LES BANQUES ISLAMIQUES
Faculté des Sciences juridiques Economiques et Sociale de Settat
LES BANQUES ISLAMIQUES
Présenté par :
LOUZAR El Mehdi
ELOMARI Ouafa
CHAJADINE Salah
Encadré par :
Mr. ABDELGHANI DCHANE
MASTER LOGISTIQUE ET COMMERCE INTERNATIONAL
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PLAN
Introduction
PARTIEI : Le système bancaire islamique
Section 1 : Généralités sur la finance islamique
1. Définition de la banque islamique 2. Historique3. Sources de la finance islamique4. Les principes de base de la finance islamique5. Les objectifs de finance islamique6. Le rôle du Sharia Board
Section 2 : Les produits financiers islamiques
1. Les produits comprenant un système de Partage des Pertes et Profits (3P)2. Les produits basés sur le principe du coût plus marge3. Les autres produits financiers islamiques
Section 3 : Le fonctionnement des banques islamiques
1. Analyse comparative entre Banques islamiques & Banques traditionnelles2. Les avantages et inconvénients du financement islamique 3. Les risques majeurs auxquels les banques islamiques doivent faire face
PARTI II : La finance islamique dans le monde
PARTIE III : contextes et défis de l’implantation des banques islamiques au Maroc
1. Les contextes 2. Les problèmes qui retardent l’implantation des banques islamiques3. Mesures correctives 4. Les principales lignes directrices de la nouvelle loi bancaire 2012
ConclusionBibliographieWebographie
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Introduction
Depuis ce fameux été 2007, la désormais très célèbre crise des « subprimes » a fait couler
beaucoup d’encre et nombre d’analystes osent aujourd’hui franchir un cap en affirmant
ouvertement que le système économico-financier mondial doit être réformé.
En effet, après les faillites de certains fonds d’investissement, puis celles de banques
internationales de renom et enfin la quasi faillite de certains états, c’est aujourd’hui l’«
économie réelle » qui subit les conséquences d’un système financier qui semble avoir perdu
le nord. « Nous avons besoin de plus d’éthique, plus de morale... » Disent-ils.
Pendant ce temps, au beau milieu de ce tremblement de terre qui frappe en premier lieu le
secteur bancaire, certaines institutions financières au business model assez particulier font
leur chemin. Tout semble se passer comme si ces dernières étaient immunisées contre ce
virus qui se propage sur toute la surface du globe. Les banques islamiques ne sont pourtant
pas nées pendant la crise. Seulement, c’est dans ce contexte de turbulences que les principes
qui régissent leur fonctionnement trouvent enfin une réelle résonnance.
« Le subprime a mis en évidence une absence de moralité. Et la finance islamique devrait se
renforcer dans cet environnement, en misant justement sur ses aspects religieux, moraux et
éthiques »
Jacques TRIPON, responsable de la BFI de BNP PARIBAS dans la région du Golfe.
Il est donc bien question d’un renforcement de la Finance Islamique. Ce renforcement, à
l’œuvre actuellement, marque le passage du regard intéressé au regard curieux. Ce sont donc
bien les principes de la Finance Islamique qui éveillent les curiosités, au delà des pétrodollars
qu’elle rappelle. Cependant, malgré l’intérêt grandissant qui lui est porté, la Finance
Islamique est encore très méconnue, tant de l’individu lambda que du professionnel de la
Finance.
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La Finance Islamique se définit comme une finance éthique dont les valeurs morales nsont
tirées du Coran et plus globalement de la Sharia, la loi islamique. On compte parmi ses
principaux fondements l’interdiction de la pratique de l’intérêt (Riba), l’interdiction des
npratiques spéculatives, le principe de partage des profits et des pertes (les 3 P), l’obligation
de l’asset backing ou encore l’interdiction d’investir dans des sociétés dont les activités sont
jugées illicites (jeu, pornographie, armement, alcool, etc.)
Cette étude se propose d’apporter, si ce n’est des réponses, quelques éléments de réflexion
quant à des questions telles que :
• En quoi la Finance Islamique peut-elle constituer une alternative viable au système
économico-financier actuel ?
• Quelle est la pertinence du modèle islamique d’un point de vue macroéconomique ?
• Où en est la Finance Islamique en termes d’instruments financiers ?
• Quel est l’intérêt pour une banque de se lancer dans des activités de Finance Islamique
?
• Qu’est-ce qu’un fonds islamique ?
• Quel est le champ de manœuvre d’un asset manager dans le cadre de la Sharia ?
Cet exposé se compose d’une partie introductive dans laquelle seront présentés les principes
de la Finance Islamique et leurs fondements religieux et économiques. Nous tenterons
également d’y expliquer pourquoi cette discipline rencontre actuellement un tel succès et
dans quelle mesure son développement peut se poursuivre.
Dans un second temps, nous aborderons des aspects plus techniques. Seront ainsi présentés
les contrats et les instruments financiers islamiques. Dans une section de cette partie plus
appliquée, nous proposerons enfin au lecteur un cas des banques islamiques au Maroc.
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PARTIEI : Le système bancaire islamique
Section 1 : Généralités sur la finance islamique
1. Définition de la banque islamique
La banque islamique est une institution bancaire qui obéit dans toutes ses opérations, ses
activités d’investissement et sa direction à la législation islamique « Chariaa » et ses buts et
aux objectifs de la société islamique intérieurement et extérieurement.
Une banque islamique est une institution qui reçoit des dépôts et mène toutes les activités
bancaires à l’exception de l’opération de prêt et d’emprunt à intérêt. Le passif est constitué
par l’ensemble des fonds mobilisés selon la formule de mudaraba ou de wakala (agent). Elle
accepte, aussi, des dépôts à vue qui sont considérés comme des prêts sans intérêt des clients
envers la banque, et de ce fait, ils sont garantis. L’actif se constitue par les fonds avancés sur
la base de partage des profits et des pertes ou bien sur la base d’un endettement conforme aux
principes de la Shariah. Elle joue le rôle d’un manager d’investissement vis-à-vis des
déposants dont les fonds appartiennent à la catégorie des dépôts d’investissement. En sus de
cela, la participation en capital ainsi que le financement de l’actif circulant (stock de
marchandise) et de l’actif fixe constitue une partie intégrale des opérations de la banque
islamique.
La banque islamique partage ses gains nets avec ses déposants au prorata de la date et du
montant de chaque dépôt. Les déposants doivent être informés en amont de la formule de
partage des profits avec la banque.
2. Historique :
Si la période s’étalant de 1890 à 1950 est marquée par l’émergence des premières banques
nationales arabes, on ne parlait pas encore véritablement de banque islamique, les premiers
établissements se basant encore sur le modèle conventionnel.
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3. Sources de la finance islamique
En économie comme dans tout autre domaine de la vie du musulman, la sharia fait figure de
référence juridique et indique ainsi la ligne de conduite. Les quatre principales sources de la
sharia sont, par ordre d’importance, les suivantes :
• Le Saint Coran (paroles de Dieu) : Il constitue la première source en termes de loi. Tout
élément tiré d’autres sources juridiques (ci-dessous) doit impérativement être en totale
conformité avec le Coran.
1975Création de La BID ( Aide au développement avec des techniques de financements islamiques)+
D’autres banques islamiques ( Dubai Islamic Bank, la Kuwait Finance House et la Bahrein Islamic Bank)
1970Idée de la banque islamique par l’organisation de la conférence islamique
1963Naissance des principes financiers islamiques en Egypte. La Mit Ghamr Saving bank
2000-2008
Développement de la FI en Europe et au Moyen Orient, Asie du Sud Est, Afrique du Nord, autant dans les banques islamiques que les banques traditionnelles
1980- 2000Développement de la FI en Asie du sud et au Moyen Orient
1979 – 1981 - 1983Islamisation totale des systèmes financiers des pays du Soudan, Pakistan, Iran, Arabie,
Emirat, Indonésie, Malaisie…
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• La Sounna du Prophète Mohammed (SAWS) : Ce terme englobe l’ensemble des
enseignements transmis par le Prophète (SAWS) via ses paroles, ses actes, et son approbation
tacite.
• L’Ijmaa : Dans sa dimension technique, ijmaa signifie le consensus des juristes musulmans
sur un point de droit. En pratique, l’ijmaa fait office de preuve si aucun élément du Coran ou
de la Sounnah ne permet de trancher sur un cas.
• Le Qiyass : Le Qiyass, ou « Analogie Authentifiée », consiste à affecter, sur la base d’une
caractéristique sous-jacente commune, la règle juridique d’un cas existant trouvée dans les
textes du Coran, de la Sounnah et/ou de l’Ijmaa à un nouveau cas dont la règle juridique n’a
pas pu être clairement identifiée.
