LES ISOTOPES ET LES SCIENCES DE LA TERREÉlément chimique, atome, isotopesStables ou radioactifs?Radioactivité et tempsChronologie des événements lors de la formation des planètes du système solaire
Le modèle - Les chondrites - Les inclusions réfractaires - Les radioactivités éteintes - La différenciation.Les grands réservoirs terrestres
Les plus vieilles roches - le réservoir chondritique - la géochimie du manteau.L’âge des événements récents
La méthode K-Ar - La datation 14C - Les déséquilibres radioactifs - Les isotopes cosmogéniquesL’apport de la géochimie des isotopes stables
Les isotopes du carbone et de l’azote - Les isotopes de l’oxygène et la température de la nébuleuse - Oxygène et température du globe Et quoi d’autre?
Fiches méthodes D.Briot, 5 mai 2004
Élément chimique, atome et isotopes
Un élément chimique est un ensemble d’atomes eux-même constitués d’un noyau autour duquel gravitent des électrons.
La taille de l’atome est de l’ordre de l’angström (10-10 m).
L’atome est électriquement neutre.
La charge totale négative des électrons équilibre la charge totale positive du noyau.
L’électron est une particule de faiblemasse et chargée négativement
e– = électron = 9,10093897.10–31 kg
Le noyau est constitué de deux types de particules : les protonset les neutrons, que l’on appelle aussi des nucléons.
La somme du nombre de protons et du nombre de neutrons dans le noyau définit le nombre de masse A.
A = nombre de masse atomique = N + Z
XAZ
Notation d’un nuclide
N = nombre de neutrons dans le noyau
Z = nombre de protons dans le noyau
Z est aussi le nombre d’électrons puisque les neutrons n’ont pas de charge électrique.
Masse du proton = 1,672623.10-27 kgMasse du neutron = 1,674928.10-27 kg
Les électrons ne sont pas « arrangés » n’importe comment autour du noyau : d’après la mécanique
quantique, ils orbitent sur des surfaces bien définies dont la position et la forme sont déterminées par les
nombres quantiques (n, l, m, s).
Le modèle le plus simple est celui de Bohr avec
des orbitales sphériques de niveau 1 à deux
électrons, de niveau 2 à 8 électrons, de niveau 3 à
18 électrons, etc… 0)(82
2
2
2
2
2
2
2
=Ψ−+∂
Ψ∂+
∂Ψ∂
+∂
Ψ∂ VEh
mzyx
π
Le nombre d’électrons des atomes constitutifs détermine les propriétés chimiquesdes éléments, c’est-à-dire leur capacité à réagir, à créer des liaisons avec d’autres,…
Le noyau contient le même nombre de protons que d’électrons qui lui tournent autour mais il peut contenir un nombre variable de neutrons : on aura donc plusieurs noyaux atomiques, on dit isotopes, pour un même élément chimique.
Chaque isotope d’un élément chimique est alors caractérisé par la masse totale du noyau, c’est-à-dire la somme de protons et de neutrons.
H11 H2
1 H31
C126 C13
6 C146
Si l’on veut caractériser l’élément Carbone, on doit préciser combien de chaque isotope le constitue : c’est ce que l’on appelle la constitution isotopique ou composition isotopique.
12C = 98,89 %13C = 1,11 %
84Sr=0,56% 86Sr=9,86% 87Sr=7% 88Sr=82,58% 84Sr/86Sr=0,056584 86Sr/88Sr=0,1194 87Sr/86Sr=0,7???
Elle peut s’exprimer en abondance, c’est-à-dire en pourcentage de chacun des isotopes ou en rapport de chaque isotope l’un par rapport à l’autre.
Finalement, on peut répertorier tous les éléments chimiques dans la classification périodique de Mendeleyev et tous les noyaux atomiques, les isotopes dans le diagramme NZ,
« the chart of the nuclides ».
Les isotopes peuvent être stables : ils ont été créés lors du « Big Bang »
Ici, les noyaux formés lors de la nucléosynthèse primordiale.
Stables ou radioactifs ?
