Download - "Ma Norvège" fin juin 2013
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d’Oslo à Bergen et retour
via Lillehammer
25 juin au 2 juillet 2013
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Sommaire
Premières impressions 3
Court circuit : Oslo 6
L’effervescence Vigeland 11
Ode aux Viking s 14
Chapeau bas MM. les explorateurs 15
Opéra iceberg 16
Âpres plateaux 18
Trolls et mythes 21
Ruisseaux, torrents et chutes 22
Fjords somptueux, décor pluvieux 24
De Flam à Myrdal 30
Eglises et dragons 31
Balestrand et Fridtjof 37
Pittoresque palette, cabanes, maisons 38
Bergen l’hanséatique 43
Peuples d’avant et d’aujourd’hui 47
L’envol à ski planant 48
Efficacité norvégienne 51
et pour en savoir plus sur :
l ’histoire antique 52
les Vikings 54
la christianisation 63
le court âge d’or 64
les avatars de la Norvège 67
de fameux explorateurs 72
les richesses et les ressources 74
le fonds souverain 76
l’âme norvégienne 79
NB – l’alphabet norvégien a sauf excep-
tion été francisé pour simplifier l’écri-
ture et par pure paresse, assumée et
revendiquée par le rédacteur.
3
Dans cette partie la plus méridionale de la Norvège, pour nous, visiteurs des latitudes tempérées de l’hémisphère nord,
dans la période où se situe notre séjour vers la fin juin, après la première nuit passée, on
est marqué d’emblée par :
- la versatilité du ciel, où se succèdent sans prévenir pluies et soleil ; la tem-
pérature oscille entre 15 et 25°C, mais les nuits, d’autant plus qu’on loge en
altitude aussi modeste soit-elle (1000 à 1500m), sont vite fraîches.
Un dicton norvégien affirme : « il n’y a pas ici de mauvais temps : il n’y a que de
mauvais vêtements ». La Norvège en a développé une gamme remarquable et
efficace, bien adaptée à ce climat, sans nuire à l’élégance ; mettons de côté les
autres vêtements traditionnels d’hiver, faits de chaude laine, que l’on reçoit en
cadeau et qu’on ne remet jamais.
- la longueur de la lumière diurne qui s’étire comme une évidence jusqu’à presque minuit,
puis réapparaît derrière les lourds rideaux sans qu’on y prenne garde dès 3 à 4h le matin ; à l’inverse, on imagine ce que
peuvent être les nuits d’hiver.
- l’incroyable découpage des côtes, plus de 26 000 km alors que la plus grande dimension à vol d’oiseau nord-sud n’est
que de 1780 km (la France n’en présente que 3430 km). Etre vastes fjords et plateaux criblés de lacs, l’eau s’écoule de
partout, et l’on côtoie les masses blanches parfois fantomatiques d’immenses glaciers, si
proches et si bas,
La circulation est donc plus
difficile qu’ailleurs. Les 9
principales compagnies de
ferries s’affairent dans
tous les sens, et doivent
recourir à des milliers de
bateaux (sans même parler
des paquebots de croisière
internationaux).
Premières
impressions
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La richesse pétrolière a permis de construire environ 900 km de tunnels (merci à un site anglophone
de cyclotouristes, seul à avoir tenté l’inventaire) dont la moitié fait plus de 1 km de long.
A la différence de Madère vrai gruyère où par exemple, le financement n’est pas celui de l’UE.
On a là le plus long tunnel routier du monde (en tout cas en 2008 quand il a été ouvert ; mais que
font les chinois?!!!), celui de Loerdal avec 24,5 km.
Malgré les consignes de sécurité, - qui cependant ne s’encombrent pas d’autant de contraintes que celles du tunnel du
Mont Blanc avec ses 11 petits kilomètres - un camion polonais a pris feu le 5 août dernier dans celui de Gudvangen, long de
11,4 km, provoquant un peu plus de 70 blessés. Probablement l’un de ceux que nous avons traversés entre Oslo et Bergen.
La construction des tunnels se poursuit. La Norvège lance même un énorme chantier (2018 à 2022) d’un tunnel pour ba-
teaux de fort tonnage (plus de 16 000 tonneaux) entre deux
fjords. D’autres tunnels de la sorte existent déjà en Europe mais
n’atteignent pas une telle envergure, qui permettra le passage des
paquebots. Démesure…
Le pays a aussi construit et continue de construire des ponts par-
dessus certains fjords là où ils se rétrécissent.
Combinés aux tunnels, ils apportent plus de flui-
dité au trafic.
- l’apparente qualité de
vie : les villes les plus
importantes s’insèrent
dans une verdure envelop-
pante qui n’a rien de l’arti-
fice du jardin urbain, et
qui doit tout à l’authentici-
té du pays vert profond ;
le bleu et le vert avec
toutes leurs nuances sont les couleurs dominantes. Quant au niveau de vie, il semble
très confortable, même si son coût au quotidien reste assez élevé.
5
- l’abandon des norvégiens au moindre flux de lumière dès que paraît un
rayon de soleil, au point que les jeunes filles sont déjà hâlées fin juin ; artifice
ou exposition naturelle ?
Où que l’on soit, les fenêtres, très bien isolées, n’ont jamais de volets. On ne se
protège pas ici de l’implacable constance du soleil comme sous d’autres lati-
tudes (tels les anciens égyptiens ou les Mayas) ; on fête avec volupté sa renais-
sance et celle, irrésistible, du cycle annuel, plus qu’ailleurs véritable cycle de
vie,
- des habitants accueillants, ouverts et empathiques, rarement réservés
mais d’une urbanité
discrète et directe,
simple, avec lesquels il
est possible de discu-
ter pourvu que l’on
pratique l’anglais.
Fiers de leur culture
et de leur histoire,
férus de pêche et de sport, en général athlétiques et robustes,
ils ont très souvent pour
nous semi-latins, cette
toujours surprenante pâle
blondeur de la chevelure
(lors des invasions viking,
les roux irlandais appe-
laient « pâles étrangers »
les envahisseurs scandi-
naves) qui rehausse l’écla-
tante beauté de certains
visages féminins, des plus
jeunes aux plus âgés,
6
Le pays s’étire en une
longue goutte pédon-
culée ou bien comme
une fronde de David,
entre la mer de Ba-
rents au nord et la
mer du Nord au sud,
flanqué de la mer de
Norvège plein ouest.
Notre tour s’est limi-
té à un parcours en
boucle (ou en 8) d’Oslo à Bergen et retour via Lillehammer corres-
pondant grossièrement au plan ci-contre.
Il y a pour le fourmis que nous sommes des chemins grégaires sanc-
tuarisés qui laissent peu de place à la fantaisie ou à l’improvisation,
mais qui permettent de ne pas manquer l’incontournable, et ici l’incontournable est légion, fût-il parfois un brin pesant.
On a rassemblé ici les sujets par grands thèmes plutôt que de relater chronologiquement les points d’intérêts ren-contrés dans le déroulement du trajet.
Edifiant séjour, même s’il est resté très éloigné du cercle arctique et du mythique Cap Nord, dont on se prend à rêver,
bien après.
Et tout d’abord Oslo la capitale
Appelée Christiana de 1624 à 1924, Oslo compte 600 000
habitants (dont presque 1/3 d’immigrés).
Ce gros 1/2 million d’habitants représente presque 12%
de la population du pays. La ville s’inscrit dans la région
du même nom qui compte plus de 1 400 000 habitants.
Pied dans l’eau, au bord du Oslofjord dont les rives sont
ici de modeste hauteur, son port accueille quelques voi-
liers. Elle est construite sur des
collines assez douces sauf sur
l’une des falaises de la rade. On
aperçoit déjà cette statuaire ex-
pressive très figurative qui embel-
lit les places, les jardins, les quais,
certaines avenues et qui s’inspire
probablement de ce sculpteur re-
marquable de force dans la représentation du cycle de la vie humaine, Vigeland.
Court circuit
Oslo
7
Pour la plupart, les immeubles, les maisons sont des 18 et 19ème siècles ; il en subsiste beaucoup faites
de bois, souvent comme à Bergen, reconstruites après des incendies. Mais immeubles ou maisons, hô-
tels anciens, relèvent le sombre hiver arctique par des couleurs vives, parfois tranchées, qui se re-
trouvent aussi dans les fermes des vallées au bord des fjords.
De plus, jusque dans les campagnes reculées, aucun bâtiment n’est en ruine, voire même vétuste, soit
qu’il s’agisse de constructions récentes, modernes, soit que les fermes, les bâti-
ments urbains plus anciens de pierre ou de bois, fassent l’objet d’entretiens très
réguliers
Les façades n’ont pas la tonalité des couleurs
tropicales ni leurs associations contrastées ;
mais leur monochromie est rehaussée ici et là
par de belles dentelles de lambrequins, ou le
liseré tranché de l’encadrement des portes et
des fenêtres ; et la juxtaposition des façades
colorées délivre un patchwork harmonieux qui
semble hésiter entre exubérance et retenue.
Certains
quartiers
réhabilités
comme ces
anciens
docks au
sud du port
d’Oslo,
tranchent
par leur
modernité,
avec une remarquable architecture mariant
le verre et la blonde couleur tabac du bois,
jetant des avancées de hauts toits comme
des étraves de navires au-dessus des passages piétonniers.
Les anciennes rives du dock ont été
aménagées en une suite agréable de
pontons de bois, au-dessus du reflet
clair du ciel dans la tranquille éten-
due de mer parsemée d’îlots.
Quartier maintenant très commer-
cial de beau, voire de grand stan-
ding, qui dit-on était auparavant une
sorte de dangereux coupe-
gorge.
8
Là, on trouve l’im-
mense édifice de la
mairie fait de
sombres briques,
flanqué de deux
tours carrées massives.
Elle se pare sur le côté
opposé au port d’une
agréable perspective de
mini-cascade avec une
grande horloge dorée
et deux galeries latérales
abritant des sortes de
bas reliefs modernes sym-
bolisant l’histoire et les
mythes norvégiens.
Architecture « soviétique » pour certains par sa dimension monumentale
et sa sévère symétrie.
Mais la surprise est à
l’intérieur : un im-
mense et étonnant
volume vaste comme
un hall de gare déser-
té par les trains, avec
de grandes fresques
chatoyantes figurant
des scènes de l’his-
toire du pays. Un long
et haut escalier droit
un peu à l’italienne
conduit vers de
grands vestibules et
les salles de délibération. L’ensemble séduit im-
médiatement, jusqu’aux cohortes de groupes ja-
ponais, les seuls que l’on retrouve dans le monde
entier avec cette soif enthousiaste et insatiable
de la découverte (ne sommes-nous donc pas tous
japonais?).
9
Dans les rues et les quelques larges avenues, la circulation reste fluide et somme toute assez tran-
quille, se coulant avec le trafic du tramway dont souvent les voies ne sont pas séparées de celles
des voitures et des bus.
Cette quiétude « provinciale » (dirait un parisien) doit peut-être à l’obligation de payer un droit
d’entrée dans la ville quand on y pénètre en voiture (19 points d’entrée pour 40 km² de surface,
avec un boîtier électronique embarqué et le contrôle par vidéo des plaques d’immatriculation, ceci
pour 2,70€ en moyenne par accès), probablement sur un principe comparable à celui de Londres. Il semble pourtant que
l’effet ne soit pas suffisamment dissuasif pour réduire significative-
ment le nombre de véhicules circulant.
On peut aussi
se déplacer
en cette sai-
son à vélo,
avec un sys-
tème de loca-
tion dont on
n’a pas éluci-
dé le fonc-
tionnement.
Il s’agré-
mente ici et
là de petites
stations de
pompage gratuites. Les vélos utilisés ici sont anciens, moins
modernes que les Velib parisiens, mais aussi moins lourds et
plus maniables. Tous ne sont pas de location ; les parcs à
vélo pren-
nent parfois
des allures
originales,
mais gar-
dent taille
humaine
sans at-
teindre
l’incroyable
amoncelle-
ment de certains parcs à
vélos hollandais.
10
Plus près du port, un haut bâtiment à la façade jaune doré : c’est celui du Prix Nobel de la Paix, le
seul à être décerné là en Norvège, pour ce prix de création suédoise.
En effet, lors de la création des prix Nobel
en 1901, la Norvège et la Suède sont encore
rassemblées sous la même couronne. Lors
de l’indépendance en 1905, un arrangement
confie au parlement norvégien la désigna-
tion du prix Nobel de la Paix, alors que les
autres prix Nobel, choisis par l’Académie de
Suède, sont remis à Stockholm.
C’est justement dans l’immense hall de la mairie
d’Oslo qu’est remis chaque année ce prix.
Une mention particulière pour l’avenue Carl XIV Jo-
hann, large et rectiligne avenue qui est le lieu privilé-
gié des badauds en été. C’est en mémoire de Berna-
dotte, roi de
Suède et de
Norvège dont la
descendance
royale est tou-
jours au pouvoir
en Suède, qu’a
été nommée
l’avenue la plus célèbre d’Oslo.
Bernadotte est né à Pau en 1763. Quand notre empereur part, bicorne sur les yeux et une main à la redingote, à la conquête sanglante de l’Europe, Bernadotte l’un de ses proches, épouse en 1798 Désirée Clary. C’était la première fiancée de Napoléon,.
Bernadotte se méfie de Napoléon, et s’il progresse dans sa carrière militaire au point d’atteindre le cercle rapproché, il ne participe pas au Coup d’Etat du 18 brumaire ni plus tard à certaines batailles comme celle d’Austerlitz.
Nommé maréchal d’empire en 1804, il se montre brillant contre les prussiens à la bataille de Lübeck en 1806. Là, il traite avec égard et courtoisie ses prisonniers sué-dois du moment, alliés des prussiens. Il se lie notamment avec l’un d’eux le conte Mörner.
Après qu’il ait été blessé à la tête, Napoléon le nomme en 1807 gouverneur des villes hanséatiques (Brême, Hambourg et Lübeck) ; dans cette fonction où ses qualités
d’administrateur sont reconnues, il s’enrichit et devient populaire notamment à Lübeck.
En 1809, le roi de Suède, Gustave IV est destitué après avoir perdu la Finlande contre la coalition napoléonienne et est remplacé par le vieux Charles XIII, en attendant la désignation d’un nouveau roi.
Au lieu d’envahir la Scandinavie comme le lui demande l’empereur, Bernadotte conclut un armistice avec la Suède . Par ailleurs, l’héritier suédois choisi, le danois Charles Auguste d’Augustenbourg meurt opportunément lors d’une manœuvre militaire.
11
La visite du Palais Royal, où habite le roi de Nor-
vège est pour une partie du
parc en travaux.
S’il est possible d’en visiter
quelques ailes, la priorité
est donnée à ceux qui ont
réservé par internet ; et
pour ceux-là seulement,
l’attente est déjà si longue
que nous avons battu en
retraite, nous qui n’avions
pas réservé du tout.
Le ciel est menaçant ; mais le plumeau-houppette du soldat de garde qui parade avec fierté et
sérieux est quant à lui primesautier.
Etrange et puissant sculpteur
Gustav Vigeland (1869—1943), célèbre sculpteur norvégien puissamment expressif,
représente le cycle de la vie humaine en 214 oeuvres dans le Parc Frogner, le plus
grand parc d’Oslo, A une époque où le puritanisme s’imposait encore au début du
20ème siècle, il ose la représentation symbolique de l’abandon humain à la liberté
du corps et de l’esprit.
Il faut certainement chercher dans son enfance ce besoin de libération : son père
le fouettait le Vendredi-Saint pour lui faire éprouver les souffrances du Christ. Si,
si!!!
Voyons d’ailleurs le bonheur qui, à 60 ans, irradie encore de son visage dans cette
photo de 1929.
Alors que Bernadotte est en disgrâce à Paris pour quelques échecs militaires, les élites suédoises, du fait de la popularité et de l’estime dont il jouit dans cette région et de sa mémorable magnanimité envers les suédois, lui proposent d’être candidat pour le trône de Suède. Avec l’accord de Napoléon qui voit en lui un futur allié au nord de l’Europe contre les russes. Après une adroite propagande, mais cependant à la surprise générale, Bernadotte est élu prince royal le 21 août 1810 par les représen-tants des différents ordres suédois.
En 1812, quand l’empereur qui a lancé le blocus continental, envahit la Poméranie, Bernadotte dans sa nouvelle fonction, mais encore proche des français, tente de jouer le médiateur. Mais il finit par rompre dès 1813 avec Napoléon, se rap-proche des Russes et du tsar Alexandre 1er. Il combat victorieusement Ney et Oudinot, mais ne participe pas à l’invasion de la France.
C’est dans cette phase militaire qu’il obtient que le Danemark cède la Nor-vège, danoise depuis 3 siècles, à la Suède par le traité de Kiel en janvier 1814,
A la mort de Charles XIII en 1818, Bernadotte est proclamé roi des royaumes unis de Suède et de Norvège le 5 février, sous le nom de Charles XIV Jean (Karl Johan). Ainsi Bernadotte, fils d’avocat palois devient roi de Suède. Il conserve paisiblement le trône pen-dant 25 ans jusqu’à la fin de sa vie, et le transmet à son fils Oscar. Son règne est prospére. Les Suédois lui témoignèrent un vif atta-chement pour avoir su relever le pays d’une décadence qui semblait irrémédiable. Commerce, agriculture, industrie, finances, marine, travaux publics, se sont ranimés sous son règne.
