elles doivent neacuteanmoins ecirctre traiteacutees comme des dialectes distincts Son analyse
phonologique et morphologique lui permet disoler clairement trois dialectes le wolof de Dakar le
faana-faana et le leacutebou Le wolof de Dakar constitue le dialecte veacutehiculaire parleacute dans les centres
13 Torrence (2013a 7) parle de wolof bu xoacuteot (wolof profond)
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urbains issu des brassages de population et marqueacute par de nombreux emprunts et par une tendance
agrave simplifier son systegraveme de classification nominale Le fanaa-fanaa est une variante dialectale du
Saloum dont les speacutecificiteacutes sont dues agrave son eacuteloignement geacuteographique son enclavement et la
seacutedentariteacute de ses locuteurs Le dialecte leacutebou constitue un ensemble de parlers reacutepartis dans la
reacutegion de Dakar
043 Classification
Dans toutes les classifications reacutecentes le wolof est classeacute dans la branche nord des langues
atlantiques Les langues atlantiques appartiennent agrave la famille Niger-Congo Elles laquo forment un
groupe dune quarantaine de langues parleacutees essentiellement le long de la cocircte de loceacutean Atlantique
du Seacuteneacutegal au Liberia raquo (Pozdniakov 2011 20) En se basant sur les listes Swadesh de 100 mots
dune trentaine de langues Sapir (1971) propose une classification interne de la famille atlantique
Cette classification sera en grande partie reprise par Wilson (1989) (Figure 04) et servira de base agrave
la plupart des classifications preacutesenteacutees dans la litteacuterature notamment Williamson amp Blench (2004)
et Lewis et al (2013)14
Agrave partir de Doneux (1975) et Wilson (1989) Williamson amp Blench (2004 32) reacutesument ainsi les
principales caracteacuteristiques linguistiques des langues atlantiques
1) Classification nominale Complegravete Preacutefixes originels Deacutegradeacutee renouvellement par
suffixes ou augments Alternance consonantique initiale avec conditionnement
grammatical
2) Deacuterivation verbale Reacutepandue
3) Pronoms Opposition inclusif exclusif freacutequente
4) Ordre des mots SVOX preacutepositions
5) Constituant nominal Geacuten + N N + Num N + Deacutem
14 Pour une preacutesentation complegravete des eacutetudes sur la famille atlantique voir lintroduction de Doneux (1991)
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Figure 04 - Classification des langues atlantiques selon Wilson (1989)
Nord
Seacuteneacutegambie
Cangin
Bak
Joola
Tenda
Peul
Sereer
Wolof
Laalaa Ndut
Fonyi Banjal
Seacuteneacutegal Oriental Guineacutee
Sud
Balant
Manjaku Pepel
Basari Bedik
Konyagi
Biafada Pajade
Buy
Nyun
Bijogo
Sua
Mel
Temne
Sherbro
Gola
Limba
Nalu Baga Foreacute
Le wolof respecte clairement la premiegravere caracteacuteristique puisquil dispose dune classification
nominale complegravete (Pozdniakov 1993 75-102)15 avec pour certains noms des preacutefixes deacutegradeacutes
renouveleacutes par des suffixes ou des augments comme pour jigeacuteen ji (la femme) qui semble contenir
un preacutefixe ji- renouveleacute par le deacuteterminant deacutefini postposeacute ji Il dispose eacutegalement pour certains
noms dune alternance consonantique initiale avec conditionnement grammatical po (jeu) fo
(jouer) beumlt (œil) geumlt (yeux) Il respecte eacutegalement la seconde caracteacuteristique puisquil dispose dun
grand nombre de suffixes de deacuterivations verbales (Ka 1981 13-52) Le wolof respecte eacutegalement la
quatriegraveme caracteacuteristique (sect 44) En revanche le wolof ne marque pas dopposition inclusif
exclusif dans son systegraveme pronominal16 et la construction du constituant nominal dans cette langue
ne respecte que partiellement la cinquiegraveme caracteacuteristique (Gueacuterin 2011 54-143)
Cependant la classification des langues atlantiques heacuteriteacutee de Sapir (1971) et Wilson (1989) est
aujourdhui remise en cause Pozdniakov (2011 20) note que laquo la seule certitude en ce qui
concerne la classification est lappartenance des langues atlantiques agrave la famille Niger-Congo La
distance linguistique entre les langues est si grande que mecircme aujourdhui lidentification dun
groupe atlantique au sein du Niger-Congo nest pas justifieacutee du point de vue de la meacutethode
comparative classique et repose uniquement sur des critegraveres dordre geacuteographique raquo Cela explique
les diffeacuterences entre les diverses classifications proposeacutees pour cette famille
En se basant sur des comparaisons lexicales morphologiques morphophonologiques et
phoneacutetiques Pozdniakov amp Segerer (agrave paraicirctre) proposent une nouvelle classification interne de la
famille atlantique Cette derniegravere seacutecarte de la classification classique sur plusieurs points Ainsi le
peul et le sereer forment un groupe Ce point est en adeacutequation avec les reacutesultats de Sapir (1971) Le
wolof constitue un groupe isoleacute dans la branche Nord tout comme le groupe Nyun-Buy Le groupe
Tenda-Jaad est rapprocheacute du groupe Peul-Sereer Par ailleurs Pozdniakov amp Segerer introduisent
une nouvelle branche Centre qui regroupe les langues classiquement nommeacutees bak et le bijogo
Enfin la branche Sud est supprimeacutee Les langues du groupes Nalu ainsi que le limba et le sua sont
consideacutereacutes comme de possibles isolats et les langues Mel sont exclues de la famille atlantique
15 La traduction franccedilaise de cet extrait (Les classes nominales et le traitement des consonnes initiales atlantiques enwolof) est disponible sur le site de lauteur lthttppozdniakovfreefrgt
16 Neacuteanmoins selon Pozdniakov amp Segerer (2004 153) laquo il ny a pas de raison de reconstruire lopposition 1plinclusif ~ 1pl exclusif en atlantique raquo
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Figure 05 - Classification des langues atlantiques selon Pozdniakov amp Segerer
Nord
Cangin
Joola
Tenda-Jaad
Peul
Sereer
Wolof
Laalaa Ndut
Fogny KwaatayCentre
Kentohe Ganja
Manjaku Pepel
Basari Konyagi
Biafada Pajade
Buy
Nyun
Bijogo
Sua
Limba
Nalu Baga Foreacute
Peul-Sereer
Nyun-Buy
Manjaku
Nalu
Wolof
Bijogo
Balant
044 Phonologie
0441 Le systegraveme phonologique
Dans ce travail nous reprenons linventaire phonologique de MT Cisseacute (2006) que nous avons
leacutegegraverement modifieacute en tenant compte de Creissels (1994 73-74) Le wolof compte 60 phonegravemes
dont 45 consonnes (Tableau 01) et 15 voyelles (Tableau 02)
Tableau 01 - Inventaire consonantique17
Labiale Dentale Palatale Veacutelaire Uvulaire Glottale
Occ
lusi
ve ForteGeacutemineacutee
Orale pː bː tː dː cː ɟː kː gː qː
Nasale mː nː ɲː ŋː
Preacutenasale mp mb nt nd ɲc ɲɟ ŋk ŋg ɴq
Faible Orale p b t d c ɟ k g ʔ
Nasale m n ɲ ŋ
Con
tin
ue Non-approximante f r s χ
ApproximanteForte lː jː wː
Faible l j w
Tableau 02 - Inventaire vocalique
Bregraveve Longue
Anteacuterieure Centrale Posteacuterieure Anteacuterieure Centrale Posteacuterieure
Fermeacutee+ATR
i u iː uː
e ə o eː oː
-ATRɛ ↄ ɛː ↄː
Ouverte ɐ aː
La preacutesentation des tableaux ci-dessus peut sembler un peu heacuteteacuterodoxe mais elle reacutepond agrave un
souci de rigueur dans lanalyse phonologique de la langue En effet il est pertinent de diviser les
consonnes du wolof en laquo faibles raquo correspondant agrave des phones simples et en laquo fortes raquo
correspondant agrave des phones que lon pourrait qualifier de complexes les geacutemineacutees et les preacutenasales
17 Dans une mecircme case les symboles de droite repreacutesentent des consonnes sonores et ceux de gauche repreacutesentent desconsonnes sourdes
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Cette pertinence est visible dans certains processus morphophonologiques Certaines liberteacutes ont eacuteteacute
prises dans la preacutesentation de cet inventaire Le phonegraveme s deacutefini comme une consonne fricative
alveacuteolaire sourde a eacuteteacute placeacute dans la colonne laquo palatale raquo car il entretient une relation
morphophonologique avec le phonegraveme c De mecircme le phonegraveme r deacutefini comme une consonne
rouleacutee alveacuteolaire voiseacutee a eacuteteacute placeacute dans la mecircme ligne que les fricatives car il entretient le mecircme
type de relation morphophonologique avec le phonegraveme d Enfin le phonegraveme ʔ deacutefini comme
une consonne occlusive glottale semble entretenir le mecircme type de relation avec le phonegraveme k
mais nous avons preacutefeacutereacute ne pas le deacuteplacer dans le tableau pour ne pas trop nous eacuteloigner de la
reacutealiteacute phoneacutetique Il faut eacutegalement noter que le phonegraveme q correspondrait au phonegraveme χ doncː ː
agrave leacutequivalent fort du phonegraveme χ Idem pour le phonegraveme Nq qui correspondrait au phonegraveme Nχ
Nous avons choisi de conserver les notations q et ː Nq car χ est la seule fricative de la langue agrave
avoir une correspondante geacutemineacutee et parce que cette consonne forte se reacutealise toujours comme
locclusive geacutemineacutee [q ]ː 18
Le wolof connaicirct une opposition de longueur tant pour les voyelles que pour les consonnes
Cependant la voyelle ə na pas de contre-partie longue Par ailleurs il est important de garder agrave
lesprit que le wolof bien que peu dialectaliseacute connaicirct des variations quant agrave lutilisation des
voyelles et linventaire vocalique (Calvet 1965 4) Cette variation est suffisamment marqueacutee pour
que certains dialectes (par exemple celui de Banjul) aient un systegraveme diffeacuterent de celui preacutesenteacute plus
haut le [ə] nexiste pas dans leur inventaire vocalique (Njie 1982 25-27 Creissels 1994 73-74)
Les consonnes ont une reacutealisation diffeacuterente en fonction de leur place dans un mot Certaines
consonnes napparaissent pas dans toutes les positions Cest notamment le cas des geacutemineacutees et des
preacutenasales sourdes qui napparaissent jamais en position initiale Cest eacutegalement le cas des
occlusives faibles sourdes (agrave lexception de t) qui napparaissent jamais en position finale
Concernant cette derniegravere cateacutegorie on observe que les occlusives faibles ont une reacutealisation non-
audible en position finale (1a) ce qui implique quil y a effacement de lopposition de sonoriteacute dans
cette position (Cisseacute MT 2006 38-39) La suffixation nous permet de deacuteterminer quelles
occlusives peuvent apparaicirctre en position finale Par ailleurs les occlusives fortes ont une
reacutealisation particuliegravere en position finale les sonores sont suivies dune voyelle dappui laquo ə raquo (1b et
les sourdes sont suivies dune aspirations laquo h raquo (1c)
18 Cependant selon MT Cisseacute (2006 41) les reacutealisations [xə] [xxə] [qh] [qx] ou [xqx] sont eacutegalement possibles enfonctions de lorigine et des habitudes linguistiques des locuteurs Le [x] de lauteur correspondant agrave notre [χ]
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1) a fab ~ fab-al (Cisseacute MT 2006 39)
fɐb fɐbɐl[fɐb] [fɐbɐl]prendre prendre-IMP2SG
b tabb ~ tabb-al (Cisseacute MT 2006 39)
tɐbː tɐbːɐl[tɐbːᵊ] [tɐbːɐl]placer placer-IMP2SG
c tapp ~ tapp-al (Cisseacute MT 2006 39)
tɐpː tɐpːɐl[tɐpːʰ] [tɐpːɐl]fixer fixer-IMP2SG
0442 La structure syllabique
La structure syllabique de base est CV(C) Ainsi on remarque que le hiatus est impossible En
cas de suite de voyelles due agrave la morphosyntaxe un processus phonologique empecircche le hiatus
(eacutepenthegravese ou coalescence vocalique) Par ailleurs on observe une variation libre entre zeacutero et une
semi-consonne agrave lattaque de syllabe initiale Le lieu darticulation de la semi-consonne est indexeacute
au lieu darticulation de la voyelle qui suit Par exemple eble ~ yeble (preacutecepte) oto ~ woto
(voiture) (Creissels 1994 56-57) Enfin les suites consonantiques sont relativement rares au sein
des mots Le nombre de possibiliteacutes est reacuteduit et est soumis agrave deux contraintes lune des deux
consonnes doit ecirctre une fricative et aucune des deux consonnes ne peut ecirctre une consonne forte
(Sauvageot 1965 47-48)
0443 Les processus phonologiques
Comme un grand nombre de langues Niger-Congo le wolof connaicirct un pheacutenomegravene dharmonie
vocalique reposant sur le trait ATR Ainsi au sein dun radical toutes les voyelles ont le mecircme trait
ATR En wolof lharmonie vocalique est toujours progressive la voyelle dun suffixe sharmonise
avec la voyelle du radical19 et la voyelle dun clitique sharmonise avec la voyelle du lexegraveme qui le
19 Neacuteanmoins il convient de noter que la voyelle de certains suffixes ne subit pas lharmonie vocalique
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preacutecegravede (Ka 1994 7-62)
Il existe eacutegalement un pheacutenomegravene de neutralisation de quantiteacute Mis agrave part pour le ɐ il ny a pas
dopposition de longueur pour les voyelles preacuteceacutedant une consonne complexe On observe
eacutegalement des pheacutenomegravenes dapocope et de syncope touchant essentiellement les voyelles ainsi
quun pheacutenomegravene dapheacuteregravese pouvant toucher des syllabes entiegraveres (Diouf 2009 25-39) Enfin il
existe un pheacutenomegravene de coalescence vocalique (Tableau 03) (Njie 1982 52 Diouf 2009 37
Sall 2005 42 Fal 1999 15-16) Dans ces cas la seconde voyelle ne peut ecirctre que -a ou -e et la
voyelle longue reacutesultant de cette fusion est uniquement deacutetermineacutee par la premiegravere voyelle
Tableau 03 - Regravegles de coalescence vocalique
Voyelle 2
a e
Voy
elle
1
iee
e
a aa
ooo
u
0444 La prosodie
Laccent tombe sur la syllabe initiale du mot sauf dans les mots ougrave la premiegravere syllabe est agrave
voyelle bregraveve et la suivante agrave voyelle longue dans ce cas les deux syllabes semblent ecirctre
prononceacutees avec la mecircme intensiteacute (Sauvageot 1965 41-44) Rialland amp Robert (2001 931)
preacutecisent quil sagit dun accent de mot mais pas dun accent de hauteur Par exemple xorom (sel)
est prononceacute [xↄrↄm]
Les mecircmes auteurs listent les patrons intonatifs de la langue20 montrant ainsi que les eacutenonceacutes
deacuteclaratifs simples ont une intonation basse et plate les questions sans morphegraveme interrogatif une
intonation descendante les questions avec morphegraveme interrogatif une intonation montante et les
exclamations une intonation haute et plate
20 Pour une description exhaustive du systegraveme intonatif voir Rialland amp Robert (2001)
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0445 Lorthographe
Lorthographe est relativement phonologique Il faut noter que le redoublement dune voyelle
note son allongement et de mecircme le redoublement dune consonne note sa geacutemination Lorsque
dans lorthographe une occlusive orale bilabiale est preacuteceacutedeacutee dun laquo m raquo ou une occlusive orale
dentale palatale veacutelaire ou uvulaire est preacuteceacutedeacutee dun laquo n raquo cela note une consonne preacutenasale
Devant une consonne forte le graphegraveme agrave note un a Eacutetant donneacute quil ny a pas ː dopposition de
longueur dans cette position pour les autres voyelles elles sont toujours eacutecrites comme des bregraveves
mecircme si elles sont phoneacutetiquement longues
Cependant les conventions orthographiques officielles21 ne respectent pas certains aspects de la
phonologie de la langue
bull Les graphegravemes atilde atildea eumle et h correspondent agrave des phonegravemes qui nexistent pas22
bull La distinction entre les graphegravemes agrave et aa bien que pertinente dun point de vue
phoneacutetique ne semble reposer sur aucune reacutealiteacute phonologique
bull Le phonegraveme ʔ nest pas noteacute dans lorthographe
bull Par soucis deacuteconomie certains pheacutenomegravenes dharmonie vocalique ne sont pas noteacutes dans
lorthographe par exemple teacuteere (livre) se prononce [te re] et non [te rː ː ε]
Par ailleurs il convient decirctre prudent quant agrave la seacuteparation des mots dans lorthographe En effet
lorsquil preacutesida les commissions chargeacutees deacutetablir lorthographe et la seacuteparation des mots dans les
langues nationales le preacutesident seacuteneacutegalais Leacuteopold Seacutedar Senghor posa le principe suivant laquo Il
sagissait sagissant de langues agglutinantes de faciliter leur enseignement et leur eacutecriture en y
seacuteparant tout ce qui est seacuteparable raquo (Dumont 1983 17) Les critegraveres explicitement retenus eacutetant
peacutedagogiques avant decirctre linguistiques certaines normes ou traditions deacutecriture peuvent ecirctre plus
ou moins arbitraires
21 cf le deacutecret ndeg 2005-992 du 21 octobre 2005 relatif agrave lorthographe et la seacuteparation des mots en wolof (publieacute auJournal Officiel du Seacuteneacutegal)
22 Lasteacuterisque note les sons nappartenant pas au systegraveme phonologique de la langue Ils semblent ecirctre attesteacutes danscertaines variantes dialectales (ils ne sont dans ce cas que des variantes dautres phonegravemes preacutesents dans notreinventaire) ou dans certains emprunts ou interjections
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Tableau 04 - Normes orthographiques
Graphegraveme Phonegraveme i i ntildentilde ɲː
a ɐ ii iː ŋ ŋ
agrave aː j ɟ ŋŋ ŋː
atilde atilde jj ɟː o ↄ
aa aː k k oacute o
atildea atildeː kk kː oo ↄː
b b l l oacuteo oː
bb bː ll lː p p
c c m m pp pː
cc cː mb mb q qː
d d mm mː r r
dd dː mp mp s s
e ɛ n n t t
eacute e nc ɲc tt tː
euml ə nd nd u u
ee ɛː ng ŋg uu uː
eacutee eː nj ɲɟ w w
eumle əː nk ŋk ww wː
f f nn nː x χ
g g nq Nq y j
gg gː nt nt yy jː
h h ntilde ɲ ʔ
Enfin on notera quagrave cocircteacute de cette orthographe officielle coexistent deux autres systegravemes de
transcription Le premier pourrait ecirctre qualifieacute de laquo graphie populaire raquo il sagit dune transcription
non standardiseacutee et baseacutee sur les normes orthographique du franccedilais Ce systegraveme de transcription est
largement utiliseacute dans les affiches publicitaires les enseignes de magasin les inscriptions sur les
veacutehicules (voitures et bateaux) ainsi que dans les communications meacutediatiseacutees (messagerie
instantaneacutee forum SMS courriel Facebook etc) (Lexander 2010 99-101) Le fait de ne pas
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utiliser lorthographe officielle dans tous ces contextes peut avoir plusieurs causes meacuteconnaissance
de lorthographe officielle absence de lorthographe officielle de lenvironnement graphique des
locuteurs absence dabreacuteviations permettant deacutecrire rapidement dans le cadre de la communication
meacutediatiseacutee impression de complexiteacute de lorthographe officielle ressentie par les locuteurs
alphabeacutetisation des locuteurs en franccedilais et utilisation de normes orthographiques franccedilaises pour
transcrire les noms propres (noms de famille ou noms de lieu) (Lexander 2010) Enfin le plus
ancien systegraveme de transcription est le wolofal Il sagit dun ajami cest-agrave-dire une transcription du
wolof avec lalphabet arabe datant de lexpansion de populations arabo-berbegraveres musulmanes en
Afrique de lOuest (Bao-Diop 2007) Ce systegraveme de transcription non encore standardiseacute est utiliseacute
dans des textes religieux diffuseacutes par des confreacuterie soufies pour les inscriptions sur les veacutehicules
(voitures et bateaux) et pour la gestion courante de commerccedilants dartisans et dagriculteurs ayant
appris agrave lire et agrave eacutecrire dans les eacutecoles coraniques (Cisseacute Ma 2006 70-73) De fait lorthographe
officielle reste assez peu utiliseacutee par les locuteurs natifs Elle est principalement utiliseacutee dans les
milieux acadeacutemiques pour leacutedition dun grand nombre douvrages (romans recueils de contes
poeacutesie etc) et dans certains sites Internet comme Wikipeacutedia
045 Morphologie
Le wolof est une langue morphologiquement agglutinante faisant un usage important de la
deacuterivation principalement verbale Cette langue dispose eacutegalement dun nombre relativement
important de proceacutedeacutes de construction morphologique qui sont tregraves productifs (Ka 1981 Ndiaye
2004)
0451 Lalternance consonantique
Lalternance consonantique initiale est un processus morphophonologique servant agrave construire
des deacuteverbaux Ce processus est reacutegulier il fait alterner la consonne initiale du verbe avec une
consonne laquo plus forte raquo
bull Fricative rarr Occlusive faible sourde sagravecc (voler) rarr cagravecc (voleur)
bull Occlusive faible sonore rarr Preacutenasale sonore geumlm (croire) rarr ngeumlm (foi)
Cependant le processus est limiteacute pour les dentales et le phonegraveme ʔ laquo fait office de fricative raquo
pour les veacutelaires Ce proceacutedeacute morphologique ne semble plus ecirctre productif en wolof contemporain
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Tableau 05 - Reacutegulariteacutes de lalternance consonantique initiale
Labiale Dentale Palatale Veacutelaire
Preacutenasale mb nd ɲɟ ŋg
uarr uarr uarr uarr
Occlusive faible p b d c ɟ k g
uarr uarr uarr
Fricative f s ʔ
0452 Laffixation
Laffixation est le proceacutedeacute morphologique le plus productif Il sagit essentiellement de
suffixation la preacutefixation ne semble plus ecirctre productive en synchronie La suffixation verbale est
plus riche que la suffixation nominale Plusieurs suffixes impliquent des changements
phonologiques dans la racine Cest notamment le cas du suffixe inversif -i qui entraicircne un
renforcement de la consonne finale ainsi quune harmonisation de la voyelle de la racine teg
(poser) rarr teggi (enlever ce qui est poseacute) geumlmm (fermer les yeux) rarr gimmi (ouvrir les yeux) Il
faut noter quun verbe peut prendre plusieurs suffixes Cependant lordre de succession de ces
suffixes est contraint (Ka 1981 7-9)
0453 La conversion
Le wolof connaicirct deux types de conversion la conversion cateacutegorielle et la conversion de classe
morphologique
La conversion cateacutegorielle est un processus morphologique qui laquo permet dobtenir un lexegraveme
dune cateacutegorie agrave partir dun lexegraveme dune autre cateacutegorie raquo laquo elle peut saccompagner dun
changement de la phonologie du lexegraveme mais cela nest pas obligatoire et deacutepend du marquage
flexionnel dans la langue raquo (Fradin 2003 157-161) En wolof ce pheacutenomegravene touche
essentiellement ce que certains auteurs nomment les bases verbo-nominales (Nouguier-Voisin
2002 12) Selon Bondeacuteelle (2009 88) en wolof laquo ces bases preacutesentent une polyseacutemie reacuteguliegravere du
type action nom daction ou action nom dactant raquo teumlb (sauter) teumlb bi (le saut) lekk (manger)
lekk bi (la nourriture)
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La conversion de classe morphologique permet dobtenir un lexegraveme nominal agrave partir dun lexegraveme
nominal en changeant sa classe nominale Ce processus a pour conseacutequence de rendre certains noms
polyseacutemiques saxaar si (la fumeacutee) saxaar gi (le train)
0454 La reacuteduplication
La reacuteduplication sert tout comme lalternance consonantique initiale agrave construire des deacuteverbaux
Elle ne concerne quun nombre limiteacute de verbes Elle permet eacutegalement de former des noms
dhabitants agrave partir de nom de lieux23 Enfin elle a une fonction dintensif sur certains verbes Selon
les dimensions listeacutees par Melčuk (1996 41-44) il sagit dune reacuteduplication simple (un seul signe
est reacutedupliqueacute) complegravete (linteacutegraliteacute du signe est reacutedupliqueacute) exacte (le signe de deacutepart et la copie
de ce signe sont identiques) continue (la copie du signe suit immeacutediatement le signe de deacutepart) et
non peacuteneacutetrante (la copie du signe ninterrompt pas un signe quelconque au sein du mot forme
reacutedupliqueacute) xam-xam (connaissance litt savoir-savoir)
0455 La composition
La composition consiste en la combinaison de lexegravemes pour obtenir un mot plus long (Booij
2012 77) Ce processus est relativement freacutequent en wolof Les mots composeacutes les plus freacutequents
sont des noms mbaam-agravell (phacochegravere litt porc-brousse) mais ce processus permet eacutegalement
dobtenir des verbes weex-beumlt (ecirctre indeacutecis litt ecirctre blanc-œil) ou des adverbes xef-ak-xippi (en
un clin dœil litt cil-et-ouvrir les yeux) (Ka 1981 77-95 Ndiaye 2004 73-89)
Ka (1981 75-77) dresse une liste de critegraveres permettant didentifier un mot composeacute et de
lopposer agrave des formes construites en syntaxe
bull Paradigmatique la commutation permet didentifier la cateacutegorie lexicale du composeacute
bull Syntagmatique lordre des termes du composeacute diffegravere de celui des constructions
syntaxiques et il est impossible dinseacuterer un eacuteleacutement nouveau agrave linteacuterieur du composeacute
bull Seacutemantique le sens du composeacute ne se reacuteduit pas agrave la somme des sens de ses composants
bull Prosodique le composeacute comporte un seul accent lexical
23 Ce pheacutenomegravene est cependant limiteacute aux noms des anciens royaumes wolofs
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05 Plan geacuteneacuteral
Ce travail se compose de quatre parties Pour chacune delles une introduction preacutesente les
probleacutematiques et le plan deacutetailleacute et une conclusion syntheacutetise les principaux points deacuteveloppeacutes
Dans la Partie I nous proposons une description syntheacutetique du systegraveme de preacutedication verbale
du wolof dans une perspective typologique Cette description est en grande partie baseacutee sur les
travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Cependant cette partie nest pas un
simple eacutetat de lart En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions en nous
appuyant notamment sur des travaux typologiques
Dans la Partie II nous proposons une analyse typologique des peacuteriphrases verbales du wolof
Cette analyse typologique nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de la
notion dauxiliaire Agrave partir des donneacutees du wolof et dautres langues africaines nous montrons
quune approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires permet de mieux rendre compte des constructions
peacuteriphrastiques dans une perspective typologique
Dans la Partie III nous proposons une analyse de lorganisation des constructions verbales du
wolof Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non
structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute Certains
regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre
constructions Les constructions verbales sorganisent au sein dun reacuteseau de constructions Par
ailleurs certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuvent
sexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie Les caracteacuteristiques idiosyncrasiques en synchronie
peuvent ecirctre analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant entraicircneacute une
restructuration du reacuteseau
La Partie IV est une eacutetude comparative des constructions verbales des langues atlantiques Le
principal objectif de cette partie est de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est issu du
proto-atlantique Dans les langues la morphologie verbale tend agrave se renouveler de faccedilon
relativement rapide Ainsi il nest pas surprenant de trouver de grandes diffeacuterences entre les
morphologies verbales des langues atlantiques Neacuteanmoins on peut relever plusieurs similitudes
dont certaines semblent relever dune origine commune
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- 56 -
PARTIE IPARTIE I
LE SYSTEgraveME DE PREacuteDICATIONLE SYSTEgraveME DE PREacuteDICATION
VERBALE DU WOLOFVERBALE DU WOLOF
Lobjectif de cette partie est de deacutecrire la preacutedication verbale du wolof dans son rapport avec ce
que lon appelle communeacutement la conjugaison24 Nous deacutecrivons en deacutetail le systegraveme de flexion
verbale de la langue cest-agrave-dire lexpression des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe temps
aspect mode polariteacute voix et personne Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves grand
nombre de langues en wolof la majeure partie de ces cateacutegories grammaticales est exprimeacutee par des
constructions peacuteriphrastiques Seul un petit nombre de cateacutegories est exprimeacute morphologiquement
cest-agrave-dire par des constructions syntheacutetiques
Ce travail de synthegravese est en grande partie baseacute sur les travaux de reacutefeacuterence concernant la
conjugaison du wolof agrave savoir Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) mais eacutegalement sur
les travaux traitant speacutecifiquement de certaines cateacutegories verbales tels que Perrin (2005 2012)
Voisin (2006 2010) ou Robert (1990) ou encore sur les diverses grammaires de la langue
notamment Sauvageot (1965) Fal (1999) ou Diouf (2009) Cependant cette partie nest pas un
simple eacutetat de lart En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions agrave la lumiegravere
des travaux les plus reacutecents tel que Torrence (2013a) mais eacutegalement de travaux typologiques
Nous proposons des analyses (et des eacutetiquettes) moins laquo idiosyncrasiques raquo25 afin de rendre la
description plus accessible et donc plus facilement exploitable pour les typologues etou les
linguistes non speacutecialistes du wolof quils soient ou non africanistes Lun des objectifs de cette
partie est donc de proposer des descriptions et des analyses claires et syntheacutetiques afin de permettre
24 Ce qui est traditionnellement appeleacute laquo systegraveme verbal raquo dans les travaux de reacutefeacuterence sur le wolof (Church 1981 Robert 1991)
25 En effet comme nous lavions mentionneacute dans notre eacutetude du syntagme nominal (Gueacuterin 2011 12-13) beaucoupdauteurs travaillant sur le wolof creacuteent des eacutetiquettes originales pour deacutecrire certains aspects de la langue etoutendent agrave preacutesenter certaines constructions comme eacutetant typologiquement marqueacutees
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une comparaison du wolof avec dautres langues que ce soit dans une perspective typologique ou
historique Les descriptions et analyses preacutesenteacutees servent de base agrave leacutelaboration des chapitres
suivants
Cette partie est organiseacutee comme suit Dans le Chapitre 1 nous commenccedilons par preacutesenter la
flexion verbale ainsi que la terminologie relative agrave cette question dans une perspective typologique
(sect 12) Puis nous preacutesentons briegravevement lensemble de la conjugaison du wolof (sect 13) Lobjectif
de ce chapitre est de fournir un panorama geacuteneacuteral du systegraveme avant de traiter en deacutetail de chaque
construction Le Chapitre 2 consiste en une analyse deacutetailleacutee des constructions eacuteleacutementaires de la
conjugaison que nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo Le Chapitre 3 traite des autres
cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe la neacutegation (sect 31) limperfectif (sect 32) le passeacute (sect 33) et
la voix (sect 34) Le Chapitre 4 eacutetudie lexpression et le comportement des arguments du verbe Enfin
nous concluons cette partie en preacutesentant le paradigme complet de la conjugaison de la langue
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CCHAPITREHAPITRE 1 - 1 - PPREacuteSENTATIONREacuteSENTATION GEacuteNEacuteRALEGEacuteNEacuteRALE
DUDU SYSTEgraveMESYSTEgraveME DEDE PREacuteDICATIONPREacuteDICATION VERBALEVERBALE
11 Eacutetat de lart
La bibliographie sur le wolof est relativement abondante surtout en ce qui concerne la
morphologie verbale et le systegraveme verbal en geacuteneacuteral Lobjectif de cette section est de proposer une
synthegravese de lhistoire de la production et de la transmission de savoir scientifique sur le wolof en
nous centrant sur leacutetude de la conjugaison et du systegraveme verbal (Gueacuterin 2014a)
111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle
Comme la plupart des langues dAfrique subsaharienne le wolof est essentiellement une langue agrave
tradition orale Cela implique que les premiegraveres sources eacutecrites dont nous disposons aujourdhui
sont le fruit de contact avec des populations arabo-berbegraveres ou europeacuteennes Par conseacutequent nous
ne disposons malheureusement de presque aucune source linguistique sur le wolof qui soit
anteacuterieure au XVIIIe siegravecle Les premiers travaux entiegraverement consacreacutes agrave cette langue apparaissent
au XIXe siegravecle Ce siegravecle sera relativement prolifique pour leacutetude du wolof puisquil verra la
publication dun grand nombre de grammaires (Dard 1826 Roger 1829 Boilat 1858 Kobegraves
1869 Rambaud 1903) et de plusieurs dictionnaires Lensemble de ces publications constitue ce
quon peut qualifier de laquo tradition grammaticale raquo Ces travaux forment un ensemble relativement
coheacuterent les auteurs citent geacuteneacuteralement les travaux anteacuterieurs teacutemoignant ainsi dune relative
cumulativiteacute du savoir laquo acadeacutemique raquo On peut distinguer deux peacuteriodes au sein de cette tradition
La premiegravere peacuteriode est celle des pionniers cest-agrave-dire que ces auteurs ont eu un laquo rocircle de
deacutefricheurs et de fondateurs dun savoir sur le wolof raquo (Bonvini 2001 112) Il sagit des travaux de
Dard (1826) et Roger (1829) qui laquo ont preacuteceacutedeacute de plus de deux deacutecennies les grands travaux
classiques de description et de comparatisme sur les langues africaines reacutealiseacutes autour des anneacutees
1850 mais ils sont pratiquement tombeacutes dans loubli depuis Ils sont aussi lœuvre de fonctionnaires
de leacutetat franccedilais et non pas de missionnaires comme ce fut le cas pour la majoriteacute des ouvrages qui
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les ont suivis raquo (Bonvini 2001 102) Ces travaux sont largement influenceacutes par la grammaire
geacuteneacuterale (Bonvini 2001) Leur preacutesentation de la conjugaison reprend les principes et les eacutetiquettes
grammaticales propres au franccedilais (indicatif subjonctif impeacuteratif geacuterondif conditionnel preacutesent
futur) et elle ne tient pas compte des constructions focalisantes
La seconde peacuteriode concerne essentiellement les grammaires de Boilat (1858) et de Kobegraves
(1869) deux eccleacutesiastiques Contrairement aux travaux pionniers ces grammaires (notamment
celle de Boilat) figurent dans la bibliographie de presque tous les auteurs contemporains
Neacuteanmoins la grammaire de Boilat est essentiellement citeacutee agrave titre dillustration et est rarement
exploiteacutee Si lanalyse de la conjugaison de Boilat reste tregraves influenceacute par la grammaire geacuteneacuterale
celle de Kobegraves est bien plus novatrice En effet cet auteur introduit de nouvelles eacutetiquettes pour
rendre compte de constructions nayant pas deacutequivalents stricts en franccedilais (causatif eacutenonciatif) et
il integravegre les constructions focalisantes au systegraveme notamment en leur donnant des noms (subjectif
objectif)26 Cette grammaire aura une influence relativement importante sur les eacutetudes posteacuterieures
112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes
Mis agrave part quelques articles aucun nouveau travail geacuteneacuteral ne verra le jour avant les anneacutees
1960 Agrave partir de cette eacutepoque leacutecole fonctionnaliste franccedilaise a eu une grande influence sur la
linguistique africaine (Doneux 2003 216-221) Louvrage le plus embleacutematique de cette peacuteriode
pour leacutetude du wolof est certainement la grammaire de Sauvageot (1965) cette derniegravere faisant
aujourdhui encore office de grammaire de reacutefeacuterence27 Sauvageot propose une analyse du systegraveme
verbal relativement novatrice par rapport aux travaux de la laquo tradition grammaticale raquo En effet il
propose de seacuteparer les constructions verbales en deux cateacutegories les aspects (accompli zeacutero
duratif et duratif-accompli) et les modaliteacutes (eacutetat acquis emphatique et preacutesentatif) auxquels
viennent sajouter lobligatif et linjonctif
Linfluence de leacutecole fonctionnaliste franccedilaise se sentira eacutegalement agrave travers lun des deux
premiers travaux consacreacutes exclusivement au systegraveme verbal agrave savoir Church (1981) La thegravese de
cet auteur marquera durablement la linguistique wolof au point de devenir une reacutefeacuterence
incontournable notamment en France Church liste douze constructions verbales quil classe en
modes emphatiques de lindicatif (emphatique du sujet emphatique du compleacutement emphatique du
verbe preacutesentatif) modes non-emphatiques de lindicatif (eacutenonciatif minimal neacutegatif) et modes
26 Pour une eacutetude deacutetailleacutee de la grammaire de Kobegraves voir Ma Cisseacute (2005)27 On peut eacutegalement citer la grammaire de Diagne (1971) mais elle a eacuteteacute peu reprise par les auteurs posteacuterieurs
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injonctifs (obligatifoptatif impeacuteratif injonctif neacutegatif) Lune des principales innovations de
Church consiste en la seacuteparation nette du mode de laspect et du temps dans la preacutesentation de la
conjugaison En effet toutes les constructions mentionneacutees plus haut relegravevent du mode Par deacutefaut
toutes ces constructions ont un aspect accompli et un temps non-passeacute Pour exprimer laspect
inaccompli il faut ajouter leacuteleacutement di ~ y ~ a agrave lune des constructions et pour exprimer le passeacute il
faut ajouter le suffixe -oon Cette organisation symeacutetrique du systegraveme verbal wolof constitue ce que
Robert (1991 29) nomme la laquo preacutesentation classique raquo De plus agrave la diffeacuterence des auteurs
anteacuterieurs Church ne se restreint pas agrave leacutetude dun seul dialecte mais tente de rendre compte de
toute la variation dialectale observable
113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise
En 1981 paraicirct une autre eacutetude consacreacutee exclusivement au systegraveme verbal Dialo (1981a) Cet
ouvrage constituera le point de deacutepart de ce que nous pouvons qualifier de laquo tradition seacuteneacutegalaise raquo
Au premier abord cette tradition peut paraicirctre assez heacuteteacuterogegravene dans son approche du systegraveme
verbal En effet les auteurs seacuteneacutegalais saccordent relativement peu sur les eacutetiquettes grammaticales
utiliseacutees pour nommer les constructions verbales Par exemple la construction nommeacutee
laquo emphatique du verbe raquo par Dialo (1981a) sera nommeacutee laquo causatif raquo28 par Samb (1983)
laquo processif raquo par Fal (1999) et laquo mise en relief du procegraves raquo par Ma Cisseacute (2007) Neacuteanmoins cette
heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute nest quapparente car tous ces travaux ont plusieurs caracteacuteristiques communes
Tout dabord la majoriteacute des eacutetudes que lon peut rattacher agrave la tradition seacuteneacutegalaise a eacuteteacute
eacutelaboreacutee dans le cadre de leacutecole fonctionnaliste franccedilaise En teacutemoigne le vocabulaire employeacute par
Ma Cisseacute (2007) laquo monegraveme raquo laquo les nominaux raquo laquo les verbaux raquo etc ou le titre de la grammaire
dArame Fal (1999)
Par ailleurs si les eacutetiquettes grammaticales utiliseacutees pour nommer les constructions verbales
varient dun auteur agrave lautre elles recouvrent geacuteneacuteralement des analyses similaires En effet les
eacutetiquettes laquo emphatique du sujet raquo (Dialo 1981a) laquo subjectif raquo (Samb 1983 Fal 1999) et laquo mise en
relief du sujet raquo (Cisseacute Ma 2007) renvoient toutes agrave lideacutee dune emphase sur le sujet de la
proposition
Enfin tous les auteurs seacuteneacutegalais proposent une organisation symeacutetrique des paradigmes de
conjugaison En effet ils considegraverent que par deacutefaut les constructions verbales ont un aspect
28 Terme vraisemblablement emprunteacute agrave Kobegraves (1869)
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accompli et un temps non-passeacute Pour exprimer laspect inaccompli il faut ajouter leacuteleacutement di ou y
agrave lune des constructions et pour exprimer le passeacute il faut ajouter le suffixe -oon La tradition
seacuteneacutegalaise est donc caracteacuteriseacutee par une laquo preacutesentation classique raquo du systegraveme verbal
Le seul auteur seacuteneacutegalais agrave seacuteloigner de ce type danalyse est NDiaye-Correacuteard (2003) Cet
auteur propose de repenser entiegraverement lanalyse du systegraveme verbal Elle propose de reacuteduire toutes
les constructions verbales agrave quatre laquo types de proposition raquo caracteacuteriseacutes par une liste de proprieacuteteacutes
Ainsi larticle de NDiaye-Correacuteard se veut avant tout une simplification de la laquo preacutesentation
classique raquo
114 Existe-t-il une tradition franccedilaise
La question de lexistence dune tradition franccedilaise est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards En effet
si lon pose lexistence dune telle tradition elle sera le fait de seulement deux auteurs (Robert 1991
Perrin 2005) alors que les traditions preacuteceacutedentes se sont constitueacutees autour de lœuvre dune demi-
douzaine dauteurs chacune De plus leacutetude de Robert (1991) nest pas une remise en cause radicale
de la preacutesentation classique Lobjectif de lauteur est laquo dessayer de retrouver lorganisation geacuteneacuterale
dont toutes les analyses preacutesentent un aperccedilu pourtant contradictoire agrave partir de leacutetude
systeacutematique des emplois et contextes demplois des conjugaisons sans preacutejuger daucune
cateacutegorisation en aspect ou mode raquo (Robert 1991 33) Ainsi si louvrage de Steacutephane Robert nest
pas totalement novateur dans sa preacutesentation du systegraveme verbal il lest indubitablement dans son
point de vue theacuteorique et dans la finesse de son analyse En effet il sagit dun travail eacutelaboreacute dans
un cadre theacuteorique tregraves diffeacuterent du fonctionnalisme la theacuteorie des opeacuterations preacutedicatives et
eacutenonciatives dAntoine Culioli De plus Steacutephane Robert est le premier auteur agrave fournir une analyse
seacutemantique et pragmatique deacutetailleacutee des constructions verbales notamment en listant tous les
contextes demplois Enfin cet auteur propose une analyse diffeacuterente des morphegravemes di et y
permettant dexprimer linaccompli Lanalyse proposeacutee par Robert (1991) sera reprise et
approfondie par Perrin (2005) dans son eacutetude de lexpression du temps en wolof Ainsi on peut voir
avec lœuvre de ces deux auteurs les jalons dune laquo tradition franccedilaise raquo encore naissante
Parallegravelement aux travaux eacutelaboreacutes dans le cadre de leacutecole culiolienne plusieurs travaux seront
eacutelaboreacutes selon une approche plutocirct typologique Cest notamment le cas des travaux de Nouguier-
Voisin (2002 2006 2010) et de Sall (2005)
- 62 -
115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine
Paradoxalement la laquo tradition ameacutericaine raquo sera initieacutee par deux chercheurs seacuteneacutegambiens (Njie
1982 Diouf 1982) En effet les thegraveses de ces deux auteurs seront les premiers travaux eacutelaboreacutes
dans le cadre de la grammaire geacuteneacuterative transformationnelle Dans son ouvrage consacreacute au
systegraveme verbal Diouf (1985) laquo preacutesente une organisation tout agrave fait originale car elle repose sur une
forme de renversement le paradigme classiquement deacutesigneacute comme ldquoEmphatique du Verberdquo est au
contraire consideacutereacute comme la forme de base du systegraveme verbal (hellip) dougrave sont deacuteriveacutees les autres
conjugaisons par transformation de ldquoclivagerdquo agrave valeur de mise en relief raquo (Robert 1991 31)
Neacuteanmoins la principale source des auteurs geacuteneacuterativistes sera incontestablement la thegravese de
Dunigan (1994) Cette approche sera ensuite largement deacuteveloppeacutee par Torrence (2003 2005
2013a 2013b) Ces travaux constitueront eacutegalement les principales reacutefeacuterences des linguistes
geacuteneacuterativistes franccedilais29
Toutes ces eacutetudes se caracteacuterisent par une preacutesentation radicalement diffeacuterente du systegraveme verbal
La proposition est repreacutesenteacutee sous la forme dun arbre syntaxique conforme agrave la theacuteorie X-barre et
chaque construction sera vue comme le reacutesultat de la transformation dune structure sous-jacente
cest-agrave-dire par le deacuteplacement deacuteleacutements syntaxiques au sein de la proposition Les travaux
geacuteneacuterativistes sur le wolof se caracteacuterisent eacutegalement par lattention porteacutee au morphegraveme na et agrave sa
place dans la conjugaison Ainsi Dunigan (1994) lanalysera comme un marqueur de laffirmation
alors que Zribi-Hertz amp Diagne (2003) lanalysent comme un marqueur de finitude et Torrence
(2013a) considegraverent la construction en na comme eacutetant la construction neutre du systegraveme
116 Synthegravese
Ainsi il nexiste pas de consensus sur lanalyse de la conjugaison du wolof Lanalyse de certains
paradigmes varie consideacuterablement dun auteur agrave lautre Cest notamment le cas du morphegraveme na
qui sera analyseacute comme marquant laspect accompli lindicatif eacutenonciatif le parfait laffirmation
ou la finitude Cette absence de consensus constitue un problegraveme pour les typologues qui ont besoin
de donneacutees fiables pour leurs analyses comparatives
Ainsi le principal objectif de la Partie I est de proposer des descriptions et des analyses claires et
syntheacutetiques afin de permettre une comparaison du wolof avec dautres langues que ce soit dans
une perspective typologique ou historique Cependant cette partie nest pas un simple eacutetat de lart
29 Voir par exemple Kihm (1999) et Zribi-Hertz amp Diagne (1999 2002 2003)
- 63 -
En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions agrave la lumiegravere des travaux les plus
reacutecents tel que Torrence (2013a) mais eacutegalement de travaux typologiques Nous proposons des
analyses (et des eacutetiquettes) moins laquo idiosyncrasiques raquo afin de rendre la description plus accessible
et donc plus facilement exploitable pour les typologues etou les linguistes non speacutecialistes du
wolof quils soient ou non africanistes
12 Approche typologique de la flexion verbale
Dun point de vue typologique la preacutedication verbale neacutecessite geacuteneacuteralement une forme fleacutechie
du verbe portant une ou plusieurs informations grammaticales La flexion verbale peut ecirctre deacutefinie
comme le marquage morphologique de ces informations (ou cateacutegories) grammaticales sur un
lexegraveme verbal (Booij 2012 101) Il nexiste pas de liste laquo universelle raquo de cateacutegories grammaticales
encodeacutees dans la flexion verbale Neacuteanmoins certaines cateacutegories sont particuliegraverement freacutequentes
accord temps aspect mode30 polariteacute voix (Bybee 2000 804-805 Givoacuten 2001 69 Creissels
2006a Ch 10 Booij 2012 sect 62)
bull Laccord consiste en des indices pronominaux repreacutesentant un ou plusieurs arguments du
verbe geacuteneacuteralement le sujet plus rarement lobjet (Creissels 2006a 169 Booij 2012
141) Laccord concerne essentiellement la personne (locuteur [1er] allocutaire [2e] reacutefeacuterent
exteacuterieur agrave la situation deacutenonciation [3e]) le nombre (singulier pluriel) et le genre (ou la
classe nominale) (Corbett 2006 125-132 Givoacuten 2001 399)
bull La cateacutegorie laquo temps raquo peut ecirctre deacutefinie comme lexpression grammaticale de la localisation
du preacutedicat dans le temps (Comrie 1985a 9) ou plus preacuteciseacutement comme laquo la relation entre
le moment de leacutenonciation et le moment ougrave est situeacute leacuteveacutenement que repreacutesente leacutenonceacute raquo
(Creissels 2006a 181) Ainsi on distingue geacuteneacuteralement le passeacute le preacutesent et le futur
(Comrie 1985a 36)
bull Laspect renvoie aux diffeacuterentes maniegraveres de concevoir le deacuteroulement temporel du procegraves
(Comrie 1976 3) On peut ainsi opeacuterer une distinction entre le perfectif qui indique que la
situation est vue comme un tout sans distinction des diverses phases qui la constituent et
limperfectif qui explicite la structure interne de la situation (Comrie 1976 16)
bull Le mode concerne le statut de la proposition qui deacutenote le procegraves (Palmer 2001 1) ou laquo la
30 Les cateacutegories laquo temps raquo laquo aspect raquo et laquo mode raquo sont geacuteneacuteralement rassembleacutees sous leacutetiquette TAM ou TMAsuivant les auteurs
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faccedilon dont leacutenonciateur prend en charge leacutenonciation raquo (Creissels 2006a 181) On peut
ainsi opeacuterer une distinction entre le realis et lirrealis Le realis renvoie agrave une situation qui a
lieu ou qui a eu lieu et dont on peut prendre connaissance par une perception directe
Lirrealis renvoie agrave une situation purement imaginaire dont on peut prendre connaissance
uniquement par le biais de limagination (Palmer 2001 1)
bull La polariteacute renvoie agrave lopposition neacutegatif affirmatif (ou positif) Lexpression de la polariteacute