Là, les nucléides jusqu’au 36S (20n16p) formés au sein des étoiles, par fusion de l’hydrogène, de l’hélium, du carbone et de l’oxygène.
puis dans les étoiles ou à la mort de celles-ci et n’ont pas été modifiés depuis.
Les étoiles fabriquent en leur cœur tous les nuclides jusqu’au 56Fe. Les noyaux plus lourds sont synthétisés dans les géantes rouges ou lors des explosions en supernovae.
Lors de l’explosion, des quantités gigantesques de particules sont émises, en particulier des neutrons. Ceux-ci vont interagir avec les nuclides déjà formés au cœur de l’ex-étoile pour synthétiser, par deux processus différents, que l’on nomme le processus s (slow = lent ajout de neutrons) et le processus r (rapid, ajout rapide de neutrons), tous les autres noyaux atomiques.
Processus s
Processus r
Certains noyaux atomiques sont radioactifs et « disparaissent » plus ou moins vite avec le temps.
γ = rayonnement gamma = photon de haute énergieβ– = particule béta négative (électron)β+ = particule béta positive (positron)α = particule alpha = noyau d’hélium 4
2He (2p2n)v = neutrino = ? particule sans masse
Dans ce cas, ils donnent d’autres noyaux atomiques, des particules et des rayonnements.
Le type de particule ou de rayonnement émis caractérise la radioactivité du noyau : il existe trois types de radioactivité.
Voici dans le diagramme NZ, les 3 principaux types de radioactivité des noyaux atomiques.
La radioactivité β- qui consiste en l’émission d’un proton se matérialise par une flèche ascendante vers la gauche.
La radioactivité de type capture électronique β+
ou ε se matérialise par une flèche descendante vers la droite.
La radioactivité de type α se matérialise par une longue flèche descendante de deux cases vers le bas et de deux cases vers la gauche correspondant à l’émission d’une particule α c’est-à-dire un noyau d’hélium 4 (2p2n).
Quelque soit le type de radioactivité, l’isotope radioactif voit son activité diminuer avec le temps.
On définit la période ou demi-vie comme le temps nécessaire à la
disparition de la moitié des isotopes radioactifs présents au départ.
L’abondance de l’isotope radioactif (père) décroît avec le temps mais celle de l’isotope radiogénique (fils) produit
augmente avec le temps!
Il y a donc deux possibilités déterminer le temps: soit en mesurant le nombre
d’isotopes radioactifs qui restent, soit en mesurant le nombre d’isotopes
radiogéniques qui s’accumulent.
Radioactivité et temps
On peut mettre ces deux processus en équation.
PdtdP λ−=
dtP
dP λ−=
ktLnP +−= λ
TePP λ−= 00
2
TLn2
=λ
tePP λ−= 0*
0 FFF +=PPF −= 0
*tPeP λ=0
)1(* −= tePF λ
)1(0 −+= tePFF λ
A partir de ces équations générales, on peut déterminer le temps t…
tePP λ−= 0 )1(0 −+= tePFF λ
si l’on fait, bien sûr, quelques hypothèses de départ et quelques aménagements qui tiennent compte des spécificités de chaque système isotopique.
Les pré-requis de base sont
1) la connaissance précise de la constante de désintégration de l’isotope radioactif, λ,
2) la connaissance du comportement des éléments chimiques, Père et Fils, dans les systèmes géologiques étudiés, qui doivent être homogènes au départ.
3) la certitude que le système contenant le père et le fils n’a pas été soumis à des processus physico-chimiques ayant entraîné la perte ou le gain de l’un ou de l’autre des deux isotopes: le système doit être resté clos.
Nous allons voir quelques exemples d’utilisation des isotopes illustrant quelques grandes étapes de l’histoire du système solaire et de la planète Terre.
Nous verrons également ce que les isotopes peuvent apporter dans le domaine très large de l’environnement.
C’est en 1956 que Patterson publie une isochrone donnant un âge de 4,55 Ga interprété comme l’âge des météorites et par conséquent de la Terre : la géochrone.