L’effervescence
Vigeland
12
Vigeland a été influencé par le mouvement symboliste, et au sens premier du terme, les symboles
sont apparents et permanents, toujours immédiats. Sa matière première est le corps nu dans tous
les âges de la vie.
À chaque coin du carré central, une colonne au sommet de laquelle figure la lutte contre le péché,
puis l’acceptation, enfin la fusion avec le plaisir défendu de l’époque, celui de la liberté des esprits et
des corps. Mais cette sorte d’étreinte entre le monstre, symbole de cette liberté nouvelle à gagner, à laquelle l’homme ou
la femme finit par s’abandonner, confine au malaise : le monstre tel qu’il est représenté, reste monstrueux même après
qu’on lui ait cédé (et donc encore démon?) A trop montrer…
Les autres scènes de vie sont tout autant puissantes, exprimant de manière réussie la joie, la colère (en particulier celle,
célèbre, d’un petit garçon qui trépigne), la douleur, depuis la naissance, en passant par l’enfance, l’adolescence, l’âge mur
(la représentation de l’enfant accompagné du père ou du grand-père a tout son sens quand on
connaît l’enfance de Vigeland) et la vieillesse jusqu’à la mort, qui à nouveau
précède la re-naissance (voir les fontaines de bronze dont les fresques laté-
rales déroulent à nouveau ce cycle).
Le monolithe central de 17 m de haut au symbolisme viril évident, accumule de
bas en haut à nouveau les corps nus de la spirale du cycle de la vie.
Autour de lui, en gradins sont représentés d’imposants groupes de nus qui,
quand on en fait le tour, sont aussi l’illustration
du cycle, mais avec des variantes nombreuses, sou-
vent de grand intérêt, parfois amusantes.
Ces œuvres, ou bien le mpnolithe
trouvent-ils un écho particulier pour ce groupe
de japonais,
des
hommes
seulement,
qui posent
fièrement
et finissent
la séquence
par une
sorte de cri (de guerre, de joie, d’hommage?).
13
Alors est-ce le ciel bas ou
l’insistance de la représenta-
tion du cycle de vie répété
encore et encore, ou bien en-
core le caractère finalement
stéréotypé des sta-
tues? Malgré l’ampleur
et la belle perspective
du site, malgré la quali-
té manifeste des
œuvres sculptées dans
le granit ou fondues
dans le bronze, on sort
du parc de Vigeland le
moral acca-
blé, comme
si à force
de vouloir
exprimer la
vie, on fi-
nissait par
l’engluer.
Ce carac-
tère obses-
sionnel est aussi déprimant que son auteur a pu être déprimé.
Alors thérapie exhibitionniste ou épanouissant chef d’œuvre?
Gustav s’est-il jamais allongé sur le divan de Sigmund? Et l’eût-
il fait...
Soudain, un défilé spontané de belles et jeunes mères en
sweats fluo, dans un footing tonique et mobile, léger, poussant
chacune devant elle un berceau, traverse le parc. Comme jamais
on n’imagine en croiser en France.
Et l’on retrouve sur le champ l’enthousiasme et de nouvelles et
fraîches raisons d’espérer.
Ouf jeunes dames, vous nous avez sauvés!!!
Avant de nous diriger vers le beau site du musée qui parle d’un peuple animé d’autres motivations moins paisibles, et qui
conquit le monde connu de son époque : celui des Vikings.
14
Voir l’annexe pour (beaucoup) plus de détails sur l’épopée Viking, qui
fonde notamment la Norvège, et dont l’ère s’étale de manière con-
ventionnelle entre +793 et +1066.
On comprend que les norvégiens dans leur ensemble, aujourd’hui et
depuis longtemps un peuple paisible et animé des meilleures inten-
tions, s’en réclament avec parfois une vive ferveur et toujours une
certaine fierté.
On peut saluer
l’organisation du
musée et son
architecture
dont deux
longues voûtes
sobres en croix
abritent les tré-
sors vikings re-
trouvés, et les
superbes bateaux qui à eux seuls
constituent des oeuvres d’art.
Les objets exposés, traîneaux, figures
de proue des knarrs en forme de dra-
gon, baquets, marmites, l’ensemble
des objets de décoration, colliers,
bracelets,… les armes retrouvées, mon-
trent le degré technique des moyens de
l’époque et le raffinement dans lequel
certains chefs (hommes mais femmes
aussi) savaient vivre, en tout cas pour le
décorum et sa symbolique.
Bateaux et
autres ob-
jets, retrou-
vés sur les sites funéraires de chefs vikings
datent des années +850 à 900.
Mais des témoignages, notamment d’envoyés arabes, décrivent le contexte dans lequel ils
vivaient : l’hygiène n’était pas leur premier souci, tout tournés qu’ilds étaient vers les con-
quêtes, le commerce, l’installation dans de nouvelles contrées, la création de cités, de petits
royaumes, devenant ici mercenaires (à Constantinople), ailleurs s’intégrant à la civilisation
locale…
Certains de leurs descendants norvégiens du 20ème siècle ont hérité de leur esprit d’aven-
ture et de conquête.
Ode aux Vikings
15
L’annexe donne quelques informations sur ces deux explorateurs majeurs des pôles
qui étaient norvégiens, le précurseur Nansen, et plus connu peut-être dans le
monde, Amundsen, son cadet de 10 ans.
Descendants des vikings probablement, mais cette fois à la conquête de la connais-
sance du monde, et de celui qui leur est le plus familier
et pour lequel ils sont le mieux armés.
Avec son épais bateau de chêne construit spécialement
pour les glaces septentrionales, le Fram (« en
avant! » dans sa langue), Nansen a tracé la voie et déve-
loppé les techniques pour les explorations polaires.
Le Fram originel lui-même se visite dans un haut bâti-
ment probablement construit autour de lui, où l’on dé-
ambule dans une lumière de jour polaire. Impressionnant
et très pédagogique. Peut-être ce
musée ne souligne pas suffisamment le
rôle humanitaire qu’a joué Nansen
pour la Société des Nations après la
1ère Guerre Mondiale, et pour lequel il
a reçu le Prix Nobel de la Paix en
1922.
Nansen irradie dans ses por-
traits une énergie indomptable
mise aux service de causes de
grande noblesse, mise au ser-
vice de l’indépendance de la
Norvège quand il a fallu en 1905
trouver un représentant des
monarchies européennes pour placer à la tête de la monarchie constitutionnelle norvé-
gienne enfin souveraine.
Les explorations d’Amundsen sont plus connues, peut-être parce qu’à son époque, les
USA sont dans la course et leurs exploits très médiatisées. Peut-être aussi parce qu’il
est considéré comme
un héros, pour avoir
disparu en portant
secours à des amis
explorateurs comme
lui, qui étaient repartis vers le Pôle Nord en dirigeable.
Il a tiré parti du Fram que son aîné Nansen a mis à dis-
position pour atteindre le Pôle Sud.
Le voilier léger, le Gioa (?), dans lequel il est parti ex-
plorer une voie nord-ouest de traversée via le Pôle
Nord se voit aussi dans une annexe du même musée, où
une maquette du dirigeable « Norge » avec lequel il a
survolé le Pôle Nord est aussi exposée.
Chapeau bas
MM. les explorateurs polaires
16
Dans la modernité, Oslo est
fière d’un édifice totalement
original, construit directement
sur une partie de baie, et qui
commence à intriguer sans savoir
encore de quoi il s’agit dès qu’ on
l’aperçoit depuis le haut de la
lente pente de l’avenue Radhu-
sgata.
C’est l’opéra d’Oslo ouvert en
avril 2008. On dit qu’il est le
deuxième opéra dans le monde
par son architecture après ce-
lui de Sydney en Australie.
De l’extérieur, son
toit est conçu
comme une colline à
lente pente et plu-
sieurs pans, cou-
verte de marbre
blanc de Carrare
que l’on peut gravir
jusqu’à des ter-
rasses d’où émerge
un énorme bloc de verre, le puits de lumière de la salle d’opéra. Cette com-
position de volumes semi-cubiques débordant des pentes d’une blancheur
immaculée, éblouissantes sous le soleil, elles-mêmes coupées d’arêtes obliques tranchées par une ombre acérée comme fil
de rasoir est en soi déjà un spectacle grandiose.
On peut penser, en laissant aller l’esprit, à la pente enneigée d’un flanc de mon-
tagne, mais aussi par ses arêtes qui
jouent avec la lumière à un mystérieux
navire aux
étraves
aigues, ou bien
encore à la
partie émer-
gée d’un ice-
berg figé.
Et le décor se
prête à des
séances de
photos sur
l’eau verte du
verre des pa-
rois.
Opéra iceberg
17
L’intérieur, en tout cas l’espace cathédrale
du hall d’entrée, partiellement couvert par
ces pentes combine avec allégresse le ver-
tigineux arrondi de bois fauve qui délimite
l’espace de l’enceinte elle-même et les
lignes verticales et obliques
des piliers et des pentes
externes. Superbe réussite !
Même les toilettes et les
volumes de consigne sont
délimités avec bonheur
(rares sont les toilettes qui
suscitent le bonheur!!) par
des murs de dentelle de
pierre blanche où la lu-
mière joue dans les mo-
tifs géométriques une
symphonie visuelle qui
change selon d’où l’on re-
garde. Hélas, il n’a pas été
possible de visiter l’inté-
rieur même de l’opéra.
Cette œuvre, colossale et
éclatante, tranche violem-
ment avec les immeubles
modernes en construction à l’arrière-plan et les collines boisées
parsemées de quelques bâtiments qui apparaissent sombres comme l’enfer. Par contre, quand le regard se tourne vers la
ville, du haut des terrasses une perspective de bâtiments anciens aux chaudes couleurs s’incendie de soleil.
Le panorama
sur la grande
baie au bord de
laquelle il est
construit s’orne
aussi d’une sculp-
ture aérienne,
navire en par-
tance toutes
voiles dehors, ou
aigle dressé sur
son aire.
18
Les plateaux traversés quand on passe d’un fjord à un autre sans long contournement n’excèdent pas dans cette région du
sud norvégien 1000 ou 1500m.
Ils sont une autre constante typique de la Norvège. Parfois surmontés d’autres
plateaux plus élevés arasés par l’usure glaciaire, ils restent même en juin tache-
tés de névés, parcourus de ruisseaux et de torrents formant souvent des cas-
cades qui se déversent à leur tour dans les lacs innombrables où se reflètent
des glaciers plus lointains. L’herbe est rase
sur les rochers gris, et les lichens épais.
Ici, solitaire et vaillant, un kayak longe pa-
tiemment une rive de lac. Ailleurs, de loin
en loin, une cabane, sans eau ni électricité,
ou bien un camping-car ; les norvégiens ai-
ment passer le week-end ou plus de temps
en été dans un contexte encore sauvage et
authentique qu’ils prisent spécialement, se
partageant entre pêche et randonnées dans un parfait silence.
Peut-être,
aux confins
de l’horizon
où les nuages
rejoignent la
brume, croi-
sent-ils par-
fois un élan,
certainement
des groupes de moutons curieux qui rappliquent en trot-
tinant sans s’approcher de trop près. Et bien plus au
nord des troupeaux de rennes.
Ces paysages désolés, sans arbres, le reflet des nuages bas qui fi-
lent, le ciel, rarement troué d’un bleu azur, les névés et les vallonne-
ments ras et érodés qui se dévoilent à perte de vue, le vent chargé
de gouttes qui fouettent le visage, ce spectacle de l’été des plateaux
norvé-
giens
saisit
par sa
beauté,
sa ru-
desse,
son âpre authenticité, loin du confort des villes.
Mais que dire alors de l’hiver?
Forcément, une part du caractère intime des norvégiens en
est forgé.
Âpres plateaux
19
Sur l’un de ces parcours en plateau, un barrage (du type
barrage-poids en remblai) domine une belle vallée au fond
de laquelle bondit un rapide qui s’élargit et s’assagit en-
suite.
Parcourant le chemin de pierre qui constitue sur quelque
1000m la crête du barrage, le vent qui souffle depuis le plateau rebrousse l’eau
du lac Sysenvatn.
Des bou-
leaux
grêles aux
branches
torturées
comme bras suppliants poussent dans les
pentes de la basse montagne. Au loin, une
longue chute d’eau rebondit sur les rochers.
Transition du plateau vers la vallée plus riante,
le site ne manque pas d’une certaine majesté
même si l’aller retour le long du chemin du som-
met du barrage présente à peine plus d’intérêt
que celui d’une marche tonifiante ; et c’est
déjà ça.
On reste sur l’impression d’une immersion aux
limites d’une nature sauvage illustrée par des
contrastes étonnants, les couleurs des ro-
chers qui forment la grève des rives du lac et
cet aquilon puissant et constant, déjà assez
frais, qui souffle depuis les sommets voisins
parfaitement arasés au-dessus du lac.
Nature à peine domestiquée par
l’homme avec la construction de cet
ouvrage d’art discret et bien intégré
dans l’environnement, dont on ne voit
même pas, au pied de la haute digue,
les édifices habituels de production
hydro-électrique. Y en a-t-il même?
Mais peut-être ne s’agit-il que d’un
barrage de stockage de l’eau.
Tonique et salutaire âpreté.
20
Hébergés dans un de ces hôtels de plateau, malgré l’altitude
plus faible, les pentes plus douces et le rocher moins appa-
rent, la même impression revigorante du climat prévaut.
Certains chalets sont faits de gros rondins, probablement
dans un dessein touristique et pédagogique (c’était le type
primitif de construction) ; de nombreuses
maisons sont ici recouvertes de toit verduré.
Dès le petit matin, mais point trop tôt libérés
par les
fermiers
voisins, des moutons, si blancs qu’on les dirait
fraîchement lessivés, broutent ici et là, déambu-
lent entre les chalets, réveillant au passage avec
leur sonnaille les lève-tard, curieux de nos mou-
vements. Un seul d’entre eux est sombre comme
Lucifer : l’iné-
vitable mouton
noir.
Un vent frisquet balaie la pente. Mais
c’est l’été norvégien, les champs fleuris
apportent d’agréables nuances qui avivent
un peu le panorama gris-bleu ; en arrière-
plan, le profil d’un plateau lointain
tranche à peine du ciel.
Là, nous avons vu à l’œuvre un traîneau sur
roues tiré par 4 chiens, langue pendante entre
canines, gueules fendues d’un heureux rictus. Il
filait en passant devant notre hôtel, sur la route
qui
devient
ensuite
une
piste un peu
plus haut.
Au mur, un tableau attire l’œil : triste et prostré, tra-
versé de terribles doutes, terrassé par son ignorance, un très vieux troll hirsute à la trogne
teigneuse se demande quel est son âge (copie d’une œuvre bien connue de Théodore Kittel-
sen de 1911).
Une boutade scandinave dit que les danois sont banquiers, les suédois ingénieurs et les nor-
végiens fantasques ou trolls peut-être. Injuste et caricaturale affirmation, au moins pour
les norvégiens.
21
Les trolls, ces personnages représentés de manière débonnaire et grotesque sont des
êtres sombres et néfastes dans la mythologie scandinave. Peut-être a-t-on voulu con-
jurer leur part de méchanceté et de nuisance en les évoquant de cette manière déli-
bérément loufoque.
Le personnage du troll n’est pas de création récente.
Peu ou prou incarnation de la magie, il s’oppose aux
hommes et aux dieux, et s’assimile souvent aux
Jötunns, les « Géants » de la mythologie scandinave,
dans le paganisme viking par exemple.
À partir du Moyen Âge, le troll apparait comme une
créature surnaturelle des légendes et croyances, lié
aux forces des mers, des montagnes et des forêts,
respecté et
craint à ce titre, étrange et dan-
gereux.
Diabolisé par le christianisme, la croyance du troll persiste néanmoins dans le folklore scandinave
jusqu’au 19ème siècle. Mais ne confondons pas, le troll n’est pas un elfe.
Aujourd’hui, le troll appartient à la culture populaire ; s’il était dans le passé représenté par l'archétype d'un géant de
grande force, maintenant, et probablement après la christianisation, on le rencontre sous la forme d’une sorte de nain au
très long nez, naïf et benêt, en tout cas amusant pour le néophyte, personnage comique et repoussoir exemplaire dans les
livres pour enfants.
Bien sûr, il finit aussi par entrer sous l’inévitable influence picturale de l’univers de Disney.
————————-
Un peu plus loin se visite un site de dessins rupestres au bord d’un beau torrent puissant dans le Oppland, gravés dans la
pierre plate érodée des rives (pétroglyphes) il y a plus de 6000 ans. Les traits sont soulignés de couleur rouge pour être
plus visibles.