4. Les principes de base de la finance islamique
Les « Cinq Piliers » de la Finance Islamique :
La Finance islamique repose sur cinq principes fondamentaux, souvent qualifiés de piliers de
l’islam financier. L’existence de contrats et donc de produits spécifiques à la Finance
Islamique ainsi que la proscription de certaines méthodes classiques découlent des ces piliers :
Prohibition du Riba :
« Ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt, parce que le
gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a
présidé sa création … cette façon de gagner de l’argent est, de toutes, la plus contraire à
la nature » Aristote
القرآن
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« Ceux qui mangent (pratiquent) de l’intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du
Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé. Cela,
parce qu’ils disent: "Le commerce est tout à fait comme l’intérêt". Alors qu' Allah a
rendu licite le commerce, et illicite l’intérêt. Celui, donc, qui cesse dès que lui est venue
une exhortation de son Seigneur, peut conserver ce qu’il a acquis auparavant; et son
affaire dépend d' Allah. Mais quiconque récidive... alors les voilà, les gens du Feu! Ils y
demeureront éternellement ».
Coran > Sourate Al-Baqara> Verset 275
(278) Ô les croyants! Craignez Allah; et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire, si
vous êtes croyants. (279) Et si vous ne le faites pas, alors recevez l'annonce d' une guerre
de la part d' Allah et de Son messager. Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux.
Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés.
Coran > Sourate Al-Baqara> Verset 278 - 279
Il est admis par les jurisconsultes musulmans que le Riba prohibé en Islam ne se limite pas à
l’usure mais qu’il inclut toute forme d’intérêt, quelques soient les caractéristiques du prêt en
question (à la consommation / production ; taux élevé / faible ; échéance courte / longue ;
etc.). La prohibition du Riba découle essentiellement de l’interdiction par la Sharia de fixer, à
l’avance, un taux positif rémunérant l’écoulement du temps.
La Sharia proscrit en effet toute prime contractuelle sur le montant d’un prêt de biens
fongibles (dont la monnaie). Elle interdit également le retrait par le prêteur d’un quelconque
القرآن
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avantage de son prêt, sauf si cet avantage est librement accordé par l’emprunteur après
remboursement du prêt et sans en constituer une condition tacite ou explicite.
La recherche des raisons de la prohibition de l’intérêt a donné lieu à certaines interprétations,
dont on peut citer :
L’intérêt est interdit parce qu’il constitue une rémunération contractuelle fixée à
l’avance (taux fixe ou benchmarké).
L’intérêt représente la rémunération du temps qui ne devrait pas faire l’objet
d’échanges.
L’intérêt est injuste parce qu’il correspond à une rémunération garantie du prêteur,
alors que les risques sont totalement assurés par l’emprunteur.
Sur le plan socio-économique, l’intérêt contribue à accroître les inégalités.
Interdiction du Gharar : Le terme Gharar signifie le caractère aléatoire ou flou d’un
échange ou de l’une de ses composantes (nature du bien, prix, description etc.). Le Gharar
peut donc être plus largement défini comme la vente de biens dont l’existence et les
caractéristiques ne sont pas certaines.
On retrouve à plusieurs reprises cette interdiction dans les sources de la Sharia, et en
particulier dans la Sounnah. On peut citer à titre d’exemple une parole du prophète
Mohammed (pbsl) :
« L’Envoyé de Dieu a interdit de vendre la portée d’une chamelle avant que celle-ci ne mette
bas. » (rapporté par Al Boukhari,Mouslim).
Dans le même ordre d’idées, on notera également l’interdiction du Qimar (pari) et du
Mayssir (spéculation). Leur prohibition découle de la possibilité pour l’un des contractants de
perdre la totalité de sa « mise ».
Interdiction du Haram : L’interdiction du Haram signifie que le musulman ne peut
traiter des biens jugés illicites par la Sharia. En d’autres termes, les sous-jacents de
tout type de contrats doivent également être conformes à la Sharia.
Typiquement, dans le cadre d’une prise de participation sous la forme d’actions, un certain
nombre de secteurs dont les activités sont considérées comme illicites sont à exclure de
l’univers d’investissement (alcool, pornographie, secteur bancaire « traditionnel » etc.).
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Principe des « 3P » : La Finance Islamique est souvent qualifiée de « participative » en ce
qu’elle encourage le profit et bannit l’intérêt. A partir du fonctionnement des contrats de
participation, elle a mis en place un système basé sur le Partage des Pertes et des Profits (« 3P
»). Ce système permet d’associer le capital financier au capital humain.
En d’autres termes, un investisseur va confier ses fonds à un entrepreneur avec qui il
partagera les bénéfices selon un prorata prédéterminé.
L’ « Asset Backing » : L’ « Asset Backing » ou adossement à un actif tangible, apparaît
comme l’un des principes qui font de la Finance Islamique une finance reconnue pour son
potentiel en termes de stabilité et de maîtrise des risques. En effet, exiger que tout contrat soit
rattaché à une activité « palpable » rassure notamment quant aux problématiques de
déconnexion de la sphère financière à la sphère réelle.
Le respect de l’ensemble des conditions induites par ces piliers fondateurs de la Finance
Islamique permet d’affirmer qu’un produit financier est « Sharia Compliant ».
Néanmoins, il semble évident que la bonne foi de l’offreur ne suffit pas à garantir la
conformité du produit à la Sharia. Pour pallier à ce problème d’agence, cette responsabilité est
confiée à un Sharia Board qui certifie la licéité des produits offerts.
5. Les objectifs de finance islamique
« Le système bancaire islamique gagne progressivement en crédibilité. Il joue un rôle important dans le développement de plusieurs pays du Golfe et jouit d’une acceptation plus large sur les marchés internationaux. » Financial Times, 16 mars 1999.
Le système bancaire islamique vise plus particulièrement à réaliser plusieurs objectifs socio-
économiques, parmi lesquels :
Promouvoir et encourager le respect des principes, lois et traditions islamiques dans
les milieux de la finance, de la banque et des activités similaires.
Offrir à tous les musulmans des services financiers modernes leur permettant de
réaliser des transactions financières tout en respectant la Charia.
Aider la communauté islamique dans la collecte et l'utilisation des ressources
nécessaires à un vrai développement économique tout en respectant les principes
islamiques.
6. Le rôle du Sharia Board
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Les jurisconsultes musulmans ont une profonde influence sur la pratique quotidienne de la
Finance Islamique. En effet, la nécessité d’une concordance continue avec les préceptes de le
Sharia impose aux différents acteurs de cette industrie de faire régulièrement appel à un «
Conseil de la Sharia », ou Sharia Board. Chargé de surveiller la conformité des produits et des
méthodes avec la Loi Islamique, ce comité joue un rôle pivot dans la vie des produits « Sharia
Compliant ».
Le processus de certification d’un produit passera par un certain nombre de questions qui
guideront le comité dans cet exercice. Typiquement :
Les termes de la transaction sont-ils conformes à la Sharia ?
Est-ce le meilleur investissement pour le client ?
En tant que gestionnaire de fonds, est-ce une transaction dans laquelle le banquier
serait prêt à investir son propre argent ?
Dans le cas spécifique de la surveillance des fonds, il est à noter que le rôle du Sharia Board
ne se limite pas au screening des actions ou autres produits mais consiste également à garantir
la conformité des stratégies et des méthodes de gestion. Typiquement, il est inexact de stipuler
qu’un fonds indiciel dont l’indice de référence est certifié par un Sharia Board est
automatiquement « Sharia Compliant ».
Il convient enfin de souligner l’un des problèmes récurrents auxquels font face les acteurs de
la Finance Islamique en relation avec le rôle du Sharia Board. En effet, il existe au sein de la
communauté musulmane différentes écoles de pensée dont les interprétations de textes
religieux sont plus ou moins reconnues en fonction de la sensibilité du client. Ainsi, une
institution financière faisant appel à un Sharia Board malaysien pour la certification d’un
produit rencontrera des difficultés pour vendre ce produit dans le Golfe. En effet, les pays du
Golfe, plus rigoristes, auraient tendance à rejeter certaines interprétations des jurisconsultes
malaysiens jugés trop souples. L’on remarque néanmoins des efforts de standardisation de la
part d’institutions ayant vocation à réglementer ce marché tels que l’AAOIFI (Accounting and
Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions)
Section 2 : Les produits financiers islamiques :
La majorité des experts de la finance islamique s’accorde à dire qu’il existe deux types de
produits financiers islamiques : Les produits basés sur le principe des 3P et ceux basés sur le
principe du coût plus marge. C’est pour cette raison que nous présenterons de manières
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scindées les mécanismes, les schémas et les équivalents conventionnels des deux types de
produits financiers conformes à la Chari’a.