Depuis les modèles se sont raffinés et on a tenté d’être plus précis…
Chronologie des événements lors de la formation des planètes du système solaire.
Le modèle :
-contraction d’une nébuleuse de gaz et de poussières,
-coalescence des grains,
-accrétion en planétésimaux,
-collisions pour former les planètes,
-différentiation de celles-ci.
Les témoins de l’étape d’accrétion sont les astéroïdes, les comètes et les météorites. Celles-ci, accessibles sur Terre, sont nos sources d’information sur les débuts du système solaire.
L’exactitude de cet âge nécessite que les chondrites n’aient pas été soumises à un événement postérieur à leur formation qui aurait entraîné une « ouverture » du système Père-Fils. Or, elles ont toutes plus ou moins subi un métamorphisme de leur corps-parent. On daterait donc cet événement et non la formation des objets les plus primitifs.
Les objets les plus primitifs semblent être les inclusions réfractaires à calcium et aluminium(CAI’s) des chondrites carbonées. La datation des CAI’s de la météorite Allende par Pb-Pbdonne 4,566±0,003 Ga.
Cet âge est considéré comme celui du début de la condensation donc l’âge du système solaire.
Les âges obtenus sur les météorites différenciées (achondrites) sont généralement plus jeunes dans un intervalle de 4,556±0.006 à 4,529±0.005 Ga, soit entre 10 et 40 Ma après la formation des inclusions d’Allende. C’est pendant cet intervalle que s’est produite l’évolution interne des corps parents des météorites, c’est-à-dire leur différenciation.
Le tableau des nuclides nous apporte de nouveaux outils : les systèmes à courtes périodes ou radioactivités éteintes.
Il s’agit de 26Al, 129I, 182Hf, entre autres…
L’aluminium 26Al était radioactif et se désintégrait en 26Mg avec une période de 716 000 ans. Actuellement cet isotope n’existe plus!
Il a été identifié par l’intermédiaire de son fils dans les feldspaths des inclusions réfractaires de la chondrite Allende, supposée être la plus primitive.
Ceci signifie que, lors de la formation de ce feldspath, il y avait encore de 26Al à disposition dans la nébuleuse, que tout ne s’était pas désintégré!
Cela place la formation des CAIs dans un délai de 3 Ma après la fabrication de l’26Al et sa dispersion dans la nébuleuse solaire, événement que l’on attribue à l’explosion d’une étoile.
Et la différenciation des planètes telluriques: l’âge du noyau, l’âge de l’atmosphère?
Plusieurs couples d’isotopes peuvent être utilisés pour définir ces étapes.
L’iode 129I (lithophile) a été radioactif et s’est désintégré en 129Xe (gaz atmophile) avec une période de 17 Ma.
Les mesures de la composition isotopique du xénon des basaltes
des îles océaniques issus de la fusion du
manteau terrestre montrent que ceux-ci
sont plus riches en 129Xe que l’atmosphère.
Cela signifie que lors de la séparation manteau/atmosphère, il existait encore de l’iode 129I qui a été piégé dans le manteau et s’y est désintégré en 129Xe, soit moins de 60 Maaprès la formation et l’incorporation de l’129I.
Récemment, un raisonnement similaire a été développé, pour la séparation manteau/noyau, grâce à la radioactivité éteinte du 182Hf (lithophile), qui donne du 182W (sidérophile) avec une période de 9 Ma.
De nombreuses études de roches terrestres et de météorites ferreuses ont montré que leurs rapports 182W/184W étaient identiques, ce qui suggère qu’il n’y avait plus d’Hf radioactif lorsque le noyau s’est formé, ce qui correspond à un délai de 30 Ma.
On avait déjà utilisé les isotopes à longues périodes tels que ceux de l’U et du Pb.
Lorsque l’on reporte les laves basaltiques et
les sédiments océaniques dans le
diagramme Pb-Pb, ils se placent
systématiquement sous la géochrone à 4,55 Ga et s’alignent
sur une isochrone donnant un âge de
4,45 Ga.