dans le systegraveme de flexion verbale est tregraves courant dans les langues africaines (Creissels et
al 2008 104)
bull La voix deacutesigne une relation reacuteguliegravere entre un changement morphologique du verbe et un
changement dans sa valence (Creissels 2006a 173) Par exemple on peut identifier dans
certaines langues une voix passive cest-agrave-dire laquo un meacutecanisme qui opeacuterant sur un verbe
transitif produit une forme intransitive deacuteriveacutee dont le sujet reccediloit exactement le mecircme rocircle
seacutemantique que lobjet de la construction transitive raquo (Creissels 2006b 9)
Dans certaines langues dautres cateacutegories grammaticales sont eacutegalement encodeacutees dans la
flexion verbale la modaliteacute eacutenonciative (deacuteclaratif interrogatif impeacuteratif) la structure
informationnelle (notamment la focalisation dun argument du verbe) leacutevidentialiteacute (faccedilon dont
leacutenonciateur a accegraves agrave linformation quil livre)31 ou encore la familiariteacute (forme familiegravere forme de
respect forme neutre) (Creissels 2006a 170-172 Givoacuten 2001 78) Lexpression de la
focalisation dans le systegraveme de flexion verbale est tregraves rare agrave leacutechelle mondiale mais est
particuliegraverement freacutequente dans les langues africaines Dans un grand nombre de langues
appartenant agrave diffeacuterentes branches de la famille Niger-Congo ou agrave la famille couchitique les
constructions de focalisation du preacutedicat ou dun argument du verbe sont inteacutegreacutees au systegraveme de
flexion verbale (Creissels et al 2008 104-105)
Lensemble des cateacutegories grammaticales encodeacutees dans la flexion verbale dune langue ainsi
que la faccedilon dont ces cateacutegories se reacutealisent morphosyntaxiquement constituent le systegraveme verbal
de cette langue (Perrot 2002 335) chaque cateacutegorie grammaticale formant un sous-systegraveme au
sein de ce systegraveme verbal (Givoacuten 2001)32 Par exemple le systegraveme verbal du latin33 est constitueacute de
plusieurs sous-systegravemes la personne laspect (perfectif imperfectif)34 le temps (preacutesent passeacute
31 Leacutevidentialiteacute peut aussi ecirctre consideacutereacutee comme un type particulier de mode (Creissels 2006a 170 Palmer 2001)32 Ces sous-systegravemes peuvent ecirctre rapprocheacutes de la notion de laquo trait morphosyntaxique raquo de la Paradigm Function
Morphology (Stump 2001 38-43)33 Pour cette introduction nous utilisons essentiellement des exemples en latin car cette langue preacutesente un systegraveme
verbal relativement bien connu et particuliegraverement adapteacute pour illustrer les notions lieacutees agrave la flexion verbale34 Dans les descriptions laquo classiques raquo du latin ces aspects sont traditionnellement nommeacutes perfectum et infectum
(Bortolussi 1999 82-138)
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futur)35 le mode (indicatif subjonctif impeacuteratif)36 et la voix (actif passif) En latin un lexegraveme
verbal contient donc potentiellement autant de mots grammaticaux37 que de combinaisons possibles
entre ces cinq sous-systegravemes Linventaire structureacute de toutes ces combinaisons constitue le
paradigme des verbes latins (Carstairs-McCarthy 2000a 596 Booij 2012 320) Formellement le
paradigme dun lexegraveme peut ecirctre deacutefini comme un ensemble de cellules chaque cellule eacutetant un
couple ltmot grammatical proprieacuteteacutes morphosyntaxiquesgt (Stump 2001 43 Bonami 2014 135)
Par exemple en latin le couple formeacute du mot-forme facerem et des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques
PERS 1sg ASP imperfectif TPS passeacute MODE subjonctif VOIX actif constitue une cellule du paradigme
du lexegraveme FACIO
Dans un grand nombre de langues la reacutealisation des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques nest pas la
mecircme pour tous les verbes Dans ces langues les verbes peuvent geacuteneacuteralement ecirctre classeacutes en
classes flexionnelles eacutegalement appeleacutees conjugaisons38 (Booij 2012 104-105) Chaque
conjugaison correspond agrave un ensemble de verbes preacutesentant le mecircme patron flexionnel cest-agrave-dire
la mecircme faccedilon de reacutealiser les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques (Booij 2012 312) Par exemple le
latin preacutesente cinq conjugaisons diffeacuterentes cest-agrave-dire quil existe cinq classes de verbes
preacutesentant chacune un patron flexionnel diffeacuterent (Bortolussi 1999 83-109)
Tableau 11 - Formes de limperfectif indicatif preacutesent actif en latin
1er conjugaison(aimer)
2e conjugaison(deacutetruire)
3e conjugaison(lire)
3e conj mixte(prendre)
4e conjugaison(eacutecouter)
1SG amo deleo lego capio audio
2SG amās delēs legis capis audīs
35 Dans les descriptions laquo classiques raquo du latin chaque combinaison temps-aspect porte un nom speacutecifique parfait(perfectif preacutesent) plus-que-parfait (perfectif passeacute) futur anteacuterieur (perfectif futur) preacutesent (imperfectif preacutesent)imparfait (imperfectif passeacute) et futur (imperfectif futur) (Bortolussi 1999 82)
36 Auxquels on ajoute traditionnellement les modes laquo impersonnels raquo infinitif participe geacuterondif et supin (Bortolussi1999 82)
37 Dans ce contexte le terme laquo mot grammatical raquo renvoie agrave lune des formes dun lexegraveme dans un paradigmeflexionnel (Booij 2012 316) Il doit ecirctre distingueacute du laquo mot-forme raquo qui correspond agrave la reacutealisation dun motgrammatical Ces deux notions se confondent parfois car geacuteneacuteralement un mot grammatical na quune reacutealisationpossible Neacuteanmoins il existe des cas ougrave plusieurs mots-formes correspondent agrave un mecircme mot grammatical Parexemple pour certains anglophones les mots-formes dreamed [dri md] et ː dreamt [dremt] sont en variation libre etlon peut donc dire quils constituent deux reacutealisations possibles du mot grammatical dream-PAS (Carstairs-McCarthy2000 595-596)
38 Les classes flexionnelles nominales quant agrave elles sont appeleacutees laquo deacuteclinaisons raquo (Booij 2012 104)
- 66 -
13 La conjugaison du wolof
La conjugaison du wolof combine trois proceacutedeacutes dont deux peuvent ecirctre consideacutereacutes comme
peacuteriphrastiques constructions agrave marqueur preacutedicatif constructions agrave verbe auxiliaire et
constructions affixales
Nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo les constructions eacuteleacutementaires de la conjugaison Agrave
lexception de trois dentre elles il sagit de constructions agrave marqueur preacutedicatif cest-agrave-dire de
constructions constitueacutees du lexegraveme verbal et dun mot grammatical speacutecifique que nous appelons
laquo marqueur preacutedicatif raquo Les constructions preacutedicatives encodent diffeacuterents types de cateacutegories
grammaticales distinction relevant de la focalisation distinction modale (realis irrealis) le
parfait le futur et la polariteacute
En plus de lexpression de ces distinctions les constructions preacutedicatives ont par deacutefaut une
valeur de perfectif non-passeacute et non-neacutegatif39 Ainsi pour exprimer limperfectif le passeacute ou la
neacutegation il est neacutecessaire dajouter un auxiliaire ou un affixe verbal agrave la construction preacutedicative
131 Les constructions preacutedicatives
Les constructions preacutedicatives constituent la base sur laquelle se construit la preacutedication verbale
Cela signifie que linstanciation dune construction preacutedicative correspond agrave une uniteacute phrastique de
base cest-agrave-dire une uniteacute phrastique qui a la laquo proprieacuteteacute de pouvoir agrave elle seule constituer un
eacutenonceacute assertif et de fournir un point de deacutepart permettant de deacutecrire de la faccedilon la plus simple
possible la correspondance entre les diffeacuterentes uniteacutes phrastiques qui repreacutesentent le mecircme
eacuteveacutenement conceptualiseacute raquo (Creissels 1995 36)
Nous identifions douze constructions preacutedicatives Elles encodent diffeacuterents types de cateacutegories
grammaticales
bull Focalisation focus eacutetroit (ou constrastif) focus large (ou preacutesentationnel)
bull Aspect uniquement le parfait
bull Temps uniquement le futur
bull Mode realis irrealis (notamment deacuteontique)
39 La valeur de non-neacutegatif ne concerne que certaines constructions
- 67 -
bull Polariteacute neacutegatif non-neacutegatif
Quatre constructions preacutedicatives encodent des traits lieacutes agrave la focalisation (2a-d) Comme nous
lavons signaleacute en (sect 12) lexpression de la focalisation dans la conjugaison est particuliegraverement
freacutequente dans les langues africaines (Creissels et al 2008 104-105)
2) a Focalisation du sujet
Omar =a lekk ceeb
Omar =FOCS manger riz
lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo
b Preacutesentatif
Omar =a ng-i lekk ceeb
Omar =PRST-PX manger riz
lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo
c Focalisation du compleacutement
Ceeb =la Omar lekk
riz =FOCC Omar manger
lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo
d Focalisation du verbe
Omar =dafa lekk ceeb
Omar =FOCVS3SG manger riz
lsquo(Le fait est que) Omar a mangeacute du rizrsquo
Deux constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct de laspect Il sagit du parfait
(3a) et de son eacutequivalent neacutegatif (3b)
3) a Parfait
Omar lekk =na ceeb
Omar manger =PRFS3SG riz
lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo
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b Parfait neacutegatif
Omar lekk-ul ceeb
Omar manger-PRFNEGS3SG riz
lsquoOmar na pas mangeacute de rizrsquo
Deux constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct du temps Il sagit du futur
(4a) et de son eacutequivalent neacutegatif (4b)40 On notera que le passeacute et le preacutesent ne sont pas exprimeacutes par
des constructions preacutedicatives speacutecifiques (sect 134) Le fait davoir un marquage du futur diffeacuterent
de celui du passeacute et du preacutesent nest pas rare Meillet (1921 181-182) remarque que ce pheacutenomegravene
est attesteacute en allemand et en anglais Il note eacutegalement que les langues romanes ont conserveacute le
passeacute et le preacutesent latins mais quelles ont remplaceacute le futur par de nouvelles formes Nous pouvons
supposer que ces diffeacuterences formelles sont dues au fait que le futur nest pas une cateacutegorie
strictement temporelle En effet le futur fait reacutefeacuterence agrave un eacuteveacutenement nayant pas encore eu lieu et
est donc lexpression dune intention ou dune preacutediction de la part du locuteur ce qui le rapproche
des cateacutegories modales (notamment de lirrealis) (Dahl 1985 103 Dixon 2010 154)
4) a Futur
Omar =dina lekk ceeb
Omar =FUTS3SG manger riz
lsquoOmar mangera du rizrsquo
b Futur neacutegatif
Omar du lekk ceeb
Omar FUTNEGS3SG manger riz
lsquoOmar ne mangera pas de rizrsquo
Quatre constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct du mode Il sagit de loptatif
(5a) de limpeacuteratif (5b) du prohibitif (5c) et dans une certaine mesure du minimal (5d) Loptatif
limpeacuteratif et le prohibitif relegravevent clairement de la modaliteacute deacuteontique cest-agrave-dire dune obligation
ou dune permission eacutemanant dune source exteacuterieure (Palmer 2001 9) Le minimal relegraveve dans
certains de ces emplois dun mode subjonctif (sect 24)
40 Analyser cette construction comme un laquo futur neacutegatif raquo est contestable Nous justifions notre analyse en (sect 222)
- 69 -
5) a Optatif
Na Omar lekk ceeb
OPT Omar manger riz
lsquoQue Omar mange du rizrsquo
b Impeacuteratif
Lekk-al ceeb
Manger-IMPS2SG riz
lsquoMange du riz rsquo
c Prohibitif
Bul lekk ceeb
PROHS2SG manger riz
lsquoNe mange pas de riz rsquo
d Minimal (subjonctif)
(hellip) Omar lekk ceebhellip
Omar manger riz
lsquo(hellip) Omar mangea du rizhelliprsquo
Les constructions preacutedicatives du wolof constituent lun des aspects de la langue les plus eacutetudieacutes
notamment agrave travers les grammaires ainsi que les travaux portant sur le systegraveme verbal Plusieurs
auteurs les analysent comme des laquo modes raquo ou des laquo modaliteacutes raquo (Sauvageot 1965 Church 1981
Dialo 1981a Diouf 1985) Cependant nous consideacuterons que le choix des termes laquo mode raquo ou
laquo modaliteacute raquo pour qualifier ces constructions nest pas tregraves heureux En effet les traits encodeacutes par
ces constructions ne relegravevent pas uniquement du mode mais eacutegalement de la structure
informationnelle de laspect ou du temps41 Robert (1991) est le premier auteur agrave utiliser un terme
choisi pour ecirctre le moins probleacutematique possible conjugaison Cependant comme nous lavons vu
en (sect 12) ce terme est couramment utiliseacute en morphologie dans un sens tregraves diffeacuterent Il deacutesigne les
classes flexionnelles verbales cest-agrave-dire des classes de verbes preacutesentant le mecircme patron
flexionnel (Haspelmath 2002 115 Booij 2012 312 Carstairs-McCarthy 2000b 631) Aussi la
notion qui nous semble la moins probleacutematique pour caracteacuteriser ces constructions est celle de
41 De fait lutilisation faite par la plupart des auteurs travaillant sur le wolof de la notion de laquo mode raquo estprobablement due agrave linfluence de la grammaire traditionnelle qui seacuteparait les formes verbales en laquo modes raquo eux-mecircmes diviseacutes en laquo temps raquo (Creissels 1995 166)
- 70 -
laquo tiroir verbal raquo42 cest-agrave-dire laquo un ensemble de formes verbales qui ne diffegraverent entre elles que par
le choix du lexegraveme dont elles sont issues etou par la valeur des indices pronominaux quelles
comportent raquo (Creissels 1995 165-171) Cette notion a lavantage denglober toutes les
constructions preacutedicatives sans preacutejuger de la nature de linformation grammaticale veacutehiculeacutee
132 Lexpression de la neacutegation
Nous pouvons remarquer que trois constructions preacutedicatives encodent la polariteacute neacutegative le
parfait neacutegatif (eacutequivalent neacutegatif du parfait) le futur neacutegatif (eacutequivalent neacutegatif du futur) et le
prohibitif (eacutequivalent neacutegatif de loptatif et de limpeacuteratif)
En revanche il nexiste pas de constructions preacutedicatives neacutegatives qui soient eacutequivalentes aux
autres constructions preacutedicatives agrave savoir les constructions focalisantes et le minimal Dans les
constructions de focalisation du sujet focalisation du compleacutement focalisation du verbe et dans
certains emplois du minimal la neacutegation est exprimeacutee par lajout dun suffixe verbal -(w)ul (6a) Au
preacutesentatif et dans certains emplois du minimal la neacutegation est exprimeacutee par lajout dun verbe
auxiliaire bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (6b)
6) a Dama lekk-ul ceeb
FOCVS1SG manger-NEG riz
lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo
b (hellip) ndax mu bantilde=a lekk ceeb
pour S3SG refuser=DV manger riz
lsquo(hellip) pour quil ne mange pas de rizrsquo
Dans ces constructions laffirmation est simplement exprimeacutee par une absence de marqueur
speacutecifique
133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif
La principale distinction aspectuelle de la langue (perfectif imperfectif) nest pas encodeacutee par
des constructions preacutedicatives speacutecifiques Limperfectif est exprimeacute par lajout du verbe auxiliaire
42 Terme initialement introduit par Damourette amp Pichon (1933)
- 71 -
di (ou de sa forme clitique =y) agrave une construction preacutedicative (7a) alors que le perfectif est
simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique (7b)
7) a Dangeen di lekk ceeb
FOCVS2PL IPF manger riz
lsquoVous mangez du rizrsquo
b Dangeen lekk ceeb
FOCVS2PL manger riz
lsquoVous avez mangeacute du rizrsquo
134 Lexpression du passeacute
Le passeacute et le preacutesent ne sont pas exprimeacutes par des constructions preacutedicatives speacutecifiques Le
passeacute est exprimeacute par lajout dun suffixe verbal -(w)oon agrave une construction preacutedicative (8a) et le
preacutesent est simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique (8b)43
8) a Dama lekk-oon ceeb
FOCVS1SG manger-PAS riz
lsquoJavais mangeacute du rizrsquo
b Dama lekk ceeb
FOCVS1SG manger riz
lsquoJai mangeacute du rizrsquo
135 Lexpression de la personne et du nombre
Dans les constructions preacutedicatives agrave marqueur preacutedicatif le morphegraveme encodant la personne et
le nombre forme un amalgame avec le marqueur preacutedicatif (9a) Dans les constructions preacutedicatives
syntheacutetiques le morphegraveme encodant la personne et le nombre forme un amalgame avec le suffixe
verbal (10a) Dans ces deux cas la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee (9b-10b)
43 La situation est en reacutealiteacute un peu plus complexe (sect 33)
- 72 -
9) a Ceeb la-a lekk
riz FOCC-S1SG manger
lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo
b Ceeb la-Oslash lekk
riz FOCC-S3SG manger
lsquoCest du riz quil a mangeacutersquo
10) a Lekk-u-ma ceeb
manger-PRFNEG-S1SG riz
lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo
b Lekk-ul-Oslash ceeb
manger-PRFNEG-S3SG riz
lsquoIl na pas mangeacute de rizrsquo
Au minimal le morphegraveme encodant la personne et le nombre se reacutealise sous la forme dun
pronom personnel (11a) En labsence de sujet lexical la troisiegraveme personne du singulier est
marqueacutee (11b)
11) a (hellip) ma lekk ceebhellip
S1SG manger riz
lsquo(hellip) je mangeai du rizhelliprsquo
b (hellip) mu lekk ceebhellip
S3SG manger riz
lsquo(hellip) il mangea du rizhelliprsquo
14 Synthegravese
Le systegraveme verbal du wolof est caracteacuteriseacute par un enchevecirctrement des cateacutegories grammaticales
lieacutees au verbe En effet comme nous venons de le voir des informations relevant de la mecircme
cateacutegorie peuvent ecirctre exprimeacutees de diffeacuterentes faccedilons Cest notamment le cas pour le temps
- 73 -
laspect le mode la structure informationnelle et la polariteacute
Le systegraveme verbal du wolof est constitueacute de plusieurs sous-systegravemes Contrairement agrave ce quon a
pu voir pour le latin en (sect 12) en wolof il ny a pas de relation biunivoque entre les cateacutegories
grammaticales lieacutees au verbe et les sous-systegravemes En effet le systegraveme verbal de cette langue eacutetant
caracteacuteriseacute par un enchevecirctrement des cateacutegories verbales seacuteparer chacune de ces cateacutegories ne
permet pas de rendre compte de maniegravere eacuteleacutegante de lorganisation du systegraveme verbal Ainsi nous
consideacuterons que le systegraveme verbal est constitueacute de cinq sous-systegravemes
bull Tiroir verbal Ce sous-systegraveme est exprimeacute par les constructions preacutedicatives Ces
constructions relegravevent de diffeacuterentes cateacutegories grammaticales focus (focalisation du sujet
preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe) aspect (parfait) temps
(futur) et modaliteacute (optatif impeacuteratif subjonctif)
bull Polariteacute La polariteacute na que deux valeurs possibles affirmatifpositif (+) ou neacutegatif (-) Ce
sous-systegraveme est exprimeacute de diffeacuterentes maniegraveres et est partiellement imbriqueacute dans le sous-
systegraveme des tiroirs verbaux Neacuteanmoins distinguer un sous-systegraveme laquo polariteacute raquo est
pertinent car dun point de vue fonctionnel chaque construction preacutedicative neacutegative est
leacutequivalent neacutegatif dune autre construction preacutedicative (ou de deux constructions dans le
cas du prohibitif)
bull Aspect Ce sous-systegraveme est exclusivement exprimeacute par la preacutesence (imperfectif) ou
labsence (perfectif) du verbe auxiliaire di ou de sa forme clitique =y
bull Temps Ce sous-systegraveme est essentiellement exprimeacute par la preacutesence (passeacute) ou labsence
(non-passeacute) du suffixe verbal -(w)oon44 Suivant Timberlake (2007 305) et Dixon (2010
154) nous preacutefeacuterons le terme laquo non-passeacute raquo agrave laquo preacutesent raquo car en labsence du suffixe
- (w)oon un eacutenonceacute imperfectif peut avoir un sens de preacutesent ou de futur
bull Personne Ce sous-systegraveme est exprimeacute par la preacutesence (1SG 2SG 1PL 2PL 3PL et dans
certains cas 3SG) ou labsence (3SG) de marque personnelle
En reprenant la terminologie proposeacutee par Stump (2001) dans le cadre de la Paradigm Function
Morphology45 nous pouvons preacutesenter ces sous-systegravemes de maniegravere formelle et syntheacutetique sous la
forme dune liste de traits morphosyntaxiques ayant plusieurs valeurs possibles
44 Nous pouvons eacutegalement mentionner le passeacute reculeacute marqueacute par le suffixe -(w)aan Nous traitons de ce cas plus endeacutetails en (sect 33)
45 Lobjectif de ce chapitre nest pas de fournir une analyse du systegraveme verbal wolof dans le cadre de la ParadigmFunction Morphology Nous utilisons uniquement une partie de la terminologie et des repreacutesentations proposeacutees parce cadre theacuteorique car elles permettent de preacutesenter de maniegravere claire et syntheacutetique la structure du systegraveme verbal
- 74 -
Tableau 12 - Traits du paradigme des verbes en wolof
Trait Valeurs
Tiroir verbal focs prst focc focv prf fut opt imp subj
Polariteacute affirmatif (+) neacutegatif (ndash)
Aspect perfectif (pf) imperfectif (ipf)
Temps non-passeacute (npas) passeacute (pas) passeacute reculeacute (pasr)
Personne 1sg 2sg 3sg 1pl 2pl 3pl
Poser lexistence dun trait laquo tiroir verbal raquo peut paraicirctre discutable eacutetant donneacute lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute
des valeurs possibles Neacuteanmoins cela est parfaitement justifieacute dans le systegraveme verbal du wolof En
effet les constructions qui encodent ce trait agrave savoir les constructions preacutedicatives sont en
opposition Ainsi au sein du paradigme des verbes du wolof aucune forme ne pourra porter
simultaneacutement plusieurs valeurs du trait laquo tiroir verbal raquo mecircme si aucune contrainte seacutemantique ne
semble sy opposer Par exemple aucune forme verbale ne pourra porter simultaneacutement des valeurs
de parfait et de focalisation du sujet
Tableau 13 - Formes de 1SG du verbe lekk (manger)
POLPERFECTIF IMPERFECTIF
NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute
FOCS+ maa lekk maa lekkoon maay lekk maa doon lekk
ndash maa lekkul maa lekkuloon maa dul lekk maa duloon lekk
PRST+ maa ngi lekk maa ngi lekkoon maa ngiy lekk maa ngi doon lekk
ndash maa ngi bantildea lekk maa ngi bantildeoona lekk maa ngiy bantildea lekk maa ngi doon bantildea lekk
FOCC+ laa lekk laa lekkoon laay lekk laa doon lekk
ndash laa lekkul laa lekkuloon laa dul lekk laa duloon lekk
FOCV+ dama lekk dama lekkoon damay lekk dama doon lekk
ndash dama lekkul dama lekkuloon dama dul lekk dama duloon lekk
PRF+ lekk naa lekkoon naa dinaa lekk doon naa lekk
ndash lekkuma lekkuma woon duma lekk duma woon lekk
FUT+ dinaa lekk doon naa lekk dinaay lekk na
ndash duma lekk duma woon lekk dumay lekk na
OPT+ naa lekk na naay lekk na
ndash bu ma lekk na bu may lekk na
SUBJ+ ma lekk ma lekkoon may lekk ma doon lekk
ndash ma bantildea lekk ma bantildeoona lekk may bantildea lekk na
- 75 -
Suivant la terminologie proposeacutee par Stump (2001 43) chaque cellule du paradigme des verbes
du wolof correspond agrave un couple formeacute dun mot grammatical et de ces cinq proprieacuteteacutes
morphosyntaxiques46 Par exemple le couple formeacute du mot-forme lekkuma et des proprieacuteteacutes
morphosyntaxiques TIRV prf POL ndash ASP pf TPS npas PERS 1sg constitue une cellule du paradigme du
lexegraveme LEKK
46 Le paradigme complet des verbes du wolof est preacutesenteacute en Conclusion de la Partie I
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CCHAPITREHAPITRE 2 - 2 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS PREacuteDICATIVESPREacuteDICATIVES
Lobjectif de ce chapitre est de fournir une description complegravete de chaque construction
preacutedicative47 Nous preacutesentons les caracteacuteristiques morphosyntaxiques seacutemantiques et pragmatiques
de chacune dentre elles Ces caracteacuteristiques sont principalement reprises des grammaires ainsi que
des travaux portant sur le systegraveme verbal essentiellement Dialo (1981a) Church (1981) et Robert
(1991)48 La structure syntaxique de chaque construction est preacutesenteacutee sous la forme de schegravemes
repreacutesenteacutes par une suite de lettres correspondant chacune agrave une uniteacute syntaxique49
V = verbe
S = sujet lexical
O = objet lexical
X = nominal autre que le sujet ou lobjet
p = marque flexionnelle marqueur preacutedicatif
s = sujet pronominal
o = objet pronominal
x = pronom correspondant agrave X
La majeure partie des termes que nous utilisons pour nommer ces constructions est directement
reprise de Robert (1991) et de Church (1981) Cependant pour certaines dentre elles nous avons
fait le choix dutiliser des eacutetiquettes correspondant agrave des concepts comparatifs identifieacutees par
certains travaux typologiques tels que Dahl (1985) Bybee et al (1994) Creissels (2006a) ou
Timberlake (2007) Retenons que ces eacutetiquettes ont pour unique fonction de nommer les
constructions en rendant compte de leur valeur la plus eacutevidente (Creissels 1995 168-169) Elles ne
rendent absolument pas compte de linteacutegraliteacute du sens de la construction
21 Les constructions exprimant le parfait
Le parfait est exprimeacute par deux constructions preacutedicatives distinctes parfait (affirmatif) et
parfait neacutegatif Ainsi contrairement aux constructions focalisantes (FOCS FOCC FOCV) ougrave le trait
laquo tiroir verbal raquo est exprimeacute par une construction preacutedicative et le trait laquo polariteacute raquo par un suffixe
47 Nous avons eacutegalement ajouteacute les trois constructions preacutedicatives neacutegatives preacutesentant une structure particuliegravere48 Dialo (1981a) fournit une description exhaustive des formes des constructions preacutedicatives Church (1981) apporte
en plus une description des emplois et des hypothegraveses diachroniques Robert (1991) fournit une descriptiondeacutetailleacutee des proprieacuteteacutes seacutemantiques et pragmatiques de ces constructions
49 Linventaire des lettres utiliseacutees pour les schegravemes de preacutedication est tireacute de Creissels (1991 405) et Creissels(2008 77)
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verbal au parfait ces deux traits sont indissociables
211 Le parfait
Cette construction est appeleacutee laquo terminatif raquo par Fal (1999) laquo aspect accompli raquo par Sauvageot
(1965) laquo eacutenonciatif raquo par Dialo (1981a) et Church (1981) et laquo mise en relief du verbe raquo par Diouf
(2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo parfait raquo emprunteacute agrave Robert (1991) en raison de sa
pertinence seacutemantique ainsi que de son utilisation dans la plupart des travaux typologiques de
reacutefeacuterence tels que Comrie (1976 Ch 3) Dahl (1985 129-153) Bybee amp Dahl (1985 67-77) et
Timberlake (2007 289-292)
Le parfait se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif na placeacute immeacutediatement apregraves le
verbe ce dernier se situant en tecircte de phrase On note que le marqueur preacutedicatif tombe agrave la
deuxiegraveme personne du singulier et du pluriel et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas
marqueacutee pour la personne
Tableau 21 - Paradigme personnel du parfait
SG PLSG PL
MP SUJ MP SUJ
1 na -a na -nu naa nanu
2 Oslash -nga Oslash -ngeen rarr nga ngeen
3 na -Oslash na -ntildeu na nantildeu
Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V p-s O avec des arguments lexicaux
(12a) et V p-s =o avec des arguments pronominaux (12b)
12) a S V =p-s O
Xale =yi lekk =na-ntildeu ceeb
enfant =CLyDFPX manger =PRF-S3PL riz
lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo
b V =p-s =o
Lekk =na-a =ko
manger =PRF-S1SG =O3SG
lsquoJe lai mangeacutersquo
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La valeur principale de cette construction est celle dun parfait cest-agrave-dire une cateacutegorie qui
indique quune situation est deacutecrite comme eacutetant pertinente (relevant) au moment de leacutenonciation
ou agrave un autre moment de reacutefeacuterence (Bybee amp Dahl 1985)50 Tous les emplois identifieacutes par Robert
(1991 41-59) sont coheacuterents avec cette valeur
Comme cest le cas dans dautres langues (Schaden 2007 17) le parfait wolof a plusieurs
lectures cest-agrave-dire quil nest pas toujours interpreacuteteacute de la mecircme faccedilon Il peut ecirctre utiliseacute pour
indiquer quune situation a eu lieu au moins une fois avant le moment de reacutefeacuterence (13a-b) Cette
lecture correspond au laquo parfait expeacuterientiel raquo de Comrie (1976 58-59) ou agrave la laquo lecture
existentielle raquo de Schaden (2007 17)
13) a Tux =na (Robert 1991 46)
fumer =PRFS3SG
lsquoIl a (deacutejagrave) fumeacute (inutile lui offrir une cigarette)rsquo
b Dem =na Magravekka juroacuteomi yoon (Diouf 2003 177)
partir =PRFS3SG La_Mecque cinqGENPL fois
lsquoIl est alleacute cinq fois agrave La Mecquersquo
Le parfait peut eacutegalement ecirctre utiliseacute pour indiquer que le point de reacutefeacuterence est perccedilu comme le
reacutesultat dune situation qui lui est anteacuterieure ou comme le reacutesultat dune attente En (14a) nelaw
(dormir) est perccedilu comme le reacutesultat de la situation jooy nantildeu xiif (ils ont pleureacute de faim) En (14b)
bu yagravegg (depuis longtemps) mesure leacutetat reacutesultant dune situation anteacuterieure agrave savoir larriveacutee de
lenfant En (14c) lekk naa (jai mangeacute) est perccedilu comme le reacutesultat dune attente ou dun objectif
que le locuteur sest fixeacute En (14d) neacuteeg bi set na (la chambre est propre) est agrave la fois perccedilu comme
un changement deacutetat et comme le reacutesultat dune attente du locuteur En (14e) par contre buum bi
gudd na (la corde est longue) ne peut pas ecirctre perccedilu comme un changement deacutetat mais uniquement
comme le reacutesultat dune attente du locuteur (Robert 1991 41-59) Cette lecture correspond au
laquo parfait de reacutesultat raquo de Comrie (1976 56-58) ou agrave la laquo lecture reacutesultative raquo de Schaden (2007
18)
14) a Jooy =na-ntildeu xiif ba nelaw (Robert 1991 44)
pleurer =PRF-S3PL avoir_faim jusque dormir
lsquoIls ont pleureacute de faim jusquagrave en tomber de sommeilrsquo
50 Cette deacutefinition complegravete et preacutecise la deacutefinition proposeacutee par Comrie (1985a Ch 3)
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b Xale =bi agsi =na bu yagravegg (Diouf amp Yaguello 1991 172)
enfant =CLbDFPX arriver =PRFS3SG CLbREL durer
lsquoLenfant est arriveacute depuis longtempsrsquo
c Demb ba tey meumlnuma lekk (Robert 1991 44)
hier jusque aujourdhui pouvoirPRFNEGS1SG manger
wande tey lekk =naa
mais aujourdhui manger =PRFS1SG
lsquoDepuis hier je narrivais pas agrave manger mais aujourdhui jai (reacuteussi agrave) mangeacutersquo
d Neacuteeg =bi set =na (Robert 1991 56)
chambre =CLbDFPX ecirctre_propre =PRFS3SG
lsquo(Ccedila y est) la chambre est propre rsquo
e Buum =bi gudd =na (Robert 1991 57)
corde =CLbDFPX ecirctre_long =PRFS3SG
lsquo(Ccedila va) la corde est assez longuersquo
En revanche le parfait wolof na pas de laquo lecture universelle raquo (Schaden 2007 17-18) ou
demploi de laquo parfait de situation persistante raquo (Comrie 1976 60) cest-agrave-dire quil nest pas la
construction non marqueacutee pour indiquer quune situation a deacutebuteacute avant le moment de reacutefeacuterence
mais continue decirctre en cours au moment de reacutefeacuterence Notons que labsence de laquo lecture
universelle raquo nest pas propre au parfait wolof Selon Comrie (1976 60) cette lecture semble
caracteacuteristique de langlais En franccedilais et en allemand ce type de situation est plutocirct exprimeacute par le
preacutesent simple (Schaden 2007 18) En wolof ce type de situation est exprimeacute par une autre
construction preacutedicative geacuteneacuteralement un preacutesentatif (15a) ou une focalisation du verbe (15b) Le
parfait reste possible mais il semble que son emploi soit uniquement attesteacute avec certains verbes
comme yagravegg (durer) (15c) Dans ce cas la laquo situation persistante raquo nest pas exprimeacutee par le parfait
mais plutocirct par le verbe
15) a Ndox =ma=a ngi=y wal ca suba ba leacuteegi (Diouf 2003 359)
eau =CLmDF=PRSTPX=IPF couler PREPDT matin jusque maintenant
lsquoLeau coule depuis ce matinrsquo
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b Ba nga =ko teree foyi ba tey (Diouf 2003 359)
TEMP S2SG =O3SG interdireANT jouerAND jusque aujourdhui
dafa singali Omar
FOCVS3SG ecirctre_deacutesagreacuteable_avec Omar
lsquoDepuis que tu lui as deacutefendu daller jouer il est deacutesagreacuteable avec Omarrsquo
c Ndaw =sii yagravegg =na=a jaay gerte-caaf (Diouf 2003 145)
dame =CLsDEMPX durer =PRFS3SG=DV vendre cacahuegravete
lsquoCette dame vend des cacahuegravetes depuis longtempsrsquo
Le parfait wolof nest pas non plus la construction non marqueacutee pour exprimer un passeacute proche
ce que Comrie (1976 60-61) nomme laquo parfait de passeacute reacutecent raquo et Schaden (2007 18-19) nomme
laquo parfait danteacuterioriteacute immeacutediate raquo En effet ce type de situation est geacuteneacuteralement exprimeacute par le
verbe sog (venir de) (16a-b) Comme pour la laquo lecture universelle raquo cette situation nest pas propre
au wolof En franccedilais ou en espagnol lanteacuterioriteacute immeacutediate est eacutegalement exprimeacutee par une
peacuteriphrase verbale (ce qui est visible dans la traduction des exemples (16a-b)) De plus en anglais
ou en allemand lintroduction dun adverbe (respectivement just et gerade) semble indispensable
pour cette lecture (Schaden 2007 18)
16) a Ndaje =ma=a ngi sog=a tagravembali (Diouf 2003 586)
reacuteunion =CLmDF=PRSTPX venir_de=DV commencer
lsquoLa reacuteunion vient de commencerrsquo
b Mu =ngi=y sog=a ntildeoacutew (Dialo 1981a 14)
PRO3SG =PRSTPX=IPF venir_de=DV venir
lsquoIl vient darriverrsquo
Par ailleurs le parfait est la seule construction preacutedicative (avec le minimal) agrave ne pas pouvoir
former des preacutedicats non verbaux (17a) (Robert 1991 38) Enfin on remarque quavec le verbe
auxiliaire dimperfectif cette construction exprime un futur (17b) Cette forme tend agrave se
grammaticaliser et peut ecirctre analyseacutee comme une nouvelle construction preacutedicative en wolof
contemporain (sect 22)
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17) a Kii di=na sama xarit
CLHUMSGDEMPX COP=PRFS3SG POSS1SG ami
b Di=na-a =fa dem eumllleumlg (Diouf 2003 114)
IPF=PRF-S1SG =CLLOCDFDT partir demain
lsquoJirai lagrave-bas demainrsquo
212 Le parfait neacutegatif
Cette construction est appeleacutee laquo neacutegatif accompli raquo par Sauvageot (1965) laquo eacutenonciatif neacutegatif raquo
par Dialo (1981a) laquo neacutegatif accompli raquo par Church (1981) et laquo neacutegatif raquo par Robert (1991) Nous
preacutefeacuterons utiliser le terme laquo parfait neacutegatif raquo car cette construction est leacutequivalent neacutegatif du parfait
(Robert 1991 292)
Le parfait neacutegatif est lune des deux seules (avec limpeacuteratif) constructions preacutedicatives
syntheacutetiques de la langue Il se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur -u(l) amalgameacute au pronom
sujet et suffixeacute au verbe Le suffixe -u(l) occupe donc une position morphosyntaxique similaire agrave
celle du marqueur preacutedicatif na Par ailleurs le -l final du suffixe tombe devant les indices
pronominaux et les pronoms clitiques (Diouf 2009 165) On note que la troisiegraveme personne du
singulier nest pas marqueacutee pour la personne
Tableau 22 - Paradigme personnel du parfait neacutegatif
SG PLSG PL
NEG SUJ NEG SUJ
1 -u -ma -u -nu -uma -unu
2 -ul -oo -ul -een rarr -uloo -uleen
3 -u(l) -Oslash -u -ntildeu -u(l) -untildeu
Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V-p-s O avec des arguments lexicaux
(18a) et V-p-s =o avec des arguments pronominaux (18b)
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18) a S V-p-s O
Xale =yi lekk-u-ntildeu ceeb
enfant =CLyDFPX manger-PRFNEG-S3PL riz
lsquoLes enfants nont pas mangeacute de rizrsquo
b V-p-s =o
Lekk-u-ma =ko
manger-PRFNEG-S1SG =O3SG
lsquoJe ne lai pas mangeacutersquo
On peut sinterroger sur la pertinence danalyser cette construction comme un laquo parfait neacutegatif raquo
En effet le marqueur preacutedicatif du parfait na napparaicirct pas le paradigme des pronoms sujets est
formellement diffeacuterent (19a-b) De plus le marqueur du parfait neacutegatif -ul semble occuper la mecircme
position que celle du marqueur du parfait affirmatif na mais leurs statuts morphosyntaxiques
diffegraverent -ul est clairement un suffixe alors que na doit plutocirct ecirctre analyseacute comme un clitique
(sect 515) Enfin le marqueur de passeacute (w)oon est suffixeacute au verbe lexical au parfait affirmatif (20a)
alors quil se place apregraves les clitiques pronominaux au parfait neacutegatif (20b)
19) a Dem =na-a
partir =PRF-S1SG
lsquoJe suis partirsquo
b Dem-u-ma
partir-PRFNEG-S1SG
lsquoJe ne suis pas partirsquo
20) a Gis-oon =na-a =ko
partir-PAS =PRF-S1SG =O3SG
lsquoJe lavais vursquo
b Gis-u-ma =ko =woon
partir=PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS
lsquoJe ne lavais pas vursquo
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Neacuteanmoins la valeur principale de cette construction est celle dun parfait neacutegatif Comme pour
le parfait affirmatif le parfait neacutegatif a plusieurs lectures Il peut avoir une laquo lecture existentielle raquo
cest-agrave-dire quil peut ecirctre utiliseacute pour quune situation na pas eu lieu avant le moment de reacutefeacuterence
(21a) Il peut eacutegalement avoir une laquo lecture reacutesultative raquo cest-agrave-dire quil peut ecirctre utiliseacute pour
indiquer que le reacutesultat dune attente (21b) ou dune situation anteacuterieure au moment de reacutefeacuterence
(21c)
21) a Dem-u-ma ca suul =ba (Diouf 2003 324)
partir-PRFNEG-S1SG PREPDT enterrement =CLbDFDT
lsquoJe ne suis pas alleacute agrave lenterrementrsquo
b Fecc-ul (Robert 1991 290)
danser-PRFNEGS3SG
lsquoElle ne danse pas Elle ne veut pas danserrsquo
c Garab =gi magravegg-ul (Robert 1991 290)
arbre =CLgDFPX grandir-PRFNEGS3SG
lsquoLarbre na pas grandirsquo
De plus le parfait neacutegatif constitue la seule maniegravere dexprimer agrave la fois le parfait et la neacutegation
Cette construction occupe donc les cellules correspondant aux proprieacuteteacutes morphosyntaxiques
TIRV prf POL ndash dans le paradigme des verbes du wolof
22 Les constructions exprimant le futur
Comme pour le parfait le futur est exprimeacute par deux constructions preacutedicatives distinctes futur
(affirmatif) et futur neacutegatif Cette analogie entre le futur et le parfait sexplique par lorigine des
constructions exprimant le futur En effet le futur est issu de la grammaticalisation du verbe
auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na Neacuteanmoins cette grammaticalisation nest pas encore
acheveacutee et lanalyse de plusieurs cellules du paradigme est relativement probleacutematique
221 Le futur
Cette construction est appeleacutee laquo duratif-accompli raquo par Sauvageot (1965) et laquo projectif raquo par
- 84 -
Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo futur raquo en raison de sa pertinence seacutemantique ainsi
que de son utilisation dans la plupart des travaux typologiques de reacutefeacuterence tels que Comrie
(1985a 43-48) Dahl (1985 103-112) Bybee et al (1994 243-280) et Timberlake (2007 304-
315)
Le futur se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif dina placeacute immeacutediatement avant le
verbe On note que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne
Tableau 23 - Paradigme personnel du futur
SG PLSG PL
MP SUJ MP SUJ
1 dina -a dina -nu dinaa dinanu
2 di -nga di -ngeen rarr dinga dingeen
3 dina -Oslash dina -ntildeu dina dinantildeu
Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux
(22a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (22b)
22) a S =p-s V O
Xale =yi =dina-ntildeu lekk ceeb
enfant =CLyDFPX =FUT-S3PL manger riz
lsquoLes enfants mangeront du rizrsquo
b p-s =o V
Dina-a =ko lekk
FUT-S1SG =O3SG manger
lsquoJe le mangerairsquo
Il y a un consensus dans la litteacuterature sur le fait que le marqueur preacutedicatif du futur dina est
constitueacute du verbe auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na Neacuteanmoins lanalyse de cette
construction en synchronie varie sensiblement dun auteur agrave lautre De fait peu dauteurs preacutesentent
le futur comme une construction autonome Dialo (1981a 22) et Church (1981 107-116)
lanalysent simplement comme un parfait avec le verbe auxiliaire dimperfectif di (23a-b)
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23) a Bey =na-a ceeb (Dialo 1981a 19)
cultiver =PRF-S1SG riz
lsquoJai cultiveacute du rizrsquo
b Di=na-a bey ceeb (Dialo 1981a 22)
IPF=PRF-S1SG cultiver riz
lsquoJe cultiverai du rizrsquo
Sauvageot (1965 105-106) et Diouf (2009 198) en revanche considegraverent le futur comme une
construction preacutedicative agrave part entiegravere Lune des raisons de ce choix reacuteside dans la possibiliteacute
dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire dimperfectif di (24a-b)51 aucune autre construction
preacutedicative ne permet ce type de construction laquo surcomposeacutee raquo
24) a Dina-a=y tux (Sauvageot 1965 106)
FUT-S1SG=IPF fumer
lsquoJai lhabitude de fumerrsquo
b Dina=y feacuteex ci ngoon =si (Diouf 2003 123)
FUTS3SG=IPF ecirctre_frais PREPPX soir =CLsDFPX
lsquoIl fait frais le soirrsquo
Nous pouvons donc consideacuterer que le futur est une construction preacutedicative issue de la
grammaticalisation dune construction mettant en jeu le verbe auxiliaire di et le marqueur preacutedicatif
na Neacuteanmoins si lon eacutetudie le paradigme complet de ces formes (Tableau 24) on constate que
cette grammaticalisation nest pas complegravete
Comme la totaliteacute des auteurs la remarqueacute les formes du futur (perfectif) sont formellement
identiques aux formes du parfait imperfectif et ce quelque soit la personne Cela tend agrave montrer que
le futur est issu du parfait
51 Robert (1991 270-273) et Perrin (2005 155-161) tiennent compte de cette construction en di-na=y neacuteanmoins ilsne preacutesentent pas le futur comme une construction preacutedicative agrave part entiegravere Selon leur analyse di et =y constituentdeux morphegravemes distincts
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Tableau 24 - Formes du parfait et du futur affirmatif du verbe lekk (manger)
PERFECTIF IMPERFECTIF
NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute
PRF
lekk=naalekk=ngalekk=nalekk=nanulekk=ngeenlekk=nantildeu
lekkoon=naalekkoon=ngalekkoon=nalekkoon=nanulekkoon=ngeenlekkoon=nantildeu
di=naa lekkdi=nga lekkdi=na lekkdi=nanu lekkdi=ngeen lekkdi=nantildeu lekk
doon=naa lekkdoon=nga lekkdoon=na lekkdoon=nanu lekkdoon=ngeen lekkdoon=nantildeu lekk
FUT
dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk
doon=naa lekkdoon=nga lekkdoon=na lekkdoon=nanu lekkdoon=ngeen lekkdoon=nantildeu lekk
dinaay lekkdingay lekkdinay lekkdinanuy lekkdingeen di lekkdinantildeuy lekk
na
Comme nous lavons eacutevoqueacute plus haut les formes du futur imperfectif sont construites en
ajoutant le verbe auxiliaire di (ou sa forme clitique =y) aux formes du futur perfectif Cela tend agrave
montrer quen wolof contemporain leacuteleacutement di dans dina nest plus consideacutereacute comme un verbe
auxiliaire dimperfectif On peut donc supposer que di=na sest grammaticaliseacute en un nouveau
marqueur preacutedicatif dina
Neacuteanmoins si lon considegravere que dina est un marqueur preacutedicatif au mecircme titre que na dafa
etc les formes du futur passeacute ne correspondent pas aux formes attendues En effet si la
grammaticalisation du futur eacutetait complegravete le suffixe du passeacute -(w)oon devrait se placer sur le verbe
lexical (25a) Or cette forme est impossible Les seules formes attesteacutees sont identiques aux formes
du parfait imperfectif passeacute ougrave le suffixe du passeacute -(w)oon se place sur lauxiliaire dimperfectif di
(25b)
25) a Mbantilde-gagravecce dina =fi baax-oon
rideau FUTS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien-PAS
b Mbantilde-gagravecce d-oon =na =fi baax (Diouf 2003 563)
rideau IPF-PAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien
lsquoUn rideau serait bien icirsquo
Par ailleurs on remarque quil y a un trou dans le paradigme des formes du futur Aucune forme
ne correspond aux proprieacuteteacutes TIRV fut POL + ASP ipf TPS pas Ce trou nest pas surprenant Comme
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nous venons de le voir il ny a pas de formes speacutecifiques pour le futur passeacute puisque ces formes
sont identiques aux formes du parfait imperfectif passeacute Or les formes du parfait imperfectif passeacute
sont deacutejagrave marqueacutees pour limperfectif elles ne peuvent donc pas prendre agrave nouveau le verbe
auxiliaire di Ainsi le trou dans le paradigme sexplique par le fait que la grammaticalisation du
futur nest pas complegravete Aux formes du non-passeacute dina est un marqueur preacutedicatif agrave part entiegravere
alors quaux formes du passeacute di et na sont deux eacuteleacutements distincts
Le futur constitue donc une construction preacutedicative en cours de grammaticalisation La valeur
principale de cette construction est celle dun futur (26a) Cette construction peut eacutegalement avoir
une lecture gnomique ou geacuteneacuterique cest-agrave-dire quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une veacuteriteacute
geacuteneacuterale (26b)
26) a Dina dem Magravekka deacuteweacuten (Diouf 2003 106)
FUTS3SG aller La_Mecque an_prochain
lsquoIl ira agrave La Mecque lan prochainrsquo
b Leacutereacuten =dina fanqal liir yaram wu ntildeaawlu (Diouf 2003 118)
colostrum =FUTS3SG eacutepargner beacutebeacute corps CLwREL ecirctre_avilissant
lsquoLe colostrum eacutepargne au nourrisson un corps indeacutesirablersquo
Avec le marqueur de passeacute cette construction peut avoir deux lectures conditionnel (27a) ou
imparfait (27b) Le conditionnel pouvant ecirctre deacutefini comme un laquo futur dans le passeacute raquo (Comrie
1985a 75) la lecture conditionnelle est coheacuterente avec les formes du futur perfectif passeacute Par
contre limparfait eacutetant geacuteneacuteralement deacutefini comme un passeacute imperfectif (Comrie 1976 Dahl
1985) la seconde lecture correspond plutocirct aux formes du parfait imperfectif passeacute
27) a D-oon =na baax (Diouf 2003 482)
IPF-PAS =PRFS3SG ecirctre_bien
su =ntildeu yokk-oon tali =yi
HYP =S3PL agrandir-PAS chausseacutee =CLyDFPX
lsquoCe serait bien si on eacutelargissait les routesrsquo
b D-oon =na liggeacuteey ba ma ntildeeumlw-ee (Perrin 2005 412)
IPF-PAS =PRFS3SG travailler TEMP S1SG venir-ANT
lsquoIl travaillait lorsque je suis arriveacutersquo
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Avec le verbe auxiliaire dimperfectif cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour indiquer quune
situation est occasionnelle (28a-b) ou habituelle (24a-b) Ces deux lectures sont coheacuterentes avec la
lecture gnomique du futur En effet le gnomique et loccasionnel sont des cateacutegories aspectuelles
lieacutees agrave lhabituel (Dahl 1985 95-102 Bertinetto amp Lenci 2012)
28) a Kii =dina=y soxor de (Robert 1991 273)
CLHUMSGDEMPX =FUTS3SG=IPF ecirctre_meacutechant EMPH
lsquoLui il lui arrive decirctre vraiment meacutechantrsquo
b Magravengo =gi doom bu ci nekk (Diouf 2003 109)
manguier =CLgDFPX fruit CLbREL PREPPX ecirctre
=dina=y mat liibeumlr
=FUTS3SG=IPF valoir livre
lsquoChacun des fruits de ce manguier peut peser une livrersquo
Malgreacute une apparente diversiteacute de valeurs les diffeacuterentes lectures du futur sont toutes lieacutees agrave
laspect imperfectif Lutilisation dun preacutesent imperfectif pour exprimer un futur est relativement
freacutequente dans les langues et ce type de construction tend geacuteneacuteralement agrave avoir dautres lectures
aspectuelles dont le gnomique et lhabituel (Bybee et al 1994 275-278)
222 Le futur neacutegatif
Cette construction est appeleacutee laquo neacutegatif duratif-accompli raquo par Sauvageot (1965) laquo neacutegatif
inaccompli raquo par Church (1981) et laquo neacutegatif emphatique raquo par Robert (1991) Nous preacutefeacuterons
utiliser le terme laquo futur neacutegatif raquo car cette construction peut ecirctre analyseacutee comme leacutequivalent
neacutegatif du futur
Le futur neacutegatif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif du placeacute immeacutediatement
avant le verbe On note que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne
- 89 -
Tableau 25 - Paradigme personnel du futur neacutegatif
SG PLSG PL
MP SUJ MP SUJ
1 du -ma du -nu duma dunu
2 du -a du -ngeen rarr doo dungeen
3 du -Oslash du -ntildeu du duntildeu
Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux
(29a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (29b)
29) a S p-s V O
Xale =yi du-ntildeu lekk ceeb
enfant =CLyDFPX FUTNEG-S3PL manger riz
lsquoLes enfants ne mangeront pas de rizrsquo
b p-s =o V
Du-ma =ko lekk
FUTNEG-S1SG =O3SG manger