1. Les produits financiers islamiques comprenant un système de Partage des Pertes et Profits (3P)
Les produits basés sur le principe des 3P
Produit Mécanisme Équivalent conventionnelMudaraba Ce produit est un partenariat entre le bailleur de
capitaux (banque) et un Moudareb (entrepreneur).La banque fournit la totalité du capital à unentrepreneur pour le financement d’un projet. Encontrepartie ce dernier fournit son savoir-faire etson capital humain. Les profits sont partagés in-fine selon un ratio préétabli. Les pertes sont entièrement supportées par la banquesauf en cas de négligence, fraude ou mauvaiseexécution du contrat. Ce type de contrat est souvent utilisé pour des transactions à court termepour tout ce qui touche au fond de roulement.Du côté du Passif des banques, il existe aussi detels contrats, mais ceux-ci sont illimités. La banque a le droit d’utiliser les fondsdes déposants pour un large panel de projets.Cette combinaison actif-passifde ce type de contrat est appelée Mudaraba twotiers (Karich, 2002. p.65).
Ce type de contrat est assimilable à une sociétéen commandite où le commandité serait labanque et le commanditaire l’entrepreneur.
Musharaka et diminishingMusharaka
Musharaka est un des modes de financement islamique, utilisée pour les financements à moyen et long terme. Il s’agit d’une association entre la banque et un ou plusieurs partenaires.Le capital du projet est fourni par la banque et unou plusieurs partenaires.Les profits et pertes sont partagés au prorata del’apport financier de chacun. Tous les cocontractants ont un droit de regard sur la gestion du projet.Dans le cas d’un diminishing Musharaka, l’entrepreneur peut racheter progressivement les parts de la banque.
Ce type de transaction est comparable à une jointventure.
2. Les produits financiers islamiques basés sur le principe du coût plus marge
Produit Mécanisme Équivalent conventionnel
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Murabaha Il s’agit d’une vente avec marge. Celle-ci doit êtredéfinie par les deux parties et le montant du coût derevient doit être connu de l’acheteur à l’initiation ducontrat. Le paiement peut s’effectuer par versements échelonnés. D’après Standards & Poors (2006, p.37)
Dans la pratique, ce mode de financement est utilisé à court terme pour l’acquisition de matières premières et de produits semi-finis.
Semblable à une ventetraditionnelle.
Salam C’est une vente avec livraison différée.L’acheteur paie comptant le prix négocié à l’initiation du contrat. Le vendeur livre le bien à terme. Afin d’éviter toutes confusions, le vendeur signe une promesse de livraison au vendeur en stipulant les modalités de la vente (nature des marchandises, quantités, prix, délais etmodalités de livraison et/ou de vente pour le compte de la Banque).Ce contrat est une exception, car dans lathéorie la Chari’a prohibe la vente d’un objet que l’on ne détient pas (bay al ma’adoum) (IIRF, 2002. p. 15).
Comparable à un contrat forward qui donne le droit d’acheter un bien à un prix et une date convenus dans le futur.Il existe deux différences fondamentales entre un Salam et un Forward :premièrement, à l’échéance le sous-jacentn’est pas livré dans le cadre d’un Salam.Deuxièmement, lors d’un forward le sous-jacent est payé à la maturité, ce qui n’est pas le cas du Salam où le paiement est comptant.
Istisna Il s’agit d’un contrat par lequel une partie demandeà une autre de lui fabriquer un objet moyennant unpaiement comptant, échelonné ou à terme.Bien que fort ressemblant au Salam, l’Istisnaprésente la particularité d’avoir un objet du contratnon achevé à l’initiation du contrat.L’Istisna fait donc une entorse aux règles de la Chari’a qui, elle, prohibe la vente d’une chose qui ne nous appartient pas ou que l’on ne possède pas (op.cit, p.14).Dans la pratique, cette transaction procure auxentreprises un financement à moyen et long terme pour la fourniture, la construction ou la fabrication de produits finis.Cette technique est souvent additionnée à d’autres contrats, comme l’Ijara, lors de projets immobiliers par exemple.
Contrat proche des forward si le paiement del’Istisna s’exécute à terme.Quant à la livraison du bien, elle se fera à terme, car le bien n’est fabriqué qu’à partir du moment où les deux parties se sont mises d’accord sur les modalités du contrat.Contrat proche d’un prêt pour le fond de roulement si le paiement est effectué à l’initiation du contrat. Le paiement cash peut, en effet, servir à acheter le matériel nécessaire à la fabrication du bien.
Muajjal Le Muajjal est une vente dont le paiement se fait demanière différée, alors que la livraison est immédiate. La date de paiement ainsi que le prix
Correspond à une Vente à crédit.
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sont connus et acceptés à l’initiation du contrat par les deux parties.C’est l’opposé du contrat Salam vu précédemment.
Ijara / Ijara Wa Iktina
C’est un contrat de location. Un bien est acquis par la banque auprès d’un fournisseur. La banque leloue à l’entrepreneur et le coût de location plus lamarge sont échelonnés sur toute la période du bail.La variante Wa Iktina permet à l’entrepreneur d’acquérir à terme l’objet loué.
Assimilable à un contrat de leasing. Selon lesjurisconsultes musulmans, le leasing est licite car il ne s’apparente pas à un prêt d’argent. Ils arguent que le montant du loyer est dû à lajouissance du bien par le locataire (IIFR, 1996. p. 132).
3. Les autres produits financiers islamiques
Produit Mécanisme Équivalent conventionnel
Arbun Montant prélevé en garantie pour l’exécution d’un contrat futur.L’acheteur paie au vendeur un dépôt pour avoir le droit de conclure ou d’annuler la vente. En cas de non exécution du contrat le vendeur garde le dépôt en compensation. Si la vente est conclue le montant du dépôt est intégré au prixd’achat.
Comparable à une option Call, car celle-ci donne le droit mais non l’obligation d’acheter un sous-jacent à un prix et une date déterminée. Par ailleurs, tout comme un Arbun, l’acheteur d’un Call doit la « prime » au vendeur si l’option n’est pas exercée.Il existe deux différences majeures entre un Call etun Arbun. Premièrement dans le cas d’un Arbun, si l’option est exercée, le vendeur intègre la « prime »26 dans le prix du sous-jacent.Deuxièmement, le sousjacent d’un Arbun esttoujours un actif tangible.
Sukuk Les Sukuk sont des instruments obligatairesislamiques adossés à un actif tangible ou à uninvestissement dans une firme. Les rendements de l’actif ou de l’entreprise vont permettre derémunérer l’investisseur.Par ailleurs, l’échéance du titre est fixée d’avance.Selon l’AAOIFI, il existerait 14 types de Sukuk.Cependant, seules 7 techniques sont utiliséescouramment : l’Ijara, le Murabaha, le Musharaka, l’Istisna, le Mudaraba, le Salam et le Manfa’a.Ces obligations sont émises pour le compte d’Etats, d’entreprises et des banques par le biais d’une Special Purpose Vehicle (SPV). Ce dernier effectue une titrisation du sous-jacent.Étant donné que ce type de transactions fait appel à de nombreuses parties prenantes, les
Comparable à un assetbacked securities lequel estun titre de créances adossé à un actif. Ces actifs sont sous les feux des projecteurs depuis juillet2007, car ils sont à la base de la crise des « Subprimes ».
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risques de crédit sont multiples. Ces produits n’excluent pas un défaut de l’émetteur, de la banque qui officie la transaction, de l’entrepreneur lorsque le sous-jacent est basé sur le 3P, ou encore du locataire lors de transactions Ijara (leasing).
Section 3 : Le fonctionnement des banques islamiques
Depuis le lancement de la première banque islamique en 1963 en Egypte, les banques
islamiques ont essayé d’appliquer les concepts de la Chari’a à la finance. Il en résulte des
organisations, des opérations financières et des fonctionnements spécifiques.
Dans le tableau ci-dessous, nous proposons une synthèse des principales distinctions entre
banques islamiques et banques traditionnelles.
1. Analyse comparative entre banques islamiques et banques traditionnelles au
niveau de gestion des opérations bancaires :
Banques islamiques Banques traditionnelles
Comptes courants Si un client sollicite la banque islamique pour
l’acquisition d’un bien, le compte courant du
client ne reçoit pas de l’argent. La banque verse
l’argent au fournisseur pour l’achat du bien et
le revend à terme au client. Donc la
rémunération de la banque est constituée de la
marge sur la vente du bien.
Dans le cas où le client souhaite de la banque
un prêt pour une cause urgente (mariage,
décès), la banque passe par un compte spécial.
La banque ne prélève pas d’intérêt sur le prêt.
Ce prêt se nomme Qard Hassan.
La banque conventionnelle octroie un prêt,
elle le transfère sur le compte courant de
son client et se rémunère avec un intérêt.
Compte
d’investisement
Les fonds déposés dans le compte
d’investissement sont gérés par la banque en
contrepartie de frais de gestion qui peuvent
Dans la banque classique, il n’existe pas
d’équivalent aux comptes « PSIA ».
Cependant, il est à noter que dans tout
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ou Profit Sharing
Investment
Account
(PSIA)
être, soit des profits, soit des pertes. Les
dépositaires n’ont aucun droit de regard sur la
gestion de leurs comptes.