La meilleure explication à ce
paradoxe du plomb est que U (lithophile) et Pb
(sidérophile) ont été fractionné lors de la formation du noyau laissant un manteau
enrichi en U produisant plus de plomb radiogénique.
Ceci se « passait » 100 Ma après la formation de la Terre
On a pu ainsi affiner la chronologie et proposer que la différenciation de la Terre s’est produite près de 100 Ma après la formation du système solaire.
Les grands réservoirs terrestres
Les plus vieilles « roches » terrestres
Longtemps le sud-ouest du Groenland tenait le record avec les formations méta-sédimentaires d’Isua, Akilia et Amitsoq. Celles-ci ont été datées grâce aux zircons par la méthodeConcordia - Discordia.
Récemment elles ont été supplantées
par des gneiss
situés au Canada……dont les
zircons donnent 4,00 Ga!
A partir de « quoi » la croûte terrestre s’est-elle formée?
Les plus vieux zircons, quant à eux, ont 4,40 Ga et ont été extrait des formations méta-sédimentaires de Jack Hills en Australie occidentale.
Les mesures des isotopes de
l’oxygène sur ces zircons suggèrent qu’ils se sont bien formés à partir de magmas felsiques
nécessitant la présence d’eau
liquide dès cette époque (4,4 Ga) sur
Terre.
Evolution du Nd du
réservoir chondritique
CHUR.
Les isotopes du néodyme
et le réservoir
chondritique
Le CHUR est supposé représenté le manteau terrestre primitif avant sa
fusion partielle pour donner la croûte continentale et le manteau appauvri.
En combinant isotopes du Sr et isotopes du Nd, on définit les domaines
d’existence des grands réservoirs terrestres : celui des basaltes des rides
océaniques, celui de la croûte continentale (inférieure et supérieure) et
celui des basaltes océaniques et continentaux.
La géochimie du manteau ou la géodynamique
chimique
Au sein du manteau, il existerait plusieurs pôles géochimiques plus ou moins
facilement reliables à la Tectonique des plaques.
L’âge des événements récents
Si l’homme actuel n’en a pas été témoin, il est nécessaire de recourir à des méthodes radio-chronologiques pour dater des événements récents.
Par exemple, la datation des roches volcaniques par la méthode 40K-40Ar.
Cette méthode permet de dater des roches et minéraux riches en K sur toute la gamme d’âge depuis l’âge de la Terre jusqu’à moins de 100 000 ans!
Bien sûr, des inconvénients viennent s’opposer à ces avantages : l’argon radiogénique produit
étant un gaz, il peut diffuser très facilement dans la roche ou le minéral, remettant entièrement ou
partiellement le chronomètre à zéro!
De plus, sa mesure par spectrométrie de masse nécessite de complexes séparations gazeuses et corrections tenant compte de la composition de
l’atmosphère (plus de 99% d’40Ar).
Ceci est dû aux faits que le potassium est un élément majeur des roches, que
la période de désintégration de l’isotope 40K est de l’ordre du milliard
d’années et que les roches n’incorporent pas d’argon initial.
)1(* −= tePF λ
C’est cependant une méthode idéale pour les roches volcaniques de moins de 100 Ma…
Voilà par exemple la chronologie du volcanisme du Massif Central obtenues grâce à plus d’un millier de datations
K-Ar
Ou encore la chronologie des éruptions dans le Massif des Monts Dore…
…depuis la caldéra de Haute-Dordogne et la Grande Nappe de ponces rhyolitiques, il y a 3Ma, jusqu’au cœur du Sancy à 0,3Ma!
La datation au 14C
( ) ( ) teCC λ−= 01414
Basée sur la plus simple des équations de radiochronologie, elle permet de dater des objets ou des événements jusqu’à 70 000 ans (T=5730 ans).
Mais le problème vient de la connaissance de la « constante » (14C)o (= 13,56 dpm/g) qui représente l’activité du carbone 14 dans l’atmosphère et dont la valeur a varié au cours des temps.