lsquoJe ne le mangerai pasrsquo
Il y a un consensus dans la litteacuterature sur le fait que le marqueur preacutedicatif du futur neacutegatif du
est constitueacute du verbe auxiliaire di et du suffixe du parfait neacutegatif -u(l) Neacuteanmoins lanalyse de
cette construction en synchronie varie sensiblement dun auteur agrave lautre Contrairement au futur la
plupart des auteurs preacutesentent le futur neacutegatif comme une construction autonome Dialo (1981a
23) est lun des rares auteurs agrave lanalyser simplement comme un parfait neacutegatif avec le verbe
auxiliaire dimperfectif di (30a-b)
30) a Bey-u-ma ceeb (Dialo 1981a 21)
cultiver=PRFNEG-S1SG riz
lsquoJe nai pas cultiveacute de rizrsquo
b D-u-ma bey ceeb
IPF=PRFNEG-S1SG cultiver riz
lsquoJe ne cultiverai pas de rizrsquo
- 90 -
Plusieurs arguments peuvent ecirctre avanceacutes pour justifier lanalyse du futur neacutegatif comme une
construction preacutedicative agrave part entiegravere la possibiliteacute dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire
dimperfectif les idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur preacutedicatif et les
emplois de cette construction pour former des preacutedicats non verbaux
Comme pour le futur il est possible dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire dimperfectif di (31a-
b) Nous pouvons donc supposer que le futur neacutegatif est une construction preacutedicative agrave part entiegravere
issue de la grammaticalisation dune construction mettant en jeu le verbe auxiliaire di et le suffixe
neacutegatif -u(l)
31) a Duma-a=y tux (Sauvageot 1965 118)
FUTNEG-S1SG=IPF fumer
lsquoJe nai pas lhabitude de fumerrsquo
b Du=y def suukar ci kafeem (Diouf 2003 114)
FUTNEGS3SG=IPF faire sucre PREPPX cafeacutePOSS3SG
lsquoHabituellement il ne met pas de sucre dans son cafeacutersquo
Neacuteanmoins si lon eacutetudie le paradigme complet (Tableau 26) on constate que la situation est
plus complexe que pour le futur affirmatif
Tableau 26 - Formes du parfait neacutegatif et du futur neacutegatif du verbe lekk (manger)
PERFECTIF IMPERFECTIF
NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute
PRF
NEG
lekkumalekkuloolekkullekkunulekkuleenlekkuntildeu
lekkuma=woonlekkuloo=woonlekkuloonlekkunu=woonlekkuleen=woonlekkuntildeu=woon
duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk
duma=woondoo=woondu=woondunu=woondungeen=woonduntildeu=woon
FUT
NEG
duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk
duma=woondoo=woondu=woondunu=woondungeen=woonduntildeu=woon
dumay lekkdooy lekkduy lekkdunuy lekkdungeen di lekkduntildeuy lekk
na
Comme pour le futur affirmatif on peut consideacuterer que les formes du futur neacutegatif (perfectif)
- 91 -
sont formellement identiques aux formes du parfait neacutegatif imperfectif et ce quelque soit la
personne De plus les formes du futur neacutegatif imperfectif sont construites en ajoutant le verbe
auxiliaire di (ou sa forme clitique =y) aux formes du futur neacutegatif perfectif
Dans toutes les constructions preacutedicatives que nous avons vues plus haut les formes
imperfectives sont construites en ajoutant le verbe auxiliaire di aux formes perfectives Or si lon
considegravere que les formes du parfait neacutegatif imperfectif (et donc du futur neacutegatif) sont construites sur
le mecircme modegravele que les formes du parfait neacutegatif perfectif on constate quagrave plusieurs personnes les
formes observeacutees ne correspondent pas aux formes attendues
Tableau 27 - Idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur de futur neacutegatif
Parfait neacutegatif perfectif Futur neacutegatif
Exemple Modegravele Formes attendues Formes attesteacutees
1SG
2SG
3SG
1PL
2PL
3PL
lekk-umalekk-uloolekk-ullekk-unulekk-uleenlekk-untildeu
V-umaV-uloo V-ooV-u(l)V-unuV-uleenV-untildeu
d-umad-uloo d-ood-u(l) d-unud-uleen d-untildeu
d-umad-ood-ud-unud-ungeend-untildeu
Dans les formes du parfait neacutegatif imperfectif (ou du futur neacutegatif) on sattendrait agrave ce que le
verbe auxiliaire di prenne le suffixe du parfait neacutegatif Or on constate que
bull Au perfectif 2SG le suffixe laquo standard raquo et le plus reacutepandu est -uloo Le suffixe -oo est
eacutegalement attesteacute mais est plus rare (Diouf 2009 199) Or agrave limperfectif la forme d-uloo
est impossible seule la forme d-oo est attesteacutee
bull Au perfectif 3SG le suffixe est -u(l) Le -l final du suffixe tombe uniquement devant les
pronoms clitiques (Diouf 2009 165) Or agrave limperfectif la forme est d-u quelque soit le
mot qui suit
bull Au perfectif 2PL le suffixe est -uleen Or agrave limperfectif la forme est d-ungeen
Ces idiosyncrasies tendent donc agrave montrer que le parfait neacutegatif imperfectif (ou le futur neacutegatif)
doit ecirctre analyseacute comme une construction preacutedicative agrave part entiegravere en synchronie En effet son
paradigme personnel ne peut pas (ou plus) ecirctre deacuteduit de celui du parfait neacutegatif ou du futur
affirmatif
Un autre point probleacutematique dans lanalyse de ce paradigme concerne les formes du passeacute En
- 92 -
effet si lon consulte la litteacuterature on constate que trois paradigmes distincts ont eacuteteacute proposeacutes pour
le futur neacutegatif passeacute (ou le parfait neacutegatif imperfectif passeacute) (Tableau 28) De plus il nexiste pas
de consensus concernant les contextes demploi de ces paradigmes
Tableau 28 - Les trois paradigmes du futur neacutegatif passeacute
Paradigme Modegravele
A
d-uma=woond-oo=woond-u=woond-unu=woond-ungeen=woond-untildeu=woon
larr
V-uma=woonV-uloo=woonV-uloonV-unu=woonV-uleen=woonV-untildeu=woon
TIRV POL ASP TPS
prfndashpfpas
B
d-oon-umad-oon-ulood-oon-uld-oon-unud-oon-uleend-oon-untildeu
larr
d-oon=naad-oon=ngad-oon=nad-oon=nanud-oon=ngeend-oon=nantildeu
TIRV POL ASP TPS
prf+ipfpas
C
d-aa-w-uma d-aa-w-uloo d-aa-w-ul d-aa-w-unu d-aa-w-uleen d-aa-w-untildeu
larr
d-aan=naad-aan=ngad-aan=nad-aan=nanud-aan=ngeend-aan=nantildeu
TIRV POL ASP TPS
prf+ipfpasr
Le paradigme A semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait neacutegatif perfectif passeacute le verbe
auxiliaire di occupant la place du verbe lexical Dialo et al (1984 31) le preacutesentent comme lun des
paradigmes possibles pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute et Fal et al (1990 25) le preacutesentent
comme le seul paradigme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Church (1981 147-149) en
revanche considegravere que ces formes sont incompatibles avec un preacutedicat verbal et ne peuvent donc
pas ecirctre analyseacutees comme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Ainsi leacuteleacutement di ne doit pas ecirctre
analyseacute comme le verbe auxiliaire dimperfectif mais comme une copule verbale52 A contrario
Diagne (1971 116) considegravere que ce paradigme est compatible avec les preacutedicats verbaux et les
preacutedicats non verbaux Dans notre corpus ces formes sont tregraves peu freacutequentes et se trouvent
essentiellement dans des preacutedicats non verbaux (32a) Nous navons trouveacute des exemples de
preacutedicats verbaux que dans la traduction de la Bible (32b) sur Internet ou dans les descriptions
grammaticales citeacutees plus haut
52 La mecircme copule verbale que lon peut rencontrer dans les constructions FOCS (sect 252) et FOCV (sect 255)
- 93 -
32) a Jeacutendal =na =ko lu ne (Diouf 2003 139)
acheterCAUS =PRFS3SG =O3SG CLCHSGREL ecirctre
ganu-ganu d-u =woon bitik bu mag
encore_que COP-PRFNEGS3SG =PAS boutique CLbREL ecirctre_grand
lsquoIl lui a acheteacute toutes sortes de choses encore que ceacutetait un petit magasinrsquo
b Waaye gannaaw yoonu Musaa (Bible 2004 161)
mais puisque loiGEN Moiumlse
teumlddagul =woon bagravekkaar d-u=woon jagravedd yoon
seacutetendredeacutejagravePRFNEGS3SG =PAS peacutecheacute IPF-PRFNEG=PAS bifurquer loi
lsquoOr le peacutecheacute nest pas imputeacute quand il ny a point de loirsquo (Romains 513)
(litt lsquoMais puisque la loi de Moiumlse ne seacutetait pas encore eacutetendue
le peacutecheacute ne seacuteloignait pas de la loirsquo)
Le paradigme B semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait imperfectif passeacute le suffixe du
parfait neacutegatif remplaccedilant le marqueur preacutedicatif du parfait Dialo et al (1984 31) le preacutesentent
comme lun des paradigmes possible pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute et Diouf amp Yaguello
(1991 217-219) et Torrence (2003) le preacutesentent comme le seul paradigme du parfait neacutegatif
imperfectif passeacute Aucun autre auteur ne semble le mentionner Dans notre corpus ces formes ne
sont pas attesteacutees En revanche nous avons releveacute quelques occurrences de preacutedicats non verbaux
formellement semblables (33a-b) Neacuteanmoins dans ces exemples doon ne peut pas ecirctre analyseacute
comme le verbe auxiliaire di au passeacute mais correspond agrave un verbe laquo ecirctre raquo (existentiel) (Diouf
2003 110) De plus en dehors des descriptions grammaticales nous navons releveacute ce type
dexemples que dans la traduction de la Bible (33a) ou dans un proverbe (33b)
33) a Doon-u-nu lu moy (Bible 2009 32)
ecirctre-PRFNEG-S1PL CLCHSGREL manquer
ay doxandeacuteem ci moom de
IDFCLy eacutetranger PREPPX PRO3SG EMPH
lsquoNe sommes-nous pas regardeacutees par lui comme des eacutetrangegraveresrsquo (Genegravese 3115)
(litt lsquoNe sommes-nous pas autre chose que des eacutetrangegraveres pour lui rsquo)
- 94 -
b Loo doon-ul ndongoom (Shawyer 2009 63)
CLCHSGRELS2SG ecirctre-NEG eacutelegravevePOSS3SG
doo doon ub seumlrintildeam
FUTNEGS2SG ecirctre IDFCLb maraboutPOSS3SG
lsquoOn ne peut devenir maicirctre dune chose quon na pas eacutetudieacuteersquo
(litt lsquoCe dont tu nas pas eacuteteacute leacutelegraveve tu nen seras pas le maraboutrsquo)
Le paradigme C semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait imperfectif passeacute reculeacute le
suffixe du parfait neacutegatif remplaccedilant le marqueur preacutedicatif du parfait Dialo et al (1984 31) le
preacutesentent comme lun des paradigmes possible pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute Diouf
(2009 182) le preacutesente comme le seul paradigme du futur neacutegatif passeacute et Dialo (1981a 69) le
preacutesente comme le seul paradigme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Selon Church (1981 147-
149) les formes des paradigmes A et C sont en distribution compleacutementaire En effet les formes du
paradigmes C sont incompatibles avec les preacutedicats non verbaux mais sont possibles dans les
preacutedicats verbaux (34a) Dans notre corpus nous avons releveacute plusieurs occurrences de ces formes
Neacuteanmoins bien que le paradigme C soit le plus attesteacute nous consideacuterons quil ne peut pas ecirctre
analyseacute comme le paradigme du futur neacutegatif passeacute (ou du parfait neacutegatif imperfectif passeacute) En
effet les formes de ce paradigme ne sont pas des formes de passeacute mais des formes de passeacute reculeacute
Or le passeacute reculeacute est attesteacute avec dautres constructions preacutedicatives (34b) Ainsi les formes C
occupent dautres cellules du paradigme des verbes agrave savoir TIRV fut POL ndash ASP pf TPS pasr et
TIRV prf POL ndash ASP ipf TPS pasr
34) a D-aa-wu-nu dem ekool alxames (Diouf 2003 48)
IPF-PASR-PRFNEG-S1PL partir eacutecole jeudi
lsquoNous nallions pas agrave leacutecole le jeudirsquo
b Ay fett =lantildeu d-aan yoacutebbu xare (Diouf 2003 114)
IDFCLy flegraveche =FOCCS3PL IPF-PASR emmener guerre
lsquoIls amenaient des flegraveches agrave la guerrersquo
Pour reacutesumer les formes de futur neacutegatif passeacute sont relativement rares Les paradigmes A et B
sont essentiellement attesteacutes dans des preacutedicats non verbaux Le paradigme C est plus freacutequent
mais ne correspond pas agrave du passeacute mais plutocirct agrave du passeacute reculeacute
Apregraves avoir deacutecrit les caracteacuteristiques morphosyntaxiques du futur neacutegatif penchons-nous sur
- 95 -
ses proprieacuteteacutes seacutemantiques La valeur principale de cette construction est celle dun futur neacutegatif
(35a) Comme le futur cette construction peut eacutegalement avoir une lecture gnomique ou geacuteneacuterique
(35b)
35) a Du-ma naan sa keumlsit (Diouf 2003 186)
FUTNEG-S1SG boire POSS2SG reste
lsquoJe ne boirai pas ce que tu as laisseacutersquo
b Bukki kenn du =ko deacutenk seel (Diouf 2003 307)
hyegravene CLHUMSGSING FUTNEGS3SG =O3SG confier viande_seacutecheacutee
lsquoOn ne confie pas des filets de viande seacutecheacutee agrave une hyegravenersquo
Avec le verbe auxiliaire dimperfectif cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour indiquer quune
situation est occasionnelle (36a) ou habituelle (36b)
36) a Dina-a=y dem Cees waaye (Robert 1990 176)
FUT-S1SG=IPF partir Thiegraves mais
du-ma=y agravegg ci Duudu
FUTNEG-S1SG=IPF arriver PREPPX Doudou
lsquoJe vais souvent agrave Thiegraves mais il marrive de ne pas aller voir Doudoursquo
b Meram du=y yagravegg (Diouf 2003 109)
colegraverePOSS3SG FUTNEGS3SG=IPF durer
lsquoSa colegravere ne dure pas longtempsrsquo
Avec le marqueur de passeacute cette construction a une lecture de conditionnel (37a-b) selon Diagne
(1971 116) et Diouf amp Yaguello (1991 218) ou dimparfait (38a-b) selon Torrence (2005 55)
Avec le marqueur de passeacute reculeacute seul la lecture dimparfait semble attesteacutee (39a-b)
37) a Doonul lekk (Diouf amp Yaguello 1991 218)
FUTNEGPASS3SG manger
lsquoIl ne mangerait pasrsquo
- 96 -
b Du-ngeen =woon ntildeeumlw (Diagne 1971 116)
FUTNEG-S2PL =PAS venir
lsquoVous ne seriez pas venusrsquo
38) a Doonu-ntildeu lekk gato =bi (Torrence 2005 55)
FUTNEGPAS-S3PL manger gacircteau =CLbDFPX
lsquoIl ne mangeaient pas le gacircteaursquo
b Du-ntildeu =woon lekk gato =bi (Torrence 2005 55)
FUTNEG-S3PL =PAS manger gacircteau =CLbDFPX
lsquoIl ne mangeaient pas le gacircteaursquo
39) a Dantildeu =ko folli ndax (Diouf 2003 129)
FOCVS3PL =O3SG destituer parce_que
daawul taxawu liggeacuteeykat =yi
FUTNEGPASRS3SG assister travaillerAGT =CLyDFPX
lsquoOn la destitueacute car il ne deacutefendait pas les travailleursrsquo
b Sa doom =ji =dafa cappe (Diouf 2003 80)
POSS2SG enfant =CLbDFPX =FOCVS3SG ecirctre_cheacutetif
Xanaa daawuloo =ko nagravempal
est-ce_donc_que FUTNEGPASRS2SG =O3SG allaiter
lsquoTon enfant est cheacutetif Est-ce que tu ne lallaitais pas rsquo
Enfin plusieurs auteurs considegraverent que cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des
preacutedicats non verbaux Neacuteanmoins nous supposons quil sagit lagrave dune confusion entre di utiliseacute
comme verbe auxiliaire dimperfectif et di utiliseacute comme copule Ainsi dans les preacutedicats non
verbaux il sagit en fait de la copule verbale di au parfait neacutegatif53 Cette construction permet de
construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (40a-b) ou un preacutedicat eacutequatif (40c)
40) a Man d-u-ma como (Diouf 2003 84)
PRO1SG COP-PRFNEG-S1SG individu_sans_importance
lsquoMoi je ne suis pas nimporte quirsquo
53 Notons neacuteanmoins que la copule verbale di est incompatible avec le parfait non neacutegatif
- 97 -
b D-u deumlgg (Diouf 2003 97)
COP-PRFNEGS3SG veacuteriteacute
lsquoCe nest pas la veacuteriteacutersquo
c Kor d-u yeumlfu gor (Diouf 2003 189)
trahison COP-PRFNEGS3SG choseGEN homme_libre
lsquoLa trahison nest pas une affaire de noblersquo
On constate que dans cet emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus
contrastif Ainsi cette construction est geacuteneacuteralement employeacutee comme leacutequivalent neacutegatif des
preacutedicats non verbaux exprimeacutes par la focalisation du compleacutement (41a-b)
41) a D-u ag njaambaar ag ndof =la (Diouf 2003 461)
COP-PRFNEGS3SG IDFCLg bravoure IDFCLg folie =FOCC
lsquoCe nest pas du courage cest de la foliersquo
b Deacuteedeacuteet man d-u-ma turist (Diouf amp Yaguello 1991 40)
non PRO1SG COP-PRFNEG-S1SG touriste
koperaŋ la-a
coopeacuterant FOCC-S1SG
lsquoNon moi je ne suis pas un touriste je suis coopeacuterantrsquo
23 Les constructions injonctives
Sous leacutetiquette laquo injonctif raquo plusieurs auteurs regroupent limpeacuteratif (42a) et loptatif (42b)
(Dialo 1981a 24-26 Church 1981 97-105 Robert 1991 235-256) Plusieurs caracteacuteristiques
justifient un tel regroupement la valeur seacutemantique de ces constructions leur forme neacutegative et
leur incompatibiliteacute avec le passeacute
Ces constructions relegravevent de la modaliteacute deacuteontique cest-agrave-dire dune obligation ou dune
permission eacutemanant dune source exteacuterieure (Palmer 2001 9) Plus preacuteciseacutement elles relegravevent de
ce que Bybee et al (1994 179) nomment la laquo modaliteacute orienteacutee vers le locuteur raquo (speaker-
oriented modality) En effet ces constructions ne sont pas utiliseacutees pour indiquer lexistence de
conditions (obligation ou permission) mais plutocirct pour permettre au locuteur dimposer de telles
- 98 -
conditions agrave un allocutaire (42a-b)
42) a Dem-al ca biti (Diouf 2003 71)
partir-IMPS2SG PREPDT dehors
lsquoVa dehors rsquo
b Na dem suba mboog (Diouf 2003 220)
OPTS3SG partir demain alors
lsquoQuil parte demain alors rsquo
En plus de relever de la mecircme cateacutegorie verbale limpeacuteratif et loptatif partagent la mecircme forme
neacutegative le prohibitif (43a-b)
43) a Bul dem leacuteegi (Diouf 2003 76)
PROHS2SG partir maintenant
lsquoNe ten va pas maintenant rsquo
b Bu-ntildeu dem ca keumlr =ga (Diouf 2009 77)
PROH-S3PL partir PREPDT maison =CLgDFDT
lsquoQuil parte demain alors rsquo
Enfin on remarque que ces constructions sont les seules constructions preacutedicatives
incompatibles avec le passeacute (Dialo 1981a 30 Diouf 2009 179-184)
231 Limpeacuteratif
Cette construction est appeleacutee laquo impeacuteratif raquo par tous les auteurs (Dialo 1981a Church 1981
Robert 1991 Diouf 2009)
La structure de limpeacuteratif se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe verbal -(a)l au singulier ou
-leen au pluriel Limpeacuteratif se conjugue uniquement agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du
pluriel
- 99 -
Tableau 29 - Paradigme personnel de limpeacuteratif
SG PL
2 -(a)l -leen
Au singulier le suffixe se reacutealise -al si le verbe se termine par une consonne (44a) -l si le verbe
se termine par une voyelle fermeacutee (44b) ou une voyelle longue (44c) et il se reacutealise -l et allonge la
derniegravere voyelle du verbe sil ne sagit pas dune voyelle fermeacutee (44d) (Dialo 1981a 25 Diouf
2009 84)
44) a Wax-al b Indi-l (Diouf amp Yaguello 1991 20)
parler-IMPS2SG apporter-IMPS2SG
lsquoParle rsquo lsquoApporte rsquo
c Woo-l d Boole-el
appeler-IMPS2SG rassembler-IMPS2SG
lsquoAppelle rsquo lsquoRassemble rsquo
Tableau 210 - Reacutealisation du suffixe de limpeacuteratif54
SG PL
Consonne -al -leen
Voyelle fermeacutee etou longue -l -leen
Voyelle non fermeacutee bregraveve (v) -vl -leen
Cette construction preacutesente une structure syntaxique V O avec des arguments lexicaux (45a-b) et
V =o avec des arguments pronominaux (46a-b) Devant un objet pronominal le suffixe de
limpeacuteratif tombe au singulier (46a) mais pas au pluriel (46b)
45) V O
a Lekk-al ceeb
manger-IMPS2SG riz
lsquoMange du riz rsquo
54 Tableau adapteacute de Diouf amp Yaguello (1991 20)
- 100 -
b Lekk-leen ceeb
manger-IMPS2PL riz
lsquoMangez du riz rsquo
46) V =o
a Lekk-Oslash =ko
manger-IMPS2SG =O3SG
lsquoMange-le rsquo
b Lekk-leen =ko
manger-IMPS2PL =O3SG
lsquoMangez-le rsquo
Certains verbes preacutesentent des particulariteacutes idiosyncrasiques agrave limpeacuteratif Le verbe kaay est
exclusivement utiliseacute agrave limpeacuteratif (Diouf 2009 185) Il ne prend pas de suffixe au singulier (47a)
mais prend le suffixe -leen au pluriel (47b) (Dialo 1981a 25) Ce verbe est synonyme du verbe
ntildeeumlw (venir) agrave limpeacuteratif (48a-b)
47) a Kaay fii (Diouf 2003 586)
venir(IMP)[S2SG] CLLOCDEMPX
lsquoViens ici rsquo
b Kaay-leen fii (Diouf 2003 586)
venir(IMP)-S2PL CLLOCDEMPX
lsquoVenez ici rsquo
48) a Ntildeeumlw-al fii (Diouf 2003 586)
venir-IMPS2SG CLLOCDEMPX
lsquoViens ici rsquo
b Ntildeeumlw-leen fii (Diouf 2003 586)
venir-IMPS2PLCLLOCDEMPX
lsquoVenez ici rsquo
Le verbe am (avoir) ne prend pas de suffixe au singulier lorsquil est utiliseacute laquo dans le sens dune
- 101 -
invitation agrave recevoir ce quon tend raquo (49a) (Diouf 2009 185) En revanche il prend le suffixe -al
dans tous les autres contextes (49b)
49) a Am lii (Diouf 2003 48)
tiens[IMPS2SG] CLCHSGDEMPX
lsquoTiens ccedila rsquo
b Soo beumlggee xam lu=y laabiir (Diouf 2003 48)
HYPs2SG vouloirANT savoir CLCHSGREL=COP geacuteneacuterositeacute
am-al doom
avoir-IMPS2SG enfant
lsquoSi tu veux savoir ce quest la geacuteneacuterositeacute fais un enfant rsquo
Comme dans la plupart des langues limpeacuteratif est utiliseacute pour exprimer un ordre direct (50a)
une permission (50b) ou un conseil (50c)
50) a Wagravecc-leen maraaj =bi (Diouf 2003 213)
descendre-IMPS2PL mur =CLbDFPX
lsquoDescendez du mur rsquo
b Agsi-l (Diouf amp Yaguello 1991 18)
entrer-IMPS2SG
lsquoEntre (je ten prie) rsquo
c Moytu-leen Bocci =na paaka (Diouf 2003 220)
se_meacutefier-IMPS2PL deacutegainer =PRFS3SG couteau
lsquoFaites attention Il a deacutegaineacute un couteaursquo
232 Loptatif
Cette construction est appeleacutee laquo deacutesideacuteratif raquo par Fal (1999) laquo obligatif raquo par Sauvageot (1965)
Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et laquo incitatif raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons
utiliser le terme laquo optatif raquo eacutegalement utiliseacute par Church (1981) en raison de son utilisation par
Bybee (1985 171) Selon la terminologie de Palmer (2001 80-82) cette construction est un jussif
- 102 -
Loptatif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif na placeacute en tecircte de phrase On note
que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne
Tableau 211 - Paradigme personnel de loptatif
SG PLSG PL
MP SUJ MP SUJ
1 na -a na -nu naa nanu
2 na -nga na -ngeen rarr nanga nangeen
3 na -Oslash na -ntildeu na nantildeu
Cette construction preacutesente une structure syntaxique p S V O avec des arguments lexicaux (51a)
et p-s =o V avec des arguments pronominaux (51b)
51) a p S V O
Na Omar lekk ceeb
OPTS3SG Omar manger riz
lsquoQue Omar mange du riz rsquo
b p-s =o V
Na-a =ko lekk
OPT-S1SG =O3SG manger
lsquoQue jen mange rsquo
Loptatif peut ecirctre deacutefini comme une modaliteacute orienteacutee vers le locuteur preacutesentant un paradigme
personnel complet (Bybee 1985 171) De fait agrave lexception de limpeacuteratif cette construction
couvre la plupart des modaliteacutes orienteacutees vers le locuteur identifieacutees par Bybee et al (1994 179)
optatif hortatif et permissif
Cette construction peut correspondre agrave un optatif au sens strict cest-agrave-dire quelle peut ecirctre
utiliseacutee pour exprimer un souhait (52a) Elle peut eacutegalement avoir une lecture hortative cest-agrave-dire
quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une incitation agrave faire quelque chose (52b) Enfin elle peut
avoir une lecture permissive cest-agrave-dire quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une permission
(52c)
- 103 -
52) a Yagravella =na sa liggeacuteey =bi am barke (Diouf 2003 62)
Dieu =OPT POSS2SG travail =CLbDFPX avoir beacuteneacutediction
lsquoQue ton travail soit beacuteni rsquo
b Na-nu dem seelu ci bitig =bi (Diouf 2003 307)
OPT-S1PL partir sabriter PREPPX boutique =CLbDFPX
lsquoAllons dans la boutique nous abriter de la pluie rsquo
c Na dem suba mboog (Diouf 2003 220)
OPTS3SG partir demain alors
lsquoQuil parte demain alors rsquo
233 Le prohibitif
Cette construction est appeleacutee laquo injonctif neacutegatif raquo par Dialo (1981a) et Church (1981) Nous
preacutefeacuterons utiliser le terme laquo prohibitif raquo en raison de son utilisation dans la plupart des travaux
typologiques de reacutefeacuterence tels que Palmer (2001 180) Bybee et al (1994 179) et Heine amp Kuteva
(2002 24)
Le prohibitif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif bul ou bu placeacute en tecircte de
phrase55
Tableau 212 - Paradigme personnel du prohibitif
SG PLSG PL
MP SUJ MP SUJ
1 bu -ma bu -nu buma bunu
2 bu -l bu -leen rarr bul buleen
3 bu -mu bu -ntildeu bumu buntildeu
Cette construction preacutesente une structure syntaxique identique agrave celle de loptatif cest-agrave-dire
p S V O avec des arguments lexicaux (53a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (53b)
55 Le deacutecoupage des formes de deuxiegraveme personne peut sembler contestable Nous deacutefendons cette analyse en(sect 144)
- 104 -
53) a p S V O
Bu Omar lekk ceeb
PROHS3SG Omar manger riz
lsquoQuOmar ne mange pas de riz rsquo
b p-s =o V
Bu-ntildeu =ko lekk
PROH-S3PL =O3SG manger
lsquoQuils ne le mangent pas rsquo
Par ailleurs similairement au suffixe de limpeacuteratif le -l final du marqueur preacutedicatif bul agrave la
deuxiegraveme personne du singulier tombe devant un objet pronominal (54a-b)
54) a Bu =ko dandal (Diouf 2003 91)
PROHS2SG =O3SG eacuteloigner
lsquoNe leacuteloigne pas rsquo
b Bul boxom xaalis =bi (Diouf 2003 75)
PROHS2SG froisser argent =CLbDFPX
lsquoNe froisse pas largent rsquo
Le prohibitif peut ecirctre analyseacute comme leacutequivalent neacutegatif de limpeacuteratif et de loptatif Ainsi
comme limpeacuteratif il est utiliseacute pour exprimer un ordre direct (55a) ou un conseil (55b)
55) a Bul daw dox-al (Diouf 2003 94)
PROHS2SG courir marcher-IMPS2PL
lsquoNe cours pas marche rsquo
b Dafa=y caaxaan bul mer (Diouf 2003 78)
FOCVS3SG=IPF blaguer PROHS2SG ecirctre_facirccheacute
lsquoIl blague ne te facircche pasrsquo
En tant queacutequivalent neacutegatif de loptatif le prohibitif peut ecirctre utiliseacute pour exprimer un souhait
(eacutequivalent de la lecture optative) (56a) une incitation agrave ne pas faire quelque chose (eacutequivalent de
la lecture hortative) (56b) ou une interdiction (eacutequivalent de la lecture permissive) (56c)
- 105 -
56) a Yagravella bu-ma tase =ak jinne (Diouf 2003 171)
Dieu PROH-S1SG rencontrer =avec djinn
lsquoDieu fasse que je ne rencontre pas de djinn rsquo
b Bu-nu tuumaal kenn (Fal 1999 86)
PROH-S2PL accuser CLHUMSGSING
lsquoNaccusons personne rsquo
c Bu-mu dem leacuteegi (Diouf 2003 75)
PROHS3SG partir maintenant
lsquoQuil ne parte pas maintenant rsquo
24 Le minimal
Cette construction est appeleacutee laquo narratif raquo par Dialo (1981a) et Robert (1991) laquo aspect zeacutero raquo par
Sauvageot (1965) et Njie (1982) laquo aoriste raquo par Robert (1996) laquo mode virtuel raquo par Fal (1999) et
laquo neutre raquo par Ma Cisseacute (2007) Toutes ces eacutetiquettes sont pertinentes et justifieacutees car elles rendent
compte dune partie des emplois de la construction Neacuteanmoins elles ne recouvrent pas tous les
emplois de la construction et peuvent renvoyer agrave des emplois dautres constructions En effet
leacutetiquette laquo mode virtuel raquo pourrait renvoyer agrave la construction irrealis mettant en jeu le mot koon
(Perrin 2005 177-179) De mecircme leacutetiquette laquo aoriste raquo pourrait renvoyer aux emplois daoriste de
discours du parfait (Robert 1991 47-48) Nous preacutefeacuterons donc utiliser le terme laquo minimal raquo
emprunteacute agrave Church (1981) et Diouf (2009) car il fait essentiellement reacutefeacuterence agrave la forme de la
construction et eacutevite ainsi les ambiguiumlteacutes lieacutees au sens de la construction
241 Un cas probleacutematique
Lidentification dune construction laquo minimal raquo en wolof est probleacutematique Certains auteurs
identifient clairement une seule construction laquo minimal raquo (Church 1981 87-95 Robert 1991 199-
234) Selon ces auteurs le minimal se caracteacuterise par labsence de marqueur speacutecifique (en
opposition agrave toutes les autres constructions preacutedicatives) ce qui implique que son paradigme
personnel correspond au paradigme des pronoms personnels sujets libres (sect 422)
- 106 -
Tableau 213 - Paradigme personnel du minimal
SG PL
1 ma nu
2 nga ngeen
3 mu ntildeu
Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V O avec des arguments lexicaux (57a)
Avec des arguments pronominaux la structure diffegravere en fonction du type de proposition (Voisin
2010 145) On observe la structure s V o dans les propositions indeacutependantes les compleacutetives et
les subordonneacutees daboutissement introduites pas ba (jusque) (57b) alors quon observe la structure
s o V dans les autres types de subordonneacutees (57c)
57) a S V O
Omar lekk ceeb
Omar manger riz
lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo
b s V =o
Ma lekk =ko
S1SG manger =O3SG
lsquoJen ai mangeacutersquo
c s =o V
ma =ko lekk
S1SG =O3SG manger
lsquo(hellip) jen ai mangeacutersquo
Dautres auteurs distinguent deux constructions diffeacuterentes Ainsi Zribi-Hertz amp Diagne (2003)
distinguent les propositions f-deacuteficientes des propositions non finies Les propositions f-deacuteficientes
sont incompatibles avec toutes les marques flexionnelles et correspondent aux emplois du minimal
en proposition indeacutependante (aoriste de reacutecit exclamation etc) Les propositions non finies quant
agrave elles preacutesentent une flexion appauvrie et incluent les emplois du minimal dans les propositions
relatives Par ailleurs Dialo (1981a 27) distingue le minimal agrave proprement parler du mode
subordinatif qui est speacutecifique aux propositions subordonneacutees temporelles ou hypotheacutetiques
- 107 -
Deux raisons permettent dexpliquer ces divergences danalyse la premiegravere eacutetant lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute
des emplois du minimal En effet le minimal peut semployer en proposition indeacutependante avec une
valeur daoriste de reacutecit dexclamation dinstruction ou dinterrogation mais il est eacutegalement
obligatoire dans plusieurs types de propositions subordonneacutees successives relatives temporelles
hypotheacutetiques de maniegravere de but ainsi que certaines compleacutetives Il peut sembler difficile voir
impossible de lier tous ces emplois et donc de deacuteterminer le sens de cette construction Church
(1981) propose de lanalyser comme une construction agrave valeur neutre deacutependante et irreacuteelle Ainsi
le minimal serait la construction preacutedicative non marqueacutee dont le sens deacutepend toujours du contexte
dans lequel elle semploie Cette analyse a lavantage de justifier labsence de marqueur preacutedicatif
dans cette construction mais elle a linconveacutenient de preacutesenter le minimal du wolof comme une
construction typologiquement marqueacutee
La seconde raison permettant dexpliquer les divergences danalyse du minimal concerne la
diversiteacute de ses formes En effet contrairement agrave toutes les autres constructions preacutedicatives le
minimal preacutesente un unique schegraveme de preacutedication avec des arguments lexicaux (S V O) mais deux
schegravemes distincts avec des arguments pronominaux (s V o et s o V) en fonction du type de
proposition On observe le schegraveme s V o dans les propositions narratives (58a) conseacutecutives (58b)
exclamatives (58c) injonctives (58d) les propositions introduites par un adverbe (58e) les
compleacutetives sans compleacutementeur (58f)56 et les subordonneacutees de but (58g)
58) a (hellip) [mu gis =ko] ne =kohellip (Church 1981 53)
S3SG voir =O3SG dire =O3SG
lsquo(alors) il le vit lui ditrsquo
b Soowam =dafa lamb [mu maye =ko] (Church 1981 53)
laitPOSS3SG =FOCVS3SG rester S3SG donner =O3SG
lsquoSon lait restait invendu (donc) elle la donneacutersquo
c Ma def =ko (Church 1981 53)
S1SG faire =O3SG
lsquoJe le ferai (inutile de me le reacutepeacuteter) rsquo
56 Les compleacutetives introduites par le compleacutementeur ne ne sont pas au minimal (i) Xam =naa ne [dina ntildeoacutew] (Diouf 2003 245)
savoir =PRFS1SG COMP FUTS3SG venirlsquoJe sais quil viendrarsquo
- 108 -
d Mu def =ko (Church 1981 53)
S3SG faire =O3SG
lsquoQuil le fasse rsquo
e Leacuteegi [ma gis =ko] (Church 1981 53)
bientocirct S1SG voir =O3SG
lsquoBientocirct je le verrairsquo
f Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)
FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL
lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo
g Danga war=a muddaarante (Diouf 2003 229)
FOCVS2SG devoir=DV neacutegocier
ngir [mu jaay =la =ko]
pour S3SG vendre =O2SG =O3SG
lsquoTu dois neacutegocier pour quil te le vendersquo
En revanche le schegraveme s o V est attesteacute dans les relatives (59a) les relatives sans anteacuteceacutedent
(59b) les subordonneacutees de lieu (59c) les subordonneacutees de maniegravere (59d) les interrogatives
partielles (59e)57 les subordonneacutees temporelles (59f) et les subordonneacutees hypotheacutetiques (59g)
59) a [Weacutentilde =gi =ko lonk] (Diouf 2003 579)
fer =CLbDFPX =O3SG accrocher
=a =ko teree xagravewwiku
=FOCS =O3SG empecirccher tomber
lsquoCest le fer auquel il est accrocheacute qui lempecircche de tomberrsquo
b Dina am [lu mu =la yoacutennee] (Sall 2005 167)
FUTS3SG avoir CLCHSGREL S3SG =O2SG envoyer
lsquoIl tenverra quelque chosersquo (litt lsquoIl y aura quelque chose quil tenverrarsquo)
57 Les interrogatives partielles contenant un pronom interrogatif ne sont pas au minimal (sect 244)
- 109 -
c [Fu =mu =ko fekk] toroxal =ko (Diouf 2003 350)
CLLOCREL =S3SG =O3SG trouver humilier =O3SG
lsquoOugrave quil le trouve il lhumiliersquo
d Deful liggeacuteey =bi (Church 1981 90)
fairePRFNEGS3SG travail =CLbDFPX
[na mu =ko ware=a def]
CLMNRDFDT S3SG =O3SG devoirAPPL=DV faire
lsquoIl na pas fait le travail comme il convenait de le fairersquo
e Ku =ko yoacutebbu (NDiaye-Correacuteard 2003 173)
CLHUMSGREL =O3SG emporter
lsquoQui la emporteacute rsquo
f Dafa ntildeagravelli [bi mu =la seacuteen-ee] (Diouf 2003 265)
FOCVS3SG deacutetaller TEMP S3SG =O2SG apercevoir-ANT
lsquoIl a deacutetaleacute quand il ta aperccedilursquo
g [Su =ma =ko gisat-ee] dinaa =ko jeacutend (Diouf 2003 555)
HYP =S1SG =O3SG voir-ANT FUTS1SG =O3SG acheter
lsquoSi je le revois je lachegraveterairsquo
Par ailleurs le schegraveme s V o semble incompatible avec le suffixe de neacutegation -ul les
propositions preacutesentant ce schegraveme doivent ecirctre nieacutees lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser)
ou ntildeagravekk (manquer) (60a-b) (sect 31) Par contre le schegraveme s o V est toujours compatible avec le
suffixe -ul (61a-b)
60) a Beumlgg =naa [Ayda bantildentildeagravekk =ko togg] (Torrence 2013a 35)
vouloir =PRFS1SG Aiumlda refusermanquer =S3SG cuisiner
lsquoJe ne veux pas quAiumlda le cuisinersquo
b Beumlgg =naa [Ayda togg-ul =ko]
vouloir =PRFS1SG Aiumlda cuisiner-NEG =O3SG
- 110 -
61) a Daqaar du wuum [ku =ko macc-ul] (Diouf 2003 93)
tamarin FUTNEGS3SG agacer CLHUMSGREL =O3SG sucer-NEG
lsquoLe tamarin nagace pas les dents de celui qui ne la pas suceacutersquo
b [Su =ma =ko xam-ul] yow waxi noppi (Diouf 2003 363)
HYP =S1SG =O3SG savoir-NEG PRO2SG agrave_plus_forte_raison
lsquoSi je ne le sais pas toi non plus agrave plus forte raisonrsquo
Enfin agrave limperfectif la diffeacuterence dordre du minimal laquo selon le type de proposition est
neutraliseacutee raquo (Voisin 2010 146) En effet si lon ajoute lauxiliaire dimperfectif le schegraveme est
s o V quelque soit le type de proposition (62-63) le schegraveme s V o nest jamais attesteacute agrave limperfectif
(63a-b)
62) a Xamuma [fu =mu =ko jeacutele] (Diouf 2003 79)
savoirPRFNEGS1SG CLLOCREL =S3SG =O3SG prendreAPPL
lsquoJe ne sais pas ougrave il la prisrsquo
b Xamuma [lu mu =ko=y doye] (Diouf 2003 292)
savoirPRFNEGS1SG CLCHSGREL =S3SG =O3SG=IPF faireAPPL
lsquoJe ne sais pas ce quil va en fairersquo
63) a Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)
FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL
lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo
b Dama beumlgg [nga =ko=y deumlglu] (Voisin 2010 146)
FOCVS1SG vouloir S2SG =O3SG=IPF eacutecouter
lsquoJe veux que tu leacutecoutes souventrsquo
Ainsi le minimal preacutesente deux schegravemes distincts (s V o et s o V) correspondant chacun agrave des
emplois diffeacuterents dans la langue En effet le changement dans lordre des mots ne repose pas sur
des diffeacuterences dordre pragmatique ou discursive mais est deacutetermineacute par le type de proposition
Dun point de vue constructionnel nous devons donc consideacuterer que nous sommes en preacutesence dau
moins deux constructions diffeacuterentes puisque nous avons deux formes diffeacuterentes (les schegravemes
- 111 -
s V o et s o V) correspondant agrave des sens diffeacuterents En tenant compte de lensemble des diffeacuterences
de forme et de sens nous identifions en fait quatre constructions diffeacuterentes Subjonctif-Conseacutecutif
Infinitif Relatif et Hypotheacutetique-Temporel
242 Le subjonctif-conseacutecutif
Nous avons retenu leacutetiquette laquo subjonctif-conseacutecutif raquo pour deacutesigner la construction preacutesentant
le schegraveme s V o Cette eacutetiquette nest pas traditionnelle dans les descriptions du wolof58 Neacuteanmoins
elle permet de rendre compte de tous les emplois de cette construction
Nous empruntons le terme laquo subjonctif raquo agrave Creissels amp Sambou (2013) Dans leur description du
mandinka59 ces auteurs identifient un couple de marqueurs preacutedicatifs yeacute~ŋaacute (positif) kaacutena
(neacutegatif) quils deacutesignent sous le terme laquo subjonctif raquo Ce choix nest pas traditionnel dans la
description des parlers mandingues En effet la plupart des auteurs preacutefegraverent geacuteneacuteralement utiliser
des termes eacutevoquant la valeur injonctive de ces marqueurs preacutedicatifs lorsquils sont utiliseacutes en
proposition indeacutependante Cest notamment le cas de Dumestre (2003 214) qui les analyse comme
des marqueurs de limpeacuteratif Neacuteanmoins Creissels amp Sambou (2013 74) justifient leur choix
laquo Il nous semble en deacutefinitive preacutefeacuterable de retenir une eacutetiquette qui deacutesigne ces marqueurs
non pas comme eacutetant lexpression directe dune modaliteacute eacutenonciative particuliegravere mais
plutocirct comme des marques de deacutependance qui en labsence dinsertion agrave une phrase matrice
prennent par deacutefaut une valeur hortative ou prohibitive Et il se trouve preacuteciseacutement que le
terme de subjonctif est celui que les grammairiens utilisent le plus couramment pour des
formes reacutepondant agrave cette caracteacuterisation raquo60
Le subjonctif du mandinka a des emplois similaires agrave ceux de la construction preacutesentant le
schegraveme s V o en wolof61 En effet il est utiliseacute dans des propositions indeacutependantes injonctives
(64a-b) des compleacutetives (65a-b) des subordonneacutees de but (66a-b) et des propositions conseacutecutives
(67a-b)
58 Agrave lexception de Kobegraves (1869 114) et Torrence (2013a 30) qui utilisent le terme laquo subjonctif raquo pour deacutesigner unepartie des emplois du minimal
59 Variante du mandingue parleacutee en Gambie Casamance (Seacuteneacutegal) et Guineacutee-Bissau (Creissels amp Sambou 2013 5)60 Cette utilisation du terme laquo subjonctif raquo est similaire agrave celle de Palmer (2001)61 Neacuteanmoins tous les emplois ne se recoupent pas Dans plusieurs cas on utilise un subjonctif en mandinka lagrave ougrave on
utilise une autre construction en wolof et reacuteciproquement
- 112 -
64) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 75)
Musoacuteolu yeacute naa
femmeDETPL SUBJ venir
lsquoQue les femmes viennent rsquo
b Wolof (Church 1981 53)
Mu def =ko
S3SG faire =O3SG
lsquoQuil le fasse rsquo
65) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 453)
A buacuteka lafiacute [a diacutensuacuteŋkuacutetoacuteo ye jamfaacute a la]
3SG IPFNEG vouloir 3SG filleDET SUBJ seacuteloigner 3SG POSTP
lsquoIl ne veut jamais que sa fille seacuteloigne de luirsquo
b Wolof (Voisin 2010 146)
Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen]
FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL
lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo
66) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 494)
I ye keacuteeraacutembaacutealu samba
3PL MP reacutecipientgrandDETPL emporter
puacuteruacute [i yeacute i faacutendiacute kiacuteloacuteo la]
pour_que 3PL SUBJ 3PL semplirCAUS œufDET POSTP
lsquoIls emportegraverent les grands reacutecipients pour les emplir dœufsrsquo
b Wolof (Diouf 2003 229)
Danga war=a muddaarante ngir [mu jaay =la =ko]
FOCVS2SG devoir=DV neacutegocier pour S3SG vendre =O2SG =O3SG
lsquoTu dois neacutegocier pour quil te le vendersquo
- 113 -
67) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 494)
Tiyocirco tuacute jěe [a yeacute jăa domandiacuteŋ tiloacuteo la]
arachideDET laisser lagrave 3SG SUBJ seacutecher un_peu soleilDET POSTP
lsquoLaisse larachide lagrave quelle segraveche un peu au soleilrsquo
b Wolof (Diouf 2003 71)
Yoacutebbuleen =ko ca billoacuteoji =ba [mu faj =ko]
emmenerIMPS2PL =O3SG PREPDT sorcier =CLbDFDT S3SG soigner =O3SG
lsquoEmmenez-le chez le sorcier quil le gueacuterissersquo
Ainsi leacutetiquette laquo subjonctif raquo permet de rendre compte de tous les emplois du minimal s V o du
wolof agrave lexception de son utilisation dans les propositions narratives On notera que ce point
diffeacuterencie le minimal s V o du wolof et le subjonctif du mandinka En effet en mandinka les
propositions narratives ne sont pas au subjonctif mais agrave laccompli-statif (Creissels amp Sambou
2013 71-72) Afin de rendre compte de cet emploi du minimal s V o en wolof nous avons preacutefeacutereacute
leacutetiquette laquo conseacutecutif raquo agrave laquo narratif raquo suivant ainsi la terminologie de Longacre (1990) Selon cet
auteur le temps narratif (narrative tense) nest jamais deacutependant dune autre forme alors que le
temps conseacutecutif (consecutive tense) est soit deacutependant dune autre forme soit doit apparaicirctre apregraves
une autre forme dans le discours (Longacre 1990 109-110) Or en wolof le minimal s V o
laquo nouvre jamais un reacutecit il deacuteveloppe une narration agrave partir dun ancrage preacutealable dans le passeacute
marqueacute par une autre proposition raquo (Robert 1995 377) Par exemple dans les contes la premiegravere
proposition nest jamais au minimal s V o mais agrave une autre construction (68a-b)
68) a Amoon =na =fi ab deumlkk (Cisseacute Ma 1994 10)
avoirPAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX IDFCLb village
bu tuddoon Mbagravebba Kumba
CLbREL appelerPAS Mbaba Coumba
lsquoIl eacutetait une fois un village qui sappelait Mbaba Coumbarsquo
b Benn reumlbb =la =woon (Diouf et al 2009 40)
CLbSING chasseur =FOCC =PAS
lsquoIl eacutetait une fois un chasseurrsquo
Pour reacutesumer le subjonctif-conseacutecutif preacutesente un schegraveme S s V o O cest-agrave-dire un schegraveme
- 114 -
S V O avec des arguments lexicaux et s V o avec des arguments pronominaux Eacutetant donneacute que cette
construction ne peut pas cumuler un sujet lexical et un sujet pronominal (Church 1981 88) et que
les arguments lexicaux semblent occuper la mecircme position que les arguments pronominaux on
pourrait ecirctre tenteacute de repreacutesenter le schegraveme geacuteneacuteral ainsi Ss V Oo Neacuteanmoins dans une
construction ditransitive lobjet pronominal se place toujours avant lobjet lexical (sect 423) Par
ailleurs le sujet lexical et le sujet pronominal noccupent pas la mecircme position syntaxique En effet
on peut inseacuterer ladverbe tamit (aussi) entre le sujet lexical et le verbe (69a) mais pas entre le sujet
pronominal et le verbe (69b) agrave moins dutiliser un pronom fort (69c) (Creissels 1991 194)
69) a Faatu tamit gis Samba (Creissels 1991 194)
Fatou aussi voir Samba
lsquoFatou aussi a vu Sambarsquo
b Mu tamit gis Samba (Creissels 1991 194)
S3SG aussi voir Samba
c Moom tamit gis Samba (Creissels 1991 194)
PRO3SG aussi voir Samba
lsquoElle aussi a vu Sambarsquo
Le subjonctif-conseacutecutif semploie dans les propositions narratives conseacutecutives exclamatives
injonctives les propositions introduites par un adverbe les compleacutetives sans compleacutementeur et les
subordonneacutees de but (58a-g) Il semble incompatible avec le suffixe de neacutegation -ul mais peut ecirctre
nieacute lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (60a-b) Enfin agrave
limperfectif le pronom objet se place avant le verbe lexical (63a-b)
243 Linfinitif
La question des formes verbales non finies du wolof na presque jamais eacuteteacute abordeacutee Neacuteanmoins
les grammairiens du XIXe siegravecle considegraverent geacuteneacuteralement que le radical nu dun verbe correspond agrave
linfinitif (Dard 1826 39 Kobegraves 1869 256-257) Par ailleurs Church (1981 37) eacutemet lhypothegravese
selon laquelle le morphegraveme a de deacutependance verbale correspondrait agrave la marque de linfinitif Seul
Voisin (2006) propose une analyse deacutetailleacutee de linfinitif
Linfinitif nest pas agrave proprement parler une construction preacutedicative En effet contrairement agrave
- 115 -
toutes les constructions que nous avons eacutetudieacutees jusquici il ne peut jamais constituer un eacutenonceacute
syntaxiquement autonome Il est toujours deacutependant dune construction preacutedicative et ne prend pas
dargument sujet Neacuteanmoins sa forme et ses emplois le rapprochent clairement du subjonctif-
conseacutecutif
On peut distinguer deux infinitifs en wolof linfinitif nu et linfinitif en a (Voisin 2006)
Linfinitif nu consiste en la base verbale nue Il a une fonction strictement nominale cest-agrave-dire
quil occupe une position syntaxique pouvant toujours ecirctre occupeacutee par un syntagme nominal Il
peut occuper la position syntaxique et la fonction de sujet dun verbe (70a-b) les positions
syntaxiques et les fonctions de sujet et dobjet du verbe geumln (ecirctre mieux) dans les constructions
comparatives (71a-b) (Voisin 2006) ainsi que la position syntaxique et la fonction de compleacutement
dune preacuteposition de but (72a-b)
70) a [Naan sagravengara] =dafa araam ci jullit (Diouf 2003 510)
boire alcool =FOCVS3SG ecirctre_illicite PREPPX musulman
lsquoBoire de lalcool est illicite pour un musulmanrsquo
b [Tagravepparka =gi] =dafa diis ci yow (Diouf 2003 333)
battoir =CLgDFDT =FOCVS3SG ecirctre_lourd PREPPX PRO2SG
lsquoLe battoir est lourd pour toirsquo
71) a [Wor sa ŋaamaan] =a geumln (Diouf 2003 271)
trahir POSS2SG circonciseur =FOCS ecirctre_mieux
[wor sa leacutettkat]
trahir POSS2SG tresserAGT
lsquoIl vaut mieux trahir ton circonciseur que trahir ton coiffeurrsquo
b [Peumlndub tagravenk] =a geumln [peumlndub taat] (Diouf 2003 278)
poussiegravereGEN pied =FOCS ecirctre_mieux poussiegravereGEN fesse
lsquoLa poussiegravere aux pieds est meilleure que la poussiegravere aux fessesrsquo
72) a Dantildeu =ko def ngir [baaxental suntildeu moom-sa-reacuteew] (Diouf 2003 58)
FOCVS1PL =O3SG faire pour commeacutemorer POSS1PL indeacutependance
lsquoNous lavons fait pour commeacutemorer notre indeacutependancersquo
- 116 -
b Dafay sagravekku ndimmal ngir [jumaa =ji] (Diouf 2003 243)
FOCVS3SGIPF collecter aide pour mosqueacutee =CLjDFPX
lsquoIl fait une collecte pour la mosqueacuteersquo
Agrave linfinitif nu lobjet lexical (70a-72a) et lobjet pronominal (73a-c) se placent apregraves le verbe
Cette construction preacutesente donc un schegraveme V o O cest-agrave-dire un schegraveme identique agrave celui du
subjonctif-conseacutecutif mais sans argument sujet
73) a [Wax =ko =ko] tiis =na =ma (Diouf 2003 504)
dire =O3SG =O3SG ennuyer =PRFS3SG =O1SG
lsquoCcedila me gecircne de le lui dirersquo
b Taal bu Yagravella taal (Diouf 2003 214)
foyer CLbREL Dieu allumer
sagravenni =ci matt =a geumln [fey =ko]
jeter =PRTFPX bois =FOCS ecirctre_mieux eacuteteindre =O3SG
lsquoUn feu que Dieu a allumeacute il vaut mieux y jeter du bois que de leacuteteindrersquo
c Dinaa =la telefone ngir [woacuteoral =ko] (Diouf 2003 372)
FUTS1SG =O2SG teacuteleacutephoner pour confirmer =O3SG
lsquoJe te teacuteleacutephonerai pour le confirmerrsquo
Par ailleurs les verbes agrave linfinitif nu peuvent porter des suffixes de deacuterivation (74a) (Voisin
2006) ainsi que le suffixe de passeacute (74b)
74) a [Def-al ntildeeneen =ntildei]=a =ko (Diouf 2003 301)
faire-BEN CLHUMPLALT =CLHUMPLDFPX=FOCS =O3SG
geumln-al [def-al =ma]
ecirctre_mieux-BEN faire-BEN =O1SG
lsquoIl preacutefegravere ecirctre geacuteneacutereux avec les autres plutocirct quavec moirsquo
(litt lsquoFaire pour les autres est mieux pour lui que faire pour moirsquo)
- 117 -
b [Wax-oon =la ne duma ntildeoacutew] (Diouf 2003 486)
dire-PAS =O2SG COMP FUTNEGS1SG venir
tiis-oon =na =ma
ennuyer-PAS =PRFS3SG =O1SG
lsquoTe dire que je ne viendrai pas mennuyaitrsquo
Linfinitif en a quant agrave lui est caracteacuteriseacute par une marque de deacutependance verbale a placeacutee
immeacutediatement avant le verbe (75a-b) Cet infinitif semploie exclusivement pour former des
preacutedicats complexes (Voisin 2006) Il occupe la fonction de compleacutement dun verbe (sect 82) Il peut
sagir soit dun verbe dont lobjet est obligatoirement un compleacutement phrastique agrave linfinitif (75a)
soit dun verbe dont lobjet peut ecirctre un compleacutement phrastique agrave linfinitif (75b) une compleacutetive
(75c) ou un syntagme nominal (75d)
75) a Dama xaw=a [sonn] (Diouf 2003 383)
FOCVS1SG ecirctre_un_peu=DV ecirctre_fatigueacute
lsquoJe suis un peu fatigueacutersquo
b Dama beumlgg=a [jubbanti tagravenku siis =bi] (Diouf 2003 175)
FOCVS1SG vouloir=DV redresser piedGEN chaise =CLbDFPX
lsquoJe veux redresser le pied de la chaisersquo
c Dama beumlgg [nga benn-bennal wax =ji] (Diouf 2003 67)