Il s’agissait d’un important lieu de chasse de l’élan pendant l’Âge de Pierre ; les élans sont encore fréquents ici. Une fe-
melle broutait paisiblement un peu plus loin sur le bord de la route,
levant à peine la tête (sans bois bien sûr) au passage de notre bus,
mais aperçue trop tard
pour être photographiée.
Notons que même comme
ici au plus profond de la
campagne, les toilettes
sont en parfait état de
fonctionnement et d’une
impeccable propreté.
Trolls et mythes
22
Les innombrables retenues d’eau qui criblent le relief, l’exposition océanique, les plateaux et les vallées des fjords déli-
vrent d’innombrables ruisseaux, des torrents, des chutes d’eau, des cascades, des cataractes, qui se révèlent soudain au
regard après une falaise, dans le creux des vallées, qui dévalent en bondissant des parois verticales.
Certains de ces sites
font partie du circuit
convenu et voit défi-
ler des norias de bus
proprets dégurgitant
des files de touristes
ankylosés qui vont se
dégourdir les jambes.
Bien sûr, les chutes
ainsi répertoriées ne
manquent pas d’allure.
L’une d’elles, sans
être la plus puissante,
présente une topographie qui permet
sans même se mouiller, de passer à l’ar-
rière du voile d’eau, sous un rocher pro-
tecteur en surplomb. Là, comble de la
propreté norvégienne : dans les toi-
lettes, la recommandation de nettoyage
s’exprime aussi en idéogrammes, à
l’adresse des japonais pour qui la propreté
est déjà une obsession!! A moins que le
message concerne les touristes chinois, et
c’est alors une autre affaire...
Une autre abondante chute s’épanouit en
bondissant sur les rochers ; elle porte bien
sûr le nom de « voile de la mariée ».
Au recoin d’une très profonde et sombre gorge
(Voringsfossen) au bord du sommet de laquelle se retient
avec terreur un grand hôtel rouge minuscule, l’une d’elles
déverse avec constance son puissant flux dans une brume
d’embruns sur 145m de hauteur directe. Le spectacle en-
ferme chacun dans le
mutisme de la con-
templation, pour cer-
tains dans un effroi
délicieux tant qu’on
reste ainsi bien à
l’écart.
Ruisseaux, torrents
et chutes
23
Ailleurs, plutôt que d’emprunter
notre bus depuis un point haut, nous
descendons à pied par une route à
forte déclivité au pied de laquelle il
nous rejoindra. Elle zigzague dans
une flore dense au vert émeraude
intense.
Deux cascades gron-
dent de part et
d’autre, l’une très
haute au flux tendu
(Stalheimsfossen ; de là à
déduire hardiment que
« fossen » = gorge? Hé non, ça signifie plutôt
« chute ») ; l’autre , plus puissante, jaillit sur des
rochers puis s’abîme der- rière les arbres en un va-
carme constant, dans une torrent dont les méandres
tranquilles paressent plus loin au fond de la pe-
tite vallée encaissée.
Ailleurs, en prenant le fameux train grinçant qui relie la ville de Flam dans un recoin du
Sognefjord,à la petite gare de Myrdal à 980m d’altitude, un arrêt intermédiaire obligé per-
met d’admirer le spectacle saisissant d’une énorme cataracte (Kjosfossen) qui jaillit du
sommet assez proche de la montagne depuis le déversoir d’un lac, et s’engouffre sous le
passage de la petite voie ferrée vers la vallée (225m de hauteur au total).
Impressionnant spectacle de la colère sans faiblesse des eaux partant à l’assaut des rochers noirs imperturbables
(heureusement pour les touristes du monde qui viennent là) dans une éructation perma-
nente d’écume, se fracassant en jaillissements grondants pour se jeter enfin dans le
ravin sous la voie.
Mais pourquoi a-t-il fallu que des organisateurs zélés inventent à destination des four-
mis à caméscopes une sorte de spectacle maladroit où apparaît sur le côté droit du
monstre un minuscule personnage vêtu de rouge, censé incarner non pas un troll (comme
le croit la masse des fourmis) mais Huldra, séduisante dame de la forêt dans la mytholo-
gie nordique, sur une chorégraphie d’oi-
seau malade tournant ses maigres ailes
sur un fond sonore à peine audible? De
plus, en guise de dame, c’était plutôt un
monsieur avec perruque.
La fascination
que provoque
le spectacle
de la cata-
racte se suf-
fit pourtant
largement à
elle-même.
A trop vouloir
montrer...
24
L’histoire géologique de la Scandinavie explique donc
l’existence de ces bras de mer immenses qui pénètrent
très en profondeur dans l’intérieur du pays norvégien.
Ainsi la tête pédonculée du sud norvégien ressemble
plus à un talon crevassé avant passage chez le pédicure
qu’à la côte des Landes.
Mais il suffit d’entrer dans l’une de ces crevasses pour en sai-
sir la beauté, entre la mer qui pénètre jusqu’au plus profond de
chaque fjord et les sommets qui les bordent (jusqu’à 1000, 1500, 1700m) tombant le plus souvent en falaises
abruptes ou au mieux dessinant de petites vallées enclavées. Les panoramas sont somptueux.
Comparativement, les calanques marseillaises dont on ne peut contester la beauté, ne sont que des micro-fjords. Bien
sûr, si une sardine a bouché un jour le Vieux Port, Vé! Bonne Mère! c’est certain alors que la calanque d’En Vau vaut
bien le Sognefjord...
Le plus grand d’entre eux, qu’on appelle « le roi
des fjords » est en effet le Sognefjord. Il pé-
nètre ainsi d’ouest en est de 168 km à vol d’oi-
seau sur les quelques 440 km de largeur est-
ouest entre la côte et la frontière suédoise. Sa
longueur effective en suivant son contour est de
204 km. Il est le 2nd plus long du monde après
celui de Scoresby Sund au Groenland (Eric le
Rouge y a-t-il jamais navigué dans celui-là?).
Fjords somptueux,
décor pluvieux
La chaîne de montagnes des Alpes scandinaves ou Scandes s'étend tout le long de la côte ouest de la péninsule Scandinave, avec deux zones élevées, l’une au sud de la Norvège où se trouve le Galdhøpiggen (2 469 m), point culminant de la chaîne et de la Nor-vège, et une autre dans le Nord en Suède.
Elle se situe au niveau de l'an-cienne chaîne calédonienne, qui s'est formée il y a 400 millions d’an-nées lors de la collision entre l’Amérique du Nord actuelle (Laurentia) et l’actuelle Scandi-navie (Baltica), et dont l’ampleur a
été au moins comparable à l'Himalaya d’aujourd’hui. Pour s’effondrer ensuite sur elle-même et être presque entièrement aplanie par l’éro-sion dans les millions d'années qui suivent.
Le relief actuel provient d’un soulèvement tectonique des plaques con-tinentales du nord de l'océan Atlantique à partir de 60 millions d’an-nées. Cette pénéplaine s’est ensuite rehaussée puis a été érodée dans les 2 derniers millions d’années par les énormes glaciers du Quater-naire, sculptant le relief actuel.
C’est cette érosion, très importante sur le versant ouest de la chaîne, qui a formé de profondes vallées glaciaires dont beaucoup descendent sous le niveau actuel de la mer (-1300m pour le Sognefjord) , consti-tuant les célèbres fjords norvégiens.
25
Le tout premier contact est à Erdal.
Descendant vers le Hardanger, dans ce coquet village la grande anse sombre que forme le fjord
cerné par ses falaises constitue un intéressant panorama. Mais l’immédiate surprise, c’est ce paque-
bot accosté, dont les étages supérieurs dominent en l’écrasant de sa stature le grand hôtel du port
qui paraît là bien effacé. Comme il doit le faire à Venise dans l’enfilade d’un canal par-dessus les
palais. On ressent une sorte de curieux vide après son départ ; hé oui, il s’est enfui à notre approche comme un vieux
chien sournois qui rase les murs (les falaises sombres)! Encore sauvages les paquebots!!
Le lendemain, le temps est clair ; nous
traversons le Hardangerfjord
quelques km plus loin, qui prend des
allures de grand golfe.
En longeant ensuite l’autre rive, on
aperçoit quelques élevages du fameux
saumon nor-
végien, en pleine eau de mer du fjord, mais assez industriel ; le pou de
mer est éradiqué à coup de pesticide (la France est le 1er importateur,
non pas du pou mais du saumon ; quoique...).
D’assez beaux petits
villages aux maisons
de bois peintes de
couleurs vives signent
joliment le paysage.
26
27
L’autre mini-croisière est partie de Undredal jusqu’à Flam sur un bras sud du Sognefjord, l’Aur-
landsfjord. Cette fois, le temps est à la pluie mais les panoramas restent magnifiques.
Le petit village de départ (100 habitants, 500 chèvres disent les guides), malgré la pluie battante,
révèle une modeste église coquette, blanche aux tuiles rouges, et deux pimpantes boutiques pour
touristes dans lesquelles on trouve ce fameux fromage
de chèvre au caramel, le geitost. Fameux par la notoriété, peut-être aussi par
le goût… pour les amateurs, et qui se vend
sous forme de pains cubiques comme un savon de
Marseille.
Quand on s’en approche, l’apparente modernité de la
petite église doit être corrigée : contour des fe-
nêtres, forme du clocher sont beaucoup plus anciens.
Elle date de 1147 et fait partie de celles qui subsis-
tent encore et qu’on appelle « de bois debout », sans
cependant présenter l’architecture lyrique et la
couleur sombre du goudron d’autres églises de bois
debout vues ailleurs. C’est aussi l’une des plus pe-
tites ; à regret, elle ne se visite pas.
Le confort intérieur plutôt douillet du bateau permet
de mieux apprécier notre parcours quand les gouttes
ne cessent de frapper les vitres carénées. Même
sous la
pluie, les
panora-
mas sont
superbes.
Le bateau
est ac-
compagné
de
mouettes gourmandes et chapardeuses, planant tête
oblique et œil fureteur à l’aguet de miettes perdues
sur le pont.
28
Perdus
au mi-
lieu du
fjord,
un
couple
de kayaks moustiques pro-
gresse à son rythme. Et le
roi des fjords révèle ses
splendeurs, en lente majes-
té, ici en contournant un cap,
là au détour d’une falaise.
Des nuages bas s’effilo-
chent, écharpent en lam-
beaux le flanc des mon-
tagnes, apportant une
touche mélancolique que ne dénieraient pas les romantiques. On ressent pourquoi de tels
cadres se prêtent aux légendes scandinaves et à leurs dieux, à la chevauchées des wal-
kyries (et non au val qui rie : aujourd’hui il pleure, bof...), ou bien peut-être même à
l’irruption de trolls et au lyrisme drapé
d’ombres et de lumière de la musique de
Grieg.
Et que serait le pay-
sage si le soleil dai-
gnait se montrer?
Mais non, la pluie
persiste quand on
aborde la belle vallée
évasée en auge de
Flam, 2h plus tard.
Là, quelques autres
bateaux et paquebots
laissent pressentir le
caractère très
(trop?) touristique du
lieu.
Et nous voilà à pied d’œuvre pour prendre le célèbre
train qui gravit la montagne jusqu’à Myrdal, et re-
tour.
29
30
A Flam, la proximité du petit train de montagne avec les bateaux sur-
prend comme s’il
s’agissait d’un para-
doxal port d’alti-
tude.
Quand on a connu
les vertiges du petit
train d’Artouste
(par exemple) dans
les Pyrénées, on est
presque déçu que le
choc ne soit pas au
rendez-vous : bien sûr il y a la couleur
chaude du bois lisse à l’intérieur des wagons, la ligne pittoresque qui s’élève progressivement
au-dessus de belles vallées, qui traverse de courts tunnels taillés dans la roche noire et lui-
sante ; bien sûr certains passages plus fragiles né-
cessitent de ralentir, où l’on frémit un peu ; bien sûr
les vallées et les cascades, les rochers dans les tor-
rents, les lacets sinueux qui gravissent la montagne
sont là ; bien sûr il y a la formidable chute d’eau du
Kjosfossen. Mais la parcours est assez convenu,
agréable sans plus, pas aussi
spectaculaire que la notoriété le
dit.
Et le plateau de la gare de Myrdal
est plutôt morne ; un train passe
juste au-dessus, reliant par le
tunnel dont on voit l’entrée Oslo à
Bergen.
Après quelques pas sur le quai, réembarquement pour la
descente. Mais les panoramas restent grandioses, si si.
De Flam à Myrdal
31
Dans ce pays aux longs hivers sombres, là encore toute la magie de la lumière prend son plein sens : qu’auraient été ces
paysages si le soleil avait brillé?
Persévérons : le voilà enfin en abordant les deux sites où se dressent deux superbes églises « de bois debout ».
Le beau village de Vik I Sogn (Vik signifie « anse ») dans une large et riche vallée
dominant la rive sud du Sognefjord est doté d’au moins deux églises qui se parti-
cularisent, l’une par son style roman en pierre, l’autre de bois debout.
Des fouilles ont permis de montrer que
Vik était un site de départ des raids vi-
kings. Plus tard, frappé par un glissement
de terrain en 1811, puis par la famine, Vik
a fait l’objet d’autres départs, ceux
d’émigrants allant chercher fortune en
Amérique à partir de 1840.
Ces deux églises
ont été cons-
truites au 12ème
siècle. L’église
romane en pierre
se pare de lam-
brequins de bois sculpté où apparaît le motif du dra-
gon, sous les toits de lauzes arrondies très régu-
lières.
On peut aussi voir
en cette saison où
les jours sont les
plus longs mais où la pluviométrie
reste élevée quelle est la technique
de séchage des foins : sûrement cou-
pés quand l’herbe est la plus haute,
ils sont étendus sur des rangées de supports qui évi-
tent le contact avec le sol, comme des draps sur leur
fil.
L’autre église remarquable est de bois debout, elle
aussi à l’écart du centre du village. Construite vers
1130, elle est à triple nef avec un autel gothique, et
une richesse de sculptures et de gravure du bois re-
marquables, notamment dans la manière de décliner
le thème du dragon cher aux néo-chrétiens de cette
époque.
Avec l’insigne avantage d’être libre d’accès pour les
curieux de notre espèce. Alleluia! Tel n’est pas le cas
partout.
Eglises et dragons
32
Tout est ici d’une superbe élégance et d’un accomplissement artistique étonnant, jusque dans le dé-
tail foisonnant des entrelacs de bas en haut de l’entrée principale.
Les artisans-artistes du Moyen-Âge ont su décorer l’intérieur
harmonieusement et richement mais dans les limites de la so-
briété. A l’extérieur, les pentes succes-
sives des toits à double pente et les pi-
gnons extérieurs surmontés de dragons
tendus vers le ciel, donnent à l’ouvrage un
peu l’ allure de pagode
asiatique.
Mais la peinture gros-
sière au goudron dont
on voit le granulé des
gouttes, voire même
les petits stalactites en atté-
nuent l’exubérance. Le mariage
réussi du rustique et de l’art.
Une merveille, vrai coup de
cœur.
33
Comment avec ces ornementations de pignons et de
faîtes ne pas rapprocher ces dragons dressés sur les
églises de bois debout de ceux d’un bâtiment asiatique
comme le temple thaï ci-dessous par exemple?
Mais d’abord, quel
symbolisme que ce-
lui du dragon?
Pour les chrétiens
du Moyen-Âge, c’est
le démon, le mal ; il
est toujours repré-
senté terrassé par le bien
qu’incarne St Michel.
Là, dans l’art post-viking,
certains disent que c’est un
symbole positif, celui de la
force et du courage ; c’est
aussi celui, le drakkar, que les Vikings représentaient à la proue de leur knorr.
De ce point de vue, il se rapproche du dragon asiatique, symbole positif représenté aussi seul, lié à la fécondité et à la vie.
Sans qu’aucune preuve n’ait été apportée, on peut se plaire à imaginer des sens, voire des origines
communes, entre dragon viking et dragon d’Asie ; au moins des influences.
En tout cas en Scandinavie, la volonté, avec la christianisation, de ne pas se couper des fondements
païens antérieurs en adoptant cette nouvelle religion est une évidence. Bien en a pris les peuples
de l’époque, qu’on peut saluer pour les chefs-d’œuvre édifiés dans cet esprit et encore sauvegar-
dés de nos jours.
L’autre site où l’on peut voir probablement le plus bel exemple et
le mieux préservé d’une église de bois debout est celui de Laer-
dal ; c’est là l’église de Borgund, cons-
truite vers 1200, avec un étage et
une abside semi-circulaire.
La fibre commerciale norvégienne
reprend le dessus : la visite est
payante et nous n’entrerons pas.
Mais il est vrai, le site est superbe,
et l’église avec ses jupes de toits
polygonaux est une autre merveille.
34
Une tour-clocher médiévale bien entretenue en est la voisine et un peu plus haut une autre église
luthérienne plus récente où il nous est permis d’entrer avant l’office de 16h et l’arrivée refoulée
d’un groupe.
Sans ce robuste poêle monumental, les ouailles dans les après-
midis glacés et
sombres de l’hiver resteraient blotties
dans le confort douillet et profane
de la maison familiale.