La proportion de 14C par rapport au 12C a varié au cours des derniers
siècles en réponse à des phénomènes tels que
l’industrialisation (effet Suess) ou l’intensification des rayons cosmiques (effets DeVries).
Outre les applications connues en archéologie, la méthode au 14C a permis de tracer les courants marins profonds.
Au large du Groenland, l’eau de surface froide et salée, dense, plonge vers le fond. Le CO2 qu’elle a dissout contenait du 14C qui va se désintégrer dès lors qu’il n’est plus en contact avec l’atmosphère.
Ainsi on peut dater les eaux profondes de l’Atlantique Nord puis Sud, de l’océan Indien et du Pacifique!
L’âge obtenu représente le tempsqu’elles ont mis pour parcourir le chemin depuis le sud de l’Islande.
La méthode des déséquilibres radioactifs
Elle passe par l’intermédiaire de radionuclides, isotopes radioactifs d’éléments ayant des comportements géochimiques différents de celui de l’uranium et donc susceptibles d’être fractionnés au cours de divers processus géologiques.
On utilise ici les chaînes de désintégration de
l’uranium, en particulier celle de l’238U.
Ce fractionnement crée une rupture, un déséquilibre dans la chaîne. On peut alors, en mesurant l’activité (λN) des nuclides intermédiaires par rapport au père uranium,
déterminer le temps qui s’est écoulé depuis que ce déséquilibre a été créé.
C’est encore grâce à cette méthode très précise que l’on peut dater des coraux et comparer les âges obtenus avec
ceux de la méthode 14C, permettant ainsi de mieux calibrer cette dernière.
Cette famille de méthodes permet également de dater les concrétions calcaires dans les grottes, de déterminer leur vitesse de croissance, …
…de préciser les vitesses de sédimentation dans des lacs ou estuaires, les taux d’accumulation de neige sur des glaciers…
C’est par exemple grâce au fractionnement créé entre 238U et 230Th lors de la genèse des magmas, suivi de la remise à l’équilibre de la chaîne radioactive que l’on a pu dater les laves de la Chaîne des Puys(cheire de Mazayes, coulée d’Olbi, de Péchadoire) et en particulier le Puy de Dôme à 12000 ans.
Autre application en volcanologie : le temps de transfert des magmas
Il n’y a pas de différence de rapport isotopique du Th entre les différentes
laves (datées historiquement) d’un volcan : la chambre magmatique doit être à faible profondeur et les magmas
remontent rapidement.
Les rapports évoluent d’abord régulièrement puis en dents de scie: le réservoir est profond et ré-alimenté par du magma de caractéristiques isotopiques
différentes.
Les isotopes cosmogéniques
Le plus connu de ces isotopes cosmogéniques est le 14C. Nous parlerons ici du 10Be qui possède une période de 1,5 Ma.
La mesure du 10Be dans les laves des zones de subduction prouve que les sédiments océaniques participent à la formation de ces magmas!
Ils sont formés dans la haute atmosphère par impact des rayons cosmiques sur les noyaux des gaz atmosphériques : on appelle ce mécanisme, la spallation. Ils sont radioactifs.
Ces isotopes sont très réactifs et vont très vite être incorporés à des molécules gazeuses (CO2) ou à des aérosols et particules de l’atmosphère, suivant avec celle-ci les mouvements et échanges (vents, pluies, neiges, dépôts secs…) autour du globe.
L’apport de la géochimie des isotopes stables
On regroupe sous ce terme les isotopes des éléments de faible masse dont les variations de compositions isotopiques sont attribuables à des processus chimiques ou physiques autre que la radioactivité.
Les isotopes stables n’apportent donc pas d’informations chronologiques mais laissent dans les objets terrestres
une signature qui permet de « remonter » aux conditions de formation de ces objets.