FOCVS1SG vouloir S2SG deacutetailler propos =CLjDFPX
lsquoJe veux que tu eacutenonces les propos point par pointrsquo
d Dama beumlgg [piis bu xonq] (Robert 1999 108)
FOCVS1SG vouloir tissu CLbREL ecirctre_rouge
lsquoJe veux un tissu qui soit rougersquo
Les preacutedicats complexes mettant en jeu un infinitif en a sont des constructions agrave monteacutee En
effet la structure argumentale de ces constructions deacutepend uniquement des proprieacuteteacutes de rection du
verbe agrave linfinitif (V2) alors que les arguments deacutependent syntaxiquement du verbe principal (V1)
Autrement dit il y a une imposition de la valence du V2 sur le V162 Ce pheacutenomegravene est mis en
62 Certains preacutedicats complexes fonctionnent diffeacuteremment Si V1 est un verbe de qualiteacute on constate que cest le V1
qui impose sa valence au preacutedicat complexe Lobjet attendu du V2 devient le sujet du V1 (Voisin 2006)
- 118 -
eacutevidence par la position des objets pronominaux (Voisin 2006) Dans les exemples (76a-c) les
arguments objets deacutependent seacutemantiquement du V2 mais leur position indique clairement quils sont
reacutegis syntaxiquement par le V1 ils occupent la position normale de lobjet pronominal du verbe fini
(76d)
76) a Xaw =nga =ma=a xantilde sama lam =yi (Diouf 2003 380)
faillir =PRFS2SG =O1SG=DV priver POSS1SG bracelet =CLyDFPX
lsquoTu as failli me priver de mes braceletsrsquo
b Beumlgg =naa =ko =ko=a xamal (Church 1981 38)
vouloir =PRFS1SG =O3SG =O3SG=DV savoirCAUS
lsquoJe veux le lui faire savoirrsquo
c Dama =ko beumlgg=a ji (Diouf 2003 97)
FOCVS1SG =O3SG vouloir=DV semer
lsquoJe veux la semerrsquo
d Dama =ko jagravepp (Diouf 2003 71)
FOCVS1SG =O3SG attraper
lsquoJe lai attrapeacutersquo
Ainsi le V1 perd ses proprieacuteteacutes de rection Ce pheacutenomegravene nest pas limiteacute aux arguments objets
mais concerne eacutegalement largument sujet Par exemple le verbe beumlgg (vouloir) a comme proprieacuteteacute
de rection de pouvoir prendre comme argument sujet uniquement une entiteacute animeacutee (77a) Or dans
les preacutedicats complexes mettant en jeu un infinitif en a le sujet syntaxique de beumlgg peut ecirctre une
entiteacute inanimeacutee deacutependant seacutemantiquement du V2 (77b-c) (Voisin 2006)
77) a Sawoor beumlgg =na dugub waaye du bay (Diouf 2003 305)
moineau vouloir =PRFS3SG mil mais FUTNEGS3SG cultiver
lsquoLe moineau aime le mil mais il ne cultive pasrsquo
(i) Woy wii neex =na=a deacuteggchant CLWDEMPX ecirctreagreacuteable =PRFS3SG=DV entendrelsquoCe chant est agreacuteable agrave entendrersquo
- 119 -
b Saxaar =a ngi beumlgg=a deqi (Diouf 2003 66)
train =PRSTPX vouloir=DV deacutemarrer
lsquoLe train est sur le point de deacutemarrerrsquo
c Saxaar deqi =na (Diouf 2003 102)
train deacutemarrer =PRFS3SG
lsquoLe train a deacutemarreacutersquo
Ce pheacutenomegravene de monteacutee des clitiques pourrait expliquer la position de lobjet pronominal dans
les eacutenonceacutes au subjonctif-conseacutecutif imperfectif Comme nous lavons vu plus haut le schegraveme s V o
nest jamais attesteacute agrave limperfectif Au subjonctif-conseacutecutif imperfectif lobjet pronominal se place
entre le verbe auxiliaire di et le verbe (78a-b) En fait le verbe auxiliaire di fonctionne comme le
verbe principal dune construction agrave monteacutee Si on le remplace par un verbe prenant un compleacutement
infinitival on constate que lobjet pronominal occupe la mecircme position (78c)
78) a Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)
FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL
lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo
b Dafa beumlgg [ma di =ko uuf] (Voisin 2010 146)
FOCVS3SG vouloir S1SG IPF =O3SG prendre_sur_les_genoux
lsquoIl veut que je le prenne souvent sur mes genouxrsquo
c Danga sarxolle [mu beumlgg =la toppandoo] (Diouf 2003 590)
FOCVS2SG faire_des_youyous S3SG vouloir =O2SG imiter
lsquoTu as fait des youyous et il a voulu timiterrsquo
La monteacutee des clitiques objets avec le verbe auxiliaire di ne se limite pas au subjonctif-
conseacutecutif On observe le mecircme pheacutenomegravene avec les autres constructions preacutedicatives (79-80) La
construction imperfective peut donc ecirctre analyseacutee comme un preacutedicat complexe dans lequel le verbe
auxiliaire di prend un compleacutement phrastique agrave linfinitif
79) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)
FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer
lsquoIl les bluffersquo
- 120 -
b Dafa =leen beumlgg=a tuur leumlndeumlm (Diouf 2003 202)
FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute
lsquoIl veut vous duperrsquo
80) a Samay kanaara cox =laa =leen di dundale (Diouf 2003 85)
POSS1SGPL canard son =FOCCS1SG =O3PL IPF nourrir
lsquoMes canards je les nourris au sonrsquo
b Loolu rekk =laa =leen (Diouf 2003 378)
CLCHSGDEMPX seulement =FOCCS1SG =O2PL
beumlggoon=a xamal
vouloirPAS=DV savoirCAUS
lsquoCest seulement ccedila que je voulais vous faire savoirrsquo
Par ailleurs les verbes agrave linfinitif en a semblent incompatibles avec les suffixes flexionnels Seul
le verbe principal peut porter le suffixe de passeacute (81a-b) ou le suffixe de neacutegation (82a-b) (Diouf
2009 176)
81) a Dafa beumlgg-oon=a neumlpp-neumlppal biiru doom =ji (Diouf 2003 248)
FOCVS3SG vouloir-PAS=DV camoufler ventreGEN enfant =CLjDFPX
lsquoElle voulait garder secret la grossesse de sa fillersquo
b Dafa d-oon wat saaku =bi (Diouf 2003 362)
FOCVS3SG IPF-PAS traicircner sac =CLbDFPX
lsquoIl traicircnait le sacrsquo
82) a Dama beumlgg-ul=a dem (Diouf 2003 79)
FOCVS1SG vouloir-NEG=DV partir
lsquoJe ne veux pas partirrsquo
b Dama d-ul gis Omar (Diouf 2009 70)
FOCVS1SG IPF-NEG voir Omar
lsquoJe ne vois pas Omarrsquo
- 121 -
Enfin la marque de deacutependance verbale a est en distribution compleacutementaire avec le verbe
auxiliaire dimperfectif di (83a-b) ou sa forme clitique -y (84a-b) (Church 1981 38 Voisin 2006)
Eacutetant donneacute quaucun processus phonologique ne permet dexpliquer lincompatibiliteacute de a et di
Church (1981 39) considegravere que cette incompatibiliteacute est dordre seacutemantique Lopposition a di
serait une opposition aspectuelle ce qui implique que a serait une marque de perfectif
83) a Dafa beumlgg=a seacutey =ak moom (Diouf 2003 489)
FOCVS3SG vouloir=DV eacutepouser =avec PRO3SG
lsquoElle veut leacutepouserrsquo
b Dafa beumlgg di agravend =ak teumlggkat =yi (Diouf 2003 460)
FOCVS3SG vouloir IPF accompagner =avec musicien =CLyDFPX
lsquoIl aime cocirctoyer les musiciensrsquo
84) a Meumln =nga =ko=a indi (Diouf 2003 52)
pouvoir =PRFS2SG =O3SG=DV apporter
saa su =la neex-ee
moment CLsREL =O2SG plaire-ANT
lsquoTu peux lapporter quand tu voudrasrsquo
b Leacuteegi man =nga =ko=y (Diouf 2009 97)
maintenant pouvoir =PRFS2SG =O3SG=IPF
jox ntildeam yu deumlgeumlraale
donner aliment CLyREL ecirctre_relativement_solide
lsquoMaintenant tu peux lui donner des aliments relativement consistantsrsquo
Cependant la situation nest pas aussi claire En effet la marque de deacutependance verbale a est
parfois omise (Fal 1999 102) surtout en wolof veacutehiculaire (85a-b) De plus lopposition
aspectuelle entre les eacutenonceacutes comportant la marque a et ceux comportant le verbe auxiliaire di est
loin decirctre eacutevidente en quoi la proposition infinitive de lexemple (84a) est-elle perfective et celle
de lexemple (84b) imperfective Enfin selon Diouf (2009 174) di et a peuvent apparaicirctre dans la
mecircme proposition (notamment dans le parler gambien) (85c) Afin dexpliquer ce dernier cas Diouf
(2009 175) propose de distinguer la marque verbale a (qui apparaicirct dans les preacutedicats complexes)
de la marque de limperfectif a (allomorphe de di et -y)63 (85d)
63 Cette allomorphie est particuliegraverement freacutequente dans le wolof de Mauritanie (Dialo et al 1984 8)
- 122 -
85) a Dafa beumlgg wonewu (Diouf 2003 557)
FOCVS3SG vouloir montrerMOY
lsquoIl aime se faire remarquerrsquo
b Meumln =na =ko taneel (Diouf 2003 423)
pouvoir =PRFS3SG =O3SG ameacuteliorer
lsquoCcedila peut lameacuteliorerrsquo
c Bunt =bi =la Omar di=a ubbi (Diouf 2009 174)
porte =CLbDFPX =FOCC Omar IPF=DV fermerINV
lsquoCest la porte quOmar ouvrersquo
d Nantildeu=a ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)
OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX
lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo
On observe de grandes variations pour ces formes dun locuteur agrave lautre ou dun corpus agrave lautre
Cette variabiliteacute ne permet pas de confirmer ou dinfirmer avec certitude les hypothegraveses proposeacutees
par Church (1981) ou Diouf (2009) Dans leacutetat actuel de la langue nous pouvons dire que les
preacutedicats complexes peuvent contenir une marque a que nous analysons comme une marque de
deacutependance verbale (Voisin 2006) Par ailleurs certains locuteurs utilisent un allomorphe a du
verbe auxiliaire dimperfectif
244 Le relatif
Nous avons retenu leacutetiquette laquo relatif raquo pour deacutesigner la construction preacutesentant le schegraveme s o V
Cette eacutetiquette nest pas traditionnelle dans les descriptions du wolof Neacuteanmoins elle permet de
rendre compte de tous les emplois de cette construction En effet la construction preacutesentant le
schegraveme s o V peut toujours ecirctre analyseacutee comme une construction relative introduite par un
relativiseur
Comme nous lavons vu plus haut le relatif est utiliseacute dans les propositions relatives Il peut
sagir dune proposition relative agrave anteacuteceacutedent (86a-b)64 dune relative sans anteacuteceacutedent (86c) ou dune
64 Le relativiseur disparaicirct si lanteacuteceacutedent de la proposition relative est deacutetermineacute par un article deacutefini ou undeacuteterminant deacutemonstratif (Sall 2005 165)
- 123 -
relative eacutepitheacutetique (86d) (Sall 2005 165-171)
86) a Caabi =ji [nga =ma joxoon] reacuteer =na (Sall 2005 155)
cleacute =CLjDFPX S2SG =O1SG donnerPAS disparaicirctre =PRFS3SG
lsquoLa cleacute que tu mavais donneacutee a disparursquo
b Jaloore [ju =mu =fi def] (Diouf 1992 18)
exploit CLjREL =S3SG =CLLOCDFPX faire
dootu =fi am
FUTNEGITERS3SG =CLLOCDFPX avoir
lsquoUn exploit quil fait ici ne se reproduira pas icirsquo
c Demleen seeti [ku =leen neex] (Sall 2005 167)
allerIMPS2PL chercherAND CLHUMSGREL =O3PL plaire
lsquoAllez voir qui vous voulezrsquo
d Yeacutere [bu xonq] =la sol (Diouf 2003 391)
habit CLbREL ecirctre_rouge =FOCCS3SG porter
lsquoCest un habit rouge quil portersquo
Les relatives eacutepitheacutetiques se distinguent des autres relatives par la position du deacuteterminant deacutefini
Dans les relatives eacutepitheacutetiques le deacuteterminant deacutefini se place agrave la fin du syntagme (87a) alors que
dans les autres relatives il remplace le relativiseur (87b) (Nouguier-Voisin 2002 30)
87) a Reacuteeral =nga kayit [gu weex =gi] (Nouguier-Voisin 2002 30)
se_perdreCAUS =PRFS2SG papier CLgREL ecirc_blanc =CLgDFPX
lsquoTu as eacutegareacute le papier blancrsquo
b Reacuteeral =nga kayit =gi (Nouguier-Voisin 2002 30)
se_perdreCAUS =PRFS2SG papier =CLgDFPX
[ma tegoon =fii]
S1SG poserPAS =CLLOCDEMPX
lsquoTu as eacutegareacute le papier que javais poseacute icirsquo
Le relatif est eacutegalement utiliseacute dans les subordonneacutees de lieu (88a-b) et les subordonneacutees de
- 124 -
maniegravere (89a-b) Ces subordonneacutees sont formellement identiques aux relatives sans anteacuteceacutedent (Sall
2005 167) ne sen distinguant que dans le choix de la marque de classe du relativiseur En effet le
relativiseur est un joncteur65 (Creissels 2006a 207) constitueacute dune marque de classe et dune
voyelle deacuteictique La marque de classe peut soit saccorder avec lanteacuteceacutedent (86b) soit ecirctre une
marque de classe fonctionnelle Les classes fonctionnelles du wolof sont la classe des locatifs
(88a-b) la classe exprimant la maniegravere (89a-b) la classe des humains (90a-b) et la classe des
laquo choses raquo (91a-b) (Sall 2005 167-168)
88) a [Fu =mu =ko fekk] toroxal =ko (Diouf 2003 350)
CLLOCREL =S3SG=O3SG trouver ecirctre_miseacuterableCAUS =O3SG
lsquoOugrave quil le trouve il lhumiliersquo
b Xamuloo sax [fi =nga =ko jeacutel-e] (Diouf 2003 167)
savoirPRFNEGS2SG mecircme CLLOCDFPX =S2SG=O3SG prendre-APPL
lsquoTu ne peux pas timaginer de quelle situation tu las tireacutersquo
(litt lsquoTu ne sais mecircme pas dougrave tu las tireacutersquo)
89) a Defleen [nu =ngeen =ko beumlgg-e] (Diouf 2003 487)
faireIMPS2PL CLMNRREL =S2PL =O3SG vouloir-APPL
lsquoFaites comme vous lentendezrsquo
b Deful liggeacuteey =bi (Church 1981 90)
fairePRFNEGS3SG travail =CLbDFPX
[na mu =ko war-e=a def]
CLMNRDFDT S3SG =O3SG devoir-APPL=DV faire
lsquoIl na pas fait le travail comme il convenait de le fairersquo
90) a [Ku =ko gis] dinaa =ko neexal (Diouf 2003 246)
CLHUMSGREL =O3SG voir FUTS1SG =O3SG ecirctre_agreacuteableCAUS
lsquoCelui qui le voit je le reacutecompenserairsquo
65 laquo Les joncteurs relatifs comme les pronoms relatifs peuvent varier en accord avec le nom de domaine eteacuteventuellement le repreacutesenter dans des relatives libres mais agrave la diffeacuterence des pronoms relatifs ils ne varient passelon le rocircle relativiseacute et napparaissent jamais agrave linteacuterieur dun syntagme devant sanalyser comme un constituantde la relative en position non canonique raquo (Creissels 2006b 229)
- 125 -
b Won =ma [ki =la =ko jaay] (Diouf 2003 472)
monterIMPS2SG =O1SG CLHUMSGDFPX =O2SG =O3SG vendre
lsquoDeacutesigne-moi celui qui te la vendursquo
91) a [Lu =ma =ko wax] mu suufental =ko (Diouf 2003 527)
CLCHSGREL =S1SG =O3SG dire S3SG minimiser =O3SG
lsquoTout ce que je lui dis il le minimisersquo
b Yaa xam [la nga =ko wax] (Diouf 2003 191)
PRO2SGFOCS savoir CLCHSGDFDT S2SG =O3SG dire
lsquoCest toi qui sais ce que tu lui as disrsquo
La voyelle du relativiseur est lieacutee agrave la reacutefeacuterentialiteacute La voyelle est -i ou -a lorsquil est reacutefeacuterentiel
(88b-91b) alors que la voyelle est -u lorsquil est non reacutefeacuterentiel (88a-91a) (Nouguier-Voisin 2002
27 Sall 2005 156)
Tableau 214 - Inventaire des relativiseurs66
Humain ChoseLocatif Maniegravere Autre
SG PL SG PL
k ntilde l y f n b
Non reacutefeacuterentiel -u ku ntildeu lu yu fu nu bu
Reacutefeacuterentiel -i ki ntildei li yi fi ni bi
-a ka ntildea la ya fa na ba
Le relatif est eacutegalement utiliseacute dans certaines interrogatives partielles Il existe deux types
dinterrogative partielle en wolof Le premier met en jeu un pronom interrogatif CL-an en position
focus la construction est donc soit une focalisation du sujet (92a) soit une focalisation du
compleacutement (92b) Le second type dinterrogative partielle est formellement identique aux relatives
sans anteacuteceacutedent En effet il met en jeu un pronom interrogatif identique au relativiseur dans une
construction relative (93a-b)
92) a Kan =moo =ko def (Diouf amp Yaguello 1991 95)
CLHUMSGQ =PRO3SGFOCS =O3SG faire
lsquoQui la fait rsquo
66 Pour un inventaire complet des relativiseurs voir Fal et al (1990 20) ou Ma Cisseacute (2007 56-57)
- 126 -
b Lan =nga =ko defare (Diouf 2003 96)
CLCHSGQ =FOCCS2PL =O3SG fabriquer
lsquoAvec quoi las-tu fait rsquo
93) a Ku =ko def (Diouf amp Yaguello 1991 95)
CLHUMSGREL =O3SG faire
lsquoQui la fait rsquo
b Lu =mu =la dig (Diouf 2003 104)
CLCHSGREL =S3SG =O2SG promettre
lsquoQuest-ce quil ta promis rsquo
Concernant la forme de la construction relative on remarque que le pronom sujet de deuxiegraveme
personne du singulier forme un amalgame avec le relativiseur non reacutefeacuterentiel Le ng- initial du
pronom nga chute et la voyelle -a fusionne avec la voyelle -u du relativiseur (94a-c) (Sall 2005
194-195) Cet amalgame sobserve freacutequemment avec les classes fonctionnelles (94a-b) (Sall 2005
194) ainsi que dans la locution CL-oo xam ne (94c) (Diouf 1992 15-16)
94) a Loo =ko tontu (Diouf 2003 559)
CLCHSGRELs2SG =O3SG reacutepondre
lsquoQue lui as-tu reacutepondu rsquo
b Xawma foo =ko jeacutel-e (Diouf 2003 355)
savoirPRFNEGS1SG CLLOCRELS2SG =O3SG prendre-APPL
lsquoJe ne sais pas ougrave tu las trouveacutersquo
c Jeacutend =naa woto boo xam ne (Diouf 2009 61)
acheter =PRFS1SG voiture CLbRELS2SG savoir COMP
dina =la neex
FUTS3SG =O2SG plaire
lsquoJai acheteacute une voiture qui te plairarsquo
(litt lsquoJai acheteacute une voiture qui tu sais quelle te plairarsquo)
Par ailleurs la position des arguments du verbe dans la construction relative est identique agrave celle
- 127 -
de loptatif du prohibitif et de la focalisation du compleacutement (sect 44) En effet si le sujet de la
construction est lexical et lobjet est pronominal alors lobjet se place avant le sujet (95a-b)
95) a Yelloo =nga [li =la sa jeumlkkeumlr defal] (Diouf 2003 559)
meacuteriter =PRFS2SG CLCHSGDFPX =o2SG POSS2SG eacutepoux faireBEN
lsquoTu es digne de ce que ton eacutepoux a fait pour toirsquo
b Mu =ngi ne duŋŋ (Diouf 2003 355)
PRO3SG=PRSTPX dire IDEO
[ni =ko ndeyam jur-e =woon]
CLMNRDFPX =O3SG megraverePOSS3SG faire_naicirctre-APPL =PAS
lsquoIl est tout nu tel que sa megravere lavait mis au mondersquo
La contraction du pronom de deuxiegraveme personne du singulier ainsi que la position des arguments
du verbe rapprochent le relatif des constructions preacutedicatives En effet le relativiseur a un
comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des marqueurs preacutedicatifs na (optatif) bu
(prohibitif) et la (focalisation du compleacutement) De plus comme ces marqueurs il sagit dun
morphegraveme monosyllabique de structure CV Neacuteanmoins la construction relative nest pas agrave
proprement parler une construction preacutedicative Comme linfinitif le relatif ne peut jamais
constituer un eacutenonceacute syntaxiquement autonome Agrave lexception de ses emplois dans les interrogatives
partielles il est toujours deacutependant dune construction preacutedicative
Enfin le relatif est compatible avec le suffixe de passeacute (96a) le suffixe de neacutegation (96b) ainsi
quavec lauxiliaire dimperfectif (96c-d) Lajout de ces morphegravemes naltegravere pas la forme de la
construction
96) a Mbiskit =mi [nga =ko jox-oon] =la ŋeumlb (Diouf 2003 272)
biscuit =CLmDFPX S2SG =o3SG donner-PAS =FOCCS3SG fermer_le_poing
lsquoCest le biscuit que tu lui avais donneacute quil serre dans la mainrsquo
b Daqaar du wuum [ku =ko macc-ul] (Diouf 2003 93)
tamarin FUTNEGS3SG agacer CLHUMSGREL =O3SG sucer-NEG
lsquoLe tamarin nagace pas les dents de celui qui ne la pas suceacutersquo
- 128 -
c Loolu =laa amoon (Diouf 2003 362)
CLCHSGDEMPX =FOCCS1SG avoirPAS
[lu =ma =leen di wax]
CLCHSGREL =S1SG =O2PL IPF dire
lsquoCest ccedila que javais agrave vous dirersquo
d Xamuma [lu =mu =ko=y doye] (Diouf 2003 292)
savoirPRFNEGS1SG CLCHSGREL =S3SG =O3SG=IPF faire_de
lsquoJe ne sais pas ce quil va en fairersquo
Pour reacutesumer le relatif preacutesente un schegraveme p s o S V O cest-agrave-dire un schegraveme p S V O avec des
arguments lexicaux et p s o V avec des arguments pronominaux le relativiseur ayant un
comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des marqueurs preacutedicatifs Il est compatible avec
le suffixe de neacutegation -ul (96b) et la preacutesence de lauxiliaire dimperfectif di naltegravere pas sa structure
(96c-d) Toutes ces caracteacuteristiques rapprochent le relatif des constructions preacutedicatives
Neacuteanmoins contrairement agrave ces derniegraveres il ne peut jamais constituer un eacutenonceacute autonome Il
semploie uniquement dans les propositions relatives (86a-d) les subordonneacutees de lieu (88a-b) les
subordonneacutees de maniegravere (89a-b) et les interrogatives partielles (93a-b)
245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques
Les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques constituent lun des aspects de la langue les plus
eacutetudieacutes Church (1981) Sall (2005) et Perrin (2005) leur consacrent chacun un chapitre et Dialo
(1981a) et Diouf (2009) considegraverent quelles constituent des constructions preacutedicatives agrave part
entiegravere Ces constructions ont eacuteteacute beaucoup eacutetudieacutees car elles preacutesentent certaines caracteacuteristiques
qui posent des problegraveme agrave lanalyse En effet dun point de vue morphosyntaxique elles sont assez
similaires aux constructions relatives mais elles preacutesentent eacutegalement des particulariteacutes qui les
distinguent clairement des relatives
Les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont formellement semblables au relatif En effet
il sagit de propositions deacutependantes introduites par des ldquoconjonctionsrdquo morphologiquement
identiques aux relativiseurs (97a-d) De plus le pronom sujet de deuxiegraveme personne du singulier
forme un amalgame avec cette conjonction si elle finit par la voyelle -u (97c) On remarque
eacutegalement quelles preacutesentent un schegraveme p s o S V O (97a-b) Enfin elles sont compatibles avec le
- 129 -
suffixe de neacutegation (97c) et lauxiliaire dimperfectif (97d)
97) a Dafa ntildeagravelli [bi mu =la seacuteen-ee] (Diouf 2003 265)
FOCVS3SG deacutetaller TEMP S3SG =O2SG apercevoir-ANT
lsquoIl a deacutetaleacute quand il ta aperccedilursquo
b [Su =ko baay =ji xul-ee] (Diouf 2003 50)
HYP =O3SG pegravere =CLjDFPX sermonner-ANT
mu jagraveng bu baax
S3SG eacutetudier CbREL ecirctrebien
lsquoSi son pegravere le sermonne il eacutetudie bienrsquo
c [Boo am-ul-ee ndox] (Diouf 2003 344)
TEMPs2SG avoir-NEG-ANT eau
meumln =nga=a tiim
pouvoir =PRFS2SG=DV se_purifier_au_sable
lsquoQuand tu nas pas deau tu peux te purifier en appliquant les mains au solrsquo
d [Ba nga=y jeacutend keumlr =gi] (Diouf 2003 204)
TEMP S2SG=IPF acheter maison =CLgDFPX
maa lijjanti leacutepp
PRO1SGFOCS deacutemecircler CLCHSGTOT
lsquoQuand tu achetais la maison cest moi qui ai fait toutes les deacutemarchesrsquo
Neacuteanmoins les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques preacutesentent plusieurs particulariteacutes qui
les distinguent du relatif Tout dabord le verbe de ces propositions doit prendre un suffixe -ee (97a-
c) Lanalyse de ce suffixe est relativement probleacutematique dans la mesure ougrave il est incompatible
avec le morphegraveme de passeacute -oon dont il occupe la place (98a) mais eacutegalement avec le verbe
auxiliaire -y (98b) ou di (98c) sauf lorsque celui-ci est utiliseacute comme copule (98d) (Sall 2005
193) De plus le suffixe -ee est compatible avec le suffixe de neacutegation -ul (97c) mais il est
facultatif (98e) (Dialo 1981a 28) Nous adoptons lanalyse de Fal (1999 122) et Perrin (2005
369) agrave savoir que le suffixe -ee est un marqueur danteacuterioriteacute cest-agrave-dire que laquo loccurrence agrave
laquelle reacutefegravere la proposition subordonneacutee succegravede dans le temps agrave loccurrence agrave laquelle reacutefegravere la
proposition principale raquo (Perrin 2005 369) Par opposition lauxiliaire dimperfectif laquo marque la
concomitance entre les deux propositions raquo (Perrin 2005 369) Enfin dans les subordonneacutees
- 130 -
hypotheacutetiques le suffixe -oon fait office de marqueur dirrealis (passeacute ou preacutesent) (Fal 1999 122-
123 Perrin 2005 373)67
98) a Man [su =ma am-oon abiyoŋ] may =la =ko (Perrin 2008 82)
PRO1SG HYP =S1SG avoir-PAS avion offrir =O2SG =O3SG
lsquoMoi si javais un avion je te laurais donneacutersquo
b [Su =ma=y daŋ-daŋi] yaa tax (Diouf 2003 93)
HYP =S1SG=IPF se_deacutemener PRO2SGFOCS causer
lsquoSi je me deacutemegravene cest agrave cause de toirsquo
c Xaritoo =ngi geumln=a neex [su =ngeen di demlante] (Diouf 2003 100)
amitieacute=PRSTPX ecirc_plus=DV ecirc_bien HYP =S2PL IPF allerRECP
lsquoLamitieacute cest encore mieux si vous vous freacutequentezrsquo
d [Su d-ee sa weumlrseumlg] dinga =ci jot (Diouf 2003 368)
HYPS3SG COP-ANT POSS2SG chance FUTS2SG =PRTFPX atteindre
lsquoSi cest ta chance tu laurasrsquo
e [Soo ntildeoacutew-ul] dinantildeu =la alamaan (Diouf 2003 47)
HYPS2SG venir-NEG FUTS3PL =O2SG mettre_agrave_lamende
lsquoSi tu ne viens pas tu seras mis agrave lamendersquo
Comme nous lavons vu plus haut les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont
introduites par des conjonctions morphologiquement identiques aux relativiseurs Il sagit de ba bi
et bu dans les subordonneacutees temporelles et bu et su dans les subordonneacutees hypotheacutetiques (97a-d)
(Perrin 2008) Agrave la diffeacuterence des relativiseurs des relatives sans anteacuteceacutedent les consonnes b- et s-
de ces conjonctions ne correspondent pas agrave des marques de classes fonctionnelles b- ne correspond
pas agrave une classe exprimant le temps et s- ne correspond pas agrave une classe exprimant lhypothegravese
Cependant plusieurs indices tendent agrave montrer que les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques
sont des issues de la grammaticalisation de propositions relatives En effet laquo on observe en wolof
un certain nombre deacutenonceacutes ougrave un substantif fonctionnant comme circonstant temporel apparaicirct
suivit dune proposition relative en fonction de compleacutement du nom raquo (Perrin 2005 469) Ce nom
doit neacutecessairement faire reacutefeacuterence agrave une peacuteriode de temps et le verbe porte le suffixe danteacuterioriteacute
67 Pour une analyse deacutetailleacutee de ces constructions voir Perrin (2008)
- 131 -
(99a-b)68
99) a Beacutes [boo ntildeeumlw-ee sama keumlr] (Church 1981 132)
jour CLbREL2SG venir-ANT POSS1SG maison
dinanu antildee ceebu jeumln
FUTS1PL deacutejeunerAPPL rizGEN poisson
lsquoLe jour ougrave tu viendras chez moi nous deacutejeunerons de riz au poissonrsquo
b Saa [soo reacuteccu-ee] Yagravella baal =la (Church 1981 132)
moment CLsREL2SG se_repentir-ANT Dieu pardonner =O2SG
lsquoSi tu te repends Dieu te pardonnersquo
(litt lsquoLe moment ougrave tu te repends Dieu te pardonnersquo)
Par ailleurs dans les subordonneacutees temporelles le passeacute se marque agrave laide du marqueur
deacuteictique sur la conjonction (sect 33) Ainsi laquo la conjonction bi localise la proposition subordonneacutee
temporelle dans le preacutesent ou le passeacute immeacutediat La conjonction ba localise la proposition dans le
passeacute lointain ou reacutevolu La conjonction bu quant agrave elle marque une indeacutetermination une
neutralisation spatio-temporelle raquo (Sall 2005 211) En reacutealiteacute la voyelle de la conjonction nest pas
agrave proprement parler une marque de temps mais doit plutocirct ecirctre analyseacutee comme une marque de
reacutefeacuterentialiteacute (Church 1981 135-137) Les voyelles -i et -a eacutetant reacutefeacuterentielles les conjonctions bi
et ba se reacutefegraverent agrave un eacuteveacutenement qui a deacutejagrave eu lieu agrave un moment preacutecis (97ad) Cela explique
pourquoi le suffixe -oon dirrealis est incompatible avec ces deux conjonctions La voyelle -u eacutetant
non reacutefeacuterentielle la conjonction bu reacutefegravere agrave un eacuteveacutenement habituel ou pas encore reacutealiseacute (97c)
(Church 1981 135) Ces donneacutees sont parfaitement coheacuterentes avec notre hypothegravese selon laquelle
les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont issues de la grammaticalisation de propositions
relatives En effet les conjonctions bi et ba sont issues des deacuteterminants deacutefinis bi et ba et renvoient
donc agrave un moment preacutecis et deacutefini (100a-b) alors que la conjonction bu est issue du relativiseur non
reacutefeacuterentiel bu et renvoie donc agrave un moment non speacutecifieacute (100c)
68 Dautres noms sont attesteacutes waxtu w- (moment) jamano j- (eacutepoque) yoon w- (fois) ngoon g- (apregraves-midi) at m-(anneacutee) (Church 1981 132 Perrin 2005 470)
- 132 -
100) a Beacutes =bi [mu ntildeeumlw-ee] ci man (Perrin 2005 472)
jour =CLbDFPX S3SG venir-ANT PREPPX PRO1SG
ma ne =ko dinaa =la consulter
S1SG dire =O3SG FUTS1SG =O2SG consulter
lsquoLe jour ougrave il est venu me voir je lui ai dit que je te consulterairsquo
b Beacutes =ba [mu agsi-ee] (Perrin 2005 472)
jour =CLbDFDT S3SG arriver-ANT
indil =na =ma ndawtal
apporterBEN =PRFS3SG =O1SG cadeau
lsquoLe jour ougrave il est venu il ma apporteacute un cadeaursquo
c Beacutes [boo am-ee xaalis] jox =ma =ci (Perrin 2005 471)
jour CLbRELS2SG avoir-ANT argent donner =O1SG =PRTFPX
lsquoLe jour ougrave tu auras de largent tu men donnerasrsquo
Enfin contrairement au relatif on remarque que le pronom de troisiegraveme personne du singulier
nest pas exprimeacute dans les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques si la conjonction est non
reacutefeacuterentielle (101a-b) mais il apparaicirct si la conjonction est reacutefeacuterentielle (101c-d)
101) a [Bu dikk-ee] nga ne =ko (Diouf 2003 123)
TEMPS3SG venir-ANT S2SG dire =O3SG
mu fej garab =yi
S3SG eacutelaguer arbre =CLyDFPX
lsquoQuand il viendra tu lui diras deacutelaguer les arbresrsquo
b [Su dem-ee ci agravell =bi] (Diouf 2003 474)
HYPS3SG partir-ANT PREPPX brousse =CLbDFPX
gaynde =yi yagravepp =ko
lion =CLyDFPX deacutevorer =O3SG
lsquoSil va dans la brousse les lions vont le deacutevorerrsquo
c [Bi mu agsi-ee] ntildeeacutepp jog (Diouf 2003 70)
TEMP S3SG arriver-ANT CLHUMPLTOT se_lever
lsquoQuand il arriva tous se levegraverentrsquo
- 133 -
d [Ba mu dem-ee Popongin daaw] (Diouf 2003 386)
TEMP S3SG partir-ANT Popenguine an_dernier
dafa xeumlmoon
FOCVS3SG seacutevanouirPAS
lsquoQuand il est alleacute agrave Popenguine lan dernier il seacutetait eacutevanouirsquo
Pour reacutesumer les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont formellement semblables au
relatif il sagit de propositions deacutependantes introduites par des conjonctions morphologiquement
identiques aux relativiseurs le pronom sujet de deuxiegraveme personne du singulier forme un amalgame
avec cette conjonction si elle est non reacutefeacuterentielle elles preacutesentent un schegraveme p s o S V O et elles
sont compatibles avec le suffixe de neacutegation et lauxiliaire dimperfectif Cependant elles preacutesentent
plusieurs particulariteacutes qui les distinguent du relatif preacutesence dun suffixe verbal danteacuterioriteacute -ee
valeur dirrealis donneacutee au suffixe -oon valeur speacutecifique des marques de classe b- et s- et absence
du pronom personnel de troisiegraveme personne avec les conjonctions non reacutefeacuterentielles Par ailleurs on
peut relever des constructions formellement identiques aux subordonneacutees temporelles et
hypotheacutetiques mais ougrave lon note la preacutesence dun nom anteacuteceacutedent faisant reacutefeacuterence agrave une peacuteriode de
temps Ces constructions tendent agrave montrer que les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont
issues de la grammaticalisation de propositions relatives
25 Les constructions focalisantes
Le wolof dispose de constructions speacutecifiques pour exprimer le focus Ces constructions
focalisantes sont probablement les constructions preacutedicatives les plus eacutetudieacutees Cependant il ny a
pas de consensus sur la liste des constructions consideacutereacutees comme focalisantes Church (1981)
identifie quatre constructions focalisantes focalisation du sujet preacutesentatif focalisation du
compleacutement et focalisation du verbe Robert (1991 170-171 2000 231) nen identifie que trois
rejetant lanalyse du preacutesentatif comme une construction focalisante Diouf (2009) propose une
analyse tregraves diffeacuterente Il traite la construction que nous avons appeleacutee laquo parfait raquo comme une
focalisation du verbe69 et ne considegravere pas notre construction laquo focalisation du verbe raquo comme une
construction focalisante lanalysant mecircme dans une preacuteceacutedente publication (Diouf 1985 39-44)
comme la forme de base du systegraveme verbal non marqueacutee du point de vue de la focalisation et
69 Nous reviendrons sur cette analyse de Diouf (2009) en (sect 132)
- 134 -
correspondant agrave un laquo mode deacutenonciation neutre raquo
Il ny a pas non plus de consensus concernant lanalyse de la structure de ces constructions Ainsi
deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees Selon lanalyse laquo classique raquo (Dialo 1981a Church 1981 Robert
1991 Fal 1999) les constructions focalisantes sont des constructions preacutedicatives correspondant agrave
des tiroirs verbaux de la langue et doivent donc ecirctre traiteacutees comme les autres constructions
preacutedicatives Selon lanalyse deacutefendue par NDiaye-Correacuteard (2003) Kihm (1999) et Torrence
(2013b) les constructions focalisantes ne correspondent pas agrave des tiroirs verbaux dans la langue
Ces auteurs considegraverent que le focus est exprimeacute par une construction syntaxique complexe cest-agrave-
dire une cliveacutee
Suivant Church (1981) nous identifions quatre constructions preacutedicatives focalisantes
focalisation du sujet preacutesentatif focalisation du compleacutement et focalisation du verbe Concernant
lanalyse de la structure de ces constructions nous deacutefendons lanalyse classique Nous justifions ces
choix dans la synthegravese en (sect 257)
251 La notion de focus
Lambrecht (1994 213) deacutefini le focus comme la composante seacutemantique dune proposition
pragmatiquement structureacutee ougrave lassertion (la ldquonouvellerdquo information) diffegravere de la preacutesupposition
(information consideacutereacutee comme deacutejagrave connue) Il distingue trois types de focus (ou structures
focales)
bull Focus sur le preacutedicat (predicate focus) porte sur le preacutedicat de la phrase
bull Focus sur un argument (argument focus) porte sur un argument ou un satellite du verbe de
la phrase
bull Focus sur la phrase (sentence focus) porte sur la phrase dans son ensemble
Lambrecht (1994) propose une typologie des phrases selon leur structure informationnelle Il
identifie trois types de phrases (ou cateacutegories pragmatiques) correspondant aux trois structures
focales cateacutegoriques identificationnelles et theacutetiques
Dans les phrases cateacutegoriques ou topique-commentaire (topic-comment) le sujet est preacutesupposeacute
(topique) et le preacutedicat est en focus (commentaire) Elles preacutesentent donc une structure focale de
type laquo focus sur le preacutedicat raquo
- 135 -
Type de phrase
Cateacutegorique(Focus Preacutedicat)
Theacutetique(Focus Phrase)
Identificationnelle(Focus Argument)
Eacuteveacutenementielle Preacutesentationnelle
Deacuteictique Existentielle
Figure 21 - Cateacutegories pragmatiques selon Lambrecht (1994)
Les phrases identificationnelles quant agrave elles servent agrave identifier un reacutefeacuterent comme largument
manquant dune proposition Dans ce type de phrase le focus porte sur largument manquant Elles
preacutesentent donc une structure focale de type laquo focus sur un argument raquo
Les phrases theacutetiques servent laquo agrave preacutesenter une entiteacute une proposition ou un eacutetat de choses en
tant queacuteleacutement dinformation nouveau pour le discours raquo (Cornish 2008 122) Dans ce type de
phrase aucun eacuteleacutement nest preacutesupposeacute le focus porte sur lensemble de la proposition elles
preacutesentent donc une structure focale de type laquo focus sur la phrase raquo Parmi les phrases theacutetiques
Lambrecht (1994 144) distingue les phrases preacutesentationelles et les phrases eacuteveacutenementielles Les
phrases eacuteveacutenementielles (event-reporting) introduisent un eacuteveacutenement qui implique un reacutefeacuterent qui
est nouveau dans le discours ou qui est consideacutereacute comme tel dapregraves le contexte (Lambrecht 2000a
623) Les phrases preacutesentationnelles introduisent un nouveau reacutefeacuterent dans le discours Elles
comprennent les phrases deacuteictiques qui indiquent un reacutefeacuterent dans le monde externe du discours et
les phrases existentielles qui introduisent un reacutefeacuterent dans le monde interne du discours (Lambrecht
1994 179)
Le concept des laquo deux mondes du discours raquo permet de rendre compte de certaines proprieacuteteacutes
formelles et pragmatiques des eacutenonceacutes preacutesentationnels (Lambrecht 2000b 54) Selon Fillmore
(1976) repris par Lambrecht (1994 36-43 2000b 54-55) lunivers du discours est diviseacute en deux
mondes discursifs le monde externe et le monde interne Le monde externe du discours correspond
- 136 -
au monde dans lequel le discours est produit Il comprend les participants cest-agrave-dire le locuteur et
le(s) allocutaire(s) ainsi que la situation deacutenonciation cest-agrave-dire le temps le lieu et les
circonstances dans lesquelles se deacuteroule le discours (Lambrecht 1994 36) Le monde interne du
discours correspond au monde produit par le discours Il comprend les uniteacutes linguistiques (mots
locutions phrases) ainsi que leur sens Il sagit dun monde abstrait de repreacutesentations linguistiques
creacuteeacute dans la tecircte des allocutaires via le processus de communication (Lambrecht 1994 37)
Hyman amp Watters (1984 237-244) proposent une typologie du focus Ils distinguent quatre
paramegravetres reacutealisation type porteacutee et controcircle
Reacutealisation du focus Le focus peut se reacutealiser de trois maniegraveres diffeacuterentes La reacutealisation peut ecirctre
prosodique geacuteneacuteralement en placcedilant un accent sur leacuteleacutement focaliseacute Elle peut eacutegalement ecirctre
morphologique un affixe ou un mot grammatical est utiliseacute pour marquer le focus Enfin elle peut
ecirctre syntaxique par une modification de lordre des mots ou par le biais dune construction
speacutecifique comme la cliveacutee
Type de focus Hyman amp Watters (1984 239-241) distinguent deux types de focus assertif et
contrastif Le focus assertif permet de mettre une emphase sur une information nouvelle consideacutereacutee
comme non connue de linterlocuteur En revanche le focus contrastif permet deacutetablir un contraste
entre leacuteleacutement focaliseacute et un autre eacuteleacutement consideacutereacute comme connu de linterlocuteur
Porteacutee du focus Comme nous lavons vu plus haut on peut distinguer trois types de focus selon
leur porteacutee Le focus peut porter sur un argument ou un satellite du verbe de la phrase (focus
argument) sur le preacutedicat de la phrase (focus preacutedicat) ou sur la phrase dans son ensemble (focus
phrase)
Controcircle du focus Hyman amp Watters (1984 242-244) distinguent le controcircle pragmatique du
controcircle grammatical Dans le premier cas le locuteur deacutetermine leacuteleacutement qui doit ecirctre focaliseacute
alors que dans le second cas des contraintes grammaticales imposent la focalisation dun eacuteleacutement
252 La focalisation du sujet
Cette construction est appeleacutee laquo subjectif raquo par Fal (1999) laquo modaliteacute ldquoemphatiquerdquo raquo par
Sauvageot (1965) laquo emphatique du sujet raquo par Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et
laquo mise en relief du sujet raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du
sujet raquo emprunteacute agrave Robert (2010a) et Ndiaye-Correacuteard (2003) en raison de son utilisation dans les
- 137 -
travaux portant sur la structure informationnelle tels que Lambrecht (1994) Lutilisation du terme
laquo focalisation raquo est plus preacutecise alors que les termes laquo emphatique raquo et laquo mise en relief raquo pourraient
englober la topicalisation
La focalisation du sujet se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif a placeacute
immeacutediatement apregraves le sujet ce dernier se situant en tecircte de phrase
Tableau 215 - Paradigme personnel de la focalisation du sujet
SG PLSG PL
SUJ MP SUJ MP
1 ma= a nu= a maa noo
2 ya= a yeen= a rarr yaa yeena
3 mu= a ntildeu= a moo ntildeoo
Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p V O avec des arguments lexicaux (102a)
et s-p =o V avec des arguments pronominaux (102b)
102) a S =p V O
Omar =a lekk ceeb
Omar =FOCS manger riz
lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo
b s=p =o V
Ma=a =ko lekk
PRO1SG=FOCS =O3SG manger
lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo
La valeur principale de cette construction est une focalisation du sujet du preacutedicat Elle est
utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (103a) ou contrastif du sujet (103b)
103) a Ku =la bind bataaxal bii (Robert 1991 123)
CLHUMSGREL =O2SG eacutecrire lettre =CLbDEMPX
Daba =mu=a =ma =ko bind
Daba =PRO3SG=FOCS =O1SG =O3SG eacutecrire
lsquoQui ta eacutecrit cette lettre Cest Daba qui me la eacutecritersquo
- 138 -
b Meumlnuma =leen=a fey (Church 1981 69)
pouvoirPRFNEGS1SG =O2PL=DV payer
Yagravella =mu=a =leen man=a fey
Dieu =PRO3SG=FOCS =O2PL pouvoir=DV payer
lsquoJe ne peux pas vous le rendre cest Dieu (seul) qui peut vous le rendrersquo
Robert (1991 122-129 2000 238-240) identifie plusieurs autres emplois de cette construction
qui bien que lieacutes agrave la valeur de focalisation ne peuvent ecirctre analyseacutes comme des cas de focalisation
du sujet Cette construction peut ecirctre utiliseacutee dans des phrases eacuteveacutenementielles (event-reporting)
pour justifier ou expliquer une situation (104a-b)
104) a Lutax nga=y liggeacuteeysi =fi (Robert 1991 125)
pourquoi S2SG=IPF travaillerVEN =CLLOCDFPX
Patron =bi =mu=a =ma taamu
patron =CLbDFPX =PRO3SG=FOCS =O1SG preacutefeacuterer
lsquoPourquoi viens-tu travailler ici Cest le patron qui ma deacutesigneacutersquo
b Lu xeew =fi (Robert 1991 127)
CLCHSGREL avoir_lieu =CLLOCDFPX
Musaa =mu=a doacuteor Ndey
Moussa =PRO3SG=FOCS frapper Ndegraveye
lsquoQuest-ce qui se passe ici Cest Moussa qui a frappeacute Ndegraveye rsquo
Elle peut eacutegalement ecirctre utiliseacutee pour former une exclamative avec une emphase sur le preacutedicat
(105a-b) ce type demploi eacutetant limiteacute aux verbes deacutenotant une qualiteacute Ces phrases peuvent
eacutegalement ecirctre analyseacutees comme des phrases eacuteveacutenementielles selon la deacutefinition que nous avons
poseacutee en (sect 251) En effet comme le remarque Robert (2000 243) ces phrases ne sarticulent agrave
aucun eacutenonceacute preacutealable Elles introduisent donc un eacuteveacutenement qui implique un reacutefeacuterent qui est
nouveau dans le discours Les phrases eacuteveacutenementielles eacutetant des phrases theacutetiques la construction a
ici une valeur de focalisation de phrase70
105) a Ceeb =bii =mu=a neex (Robert 1991 127)
riz =CLbDEMPX =PRO3SG=FOCS ecirctre_agreacuteable
lsquoQuest-ce quil est bon ce riz rsquo
70 Nous reviendrons sur cette valeur (sect 257)
- 139 -
b Xale bii =mu=a luqnjuur (Diouf 2003 207)
enfant =CLbDEMPX =PRO3SG=FOCS ecirctre_impertinent
lsquoComme il est impertinent cet enfant rsquo
De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Avec la
copule verbale di elle permet de construire un preacutedicat eacutequatif (106a) Dans cet emploi la valeur de
la construction est comparable agrave un focus contrastif Plusieurs auteurs eacutevoquent eacutegalement la
possibiliteacute dutiliser cette construction pour former un preacutedicat eacutequatif (106b) (Church 1981 77
Fal 1999 144-145 NDiaye-Correacuteard 2003 179) ou un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (106c)
(Torrence 2013b 195) Neacuteanmoins cette derniegravere option nest eacutevoqueacutee par aucun autre auteur et
napparaicirct pas dans les corpus
106) a Kii =mu=a=y sama xarit =bi (Robert 1991 161)
CLHUMSGDEMPX =PRO3SG=FOCS=COP POSS1SG ami =CLbDFPX
lsquoLui cest mon amirsquo
b Moom =a de moonte (Joacuteob 2003 75)
PRO3SG =FOCS EMPH pourtant
lsquoPourtant cest vraiment elle rsquo
c Maryam jagravengalekat =a (Torrence 2013b 195)
Marie enseignant =FOCS
lsquoMarie est enseignantersquo
Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Elle est impossible avec les
verbes avalents (107a) ce qui est coheacuterent avec sa valeur de focalisation du sujet Elle est
obligatoire avec les verbes comparatifs (107b) (Robert 1991 137-139) Enfin elle est obligatoire
dans les interrogatives partielles si le sujet est un pronom interrogatif (107c) ou contient un
deacuteterminant interrogatif (107d)
107) a Mu=a taw (Robert 1991 138)
PRO3SG=FOCS pleuvoir
- 140 -
b Mu=a =ko dagraveq liggeacuteey (Robert 1991 124)
PRO3SG=FOCS =O3SG surpasser travailler
lsquoIl travaille mieux que luirsquo
c Kan =mu=a ntildeeumlwul (Robert 1991 123)
CLHUMSGQ =PRO3SG=FOCS venirNEG
lsquoQui est-ce qui nest pas venu rsquo
d Ban waxtu =mu=a jot (Robert 1991 124)
CLbQ heure =PRO3SG=FOCS atteindre
lsquoQuelle heure est-il rsquo
253 Le preacutesentatif
Cette construction est appeleacutee laquo situatif raquo par Fal (1999) laquo progressif raquo par Torrence (2013a)
laquo focus de phrase raquo (sentence-focus) par Ka (1994) et laquo preacutesentatif raquo par la plupart des autres
auteurs (Sauvageot 1965 Dialo 1981a Church 1981 Robert 1991 Diouf 2009) Nous avons
deacutecideacute de conserver cette derniegravere eacutetiquette en raison de son utilisation par Hetzron (1975) et
Lambrecht (2000b)
La structure du preacutesentatif est similaire agrave celle de la focalisation du sujet Il se caracteacuterise par la
preacutesence du marqueur preacutedicatif -a ng- placeacute immeacutediatement apregraves le sujet ce dernier se situant en
tecircte de phrase On note que le a initial du marqueur preacutedicatif tombe agrave la troisiegraveme personne du
singulier la premiegravere personne du pluriel et la troisiegraveme personne du pluriel71
Tableau 216 - Paradigme personnel du preacutesentatif
SG PLSG PL
SUJ MP SUJ MP
1 ma= a ng- nu= ng- maa ng- nu ng-
2 ya= a ng- yeen= a ng- rarr yaa ng- yeena ng-
3 mu= ng- ntildeu= ng- mu ng- ntildeu ng-
Par ailleurs un marqueur deacuteictique (sect 41) se suffixe agrave ce morphegraveme Ce dernier peut ecirctre
71 Neacuteanmoins plusieurs variantes sont attesteacutees pour ce paradigme (sect 123)
- 141 -
proximal (108a)72 distal (108b) indeacutetermineacute (108c) ou anaphorique (108d)73
108) a Ma=a ng-i bey (Church 1981 73)
PRO1SG=PRST-PX cultiver
lsquoMe voici qui cultive la terrersquo
b Mu =ng-a =fale (Church 1981 73)
PRO3SG=PRST-DT =CLLOCDEMDT
lsquoIl est lagrave-basrsquo
c Mu =ng-u =fu (Robert 1991 168)
PRO3SG=PRST-INDET =CLLOCINDET
lsquoIl est lagrave quelque partrsquo
d Ma=a ng-oog (Robert 1991 168)
PRO1SG=PRST-ANAPH
lsquoMe voilagrave (maintenant vous savez qui je suis)rsquo
Comme la focalisation du sujet cette construction preacutesente une structure syntaxique S p V O
avec des arguments lexicaux (109a) et s-p =o V avec des arguments pronominaux (109b)
109) a S =p V O
Omar =a ngi lekk ceeb
Omar =PRSTPX manger riz
lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo
b s=p =o V
Ma=a ngi =ko lekk
PRO1SG-PRSTPX =O3SG manger
lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo
Plusieurs analyses ont eacuteteacute proposeacutees pour rendre compte de la valeur et des emplois du
preacutesentatif Selon Sauvageot (1965) et Church (1981) la valeur principale de cette construction est
72 Forme la plus freacutequente73 Selon Diouf (2009 149) tous les autres marqueurs propres aux deacuteterminants deacutemonstratifs peuvent eacutegalement
apparaicirctre
- 142 -
de focaliser le sujet et de le laquo situer dans lespace raquo Selon Robert (1991) et Perrin (2005) cette
construction ne peut pas ecirctre analyseacutee comme une focalisation du sujet et doit plutocirct ecirctre rapprocheacutee
du minimal Selon Torrence (2013a) la valeur principale de cette construction est un aspect
progressif Nous reviendrons sur les arguments respectifs de ces auteurs en (sect 123) Dans le preacutesent
chapitre nous proposons une analyse de cette construction en nous basant uniquement sur sa valeur
seacutemantique et sur ses contextes demploi
Indeacutependamment des analyses proposeacutees les eacutenonceacutes au preacutesentatif sont souvent traduits en
franccedilais par ce que Lambrecht (2000b 61-65) appelle des constructions relatives preacutesentatives en
voilagrave (110a-b)
110) a Nit =a ngi ntildeeumlw (Church 1981 74)
personne =PRSTPX venir
lsquoVoici une personne qui arriversquo
b Mu =ngi lekk xar (Diouf amp Yaguello 1991 217)
PRO3SG=PRSTPX manger mouton
lsquoLe voilagrave qui a mangeacute du moutonrsquo
Cette traduction bien que parfois forceacutee nous semble pertinente en raison de la proximiteacute
seacutemantique du preacutesentatif wolof et de la construction relative preacutesentative en voilagrave du franccedilais74
Ces deux constructions partagent les mecircmes fonctions discursives agrave savoir introduire une entiteacute ou
une situation nouvelle dans le discours (fonction preacutesentative) et exprimer une information
nouvelle sur cette entiteacute ou situation (fonction preacutedicative) (Lambrecht 2000b 51) Ces deux
constructions partagent eacutegalement lexpression dune distinction deacuteictique Les deux langues
disposent dune forme proximale (voici a ngi) et dune forme distale (voilagrave a nga)75
Comme la construction relative preacutesentative en voilagrave du franccedilais le preacutesentatif wolof connaicirct
deux types demploi deacuteictique et eacuteveacutenementiel Notons que laquo lattribution agrave lune ou agrave lautre de ces
sous-cateacutegories nest pas toujours eacutevidente mais il existe des cas clairs qui rendent la distinction
neacutecessaire raquo (Lambrecht 2000b 61)
74 Nous consideacuterons comme Robert (1991 171) que ce type de traduction est souvent forceacutee Nous pouvonssupposer que le preacutesentatif wolof est utiliseacute dans un plus grand nombre de contextes car il sagit dune constructionmono-propositionnelle inteacutegreacutee au systegraveme verbal alors que la construction preacutesentative en voilagrave du franccedilais estune construction bi-propositionnelle (comprenant une relative) et relativement indeacutependante de la conjugaison de lalangue