Non loin se trouve le fameux plus
long tunnel du monde, entre Laerdal
et Aurland avec ses 24.6 km, qui
permet un accès enfin aisé au site.
Longtemps, le chemin était très dif-
ficile et dangereux jusqu’à la construction
des premières routes au début du 20ème
siècle.
Des enfants, descendants de vikings escala-
dent en riant dans un jeu innocent et vigou-
reux les pierres de granit qui délimitent le
cimetière, dans lequel les tombes ne se repè-
rent que par des pierres dressées sur le sol
de gazon.
Sobre sérénité.
35
D’après un article de Håkon Christie en 2008
Les premières églises érigées au 11ème siècle - période
appelée le temps des missions - étaient faites de poteaux
et de planches dressés verticalement. Poteaux plantés
dans des trous creusés dans le sol, assurant la rigidité
d’ensemble, mais exposés à la putréfaction par le sol, malgré la dureté du pin
nordique.
Ces églises archaïques n’ont pas survécu plus d'un siècle.
Alors dès le 12ème siècle, on encastre poteaux et planches non plus dans le sol
mais sur des sablières (dans le vocabulaire du charpentier) elles-mêmes po-
sées sur des fondations de pierre. Ainsi surélevés du sol, les murs sont proté-
gés de l’humidité, solution si efficace que des bâtiments de bois édifiés dans
les années 1100 sont parvenus jusqu'à nous.
C’est à leur technique de construction que les églises de bois debout doi-
vent leur nom : les murs sont faits de palis
(suite de petits pieux pointus rangés côte à côte) et poteaux dressés ver-
ticalement, encastrées en bas dans une sablière rainu- rée et en haut dans
une panne (pièce de charpente posée horizontale- ment).
L’exemple le plus imposant et aux formes les plus avancées est encore celui
de l'église de Borgund. Dans ce type d'église, la partie médiane de la nef, du
choeur et de l'abside est plus élevée que les parties extérieures ap-
pelées col- latérales (à ne pas confondre avec les galeries
extérieures qui ceinturent le
bâtiment).
Les églises de bois debout
sont de superbes cons-
tructions, très richement sculptées. Elles s’ouvrent presque
toutes sur un portail dont l'extérieur est sculpté sur toute la
hauteur. Cette tradition décorative provient des ornements
animaliers de l'ère viking. Les dragons en sont le motif préféré,
développé en créatures fantastiques aux membres intermi-
nables qui s’entrelacent avec des volutes végétales et des feuil-
lages élaborés. Ces compositions exécutées de main de maître
élèvent ces portails au rang de chefs d'œuvre de l'art national.
L'intérieur des églises de bois debout est sombre. À l'origine,
les seules sources de lumière sont les petites ouvertures circu-
laires percées dans la partie supérieure du mur de la nef. Elles
ne dispensent qu'une faible lueur.
Dans certaines églises, les colonnes s'achèvent par des chapi-
teaux qui rappellent ceux des églises de pierre romanes, mais
l'ossature de bois, dictée par les caractéristiques techniques
du matériau, garde toutefois sa pleine originalité.
Au Moyen-âge, il y a près de 1000 églises en bois debout en
Norvège. Puis elles vieillissent, se délabrent. Considérées avec
le passage au protestantisme en 1537 comme une réminiscence
du catholicisme, elles sont à bannir.
Elles sont donc rapidement remplacées par d’autres types d’édi-
fices religieux, comme les églises en rondins. En 1650, il sub-
siste encore 270 églises en bois debout.
36
Au 19ème siècle, avec l’industrialisation, la société se modernise. Ces vieux édifices ne sont plus con-
sidérés que comme des opportunités de récupération de matériaux de construction pour de nouvelles
maisons, dans cette période d’optimisme et de progrès où il faut faire du neuf.
De plus, une loi de 1851 décrète que les églises paroissiales doivent pouvoir accueillir au moins 30%
des paroissiens. Presqu’aucune église ancienne ne peut satisfaire ce critère.
Entre 1880 et 1885, 59 églises en bois sont démontées ou détruites. C’est dans ce climat qu’à été créée l’association de
protection du patrimoine norvégien (16.12.1944).
Aujourd’hui il ne reste que 28 églises en bois debout en Norvège.
Les piliers sont faits de ce pin nordique dont la densité et par conséquent la dureté sont réputées (sa lente croissance
explique pour partie cette caractéristique), à côté duquel nos pins et nos sapins ont une tendreté qui se prête trop bien à
la malléabilité industrielle et à la fameuse obsolescence programmée, pour des finalités souvent médiocres.
37
En référence à la saga de Fridtjof, le kaiser Guillaume II, dernier empereur allemand et aussi
dernier roi de Prusse (il abdique en 1918), a fait élever en 1913 une statue de 10,5m au sommet
d’un tertre de 12m sur la colline qui domine le village de Vangsnes, près de Vik I Sogn. Elle re-
présente ce personnage célèbre, guerrier posant l’épée au sol, mollet cambré, main sur la
hanche en posture avantageuse. Cadeau de remerciement à la
Norvège.
Guillaume (Wilhelm) appréciait en effet beaucoup la station
réputée de Balestrand où venaient artistes, rois, aristo-
crates, acteurs de cinéma, en face, de l’autre côté du So-
gnefjord. Dans le fameux hôtel Kvinke, décoré à la manière
des chalets suisses, il
est venu passer plu-
sieurs étés, jusqu’à la
veille de la Grande Guerre en 1914.
Intelligent, doué d’un grande mémoire, le dévelop-
pement du tissu économique allemand lui doit cer-
tainement. Mais impulsif, coléreux, orgueilleux et
fanfaron, cyclothymique, grand collectionneur
d’uniformes (jusqu’à 200) dont il se changeait deux
fois par jour, sa politique après Bismark a
été militariste, autoritaire,. Elle a contri-
bué largement au déclenchement du grand et désastreux conflit.
Sa fréquentation d’un petit cercle de jeunes nobles officiers prussiens faisait aussi
jaser, de même que la recherche dans le choix de ses vêtements et de son appa-
rence, tout comme le contour de sa moustache. Sans aller cependant jusqu’à pré-
tendre qu’il préférait le kilt ou la jupette guerrière au jupon : son pen-
chant pour la Norvège se concrétise en effet par un fils naturel qu’il
eut d’une relation avec une femme de Bergen.
De là-haut en tout cas sur la colline, le point de vue sur le Sognefjord
est splendide. Sur les pentes, des rangs bien cultivés et parfaitement
entretenus de framboisiers s’étirent lentement au soleil des longs
jours d’été. Les fraises norvégiennes sont aussi réputées pour leur
pleine saveur, qui doit beaucoup à cette longue exposition solaire, fût-
elle intermittente et même tempérée. Et
cette réputation n’est pas usurpée ; en
comparaison, certaines de nos fraises à
nous, au mieux de la saison paraissent sou-
vent bien insipides, sauf chez nos jardiniers du dimanche aux petits soins de leur culture.
Ici, la récolte avait 15 jours de retard ; nous sommes là juste à temps pour les goûter.
Balestrand et Fridtjof
38
Une partie du village de Laerdal est constitué de mai-
sons anciennes protégées. C’est le vieux village (Gamle
Laerdalsoryi) avec ses 161 maisons de bois, toutes plus
pittoresques et charmantes les unes que les autres,
comme une sorte de style colonial allégé aux lambre-
quins dentelés parfois d’un grand
raffinement au-dessus des balcons
et des terrasses.
Construit entre 1700 et 1800, ce
village est un remarquable témoi-
gnage de l’architecture en bois de
cette époque, qui s’agrémente de
fleurs à profusion.
La plupart sont toujours habitées,
au moins pendant la belle saison, ou ont été reconverties en hôtels paisibles et
agréables, ou en boutiques
pour touristes.
Un couple âgé, visages burinés,
décharnés et sportifs, joue
manifestement avec délecta-
tion les lézards sous le soleil
qui reparaît. En anglais, ils ra-
content volontiers qu’ils passent
l’autre partie de l’année à voyager
ailleurs, notamment aux USA.
Au bord de l’ancien quai d’accès au
fjord, quelques maisons témoins
aux toits de lauses, non repeintes ou peut-
être goudronnées qui devaient avoir une fonc-
tion dans l’activité des siècles précédents
sont conservées intactes (pêcheries du sau-
mon ou de la truite…).
Tranquillité, bonheur de vivre… On y trouve ici
des fantaisies comme cette niche à chien dont
le toit est couvert de gazon fleuri. Heureux
les chiens de Norvège, presqu’autant que les enfants-(rois).
Pittoresque palette,
cabanes et maisons
39
Les toits végétalisés sont fréquents. Stabili-
té et étanchéité sont en effet meilleures que celles des
toits traditionnels, ainsi que l’isolation phonique.
Quoique ce dernier intérêt soit tout relatif pour les
maisons ou les cabanes construites au fond des cam-
pagnes et des plateaux où le silence règne, si ça n’est
peut-être le vent.
Leur grande inertie thermique absorbe les brusques variations de tempéra-
ture et permet de réaliser des économies d’énergie consistantes. Leur inertie
hydrodynamique permet aussi, en cas de soudaine pluie diluvienne par exemple,
d’amortir l’écoulement par absorption. Sans parler de leur valeur esthétique.
Mais la structure est ici le plus souvent de
bois et doit pouvoir supporter le poids im-
portant de l’installation, qui peut doubler
voire tripler lorsqu’elle est gorgée d’eau.
La membrane qui assure l’étanchéité entre
la structure de bois et la couche végétale
était initialement faite d’écorce de bouleau,
remplacée dans les constructions plus mo-
dernes par un matériau synthétique adap-
té. Les coûts de réparation pour une fuite
sont aussi plus élevés qu’avec un toit tradi-
tionnel.
Le drainage et la filtration vers les gout-
tières doivent bien sûr être efficaces.
Le substrat, c’est-à-dire le terreau utili-
sée, doit être léger, résistant à l’érosion,
capable de retenir l’eau mais aussi de la
drainer, suffisamment imperméable.
Les huttes samis, dont le toit de terre est totalement enveloppant, sont un
exemple rustique mais tout aussi douillet à l’intérieur, dont on se demande si ça
n’est pas l’habitation d’un
troll, ou d’un hobbit.
On trouve fréquemment de
tels toits pour les fermes,
les cabanes de loisirs, mais aussi pour les
anciens greniers à foin ou à grain. Aujour-
d’hui, comme sur les pentes de la station
de ski de Myrkdalen, les bungalows et les immeubles d’apparte-
ments
en sont
aussi pourvus, pour le plaisir des
yeux.
40
Le pittoresque des maisons norvégiennes, avec ou sans toit végétalisé, mérite d’être spécialement souligné, quoiqu’on n’en ait
jamais vu que l’extérieur.
Le parti pris est ici de ne parler que des maisons ou des fermes
isolées, ou parfois appartenant à de petits villages ; et non des
maisons de ville évoquées ailleurs.
Les planches de bois de la moindre d’entre
elles jusque dans les coins les plus reculés
sont peintes de tons unis, mais variant de l’une
à l’autre, s’harmonisant ici avec la couleur
d’une barrière, là se relevant du contour
contrasté des ouvertures.
La découverte à mesure que l’on progresse le
long des routes est permanente, et toujours
agréable.
On retrouve souvent
ce rouge soutenu,
presque bordeaux,
appelé « rouge de
Falun » car la
couleur était faite
à partir de scories
d’une mine de
cuivre de cette
ville suédoise. On
dit aussi que ce
rouge était fabri-
qué aux origines à
partir du sang de
baleine. Mais la
palette est très
large, les harmo-
nies toujours réus-
sies ; les tuiles de
certains toits, les
murs eux-mêmes
sont parfois gou-
dronnés d’un goudron noir et épais.
Dans tous les cas, la ferme la plus banale prend des airs
coquets, d’autant plus que le toit se couvre de lauzes régu-
lières ou que les couleurs s’opposent entre habitation et
grange.
D’autres maisons osent sans choquer
des contrastes plus durs comme le
rouge carmin et le bleu pétrole, rappe-
lant les couleurs nationales.
Au bord des fjords ou des lacs, certaines
sont cossues, mais même le plus modeste
hangar reprend de la noblesse au-dessus du
plan d’eau.
41
L’intensité des couleurs vient parfois comme un antidote à la grisaille.
Souvent, un fanion allongé se
gonfle au vent, perché au sommet
d’une haute hampe ; nationalisme
tranquille.
Rarement, une grange de bois
reste en sa configuration brute,
fonctionnelle.
Parfois, un
ancien gre-
nier à foin
ou à grains,
construit
sur courts
pilotis et qui
semble en
équilibre
incertain, a
été recon-
verti en modeste résidence secondaire; et la petite
lucarne s’éclaire d’un encadrement coloré.
Peut-être là, sous le torrent traversant un pâturage, des
cabanes bergeries.
Ailleurs sur
le plateau,
une maison
vigie.
Et le long des chemins, quelques
parfaits exemples d’harmonie rustique et
de tranquille élégance, pour de belles
maisons qui se font plus riches quand on
aborde les rives d’un fjord ou un creux de
vallée.
42
Mais arrachons-nous, il est temps d’aller
faire un tour du côté de Bergen.
Je ne sais
pas vous,
mais on ne
s’en lasse
pas...
43
Allons donc en ville, vers cette cité qui fut la 1ère capitale de la Norvège
(voir l’annexe).
Malgré ici encore
un temps souvent
pluvieux, l’attrait
du port de Bergen
bien protégé de
l’Océan, adossé à
des collines hautes
au bord du fjord
est puissant. Un
voilier mexicain
mouille là, dont on
croise parfois des
marins, étonnés de cet exotisme nordique.
Belle ville, pour son fameux marché aux poissons du fond du port. On y dé-
guste des sandwichs aux fruits de mer, du
steack de baleine rouge sombre comme san-
quette, de la morue (célébrée dans la partie
ancienne par une
énorme sculp-
ture de bois représentant
probablement une morue
séchée) et l’inévitable sau-
mon. Mais aussi pour sa fa-
meuse façade de
maisons de bois avec
ses dédales de cou-
loirs et de coursives
accessibles par les
escaliers.
Bergen l’hanséatique
44
Mais la partie de la ville à flanc de colline avec ses rues
en rebonds, tortueuses parfois, ses chemins pentus où le
pas se retient aux courtes rangées parallèles de briques
transversales qui font relief et permettaient aux chevaux
de les gravir sans glisser, présente un charme irrésis-
tible. Les maisons de bois sont souvent flanquées d’un
jardinet accueillant derrière une barrière de bois. Le
piéton est chez lui et s’en délecte.
Là est aussi l’autre vraie
séduction de Bergen, en
s’élevant au-dessus du
port et du centre, Les
façades faites de ces palissades de planches hori-
zontales régulières si caractéristiques jouent dans
de doux tons polychromes et sages, s’harmonisant
sous les tuiles des toits à 4 pans, puis basculent par-
fois dans le vif, le contraste et l’éclat sans qu’on y
trouve à redire, bien au contraire. Les enfilades
courbes toutes en pentes dévoilent d’autres toits
vers le port, parfois plus vénérables, sans jamais de
monotonie, avec une élégance naturelle qui ajoute au
pittoresque.
Un quartier à rêver où l’on aimerait pren-
dre le temps de rencontrer les habitants,
de mieux apprécier la qualité de vie.
45
Parfois même, héritages plus anciens peut-être, le toit de cer-
taines maisons se relève aux quatre coins comme les anciennes
maisons portugaises, ou tranchent des tuiles en se revêtant de
noir goudron.
Le musée hanséatique offre quant à
lui des témoignages intéressants de
l’époque de la puissance commerciale
de la ville en cette période. Les salles de délibération et de ré-
fectoire sont marquées par une sobriété, voire une certaine
austérité (les riches commerçants n’exhibaient pas leur richesse)
du mobilier de
bancs et de
coffres, que
relèvent
quelques rares
et superbes ob-
jets de cuivre, et
le beau bois
sombre des murs
et du plafond à
charpente appa-
rente ; jusqu’aux
cuisines au fond
desquelles préside
un haut poêle de
céramique (?)
blanche.
46
47
Des lapons — mais il faut utiliser le nom de Samis, celui de Lapon est pour eux péjora-
tif, qui signifie « porteur de haillons »— ont
installé quelque part sur la route qui sillonne
le plateau des huttes de terre hémisphé-
riques façon igloo, sur lesquelles pousse
cette herbe drue, fleurie coquettement
par endroits.
Pour un peu, on
verrait un troll
en sortir.
L’intention est touristique ; mais le témoignage
de ces habitations semble authentique. La tran-
quille dignité des Samis, qui reçoivent les touristes pour vendre
des objets typiques réconforte quand on connaît d’autres pays,
d’autres villes où les marchands du temple ne sont que des em-
ployés zélés, rarement indigènes, au service d’un mercantilisme
intensif.