Ces processus physiques entraînent un fractionnement de deux isotopes car leur écart de masse relative est très important : 2 (18-16) pour 16 pour l’oxygène, 1 (13-12) pour 12 pour le carbone, 2 (34-32) pour 32 pour le soufre, etc…
On considère généralement ce fractionnement par rapport à un standard, exemple le SMOW pour l’oxygène, le carbonate d’une bélemnite PDB pour le carbone, etc…
Ce fractionnement peut être lié à des processus biologiques, à des processus d’évaporation-condensation en relation avec des variations de température, etc…
Les isotopes du carbone et de l’azote
Pour les isotopes du carbone, 13C et 12C, les mesures montrent que les organismes vivants ont des δ13C plus bas (négatifs) que l’atmosphère et les carbonates, car les processus biologiques favorisent le 12C par rapport au 13C.
Parmi les plantes on peut définir des « catégories » basées sur les isotopes du carbone et ceux de l’azote, 14N et 15N.
Evolution des δelta selon la chaîne alimentaire
L’analyse des dents des chevaux d’Amérique du Nord montre que leur diète a évolué depuis des plantes C3 (feuilles des arbres et buissons) vers des plantes C4 (herbacées) du Miocène à l’Holocène.
Une évolution similaire a été observée dans les sols du Pakistan, suggérant un lien avec la concentration en CO2 atmosphérique, la photosynthèse en C4 étant plus efficace à faible concentration.
Par exemple les Huancas, population d’une haute vallée du Pérou consommaient aussi bien des plantes en C3 et en C4 en 1000-1200 (Huanca I) mais uniquement des plantes C3 de 1200 à 1470 (Huanca II).
Les corrélations carbone-azote permettent également de reconstituer les régimes
alimentaires des populations anciennes, données géochimiques que l’on peut confronter avec les
informations archéologiques.
Les isotopes de l’oxygène et la température de la nébuleuse solaire
La nébuleuse solaire n’a jamais été suffisamment chaude et gazeuse pour permettre d’homogénéiser tous ses constituants.
Mais cette homogénéité est observée au sein d’un même famille d’objets!
Les isotopes de l’oxygène et la température du globe
L’évaporation de l’océan donne de la vapeur d’eau enrichie en 16O par rapport au SMOW (ou appauvrie en 18O) : son δ18O sera négatif.
La condensation d’une partie de cette vapeur donnera des précipitations enrichies en 18O par rapport à la vapeur, leur δ18O sera moins négatif que la vapeur dont elles sont issues.
Cette vapeur sera en conséquence de plus en plus « légère », c’est-à-dire de plus en plus riche en 16O (appauvrie en 18O) avec un δ18O de plus en plus négatif.
Par le jeu de l’évaporation-condensation, les précipitations sont de plus en plus appauvriesen 18O (δ18O<0) en allant vers l’intérieur des continents et de l’équateur vers les pôles.
Les isotopes de l’oxygène et la température du globe : les reconstitutions climatiques
T°C = 16,9 - 4,2 ∆cal-H20 + 0,13 ∆2cal-H2O
Connaissant les coefficients de fractionnement entre l’eau et la calcite, on peut déterminer la température des eaux où vivaient certaines espèces de plancton.
A la fin du Crétacé, la température du fond des océans était de +12°C, (elle est actuellement proche de zéro).
Quant aux températures des eaux de surface qui échangent avec l’atmosphère, elles étaient proches de +15°C.
Durant le Cénozoïque les températures du fond ont largement diminué, celles de surface ont peu changé.
On doit mettre ceci en relation avec la circulation océanique profonde, dont l’allure devait être, au Tertiaire, très différente de maintenant.
Toujours par la mesure des compositions isotopes des carbonates que les organismes planctoniques sécrètent, on peut relier les variations de températures avec les variations de volume de glaces piégés aux pôles et donc mettre en évidence des périodes glaciaires et interglaciaires.
Un foraminifère ayant un rapport
18O/16O plus élevé que maintenant a
prélevé cet oxygène dans une mer à δ18O élevé et indique que
le volume d’eau piégée sous la
forme de glace était alors plus important
que maintenant.
Il ne reste plus qu’à mettre en relation les variations de température avec les variations d’insolation déduites des variations des paramètres orbitaux de la planète (Théorie de Milankovitch)!
on obtient une courbe de variation de l’ensoleillement
qui est très proche de celle visualisée par les isotopes de
l’oxygène dans les foraminifères!
la précession
l’inclinaison
l’excentricité
Si on combine
Et quoi d’autre?