La durée des dépôts varie entre 1 mois et 5
ans. Si le détenteur du compte se retire avant la
fin de l’échéance il partage les pertes, mais pas
les profits que les fonds ont pu générer.
(Standards & Poors, 2006, p.13).
Ni le capital ni le taux de rendement ne sont
garantis.
compte traditionnel le capital est supposé
être garanti. La banque doit donc pouvoir
rembourser une partie du capital de tous
ses déposants à tout moment. Ce qui n’est
pas le cas des comptes « PSIA ».
Compte
d’épargne
Dans la banque islamique, le compte d’épargne
ne génère pas d’intérêt.
Le titulaire du compte peut percevoir des
profits.
Le capital est garanti mais il est versé après
prélèvement de la « zakat ».
Dans la banque classique, le compte
d’épargne génère un intérêt dont le taux
d’intérêt fixe est connu d’avance.
Relation client-
banquier
Les banques islamiques ont, avec leurs clients,
des relations de partenariat.
Les banques classiques ont, avec leurs
clients, des relations de créanciers /
débiteurs.
Rôle de la banque La banque islamique a en plus du rôle
d’intermédiaire financier, un rôle
d’intermédiaire commercial car l’ensemble des
transactions financières sous-tend un actif
tangible et lie acheteur et vendeur.
La banque classique a uniquement un rôle
d’intermédiaire financier. Elle collecte des
fonds et les utilise dans des opérations de
prêts.
Marché
interbancaire
Dans le système financier islamique actuel, il
n’existe ni banque centrale, ni marché
interbancaire islamique.
En cas d’excédent de liquidité à court terme les
banques islamiques ne peuvent ni recevoir ni
payer d’intérêts. Pour l’instant, il n’existe que
Dans le système financier conventionnel
les banques centrales ont plusieurs
fonctions : émission de billets, régulation
du marché monétaire, banque des banques.
Le marché interbancaire permet aux
banques de placer ou de refinancer
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peu d’instruments monétaires liquides
islamiques.
respectivement leurs excédents ou leurs
déficits de liquidités.
Les différences au niveau des postes du bilan
Actif du bilan
Banque Conventionnelle Actif Banque Islamique
Actif immobilisé Actif immobilisé Participation Participation (musharaka) Immeubles Immeubles
Diminishing Musharka
Actif Circulant Actif circulant
Titres négociables Cash Prêt standard Découverts Investissement Autres avances Financement Musharaka
Financement Mudaraba
Murabaha interbancaires de CT
Vente à crédit Salam Istisna'a Murabaha
Investissement actions, immobiliers
Passif du bilan
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Banque Conventionnelle Passif Banque Islamique
Dette CT Dette CT
Dépôts Compte courant (Qard Hassan) Emprunts et dettes financières diverses Compte d'investissement (PSIA)
Restreint Non-restreint
Compte d'épargne Zakat et impôt anticipé Murabaha interbancaire de CT Provision (IRR)
Dette LT Dette LT / Fonds propres
Fonds islamiques Capital action Capital action Bénéfice Bénéfice Réserves Bénéfice à purifier
Réserves (PER)
Source : SUNIL KUMAR K. et IOANNIS A, 2008
2. Les avantages et les inconvénients de la finance islamique :
Les avantages de la finance islamique
La finance islamique basée sur des valeurs éthiques
Le livre écrit par Michel Dion confirme les valeurs morales et éthiques de la finance
islamique : « Les musulmans doivent chercher à gagner des surplus, dans la mesure où ils ont
reçu des talents à faire fructifier. Mais les surplus doivent être utilisés non pas pour l’élévation
de soi, mais pour des buts socialement responsable qui plaisent à Allah »
les banques interviennent dans une relation de partenariat avec un entrepreneur
« Les banques islamiques vont accompagner les entrepreneurs à maximiser la rentabilité
économique du projet, les profits et les pertes éventuels seront partagés au prorata du montant
investi entre les deux parties, alors que les banques dans la finance conventionnelle ne
prennent aucun engagement et ne se soucient pas de la retombée du projet, une fois le prêt
accordé ».
Avec la finance islamique, nous n’aurions pas connu de crise de « subprimes ».
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LES BANQUES ISLAMIQUES
« Si notre système avait été basé sur les principes de la finance islamique, nous n’aurions pas
connu de crise des subprimes » pour la simple raison que celle-ci est intervenue en raison de
l’octroi de prêts immobiliers à des ménages surendettés qui n’étaient pas solvable. Or avec la
finance islamique, nous n’aurions pas octroyé ces prêts »
Le rôle important de la Finance islamique dans le fonctionnement d’une économie
-Les valeurs éthiques et morales que dégage la finance islamique, elle joue un rôle important
dans le fonctionnement et/ou dans le développement d’une économie.
- les banques islamiques financent des activités où l’argent ne peut être utilisée que pour
financer l’économie réelle, cela va stimuler l’économie en créant des emplois et dégager des
liquidités. A l’inverse, les banques conventionnelles peuvent être tentées à se lancer dans des
procédures complexes basées sur des actifs non tangibles.
La finance islamique pourrait être une solution intéressante à la finance conventionnelle et la
qualifie comme « une finance alternative intéressante ». Pour pouvoir s’implanter
durablement dans le monde, la finance islamique doit améliorer quelques points défaillants
pour prétendre à être une alternative fiable.
Les limites et défis de la finance islamique
Barrières socioculturelles
-Le premier obstacle qui freine l’expansion de la finance islamique vient de sa propre
appellation. En effet, si pour une partie des musulmans le mot « Islamique » pourrait être un
facteur qui les attire dans le choix de l’orientation des décisions financières, une autre partie
de musulmans refuse de lier la religion à des transactions commerciales que la perversité de
l’argent pourrait salir, et n’acceptent pas l’utilisation de l’Islam comme un « argument
publicitaire » permettant de promouvoir un produit.
-la réussite de la finance islamique est le fruit d’une savante ingénierie financière qui a pu
trouver des produits conformes aux principes de l’Islam pour remplacer tous les instruments
de placement classique mais dans quelques pays musulmans comme en Afrique du Nord où
l’interprétation religieuse est moins conservatrice qu’au moyen orient, et où le modèle
bancaire conventionnelle s’est imposé historiquement, les banques Islamiques n’ont toujours
pas réussi à s’imposer. Ces institutions devront faire un plus grand effort pour baisser les
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LES BANQUES ISLAMIQUES
coûts élevés de leurs produits islamiques pour convaincre les clients de ces pays à se convertir
au modèle financier Islamique.
Incertitudes et contraintes réglementaires
-avec l’absence de règles et standards universels, la finance islamique continuerait à présenter
un risque supplémentaire lié aux avis religieux des jurisprudents qui sont différents dans
l’application des normes éthiques de l’Islam qui peuvent ignorent la réalité du contexte
économique occidental.
De ce fait, plusieurs institutions internationales, tels que l’AAOIFI, l’IFSB, l’IIFM ou
l’Agence internationale de notation islamique, se consacrent à la définition de normes de
conformité à la Sharia et à leur harmonisation entre les régions. Mais c’est la Banque
Islamique de Développement qui garde un rôle central dans la création de normes et de
procédures précises, immuables et internationalement acceptables. De telles normes offriront
aux contrôleurs une meilleure visibilité sur la solidité, la stabilité et l’intégrité des banques
islamiques.
Déficit en ressources humaines
Le plus gros problème que connaissent les institutions financières Islamiques a été le manque
énorme en Oulémas qualifiés pour faire partie des comités de conformités de la Sharia. En
effet, par la nature de leurs activités, les Oulémas des Sharia Board doivent avoir une
expérience significative pour pouvoir veiller à la juste interprétation des termes employés afin
de définir correctement les instruments financiers Islamiques, et malgré les programmes de
formation lancés un peu partout dans le monde pour former les futurs oulémas capables
d’exercer dans le monde de la finance islamique, la demande reste largement supérieure à
l’offre.
Réputation et Crédibilité
- Les failles de la gouvernance :
Les règles appliquées par les banques islamiques sont issues de principes – souvent jugées
contradictoires – relevant des théories anglo-saxonnes des organisations, d’une part, et de la
loi islamique, d’autre part. Les dirigeants de ces établissements sont en fait soumis à des
règles de gouvernance à la fois actionnariale, partenariale et religieuse. Ces contradictions
peuvent avoir des effets négatifs sur quelques processus de gestion aux seins des banques. Les
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LES BANQUES ISLAMIQUES
failles de gouvernance peuvent atteindre parfois quelques processus vitaux du fonctionnement
de celles-ci, tel que le processus de validation des produits financiers.
-Insuffisance de transparence :
En ce qui concerne la transparence, des auditeurs dans le domaine financier, ont affirmé que
la lecture des comptes des banques islamiques est un exercice difficile tant les concepts et les
termes employés sont étrangers au jargon financier standard. Ils jugent également le contenu
informationnel des états financiers comme étant souvent pauvre en éléments clés. De plus, à
cause du manque de données suffisantes, il est presque impossible de comparer les
fonctionnements et les performances des banques islamiques d’une région à l’autre.