75 En franccedilais voici et voilagrave sont des formes figeacutees constitueacutees dune forme fleacutechie du verbe laquo voir raquo et des adverbeslocatifs ci et la (Oppermann-Marsaux 2006)
- 143 -
Dans les eacutenonceacutes preacutesentatifs deacuteictiques laquo une entiteacute discursive est preacutesenteacutee dans le monde
externe du discours gracircce agrave une perception directe eacutemanant dun centre de perspective implicite Par
deacutefaut ce centre de perspective est le locuteur qui rend compte de sa perception agrave linterlocuteur raquo
(Lambrecht 2000b 61) Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute pour localiser un reacutefeacuterent (111a-b) Il est
geacuteneacuteralement utiliseacute dans les reacuteponses aux questions comprenant la copule locative interrogative
ana (111b) (Fal 1999 80)
111) a Gisuloo Abdu Mu =ngi jeumlm (Robert 1991 173)
voirPRFNEGS2SG Abdou PRO3SG=PRSTPX se_rendre
ca deumlkk =ba leacuteegi laa tase =ak moom
PREPDT village =CLbDFDT maintenant FOCCS1SG rencontrer =avec PRO3SG
lsquoTu nas pas vu Abdou Il est en route pour le village je viens juste de le croiserrsquo
b Ana Musaa (Robert 1991 173)
COPLOCQDT Moussa
Mu =ngi dellu deumlkk =bi
PRO3SG=PRSTPX revenir village =CLbDFPX
lsquoOugrave est Moussa Le voilagrave (justement) qui revient du village (on le voit arriver)rsquo
Dans ce type demploi le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats non verbaux
locatifs (112a) Ce type de preacutedicat non verbal est eacutegalement utiliseacute dans les reacuteponses aux formules
employeacutees pour demander des nouvelles de quelquun (112b-c) (Robert 1991 174)
112) a Ana xale =ya (Fal 1999 80)
COPLOCQDT enfant =CLyDFDT
Ntildeu =nga ca keumlr =ga
PRO3SG=PRSTDT PREPDT maison =CLgDFDT
lsquoOugrave sont les enfants Ils sont agrave la maisonrsquo
b Ana waa keumlr =ga (Diouf amp Yaguello 1991 18)
COPLOCQDT gens maison =CLgDFDT
Ntildeu =nga =fa
PRO3PL=PRSTDT =CLLOCDFDT
lsquoComment va la famille Ils vont bien rsquo
(litt lsquoOugrave sont les gens de la maison Ils sont lagrave rsquo)
- 144 -
c Na nga def (Diouf amp Yaguello 1991 18)
CLMNRDFDT S2SG faire
Ma=a ngi =fi rekk
PRO1SG=PRSTPX =CLLOCDFPX seulement
lsquoComment vas-tu Ccedila va bien rsquo (litt lsquoComment fais-tu Je suis ici seulement rsquo)
Dans un eacutenonceacute preacutesentatif deacuteictique agrave preacutedicat verbal lentiteacute preacutesenteacutee est perccedilue en tant que
participant au procegraves deacutenoteacute par le verbe Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute dans les didascalies (par
exemple dans les piegraveces de theacuteacirctre) (113a) ou pour exprimer un constat (113b-c) Lentiteacute preacutesenteacutee
est donc agrave la fois un objet de perception et un sujet de preacutedication Cest de cette caracteacuteristique que
deacutecoule la neacutecessiteacute souvent releveacutee dune simultaneacuteiteacute temporelle entre la situation deacutenonciation
et le procegraves (Lambrecht 2000b 55-56) En effet malgreacute le fait quelle soit au perfectif une phrase
au preacutesentatif est geacuteneacuteralement interpreacuteteacutee comme un procegraves en cours et non comme un procegraves
acheveacute au moment de leacutenonciation (113b) Neacuteanmoins cette interpreacutetation nest pas systeacutematique
une phrase au preacutesentatif perfectif peut eacutegalement ecirctre interpreacuteteacutee comme un procegraves acheveacute au
moment de leacutenonciation (113c) Ces deux lectures aspectuelles deacutependent du verbe ainsi que du
contexte discursif
113) a Pierre Dumas =a ngi=y wax (Diouf amp Yaguello 1991 76)
Pierre Dumas =PRSTPX=IPF parler
=ak gard =bi
=avec garde =CLbDFPX
(Didascalie initiale) lsquoPierre Dumas parle avec le gardersquo
b Mu =ngi fey boram ci waxtu (Robert 1991 177)
PRO3SG=PRSTPX payer dettePOSS3SG PREPPX moment
(En voyant la personne sortir son porte-feuille) lsquoIl paie sa dette agrave tempsrsquo
c Mu =ngi =nii guujal ndox (Diouf 2003 151)
PRO3SG=PRSTPX =CLMNRDEMPX remplir_sa_bouche_de eau
di ma waaj=a tooyal
IPF S1SG se_preacuteparer=DV ecirctre_mouilleacuteCAUS
lsquoLe voici qui sest rempli la bouche deau et sapprecircte agrave me mouillerrsquo
- 145 -
Dans les eacutenonceacutes preacutesentatifs eacuteveacutenementiels la construction laquo est marqueacutee comme preacutesentant
non pas lentiteacute par elle-mecircme mais lentiteacute en tant que participant agrave une situation surprenante ou
inattendue raquo (Lambrecht 2000b 64) Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute pour exprimer une surprise face
agrave une situation inattendue (114a) ou nouvelle (114b)
114) a Ndaxam mu =ngi ne cocc =ak teacuteemeacuteeri atam (Diouf 2003 83)
pourtant PRO3SG=PRSTPX dire IDEO =avec centGENPL anPOSS3SG
lsquoPourtant il a bon pied bon œil pour ses cent ansrsquo
b Leacuteegi mu =ngi=y goacuteor-goacuteorlu (Diouf 2003 148)
maintenant PRO3SG=PRSTPX=IPF se_deacutebrouiller
ci njagraveng =mi
PREPPX eacutetude =CLmDFPX
lsquoMaintenant il fait des efforts dans les eacutetudesrsquo
Loccurrence dun sujet pronominal dans une construction au preacutesentatif peut sembler
paradoxale En effet lune des fonction de ces constructions est de preacutesenter une entiteacute dans le
discours Or le preacutesentatif admet un sujet pronominal renvoyant agrave une entiteacute identifiable et deacutejagrave
activeacutee dans le discours (115a-b) Selon Lambrecht (2000b 62) la solution agrave ce paradoxe est agrave
chercher dans les proprieacuteteacutes de contextualisation propre agrave cette construction Pour que les eacutenonceacutes
(115a-b) soient acceptables pragmatiquement il est neacutecessaire que le pronom sujet ait eacuteteacute un
topique eacutetabli dans le monde interne du discours avant decirctre preacutesenteacute dans le monde externe du
discours76
115) a Faatu lu =mu=y def (Robert 1991 175)
Fatou CLCHSGREL =S3SG=IPF faire
Mu =ngi raxas waantilde =wi
PRO3SG=PRSTPX laver cuisine =CLwDFPX
lsquoQue fait Fatou Elle est en train de laver la cuisinersquo
76 Sur le plan de lanalyse formelle nous pouvons dire empruntant la terminologie des Grammaires dUnification quela construction preacutesentative en inteacutegrant le pronom sujet heacuterite de celui-ci le trait pragmatique laquo topique eacutetablidans le discours raquo et le substitue au trait laquo entiteacute nouvelle dans le discours raquo attacheacute au SN tout en preacuteservant letrait global laquo preacutesentation dun reacutefegraverent nouveau raquo qui est inheacuterent agrave la construction Cest lunification du traitparticulier avec le trait global qui donne lieu au caractegravere laquo mixte raquo de la structure informationnelle de ce sous-typede construction [adaptation dun paragraphe de Lambrecht (2000b 62)]
- 146 -
b Dama beumlgg=a wax =ak Musaa (Robert 1991 175)
FOCVS1SG vouloir=DV parler =avec Moussa
Mu =ngi antilde leacuteegi
PRO3SG=PRSTPX deacutejeuner maintenant
xaaral ba mu pare
attendreIMPS2SG jusque S3SG ecirctre_precirct
lsquoJe voudrais parler agrave Moussa
Pour linstant il est en train de deacutejeuner attends quil ait finirsquo
Pour reacutesumer le preacutesentatif est essentiellement utiliseacute pour construire des phrases
preacutesentationnelles Ces phrases eacutetant des phrases theacutetiques nous pouvons consideacuterer que la valeur
principale de cette construction est une focalisation de la phrase Il peut sagir dun focus assertif
lorsque lensemble de la situation deacutenoteacutee par la phrase est consideacutereacute comme non connu de
linterlocuteur (113a-c) ou dun focus contrastif lorsque la situation deacutenoteacutee par la phrase contraste
avec une situation anteacuterieure consideacutereacutee comme connue de linterlocuteur (114a-b)
254 La focalisation du compleacutement
Cette construction est appeleacutee laquo objectif raquo par Fal (1999) laquo emphatique du compleacutement raquo par
Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et laquo mise en relief du compleacutement raquo par Diouf
(2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du compleacutement raquo pour les mecircmes raisons que
celles exposeacutees pour la focalisation du sujet
La focalisation du compleacutement se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif la placeacute
immeacutediatement apregraves le compleacutement (objet dun verbe transitif ou adjoint) ce dernier se situant en
tecircte de phrase On note que le marqueur preacutedicatif tombe agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du
pluriel et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne
Tableau 217 - Paradigme personnel de la focalisation du compleacutement
SG PLSG PL
MP SUJ MP SUJ
1 la -a la -nu laa lanu
2 Oslash -nga Oslash -ngeen rarr nga ngeen
3 la -Oslash la -ntildeu la lantildeu
- 147 -
La structure syntaxique de cette construction deacutepend de la fonction syntaxique de leacuteleacutement
focaliseacute En effet si leacuteleacutement focaliseacute est attendu par le verbe la structure syntaxique est O p S V
avec des arguments lexicaux (116a) et o p-s V avec des arguments pronominaux (116b) Si leacuteleacutement
focaliseacute est un adjoint la structure syntaxique est X p S V O avec des arguments lexicaux (117a) et
X p-s =o V avec des arguments pronominaux (117b)
116) a O =p S V
Ceeb =la Omar lekk
riz =FOCC Omar manger
lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo
b o =p-s V
Moom =la-a lekk
PRO3SG =FOCC-S1SG manger
lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo
117) a X =p S V O
Deacutemb =la Omar lekk ceeb
hier =FOCC Omar manger riz
lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo
b X =p-s =o V
Deacutemb =la-a =ko lekk
hier =FOCC-S1SG =O3SG manger
lsquoCest hier que jen ai mangeacutersquo
La valeur principale de cette construction est une focalisation dun eacuteleacutement non preacutedicatif et non
sujet Elle est utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (118a) ou contrastif (118b)
118) a Loo lekk Ceeb =la-a lekk (Robert 1991 156)
CLCHSGRELs2SG manger riz =FOCC-S1SG manger
lsquoQuest-ce que tu as mangeacute Cest du riz que jai mangeacutersquo
- 148 -
b Lekkuma mburu =mi (Robert 1991 154)
mangerPRFNEGS1SG pain =CLmDFPX
ceeb =bi =la-a lekk
riz =CLbDFPX =FOCC-S1SG manger
lsquoJe nai pas mangeacute le pain cest le riz que jai mangeacutersquo
De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Elle permet
de construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (119a-b) ou un preacutedicat eacutequatif (119c) Dans cet
emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus contrastif
119) a Man nit =la-a (Robert 1991 160)
PRO1SG humain =FOCC-S1SG
lsquoMoi je suis un ecirctre humainrsquo
b Ndaw su jekk =la (Diouf 2003 166)
dame CLsREL ecirctre_eacuteleacutegant =FOCC
lsquoCest une dame eacuteleacutegantersquo
c Tugeumll deumlkku tubaab =yi =la (Robert 1991 160)
Europe villeGEN homme_blanc =CLyDFPX =FOCC
lsquoLEurope cest lendroit ougrave habitent les blancsrsquo
Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Elle est obligatoire dans les
interrogatives partielles si leacuteleacutement focaliseacute (objet ou adjoint) est un pronom interrogatif (120a-b)
ou contient un deacuteterminant interrogatif (121a-b) Elle est eacutegalement obligatoire dans les
interrogatives partielles agrave preacutedicat non verbal (122a-b)
120) a Lan =la doktor =bi wax (Robert 1991 157)
CLCHSGQ =FOCC docteur =CLbDFPX dire
lsquoQua dit le docteur rsquo
b Kantilde =nga ntildeoacutew Ndakaaru (Robert 1991 157)
quand =FOCCS2SG venir Dakar
lsquoDepuis quand es-tu arriveacute agrave Dakar rsquo
- 149 -
121) a Wan fas =la jaay (Diouf 2003 552)
CLwQ cheval =FOCCS3SG vendre
lsquoQuel cheval a-t-il vendu rsquo
b Ban waxtu =la dem (Diouf 2003 363)
CLbQ moment =FOCCS3SG partir
lsquoAgrave quel moment est-il parti rsquo
122) a Leumlf =ki ci taabal =bi lan =la (Diouf 2003 200)
chose =CLkDFPX PREPPX table =CLbDFPX CLCHSGQ =FOCC
lsquoLa chose sur la table quest-ce que cest rsquo
b Ngente =li kantilde =la (Diouf 2003 252)
baptecircme =CLlDFPX quand =FOCC
lsquoLe baptecircme cest quand rsquo
255 La focalisation du verbe
Cette construction est appeleacutee laquo processif raquo par Fal (1999) laquo modaliteacute ldquoeacutetat acquisrdquo raquo par
Sauvageot (1965) laquo emphatique du verbe raquo par Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et
laquo explicatif raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du verbe raquo pour les
mecircmes raisons que celles exposeacutees pour la focalisation du sujet
La focalisation du verbe se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif da ou dafa placeacute
immeacutediatement avant le verbe On note que le fa final est uniquement preacutesent agrave la troisiegraveme
personne du singulier et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne
Tableau 218 - Paradigme personnel de la focalisation du verbe
SG PLSG PL
MP SUJ MP SUJ
1 da -ma da -nu dama danu
2 da -nga da -ngeen rarr danga dangeen
3 dafa -Oslash da -ntildeu dafa dantildeu
- 150 -
Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux
(123a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (123b)
123) a S =p-s V O
Xale =yi =da-ntildeu lekk ceeb
enfant =CLyDFPX =FOCV-S3PL manger riz
lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo
b p-s =o V
Da-ma =ko lekk
FOCV-S1SG =O3SG manger
lsquoJe lai mangeacutersquo
La valeur principale de cette construction est une focalisation du verbe ou du preacutedicat Elle est
utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (124a) ou contrastif (124b)
124) a Lu =mu def ba gis =ko (Robert 1991 81)
CLCHSGREL =S3SG faire jusque voir =O3SG
Dafa =ko wut
FOCVS3SG =O3SG chercher
lsquoQuest-ce quil a fait pour arriver agrave le voir Il la chercheacutersquo
b Waxuma =la sax rekk lekk (Robert 1991 80)
direPRFNEGS1SG =O2SG mecircme seulement manger
da-ma =ko wann
FOCV-S1SG =O3SG deacutevorer
lsquoJe ne lai pas mangeacute je lai deacutevoreacutersquo
(litt lsquoJe ne te dis pas seulement laquo manger raquo je lai laquo deacutevoreacute raquorsquo)
Selon Robert (2000 248-256) les diffeacuterents emplois de cette construction peuvent ecirctre rameneacutes
agrave trois grands cas valeur de preacutedication qualitative valeur intensive et valeur explicative La
laquo valeur de preacutedication qualitative raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour exprimer une
qualiteacute permanente ou deacutefinitoire du sujet (125a) ce type demploi eacutetant limiteacute aux verbes deacutenotant
une qualiteacute Elle soppose ainsi au parfait qui exprimera plutocirct une qualiteacute temporaire etou
deacutependante du contexte (125b)
- 151 -
125) a Meumlnul dox ndax dafa lafantilde (Church 1981 84)
pouvoirPRFNEGS3SG marcher parce_que FOCVS3SG ecirctre_paralyseacute
lsquoIl ne peut pas marcher car il est paralytiquersquo
b Meumlnatul dox ndax lafantilde =na (Church 1981 84)
pouvoirITERPRFNEGS3SG marcher parce_que ecirc_paralyseacute =PRFS3SG
lsquoIl ne peut plus marcher car il est paralyseacute devenu paralytiquersquo
La laquo valeur intensive raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour exprimer une emphase
sur le verbe ou sur le preacutedicat (126a-b)
126) a Dafa =ko xam (Robert 1991 78)
FOCVS3SG =O3SG savoir
lsquoIl le sait (pertinemment)rsquo
b Dafa guddee (Robert 1991 79)
FOCVS3SG ecirctre_tard
lsquoIl est (trop) tardrsquo
La laquo valeur explicative raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour justifier ou expliquer
une situation (127a-b) Dans cet emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus
contrastif (127a) ou assertif (127b)
127) a Sama jeumlkkeumlr nekku =fi (Church 1981 83)
POSS1SG mari ecirctreNEG =CLLOCDFPX
dafa dem agravell =ba
FOCVS3SG partir brousse =CLbDFDT
lsquoMon mari nest pas lagrave il est parti en broussersquo
b Dafa sagravecc ntildeu kaaf =ko (Church 1981 84)
FOCVS3SG voler S3PL emprisonner =O3SG
lsquoIl a voleacute (donc) on la mis en prisonrsquo
De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Avec la
copule verbale di elle permet de construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (128a) ou un
- 152 -
preacutedicat eacutequatif (128b) Neacuteanmoins cet emploi semble limiteacute aux propositions agrave laquo valeur
explicative raquo (Robert 2000 264)
128) a Da-ma=y naar rekk (Robert 1991 162)
FOCV-S1SG=COP maure seulement
moo tax mu suufeel =ma
PRO3SGFOCS causer S3SG deacutenigrer =O1SG
lsquoCest parce que je suis maure quil me meacuteprisersquo
b Kii =dafa=y sama xarit (Robert 1991 162)
CLHUMSGDEMPX =FOCVS3SG=COP POSS1SG ami
moo tax ma woo =ko
PRO3SGFOCS causer S1SG appeler =O3SG
lsquoCest mon ami cest pour cela que je lai appeleacutersquo
Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Avec les verbes daction elle ne
permet pas agrave elle seule de constituer un eacutenonceacute complet Une proposition de ce type est
neacutecessairement lieacutee soit agrave une autre proposition (127a-b) soit au contexte discursif (124a) (Robert
2000 251)
256 Le statut des constructions focalisantes
Lanalyse de la structure morphosyntaxique des constructions focalisantes ainsi que leur statut
vis-agrave-vis de la conjugaison de la langue ne font pas lobjet dun consensus dans la litteacuterature Deux
types danalyse ont eacuteteacute proposeacutes celles qui considegraverent que les constructions focalisantes sont des
constructions mono-propositionnelles (analyse laquo classique raquo) et celles qui les analysent comme des
constructions complexes
Selon lanalyse laquo classique raquo chaque construction preacutedicative correspond agrave un tiroir verbal est
caracteacuteriseacutee par un paradigme personnel et est en distribution compleacutementaire avec les autres
constructions preacutedicatives Les constructions focalisantes respectent ces critegraveres et sont donc traiteacutees
comme les autres constructions preacutedicatives cest-agrave-dire comme des constructions eacuteleacutementaires de
la conjugaison Il sagit donc de constructions mono-propositionnelles Lanalyse laquo classique raquo a eacuteteacute
initialement proposeacutee par Kobegraves (1869) et a ensuite eacuteteacute deacutefendue dans la majoriteacute des travaux de
reacutefeacuterence sur le systegraveme verbal tels que Dialo (1981a) Church (1981) Robert (1991 2000) ou Fal
- 153 -
(1999) avec neacuteanmoins quelques variations selon les auteurs
Dautres auteurs ont proposeacute une analyse alternative selon laquelle les constructions focalisantes
ne constituent pas des constructions eacuteleacutementaires de la conjugaison mais doivent plutocirct ecirctre
analyseacutees comme des constructions complexes Selon Diouf (1985 38-47) la focalisation du verbe
(quil appelle laquo indicatif-reacuteel raquo) constitue la forme de base du systegraveme agrave partir de laquelle est
deacuteriveacutee la plupart des autres constructions par clivage Les constructions focalisantes sont donc des
cliveacutees obtenues par anteacuteposition de leacuteleacutement focaliseacute ce dernier pouvant ecirctre lobjet (129a) le
sujet (129b-c) ou le verbe (129d)77
129) a Gaynde =la-a gis (Diouf 1985 44)
lion =MP-S1SG voir
lsquoCest un lion que jai vursquo
b Ma=a gis gaynde (Diouf 1985 44)
PRO1SG=MP voir lion
lsquoCest moi qui ai vu un lionrsquo
c Ma=a ngi gis gaynde (Diouf 1985 44)
PRO1SG=MP voir lion
lsquoMe voici qui ai vu un lionrsquo
d Gis =na-a gaynde (Diouf 1985 44)
voir =MP-S1SG lion
lsquoJai vu un lionrsquo
Cette analyse a lavantage doffrir une preacutesentation relativement plus simple du systegraveme
puisquune unique laquo transformation raquo agrave savoir lanteacuteposition permet de rendre compte de toutes les
constructions Elle permet eacutegalement de rendre compte de la structure de la construction que nous
avons appeleacutee laquo parfait raquo en lanalysant comme une anteacuteposition du preacutedicat Neacuteanmoins comme le
note Robert (1991 32) cette analyse preacutesente plusieurs problegravemes Premiegraverement si elle permet de
rendre compte de la structure morphosyntaxique des constructions elle ne permet pas dexpliquer
leur valeur En effet analyser le preacutesentatif comme une focalisation du sujet et le parfait comme
une focalisation du preacutedicat est contestable Dautre part Diouf (1985) considegravere la focalisation du
77 Afin de ne pas introduire une glose idiosyncrasique nous glosons MP les morphegravemes que Diouf (1985 44) nommelaquo indicateurs de schegravemes eacutenonciatifs secondaires raquo
- 154 -
verbe comme la forme de base mais il reste flou sur la fonction du marqueur dafa ou sur son
absence des cliveacutees
Kihm (1999) et Torrence (2013b) traitent eacutegalement les constructions focalisantes comme des
cliveacutees mais ils proposent une analyse diffeacuterente Selon ces auteurs il existe un verbe copule a
permettant de focaliser le sujet (130a) lobjet (130b) ou un satellite (130c) Dans ces deux derniers
cas le l- preacutefixeacute agrave la copule est analyseacute comme un pronom expleacutetif issu de la classe nominale des
choses78 Torrence (2005 Ch 4) eacutetend cette analyse agrave la focalisation du verbe consideacuterant que le
marqueur de cette construction est constitueacute du verbe def (faire) de lindice de personne et de la
copule a (130d)
130) a Xale =yi (ntildeu) a sagravecc cin =li (Torrence 2013b 191)
enfant =CLyDFPX S3PL COP voler marmite =CLlDFPX
lsquoCe sont les enfants qui ont voleacute la marmitersquo
b Cin =li l-a-ntildeu sagravecc (Torrence 2013b 191)
marmite =CLlDFPX EXPL-COP-S3PL voler
lsquoCest la marmite quils ont voleacuteersquo
c Ca lekkool =ba l-a-a gise Isaa (Torrence 2013b 191)
PREPDT eacutecole =CLbDFDT EXPL-COP-S1SG voirAPPL Issa
lsquoCest agrave leacutecole que jai vu Issarsquo
d Xale =yi da-ntildeu-a lekk gato =bi (Torrence 2005 225)
enfant =CLyDFPX faire-S3PL-COP manger gacircteau =CLbDFPX
lsquoManger le gacircteau est ce que les enfants ont faitrsquo
Cette analyse est tregraves inteacuteressante dun point de vue diachronique car elle fournit des arguments
pour une origine commune des marqueurs preacutedicatifs a et la Cependant lhypothegravese dune copule
verbale a en wolof contemporain est contestable En effet les arguments retenus par les auteurs
pour deacutefendre le statut verbal de a ne nous semblent pas suffisamment convaincants Le premier
argument avanceacute par Kihm (1999) est que cette copule peut porter lindice de personne (131a) Or
en wolof le fait de porter la marque de personne ne caracteacuterise pas les verbes En effet dans
plusieurs types de propositions le verbe ne porte pas dindice pronominal Par exemple agrave loptatif le
78 cf (sect 41) pour une preacutesentation des classes nominales Bondeacuteelle (2015 47-49) propose une analyse similaire
- 155 -
sujet pronominal est amalgameacute au marqueur preacutedicatif (131b) et au minimal (subjonctif) il se
reacutealise comme un pronom indeacutependant (131c)
131) a Jaaykat l-a-ntildeu (Kihm 1999 247)
vendeur EXPL-COP-S3PL
lsquoIls sont commerccedilantsrsquo
b Na-ntildeu dem (Diouf 2003 236)
OPT-S3PL partir
lsquoQuils sen aillentrsquo
c Leacuteegi ntildeu war=a tagravembali bal-balal (Diouf 2003 60)
maintenant S3PL devoir=DV commencer deacutesherber
lsquoBientocirct on va devoir commencer agrave deacutesherberrsquo
Le second argument avanceacute par Kihm (1999) repose sur la capaciteacute de ce mot agrave porter le
morphegraveme de passeacute (132a) Or le statut de suffixe de ce morphegraveme est discutable En effet dans
plusieurs contextes le morphegraveme de passeacute se comporte comme un clitique (132b) ou comme un
verbe (132c) et non comme un suffixe de flexion verbale Il en va de mecircme du morphegraveme diteacuteratif
preacutesenteacute dans largumentation de Torrence (2013b) (133a) Dans plusieurs contextes ce morphegraveme
se comporte comme un adverbe et non comme un suffixe de deacuterivation verbale (133b)
132) a Fas l-a-woon (Kihm 1999 247)
cheval EXPL-COP-PAS
lsquoCeacutetait un chevalrsquo
b Soacuteoraalewuma =ko =woon (Diouf 2009 548)
preacutevoirPRFNEGS1SG =O3SG =PAS
lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo
c Yuri =na siddeacuteem =si woon (Diouf 2009 587)
vider =PRFS3SG jujube =CLsDFPX ecirctrePAS
ci poosam yeacutepp
PREPPX pochePOSS3SG CLyTOT
lsquoIl a videacute tous les jujubes qui eacutetaient dans sa pochersquo
- 156 -
133) a Gagravellaay l-a-ati (Torrence 2013b 197)
Galaye EXPL-COP-ITER
lsquoCest encore Galayersquo
b Lan ati (Diouf 2003 54)
CLCHSGQ encore
lsquoQuoi encore rsquo
Par ailleurs analyser la focalisation du sujet comme une cliveacutee comportant la copule a pose
problegraveme pour lanalyse de certains eacutenonceacutes En effet comme nous lavons vu en (sect 252) il est
possible de construire des preacutedicats non verbaux eacutequatifs avec la focalisation du sujet et la copule di
(134a-b) Si lon considegravere suivant Kihm (1999) et Torrence (2013b) que a est eacutegalement une
copule quelle analyse peut-on proposer pour les exemples (134a-b) Il semble eacutevident que di ne
peut pas ecirctre analyseacute comme un auxiliaire dimperfectif dans ces contextes mais quil sagit bien
dune copule
134) a Mu=a=y mbeumlru deumlkk =bi (Diouf 2003 219)
PRO3SG=FOCS=COP championGEN village =CLbDFPX
lsquoCest le champion du villagersquo
b Sama ngeumlm =a=y sama gagravennaay (Diouf 2003 500)
POSS1SG foi =FOCS=COP POSS1SG arme
lsquoMa foi est mon armersquo
Analyser la focalisation du verbe comme une cliveacutee comportant la copule a pose le mecircme type
de problegravemes En effet comme nous lavons vu en (sect 255) il est possible de construire des
preacutedicats nominaux non reacutefeacuterentiels avec la focalisation du verbe et la copule di (135a-b) Si lon
considegravere suivant Torrence (2005) que da(fa) est constitueacute du verbe def (faire) et dune copule a
quelle analyse peut-on proposer pour les exemples (135a-b) Comme dans les exemples
preacuteceacutedents di ne peut pas ecirctre analyseacute comme un auxiliaire dimperfectif mais doit plutocirct ecirctre
analyseacute comme une copule
- 157 -
135) a Ntildeii =da-ntildeu=y ay gan (Diouf amp Yaguello 1991 82)
CLHUMPLDEMPX =FOCV-S3PL=COP IDFCLy hocircte
te beumlgg=a mos toggu Senegaal
et vouloir=DV goucircter cuisineGEN Seacuteneacutegal
lsquoLe fait est quils sont des eacutetrangers et ils veulent goucircter le cuisine seacuteneacutegalaisersquo
(litt lsquoCeux-ci cest que ce sont des eacutetrangers et ils veulent goucircter la cuisine du Seacuteneacutegalrsquo)
b Dafa di taseeguloo =ak gaynde (Diouf 2003 88)
FOCVS3SG COP rencontrerdeacutejagravePRFNEGS2SG =avec lion
lsquoLe fait est que tu nas pas encore rencontreacute de lionrsquo
(litt lsquoCest que tu nas pas encore rencontreacute de lionrsquo)
De plus la preacutesence du morphegraveme a nest pas systeacutematique dans les eacutenonceacutes agrave la focalisation du
verbe En fait dans les corpus les cas ougrave ce morphegraveme est absent sont beaucoup plus freacutequents que
ceux ougrave il est preacutesent Par ailleurs lorsquil est preacutesent ce morphegraveme napparaicirct pas sur da(fa) mais
immeacutediatement avant le verbe lexicale (136a) On note eacutegalement quil peut apparaicirctre agrave la
troisiegraveme personne du singulier apregraves dafa (136b) Ces occurrences tendent agrave montrer que ce a nest
pas une copule mais doit plutocirct ecirctre rapprocheacute de la marque de deacutependance verbale (Diouf 2009
175)79
136) a Da-ntildeu =ko=a dagraveq (Diouf 2009 175)
FOCV-S3PL =O3SG=DV renvoyer
lsquoOn la licencieacutersquo
b Meumlnuma=a nelaw ndax (Diouf 2009 175)
pouvoirPRFNEG1SG=DV dormir parce_que
dafa=a ubbi bunt =bi
FOCVS3SG=DV fermerINV porte =CLbDFPX
lsquoJe narrive pas agrave mendormir parce quil a ouvert la portersquo
Enfin lanalyse des constructions focalisantes comme des constructions complexes a eacutegalement
eacuteteacute deacutefendue par NDiaye-Correacuteard (1989 2003) Cependant ses arguments sont tregraves diffeacuterents de
ceux proposeacutes par Diouf (1985) Kihm (1999) ou Torrence (2013b) En effet son argumentation
79 cf (sect 243) pour une preacutesentation de la marque de deacutependance verbale Nous reviendrons sur lanalyse de dafa en(sect 114)
- 158 -
repose exclusivement sur les schegravemes morphosyntaxiques des diffeacuterentes constructions En se
basant essentiellement sur ce critegravere elle considegravere que le systegraveme verbal du wolof ne comprend
que quatre tiroirs verbaux lindicatif (notre laquo subjonctif-conseacutecutif raquo) limpeacuteratif lassertif (notre
laquo parfait raquo) et le subjonctif (qui rassemble toutes les autres constructions preacutedicatives) Ainsi les
propositions au laquo subjonctif raquo sont caracteacuteriseacutees par un schegraveme s o S V O quon retrouve dans les
relatives (137a) loptatif (137b) le prohibitif (137c) la focalisation du compleacutement (137d) la
focalisation du sujet (137e) et le preacutesentatif (137f) Dans ces deux derniegraveres constructions
NDiaye-Correacuteard (2003 181) considegravere que le sujet est extrait de sa position canonique
137) a (hellip) na =ko =ko buur santewoon (NDiaye-Correacuteard 2003 171)
CLMNRDFDT =O3SG =O3SG roi ordonnerPAS
lsquo(hellip) comme le roi le lui avait ordonneacutersquo
b (hellip) na =ko samay doom doŋŋ lekk (NDiaye-C 2003 174)
OPT =O3SG POSS1SGPL enfant seulement manger
lsquo(hellip) que seulement mes enfants en mangent rsquo
c Bu =la sa doole jey (NDiaye-Correacuteard 2003 174)
PROH =O2SG POSS2SG force flatter
lsquoQue ta force ne te grise pas rsquo
d [Fii =la] [=ko ndaw =si gis] (NDiaye-C 2003 175)
CLLOCDEMPX =FOCC =O3SG femme =CLsDFPX voir
lsquoCest ici que la femme la vursquo
e [Maalig =a] [=ko gis] (NDiaye-Correacuteard 2003 178)
Malick =FOCS =O3SG voir
lsquoCest Malick qui la vursquo
f [Maalig =a nga] [=fa gis genn garab] (NDiaye-C 2003 181)
Malick =PRSTDT =CLLOCDFDT voir CLgSING arbre
lsquoVoilagrave que Malick y a vu un arbrersquo
Ces trois constructions focalisantes sont donc analyseacutees comme des constructions complexes
constitueacutees dune proposition non verbale suivie dune proposition au laquo subjonctif raquo Par contre la
- 159 -
focalisation du verbe preacutesente une structure diffeacuterente NDiaye-Correacuteard (2003 183) rapproche
cette construction de lassertif (notre laquo parfait raquo) (138a-c) Elle analyse ainsi le marqueur da(fa)
comme un type speacutecifique de verbe auxiliaire ne pouvant servir de support aux suffixes de neacutegation
et de passeacute mais pouvant entraicircner lapparition de la marque de deacutependance verbale a
138) a War =na-a =ko=a soacuteob (Diouf 2003 318)
devoir =PRF-S1SG =O3SG=DV redorer
lsquoJe dois le redorerrsquo
b Meumln-u-ma =ko=a gis (NDiaye-Correacuteard 2003 169)
pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG=DV voir
lsquoJe ne peux pas le voirrsquo
c Da-ma =ko=a jeacutellale (Diouf 2003 167)
FOCV-S1SG =O3SG=DV passer_sous_silence
lsquoJe le passe sous silencersquo
Tout comme les analyses de Diouf (1985) Kihm (1999) ou Torrence (2013b) lanalyse proposeacutee
par NDiaye-Correacuteard (1989 2003) a lavantage doffrir une preacutesentation plus simple du systegraveme
verbal De plus elle propose une explication de la similariteacute des schegravemes morphosyntaxiques de
plusieurs constructions preacutedicatives Neacuteanmoins cette analyse preacutesente plusieurs problegravemes Le
premier reacuteside dans le traitement des diffeacuterents marqueurs grammaticaux En effet NDiaye-
Correacuteard choisit des eacutetiquettes floues ou idiosyncrasiques quelle nexplique pas Ainsi les
marqueurs la a et a ngi sont analyseacutes comme des laquo preacutedicatifs non verbaux raquo dafa comme un
laquo focalisateur verbal raquo et na (OPT) et bu comme des laquo particules raquo Le traitement de la focalisation
du verbe pose eacutegalement problegraveme En effet sil sagit dune construction au parfait avec un verbe
dafa pourquoi le marqueur de parfait est-il absent Lexplication fournie par NDiaye-Correacuteard
(2003 183) ne nous semble pas convaincante Elle explique que la marque napparaicirct pas car le
verbe dafa laquo est intrinsegravequement assertif et nadmet aucune opposition modale raquo Mais le problegraveme
le plus important reacuteside dans lanalyse seacutemantique du tiroir verbal quelle nomme laquo subjonctif raquo La
valeur de ce tiroir verbal est une valeur par deacutefaut Lauteure ne fournit aucune analyse seacutemantique
preacutecise de cette construction Elle indique uniquement quil sagit toujours de propositions
deacutependantes (dougrave le choix de leacutetiquette laquo subjonctif raquo) Cependant le tiroir verbal quelle nomme
laquo indicatif raquo (notre laquo subjonctif-conseacutecutif raquo) peut eacutegalement ecirctre utiliseacute dans des propositions
- 160 -
deacutependantes Ce trait ne suffit donc pas agrave caracteacuteriser la construction
En plus des problegravemes speacutecifiques que nous avons citeacutes toutes ces analyses preacutesentent plusieurs
autres problegravemes Premiegraverement elles ne permettent pas dexpliquer la distribution compleacutementaire
des constructions preacutedicatives En effet si les constructions focalisantes sont des cliveacutees pourquoi
la proposition verbale qui suit ne peut-elle pas ecirctre au parfait ou au futur Une solution possible
serait que le choix de TAM est reacuteduit dans ce type de propositions etou que le verbe est agrave une
forme inteacutegrative Mais cette solution ne nous semble pas eacuteconomique De plus elle pose problegraveme
avec le subjonctif-conseacutecutif qui est eacutegalement une construction deacutependante mais qui ne preacutesente
pas les mecircmes caracteacuteristiques que les constructions focalisantes Deuxiegravemement ces analyses ne
permettent pas dexpliquer les paradigmes personnels des diffeacuterentes constructions preacutedicatives En
effet si les constructions focalisantes sont des cliveacutees la forme du pronom sujet devrait ecirctre
identique agrave celle de la relative ou au moins ecirctre preacutedictible en connaissant les processus
phonologiques de la langue Or les paradigmes personnels sont idiosyncratiques la forme des
pronoms sujets ainsi que les trous dans le paradigme ne sont pas preacutedictibles Par ailleurs ces
analyses ne permettent pas dexpliquer lidentiteacute formelle des paradigmes personnels du parfait et de
la focalisation du compleacutement (sect 254 et sect 211)
Nous avons donc deacutecideacute dadopter lanalyse laquo classique raquo Ainsi suivant Robert (2000 230)
nous consideacuterons que la focalisation est inteacutegreacutee agrave la conjugaison en wolof contemporain Notons
que cette situation nest pas propre au wolof En effet la focalisation est exprimeacutee de faccedilon
analogue dans dautres langues africaines (Hyman amp Watters 1984 Bearth 1999) notamment dans
la famille atlantique (Robert 2010a) Neacuteanmoins nous ne rejetons pas lensemble des analyses
proposeacutees par Diouf (1985) Kihm (1999) Torrence (2013b) et NDiaye-Correacuteard (1989 2003) En
effet nous consideacuterons que ces travaux permettent de mettre en eacutevidence des chemins de
grammaticalisation possibles pouvant expliquer linteacutegration de la focalisation dans le systegraveme
verbal en wolof contemporain
257 Synthegravese
Le wolof dispose de quatre constructions speacutecifiques pour exprimer le focus focalisation du
sujet (FOCS) preacutesentatif (PRST) focalisation du compleacutement (FOCC) et focalisation du verbe (FOCV)
Ces constructions se distinguent essentiellement par la porteacutee la reacutealisation et le controcircle du focus
Ces constructions se distinguent par la porteacutee du focus Dans la construction FOCV le focus porte
- 161 -
sur le preacutedicat de la phrase Dans la construction FOCC le focus porte sur un argument objet ou un
satellite du verbe de la phrase Dans la construction PRST le focus porte sur la phrase entiegravere Dans la
construction FOCS le focus porte soit sur largument sujet du verbe soit sur la phrase entiegravere
Concernant la reacutealisation du focus il convient de noter une singulariteacute typologique du wolof
labsence de marquage prosodique de la focalisation En effet lintonation utiliseacutee comme marque
de la focalisation dans la plupart des langues ne joue pas ce rocircle en wolof (Rialland amp Robert 2001
2003) Lintonation peut neacuteanmoins permettre de distinguer les deux porteacutees possibles de FOCS On
observe une intonation assertive normale (courbe plate ou descendante et intonegraveme final bas)
lorsque le focus porte sur le sujet et une intonation intensive caracteacuteriseacutee par un point haut
demphase portant sur le verbe dans le cas de lexclamative avec emphase sur le preacutedicat (Rialland
amp Robert 2003 182) En revanche dans les quatre constructions focalisantes le focus est reacutealiseacute
morphologiquement par la preacutesence dun marqueur speacutecifique a a ng- la da(fa) Il est eacutegalement
reacutealiseacute syntaxiquement dans FOCC FOCS et PRST Dans ces constructions on peut identifier une
position syntaxique focus situeacutee en tecircte de phrase immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif
Cette position est occupeacutee par lobjet ou le satellite focaliseacute dans FOCC ou par le sujet dans FOCS et
PRST Par contre un tel marquage syntaxique de la focalisation est absent de FOCV
Ainsi FOCV se distingue des autres constructions par une absence de reacutealisation syntaxique du
focus De plus lexpression du focus sur largument sujet et lexpression du focus sur la phrase
semblent lieacutees En effet le focus portant sur la phrase est soit reacutealiseacute par une construction dont la
principale valeur est de focaliser le sujet agrave savoir FOCS soit par une construction preacutesentant une
structure formellement similaire agrave FOCS agrave savoir PRST Cette situation nest pas propre au wolof
Selon Lambrecht (1994 235) la reacutealisation du focus sur le preacutedicat se distingue geacuteneacuteralement des
autres structures focales alors que la reacutealisation du focus sur un argument ne se distingue pas
neacutecessairement de la reacutealisation du focus sur la phrase En fait la similariteacute ou lidentiteacute formelle
entre ces deux derniegraveres structures focales est un pheacutenomegravene courant dans les langues (Lambrecht
1994 321) Par exemple en somali le focus sur la phrase (139a) est geacuteneacuteralement reacutealiseacute de la
mecircme maniegravere que le focus sur le sujet (139b) alors que le focus sur le preacutedicat est reacutealiseacute
autrement (Tosco 2002)
139) Somali (Tosco 2002)
a Maxaa dhacay Cali baa Maryam dilay
quoi avoir_lieuPAS3M Ali FOC Marie frapperPAS3M
lsquoQuest-ce qui sest passeacute Cest Ali qui a frappeacute Mariersquo
- 162 -
b Yaa Maryam dilay Cali baa Maryam dilay
qui Marie frapperPAS3M Ali FOC Marie frapperPAS3M
lsquoQui a frappeacute Marie Cest Ali qui a frappeacute Mariersquo
Le controcircle du focus diffegravere dune construction agrave lautre Dans chacune des quatre constructions
focalisantes le controcircle peut ecirctre pragmatique (le locuteur deacutetermine leacuteleacutement qui doit ecirctre focaliseacute
en fonction du contexte discursif) En revanche seules les constructions focalisant un argument
preacutesentent un controcircle grammatical (des contraintes grammaticales imposent la focalisation dun
eacuteleacutement) Comme nous lavons vu FOCS est obligatoire avec les verbes comparatifs et dans les
interrogatives partielles si le sujet est un pronom interrogatif ou contient un deacuteterminant
interrogatif et FOCC est obligatoire dans les interrogatives partielles si leacuteleacutement focaliseacute (objet ou
satellite) est un pronom interrogatif ou contient un deacuteterminant interrogatif et dans les interrogatives
partielles agrave preacutedicat non verbal Les deux autres constructions focalisantes preacutesentent eacutegalement des
contraintes demploi lieacutees agrave la grammaire de la langue mais aucune ne semble imposer lutilisation
de la construction en question Ainsi comme nous lavons vu PRST est geacuteneacuteralement utiliseacute dans les
reacuteponses aux questions comprenant la copule locative interrogative et FOCV avec les verbes
daction ne permet pas de constituer un eacutenonceacute complet (ce type de proposition doit ecirctre lieacute soit agrave
une autre proposition soit au contexte discursif)
Le type de focus ne permet pas de distinguer les constructions focalisantes du wolof En effet
comme nous lavons vu les constructions FOCV FOCC FOCS et PRST peuvent toutes les quatre ecirctre
utiliseacutees pour exprimer un focus assertif ou contrastif
Tableau 219 - Paramegravetres des constructions focalisantes
Reacutealisation Type Porteacutee Controcircle
FOCSmorphologiqueet syntaxique
assertifou contrastif
argument (sujet)ou phrase
pragmatiqueou grammatical
PRSTmorphologiqueet syntaxique
assertifou contrastif
phrasepragmatique
(ou grammatical)
FOCCmorphologiqueet syntaxique
assertifou contrastif
argument(objet ou satellite)
pragmatiqueou grammatical
FOCV morphologiqueassertif
ou contrastifpreacutedicat
pragmatique(ou grammatical)
- 163 -
- 164 -
CCHAPITREHAPITRE 3 - 3 - LLEXPRESSIONEXPRESSION
DESDES AUTRESAUTRES CATEacuteGORIESCATEacuteGORIES VERBALESVERBALES
31 La neacutegation
La neacutegation est marqueacutee de faccedilon relativement diffeacuterente selon les constructions preacutedicatives On
deacutenombre cinq faccedilons distinctes dexprimer ce trait Ces cinq constructions neacutegatives peuvent ecirctre
classeacutees en trois types les constructions neacutegatives syntheacutetiques les constructions neacutegatives agrave
marqueur preacutedicatif et la construction neacutegative agrave verbe auxiliaire Les deux derniers types peuvent
ecirctre analyseacutes comme des constructions peacuteriphrastiques On note eacutegalement lexistence de
constructions neacutegatives agrave copule servant notamment deacutequivalents neacutegatifs des preacutedicats non
verbaux
311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques
La majoriteacute des constructions preacutedicatives ont une reacutealisation syntheacutetique de la neacutegation Ces
constructions neacutegatives sont caracteacuteriseacutees par la preacutesence dun suffixe verbal encodant la neacutegation
Dans le cas du parfait neacutegatif il sagit dun suffixe suppleacutetif qui remplace le marqueur preacutedicatif
alors que dans toutes les autres constructions il sagit dun suffixe qui sajoute au verbe sans
modifier le reste de la construction
3111 Le parfait neacutegatif
Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetails en (sect 212) Cette construction est leacutequivalent
neacutegatif du parfait Elle se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe verbal -u(l) amalgameacute agrave lindice
sujet qui remplace le marqueur preacutedicatif na (140a-b) Le -l final du suffixe tombe devant les
indices pronominaux (140c) et les pronoms clitiques (140d) (Diouf 2009 165) Un w- eacutepentheacutetique
est inseacutereacute si le verbe finit par une voyelle (140e) (Diouf 2009 144)
- 165 -
140) a Lekk =na meeb =bi (Diouf 2003 223)
manger =PRFS3SG appacirct =CLbDFPX
lsquoIl a mangeacute lappacirctrsquo
b Lekk-ul yax =yi (Diouf 2003 442)
manger-PRFNEGS3SG brin =CLyDFPX
lsquoIl na pas mangeacute les brins de paillersquo
c Lekk-u-ma (Diouf 2003 20)
manger-PRFNEG-S1SG
lsquoJe nai pas mangeacutersquo
d Lekk-u =ko (Diouf 2003 204)
manger-PRFNEGS3SG =O3SG
lsquoIl ne la pas mangeacutersquo
e Fagravette-wu-ma =ko benn yoon (Diouf 2003 532)
oublier-PRFNEG-S1SG =O3SG CLbSING chemin
lsquoJe ne lai nullement oublieacutersquo
3112 La neacutegation affixale
Cette construction neacutegative se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe -ul80 sur le premier verbe de
la proposition Ce proceacutedeacute permet de construire leacutequivalent neacutegatif de trois constructions
preacutedicatives focalisation du compleacutement (141a) focalisation du sujet (141b) et focalisation du
verbe (141c)
141) a Yow =la Omar gis-ul (Diouf 2009 93)
PRO2SG =FOCC Omar voir-NEG
lsquoCest toi quOmar na pas vursquo
80 Fal (1999 85) et Diouf (2009 104) notent eacutegalement lexistence dune variante dialectale -ut
- 166 -
b Omar =a gis-ul Faatu (Diouf 2009 86)
Omar =FOCS voir-NEG Fatou
lsquoCest Omar qui na pas vu Fatoursquo
c Dama gis-ul Omar (Diouf 2009 70)
FOCVS1SG voir-NEG Omar
lsquoJe nai pas vu Omarrsquo
Ce proceacutedeacute est eacutegalement utiliseacute pour exprimer la neacutegation dans les subordonneacutees relatives
(142a) et dans les subordonneacutees temporelles (142b) et hypotheacutetiques (142c)
142) a Am =na ntildeaari yeumlf (Diouf 2003 403)
avoir =PRFS3SG deuxGENPL choses
yu =ma sopp-ul ci moom
CLyREL =S1SG aimer-NEG PREPPX PRO3SG
lsquoIl y a deux choses que je naime pas en luirsquo
b Ceacutey sama njagraveqare =ja (Diouf 2003 483)
EMPH POSS1SG embarras =CLjDFDT
ba ma =la gis-ul-ee
TEMP S1SG =O2SG voir-NEG-ANT
lsquoQuel ne fut mon embarras quand je ne tai pas vursquo
c Su =ma =ko ping-ul dafa=y ubbiku (Diouf 2003 355)
HYP =S1SG =O3SG eacutepingler-NEG FOCVS3SG=IPF fermerINVMOY
lsquoSi je ne le fixe pas avec une eacutepingle ccedila va souvrirrsquo
Comme au parfait neacutegatif un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute si le verbe finit par une voyelle (143a)
(Diouf 2009 144) Neacuteanmoins si la proposition est agrave limperfectif -ul se suffixe au verbe auxiliaire
di provoquant la chute de la voyelle finale du verbe au lieu de linsertion de la consonne
eacutepentheacutetique (143b)
143) a Danga woacuteolu-wul sa bopp rekk (Diouf 2003 166)
FOCVS2SG avoir_confiance-NEG POSS2SG tecircte seulement
lsquoSimplement tu nas pas confiance en toirsquo
- 167 -
b Fenn =laa d-ul dem (Diouf 2003 125)
CLLOCSING =FOCCS1SG IPF-NEG partir
lsquoJe nirai nulle partrsquo
Contrairement au parfait neacutegatif la neacutegation affixale nest pas suppleacutetive Ainsi le morphegraveme
encodant la neacutegation ne remplace pas le marqueur preacutedicatif etou les affixes de flexion verbale
Comme le note Church (1981 145) cette construction neacutegative est beaucoup plus rare que le
parfait neacutegatif La consultation de notre corpus a confirmeacute cette remarque Nous navons releveacute que
une ou deux occurrences pour certaines constructions preacutedicatives
312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif
Ces constructions sont caracteacuteriseacutees par la preacutesence dun marqueur preacutedicatif suppleacutetif
Autrement dit il sagit de constructions preacutedicatives dans lesquelles la neacutegation est encodeacutee par un
marqueur preacutedicatif qui remplace le marqueur preacutedicatif de la construction preacutedicative non neacutegative
eacutequivalente
3121 Le futur neacutegatif
Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetail en (sect 222) Cette construction est leacutequivalent
neacutegatif du futur Elle se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif du qui remplace le
marqueur preacutedicatif dina (144a-b) La proximiteacute de cette forme avec celle du parfait neacutegatif est due
au fait que le futur neacutegatif est issu de la grammaticalisation du verbe auxiliaire di au parfait neacutegatif
144) a Dina-a gis Omar (Diouf 2009 75)
FUT-S1SG voir Omar
lsquoJe verrai Omarrsquo
b Du-ma gis Omar (Diouf 2009 75)
FUTNEG-S1SG voir Omar
lsquoJe ne verrai pas Omarrsquo
- 168 -
3122 Le prohibitif
Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetails en (sect 233) Cette construction est leacutequivalent
neacutegatif de loptatif et de limpeacuteratif Elle se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif bu
(1SG 3SG 1PL 3PL) ou bul (2SG 2PL) qui remplace le marqueur preacutedicatif de loptatif na (145a-c)
Similairement au suffixe de limpeacuteratif le -l final du marqueur preacutedicatif bul agrave la deuxiegraveme
personne du singulier tombe devant un objet pronominal (145d)
145) a Na-ntildeu dem ca keumlr =ba (Diouf 2009 76)
OPT-S3PL partir PREPDT maison =CLbDFDT
lsquoQuils aillent agrave la maison rsquo
b Bu-ntildeu dem ca keumlr =ba (Diouf 2009 77)
PROH-S3PL partir PREPDT maison =CLbDFDT
lsquoQuils naillent pas agrave la maison rsquo
c Bul dem leacuteegi (Diouf 2003 76)
PROHS2SG partir maintenant
lsquoNe ten va pas maintenant rsquo
d Bu =ko jentilde (Diouf 2003 168)
PROHS2SG =O3SG pousser
lsquoNe le pousse pas rsquo
313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire
Le preacutesentatif (146a) et le subjonctif-conseacutecutif (147a) semblent incompatibles avec le suffixe de
neacutegation (Robert 1990 171-172 Torrence 2013a 34-35) Neacuteanmoins selon Robert (1990 171)
certains locuteurs acceptent la forme agrave condition quelle soit suivie dune proposition coordonneacutee
(146b) Pour nier une proposition au preacutesentatif (146c) ou au subjonctif-conseacutecutif (147b-c) on
utilise le verbe bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (Robert 1990 171-172 Torrence 2013a 34-35)
146) a Mi ngi lekk-ul (Robert 1990 171)
PRO3SGPRSTPX manger-NEG
- 169 -
b Mi ngi lekk-ul te beumlgg dem (Robert 1990 171)
PRO3SGPRSTPX manger-NEG et vouloir partir
lsquoIl na pas mangeacute et il veut partir rsquo
c Mu ngi di bantildentildeakk=a nelaw (Torrence 2013a 34)
PRO3SGPRSTPX IPF refusermanquer=DV dormir
lsquoIl na pas mangeacute et il veut partir rsquo
147) a Mu lekk-ul (Robert 1990 172)
S3SG manger-NEG
b Mu bantilde=a lekk (Robert 1990 172)
S3SG refuser=DV manger
lsquoIl na quagrave arrecircter de manger rsquo
c Beumlgg =naa mu bantildentildeakk=a lekk ceeb (Torrence 2013a 34)
vouloir =PRFS1SG S3SG refusermanquer=DV manger riz
lsquoJe ne veux pas quil mange du rizrsquo
Ce proceacutedeacute est eacutegalement utiliseacute pour exprimer la neacutegation dans les propositions infinitives