Les isotopes « stables » c’est aussi le 87Sr et le 86Sr ou bien le 206Pb, le 207Pb et le 204Pb.
On peut alors utiliser les signatures isotopiques de ces éléments chimiques mesurées dans des objets variés pour mettre en évidence l’origine de ces objets ou au contraire exclure des hypothèses!
Dès les années 60, la pollution urbaine inquiétait
les scientifiques, en particulier sur la côte Ouest
des USA.
Les questions étaient alors :
*Est-ce que le plomb atmosphérique de la ville de Los Angeles est issu des carburants utilisés?
Réponse : oui mais le plomb des années 60 n’est pas le même que celui utilisé en 1947!*Les parcs naturels alentour sont-ils affectés par cette pollution?
Réponse : oui, le neige du « Lassen Volcanic Park » a la même signature que les aérosols de Los Angeles!
Information supplémentaire : le plomb des essences ne vient pas des gisements du Mississippi!
Un organisme marin sécrète sa coquille carbonatée à partir du calcium, et du strontium, de l’eau de mer. Cette coquille doit donc avoir le même rapport 87Sr/86Sr que l’eau de mer dans laquelle elle a été formée.
On a pu établir la courbe d’évolution du rapport 87Sr/86Sr de l’eau de mer au cours des temps géologiques : par exemple il y a 25-30 Ma à l’Oligocène, ce rapport valait environ 0.708.
Les Potamides lamarcki du bassin d’Aurillac (Massif central français) possèdent des rapports 87Sr/86Sr de l’ordre de 0,715. Ils ne se sont donc pas formés dans l’eau de mer mais dans une eau continentale de salinité élevée!
Vous avez un problème géologique que l’étude des roches ou des minéraux ne peut résoudre?
Peut-être y a-t-il quelques isotopes pour venir à votre secours!
Il suffit de bien connaître le comportement des éléments chimiques et d’avoir les techniques analytiques
adéquates!
Rb-Sr 87Rb ! 87Sr T=48,8 Ga λ = 1,42 x10-11 an-1
)1(870
8787 −+= teRbSrSr λ
( )186
87
086
87
86
87
−
+
=
teSrRb
SrSr
SrSr λ
0.720390.323Tb
0.724010.383Tc
0.733300.524Bc
0.738530.605M
0.736690.590SM
0.733270.525A
0.744400.706FV
0.749870.787P
0.748940.775K
0.723770.377Ta
87Sr/86Sr87Rb/86SrMétéoriteGranite de Meymac
0,705
0,71
0,715
0,72
0,725
0,73
0,735
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 5,5
87Rb/86Sr
87Sr/
86Sr
Age = Ln(0,0042+1)/1,42 10-11 ==> T=295 Ma
y = 0,0042x + 0,7105
238U ----> 206Pb λ238U=λ1=1,55125.10-10 an-1
235U ----> 207Pb λ235U=λ2=9,8485.10-10 an-1
232Th ----> 208Pb λ232Th=λ3=4,9475.10-11 an-1
U-Pb
( )1204
238
0204
206
204
206
−
+
=
tePbU
PbPb
PbPb λ ( )1204
235
0204
207
204
207
−
+
=
tePbU
PbPb
PbPb λ
( )1204
232
0204
208
204
208
−
+
=
tePbTh
PbPb
PbPb λ
Les systèmes comme les zircons ou les uraninites ne contiennent pas de plomb initial.
On écrit donc ( )11238
206
−=
teUPb λ
( )12235
207
−=
teUPb λet
La courbe concordia est le lieu des points qui donnent le même t avec les deux formules: on la construit pour différentes valeurs de t en Ma.