Les Samis (ou Samés, ou Saami) ont été les premiers occupants de la Scandinavie sep-
tentrionale (Suède, Norvège, Finlande et la péninsule de Kola en Russie). Ils sont les
indigènes de l’Europe du nord, mais ne constituent pas un groupe ethnique. Ils ont en commun leur
langue (d’origine finno-ougrienne : pays baltes, Scandinavie du nord, Finlande, Russie du Nord, Sibérie,
Hongrie) qui se décline en 9 dialectes dont certains sont toujours utilisés. Une étude récente montre
que même s’ils sont européens, ils ont en leurs gènes une petite part asiatique et se rapprochent de
l’ethnie turque des Iakoutes de Sibérie orientale.
Ils appellent leurs terres
ancestrales Sápmi. Les acti-
vités traditionnelles des Sa-
mis étaient originellement la
pêche et la chasse, puis à
partir du 16ème siècle l'éle-
vage de rennes en transhu-
mance. Aujourd'hui, ceux que
certaine nomment « les in-
diens blancs » représentent quelque 75 000 habitants semi-
sédentarisés en Norvège.
Les Samis ont en Suède, en Norvège et en Finlande (mais pas en
Russie) le droit de vote dans les parlements Samis, des organisations gouvernementales desti-
nées à collecter les revendica- tions des communautés samies, et démocratiquement élus par les
Samis eux-
mêmes.
La Norvège a
reconnu les
Samis comme
« peuple indi-
gène de Nor-
vège ».
Peuples d’avant
et d’aujourd’hui
En 1732, le grand naturaliste sué-dois Carl Linné ici représenté en costume sami, entreprend un voyage en Laponie pour explorer cette contrée encore très mysté-rieuse. Il en revient outré par la manière bornée dont les religieux catholiques traitent les samis.
48
Sur les hauteurs lointaines d’Oslo, on s’interroge sur une sorte de crête métallique, comme un accent grave ou aigu selon
qu’on vient du nord ou
du sud, qui brille au
soleil d’un éclat vif. On
croirait voir une colos-
sale sculpture métal-
lique ou bien la sil-
houette d’un brachio-
saure de métal : il s’agit
de la piste de saut à ski
d’Oslo, sur le site de
Holmenkollen. Parmi les
sports d’hiver, le saut à
ski appartient étroitement à la culture norvégienne.
Les jardins des maisons sont très souvent équipés d’une trampoline, avec
laquelle les enfants apprennent à sauter, à trouver
l’équilibre et la stabilité « en vol ». Ils se préparent
ainsi à l’étape suivante, sur de modestes sauts à la
piste de bois, pour enfin s’essayer, puis s’épanouir
sur les grandes pistes comme ici à Oslo ou bien à
Lillehammer.
Les pistes de saut d’Oslo ne sont pas taillées dans
la montagne auxquelles elles s’adossent comme à
Lillehammer, mais construites sur cett infrastruc-
ture toute de métal dont l’architecte a certaine-
ment voulu faire une véritable œuvre d’art, par-
dessus le sommet de la montagne : pari tenu. C’est
aussi ce qui la rend visible de très loin.
Notre guide raconte que tout est
fait l’hiver pour la pratique des
sports de neige ; les horaires de
travail sont aménagés pour per-
mettre aux habitants, en sortant
tôt l’après-
midi où la nuit
tombe très
vite, d’aller
pratiquer la
descente sur
les pentes
aménagées et
vivement
éclairées,
avant le re-
tour à la mai-
son.
L’envol à ski planant
49
L’activité sportive des norvégiens est bien connue. L’entraî-
nement aux sports d’hiver se pratique à longueur d’année.
Comme ce skieur de fond qui patine sur le bitume, ou bien
même cette jeune habitante d’un plateau qui utilise un cha-
riot à pneus tirés par 4 chiens de traîneau sur une route
reculée, en guise d’entraînement pour l’hi-
ver. A la grande joie de ses chiens-là.
Mais ce n’est qu’à Lillehammer, sur le che-
min du retour, qu’on a pu admirer l’envol
majestueux de skieurs sur une piste de
cylindres de porcelaine arrosés d’une
brume d’eau, - ils s’entraînent donc été
comme hiver -, et leur spectaculaire atter-
rissage sur le gazon de la piste tout en bas.
Décuplée pendant les 17ème Jeux Olym-
piques d’hiver de 1994 (Johann Koss fut le
héros national après avoir gagné 3
épreuves du patinage de vitesse et battu à cette occasion à chaque fois le record
du monde), les infrastructures hôtelières de cette petite ville se sont ensuite vite
retrouvées surdimensionnées. Le mode de construction a permis à certains hôtels
d’être démontés puis reconstruits ailleurs.
L’économie
« durable » est
un principe mis
en pratique
avec volonta-
risme par la
Norvège. Ainsi
Oslo se classe
au 9ème rang
mondial des
villes les plus
écologiques du
monde. L’objec-
tif est de faire de la Nor-
vège un pays neutre en car-
bone d’ici 2050.
L’un des projets consiste à
alimenter 80 bus de la ville
avec un bio gaz issu des toi-
lettes (200 000 personnes
concernées) : chacun produit
en effet l’équivalent de 8l de
diesel par an.
Alors grands et pe-
tits, soyons civiques
et solidaires! Pari-
siens, encore un ef-
fort, tous à nos
sièges! Et si la ban-
lieue se rallie, nous
pourrons contribuer
à rendre enfin la
Régie des Trans-
ports Parisiens vraiment Autonome (100% de la flotte de ses 4000
bus)…
50
Mais revenons à la pureté du vol.
Au bout de la descente fulgurante, l’envol se prend, bras rejetés à l’arrière, d’un puissant coup de
rein en bout de la piste étroite et vertigineuse ; puis l’oiseau, si maladroit au sol avec ses longues
spatules (albatros scandinave) s’envole avec majesté au-dessus du tremplin comme au ralenti, et les
spatules en V ouvert se font ailes, vers lesquelles le corps tendu se penche, bref planeur.
Trajectoire magique. Puis les skis viennent rejoindre et épouser l’asymptote de la piste ; là, le contact sur le gazon n’est
pas assuré. Le glissement coule ensuite tranquille ; puis l’athlète s’assoit sur ses skis pour finir carrément « en fauteuil »
bien tenu par ses hautes chaussures et ses cuisses d’acier, avant de se redresser finalement.
Un oiseau rouge suit un oiseau noir, puis un
3ème encore
rouge, et l’on
repart avec
regret.
Très haut de-
gré de prépa-
rations phy-
sique et tech-
nique, pour
quelques se-
condes de
saut.
A côté de la performance en distance, c’est l’un des sports dont
l’esthétique est la plus aboutie.
Ce sport a été inventé ici, en Norvège.
L’engouement dont il bénéficie est donc intact. Il a donné lieu à sa première compétition
en 1862 et a été introduit aux Jeux Olympiques d’hiver dès leur
création en 1924. Deux variantes de saut se différencient : le
saut à ski traditionnel pour lequel la piste d’élan est de 120m et
le vol à ski (sans parachute!!),
plus rare, où la piste est de
200m.
Récemment cependant, la Fédé-
ration internationale a dû fixer un critère d’IMC
(Indice de Masse Corporelle) pour éviter les candidats
trop légers jouant de l’anorexie pour voler plus loin!!!
Les candidats musclés sont depuis au devant de la scène, risques de dopage à la clé..
51
Efficacité
norvégienne
Merci à l’efficacité norvégienne!! Il y a pourtant des circonstances dans lesquelles on ne souhaiterait pas la tester.
Il suffit d’une route de plateau un
peu étroite récemment rénovée dont
les bords sont encore meubles.
Alors, quand un camion croise notre
bus sans trop se soucier de lui, notre
chauffeur serre un peu à droite, un
peu trop ; et voilà les roues qui glis-
sent dans le fossé. En quelques se-
condes, presque lentement comme
dans un ralenti, notre bus qui mar-
chait à une allure modérée se couche
irrémédiablement dans le fossé.
Quelques secondes où l’on voit le
destin s’accomplir.
Sauf pour trois d’entre nous, plus de peur que de mal, mais cependant quelques fêlures et des étirements de ligaments.
Notre surprise : les secours sont si prompts qu’ils semblaient nous attendre.
Nous voilà extirpés très vite du bus par une ouverture sur le toit (qui est
maintenant latérale) ; les services de sécurité,
l’ambulance, un hélicoptère, des minibus pour ra-
mener la plupart d’entre nous vers un lieu d’hé-
bergement : tout ça en quelques minutes, alors
que nous avions l’impression d’être au fin fond
d’une campagne très profonde et peu accessible.
Premier coup de chapeau!
Notre bus a l’air d’une coquille crevée une fois
qu’on a brisé non sans mal l’immense pare-brise,
ou bien d’un éléphant blessé qui ne parvient pas à se relever.
Puis, en dehors des personnes qu’il est nécessaire
d’acheminer par hélicoptère vers un hôpital voisin,
les autres sont amenées vers la cafeteria d’une mairie, celle de Gol le gros village
voisin dans une vallée, à la fois pour subir un examen médical si nécessaire, et pa-
tienter en attendant
un autre bus pour re-
prendre le circuit.
L’organisation du sou-
tien est là aussi remar-
quable, avec collation à
volonté, soutien psy-
chologique notamment
pour notre pauvre chauffeur lituanien désespéré de l’évène-
ment, réquisition d’interprètes sachant parler la langue (la
nôtre) parmi les habitants du village, sous la férule d’une dame
au large sourire qui gère et coordonne l’ensemble. Chacun à sa
place et au bon moment. Deuxième coup de chapeau!! Et grand
et chaleureux merci à la Norvège.
52
Pendant cette période dite de l’Âge de bronze de -1800 à -450, prédomine le commerce de l’ambre,
que les Scandinaves échangent avec l’Europe du Sud contre les premiers objets de métal.
La route de l'ambre est l'une des plus importantes voies de commerce de l'Antiquité. Elle re-
lie la mer Baltique à la Méditerranée en suivant le cours de la Vistule, de l'Elbe et du Danube.
L'ambre est une résine fossile. Elle provient de conifères nord européens d’il y a 40 millions d’an-
nées qui ont été engloutis ensuite par les eaux baltiques. Très recherchée par les peuples du sud,
outre son aspect translucide qui l'apparente à une gemme, on lui prêtait des vertus magiques et
curatives.
Ainsi, on a retrouvé dans la chambre funéraire du pharaon Toutânkhamon des objets faits d'ambre
de la Baltique, et l'on sait que des offrandes en ambre étaient expédiées de la mer du Nord vers le
sanctuaire d'Apollon à Delphes.
NB– Le cachalot, ce cachottier, est aussi
riche d’ambre, mais sans aucun rapport
avec l’ambre résine : c’est l’ambre gris qui
est fait de ragoutantes concrétions intes-
tinales provenant de restes de calmars, et
l’ambre blanc ou « blanc de baleine » que
l’on trouve dans une poche cérébrale (pour
les baleines plus intellectuelles).
Parmi les œuvres de bronze, l’un des plus
beaux exemples est ce char solaire danois.
L’âge de bronze
53
Cette période, de –400 à +800, voit la technique de forge des armes s’améliorer progressivement et
finit par doter les habitants d’une redoutable panoplie.
- les Celtes occupent l’Europe centrale et désorganisent le commerce et la route de l’ambre. En
outre, à cause d’une phase de
refroidissement de la région,
certaines populations de la
Scandinavie méridionale ten-
tent de migrer vers le sud ; ce
qui sera à l’origine des Bur-
gondes et des Lombards. Les
peuplades natives du nord, les
Samis migrent aussi vers le
Sud, celui de la Scandinavie,
entrant en conflit avec les
Scandinaves.
- C’est à partir du 3ème siècle
que l’on commence à parler de
« Norvégiens » pour désigner
les Gautars (futurs Goths) qui
vivent à l'ouest. Mais cette
origine scandinave des Goths
est controversée.
Cependant, 500 ans après les invasions de ces ostrogoths et wisigoths de la période antique sur les
côtes nord de la Mare Nostrum, il n’est pas improbable que leurs descendants installés là aient été
envahis, cette fois depuis la mer, par les autres descendants goths, les Vikings. Mais les cousins per-
dus de vue n’ont pas dû se reconnaître, tant ceux du sud avaient lutiné de brunes méditerranéennes
et perdu leur blondeur et leur stature initiales. Et les combats furent féroces.
- Jusque vers +400, la Rome antique marque plus ou moins directement son influence en Scandinavie
par les produits qu’elle vend : objet en métal et en verre, mais aussi esclaves. Les Scandinaves ven-
dent aux Romains et aux autres peuples du Sud de l'ambre, des fourrures et du cuir.
- La phase dite « germanique ancienne » dure de 400 à 600 environ. La mémoire orale transcrite plus
tard en saga (la saga des Ynglingar et celle de Beowulf) n’est pas claire. On sait cependant que
cette période est marquée par de nombreux conflits entre petits groupes de population, notamment
dans le Sud de la Scandinavie.
- Enfin, à l'époque dite « germanique récente » (600-800), la situation se stabilise un peu avec un
arrêt des grandes migrations, La Norvège reste encore très fragmentée ; ses différents peuples
pratiquent intensément le commerce. L’épée franque y fait son apparition.
L’âge de fer
54
La période des Vikings
On a coutume de dire que la période viking commence et s’achève en Angleterre, s’ouvrant par le pillage, en 793, du monastère de Lindisfarne (prestigieux sanctuaire symbole de la réussite de la christianisation) par des pirates nordiques et se clôturant en 1066, avec la défaite du roi de Norvège Harald Hardrada contre les Anglais lors de la bataille de Stamford Bridge.
Pendant près de 300 ans, de 800 à 1100 après JC, les vikings conquièrent, s’installent, administrent,
forment souvent des royaumes pérennes, sont à l’origine de la création de la Russie, du peuple des
Normands au nord de la France, retournent au pays, se christianisent, s’assimilant progressivement à
la chrétienté de l’Europe du Nord.
Le mot « viking » lui-même signifie dès le 7ème siècle « partant en expédition maritime », puis a été
repris en anglais au 18ème pré-romantique pour désigner un solide guerrier. Les Anglais redécou-
vrent alors ces envahisseurs et s’enthousiasment rétrospectivement pour ces conquérants qui les
avaient pourtant vaincus.
Les Vikings habitent le Danemark et, dans le continent scandinave, ces multiples petits royaumes
enclavés sur les rives des fjords adossés à la montagne. La mer pénètre là profondément et reste
tout le temps accessible, seul moyen de circuler et d’échanger. Dès le 6ème siècle, on sait qu’ils sont
d’abord commerçants à la recherche de produits que n’offrent pas leur pays, pauvre et
au rude climat, mais offrant aux civilisations du sud l’ambre de la Baltique, les peaux
(castors, loups, ours, renards, zibeline…) et l’ivoire des morses.
Déjà en contact commercial encore pacifique dès le 7ème siècle avec le monde chré-
tien, puis le monde arabe, les Vikings se frottent pen-
dant la fin du 8ème siècle à Charlemagne, porteur de l’expan-
sion puissante du christianisme et ardent prosélyte, convertissant
« par le feu et le sang » les païens, qu’ils soient saxons au nord ou issus des
goths avec les Lombards en Italie, ou les musulmans en Es- pagne.
S’opposant à la soumission, la réaction Viking est violente et contri- bue à for-
ger leur motivation de conquête et d’invasion. Puis avec les succes- seurs
carolingiens, divisés et affaiblis, le terrain devient plus propice à
leurs raids.
C’est aussi sous la poussée démographique, et pour trouver le sel et accéder aux
gisements de fer que ces peuplades lancent à partir des années 800 leurs
invasions terribles (même si ceux qui les ont subies sont seuls à en
avoir témoigné par écrit et ont certainement amplifié le caractère
d’épouvante inspiré par ces envahisseurs). Leurs adversaires sont
aussi impressionnés par leur taille, de 10 cm en moyenne plus haute
que la leur.
Epouvantable
s
géants pâles
55
,
Après Lindisfarne, le plein régime
des invasions commence en 833. La machine est lancée.
Appelés en France
les hommes du
Nord, les Nor-
mands, ils brûlent
Rouen en 841,
Nantes en 843, Pa-
ris succombe en 845
et Tours en 853.
Les invasions attei-
gnent l’Europe cen-
trale, contournent
l’Europe occiden-
tale, atteignent
l’Afrique du Nord.
En 844, les Vikings
pillent la Galice,
Lisbonne et Séville.
En 859-862, ils ra-
vagent les côtes du
Maroc puis gagnent
la Toscane.
De là, ils détruisent
Pise et remontent jusqu’au Rhône, à Valence où ils sont arrêtés.
Vers le Nord-Ouest, de 834 à 850, ils pillent les royaumes anglo-saxons. En 865, une véritable armée
occupe York. De raid en raid, ils arrivent jusqu’à Londres en 871.
Les anglais témoignent : « ça fait 350 ans que nous et nos pères avons habité cette aimable terre, et
jamais avant une telle terreur n’est apparue en Angleterre et maintenant nous avons souffert d’une
race païenne ; jamais ne pensions subir une telle incursion depuis la mer. Voyez l’église de St Cuth-
bert éclaboussée du sang des prêtres de Dieu, dépouillée de ses ornements : un endroit plus véné-
rable que tous en Angleterre est donné en proie aux peuples païens ».