3. Les risques majeurs auxquels les banques islamiques doivent faire face
Les banques islamiques participent aux gains et aux pertes de leurs clients. Cela entraîne donc
nécessairement un accroissement des risques pour celles-ci par rapport à ceux encourus par
les banques classiques.
Il existe en effet cinq risques majeurs auxquels les banques islamiques doivent faire face.
Ceux-ci sont le risque de crédit, le risque de marge, le risque de marché, le risque de non-
liquidité et le risque opérationnel. Si l’on effectue un classement des risques du plus au moins
« dangereux », le risque de marge vient en premier. Cependant, les banques islamiques ne
sont pas les seules à devoir y faire face puisque ce risque peut être comparé au risque du taux
d’intérêt dans le cadre des banques classiques.
Les banques classiques considèrent le risque de crédit comme le risque majeur alors qu’il
n’apparaît qu’à la troisième place dans le cadre des banques islamiques. Ceci s’explique par le
fait que dans le système islamique, le financement est directement lié à une marchandise ou à
un bien qui jouent le rôle de garantie.
Pour ce qui est du risque de marché celui-ci est bien entendu moins élevé pour les banques
islamiques étant donné que la concurrence sur le marché des banques est pour elles moins
forte.
Le risque opérationnel est plus élevé pour les banques islamiques que pour leurs homologues
classiques étant donné les limites imposées par la Charia.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
Quant au risque de non-liquidité est quant à lui plus important pour les banques islamiques
étant donné la nature de certains modes de financements islamiques comme par exemple la
moucharaka, le salam et l’istisnaâ.
Afin de limiter ces risques dus à leur participation directe aux projets à travers le partage des
risques, les banques islamiques attachent une grande importance à l’étude des projets qu’elles
vont supporter ainsi qu’aux entrepreneurs avec qui elles vont collaborer ; ce qui n’est pas
toujours le cas des banques classiques.
PARTI II : La finance islamique dans le monde
Malgré son encours estimé à plus de 1000 milliards de dollars, la finance islamique représente
seulement 1 % de la finance classique. Autrement dit, son activité reste relativement
marginale. Cette forme de finance est essentiellement pratiquée dans les pays du Moyen-
Orient qui, avec quelque 400 milliards de dollars, représentent presque la moitié de son
encours total.
Par ailleurs, on note depuis cinq ans une accélération significative de son encours. Selon les
projections d’Ernest&Young, il pourrait atteindre plus de 4500 milliards de dollars en 2020.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
Quelles sont ses réelles perspectives de développement ?
Depuis les révolutions arabes, les pays d’Afrique du Nord (Tunisie, Egypte, Maroc)
représentent une nouvelle source potentielle de développement. Selon un rapport de
Standard&Poor’s publié en février 2012. Si les actifs islamiques ne représentent pour l’instant
que 5 % de l’ensemble des actifs bancaires, leurs perspectives de croissance sont
substantielles du fait des mutations économiques et sociopolitiques que connaissent
actuellement ces différents pays.
Par ailleurs, la finance islamique ne s’adresse pas uniquement au 1,5 milliard de musulmans.
Plusieurs pays occidentaux s’y intéressent car elle présente des caractéristiques intéressantes
en matière de transparence et de régulation bancaire. Sur ce point, le Royaume-Uni fait office
de précurseur. La financial Services Authority a ainsi créé des normes pour ces nouveaux
produits financiers et a ouvert un département spécifique dédié à la finance islamique. En
2004, l’Islamic Bank of Britaina ainsi ouvert ses portes, une première en Europe occidentale.
Aussi, la banque mondiale HSBC, en tête sur ce segment au Royaume-Uni, a récemment
indiqué qu’elle arrêterait de proposer des produits de finance islamique dans ses agences
présentes sur le territoire britannique, aux Emirats Arabes Unis, au Bahreïn et dans d’autres
régions du globe et ce afin de recentrer cette activité en Malaisie et en Arabie Saoudite où la
finance islamique représente plus d’un tiers des pratiques financières classiques.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
En Allemagne et en France, comptant à eux deux près de 9 millions de musulmans, la finance
islamique n’a pas encore pénétré le marché bancaire traditionnel. Autrement dit, aucune
grande banque allemande ou française ne propose à ses clients d’investir dans des produits dit
« charia-compatibles », c’est-à-dire conformes à la loi islamique. Quelques initiatives ont
cependant émergé ces trois dernières années.
En Allemagne, la banque islamique turque Kuveyt Türk pourrait ouvrir ses portes
prochainement à Francfort et dans d’autres grandes villes allemandes comme Berlin en
commercialisant des produits bancaires tels que le crédit immobilier « charia-compatible ».
En France, une société civile en placement mobilier, France Sukuk Courtage a récemment
ouvert ses portes en proposant un produit d’épargne immobilier répondant aux critères de la
Charia. Elle est gérée par une société de gestion agrée par l’Autorité des Marchés Financiers,
plusieurs projets en partenariat avec plusieurs établissements bancaires n’ayant pas abouti.
Quelles limites au développement de la finance islamique dans le monde ?
Malgré des projections de développement encourageantes dans les pays du Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord, la finance islamique peine encore à trouver un écho en Europe et ce pour
plusieurs raisons.
Note : en 2015, le secteur bancaire islamique du MENA devrait représenter un encours total
de 990 milliards de dollars, (2010 = 416 Mds de dollars).
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LES BANQUES ISLAMIQUES
Tous les établissements bancaires commercialisant des produits dits « charia-compatibles »
doivent être validés par un organisme islamique en charge de ce contrôle (Organisation de
Comptabilité et d’Audit des Institutions Financières Islamiques (AAOIFI)). Or, l’empreinte
des principes religieux adossés aux produits islamiques peut être « gênante » dans le
processus d’intégration et de standardisation de ce type de produit au système financier
classique. Comme le souligne Ada Di Marzo (Les Echos, 12/10/2012), « Les limites au
développement de cette activité aujourd'hui sont plutôt liées à l'offre et non pas à la
demande ».
Par ailleurs, les produits de la finance islamique devant prendre la forme de produits
financiers (crédits classiques, comptes à terme et comptes sur livrets étant interdits), doivent,
comme chaque produit financier commercialisé en France, disposer d’un agrément délivré par
l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Enfin,dans la plupart des pays européens, les
préoccupations économiques et sociales liées à la crise de la dette de la zone Euro semblent
avoir poussé au second plan la question de l’intégration et du développement des pratiques
financières islamiques au sein des banques conventionnelles.
A méditer : les banques islamiques seraient plus stables et efficaces que les banques classiques
Une étude universitaire américaine publiée en septembre 2012 propose de comparer
l’efficacité et la stabilité des banques islamiques et conventionnelles.
Cette étude révèle notamment que les frais de fonctionnement des banques islamiques sont
plus élevés que ceux rencontrés dans les banques conventionnelles. Cependant, elles disposent
de services d’intermédiation financière supérieurs, (part des services rendus par les
intermédiaires financiers non facturée à la clientèle) et présentent dans leurs bilans une
meilleure qualité d’actifs. Ces deux derniers éléments justifient en partie la meilleure
résistance des banques islamiques face à la crise financière. En 2007, la banque Lehmann
Brothers présentait un ratio d’endettement de 30 :1. Autrement dit, le montant des dettes de la
banque américaine était trente fois supérieur au montant de ses capitaux propres.
Parallèlement, la plupart des banques islamiques présentes en Afrique du Nord et au Moyen
Orient disposait d’un ratio d’endettement de 10 :1. En effet, tout investissement étant tenu de
disposer d’un sous-jacent réel, cela contribue à réduire l’exposition aux risques de la banque
et sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur en cas de défaillance du système mondial.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
PARTIE III : contextes et défis de l’implantation des banques islamiques au Maroc
1. LES CONTEXTES :
Politiques :
- L’arrivé au pouvoir du PJD, un parti qui a l’intention d’ouvrir la voie à l’implantation des
banque islamique au Maroc, en effet des premiers signes le démontrent. Les investisseurs du
golfe ont déjà pris langue avec le nouveau chef du gouvernement. La banque qatarie QIIB a
pris une bonne option pour inaugurer la nouvelle ère qui s'annonce pour le système bancaire
marocain.
- Le Maroc profite d’un statut avancé par rapport aux Etats du Golfe. L’économie marocaine
jouit d’une certaine notoriété auprès des pays de la région notamment celle de l’Afrique de
l’Ouest, il reçoit des dons énorme dons de la Part des pays du golf, essentiellement, de la part
de l'Arabie-Saoudite et des Emirats.
- Le Maroc est un pays musulman si les banques Islamiques s’installent au Maroc, une grande
majorité des Marocains se dirigeront vers ces nouvelles banques, plus conformes avec le
modèle Islamique.