(148a) Neacuteanmoins dans certains eacutenonceacutes le suffixe de neacutegation -ul semble se suffixer agrave un verbe agrave
linfinitif (148b) Cependant dans ce type de proposition la traduction franccedilaise induit en erreur En
effet le verbe portant ce suffixe nest pas agrave linfinitif mais au parfait neacutegatif (sect 3111) comme le
montre la traduction litteacuterale proposeacutee notamment par Diouf (2003 192)
148) a Bantilde=a fonk sa lagravekk ngecceel =la (Diouf 2003 251)
refuser=DV estimer POSS2SG langue complexe =FOCC
lsquoNe pas estimer sa langue est un complexe dinfeacuterioriteacutersquo
b Xam-ul aay =na (Diouf 2003 192)
savoir-PRFNEGS3SG ecirctre_mal =PRFS3SG
wagravente laajte-wul =a =ko yeacutees
mais demander-PRFNEGS3SG =FOCS =O3SG ecirctre_pire
lsquoNe pas savoir est mal mais ne pas demander est pirersquo
(litt lsquoIl ne sait pas est mal mais il na pas demandeacute est pirersquo)
- 170 -
314 Les constructions neacutegatives agrave copule
Les constructions neacutegatives agrave copules sont utiliseacutees comme des eacutequivalents neacutegatifs des preacutedicats
non verbaux ou lorsque la porteacutee de la neacutegation se limite agrave un argument ou satellite du verbe
3141 La copule neacutegative
Comme nous lavons vu en (sect 222) la copule verbale di au parfait neacutegatif (du) est utiliseacutee pour
former des preacutedicats non verbaux Elle permet notamment dexprimer la neacutegation dans un preacutedicat
nominal non reacutefeacuterentiel (149a) ou un preacutedicat eacutequatif (150a) Cette construction est donc
leacutequivalent neacutegatif des preacutedicats non verbaux exprimeacutes par la focalisation du compleacutement (149b-
150b)
149) a Man du-ma como (Diouf 2003 84)
PRO1SG COPPRFNEG-S1SG individu_sans_importance
lsquoMoi je ne suis pas nimporte quirsquo
b Seacuteereacuteer piir =la-a (Diouf 2003 280)
seacuteregravere ecirctrepur =FOCC-S1SG
lsquoJe suis un seacuteregravere bon teintrsquo
150) a Buur du mbokk (Diouf 2003 220)
roi COPPRFNEGS3SG parent
lsquoLe roi nrsquoest pas un parent (la peacuterenniteacute de son regravegne passe avant la parenteacute)rsquo
b Leacuteebeacuteer rab wu am doole =la (Diouf 2003 199)
hippopotame animal CLwREL avoir force =FOCC
lsquoLhippopotame est un animal fortrsquo
Par ailleurs dans les constructions focalisantes la copule neacutegative du permet dexprimer une
neacutegation dont la porteacutee se limite agrave un argument ou satellite du verbe En effet la focalisation du
sujet (151a) et la focalisation du compleacutement (152a) sont compatibles avec le suffixe verbal -ul
mais la neacutegation porte alors sur le preacutedicat (Robert 2000 258) Pour exprimer une neacutegation dont la
porteacutee se limite agrave leacuteleacutement focaliseacute il faut ajouter la copule neacutegative du immeacutediatement avant
leacuteleacutement mis en focus (151b-152b)
- 171 -
151) a Ma=a teumlj-ul palanter =bi (Robert 1990 171)
PRO1SG=FOCS fermer-NEG fenecirctre =CLbDFPX
lsquoCest moi qui nest pas fermeacute la fenecirctrersquo
b Du man ma=a =ko wax de (Cisseacute Ma 1994 48)
COPPRFNEGS3SG PRO1SG PRO1SG-FOCS =O3SG dire EMPH
lsquoCe nest pas moi qui vous le disrsquo (litt lsquoCe nest pas moi cest moi qui vous le disrsquo)
152) a Astu =la-a gis-ul (Diouf 2009 104)
Astou =FOCC-S1SG voir-NEG
lsquoCest Astou que je nai pas vursquo
b Du Ndar =la-a dem (Diouf amp Yaguello 1991 214)
COPPRFNEGS3SG Saint-Louis =FOCC-S1SG partir
lsquoCe nest pas agrave Saint-Louis que je suis alleacutersquo
3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs
Comme nous lavons vu en (sect 253) le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats non
verbaux locatifs (153a) Leacutequivalent neacutegatif de ce type de preacutedicat se construit avec le verbe nekk
(ecirctre se trouver) au parfait neacutegatif (153b-c) (Diouf amp Yaguello 1991 216)
153) a Feek ya=a ngi =fi du wonewu (Diouf 2009 371)
tantque PRO2SG=PRSTPX =CLLOCDFPX FUTNEGS3SG montrerMOY
lsquoTant que tu seras lagrave il ne se montrera pasrsquo
b Yoacutennee =naa =la ndaw (Diouf 2009 240)
envoyer =PRFS1SG =O2SG messager
nekk-uloo =fa =woon
ecirctre-PRFNEGS2SG =CLLOCDFDT =PAS
lsquoJe tai envoyeacute un messager tu ny eacutetais pasrsquo
- 172 -
c Borom tool =bi nekk-u =fi (Diouf 2009 162)
proprieacutetaire champs =CLbDFPX ecirctre-PRFNEGS3SG =CLLOCDFPX
waaye jawrintilde =ba=a ngi =fi
mais intendant =CLbDF=PRSTPX =CLLOCDFPX
lsquoLe proprieacutetaire du champ nest pas lagrave mais le surveillant est lagraversquo
315 Synthegravese
Pour reacutesumer lexpression de la neacutegation diffegravere selon la construction consideacutereacutee Dans le cas du
parfait du futur de loptatif et de limpeacuteratif la neacutegation est exprimeacutee par une construction
suppleacutetive cest-agrave-dire que le marqueur encodant la neacutegation remplace le marqueur encodant le
tiroir verbal de ces constructions En revanche dans les autres constructions preacutedicatives le
morphegraveme encodant la neacutegation sajoute sans modifier la structure de la construction
Tableau 31 - Expression de la neacutegation en wolof
Construction Expression de la neacutegation Type
ParfaitSuffixe verbal -u(l)agrave la place du marqueur na
Construction neacutegativesyntheacutetique
Focalisation du sujet
Suffixe verbal -ulFocalisation du compleacutement
Focalisation du verbe
Relatif
FuturMarqueur duagrave la place du marqueur dina
Construction neacutegativeagrave marqueur preacutedicatif
OptatifMarqueur buagrave la place du marqueur na
ImpeacuteratifMarqueur bul anteacuteposeacute au verbeagrave la place du suffixe -al
PreacutesentatifVerbe auxiliairebantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer)
Construction neacutegativeagrave verbe auxiliaire
Subjonctif-Conseacutecutif
Infinitif
Preacutedicat non verbalnon locatif
Copule verbale neacutegative duConstruction neacutegative
agrave copulePreacutedicat non verballocatif
Copule verbale neacutegative nekk-ul
- 173 -
Par ailleurs la nature du marqueur de la neacutegation diffegravere selon la construction consideacutereacutee En
effet il peut sagir dun affixe verbal (parfait focalisation du sujet focalisation du compleacutement
focalisation du verbe relatif) dun marqueur preacutedicatif speacutecifique (futur prohibitif) dun verbe
auxiliaire (subjonctif-conseacutecutif infinitif preacutesentatif) ou dune copule verbale (preacutedicat non
verbal)
Enfin agrave lexception de la construction neacutegative agrave verbe auxiliaire on remarque que toutes les
formes de neacutegation ont en commun un eacuteleacutement -u-81 dans leur marque de flexion agrave toutes les
personnes (Robert 1990 168)
32 Limperfectif
Le wolof connaicirct une opposition aspectuelle entre perfectif (ou accompli) et imperfectif (ou
inaccompli)82 Le perfectif constitue la forme non marqueacutee (154a) alors que limperfectif est
marqueacute par le verbe auxiliaire di (154b)
154) a Omar =a =leen boole (Diouf 2003 73)
Omar =FOCS =O3PL semer_la_zizanie
lsquoCest Omar qui a semeacute la discorde entre euxrsquo
b Yagravella rekk =a =leen di musal (Diouf 2003 550)
Dieu seulement =FOCS =O3PL IPF proteacuteger
lsquoSeul Dieu les protegravegersquo
321 Le statut du marqueur dimperfectif
Il nexiste pas de consensus dans la litteacuterature concernant la nature de di Suivant entre autres
Diagne (1971 112-118) et Voisin (2010 153-158) nous lanalysons comme un verbe auxiliaire
En effet di preacutesente une grande partie des proprieacuteteacutes propres aux verbes Il peut servir de support au
suffixe de passeacute (155a) au suffixe de neacutegation (156a) et au suffixe dimpeacuteratif (157a)
81 Selon Robert (1990 168) la marque -u- pourrait peut-ecirctre ecirctre rapprocheacutee de la marque dindeacutetermination spatiale-u (sect 41) Cette hypothegravese est inteacuteressante mais leacutetat actuel des connaissances diachroniques ne nous permet pasde linfirmer ou de la confirmer
82 Nous utilisons les termes laquo perfectif raquo et laquo imperfectif raquo dans le sens que leur donne Comrie (1976)
- 174 -
155) a Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)
FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX
lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo
b Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)
FOCVS1SG partir-PAS Fegraves
lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo
156) a Am =na ay beumlreumlb yu =ma d-ul dem (Diouf 2003 48)
avoir =PRFS3SG IDFCLy endroit CLyREL =S1SG IPF-NEG partir
lsquoIl y a des endroits ougrave je ne pars pasrsquo
b Am =na rab yu beumlgg-ul leer (Diouf 2003 199)
avoir =PRFS3SG animal CLyREL aimer-NEG lumiegravere
lsquoIl y a des animaux qui naiment pas la lumiegraverersquo
157) a Di-l deacuteglu xabaar =yi ci wolof (Diouf 2003 376)
IPF-IMPS2SG eacutecouter information =CLyDFPX PREPPX wolof
lsquoIl faut eacutecouter les nouvelles en wolof rsquo
b Indi-l antilde =bi (Diouf 2003 52)
apporter-IMPS2SG deacutejeuner =CLbDFPX
lsquoApporte le deacutejeuner rsquo
Par ailleurs il occupe la mecircme position que le verbe au parfait (158a-b) et au parfait neacutegatif
(159a-b) (Torrence 2003) Comme nous lavons vu en (sect 22) ces formes sont aujourdhui figeacutees et
correspondent respectivement au futur et au futur neacutegatif
158) a Di -na-a sarale ntildeaari nopp =yi (Diouf 2003 304)
IPF -PRF-S1SG transpercer deuxGENPL oreille =CLyDFPX
lsquoJe transpercerai de bout en bout les deux oreillesrsquo
b War =na-a soacuteoblu sama lam =bi (Diouf 2003 318)
devoir =PRF-S1SG dorerCAUS POSS1SG bracelet =CLbDFPX
lsquoJe dois faire redorer mon braceletrsquo
- 175 -
159) a D-u-ma naan sa keumlsit (Diouf 2003 186)
IPF-PRFNEG-S1SG boire POSS2SG reste
lsquoJe ne boirai pas ce que tu as laisseacutersquo
b Meumln-u-ma deacutekku mettit =woowu (Diouf 2003 225)
pouvoir-PRFNEG-S1SG supporter douleur =CLwDEMPX
lsquoJe ne peux pas supporter cette douleurrsquo
De fait cette observation ne se limite pas au parfait En effet comme nous lavons vu en
(sect 243) la position du pronom objet tend agrave prouver que di occupe la mecircme position quun verbe
prenant un compleacutement infinitival quelque soit la construction (Voisin 2010 153-154) Ainsi la
position de lobjet pronominal par rapport agrave di est identique agrave celle de ce pronom par rapport agrave un
verbe prenant un compleacutement infinitival (160a-b) La seule diffeacuterence reacuteside dans labsence de
marque de deacutependance verbale avec di
160) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)
FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer
lsquoIl les bluffersquo
b Dafa =leen beumlgg=a tuur leumlndeumlm (Diouf 2003 202)
FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute
lsquoIl veut vous duperrsquo
Un dernier argument en faveur dune analyse de di comme un verbe est son utilisation comme
copule (161a) (Voisin 2010 156-158) Dans cet emploi di est clairement une copule verbale
puisquil est compatible avec le suffixe de passeacute (161b) le suffixe de neacutegation (161c) et le suffixe
danteacuterioriteacute (161d)
161) a Ku di sa xarit leacuteegi (Diouf 2003 104)
CLHUMSGREL COP POSS2SG ami maintenant
lsquoQui est ton ami maintenant rsquo
b Moo d-oon farba (Diouf 2003 119)
PRO3SGFOCS COP-PAS premier_ministre
lsquoCest lui qui eacutetait premier ministrersquo
- 176 -
c Lu d-ul Yagravella neen =la (Diouf 2003 246)
CLCHSGREL COP-NEG Dieu neacuteant =FOCCS3SG
lsquoTout ce qui nest pas Dieu est du neacuteantrsquo
d Su d-ee sa weumlrseumlg dinga =ci jot (Diouf 2003 368)
HYPS3SG COP-ANT POSS2SG chance FUTS2SG =PRTFPX atteindre
lsquoSi cest ta chance tu laurasrsquo
322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif
Le verbe auxiliaire dimperfectif connaicirct quatre reacutealisations allomorphiques di d- =y et =a La
variante di correspond agrave la forme pleine du verbe La variante d- est la forme obligatoire lorsque le
verbe prend un suffixe flexionnel (155a 156a 159a 161b-d) agrave lexception du suffixe dimpeacuteratif
(157a) La variante =y constitue la forme normale du verbe si le mot qui le preacutecegravede est agrave finale
vocalique Ce dernier pouvant ecirctre un indice sujet (162a) un pronom clitique (162b) un marqueur
preacutedicatif (162c) un deacuteterminant (162d-e) ou un relativiseur (162f) Neacuteanmoins cette variante est
facultative apregraves un deacuteterminant (163a) dans une proposition au subjonctif-conseacutecutif (163b) et
elle est rare lorsque le verbe est utiliseacute comme copule (163c)
162) a Da-ma=y defar sama dagravell (Diouf 2003 96)
FOCV-S1SG=IPF reacuteparer POSS1SG chaussure
lsquoJe reacutepare ma chaussurersquo
b Da-ngeen =ko=y suufu (hellip) (Diouf 2003 324)
FOCV-S2PL =O3SG=IPF se_placer_sous
lsquoIl faut vous placer dessous (hellip)rsquo
c Omar =a=y saytu keumlr =gi (Diouf 2003 306)
Omar =FOCS=IPF veiller_sur maison =CLgDFPX
lsquoCest Omar qui veille sur la maisonrsquo
d Solom =bi =la saasfaam =bi=y seet (Diouf 2003 317)
uregravetre =CLbDFPX =FOCC sage-femme =CLbDFPX=IPF regarder
lsquoLa sage-femme examine luregravetrersquo
- 177 -
e Picc =moomu=y sab de coy =la (Diouf 2003 297)
oiseau =CLmDEMPX=IPF chanter EMPH perroquet =FOCCS3SG
lsquoCet oiseau qui chante est un perroquetrsquo
f Am =na fas wu=y dikk (Diouf 2003 374)
avoir =PRFS3SG cheval CLwREL=IPF arriver
lsquoIl y a un cheval qui arriversquo
163) a Ci portaat =mi =la (Diouf 2003 281)
PREPPX glanage =CLmDFPX =FOCC
xaram =yi di dunde
moutonPOSS3SG =CLyDFPX IPF vivreAPPL
lsquoCest du glanage que vivent ses moutonsrsquo
b Lu =mu =la def (Diouf 2003 289)
CLCHSGREL =S3SG =O2SG faire
ba nga di =ko reumlkk
jusque S2SG IPF =O3SG frapper_dans_le_dos
lsquoQuest-ce quil ta fait pour que tu le frappes dans le dos rsquo
c Sama jabar =a di sama deacuteeyandoo (Diouf 2003 96)
POSS1SG eacutepouse =FOCS COP POSS1SG confident
lsquoMon eacutepouse est ma confidentersquo
La variante =y peut ecirctre analyseacutee comme un clitique speacutecial (Voisin 2010 146-147) En effet
elle correspond parfaitement agrave la deacutefinition proposeacutee par Zwicky (1977) Il sagit dune forme lieacutee
utiliseacutee comme variante dune forme libre ayant le mecircme sens et une structure phonologique
similaire mais preacutesentant une distribution syntaxique diffeacuterente Ainsi di et =y ont bien le mecircme
sens puisquils sont tous deux utiliseacutes comme marqueur dimperfectif ou comme copule La
structure phonologique de =y peut aiseacutement ecirctre rapprocheacutee de celle de la forme libre di [di] gt i [i]
gt =y [j] Enfin comme le note Voisin (2010 146) au subjonctif-conseacutecutif la position des deux
variantes diffegraverent La forme di se place normalement83 entre le pronom sujet et les autres pronoms
83 Diouf (2009 103) mentionne eacutegalement la possibiliteacute de placer di apregraves tous les pronoms Neacuteanmoins nousnavons retrouveacute que peu doccurrences de ce type de structure dans les propositions au subjonctif-conseacutecutif
- 178 -
(164a) alors que la forme =y se place exclusivement apregraves tous les pronoms cest-agrave-dire
immeacutediatement avant le verbe lexical (164b)
164) a Dantildeu beumlgg ngeen di =leen=ko =fa yoacutebbul (Diouf 2009 103)
FOCVS3PL vouloir S2PL IPF =O3PL=O3SG=CLLOCDFDT apporterBEN
lsquoIls veulent que vous le leur apportiez lagrave-basrsquo
b Dantildeu beumlgg ngeen=leen=ko =fa=y yoacutebbul (Diouf 2009 103)
FOCVS3PL vouloir S2PL =O3PL=O3SG=CLLOCDFDT=IPF apporterBEN
lsquoIls veulent que vous le leur apportiez lagrave-basrsquo
La variante =a est beaucoup plus rare sauf dans le wolof de Mauritanie ougrave elle est assez
freacutequente (Dialo et al 1984 8 28) Elle semble ecirctre une variante libre de =y (165-166)
165) a Nantildeu=y ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)
OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX
lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo
b Nantildeu=a ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)
OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX
lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo
166) a Mu =ngi=y nelaw (Diouf 2003 478)
PRO3SG=PRSTPX=IPF dormir
lsquoIl est en train de dormirrsquo
b Mu =ngi=a nelaw (Diouf 2003 251)
PRO3SG=PRSTPX=IPF dormir
lsquoIl est en train de dormirrsquo
323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif
Le perfectif indique que la situation est vue comme un tout deacutelimiteacute dans le temps alors que
limperfectif indique que la situation nest pas deacutelimiteacutee dans le temps mais explicite la structure
- 179 -
interne de la situation (Bybee et al 1994) Ainsi limperfectif regroupe plusieurs cateacutegories
aspectuelles (Comrie 1976 25)
Aspect
Perfectif Imperfectif
Habituel Continu
Non-progressif Progressif
Figure 31 - Classification des oppositions aspectuelles
Le verbe auxiliaire dimperfectif di (et ses allomorphes d- =y et =a) a une valeur geacuteneacuterale
dimperfectif Comme le note Voisin (2010 144) laquo il preacutesente le procegraves comme non acheveacute au
point de reacutefeacuterence temporelle raquo Ainsi en fonction du contexte etou de son interaction avec les
diffeacuterents marqueurs preacutedicatifs il pourra renvoyer agrave une valeur de progressif (167a) dhabituel
(167b) ou de futur (167c) Ainsi ce verbe laquo recouvre les diffeacuterents champs que donne Comrie
(1976) agrave laspect imperfective raquo (Voisin 2010 144)
167) a Sama jaaro =laa=y jeacuteex (Diouf 2003 281)
POSS1SG bague =FOCCS1SG=IPF chercher_en_fouillant
lsquoJe fouille pour trouver ma baguersquo
b Bu =ma=y dem tefes (Diouf 2003 395)
TEMP =S1SG=IPF partir plage
carax =yii =laa=y sol
sandale =CLyDEMPX =FOCCS1SG=IPF porter
lsquoQuand il marrive daller agrave la plage je porte ces sandalesrsquo
- 180 -
c Deacuteweacuten laa=y dem Sapoŋ (Diouf 2003 103)
an_prochain FOCCS1SG=IPF partir Japon
lsquoCest lan prochain que je vais aller au Japonrsquo
33 Le passeacute
Comme un grand nombre de langues (Timberlake 2007 305 Dixon 2010 154) le wolof
connaicirct une opposition temporelle entre non-passeacute et passeacute Le non-passeacute constitue la forme non
marqueacutee Selon le contexte la construction preacutedicative etou la preacutesence du verbe auxiliaire
dimperfectif il peut avoir une valeur de preacutesent (168a-b) ou de futur (169a-b)
168) a Dama =la nob (Diouf 2003 260)
FOCVS1SG =O2SG aimer
lsquoJe taimersquo
b Dama =ko=y nettali sama geacutent =gi (Diouf 2003 144)
FOCVS1SG =O3SG=IPF raconter POSS1SG recircve =CLgDFPX
lsquoJe lui raconte mon recircversquo
169) a Dama=y dem Gore eumllleumlg (Diouf 2003 395)
FOCVS1SG=IPF partir Goreacutee demain
lsquoJe vais agrave Goreacutee demainrsquo
b Eumllleumlg nga wat =leen (Diouf 2003 362)
demain S2SG couper_les_cheveux =O3PL
lsquoDemain tu leur couperas les cheveuxrsquo
Certaines propositions non marqueacutees semblent avoir une valeur de passeacute Ainsi dans les
exemples (170a-b) la situation a clairement eu lieu avant le moment deacutenonciation Ce fait est
mecircme explicitement affirmeacute en (170b) via le nom biig (nuit derniegravere) Neacuteanmoins si ces
propositions renvoient agrave une situation ayant eu lieu dans le passeacute du point de vue du temps physique
(time) elles ne relegravevent pas du passeacute du point de vue du temps grammatical (tense) En effet dans
ce type deacutenonceacutes laspect importe plus que le temps Autrement dit le locuteur deacutecrit une situation
- 181 -
qui certes a lieu dans le passeacute mais surtout qui est finie au moment de reacutefeacuterence (qui est ici
identique au moment deacutenonciation) Grammaticalement il sagit donc bien de propositions au
perfectif preacutesent Dailleurs on notera que dans une certaine mesure ce deacutecalage entre time et tense
est eacutegalement preacutesent dans les traductions franccedilaises des exemples lauxiliaire eacutetant conjugueacute au
preacutesent de lindicatif
170) a Dama lagravembaatu ba daj caabi =ji (Diouf 2003 195)
FOCVS1SG tacirctonner jusque trouver cleacute =CLjDFPX
lsquoJai tacirctonneacute pour trouver la clefrsquo
b Dama birale biig yeacutepp (Diouf 2003 71)
FOCVS1SG rester_eacuteveilleacute nuit_derniegravere CLyTOT
lsquoJe suis resteacute eacuteveilleacute toute la nuit derniegraverersquo
Si le non-passeacute constitue la forme non marqueacutee le passeacute est toujours explicitement marqueacute
Lexpression de ce trait connaicirct quelques variations en fonction de leacuteloignement temporel
(remoteness) et du type de proposition
331 Le marqueur de passeacute (w)oon
La plupart des auteurs considegraverent que le passeacute est exprimeacute par le marqueur (w)oon (Perrin
2005 162) Ce marqueur est compatible avec toutes les constructions preacutedicatives (agrave lexception
des injonctives) Neacuteanmoins lanalyse de ce marqueur est relativement probleacutematique En effet il
ne semble pas avoir le mecircme statut morphosyntaxique dans toutes les constructions
Dans les constructions preacutedicatives focalisantes au parfait au subjonctif-conseacutecutif et dans les
relatives il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe -oon apparaissant sur le premier verbe de la
proposition (171a-b) Comme le suffixe de neacutegation (sect 3112) un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute si le
verbe fini par une voyelle (171c) et si la proposition est agrave limperfectif -oon se suffixe au verbe
auxiliaire di provoquant la chute de la voyelle finale du verbe au lieu de linsertion de la consonne
eacutepentheacutetique (171d)
171) a Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)
FOCVS1SG partir-PAS Fegraves
lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo
- 182 -
b Dafa =la beumlgg-oon=a mbalentildefaŋŋ (Diouf 2009 216)
FOCVS3SG =O2SG vouloir-PAS=DV tromper
lsquoIl voulait te tromperrsquo
c Dafa bagraveyyi -woon ay waa-juram (Diouf 2009 48)
FOCVS1SG abandonner-PAS IDFCLy parentPOSS3SG
lsquoIl avait abandonneacute ses parentsrsquo
d Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)
FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX
lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo
Avec la neacutegation affixale il peut apparaicirctre comme un suffixe verbal se situant apregraves le suffixe
de neacutegation (172a) Neacuteanmoins dans ce contexte le w- est eacutegalement attesteacute (172b-c) (Church
1981 117) Or une telle eacutepenthegravese nest pas justifieacutee par le systegraveme phonologique de la langue
(sect 0442) Ainsi dans ces cas woon ne peut pas ecirctre analyseacute comme un affixe La voyelle de ce
marqueur sharmonise avec la voyelle du verbe (173a-b) (cf Ka 1994 Ch 1) ce qui tend agrave montrer
quil sagit dun clitique
172) a Soo =ko fuuf-ul-oonhellip (Diouf 2003 121)
HYPS2SG =O3SG souffler-NEG-PAS
lsquoSi tu navais pas souffleacute dessushelliprsquo
b Bu Maam Xaadim julli-wul =woon ci geacuteej =gihellip (Cisseacute Mo 2006 600)
TEMP Mame Khadim prier-NEG=PAS PREPPX mer =CLgDFPX
lsquoSi Mame Khadim navait pas prieacute en merhelliprsquo
173) a xaal =wa ntildeor-ul =woon (Torrence 2005 196)
[χɐːl =wɐ ɲɔr-ul =wɔːn][-ATR] [-ATR]
melon =CLwDFDT ecirc_mucircr-NEG =PAS
lsquole melon qui neacutetait pas mucircrrsquo
- 183 -
b xaal =wa ma jeumlnd-ul =woon (Torrence 2005 196)
[χɐːl =wɐ mɐ ɟənd-ul =woːn][+ATR] [+ATR]
melon =CLwDFDT S1SG acheter-NEG =PAS
lsquole melon que je navais pas acheteacutersquo
Au parfait neacutegatif agrave la troisiegraveme personne du singulier et en labsence de pronom objet le
marqueur de passeacute peut apparaicirctre comme un suffixe verbal se situant apregraves le suffixe de neacutegation
(174a) Dans tous les autres contextes le marqueur de passeacute se reacutealise comme un mot (ou un
clitique) woon En effet aux autres personnes etou en preacutesence dun ou plusieurs pronoms clitiques
le marqueur woon ne se suffixe pas au verbe lexical mais se place apregraves lindice de personne et les
pronoms clitiques (174b-c) contrairement au parfait (non neacutegatif) ou le marqueur de passeacute se
suffixe au verbe lexical (174d)
174) a Bokk-ul-oon ca mbojj =ma (Diouf 2003 220)
participer-PRFNEGS3SG-PAS PREPDT battage =CLmDFDT
lsquoIl navait pas pris part au battagersquo
b Dem-u-ma =woon ca lagravemb =ja (Diouf 2003 195)
partir-PRFNEG-S1SG =PAS PREPDT lutte =CLjDFDT
lsquoJe navais pas eacuteteacute aux jeux de luttersquo
c Meumln-u-ma =fa =woon ntildeagravekk=a dem (Diouf 2003 484)
pouvoir-PRFNEG-S1SG =CLLOCDFDT =PAS manquer=DV partir
lsquoJe ne pouvais pas mempecirccher dy allerrsquo
d Loolu xam-oon =na-a =ko (Diouf 2003 256)
CLCHSGDEMPX savoir-PAS =PRF-S1SG =O3SG
ca njalbeacuteen =ga
PREPDT origine =CLgDFDT
lsquoJe le savais degraves le deacutebutrsquo
Par ailleurs dans plusieurs contextes le marqueur de passeacute woon semble se comporter comme
un verbe (Fal 1999 88 Diouf 2009 62-63) dont le sens est laquo avoir cours exister (dans le
- 184 -
passeacute) raquo (Diouf 2003 372) En effet dans certaines relatives woon peut apparaicirctre en labsence
dun verbe et occupe la position du verbe de la proposition Il peut ecirctre analyseacute comme un verbe
laquo ecirctre raquo au passeacute agrave valeur existentielle (175a) ou locative (175b)
175) a Seef =ba woon =a =ko geumln-oon=a ubbeeku (Diouf 2003 141)
chef =CLbDFDT ecirctrePAS =FOCS =O3SG ecirc_plus-PAS=DV fermerINVMOY
lsquoLancien chef eacutetait plus ouvert que luirsquo
(litt lsquoCest le chef qui existait qui eacutetait plus ouvert que luirsquo)
b Yuri =na siddeacuteem =si woon (Diouf 2009 587)
vider =PRFS3SG jujube =CLsDFPX ecirctrePAS
ci poosam yeacutepp
PREPPX pochePOSS3SG CLCHPLTOT
lsquoIl a videacute tous les jujubes qui eacutetaient dans sa pochersquo
Lexistence du verbe wonni (ne plus avoir cours) est un argument suppleacutementaire en faveur de
cette analyse En effet ce verbe est deacuteriveacute du verbe woon par ajout du suffixe verbal dinversif -i
(176a) (Fal 1999 88 Diouf 2009 62) On constate que le radical woon subit eacutegalement plusieurs
changements morphophonologiques reacuteduction de la longueur de la voyelle et geacutemination de la
consonne finale (176b) Il sagit de changements attendus pour cette deacuterivation lajout du suffixe de
linversif entraicircne ce type de changements morphophonologiques du radical (176c) (Ka 1981 16-
18)
176) a La woon wonn-i =na (Diouf 2003 371)
CLCHSGDFDT ecirctrePAS ecirctrePASINV-INV =PRFS3SG
lsquoCe qui avait cours na plus coursrsquo
b woon gt wonn-i (Diouf 2003 371)
ecirctrePAS ecirctrePASINV-INV
lsquoeacutetaitrsquo lsquonest plusrsquo
c suul gt sull-i (Ka 1981 17)
enterrer enterrerINV-INV
lsquoenterrerrsquo lsquodeacuteterrerrsquo
- 185 -
Nous pouvons eacutegalement analyser woon comme un verbe dans leacutequivalent passeacute de certains
preacutedicats non verbaux Comme nous lavons vu en (sect 254) la construction focalisation du
compleacutement peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux (177a) Au passeacute le marqueur
woon se place apregraves le marqueur preacutedicatif la (177b) Agrave partir de ces exemples on pourrait supposer
que la est une copule pouvant prendre le suffixe de neacutegation -(w)oon Neacuteanmoins au moins deux
arguments viennent infirmer cette hypothegravese Premiegraverement aucun autre suffixe verbal nest
possible dans ce type de construction Par exemple il est impossible dajouter le suffixe -(w)ul au
marqueur preacutedicatif la Pour nier ce type de preacutedicat il faut utiliser la copule neacutegative du
(sect 3141) Deuxiegravemement le marqueur woon ne se place pas immeacutediatement apregraves le marqueur
preacutedicatif la mais apregraves lindice de personne (178a) et les pronoms clitiques (179a) Or cette
position est celle quoccupe le verbe lexical dans les preacutedicats verbaux (178b-179b) Ainsi dans ce
type de construction nous pouvons analyser woon comme un verbe
177) a Ndaw su jekk =la (Diouf 2003 166)
dame CLsREL ecirctre_eacuteleacutegant =FOCC
lsquoCest une dame eacuteleacutegantersquo
b Xarekat bu aaytal =la woon (Diouf 2003 44)
guerrier CLbREL ecirctre_brave =FOCC ecirctrePAS
lsquoCeacutetait un brave combattantrsquo
178) a Sunu maam =yi ay ceddo =la-ntildeu woon (Diouf 2003 81)
POSS1PL ancecirctre =CLyDFPX IDFCLy animiste =FOCC-S3PL ecirctrePAS
lsquoNos ancecirctre eacutetaient des animistesrsquo
b Ntildei deacutee barsagraveq =la-ntildeu nekk (Diouf 2003 63)
CLHUMPLDFPX ecirctre_mort au-delagrave =FOCC-S3PL se_trouver
lsquoLes deacutefunts sont au seacutejour des mortsrsquo
179) a Benn jinne =la =fi woon (Diouf et al 2009 36)
CLbSING djinn =FOCC =CLLOCDFPX ecirctrePAS
lsquoIl eacutetait une fois un djinnrsquo (litt lsquoCeacutetait ici un djinnrsquo)
- 186 -
b Beumlcceumlgu ndarakagravemm =la =fi agsi (Diouf 2003 240)
en_plein_jour =FOCCS3SG =CLLOCDFPX arriver
lsquoIl est arriveacute ici en plein jourrsquo
Cette analyse fonctionne aussi avec les preacutedicats non verbaux locatifs Comme nous lavons vu
en (sect 253) le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats locatifs (180a) Au passeacute le
marqueur woon se place apregraves le marqueur preacutedicatif a ng- (180b) Agrave partir de ces exemples on
pourrait supposer que a ng- est une copule pouvant prendre le suffixe de neacutegation -(w)oon
Neacuteanmoins comme pour la focalisation du compleacutement deux arguments viennent infirmer cette
hypothegravese Premiegraverement aucun autre suffixe verbal nest possible dans ce type de construction Par
exemple il est impossible dajouter le suffixe -(w)ul au marqueur preacutedicatif a ng- Pour nier ce type
de preacutedicat il faut introduire le verbe nekk (se trouver) (sect 3142) Deuxiegravemement le marqueur
woon ne se place pas immeacutediatement apregraves le marqueur preacutedicatif a ng- mais apregraves les pronoms
clitiques (181a) Or cette position est celle quoccupe le verbe lexical dans les preacutedicats verbaux
(181b)
180) a Sama baay =a nga ca tool =ba (Diouf 2003 349)
POSS1SG pegravere =PRSTDT PREPDT champ =CLbDFDT
lsquoMon pegravere est au champrsquo
b Ndakaaru yeacutepp =a nga woon ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 81)
Dakar CLCHPLTOT =PRSTDT ecirctrePAS PREPDT noces =CLgDFDT
lsquoTout Dakar eacutetait aux nocesrsquo
181) a Mu =ngi =fi woon leacuteegi (Diouf 2003 513)
PRO3SG=PRSTPX =CLLOCDFPX ecirctrePAS maintenant
lsquoIl eacutetait lagrave il y a un instantrsquo
b Mu =ngi =ko takk ci kojoacuter =bi (Diouf 2003 188)
PRO3SG=PRSTPX =O3SG attacher PREPPX cou-de-pied =CLbDFPX
lsquoIl la attacheacute au cou-de-piedrsquo
Cette analyse semble eacutegalement pertinente avec le dernier type de preacutedicats non verbaux
nutilisant pas la copule di Comme nous lavons vu en (sect 252) la construction focalisation du sujet
- 187 -
peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats eacutequatifs (182a) Au passeacute le marqueur woon se place
apregraves le marqueur preacutedicatif a (182b) Or cette position est celle quoccupe le verbe lexical dans les
preacutedicats verbaux (182c)
182) a Ku meumln te defoo (Shawyer 2009 50)
CLHUMSGREL pouvoir et fairePRFNEGS2SG
lu yagravequ yaw =a
CLCHSGREL gacircterMOY PRO2SG =FOCS
lsquoQui peut et nempecircche pegravechersquo
(litt lsquoQui peut et tu ne fais pas ce qui est endommageacute cest toirsquo)
b Jeumlkkeumlr =ji Yagravembaadu di =ko xool xam ni (Diouf et al 2009 96)
eacutepoux =CLjDFPX Yambadou IPF =O3SG regarder savoir COMP
kii jabaram =a woon leegi garab =lahellip
CLHUMSGDEMPX femmePOSS3SG =FOCS ecirctrePAS maintenant arbre =FOCC
lsquoLe mari Yambadou le regardait sachant que
ccedila avait eacuteteacute son eacutepouse et que maintenant ceacutetait un arbrehelliprsquo
c Guy gu reacutey =a nekk (Diouf 2003 290)
baobab CLgREL ecirctre_gros =FOCS se_trouver
ca buntu keumlram
PREPDT porteGEN maisonPOSS3SG
lsquoIl y a un gros baobab devant sa maisonrsquo
Par ailleurs analyser woon comme un verbe permettrait dexpliquer sa position dans les
propositions au parfait neacutegatif En effet comme nous lavons vu plus haut le marqueur woon se
place apregraves lindice de personne et les pronoms clitiques (183a) Or cette position est celle
quoccupe le verbe dans les compleacutements phrastiques agrave linfinitif (183b) Neacuteanmoins contrairement
au verbe agrave linfinitif (184b) woon nentraicircne jamais lapparition du marqueur de deacutependance verbale
(184a) De plus dans ce contexte il semble difficile de consideacuterer woon comme un verbe laquo ecirctre raquo
au passeacute comme dans les preacutedicats non verbaux
183) a Soacuteoraale-wu-ma =ko =woon (Diouf 2003 488)
preacutevoir-PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS
lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo
- 188 -
b Meumln-u-ma =ko lekk su amul beumlgeumlj (Diouf 2003 66)
pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG manger si avoirNEG pureacutee_doseille
lsquoJe ne peux pas en manger sil nrsquoy a pas de pureacutee doseillersquo
184) a Meumln-u-ma =woon=a seacuteentu jafe-jafe =yii (Diouf 2003 488)
pouvoir-PRFNEG-S1SG =PAS=DV pressentir difficulteacute =CLyDEMPX
lsquoJe ne pouvais pas entrevoir ces difficulteacutesrsquo
b Meumln-u-ma=a bantilde=a dem ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 522)
pouvoir-PRFNEG-S1SG=DV refuser=DV partir PREPDT noces =CLgDFDT
lsquoJe ne peux pas manquer daller aux nocesrsquo
Enfin notons que le marqueur de passeacute est incompatible avec les constructions preacutedicatives
injonctives cest-agrave-dire limpeacuteratif loptatif et le prohibitif (Dialo 1981a 30 Diouf 2009 179-
184)
Pour reacutesumer le marqueur de passeacute est compatible avec toutes les constructions preacutedicatives agrave
lexception des constructions preacutedicatives injonctives Il est eacutegalement possible dans les
propositions subordonneacutees relatives et compleacutetives et est compatible avec un verbe agrave linfinitif
Neacuteanmoins le statut morphosyntaxique de ce marqueur diffegravere selon le type de proposition Dans
une proposition non neacutegative il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe verbal -(w)oon Agrave limperfectif
il se suffixe au verbe auxiliaire di Avec la neacutegation affixale il peut se comporter soit comme un
suffixe verbal -oon soit comme un clitique =woon Par ailleurs il peut apparaicirctre sans verbe
support dans plusieurs types de propositions Dans ces cas il peut ecirctre analyseacute comme un verbe
woon (laquo ecirctre raquo au passeacute) Au parfait neacutegatif agrave la troisiegraveme personne du singulier et en labsence de
pronom objet il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe verbal -oon Dans tous les autres contextes il
se reacutealise comme un mot pouvant ecirctre analyseacute comme un verbe Enfin au futur son statut est plus
complexe En effet comme nous lavons vu en (sect 22) cette construction est issue de la
grammaticalisation du parfait imperfectif Ce processus neacutetant pas acheveacute le marqueur de passeacute
tend agrave se comporter comme un suffixe -oon sur le verbe auxiliaire di84
84 Fal (1999 88) mentionne eacutegalement la possibiliteacute dajouter woon directement sur un nom (i) mais nous navonstrouveacute aucune occurrence de ce type de construction dans les corpus(i) sama jabar woon
POSS1SG eacutepouse PAS
lsquomon eacutepouse dalors mon ex-eacutepousersquo
- 189 -
Tableau 32 - Statut du marqueur de passeacute (w)oon
Preacutedicat verbal Preacutedicatnon verbalNon-neacutegatif Neacutegatif
ImpeacuteratifIncompatible
Optatif
Subjonctif-Conseacutecutif
Suffixe verbal -(w)oon
Suffixe -oon surlauxiliaire bantildeInfinitif
Parfait(Futur)
Suffixe verbal -oon(ou Verbe woon )
Focalisation du verbe
Suffixe verbal -oonou Clitique =woon
Focalisation du sujet
Verbe woonFocalisation du compleacutement
Preacutesentatif
Relatif
332 Le passeacute reculeacute
En plus du marqueur de passeacute (w)oon on note lexistence dun autre marqueur de passeacute -(w)aan
ou -aa Contrairement au marqueur (w)oon le marqueur -(w)aan ou -aa peut toujours ecirctre analyseacute
comme un suffixe et a des emplois tregraves limiteacutes Au perfectif il nest attesteacute que dans les
subordonneacutees temporelles (185a-b) (Church 1981 122)
185) a Bu =nu joacutege-waan ekool (Diouf 2003 164)
TEMP =S1PL provenir-PASR eacutecole
dem jeacuteexaatu gerte ci tool =yi
partir fouiller arachide PREPPX champs =CLyDFPX
lsquoEn revenant de leacutecole nous allions fouiller dans les champs pour trouver des arachidesrsquo
b Bu =nu jagravengi-wul-aan (Diouf 2003 390)
TEMP =S1PL apprendreAND-NEG-PASR
danu d-aan reumlbbi xodd
FOCVS1PL IPF-PASR chasserAND aigrette
lsquoQuand nous nallions pas en classe nous allions chasser laigrettersquo
- 190 -
En revanche agrave limperfectif il est attesteacute dans tous les types de propositions agrave lexception des
injonctives (Church 1981 122) Dans ce cas -aan se suffixe au verbe auxiliaire di provoquant la
chute de la voyelle finale du verbe (186a-d)
186) a Ntildei ntildeu=y wooye wolof tey (Diouf 2003 46)
CLHUMPLDFPX S3PL=IPF nommer wolof aujourdhui
am =na jamano joo xam ne
avoir =PRFS3SG eacutepoque CLjRELS2SG savoir COMP
ajab =lantildeu =leen d-aan wooye
ajab =FOCCS3PL =O3PL IPF-PASR appeler
lsquoCeux quon appelle laquo Wolof raquo actuellement il fut un temps ougrave on les appelait laquo Ajab raquorsquo
b Danu d-aan reumlbbi jaar (Diouf 2003 153)
FOCVS1PL IPF-PASR chasserAND rat_palmiste
ba nu=y xale
TEMP S1PL=COP enfant
lsquoNous allions chasser des rats palmistes quand nous eacutetions enfantsrsquo
c Sama yaay d-aan =na =ma ntildeawal yeacutere ndeumlll (Diouf 2003 242)
POSS1SG megravere IPF-PASR =PRFS3SG =O1SG coudreBEN habit molleton
lsquoMa megravere me cousait des habits en molletonrsquo
d Am-oon =na ay buur yu d-aan tagravepp (Diouf 2003 449)
avoir-PAS =PRFS3SG IDFCLy roi CLyREL IPF-PASR chacirctrer
ntildeenn ci seeni jaam
CLHUMPLSING PREPPX POSS3PLPL esclave
lsquoIl y avait des rois qui chacirctraient certains de leurs esclavesrsquo
Agrave limperfectif neacutegatif il est essentiellement attesteacute dans des propositions au parfait neacutegatif
Neacuteanmoins il ne se place pas apregraves le suffixe de neacutegation comme au perfectif (185b) ni apregraves
lindice de personne et les pronoms clitiques comme le marqueur woon Il perd sa consonne finale
se reacuteduisant agrave -aa et se suffixe au verbe auxiliaire di provoquant la chute de la voyelle finale du
verbe Le suffixe du parfait neacutegatif lindice de personne et les pronoms clitiques se placent apregraves lui
(187a-b)
- 191 -
187) a Sa doom =ji dafa cappe (Diouf 2003 80)
POSS2SG enfant =CLjDFPX FOCVS3SG ecirctre_cheacutetif
Xanaa d-aa-wuloo =ko nagravempal
est-ce_donc_que IPF-PASR-PRFNEGS2SG =O3SG teacuteterCAUS
lsquoTon enfant est cheacutetif Est-ce que tu ne lallaitais pas rsquo
b Dantildeu =ko folli ndax (Diouf 2003 129)
FOCVS3PL =O3SG eacutelireINV parce_que
d-aa-wul taxawu liggeacuteeykat =yi
IPF-PASR-PRFNEGS3SG assister travaillerAGT =CLyDFPX
lsquoOn la destitueacute car il ne deacutefendait pas les travailleursrsquo
Deacuteterminer la valeur de ce suffixe en wolof contemporain est relativement difficile Certains
auteurs lanalysent comme une marque de passeacute reculeacute85 utiliseacutee pour indiquer que la situation a eu
lieu agrave un moment tregraves eacuteloigneacute du moment deacutenonciation (Sauvageot 1965 127 Nussbaum et al
1970 375) Pour dautres auteurs ce suffixe a une valeur habituelle ou iteacuterative dans le passeacute
(Church 1981 124 Diouf 2009 144 Perrin 2005 165)
Ces divergences danalyse sont essentiellement dues aux contraintes demploi de ce marqueur
Notre hypothegravese est la suivante le suffixe -(w)aan est un suffixe de passeacute reculeacute utiliseacute
essentiellement agrave limperfectif etou dans des subordonneacutees temporelles Ces contraintes demploi
tendent agrave reacuteanalyser ce suffixe comme une marqueur de passeacute habituel86 Ainsi dans les exemples
(185a-b) le suffixe -(w)aan exprime uniquement le passeacute reculeacute le caractegravere habituel de la
situation est exprimeacute par bu (quand) De mecircme dans les exemples (186a-d) et (187a-b) la valeur
habituelle ou iteacuterative est exprimeacutee par le verbe auxiliaire dimperfectif di Neacuteanmoins dans
lexemple (186d) le verbe de la principal porte le suffixe du passeacute -oon alors que le verbe de la
relative porte le suffixe du passeacute reculeacute -aan Or la situation deacutecrite dans la relative nest pas
anteacuterieure agrave celle de la principale elles sont neacutecessairement concomitantes Deux analyses peuvent
ecirctre proposeacutees pour expliquer cette situation Premiegraverement le suffixe -aan ne pouvant apparaicirctre
sur un verbe au parfait la seule maniegravere dexprimer le passeacute dans la principale est le suffixe -oon
Deuxiegravemement le suffixe -aan nexprime pas le passeacute reculeacute mais le passeacute habituel La distinction
entre -oon et -aan nest plus temporelle mais aspectuelle De fait on pourrait pousser cette analyse
85 Terme emprunteacute agrave Benveniste (1965 75) correspondant au remote past de Bybee et al (1994 98)86 Cette reacuteanalyse a eacutegalement pu ecirctre renforceacutee par la proximiteacute formelle entre le suffixe -(w)aan et le suffixe
diteacuteratif -(w)aat
- 192 -
en consideacuterant que daan nest plus deacutecomposable en synchronie mais doit plutocirct sanalyser comme
un adverbe exprimant le passeacute habituel Neacuteanmoins lexistence dun suffixe verbal -aan dans
certaines propositions (185a-b) et la position syntaxique de daan (186a-d) rend cette derniegravere
analyse contestable
333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif
Comme nous lavons vu en (sect 245) dans les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques le
verbe de ces propositions doit prendre un suffixe -ee Suivant Fal (1999 122) et Perrin (2005
369) nous analysons ce suffixe comme un marqueur danteacuterioriteacute cest-agrave-dire que laquo loccurrence agrave
laquelle reacutefegravere la proposition subordonneacutee succegravede dans le temps agrave loccurrence agrave laquelle reacutefegravere la
proposition principale raquo (Perrin 2005 369) Il sagit donc dune marque de passeacute relatif au sens de
Comrie (1985a Ch 3) En effet la situation deacutecrite dans la subordonneacutee nest pas anteacuterieure au
moment de leacutenonciation (ce qui est la deacutefinition dun passeacute absolu) mais est anteacuterieure agrave un
moment de reacutefeacuterence deacutefini dans la principale (188a-c)
188) a Bi ma agsi-ee dafa teumlb langaamu =ma (Diouf 2003 196)
TEMP S1SG arriver-ANT FOCVS3SG sauter sagripper =O1SG
lsquoQuand je suis arriveacute il a sauteacute et sest accrocheacute agrave moirsquo
b Bu =nu deacutegg-ee sab deumlnnu (Diouf 2003 102)
TEMP =S1PL entendre-ANT POSS2SGCLb rugissement
gaajo =ga dina tas
danse =CLgDFDT FUTS3SG prendre_fin
lsquoQuand nous entendrons ton rugissement la partie de danse prendra finrsquo
c Su =ma =la =ko jaay-ee (Diouf 2003 133)
HYP =S1SG =O2SG =O3SG vendre-ANT
ci njeacuteg =loolu dina =ma gaantilde
PREPPX prix =CLlDEMPX FUTS3SG =O1SG blesser
lsquoSi je te le vends agrave ce prix cela me portera preacutejudicersquo
- 193 -
334 Passeacute et conditionnel
En wolof lexpression du conditionnel est lieacutee agrave lexpression du passeacute En effet comme nous
lavons vu en (sect 221) avec le marqueur de passeacute (w)oon un eacutenonceacute au futur (ou au parfait
imperfectif) peut avoir une lecture conditionnelle (189a-b) Exprimer le conditionnel comme un
laquo futur dans le passeacute raquo est un proceacutedeacute relativement freacutequent dans les langues (Comrie 1985a 75)
189) a Digaale =bi ci diggante reacuteewi (Diouf 2003 537)
partenariat =CLbDFPX PREPPX intervalle paysGENPL
Afrik =yi d-oon =na baax
Afrique =CLyDFPX IPF-PAS =PRFS3SG ecirctrebon
lsquoLe partenariat entre les pays africains serait une bonne chosersquo
b Mbantilde-gagravecce d-oon =na =fi baax (Diouf 2003 563)
rideau IPF-PAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien
lsquoUn rideau serait bien icirsquo
Par ailleurs avec le marqueur de passeacute (w)oon (190a-b) ou le suffixe de passeacute reculeacute -(w)aan
(190c) une subordonneacutee hypotheacutetique aura une valeur de subordonneacutee contrefactuelle (Perrin
2005 173-176) Lagrave encore ce proceacutedeacute est attesteacute dans dautres langues comme langlais ou le
franccedilais (Perrin 2012 86) Ainsi dans la traduction franccedilaise des exemples (190a-c) le verbe de la
subordonneacutee est eacutegalement au passeacute
190) a Su =ma yore -woon caabi =ji (Diouf 2003 434)
HYP =S1SG avoir_avec_soi-PAS cleacute =CLjDFPX
nu dem ci neacuteeg =bi
S1PL partir PREPPX chambre =CLbDFPX
lsquoSi javais la cleacute nous irions dans la chambrersquo
b Su mbaxana d-oon naan yoacuteor (Diouf 2003 409)
HYP coiffe IPF-PAS boire cerveau
kenn du =ko sol
CLHUMSGSING FUTNEGS3SG =O3SG porter
lsquoSi la coiffure buvait le cerveau personne ne la porteraitrsquo
- 194 -
c Soo beumlgg-aan dugal woto ci reacuteew =mi (hellip) (Diouf 2003 201)
HYPS2SG vouloir-PASR entrerCAUS voiture PREPPX pays =CLmDFPX
lsquoSi tu voulais importer une voiture dans le pays (hellip)rsquo
Comme nous lavons vu en (sect 245) bu introduit geacuteneacuteralement une subordonneacutee temporelle
Cependant avec le marqueur (w)oon la subordonneacutee aura une valeur de subordonneacutee
contrefactuelle (191a) dans ce contexte bu et su sont synonymes (Perrin 2008 75) Ainsi les
subordonneacutees temporelles sont incompatibles avec le marqueur de passeacute Dans ce type de
subordonneacutees le passeacute absolu se marque agrave laide du marqueur deacuteictique sur le subordonnant Le
marqueur -i indique le passeacute (191a) et le marqueur -a indique le passeacute reculeacute (191b) (Perrin 2008
74)87
191) a Boo xam-oon caay-caay =gi ci gone =gii (Diouf 2003 78)
TEMPS2SG savoir-PAS espiegraveglerie =CLgDFPX PREPPX enfant =CLgDEMPX
lsquoSi tu savais lesprit coquin qui anime cet enfant rsquo
b B-i ma =ko gis-ee keroog (Diouf 2003 216)
TEMP-PAS S1SG =O3SG voir-ANT lautre_jour
dafa d-oon mbaaru
FOCVS3SG IPF-PAS marcher_comme_une_marionette
lsquoQuand je lai vu lautre jour il marchait comme une marionnettersquo
c B-a mu dem-ee Popongin (Diouf 2003 386)
TEMP-PASR S3SG partir-ANT Poponguine
daaw dafa xeumlm-oon
an_dernier FOCVS3SG seacutevanouir-PAS
lsquoQuand il eacutetait alleacute agrave Popenguine lan dernier il seacutetait eacutevanouirsquo
Enfin il existe un morphegraveme koon (ou konte) qui peut ecirctre analyseacute comme un marqueur
dirrealis (Perrin 2005 177-179) Ce marqueur apparaicirct dans un nombre tregraves limiteacute de contextes Il
est uniquement attesteacute dans les subordonneacutees contrefactuelles neacutegatives dont le verbe est une copule
(192a) et dans les propositions principales au parfait suivant une subordonneacutee contrefactuelle
(192b)
87 cf (sect 245) pour une explication de ce pheacutenomegravene
- 195 -
192) a Su d-ul koon jat julli aay (Diouf 2003 162)
HYPS3SG COP-NEG IRR pantalon prier ecirctre_mal
lsquoSans le port du pantalon il serait mal de prierrsquo
b Su =ma =ko xam-oon wax koon =naa =ko (Perrin 2005 177)
HYP =S1SG =O3SG savoir-PAS dire IRR =PRFS1SG =O3SG
lsquoSi je lavais su je laurais ditrsquo
Le marqueur koon tend agrave disparaicirctre en wolof contemporain (Church 1981 138-139 Perrin
2005 178) Neacuteanmoins si lon en croit les grammaires du XIXe siegravecle son emploi eacutetait beaucoup
plus eacutetendu dans un eacutetat anteacuterieur de la langue Selon Kobegraves (1869 254-257) ce marqueur est
compatible avec le parfait le parfait neacutegatif le futur le futur neacutegatif la focalisation du sujet la
focalisation du compleacutement la focalisation du verbe De plus il est geacuteneacuteralement deacutecrit comme
eacutetant en distribution compleacutementaire avec le marqueur de passeacute (w)oon
34 La voix
La voix peut ecirctre deacutefini comme un meacutecanisme dans lequel une modification du syntagme verbal
(affixation ou auxiliation) provoque une reacuteorganisation de la relation entre les fonctions syntaxiques
et les rocircles seacutemantiques lieacutes au preacutedicat (Nouguier-Voisin 2002 72) Le wolof a cinq voix
marqueacutees essentiellement par des suffixes de deacuterivation (Tableau 33) la voix moyenne (193a) la
voix causative (193b) la voix applicative (193c) la voix de co-participation (193d) et la voix
antipassive (193e)88
193) a Gaynde =yi sang-u =nantildeu (Nouguier-Voisin 2002 113)
lion =CLyDFPX laver-MOY =PRFS3PL
ci deumlx =gii
PREPPX fleuve =CLgDEMPX
lsquoLes lions se sont laveacutes dans ce fleuversquo
b Bax-al =na ntildeebbe =ji (Nouguier-Voisin 2002 152)
bouillir-CAUS =PRFS3SG nieacutebeacute =CLjDFPX
lsquoIl a fait bouillir les nieacutebeacutesrsquo
88 Pour une description complegravete du systegraveme des voix en wolof voir Nouguier-Voisin (2002)
- 196 -
c Mu teg-al =leen xeex =wi jeumlkk (Nouguier-Voisin 2002 218)
S3SG poser-APPL =O3PL pierre =CLwDFPX ecirctre_premier
ci taax =mi
PREPPX construction =CLmDFPX
lsquoIl a poseacute pour eux la premiegravere pierre sur la constructionrsquo
d Rey-ante =nantildeu (Nouguier-Voisin 2002 286)
tuer-RECP =PRFS3PL
lsquoIls se sont entre-tueacutesrsquo
e Xaj =bii du magravett-e (Nouguier-Voisin 2002 310)
chien =CLbDEMPX FUTNEGS3SG mordre-ANTIP
lsquoCe chien ne mord pasrsquo
Tableau 33 - Liste des suffixes de voix89
Voix moyenne -u
Voix causative -e -al -le -lu -loo
Voix applicative -e -al
Voix de co-participation -oo -e -ante -andoo -aale
Voix antipassive -e
Il convient de noter que si la majoriteacute des voix sont exprimeacutees par des suffixes de deacuterivation
verbale le reacutefleacutechi (194a) et le causatif (194b) peuvent ecirctre exprimeacutes lexicalement
194) a Beumlgg =na bopp-am (Nouguier-Voisin 2002 100)
aimer =PRFS3SG tecircte-POSS3SG
lsquoIl saimersquo
b Yaa tax =ma dem (Nouguier-Voisin 2002 137)
PRO2SGFOCS causer =S1SG partir
lsquoCest agrave cause de toi que je parsrsquo
89 Extrait de Nouguier-Voisin (2002 91)