Conquêtes
'Lo, it is nearly 350 years that we and our fathers have inhabited this most lovely land, and never before has such terror appeared in Britain as we have now suffered from a pagan race, nor was it thought that such an inroad from the sea could be made. Behold the church of St Cuthbert spattered with the blood of the priests of God, despoiled of all its ornaments; a place more venerable than all in Britain is given as a prey to pagan peoples...'. Letter from Alcuin to Ethelred, king of Northumbria.
56
Le bateau viking est un élément es-
sentiel des conquêtes : moyen d’exploration et de commerce mais aussi
d’incursions et d’invasions. Dès le 4ème siècle, des bateaux plus longs sont construits, dont la forme
s'affine. Vers 700 les accessoires comme le gouvernail se développent.
Ces fameux bateaux sont indument nommés drakkars en français (il ne s’agit que de leur figure de
proue qui a la forme d’un dragon, drakkar en scandinave) ; il faut les appeler knorrs ou knarrs,
A fond plat et faible tirant d’eau (1m), ils sont mus par une voile carrée ou bien les
bras de 32 rameurs. Très stables, rapides (10 nœuds et 200 km en 24h), leur tech-
nique d’assemblage permet une souplesse de déformation adaptée aux houles des
mers du nord ; ils sont faciles à manier. Leur accostage ne nécessite aucun port, ils
peuvent transporter des cargaisons importantes, hommes, femmes et bétail. Ces
qualités réunies leur permettent de jouer de l’effet de surprise, aussi bien pour
envahir que pour se retirer.
Les conquêtes et les explorations vikings doivent beaucoup aussi à la folle audace
des marins qui ont osé s’éloigner des côtes
droit vers le large, grâce à leur grande expé-
rience maritime, leur art pour se diriger quand
le sextant faisait encore partie des rêves à
venir (1730) et qu’ils ignoraient l’astrolabe et
la boussole. Audace servie aussi par ce con-
texte si particulier de l’influence extrême du
Gulf Stream, qui empêche la glaciation de la
côte jusqu’au nord, même en plein hiver. Cet
atout maritime est une constante dont ne bé-
néficient pas d’autres pays sous les mêmes
latitudes (Sibérie, Canada,…).
On voit aussi l’esthétique
rejoindre l’efficacité fonc-
tionnelle avec ces superbes
vestiges de knorrs de 22 à
24 m de long, dont la proue et la poupe sont d’une élégance re-
marquable. Ils marquaient la mémoire des populations envahies
quand débouchait de derrière les collines leur puissante volute
en tête de monstre (le dragon) dominant la proue gonflée
comme un jabot, soudain suivie de la clameur terrible des guer-
riers partant à l’assaut.
Drakkars
ou plutôt kno
rrs
57
Certains guerriers, les berserks
(« peau d’ours »), devaient frapper
d’hor-
reur les adversaires ; vêtus en effet de peau d’ours ou nus, ils combat-
taient en transe, probablement sous l’emprise d’une drogue, roulant
des yeux, l’écume à la bouche, mordant leurs boucliers, invincibles dans
l’action, s’effondrant ensuite. Et aujourd’hui héros invraisemblables de
mangas violents.
Le fameux et coquet casque à cornes
est certes d’origine scandinave, mais
beaucoup plus
ancien. Il n’existe plus à l’époque viking :
pénurie de vaches?… Il ressemblait plutôt à
ça, comme d’ailleurs ceux de leurs adver-
saires anglais ou francs.
Avec les mêmes bateaux, les guerriers en-
vahissaient et conquéraient les îles et les
contrées, puis venaient les coloniser avec
hommes et bétail, repoussant ou composant
avec les populations locales, ou bien s’installant dans des régions
encore vierges.
Ce sont sans exclusive mais principalement les danois qui s’engagent vers l’ouest et le sud, les sué-
dois (appelés Varègues localement, mais Rus plus largement en Europe continentale) vers la Russie
qu’ils fondent sur ses premières bases et administrent à la demande même des Slaves locaux, et
les norvégiens vers
l’Atlantique nord,
l’Islande, le Groenland
et même l’Amérique du
Nord.
De fait, les Îles Bri-
tanniques attirent
aussi bien Danois que
Norvégiens, mais ce
sont surtout les Da-
nois qui vont vers
l’Angleterre. Cette
période d’invasions est
appelée « l’Âge
sombre » par les bri-
tanniques.
58
Cette carte du monde atlantique sep-
tentrional montre l’ampleur des in-
cursions, avec l’Europe à droite et le
nord du Canada à gauche.
L'Écosse est la cible des Norvégiens et les Or-
cades sont colonisées au cours du 9ème siècle de même
que les Shetland. Par contre dans les Hébrides, ils sont
assimilés par les populations locales.
En Irlande, où ils sont appelés là les « pâles étran-
gers » (Finn-gall, mais de fait il s’agirait plutôt des
« tribus étrangères »), ils fondent un petit
royaume près de Dublin, qui subsiste jusqu'en 1052.
L'origine exacte de Rollon, fondateur du duché de Nor-
mandie est discutée, l'une des hypothèses avancée
étant une origine norvégienne, mais ses troupes se com-
posaient pour la plupart de Danois.
Tous les vikings ne partent pas de leur propre initiative. Certains sont même
condamnés à l’exil, la crème de la crème dans la violence… C’est le cas du fa-
meux Eric le Rouge (vers 950-1003), né en Norvège, banni pour meurtres et
rapines, qui vers l’ouest, s’installe en Islande, découvre le Groenland vers 985,
le nomme (c’est dire qu’elle était verte cette île continent) et fonde là une
colonie norvégienne.
Son fils Leif Ericsson (fils d’Eric) lance une expédition plus à l'ouest. Le conti-
nent américain n’est pas si loin. L’a-t-on surnommé « le chanceux » pour l’avoir
atteint?
Il s'installe dans le Vinland, correspondant sans
doute au futur Canada (à
peu près 500 ans avant
Christophe Colomb, mais
sans en faire une colonie
durable : l’aimable accueil
des indiens est très acéré
et les flèches tombent en
pluie ; dehors les géants
blonds roux et la terre aux Peaux
Rouges!!!
Vikings au Can
ada
59
Helge Ingstad, fameux archéologue
norvégien découvre en 1960 les
restes d’une implantation viking de la
période entre 980 et 1020. Les recherches
menées jusqu’en 1970 apportent la preuve de
cette origine à L'Anse aux Meadows (beau mé-
lange des langues qui a dû signifier d’abord en
français l’Anse aux Méduses) à la pointe Nord
Est de Terre Neuve et
du Nouveau Brunswick
au Canada.
Hommage lui est rendu
ainsi qu’à sa femme à
l’entrée du Musée Vi-
king d’Oslo.
Mais les exégètes discutent encore âprement
pour savoir s’il y avait du vin (ce pays était nommé
Vinland), si ce fut le point de départ d’explora-
tions vers le sud, et comment cette importante
parcelle d’histoire s’articule avec les sagas vikings
du 13ème siècle (ce sont elles qui ont orienté les
archéologues vers le Canada).
Et pendant ce temps-là, au pays, que se passe-t-
il?
La vie continue son train train et chacun vaque : le
continent scandinave s’organise et se développe.
Même si l’histoire de la Norvège à l'époque viking
et jusqu'à son unification reste mal connue, on sait que le territoire, sauf le Nord occupé par
les Samis, est alors divisé en 29 petits royaumes (ou plus modestement districts), appelés fylke,
correspondent à une zone géographique, souvent autour d'un fjord.
Chaque fylke dispose d’une assemblée de représentants des villages ou des provinces, le thing. Ces
petits royaumes sont indépendants, ruraux, autarciques ; il y prédomine l’élevage, la chasse et la
pêche dans les vallées enclavées des fjords.
Mais, début d’unification, les différents fylker se regroupent en quatre rassemblements régionaux
pour certaines activités notamment militaires, géographiquement réparties.
Les seigneurs locaux portent des noms que l’on croit sortir de la saga (moderne) du Seigneur des
Anneaux ; ou bien plutôt Tolkien s’est-il inspiré de cette patronymie ?
Pendant ce te
mps,
en Scandinavie
60
C’est la dynastie des Ynglingar, origi-
naire de Suède et contrôlant
le Vestfold, qui est à l'origine de
l’unification :
- Halfdan le Noir (1/2 ceinture noire?!!) soumet le sud-est et s'installe sur la côte sud-ouest.
- Harald aux Beaux Cheveux, son fils, après la bataille de Hafrsfjord en 872,
unifie les régions côtières du sud vers 870.
Selon les sagas de l'époque, il a d’abord été « crépu » puis
« ébouriffé » pour avoir fait le vœu de ne pas couper ni peigner
ses cheveux tant qu’il ne serait pas roi de Norvège, tout ça pour
épouser la fille d’un roi voisin.
Là, c’est avant.
Devenu roi, il lui reste à démêler ses cheveux, s’épouiller, prendre un bon shampoing
viking suivi d’un brushing avec un peigne en ivoire de morse, puis touche finale à se
parfumer avec une rasade d’Aquavit, et le jeune premier peut épouser Gyda.
C’est ainsi après qu’il devient Harald à la Belle Chevelure (voyez mesdames la
différence et les blondes bouclettes).
Puis il établit les premiers impôts royaux. Comme quoi, pour entre-
tenir son opulente toison, Harald n’hésite pas à tondre ses sujets,
Il est considéré comme le premier roi de Norvège.
Mais comme toujours, les successions sont difficiles. Le partage de l'héritage entre les
différents enfants du souverain conduit à des épisodes à côté desquels les règlements de
comptes à la kalach dans les quartiers nord de Marseille sont des bluettes.
Ainsi un fils de Harald 1er, Éric Ier, le bien nommé « hache sanglante », tru-
cide pas moins de 18 de ses frères (sauf un), se proclame roi de Norvège,
mais ne gouverne en réalité que le Vestlandet.
Il est détrôné en 933 par son dernier frère épargné Haakon Ier qui s’était prudem-
ment réfugié en Angleterre, dit le Bon (pour avoir épargné son frère multi fratri-
cide ?).
Baptisé en Angleterre, celui-ci veut christianiser la Norvège, mais se heurte à de
vives résistances.
L’opposition à la foi chrétienne est cependant ensuite brisée plus tard avec violence
d'abord par le roi Olaf Tryggvason, baptisé en 995 et appelé Olaf 1er, celui qui fonde
Trondheim (Nidaros) en 997. Vaincu à son tour par une coalition dano-suédoise en l’an
1000, son œuvre est achevée par Olaf Haraldson (1016-1028).
Première Norvège
61
Au 10ème siècle, la civilisation viking
fait l’objet de plusieurs témoignages
d’émissaires du sud, qui soulignent
la manière dont ils rendent hom-
mage à leurs seigneurs, rassem-
blent le knarr et différents objets
et armes du défunt, puis le plus
souvent les brûlent.
Cependant, même si ces témoi-
gnages divergent sur leur manière
de vivre, leur propreté, leur cul-
ture, ils présentent certainement
une meilleure objectivité que les
témoignages des européens envahis
et épouvantés. Car la relation entre
Arabes et Vikings était en effet
d’abord commerciale.
Un chroniqueur arabe, inégalé dans le
détail de ses descriptions, Ibn Fadlan
rencontre les « Rus » (Vikings sué-
dois, ou Varègues, qui commercent
avec les Perses, les Grecs, les Arabes)
sur la Volga vers 921-922, allant à la
rencontre d’un roi Bulgare de l’époque
qui souhaitait une instruction sur
l’Islam. Dans sa relation intitulée
« Risala », 20% est dévolu aux
« Rus ».
« Je n’ai jamais vu de spécimen au physique si parfait, grands comme des palmiers, cheveux blonds et la peau vermeil… et les pommettes hautes. Chaque homme a une hache, une épée et un couteau dont il ne se défait jamais… ».. Mais il dit aussi « Ce sont les créatures de Dieu les plus sales, … même s’ils se lavent les mains, la face et peignent leurs cheveux chaque jour, ils le font de la manière la plus dégoûtante possible, dans une bassine commune... Les hommes sont tatoués des ongles des pieds jusqu’au cou de dessins vert sombre». Il décrit aussi des beuveries et des scènes de débauche. Shocking pour ce musulman raffiné habitué aux ablutions à l’eau cou-
rante et à des mœurs plus civilisées. Il dit aussi que les femmes portent des colliers d’or ou d’argent, et de nombreux objets faits de perles ; il rend hommage à la
prouesse et au courage des hommes dans les combats (les Varègues constitueront des milices réputées à Byzance).
Sur le plan religieux, il décrit un officiant viking qui choisit à son gré le bétail ou l’humain (homme ou femme) qui sera sacrifié
par pendaison.
Il assiste aussi aux funérailles sur la Volga d’un chef viking brûlé avec son bateau, entouré de nourriture, de boissons, de che-
vaux et de chiens, de ses armes, mais aussi d’une esclave qui avait demandé à être brûlée avec lui.
Par contre, un autre témoin explorateur perse, qui voit les « Rus » à Novgorod, Ibn Rustah, dit au 10ème siècle « qu’ils sont propres pour leurs vêtements et traitent bien leurs esclaves ». Ont-ils vu les mêmes peuplades?
Un arabe de Cordoue, Al Tartushi décrit un marché danois : bruyant, sale, où les gens suspendent les animaux sacrifiés sur un
pieu devant leur maison : mais il dit qu’aussi bien les femmes que les hommes se fardent les yeux, ce qui accroît leur beauté.
62
Ensuite, l’histoire est complexe.
Scandinavie et îles britanniques partiellement sous influence viking
veulent gagner le pouvoir, avec des alliances qui déjà se font et se défont entre Danois, Suédois et
Norvégiens. La dynastie Ynglingar et des jarl de Lade (« jarl » est équivalent de duc ou de conte en
langue scandinave, de earl en anglais) joue un rôle important.
Les années 1030 à 1066 sont marquées par de nouvelles et déterminantes tentatives d'unir Norvège,
Danemark et/ou Angleterre.
De retour d’un exil en Russie centrale puis à Constantinople, Harald III Hardrada (1) (qui signifie
« sévère »), un géant de 2m, veut reconquérir l'Angleterre sur laquelle il estime avoir des droits. En
bon chemin, il est surpris par l’arrivée rapide du beau blond Harold (2) roi d’Angleterre (anglo-saxon
peut-être descendant de danois, dont un chroniqueur Orderic Vital, un moine anglo-normand contem-
porain disait : « Cet Anglais était très grand et
élégant, remarquable pour sa force physique,
son courage et son éloquence, ses plaisanteries
vives et ses actes de bravoure », mais il est con-
nu pour trahir ses serments et
notamment un qu’il avait fait à
Guillaume le bâtard). Harald
Hardrada le roi viking n’a pas
même le temps d’enfiler sa
cotte de mailles. Défait, il est
tué dans le Yorkshire à la ba-
taille de Stamford Bridge le 5
septembre 1066. Des 300 ba-
teaux vikings envoyés, seuls 25
reviennent en Norvège.
Harald Hardrada est considéré comme le dernier roi Viking. Notons que Harald (le viking) et Harold (le saxon) étaient tous deux très grands, dignes
descendants des lignées scandinaves.
Deux semaines plus tard seulement, un 3ème larron va brillamment tirer son épingle du
jeu. Harold d’Angleterre, dont les forces sont déjà épuisées après sa victoire contre
Harald, est battu et tué à son tour à la fameuse bataille de Hastings (cf la tapis-
serie déroulante de Bayeux) par Guillaume le Conquérant le Normand (3) (bâtard,
très probable descendant de Rollon le viking, peut-être danois après les invasions
du siècle précédent). Il prend sa place sur le trône anglais le 25 décembre à West-
minster. Par rapport à ses récents adversaires, il ne mesurait « que 1,80m » mais
fut longtemps robuste.
Harold II est le dernier roi saxon d’Angleterre.
Etrange carrefour de l’histoire,
dont le trône d’Angleterre était
l’enjeu.
Ceci met fin en tout cas aux ten-
tatives d'union anglo-scandinave.
1
3
2
63
Avant la conversion des Vikings au
christianisme, existait tout un pan-
théon de dieux et déesses, qui consti-
tue des croyances, sans construction
d’une foi véritable, ni prêtre, ni
temple, ni dogme. Ces croyances font
des Vikings des peuplades qui ne
croient pas au fatalisme, et ne voient
qu’un moyen de modifier leur destin :
leur propre action. Quand un chef
viking a un enfant
mâle, d’après Ibn
Rustah il dit, je-
tant son épée au
sol : « Je ne te lèguerai aucun bien : tu n’auras que ce que tu peux te procurer avec cette arme. »
Odin (ou Wotan) , vieux et sage, borgne à la longue barbe grise est le chef des
dieux et vit dans le Walhalla. Thor l’un de ses fils est le dieu des guerriers, Frigg
la déesse de la fertilité du sol et du bétail est la femme d’Odin,
Les dieux ont de dangereux adversaires les jotuns, (ou géants) qui représen-
tent la face obscure de la vie (cf les trolls archaïques). Loki, l’un de leurs fils est
un sorcier fourbe en qui les autres dieux n'ont pas confiance
Cette mythologie est assez comparable à celle des dieux grecs et romains de l’an-
tiquité.