- Le Maroc se lance dans une nouvelle phase de l’ouverture sur le monde entier dans le cadre
de la mondialisation et de démocratie incitée par le printemps arabe et concrétisée par la
nouvelle constitution le Maroc est obligé d’accorder l’occasion et l’opportunité au finance
islamique.
Sociaux :
Comme beaucoup de pays du tiers monde le Maroc connaît une grande crise d'habitat, que les
crédits traditionnels, n'ont pas pu résoudre, et encore plus, les banques sont même soupçonnés
de l'accentuer notamment par la spéculation , et par des crédits qui ne répondent pas aux
demandes d'un grand nombre de clients, qui ont des convictions religieuses contraires aux
principes sur lesquelles ces crédit sont basées, surtout les taux d'intérêts prohibés par les
préceptes de la charia.
Donc l'introduction de ces produits va certainement encourager cette catégorie de citoyen,
pour acheter leurs propres maisons, par des produits bancaires comme «Miftah Al Kheir» et
«Miftah Al Fath», qui répondent à leurs attentes, et de cette façon on va remédier au moins
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LES BANQUES ISLAMIQUES
partiellement à ce fléau qui peut engendrer des problèmes sociaux, qui menace la stabilité
sociale du pays, notamment les bidonvilles que le Maroc combatte avec voracité.
D'autre part la finance islamique en interdisant l'intérêt, il va empêcher le favoritisme du
capital par rapport au travail, le capital doit par conséquent profiter à son détenteur et à celui
qui le profite par son travail. Et d'une autre côté elle vise à empêcher la formation au sein de
la société d'une classe détentrice des capitaux et d'une autre misérable qui travaillerait pour le
bien être de la première, et c'est le but de la mucharaka qui va créer une complémentarité
entre ces deux classes pour le bien de la société toute entier.
Enfin il vaut mieux signaler qu'en acceptant la commercialisation de ces produits, l'Etat
marocain va rompre la route contre toute éventuelle utilisation politique de ces modes de
financement, surtout par l'opposition islamique, et de cette manière il n'y aura aucun
changement sur le niveau sociopolitique interne. Et d'ailleurs c'est la principale cause qui a
poussé l'Etat pour autoriser la commercialisation des produits bancaires islamiques.
Economique :
Aujourd’hui, la totalité ou presque (94%) de la population marocaine serait intéressée par la
finance islamique d’après une enquête menée par l’Islamic Finance Advisory & Assurance
Services (IFAAS) sur la finance islamique au Maroc (cf. L’Economiste du 18-06-2012). Ce
qu’il faut retenir de ce résultat, au-delà de l’aspect éthique et religieux de ces produits, c’est
qu’il existe aujourd’hui au Maroc un potentiel d’épargne non négligeable qui échappe
totalement au circuit bancaire traditionnel. L’intégration de cette clientèle dans le circuit
bancaire permettrait de relever le taux de bancarisation. De plus, l’épargne collectée
résoudrait en partie la problématique de sous liquidité.
Il faut signaler que les produits islamiques, vont aider beaucoup ceux qui pratiquent des
métiers libéraux, comme les médecins, les avocats, les notaires pour équipier leurs bureaux,
par ijara ou murabaha, notamment ceux qui ont des convictions religieuses.
Il y a aussi l'intérêt financier du fait que ces produits ; vont certainement contribuer dans le
processus de bancarisation que le Maroc poursuit ces derniers années, car d'une part les
banques auront plus de produits à présenter, et d'autre part elles cibleront une nouvelle
catégorie de clients, qui' ont été négligé auparavant.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
Il y' a aussi un autre intérêt de plus grande importance, qui est l'épanouissement du secteur de
l'immobilier, car en donnant plus de crédits conformes aux préceptes de l'islam, en va
encourager beaucoup de gens à acheter des logements ce qui va se répercuter sur ce secteur
qui est liée avec plusieurs secteurs économiques majores.
La banque islamique joue un rôle important pour atténuer les effets pervers de la crise
financière et économique mondiale car elle est basée sur l'économie réelle.
De plus, l'intérêt économique d’implantation des banques islamiques réside aussi dans le fait,
que c'est une manière qui va attirer plus d'investisseurs des pays de golf, qui vont amener avec
eux plus de devises et créeront de ce fait plus d'emplois. Ces investisseurs sont mus par un
désir particulier d’investir au Maroc qui présente pour eux, en plus des avantages financiers,
la stabilité politique et une économie émergente ayant fait preuve d’une solide résilience à la
crise économique et financière internationale.
Dans la perspective de développer la Finance iIslamique, la Banque Centrale a commencé par
adhérer, en 2006, à l’International Financial Services Board (IFSB). De plus, en septembre
2007, Bank Al Maghrib a publié la première directive relative aux produits alternatifs (RN
33/G/2007). Cette directive traite des produit IIjara, Moucharaka et Mourabaha.
Les produits autorisés par la directive de Bank Al Maghrib ont permis l’élargissement de la
panoplie des produits proposés par les banques marocaines. Ce mode de financement
alternatif permettra de contribuer à une meilleure bancarisation de l’économie marocaine.
Comme toute industrie naissante, la finance alternative au Maroc devrait relever plusieurs
défis afin de pouvoir prendre de l’ampleur. Pour affirmer sa place en tant qu’un mode de
financement capable de concurrencer les moyens de financement conventionnels, plusieurs
pistes de réflexion se présentent :
· Labellisation des produits : La question qui se pose naturellement concerne l’organe qui sera
en charge de certifier les produits.
· La transparence : Des exigences particulières sur la transparence des produits sont à intégrer
dans la réglementation pour une meilleure information des investisseurs et des épargnants.
· La liquidité : C’est un élément qui caractérise tous les marchés de la finance islamique qui
sont peu profonds en comparaison avec les marchés conventionnels.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
2. Problèmes qui retardent l’implantation des banques islamiques
1) la cherté des produits alternatifs :
Des produits halals mais trop chère .... C'est la réflexion faite par les clients vis-à-vis les
nouveaux produits islamiques, alors qu'on attendait à des produits moins chères que ceux des
banques traditionnels. Cette cherté est due à des causes directes et des causes indirectes.
Les causes directes :
pour Miftah Al Keir la mensualité est plus élevée que dans le cas d'un prêt immobilier
conventionnels, par ex si l'immeuble coute 300000DH il doit payer 8192DH par mois pendant
une duré n'excédant pas 120mois, et donc le montant de cette vente va être de 980000DH ce
qui est énorme. Cela est expliqué par la double transaction à faire dans le cadre du contrat,
(achat de la banque puis revente au client, ce qui va induire beaucoup de frais à savoir les
honoraires de notaires, les taxes d'enregistrement et d'inscription foncière...) et aussi par les
frais d'assurance vie et incendie.
Pour MIftah AL fath c'est la même chose, la mensualité est aussi trop supérieur par rapport à
un crédit logement conventionnel, parce que d'une part la duré est plus courte, d'autre part les
frais de la double transaction, et enfin les clients supportent la TVA sur toute la mensualité, et
non pas uniquement sur les intérêts comme dans les crédits classique.
Les causes indirectes :
Seulement attijari wafa bank, qui a osé à commercialiser ces produits, alors que les autres
banques sont soit des réticents, soit des refusant à ces produits. Pour les premiers ils
attendaient à voir le comportement des clients, avant d'entrer pour commercialiser ces
nouveaux produits, mais après ce premier, mauvais résultat ils n'ont pas pu s'aventurier, ce qui
a contribuer au maintien de cette hausse de prix, pour défaut de compétitivité entre les
banques.
2) L’absence de cadre réglementaire spécifique au Takaful risque de retarder la création de banques islamiques au Maroc.
Quand une banque finance un projet ou une acquisition elle exige du bénéficiaire du
financement de souscrire une assurance, pour se protéger contre les risques encourus par les
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LES BANQUES ISLAMIQUES
biens financés (assurance automobile, assurance habitation, assurance transport etc.) et par les
personnes bénéficiaires du financement (assurance maladie, assurance décès, etc.).
Or, la Charia islamique interdit l’utilisation des contrats d’assurance proposés par les
compagnies d’assurance commerciales car ces contrats sont illicites (Haram). Pour sécuriser
les financements qu’elle accorde, une banque islamique ne peut recourir qu’à une assurance
islamique ou Takaful. En l’absence de produits d’assurance islamique, les clients qui
recherchent un financement vraiment halal auront tendance à refuser la solution de
financement et boycotterons l’institution financière. La création de banques islamiques sur
des bases saines nécessite donc de disposer de solutions d’assurance Halal (Takaful).
3) La complexité des outils comptables et financiers
Le problème de détermination des profits est très compliqué surtout pour les placements à très
court terme. La raison en est que le système PLS exige une nouvelle étude et une nouvelle
décision pour chaque opération séparée, ce qui nécessite des études approfondies qui peuvent
durer longtemps. D’autre part, ces études exigent un personnel hautement qualifié, ce qui
n’est pas le cas dans toutes les banques.