- 197 -
- 198 -
CCHAPITREHAPITRE 4 - 4 - LLAA STRUCTURESTRUCTURE ARGUMENTALEARGUMENTALE
Les arguments (sujet et objet) et satellites du verbe sont susceptibles dapparaicirctre soit sous forme
lexicale (noteacutes respectivement S O X dans les schegravemes preacutesenteacutes au Chapitre 2) soit sous forme
pronominale (noteacutes respectivement s o x)
41 Les arguments et satellites lexicaux
Par argument (ou satellite) lexical nous deacutesignons un argument (ou satellite) du verbe ayant la
forme dun syntagme geacuteneacuteralement nominal90 Il convient tout dabord de noter que les noms sont
reacutepartis en classes nominales91 Il existe dix marqueurs de cateacutegorisation nominale huit au
singulier k b g m w j l s et deux au pluriel ntilde y Ces marqueurs napparaissent jamais sur le
nom mais uniquement sur les deacuteterminants et le relativiseur En plus de leur rocircle dans la
classification des substantifs certains marqueurs de classe ont un sens speacutecifique Cest le cas des
classes k- (qui reacutefegravere agrave un individu humain) ntilde- (qui reacutefegravere agrave des individus humains pluriel de k-) et
l- (qui reacutefegravere agrave une chose) Il faut ajouter agrave cette liste les marqueurs f- (locatif) n- (qui reacutefegravere agrave la
maniegravere) et c- (partitif preacuteposition92) qui bien que neacutetant pas (ou plus) des marqueurs de classe
sont susceptibles de rentrer dans les mecircmes types de construction que les autres marqueurs
La structure du syntagme nominal peut ecirctre plus ou moins complexe Il peut se reacuteduire agrave sa tecircte
soit sous la forme dun nom propre (195a) soit sous la forme dun nom nu (195b)
195) a [Omar] =lantildeuy teeru (Diouf 2003 338)
Omar =FOCCS3PLIPF accueillir
lsquoOn accueille Omarrsquo
b [Cere] =laay togg (Diouf 2003 338)
couscous =FOCCS1SGIPF cuisiner
lsquoJe preacutepare du couscousrsquo
90 Pour une description plus complegravete du syntagme nominal voir Gueacuterin (2011)91 Pour un traitement approfondi de la notion de laquo classe nominale raquo voir Creissels (1999) Kihm (2003) et
Aikhenvald (2000)92 Pour une une analyse deacutetailleacutee de cica voir Perrin (2005 484-535)
- 199 -
Il peut eacutegalement sagir dun syntagme nominal simple constitueacute dun nom et dun ou plusieurs
deacuteterminants (196a-b) Il existe plusieurs types de deacuteterminants individualisateur augmentatif
totaliseur article deacutefini article indeacutefini deacutemonstratif et interrogatif93 Tous ces deacuteterminants se
construisent agrave partir dun marqueur de classe et dans le cas des deacuteterminants deacutefinis indeacutefinis et
deacutemonstratifs dun marqueur deacuteictique94 Le marqueur proximal (-i) indique que lentiteacute deacutetermineacutee
est proche dans lespace ou dans le temps le marqueur distal (-a) indique que lentiteacute deacutetermineacutee est
eacuteloigneacutee dans lespace ou dans le temps le marqueur dindeacutetermination (-u) indique que lentiteacute
deacutetermineacutee se situe dans un espace ou un temps indeacutetermineacute
196) a [Magravengo =bii] =laa beumlgg (Diouf 2003 70)
mangue =CLbDEMPX =FOCCS1SG vouloir
lsquoCest cette mangue que je veuxrsquo
b Wool [beneen xale =bi] (Diouf 2003 67)
appelerIMPS2SG CLbALT enfant =CLbDFPX
lsquoAppelle lautre enfant rsquo
Enfin le syntagme nominal peut ecirctre complexe Il peut sagir dune construction geacutenitive (197a)
relative (197b-c) ou de syntagmes coordonneacutes (197d) Le geacutenitif est formeacute agrave laide dun morphegraveme
geacutenitif suffixeacute au nom tecircte immeacutediatement suivi par le syntagme geacutenitif95 La relative neacutecessite un
relativiseur qui se situe apregraves le nom de domaine et avant le verbe de la relative96
197) a [Ndox-um teen] =a =ko geumlnal (Diouf 2009 139)
eau-GEN puits =FOCS =O3SG ecirctre_mieuxBEN
lsquoLeau de puits est meilleure pour luirsquo
b [Jeumlkkeumlr ju baax] =laa =ko yeacuteene (Diouf 2003 571)
mari CLjREL ecirctre_bon =FOCCS1SG =O3SG souhaiter
lsquoJe lui souhaite un bon marirsquo
93 Pour une liste exhaustive des deacuteterminants du wolof voir Fal et al (1990 20) Ma Cisseacute (2007 56-57) Diouf(2009 173) ou Gueacuterin (2011 111)
94 Ce type de marqueur entre eacutegalement dans la construction des preacutepositions du relativiseur du marqueur preacutedicatifdu preacutesentatif ainsi que dans une certaine mesure du geacutenitif
95 Pour une une analyse deacutetailleacutee des constructions geacutenitive et possessive en wolof voir Gueacuterin (2015a)96 Pour une une analyse deacutetailleacutee des relatives en wolof voir Sall (2005)
- 200 -
c [Xaalis =bi nga =ko may] (Diouf 2003 284)
argent =CLbDFPX S2SG =O3SG offrir
=a =ko tax=a ragravekkaaju
=FOCS =O3SG causer=DV ecirctre_surexciteacute
lsquoCest agrave cause de largent que tu lui as donneacute quil est surexciteacutersquo
d Deacutenku =naa [Yagravella =ak yonent =bi] (Diouf 2003 101)
confierMOY =PRFS1SG Dieu =avec prophegravete =CLbDFPX
lsquoJe men remets agrave Dieu et agrave son prophegravetersquo
411 Le sujet lexical
La position syntaxique du sujet lexical nest pas la mecircme dans toutes les constructions
preacutedicatives Il se place entre le marqueur preacutedicatif et le verbe dans les constructions optatif
focalisation du compleacutement et prohibitif (198a) alors quil se place avant le marqueur preacutedicatif
dans toutes les autres constructions (198b) (Ch 2)
198) a Bu xaj =bi dugg (Church 1981 104)
PROH chien =CLbDFPX entrer
lsquoQue le chien nentre pas rsquo
b Rajo =bi =dafa yagravequ (Diouf 2003 399)
radio =CLbDFPX =FOCVS3SG gacircterMOY
lsquoLa radio est casseacuteersquo
Par ailleurs lorsque le sujet lexical est topicaliseacute il se place en tecircte de phrase (199a-b) (Sall
2005 107-119)
199) a Lawbe =bi =moo gaantildeu (Sall 2005 108)
bucirccheron =CLbDFPX =PRO3SGFOCS blesserMOY
lsquoLe bucirccheron il sest blesseacutersquo
- 201 -
b Mool yu bare (Diouf 2003 227)
pecirccheur CLyREL ecirctre_nombreux
gaalu motoor =lantildeu am
bateauGEN moteur =FOCCS3PL avoir
lsquoBeaucoup de pecirccheurs ont des bateaux agrave moteurrsquo
(litt lsquoBeaucoup de pecirccheurs ceux sont des bateaux agrave moteur quils ontrsquo)
412 Lobjet lexical
Quelque soit la construction preacutedicative lobjet lexical est placeacute sur le bord droit du preacutedicat
(200a-b) (Ch 2) Neacuteanmoins lorsque lobjet lexical est focaliseacute il est placeacute immeacutediatement avant le
marqueur preacutedicatif la (200c) Lorsquil est topicaliseacute lobjet lexical se place en tecircte de phrase et est
repris par un pronom objet (200d) (Sall 2005 114)
200) a Max =yi lekk =nantildeu matt meacutepp (Diouf 2003 214)
termite =CLyDFPX manger =PRFS3PL bois CLmTOT
lsquoLes termites ont rongeacute tout le boisrsquo
b Eumllleumlg =lantildeuy indi warugar =wi (Diouf 2003 362)
demain =FOCCS3PLIPF apporter dot =CLwDFPX
lsquoCest demain quils vont apporter la dotrsquo
c Kaabar =wi =laa jaay (Diouf 2003 178)
brebis =CLwDFPX =FOCCS1SG vendre
lsquoCest la brebis que jai venduersquo
d Sa mbeumlr =mi (Diouf 2003 167)
POSS2SG champion =CLmDFPX
jeacutellam =bi =dafa =ko bett
chutePOSS3SG =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG surprendre
lsquoTon champion a eacuteteacute surpris par sa chutersquo (litt lsquoTon champion sa chute la surprisrsquo)
Par ailleurs le wolof ne distingue pas formellement les deux objets dun verbe ditransitif
Neacuteanmoins plusieurs regravegles reacutegissent lordre lineacuteaire et linterpreacutetation seacutemantique des objets
- 202 -
lexicaux (Becher 2005 19-21)
bull Ordre lineacuteaire = Nom propre gt SN deacutefini gt SN indeacutefini (201a-b)
bull Les objets [+animeacute] sont interpreacuteteacutes comme beacuteneacuteficiaires les [-animeacute] comme thegravemes
(201a)
bull Si les deux objets sont [+animeacute] lobjet deacutefini est consideacutereacute comme beacuteneacuteficiaire lobjet
indeacutefini comme thegraveme (201c)
bull Si les caracteacuteristiques des objets sont identiques (deacutefinitude et animaciteacute) lobjet en
premiegravere position est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (201d-e)
201) a Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)
donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX
[benn velo]
CLbSING veacutelo
lsquoJai donneacute un veacutelo agrave la fillersquo
b Jox =naa [Faatu] [gaynde =gi] (Becher 2005 20)
donner =PRFS1SG Fatou lion =CLgDFPX
lsquoJai donneacute le lion agrave Fatoursquo
c Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)
donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX
[genn gaynde]
CLgSING lion
lsquoJai donneacute un lion agrave la fillersquo
d Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)
donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX
[gaynde =gi]
lion =CLgDFPX
lsquoJai donneacute le lion agrave la fillersquo
- 203 -
e Jox =naa [gaynde =gi] (Becher 2005 19)
donner =PRFS1SG lion =CLgDFPX
[xale bu jigeacuteen =ji]
enfant CLbREL ecirctre_femelle =CLjDFPX
lsquoJai donneacute la fille au lionrsquo
Si les caracteacuteristiques des objets (deacutefinitude et animaciteacute) rentrent en conflit avec ces regravegles
lobjet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel introduit par
la preacuteposition ci Par exemple si le beacuteneacuteficiaire est deacutefini alors que le thegraveme est indeacutefini lobjet
ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (202a) ou si le
beacuteneacuteficiaire est deacutefini alors que le thegraveme est un nom propre lobjet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire
est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (202b) (Becher 2005 19-21)
202) a Jox =naa [velo =bi] (Becher 2005 19)
donner =PRFS1SG veacutelo =CLbDFPX
[ci benn xale bu jigeacuteen]
PREPPX CLbSING enfant CLbREL ecirctre_femelle
lsquoJai donneacute le veacutelo agrave une fillersquo
b Jox =naa [Faatu] [ci gaynde =gi] (Becher 2005 20)
donner =PRFS1SG Fatou PREPPX lion =CLgDFPX
lsquoJai donneacute Fatou au lionrsquo
413 Le satellite lexical
Les satellites (ou adjoints) du verbe ou de la proposition laquo ajoutent des informations dont la
nature ne deacutepend pas du type preacutecis de procegraves signifieacute par le verbe raquo (Creissels 2006a 274) Le
satellite peut ecirctre un syntagme preacutepositionnel (203a) un adverbe (203b) un syntagme nominal
(203c) ou un nom nu (203d)
203) a Dinaa =fa ntildeoacutew ci ngoon =gi (Diouf 2003 253)
FUTS1SG =CLLOCDFDT venir PREPPX apregraves-midi =CLgDFPX
lsquoJe viendrai lagrave-bas dans lapregraves-midirsquo
- 204 -
b Duma =ko def mukk (Diouf 2003 515)
FUTNEGS1SG =O3SG faire jamais
lsquoJe ne le ferai jamaisrsquo
c Bii yoon duma =la woo (Diouf 2003 408)
CLbDEMPX fois FUTNEGS1SG =O2SG appeler
lsquoCette fois-ci je ne tappellerai pasrsquo
d Dina dem Magravekka deacuteweacuten97 (Diouf 2003 106)
FUTS3SG aller La_Mecque an_prochain
lsquoIl ira agrave La Mecque lan prochainrsquo
Le satellite est geacuteneacuteralement placeacute en tecircte ou en fin de proposition (203a-d) Neacuteanmoins certains
adverbes peuvent se placer entre le verbe et lobjet lexical (204a) On remarque eacutegalement que
ladverbe rekk (seulement) peut apparaicirctre entre le marqueur preacutedicatif dafa et le verbe lexical
(204b) Enfin la particule dirrealis koon apparaicirct geacuteneacuteralement entre le verbe et le marqueur
preacutedicatif na (204c) (Perrin 2005 177)
204) a Woacuteolu-wuma lool tirngeumll =bi (Diouf 2003 345)
sefier-PRFNEGS1SG trop corde =CLbDFPX
lsquoJe ne me fie pas trop agrave la cordersquo
b Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)
POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCVS3SG seulement ecirctre_sans_gecircne
lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo
c Su =ma =ko xam-oon wax koon =naa =ko (Perrin 2005 177)
HYP =S1SG =O3SG savoir-PAS dire IRR =PRFS1SG =O3SG
lsquoSi je lavais su je laurais ditrsquo
97 Le mot deacuteweacuten nest pas un adverbe mais un nom appartenant agrave la classe j- (Diouf 2003 103) ou agrave la classe s- (Falet al 1990 60)
- 205 -
42 Les arguments pronominaux
Les pronoms peuvent ecirctre deacutefinis comme des morphegravemes dont les reacutefeacuterents seraient susceptibles
decirctre repreacutesenteacutes par des syntagmes nominaux Leur sens lexical est fondamentalement relatif au
contexte discursif et ne met en jeu que secondairement les caracteacuteristiques seacutemantiques intrinsegraveques
de leur reacutefeacuterent (Creissels 2006a 81)
Comme dans de nombreuses langues (Creissels 2006a 92-95) on peut distinguer en wolof des
pronoms personnels forts (ou emphatiques) et des pronoms personnels faibles Les pronoms faibles
se subdivisent en pronoms sujets et pronoms objets
Tableau 41 - Inventaire des pronoms personnels98
Pronom fortPronom faible
SujetObjet
Libre Lieacute Libre Lieacute
SG
1 man ma- ma -(m)a ma
2 yow ya- nga -(ng)a la
3 moom mu- mu Oslash ko
PL
1 nun nu- nu -nu nu
2 yeen yeen- ngeen -(ng)een leen
3 ntildeoom ntildeu- ntildeu -ntildeu leen
Notons que le reacuteflexivisation nest pas exprimeacutee par un pronom La construction reacutefleacutechie est
constitueacutee dun syntagme nominal comprenant un deacuteterminant possessif accordeacute au sujet et le mot
bopp (tecircte) (205a-b)
205) a Yaa =ko def-al sa bopp (Diouf 2003 525)
PRO2SGFOCS =O3SG faire-BEN POSS2SG tecircte
lsquoTu las fait toi-mecircmersquo
b Moo dem-al bopp-am (Diouf 2003 525)
PRO3SGFOCS partir-BEN tecircte-POSS3SG
lsquoElle est partie delle-mecircmersquo
98 Nous pouvons remarquer que le paradigme des deacuteterminants possessifs est morphologiquement lieacute au paradigmedes pronoms personnels sama (1SG) sa (2SG) -am (3SG) sunu (1PL) seen (2-3PL)
- 206 -
421 Les pronoms forts
Les pronoms forts sont aptes agrave occuper les mecircmes positions syntaxiques que les syntagmes
nominaux (206-207) Lemploi de ces pronoms implique toujours une emphase puisquils
apparaissent uniquement en position de topique (206a-b) ou de focus (207a-b)
206) a Moom duma =ko woo (Diouf 2003 227)
PRO3SG FUTNEGS1SG =O3SG appeler
lsquoLui je ne lappellerai pasrsquo
b Ndull =mi duma =ko jaay (Diouf 2003 245)
mil =CLmDFPX FUTNEGS1SG =O3SG vendre
lsquoLe mil je ne le vendrai pasrsquo
207) a Yow =la woo (Diouf 2003 410)
PRO2SG =FOCCS3SG appeler
lsquoCest toi quil a appeleacutersquo
b Xeacutedd bu mag =la jeacutend (Diouf 2003 384)
brochet CLbREL ecirctregrand =FOCCS3SG acheter
lsquoCest un grand brochet quil a acheteacutersquo
Nous consideacuterons comme Diouf (1985 15-20) que les pronoms sujets des constructions
focalisation du sujet et preacutesentatif sont des formes contracteacutees des pronoms forts Deux arguments
viennent soutenir cette hypothegravese Premiegraverement comme nous lavons vu en (sect 25) dans ces deux
constructions le sujet est focaliseacute et est placeacute en premiegravere position (208a-b) Ces caracteacuteristiques le
rapprochent de lobjet de la focalisation du compleacutement qui occupe eacutegalement la premiegravere position
syntaxique (208c)
208) a Ma=a =ko def (Diouf 2003 208)
PRO1SG=FOCS =O3SG faire
lsquoCest moi qui lai faitrsquo
- 207 -
b Ma=a ngi=y ntildeoacutew (Diouf 2003 565)
PRO1SG=PRSTPX=IPF venir
lsquoJarriversquo
c Man =la=y waxal (Diouf 2003 358)
PRO1SG =FOCCS3SG=IPF parlerAPPL
lsquoCest agrave moi quil parlersquo
Par ailleurs la forme contracteacutee des pronoms forts est attesteacutee dans dautres contextes En effet
lorsquun pronom fort est suivi de la conjonction de coordination ak (avec et) il peut apparaicirctre
sous une forme contacteacutee (209a-c) (Diouf 2009 36 Torrence 2013a 47)
209) a Mook Omar la (Diouf 2003 227)
mu=ak Omar =la
PRO3SG=avec Omar =FOCC
lsquoCest lui et Omarrsquo
b Yaak Omar dangeen di dem Pari (Diouf amp Yaguello 1991 99)
ya=ak Omar =dangeen di dem Pari
PRO2SG=avec Omar =FOCVS2PL IPF aller Paris
lsquoOmar et toi vous allez agrave Parisrsquo
c Ntildeook yeenay agravend (Diouf 2003 269)
ntildeu=ak yeen=a=y agravend
PRO3PL=avec PRO3PL=FOCS=IPF aller_avec
lsquoCe sont eux et vous qui irez ensemblersquo
Ainsi les pronoms forts apparaissent sous une forme libre cest-agrave-dire morphologiquement
autonome lorsquils sont en fonction de topique (206a) ou dobjet de la construction focalisation du
compleacutement (207a) Par contre ils apparaissent sous une forme lieacutee lorsquils sont en fonction de
sujet des constructions focalisation du sujet (208a) et preacutesentatif (208b) ou lorsquils sont suivis de
la conjonction de coordination ak (209a-c) Dans ces trois derniers cas le pronom fort samalgame
au marqueur preacutedicatif ou agrave la conjonction Notons que le pronom de deuxiegraveme personne du pluriel
na pas de forme lieacutee il apparaicirct toujours en forme libre yeen
- 208 -
Tableau 42 - Inventaire des pronoms personnels forts
Pronom fort Formes contracteacutees
Libre Lieacute + ak (avec) + a (FOCS) + a ngi (PRST)
SG
1 ma-n rarr man ma- maak maa maa ngi
2 ya-w rarr yow ya- yaak yaa yaa ngi
3 mu-am rarr moom mu- mook moo mu (a) ngi
PL
1 nu-n rarr nun nu- nook noo nu (a) ngi
2 ya-een rarr yeen yeen- yeen ak yeena yeena ngi
3 ntildeu-am rarr ntildeoom ntildeu- ntildeook ntildeoo ntildeu (a) ngi
Ces formes contracteacutees mettent en eacutevidence la structure interne des pronoms forts En effet les
pronoms de premiegravere personne prennent un -n final et les pronoms de troisiegraveme personne prennent
un -am final99 (Sauvageot 1965 92 Njie 1982 114-115 Torrence 2013a 54) Concernant le
pronom de deuxiegraveme personne du singulier nous pouvons supposer que le -w final est une
consonne eacutepentheacutetique100 inseacutereacutee pour fermer la syllabe et le lieu darticulation de la voyelle
sharmonise avec le [w]101 Le pronom de deuxiegraveme personne du pluriel est constitueacute du pronom de
seconde personne ya- et du morphegraveme -een
Par ailleurs on peut eacutegalement identifier un ensemble de pronoms non personnels ayant un
comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des pronoms personnels forts En effet la plupart
des deacuteterminants construits agrave partir dune classe nominale peuvent ecirctre utiliseacutes comme pronoms Il
peut sagir dun deacutemonstratif (210a) dun singulatif (210b) dune forme exprimant lalteacuteriteacute (210c)
dun totalisateur (210d) ou dun interrogatif (210e)102
210) a N-ale =lantildeu =ko=y defe (Diouf 2003 234)
CLMNR-DEMDT =FOCCS3PL =O3SG=IPF faireAPPL
lsquoCest comme cela quon le faitrsquo
b F-enn =laa dul dem (Diouf 2003 125)
CLLOC-SING =FOCCS1SG IPFNEG aller
lsquoJe nirai nulle partrsquo
99 Ce -am final est formellement identique au deacuteterminant possessif de troisiegraveme personne du singulier -am keumlr-amlsquosa maisonrsquo (Torrence 2013a 59)
100 Le [w] est lune des consonnes eacutepentheacutetiques les plus reacutepandues en wolof (Diouf 2009 38)101 La variante yaw est eacutegalement attesteacutee en wolof contemporain (Diouf 2003 410)102 Pour une description complegravete des deacuteterminants voir Gueacuterin (2011 Ch 4)
- 209 -
c Ndare k-eneen =la woonhellip (Diouf 2003 240)
mecircme_si CLHUMSG-ALT =FOCC3SG ecirctrePAS
lsquoMecircme si ceacutetait un autrehelliprsquo
d Ntilde-eacutepp =a dellu gannaaw (Diouf 2003 77)
CLHUMPL-TOT =FOCS retourner arriegravere
lsquoTout le monde recularsquo
e L-an =nga=y def (Diouf 2003 195)
CLCHSG-Q =FOCCS2SG=IPF faire
lsquoQue fais-tu rsquo
Tableau 43 - Inventaire des pronoms forts non personnels103
Humain ChoseLocatif Maniegravere
Autreclasse104
SG PL SG PL
k ntilde l y f n b
Deacutem
onst
rati
f
Deacutei
ctiq
ue kii ntildeii lii yii fii nii bii
kile ntildeile lile yile file nile bile
kee ntildeee lee yee fee nee bee
kale ntildeale lale yale fale nale bale
An
aph
oriq
ue
kookii ntildeoontildeii loolii yooyii foofii noonii boobii
kooku ntildeoontildeu loolu yooyu foofu noonu boobu
kookule ntildeoontildeule loolule yooyule foofule noonule boobule
kooka ntildeoontildea loola yooya foofa noona booba
kookale ntildeoontildeale loolale yooyale foofale noonale boobale
kookee ntildeoontildeee loolee yooyee foofee noonee boobee
Singulatif kenn ntildeenn lenn yenn fenn nenn benn
Alteacuteriteacute keneen ntildeeneen leneen yeneen feneen neneen beneen
Totalisateur keacutepp ntildeeacutepp leacutepp yeacutepp feacutepp beacutepp
Interrogatif kan ntildean lan yan fan nan ban
Toutes les classes nominales sont attesteacutees dans ces pronoms mais les classes fonctionnelles sont
103 Pour un inventaire complet de ces pronomsdeacuteterminants voir Fal et al (1990 20) ou Ma Cisseacute (2007 56-57)104 La classe b- est uniquement donneacutee agrave titre dillustration Toutes les autres classes sont possibles
- 210 -
particuliegraverement freacutequentes Il peut sagir de la classe des humains (210c-d) des laquo choses raquo (210e)
des locatifs (210b) ou de le classe exprimant la maniegravere (210a)
Enfin on peut ajouter agrave cette liste les pronoms interrogatifs kantilde (quand) ntildeaata (combien) et
naka (comment)105 qui ont eacutegalement un comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des
pronoms personnels forts
422 Les pronoms sujets
Les pronoms faibles sujets semploient dans toutes les constructions preacutedicatives qui ne
focalisent pas le sujet Ils apparaissent sous une forme libre cest-agrave-dire morphologiquement
indeacutependante au subjonctif-conseacutecutif (211a) et dans les relatives introduites par un relativiseur
finissant par -i ou -a (211b)
211) a Mu tagraveggook jeumlkkeumlram (Diouf et al 2009 10)
s3SG divorceravec mariPOSS3SG
lsquoElle avait divorceacute de son marirsquo
b Ba nga solee sama dagravell =yihellip (Diouf 2003 397)
TEMP S2SG porterANT POSS1SG chaussure =CLyDFPX
lsquoQuand tu as mis mes chaussureshelliprsquo
Par contre les pronoms sujets apparaissent sous une forme lieacutee dans toutes les autres
constructions preacutedicatives (212a-g) ainsi que dans les relatives introduites par un relativiseur
(213a) ou un subordonnant (213b) finissant par -u Dans toutes ces constructions le pronom sujet
samalgame au marqueur preacutedicatif ou au relativiseur
212) a Ceeb =la-a togg (Diouf 2003 81)
riz =FOCC-S1SG cuisiner
lsquoCest du riz que jai cuisineacutersquo
b Gis =na-a xale =bi (Diouf 2003 70)
voir =PRF-S1SG enfant =CLbDFPX
lsquoJai vu lenfantrsquo
105 naka est synonyme de nan (cf Tableau 43)
- 211 -
c Dina-a fomm sama yoon (Diouf 2003 129)
FUT-S1SG surseoir POSS1SG chemin
lsquoJe remettrai mon voyage agrave plus tardrsquo
d Na-a am xaalis (Church 1981 103)
OPT-S1SG avoir argent
lsquoQue jaie de largent rsquo
e Da-nga deumlpp sa simis (Diouf 2003 102)
FOCV-S2SG mettre_agrave_lenvers POSS2SG chemise
lsquoTu as mis ta chemise agrave lenversrsquo
f Doo dem (Diouf 2003 183)
du-a dem
FUTNEG-S2SG partir
lsquoTu ne partiras pasrsquo
g Meumln-u-ma feacuteey (Diouf 2003 123)
pouvoir-PRFNEG-S1SG nager
lsquoJe ne sais pas nagerrsquo
213) a Jeacuteego boo defhellip (Diouf 2003 164)
jeacuteego bu-a def
pas CLbREL-S2SG faire
lsquoChaque pas que tu faishelliprsquo
b Soo demee seen keumlrhellip (Diouf 2003 68)
su-a dem-ee seen keumlr
HYP-S2SG partir-ANT POSS3PL maison
lsquoSi tu vas chez euxhelliprsquo
En regardant la liste complegravete des paradigmes de conjugaison du wolof (Church 1981 43 Njie
1982 101-102 Torrence 2013a 39) on constate que presque toutes les constructions preacutedicatives
preacutesentent un paradigme de pronoms sujets lieacutes diffeacuterent
- 212 -
Tableau 44 - Inventaire des pronoms sujets106
SG PL
1 2 3 1 2 3
Libre ma nga mu nu ngeen ntildeu
Lieacute -(m)a -(ng)a -Oslash -nu -(ng)een -ntildeu
FOCC (la) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
PRF (na) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
FUT di(na) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
OPT na -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
FOCV da(fa) -ma -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
FUTNEG du -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
HYP su -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
TEMP bu -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu
REL CL-u -ma -a -mu -nu -ngeen -ntildeu
PRFNEG -u(l)- -ma -a -Oslash -nu -een -ntildeu
PROH bu(l) -ma -Oslash -mu -nu -een -ntildeu
IMP -(a)l -Oslash -een
La diversiteacute des paradigmes nest pas aussi importante quon pourrait le penser En effet
quelques regravegles simples permettent de rendre compte de la plupart de ces formes
bull Le pronom 1SG -ma perd sa consonne initiale sauf lorsque la voyelle du marqueur est [u] ainsi
que dans la construction Focalisation du verbe107
bull Le pronom 2SG -nga perd sa consonne initiale dans les constructions dont la voyelle du
marqueur est [u] Il y a alors coalescence vocalique u-a rarr oo108 La seule exception concerne
la forme du parfait neacutegatif qui est geacuteneacuteralement -uloo en wolof contemporain (214a)
Neacuteanmoins la forme -oo est eacutegalement attesteacutee (214b) Church (1981 144) et Fal (1999 85)
signalent eacutegalement la forme -ula qui se trouve ecirctre la seule forme attesteacutee dans les
grammaires du XIXe siegravecle (Dard 1826 64 Roger 1829 83 Boilat 1858 113 Kobegraves
106 La seconde ligne du tableau preacutesente le paradigme geacuteneacuteral des pronoms sujets lieacutes Les lignes suivantes preacutesententles paradigmes de toutes les constructions preacutedicatives La premiegravere colonne indique le nom de la construction et laseconde donne la forme du marqueur Le indique que le marqueur apparaicirct sous sa forme complegravete danslamalgame avec le pronom sujet et le indique que le marqueur apparaicirct sous sa forme tronqueacutee (la partie entreparenthegraveses disparaicirct) Par exemple la deuxiegraveme personne du singulier du futur est -nga cest-agrave-dire que lemarqueur di(na) apparaicirct sous sa forme tronqueacutee di-nga
107 Nous reviendrons sur le paradigme de la construction Focalisation du verbe en (sect 114)108 Le -l final de la marque de la neacutegation (-ul) tombe devant un pronom faible (Diouf 2009 198)
- 213 -
1869 256) Nous pouvons donc supposer que la forme -ula est devenue -oo en raison de la
chute du -l La forme -oo aurait ensuite eacuteteacute reacuteanalyseacutee comme le pronom 2SG entraicircnant une
reacuteintroduction du suffixe -ul
bull Le pronom 3SG nest jamais exprimeacute le marqueur apparaicirct seul sous sa forme complegravete La
seule exception est le prohibitif ougrave le pronom apparaicirct sous la forme mu Deux raisons peuvent
expliquer cette exception Premiegraverement cette forme permet deacuteviter une homophonie avec la
subordonneacutee temporelle Deuxiegravemement le prohibitif eacutetant leacutequivalent neacutegatif de limpeacuteratif il
est attendu que la forme non marqueacutee soit la forme de deuxiegraveme personne du singulier
bull Le pronom 1PL est -nu dans toutes les constructions109
bull Le pronom 2PL -ngeen perd sa consonne initiale dans les constructions dont la consonne finale
est -l
bull Le pronom 3PL est -ntildeu dans toutes les constructions
214) a Xam-ul-oo jeumlreumljeumlf (Diouf 2003 169)
savoir-PRFNEG-S2SG merci
lsquoTu ne sais pas dire mercirsquo
b Xam-oo ne doktoor =boobu liggeacuteeyatul (Diouf 2003 494)
savoir-PRFNEGS2SG COMP docteur =CLbDEMPX travaillerITERNEG
lsquoTu ne sais pas que ce meacutedecin nexerce plusrsquo
Indeacutependamment de leur forme les paradigmes de pronoms sujets se distinguent par leur
distribution (Robert 2000 233 Gueacuterin 2015b 151-153) En effet on constate que le pronom sujet
occupe la mecircme position syntaxique que le sujet lexical agrave loptatif la focalisation du compleacutement le
prohibitif le relative et le subjonctif-conseacutecutif alors que dans toutes les autres constructions le
pronom sujet se place immeacutediatement apregraves le marqueur preacutedicatif alors que le sujet lexical se
place en tecircte deacutenonceacute (Ch 2) Par conseacutequent agrave loptatif la focalisation du compleacutement le
prohibitif le relative et le subjonctif-conseacutecutif il est impossible davoir agrave la fois le sujet
pronominal et le sujet lexical (215a-c) agrave moins que ce dernier ne soit topicaliseacute (215d) Ainsi dans
ces constructions le pronom sujet se comporte reacuteellement comme un pronom cest-agrave-dire quil
remplace un nom
109 Un grand nombre de locuteurs ne distinguent plus la premiegravere et la troisiegraveme personne du pluriel Ils prononcerontntildeu dans les deux cas (Church 1981 Ch 7)
- 214 -
215) a Na-ntildeu dem
OPT-S3PL partir
lsquoQuils partent rsquo
b Na xale =yi dem
OPT enfant =CLyDFPX partir
lsquoQue les enfants partent rsquo
c Na-ntildeu xale =yi dem
OPT-S3PL enfant =CLyDFPX partir
d Xale =yi =na-ntildeu dem
enfant =CLyDFPX =OPT-S3PL partir
lsquoLes enfants quils partent rsquo
En revanche dans les autres constructions la preacutesence du sujet lexical implique neacutecessairement
la preacutesence du sujet pronominal (216a-c) Par ailleurs on remarque que la place du sujet lexical en
tecircte de phrase est analogue agrave celle du sujet topicaliseacute
216) a Dem =na-ntildeu
partir =PRF-S3PL
lsquoIls sont partisrsquo
b Xale =yi dem =na-ntildeu
enfant =CLyDFPX partir =PRF-S3PL
lsquoLes enfants sont partisrsquo
c Xale =yi dem =na
enfant =CLyDFPX partir =PRF
Si lon applique les critegraveres deacutefinis par Zwicky amp Pullum (1983)110 aux pronoms sujets on
constate quils se comportent plutocirct comme des affixes (agrave lexception du pronom sujet libre) En
effet ils ont un degreacute eacuteleveacute de seacutelection par rapport agrave leur hocircte puisquil ne peut sagir que du
marqueur preacutedicatif ou dun relativiseur Le paradigme preacutesente une lacune arbitraire puisque la
110 cf (sect 515) pour la liste deacutetailleacutee des critegraveres
- 215 -
troisiegraveme personne du singulier est non marqueacutee111 Ils preacutesentent de nombreuses idiosyncrasies
morphophonologiques puisque leur forme diffegravere en fonction du marqueur preacutedicatif (Tableau 44)
De plus ils ne peuvent pas sattacher agrave une seacutequence contenant des clitiques Tous ces critegraveres
tendent agrave montrer que les pronoms sujets du wolof sont des affixes sujets
Il convient maintenant de sinterroger sur la nature exacte de ces affixes sujets Corbett (2003
2006 99-112) propose de distinguer les laquo pures raquo marques daccord les affixes pronominaux et les
pronoms libres Les affixes pronominaux occupent une position intermeacutediaire entre les marques
daccord et les pronoms libres puisquils se comportent syntaxiquement comme des pronoms libres
(ils sont arguments du verbe) mais ils se comportent morphologiquement comme des marques
daccord (ils ne sont pas autonomes)
Tableau 45 - Syntaxe et morphologie des affixes pronominaux
syntaxe non argument argument
eacuteleacutementlinguistique
lsquopurersquo marquedaccord
affixepronominal
pronomlibre
morphologie forme flexionelle forme libre
Corbett propose cinq critegraveres permettant de distinguer les marques daccord les affixes
pronominaux et les pronoms libres
bull Rocircles casuels Les affixes pronominaux marquent les principales positions argumentales
(geacuteneacuteralement deux) les marques daccord nen marquent quune seule et les pronoms libres
les marquent toutes
bull Reacutefeacuterentialiteacute Les marques daccord ont le plus faible degreacute de reacutefeacuterentialiteacute les affixes
pronominaux sont freacutequemment reacutefeacuterentiels et les pronoms libres sont geacuteneacuteralement
reacutefeacuterentiels
bull Contenu descriptif Les marques daccord ont un faible contenu descriptif alors que celui
des pronoms est eacuteleveacute
bull Eacutequilibre de linformation La marque daccord et le SN auquel elle reacutefegravere partagent le
mecircme nombre de traits alors que les pronoms et les affixes pronominaux peuvent exprimer
des traits qui ne sont pas porteacutes par le SN
bull Multirepreacutesentation La marque daccord et le SN indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent sont
111 Cette lacune est cependant freacutequente dans les langues eacutetant donneacute que la troisiegraveme personne laquo a pour fonctiondexprimer la non-personne raquo (Benveniste 1946 228)
- 216 -
geacuteneacuteralement tous les deux preacutesents dans la mecircme proposition laffixe pronominal et le SN
indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent peuvent ecirctre tous les deux preacutesents dans la mecircme proposition
alors que le pronom libre et le SN indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent sont en distribution
compleacutementaire
En appliquant les critegraveres de Corbett aux pronoms sujets du wolof on constate quils expriment
tous une seule fonction celle de sujet Concernant la reacutefeacuterentialiteacute on peut dire que les affixes
utiliseacutes agrave loptatif la focalisation du compleacutement le prohibitif et le relatif sont plutocirct reacutefeacuterentiels
puisquils sont incompatibles avec un sujet lexical alors que les affixes utiliseacutes dans les autres
constructions sont moins reacutefeacuterentiels Quelque soit la construction les pronoms sujets ont peu de
contenu descriptif car ils ne marquent aucune diffeacuterence de genre de classe nominale etc seule la
personne et le nombre sont marqueacutes Pour les mecircmes raisons nous pouvons dire que le contenu
informatif est relativement eacutequilibreacute entre un SN sujet et les pronoms sujets Enfin la
multirepreacutesentation est impossible (ou plutocirct possible uniquement lorsque que le sujet lexical est
topicaliseacute) dans les constructions optatif focalisation du compleacutement et prohibitif alors quelle est
normale dans les autres constructions (Guerin 2015b 151-153)
Tableau 46 - Statut des pronoms sujets
Libre REL FOCC OPT PROH PRF FUTPRF
NEG
FUT
NEGFOCV
Morphologie Libre Lieacute
Rocircles casuels1
(sujet)
Reacutefeacuterentialiteacute Max Eacuteleveacutee Faible
Contenu descriptif
Faible
Eacutequilibre de linformation
Agrave peu pregraves eacutegal
Multi-repreacutesentation
ExcluePossible(topique)
Normale
StatutPronom
libreAffixe pronominal Marque daccord
Le marquage des rocircles casuels le contenu descriptif et leacutequilibre de linformation tendent agrave
montrer que tous les pronoms sujets sont plutocirct des marques daccord Neacuteanmoins le degreacute de
reacutefeacuterentialiteacute ainsi que la multirepreacutesentation permettent dopeacuterer une distinction entre les affixes
sujets de loptatif la focalisation du compleacutement et le prohibitif et les autres Les premiers se
- 217 -
rapprochent des affixes pronominaux alors que les autres sont clairement des marques daccord Le
seul cas ambigueuml concerne les relatives introduites par un relativiseur finissant par -u En effet dans
ces constructions le degreacute de reacutefeacuterentialiteacute ainsi que la multirepreacutesentation tendent agrave montrer que le
pronom sujet est un pronom libre mais le critegravere morphologique nous indique clairement quil sagit
dune forme lieacutee Nous proposons donc de lanalyser eacutegalement comme un affixe pronominal
423 Les pronoms objets
Lobjet dun verbe transitif apparaicirct sous la forme dun pronom faible objet dans toutes les
constructions preacutedicatives (217a) sauf lorsquil est focaliseacute (217b) (Ch 2)
217) a Beumlkk-deacutemb =la =ko jeacutend (Diouf 2003 66)
avant-hier =FOCCS3SG =O3SG acheter
lsquoCest avant-hier quil la acheteacutersquo
b Moom =laa woacuteolu (Diouf 2003 456)
PRO3SG =FOCCS1SG avoir_confiance
lsquoCest en lui que jai confiancersquo
Le paradigme des pronoms objets est identique pour toutes les constructions preacutedicatives
Tableau 47 - Inventaire des pronoms objets
Pronomobjet
SG
1 ma
2 la
3 ko
PL
1 nu
2 leen
3 leen
Il convient dajouter agrave cette liste le pronom partitif cica (218a) ainsi que le pronom locatif fifa
(218b) qui ont un comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des pronoms objets faibles
(Church 1981 60)
- 218 -
218) a Dama =ci mos (Diouf 2003 494)
FOCVS1SG =PRTFPX goucircter
lsquoJen ai goucircteacutersquo
b Dinaa =fa dem eumllleumlg (Diouf 2003 114)
FUTS1SG =CLLOCDT aller demain
lsquoJirai lagrave-bas demainrsquo
Comme pour le pronom sujet la distribution du pronom nest pas la mecircme dans toutes les
constructions preacutedicatives Dans la plupart des constructions le pronom objet se place entre le
marqueur preacutedicatif et le verbe (219a-d)
219) a Xaj =bi =dafa =ko magravett (Diouf 2003 214)
chien =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG mordre
lsquoLe chien la mordursquo
b Dinaa =ko seeti agravellarba (Diouf 2003 48)
FUTS1SG =O3SG voirAND mercredi
lsquoJirai le voir mercredirsquo
c Ngagravengoor =la-a ngi =ko topp (Diouf 2003 250)
foule =CLlDF=PRSTPX =O3SG suivre
lsquoLa foule le suitrsquo
d Maa =ko def (Diouf 2003 208)
PRO1SGFOCS =O3SG faire
lsquoCest moi qui lai faitrsquo
Comme nous lavons vu en (sect 411) le sujet lexical se place eacutegalement entre le marqueur
preacutedicatif et le verbe agrave loptatif la focalisation du compleacutement et le prohibitif Dans ces
constructions le pronom objet se place avant le sujet lexical (220a-c)
220) a Yagravella =na =ma Yagravella baal (Diouf 2003 56)
Dieu =OPT =O1SG Dieu pardonner
lsquoQue Dieu me pardonne rsquo
- 219 -
b Ci teumlsteumln =la =ko pont =bi jam (Diouf 2003 343)
PREPPX talon =FOCC =O3SG pointe =CLbDFPX piquer
lsquoCest au talon que la pointe la piqueacutersquo
c Bu =la sa taar jay (Diouf 2003 326)
PROH =O2SG POSS2SG beauteacute flatter
lsquoNe te laisse pas entraicircner par ta beauteacute rsquo (litt lsquoQue ta beauteacute ne te flatte pas rsquo)
Les propositions relatives ainsi que les propositions temporelles et hypotheacutetiques preacutesentent une
structure similaire En effet dans ces constructions le pronom objet se place entre le relativiseur et
le verbe mais avant le sujet lexical (221a-b)
221) a njeacutebbal =li =la sa doom =yi tagravellal (Diouf 2003 257)
offrande =CLlDFPX =O2SG POSS2SG enfant =CLyDFPX preacutesenter
lsquoloffrande que tes enfants te preacutesententrsquo
b Su =ko sa baay yeacutegeehellip (Diouf 2003 407)
HYP =O3SG POSS2SG pegravere ecirctre_au_courantANT
lsquoSi ton pegravere lapprendhelliprsquo
En revanche la place du pronom objet est diffeacuterente au parfait (222a) agrave limpeacuteratif (222b) ainsi
quau subjonctif-conseacutecutif (222c-e) (Voisin 2010 145) En effet dans ces constructions le pronom
objet se place apregraves le verbe cest-agrave-dire dans la mecircme position que lobjet lexical (sect 412)
222) a Gis =nanu =ko (Diouf 2009 91)
voir =PRFS1PL =O3SG
lsquoNous lavons vursquo
b Jeacutel =ko (Diouf 2009 84)
prendreIMPS2SG =O3SG
lsquoPrends-le rsquo
c Mu def =ko (Church 1981 53)
S3SG faire =O3SG
lsquoQuil le fasse rsquo
- 220 -
d Dafa beumlgg nu gis =ko (Diouf 2003 262)
FOCVS3SG vouloir S1PL voir =O3SG
lsquoIl veut que nous le voyionsrsquo
e Ntildeeumlw =na ngir mu jaay =ko (Church 1981 53)
venir =PRFS3SG pour S3SG vendre =O3SG
lsquoElle est venue pour le vendrersquo
Lobjet pronominal est une uniteacute phonologiquement faible En effet il ne porte pas daccent
lexical et sa voyelle sharmonise avec celle du mot qui le preacutecegravede (223a-d) (Ka 1994 55)
223) a Dangeen =fa geacutenn (Ka 1994 56)
[dɐnɡɛːn =fɐ ɡenː][-ATR] [-ATR] [+ATR]
FOCVS2PL =CLLOCDFDT sortir
lsquoVous ecirctes sortis de lagraversquo
b Moacuteodu =dafa =fa xam (Ka 1994 57)
[moːdu =dəfə =fə χɐm][+ATR] [+ATR] [+ATR] [-ATR]
Modou =FOCVS3SG =CLLOCDFDT savoir
lsquoModou connaicirct cet endroitrsquo
c Xale =ya =dinantildeu =ko doacuteor (Ka 1994 57)
[χɐlɛ =jɐ =dinɐɲu =kɔ doːr][-ATR] [-ATR] [-ATR] [-ATR] [+ATR]
enfant =CLyDFDT =FUTS3PL =O3SG frapper
lsquoLes enfants le frapperontrsquo
d Gis =na =ko (Ka 1994 55)
[ɡis =nə =ko][+ATR] [+ATR] [+ATR]
voir =PRFS3SG =O3SG
lsquoIl le voitrsquo
- 221 -
Il convient donc de sinterroger sur son statut morphosyntaxique exact dans la langue sagit-il
dun affixe ou dun clitique Si lon se fie aux critegraveres de Zwicky amp Pullum (1983)112 le pronom
objet est un clitique En effet il ne preacutesente aucune lacune arbitraire dans la combinaison avec son
hocircte puisquil peut apparaicirctre avec tous les verbes transitifs Il ne preacutesente pas non plus
didiosyncrasie morphophonologique ou seacutemantique puisquil a toujours la mecircme forme et le mecircme
sens quelque soit son hocircte113 Enfin luniteacute quil forme avec son hocircte ne peut ecirctre affecteacutee par des
regravegles syntaxiques
Plus preacuteciseacutement on peut analyser les pronoms objets comme des clitiques speacuteciaux114 (Zribi-
Hertz amp Diagne 2002 872) En effet ce sont des morphegravemes monosyllabiques (ma la ko nu
leen leen) phonologiquement faibles qui remplissent une fonction grammaticale susceptible decirctre
remplie par un eacuteleacutement non clitique (en loccurrence un SN) mais qui napparaissent pas dans la
mecircme position syntaxique Nous pouvons consideacuterer que lhocircte de ce clitique est la tecircte syntaxique
de la proposition cest-agrave-dire le marqueur preacutedicatif ou agrave deacutefaut (au subjonctif-conseacutecutif et agrave
limpeacuteratif) le verbe lexical Cette regravegle de placement permet dexpliquer pourquoi le pronom objet
se trouve dans la mecircme position syntaxique que lobjet lexical au parfait au subjonctif-conseacutecutif et
agrave limpeacuteratif (222a-e) alors quil se place avant le verbe dans toutes les autres constructions
Par ailleurs comme nous lavons vu en (sect 412) le wolof ne distingue pas formellement les deux
objets dun verbe ditransitif Neacuteanmoins plusieurs regravegles reacutegissent lordre lineacuteaire et linterpreacutetation
seacutemantique des pronoms objets (Becher 2005 22-24 Church 1981 59-60)
bull Ordre lineacuteaire = manu gt la gt leen gt ko gt fifacica (224a-b)
bull Le pronom objet en premiegravere position est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (224a-b)
224) a Jox =na =ma =ko (Becher 2005 22)
donner =PRFS3SG =O1SG =O3SG
lsquoIl me la donneacutersquo
b Dama =la =ko =fa beumlgg=a yoacutebbul (Diouf 2009 100)
FOCVS1SG =O2SG =O3SG =CLLOCDFDT vouloir=DV emmenerBEN
lsquoJe veux te ly emmenerrsquo
112 cf (sect 515) pour la liste deacutetailleacutee des critegraveres113 Agrave lexception des variations dues agrave lharmonie vocalique Mais ces variations sont preacutevisibles et ne peuvent donc
pas ecirctre consideacutereacutees comme idiosyncrasiques114 cf Zwicky (1977) pour une preacutesentation deacutetailleacutee de lopposition clitiques simples clitiques speacuteciaux
- 222 -
Selon ces regravegles plusieurs combinaisons de pronoms objets sont impossibles Dans ces cas le
pronom objet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel
introduit par la preacuteposition ci Par exemple si le beacuteneacuteficiaire est agrave la troisiegraveme personne du singulier
alors que le thegraveme est agrave la premiegravere personne du singulier le pronom objet ayant la fonction de
beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (225a) ou si le beacuteneacuteficiaire est agrave la
troisiegraveme personne du pluriel alors que le thegraveme est agrave la deuxiegraveme personne du singulier le pronom
objet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (225b) (Becher
2005 22-23)
225) a Jaay =na =ma [ci moom] (Becher 2005 23)
donner =PRFS3SG =O1SG PREPPX PRO3SG
lsquoIl ma vendu agrave luirsquo
b Jaay =na =la [ci ntildeoom] (Becher 2005 23)
donner =PRFS3SG =O2SG PREPPX PRO3PL
lsquoIl ta vendu agrave euxrsquo
Enfin si lun des objets est un pronom objet alors que lautre est un objet lexical on relegraveve les
regravegles suivantes (Becher 2005 21-22)
bull Ordre lineacuteaire = Objet pronominal gt Objet lexical (226a)
bull Le pronom objet est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (226a)
Selon ces regravegles il est impossible davoir un beacuteneacuteficiaire exprimeacute par un objet lexical et un
thegraveme exprimeacute par un pronom objet Dans ce cas lobjet lexical ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire
doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel introduit par la preacuteposition ci (226b)
226) a Jox =naa =ko benn velo (Becher 2005 21)
donner =PRFS1SG =O3SG CLbSING veacutelo
lsquoJe lui ai donneacute un veacutelorsquo
b Jox =naa =ko [ci benn xale bu jigeacuteeacuten](Becher 2005 22)
donner =PRFS1SG =O3SG PREPPX CLbSING enfant CLbREL ecircfemelle
lsquoJe lai donneacute agrave une fillersquo
- 223 -
43 La voix impersonnelle
Le wolof dispose dun morphegraveme -ees qui bloque lexpression de largument sujet et donne une
valeur impersonnelle au preacutedicat115 Ce marqueur a donc une valeur similaire agrave celle dun passif
impersonnel Neacuteanmoins les marqueurs de passif impersonnel ont eacutegalement des emplois de passif
canonique Or le marqueur -ees est uniquement utiliseacute dans des constructions impersonnelles Cest
pour cette raison que Creissels et al (2015 64-65) preacutefegraverent parler de laquo voix impersonnelle raquo
Ce marqueur a un comportement morphosyntaxique idiosyncratique En effet au parfait il se
suffixe au verbe lexical comme les suffixes de diathegravese (227a-c) Neacuteanmoins au futur (ou parfait
imperfectif) il ne se placera pas sur le verbe lexical mais sur le verbe auxiliaire di comme les
suffixes flexionnels de passeacute ou de neacutegation (227d-e)
227) a Xam=ees =na =ko (Creissels et al 2015 64)
savoir=IMPS =PRF =O3SG
lsquoOn sait ccedilarsquo
b (hellip) bu =ma =ci duggee leegi (Diouf et al 2009 108)
TEMP =1SG =PRTFPX entrerANT maintenant
man=ees =na =ma def dara
pouvoir=IMPS =PRF =O1SG faire quelque_chose
lsquo(hellip) si jentre maintenant quelquun peut me creacuteer des ennuisrsquo
c Meumln-ees-u =ko beumltt (Creissels et al 2015 64)
pouvoir-IMPS-PRFNEG =O3SG percer
lsquoOn ne peut pas porter atteinte agrave celarsquo
d Santildesantilde =yooyu d=ees =na =leen doxal (Creissels et al 2015 65)
droit =CLyDEMPX IPF=IMPS =PRF =O3PL marcherCAUS
lsquoLes droits en question on les met en œuvrersquo
e Ntildeam d-ees-u =ko xeentildetu (Diouf 2003 558)
aliment IPF-IMPS-PRFNEG =O3SG renifler
lsquoLes aliments on ne les renifle pasrsquo
115 Il est geacuteneacuteralement traduit par le pronom laquo on raquo en franccedilais
- 224 -
Ces exemples pourraient laisser supposer que -ees est un suffixe flexionnel Cependant dans
dautres constructions il napparaicirct pas sur le verbe Ainsi agrave la focalisation du compleacutement il
samalgame au marqueur preacutedicatif la faisant chuter sa voyelle finale (228a-b) Dans les relatives il
samalgame au relativiseur faisant chuter sa voyelle finale (le reacuteduisant ainsi agrave une marque de
classe) (229a-c) Dans ces deux cas -ees occupe la mecircme position que lindice sujet
228) a Noonu =l=ees di doxale (Creissels et al 2015 64)
CLMNRDEMPX =FOCC=IMPS IPF marcherCAUSAPPL
lsquoCest ainsi que lon procegravedersquo
b Foofu =l=ees (Perrin 2005 122)
CLLOCDEMPX =FOCC=IMPS
lsquoCest ougrave rsquo
229) a N=ees =ko=y jeumlfandikoo (Creissels et al 2015 65)
CLMNRREL=IMPS =O3SG=IPF utiliser
lsquoLa faccedilon dont on lutilisersquo
b F=ees di dem (Creissels et al 2015 65)
CLLOCREL=IMPS IPF aller
lsquoLendroit ougrave on varsquo
c L=ees wax-ul (Diouf 2003 199)
CLCHSGREL=IMPS dire-NEG
lsquoCe quon na pas ditrsquo
Selon Creissels et al (2015 65) laquo ce morphegraveme -ees ne peut donc ecirctre deacutecrit que comme un
clitique qui occupe obligatoirement la deuxiegraveme position dans la seacutequence formeacutee par le lexegraveme
verbal et les clitiques qui sattachent agrave sa gauche si aucun autre clitique ne se place agrave gauche du
lexegraveme verbal -ees sattache immeacutediatement agrave droite du lexegraveme verbal sinon il se place en
deuxiegraveme position dans la chaicircne des proclitiques raquo Comme le notent les auteurs aucun autre
morphegraveme ne preacutesente un comportement semblable en wolof En effet aucun autre morphegraveme de la
langue ne preacutesente ce type de placement ou ne provoque ce type deacutelision vocalique (228-229) Par
ailleurs tous les autres clitiques de la langue sont agrave attaque consonantique -ees serait le seul
clitique agrave attaque vocalique De plus dans les eacutenonceacutes au futur neacutegatif (ou parfait neacutegatif
- 225 -
imperfectif) il se place entre le verbe et le suffixe de neacutegation (227ce) lanalyser comme un
clitique pose donc problegraveme En effet soit il faut revoir lanalyse de -ul et consideacuterer quil sagit dun
clitique et non dun suffixe soit il faut consideacuterer que -ul se suffixe agrave -ees dans les deux cas
lanalyse est peu eacuteconomique et discutable Enfin du point de vue de sa fonction ce marqueur peut
ecirctre rapprocheacute des marqueurs de diathegravese ou des indices de personne mais son comportement
morphosyntaxique lexclut de ces deux paradigmes
44 Les schegravemes de preacutedications verbales
Creissels (1991 405) deacutefinit un schegraveme de preacutedication comme eacutetant laquo la structure commune agrave
un ensemble homogegravene de preacutedicats cest-agrave-dire lensemble des proprieacuteteacutes combinatoires qui
caracteacuterisent la saturation des valences de ces preacutedicats par des constituants nominaux ou des
indices pronominaux raquo116 Par exemple Creissels (2008 77) preacutesente le schegraveme canonique de
preacutedication verbale pour le mandinka
230) S p (O) V (X)
Koacutedoo buacuteka neacuteemoo diacutei mograveolu laacute
argentDET HABNEG bonheurDET donner personneDETPL POSTP
lsquoLargent ne fait pas le bonheurrsquo
Il ne semble pas possible de deacutefinir un schegraveme canonique pour le wolof en synchronie En effet
comme nous lavons vu en (sect 41) et (sect 42) la position des arguments lexicaux et des arguments
pronominaux varie dune construction preacutedicative agrave lautre (Tableau 48)
On note neacuteanmoins que certaines constructions ont des schegravemes formellement identiques