Elle est reprise largement dans les œuvres de Wagner.
Déjà en contact commercial encore pacifique dès le 7ème siècle avec le
monde chrétien, ils s’y opposent d’abord au 8ème siècle en réaction au
sanglant prosélytisme de Charlemagne.
Mais à mesure qu’ils envahissent les pays chrétiens, ils commencent au
9ème siècle à voir dans cette religion une opportunité de consolidation de
leur pouvoir et d’unification des clans.
En Norvège, ce sont surtout des missionnaires anglo-saxons qui engagent
une action de conversion. Cette politique porte ses fruits sur la côte,
moins à l'intérieur des terres où la population reste païenne plus long-
temps. Mais au total, l'adoption du christianisme semble s'être faite rapi-
dement malgré certaine résistances sanglantes déjà évoqué es.
C’est de cette période que commence la construction d’un millier d’églises
dites « en bois debout », dont 28 existent encore aujourd’hui.
Christianis
ation
64
De 1100 jusqu’en 1320, la Norvège :
- voit s’affronter les descendants de Sigurd 1er,
- puis sous l’influence croissante de l’église, sacre son
premier roi, Magnus V en 1164, à Bergen,. La ville est
confirmée alors dans son statut de capitale du
royaume de Norvège. Puis Magnus V est à son tour
contesté .
- est ensuite administrée par
Sverre Sigurdsson, habile homme
d’état qui est sacré roi en 1194 à
Bergen,. Il établit une monarchie puissante, combattant les grandes familles et
la puissance de l’église, réorganisant l’administration locale dans le sens du ren-
forcement du pouvoir royal. La tête un peu gargouille de Sverre exprime une
volonté à toute épreuve.
- atteint son apogée écono-
mique, culturelle et politique
au Moyen Âge sous le règne
de Haakon IV dit l’Ancien (1217 à 1263) qui, se
dégageant de ses relations anciennes avec la Scan-
dinavie, la Russie et les îles britanniques, se tourne
vers l’Europe occidentale,
Sa réputation et sa grande flotte lui permettent
d’entretenir de bonnes relations tant avec le Pape
qu’avec le Saint Empire Romain malgré leurs con-
flits en cours. Il lui est même proposé par St Louis
de prendre la tête de la flotte pour l’une des croi-
sades, ce qu’il décline.
Il introduit plus avant la culture européenne en
Norvège en important et traduisant de grands
textes comme Tristan et Iseult ou la légende du
Roi Arthur.
Le territoire norvégien sera le plus important de l’histoire du pays à la fin de son
règne, incluant l’Islande et le Groenland.
- affaiblit son aristocratie terrienne avec Hakon V et devient une nation de pro-
priétaires paysans nombreux. C’est ce roi qui, vers 1300, fait d’Oslo sa résidence
permanente au détriment de Bergen, moins centrale dans la volonté d’unification.
La Norvège au Moyen
Âge, court âg
e d’or
65
Après la fondation
de Lübeck (vers 1158), se
crée la « Communauté des
marchands allemands sai-
sonniers de Go-
tland » (1161). Ses mar-
chands et ceux de Ham-
bourg obtiennent du roi
Henri III d’Angleterre en
1266-67 le droit de consti-
tuer des associations.
Celles-ci fusionnent avec la
Hanse de Cologne (1281)
pour former la Hanse teu-
tonique.
La Hanse est donc cette
puissante association de
cités marchandes de la
Baltique et de la mer du
Nord.
Celle-ci devient progressivement une association de villes marchandes, constituée vers 1350 et do-
tée d'une diète en 1356. Elle regroupe 70 à 80 villes qui en sont le noyau actif et plus d'une centaine
qui entretiennent des relations avec elles.
Sa croissance a lieu dans un
monde où colonisation et évan-
gélisation vont de pair, avec la
montée des Chevaliers Teuto-
niques. Cet ordre issu de la
période des Croisades finit en
1400 par posséder la Prusse et
d’autres contrées le long de la
Baltique, avant de décliner en-
suite sous l’emprise du luxe, de
la débauche, de la débâcle fi-
nancière
Le déclin de La Hanse s'accé-
lère après la défaite contre les
Danois (1534-1535). Elle survit
à la guerre de Trente Ans, mais sa dernière diète se tient en 1669. Elle aura duré presque 400 ans.
La Hanse et le
déclin
66
Bergen (et son fameux quai Bryggen) est l’un des 4
comptoirs permanents de la Hanse (avec Londres,
Bruges et Novgorod). A ce titre, Bergen prend un
essor remarquable dans la période 1347 à 1563 sans
faire pour autant partie des villes hanséatiques.
Ici une représentation en 1581 et une autre en 1816.
En 1349, la terrible peste noire introduite par un bateau anglais, et d’autres épidémies déci-
ment le tiers de la population.
Pour la Norvège, la conjonction des conséquences économique (avec les pertes liées au commerce
désormais détourné par la Hanse), sociales (avec les épidémies), climatiques (un refroidissement
de la région) et agricoles (les terres s’appauvrissent) fait entrer le pays dans une période de fa-
mines et de récession.
Après plusieurs rois successifs, la
couronne de Norvège échoit de fait
vers 1380 à Marguerite Ire Valde-
marsdatter, fille du roi du Danemark.
Maîtresse femme, elle devient, à la
mort de son fils l’héritier Olaf, souve-
raine de Norvège et du Danemark,
puis de Suède en 1389.
Elle fait ensuite élire son petit-neveu
Eric de Poméranie (très toutou de sa
grand-tante, même
s’il n’avait rien d’un
loulou) pour facili-
ter une alliance
avec les Allemands.
67
La réunion des trois pays Norvège, Danemark, Suède est scellée par l’Union de Kalmar en 1397 : les
trois pays s'accordent pour avoir toujours le même roi, ainsi qu'un organe consultatif commun, chaque
pays conservant son propre système législatif.
Mais l'Union fonctionne mal notamment du fait de la Suède. Elle est formellement dissoute par le
départ de la Suède en 1523 sous l’impulsion de Gustave Vasa.
Puis la Norvège devient danoise
Dès 1536, Christian III, le pas commode roi du Danemark déclare unilatérale-
ment que la Norvège est province danoise, ce que n’entérine pas le Conseil royal
danois.
Mais il passe outre, dissout le Conseil royal norvégien, et la Norvège passe sous
administration danoise qui occupe les fonctions principales du pays. Déjà bien
affaiblie, la Norvège ne résiste pas.
Plus luthérien que Luther : dans la foulée, avec l’aide du duché allemand d’Holstein
(qui n’est pas encore le nom d’une race de vache hollandaise à gros pis), Christian
III introduit et impose brutalement contre les catholiques encore nombreux la
Réforme luthérienne dès 1537 ; Martin Luther lui-même blâme cette violence.
Il renfloue les caisses royales en sécularisant les biens ecclésiastiques, détournant la dîme au profit
des nobles danois implantés en Norvège, acceptant seulement de garder en place les prêtres locaux
s’ils se soumettent à ces nouvelles règles.
Néanmoins au 16ème siècle, l’économie norvégienne se redresse, notamment avec la pêche (celle du
hareng spécialement qui s’exporte vers l’Italie, le Portugal) et surtout le bois exporté vers l’Europe
occidentale fortement demandeuse, et dont la production recourt à de nouvelles techniques de sciage.
Cet essor concerne aussi l’extraction du cuivre, de l'argent et surtout du fer. Le commerce internatio-
nal se développe dans la seconde moitié du siècle.
Vers 1600, un conflit dano-suédois concernant les frontières mal définies du pays finnois tourne en
1613 à l’avantage des danois, et le Finnmark devient possession norvégienne.
Au 17ème siècle, les villes norvégiennes croissent lentement même si vers 1650 la plus peuplée des villes
norvégiennes, Bergen, ne compte que 8 000 habitants.
Quelques villes nouvelles sont créées, essentiellement autour d'une activité
économique.
Oslo, incendiée en 1624, répond à une autre logique : elle est rebâtie un peu à
l’ouest. En hommage à son reconstructeur Christian IV du Danemark, elle est
baptisée Christiana, ce nom qu’elle portera pendant 3 siècles jusqu’en 1924.
L’Union de Kalmar
Norvège danois
e
68
La rivalité dano-suédoise persiste, la frontière entre Suède et Norvège évolue ; la Suède finit même
en 1658 par accéder à la mer de Norvège en prenant possession de la province de Trondheim, cou-
pant la Norvège en deux. Affaiblie par la Russie, elle la restitue sous la pression danoise en 1660. De
cette époque date la frontière actuelle entre Norvège et Suède
Le roi Frédéric III du Danemark impose la monarchie absolue en
1660, avec une organisation administrative qu’il applique radicale-
ment à la Norvège.
Le nouveau code des lois
issu largement du droit
danois introduit en 1687
par son successeur Chris-
tian V (voilà un roi qui a
voulu s’inspirer du viking
Harald aux beaux che-
veux, mais dont ni le brus-
hing ni la couleur ne sont
à la hauteur) et le con-
trôle administratf danois
finissent par susciter un
mouvement de révolte chez les Norvégiens.
Au 18ème siècle, le commerce du bois reste florissant mais
certaines forêts commencent à s'épuiser. La Norvège
développe la pelleterie et l'armement. Son urbanisation
reste faible. Bergen n’atteint que 14 000 habitants envi-
ron en 1770, alors qu'Oslo reste à moins de 10 000.
Le courant patriotique norvégien se développe à partir de 1760 par la création d’organismes culturels
propres (Académie des Sciences, université), et plus encore au plan économique : conscient du re-
dressement norvégien, certains veulent introduire des investissements capitalistes, créer une
banque centrale.
Les maîtres des forges nourrissent l’idée d’une séparation d’avec le Danemark et d’un rapprochement
avec la Suède.
A la Révolution française, le Danemark est neutre mais se rapproche en 1807 de la France et Napo-
léon. A l’inverse, la Suède s’engage en 1805 contre la France (voir l’épisode Bernadotte) avec l’arrière
-pensée de s’approprier la Norvège en cas de victoire.
Mais la Norvège subit durement le blocus continental de Napoléon et de ce fait diverge du Danemark
en se rapprochant de la Suède.
Norvège danois
e
(1536 à 1814
)
69
A la fin des guerres napoléoniennes, Carl Johann de Suède, Bernadotte, s’at-
taque en janvier 1814 au Danemark et obtient par le traité de Kiel que la Nor-
vège soit transférée du Danemark à la Suède (excepté le Groenland, l’Islande
et les îles Feroé).
En réaction, le gouverneur général danois de Norvège proclame l’indépendance
de la Norvège en avril et fait adopter en mai une Constitution inspirée de la
Constitution française de 1791.
Carl Johann engage alors des actions militaires victorieuses contre les danois,
qui se ponctuent le 14 août par la convention de Moss. Elle établit que les deux
royaumes Suède et Norvège sont unis sous le même souverain mais chacun con-
serve son indépendance et la Constitution de mai n’est pas remise en
cause.
Jusqu’en 1870, le législa- tif (le Storting) est dominé par les forces conservatrices. Puis
comme ailleurs en Eu- rope du Nord émergent le socialisme plutôt de nature travailliste et le
bipartisme du législatif. La gauche (Venstre) et la droite (Hoyre) veulent introduire une monar-
chie constitutionnelle. Après une crise et des élections dont la gauche sort gagnante, le roi
s’incline et accepte le nouveau régime parlementaire.
Le sentiment nationaliste norvégien fait aussi son chemin, même si la coha-
bitation entre les deux pays se passe sans heurt majeur.
Vers 1880, la Suède prend des mesures protectionnistes qui n’arrangent pas
le commerce maritime des norvégiens. Ces derniers adoptent alors en 1892
une résolution pour créer des consulats norvégiens en propre, ce que la
Suède refuse.
La crise dure jusqu’en 1905, où la Norvège
récuse en juin le roi de Suède Oscar II.
Enfin là, la Norvège devient indépendante.
Une commission finit par proposer le 13
août 1905 que l’Union soit dissoute à la
con- dition que les norvégiens approuvent
cette décision par référendum : 368208
pour et 184 contre.
Après un difficile travail sur les modalités de sépara-
tion, l’Union est officielle- ment dissoute le 26 octobre.
Cependant, c’est la date de la 1ère Constitution norvégienne du 17 mai 1814 qui est
la fête nationale.
Norvège suédo
ise
(1814 à 1905
)
70
Toujours en manque… de danois cette fois, mais pour asseoir la légitimité de la
monarchie constitutionnelle.
Le monarque pressenti pour prendre le trône de la Norvège est en effet le
prince Charles de Danemark.
Fridtjof Nansen ardent promoteur de l’indépendance en 1905
parvient à le convaincre d’accepter le trône norvégien. Il ac-
quiesce à la condition qu’un nouveau référendum confirme le
maintien de la monarchie parlementaire. Principe adopté par
79% des voix le 13 novembre 1905. Le nouveau roi est proclamé
le 18 novembre sous le nom de Haakon VII.
A cette époque, la Norvège a beaucoup perdu sur le plan écono-
mique dont le niveau très bas se rapproche de celui des pays d’Europe de l’Est. Une
bonne partie de la population a émigré aux Etats-Unis et en Irlande. Le pays manque
d’élites.
Dans sa nouvelle vie d’indépendance, le vote est totalement ouvert aux femmes en 1913, une politique
sociale avancée est promue dans les années 1915 à 20.
Neutre et plutôt isolationniste pendant la Grande Guerre, la Norvège souffre cependant de la perte
de la moitié de sa flotte marchande, et instaure le rationnement alors que l’inflation est forte.
Dans l’entre-deux-guerres, le parti travailliste continue à déployer ses réformes (congés payés, as-
surance chômage, retraites pour tous en 1936,…), mais doit combattre l’inflation et le chômage qui
reste élevé.
Au cours de la même période, la Norvège apporta un soutien actif à la mise en place d’organisations
consacrées à la sécurité collective, par exemple la Société des Nations (SDN) en
1920.
Par son engagement personnel, le même Fridtjof Nansen contribue à établir une
tradition norvégienne d’aide humanitaire et d’assistance au niveau international. Il
en est récompensé par l’attribution en 1922 du prix Nobel de la Paix pour son rôle
en faveur des victimes déplacées lors de la 1ère Guerre mondiale. L’Office interna-
tional Jansen pour les Réfugiés, créé par la SDN juste avant sa mort subite en
1930 reçoit à son tour le Prix Nobel de la Paix en 1938.
Beau retour de l’histoire qui récompense, dans une période tourmentée de l’histoire
du monde, un norvégien exceptionnel, avec le seul Prix Nobel qui soit attribué en
Norvège, celui de la Paix.
Premiers pas
indépendants
71
Un parti nationaliste lié au parti nazi allemand est créé en 1933.
Pendant la 2nde Guerre mondiale, la
Norvège dont la situation en Europe du
Nord est stratégique (façade océa-
nique accessible hiver comme été et
façade arctique), a du mal à maintenir
sa neutralité et refuse le passage à
tous belligérants de quelque bord qu’ils
soient. Qu’à cela ne tienne, les Alle-
mands envahissent le pays en avril
1940, où les alliés franco-britanniques
viennent les combattre. Mais c’est
l’échec, ces derniers se retirent en juin
et la Norvège capitule.
Le roi et le gouvernement en exil à Londres participent aux actions des alliés, notamment avec
plus de 100 navires de la marine norvégienne et la mise à disposition d’une partie de l’énorme
flotte marchande.
A partir de 1942, un gouvernement norvégien pro-nazi gouverne, suscitant une résistance de la
part des anti-nazis. Après la défaite allemande en 1945, ses membres sont condamnés à mort ; la
peine capitale est rétablie pour cette occasion.
En 1946, dans la ligne de recherche des solutions internationales paci-
fiques, l’ONU nomme son 1er secrétaire général, et il est norvégien,
Trygve Lie (ça n’a pourtant pas l’air d’être sa tasse de thé).
Sortie exsangue de la guerre, grâce malgré tout à ses ressources (la
pêche, la production hydraulique, puis le pétrole à partir de 1960) elle se
redresse rapidement.
Pendant à peu près 20 ans, le parti travailliste gouverne cette démocratie
sociale, consolide la notion d’Etat providence, renforce l’égalité entre ci-
toyens et la parité homme femme, redistribue adroitement les ressources,
crée les allocations familiales en 1946, adhère enfin à l’OTAN du fait de la
montée d’une menace soviétique proche de ses frontières.
Avec l’introduction de zones économiques exclusives de 200 milles marins
dans les années 1970, la Norvège, pays maritime, dispose de zones mari-
times d’une superficie totale de deux millions de km2, soit cinq fois plus que la superficie de la
Norvège continentale !