En outre, la multiplication des opérations à court terme, engendrées par l’abondance des
dépôts d’investissement à court terme, a compliqué d’avantage la comptabilité des banques.
Tous les mois ou tous les trois mois, il faut calculer les taux de profits de chaque
investissement. Si on ajoute l’emploi fréquent de transferts des dépôts à court terme vers des
dépôts d’investissement, on comprend l’envergure du travail de comptabilité.
Au niveau de l’uniformisation des systèmes comptables, chaque banque effectue ses calculs
différemment et il est souhaitable, pour plus de transparence, d’élaborer un plan comptable
pour toutes les banques islamiques.
Il y a aussi le calcul des commissions qui exige une révision continuelle des frais généraux de
la banque.
Toutes ces complications comptables ne se posent pas aux banques conventionnelles car la
fixation d’intérêt est fixée d’avance pour telle ou telle opération.
4) Lourdeur administrative
Les banques islamiques sont des banques de développement à multiples objectifs, et partant,
les fonctions sont multiples.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
Cela nécessite un grand nombre de départements spécialisés. Cette structure est coûteuse et
complexe et entraîne des lourdeurs administratives.
D’autre part, les banques doivent contrôler de tout près leurs investissements et orienter le
déroulement des projets, ce qui nécessite d’importants investissements dans les ressources
humaines.
5) Manque de personnel qualifié
C’est le problème fondamental des banques islamiques car tout leur personnel a été recruté
sans qu’il y ait une formation en économie et finance islamiques. Ce sont les banques qui ont
supporté les coûts de cette formation, en créant des centres d’études et de formation pour leurs
cadres.
En outre, la plupart du personnel des banques islamiques provient des banques
conventionnelles ; il leur faut, dès lors, une période d’apprentissage assez longue pour
maîtriser les techniques de financement islamique.
6) Faiblesse de coordination et de communication
En plus des difficultés de coordonner les opérations entre les différents départements, il y a le
problème de coordination entre les banques islamiques. En effet, la dispersion des banques ne
facilite pas la tâche de l’association Internationale des Banques Islamiques.
Dans ce cadre, la création de bureaux au niveau national ou régional permettra de coordonner
les activités des banques, établies en Asie, au Proche-Orient, en Afrique, en Europe et en
Amérique.
Certes, il y a beaucoup d’efforts à faire à tous les niveaux, mais il faut laisser aux banques
islamiques le temps de se structurer et se développer, car il est impossible de répondre à toutes
les exigences d’une seule fois.
7) Discordances juridiques
Comme la coopération avec les autorités monétaires est minimale, les banques islamiques se
trouvent confrontées à la législation bancaire, qui limite leur expansion car elle est élaborée
pour régulariser les activités des banques conventionnelles.
C’est ainsi certains gouvernements ont pris des mesures qui limitent sérieusement les activités
des banques islamiques dans ce pays.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
D’autre part, dans certains pays, le gouvernement intervient directement dans les affaires
administratives des banques islamiques en imposant une politique inappropriée.
Cette attitude des autorités monétaires et gouvernementales est paradoxale, car d’un côté 43
pays musulmans sont membres de la Banque Islamique de Développement, ce qui implique
une reconnaissance du SBI, et de l’autre côté on assiste à des mesures bancaires qui ignorent
les banques islamiques.
L’attitude la plus paradoxale, hélas, est celle de l’Arabie Saoudite, "défenseur de l’Islam", qui
a refusé pendant une longue période l’implantation des banques islamiques son sur son
territoire.
Il a fallu attendre 1982 pour assister à l’implantation d’une seule banque dans ce pays : il
s’agit de l’AL-BARAK BANK, créée à Jiddah en 1982 par AL-RAJHI. La prudence du
royaume ’explique par l’abondance des ressources qu’il a immobilisées dans les banques
occidentales.
Néanmoins, les résultats encourageants, réalisés par les banques islamiques, ont suscité une
réaction positive des gouvernements et on pourrait s’attendre à une évolution favorable pour
les années à venir.
3. Mesures correctives :
Les banques "islamiques" participatives évolueront doucement, souffriront au départ de leur
virginité de terrain et petit à petit se feront leur place. En outre, les produits participatifs ne
sont pas systématiquement plus chers que les produits conventionnels. Il faut donner le temps
aux établissements de se familiariser avec les attentes du marché, et ils trouveront les outils de
compétitivité appropriée le moment voulu.
L’expérience passée des produits alternatifs, montre bien qu’il nous faut un cadre fédérateur,
clair et bien défini pour une meilleure lancée. Il devra tenir compte notamment des sociétés
d’investissement, des fonds d’investissement, de l’assurance takaful, de la microfinance, des
sukuks, des autres instruments de financement non traités par le projet comme le Salam et
l’Istisna…
Il est sensé aborder les aspects de reporting, de la comptabilité, des risques, des structures
organisationnelles en charge de la finance islamique dans les établissements financiers. La
nouvelle loi bancaire devra aussi apporter des précisions quant aux profils des membres des
comités sharia dont les compétences en ingénierie financière restent indispensables.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
Il faut accélérer la formation des cadres dirigeants spécialisés en épargne et finance
islamiques et utiliser une communication interne et externe sur les produits islamiques et plus
précisément sur ceux qui sont différents ou innovants par rapport aux produits conventionnels
Parmi les propositions aussi c’est la filialisation des activités de la banque islamique, pour
toutes les banques conventionnelles existantes ou devant s'installer, sans aucune exception.
Ceci de préférence par la création de simples guichets ou agences à vocation islamique
collectant à la fois de l'épargne et distribuant parallèlement des financements islamiques afin
d'éviter tout doute et toute ambiguïté. Quant à l'origine purement islamique de l'épargne
devant nourrir ces financements, il faut éviter tout amalgame en la matière qui pourrait se
produire bloquant voire décourageant le développement rapide des produits innovants
respectant la Charia et destinés à satisfaire des besoins spécifiques que les produits de
financement conventionnels ne peuvent faire, et ce au profit d'une large partie non bancarisée
de notre population formée en quasi-totalité de Musulmans.
4. Les principales lignes directrices de la nouvelle loi bancaire 2012 :
Avec le projet de refonte de la loi bancaire 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, la finance islamique marocaine pose ses premiers vrais jalons. Les deux lignes directrices de cette refonte sont :
1 – La recherche d’un équilibre structurel entre banques conventionnelles et banques participatives
Les banques d’investissement subissent les mêmes obligations que les banques conventionnelles dans le cadre d’une même loi. Elles ne bénéficient pas d’un traitement spécifique étendu. La volonté est claire de ne pas chambouler le paysage bancaire marocain, en instaurant un démarrage conservateur et un taux de pénétration graduel.
L’essentiel de la réglementation se fera par le biais des circulaires de Bank Al Maghrib. Il en est ainsi notamment des caractéristiques techniques des produits des banques participatives (Mourabaha, Ijara, Moucharaka, Moudaraba ou autres), et des modalités de leur présentation.
Par contre, la consécration des banques participatives et des banques conventionnelles par un principe « d’unicité légale » serait judicieuse à condition que les circulaires d’application consacrent également la spécificité nécessaire aux produits des banques participatives dans un objectif de positionnement concurrentiel adéquat, et de promotion de l’innovation. En effet, le profil particulier du business des banques participatives appelle à une réglementation spécifique qui leur permettrait de pouvoir se positionner correctement sur le plan commercial, et être constamment imaginatives pour la création de produits compatibles avec la Charia.
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LES BANQUES ISLAMIQUES
Par ailleurs, la refonte de la loi bancaire laisse également le libre choix aux établissements de crédit quant à leur positionnement commercial. Le paysage bancaire serait alors très hybride, avec la présence de toutes les configurations possibles : banques conventionnelles sans produits alternatifs, banques conventionnelles commercialisant à la fois des produits classiques et des produits alternatifs, banques participatives ne commercialisant que les produits alternatifs.
Le positionnement des établissements de crédit marocains obéira alors principalement à des considérations internes d’ordre logistique, et à des objectifs de productivité. Quant aux établissements étrangers, leur spécialisation en finance islamique ne fait aucun doute, et leur positionnement local ne peut être que dans la lignée de la stratégie internationale de leurs maisons mères.
2 – Un cadre légal et réglementaire protecteur et centralisé
Avec l’appui du comité « Charia » et du comité des établissements de crédit, la banque centrale conserve des droits étendus de réglementation et de contrôle. Ce choix pourrait s’avérer judicieux dans un premier temps en attendant un retour d’expérience graduel, et une certaine maturité des banques participatives. Dans une phase ultérieure, les risques spécifiques liés aux banques participatives appelleront certainement une modulation plus adéquate des règles prudentielles et comptables, et des mesures protectrices.