bull Focalisation du sujet Preacutesentatif S=s=p=o V O
bull Focalisation du verbe Futur Futur neacutegatif S=p-s=o V O
bull Optatif Prohibitif Relatif117 Focalisation du compleacutement118 p-s=o S V O
116 Creissels (1983 1991) introduit la notion de laquo schegraveme de preacutedication raquo afin dapprofondir la notion de laquo schegravemedeacutenonceacute raquo proposeacutee par Houis (1977 1981)
117 Dans les propositions relatives le relativiseur a un comportement morphosyntaxique semblable agrave celui dunmarqueur preacutedicatif (sect 244)
118 Si lon ne tient pas compte de leacuteleacutement focaliseacute
- 226 -
Tableau 48 - Inventaire des schegravemes de preacutedication
ArgumentsGeacuteneacuteral
Lexicaux Pronominaux
Subjonctif-Conseacutecutif S V O s V=o S s V=o O
Impeacuteratif V-p-s O V-p-s=o V-p-s=o O
Parfait S V=p-s O V=p-s=o S V=p-s=o O
Parfait Neacutegatif S V-p-s O V-p-s=o S V-p-s=o O
Focalisation du sujet S=p V O s-p=o V S=s=p=o V O
Preacutesentatif S=p V O s-p=o V S=s=p=o V O
Focalisation du verbe S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O
Futur S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O
Futur Neacutegatif S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O
Focalisation du compleacutement
X=p S V OO=p S V
X=p-s=o VO=p-s V
X=p-s=o S V OO=p-s S V
Optatif p S V O p-s=o V p-s=o S V O
Prohibitif p S V O p-s=o V p-s=o S V O
Relatif p S V O p-s=o V p-s=o S V O
Par ailleurs on remarque que leacuteleacutement focaliseacute dans les constructions focalisation du sujet
preacutesentatif et focalisation du compleacutement se place immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif Ces
constructions ayant un impact sur la structure informationnelle de leacutenonceacute on peut consideacuterer que
ces eacuteleacutements mis en focus noccupent pas une position canonique mais une position speacutecifique au
focus situeacutee immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif
231) FOC =p-s =o S V O
a Ceeb =la Omar lekk lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo
riz =FOCC Omar manger
b Deacutemb =la Omar lekk ceeb lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo
hier =FOCC Omar manger riz
c Deacutemb =la-a =ko lekk lsquoCest hier que je lai mangeacutersquo
hier =FOCC-S1SG =O3SG manger
d Omar =a lekk ceeb lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo
Omar =FOCS manger riz
e Ma =a =ko lekk lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo
PRO1SG =FOCS =O3SG manger
- 227 -
f Omar =a ngi lekk ceeb lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo
Omar =PRSTPX manger riz
g Ma =a ngi =ko lekk lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo
PRO1SG =PRSTPX =O3SG manger
Neacuteanmoins ce schegraveme ne sapplique pas agrave la focalisation du verbe et ne peut donc pas ecirctre
geacuteneacuteraliseacute agrave toutes les constructions focalisantes
- 228 -
CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE I I
La conjugaison du wolof sorganise autour dun nombre limiteacute de constructions eacuteleacutementaires que
nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo Ces constructions encodent diffeacuterents types de
cateacutegories grammaticales focalisation aspect temps mode etou polariteacute Nous identifions douze
constructions preacutedicatives focalisation du sujet (FOCS) preacutesentatif (PRST) focalisation du
compleacutement (FOCC) focalisation du verbe (FOCV) parfait (PRF) parfait neacutegatif (PRFNEG) futur (FUT)
futur neacutegatif (FUTNEG) impeacuteratif (IMP) optatif (OPT) prohibitif (PROH) et subjonctif-conseacutecutif (SUBJ)
Ces constructions sont en distribution compleacutementaire Par exemple aucune forme verbale ne
pourra porter simultaneacutement des valeurs de parfait et de focalisation du sujet mecircme si aucune
contrainte seacutemantique ne semble sy opposer Chaque construction se caracteacuterise par un schegraveme
morphosyntaxique speacutecifique un paradigme personnel ainsi quun marqueur speacutecifique (ou une
absence de marqueur)
Les constructions preacutedicatives constituent la base sur laquelle se construit la preacutedication verbale
Ainsi linstanciation dune construction preacutedicative constitue une proposition syntaxiquement
autonome Par ailleurs nous pouvons identifier quatre constructions preacutesentant eacutegalement un
schegraveme morphosyntaxique speacutecifique mais utiliseacutee uniquement pour former des propositions
deacutependantes infinitif (INF) relatif (REL) et les subordonneacutees hypotheacutetiques (HYP) et temporelles
(TEMP)
Toutes les cateacutegories verbales du wolof ne sont pas exprimeacutees par des constructions preacutedicatives
Ainsi limperfectif le passeacute et dans certains cas la polariteacute sont exprimeacutees par dautres proceacutedeacutes
venant sajouter agrave une construction preacutedicative
La polariteacute neacutegative est exprimeacutee de diffeacuterentes maniegraveres selon la construction preacutedicative
consideacutereacutee Certaines constructions preacutedicatives disposent dune construction preacutedicative neacutegative
eacutequivalente PRFNEG FUTNEG et PROH (cest-agrave-dire IMPNEG et OPTNEG) Avec dautres constructions la
neacutegation est exprimeacutee par le suffixe -(w)ul sur le verbe lexical FOCS FOCC FOCV REL HYP et TEMP
Enfin avec dautres constructions la neacutegation est exprimeacutee par le verbe auxiliaire bantilde (refuser)
PRST SUBJ et INF
Laspect imperfectif est exprimeacute par lajout du verbe auxiliaire di (ou de sa forme clitique =y) agrave
- 229 -
une construction preacutedicative Laspect perfectif est simplement exprimeacute par une absence de
marqueur speacutecifique En outre le futur est issu de la grammaticalisation du verbe auxiliaire di au
parfait ce qui explique lidentiteacute des formes du parfait imperfectif et du futur perfectif
Le passeacute est exprimeacute par lajout du marqueur (w)oon agrave une construction preacutedicative Le statut de
ce marqueur (affixe clitique verbe auxiliaire) varie en fonction de la construction Le passeacute reculeacute
est exprimeacute par le suffixe -(w)aan sur le verbe lexical Neacuteanmoins ses emplois sont tregraves limiteacutes Il
est attesteacute uniquement dans les subordonneacutees temporelles ou suffixeacute agrave lauxiliaire dimperfectif Le
non-passeacute est simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique En outre les
constructions injonctives (IMP OPT PROH) sont incompatibles avec les marques de passeacute et de passeacute
reculeacute
La personne et le nombre sont exprimeacutes de diffeacuterentes maniegraveres selon la construction preacutedicative
consideacutereacutee Ces cateacutegories sont exprimeacutees par une marque daccord avec PRF PRFNEG FUT FUTNEG
et FOCV Dans toutes les autres constructions lindice ou le pronom sujet nest exprimeacute quen
labsence de sujet lexical Dans la plupart de ces constructions la marque de personne peut ecirctre
analyseacutee comme un affixe pronominal REL FOCC OPT et PROH Seules deux constructions expriment
la personne par un pronom sujet libre SUBJ et les relatives introduites par un relativiseur reacutefeacuterentiel
Par ailleurs deux constructions mettent le sujet en position focus FOCS et PRST Dans ces
constructions le pronom sujet peut ecirctre analyseacute comme un pronom fort lieacute au marqueur preacutedicatif
Enfin 3SG est exprimeacute par une absence de marque speacutecifique sauf avec PROH SUBJ et dans les
relatives introduites par un relativiseur reacutefeacuterentiel
Le Tableau (II1) preacutesente le paradigme complet de la conjugaison des verbes du wolof en
prenant comme exemple le verbe lekk (manger)119 Le wolof eacutetant une langue agglutinante on
observe peu didiosyncrasies Ainsi ce paradigme est geacuteneacuteralisable agrave presque tous les verbes
Neacuteanmoins si le verbe est agrave finale vocalique lajout dun affixe deacuteclenche un processus
phonologique preacutedictible (eacutepenthegravese consonnantique ou fusion) Enfin quelques rares verbes
peuvent preacutesenter quelques idiosyncrasies morphophonologiques di (ecirctre) ne (dire) am (avoir) et
xam (savoir)
119 Pour des raisons de lisibiliteacute nous avons respecteacute la seacuteparation des mots imposeacutee par lorthographe officielle(sect 0445)
- 230 -
Tableau I1 - Paradigmes de conjugaison du wolof
PERFECTIF IMPERFECTIF
POL NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute
FO
CA
LIS
AT
ION
FO
CS
+
maa lekkyaa lekkmoo lekknoo lekkyeena lekkntildeoo lekk
maa lekkoonyaa lekkoonmoo lekkoonnoo lekkoonyeena lekkoonntildeoo lekkoon
maay lekkyaay lekkmooy lekknooy lekkyeenay lekkntildeooy lekk
maa doon lekkyaa doon lekkmoo doon lekknoo doon lekkyeena doon lekkntildeoo doon lekk
-
maa lekkulyaa lekkulmoo lekkulnoo lekkulyeena lekkulntildeoo lekkul
maa lekkuloonyaa lekkuloonmoo lekkuloonnoo lekkuloonyeena lekkuloonntildeoo lekkuloon
maa dul lekkyaa dul lekkmoo dul lekknoo dul lekkyeena dul lekkntildeoo dul lekk
maa duloon lekkyaa duloon lekkmoo duloon lekknoo duloon lekkyeena duloon lekkntildeoo duloon lekk
PR
ST
+
maa ngi lekkyaa ngi lekkmu ngi lekknu ngi lekkyeena ngi lekkntildeu ngi lekk
maa ngi lekkoonyaa ngi lekkoonmu ngi lekkoonnu ngi lekkoonyeena ngi lekkoonntildeu ngi lekkoon
maa ngiy lekkyaa ngiy lekkmu ngiy lekknu ngiy lekkyeena ngiy lekkntildeu ngiy lekk
maa ngi doon lekkyaa ngi doon lekkmu ngi doon lekknu ngi doon lekkyeena ngi doon lekkntildeu ngi doon lekk
-
maa ngi bantildea lekkyaa ngi bantildea lekkmu ngi bantildea lekknu ngi bantildea lekkyeena ngi bantildea lekkntildeu ngi bantildea lekk
maa ngi bantildeoona lekkyaa ngi bantildeoona lekkmu ngi bantildeoona lekknu ngi bantildeoona lekkyeena ngi bantildeoona lekkntildeu ngi bantildeoona lekk
maa ngiy bantildea lekkyaa ngiy bantildea lekkmu ngiy bantildea lekknu ngiy bantildea lekkyeena ngiy bantildea lekkntildeu ngiy bantildea lekk
maa ngi doon bantildea lekkyaa ngi doon bantildea lekkmu ngi doon bantildea lekknu ngi doon bantildea lekkyeena ngi doon bantildea lekkntildeu ngi doon bantildea lekk
FO
CC
+
ceeb laa lekkceeb nga lekkceeb la lekkceeb lanu lekkceeb ngeen lekkceeb lantildeu lekk
ceeb laa lekkoonceeb nga lekkoonceeb la lekkoonceeb lanu lekkoonceeb ngeen lekkoonceeb lantildeu lekkoon
ceeb laay lekkceeb ngay lekkceeb lay lekkceeb lanuy lekkceeb ngeen di lekkceeb lantildeuy lekk
ceeb laa doon lekkceeb nga doon lekkceeb la doon lekkceeb lanu doon lekkceeb ngeen doon lekkceeb lantildeu doon lekk
-
ceeb laa lekkulceeb nga lekkulceeb la lekkulceeb lanu lekkulceeb ngeen lekkulceeb lantildeu lekkul
ceeb laa lekkuloonceeb nga lekkuloonceeb la lekkuloonceeb lanu lekkuloonceeb ngeen lekkuloonceeb lantildeu lekkuloon
ceeb laa dul lekkceeb nga dul lekkceeb la dul lekkceeb lanu dul lekkceeb ngeen dul lekkceeb lantildeu dul lekk
ceeb laa duloon lekkceeb nga duloon lekkceeb la duloon lekkceeb lanu duloon lekkceeb ngeen duloon lekkceeb lantildeu duloon lekk
FO
CV
+
dama lekkdanga lekkdafa lekkdanu lekkdangeen lekkdantildeu lekk
dama lekkoondanga lekkoondafa lekkoondanu lekkoondangeen lekkoondantildeu lekkoon
damay lekkdangay lekkdafay lekkdanuy lekkdangeen di lekkdantildeuy lekk
dama doon lekkdanga doon lekkdafa doon lekkdanu doon lekkdangeen doon lekkdantildeu doon lekk
-
dama lekkuldanga lekkuldafa lekkuldanu lekkuldangeen lekkuldantildeu lekkul
dama lekkuloondanga lekkuloondafa lekkuloondanu lekkuloondangeen lekkuloondantildeu lekkuloon
dama dul lekkdanga dul lekkdafa dul lekkdanu dul lekkdangeen dul lekkdantildeu dul lekk
dama duloon lekkdanga duloon lekkdafa duloon lekkdanu duloon lekkdangeen duloon lekkdantildeu duloon lekk
- 231 -
PAR
FAIT
PR
F+
lekk naalekk ngalekk nalekk nanulekk ngeenlekk nantildeu
lekkoon naalekkoon ngalekkoon nalekkoon nanulekkoon ngeenlekkoon nantildeu
dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk
doon naa lekkdoon nga lekkdoon na lekkdoon nanu lekkdoon ngeen lekkdoon nantildeu lekk
PR
FN
EG
-
lekkumalekkuloolekkullekkunulekkuleenlekkuntildeu
lekkuma woonlekkuloo woonlekkuloonlekkunu woonlekkuleen woonlekkuntildeu woon
duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk
duma woon lekkdoo woon lekkdu woon lekkdunu woon lekkdungeen woon lekkduntildeu woon lekk
FU
TU
R
FU
T
+
dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk
doon naa lekkdoon nga lekkdoon na lekkdoon nanu lekkdoon ngeen lekkdoon nantildeu lekk
dinaay lekkdingay lekkdinay lekkdinanuy lekkdingeen di lekkdinantildeuy lekk
na
FU
TN
EG
-
duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk
duma woon lekkdoo woon lekkdu woon lekkdunu woon lekkdungeen woon lekkduntildeu woon lekk
dumay lekkdooy lekkduy lekkdunuy lekkdungeen di lekkduntildeuy lekk
na
INJO
NC
TIO
N
OP
T
+
naa lekknanga lekkna lekknanu lekknangeen lekknantildeu lekk
na
naay lekknangay lekknay lekknanuy lekknangeen di lekknantildeuy lekk
na
IMP
+ lekkallekkleen
nadil lekkdileen lekk
na
PR
OH
-
bu ma lekkbul lekkbu mu lekkbu nu lekkbuleen lekkbu ntildeu lekk
na
bu may lekkbul di lekkbu muy lekkbu nuy lekkbuleen di lekkbu ntildeuy lekk
na
SU
BJ
+
ma lekknga lekkmu lekknu lekkngeen lekkntildeu lekk
ma lekkoonnga lekkoonmu lekkoonnu lekkoonngeen lekkoonntildeu lekkoon
may lekkngay lekkmuy lekknuy lekkngeen di lekkntildeuy lekk
ma doon lekknga doon lekkmu doon lekknu doon lekkngeen doon lekkntildeu doon lekk
-
ma bantildea lekknga bantildea lekkmu bantildea lekknu bantildea lekkngeen bantildea lekkntildeu bantildea lekk
ma bantildeoona lekknga bantildeoona lekkmu bantildeoona lekknu bantildeoona lekkngeen bantildeoona lekkntildeu bantildeoona lekk
may bantildea lekkngay bantildea lekkmuy bantildea lekknuy bantildea lekkngeen di bantildea lekkntildeuy bantildea lekk
na
INF + lekk lekkoon di lekk doon lekk
- bantildea lekk bantildeoona lekk di bantildea lekk doon bantildea lekk
- 232 -
SU
BO
RD
ON
NEacute
E
RE
L R
EF
+
li ma lekkli nga lekkli mu lekkli nu lekkli ngeen lekkli ntildeu lekk
li ma lekkoonli nga lekkoonli mu lekkoonli nu lekkoonli ngeen lekkoonli ntildeu lekkoon
li may lekkli ngay lekkli muy lekkli nuy lekkli ngeen di lekkli ntildeuy lekk
li ma doon lekkli nga doon lekkli mu doon lekkli nu doon lekkli ngeen doon lekkli ntildeu doon lekk
-
li ma lekkulli nga lekkulli mu lekkulli nu lekkulli ngeen lekkulli ntildeu lekkul
li ma lekkuloonli nga lekkuloonli mu lekkuloonli nu lekkuloonli ngeen lekkuloonli ntildeu lekkuloon
li ma dul lekkli nga dul lekkli mu dul lekkli nu dul lekkli ngeen dul lekkli ntildeu dul lekk
li ma duloon lekkli nga duloon lekkli mu duloon lekkli nu duloon lekkli ngeen duloon lekkli ntildeu duloon lekk
RE
L N
RE
F
+
lu ma lekkloo lekklu mu lekklu nu lekklu ngeen lekklu ntildeu lekk
lu ma lekkoonloo lekkoonlu mu lekkoonlu nu lekkoonlu ngeen lekkoonlu ntildeu lekkoon
lu may lekklooy lekklu muy lekklu nuy lekklu ngeen di lekklu ntildeuy lekk
lu ma doon lekkloo doon lekklu mu doon lekklu nu doon lekklu ngeen doon lekklu ntildeu doon lekk
-
lu ma lekkulloo lekkullu mu lekkullu nu lekkullu ngeen lekkullu ntildeu lekkul
lu ma lekkuloonloo lekkuloonlu mu lekkuloonlu nu lekkuloonlu ngeen lekkuloonlu ntildeu lekkuloon
lu ma dul lekkloo dul lekklu mu dul lekklu nu dul lekklu ngeen dul lekklu ntildeu dul lekk
lu ma duloon lekkloo duloon lekklu mu duloon lekklu nu duloon lekklu ngeen duloon lekklu ntildeu duloon lekk
HY
P
+
su ma lekkeesoo lekkeesu lekkeesu nu lekkeesu ngeen lekkeesu ntildeu lekkee
su ma lekkoonsoo lekkoonsu lekkoonsu nu lekkoonsu ngeen lekkoonsu ntildeu lekkoon
su may lekksooy lekksuy lekksu nuy lekksu ngeen di lekksu ntildeuy lekk
su ma doon lekksoo doon lekksu doon lekksu nu doon lekksu ngeen doon lekksu ntildeu doon lekk
-
su ma lekkul(ee)soo lekkul(ee)su lekkul(ee)su nu lekkul(ee)su ngeen lekkul(ee)su ntildeu lekkul(ee)
su ma lekkuloonsoo lekkuloonsu lekkuloonsu nu lekkuloonsu ngeen lekkuloonsu ntildeu lekkuloon
su ma dul lekksoo dul lekksu dul lekksu nu dul lekksu ngeen dul lekksu ntildeu dul lekk
su ma duloon lekksoo duloon lekksu duloon lekksu nu duloon lekksu ngeen duloon lekksu ntildeu duloon lekk
TE
MP
+
bu ma lekkeeboo lekkeebu lekkeebu nu lekkeebu ngeen lekkeebu ntildeu lekkee
bi ma lekkeebi nga lekkeebi mu lekkeebi nu lekkeebi ngeen lekkeebi ntildeu lekkee
bu may lekkbooy lekkbuy lekkbu nuy lekkbu ngeen di lekkbu ntildeuy lekk
bi may lekkbi ngay lekkbi muy lekkbi nuy lekkbi ngeen di lekkbi ntildeuy lekk
-
bu ma lekkul(ee)boo lekkul(ee)bu lekkul(ee)bu nu lekkul(ee)bu ngeen lekkul(ee)bu ntildeu lekkul(ee)
bi ma lekkul(ee)bi nga lekkul(ee)bi mu lekkul(ee)bi nu lekkul(ee)bi ngeen lekkul(ee)bi ntildeu lekkul(ee)
bu ma dul lekkboo dul lekkbu dul lekkbu nu dul lekkbu ngeen dul lekkbu ntildeu dul lekk
bi ma duloon lekkbi nga duloon lekkbi mu duloon lekkbi nu duloon lekkbi ngeen duloon lekkbi ntildeu duloon lekk
Notre preacutesentation de la conjugaison du wolof est en grande partie baseacutee sur lanalyse
laquo classique raquo Cette analyse a eacuteteacute initialement proposeacutee par Kobegraves (1869) et a ensuite eacuteteacute reprise
affineacutee etou en partie modifieacutee par Dialo (1981a) Church (1981) Robert (1991) Fal (1999) ou
- 233 -
Diouf (2009) Cependant nous nous deacutemarquons de ces travaux sur plusieurs points soit en placcedilant
lanalyse classique dans une perspective typologique plus large soit en proposant une reacuteanalyse de
certaines constructions
Nous conservons leacutetiquette laquo parfait raquo proposeacutee par Robert (1991) Neacuteanmoins nous apportons
de nouveaux arguments en faveur de ce choix terminologique en comparant les valeurs de cette
construction avec les valeurs lieacutees agrave la cateacutegorie laquo parfait raquo en typologie Comme cest le cas dans
dautres langues le parfait wolof a plusieurs lectures une lecture existentielle (indique quune
situation a eu lieu au moins une fois avant le moment de reacutefeacuterence) et une lecture reacutesultative
(indique que le point de reacutefeacuterence est perccedilu comme le reacutesultat dune situation qui lui est anteacuterieure)
Ces arguments permettent eacutegalement de justifier le choix de leacutetiquette laquo parfait neacutegatif raquo
La plupart des auteurs considegraverent le futur soit comme un parfait imperfectif soit comme une
construction preacutedicative autonome Nous deacutefendons une analyse plus nuanceacutee En nous appuyant
notamment sur la structure et la valeur des formes de ce paradigme au passeacute nous consideacuterons que
la grammaticalisation de di-na nest pas encore acheveacutee
Contrairement agrave la plupart des travaux nous avons choisi leacutetiquette laquo futur neacutegatif raquo pour la
construction mettant en jeu le marqueur du Deux arguments nous permettent de deacutefendre ce choix
Premiegraverement les valeurs de cette construction sont eacutequivalentes agrave celles de la construction future
Deuxiegravemement elle occupe clairement les cellules du paradigme verbal correspondant aux
proprieacuteteacutes morphosyntaxiques TIRV fut POL ndash Par ailleurs nous avons mis en eacutevidence plusieurs
idiosyncrasies notamment sur la structure et la valeur des formes de ce paradigme au passeacute
Notre analyse de la construction laquo minimale raquo (cest-agrave-dire la construction ne preacutesentant pas de
morphegraveme speacutecifique) se distingue nettement de lanalyse classique En effet nous nions lexistence
dune unique construction laquo minimale raquo en wolof Notre argumentation sappuie essentiellement sur
les diffeacuterentes structures et valeurs preacutesenteacutees par la construction laquo minimale raquo On constate que le
minimal preacutesente deux schegravemes distincts (s V o et s o V) ainsi que deux formes neacutegatives distinctes
correspondant chacun agrave des emplois diffeacuterents dans la langue En tenant compte de lensemble des
diffeacuterences de forme et de sens nous identifions en fait quatre constructions diffeacuterentes
Subjonctif-Conseacutecutif Infinitif Relatif et Hypotheacutetique-Temporel Seul le subjonctif-conseacutecutif
peut ecirctre analyseacute comme une construction preacutedicative Les autres constructions permettent
uniquement de construire des propositions deacutependantes
Nous avons repris lanalyse classique des constructions focalisantes en la replaccedilant dans la
typologie de Lambrecht (1994) Nous consideacuterons donc les constructions focalisantes comme des
- 234 -
constructions preacutedicatives agrave part entiegravere et non comme des constructions relevant uniquement de la
syntaxe Nous deacutefendons cette position agrave laide de plusieurs arguments distribution
compleacutementaire des constructions diffeacuterences formelles avec la structure des cliveacutees idiosyncrasies
des paradigmes personnels identiteacute formelle de certains paradigmes
Nous avons leacutegegraverement revu la description de la neacutegation de Robert (1990) De plus nous
proposons une typologie des constructions neacutegatives
Concernant lexpression du passeacute le marqueur (w)oon peut ecirctre analyseacute comme un affixe un
clitique ou un verbe en fonction de la construction consideacutereacutee Par ailleurs nous analysons le
suffixe -aan comme un marqueur de passeacute reculeacute Nous reacutefutons lanalyse geacuteneacuteralement proposeacutee
selon laquelle ce suffixe exprime un passeacute habituel En effet ce suffixe est employeacute exclusivement
agrave limperfectif etou dans des subordonneacutees temporelles Ainsi le sens habituel nest pas veacutehiculeacute
par ce suffixe mais plutocirct par les marqueurs propres agrave ces types de proposition
Nous proposons une description des pronoms personnels beaucoup plus simple que celle
preacutesenteacutee dans la plupart des travaux de reacutefeacuterences Nous reacuteduisons linteacutegraliteacute des formes agrave cinq
paradigmes pronoms forts (libres et lieacutes) pronoms faibles sujets (libres et lieacutes) et pronoms faibles
objets Suivant Diouf (1985) nous analysons les marques de personne de la focalisation du sujet et
du preacutesentatif comme des pronoms forts En outre la forme des pronoms faibles sujets lieacutes nest pas
totalement idiosyncrasique mais est en grande partie preacutedictible En effet la chute de la consonne
initiale de certains de ces pronoms est essentiellement due agrave la voyelle ou consonne finale du
marqueur auquel ils se lient Par ailleurs en utilisant les critegraveres de Corbett (2006) nous pouvons
consideacuterer que dans certaines constructions les pronoms faibles sujets lieacutes peuvent ecirctre analyseacutes
comme des affixes pronominaux alors que dans dautres ils se comportent plus comme des
marques daccord
- 235 -
- 236 -
PARTIE IIPARTIE II
LES PEacuteRIPHRASES VERBALES DULES PEacuteRIPHRASES VERBALES DU
WOLOFWOLOF ANALYSE ET ENJEUX ANALYSE ET ENJEUX
TYPOLOGIQUESTYPOLOGIQUES
Le premier objectif de cette partie est de proposer une analyse typologique des peacuteriphrases
flexionnelles du wolof Comme nous lavons vu dans la Partie I en wolof la majeure partie des
cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques On en
distingue deux types les constructions agrave marqueur preacutedicatif et les constructions agrave verbe auxiliaire
Notre objectif est deacutetudier en quoi ces constructions se distinguent les unes des autres et de les
situer dans une typologie des peacuteriphrases en nous appuyant sur les critegraveres retenus par Bonami amp
Samvelian (2015) et Brown et al (2012)
Cette analyse typologique nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de
la notion dauxiliaire De nombreuses deacutefinitions etou critegraveres deacutefinitoires ont eacuteteacute proposeacutes pour
tenter de circonscrire cette notion Neacuteanmoins nous pouvons identifier trois types de deacutefinition
cateacutegorielle(s) fonctionnelle et panchronique Agrave partir des donneacutees du wolof et dautres langues
africaines nous montrons les avantages ainsi que les limites de ces deacutefinitions Nous montrons
quune approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires permet de mieux rendre compte des constructions
peacuteriphrastiques dans une perspective typologique
Cette partie est organiseacutee comme suit Nous commenccedilons par eacutetudier le statut morphosyntaxique
des constructions agrave marqueur preacutedicatif en wolof (Chapitre 5) Nous montrons que ces constructions
doivent ecirctre analyseacutees comme des constructions peacuteriphrastiques (sect 51) Dans la section (sect 52)
nous dressons linventaire des peacuteriphrases flexionnelles verbales du wolof et nous en proposons une
analyse typologique Dans le Chapitre 6 nous proposons une nouvelle approche typologique de la
- 237 -
notion dauxiliaire en nous appuyant sur les donneacutees du wolof et dautres langues africaines Dans
le Chapitre 7 nous eacutetudions la tecircte des peacuteriphrases verbales du wolof en nous appuyant sur la
typologie proposeacutee par Anderson (2006) Dans le Chapitre 8 nous proposons une typologie des
eacuteleacutements preacutedicatifs du wolof Enfin dans le Chapitre 9 nous proposons une eacutebauche de typologie
geacuteneacuterale des marqueurs preacutedicatifs en nous appuyant sur la typologie proposeacutee par Mous (2005)
pour les langues couchitiques
- 238 -
CCHAPITREHAPITRE 5 - 5 - LLESES PEacuteRIPHRASESPEacuteRIPHRASES VERBALESVERBALES DUDU WOLOFWOLOF
51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof
En wolof peu de constructions preacutedicatives peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions
syntheacutetiques Seules les formes du parfait neacutegatif et de limpeacuteratif correspondent agrave des verbes
fleacutechis la marque morphologique de ces constructions eacutetant un suffixe verbal Par ailleurs le
subjonctif-conseacutecutif est caracteacuteriseacute par labsence de marque morphologique
En revanche toutes les autres constructions preacutedicatives sarticulent autour dun morphegraveme
speacutecifique que nous appelons laquo marqueur preacutedicatif raquo (MP) Il sagit dun eacuteleacutement preacutedicatif deacutenueacute
de sens lexical mais portant la majoriteacute des informations grammaticales Les marqueurs preacutedicatifs
forment une classe fermeacutee
Tableau 51 - Inventaire des marqueurs preacutedicatifs
Construction Marqueur
Focalisation du sujet a
Preacutesentatif a ng-
Focalisation du compleacutement la
Focalisation du verbe da(fa)
Parfait na
Futur dina
Futur neacutegatif du
Optatif na
Prohibitif bu(l)
Il nexiste pas de consensus concernant leacutetiquette donneacutee agrave ces morphegravemes Dialo (1981a) et
Church (1981) parlent uniquement de laquo marques distinctives raquo Diouf (2009) parle de
laquo modalisateurs raquo et Robert (1991) et Perrin (2005) parlent laquo dIndices Personne Aspect-temps
Mode (IPAM) raquo120 Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo marqueur preacutedicatif raquo proposeacutee par Creissels
(2006a)121
120 Terme emprunteacute agrave la terminologie de la linguistique tchadique121 Nous justifions ce choix en (sect 91)
- 239 -
511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP
La question du statut lexical ou syntaxique de certaines constructions agrave MP a eacuteteacute eacutevoqueacutee par
plusieurs auteurs Comme nous lavons vu en (sect 256) les constructions focalisantes ont eacuteteacute
analyseacutees comme des constructions relevant de la morphologie par Robert (2000) alors que dautres
auteurs tels que Diouf (1985) Kihm (1999) Torrence (2013b) et NDiaye-Correacuteard (1989 2003) les
traitent comme des constructions syntaxiques Par contre le statut des autres constructions
preacutedicatives na presque jamais eacuteteacute explicitement traiteacute122 Neacuteanmoins la plupart des auteurs
proposent une analyse implicite de ces constructions au travers des gloses Ainsi suivant les
conventions orthographiques actuellement en vigueur123 certains auteurs considegraverent le MP et le
verbe comme deux mots distincts (232a) alors que dautres traitent plutocirct le MP comme un affixe
du verbe (232b)
232) a Tool yi rafet nantildeu (Robert 1991 39)
champs CLyDF ecirctre_joli PRF3PL
lsquoLes champs sont jolisrsquo
b Xale-yi lekk-na-ntildeu ceeb-bi (Zribi-Hertz amp Diagne 2002 829)
enfant-CLyDF manger-PRF-3PL riz-CLbDF
lsquoLes enfants ont mangeacute le rizrsquo
En fait la deacutetermination du statut de ce type de constructions ne se limite pas aux donneacutees du
wolof mais constitue un problegraveme reacutecurrent en linguistique africaine En effet comme le note
Nurse (2008 169) les laquo auteurs francophones raquo ont tendance agrave consideacuterer comme des mots
distincts ce que les laquo auteurs anglophones raquo considegraverent comme un seul mot Cette remarque se
confirme pour le wolof puisque les auteurs anglophones (etou travaillant dans le cadre de la
grammaire geacuteneacuterative transformationnelle) utilisent la glose de (232b) alors que les auteurs
francophones utilisent plutocirct la glose de (232a) (Gueacuterin 2014a)
En wolof le verbe peut clairement ecirctre consideacutereacute comme un mot indeacutependant En effet il peut
occuper la mecircme position quun syntagme (comme la position sujet) (233a) et il peut former un
eacutenonceacute indeacutependant (233b) Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP revient
donc agrave deacuteterminer le statut morphosyntaxique du MP ces marqueurs sont-ils des mots ou des
122 Mis agrave part Gueacuterin (2014b) qui constitue la seule analyse systeacutematique traitant explicitement de cette question pourlensemble des constructions preacutedicatives
123 cf (sect 0445)
- 240 -
affixes de flexion verbale
233) a Wax yomb =na wagravente def yomb-ul (Shawyer 2009 100)
parler ecirctre_facile =PRFs3sg mais faire ecirctre_facile-PRFNEGS3SG
lsquoParler est facile mais agir ne lest pasrsquo
b Dem-al
partir-IMPS2SG
lsquoVa-ten rsquo
Par laquo mot raquo nous entendons laquo mot grammatical raquo cest-agrave-dire une uniteacute linguistique composeacutee
dun ensemble coheacuterent de morphegravemes et relativement autonome dun point de vue
morphosyntaxique (Dixon amp Aikhenvald 2002 18-25) Il soppose agrave laffixe qui est deacutefini comme
un morphegraveme lieacute ne pouvant pas apparaicirctre isoleacutement En prenant en compte le critegravere
phonologique on peut distinguer deux types de mots les mots indeacutependants phonologiquement
autonomes et les clitiques phonologiquement deacutependants dun autre mot (Dixon amp Aikhenvald
2002 Haspelmath 2002 Booij 2012)
Tableau 52 - Distinctions entre Affixe Clitique et Mot124
AffixeMot grammatical
Clitique Mot indeacutependant
Morphosyntaxe Lieacute Libre
Phonologie Lieacute Libre
Afin de deacuteterminer le statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs nous utilisons
plusieurs types de critegraveres (Haspelmath 2011 34-37 Zwicky amp Pullum 1983) Nous commenccedilons
par des critegraveres phonologiques place de laccent lexical direction de lattachement phonologique
pauses (sect 512) Nous utilisons ensuite des critegraveres morphologiques deacuterivation verbale
seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat structure des preacutedicats non verbaux existence de lacunes
arbitraires ou didiosyncrasies morphophonologiques dans la combinaison entre un clitique (ou
affixe) et son hocircte (sect 513) Enfin nous finissons par les critegraveres dordre seacutemantique formation dun
preacutedicat seacutemantique et compositionnaliteacute seacutemantique (sect 514)125
124 Tableau adapteacute de Haspelmath (2002 149)125 Cette section reprend lanalyse que nous avons proposeacutee dans Gueacuterin (2014b)
- 241 -
512 Les critegraveres phonologiques
5121 La place de laccent lexical
Comme nous lavons vu en (sect 0444) laccent lexical tombe laquo sur la premiegravere syllabe du mot
isoleacute contenant des voyelles de mecircme longueur phonologique ou sur la premiegravere syllabe agrave voyelle
longue raquo (Ka 1978 70) Les marqueurs preacutedicatifs dafa (234a) et dina (234b) sont polysyllabiques
et portent leur propre accent (Sauvageot 1965 41-51) Ils constituent donc des mots phonologiques
selon les critegraveres deacutefinis par Dixon amp Aikhenvald (2002 13) cest-agrave-dire des uniteacutes phonologiques
plus grandes que la syllabe et preacutesentant plusieurs caracteacuteristiques segmentales (structure syllabique
interne) et prosodiques (accent lexical propre) Neacuteanmoins ce critegravere est relativement peu pertinent
En effet depuis Dixon (1977 27) il est geacuteneacuteralement admis que au sein dune mecircme langue mots
phonologiques et mots grammaticaux ne coiumlncident pas toujours (Dixon amp Aikhenvald 2002 27-
31 Haspelmath 2011 37)
234) a Daˈ fa doˈ fadi (Sauvageot 1965 42)
FOCVS3SG ecirctre_un_peu_fou
lsquoIl est un peu foursquo
b diˈ na amˈ (Sauvageot 1965 49)
FUTS3SG avoir
lsquoil y aurarsquo
5122 La direction de lattachement phonologique
Agrave lexception du parfait tous les MP sont placeacutes juste avant le verbe lexical mais sont attacheacutes
phonologiquement au mot qui les preacutecegravede Deux processus attestent de la direction de cet
attachement lharmonie vocalique et la coalescence vocalique
Comme nous lavons vu en (sect 0443) le wolof connaicirct un pheacutenomegravene dharmonie vocalique
reposant sur le trait ATR les voyelles des morphegravemes phonologiquement faibles (clitiques ou
affixes) sharmonisent avec la cateacutegorie ATR du mot qui les preacutecegravedent (Ka 1994 12-62) Ainsi la
voyelle du MP sharmonise avec le mot qui le preacutecegravede quelle que soit sa cateacutegorie (235a-d)
- 242 -
235) a Ndar =lanu joacutege (Ka 1994 53)
[ndɐr =lɐnu ɟoɡe][-ATR] [-ATR] [+ATR]
Saint-Louis =FOCCS1PL provenir
lsquoCest de Saint-Louis que nous sommes venusrsquo
b Moacuteodu =dafa feebar (Ka 1994 54)
[moːdu =dəfə fɛːbɐr][+ATR] [+ATR] [-ATR]
Modou =FOCV3SG ecirctre_malade
lsquoModou est maladersquo
c Xale =ya =dinantildeu ntildeoacutew (Ka 1994 55)
[χɐlɛ =jɐ =dinɐɲu ɲow][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]
enfant =CLyDFDT =FUTS3PL venir
lsquoLes enfants viendrontrsquo
d Jigeacuteen =ntildea =nantildeu dem (Ka 1994 54)
[ɟiɡeːn =ɲə =nəɲu dɛm][+ATR] [+ATR] [+ATR] [-ATR]
femme =CLntildeDFDT =OPTS3PL partir
lsquoQue les femmes partentrsquo
Par ailleurs si le mot qui les preacutecegravede se termine par une syllabe ouverte les MP a et a ngi
fusionnent avec la derniegravere voyelle de ce mot (236a-b) (Church 1981 68-72)
236) a Koacutelleumlree baax (Church 1981 68)
koacutelleumlre=a baax
fideacuteliteacute=FOCS ecirctre_bon
lsquoCest la fideacuteliteacute qui est bonnersquo
- 243 -
b Gunee ngi fo (Church 1981 72)
gune=a ngi fo
enfant=PRSTPX jouer
lsquoVoici un enfant qui jouersquo
La direction de lattachement phonologique tend donc agrave montrer que agrave lexception du parfait les
MP ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme des affixes du verbe lexical En effet contrairement aux
suffixes flexionnels et deacuterivationnels les MP ne forment pas une uniteacute phonologique avec le verbe
lexical
5123 Les pauses
Agrave lexception dune pause forte (loud pause) marqueacutee par un allongement vocalique sur le MP de
la focalisation du compleacutement la (237) aucune pause nest attesteacutee entre le MP et le verbe (Rialland
amp Robert 2001 925-929)
237) Loolu =laaa Mari Danel dekk (Rialland amp Robert 2001 929)
CLCHSGDEMPX =FOCC Marie Daniel vivre
lsquoCeeest Marie Daniel qui vitrsquo
Neacuteanmoins labsence de pause entre deux eacuteleacutements nest pas un critegravere suffisant pour conclure
quils ne forment quun seul mot En effet bien que les clitiques soient geacuteneacuteralement consideacutereacutes
comme des mots grammaticaux aucune pause nest attesteacutee entre un clitique et son hocircte
(Haspelmath 2011 39)
513 Les critegraveres morphologiques
5131 La deacuterivation verbale
Comme nous lavons vu en (sect 0452) laffixation est un proceacutedeacute morphologique extrecircmement
courant en wolof Neacuteanmoins si la suffixation est le proceacutedeacute morphologique le plus productif la
preacutefixation est inexistante (Ka 1981 Ndiaye 2004 18-19 Diouf 2009 31) Quils soient
flexionnels ou deacuterivationnels tous les morphegravemes clairement identifieacutes comme des affixes sont des
- 244 -
suffixes dund (vivre) dund-aat (revivre) dund-al (faire vivre) dund-ul (ne pas vivre) Or agrave
lexception du parfait tous les marqueurs preacutedicatifs sont anteacuteposeacutes au verbe (Ch 2) Ainsi
analyser les MP comme des affixes va agrave lencontre des traits typologiques du wolof En effet les MP
seraient les seuls preacutefixes productifs126 et auraient donc un fonctionnement relativement marginal
au sein du systegraveme morphologique de la langue
5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat
Dans la plupart des constructions preacutedicatives les membres du preacutedicat ne peuvent ecirctre seacutepareacutes
que par des morphegravemes pronominaux Ainsi les eacuteleacutements attesteacutes entre le MP et le verbe sont soit
des affixes (indices sujets) soit des clitiques (pronoms objets pronoms locatifs) (238) (sect 42)
238) Da-ma =la =ko =fa beumlgg=a yoacutebbul (Diouf 2009 100)
FOCV-S1SG =O2SG =O3SG =CLLOCDFDT vouloir=DV emmenerBEN
lsquoJe veux te ly emmenerrsquo
Neacuteanmoins dans les eacutenonceacutes agrave loptatif (239a) au prohibitif (239b) ou avec focalisation du
compleacutement (239c) le sujet lexical se place entre le marqueur preacutedicatif et le verbe (Ch 2) On
remarque eacutegalement que ladverbe rekk (seulement) peut apparaicirctre entre le MP et le verbe lexical
dans les eacutenonceacutes avec focalisation du verbe (239d)
239) a Na nit =ntildei dem (Church 1981 100)
OPT personne =CLntildeDFPX partir
lsquoQue les gens partent rsquo
b Bu xaj =bi dugg (Church 1981 104)
PROH chien =CLbDFPX entrer
lsquoQue le chien nentre pas rsquo
c Yow =la Omar gis (Diouf 2009 93)
PRO2SG =FOCC Omar voir
lsquoCest toi quOmar a vursquo
126 Diouf (2009 54) dresse une liste des preacutefixes en wolof Il recense sept preacutefixes nominaux non productifsCependant lidentification de certains de ces morphegravemes comme preacutefixes est discutable En effet certains semblentplus relever de la composition ou ecirctre des calques de structures arabes
- 245 -
d Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)
POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCV3SG seulement ecirctre_sans_gecircne
lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo
Selon le principe dinteacutegriteacute lexicale (Anderson 1992 84 Bresnan amp Mchombo 1995) les
eacuteleacutements constitutifs dun mot grammatical ne peuvent ecirctre interrompus par une autre entiteacute
syntaxique Les MP la na (OPT) et dafa ne peuvent donc pas ecirctre analyseacutes comme des affixes du
verbe lexical En revanche le fait que tous les preacutedicats des autres constructions preacutedicatives ne
puissent pas ecirctre interrompus par un syntagme nest pas un critegravere suffisant pour conclure quils ne
forment quun seul mot En effet il existe de nombreux exemples de combinaisons inseacuteparables qui
ne peuvent pas ecirctre analyseacutees comme des mots grammaticaux (Haspelmath 2011 45)
5133 Les preacutedicats non verbaux
Certains MP apparaissent dans des eacutenonceacutes agrave preacutedicat non verbal cest-agrave-dire sans verbe lexical
En effet les MP la (240a) et a (240b) permettent de construire des eacutenonceacutes didentification ou de
cateacutegorisation et le MP a ngi (240c) permet de construire des eacutenonceacutes de localisation (Robert
1991 159-163 Torrence 2013b)
240) a Man nit =la-a (Robert 1991 160)
PRO1SG humain =FOCC-S1SG
lsquoMoi je suis un ecirctre humainrsquo
b Maryam jagravengalekat =a (Torrence 2013b 195)
Marie enseignant =FOCS
lsquoMarie est enseignantersquo
c Ma-a ngi ci neacuteeg =bi (Diouf 2009 149)
PRO1SG-PRSTPX PREPPX chambre =CLbDFPX
lsquoJe suis dans la chambrersquo
Comme nous lavons vu en (sect 256) deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees pour rendre compte de ces
constructions Selon Kihm (1999) et Torrence (2013a 2013b) il sagit de constructions cliveacutees
mettant en jeu une copule a pouvant ecirctre preacuteceacutedeacutee dun expleacutetif l- alors que Fal (1999 139-146) et
- 246 -
Diouf (2009 149) suivant lanalyse classique les traitent comme preacutedicats verbaux dans lesquels
le verbe doon (ecirctre) ou nekk (ecirctre se trouver) est sous-entendu Quelle que soit lanalyse retenue
ces constructions tendent agrave montrer que les MP a la et a ngi ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme
des affixes verbaux En effet mecircme si lon admet que le verbe nekk est sous-entendu ces
constructions prouvent que le MP peut apparaicirctre en labsence de verbe lexical cest-agrave-dire sans
hocircte pour laffixation Or par deacutefinition les affixes sont des morphegravemes lieacutes ne pouvant pas
apparaicirctre isoleacutement
Toutefois dans certaines langues des morphegravemes clairement identifieacutes comme des affixes
peuvent apparaicirctre sans leur hocircte Il sagit du pheacutenomegravene dellipse (ou gapping) de lhocircte dans la
coordination daffixes (Booij 2012 292) comme par exemple en franccedilais mono- et
polysyllabique Cependant ces constructions se distinguent nettement des preacutedicats non verbaux du
wolof En effet dans les cas de coordination daffixes lhocircte nest pas sous-entendu il doit soit
apparaicirctre dans le syntagme et servir de support pour lun des affixes soit ecirctre reacutecupeacuterable quelque
part dans le discours (ex Le mot lion est-il mono- ou polysyllabique Mono)
5134 Les lacunes arbitraires
Selon Zwicky amp Pullum (1983) il ny a geacuteneacuteralement pas de lacune arbitraire dans la
combinaison entre un clitique et son hocircte cest-agrave-dire quil nexiste pas de cas ougrave un clitique soit
arbitrairement incompatible avec un mot hocircte alors que de telles lacunes sont attesteacutees dans la
combinaison entre un affixe et son hocircte Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce critegravere tend
agrave montrer que les MP sont des clitiques En effet tous les verbes semblent ecirctre compatibles avec
tous les MP
5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques
Selon Zwicky amp Pullum (1983) les idiosyncrasies morphophonologiques sont caracteacuteristiques
des affixes mais sobservent plus rarement avec les clitiques cest-agrave-dire quil nexiste pas de cas ougrave
la combinaison entre un clitique et son hocircte preacutesente une forme phonologique non preacutedictible
Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce critegravere tend agrave montrer que les MP sont des clitiques
En effet aucune combinaison entre un MP et un verbe ne preacutesente dirreacutegulariteacutes phonologiques
les formes attesteacutees sont toujours les formes attendues (Church 1981 Robert 1991)
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514 Les critegraveres seacutemantiques
5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique
Le fait que le MP et le verbe forment un preacutedicat seacutemantique et projettent une seule structure
argumentale ne constitue pas un argument suffisant pour consideacuterer que les constructions agrave MP du
wolof sont des mots En effet cest eacutegalement le cas de constructions idiomatiques telles que
casser sa pipe (Samvelian 2012 53) ou des constructions agrave coverbes127 (Baker amp Harvey 2010
14) Or ces constructions ne constituent pas des mots
5142 La compositionnaliteacute seacutemantique
Selon Zwicky amp Pullum (1983) les idiosyncrasies seacutemantiques sont caracteacuteristiques des affixes
mais sobservent plus rarement avec les clitiques Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce
critegravere tend agrave montrer que les MP sont des clitiques En effet la contribution seacutemantique dun MP
est toujours la mecircme quel que soit le verbe La principale variation attesteacutee concerne le MP du
parfait na qui na pas la mecircme valeur en combinaison avec les verbes daction ou avec les verbes
deacutetat (Robert 1991 41-59) Neacuteanmoins cette variation deacutepend du type de verbe et nest donc pas
idiosyncrasique
Le fait que les constructions agrave MP soient compositionnelles nest cependant pas un critegravere fiable
pour deacuteterminer leur statut En effet certains mots deacuteriveacutes sont seacutemantiquement compositionnels
alors que certains syntagmes idiomatiques ne le sont pas (Haspelmath 2011 36) Par exemple en
wolof le sens du verbe liggeacuteeysi (venir travailler) peut ecirctre deacuteduit du sens de ses composantes le
verbe liggeacuteey (travailler) et le suffixe -si (veacutenitif) alors que le sens du syntagme gis boppam (se
sentir toucher dans son amour-propre) est idiomatique ses composantes eacutetant le verbe gis (voir) le
nom bopp (tecircte) et le possessif -am (POSS3SG)
515 Le cas du parfait
Le parfait constitue un cas relativement probleacutematique En effet la majoriteacute des critegraveres que nous
avons retenus soit ne sappliquent pas agrave cette construction (seacuteparabiliteacute preacutedicats non verbaux) soit
127 Les constructions agrave coverbes sarticulent autour de deux types de verbes le coverbe ndash verbe non fini contribuant ausens lexical de la preacutedication ndash et un verbe fini qui porte la majoriteacute de linformation grammaticale (temps aspectmode accord) et deacutetermine la structure argumentale (Baker amp Harvey 2010 14-15)
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fournissent des reacutesultats peu convaincants (place de laccent lexical pauses) soit opposent le
marqueur na aux autres MP (direction de lattachement phonologique deacuterivation verbale lacunes
arbitraires)
Contrairement aux autres MP le marqueur na partage plusieurs caracteacuteristiques avec les suffixes
verbaux En effet il forme une uniteacute prosodique avec le verbe (Sauvageot 1965 43) et sa voyelle
sharmonise avec la cateacutegorie ATR du verbe (241a) comme les suffixes de deacuterivation (241b) ou de
flexion verbale (241c) (Ka 1994 Ch 1) Neacuteanmoins ce critegravere nest pas suffisant En effet le
deacuteterminant deacutefini forme eacutegalement une uniteacute prosodique avec le mot qui preacutecegravede mais il sagit
clairement dun clitique (Ka 1994 50-51 Gueacuterin 2011 103-104)
241) a raw na ~ gis na
[rɐw nɐ] [ɡis nə][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]
deacutepasser PRFS3SG voir PRFS3SG
lsquoil a remporteacute la victoirersquo lsquoil a vursquo
b raw -ante ~ gis -ante
[rɐw -ɐntɛ] [ɡis -ənte][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]
deacutepasser -RECP voir -RECP
lsquofaire une compeacutetitionrsquo lsquose voir mutuellementrsquo
c raw -oon ~ gis -oon
[rɐw -ɔːn] [ɡis -oːn][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]
deacutepasser -PAS voir -PAS
lsquodeacutepassaitrsquo lsquovoyaitrsquo
Agrave la diffeacuterence de tous les autres MP na se place immeacutediatement apregraves le verbe comme les
suffixes de deacuterivation et de flexion verbale En outre ces suffixes sont les seuls eacuteleacutements attesteacutes
entre na et le verbe aucun mot ou clitique ne peut apparaicirctre dans cette position Par ailleurs le
marqueur du parfait ne peut pas apparaicirctre en labsence du verbe lexical (Robert 1991 38) En
outre la construction mettant en jeu ce MP et le verbe auxiliaire dimperfectif di a subi un processus
de morphologisation (Hopper amp Traugott 2003 140-159) ces deux mots ont fusionneacute pour donner
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le MP du futur dina (Voisin 2010 148) Enfin na est le seul MP agrave disparaicirctre dans les eacutenonceacutes
neacutegatifs En effet la construction neacutegative du parfait est constitueacutee dune forme verbale syntheacutetique
les marques de la neacutegation et de personne eacutetant suffixeacutees au verbe (242a) Ainsi le marqueur du
parfait semble occuper la mecircme position morphosyntaxique que le suffixe de neacutegation (242a-b)
(sect 212)
242) a Dox-u-ntildeu
marcher-PRFNEG-S3PL
lsquoIls nont pas marcheacutersquo
b Dox =na-ntildeu
marcher =PRF-S3PL
lsquoIls ont marcheacutersquo
Par ailleurs en wolof la grande majoriteacute des suffixes ont une attaque vocalique Les seuls
suffixes agrave attaque consonantique de la langue commencent tous par une consonne coronale Il sagit
du suffixe veacutenitif -si de suffixes deacuteverbaux non-productifs commenccedilant par un [t] et de quelques
suffixes de diathegravese qui commencent par un [l] (Diouf 2009 54-57) Ainsi le fait que le MP du
parfait na commence par une consonne coronale constitue un argument suppleacutementaire permettant
de rapprocher ce MP des affixes de la langue
Cependant en appliquant les critegraveres proposeacutes par Zwicky amp Pullum (1983) pour distinguer les
clitiques post-lexicaux des affixes on constate que na se comporte plutocirct comme un clitique
bull Les clitiques manifestent un faible degreacute de seacutelection par rapport agrave leur hocircte alors que les
affixes manifestent un haut degreacute de seacutelection par rapport agrave leur radical
Le MP du parfait manifeste un haut degreacute de seacutelection par rapport agrave son hocircte ce dernier ne
pouvant ecirctre quun verbe En effet agrave la diffeacuterence des autres constructions preacutedicatives au
parfait les seuls eacuteleacutements attesteacutes entre le MP et le verbe sont des affixes Selon ce critegravere
na se comporte comme un affixe
bull Les lacunes arbitraires dans les combinaisons sont plus caracteacuteristiques des mots affixeacutes
que des groupes de clitiques
Agrave la diffeacuterence des autres constructions preacutedicatives la construction parfait connaicirct une
lacune arbitraire avec le verbe sog (venir de) (Diouf 2009 185) Le fait que la construction
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