Et par la même occasion s’assure du contrôle des considérables ressources de pétrole et de
gaz découvertes à partir de 1960, qui vont bouleverser son économie et sa situation dans le
monde.
Après deux refus en 1972 et 1994 d’entrer dans l’UE, les débats continuent ardemment et divi-
sent les deux camps (à peu près à moitié), même si la Norvège appartient à l’espace économique
européen comme l’Islande et à l’espace Schengen depuis 2001.
D’un clivage entre ouverture vers l’extérieur et isolationnisme, la Norvège est passée à une oppo-
sition entre les considérations de sécurité du pays à forte connotation politique et son rôle huma-
nitaire dans le monde, très empreint d’idéalisme que ses nouvelles grandes richesses rendent réa-
lisables.
Cette social démocratie reste quoi qu’il en soit plus transparente et ouverte qu’en Europe de
l’ouest et du sud.
72
Fridtjof Nansen Né en 1861, dès 26 ans, il est animé d’une passion
pour l’exploration, et commence par tenter de
franchir la calotte glaciaire du Groenland en
1888.
L’opération, un
succès, lui per-
met de dégager
une hypothèse
des grands cou-
rants marins arc-
tiques qui se déplaceraient depuis la Sibérie en passant
par le pôle nord vers le Groenland.
Il entreprend de la vérifier avec un bateau de bois le
« Fram » (qui signifie « en avant !» en norvégien), goé-
lette à 3 mâts construite en chêne, d’une épaisseur de
70 à 80
cm, conçue
avec soin
pour résis-
ter aux pressions des glaces et se dégager vers la sur-
face de celles-ci,
comme un noyau
de cerise pressé
entre deux
doigts. Sur ce
bateau, il envi-
sage de se lais-
ser prendre par
les glaces et de
vérifier la dé-
rive. Parti en juin 1893, en août 1897, le Fram revient après
avoir confirmé l’hypothèse.
Outre son rôle humanitaire pour lequel il reçoit le prix Nobel
de la Paix, Nansen se consacre ensuite à l’océanographie avec
la même passion, développant des techniques propres aux pays
glaciaires.
Fameux explorateurs
des pôles
73
Roald Amundsen
Né en 1872 et donc contemporain de Nansen, il commence ses explorations
en confirmant le passage arctique du nord-ouest entre Europe, Asie et conti-
nent nord américain à travers les glaces.
Aucun bateau ne l’avait encore franchi sur
toute sa longueur (son bateau est ce voilier
équipé d’un moteur de 13 CV!!!), dans une
expédition qui dure de 1903 à 1906. Il loca-
lise pour l’occasion le pôle nord magnétique
et ramène des données ethnographiques sur
les esquimaux et les inuits.
Le Pôle nord ayant été atteint par d’autres
en 1909, frustré mais combatif, il
réoriente ses explorations.
Dans une vive compétition avec les
américains, il se lance à la conquête du Pôle sud, avec le
Fram que Nansen met à sa disposition. Il atteint pour la
1ère fois de l’humanité ce Pôle le 14 décembre 1911. Il
avait gardé secrète sa destination y compris à son équi-
page qui croyait aller dans une nouvelle expédition vers
l’arc-
tique
et le
détroit de Bering. jusqu’à ce qu’il la leur dévoile
en juin 1910.
En 1926, il survole avec le dirigeable
« Norge » le Pôle nord, partant de-
puis la Norvège jusqu’à l’Alaska.
Mais il disparaît en 1928 dans une
expédition portant secours à une
autre exploration en ballon au-dessus
du Pôle nord avec un dirigeable appelé
Italia (organisée par son ami Nobile
qui avait participé avec lui à l’expédi-
tion précédente).
74
1– Données de base
La population de la Norvège est de 5 millions d’habitants (2012), 13
fois moins élevée que celle de la France (presque 66 millions d’habi-
tants en 2013). Sa surface est de 324 800 km², 40% plus petite
que celle de la France métropolitaine (551 700 km²).
La Norvège est donc peu peuplée, avec une densité moyenne de 16
hab/km², presque 8 fois moins que pour la France métropolitaine
(120 hab/km²). Mais la disparité est forte puisque la population est
urbaine à plus de 80%. Dans le reste du territoire, on rencontrera
donc difficilement plus de 3 habitants par km², et beaucoup plus de
rennes au nord.
2– Ressources hydroélectriques
L'hydro-électricité est la source principale d’énergie. La part d’électricité issue de l’hydraulique at-
teint 95% en 2011 (presque 100% quelques années avant), le plus élevé au monde, juste avant le Bré-
sil.
En France, c’est 9% environ (contre 77% au nucléaire).
Comparativement, la Norvège produit 130 000 GWh (G=milliard), la France 67 000 GWh.
La topographie et l'hydrographie concentrent les pluies à l'Ouest : le débit des rivières et des chutes
d'eau est très abondant. La Norvège tire parti des multitudes de lacs naturels de montagne et édifie
dans ces zones peu peuplées des digues et réservoirs où l’eau de printemps et d’été est stockée. pour
être utilisée au cours de l'hiver suivant.
3– Ressources en hydrocarbures
Les autres considérables ressources sont le pétrole et le gaz extraits du plateau continental norvé-
gien. En mai 1963, après avoir affirmé très opportunément ses droits souverains sur toutes les res-
sources de son secteur de la mer du Nord, la Norvège lance des prospections. Commencées le 19 juil-
let 1966, elles révèlent fin 1969 d'importantes réserves.
Fin 2012, le NPD (Norwegian Petroleum Directorate, ou Conseil d’Administration du Pétrole Norvégien,
qui en est là remercié), estime à 13,6 milliards de m3 (Gm3) d’équivalents pétrole le volume total
des gisements pétroliers norvégiens récupérables,
Comparativement et pour fixer les idées, celui de l’Arabie Saoudite serait plus de 3 fois supérieur (41
Gm3 ??). Ces chiffres croissent du fait des découvertes récentes en Mer de Barents et aux fron-
tières arctiques avec la Russie. Dans les négociations russo-norvégiennes, la haute technicité norvé-
gienne concernant les plateformes d’extraction arctiques est un élément majeur.
Le potentiel des ressources nouvelles serait d’environ 3 Gm3 (source NPD).
La majeure partie est exportée à hauteur d’au moins 90%.
Richesses
et ressources
75
Ci-contre (source
NPD) l’évolution des
ventes de produits
pétroliers (en millions
de m3 équivalents-
pétrole).
En vert, le pétrole, en
rouge le gaz.
La Norvège en 2012
occupe le 7ème rang
des exportateurs et le
14ème rang des pro-
ducteurs mondiaux de
pétrole. Pour le gaz,
elle était en 2010 le
3ème exportateur et
le 8ème producteur.
Dans ce pays au rude climat où les longs hivers se drapent d’obscurité glacée, on vit beaucoup entre
soi ; isolation clanique sous domination matriarcale, où la solidarité luthérienne est un maître mot.
Elle se décline aussi le vendredi soir dans une solide fraternité de vapeur de bière qui échappe au
monopole d’état (moins de 4,75° d’alcool) de la vente d’alcool.
Cette culture et l’esprit social-démocrate expliquent que les dividendes de la manne pétrolière et
gazière n’aient pas, comme dans d’autres grands pays producteurs, été accaparés par une ploutocra-
tie vorace et exclusive. Plus, avec une volonté écologique et gestionnaire intéressantes, le gouverne-
ment taxe les carburant plus qu’en France (plus de 2€/l pour le super).
Pour cela, l’Etat conserve 70% du capital de la compagnie pétrolière nationale Statoil, qui est aussi la
plus grosse entreprise norvégienne. La balance commerciale est devenue depuis les années 1980 lar-
gement bénéficiaire.
Personne n’ignore en Norvège, que ces ressources, même encore potentiellement considérables, sont
limitées, qu’elles s’épuiseront un jour, avec des impacts significatifs pour dans 20 ans.
Aussi, avec une sage gestion, l’Etat développe un usage raisonné, prudent mais volontariste et socia-
lement évolué des fonds souverains issus de cette manne exportatrice.
Toute la population en profite donc. La croissance économique du pays depuis le milieu du siècle der-
nier (vers les années 1960) est spectaculaire, tout comme celle des fonds souverains depuis leur
création en 1990 (ici en couronnes norvégiennes, la NOK).
Le PIB/habitant de la Norvège est le 2ème ou 3ème au monde (selon les définitions, FMI, PIB PPA,
…), celui de la France est moitié
moindre.
L’Indice de Développement Humain
(IDH basé sur l’espérance de vie à la
naissance, le niveau de vie et le niveau
d’éducation) donne le 1er rang mondial
à la Norvège et le 20ème à la France en
2012.
76
Les fonds souverains sont propriété d’un Etat, et financés par des excédents de l’activité écono-
mique du pays (ici l’exportation des hydrocarbures). L’objectif est de les faire fructifier pour en
recueillir les bénéfices dans un futur plus ou moins lointain.
Ce ne sont ni des fonds de pension publics, ni des réserves de liquidités.
La Norvège détient deux fonds souverains (souvent appelés « fonds pétroliers »), l’un destiné à
subvenir aux besoins de financement sociaux futurs, l’autre à développer l’activité économique.
Les fonds souverains norvégiens s’élèvent mi-2013 à environ 570 milliard € (G€). Ils sont les pre-miers du monde, avant même la Chine (3ème rang), les Emirats Arabes (2ème rang) et l’Arabie
Saoudite (4ème rang). Chaque norvégien est donc potentiellement riche de 114 000€.
Pour fixer les idées, en 2008 le fonds souverain français (appelé Fonds
Stratégique d’Investissement) est de 20 G€, et se réduit en 2013 à 12
ou 14 G€ avec la Banque Publique d’Investissement (BPI)!! Soit à peine la
moitié des seuls intérêts produits en un an par
les fonds souverains norvégiens…
De quoi rester pensif, un peu comme les bœufs
ruminant la perte de leurs attributs.
La France est le 3ème pays utilisateur des fonds
norvégiens, qui sont le 1er investisseur étranger
sur le marché français, notamment dans les en-
treprises du CAC 40 (voir le tableau ci-dessous
en millions d’euros).
Fonds sou
verains
norvégiens
77
Le gouvernement norvégien veut être exemplaire dans le gestion de ces fonds en conciliant prudem-
ment :
- la recherche d’un peu de rendement (au moins pour compenser l’inflation) ; « se procurer des pro-fits solides est important pour anticiper l’avenir, mais pas à n’importe quel prix ».
- le respect des pays, des entreprises auxquels les fonds prêtent ou dans lesquels les fonds investis-
sent : les participations restent minoritaires, "grâce à une diversification des investissements et des risques à travers plusieurs marchés...développés", - l’éthique : dès 2005, les entreprises par exemple liées à la production ou à la vente d'armes,
de tabac ou faisant travailler les enfants étaient exclues de tout investissement.
Aussi, pourquoi partager plus
une telle richesse, tant qu’elle
continue à servir directement
les intérêts du pays ? La Nor-
vège a décliné par 2 fois déjà
son intégration à l’UE.
Rêvons un peu : cette res-
source eût-elle été française
et non norvégienne, serions-
nous dans l’Europe? Et com-
ment se serait alors comporté
le village gaulois?
Et puis lâchons-nous façon Bacri en évacuant notre bile devant ce confort de nan-
tis :
- ouais d’accord, on peut être verts de jalousie avec les salaires tous secteurs
confondus qui sont de 60% supérieurs à ceux de la moyenne européenne, alors que c’est ici
qu’on glande le plus en Europe, en tout cas après les hollandais et les allemands.
- mais la productivité dans tout ça? Hé bien elle n’a cessé de baisser entre 2006 et 2012,
ha! ha!
- alors ils deviennent quoi les coûts de production? Ils augmentent, et sont répercutés sur les prix
de vente.
Et… qui c’est qui perd des parts de marchés??? Non mais….
En tout cas, les politiques s’emparent du sujet et se préoccupent de ce glissement progressif qui les
obligent à scruter l’horizon lointain plutôt que les lendemains immédiats d’abondance.
Puissance de
l’économie
78
Secteurs économiques
L'industrie compte pour plus de 40% du PIB, dont environ 25% concerne l’activité pétrolière.
Avec ses grands groupes, la Norvège développe la chimie, les raffineries, les constructions navales
et la métallurgie. Ces industries se maintiennent, malgré les crises parmi les premières du monde en
ce qui concerne l'innovation, la qualité et le développement des investissements à l'étranger. Les
machines pour champs de pétrole et de gaz naturel, la transformation alimentaire, l'industrie ma-
rine, l'ingénierie des métaux et mécanique, la pulpe et le papier (exploitation des forêts avec 20 000
personnes), sont d’autres formes importantes de l'industrie.
Parmi les leaders mondiaux dans la construction navale, la Norvège possède l'une des flottes les plus
grandes et les plus modernes du monde. Les entreprises norvégiennes ont une part de marché de
25% dans la production de bateaux de croisière et de 20% dans la production de navires-citernes
pour les gaz de pétrole liquéfiés et les produits chimiques. Mais la concurrence de la Corée du Sud
est féroce
L'agriculture reste limitée et contribue pour plus de
1,5% au PIB. Les subventions gouvernementales pour
l'agriculture sont très importantes.
Le secteur des services emploie plus des 3/4 de la
population et représente près de 60% du PIB.
Bien que très dépendante du prix du pétrole, l'écono-
mie norvégienne reste solide et ses perspectives sont
positives. Le principal défi de court terme est de
maintenir la croissance dans un environnement inter-
national instable, tout en réduisant les vulnérabilités
intérieures que sont la pression fiscale, le haut niveau
d'endettement des ménages et le prix élevé de l'im-
mobilier. Le programme du gouvernement met l'ac-
cent sur le soutien à l'emploi, l'environnement, et la réforme du système éducatif et de santé.
Equilibres commerciaux
La Norvège possède une économie très ouverte. Principalement le pays exporte des produits à forte
valeur énergétique et importe des produits à valeur technologique élevée.
Ses principaux partenaires commerciaux sont les pays
de l'Union Européenne. La Norvège se classe parmi les
30 plus grands exportateurs mondiaux.
En 2010, A côté du pétrole (73%), les produits indus-
triels (bateaux, plateformes pétrolières, etc.) consti-
tuent près de 19% des exportations totales. Avec la
pêche, la Norvège est l'un des plus gros exportateurs
de poisson au monde (harengs, saumon, morue,…). Elle
importe principalement des marchandises manufactu-
rées (machinerie, transporteurs, technologies de
l'information), qui comptent pour 76% du total des
importations.
79
La Norvège est le berceau de quelques grands artistes, écrivains, dont la période de gloire a couvert
principalement la 2nde partie du 19ème siècle et la 1ère moitié du 20ème.
Pour les citer en vrac, ce sont :
- Grieg (1843—1907), compositeur romantique né et mort à Bergen, auteur de « Peer
Gynt », illustration du drame du même nom de son ami Ibsen et d’un fameux concer-
to pour piano;
- dans le domaine de la peinture Munch (1863—1944, prononcer « mounk ») le très
tourmenté qui passe du réalisme à l’expressionnisme puissant, dont « Le
Cri » est mondialement connu. Il y avait il est vrai de quoi le pousser :
dans son environnement familial, ses proches meurent comme des
mouches, la Grande Guerre se prépare. Ses séjours artistiques en
France où l’on entre dans la période post-impressionniste le révèlent notamment à lui-
même.
- Ibsen (1828—1906), dramaturge nourri dit-on des sagas, et dont le suc-
cès tardif avec « Peer Gynt » puis « La maison de poupée » et son
théâtre très apprécié parmi les auteurs nord-
européens. Son imposante statue en pied trône devant le théâtre
d’Oslo.
- mais aussi d’autres auteurs comme Jostein Gaarder celui du
très fameux « Le Monde de Sophie »...
La notoriété de Vigeland le sculpteur peine cependant à dépasser
les frontières mais mérite un détour.
Bien sûr, cette liste est loin incomplète et ne prétend pas du tout cou-
vrir la palette complète des talents norvégiens anciens et ac- tuels. Elle
exclut par exemple le design, ou l’architecture ; pour celle-ci, on peut citer
le cabinet Snohetta créateur de l’opéra d’Oslo et de la nouvelle biblio-
thèque d’Alexandrie en 2002. Cette trop courte liste se limite au périmètre visité, qui réduit le
champ et élude un certains nombres de chefs-d’œuvre et de très estimables personnalités.
Mais, ce serait faire injure que de ne pas rendre hommage au personnage le plus univer-
sel , même s’il n’est pas vraiment norvégien, que même les enfants chinois leur envient :
j’ai nommé cet icône des années 50,… celle qu’on appelle chez nous « Fifi Brindacier »,
et qui est une création originelle suédoise. Un spectacle est re-re-re-re-re-joué à Oslo
quand on y passe. On l’appelle ici « Pippi Langstrompe » (longue chaussette). La Scandinavie
dans son ensemble n’en sera jamais assez remerciée.
L’âme norvégienne