En effet, le contrôle des banques dites participatives devrait aller au-delà du contrôle des banques classiques – fruits de la réglementation du comité de Bâle – en tenant compte des profils de risques particuliers induits par le principe de partage des profits et des pertes (3P), et en différenciant nettement entre :
les activités de détail, les activités d’investissement, et les activités de marché (gestion Actif / Passif).
L’instauration d’un comité « Charia » central pour toutes les banques , dont le secrétariat est tenu par Bank Al Maghrib, dénote également d’un souci de cohérence législative réglementaire. A côté des compétences religieuses, ce comité serait ainsi doté des compétences techniques nécessaires pour jouer pleinement son rôle de validation et de conformité.
A ce titre, un autre verrouillage est prévu en interne, en ce sens que les banques participatives seront tenues de mettre en place un comité d’audit chargé notamment d’identifier et de prévenir les risques de non-conformité à la Charia. D’autant plus que la gouvernance des banques dites participatives sera attendue à des niveaux d’exigence élevés en termes d’éthique et de déontologie, conformément aux préceptes de la Charia.
Le chemin est encore long…
Certes, la refonte de la loi bancaire est une avancée considérable dans le bon sens. Néanmoins, pour booster une véritable industrie de la finance islamique au Maroc dans un horizon de cinq ans, permettant par la même occasion un décollage rapide de la place financière de Casablanca, plusieurs défis importants devront être remplis dont :
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l’assurance islamique Takaful et Re-Takaful :
Le lancement et développement des banques participatives passent inéluctablement par le lancement d’un système de couverture et de mutuelle collective et solidaire Takaful.
L’élargissement des produits des banques participatives aux Sukuks :
Le marché de la dette intérieure ou étrangère reste le domaine de prédilection de la finance islamique. Or, en cette période de sous liquidité, les Sukuks apparaissent comme le moyen le plus efficace de drainer les fonds étrangers participatifs et de les adosser à des actifs réels. La réglementation des Sukuks est une condition sine qua none pour l’essor de la finance islamique au Maroc. Il ne faut pas oublier que le marché international des Sukuks en 2011 a atteint presque 85 milliards USD (selon une étude Standard & Poor’s). La tendance pour 2012 et les années à venir est encore plus prometteuse.
L’élargissement des produits des banques participatives aux contrats Istisnaa et Istisnaa Tamwili :
Les contrats « Istisnaa », qui se caractérisent par le financement du coût de production, trouvent particulièrement leur utilité dans le financement de fonds de roulement des entreprises industrielles à cycle d’exploitation long (équipement, aéronautique, ouvrages de BTP…)
L’élargissement des produits des banques participatives aux contrats Salam :
Les contrats « Salam », qui se caractérisent par un paiement immédiat et une livraison ultérieure, trouvent particulièrement leur utilité dans le financement de fonds de roulement des entreprises – notamment les PME – à cycle d’exploitation court (agriculture, export, artisanat,..)
L’adoption progressive des normes internationales AAOIFI :
L’AAOIFI (Organisation des comptables et des vérificateurs des institutions financières islamiques) est l’organisme international de référence en matière de normes comptes et d’audit des banques islamiques. L’adoption des ces normes au Maroc est un gage additionnel de transparence des comptes des banques participatives vis-à-vis des investisseurs internationaux.
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Conclusion
L’éthique et la moralité que promeut la Finance Islamique sont universelles et semblent
proposer une réponse viable à nombre des maux auxquels l’économie mondiale fait
aujourd’hui face. Les dérives liées à la spéculation y sont réprimées de la même façon que le
repackaging ou encore la pratique abusive de l’effet de levier et de l’endettement.
Ainsi, la Finance Islamique apparaît comme une finance plus saine, mais aussi plus simple, et
participant d’une plus grande stabilité économique et financière.
De plus, nous avons pu observer que les enjeux financiers sont énormes puisque les liquidités
sont actuellement en grande partie concentrées dans le Golfe.
Par ailleurs, comme nous avons pu l’expérimenter, la large gamme des contrats qu’offre la
Sharia permet de concocter des montages financiers assez divers et ainsi d’offrir des solutions
d’investissement, de couverture et de financement variées.
Nous avons également pu constater que le champ de manoeuvre que propose la Sharia à
l’asset manager est plutôt large. De la couverture du risque de change à la gestion de la
liquidité en passant par la réplication de positions short, il est même aujourd’hui possible
d’appliquer des stratégies de gestion alternative dans le cadre de la Sharia.
La conduite de cette étude nous a enfin permis de relever un certain nombre de thématiques
encore trop peu traitées et qu’il incombe aux étudiants, chercheurs et professionnels
d’explorer ; parmi lesquelles :
La nécessité d’innover, sans répliquer, en matière de montages financiers « Sharia
Compliant » afin d’offrir aux investisseurs la gamme la plus large en termes de produits de
placement et d’investissement mais également en termes d’instruments de couverture des
risques.
La nécessité d’imaginer des indicateurs de mesure de performance propres aux
investissements « Sharia Compliant ». En effet, nous avons souligné, au cours de
sections précédentes, la question de la pertinence des outils classiques de mesure de
performance lorsqu’adressés à l’investisseur musulman.
La question de ce que nous appellerons la « Prime Sharia ». Les professionnels de la
Finance Islamique semblent en effet relever un attachement plus fort de la clientèle
retail à l’aspect religieux des produits financiers relativement à la clientèle corporate qui
semblerait considérer l’aspect religieux comme un bonus relégué au second plan face à la
performance.
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Dans le cas de l’asset manager, quelle est la marge de manoeuvre ? Au-delà de quel niveau de
sous-performance risque-t-il de voir fuir ses clients vers un produit conventionnel ?
La nécessité de mettre en avant le caractère profondément éthique d’une Finance
Islamique encore trop étiquetée
L’ensemble des observations ci-dessus laisse entrevoir un avenir radieux à la Finance
Islamique, tant au plan professionnel que de la recherche académique, et ce à l’échelle
internationale.
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Bibliographie
Les ouvrages
Banque Islamique de Développement (BID). Institut Islamique de Recherche et de Formation (IIRF). « Introduction aux techniques islamiques de financement. Jeddah. 1996.
MOHAMEDEN, O. “Murabaha comme mode d’intervention des banques islamiques”. Jeddah, IIRF, 1996.
NURADLI, N. “A Review of Forward, Futures, and Options From The Shariah Perspective. From Complexity to Simplicity”. Universiti Tenaga Nasional, 2001. p.14.
STANDARDS & POORS. “Islamic Finance Outlook 2006”, S&P Brochure, Sep-06 KARICH, I. « Le système financier islamique : de la Religion à la Banque
».Bruxelles. Édition Larcier, 2002. p. 65. SUNIL KUMAR K. et IOANNIS A., « Financial Risk Management for Islamic
Banking and Finance ». New York. Edition Palgrave Macmillan, 2008 Les habits neufs de la finance islamique, Anouar Hassoune, Standard & Poor's, 2007 (« La gouvernance de la banque islamique », C. Zied & J.J. Pluchart, 2006). Michel Ruimy, 1ère Edition Juin 2008, « La Finance Islamique », Arnaud Franel
Editions, Paris. Nicolas Hardy, Edition Mars 2008, « Finance islamique, techniques et enjeux »,
Editeur Banque. Malika Kettani, 2005, « Une banque originale: La banque islamique », Dar al
Kotob al-ilmiya. Jean-Paul Laramée, 1ère Edition 2008, « La finance islamique à la française »,
Bruno Leprince Editeur. Muhammed Ayub, Edition Octobre 2008, « Understanding Islamic Finance », John
Wiley & Sons. Zamir Iqbal & Abbas Mirakhor, Edition Décembre 2006, « An introduction to
Islamic Finance », John Wiley & Sons.
Les articles :
RIBH, le Journal de la finance islamique, « Finance islamique au Maroc : entre conciliations politiques et défis économiques », Mohammed El Haitamy. Publié le 5 octobre 2012.
Finance News Hebdo, « Finance islamique : Le Maroc peut s'inspirer des banques bahreïnies », publié le Jeudi, 07 Juin 2012
Les enjeux de la finance islamique au Maroc, Abderrafi EL MAATAOUI, Publié par ribh le 27 septembre 2012
Webographie
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http://www.memoireonline.com/11/10/4104/m_La-finance-islamique-face--la- crise14.html
http://www.memoireonline.com/08/09/2594/m_Les-nouveaux-produits-bancaires- islamiques-au-Maroc3.html
http://www.europemaroc.com/files/SYSTEME%20BANCAIRE%20ISLAMIQUE %20V1.pdf
www.aaoifi.com http://www.lopinion.ma/def.asp?codelangue=23&id_info=26905&date_ar=2012-8-5 http://ribh.wordpress.com/2012/05/23/maroc-pas-de-banque-islamique-sans-
assurance-islamique/ http://lesbanquesislamiques.blogspirit.com/index-3.html http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Dossiers/Finance-islamique/La-
finance-islamique-dans-le-monde
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