U-Pb bis
Si les systèmes s’ouvrent et perdent du plomb, ils s’aligneront sur une discordia :
celle du bas donne l’âge de l’ouverture des systèmes.l’intersection haute avec la concordia donne l’âge des systèmes n’ayant pas perdu de Pb,
Pb-Pb
( )1204
238
0204
206
204
206
−
+
=
tePbU
PbPb
PbPb λ
( )1204
235
0204
207
204
207
−
+
=
tePbU
PbPb
PbPb λ
( )
( )1
1
1
2
204
238
0204
206
204
206
204
235
0204
207
204
207
−
=
−
−
=
−
t
t
ePbU
PbPb
PbPb
ePbU
PbPb
PbPb
λ
λDivisons l’une par l’autre:
−−
=
−
−
11
8,1371
1
2
0204
206
204
2060
204
207
204
207
t
t
ee
PbPb
PbPb
PbPb
PbPb
λ
λ
137,8 est le rapport actuel 238U/235U
Cette équation décrit toute une famille de droites sécantes au point P, (207Pb/204Pb)o , 206Pb/204Pb)o représentant la composition
initiale du système.
La pente de la droite m donne l’âge du système:
−−
=11
8,1371
1
2
t
t
eem λ
λ
K-Ar
Pas d’argon initial : puisqu’il s’agit d’un gaz, il n’est pas
incorporé dans la structure des minéraux.
40K
40Ar Mais il faut tenir compte de la proportion de K qui se
désintègre en autre chose que de l’argon!
( )( )1* 4040 −×+
= + t
ce
ce ceeKAr βλλ
βλλλ
Lors des analyses, il faudra aussi tenir compte de la composition de l’argon atmosphérique!
Dans les chaînes de désintégration de U et Th, un équilibre séculaire est établi entre les différents radionuclides au bout de 5 à 6 fois la période du nuclide intermédiaire ayant la plus longue demi-vie.
Déséquilibres
L’activité de tous les nuclides est alors égale : (λ1N1)=(λ2N2)=…=(λiNi)
L’équation de remise à l’équilibre va donc impliquer ces deux radionuclides, N1 et N2 pour simplifier.
Un déséquilibre est créé par un fractionnement entre deux nuclides d’éléments chimiques différents, par exemple entre 238U et 230Th.
22112 NN
dtdN λλ −=
( ) ( )( ) ( ) to
t eNeNN 22212 1 λλ −− +−=
avec λ1<<λ2
( ) t
o
t eThThe
ThU
ThTh λλ −−
+−
=
232
230
232
238
232
230
1
Ceci est l’équation d’une droite de pente m=1- e-λt
avec la constante λ de 230Th, telle que T=75380 ans
Les radioactivités éteintes
Elles fonctionnent selon un principe un peu différent des radioactivités à longue période dans la mesure où l’on ne peut plus mesurer le père!
On passe par l’intermédiaire de la mesure la plus précise possible des compositions isotopiques du fils. Si elles montrent des anomalies, on doit expliquer pourquoi.
Le raisonnement est alors de ce type :
Au bout de 5 à 6 périodes de désintégration, il ne reste presque plus d’isotope radioactif.
Il n’est donc pas incorporé de façon significative dans les systèmes, ne s’y désintègre pas et il n’y a donc aucune raison de trouver son descendant en excès!
Si, par contre, on retrouve son descendant en excès dans un système, c’est qu’il a pu être incorporé avant de disparaître complètement et que cette incorporation s’est faite entre le moment de sa formation et au plus 5 à 6 périodes.
Les stablesLe facteur de fractionnement α et la notation delta δ
B
ABA R
R=−α
RA et RB étant le rapport de l’isotope lourd sur l’isotope léger dans les phases A et B.
0003101 ×
−=∂
std
AA R
R
BABA −≈∂−∂ αln103
Les relations entre α entre deux phases solides et la température
2ln1000TA
=αBTA
+= 2ln1000 α Si T>500°CSi T<500°C
Les stables II
Cas de l’eauLes fractionnements α des isotopes de l’oxygène et de l’hydrogène dépendent de la température.
On peut donc mettre en relation les δ18O des précipitations et la
température moyenne (fonction de la latitude) Relation δD - δ18O dans les eaux météoriques
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